Vigouroux DB I
Vigouroux DB I
Vigouroux DB I
DE LA BIBLE
TOME PREMIER
PREMIERE PARTIE
A ARMONI
ENCYCLOPEDIE
DBS
SCIENCES ECCLESIASTIQUES
H E D I G E E PAR
1 DICTIONNAIRE DE LA BIBLE
Public par F. VIGOUROUX, prdtre do Saint-Sulpice
Ancien professeur a 1'Institut catholique de Paris, Secretaire de la Commitsion biblique.
PUBLIE PAR
F. VIGOUROTJX
/PRETRE DE SAINT-SULPICE
DEUX1EME TIRAGE
TOME PREMIER
PREMIERE PARTIE
AARMONI
PARIS
LETOUZEY ET ANE, EDITEURS
76 bis , RUE DBS SAINTS-PERES, 76bis
1912
HOC OPVS
IN QVO S V B S I D I I S D I S C I P L I X A R V M O M X I V M
VOLVMEX DIVINVM VIXDICATVR ILLVSTRATVR
FVECRAXVS VIGOVROVX PRESB SVLPICIAXVS
CVM S O C I I S
DEDICAT
PATRONO OPTIMO S A P I E X T I S S I M O
SANGTISSIMI DOMINI NOSTRI LEONIS DIVINA PROVIDENTIA PAP^E XIII
LITTERS ENCYCLICS
DE STUDIIS SCRIPTURE
VENERABILIBUS FRATRIBUS
PATRIARCHIS, PRIMATJBUS, ARCHIEPISCOPIS ET EPISCOPIS UNIVERSIS CATHOLICI ORBIS
GRATIAM ET COMMUNIONEM CUM APOSTOLICA SEDE HABENTIBUS
LEO PP. X I I I
VENERABILES FRATRES
SALUTEM ET APOSTOLICAM BENEDICTIONEM
LETTRE ENCYCLIQUE
DE NOTRE TRES SAINT PERE LEON XIII PAPE PAR LA DIVINE PROVIDENCE
Dieu, qui dans sa Providence a, par un admirable dessein d'amour, eleve des le commencement le genre
humain a la participation de la nature divine, et qui, le delivrant ensuite de la tache commune et 1'arra-
chant a sa perte, 1'a retabli dans sa premiere dignite, lui a donne a cette fin un precieux secours, en lui
(1) La premiere place, au frontispice de ce Dictionnaire, appartient de droit a ce document pontifical, qui
expose avec une pleine autorite et une parfaite clarte la doctrine de 1'Eglise sur les Saintes Ecritures. II doit etre
la regie de tous; il sera toujours notre guide. F. V.
VIII
decouvrant, par une voie surnaturelle, les secrets de sa divinite, de sa sagesse et de sa misericorde. Car,
bien que la divine revelation comprenne aussi des verites qui ne sont pas inaccessibles a la raison humaine
et qui ont etc revelees aux hommes, afin qu'elles pussent etre connues de tous facilement, en toute certi-
tude et sans aucun melange d'erreur, ce n'est pourtant pas de ce chef que la revelation doit etre dite
absolument necessaire, mais parce que Dieu} dans son infinie bonte, a destine I'homme a une fin
surnaturelle. Cette revelation surnaturelle, selon la foi de I'Eglise universelle, est contenue, soit dans
les traditions non ecrites, soit aussi dans les livres ecrits que Ton appelle saints et canoniques, parce
qu'ecrits sous I'inspiration de VEsprit-Saint, its ont Dieu pour auteur et ont ete transmis comme
tels a I'Eglise elle-meme.
Telle est la doctrine que 1'lSglise n'a cesse de tenir et de professer publiquement au sujet des livres des
deux Testaments; et c'est 1'enseignement bien connu de 1'antiquite chretienne que Dieu, ayant parle par
les prophetes d'abord, ensuite par lui-mSme, enfin par les apdtres, nous a donne aussi TEcriture qu'on.
appelle canonique, et que, dans cette Ecriture, il nous faut voir des oracles et des discours divins, une
lettre adressee par le Pere celeste et transmise par les auteurs sacres au genre humain voyageant loin de
la patrie.
Si telle est 1'excellence et la dignite des Ventures, qu'ayant pour auteur Dieu lui-m^me, elles contiennent
ses mysteres, ses desseins, ses oeuvres les plus augustes, il s'ensuit que la partie aussi de la theologie
sacree qui a pour objet la defense ou 1'interpretation des memes divins Livres, est d'une excellence et
d'une utilite souveraines.
Aussi, apres Nous 6tre applique, avec le secours de Dieu et non sans succes, a favoriser, par de nom-
breuses lettres et allocutions, le progres de diverses sciences qui nous paraissaient interesser da vantage la
gloire divine et le salut des hommes, voila deja longtemps que Nous songions a faire de cette noble etude
des Saintes Lettres 1'objet de Nos exhortations et de Nos encouragements, en lui dormant, en meme temps>
(1) Cone. Vat., sess. Ill, cap. ir, De revel. (2) Ibid. (3) S. Aug., De Civ. Dei, xi, 3. (4) S. Gem. Rom.,
I ad Cor., 45; S. Polycarp., Ad Phil., 7; S. Iren., Contra hxr., n, 28, 2. (5) S. Chrys., In Gen. horn, n, 2j.
S. Aug., In Ps. ixx, serm. n, 1; S. Greg. M., Ad Theod. ep. rv, 31.
' IX
atque etiam ad temporum necessitates congruentius dirigere jamdiu apud Nos cogi-
tamus. Movemur nempe ac prope impellimur sollicitudine Apostolic! muneris, non
modo ut hunc praclarum catholic* revelationis fontem tutius atque uberius ad utili-
tatem dominici gregis patere velimus, verum etiam ut eumdem ne patiamur ulla in
parte violari, ab iis qui in Scripturam sanctam, sive impio ausu invehuntur aperte,
sive nova qudam fallaciter imprudenterve moliuntur.
Non sumus equidem nescii, Venerabiles Fratres, baud paucos esse e catholicis,
viros ingenio doctrinisque abundantes, qui ferantur alacres ad divinorum Librorum
vel defensionem agendam vel cognitionem et intelligentiam parandam ampliorem. At
vero, qui eorum operam atque fructus merito collaudamus, facere tamen non possu-
mus quin ceteros etiam, quorum sollertia et doctrina et pietas optime hac in re polli-
centur, ad eamdem sancti propositi laudem vehementer hortemur. Optamus nimirum
et cupimus, ut plures patrocinium divinarum Litterarum rite suscipiant teneantque
constanter; utque illi potissime, quos divina gratia in sacrum ordinem vocavit, majo-
rem in dies diligentiam industriamque iisdem legendis, meditandis, explanandis, quod
aBquissimum est, impendant.
Hoc enimvero studium cur tantopere commendandum videatur, praBter ipsius pra?-
stantiam atque obsequium verbo Dei debitum, praecipua causa inest in multiplici uti-
litatum genere, quas inde novimus manaturas, sponsore certissimo Spiritu Sancto :
Omnis Scriptura divinitus impirata, utilis est ad docendum, ad arguendum, ad
corripiendum, ad erudiendum in justitia, ut perfectus sit homo Dei, ad omne opus
bonum instructus (1). Tali sane consilio Scripturas a Deo esse datas hominibus,
exempla ostendunt Christi Domini et Apostolorum. Ipse enim qui miraculis conci-
liavit auctoritatem, auctoritate meruit fidem, fide contraxit multitudinem (.2) , ad
une direction mieux appropriee aux necessites des temps. Nous sentons, en effet, la sollicitude de Notre
charge apostolique qui Nous engage, et en quelque sorte Nous pousse, non seulement a vouloir que
cette precieuse source de revelation catholique s'ouvre plus surement et plus largement pour 1'utilite du
troupeau du Seigneur, mais encore a ne pas souffrir qu'elle soit alteree en aucune de ses parties, soit par
ceux dont 1'audace impie s'attaque ouvertement a la Sainte Ecriture, soit par ceux qui introduisent dans son
etude des nouveautes erronees ou imprudentes.
Certes, nous n'ignorons pas, Venerables Freres, qu'il y a beaucoup de catholiques, eminents par 1'esprit
et le savoir, qui se consacrent avec ardeur, soit a defendre les Livres Saints, soit a en developper la
connaissance et 1'intelligence. Mais, tout en louant a bon droit leurs travaux et les resultats qu'ils obtiennent,
Nous ne pouvons pourtant Nous dispenser d'adresser a tous ceux aussi dont le talent, la doctrine et Ja piete
donneraient a cet egard de si belles esperances, 1'exhortation pressante de s'appliquer a une si glorieuse
tache. Oui, c'est Notre voeu et Notre desir, de voir s'augmenter le nombre de ceux qui entreprennent comme il
convient et soutiennent avec Constance la cause des Saintes Lettres; mais ce sont particulierement ceux que
la grace divine a appeles dans les ordres sacres que Nous voudrions voir apporter, comme il est bien naturel,
a la lecture, a la meditation et a 1'explication de ces Livres, un soin et un zele de jour en jour plus grands.
Ce qui rend cette etude digne a ce point de recommandation, c'est principalement, outre son excellence
et le respect du a la parole de Dieu, la multiplicity des avantages qui en decoulent et dont nous avons pour
gage assure le temoignage de PEsprit-Saint: Toute I'ficriture, divinement inspirte, est utile pour instruire,
pour convaincre, pour reprendre, pour fafonner a la justice, afin que Vhomme de Dieu soit par fait,
arme pour toute bonne ceuvre. C'est dans ce dessein que Dieu a donne aux hommes les Ecritures; les
exemples de Notre-Seigneur Jesus-Christ et des Apdtres le montrent. Celui-la mSine, en effet, qui, par
sacras Litteras, in divinae suae legationis munere, appellare consuevit: nam per occa-
sionem ex ipsis etiam sese a Deo missum Deumque declarat; ex ipsis argumenta petit
ad discipulos erudiendos, ad doctrinam confirmandam suam; earumdem testimonia
et a calumniis vindicat obtrectantium, et Sadducaeis ac Pharisaeis ad coarguendum
opponit, in ipsumque Satanam, impudentius sollicitantem, retorquet; easdemque sub
ipsum vita3 exitum usurpavit, explanavitque discipulis redivivus, usque dum ad Patris
gloriam ascendit.
Ejus autem voce praeceptisque Apostoli conformati, tametsi dabat ipse signa et
prodigia fieri per manus eorum (1), magnam tamen efficacitatem ex divinis traxerunt
Libris, ut christianam sapientiam late gentibus persuaderent, ut Judaeorum pervica-
ciam frangerent, ut haereses comprimerent erumpentes. Id apertum ex ipsorum con-
cionibus, in primis Beati Petri, quas, in argumentum firmissimum praescriptionis
novae, dictis Veteris Testamenti fere contexuerunt; idque ipsum patet ex Matthaei et
Joannis Evangeliis atque ex Catholicis, quae vocantur. epistolis; luculentissime vero
ex ejus testimonio qui <r ad pedes Gamalielis Legem Moysi et Prophetas se didicisse
gloriatur, ut armatus spiritualibus telis postea diceret confidenter : Arma militise
nostrse non carnalia sunt, sed potentia Deo (2) .
Per exempla igitur Christi Domini et Apostolorum omnes intelligant, tirones prae-
sertim militiae sacrae, quanti faciendae sint divinae Litterae, et quo ipsi studio, qua
religione ad idem veluti armamentarium accedere debeant. Nam catholicae veritatis
doctrinam qui habeant apud doctos vel indoctos tractandam, nulla uspiam de Deo,
summo et perfectissimo bono, deque operibus gloriam caritatemque ipsius proden-
tibus, suppetet eis vel cumulatior copia vel amplior praedicatio. De Servatore autem
humani generis nihil uberius expressiusve quam ea, quae in universe habentur Biblio-
ses miracles acquit 1'autorite, par 1'autorite merita la foi et par la foi gagna la multitude , avait coutume,
dans 1'exercice de sa mission divine, d'en appeler aux Saintes Ecritures : c'est par elles qu'il montre,
a 1'occasion, qu'il est envoye de Dieu et Dieu lui-meme; c'est a elles qu'il emprunte des arguments pour
instruire ses disciples et appuyer sa doctrine; c'est leur temoignage qu'il invoque contre les calomnies de
ses adversaires, qu'il oppose en reponse aux Sadduceens et aux Pharisiens, et qu'il retourne contre Satan
lui-me'me et contre 1'impudence de ses sollicitations; c'est encore a elles qu'il recourt a la fin de sa vie,
les expliquant a ses disciples apres sa resurrection, jusqu'au jour ou il monte dans la gloire de son Pere.
Les Ap6tres se sont conformes a la parole et aux preceptes du Maitre, et quoiqu'il leur eut donne le pou-
voir de faire des prodiges et des miracles par leurs mains, ils ont tire des Livres divins un puissant moyeri
d'action pour repandre au loin parmi les nations la sagesse chretienne, pour briser 1'obstination des Juifs,
et pour etouffer les heresies naissantes. C'est ce qui ressort de leurs discours et, en premiere ligne, de ceux
de saint Pierre, discours composes presque entierement des paroles de PAncien Testament comme etant
1'appui le plus ferme de la loi nouvelle; c'est ce qui ressort aussi des fivangiles de -saint Matthieu et de
saint Jean, et des Epitres appelees Catholiques, et plus evidemment encore du temoignage de celui qui
se glorifie d'avoir appris aux pieds de Gamaliel la loi de Moise et les prophetes, et de s'y dtre muni des
armes spirituelles qui lui donnaient ensuite la confiance de dire : Les armes de notre milice ne sont pas
des armes chamelles, mat's elles tiennent leur puissance de Dieu .
Par ces exemples de Notre-Seigneur Jesus-Christ et des Apdtres, que tous, mais surtout les jeunes soldats
de la milice sacree, comprennent bien quelle estime ils doivent avoir pour les Livres Saints, avec quel
amour et quelle religion ils doivent y recourir comme a un arsenal. Nulle part, en effet, ceux qui ont a
exposer, aux savants comme aux ignorants, la doctrine de la verite catholique, ne trouveront, sur Dieu,
le bien supreme et souverainement parfait, et sur les O3uvres qui nous revelent sa gloire et sa bonte, une
matiere plus riche et de plus amples enseignements. Quant au Sauveur du genre humain, quoi de plus
(1) Act., xiv, 3. (2) S. Hier., De studio Script., ad Pauhn. ep. Lin, a
ENGYCLIQUE PROVIDENTISSIMUS xi
rum contextu : recteque affirmavit Hieronymus, <r ignorationem Seripturarum esse
ignorationem Christ! (1) > : ab illis nimirum exstat, veluti viva et spirans, imago
ejus, ex qua levatio malorum, cohortatio virtutum, amoris divini invitatio mirifice
prorsus diffunditur. Ad Ecclesiam vero quod attinet, institutio, natura, munera, cha-
rismata ejus tarn crebra ibidem mentione occurrunt, tarn multa pro ea tamque firma
prompta sunt argumenta, idem ut Hieronymus verissime edixerit : <r Qui sacrarum
Seripturarum testimoniis roboratus est, is est propugnaculum Ecclesiae (2). i> Quod
si de vitae morumque conformatione et discjplina quaeratur, larga indidem et optima
subsidia habituri sunt viri apostolici: plena sanctitatis praescripta, suavitate et vi
condita hortamenta, exempla in omni virtutum genere insignia; gravissima accedit,
ipsius Dei nomine et verbis, praemiorum in aeternitatem promissio, denunciatio
poenarum.
Atque haec propria et singularis Seripturarum virtus, a divino afflatu Spiritus Sancti
profecta, ea est quae oratori sacro auctoritatem addit, apostolicam praebet dicendi
libertatem, nervosam victricemque tribuit eloquentiam. Quisquis enim divini verbi
spiritum et robur eloquendo refert, ille non loquitur in sermone tantum, sed et in
virtute et in Spiritu Sancto et in plenitudine multa (3). Quamobrem ii dicendi sunt
praepostere improvideque facere, qui ita conciones de religione habent et praecepta
divina enuntiant, nihil ut fere afferant nisi humanae scientiae et prudentiae verba, suis
magis argumentis quam divinis innixi. Istorum scilicet orationem, quantumvis niten-
tem luminibus, languescere et frigere necesse est, utpote quae igne careat sermonis
Dei (4), eamdemque longe abesse ab ilia, qua divinus sermo pollet virtute : Vivus
est enim sermo Dei et efficax et penetrabilior omni gladio ancipiti, et pertingens
usque ad divisionem animae ac spiritus (5). Quamquam, hoc etiam prudentioribus
fecond et de plus expressif que ce que nous presente le tissu de la Bible entiere, et n'est-ce pas a bon
droit que saint Jerdme a pu dire que ignorer les Ecritures, c'etait ignorer le Christ ? G'est de ces Ecri-
tures, en effet, que nous voyons ressortir son image, vivante en quelque sorte et animee, et dont le rayon-
nement porte au loin d'une fagon merveilleuse le soulagement dans le malheur, 1'exhortation aux vertus et
les invitations de 1'amour divin. En ce qui concerne 1'Eglise, si frequente s'y voit la mention de son institu-
tion , de sa nature, de sa mission, de ses dons; si nombreux et si forts s'y produisent les arguments en sa
faveur, que le meme saint Jerome a pu dire en toute verite : Quiconque a etc fortifle par les temoignages
des Ecritures, celui-la est le rempart de 1'Eglise. Que si Ton cherche des regies pour la formation de la
vie et des mceurs, c'est encore la que les hommes apostoliques trouveront les secours les plus abondants
et les plus puissants : prescriptions pleines de saintete, exhortations empreintes a la fois de douceur et dc
force^, exemples remarquables de toutes sortes de vertus; et a tout cela se joignant, au nom de Dieu
lui-me'me et sur sa propre parole, la promesse des recompenses et la menace des peines eternelles.
G'est cette vertu propre et singuliere des Ecritures, provenant du souffle divin du Saint-Esprit, c'est
elle qui donne 1'autorite a 1'orateur sacre, inspire la liberte apostolique de sa parole et communique a son
eloquence le nerf de I'efficacite. Gelui, en effet, qui porte dans son discours 1'esprit et la force de la parole
divine, celui-la ne parle pas seulement en discours, mais en puissance, et par I'Esprit-Saint, en toute
plenitude. Aussi doivent-ils etre regardes comme bien inconsideres et mal inspires, les predicateurs qui,
ayant a parler de la religion et des preceptes divins, n'apportent presque rien que les paroles de la science
et de la prudence humaine et s'appuient sur leurs propres arguments plus que sur les arguments divins.
En effet, quelque brHlante que soit 1'eloquence de tels orateurs, elle est necessairement languissante et
froide, ctant privee du feu de la parole de Dieu, et elle est bien loin de cette puissance que possede
la parole divine : car la parole de Dieu est vivante, elle est efficace et penetrante plus qu'aucun glaive
a deux tranchants, penetrant jusqu'a la division de Vame et de 1'esprit. D'ailleurs, et les plus habiles
(1) In Is., Prol. - (2) In Is., LIV,.12. - (3) I Thess., i, 5. (4) Jer., xxm, 29. (5) Hebr., iv, 12.
xii ENCYCLIQUE PROVIDENTISSIMUS
assentiendum est, inesse in sacris Litteris mire variam et uberem magnisqne dignam
rebus eloquentiam : id quod Augustinus pervidit diserteque arguit (1), atque res
ipsa confirmat praestantissimorum in oratoribus sacris, qui nomen suum assiduae
Bibliorum consuetudini piasque meditationi se pracipue debere, grati Deo affir-
marunt.
Quae omnia SS. Patres cognitione et usu quum exploratissima haberent, nunquam
cessarunt in divinis Litteris earumque fructibus collaudandis. Eas enimvero crebris
locis appellant vel thesaurum locupletissimum doctrinarum caalestium (2), vel
perennes fontes salutis (3), vel ita proponunt quasi prata fertilia et amoenissimos
hortos, in quibus grex dominicus admirabili modo reficiatur et delectetur (4). Apte
cadunt ilia S. Hieronymi ad Nepotianum clericum : Divinas Scripturas saepius
lege, imo nunquam de manibus tuis sacra lectio deponatur; disce quod doceas:...
sermo presbyteri Scripturarum lectione conditus sit (5); convenitque sententia
S. Gregorii Magni, quo nemo sapientius pastorum Ecclesiae descripsit munera :
c Necesse est, inquit, ut qui ad officium praedicationis excubant, a sacra? lectionis
studio non recedant (6).
Hie tamen libet Augustinum admonentem inducere, Verbi Dei inanem esse
forinsecus prsedicatorem, qui non sit intus auditor (7), eumque ipsum Gregorium
sacris concionatoribus praecipientem, ut in divinis sermonibus, priusquam aliis eoS
proferant, semetipsos requirant, ne insequentes aliorum facta se deserant (8). Sed
hoc jam, ab exemplo et documento Christi, qui coepit facere et docere, vox apostolica
late prasmonuerat, non unum allocuta Timotheum, sed omnem clericorum ordinem,
euxrmemes doivent en eonvenir, il existe dans les Saintes Lettres une eloquence admirablement variee^
riche et en rapport avec la grandeur du sujet: c'est ce que saint Augustin a compris et parfaitement prouve,
et c'est aussi ce que confirme 1'experience des orateurs sacres les plus celebres qui, avec un sentiment
de reconnaissance envers Dieu, ont proclame qu'ils devaient principalement leur gloire a la frequentation
assidue et a la pieuse meditation de la Bible.
Gonvaincus de tout cela et par la theorie et par 1'experience, les Saints Peres n'ont jamais cesse de
celebrer les divines Ecritures et les fruits qu'on en peut tirer. Dans maint passage de leurs oeuvres, ils les
appellent le tres riche tresor des doctrines celestes, les fontaines intarissables du salut; ils les comparent
a des prairies fertiles, a de delicieux jardins dans lesquels le troupeau du Seigneur trouve, d'une fac,on
merveilleuse, 1'aliment qui le nourrit et 1'attrait qui le charme. N'est-ce pas le cas de rappeler ces paroles
de saint Jerdme au clerc Nepotien : Lis souvent les Saintes Ecritures, ou, plutot, que jamais ce livre
sacre ne sorte de tes mains; apprends ce que tu devras enseigner:... que la parole du pretre soit toujours
nourrie de la lecture des Ecritures. Pareil aussi est le jugement de saint Gregoire le Grand, qui a defini
plus sagement que personne les devoirs des pasteurs de 1'Eglise : II est necessaire, dit-il, que ceux
qui s'appliquent au ministere de la predication ne cessent jamais d'etudier les Saints Livres.
Mais il Nous plait de citer saint Augustin, nous avertissant que celui-la tentera vainement de mani-
fester au dehors la parole de Dieu, qui ne 1'aura pas ecoutee au dedans de lui-meme, et le me'me saint
Gregoire prescrivant aux orateurs sacres d'etre fideles a se chercher eux-memes dans les divins oracles,
avant de les porter devant les autres, de peur qu'en poursuivant les actes d'autrui, ils ne s'abandonnent
eux-memes . Deja, d'ailleurs, suivant 1'exemple et 1'enseignement du Christ, qui commenfa par agir pour
enseigner ensuite, la voix de 1'Apdtre avait porte au loin cet avertissement, quand s'adressant, non pas au
seul Timothee, mais a 1'ordre entier des clercs, il lui prescrivait : Veille sur toi et sur la doctrine, et
(1) De doct. chr., iv, 6, 7. (2) S. Chrys., In Gen. horn, xxi, 2; horn. LX, 3; S. Aug., De disdpl. chr,, 2.
(3) S. Athan., Ep. fest. 39. (4) S. Aug., Serm. xxvi, 24; S. Ambr., In Ps. cxrnr, serm. xnc, 2.
(5) S. ffier., De vit. cleric, ad Nepot. (6) S. Greg. M., Regul. past., 11, 11 (al. 22); Moral., xvin, 26 (al. 14).
(7) S. Aug., Serm. CLXXIX, 1. (8) S. Greg. M., Regul. past., m, 24 (al. 48).
ENCYCLIQUE PROVIDENTISSIMVS xm
eo mandate : Attende tibi et doctrinx, insta in illis; hoc enim faciens, et teipsum
salvum fades, et eos qui te audiunt (1). Salutis profecto perfectionisque et propriae
et alienae eximia in sacris Litteris praesto sunt adjumenta, copiosius in Psalmis cele-
brata; iis tamen, qui ad divina eloquia, non solum mentem afferant docilem atque
attentam, sed integrae quoque piaeque habitum voluntatis. Neque enim eorum ratio
librorum similis atque communium putanda est; sed, quoniam sunt ab ipso Spiritu
Sancto dictati, resque gravissimas continent multisque partibus reconditas et diffici-
liores, ad illas propterea intelligendas exponendasque semper ejusdem Spiritus indi-
gemus adventu (2) D, hoc est lumine et gratia ejus : quae sane, ut divini Psaltae
frequenter instat auctoritas, humili sunt precatione imploranda, sanctimonia vitae
custodienda.
Praeclare igitur ex his providentia excellit Ecclesiae, quae, ne cselestis ille sacrorum
Librorum thesaurus, quern Spiritus Sanctus summa liberalitate hominibus tradidit,
neglectus jaceret (3), optimis semper et institutis et legibus cavit. Ipsa enim consti-
tuit, non solum magnam eorum partem ab omnibus suis ministris in quotidiano sacrae
psalmodiae officio legendam esse et mente pia considerandam, sed eorumdem exposi-
tionem et interpretationem in ecclesiis cathedralibus, in monasteriis, in conventibus
aliorum regularium, in quibus studia commode vigere possint, per idoneos viros
esse tradendam; diebus autem saltern dominicis et festis solemnibus fideles saluta-
ribus Evangelii verbis pasci, restricte jussit (4). Item prudentiae debetur diligen-
tiaeque Ecclesiae cultus ille Scripturae Sacrae per aetatem omnem vividus et plurimaa
ferax utilitatis.
In quo, etiam ad firmanda documenta hortationesque Nostras, juvat commemorare
quemadmodum a religionis christianae initiis, quotquot sanctitate vitae rerumque
fais-le avec insistance; car, en agissant ainsi, tu te sauveras toi-meme avec ceux qui t'ecouteront.
Nous trouvons, en effet, dans les Saintes Lettres et surtout dans les Psaumes, soit pour notre salut et
notre perfection, soit pour le bien des autres, des secours toujours prets; mais pour cela, il faut appor-
ter aux divins oracles non seulement un esprit docile et attentif, mais la disposition d'une volonte pieuse
et parfaite. Gar il ne faudrait pas assimiler ces livres aux livres ordinaires. Dictes par 1'Esprit-Saint
lui-meme, ils contiennent des verites de la plus haute importance, et, par beaucoup de c6tes, obscures
et difficiles : ce qui fait que, pour les comprendre et les exposer, nous avons toujours besom de 1'assis-
tance de ce meme Esprit, c'est-a-dire de sa lumiere et de sa grace, qui, suivant la recommandation
pressante que nous en a fait si souvent le divin Psalmiste, doivent etre implorees par 1'humilite de la
priere et conservees par la saintete de la vie.
Et c'est en ceci qu'apparait merveilleusement la prevoyance de 1'Eglise, qui, pour empecher que ce
celeste tresor des Livres Saints, que la souveraine liberalite de I'Esprit-Saint a livre aux hommes, restdt
neglige, a multiplie par ses institutions et ses lois les plus sages precautions. Elle ne s'est pas contentee
d'etablir qu'une grande partie en serait lue et pieusement meditee par tous les ministres dans 1'office
quotidien de la sainte psalmodie; mais elle a voulu que 1'exposition et 1'interpretation en fut faite par des
hommes competents dans les eglises cathedrales, dans les monasteres, dans les couvents des autres
reguliers, ou les etudes peuvent aisement fleurir; d'autre part, elle a rigoureusement present qu'au moins
les dimanches et les jours de fe"tes solennelles tous les fideles fussent nourris des paroles salutaires
de 1'Evangile. Ainsi, grace a la sagesse et a la vigilance de 1'Eglise, ce culte de la Sainte Ecriture s'est
maintenu vivant a travers les ages et fecond en multiples bienfaits.
Et, pour confirmer sur ce point Notre enseignement et Nos exhortations, il Nous plait de rappeler
comment, des les premiers jours du christianisme, tous les hommes qui brillerent par la saintete de leur
(1) I Tim., iv, 16. (2) S. ffier., In Mich., i, 10. (3) Cone. Trid., sess. V, Decret, de reform., i.
(4) Ibid., 1-2.
xiv ENCYCLIQUE PROVIDENTISSIMUS
vie et la science des choses divines se sont toujours montres fervents et assidus dans la frequentation des
Saints Livres. Si les plus proches disciples des Ap6tres, et parmi eux Clement de Rome, Ignace d'Antioche,
Polycarpe, si les Apologistes ensuite, et nommement Justin et Irenee, ont entrepris, dans leurs lettres ou
dans leurs livres, soit la defense, soit la propagation des dogmes catholiques, c'est surtout dans les divines
Lettres qu'ils puisent et la foi, et la force, et toute la grace de leur piete. Et quand surgirent, en beaucoup
de sieges episcopaux, ces ecoles catechetiques et theologiques, notamment celles si frequentees d'Alexandria
et d'Antioche, leur programme ne contenait guere autre chose que la lecture, 1'explication et la defense
de la parole divine ecrite. G'est de la que sortirent la plupart des Peres et des ecrivains dont les savantes
etudes et les remarquables ouvrages se succederent pendant environ trois siecles, si nombreux que cette
periode fut a juste litre appelee 1'age d'or de 1'exegese biblique.
Parmi ceux d'Orient, la premiere place revient a Origene, cet homme si merveilleux par la vivacite de
son esprit et la Constance de son labeur, et c'est dans ses nombreux ecrits et dans son immense ouvrage des
Hexaples que presque tous sont alles puiser. II faut en ajouter plusieurs qui ont recule les frontieres de cette
science : ainsi, parmi les meilleurs, Alexandrie a produit Clement, Cyrille; la Palestine, Eusebe et 1'autre
Cyrille; la Cappadoce, Basile le Grand,.les deux Gregoire, celui de Nazianze et celui de Nysse; Antioche
enfm, ce Jean Ghrysostome, en qui la connaissance de cette science le disputa a la plus haute eloquence.
Et cela n'est pas moins merveilleusement vrai pour 1'Occident. Dans la foule de ceux qui se firent particu-
lierement remarquer, celebres sont les noms de Tertullien et de Gyprien, d'Hilaire et d'Ambroise, de Leon
et de Gregoire, tous deux Grands; illustres surtout sont ceux d'Augustin et de Jerome, dont 1'un montra
tant de penetration pour decouvrir le sens de la parole divine, et tant de fecondite pour la faire servir au
secours de la verite catholique; dont 1'autre, pour sa science extraordinaire de la Bible et pour les grands
travaux accomplis afin d'en rendre 1'usage plus facile, a ete honore par 1'acclamation de 1'Eglise du titre de
Docteur tres grand.
Depuis cette epoque jusqu'au xie siecle, bien que cette sorte d'etude n'ait pas 6te cultivee avec autant
xir
studiorum non pari atque antea ardore ac fructu viguit, viguit tamen, opera pra?-
sertim hominum sacri ordinis. Guraverunt enim, aut qua? veteres in hac re fructuo-
siora reliquissent deligere, eaque apte digesta de suisque aucta pervulgare, ut ab
Isidore Hispalensi, Beda, Alcuino factum est in primis; aut sacros codices illustrare
glossis, ut Valafridus Strabo et Anselmus Laudunensis, aut eorumdem integritati novis
curis consulere, ut Petrus Damianus et Lanfrancus fecerunt.
Saeculo autem duodecimo allegoricam Scripture enarrationem bona cum laude
plerique tractarunt: in eo genere S. Bernardus ceteris facile antecessit, cujus etiam
sermones nihil prope nisi divinas Litteras sapiunt.
Sed nova et laetiora incrementa ex disciplina accessere Scholasticorum. Qui, etsi
in germanam versionis latinaa lectionem studuerunt inquirere, confectaque ab ipsis
Correctoria biblica id plane testantur, plus tamen studii industriaeque in interpreta-
tione et explanatione collocaverunt. Composite enim dilucideque, nihil ut melius
antea, sacrorum verborum sensus varii distincti; cujusque pondus in re theologica
perpensum; definitae librorum partes, argumenta partium; investigata scriptorum
proposita; explicata sententiarum inter ipsas necessitudo et connexio : quibus ex
rebus nemo unus non videt quantum sit luminis obscurioribus locis admotum. Ipso-
rum praeterea de Scripturis lectam doctrinae copiam admodum produnt, turn de theo-
logia libri, turn in easdem commentaria; quo etiam nomine Thomas Aquinas inter eos
habuit palmam.
Postquam vero Clemens V decessor Noster Athenaeum in Urbe et celeberrimas
quasque studiorum Universitates litterarum orientalium magisteriis auxit, exquisitius
homines nostri in nativo Bibliorum codice et in exemplari latino elaborare coaperunt.
Revecta deinde ad nos eruditione Graecorum, multoque magis arte nova libraria feli-
citer inventa, cultus Scripturae Sanctae latissime accrevit. Mirandum est enim quam
d'ardeur et de fruit qu'auparavant, elle 1'a ete neanmoins, grace surtout au zele du clerge. Que de soins,
en effet, soit pour recueillir ce que les anciens avaient laisse de plus profitable sur ce sujet et pour le
repandre convenablement classe et accru de leurs propres etudes, comme ont fait surtout Isidore de Seville,
Bede et Alcuin; soit pour munir de gloses les textes sacres, comme ont fait Walafrid Strabon et Anselme
de Laon; soit pour conserver leur integrite avec un soin nouveau, comme 1'ont fait Pierre Damien et
Lanfranc!
Au xn siecle, la plupart entreprirent d'une maniere digne d'eloges Interpretation allegorique de
1'Ecriture : dans ce genre, saint Bernard depassa de beaucoup tous les autres, et ses sermons empruntent
presque toute leur saveur aux divines Ecritures.
Mais de nouveaux et plus heureux progres furent faits grace a la methode des Scholastiques. Us s'appli-
querent a 1'etablissement du veritable texte de la version latine : les Correctoria biblica qu'ils firent paraitre
1'attestent assez; neanmoins ils consacrerent encore plus de soin et d'activite a 1'interpretation et a 1'expli-
cation. Avec une methode et une clarte qu'on avait a peine atteinte avant eux, ils distinguerent les divers
sens des textes sacres, apprecierent la valeur de chacun au point de vue theologique, etablirent la division
des livres et le sujet de chaque partie; et, en recherchant la pensee des auteurs, ils expliquerent le lien
et la connexite des pensees centre elles : et de tout cela il est facile de voir quelle lumiere fut projetee sur
les points les plus obscurs. D'ailleurs 1'abondance de doctrine puisee par eux dans 1'Ecriture se manifesto
pleinement, soit dans leurs livres de theologie, soit dans leurs commentaires exegetiques, et a ce titre aussi
Thomas d'Aquin a obtenu parmi eux la palme.
Mais apres que Clement V, Notre predecesseur, cut cree, a 1'Athenee de Rome et dans les plus
fameuses Universites, des chaires de langues orientales, on commenga a etudier avec plus de soin le texte
original de la Bible et la traduction latine. Bientot la renaissance de 1'erudition hellenique en Occident
et surtout 1'invention merveilleuse de 1'imprimerie donnerent a la culture biblique un immense developpe-
ment. II faut admirer en effet combien se multiplierent en peu de temps les exemplaires du texte sacre,
xvi ENCYCLIQUE PROVIDENTISSIMUS
brovi tctatis spatio multiplicata praelo sacra exemplaria, Vulgata prrecipue, catholicum
orbetn quasi complevcrint : adeo per id ipsurn tempus, contra quaiu Eceleske hostes
calunmianlui 1 , in honore et amorc erant divina volumina.
Nei|uc prsetercundum est, quantus doctorum virorum numerus, maxime ex reli-
giosis familiis, aViennensi Concilio ad Tridenlhium, in rei biblicte bonum provenerit:
qui et novis usi subsidiis et varke eruditionis ingeniique sui segetem conferentes, non
modo auxerunt eongestas majorum opes, sed quasi muniorunt viam ad praestantiain
subseculi sseculi, quod ab eodem Tridentino eflluxit, qiuun nobilissima Patrum tolas
propemodum rediissc visa est. Nee cnim quisquam ignorat, Nobisque est meinoralu
jucundum, decessores Nostros, a Pio IV ad Clcmentcm VIII, auctores fuisse ul insi-
gnes ilkc editiones adornarentur versionum veterum, Vulgata) et Alexandrine; qua?
delude, Sixti V ejusdemquc dementis jussu et auctoritate, emissas, in communi usu
vcrsantur. Per eadem autem tempora, notuni est, quum versiones alias Bibliorum
antiquas, turn polygloltas Antuerpiensem et Parisiensem, diligentissime esse editas,
sinccrte invesLigamke sentenlke peraptas : nee ullum esse utriusquc Testament!
librum, qui non plus 11110 nactus sit bonum explanatoreni, neque graviorem ullam de
iisdem rebus qiuuslionem, qiuc non multorum ingenia fecundissirae exercuerit :
([iios inter non pauci, iique studiosiores SS. Patrum, nomen sibi fecere eximium.
Neque, ex ilia demum a)tale, desiderata est nostrorum sollertia; quum clari subinde
viri de iisdem studiis bene sint meriti, sacrasque Lilteras contra rationalismi com-
inenta, ex philologia et linitimis disciplinis detorta, simili argumentorum generc
vindiearint.
Iliec omnia qui probe ut oportet considerent, dabunt profecto, Ecclesiam, nee
ullo unquam providenlke modo dufuisse, quo divinae Scripluras fonles in iilios suos
salutaiiter derivaret, atque illud presidium, in quo divinilus ad ejusdem lutelam
principalement ceux dc la Vulgate. Ils remplirent en quelque sortc lo inonde catholiquc, tellemont, memo
a cettc epoque, en depit des allegations caloinnieuscs dcs ennemis de 1'Kglise, les Livrcs divins etaient
hoiioros rt a l i n e s !
Comment no pas rappelcr lc grand nonibro de savants q u i , du roncile de Yienne au concile de Trente,
ct p r i n f i p a l e m e n t dans les ordi'es r e l i g i c u x , out servi la cause dcs e t u d e s liibliques'.' Us n i i r e n t en ii'iivre
dcs rcssourecs nouvelles, et par la contribution de Icur talent et de |.-ur vasle savnir, non sculcnicnt ils
acri-ui'Piit li>s ricbesses accuniulees par leurs predecesseurs, inais encore ils proparercnt la bi'illante epoque
qui suivit le concile do Trente et qui seinbla taire revivre la gloire dc 1 age patristique.
Et, en effet, personnc ne 1'ignore et Nous ainions a le rappcler, Nos predecesseurs, de Pie IV
;'i ('.lenient YlII, firont preparer ces remarquablcs editions des anciennes versions, la Vulgate et les
Septante. Publiees ensuite par I'ordre et par 1'autorite de Sixte-Quint et du ineme Clement V I I I , ces
e d i t i o n s sont entrees dans 1'usage couimun. A la memo epoqne, on le sail, d'autres versions anciennes
dcs Liuvs Saints, et les Polyglottes d'Anvcrs et de Paris, iurent editees avec le plus grand soin et
disposees de manicre a taciliter la deterniination du vrai sens : pas un livre de 1'Ancien et du Nonveau
TI stainent qui n'ait trouve plus d'un habile conunentateur; pas une question d'iinportancc relative a la
Dihlo qui n'ait exerce avec beaucoup de protit la penetration de nombrcux c r i t i q u e s ; parini eux un bon
noinbre, et c'ctaicnt les plus pcnctres de 1'etude des Saints Peres, se sont fait un noni illustre. Kt il ne
faut pas croire qu'a p a r t i r de cette epoque le coneours habile de nos excgctes ait fait defaut : il s'est
t i ' u j u i i r s trouve dcs hoinrncs de inerite ]>oui' semi 1 la cause dcs etudes b i b l i q u c s , ct les Sainlcs l . c t t r e s ,
([lie le ,'atinnitlixni': attaquait par des argunients tires de la p h i l o l o u i e ct dcs dudes ipii y c o n t i n e n t ,
n'ont pas cesse d litre \ictoriciisciucnt dcfcudues par des arguments du ineme ordre.
I I ressort de tout ccla, pour quiconque est de bonne t'oi, <[ue 1'Kglise n'a j a m a i s et en a u c u n e facon
i n - i n q u e de prevoyance: toujours elle a fait dcriver utilement sur ses tils les sources de la divine Ecriture;
placee par Dieu racuie dans, uue citadelle qu'elle avail mission de defendre et d'embellir, elle n'a point failli
ENGYCLIQUE PROVIDENTISSIMUS XVH
decusque locata est, retinuisse perpetuo onmique stiidiorum ope exoraasse, ut nullis
externorum hominum incitamentis eguerit, egeat.
Jam postulat a Nobis instituti consilii ratio, ut quae his de studiis recte ordinandis
videantur optima, ea vobiscum communicemus, Venerabiles Fratres. Sed principio
quale adversetur et instet hominum genus, quibus vel artibus vel armis confidant,
interest utique hoc loco recognoscere.
Scilicet, ut antea cum iis praecipue res fuit qui private judicio freti, divinis tradi-
tionibus et magisterio Ecclesiae repudiatis, Scripturam statuerant unicum revelationis
fontem supremumque judicem fidei; ita nunc est cum rationalistis, qui eorum quasi
filii et heredes, item sententia innixi sua, vel has ipsas a patribus acceptas Chris-
tianas fidei reliquias prorsus abjecerunt. Divinam enim vel revelationem vel inspira-
tionem vel Scripturam Sacram, omnino ullam negant, neque alia prorsus ea esse dicti-
tant, nisi hominum artificia et commenta : illas nimirum, non veras gestarum rerum
narrationes, sed aut ineptas fabulas aut historias mendaces; ea, non vaticinia et
oracula, sed aut confictas post eventus prsedictiones aut ex naturali vi praesensio-
nes; ea, non veri nominis miracula virtutisque divinae ostenta, sed admirabilia quae-
dam, nequaquam naturae viribus majora, aut praestigias et mythos quosdam : evan-
gelia et scripta apostolica aliis plane auctoribus tribuenda.
Hujusmodi portenta errorum, quibus sacrosanctam divinorum Librorum veritatem
putant convelli, tanquam decretoria pronuntiata novae cujusdam scientise liberse, obtru-
dunt: quae tamen adeo incerta ipsimet habent, ut eisdem in rebus crebrius immutent
et suppleant. Quum vero tarn impie de Deo, de Christo, de Evangelio et reliqua
Scriptura sentiant et prsedicent, non desunt ex iis qui theologi et christiani et
ce doable devoir, elle y a fait concourir tous les genres de travaux, sans avoir jamais eu, sans avoir
besoin aujourd'hui qu'on vienne 1'y exciter du dehors.
Maintenant le developpement de notre sujet Nous amene a vous entretenir, venerables Freres, des.
raeilleures methodes a employer pour 1'organisation de ces etudes. Mais d'abord, quel genre d'adversaires
nous pressent, sur quels artifices, sur quelles armes iis comptent pour nous vaincre, voila ce qu'il faut.
determiner avant tout.
En effet, autrefois la lutte etait entre nous et ces homines qui, confiants dans leur sens prive, et
repudiant les traditions divines et le magistere de 1'Eglise, avaient soutenu que 1'Ecriture estl'unique source
de la revelation et le juge supreme de la foi; aujourd'hui c'est aux rationalistes que nous avons affaire.
Fils, pour ainsi dire, et heritiers des premiers, appuyes de m^me sur leur propre jugement, iis ont rejete
jusqu'a ces restes de foi chretienne qu'ils avaient rec.us de leurs peres. En effet, pour eux, rien n'est.
divin, ni la revelation, ni 1'inspiration, ni I'Ecriture; il n'y a en tout cela que des ceuvres humaines,
des inventions humaines. On n'y trouve pas le recit veridique d'evenements reels, mais ou bien des fables
ineptes, ou bien des histoires mensongeres; ailleurs ce ne sont ni des propheties, ni des oracles, mais
tantdt des predictions arrangees apres l'evenement, tantdt des divinations dues aux energies naturelles; ou
encore ce ne sont ni des miracles proprement dits, ni des manifestations de la puissance divine, mais des
prodiges qui ne depassent nullement les forces de la nature, ou mme des hallucinations et des mythes;
enfin les Evangiles et les ecrits des Apdtres doivent fitre attribues a d'autres auteurs.
Ces erreurs monstrueuses, qui renversent, croient-ils, 1'inviolable verite des divines Ecritures, iis les
imposent comme les decrets infaillibles d'une certaine science nouvelle, la science libre; et pourtant iis
les tiennent eux-mdmes pour si incertaines, que sur un meme point iis les modifient assez souvent et les
completent. dependant, avec des sentiments et des pensees aussi impies sur Dieu, sur le Christ, sur
ITSvangile et le reste des Ecritures, bon nombre parmi eux veulent passer pour theologiens, pour chre-
tiens et amis de 1'Evangile, et couvrir d'un nom tres honorable la temerite d'un esprit impertinent
DICT. DE LA BIBLE. I. B
evangelicl haberi velint, et honestissimo nomine obtendant insolentis ingenii teme-
ritatem. His addunt sese consiliorum participes adjutoresque e ceteris disciplinis non
pauci, quos eadem revelatarum rerum intolerantia ad oppugnationem Bibliorum simi-
liter trahit. Satis autem deplorare non possumus, quam latius in dies acriusque haec
oppugnatio geratur. Geritur in eruditos et graves homines, quamquam illi non ita
difficulter sibi possunt cavere; at maxime contra indoctorum vulgus omni consilio et
arte infensi hostes nituntur. Libris, libellis, diariis exitiale virus mfundunt; id concio-
nibus, id sermonibus insinuant; omnia jam pervasere, et multas tenent, abstractas ab
Ecclesiae tutela, adolescentium scholas, ubi credulas mollesque mentes ad contem-
ptionem Scripturae, per ludibrium etiam et scurriles jocos, depravant misere.
Ista sunt, Venerabiles Fratres, qua? commune pastorale studium permoveant,
incendant; ita ut huic nova? falsi nominis scientiae (1) antiqua ilia et vera oppona-
tur, quam a Christo per Apostolos accepit Ecclesia, atque in dimicatione tanta idonei
defensores Scripturae Sacrae exurgant.
Itaque ea prima sit cura, ut in sacris Seminariis vel Academiis sic omnino tra-
dantur divine Litterae, quemadmodum et ipsius gravitas discipline et temporum
necessitas admonent. Gujus rei causa, nihil profecto debet esse antiquius magistrorum
delectione prudenti: ad hoc enim munus non homines quidem de multis, sed tales
assumi oportet, quos magnus amor et diuturna consuetudo Bibliorum, atque oppor-
tunus doctrinae ornatus commendabiles faciat, pares officio. Neque minus prospicien-
dum mature est, horum postea locum qui sint excepturi. Juverit idcirco, ubi commo-
cium sit, ex alumnis optimae spei, theologiaB spatium laudate emensis, nonnullos
divinis Libris totos addici, facta eisdem plenioris cujusdam studii aliquandiu facul-
Ces faux chretiens trouvent des complices et des allies nombreux parmi les adeptes des autres sciences
qu'une mme repugnance pour la revelation entraine avec eux a 1'assaut de la Bible. Nous ne saurions
assez deplorer ces attaques chaque jour plus vives et plus multipliees. Elles sont dirigees contne les hommes
instruits et eclaires qui peuvent, il est vrai, s'en defendre sans trop de peine, mais aussi et surtout centre
la multitude ignorante; c'est sur elle que des adversaires acharnes concentrent tous leurs moyens de
seduction. Les livres, les revues, les journaux leur servent a verser le poison mortel; ils le distillent
dans les discours, dans les conversations. Deja ils ont tout envahi dans la societe; ils ont dans la main un
grand nombre d'ecoles, soustraites a la tutelle de 1'Eglise, ou ils ne craignent pas d'employer jusqu'a la
moquerie et aux plus grossieres plaisanteries pour depraver 1'esprit de la jeunesse toujours facile a recevoir
les prejuges et les impressions et pour lui inspirer le mepris de 1'Ecriture.
Voila, venerables Freres, de quoi emouvoir et enflammer le zele de tous les pasteurs. II faut qu'a cette
nouvelle science, qui usurpe son nom, nous opposions cette vraie science que le Christ a transmise par les
Ap6tres de 1'Eglise; il faut que, dans ce combat acharne, 1'Ecriture sacree voie se lever des champions bien
armes pour sa defense.
En consequence, notre premier soin doit e"tre de faire en sorte que dans les seminaires ou les univer-
sities 1'enseignement des Saintes Lettres reponde et a 1'importance du sujet et aux besoins des temps. Pour
y parvenir, rien n'est plus important que de bien choisir les maitres; il faut appeler a cette charge, non
certes tes premiers venus, mais des hommes qu'un grand amour et une longue frequentation des Saintes
Ecritures, en m6me temps qu'une science assez etendue, recommandent et designent pour s'en acquitter
dignement. II convient aussi de prevoir de bonne heure a qui 1'on pourra un jour confier leur succession;
il sera done expedient, partout ou ce sera possible, d'appliquer exclusivement quelques sujets de grande
esperance, lorsqu'ils auront parcouru honorablement la carriere des etudes theologiques, a 1'etude des
Saints Livres, en leur procurant le moyen d'en faire pendant quelque temps une etude particuliere plus
approfondie. Quand les maitres auront ^te ainsi et choisis et formes, ils pourront aborder avec confiance
i 20.
ENCYCLIQUE PROVIDENTISSIMUS xix
tate. Ita delecti institutique doctores, commissum munus adeant fidenter: in quo. tit
versentur optime et consentaneos fructus educant, aliqua ipsis documenta paulo expli-
catius impertire placet.
Ergo ingeniis tironum in ipso studii limine sic prospiciant, ut judicium in eis,
aptum pariter Libris divinis tuendis atque arripiendae ex ipsis sententiae, conferment
sedulo et excolant. Hue pertinet tractatus de introductione, ut loquuntur, biblica, ex
quo alumnus commodam habet opem ad integritatem auctoritatemque Bibliorum
convincendam, ad legitimum in illis sensum investigandum et assequendum, ad occu-
panda captiosa et radicitus evellenda. Quae quanti momenti sit disposite scienterque,
comite et adjutrice theologia, esse initio disputata, vix attinet dicere, quum tota conti-
nenter tractatio Scripturae reliqua hisce vel fundamentis nitatur vel luminibus cla-
rescat.
Exinde in fructuosiorem hujus doctrinae partem, quae de interpretatione est, per-
studiose incumbet praaceptoris opera; unde sit auditoribus, quo dein modo divini verbi
divitias in profectum religionis et pietatis convertant. Intelligimus equidem, enarrari
in scholis Scripturas omnes, nee per amplitudinem rei, nee per tempus licere. Verum-
tamen, quoniam certa opus est via interpretationis utiliter expediendae, utrumque
magister prudens devitet incommodum, vel eorum qui de singulis libris cursim deli-
bandum praebent, vel eorum qui in certa unius parte immoderatius consistunt. Si
enim in plerisque scholis adeo non poterit obtineri, quod in Academiis majoribus,
ut unus aut alter liber continuatione quadam et ubertate exponatur, at magnopere
efficiendum est, ut librorum partes ad interpretandum selectae tractationem habeant
convenienter plenam : quo veluti specimine allecti discipuli et edocti, cetera ipsi per-
legarit adamentque in omni vita. Is porro, retinens instituta majorum, exemplar in
hoc sumet versionem vulgatam; quam Concilium Tridentinum in publicis lectionibus,
leur tilche. Pour qu'ils puissent 1'accomplir heureusement et y recueillir les fruits esper&s, Nous croyons
utile de leur dormer ici quelques avis plus etendus.
Les maitres done devront se proposer, au seuil m6me de leur enseignement, de former et de deve-
lopper dans 1'esprit de leurs eleves un jugement qui les rende capables de defendre un jour les Saints
Livres et d'y puiser la vraie doctrine. G'est a quoi tend le traite appele Introduction Biblique, ou 1'eleve
apprend a etablir 1'integrite et 1'autorite de la Bible, et a en rechercher et a en d^couvrir le vrai sens,
a demasquer et a confondre les objections captieuses. Est-il besoin de dire a quel degre il importe que
ces questions soient traitees des le debut avec science et methode, sous les auspices et avec le secours de
la the'ologie, puisque toute la suite des etudes scripturaires ou bien s'appuie sur ce fondement ou bien
s'eclaire de ces verites?
Partant de la, le maitre abordera la partie la plus feconde de son enseignement, qui est 1'exegese dea
textes : il y mettra tous ses soins, afin d'apprendre a ses auditeurs a faire servir au bien de la religion et
de la piete les richesses de la parole divine. II est impossible, Nous le comprenons facilement, d'expli-
quer en detail, dans les ecoles, la Sainte ficriture tout entiere : 1'etendue de la matiere et le temps
ne le permettent pas. Mais comme il faut suivre une voie sure dans 1'interpretation, un maitre prudent
aura a eviter deux defauts dont 1'un consiste a effleurer chaque livre a la hate, 1'autre a s'attarder outre
mesure sur quelque passage d'un seul livre.
II est vrai qu'on ne peut pas faire dans toutes les ecoles ce qu'on fait dans les universites, c'est-a-dire
presenter une exposition large et continue de tel ou tel livre sacre. Mais partout du moins il faut faire
en sorte que les morceaux designes comme objet des legons soient traites avec une ampleur suffisante.
L'explication de ces passages choisis, en instruisant les eleves, leur donnera le gout et 1'amour de la Sainte
Ecriture, avec le desir de la lire pendant toute leur vie.
Pour cela, fidele aux preceptes des anciens, on adoptera comme texte principal celui de la Vulgate,
<juele saint concile de Treute;a declare authentique pour les tefons publiques, les discussions, la predi-
disputdtionibus, prsedicationibus et expositionibus pro authentica habendam decre-
vit (1), atque etiam commendat quotidiana Ecclesiae consuetude. Neque tamen non
sua habenda erit ratio reliquarum versionum, quas Christiana laudavit usurpavitque
antiquitas, maxime codicum primigeniorum. Quamvis enim, ad summam rei quod
spectat, ex dictionibus Vulgatae hebra3a et graca bene eluceat sententia, attamen si
quid ambigue, si quid minus accurate inibi elatum sit, c inspectio praBcedentis lin-
guaB, > suasore Augustino, proficiet (2). Jamvero per se liquet, quam multum navi-
tatis ad haec adhiberi oporteat, quum demum sit commentatoris officium, non quid
ipse velit, sed quid sentiat ille quern interpretetur, exponere (3) .
Post expensam, ubi opus sit, omni industria lectionem, turn locus erit scrutandse
et proponendae sententiae. Primum autem consilium est, ut probata communiter inter-
pretandi prsescripta tanto experrectiore observentur cura quanto morosior ab-adver-
sariis urget contentio. Propterea cum studio perpendendi quid ipsa verba valeant,
quid consecutio rerum velit, quid locorum similitudo aut talia cetera, externa quoque
appositaB eruditionis illustratio societur : cauto tamen, ne istiusmodi quaestionibus plus
temporis tribuatur et opera quam pernoscendis divinis Libris, neve corrogata multiplex
rerum cognitio mentibus juvenum plus incommodi afferat quam adjumenti.
Ex hoc, tutus erit gradus ad usum divinae Scripture in re theologica. Quo in
genere animadvertisse oportet, ad ceteras difficultatis causas, qua3 in quibusvis anti-
quorum libris intelligendis fere occurrunt, proprias aliquas in Libris sacris accedere,
,> Eorum enim verbis, auctore Spiritu Sancto, res multae subjiciuntur quse humanaB vim
aciemque rationis lorigissime vincunt, divina scilicet mysteria et qua3 cum illis conti-
nentur alia multa; idque nonnunquam ampliore quadam et reconditiore sententiar
cation, I'exposition de la doctrine sacrtfe, et que recommande aussi la pratique journaliere de 1'figlise.
Ce ne sera pas une raison pour ne pas tenir compte des autres versions que 1'antiquite chretienne a
estimees et employees, en particulier des plus anciens manuscrits. Quant a 1'ensemble, il est vrai, le&
legons de la Vulgate reproduisent fldelement la pensee exprimee dans 1'hebreu et dans le grec; toutefois,
si le latin offre quelque part un sens equivoque, une expression moins correcte, il sera utile, selon le
conseil de saint Augustin, de recourir a la langue originale. II est clair d'ailleurs qu'il faut user en cela
de beaucoup de reserve, parce que le devoir du commentateur est non pas d'exprimer une opinion per-
sonnelle, mais de rendre la pensee de 1'auteur qu'il interprete .
Quand on a mis tous ses soins, la ou il est n^cessaire, a eclaircir le texte, on peut rechercher et expli-
quer la pensee qui s'y cache. Un premier conseil a suivre, c'est d'observer avec un soin d'autant plus
vigilant les regies d'interpre'tation communement approuvees, que Tattaque-des adversaires est plus pres-
sante et plus exigeante. G'est pour cela qu'a 1'analyse du sens des mots, du contexte, des passages paral-
leles, etc., il est bon d'ajouter les lumieres que peut fournir l'6rudition. On evitera pourtant d'accorder
plus de temps ou d'application a ces questions qu'a I'&ude des Saints Livres eux-me'mes, de peur que
la trop grande abondance de connaissances qu'on leur donne ne soit plus nuisible qu'utile a 1'esprit des-
jeunes gens.
Cela fait; on pourra en toute securite se servir de la Sainte ficriture dans les matieres theologiques.
Dans ce genre d'etudes, il est bon de remarquer qu'aux difficultes deji nombreuses que presente
d'ordinaire 1'intelligence des livres anciens s'ajoutent des difficultes speciales aux Livres Sacres. La, en effet,.
les paroles dont l'Esprit-Saint est 1'auteur recouvrent une foule d'objets qui depassent de beaucoup laportee
de la raison humaine, a savoir, les mysteres divins et tout ce qui s'y rattache; souvent la pensee est si
haute ou si mysterieuse, que ni le sens litteral ne suffit a 1'exprimer, ni les lois ordinaires de I'herm6-
neutique a la decouvrir. Aussi le sens litteral appelle-t-il a son secours d'autres sens qui servent soit
a eclairer la doctrine, soit a fortifier les preceptes moraux.
(1) Sess. IV, Deer, de edit, et usu sacr. libror. (2) De doct. chr., in, 4. (3) S. Hier., Ad Pammach,
ENGYGLIQUE PROVIDENT1SSIMUS xxi
quam exprimere littera et hermeneuticae leges indicare videantur : alios praeterea
sensus, vel ad dogmata illustranda vel ad commendanda praecepta vitae, ipse litteralis
sensus profecto adsciscit. Quamobrem diffitendum non est religiosa quadam obscuritate
Sacros Libros involvi, ut ad eos, nisi aliquo viaa duce, nemo ingredi possit (1): Deo
quidem sic providente (quae vulgata est opinio SS. Patrum), ut homines majore cum
desiderio et studio illos perscrutarentur, resque inde operose perceptas mentibus ani-
misque altius infigerent; intelligerentque praacipue Scripturas Deum tradidisse Eccle-
sia?, qua scilicet duce et magistra in legendis tractandisque eloquiis suis certissima
uterentur. Ubi enim charismata Domini posita sint, ibi discendam esse veritatem,
atque ab illis, apud quos sit successio apostolica, Scripturas nullo cum periculo
xponi, jam sanctus docuit Irenaeus (2): cujus quidem ceterorumque Patrum doctri-
nam Synodus Vaticana amplexa est, quando Tridentinum decretum de divini verbi
scripti interpretatione renovans, hanc illius mentem esse declaravit, ut in rebus
fidei et morum, ad sedificationem docirinx christianse pertinentium, is pro verb
sensu Sacrse Scripturss habendus sit, quern tenuit ac tenet sancta Mater Ecclesia,
cujus est judicare de vero sensu et interpretatione Scripturarum Sanctarum; atque
ideo nemini licere contra hunc sensum aut etiam contra unanimem consensum Patrum
ipsam Scripturam Sacram interpretari (3).
Qua plena sapientiae lege nequaquam Ecclesia pervestigationem scientiaa biblicae
retardat aut coercet; sed earn potius ab errore integram praastat, plurimumque ad
veram adjuvat progressionem. Nam private cuique doctori magnus patet campus, in
quo, tutis vestigiis, sua interpretandi industria praaclare certet Ecclesiaaque utiliter.
In locis quidem divinse ScripturaB qui expositionem certam et definitam adhuc desi-
derant, effici ita potest, ex suavi Dei providentis consilio, ut, quasi praaparato studio,
Aussi faut-il reconnaitre qu'il regne dans les Saints Livres une sorte d'obscurite mysterieuse, et qu'on
Be peut s'y engager sans guide. Dieu a voulu ainsi (c'est une pensee fre'quente des Saints Peres) nous les
faire approfpndir avec plus de gout et d'ardeur et, grace a ces efforts, en graver plus profondement les
enseigneraents dans nos esprits et dans nos coaurs. II a voulu surtout nous faire comprendre qu'il a remis
les ficritures aux mains de 1'Eglise, et que nous recevrions d'elle, pour la lecture et 1'interpretation de la
parole divine, une direction et un enseignement infaillibles. Ou sont les dons et les promesses de Dieu,
111 est la source ou il faut puiser la verite : si Ton veut une exposition sure des Ecritures, il faut la deman-
der a ceux en qui se perpetue la succession apostolique; telle etait deja la doctrine de saint Irenee, telle
est celle de tous les autres Peres. Le concile du Vatican 1'a sanctionnee, quand, renouvelant le decret du
concile de Trente sur 1'interpretation de la parole divine ecrite, il declara que sa volonte etait que dans
les choses de la foi et des mceurs, se rapportant a I'edification de la doctrine chretienne, on tint pour
le vrai sens de la Sainte ficriture celui qui a tenu et que tient notre sainte mere 1'Eglise, a qui il appar-
tient de juger du vrai sens et de ^interpretation des Ecritures; et que par consequent il n'est permis
a personne d'interpreter I'tfcriture sainte contrairement a ce sens ou au sentiment unanime des
feres.
Cette loi pleine de sagesse, loin de retarder ou d'empecher les recherches de la science biblique, la
preserve plutdt de 1'erreur, et 1'aide beaucoup a faire de vrais progres. Gar tout docteur prive a devant lui
un vaste champ ou, s'avangant en toute surete, il peut se distinguer et servir 1'Eglise par son talent d'inter-
prete. Le sens de plusieurs passages des divines Ecritures n'est pas encore certain et defini : il se peut que,
par un dessein misericordieux de la Providence, les recherches des savants fassent murir les questions que
tranchera plus tard le jugement de 1'Eglise. Quant aux passages deja defmis, le docteur prive peut encore se
rendre ntile, en rendant plus claire 1'exposition qui s'en fait au commun des fideles, plus profonde celle quo
(1) S. Hier., Ad Paulin., de studio Script, ep. LIII, 4. (2) Contra haer., iv, 26 5. (3) Sess. Ill, cap. n, J)e
revel.; cL Cone. Trid., sess. IV, Decret. de edit, et usu socr. libror.
xxn
judicium Ecclesise maturetur; in locis vero jam definitis potest privatus doctor
prodesse, si eos vel enucleatius apud fidelium plebem et ingeniosius apud doctos edis-
serat, vel insignius evincat ab adversariis. Quapropter praecipuum sanctumque sit eatho-
lico interpret!, ut ilia Scripturae testimonia, quorum sensus authentice declaratus est,
aut per sacros auctores, Spiritu Sancto afflante, uti multis in locis Novi Testamenti,
aut per Ecclesiam, eodem Sancto adsistente Spiritu, sive solemni judicio, sive ordi-
nario et universali magisterio (1), eadem ipse ratione interpretetur; atque ex adju-
mentis disciplinae suae convincat, earn solam interpretationem, ad sanaa hermeneutica?
leges, posse recte probari. In ceteris analogia fidei sequenda est, et doctrina catho-
lica, qualis ex auctoritate Ecclesiae accepta, tamquam summa norma est adhibenda;
nam, quum et Sacrorum Librorum et doctrinae apud Ecclesiam depositae idem sit
auctor Deus, profecto fieri nequit, ut sensus ex illis, qui ab hac quoquo modo discre-
pet, legitima interpretatione eruatur. Ex quo apparet, earn interpretationem ut ine-
ptam et falsam rejiciendam, qua?, vel inspiratos auctores inter se quodammodo
pugnantes faciat, vel doctrinae Ecclesiae adversetur.
Hujus igitur disciplinae magister hac etiam laude floreat oportet, ut omnem theo-
logiam egregie teneat, atque in commentariis versatus sit SS. Patrum Doctorumque
et interpretum optimorum. Id sane inculcat Hieronymus (2), multumque Augustinus,
^qui, justa cum querela, Si unaquaeque disciplina, inquit, quamquam vilis et facilis,
ut percipi possit, doctorem aut magistrum requirit, quid temerariae superbiae plenius,
quam divinorum sacramentorum libros ab interpretibus suis nolle cognoscere (3)! >
Jd ipsum sensere et exemplo confirmavere ceteri Patres, qui divinarum Scripturarum
intelligentiam, non ex propria praesumptione, sed ex majorum scriptis et auctoritate
reclament les erudits, plus decisive 1'apologie qui doit les venger des attaques de 1'impiete. Que 1'interprete
catholique regarde done comme un devoir sacre et qu'il ait a coeur de se conformer a 1'interpretation tradi-
tionnelle des textes, dont le sens authentique a ete defini par les ecrivains sacres, sous 1'inspiration de
1'Esprit- Saint, comme on le voit en plusieurs endroits du Nouveau Testament, ou par 1'Eglise avec
1'assistance du m6me Esprit, tantdt sous la forme d'un jugement solennel, tantdt par son enseignement
ordinaire et universel, et qu'il se serve des ressources de son erudition pour montrer que cette interpre-
tation traditionnelle est la seule qu'autorisent les lois d'une saine hermeneutique.
Dans les autres endroits, il faut suivre les analogies de la foi, et employer comme regie supreme la
doctrine catholique, telle qu'on la tient de 1'autorite de 1'Eglise. En effet, Dieu etant a la fois 1'auteur des
Livres Saints et de la doctrine deposee dans 1'Eglise, il est tout a fait impossible de tirer de ceux-la, par
une interpretation legitime, un sens qui soit en quelque maniere en opposition avec celle-ci. II s'ensuit
que Ton doit rejeter, comme fausse et non avenue, toute interpretation qui impliquerait quelque contra-
diction entre les auteurs inspires, ou qui serait en opposition avec la doctrine de 1'Eglise.
G'est pourquoi celui qui enseigne cette science doit avoir aussi le merite de posseder a fond 1'ensemble
de la theologie; et les commentaires des Saints Peres, des docteurs et des meilleurs interpretes doivent lul
etre familiers. G'est ce que nous repete souvent saint Jer6me, ce sur quoi insiste particulierement saint
Augustin, qui se plaint, a juste titre, dans les termes suivants : Si toutes les sciences, et jusqu'a celles
qui ont le moins de valeur et offrent le moins de difficultes, ont besoin, pour 6tre bien saisies, d'un
professeur ou d'un maitre, peut-on imaginer une conduite plus temeraire et plus orgueilleuse que de
vouloir comprendre, en dehors de leurs interpretes, les livres qui traitent des divins mysteres! Tela
furent aussi les sentiments et la pratique des autres Peres, qui, pour arriver a Tintelligence des divines
Ventures, s'en rapporterent non a leur propre maniere de voir, mais aux ecrits et a 1'autorite de leurs
predecesseurs dans la foi, qui eux-memes tenaient tres certainement de la tradition apostolique leur regie
d'interpretation.
(1) Cone. Vat., sess. HI, cap. m, De fide. (2) Ibid., 6, 7. (3) Ad Honor at., De utilit. cred., xvn, 35.
XXIII
Et maintenant tous les saints Peres, qui, apres les Apdtres, ont plante, arrose1, bSti, garde,
nourri et fait croitre la sainte Eglise, jouissent d'une autorite souveraine, chaque fois qu'ils s'accordent
tous a expliquer de la meme maniere quelque passage biblique, comme se rapportant a la doctrine sur
la foi ou les moaurs : en effet, de leur consentement unanime, il resulte clairement que ce point a et6
enseigne par les Ap6tres selon la foi catholique. Mais il faut encore faire grand cas de 1'opinion des Peres,
alors m6me que, sur ces matieres, ils parlent comme des docteurs prives. Et en effet, non seulement ils
sont recommandables par leur science de la doctrine revelee et par la connaissance d'une foule de choses
tres utiles a 1'intelligence des livres apostoliques; mais encore Dieu a donne abondamment 1'assistance de
sa lumiere a ces hommes non moins remarquables par la saintete de leur vie que par leur amour de la
verite. Aussi, 1'interprete reconnaitra qu'il doit marcher respectueusement sur leurs traces et profiter de
leurs travaux avec un choix intelligent.
Qu'il ne pense pas cependant qu'il lui est interdit de pousser plus loin, selon le besoin, ses recherches
et ses explications, pourvu qu'il se conforme religieusement a cette regie si sage de saint Augustin, a savoir:
qu'on ne doit s'eloigner du sens litteral, et qui se presente naturellement a 1'esprit, qu'autant que la raison
empfiche de le conserver, ou que la necessite oblige de 1'abandonner. Ce precepte, il faut s'y tenir d'autant
plus fermement qu'a une epoque ou regnent a un tel point la passion des nouveautes et la licence des
opinions, on court de plus grands risques de faire fausse route. L'interprete se gardera bien aussi de
negliger les applications allegoriques ou autres semblables que les Peres ont faites de FEcriture, surtout
lorsque ces interpretations decoulent du sens litteral, et qu'elles s'appuient sur de nombreuses autorites. Gar
c'est la un mode d'interpretation que 1'Eglise a recu des Ap6tres et qu'elle-m^me encourage par son
exemple, notamment dans sa liturgie; non pas que la pensee des Peres ait ete de chercher la une demons-
tration directe et suffisante des dogmes de la foi; mais 1'experience leur avail appris que cette methode etait
admirablement propre a nourrir la piete et a fortifier la vertu.
(1) Rufin, Hist, cedes., u, 9. (2) S. Aug., Contra Julian., u, 10, 37. (3) De Gen. ad litt., L vra, c. 7, 13.
XXIV
Les autres interpretes catholiques ont sans doute moins d'autorite; toutefois comme les etudes bibliques
ont fait dans 1'Eglise des progres continus, il faut aussi rendre 1'honneur qui leur est du aux commentateurs
a qui Ton peut emprunter dans 1'occasion plus d'un argument pour refuter les adversaires et resoudre les
difficultes. Mais c'est un exces blamable d'ignorer ou de mepriser les remarquables travaux que nos inter-
pretes nous ont laisses en grand nombre, de leur preferer les livres des heterodoxes, pour leur demander,
au grand peril de la saine doctrine et souvent au detriment de la foi, 1'explication des passages sur lesquels
les catholiques ont depuis longtemps et avec tant de fruit exerce leur genie et leurs forces. II est vrai, les
travaux des heterodoxes, mis a profit avec prudence, peuvent parfois venir au secours de 1'interprete
catholique; toutefois celui-ci ne doit point oublier ce que nous attestent si souvent les anciens, a savoir
que le vrai sens des Lettres sacrees ne se trouve nulle part en dehors de 1'Eglise et que ceux-la ne peuvent
le transmettre qui, prives de la vraie foi, ne vont pas jusqu'a la moelle de I'Ecriture, mais se bornent a en
ronger 1'ecorce.
Ce qui est surtout desirable et necessaire, c'est que ce commerce des divines Ecritures fasse sentir son
influence sur toutes les etudes theologiques et devienne Tame de la science sacree. C'est sans doute ce que
de tout temps les Peres et les plus illustres theologiens ont enseigne et pratique. Car, s'il s'agit des verites
qui sont 1'objet de la foi ou qui en decoulent, c'est par les divines Ecritures surtout qu'ils les ont prouvees
ou etablies; et c'est encore a la Bible en meme temps qu'a la tradition divine qu'ils ont demande la refuta-
tion des nouveaux heretiques, la vraie notion, 1'intelligence et le lien des dogmes catholiques. Et ceci ne
paraitra extraordinaire a personne, si Ton considere que parmi les sources de la revelation une place si emi-
nente est due aux Livres divins, qu'a naoins de les etudier et de les manier sans cesse, la science theolo-
gique ne pourra pas 6tre traitee d'une fac.on convenable et digne d'elle.
Sans doute c'est avec raison qu'on exerce la jeunesse des academies et des ecoles a acquerir 1'intelligence
et la science du dogme en deduisant des verites de foi d'autres verites qui y sont contenues et a y employer
( i ) Cf. Gem. Alex., Strom., vn, 16; Orig., Deprinc., rv, 8; In Levit. horn, rv, 8; TertulL, De praescr., 15, seqq.j
S. Hilar. Kct., In Matth., XIH, 1. (2) S. Greg. M., Moral., xx, 9 (al. 11).
ENCYCLIQUE PROVILENTISS1MUS
'matum assequantur, ab articulis fidei argumentatione instituta ad alia ex illis, secun-
dum normas probatae solidaeque philosophiae, concludenda; gravi tamen eruditoque
theologo minime negligenda est ipsa demonstratio dogmatum ex Bibliorum aucto-
ritatibus ducta : c Non enim accipit (theologia) sua principia ab aliis scientiis, sed
immediate a Deo per revelationem. Et ideo non accipit ab aliis scientiis, tamquam a
superioribus, sed utitur eis tamquam inferioribus et ancillis. j> Quae sacrae doctrinae
tradendaB ratio praeceptorem commendatoremque habet theologorum principem, Aqui-
natem (1): qui praeterea, ex hac bene perspecta christianae theologiae indole, docuit
quemadmodum possit theologus sua ipsa principia, si qui ea forte impugnent, tueri :
c Argumentando quidem, si adversarius aliquid concedat eorum, quae per divinam
revelationem habentur; sicut per auctoritates Sacrae Scripturae disputamus contra
haereticos, et per unum articulum contra negantes alium. Si vero adversarius nihil
credat eorum quae divinitus revelantur, non remanet amplius via ad probandum arti-
culos fidei per rationes, sed ad solvendum rationes, si quas inducit contra fidem (2).
Providendum igitur, ut ad studia biblica convenienter instructi munitique aggre-
diantur juvenes; ne justam frustrentur spem, neu, quod deterius est, erroris discri-
men incaute subeant, Rationalistarum capti fallaciis apparataeque specie eruditionis.
Erunt autem optime comparati, si, qua Nosmetipsi monstravimus et praescripsimus
via, philosophiae et theologiae institutionem, eodem S. Thoma duce, religiose coluerint
penitusque perceperint. Ita recte incedent, quum in re biblica, turn in ea theologiae
parte quam positivam nominant, in utraque laetissime progressuri.
Ja force du raisonnement suivant les regies d'une bonne et saine philosophic; cependant un grave et savant
theologien ne doit nullement laisser de cdte les demonstrations dogmatiques tirees de 1'autorite de la Bible :
Elle ne recoit pas, en effet (la theologie), ses principes des autres sciences, mais de Dieu, d'une fac,on
immediate, par la revelation. Et pour cette raison les autres sciences ne lui sont pas superieures, mais
inferieures; elle regoit leurs services comme d'autant de servantes. Cette fac,on d'enseigner la science
sacree a pour maitre et pour garant le plus grand des theologiens, saint Thomas d'Aquin; celui-ci, en
outre, a su tirer de ce caractere bien etabli de la theologie chretienne Pindication de la methode qui peut
servir au theologien pour defendre ses principes quand on les attaque. Si, dans la discussion, 1'adversaire
admet quelque point etabli par la revelation divine, nous partirons de la pour argumenter. G'est ainsi que
nous nous appuyons sur les Ecritures pour combattre les heretiques et sur un dogme accepte pour confondre
ceux qui en nient un autre. Mais si 1'adversaire refuse d'admettre toute revelation, il ne reste aucun moyen
de lui demontrer par des raisonnements les articles de foi, il faut alors se borner a resoudre les
objections qu'il souleve.
II est done necessaire de veiller a ce que leg jeunes gens qui abordent les etudes bibliques y soient bien
prepares, afin qu'ils ne trompent pas les esperances legitimes fondees sur eux, et, ce qui serait plus
mauvais encore, qu'ils ne tombent pas dans 1'erreur, seduits par les sophismes et 1'apparente erudition des
rationalistes. Or ils seront parfaitement armes, si, comme Nous 1'avons indique et recommande, ils ont
etudie soigneusement la philosophie et la theologie, en prenant saint Thomas pour guide. Ils s'avanceront
ainsi d'un pas sur et dans la science biblique et dans la theologie qu'on appelle positive, et y feront d'heu-
reux progres.
Lorsque, par one interpretation saine et habile des Livres Saints, on a demontre, developpe et eclairci
la doctrine catholique, on a fait beaucoup; il est un autre travail pourtant, et non moins important que
difficile, c'est d'etablir solidement 1'autorite de ces Livres eux-m^mes. Ge resultat ne pourra etre assure
dans sa plenitude et son universalite que par 1'enseignement vivant et infaillible de 1'Eglise; c'est 1'Eglise,
en effet, qui par elle-meme, a cause de sa miraculeuse propagation, de son eminente saintete, de son
inepuisable fecondite en tous biens, de son unite, de son indestructible stabilite, presente un perpetuel
motif de credibilite et une preuve irrefutable de sa mission divine. Mais parce que 1'autorite divine et
infaillible de 1'Eglise repose elle-me'me sur 1'Ecriture sainte, il faut avant tout etablir la valeur historique
de celle-ci. Par ces livres, temoins tres surs de 1'antiquite, on pourra ainsi mettre hors de doute la divinite
du Christ, sa mission, 1'institution de la hierarchic dans 1'Eglise, et la primaute conferee a Pierre et a ses
successeurs. II sera tres utile, pour y reussir. qu'un nombre assez grand d'ouvriers appartenant a la
hierarchic sacree abordent ensemble cette tache avec une preparation speciale; on les verra alors repousser
sur ce point particulier les attaques de 1'ennemi; ils revetiront avant tout pour ce combat 1'armure divine
que recommande l'Ap6tre, mais les nouvelles armes et la nouvelle tactique de 1'ennemi ne les surprendront
pas. Saint Jean Chrysostome en fait un devoir aux pretres : Nous devons apporter un tres grand zele pour
que la parole du Christ habite en nous abondamment: nous devons etre aptes, en effet, a soutenir des.
combats de plus d'un genre; la lutte change, et les adversaires attaquent sur tous les points : ils ne se
servent pas tous des memes armes, et ne nous combattent pas d'une seule maniere. Aussi est-il necessaire
que celui qui doit lutter avec tous connaisse les stratagemes et les artifices de tous, qu'il se serve egalement
de la fleche et de la fronde, qu'il soit a la fois tribun et centurion, general et simple soldat, cavalier et
fantassin, qu'il connaisse la tactique navale aussi bien que la guerre de siege : car s'il est etranger a quelque
partie de 1'art militaire, s'il se neglige sur un point, ce sera par ce c&te que le diable fera entrer ses supp6ts
dans la bergerie, afin de la devaster. Nombreux sont les artifices et les ruses de 1'ennemi sur cette partie
(1) Cone. Vat., sess. Ill, cap. m, De fide. (2) Eph., vi, 13, seqq. (3) Cf. Col., m, 16. (4) De sacerd.,
iv, 4.
xxvii
hac re ad impugnandum multiplices supra adumbravimus : jam, quibus praesidiis ad
defensionem nitendum, commoneamus.
Est primum in studio linguarum veterum orientalium simulque in arte quam
vocant criticam. Utriusque rei scientia quum hodie in magno sit pretio et laude, ea
clerus, plus minusve pro locis et hominibus exquisita, ornatus, melius poterit decus
et munus sustinere suum; nam ipse omnia omnibus (1) fieri debet, paratus semper
ad satisfactionem omni poscenti rationem de ea qux in ipso est spe (2). Ergo Sacrae
Scripturae magistris necesse est atque theologos addecet, eas linguas cognitas habere
quibus libri canonici sunt primitus ab hagiographis exarati, easdemque optimum factu
erit si colant alumni Ecclesiae, qui praesertim ad academicos theologiaB gradus aspi-
rant. Atque etiam curandum ut omnibus in Academiis, quod jam in multis receptum
laudabiliter est, de ceteris item antiquis linguis, maxime semiticis, deque congruente
cum illis eruditione, sint magisteria, eorum in primisusui qui ad Sacras Litteras pro-
fitendas designantur.
Hos autem ipsos, ejusdem rei gratia, doctiores esse oportet atque exercitatiores hi
vera artis criticae disciplina : perperam enim et cum religionis damno inductum est
artificium, nomine honestatum criticae sublimioris, quo, ex solis internis, uti loquun-
tur, rationibus, cujuspiam libri origo, integritas, auctoritas dijudicata emergant.
Contra perspicuum est, in quaestionibus rei historicae, cujusmodi origo et conservatio
librorum, historiae testimonia valere pra? ceteris, eaque esse quam studiosissime et
conquirenda et excutienda : illas vero rationes internas plerumque non esse tanti, ut
in causam, nisi ad quamdam confirmationem, possint advocari. Secus si fiat, magna
profecto consequentur incommoda. Nam hostibus religionis plus confidentiae futurum
du champ de bataille, Nous 1'avons dit en passant, plus haut. Quels sont les moyens de defense? Nous
allons maintenant les indiquer.
Le premier consiste dans 1'etude des anciennes langues orientales et aussi dans ce qu'on appelle la
critique. Gette double connaissance, qu'aujourd'hui on estime si fort, le clerge doit la posseder, a un degre
plus ou moins eleve, selon les lieux et les personnes. De cette maniere, il pourra mieux soutenir son
honneur et remplir son ministere; car il doit se faire tout a tous, et 6tre toujours prSt a repondre a tous
ceux qui lui demandent compte des espe'rances qui sont en lui. Aussi pour les professeurs d'Ecriture
Sainte c'est une necessite, et pour les theologiens une convenance, de posseder les langues dans lesquelles
les hagiographes ont primitivement ecrit les livres canoniques. II serait aussi a desirer qu'elles fussent
cultivees par les eleves ecclesiastiques, en particulier par ceux qui dans les academies aspirent aux grades
theologiques. De plus, il faut tocher que dans toutes les Universites, ce qui heureusement s'est deja fait
dans plusieurs, on etablisse des chaires pour les autres idiomes antiques, en particulier pour les langues
semitiques et pour les connaissances qui s'y rattachent, dans 1'interfit de ceux qui se destinent a professer
les Saintes Lettres.
Pour la m6me raison, ces homines doivent 6tre plus savants et plus exerces que les autres dans 1'art de
la vraie critique. Car c'est au detriment de la verite et de la religion qu'on a invente une methode qu'on
decoredu nom de critique superieure. D'apres cette methode, pour juger de I'origine, de rintegrite et de
1'autorite de n'importe quel livre, on doit avoir recours uniquement aux preuves intrinseques, comme on
les appelle. Au contraire, il est clair que dans les questions historiques, telles que I'origine et la con-
servation des livres, les preuves fournies par 1'histoire ont plus de force que toutes les autres : aussi
doit-on les rechercher et les examiner avec le plus grand soin. Les preuves intrinseques, le plus sou-
vent, n'ont pas assez de poids pour qu'on puisse les invoquer, si ce n'est comme une confirmation de la
these. En agissant autrement, on rencontrerait de graves inconvenients. Ge serait encourager les ennemis
de la religion a attaquer et a detruire 1'authenticite de-nos Saints Livres. Car ce genre tant prdne de critique
superieure aboutit a ceci: que chacun, dans ses interpretations, en viendrait a suivre son propre gout et ses
opinions faites d'avance. De cette maniere la lumiere desiree ne se fera pas sur les Ecritures, la vraie
science ne gagnera rien; mais 1'erreur se trahira par cet effet qui la caracterise: la diversite des opinions et
les contradictions incessantes dont les chefs de cette methode nouvelle nous offrent deja le spectacle. Et
parce que ceux-ci sont la plupart imbus des principes d'une fausse philosophic et de 1'esprit rationaliste,
ils ne craindront pas d'elaguer des Saints Livres les propketies, les miracles et tout ce qui depasse 1'ordre
naturel.
En second lieu il faut combattre ceux qui, abusant de la connaissance qu'ils ont des sciences naturellesj
s'attachent a tous les pas des auteurs sacres pour montrer leur ignorance sur ces matieres et denigrer les
Ecritures elles-m6mes. Ges accusations, ayant pour objet des choses sensibles, deviennent surtout dange-
reuses lorsqu'elles arrivent a la connaissance du vulgaire et surtout de la jeunesse qui s'adonne a 1'etude
des lettres. Celle-ci, en effet, une fois qu'elle aura perdu le respect de la revelation divine sur un point,
refusera facilement de lui prater foi sur tous les autres. Or il est bien certain que, si les sciences naturelles
peuvent servir a manifester la gloire du Createur, empreinte dans la creation, pourvu qu'elles soient convena-
blement expliquees, elles peuvent tout aussi bien detruire les principes de la saine philosophic et corrompre
les moeurs, si elles sont presentees d'une fagon perfide aux jeunes intelligences. C'est pourquoi la connais-
sance des sciences naturelles sera pour le professeur d'Ecriture sainte d'un puissant secours. Par la il
pourra plus facilement decouvrir et combattre les attaques qui de ce c6te aussi sont dirigees contre les
Saints Livres.
II ne saurait assurement exister de desaccord entre theologiens et savants si les uns et les autres se
renfermaient dans leurs limites respectives, si, suivant le conseil de saint Augustin, ils n'avangaient rien
sans preuve et ne donnaient pas pour certain ce qui ne Test pas. Toutefois, s'il arrive un confiit, voici,
d'apres le rneme docteur, la regie generale que doit suivre le theologien : Toutes les fois que les savants
ont appuye de preuves solides leurs assertions relatives aux sciences de la nature, montrons qu'elles ne
sont pas en contradiction avec nos Saints Livres; mais lorsque, dans leurs ouvrages, ils avancent des
choses contraires a nos Saints Livres, c'est-a-dire a la foi catholique, montrons-leur, si nous le pouvons,
ou du moins n'hesitons pas a croire, qu'ils se trompent. Cette regie est tres juste. En effet, il faut d'abord
considerer que les ecrivains sacres ou plut6t 1'Esprit-Saint parlant par leur bouche n'ont pas voulu nous
reveler la nature du monde visible, dont la connaissance ne sert de rien pour le salut ; c'est pourquoi
ces ecrivains ne se proposent pas d'etudier directement les phenomenes naturels; mais, lorsqu'ils en
parlent, ils les decrivent d'une maniere metaphorique ou en se servant du langage communement usite
de leur temps, langage dont les plus grands savants se servent encore de nos jours dans la vie ordinaire.
Or dans la conversation on designe les choses comme elles apparaissent aux sens; de mfime les ecrivains
sacres s'en sont rapportes aux apparences ; c'est le Docteur angelique qui nous en avertit. Dieu, parlant
aux hommes, s'est conforme, pour se faire comprendre, a leur maniere d'exprimer les choses.
D'ailleurs, si Ton doit defendre energiquement 1'Ecriture Sainte, il ne s'ensuit pas qu'il faille soutenir
toutes les opinions emises par chacun des Peres et des exegetes posterieurs. Ges hommes ont subi
1'influence des opinions qui avaient cours de leur temps : en expliquant les passages des Saintes Ecritures
qui font allusion aux choses naturelles, ils ont pu meler a la verite des jugements qu'on n'accepterait pas
aujourd'hui. Aussi faut-il soigneusement mettre a part dans leurs interpretations les points qu'ils donnent
reellement comme touchant a la foi ou comme etroitement unis a elle, ainsi que les verites qu'ils presentent
d'un consentement unanime; car, surtout ce qui n'appartient pas au domaine de la foi, les Saints ont eu
le droit, comme nous Favons, d'emettre differents avis. G'est la pensee de saint Thomas, qui fait ailleurs
cette si sage reflexion : c Je crois plus prudent, a 1'egard des doctrines qui sont communement admises par
les philosophes et ne sont pas contraires a nos croyances, d'eviter tout ensemble et de les affirmer comme
(1) S. Aug., De Gen. ad litt., I, 21, 41. -(2) S. Aug., i&., H, 9, 20. (3) Summa theol, p. I, q. txx, a,
1 ad 3. (4) In Sent., II, dist. U, q. i, a. 3.
XXX
esse asserenda ut dogmata fidei, etsi aliquando sub nomine philosophorum introdu-
eantur, nee sic esse neganda tamquam fidei contraria, ne sapientibus hujus mundi
occasio contemnendi doctrinam fidei praebeatur (1). > Sane, quamquam ea, qua? spe-
culatores naturae certis argumentis.'certa jam esse affirmarint, interpres ostendere
debet nihil Scripturis recte explieatis obsistere, ipsum tamen ne fugiat, factum quan-
doque esse, ut certa quaedam ab illis tradita, postea in dubitationem adducta sint et
repudiata. Quod si physicorum scriptores terminos disciplinae suas transgressi, in pro-
vinciam philosophorum perversitate opinionum invadant, eas interpros theologus
philosophis mittat refutandas.
Haec ipsa deinde ad cognatas disciplinas ~ ad historian! praesertim, juvabit trans-
ferri. Dolendum enim, multos esse qui antiquitatis monumenta, gentium mores et
instituta, similiumque rerum testimonia magnis ii quidem laboribus perscrutentur
et proferant, sed eo saepius consilio, ut erroris labes in Sacris Libris deprehendant,
ex quo illorum auctoritas usquequaque infirmetur et nutet. Idque nonnulli et nimis
infesto animo faciunt nee satis aaquo judicio; qui sic fidunt profanis libris et documentis
memoriae priscae, perinde ut nulla eis ne suspicio quidem erroris possit subesse,
libris vero Scripturae Sacrae, ex opinata tantum erroris specie, neque ea probe dis-
cussa, vel parem abnuunt fidem. Fieri quidem potest, ut quaedam librariis in codici-
bus describendis minus recte exciderint; quod considerate judicandum est, nee facile
admittendum, nisi quibus locis rite sit demonstratum: fieri etiam potest, ut germana
alicujus loci sententia permaneat anceps; cui enodandae multum afferent optimoe
interpretandi regular : at nefas omnino merit, aut inspirationem ad aliquas tantum
Sacrae Scripturae partes coangustare, aut concedere sacrum ipsum errasse auctorem.
des dogmes de foi (bien que ceux-ci quelquefois soient presentes sous le patronage des philosophes) et do
ne pas les rejeter comme etant en contradiction avec la foi, pour ne pas i'ournir aux savants 1'occasion de
mepriser la doctrine. Aussi, quoique 1'interprete doive montrer que les faits etablis sur des preuves solides
par les observateurs de la nature ne sont pas en opposition avec 1'Ecriture bien comprise, il doit cependant
se garder d'oublier que d'autres faits, d'abord presentes comme certains, ont ete ensuite mis en doute et
rejetes. Que si les auteurs des traites de physique franchissent les limites de leur science et font invasion
dans le domaine de la philosophic avec de fausses donnees, le theologien exegete doit renvoyer au philo-
sophe le soin de les refuter.
On pourra aussi appliquer ces principes aux sciences voisines, surtout a 1'histoire : car il faut
deplorer que nombre de ceux qui, au prix de grandes fatigues, interrogent les monuments de 1'antiquite,
les moaurs et les institutions des peuples et autres documents de meme espece et qui les publient, aient
trop souvent le parti pris de surprendre 1'ficriture en flagrant delit d'erreur, pour en venir a ebranler de
toutes parts et a infirmer son autorite.
G'est aussi la maniere d'agir de quelques auteurs, dont 1'esprit peche par prevention et par defaut
d'impartialite : ils accordent un tel credit aux ouvrages profanes et aux monuments de 1'histoire ancienne,
qu'ils n'admettent meme pas le soupc.on d'erreur; au contraire, lorsqu'il s'agit des Livres sacres, il leur
suffit d'y apercevoir une pretendue apparence d'erreur, sur laquelle ils ne discutent meme pas, pour se
decider, sans y regarder de plus pres, a refuser a nos Saints Livres une confiance au moins egale. Gertes
il a pu echapper aux copistes des inexactitudes dans la transcription des manuscrits; mais il ne faut
admettre cette conclusion qu'apres mur examen et seulement pour les passages a 1'egard desquels 1'erreur
est prouvee. II peut se faire aussi que le veritable sens d'un passage reste douteux. G'est alors que, pour
1'elucider, les regies les plus sures de rinterpretation seront d'un grand secours; mais il ne sera
jamais permis ou de restreindre 1'inspiration a certaines parties seulement de la Sainte Ecriture ou
d'accorder que 1'ecrivain sacre ait pu se tromper.
(1) Opusc., x,
ENCYGLIQUE PROVIDENTISSIMUS xxxi
enim toleranda est eorum ratio, qui ex istis difficultatibus sese expediunt, id
nimirum dare non dubitantes, inspirationem divinam ad res fidei morumque, nihil
prseterea, pertinere, eo quod falso arbitrentur, de veritate sententiarum quum agitur,
non adeo exquirendum quaenam dixerit Deus, ut non magis perpendatur quam ob
causam ea dixerit. Etenim libri omnes atque integri, quos Ecclesia tamquam sacros
t canonicos recipit, cum omnibus suis partibus, Spiritu Sancto dictante, conscripti
sunt; tantum vero abest ut divinae inspiration! error ullus subesse possit, ut ea per
se ipsa, non modoerrorem excludat omnem, sed tarn necessario excludat et respuat,
quam necessarium est, Deum, summam Veritatem, nullius omnino erroris auctorem
esse.
Haec est antiqua et constans fides EcclesiaB, solenini etiam sententia in Gonciliis
defmita Florentine et Tridentino; confirmata denique atque expressius declarata in
Concilio Vaticano, a quo absolute edictum : Veteris et Novi Testamenti libri integri
cum omnibus suis partibus, prout in ejusdem Concilii (Tridentini) decreto recensentur,
et in veteri vulgata latina editione habentur, pro sacris et canonicis suscipiendi
sunt. Eos vero Ecclesia pro sacris et canonicis habet, non ideo quod sola humana
industria concinnati, sua deinde auctoritate sint approbati; nee ideo dumtaxat, quod
revelationem sine errore contineant; sed propterea quod Spiritu Sancto inspirante
conscripti, Deum habent auctorem (1). Quare nihil admodum refert, Spiritum San-
ctum assumpsisse homines tanquam instrumenta ad scribendum, quasi, non qui-
dem primario auctori, sed scriptoribus inspiratis quidpiam falsi elabi potuerit.
Nam supernaturali ipse virtute ita eos ad scribendum excitavit et movit, ita scriben-
tibus adstitit, ut ea omnia eaque sola qua3 ipse juberet, et recte mente conciperent,
et fideliter conscribere vellent, et apte infallibili veritate exprimerent : secus, non
ipse esset auctor Sacra? Scripture universe. Hoc ratum semper habuere SS. Patres:
On ne peut pas non plus tolerer 1'opinion de ceux qui se tirent de ces difficultes en n'hesitant pas
i supposer que 1'inspiration divine s'etend uniquement a ce qui touche la foi et les mceurs, parce que,
pensent-ils faussement, la verite du sens doit etre cherchee bien moins dans ce que Dieu a dit que dans
le motif pour lequel il 1'a dit. Car tous ces livres et ces livres tout entiers que 1'Eglise regarde comme
sacres et canoniques ont ete ecrits avec toutes leurs parties sous 1'inspiration du Saint-Esprit. Or, loin
d'admettre la coexistence de 1'erreur, 1'inspiration divine piar elle-me'me exclut toute erreur; et cela aussi
necessairement qu'il est necessaire que Dieu, Verite supreme, soit incapable d'enseigner 1'erreur.
C'est la la croyance ancienne et constante de 1'Eglise, croyance definie dans les conciles de Florence
et de Trente, confirme'e et plus expressement declaree dans le concile du Vatican, qui affirme d'une
raaniere absolue que les livres de I'Ancien et du Nouveau Testament avec toutes leurs parties, tels qu'ils
ont e'te" reconnus par le concile de Trente, et qui font partie de I'ancienne Vulgate latine, doivent
etre regarde"s comme sacres et canoniques. Et 1'Eglise les recoit comme sacres et canoniques, non pas
en ce sens que, composes par le genie humain, Us ont ensuite refu son approbation: ni meme seule-
ment parce qu'ils contiennent la revelation sans aucune erreur; mais parce qu'ils ont ete ecrits sous
1'inspiration du Saint-Esprit et ont ainsi Dieu meme pour auteur.
Aussi ne sert-il de rien de dire que le Saint-Esprit s'est servi des hommes comme d'instruments pour
ecrire et que quelque erreur a pu echapper, non a 1'auteur principal, mais aux ecrivains inspires. Car 1'Esprit-
Saint a tellement pousse et excite ces hommes a ecrire, il les a de telle sorte assistes d'une grdce surnatu-
relle quand ils ecrivaient, qu'ils ont du et concevoir exactement, et exposer fidelement, et exprimer avec une
infaillible justesse ce que Dieu voulait leur faire dire et seulement ce qu'il voulait. Sans quoi, il ne serait
pas lui-mgme 1'auteur de toute 1'Ecriture. Telle est la doctrine que les Peres ont toujours tenue pour
certaine : < C'est pourquoi, dit saint Augustin, on ne peut dire que le Saint-Esprit n'a pas ecrit lui-me'me
Itaque, ait Augustinus, quum illi scripserunt qua? ille ostendit et dixit, nequa-
quam dicendum est, quod ipse non scripserit : quandoquidem membra ejus id
operata sunt, quod dictante capite cognoverunt (1): pronuntiatque S. Gregorius M.:
c Quis ha?c scripserit, valde supervacanee qua?ritur, quum tamen auctor libri Spiri-
tus Sanctus fideliter credatur. Ipse igitur ha?c scripsit, qui scribenda dictavit : ipse
scripsit qui et in illius opere inspirator exstitit (2). j> Gonsequitur, ut qui in locis
authenticis Librorum Sacrorum quidpiam falsi contineri posse existiment, ii profecto
aut catholicam divinee inspirationis notionis pervertant, aut Deum ipsum erroris
faciant auctorem. Atque adeo Patribus omnibus et Doctoribus persuasissimum fuit,
divinas Litteras, quales ab hagiographis edita? sunt, ab omni omnino errore esse
immunes, ut propterea non pauca ilia, qua3 cOntrarii aliquid vel dissimile viderentur
afferre (eademque fere sunt qua? nomine nova? scientia? nunc objiciunt), non subti-
liter minus quam religiose componere inter se et conciliare studuerint; professi unani-
mes, Libros eos et integros et per partes a divino a?que esse afflatu, Deumque ipsum
per sacros auctores elocutum nihil admodum a veritate alienum ponere potuisse.
Ea valeant universe qua? idem Augustinus ad Hieronymum scripsit : Ego enim
fateor caritati tuaB, solis eis Scripturarum libris qui jam canonici appellantur, didici
hunc timorem honoremque deferre, ut nullum eorum auctorum scribendo aliquid
errasse firmissirne credam. Ac si aliquid in eis offendero litteris quod videatur con-
trarium veritati, nihil aliud quam vel mendosum esse codicem, vel interpretem non
assecutum esse quod dictum est, vel me minime intellexisse non ambigam (3).
At vero omni graviorum artium instrumento pro sanctitate Bibliorum plene per-
fecteque contendere, multo id majus est, quam ut a sola interpretum et theologorum
quand ceux-la ecrivirent ce qu'il leur a montre et suggere. Les membres ecrivaient ce que la t6te leur
dictait. Saint Gregoire le Grand dit egalement : II est bien inutile de chercher qui a ecrit ces livres,
puisque nous devons croire que le Saint-Esprit en est 1'auteur. Gelui-la done a ecrit qui a dicte ce qu'il
fallait ecrire. Celui-la a ecrit qui fut 1'inspirateur de 1'oeuvre.
II s'ensuit que ceux qui pensent que dans les endroits authentiques des Livres Saints se trouve quelque
chose de faux, ceux-la ou bien alterent la notion catholique de 1'inspiration divine, ou font Dieu lui-meme
auteur de 1'erreur. Aussi tous les saints Peres et les docteurs ont-ils ete tellement persuades que les
Saintes Lettres, telles qu'elles sont presentees par les auteurs sacres, sont absolument exemptes de toute
erreur, qu'en presence des nombreux passages (les memes ou a peu pres qu'on nous objecte aujourd'hui au
nom de la science moderne), ou semble se rencontrer quelque contradiction ou quelque divergence, ils
ont multiplie leurs efforts avec autant de sagacite que de piete pour les mettre d'accord et les concilier entre
eux. Ils professaient ainsi avec unanimite que les Saints Livres, dans leur ensemble et dans chacune de
leurs parties, sont egalement 1'ceuvre de 1'inspiration divine, et que Dieu lui-meme, parlant par la bouche
des auteurs inspires, n'a pu absolument rien enoncer qui s'ecartat de la verite.
Telle doit etre la portee universelle de ces paroles que saint Augustin ecrit a saint Jerome : Je dois,
en effet, 1'avouer a votre affection; entre tous les livres, j'ai voue a ceux-la seuls qui font partie de 1'Ecriture
et sont appeles canoniques un tel respect, une telle veneration, que c'est pour moi une ferme croyance
qu'aucun de leurs auteurs n'a pu se tromper en quoi que ce soil. Et si par hasard je rencontrais dans les
Saintes Lettres quelque chose qui parut contraire a la verite, je n'hesiterais pas a conclure, ou Men que le
texte est defectueux, ou bien que le traducteur n'a pas saisi le sens, ou enfin que moi-meme je n'ai
nullement compris.
Mais 1'application pleine et parfaite de toutes ces sciences difficiles a la defense de la saintete de la
Bible est une oeuvre qui depasse de beaucoup ce que 1'on peut raisonnablement attendre de 1'activite exclu-
sive des commentateurs et des theologiens. II est bien a desirer que vers ce but conspirent aussi tous les
(1) De consensu Evangel., 1. I, c. 35. (2) Prxf. in Job, n. 2. (3) Ep. LXXXJI, 1, et crebrius alibi.
XXXIII
sollertia asquum sit expectari. Eodem optandum est conspirent et connitantur illi
etiam ex catholicis viris, qui ab externis doctrinis aliquam sint nominis auctoritatem
adepti. Hortun sane ingeniorum ornatus, si nunquam antea, ne nunc quidem, Dei
beneficio, Ecclesiaa deest; atque utinam eo amplius in fidei subsidium augescat. Nihil
enim magis oportere ducimus, quam ut plures validioresque nanciscatur veritas pro-
pugnatores, quam sentiat adversaries; neque res ulla est qua3 magis persuadere vulgo
possit obsequium veritatis, quam si earn liberrime profiteantur qui in laudata
aliqua praastent facultate. Quin facile etiam cessura est obtrectatorum invidia, aut
certe non ita petulanter jam traducere illi audebunt inimicam scientiag, fidem, quum
viderint a viris scientiaa laude nobilibus summum fidei honorem reverentiamque
adhiberi.
Quoniam igitur tantum ii possunt religioni importare commodi, quibus cum catho-
licae professionis gratia felicem indolem ingenii benignum Numen impertiit, ideo in
hac acerrima agitatione studiorum quaa Scripturas quoquo modo attingunt, aptum sibi
quisque eligant studii genus, in quo aliquando excellentes, objecta in illas improba)
scientiae tela, non sine gloria, repellant.
Quo loco gratum est illud pro merito comprobare nonnullorum catholicorum con-
silium, qui ut viris doctioribus suppetere possit unde hujusmodi studia omni adju-
mentorum copia pertractent et provehant, coactis societatibus, largiter pecunias solent
conferre. Optima sane et peropportuna temporibus pecunise collocandaa ratio. Quo
enim catholicis minus praasidii in sua studia sperare licet publice, eo promptiorem
effusioremque patere decet privatorum liberalitatem; ut quibus a Deo aucti sunt divi-
tiis, eas ad tutandum revelatas ipsius doctrinaa thesaurum velint convertere.
Tales autem labores ut ad rem biblicam vere proficiant, insistant eruditi in iis
tamquam principiis, quaa supra a Nobis praafinita sunt; fideliterque teneant, Deum,
efforts des catholiques dont le nom a acquis quelque autorite dans les sciences profanes. Gertes, pas plus
de nos jours qu'a aucune epoque du passe, cet ornement de leur genie ne fait, grace a Dieu, defaut a
1'Eglise : plaise au Ciel de 1'accroitre encore pour rnieux defendre notre foi! Rien, en effet, ne Nous
semble plus necessaire : il faut que la verite voie ses defenseurs 1'emporter en nombre et en valeur sur ses
adversaires; et rien au monde n'est mieux de nature a inspirer au vulgaire le respect de la verite, que de la
voir professer hardiment par ceux qui excellent dans quelque branche illustre des sciences. Bien plus, la
haine me'me de nos ennemis cedera facilement, ou, du moins leur insolence n'osera pas representer la foi
corame ennemie de la science quand ils verront des homines illustres par toutes les gloires scientifiques
apporter a cette foi 1'hommage souverain de leur respect.
Puisque tels sont les avantages que peuvent apporter a la religion ceux a qui la divine bonte a accorde,
avec la grace de la foi catholique, les dons heureux de 1'esprit, que chacun, dans ce mouvement si ardent
des sciences tonchant de quelque fac.on aux Ecritures, se choisisse un genre d'etudes qui lui convienne et
dans lequel, one fois passe maitre, il puisse, non sans gloire, repousser les traits que la science ennemie
dirige centre elles.
Et ici il Nous est doux de louer, comme il le merite, le dessein de certains catholiques, qui, pour
fournir aux savants les moyens de poursuivre et de faire avancer, avec tous les secours qu'elles reclament,
ce genre d'etudes, s'unissent en societes pour appliquer a cette fin leurs liberalites pecuniaires. On ne
saurait, certes, trouver pour la richesse un emploi meilleur et plus en rapport avec les circonstances.
Moins, en effet, les catholiques peuvent compter, pour leurs etudes, sur les secours officials, plus il
convient que la generosite privee se montre prompte et abondante; c'est ainsi que ceux qui ont re<ju de
Dieu les biens de la fortune pourront les faire servir a proteger le tresor de la revelation meme.
Mais pour que ces travaux profitent veritablement aux etudes bibliques, que les savants s'appuient, en
les considerant comme des principes, sur les doctrines que Nous avons exposees plus haul; qu'ils soient
fideles a tenir que Dieu, qui a cree et qui gouverne toutes choses, est aussi 1'auteur des Ecritures, et,
DICT. DE LA BIBLE. I. G
xxxiv ENCyCLIQUE PROVIDENTISSIMUS
conditorem rectoremque rerum omnium, eumdem esse Scripturarum auctorem : nihil
propterea ex rerum natura, nihil ex historic monumentis colligi posse quod cum Seri-
pturis revera pugnet. Si quid ergo tale videatur, id sedulo submovendum, turn
adhibito prudenti theologorum et interpretum judicio, quidnam verius verisimiliusve
habeat Scripture locus, de quo disceptetur, turn diligentius expensa argumentorum
vi, qua3 contra adducantur. Neque ideo cessandum, si qua in contrarium species etiam
turn resideat; nam, quoniam verum vero adversari haudquaquam pptest, certum sit
aut in sacrorum interpretationem verborum, aut in alteram disputationis partem
errorem incurrisse: neutrum vero si necdum satis appareat, cunctandum interea de
sententia. Permulta enim ex omni doctrinarum genere sunt diu multumque contra
Scripturam jactata, quse nunc, utpote inania, penitus obsolevere : item non pauca de
quibusdam Scripture locis (non proprie ad fidei morumque pertinentibus regulam)
Sunt quondam interpretando proposita, in quibus rectius postea vidit acrior quaedam
investigatio. Nempe opinionum commenta delet dies : sed veritas manet et invalescit
in sternum (1) . Quare, sicut nemo sibi arrogaverit ut omnem recte intelligat Scriptu-
ram, in qua se ipse plura nescire quam scire fassus est Augustinus (2), ita, si quid
incident difficilius quam explicari possit, quisque earn sumet cautionem temperatio-
nemque ejusdem Doctoris : Melius est vel premi incognitis sed utilibus signis, quam
inutiliter ea interpretando, a jugo servitutis eductam cervicem laqueis erroris inse-
rere (3).
Consilia et jussa Nostra si probe verecundeque erunt secuti qui subsidiaria base
studia profitentur, si et scribendo et docendo studiorum fructus dirigant ad hostes
veritatis redarguendos, ad fidei damna in juventute praecavenda, turn demum laetari
partant, que rien, ni dans la nature, ni dans les monuments de 1'histoire, ne peut vraiment contre-
dire les Ecritures. Que si quelque contradiction de ce genre nous semble apparaitre, ecartons-la avec
soin, soit en demandant au sage jugement des theologiens et des interpretes le sens plus vrai ou plus
vraisemblable du passage en question, soit en soumettant a un examen plus attentif la valeur des argu-
ments qu'on oppose a 1'encontre. Et il ne faudrait pas s'arreter, lors rneme que les contradictions appa-
rentes persisteraient: comme le vrai ne peut jamais etre oppose au vrai, que Ton tienne pour certain que
1'erreur a du s'introduire, soit dans 1'interpretation du texte sacre, soit dans quelque autre partie de la
discussion : et si, ni d'un cote ni de 1'autre, cela ne peut encore assez se constater, il faut, en attendant,
suspendre son jugement.
Gombien d'objections, en effet, dont les divers ordres de sciences ont fait longtemps grand bruit contre
les Ecritures, et qui, reconnues sans valeur, sont aujourd'hui tombees dans 1'oubli! De m6me, au sujet de
certains passages des Ecritures (qui ne touchaient pas directement, il est vrai, a la regie de la foi et des
moeurs), combien ^interpretations que Ton proposait, et qu'un examen plus attentif a du reformer dans la
suite! Le temps, en effet, emporte les erreurs de 1'opinion; mais la verite demeure et se fortifie eternel-
lement . Personne ne peut avoir la pretention de comprendre parfaitement un livre, dans lequel
saint Augustin lui - meme avoue qu'il ignorait beaucoup plus de choses qu'il n'en savait; c'est pourquoi s'il
se presente des difficultes que 1'on ne peut resoudre, que chacun s'approprie le sage precede du me'me
docteur : Mieux vaut se courber sous des signes, utiles toujours lors meme qu'on les ignore, que de
s'exposer, par des interpretations inutiles, a embarrasser dans les filets de 1'erreur une t^te affranchie du
joug de la servitude.
Qu'ils suivent avec respect et droiture Nos conseils et Nos recommandations, ceux qui s'occupent de ces
sciences subsidiaires; qu'ils s'efForcent, dans leurs ecrits et leur enseignement, d'employer les resultats de
leurs etudes a refuter les ennemis de la verite et a empcher chez les jeunes gens la perte de la foi : Us
pourront alors se feliciter d'avoir dignement mis leur travail au service des Saintes Lettres et d'avoir
<l) III Esdr., iv, 38. (2) Ad Januar. ep. LV, 21. .3} De doct. chr.. m, 9,18,
ENCYCLIQUE PROVIDENTISSIMUS xxxv
poteriint digna se opera Sacris Litteris inservire, eamque rei catholicae opem afferre,
qualem de filiorum pietate et doctrinis jure sibi Ecclesia pollicetur.
Haec sunt, Venerabiles Fratres, qua3 de studiis Scripturae Sacra? pro opportunitate
monenda et praecipienda, aspirante Deo, censuimus. Jam sit vestrum curare, ut qua
par est religione custodiantur et observentur: sic ut debita Deo gratia, de communi-
catis humano generi eloquiis sapientiae suae, testatius eniteat, optataeque utilitates
redundent, maxime ad sacrae juventutis institutionem, quae tanta est cura Nostra et
spes Ecclesiae. Auctoritate nimirum et hortatione date alacres operam, ut in Semi-
nariis, atque in Academiis quae parent ditioni vestrae, haec studia justo in honore
consistant vigeantque. Integre feliciterque vigeant, moderatrice Ecclesia, secundum
saluberrima documenta et exempla SS. Patrum laudatamque majorum consuetudinem:
atque talia ex temporum cursu incrementa accipiant quae vere sint in praesidium et
gloriam catholicae veritatis, natae divinitus ad perennem populorum salutem.
Omnes denique alumnos et administros Ecclesiae paterna caritate admonemus, ut
ad Sacras Litteras adeant summo semper affectu reverentiae et pietatis : nequaquam
enim ipsarum intelligentia salutariter ut opus est patere potest, nisi remota scientiae
terrenx arrogantia, studioque sancte excitato ejus qu% desursum est sapientiae. Cujus
in disciplinam semel admissa mens, atque inde illustrata et roborata, mire valebit ut
etiam humanae scientiae quae sunt fraudes dignoscat et vitet, qui sunt solidi fructus
percipiat et ad aeterna referat; inde potissime exardescens animus, ad emolumenta
virtutis et divini amoris spiritu vehementiore contendet: Beati qui scrutantur tesii-
monia ejus, in toto corde exquirunt eum (1).
apporte a la religion catholique le secours que 1'Eglise est en droit d'attendre de la piete et de la science
de ses enfants.
Tels sont, venerables Freres, les avis et les regies que Nous avons cru devoir, selon les besoins du
moment, vous donner, avec 1'aide de Dieu, sur 1'etude de I'Ecriture Sainte. A vous maintenant de veiller
a ce qu'elles soient gardees et observees avec le respect qui leur est du : ce sera le moyen de faire briller
avec plus d'eclat la reconnaissance que nous devons a Dieu pour cette communication faite au genre
humain des oracles de sa sagesse; le moyen aussi d'en retirer plus abondamment les avantages tant sou-
haites, surtout pour la formation de cette jeunesse levitique, qui est 1'objet si cher de Notre sollicitude
et 1'esperance de 1'Eglise. Remplis d'un zele empresse, employez votre autorite et vos exhortations a ce
que, dans les seminaires et dans les academies soumises a votre juridiction, ces etudes se maintiennent
justement en honneur et soient toujours florissantes. Qu'elles se developpent dans une heureuse integrite,
sous la direction de I'Eglise, et en se conformant aux salutaires legons et aux exemples des saints Peres
comme aux louables pratiques des anciens; et qu'enfin le cours des temps leur donne des developpements
qui serviront veritablement a la defense et a la gloire de la verite catholique, etablie de Dieu pour perpetuer
le salut des peuples.
Quant aux eleves et aux ministres de I'Eglise, Nous les avertissons tous, dans Notre affection paternelle,
de n'aborder jamais les Saintes Lettres qu'avec un sentiment profond de respect et de piete; car il est
absolument impossible que 1'intelligence s'en revele a eux d'une fagon salutaire, comme il en est besoin,
s'ils ne sont fideles a ecarter l'arrogance de la sagesse terrestre et a exciter saintement en eux 1'amour de
la sagesse qui vient d'en haul. Une fois que, se raettant a son ecole, 1'ame en a regu la lumiere et la force,
elle en acquiert une merveilleuse faculte pour discerner et eviter les artifices de la science humaine, pour
recueillir les fruits qui sont vraiment solides et les rapporter a 1'eternite. G'est par la surtout que I'dme
enilammee d'ardeur tendra d'un elan plus vigoureux vers les richesses de la vertu et de 1'amour divin:
Bienheureux ceux qui scrutent ses temoignages et de tout leur cceur vont a sa recherche.
Datum Roma3 apud S. Petrum die XVIII Novembris anno MDCGGXGIII, Pontifi-
catus Nostri sextodecimo
LEO PP. XIII.
Et maintenant Nous Nous appuyons sur 1'esperance du secours d'en haut, et, pleins de confiance en
zele pastoral, c'est avec toute Notre affection que, comme gage des recompenses celestes et com me
iemoignage de Notre particuliere bienveillance, Nous vous accordons, dans le Seigneur, a vous tous, et a
tout le clerg6 comme a tout le peuple confies a chacun de vous, la benediction apostolique.
Donne a Rome, pres Saint -Pierre, le 18 novembre de 1'annee MDGGGXGIII, de Notre Pontificat
l a seizieme. - , - -
LEON XIII. PAPE.
LETTRE DE S. EM. LE CARDINAL RICHARD
ARCHEVEQUE DE PARIS
qu'un moyen sur de trouver la verite, disait saint Irenee, c'est de consulter la tradition'
telle qu'elle s'est conservee dans les Eglises par les eveques que les Apotres ont
institues et par leurs successeurs. Adv. h&r., m, 3. Les Apotres ne prechaient pas
une Bible a la main; ils prechaient Jesus crucifie et ressuscite. c Ge que nous avons
entendu, ce que nous avons vu et contemple de nos yeux, ce que nous avons touche
de nos mains..., nous vous 1'annongons, afin que vous-memes ayez societe avec nous,
et que notre societe soit avec le Pere et avec son Fils Jesus^Christ. I Joa., i, 1-3,
La regie de foi etait en dehors de 1'Ecriture, puisque le Nouveau Testament n'existait
pas encore; elle se puisait dans les enseignements donnes au bapteme, dans 1'ensei-
gnement oral des premiers disciples, dans cet ensemble de verites qu'on reuniraplus
tard sous le nom de Symbole des Apotres. Elle est essentiellement traditionnelle
beaucoup plus que scripturaire. On sait que lorsqu'il s'agit de donner un successeur
a Judas, saint Pierre demande que Ton choisisse un temoin de la predication
evangelique, depuis le jour du bapteme de Jesus-Christ jusqu'a son ascension.
Act., i, 21. Les premiers Chretiens, il serait aise de le montrer par de nombreuses-
citations, ne sentaient pas 1'imperieux besoin de s'appuyer avant tout sur 1'Ecriture.
L'Ancien Testament leur servait a confirmer la foi, a la justifier jusqu'a 1'evidence
aux yeux des Juifs; il n'en etait pas le principe. Les Prophetes confirmaient
1'enseignement des Apotres d'une facon victorieuse; cependant la revelation chre-
tienne n'en reposait pas moins sur Jesus-Christ. Le Sauveur etait la clef de voute >
le couronnement de 1'edifice; il en etait aussi la base.
I M P O R T A N C E DE LA B I B L E D A N S L 5 EGLISE
Cette reserve de principe une fois admise, il faudrait etre aveugle pour mecon-
naitre 1'importance capitale de 1'Ecriture dans la vie de 1'Eglise, la part considerable
que les Apotres memes lui ont faite dans leur enseignement.
Les Apotres. II suffit de lire avec quelque attention les ecrits des Apotres pour
constater que si leur predication s'appuie directement sur Jesus-Christ, s'ils prouvent
la divinite de la religion par le ministere, les miracles, la resurrection du Sauveurr
ils confirment la verite de leur enseignement par la Sainte Ecriture, qu'ils regardent
comme le principal depot de la revelation, comme un Evangile anticipe, une predi-
cation avant la lettre. c. Interrogez les Ecritures, disait Notre-Seigneur, elles vous
parlent de moi. D'apres eux, la Loi est donnee a Moise en vue de preparer la-
venue du Christ; elle en est remplie, toute penetree, lex gravida Christo. Nulle
reserve, nulle restriction; juifs et Chretiens de ce temps etaient d'accord pour y
reconnaitre la parole, la manifestation immediate de la pensee de Dieu. Les faits-
historiques, m^me dans leurs details en apparence insignifiants, les lois, les ins-
titutions mosaiques, les sacrifices, les prescriptions rituelles, n'ont aux yeux des-
PREFACE
Ap6tres qu'une seule raison d'etre : predire et figurer Jesus-Christ. A leurs yeux,
le sens auquel il faut s'attacher n'etait pas tpujours celui que signifiaient naturellement
les mots, temoin la fameuse allegoric d'Agar et du Sinai. Le veritable sens, c'etait
Jesus - Christ; 1'importance capitale des ecrits saeres vient de ce qu'ils signifient, de
ce qu'ils aident a predire, de ce qu'ils sont 1'histoire anticipee du Sauveur. Je ne
pretends pas que les Apotres n'aient pas admis le double sens de 1'Ecriture, et
1'expression de saint Paul: quse sunt per allegoriam dicta, n'infirme evidemment pas
la realite historique d'Agar, comme le soutiennent certains rationalistes modernes;
je dis qu'on y cherchait avant tout le Messie. Ce qui embarrassait les rabbins n'em-
barrasse plus les Apotres : les premiers cherchent, les autres ont trouve; les rabbins
calculent Tavenir, font des prodiges ^interpretation qui nous etonnent et nous font
sourire; les Apotres ont la clef du mystere, le mot de 1'enigme, 1'evenement leur
a donne le vrai sens de 1'Ecriture; pour eux il n'y a plus d'avenir, les promesses et
les propheties sont realisees, tout est realise et accompli jusqu'au moindre apex on
au plus petit iota.
Les Peres. Ce culte pour la Sainte Ecriture se retrouve chez tous les Peres.
Les traductions nombreuses que Ton en fit pour la mettre aux mains des fideles, les
travaux critiques considerables de cette epoque, ceux surtout d'Origene et de saint
Jerome, sont une preuve eclatante de 1'activite litteraire des premiers siecles, la
constatation sans replique de la place a part que la Bible tenait dans les preoccu-
pations des Chretiens. Au surplus, la plupart des ecrits des Peres sont des commen-
taires homiletiques sur 1'Ecriture. Faut-il ajouter que les travaux auxquels nous-
faisons allusion, reserve faite des temps, des facilites de travail dues a 1'imprimerie,
1'abondance des manuscrits, sont aussi remarquables que ceux de nos jours?
II ne s'agit pas d'apprecier ici la nature de ce mouvement ni de cette activite;
il suffit d'en montrer 1'importance. Pour les plus anciens Peres, 1'Ecriture etait
presque un autographe de la divinite; ils allaient, pour les raisons que Ton sait,
jusqu'a croire a 1'inspiration des Septante. On voulut couper court aux difficultes
des rabbins et expliquer les variantes qui pouvaient surprendre les fideles en admet-
tant 1'inspiration des Septante. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 60.
La notion d'inspiration est fort rigoureuse. D'apres saint Justin, suivi en cela par
beaucoup d'autres, 1'ecrivain sacre est 1'instrument du Saint-Esprit comme une flute
aux levres du musicien. > II ajoute que 1'inspiration est un don qui vient d'en haut
aux saints hommes, qui pour cela n'ont besoin ni de rhetorique ni de dialectique,
mais doivent simplement se livrer a 1'action du Saint-Esprit, afm que 1'archet divin
descendu du ciel, se servant d'eux comme d'un instrument a cordes, nous revele la
connaissance des choses celestes .
II est superflu, je pense, de chercher a montrer 1'importance de 1'Ecriture dans
les premiers siecles: ce serait vouloir demontrer 1'evidence. II faudrait citer tous les
Peres. Leur pensee se resumerait exactement dans ce mot du plus ancien de tous,
saint Clement Remain : Diligenter inspidte Scripturas, Spiritus Saneti vera oracula.
LA moyen dge. Le moyen age a goute plus que nous la Sainte Ecriture et ert
a tire un plus grand profit spirituel; cependant il n'a produit rien de tres remarquabla
au point de vue critique. D'ailleurs il ne le pouvait guere, n'ayant a sa disposition
presque aucun des elements dont nous disposons a present. II a pris le texte recu et
s'en est nourri avec piete. L'Ecriture a ete 1'aliment spirituel, la grande consolation>
XLII PREFACE
la grande force morale du moyen age. Dars ces siecles de fer, les ames dedicates,
ecrasees par la force brutale, avaient besoinde s'elever au-dessus des realties revol-
tantes de la vie; les cloitres etaient pleins & ces ames aimantes et souffrantes, qui
avaient besom de se refugier dans les bras d Dieu pour fuir les souillures du monde
et de s'ecrier : Ecce elbngavi fugiens et mani in solitudine. Quemadmodum desiderat
cervus ad fontes aquarum, ita desiderat aiima mea ad te, Deus. Diligam te, Do-
mine, fortitude mea; Dominus firmamentun meum..., refugium meum, liberator,...
adjutor, protector meus, cornu salutis mex & susceptor meus...! Elles trouvaient dans
1'histoire du peuple de Dieu, dans les coips imprevus de la Providence a 1'egard
d'Israel, dans les cris douloureux, dechirantf du Psalmiste, dans les invincibles espe-
rances des prophetes, une consolation, un encouragement, une protection de Dieu
contre la perversite des mediants. On lisait 1'Ecriture, comme le dira plus tard 1'au-
teur de limitation, avec le meme esprit cui 1'avait fait ecrire. II y eut des exces.
Sous pretexte que la Loi est pleine du Christ, on tomba dans les exagerations les
moms pardonnables. On trouva dans la Bibb ce qu'on avait besoin d'y voir: non pas
seulement 1'histoire anticipee de la religion thretienne, ce qui est fort legitime; mais
1'histoire anticipee et individuelle de nos imes. De la des abus tres reels du sens
moral et allegorique chez les plus grands etles plus saints docteurs, sens ingenieux,
caches, accommodatices, interpretations un )eu trop fantaisistes, pour ne pas dire
fantastiques, dont nous ne nous debarassons pas, qui consistent a isoler les
textes, a saisir une analogic lointaine, un lapprochement quelconque entre un texte
et un evenement qui nous occupe, a juger du sens d'un passage par quelques mots
detaches sans scrupule du contexte. On peu, affirmer sans crainte que les Peres grecs
Bont en general incomparablement superieu's, au point de vue de 1'exegese propre-
ment dite, aux ecrivains latins du moyen age. Ges derniers n'avaient pas a leur
disposition les elements critiques, les tradtions exegetiques des premiers; ils s'en
dedommagerent inconsciemment, en se jetait dans les exces des applications morales
ou mystiques.
A cote des mystiques, les theologiens qu, tout en se servant de la Sainte Ecriture
avec le meme respect et le meme amour, a^ec une prodigieuse connaissance du texte,
il n'etait pas trop rare de rencontrer des theologiens qui savaient par coeur toute
1'Ecriture, ne dirigerent pas leurs etude; scripturaires dans un autre sens que les
auteurs mystiques. Ge qui dominait le plus dans les ecoles theologiques, c'etait la
metaphysique ou, si on le prefere, 1'emploide la raison pure. On se complaisait dans
toutes les abstractions du dogme, on appliqiait a la defense de la foi tous les procedes
de la dialectique d'Aristote, on mettait au service de la religion toutes les ressources
de la philosophic paienne; mais on ne s'occupait pas assez de discussions de textes,
de versions, d'authenticite. Ges questions r'etaient pas mures, et 1'on manquait pour
Jes etudier des ressources de la critique mderne. Du reste, plus la science devenait
abstraite, plus on essayait de sender les inpenetrables mysteres de la sainte Trinite
et de 1'union hypostatique, plus 1'Ecriture ievenait insuffisante, plus les textes vrai-
ment probants se faisaient rares, plus il eait malaise de confirmer par des citations
demonstratives les savantes deductions des theologiens. II fallait s'en rapporter a la
raison plus qu'a 1'EJcriture, et appuyer cdte raison sur les Conciles, les Peres ou
meme 1'autorite d'un grand docteur ou d'ui saint.
Les etudes critiques, telles que nous l<s comprenons a present, n'existaient done
PREFACE XLIH
pas a proprement parler. On faisait bien des catenae aurex, c chaines d'or > ou autres,
qui temoignaient d'une connaissance remarquable du texte, mais etaient insuffisantes
au point de vue de 1'exegese.
Le grand travail biblique du moyen age n'a pas ete fait par les Chretiens, qui n'en
avaient pas les elements, n'ayant a leur disposition ni les manuscrits ni la connais-^
sance des langues, mais par les Massoretes. Nous n'avons pas a nous en occuper; il
suffit de le signaler en passant.
II
suppot de Satan. Comment tre sur que le depot remis par PAntichrist dtait bien
la pure et sainte parole de Dieu ? On pouvait a la rigueur repondre que 1'Eglise
1'avait rec.ue de la Synagogue, mais il etait notoire que la Synagogue interpretait les
propheties autrement que nous et nous reprochait d'avoir fausse et altere ce qui
concernait le Messie. Pourquoi alors croire 1'Eglise plutot que la Synagogue?
En verite, on est confondu de I'lnconsequence d'hommes d'ailleurs intelligents,
quand on voit un Calvin pretendre reconnaitre 1'inspiration des Ecritures aussi
aisement que nous apprenons a discerner la lumiere des tenebres, le blanc du noir,
1'aigre du doux , Inst., p. 19; quand on voit un Luther, qui rejette tout 1'ensei-
gnement de 1'Eglise, toute la "tradition, decider de la divinite des ficritures suivant
qu'elles sont ou non conformes a son fameux criterium de la justification par la foi
sans les ceuvres; qu'on le voit, au nom d'une theorie personnelle, accepter ou repousser
certains livres canoniques! C'est la, dit-il, la veritable pierre de touche pour juger
tous les livres, quand on voit s'ils insistent ou non sur ce qui regarde le Christ,
puisque toute 1'Ecriture doit nous montrer le Christ, et que saint Paul ne veut rien
savoir que le Christ crucifie. Ce qui n'enseigne pas le Christ n'est pas apostolique,
quand meme Pierre ou Paul 1'eut dit; au contraire, ce qui preche le Christ, voila
qui est apostolique, quand mme cela viendrait de Judas, d'Anne, d'Herode ou de
Pilate. >
Mais ce pretendu criterium, ou l'a-t-il trouve? quelle en est la valeur? II etait
aussi arbitraire, aussi contestable que le subjectivisme de Calvin. En realite, ce n'est
done pas 1'Ecriture qui dirige Luther, qui est sa regie de foi: c'est sa croyance per-
sonnelle, son Credo subjectif qui decide de la divinite de 1'Ecriture; au-dessus de la
parole de Dieu a laquelle il pretend se tenir, il met 1'Evangile de la grace. Ce crite-
rium pretendu etait le resultat de I'education theologique de Luther. En sortant de
1'Eglise, Luther en emporta un temperament doctrinal tout forme; il conservera de
son catholicisme certains points fondamentaux, meles d'erreurs, qui le guideront
toute sa vie et serviront de fil d'Ariane au lecteur curieux et desireux de se recon-
naitre au milieu des contradictions du fougueux reformateur.
Le jour ne tardera pas a venir ou Ton demandera ce que vaut le critere subjectif
de Calvin, et celui plus doctrinal, quoique aussi fragile, de Luther. Vous rejetez
1'Eglise, la tradition apostolique, la succession des pasteurs; vous brisez les anneaux
de la chaine qui nous rattache a Jesus - Christ; vous traitez les theologiens, qui vous
enserrent dans les griffes de fer du bon sens, de la logique, de 1'autorite, de 1'histoire,
vous les traitez d'anes, d'impies, de blasphemateurs; vous versez sur eux des tombe-
reaux d'outrages, et vous croyez naivement qu'a defaut du magistere de 1'Eglise on
acceptera le votre? Et que me font a moi la theorie de Calvin, le criterium de Luther?
Vous m'interdisez d'obeir a 1'autorite de 1'Eglise, et vous m'obligez au nom de Dieu
meme a proclamer divins des livres ou je ne vois que la marque de I'homme? La
Bible ne se prouve pas par elle-meme, et si une autorite doctrinale dont je ne puisse
douter ne me la met entre les mains, je ne croirai meme pas a 1'fivangile. Des
hommes vont venir a la raison aussi forte que celle de leurs maitres; ils traiteront
de fables la plupart des recits sacres : la creation, la chute, I'arche de Noe, 1'histoire
des patriarches; ils nieront 1'authenticite des Livres Saints, reduiront a neant la
valeur des propheties, et donneront a leurs negations des apparences si sp6cieuses,
que les elus memes seraient seduits, s'ils pouvaient 1'etre. Au nom de la raison et
PREFACE XLV
du libre examen, les reformateurs ont rejete 1'Eglise; au nom de la raison aussi et du
libre examen, les nouveaux docteurs vont reformer les reformateurs, en semant, he'las!
autour d'eux bien d'autres mines.
Les rtsultats actuels. On ne saurait sans injustice nier les progres de notre
siecle dans 1'etude et la connaissance des origines. II serait inexact de dire que Ton
a refait 1'histoire du passe, une histoire complete des origines ne sera jamais
faite; mais il est certain que Ton a jete des rayons de lumiere sur bien des points
obscurs, et que d'heureux resultats sont definitiyement acquis. L'on veut savoir
comment les choses se sont reellement passees. Nul homme intelligent n'ignore les
travaux remarquables qui ont modifie si completement les donnees des siecles prece-
dents sur Rome, sur la Grece, 1'Egypte et la Chaldee. Origines de 1'histoire, de la
civilisation, des idees morales, de la litterature, des beaux-arts : rien n'est oublie.
Notre siecle s'est jete dans ces recherches avec une ardeur, une passion si intense,
qu'il a perdu, pour ainsi dire, son originalite propre. Sauf dans le domaine de la
science et de 1'industrie, il n'a produit aucune ceuvre personnelle et durable; il n'a
fait qu'essayer de remettre dans leur vrai jour les idees des autres. Un siecle critique
ne saurait etre un siecle createur. La critique ou, si on I'aime mieux, 1'examen
rationnel des faits et des idees s'applique actuellement a toutes les branches de nos
connaissances, depuis les fouilles de Schliemann et de M. Dieulafoy jusqu'aux pro-
blemes les plus ardus de la metaphysique. La religion pouvait d'autant moins echapper
a ces recherches, qu'elle tient plus de place dans nos preoccupations et dans la direc-
tion morale a donner a notre vie. On peut n'attacher qu'une mediocre importance
a tel detail raconte par Tite Live et Suetone, on ne saurait etre indifferent aux
moindres details de ce que Ton affirme etre la parole de Dieu. Comment des esprits
chercheurs, intelligents, orgueilleux, incroyants, ne se seraient-ils pas demande si Dieu
a parle, s'il a dit reellement tout ce qu'on lui fait dire. Les idees religieuses tiennent
trop de place dans 1'humanite pour que Ton n'ait pas essaye de les examiner de tout
pres et a la loupe, de les percer a jour et d'en montrer ce qu'on appelle les cotes
faibles. Par une consequence inevitable, 1'attaque s'est portee sur la religion chre-
tienne et sur le monument principal de cette religion: la Bible. Le conflit est a 1'etat
aigu. Dans les siecles precedents, les attaques des adversaires etaient relativement
moderees, car.la foi etait profonde meme chez certains heretiques. On contestait
quelques points de doctrine, mal definis par les theologiens, disait-on; mais on etait
d'accord sur le fait meme de la revelation. Aujourd'hui on ne conteste plus aucune
verite de detail, on nie tout. La raison, imbibee de foi par 1'enseignement traditionnel,
ne s'affranchissait pas totalement de 1'action de Dieu, de Tinfluence evangelique;
aujourd'hui elle est emancipee, elle est irreligieuse sur toute la ligne, et pretend jus-
tifier sa negation au nom de la critique moderne.
Essayons d'expliquer ce mot, d'exposer rapidement comment s'est produit dans le
monde chre*tien ce mouvement subversif, ce courant d'impiete".
XLVI PREFACE
III
reste que l'glise, que.Ton dit si mtolerante, laisse une tres grande liberte a ses
enfants fideles, et leur permet de se mouvoir a 1'aise,, Les droits de la raison et cle
la critique sont de tradition chez nous. Bien avant Cappel, qui scandalisa si fort
les siens, nous avions eu les Hexaples d'Origene, les editions critiques des Septante
par Lucien et Hesychius. II faut etre du metier, comme on dit, pour se rendre compte
de la somme enorme de travail que ces etudes supposent chez des homines prives des
ressources que nous possedons a present. II est, je pense, superflu de prommcer le
nom de saint Jerome. L'Elglise a toujours senti 1'importance de 1'etude ,des textes
originaux, puisque au concile de Vienne elle a prescrit dans les grandes universites
la fondation d'une chaire d'hebreu et d'arabe; le concile de Trente demanda la publi-
cation d'une edition critique du texte des Septante, edition donnee par Sixte-Quint;
il avait exprimd aussi le desir d'une edition critique et exacte de I'hebreu. Quoi qu'on
puisse dire, les travaux les plus considerables sur la Bible ont ete. faits par les catho-
liques. II suffit d'indiquer en passant la Polyglotte du cardinal Ximenes, qui rappelait
le colossal travail d'Origene. On sait que les Concordances, si precieuses pour 1'etude
du texte, ont ete imaginees par le dominicain Hugues de Saint - Cher. Je ne puis
mentionner meme d'un mot les chefs-d'oeuvre, il faudrait un volume. Les Correctoria
(indication des variantes et correction des lecons) nous appartiennent; a nous aussi
les etudes sur les textes originaux; a nous le plan, les elements du Thesaurus de
Gesenius, qui nous a tout emprunte".
Cette liberte sur le terrain critique, nous la retrouvons sur le terrain de 1'inter-
pretation; 1'Eglise accepte 1'ecole d'Antioche comme celle d'Alexandrie. Neanmoins
ce n'est pas dans le sein de 1'Eglise catholique que pouvait se produire la grande
revolution de critique rationaliste dont nous voyons se derouler toutes les phases. On
trouvera les principaux details de cette douloureuse histoire dans les ouvrages de
M. Vigouroux; je me contente de mettre en lumiere ce qui nous interesse davantage
dans cette etude.
Au xvin siecle, les esprits cultives se livrerent de preference a 1'etude de la phi-
losophic et des sciences naturelles, et Ton negligea la theologie, jusque-la reine et
maitresse des autres sciences. Deja la raison avait commence a se seculariser avec
la Renaissance, quand se produisit ce grand mouvement intellectuel qui, bien que
partant d'un principe different, facilita 1'action dissolvante du protestantisme. La
separation n'eut lieu que plus tard, mais la raison echappa des lors en partie a la
tutelle de 1'Eglise et se trouva mure pour 1'apostasie finale. La philosophic permettait
de s'e"manciper, de se soustraire a un controle g^nant; elle ouvrait ou paraissait
ouvrir des horizons sans fin a 1'intelligence emerveillee, enivree de ses premieres
decouvertes, fiere de n'etre plus 1'humble servante de la theologie, de marcher de pair
avec son austere et haute maitresse. De son cote, 1'etude des sciences naturelles
avait le grand avantage de donner un libre essor aux facultes humainesy pleine satis-
faction a notre insatiable besoin de savoir. Elle avait de plus le grand avantage de ne
point proceder par abstractions, par raisonnement a priori, par deductions metaphy-
siques souvent contestables, de ne pas marcher dans 1'inconnu, mais d'eclairer par
1'experience chacun de ses pas.
II se forma des lors un courant rationaliste tres puissant, qui envahit a son tour
le domaine de la theologie et de 1'Ecriture Sainte. Jusque-la la Bible avait echappe
aux attaques; catholiques et protestants la lisaient a genoux, comme un message de
XLVIII PREFACE
Dieu, et en baisaient respectueusement les pages; elle etait au-dessus de toute con-
testation, mais il fallut bientot compter avec 1'esprit nouveau. Le sens de 1'histoire
s'eveillait peu a peu, et bient6t la critique alia de pair avec 1'erudition. Les Benedictins
donnerent la mesure de ce qu'on peut realiser: les erudits de 1'avenir les egaleront
peut-etre, ils ne les surpasseront pas. Pour le dire en passant, nous ne connaissons
guere de savants contemporains superieurs ou meme comparables aux Bollandistes,
a Tillemont, Mabillon et autres erudits francais dont nous ne sommes pas assez fiers,
dont les travaux, ignores chez nous, meme a 1'heure presente, nous reviennent d'Alle-
magne sans indications d'auteurs. Notre naivete nous fait saluer dans des revues ou
-livres etrangers de pretendues decouvertes qui sont notre bien propre. Un peu de fierte
nationale ne messierait pas.
Les rationalistes contemporains pretendent que la science des Benedictins, toute
d'erudition, est incomplete; que les documents qu'elle nous a laisses, si authentiques
et precieux qu'ils soient, ont besoin d'etre revus, examines, interpretes a la lumiere
de la critique moderne. Le courant a envahi le domaine sacre, et le fait capital de
notre temps est d'avoir applique a 1'histoire du peuple juif, a 1'etude de sa litterature,
de ses idees religieuses, les precedes de 1'exegese rationaliste.
Plusieurs apologistes contemporains, trop confiants a mon gre, affectent de ne pas
voir le danger, de ne pas b'en preoccuper. A quoi bon s'alarmer? disent-ils, la Bible
en a vu bien d'autres; depuis le temps de Porphyre, de Gelse, de Julien 1'Apostat,
n'est-elle pas en butte a toutes les attaques? Les Peres de 1'Eglise n'avaient-ils pas
vu ce que nous voyons? Les Voltaire, les Strauss, les Renan, n'etaient pas inconnus
aux premiers siecles; ils ont releve dans les Ecritures de pretendues contradictions,
des difficultes historiques, des assertions enfantines en matiere de cosmographie, de
physique et d'histoire naturelle. Nous n'y contredisons pas; nous disons seulement
qu'il faut une forte provision d'optimisme pour comparer les attaques meme du
plus habile de tous a celles des rationalistes contemporains. Repondre aux attaques
de ces adversaires par un haussement d'epaules est plus qu'insuffisant. J'affirme
qu'elles valent la peine qu'on s'en occupe, pour venger la parole de Dieu et la faire
paraitre dans tout son eclat.
Caracteres de la critique moderne. Un des principaux caracteres de la critique
nouvelle est de replacer dans leur vrai cadre historique les evenements de la Bible.
Les etudes bibliques tirent leur importance de I'interet capital qui s'attache aux
idees religieuses dont les textes sacres sont le vetement. Aussi pour comprendre ces
idees ne se borne-t-on plus a present a une etude plus ou moins parfaite du texte
lui-meme, ne se contente-t-on plus, pour saisir le vrai sens de 1'Ecriture, de glaner
^a et la des textes isoles, que Ton groupe avec art en faveur de telle ou telle these;
d'en faire une sorte de mosaique gracieuse en les rapprochant, en appliquant au
m6me objet des citations parfois sans liaison entre elles. Le reve de 1'exegete
moderne, reve qui se realise tous les jours, est d'etudier les ecrivains sacres, non
comme des hommes places au meme niveau intellectuel et moral, egalement eclaires
et penetres par la lumiere de la revelation, comme des instruments passifs sous la
pression mecanique et irresistible du Saint-Esprit; mais comme des auteurs ayant des
pensees propres, des preoccupations doctrinales, morales ou politiques particulieres,
ayant pu comme d'autres subir les prejuges de la race et des temps. De moins en
moins, disent nos critiques, on regarde les ouvriers evangeliques, par exemple, comme
PREFACE
des individualites isolees, sans contact avec les hommes de leur generation; on se
plait a voir en eux des esprits soumis aux lois ordinaires du developpement de Vin-
telligence et s'avancant par degres vers la lumiere.
II fallait done, ajoutent-ils, deblayer le terrain, ne plus se fier aveuglement aux
affirmations de 1'ecole; montrer ce que les auteurs sacres avaient dit, d'apres ce
qu'ils avaient pu dire; etudier les conditions de leur activite litteraire, les mettre
en contact avec nous en effacant les siecles qui nous separent de Jesus-Christ et de
Molse, en supprimant autant que possible les intermediaires; saisir sur le vif la
pensee qu'ils avaient en ecrivant; se mettre a la place de leurs auditeurs, les entendre
comme les Juifs de la synagogue ecoutaient saint Paul, ne point juger d'un langage
parle il y a trente ou quarante siecles suivant nos preoccupations actuelles, le degre
de culture de notre intelligence moderne toute penetree du christianisme; comprendre
quelles idees cet enseignement pouvait eveiller a cette epoque, et pour cela nous
transporterdans.ee milieu intellectuel, essayer de dire comment ces hommes, diriges
par 1'inspiration du Saint-Esprit, restaient neanmoins preoccupes des idees, des
interets de leur temps et de leur pays; en un mot, preciser dans quelle mesure ils
parlaient pour Israel, et dans quelle mesure pour 1'Eglise: tel serait le premier carac-
tere de la critique.
Un autre non moins important est ce qu'on appelle la critique interne. Elle
consiste a chercher dans le texte lui-meme plutot que dans les temoignages exterieurs
la confirmation de 1'authenticite de ce texte. Cette methode, si chere a nos modernes,
n'est pas de leur invention. Longtemps avant Semler, Richard Simon 1'avait trouvee
et s'en etait servi dans une large mesure. Inutile de parler ici des incidents, connus
de tous, qui obligerent le pere de la critique biblique en France a interrompre ses
travaux et a laisser aux pires ennemis de la revelation une arme qui devait etre
maniee avec une precaution extreme. En fait cette methode s'est developpee, et malgre
d'immenses inconvenients elle a conquis le droit de cite et s'impose a tous les partis.
Elle a 1'avantage de n'etre 1'arme exclusive d'aucune ecole, de n'etre une arme que
centre les erreurs historiques et les theories toutes faites. II est, en effet, si facile
de denaturer une pensee, de tronquer des citations, de laisser dans 1'ombre ce qui
ne va pas a une these, de donner des explications arbitraires ou forcees, de presenter
les fails sous le jour qui plait le mieux, qu'on serait heureux de trouver une reponse
dans les textes memes, de voir si oui ou non ils confirment les temoignages externes.
Cette methode, excellente en soi, a Tinconvenient d'etre insuffisante, par la raison
que les preuves internes ne sont pas toujours demonstratives. Les textes sont souvent
muets et ne disent rien sur le temps ou les circonstances de leur composition, et
bon gre mal gre il faut en revenir aux temoignages externes. II faut tirer de la cri-
tique interne tout le parti possible, sans en abuser et sans vouloir lui demander ce
qu'elle ne saurait donner. Je me souviens de Timpression que j'eprouvai, etant encore
jeune seminariste, quand M. Le Hir m'en fit connaitre les premiers elements et
m'apprit a m'en servir. Depuis longtemps, je lisais les Evangiles sans me rendre
compte que saint Marc, interprete de Pierre, ne ressemble pas a saint Matthieu, que
saint Jean ne ressemble a personne. Je ne revenais pas de ma surprise en remarquant,
par exemple, les charmants recits de saint Marc, si pleins de vie, de couleur locale,
qui trahissent si bien le recit d'un temoin oculaire; les caracteristiques de saint Jean
sur la vie et la lumiere, etc. Je fus plus surpris encore en lisant un manuscrit de
OICT. DE LA BIBLE. I. D
L PREFACE
M. Le Hir, dans lequel le savant hebraisant demontrait I'authenticite du Pentateuque
au moyen d'arguments intrinseques : travail insuffisant aujourd'hui, mais qui etait
pour nous une revelation, et faisait dire a notre regrette M. Brugere, en langage
pittoresque, que t c'etaient les .pyramides d'Egypte construites avec des pattes de
mouches >.
Ses dangers. La critique interne n'est pas sans dangers et peut aisement con-
duire a la critique negative. On en abuse tous les jours. Certains erudits s'obstinent
a faire parler les textes en faveur de leurs systemes preconc,us, a leur faire dire ce
qu'ils ne disent pas, a les faire parler a centre-sens. Pour peu que la passion anti-
religieuse s'en mele, et elle s'en mele souvent, on ne recule devant aucune
absurdite. Tout est bon pour renverser la religion au nom d'une pretendue science;
tous les moyens paraissent legitimes, meme le mensonge; et la fausse critique, au
lieu de s'appuyer sur les faits, de les etudier, de les controler, les deforme, les mutile,
les supprime quand ils genent les theories preconcues de 1'incredulite. Geux qui la
represented nient avant tout la possibilite du surnaturel sous toutes ses formes,
comme le miracle et la prophetic. Mais alors a quoi bon la critique, a quoi bon 1'etude
scientifique des textes? Pour une pareille exegese, dit fort bien M. Vigouroux, 1'in-
credulite suffit. Pour determiner 1'age d'un prophete, il suffira d'examiner les dates
des evenements auxquels il fait allusion et d'affirmer qu'il leur est posterieur. Une
pareille critique serait evidemment un instrument satanique de destruction; cepen-
dant il serait injuste de confondre la vraie et la fausse critique dans le meme ana-
theme, de les repousser avec la m6me indignation au nom de la foi qu'il faut sauver.
II ne s'agit pas ici de faire un expose complet des idees qui ont cours chez les
rationalistes, encore moins de les justifier; mais de montrer qu'on doit en tenir
compte, et en suivre le developpement avec attention. Ge qu'on peut reconnaitre
loyalement, c'est que 1'histoire generale est a refaire, que les evenements de la Bible,
tels que nous sommes habitues a les envisager, d'apres une interpretation ancienne
et incompletement renseignee, ne cadrent pas tous avec les faits de 1'histoire profane.
La Bible ne change pas, elle ne saurait changer, puisqu'elle est la parole de Dieu:
tous les faits historiques qui y sont racontes sont vrais; mais ce qui a change, ce qui
peut changer encore, c'est 1'interpretation donnee a ces faits par les commentateurs.
L'erreur, si erreur il y a, ne peut tomber que sur 1'interpretation. En tout cas, des
erreurs d'exegese se comprennent aisement, car il est impossible, meme a 1'homme
le plus savant, d'expliquer certains faits de la Bible autrement qu'avec les idees et les
connaissances de son temps. Comment, par exemple, un exegete du xve siecle, n'ayant
aucune idee sur la formation probable du monde, aurait-il pu commenter la Genese
comme le ferait M. de Lapparent? Toute interpretation de la Bible sur des choses
qui ne sont pas purement doctrinales est presque toujours incomplete, car elle est
proportionnee avec 1'etat des connaissances du siecle ou vit 1'exegete. II importe de
distinguer nettement la question d'inspiration de celle d'interpretation : la premiere
est un dogme de foi, d'une realite indiscutable; la seconde est laissee d'ordinaire a la
sagacite des commentateurs. On peut se tromper et 1'on s'est trompe souvent sur
Tinterpretation d'un fait; on peut se tromper, par exemple, en cherchant a recon-
struire le temple d'apres les donnees du livre des Rois ou d'Ezechiel, en s'appuyant
sur tel systeme de chronologic, en mettant bout a bout, a la suite du protestant
Scaliger, les chiffres des genealogies des patriarches pour aboutir a des resultats.
PREFACE il
insoutenables, que j'ai le regret d'avoir rencontres dans des theologies classiquefc
d'ailleurs fort estimees. Tout cela est affaire ^interpretation.
Les decouvertes modernes nous obligent a modifier certaines de nos vues, a faire
rentrer plus exactement dans la trame de 1'histoire generate un certain nombre
d'evenements, et en particulier 1'histoire des prophetes. En effet, comment aurait---'om
pu expliquer exactement certains faits bibliques, quand on ne savait rien de Sargon !et
des Sargonides? quand on ne comprenait pas la raison de la campagne de Sennacherib
contre Jerusalem? D'autre part, qui aurait ose esperer que le passage si conteste par
lesincredules sur 1'invasion des Elamites, Gen.,xiv, serait un jour documente d'une facora
si saisissante? Les decouvertes de M. Naville, en Egypte, confirment les recits de 1'Exode';
<jomme aussi la lumiere se fait sur la probabilite d'une premiere emigration defe
Hebreux anterieure a 1'Exode, sur le sens de plusieurs textes des Paralipomettfes
qui embarrassaient si fort les commentateurs. Tous les recits bibliques sont confirmed
d'une facon merveilleuse. On sait desormais que le premier livre des Machabees, si
decrie par les reformateurs, est, au jugement meme des adversaires les plus acharnes
de la Revelation, le resume historique le plus parfait qu'il y ait sur cette epoque. Le
second livre, plus conteste encore par eux, n'est pas moins exact. D'apres le texte grec,
II Mach., vi, 7, on devait offrir des sacrifices mensuels en 1'honneur d'Antiochus. Cette
expression xari pjva parut si etrange et si extraordinaire, que 1'auteur de notre
version latine n'osa 1'introduire dans sa traduction. Pourquoi, en effet, celebrer chaque
mois un anniversaire? Tout au moins fallait-il mettre annuel au lieu de mensuel.
La Vulgate ne dit rien. Or M. 1'abbe Beurlier, en etudiant la nature du culte rendu
aux successeurs d'Alexandre, a constate que les inscriptions mentionnaient la cele-
bration mensuelle, par des sacrifices, de fetes en 1'honneur des rois d'Egypte et
d'Asie. Quoi de plus probant?
Ces graves questions, encore une fois, s'imposent a 1'attention de tous, de nos
seminaristes d'abord, qui, a peine sortis du seminaire, se trouveront meles a la luttis,
et devront etre mieux outilles que dans le passe pour resister aux attaques de l'incr-
dulite. Elles s'imposent a 1'etude serieuse de nos pretres, qui s'imaginent a tort
qu'elles ne sont pas connues du public; elles le sont plus qu'on ne pense. Si elleis
n'ont pas encore pris possession du public ordinaire, elles ont penetre dans le public
intelligent et dirigeant. II faut en prendre son parti et poursuivre 1'ennemi sur son
terrain; a des attaques nouvelles il faut des reponses nouvelles; aux arguments cri-
tiques il ne suffit pas de repondre par des arguments d'autorite. Aux siecles de foi
on se passionnait pour des problemes de theologie speculative; aujourd'hui on ne'se
passionne plus guere pour la grace efficace et la grace suffisante, on se passionne
sur la verite ou la faussete d'une revelation speciale.
On se rappelle avec quel eclat scandaleux se produisirent les premieres attaquies
de 1'impiete. L'infiltration a continue; c'est un exode a rebours, 1'invasion des Cha-
naneens dans la terre de la revelation que les enfants de Dieu croyaient concfuise
a jamais, tous les sophismes d'outre-Rhin distilles a des milliers de lecteurs par les
journaux, les revues, les livres. II y eut un moment de stupeur a 1'approche de ce
nouvel ennemi. Des refutations serieuses parurent de tous cotes; il fallait davantage.
On comprit que les etudes bibliques avaient etc trop negligees en France, que les
apologies les mieux faites etaient insuffisantes, que la grande bataille se livrfefaft
sur le terrain de la critique sacree. Aussi fut-ce avec une grande joie que Ton vlt
LII PREFACE
M. Le Hir entrer en scene pour briser entre les mains des nouveaux critiques Tarme
dont ils pretendaient se servir centre nous. Malheureusement M. Le Hir, vrai puits
de science, arrivait trop tard. Sa modestie Tavait toujours empeche de rien publier.
Trop encourage dans cette pieuse reserve par M. Carriere, doue d'ailleurs d'une
memoire prodigieuse, il ecrivait peu et gardait sa science pour quelques inities. Sa
mort prematuree mit fin a nos esperances. Heureusement il avait, comme Elie, laisse
son manteau a un disciple de son choix, que Dieu avait prepare a continuer 1'ceuvre
du maitre. Tout le monde connait le sucees des publications de M. Vigouroux. Hies
repondaient a un besoin reel; c'etait une ere nouvelle qui commencait pour I'apolo-
getique chretienne. Nous n'avons a faire 1'eloge ni de La Bible et les decouvertes
modernes, ni des Livres Saints, ni des Melanges, ni du Manuel biblique; ils sont dans
toutes les mains studieuses. II manquait a M. Vigouroux de nous donner un Diction-
naire de la Bible. II vient de combler cette lacune, grace au concours tres apprecie
de nombreux et tres intelligents collaborateurs.
IV
U T I L I T Y D'UN D I C T I O N N A I R E DE LA BIBLE
Ce qu'il doit 6tre. Le rapide expose qui precede laisse deviner la somme prodi-
gieuse de travail qu'exigerait une connaissance complete des questions scripturaires :
histoire sacreeet profane, linguistique, chronologic, geographic, ethnographic, bio-
graphic, botanique, arts mecaniques et industriels, usages, croyances, theologie;
c'est presque 1'infmi. Par la aussi on devine 1'utilite, la necessite meme d'un Diction-
naire de la Bible. Nous savons qu'un dictionnaire ne saurait remplacer un commen-
taire, mais tout le monde n'a ni le loisir ni la preparation suffisante pour aborder
1'etude d'un commentaire etendu; et puis, il faut bien le dire, nous n'avons pas, en
frangais, de commentaire qui reponde aux exigences et aux besoins actuels. Les
malheurs de la revolution ont presque mine en France les etudes bibliques, deja
assez faibles au xvine siecle, et nous nous relevons a peine de nos ruines. On est
vraiment tente de faire un respectueux reproche a notre illustre Bossuet de sa severite
d'inquisiteur a 1'egard de Richard Simon, dont les hardiesses et les erreurs ne meri-
taient pas toutes les superbes coleres du savant eveque. Les conclusions deR. Simon sont
tres contestables, quelques-unes completement fausses, mais sa methode etait bonne.
II fallait la garder et ne-pas envelopper le tout dans le meme anatheme. Le resultat
le plus clair de la saisie des exemplaires de 1'Histoire critique executee par la Reynie,
a la demande de Bossuet, fut de laisser aux mains de nos adversaires la methode cri-
tique, cette arme a deux tranchants dont ils ont ete les seuls a se servir, et que nous
n'avons appris a manier qu'il y a quelques annees.
Enfin, eussions-nous le commentaire francais le mieux au courant de la science
scripturaire, trouverait-il beaucoup de lecteurs? Tous n'ont pas pour cette etude de
loisirs suffisants ni d'aptitudes speciales. Avec le peu de temps dont nous disposons,
PREFACE LIU
il faut nous re'signer a ne pas tout savoir, limiter nos recherches a certains points
particuliers, tout en ayant une connaissance assez complete de 1'ensemble. II en est
des commentaires de la Bible comme des grandes histoires de 1'Eglise, qu'on ne peut
toujours lire en entier, et qui, malgre leur etendue, ou plutot a cause de leur etendue,
manquent de nettete, de precision dans les details. On ne saurait bien connaitre une
epoque, le role d'un grand personnage, qu'au moyen de monographies particulieres.
A defaut d'un commentaire francais que nous n'avons pas, de commentaires latins
que tout le monde ne peut consulter, et meme a cote d'eux, il faut un Dictionnaire
de la Bible qui nous disc nettement, precisement, sans verbiage, sans parti pris, ce
qu'on sait actuellement de certain ou de probable sur tel personnage, tel fait, telle
theorie. Les articles du dictionnaire doivent etre comme des monographies detaille'es,
quoique concises; ils doivent resumer et condenser a notre usage ce qui a ete ecrit
de plus judicieux sur chaque point particulier.
Les dictionnaires existent pour toutes les branches de nos connaissances : philo-
sophic, sciences, arts, litterature, histoire, religions, heresies, encyclopedic, etc.; il
ne manque qu'un dictionnaire de la Bible; celui de Calmet, reimprime par Migne,
malgre des qualites tres reelles, ne fait plus autorite.
L'Angleterre, 1'Allemagne, les Etats-Urn's, sont plus heureux que nous, et les
dictionnaires bibliques n'y manquent pas. II serait injuste de meconnaitre le merite
relatif de ces ouvrages, mais ils ont le grave inconvenient de n'etre pas ecrits en notre
langue, ce qui les rend peu accessibles; ils ont surtout le tres grave inconvenient
d'etre ecrits au point de vue protestant ou rationaliste, et de ne pouvoir etre lus et
suivis qu'avec de grandes precautions.
Celui qui se public sous la direction de M. Vigouroux a 1'avantage d'etre ecrit en
francais, d'etre aussi savant que les autres, et surtout d'etre catholique.
II va sans dire que je ne pretends nullement canoniser tous les articles du Diction-
naire. Ghacun des savants collaborateurs a ses idees personnelles, son degre de
science, de culture hebraique, de connaissances speciales; aucun ne se flatte d'avoir
la science infuse ou de donner le dernier mot des problemes. Les articles sont au
courant des resultats les plus recemment acquis, et ils restent franchement, comple-
tement orthodoxes, tout en se maintenant sur le terrain de la veritable critique.
Cependant on a du se borner dans 1'exposition des systemes rationalistes, parce
qu'ils changent tous les deux ou trois ans. Etait-ce la peine de s'arreter a des theories
qui sont de pure fantaisie, sous pretexte de donner au Dictionnaire un vernis d'actua-
lite? Le Dictionnaire aurait en quelque sorte participe a la fragilite d'hypotheses dont
on ne parlera plus dans quelques annees. Qui s'arrete^ par exemple, aux theories des
neptuniens ou des plutoniens? A quoi bon s'attarder a refuter des theories ephe-
meres, qui ne s'appuient que sur les reveries de leurs inventeurs, comme sont, par
exemple, les innombrables imaginations des critiques rationalistes sur 1'Apocalypse?
Ce qu'on veut donner, c'est une science ferme, solidement appuyee, qui ne changera
pas demain. Pour cela on n'a pas hesite a prendre, meme chez nos adversaires, ce
qu'ils ont ecrit de bon et qui parait prouve. II ne faut pas etre exclusif quand les
dogmes ne sont pas en jeu.
Ce que je salue aussi avec plaisir, ce sont les articles speciaux sur les commen-
tateurs. Comme, en definitive, le vrai sens de 1'Ecriture se tire de la tradition, il
a paru bon d'indiquer les idees, les tendances des diverses ecoles. Ce qu'on a fait
PREFACE
les ecoles d'Antioche et d'Alexandrie, ne pourrait-on pas aussi le faire pour les
g?ajides families religieuses de 1'Eglise comme les Benedictins, les Jesuites, les
I^ommicains, les Gapucins, les Franciscains, etc., les grandes universites comme la Sor-
bonne, Louvain, Salamanque? 11 semble que ces grandes families tiendront ahonneur
dfexposer leurs traditions, et seront fieres de mettre en lumiere le role intellectuel
qufelles ont rempli dans 1'Eglise. Puisse ce voeu se realiser!
Ce n'est pas assez de parler de Futilite du Dictionnaire, il faudrait plutot insister
sur sa necessity. Les graves dangers que fait courir a la foi la fausse critique montrent
1'imperieuse necessite de se confier a un guide sur pour se livrer sans peril a ces
delicates et perilleuses recherches.
Les dangers ne viennent pas seulement de la critique negative, j'en ai signale
quelques-uns; ils viennent aussi de la critique dite positive, quand on Temploie
mal a propos, avec des idees precongues, des jugements tout faits, quand on 1'applique
a des matieres sur lesquelles elle ne doit pas s'exercer. Elle ne saurait evidemment
etre employee dans toutes les questions relatives a la Revelation; il y aurait plus
qu'un peril, il y aurait erreur contre la foi, comme aussi il ne faut pas rejeter une
critique raisonnable et judicieuse, parce que si 1'objet de notre foi est au-dessus de
la raison, les motifs de credibilite doivent etre raisonnes et raisonnables, parce que
les sophismes de la fausse raison ne peuvent etre dissipes que par la vraie, enfm
parce qu'en presence de donnees differentes et contradictoires en apparence, c'est
a la raison de degager les faits veritables et d'etablir ce qu'on doit admettre, puisque
1'Eglise ne saurait intervenir constamment pour decider les questions d'histoire.
II suffira d'un seul exemple emprunte a des rationalistes soi-disant Chretiens
pour montrer les perils d'une application fausse de la critique positive.
On peut admettre dans une assez large mesure un developpement de la revelation,
La lumiere du Sinai n'est pas aussi intense que celle du Thabor ou de la montagne
des Beatitudes. On peut sans temerite soutenir que les anciens Juifs n'avaient pas des
donnees bien precises sur 1'immortalite de Tame, sur le bonheur futur, les recom-
penses ou les chatiments eternels; tout etait un peu confus dans leur croyance a la
survivance. Mais pretendre, au nom de la critique, que 1'idee d'un Dieu unique s'est
degagee peu a peu, que le Dieu d'Abraham n'est pas celui des prophetes ou des
Machabees, sous pretexte que le langage un peu anthropomorphiste des anciens
auteurs n'est pas aussi epure que celui des auteurs posterieurs a la captivite, ce
serait un abus intolerable; ce serait enerver la force probante des propheties, briser
la longue chaine qui descend d'Adam a Notre-Seigneur, mettre Isaie, Amos et les
autres au-dessous des apocryphes du second siecle avant J.-G. On arriverait bien vite
avec ce systeme a dire qu'Israel n'a pas ete traite autrement que les autres nations,
que son histoire est une histoire comme une autre, que tous les peuples ont ete aussi
amenes au Christ quoique par d'autres chemins, qu'il y a eu un developpement reli-
gieux independant de celui d'Israel; que les prophetes doivent etre places sur le mSme
pied que les autres maitres de 1'humanite, que Platon et Aristote ont ete aussi utiles
a la religion et a 1'enseignement chretien qu'Ezechiel et Daniel. N'est-ce pas la,
ajoute-t-on, le >6yo? <nrepp.aTix65 dont parlent les Peres de 1'Eglise, la semence evan-
gelique repandue partout? Geci est la negation presque complete de la revelation, la
suppression de I'element positif de la religion.
Danger aussi d'accepter certaines theories scientifiques aujourd'hui en honneur. La.
PREFACE LV,
Bible n'est pas un trait^ d'astronomie, d'histoire naturelle, de science revelee, nous le
savons. Mais sous pretexte que la Bible ne sanctionne pas la moralite des faits qu'elle
raconte, ne serait-il pas bien temeraire de dire qu'elle ne sanctionne pas la verite
de ses recits? Sans doute Abraham est sorti de la Chaldee avec une formation intel-
lectuelle toute faite; il a puise sous 1'inspiration de Dieu, dans les souvenirs de sa
famille semitique, les traditions anciennes, comme une abeille extrait son miel le plus
pur de plantes differentes; mais on va beaucoup plus loin et on glisse dans 1'abime.
On va jusqu'a dire que les recits racontes par Moise sont des mythes, que Dieu
a pu attacher des enseignements religieux a des allegories et a des paraboles, comme
faisait Notre-Seigneur; que ce qui ne nous cheque pas dans le Nouveau Testament
doit encore moins nous etonner dans 1'Ancien; que 1'inspiration de 1'Ecriture, n'etant
pas une garantie de la morajite des faits racontes, ne doit pas 1'etre de leur veracite.
II y a la un immense danger que je me borne a signaler. Quoi qu'on en disc, on ne
saura ou s'arreter. Qu'il faille interpreter autrement qu'on ne 1'a fait certains recits
de la Bible, ce n'est pas contestable; qu'il faille tenir compte du genie oriental, si
different du ndtre, admettre des recits symboliques, poetiques, comme certains pas-
sages de Job ou autres, ce n'est pas douteux; mais qu'il faille sacrifier la verite histo-
rique des dix premiers chapitres de la Genese, cela me parait inadmissible. Alors
il n'y a plus de raison pour ne pas rejeter le cote miraculeux du livre : tout sautera,
meme le Nouveau Testament. Les catholiques qui soutiennent ces temerites repondent
que 1'Eglise infaillible sera toujours la pour hous eclairer; c'est une erreur, car
1'Eglise ne saurait intervenir a chaque instant dans les questions de faits.
Oui, il faut un guide sur; il faut un chemin que nous puissions suivre sans crainte
d'aboutir a des fondrieres; un livre qui nous mette au courant de 1'etat actuel de la
science, ne nous dissimule aucune difficulte reelle, et nous donne la solution que
comporte 1'etat de nos connaissances. Ne quid veri non audeat, comme dit Leon XIII.
Le Dictionnaire ne sera pas un manuel, il ne sera pas non plus un traite d'exegese.
II n'aura ni la belle ordonnance, ni 1'enchainement des idees qu'on admire dans
les ouvrages speciaux. L'ordre alphabetique s'y oppose; il brise fatalement la suite
logique, les interessantes discussions sur des points controverses. En revanche, il
donnera en peu de lignes tout ce que les lecteurs ont besoin de savoir; il replacera
les faits, les choses, les personnages dans leur vrai cadre, leur vrai jour; il resumera
les decouvertes qui ont ete faites en Assyrie, en Chaldee, en Egypte, en Syrie, ce
qu'on a pu lire d'interessant dans les inscriptions cuneiformes ou les papyrus, tout
cela debarrasse des difficultes techniques et mis a la portee de tous les esprits un peu
cultives.
Ce qu'il ne donnera pas. Ce qu'on ne trouvera pas dans le Dictionnaire, j'en
felicite les auteurs et surtout M. Vigouroux, c'est la temerite des inventions. Le
Dictionnaire n'est pas une arene ou Ton puisse exposer des theories plus ou moins
fondees; il doit etre 1'expression de la vraie science catholique, de notre science
a nous, et non une succursale des encyclopedies protestantes, un extrait de Graf,
de Reuss, de Wellhausen. Independant de tout systeme, de tout parti pris, il nous
apprendra ce qui est, et non ce qui pourrait etre demain. Sans nous laisser ignorer
les idees qui flottent dans 1'air que nous respirons, qui penetrent les esprits, il n'a
pas a les faire siennes, a les discuter ex professo. Si, dans des ouvrages speciaux,
destines a un public restreint et prepare par de fortes etudes theologiques et cri-
LVI PREFACE
Post-scriptum. L'Introduction qui precede eiait deja sous presse lorsque a paru PEncyclique
Providentissimus de S. S. Leon XIII. L'auteur de ce travail ne pouvait esperer, pour les idees qu'il
a emises et pour les voeux qu'il a exprimes, un plus solennel encouragement. Nul ne sera etonne
que le grand Pape, dont le regard attentif et penetrant se porte, avec une si exacte precision, sur
toutes les questions qui se debattent aujourd'hui dans le monde et dans Pfiglise, ait voulu signaler
A tous 1'importance exceptionnelle qu'ont prise parmi nous les etudes bibliques. Les interels les plus
pressants de la defense religieuse exigent que les catholiques, et surtout les pr&res, ne se laissent
pas devancer par les indifferents et les rationalistes, sur le terrain des recherches que provoquent de
plus en plus les decouvertes deja faites, et les conclusions souvent t6meraires qu'on en a tirees.
C'est a ce besoin si evident qu'a voulu donner satisfaction Imminent apologiste qui a con?u le plan de
ce Dictionnaire, et qui en surveille 1'execution avec une competence reconnue par tous les savants.
C'est pour manifester la haute sympathie et Tappui de 1'fipiscopat francais pour cette O2uvre, si
glorieuse pour nous, que 1'auteur de ces lignes s'est applique a faire ressortir la necessite de donner
un nouvel elan et mme une direction nouvelle a 1'enseignement des sciences exegetiques. II est
heureux de constater qu'il ne se trompait pas en essayant de diriger dans ce sens les efforts des
ecclesiastiques studieux et des laiques instruits, puisque ses observations et ses conseils ont re?u,
au moins indirectement, par la parole du Souverain Pontife, la sanction la plus auguste et la plus
autorisee.
J- E.-L, eveque de Frejus.
c'etaient des noms communs; cas qui se presents plusieurs fois. Afin que notre nomenclature
fut complete, ces noms devaient avoir un article special, au meme titre que les autres noms de
personnes et de localites, qui nous ont ete transmis sous leur forme semilique; nous les avons
done mis a leur rang alphabeiique, en les transcrivant d'apres les regies de transcription dont
on trouvera le tableau ci-apres. Par exemple, au livre des Proverbes, xxx, 1, saint Jerdme a
traduit comme substantifs communs plusieurs mots que les exegetes modernes prennent pour
des noms propres : de 'AouR il a fait congregans, collectionneur, et de YAQEH, vomens,
vomissant. Le lecteur trouvera ce qui se rapporte a ces deux personnages aux mots 'AauR
et YAQEH. Les noms de villes, qui ont ete rendus d'une fa$on analogue, sont egalement places-
selon leur orthographe hebraique, tels que 'ABEL MISRAIM, 'EL.6N M6REH, dont la Vulgate
a fait: Planctus ^Egypti, oc deuil de 1'Egypte; Convallis illustris, cc vallee celebre.
8 Quant au classement des homonymes, il a ete fait d'apres les principes suivants: En pre-
mier lieu, les noms bibliques sont toujours places avant les noms extra-bibliques, lorsqu'il y
en a. En second lieu, si des personnes et des localites portent le meme nom, les personnes sont
mises avant les noms geographiques : ainsi Abel, fils d'Adam, est traite avant Abel, district
silue a Test du Jourdain. Troisiemement, lorsque plusieurs personnes ou plusieurs villes portent
le meme nom, elles sont classees selon Pordre des livres de la Vulgate dans lesquels elles sont
mentionnees pour la premiere fois. En consequence, Abiezer, fils de Galaad, qui apparait d'abord
dans les Nombres, xxvi, 30, a la preseance sur Abiezer d'Anatoth, guerrier de David, dont le
nom ne se lit que plus tard, II Reg. xxm, 27. Pareillement, parmi les villes appelees Bethsames,
le premier rang est donne a la ville sacerdotale de la tribu de Dan, nominee d'abord dans
Josue, xv, 10; le second a Bethsames d'Issachar, nommee dans Josue, xix, 22; le troisieme
a Bethsames de Nephthali, nommee dans Josue, xix, 38; le quatrieme enfm a Bethsames
d'Egypte, nommee dans Jeremie, XLHI, 13. Quatriemement, les noms propres qui ne sont pas
bibliques sont classes alphabetiquement en tenant compte des prenoms. Ainsi ADAMS RICHARD
a la premiere place, et ADAMS THOMAS seulement la seconde, quoique ce dernier lui soit chro-
nologiquement anterieur.
9 La faune et la flore bibliques, de meme que la mineralogie, ont naturellement leur place
marquee dans un Dictionnaire des Saintes Ecritures. Tous les animaux et toutes les plantes
nommes par les ecrivains sacres sont 1'objet d'une etude speciale; leur identification est dis-
cutee, s'il y a lieu; ils sont decrits et figures; les passages qui s'y rapportent dans le texte sont
cites et expliques.
10 Les principaux manuscrits bibliques sont aussi etudies; les versions anciennes et
modernes des Saintes Ecritures, mentionnees et appreciees; la litterature apocryphe relative
a 1'Ancien et au Nouveau Testament est exposee avec les developpements convenables.
11 Pour completer les renseignements qu'il peut etre utile aux lecteurs de 1'ficriture Sainte
de connaitre, le Dictionnaire de la Bible donne une place dans ses colonnes aux ecrivains qui
ont explique 1'Ancien et le Nouveau Testament, dependant, comme d'une part le cadre de cet
ouvrage ne peut s'etendre outre mesure, et que d'autre part ceux qui ont ecrit sur les Livres
Saints sont innombrables, il est impossible de parler de tous; Ton a done exclu, en general, les
auteurs qui n'ont louche qu'en passant aux questions scripturaires, qui n'en ont parle qu'au
point de vue homiletique ou ascetique, ou n'ont public que des dissertations speciales relatives
a 1'histoire, a la chronologic, a la numismatique, etc. Les simples traducteurs, les poetes qui
ont mis en vers des parties de la Bible, les grammairiens, les lexicographes, les philologues,
qui ont compose des ouvrages sur la langue hebraique, les pelerins et les voyageurs, qui ont
decrit les lieux qu'ils ont visiles, etc., ne sont d'ordinaire nommes qu'en passant, lorsque
AVERTISSEMENT
,1'occasion se presente de signaler leurs opinions et leurs ecrits. Mais la majeure partie des
commentateurs proprement dits, a 1'exception des vivants, sont 1'objet d'une notice particuliere,
quelle que soit 1'epoque, la contree ou la croyance a laquelle ils appartiennent: une courte
notice resume leur biographic et enumere leurs oeuvres exegetiques. On n'entre dans de plus
longs developpements que lorsque des decouvertes ou des recherches nouvelles le reclament. Enfin
des articles d'ensemble ont pour objet les travaux faits sur les Ventures par les ordres religieux.
12 Afin que le lecteur puisse verifier 1'exactitude des articles du Dictionnaire ou se livrer
& de plus amples recherches sur les sujets traites, on a soin de citer les autorites auxquelles on
a eu recours, et de donner de copieux renseignements bibliographiques. Toutes les citations des
Peres de 1'Eglise sont faites, sauf indication contraire, d'apres la Patrologie greco-latine de
Migne, pour les auteurs grecs, et d'apres la Patrologie latine, pour les auteurs latins.
F. V.
LXIII
T R A N S C R I P T I O N D E S C A R A C T E R E S H E B R E U X E N C A R A C T E R E S LATINS
Aleph K ' (esprit doux) Mem D, a m Kamets _ d
Beth 3 b Nun T, a n Patach ___ a
Ghimel i g (doit se prononcer Samech D *
Segol .-1- e
toujours dur) Ain y ' (esprit dur)
Chirek gadol >_ i
Daleth T d Pe s p
Chirek qaton i
He n h PM j, s f Cholem i 6
Vav T V Tsad6 y,x ? (to) Kamets chatouph ^ o
Zain T z Qoph p g Schoureq ?, u (ou long)
Heth n h (aspiration forte) Resch n r Kibbouts u (ou bref)
Teth TO * Sin to * Scheva mobile , ... e
lod y (consonne), i Schin w J (eft, comme dans Chateph patach _ a
Caph 1, 3 & . cheval) Chateph segol ___ e
Lamed b i Thav n { Chateph kamets ___ o
W FORME
1
Q NOM PRONONCIATION
O 1 S
M
^
1 E PS
MM. M.
APOLLJNAIRE (le R. P.), de 1'ordre des Capucins. LEGENDRE Aipnonse, docteur en theologie, professeur
BASIN (le R. P. dom Etienne), benedictin de la Congre- d'Ecriture Sainte au grand seminaire du Mans.
gation'de France, a Silos. LESETRE Henri, du clerge de Paris.
BATIFFOL Pierre, docteur es lettres, du clerge de Paris. LEVESQUE Eugene, pretre de Saint-Sulpice, professeur
BELLAMY Jullien-Marie, professeur d'Ecriture Sainte au d'Ecriture Sainte au seminaire de Saint-Sulpice, a Paris.
grand seminaire de Vannes. MANGENOT Eugene, professeur d'Ecriture Sainte au grand
BEURLIER Emile, docteur es lettres, professeur a 1'Insti- s6minaire de Nancy.
tut catholique de Paris. MANY Seraphin, pretre de Saint-Sulpice, docteur en theo-
BROISE (le R. P. de la), docteur es lettres, de la Com- logie et en droit canon, professeur de droit canon au
pagnie de Jesus. seminaire de Saint-Sulpice, a Paris.
BRUCKER (le R. P.Joseph), de la Compagnie de Jesus, MARTHA Joseph Khalil, professeur au seminaire patriar-
redacteur des Etudes religieuses, a Paris. cal, a Jerusalem.
CORLUY (le R. P. Joseph), de la Compagnie de Jesus, MARTIN Georges, cure de Louhans (Saone-et-Loire).
ancien professeur d'Ecriture Sainte a Louvain. MARUCCHI Horace, professeur au seminaire pontifical de
DELATTRE (le R. P. Alphonse), de la Compagnie de Jesus, 1'Apollinaire, a Rome.
professeur a Louvain. MECHINEAU (le R. P. Lucien), de la Compagnie de Jesus,
DESROZIERS Christian, ancien professeur de 1'universite, professeur a Jersey.
a Alencon. MELY (F. de), a Paris.
DOUAIS Charles, professeur d'histoire ecclesiastique a la MISKGIAN Jean, vice-recteur du college patriarcal arme-
Facult^ catholique de Toulouse. nien, a Rome.
DUPLESSY Eugene, du clerge de Paris. MORAL (le R. P. Bonifacio), religieux augustin. a Valla-
FEROTIN (le R. P. dom Marin), benedictin de la Congre- dolid (Espagne).
gation de France, a Solesmes. OLIVIERI (le R. P. dom Jules), benedictin de la Congre-
GANDOGER Michel, professeur, a Arnas, pres Villefranche gation de France, a Solesmes.
(Rhone). ORBAN Alexis, pretre de Saint-Sulpice, bibliothecaire a
1'Universite catholique de Washington.
GONDAL Louis, pretre de Saint-Sulpice, professeur d'his- PALIS Eugene, aumonier a Beziers.
toire ecclesiastique et de theologie au seminaire de
PANNIER Eugene, professeur d'archeologie et de langues
Saint-Sulpice, a Paris.
orientales a la Faculte catholique de Lille.
GRAFFIN Rene, docteur en theologie et en philosophie, PARISOT (le R. P. dom Jean), benedictin de la Congrega-
professeur de syriaque a I'lnstilut catholique de Paris. tion de France, a Marseille.
GUERIN Victor (f 21 septembre 1890), auteur de la PHILIPPE Elie, superieur du grand seminaire de Langres.
Description historique, geographique, archeologique PLAINE (le R. P. dom Francois), benedictin de la Congre-
de la Palestine. gation de France, a Silos (Espagne).
GUILLOREAU (le R. P. dom Leon), benedictin de la Con- RENARD Paul, docteur en theologie, professeur d'Ecriture
gregation de France, a Solesmes. Sainte au grand seminaire de Chartres.
HALEVY Joseph, professeur d'ethiopien a 1'ecole des REY Octave, du clerge de Paris.
Hautes-Etudes, a Paris. RIGAULT (le R. P. dom C.), benedictin de la Congregation:
HAMARD Pierre, chanoine de Rennes. de France, a Solesmes.
HEIDET Louis, secretaire du patriarche latin de Jerusalem, SAUVEPLANE Jules, du clerge de Paris.
professeur a 1'ecole des Etudes bibliques de Jerusalem. SEDLACEK Jaroslaus, professeur a Prague.
HEURTEBIZE (le R. P. dom Benjamin), benedictin de la SOMMERVOGEL (le R. P. Carlos), de la Compagnie de
Congregation de France, a Solesmes. Jesus, a Louvain.
HYVERNAT Henri, professeur de langues orientales a THOMAS Jacques ({ 15 septembre 1893), professeur d'E-
1'Universite catholique de Washington (Etats-Unis criture Sainte a la Faculte catholique de Toulouse.
d'Amerique). THOMASSON DE GOURNAY (le R. P. dom Gabriel), bene-
INGOLD Augustin, pretre, a Colmar (Alsace). dictin de la Congregation de France, a Solesmes.
JACQUIER E., docteur en theologie, maltre de conferences TURMEL J., professeur de dogme au grand seminaire de
d'Ecriture Sainte a la Faculte catholique de theologie Rennes.
de Lyon. VACANT Alfred, docteur en theologie, professeur de dogme
JEANNIN Jean-Baptiste, ancien professeur ^ Saint-Dizier. au grand seminaire de Nancy.
LE CAMUS Emile, docteur en theologie, vicaire general VAN DEN GHEYN (le R. P. Joseph), de la Compagnie de
honoraire de Chambery. Jesus, bollandiste, a Bruxelles.
LEGEAY (le R. P. dom), benedictin de la Congregation de VAN KASTEREN (le R. P. P.), de la Compagnie de Jesus,
France. a Solesmes. a Maastricht (Hollande).
DE LA BIBLE
A
A. Voir ALEPH. et J. C. Kraft, Almindeligt Litteraturlexicon for Dan-
mark, Norge, og Island, in-4, Copenhague, 1820, p. 2.
A et Q, alpha et omega, noms de la premiere et de
la derniere lettre de 1'alphabet grec. Notre-Seigneur dit AARHUSIUS, theologian protestant, ne en 1532,
trois fois dans 1'Apocalypse, i, 8; xxi, 6; xxn, 13, qu'il mort le 15 juillet 1586. Son vrai nom etait Jacobus Mathiae.
est 1'alpha et 1'omega, c'est-a-dire, comme il 1'explique Son surnom d'Aarhusius lui vient d'Aarhuus, lieu de sa
lui-meme, le commencement et la fin, i, 8, ou le pre- naissance, en Danemark, ou il fut, en 1564, directeur de
mier et le dernier , xxn, 13; celui qui est, celui qui Tecole de la ville. En 1574, il devint professeur de latin
etait, celui qui doit venir, le Tout-Puissant, I, 8. Cette a Copenhague; en 1575, professeur de grec, et, en 1580,
locution est propre a 1'Apocalyse, mais la pensee elle- professeur de theologie. Ses ouvrages exegetiques sont les
meme se trouve dans 1'Ancien Testament, ou Dieu dit suivants: Disputatio inauguralis de Veteris ac Novi Testa-
dans Isaie: Je suis le premier et le dernier. Is., XLIV, 6; menli consensione ac diversitate, in-4, Copenhague, 1582;
cf. XLIII, 10. Quand Jesus-Christ s'appelle 1'alpha et 1'o- Theses de doctrines coelestis et Sacrse Scriptures origine
mega, il proclame done par la meme sa divinite, en s'at- et auctoritate, in-8, Copenhague, 1584; Prselectiones in
tribuant les caracteres qui sont donnes par les prophetes Joelem et Ecclesiasten, editae ab xVndr. Kragio, in-4,
au Dieu veritable, de qui seul vient toute vie, et a qui Bale, 1586; Introductio ad Sacram Scripturam discen-
seul tout retourne: dam et docendam, edita ab Andr. Kragio, in-4, Bale,
1589; Prselectiones in Hoseam, in-4, Bale, 1590. Voir
Alpha et Q cognominatus: ipse fons et clausula
Omnium, quae sunt, fuerunt, quaeque post futura sunt, J. Worm, Forsceg til et Lexicon, t. n, p. 22.
chante le poete Chretien Prudence, Cathemer., ix, 11 -12, 1. AARON (hebreu: 'Aharon, signification inconnue),
t. LIX, col. 863. Voir aussi Ter- premier grand pretre de la loi ancienne. II etait fils d'Am-
tullien, De monog., 5, t. n, ram et de Jochabed, de la tribu de Levi. II naquit en
col. 935. Les premiers chre- Egypte, trois ans avant son frere Moise, cf. Exod., vn, 7,
tiens emprunterent ce symbole sous le regne du pharaon qui commenca a persecuter les
a 1'Apocalypse pour faire acte Hebreux. Exod., i, 8-11, 22. La Bible ne nous dit pas le
de foi a la divinite de leur nom de ce roi, mais toutes les donnees chronologiques
Maitre, en inscrivant sur les tendent a etablir que c'etait Seti ler, le pere de Ramses II.
tombeaux et dans leurs eglises I. Dieu prepare Aaron au pontifical.Le nom d'Aaron
1'A et 1'Q des deux cotes de la est prononce pour la premiere fois dans le recit sacre par
croix, A + to, et en le gravant Dieu lui-meme, parlant a Moise sur le mont Horeb, du
1. Anneau chr6tien
jusque sur leurs sceaux et les milieu du buisson ardent. Apres avoir allegue diverses rai-
antique. bagues qu'ils portaient aux sons pour eluder la glorieuse mais redoutable mission qui
doigts. Nous reproduisons ici lui etait imposee, le futur liberateur d'Israel avait objecte
{fig. 1) un des plus remarquables de ces anneaux chre- en dernier lieu la difficulte qu'il eprouvait a parler. Le Sei-
tiens, trouve dans un antique cimetiere de Rome. D'apres gneur lui repondit que 1'eloquence de son frere Aaron
M. A. Boldetti, Osservazioni sopra i Cimiterj de' santi suppleerait a ce defaut. Tu mettras, ajouta-t-il, mes
martin ed antichi cristiani di Roma, in-f, Rome, 1720, paroles sur ses levres; je serai dans ta bouche et dans la
p. 502, n 32. F. VIGOUROUX. sienne, et je vous montrerai ce que vous avez a faire.
C'est lui qui parlera pour toi au peuple; il sera ta bouche,
AAGAARD (Niels ou Nicolas), erudit danois, luthe- et toi, tu seras comme son Dieu (hebreu : le'elohim),
rien, ne a Wiborg en 1612, mort en 1657. II fut d'abord Exod., iv, 10-16. Cf. vn, 1. Moise n'avait plus qu'aobeir;
pasteur a Faxol, puis professeur d'eloquence et bibliothe- il se mil done en devoir de retourner dans la vallee du
caire a Soroe. Parmi ses ecrits figure une Disputatio de Nil. Pendant ce temps, Aaron recevait de Dieu le com-
stylo Novi Testamenti, in-4, Soroe, 1655. Voir J. Worm, mandement d'aller au-devant de son frere. II partit aus-
Forzeeg til et Lexikon over danske, norske, og islandske sitot, et, 1'ayant rencontre en chemin, revint avec lui en
loerde Maend, t: i, Elseneur, 1771, p. 2-3; R. Nyerup Bgypte, ou ils se livrerent sans retard a 1'accomplisse-
DICT. DE LA BIBLE. I. 1-2
ment de la mission que le Seigneur venait de leur confier. celle des ulceres, Exod., nc, 8-12; mais il n'en resta pas
Mo'ise avait alors quatre-vingts ans et Aaron quatre-vingt- moins en realite et aux yeux de tous 1'auxiliaire de Moise
trois. Exod., vir, 7. dans son role de liberateur. C'est a lui aussi bien qu'a
Us convoquerent d'abord les anciens d'Israel pour leur Moise que Dieu adresse ses derniers ordres en Egypte,
communiquer les instructions de Dieu a Moise. La doci- Exod., xii, 1; Menephtah les appelle toujours ensemble;,
lite avec laquelle on se rendit a cet appel, qui emanait ensemble ils regoivent ses prieres, ses promesses, son
d'Aaron aussi bien que de Moiise, ferait supposer qu'Aaron regret, Exod., vm, 28; ix, 27-28, etc.; et 1'Esprit-Saint,.
avait acquis pendant 1'absence de son frere, Exod., H, 15, resumant d'un mot toute 1'oeuvre de la delivrance d'Israel,
une grande autorite parmi les Hebreux. Son eloquence, 1'attribue a 1'un comme a 1'autre. Ps. LXXVI, 21. Aussi le-
appuyee de miracles dont Fecrivain sacre ne nous dit pas peuple d'Israel ne les separa-t-il jamais dans sa confiance
la nature, les convainquit, eux et tout le peuple, que le ni dans ses murmures et ses revoltes; nous en avons un
Seigneur allait mettre fin a leur affliction. Exod., iv, 29-31. exemple des la premiere occasion ou Aaron reparait sur
Les deux fils d'Amram se rendirent ensuite de la terre de la scene, a la station du desert de Sin, apres le passage
Gessen, ou etaient etablis les Hebreux, Gen., XLVH, 6,11, de la mer Rouge.
a Tanis, cf. Ps. LXXVII, 12, pour demander au pharaon, Lorsque les Hebreux arriverent a cette station, dans la
de la part de Jehovah, de laisser les Hebreux aller lui plaine actuelle d'El-Markha, le quinzieme jour du second
offrir des sacrifices dans le desert. Le pharaon qui regnait mois depuis la sortie d'Egypte, les provisions qu'ils avaient
alors etait Menephtah I er ; il occupait le trone depuis peu emportees se trouverent epuisees et ils commencerent a
de temps, car la mort de son pere Ramses II etait recente. souffrir du manque de vivres. Alors ils murmurerent
Exod., n, 23-25, et iv, 19. tous centre Moise et Aaron . Exod., xvi, 2. Dieu, de son
Menephtah reput mal les envoyes de Dieu, et leur de- cote, attesta une fois de plus en cette circonstance 1'au-
marche n'eut d'autre resultat que de 1'irriter et de provo- torite et la mission d'Aaron, en le chargeant d'apporter
quer une aggravation de la corvee: il defendit de fournir au peuple, de concert avec Moise, la nouvelle de deux
dorenavant aux ouvriers hebreux la paille hachee qu'on bienfails de sa bonte et de sa providence, a savoir : Far
melangeait a 1'argile pour la fabrication des briques, tout rivee miraculeuse des cailles le soir meme, et le lende-
en exigeant la meme quantite d'ouvrage journalier. Le main le miracle plus etonnant encore de la manne, ce
peuple d'Israel, ne trouvant bientot plus de paille, se prodige qui devait se renouveler tous les jours, sauf le
repandit dans toute la terre d'Egypte afm, dit le texte sabbat, pendant quarante ans. II fit plus encore : il or-
hebreu, d'y ramasser, au lieu de paille, \eben, des ro- donna a Aaron, par 1'intermediaire de Moise, de recueillir
seaux, qas, Exod., v, 12, qui croissaient sur les bords dans un vase la mesure d'un gomor de la manne lors-
des branches du Nil et des canaux. M. Naville a trouve qu'elle serait tombee, afin qu'il la conservat plus tard dans
dans les murs de Pithom, en 1885, de ces briques ren- le tabernacle en memoire de ce prodige. Exod., xvi. C'etait
fermant des fragments de roseau. Voir BRIQUES. Cepen- comme un gage des fonctions sacrees que le futur grand
dant les malheureux Israelites ne pouvaient parvenir a pretre remplirait un jour dans le Saint des saints.
remplir leur tache comme par le passe, et les chefs de Ce qui se passa quelques jours apres a Raphidim, la
chantier, les scribes (hebreu : Soterim; Septante : ypajji- troisieme station a partir de celle du desert de Sin, n'est
(iaTEOaiv) furent soumis a la bastonnade, ce chatiment pas moins digne d'attention au point de vue de la prepa-
qu'on voit si souvent represent^ sur les monuments de ration d'Aaron a son ministere. Les Amalecites ayant
Fantique Egypte. De la un mecontentement general et des attaque les Hebreux, Moise leur opposa les plus braves
plaintes ameres centre Moise et Aaron. Moise alors se de son armee, commandes par Josue, tandis qu'il montait
plaignit a son tour au Seigneur, qui lui renouvela ses lui-meme, accompagne d'Aaron et d'Hur, sur le sommet
promesses de delivrance et lui confirma sa mission. Exod., d'une colline pour y prier pendant la bataille. Or, tant
v, 22-23; vi, 1-11. Voila, ajouta-t-il, que je t'ai constitue qu'il tenait les mains levees vers le ciel, la victoire de-
le Dieu du pharaon, et Aaron ton frere sera ton prophete, meurait du cote des Israelites; mais, quand il les abaissait,
c'est-a-dire ton interprete, pour lui faire connaitre les ordres c'etaient les Amalecites qui 1'emportaient. Lorsque, a la fin,
que je te donnerai. Exod., vn, 1-2. la fatigue ne lui permit plus de lever les mains, Aaron
Aaron accompagna done son frere aupres de Menephtah, et Hur le firent asseoir sur une pierre, et, se tenant a ses
et porta la parole pour Moise. Dieu, qui avait resolu de cotes, les lui soutinrent jusqu'a la complete defaite des
1'appeler bientot a la sublime dignite de souverain pontife, ennemis d'Israel. Exod., XVH, 8-16. Les membres de
voulut le mettre en evidence et le grandir aux yeux du Y Ordnance Survey ont trouve en 1868, parmi les ruines
peuple, afin de preparer d'avance les esprits a la soumis- de la ville chretienne de Pharan, construite plus tard en
sion et au respect envers lui. Voila pourquoi Aaron ful cet endroit, des bas-reliefs representant cette scene si
non seulement la bouche de Moise, Exod., iv, 16, mais propre a exciter la piete des fideles. Elle dut contribuer
1
encore son bras pour executer les ordres de Dieu, en bien plus puissamment a fortifier celle d'Aaron, qui venait
produisant lui-meme les premieres plaies d'Egypte. Voir de faire un pas de plus dans son initiation. Apres avoir
PLAIE.S. II commenca par changer auparavant en serpent, etc etabli par Dieu, en Egypte, 1'intermediaire entre son
sous les yeux du pharaon, la verge de Moise, qui devora representant d'une part, et le peuple et le pharaon de
celles des enchanteurs royaux, transformees par eux de la 1'autre, et avoir recu de lui au desert de Sin la garde de
meme maniere. Exod., vii, 10-12. Puis il produisitla pre- la manne, comme pour preluder a 1'exercice de ses fonc-
miere plaie par le changement des eaux du Nil en sang, tions, il vient de voir a Raphidim la necessite et la puis-
Exod., vn, 19-21; la seconde, par 1'invasion des grenouilles, sance de la priere, afin que plus tard, aux jours de son
qui couvrirent tout le pays et remplirent toutes les mai- sacerdoce, il sache, en sa qualite d'intercesseur, tenir ses
sons, Exod., vm, 2-6, et la troisieme, par la transforma- mains levees vers le ciel, pour offrir au Seigneur les sup-
tion de la poussiere en nuees de moustiques. C'est a la plications de son peuple et attirer sur Israel les bene-
vue de cette plaie que les hartumim ou sages du pharaon, dictions d'en haut.
incapables de 1'imiter d'aucune facon, comme ils 1'avaient II manquait, dans les desseins de Dieu, quelque chose
fait pour les deux precedentes, s'ecrierent: Le doigt de a cette formation; elle recut son dernier complement peu
Dieu estici! Exod., vm, 16-19. de temps apres, au pied du Sinai, par une chute d'Aaron
Ces prodiges confirmaient d'une maniere eclatante les aussi profonde qu'inattendue. Dieu voulait montrer au
preuves qu'Aaron avait donnees de sa mission des le pre- pontife de la loi ancienne, comme il le montra plus tard
mier jour, Exod., iv, 30, et 1'elevaient bien haut au-dessus a Pierre, le pontife de la lot nouvelle, qu'il n'etait et ne
du reste du peuple. II pouvait done maintenant s'effacer pouvait rien par lui-meme, et lui faire sentir par 1'expe-
devant son frere, qui agit seul dans les plaies suivantes, sauf rience de sa faiblesse quelle compassion il devrait avoir-
AARON
pour celle de ses freres. Comme Pierre averb par Jesus- desseins de Dieu de retracter a cause de ce peche fe choix
Christ n'en fut que plus coupable dans son renoncement, qu'il avait fait d'Aaron; il 1'avait appele lui-meme an-sa-
Aaron fut d'autant plus inexcusable dans la faute que nous cerdoce, Hebr., v, 4, il lui suffisait de 1'avoir instruit par
allons raconter, que Dieu 1'avait premuni d'avance par le cette humiliante lecon. Lors done que le moment fut venu,
privilege d'une vision merveilleuse. Sur la pente occidentale Moise proceda, conformement aux prescriptions divines
du Djebel-Mouca, ou il s'etait rendu avec Moise et d'autres sommairement enoncees dans le chapitre xxix de 1'Exode,
Israelites designes comme lui par le Seigneur, il lui avait a la consecration d'Aaron comme grand pretre, et a celle
etc donne de voir le Dieu d'Israel et, sous ses pieds, de ses fils Nadab, Abiu, Eleazar et Ithamar comme prgtres.
comme un pave de saphir et comme le ciel quand il est Voir GRAND PRTRE. :
serein . Exod., xxiv, 10. Et c'est a la suite de cette faveur Le Seigneur voulut que cette ce>emonie eut lieu avec:
divine que Moiise, avant d'achever son ascension en com- un appareil et une pompe propres a donner a Israel la
pagnie du seul Josue jusqu'au haut de la montagne, plus haute idee du nouveau sacerdoce qui devait presi-
chargea Aaron de regler avec Hur les difficultes qui pour- der a ses destinees reh'gieuses. Les Hebreux, reunis dans
raient surgir en son absence. Exod., xxrv, 9-14. cette meme plaine d'Er-Rahah, theatre de leur idolatrie,
Or il s'en presenta une que personne n'avait prevue: les avaient devant eux, sur le Djebel - Moneidjah, une des
Israelites, fatigues d'attendre le retour de Moise, s'assem- ramifications orientates du Sinai, le tabernacle nouvelle*
blerent autour d'Aaron et lui dirent: Fais-nous un dieu ment construit. La, devant la porte du tabernacle et a la
qui marche devant nous. Aaron leur dit : Otez les vue de tout le peuple, Moise, pretre et mediateur, Gal.,
pendants d'oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos in, 19, agissant comme representant de Dieu, offrit les
lilies, et apportez-les-moi. Exod., xxxn, 1-2. II esperait divers sacrifices et accomplit les nombreuses ceremonies
peut-etre, en leur imposant ce sacrifice, les detourner de de cette consecration, sacrifices et ceremonies qui furent
leur projet criminel. Theodoret, Qtiaest. LXVI in Exod., repetes sept jours consecutifs, durant lesquels Aaron et'
t. LXXX, col. 292. II se trompait. Ces bijoux lui furent ses fils demeurerent completement separes du reste d'Is-
apportes; il les fondit et en forma un veau d'or, devant rael. Quand, a la fin, le grand pretre eut inaugor6 ses
lequel il dressa un autel. Voir VEAU D'OR. II fit ensuite fonctions de sacrificateur par 1'immolation desvictimes, il
publier par tout le camp que le lendemain serait un jour benit le peuple, sans doute selon le rite prescrit au livre
de fete solennelle du Seigneur. Des le matin, en effet, on des Nombres, vi, 24-26, et il entra avec Moise dans le
immola des holocaustes et des hosties pacifiques a 1'idole. tabernacle comme pour en prendre possession. A leur
Quelle fut la nature du peche commis en cette circon- sortie, Dieu ratifia solennellement tout ce qui s'etait fait:
stance par les Israelites, dont Aaron fut le complice et sa gloire apparut sur le tabernacle, et un feu celeste
le fauteur? Le veau d'or etait indubitablement un sou- consuma la chair des holocaustes. Lev., vin et ix.
venir ou du bceuf Apis, adore a Memphis, ou, plus pro- L'institution du sacerdoce aaronique etait une des plus
bablement, de Mnevis, plus connu des enfants d'Israel importantes de la loi nouvelle que Dieu donnait a son
'parce qu'on 1'adorait a On du nord ou Heliopolis, vijle peuple. Elle devait avoir pour la conservation de la reli-
voisine de la terre de Gessen; c'est un pretre d'Heliopolis gion veritable une influence tres grande. Mais c'etait en
qui avait donne sa fille en mariage a Joseph. Gen., XLI, 45. meme temps une innovation qui, malgre le soin avec lequel
Mais le peuple voyait-il dans cette image une divinite elle avait ete preparee en la personne d'Aaron, etonna les
autre que Jehovah? Quelques-uns Font pense. D'autres tribus d'Israel et suscita des mecontentements qui plus
croient avec plus de raison que la faute des Israelites tard se manifesterent au grand jour. D'apres les coutumes
consista a vouloir adorer Dieu sous cette figure d'animal, patriarcales, c'etait 1'aine de la famille qui remplissait les
ce qui etait un grand crime, quoique Aaron rapportat fonctions de pretre. Le sacerdoce semblait done revenir de:
expressement au vrai Dieu 1'adoration du veau d'or dans droit a la tribu de Ruben. Jacob mourant lui avait, il est
la fete annoncee. Exod., xxxir, 5; Ps. cv, 19-20. vrai, enleve les privileges de la primogeniture; mais ser
Du reste, si Aaron avait pu, dans la conjoncture diffi- descendants ne se resignerent pas si aisement a etre privet
cile ou il se trouvait, se faire quelque illusion sur la gra- d'un si grand honneur. Le peuple, de son cote, avait bien
vite de sa faute, cette illusion dut cesser a 1'arrivee de ^te accoutume en Egypte a voir une organisation sacer-
Mo'ise, qui descendit de la montagne le jour m6me pu dotale particuliere, qui aurait pu le preparer a accepter
avait lieu cette fete sacrilege dans la plaine d'Er-Rahah. 1'organisation mosaique; cependant telle est la force des
Le legislateur d'Israel rapportait du Sinai les tables de la traditions et des coutumes chez les Orientaux, qu'on n'ac-
loi. A la vue de ce peuple en delire, qui dansait en chan- cepta pas sans quelque peine les ordres divins. Ce ne fut
tant et en poussant des cris de joie selon la coutume que par des prodiges que Dieu put imposer sa volonte a
orientale, il fut transporte d'une sainte colere et brisa les Israel.
tables de la loi contre le roc du Soufsafeh. S'avancant en- II lui fallut aussi des exemples terribles pour enseigner.'
suite jusqu'au veau d'or, il le saisit, le mit dans le feu et aux nouveaux pretres de quelle maniere ils devaient
le reduisit en poussiere; puis il jeta cette poussiere dans remplir leurs fonctions sacrees, avec quelle exactitude
1'eau, probablement dans le ruisseau qui coule encore et quel respect ils devaient accomplir les rites presents.
aujourd'hui dans 1'ouadi Schreich, afin que le peuple fut Le jour meme de la consecration d'Aaron, a 1'heure
joblige de la boire. II s'adressa enfin a son frere comme du sacrifice de 1'encens, Nadab et Abiu, les fils aines
au veritable auteur de tout le mal: Que vous avait fait d'Aaron, ayant manque, dans les ceremonies, aux pres-
ce peuple, lui dit-il, pour que vous 1'ayez fait tomber criptions divines, Num., in, 4; xxvi, 61, sur-le-champ une
dans un si grand peche? Exod., xxxn, 21. C'etait le llamme partie probablement de 1'autel des parfums les
reproche le plus accablant qu'il put adresser au futur pon- foudroya, et ils furent emportes hors du tabernacle encore
tife d'Israel. Aaron n'y sut faire qu'une reponse embar- revetus de leurs habits sacerdotaux. Temoin de cette triste
rassee, aussi peu capable de le justifier que de conjurer scene, Aaron en fut abattu et trouble au point de negliger
les funestes consequences de sa faute; car, en punition lui-meme une ceremonie importante; mais sa resignation
du crime que sa faiblesse avait laisse commettre, vingt-trois fut absolue, et la foi du pontife imposa silence aux
mille homines (trois mille seulement selon le texte hebreu plainles du pere. Lev., x.
et un grand nombre de versions) perirent par le glaive des Peu de temps apres avoir donne a Aaron cette lecon
Levites, executeurs des ordres de Moise, Exod., xxxn, 28, indirecte de respect pour les saintes ceremonies du culte,
et lui-meme aurait peri comme eux, si son frere n'avait Dieu lui donna de sa propre bouche une lecon d'humilite,
desarme la colere de Dieu et obtenu son pardon. Deut., en lui montrant que, malgre sa dignite de grand pretre,
ix, 20. il restait toujours de beaucoup inferieur a son frere, dont
II. Aaron grand pretre. II n'entrait pas dans les il venait de meconnaitre rincomparable grandeur. C'etait
AARON 8
a la station d'Haseroth, la seconde apres le Sinai. Marie 1'avait donne'e; mais tous furent temoins que celle d'Aaron
et Aaron parlerent centre Moise, a cause de sa femme avait fleuri et qu'elle etait couverte de fruits. Dieu la fit re-
1'Ethiopienne. Num., xii, 1. D semblerait, d'apres le placer dans le tabernacle en souvenir perpetuel. Num., xvil.
texte sacre, qui nomine Marie la premiere et nous la III. Derniers jours d'Aaron. Nous avons maintenant
montre seule punie, qu'Aaron pecha seulement par fai- a franchir un intervalle de trente-sept ans pour retrouver
blesse. Peut-etre se laissa-t-il persuader par sa sceur que la suite de la vie d'Aaron; car de 1'histoire d'Israel, depuis
sa dignite de pontife devait I'affranchir de la dependance 1'exode jusqu'a 1'entree dans la Terre Promise, Moise n'a
dans laquelle il etait toujours reste vis-a-vis de son frere, raconte que la premiere, la deuxieme et la quarantieme
dont il etait d'ailleurs 1'aine. II dit done avec Marie: Le annee. Dans le premier mois de cette quarantieme annee,
Seigneur n'a-t-il parle qu'a. Moise? Est-ce qu'il ne nous les Hebreux arriverent a Cades, dans le desert de Sin. La
a pas parle comme a lui? Num., xii, 1-2. Le Seigneur mourut et fut ensevelie Marie. Pendant le sejour qu'on y
appela aussitot Marie et Aaron a la porte du tabernacle; fit, 1'eau vint a manquer, et aussitot les murmures du
la il les reprit severement de leur faute, et les humilia en peuple de se faire entendre comme toujours centre ses
leur montrant combien son serviteur Moise etait plus grand deux chefs. Num., xx, 2-5. Dieu dit alors a Moise: Prends
qu'eux et que tous les prophetes. Quand il se retira, Marie la verge; toi et Aaron ton frere, convoquez le peuple\
se trouva toute blanche de lepre. Aaron demanda pardon parlez ensemble au rocher devant eux, et le rocher don-
a Moise pour lui-meme et pour elle, et Marie, grace a nera des eaux. Num., xx, 8. Moise obeit; il frappa en-
la priere de Moise, se trouva guerie le septieme jour. suite la pierre deux fois avec la verge, et 1'eau jaillit en
Num., xii. si grande quantite qu'elle suffit abondamment au peuple
Apres avoir soutenu la dignite de Moise centre Aaron, et aux animaux. Mais Dieu dit a Moise et a Aaron: Parce
Dieu dut defendre les prerogatives d'Aaron lui-mgme et que vous n'avez pas cru en moi et que vous ne m'avez pas
du sacerdoce nouveau, qu'il venait d'instituer et de lui rendu gloire devant les enfants d'Israel, vous n'introduirez
confier. La creation de ce sacerdoce et 1'attribution qui en pas ce peuple dans la terre que je lui donnerai. Num.,
etait faite aux sculs descendants d'Aaron devaient exciter, xx, 12. L'ecrivain sacre n'indique pas en quoi consistait
comme nous 1'avons dit, la jalousie desenfants de Ruben. la faute dont Dieu se montra si offense; mais au Psaume cv,
Elle excita meme celle des autres Levites, et mecontenta 33, nous lisons dans le texte hebreu que Moise, en cette
ainsi du meme coup ceux qui jusqu'alors avaient ete ap- occasion, fut inconsidere dans ses paroles. Or il avait
peles a exercer les fonclions sacerdotales et ceux des dit au peuple devant le rocher: Pourrons - nous faire
descendants de Levi relegues au second rang. II se trouva sortir de 1'eau de cette pierre? Num., xx, 10. Ce Ian-
un homme ambitieux et en meme temps assezhardi pour gage, en effet, exprime un doute : Moise et Aaron se de-
se faire 1'interprete de ces mauvais sentiments. C'etait mandaient peut-etre si la promesse de Dieu n'etait pas
Core, cousin germain de Moise et d'Aaron. II souffla Tes- conditionnelle et subordonnee aux bonnes dispositions du
prit de reVolte a trois Rubenites, Dathan, Abiron et Hon, peuple, ou meme si elle n'etait pas seulement une sorte
qui ne pouvaient oublier que dans le passe le sacerdoce d'ironie a 1'adresse de ces incorrigibles murmurateurs.
appartenait de droit a leur tribu. Quoi qu'il en soit, Aaron ne tarda pas a recevoir le
Autour de ces chefs se grouperent deux cent cinquante chatiment annonce. Environ quatre mois plus tard, le cin-
des principaux d'Israel, et la sedition eclata. Mais Dieu quieme mois de cette meme annee, les Hebreux etant
vengea les droits de ses pre"tres: les chefs de la revolte venus camper au pied du mont Hor, sur la frontiere du
furent engloutis vivants dans la terre entr'ouverte sous pays d'Edom, Dieu annonca a Moise que le dernier jour
leurs pieds, et le feu du ciel frappa de mort leurs deux de son frere etait arrive, et lui ordonna de le conduire
cent cinquante complices tandis qu'ils offraient un encens sur cette montagne, afin qu'il mourut la. Num., xx, 24-26.
sacrilege. Voir CORE. Un moment terrifiee par ce chati- Tout le peuple hoi's de ses tentes regarda monter Moise
ment divin, la multitude passa bientot a la colere et aux avec Aaron et son fils Eleazar. Lorsqu'ils furent parvenus
murmures centre Moise et Aaron, qu'elle accusait d'etre sur le sommet, Moise proceda a la ceremonie funebre, dont
la cause de la mort de tous ces hommes; le lendemain, Dieu avait lui-meme regie les details. II depouilla Aaron
une revolte generate les obligeait de se refugier dans le de ses vdtements de grand pretre, et en revetit Eleazar,
tabernacle. Des qu'ils y furent entres, Dieu le couvrit qui^allait lui succeder. Alors Aaron mourut, a 1'age de
de la nuee, et la gloire du Seigneur apparut; et le Sei- cent vingt-trois ans, et Moise descend it avec Eleazar.
gneur dit a Moise qu'il allait exterminer le peuple. Num., Or toute la multitude du peuple, apprenant la mort
xvi, 43-45. En effet, un incendie allume par sa justice d'Aaron, le pleura pendant trente jours dans toutes les
commenga aussitot ses ravages, et 1'on voyait deja de toutes families . Num., xx, 29-30.
parts tomber les rebelles, lorsque, sur 1'ordre de Moise, C'est tout ce que la Bible nous apprend sur la mort du
Aaron prit du feu de 1'autel, et, 1'encensoir a la main, premier pontife d'Israel; elle ne nous dit rien de sa sepul-
parcourut le camp au milieu des morts et des vivants, en ture, et 1'histoire profane, de son cote, ne nous fournit
priant pour que le lleau cessat. Le grand pretre ne rentra sur ce sujet aucun document. Cependant il existe sur le
dans le tabernacle que lorsqu'il cut triomphe de la colere plus eleve des deux pitons culminants du Djebel-Nebi-
divine, et obtenu la vie pour ses ennemis. Num., xvi. Haroun, ou montagne du prophete Aaron, une construc-
Dieu venait ainsi de montrer du meme coup la legitimite tion appelee le Tombeau d'Aaron. Voir HOR. Cette mon-
du sacerdoce d'Aaron et la puissance d'intercession dont tagne , situee pres de Petra, entre la mer Morte et la mer
il avait investi le grand pretre supreme, mediateur entre Rouge, est identifiee avec le mont Hor par une ancienne
lui et le peuple. tradition generalement adoptee, malgre 1'opinion contraire
L'autorite pontificale d'Aaron, apres cetle redoutable de quelques modernes. Voir Wilton, The Negeb, p. 126
intervention du Seigneur, devait paraltre suffisamment et suiv. Le tombeau est renferme dans un petit edifice
etablie et a 1'abri de toute contestation; Dieu voulut nean- rectangulaire d'environ 10 metres sur 7 m. 50 dans asuvre,
moins lui rendre un nouveau temoignage, mais d'un ca- que recouvre un toit en terrasse portant coupole et acces-
ractere bien different. II ordonna a Moise de recueillir sible par un escalier exterieur. Cet edicule est une sorte
les verges des chefs des douze tribus, de faire inscrire sur d'oualy ou sanctuaire pareil a ceux qu'on rencontre si fre-
chacune le nom de la tribu qu'elle representait, et de les quemment sur la tombe des santons musulmans; il a ete
deposer toutes dans le tabernacle avec celle de la tribu bati avec les debris de la chapelle d'un petit monastere
de Levi, qui devait porter ecrit le nom d'Aaron. La verge chretien, encore debout en cet endroit au commencement
de celui que j'aurai choisi fleurira, ajouta le Seigneur. du xiiie siecle. II se compose de deux pieces superposees.
Num., XVH, 5. Moise fit ce qui lui etait commande : le Celle de dessus, voutee et eclair^e seulement par la porte,
jour suivant, chacun des chefs reprit sa verge telle qu'il est ornee de quatre colonnes, auxquelles on suspend dea
AARON AARON-BEN-ELIE 10
ex-voto. On y voit une pierre haute et arrondie, sur la- 2. AARON, Levite, publia a Amsterdam, en 1C 10, le
quelle les pelerins musulmans immolent en sacrifice a Pentateuque hebreu, in-12.
Aaron un mouton ou un chevreau. A cote de cette espece
d'autel est un sarcophage ayant 1'aspect d'une dalle torn- 3. AARON, de Pesaro (xvie siecle), composa Les ge-
bale de marbre commun ou de pierre calcaire d'un Wane nerations d'Aaron, Joledot 'Aharon, table des endroits
'aunatre. Ce serait plutot un simple cenotaphe, car les de 1'Ecriture Sainte rapportes dans le Talmud de Baby-
Arabes afflrment que le vrai tombeau d'Aaron est dans la lone. Cet ouvrage a ete imprime a Fribourg, 1581; a Bale,
salle inferieure. Un escalier assez difficile conduit a cette 1587; a Venise, 1583 et 1591.
seconde chambre, creusee en partie dans le roc, et ou
regne la plus profonde obscurite. Le tombeau qui se trouve 4. AARON ABIOB ou ARIOB, publia a Thessalo-
dans cette crypte offre 1'apparence d'une masse demi-cylin- nique, en 1601, un commentaire litteral sur le livre d Es-
drique de maconnerie, recouverte d'un tapis noir et de- ther. C'est urie simple compilation sans vues personnelles,
fendue par une grille contre 1'indiscrete curiosite des visi- intitulee: Parfum de myrrhe, Semen hammor.
teurs. Voir de Luynes, Voyage d'exploration a la mer
Morte, p. 277. Irby et Mangles, qui visiterent ce monu- 5. AARON-ABOU-ALDARI OU AARON ALRABBI, fils
ment en 1818, avaient pu arriver jusqu'au tombeau et le de Gerson. On a de lui un commentaire sur le Pentateuque,
toucher, ainsi que les loques qui le dissimulaient en partie; public a Constantinople, in-f, xvie siecle.
la grille, renversee avant leur passage, n'avait pas encore
ete relevee et restauree. Irby et Mangles, Travels in 6. AARON ABRAHAM (xvi e siecle), a laisse Lettre des
Egypt, etc., edit, de 1844, p. 133-134. Qu'y a-t-il sous sens (de 1'Ecriture Sainte), ouvrage compose d'apres la
ce mysterieux couvercle? S'il se souleve un jour en faveur methode cabalistique, in-8, Constantinople, 1585.
d'un voyageur plus heureux que ses devanciers, lui lais-
sera-t-il voir, a cote des restes qu'il renferme peut-etre, 7. AARON-BEN-CHAlM ou ABEN-CHAIN, ne a Fez
quelque signe auquel on puisse reconnaitre avec certitude vers la fin du xvie siecle, fut par sa science et son influence
qu'ils sont bien ceux d'Aaron? Cela parait fort douteux, a la t6te des synagogues du Maroc et de 1'Egypte. En 1609,
et il est bien a craindre qu'il ne faille alors comme au- il alia a Venise faire imprimer ses oeuvres; il y mourut peu
jourd'hui repeter au sujet d'Aaron ce que 1'Ecriture nous apres, avant d'avoir acheve cette publication. Ses principaux
dit de Moise, apres avoir raconte sa mort sur le mont ouvrages, tres estimes des Juifs, sont: 1 Le coeur d'Aaron,
Nebo : Nul homme n'a connu jusqu'a ce jour le lieu de Leb 'Aharon, compose de deux commentaires: Tun litteral
sa sepulture. Deut., xxxiv, 6. sur le livre de Josue, et 1'autre allegorique sur le livre des
Mais si cet oualy ne renferme pas les restes d'Aaron, Juges; 2 L'offrande d'Aaron, Qorban 'Aharon, commen-
il n'en est pas moins une sorte d'hommage permanent taire savant, mais diffus, sur le Siphra, commentaire du
rendu par les infideles eux-memes a la saintete de ce Levitique; 3" Les regies d'Aaron, Middof 'Aharon, ou
pontife. Par leurs pelerinages et par le culte superstitieux Ton traite des treize facons dont le rabbin Ismael inter-
qu'ils lui rendent, ils publient a leur maniereque le Sei- pretait 1'Ecriture Sainte. Ces ceuvres laissent beaucoup it
gneur le fit bien grand et pareil a Mo'ise . Eccli., XLV, 7. desirer a cause de leur diffusion et de leur subtilite. Elles
Aaron fut, en effet, un homme d'une eminente saintete. ont ete imprimees a Venise en 1609, in-f. Tres rares.
II ne montra pas sans doute le zele ardent et courageux
de son frere; il eut moins de fermete que lui et fit preuve 8. AARON-BEN-DAVID, cohen (pretre), ne a Raguse,
en deux circonstances, Exod., xxxn; Num., XH, d'une en Dalmatie, mort a Venise vers 1656, a laisse un com-
coupable faiblesse; mais il repara ces deux fautes par un mentaire litteral et allegorique sur le Pentateuque et sur
prompt repentir. Plein de deference et de docilite pour plusieurs autres livres, comrne les Prophetes et les Hagio-
son frere, il fut comme lui homme de priere, patient, graphes. II est intitule La barbe d'Aaron, Zeqan 'Aharon;
doux, devoue a son peuple, et d'une obeissance parfaite il n'a rien de bien remarquable. Ce commentaire fut imprime
aux ordres du Seigneur, qui 1'en recompensa par la be- a Venise, in-f, en 1652 et 1657, avec un commentaire
nediction la plus desiree en Israel: une longue vie et une de Salomon Ohef, son oncle, sous le titre: Huile du bien.
innombrable posterite. De son mariage avec Elisabeth,
sceur de Nahasson, chef de la tribu de Juda, Exod., vi, 9. AARON-BEN-ELIE. Aaron, fils d'Elie, appele aussi
23; Num., i, 7, il avait eu quatre fils. Les deux aines, Aaron le Second ('aharon), pour le distinguer d'Aaron-
Nadab et Abiu, etaient morts sans laisser d'enfants, Lev., ben-Joseph, surnomme le Premier (hari'son), ne a Ni-
x, 2; I Paral., xxiv, 2; mais la descendance d'Eleazar et comedie au commencement du xive siecle, alia au Caire,
d'lthamar fut tres nombreuse : au temps de Jesus-Christ, ou florissait une nombreuse communaute de Juifs caraites.
on comptait en Palestine vingt mille pretres, d'apres Jo- II y mourut en 1369, apres avoir ete 1'un des plus celebres
sephe, Cont. Apion., II, VH, et mme beaucoup plus si rabbins de cette secte. Ses principaux ouvrages scriptu-
Ton s'en rapporte aux autres auteurs juifs. Gemara Hie- raires sont: 1 L'arbre de vie, 'E$ hayim (1346),traite
rosol., Taanith, fol. 67, dans Carpzov, Apparatus criticus de philosophic religieuse, qui rappelle par le plan, 1'esprit
antiquitatum Sacri Codicis, in-4, Leipzig, 1748, p. 100. et la plupart rneme des questions, Le guide des egares,
Dieu glorifia bien davantage encore Aaron dans sa pos- de Maimonide. Ce que cette ceuvre de Maimonide fut pour
terite en y choisissant le precurseur du Messie, Jean- le rabbinisme, L'arbre de vie le fut pour le caraisme. On
Baptiste, duquel Jesus declara qu'il ne s'etait jamais vu y trouve des principes d'exegese destines a concilier la foi
entre les hommes un plus grand que lui , Matth., xi, 11, et la raison, a eclairer les Israelites fideles, souvent per-
et qui a son tour rendit temoignage au Christ, et dit en plexes devant les apparentes oppositions de la Bible et de
le montrant aux Juifs : Voila 1'Agneau de Dieu, voila la science. 2 La couronne de la Loi, Refer fordh (1362),
celui qui efface le peche du monde. Joa., i, 29. II faut commentaire litteral, mais parfois un peu diffus, sur le
qu'il croisse et que je diminue. Joa., m, 30. Ainsi, Pentateuque. Avec des vues personnelles, on y trouve le
par une admirable disposition de sa providence, Dieu resume des travaux des deux synagogues, et en particulier
accordait en quelque sorte une derniere fois a Aaron de d'Ibn-Ezra. Aaron-ben-Elie suit de preference 1'exegese
faire briller la lumiere devant Israel , Eccli., XLV, 21, grammaticale. Pour lui, c'est la base de toute interpre-
et le premier pontife de 1'ancienne alliance proclamait par tation de 1'Ecriture. Cependant a la recherche du sens
la bouche du plus illustre de ses petits-fils la decheance litteral il unit souvent les explications philosophiques et
du sacerdoce aaronique, en reconnaissant Jesus-Christ allegoriques. Par le caractere de ses ecrits et la nature de
pour le pretre eternel selon 1'ordre de Melchisedech . son esprit, il a beaucoup de traits de ressemblance avec
Ps. ax, 4. Voir aussi Hebr., vu. E. PALIS. I'auteur du Guide des egares, qu'il semble du reste avoir
AARON-BEN-ELIE ABAL 12
pris pour modele; aussi a-t-il e*te surnomme le Maimo- 13. AARON MOTSE, de Lemberg, a donne", sous le
nide du carai'sme. L'arbre de vie a ete public en 1839, litre de 'Ohel MoSeh, Tente de Moise, une grammaire he-
a Constantinople. En 1841, MM. Delitzsch et Steinschneider braique estimable, 1765. E. LEVESQUE.
en ont donne une belle edition, enrichie de pre"cieuses
additions. La couronne de la Loi a ete publiee par frag- AARONITES. Descendants d'Aaron. I Par., xxvii, 17.
ments avec traduclion latine par Kosegarten, a lena (1824). C'est dans cette famille que se perpetuait le souverain
Voir J. G. Schupart, Secta Karasorum, lena, 1701, et les pontifical. Voir AARON 1.
ouvrages sur les caraites indiques a AARON-BEN-JOSEPH.
AASBAI (hebreu: 'Ahasbai, Je me refugie en ?e-
1O. AARON-BEN-JOSEPH. Aaron, fils de Joseph, sur- hovah; Septante: 'AirStrou), pere d'Eliphelet, un des
nomme le Premier (hdrVSon, voir AARON-BEN-ELIE) , ne vaillants guerriers de David. II Reg., xxm, 34. II est ap-
a Constantinople dans la premiere partie du xme siecle, pele : ben hamma'akdti, ce que la Vulgate traduit par
fut medecin dans cette ville, ou il mourut en 1294. Ce fils de Machati, mais qui signifie plutot le lieu d'origine,
rabbin composa des commentaires sur une grande partie habitant ou originaire de Maacha. Voir ABEL-BETH-MAACHA.
de la Bible : sur le Pentateuque, sur les premiers pro- Peut-etre descendait-il de 1'antique racede Machati, dont
phetes, c'est-a-dire sur les livres de Josue, des Juges, de il est question Deut., in, 14.
Samuel et des Rois, sur Isaiie, sur les Psaumes et sur
Job. Le plus connu est son commentaire sur le Penta- 1. AB, mot hebreu, ax, 'db, qui signifie pere . II
teuque , Safer hammibhdr, Livre de choix, ainsi apprecie entre dans la composition des noms propres d'hommes et
par de Rossi: (Commentaire) remarquable, exact, excel- de femmes, ou il est place soit au commencement comme
lent en tout ce qui regarde le sens grammatical et litteral. sujet, soit a la fin comme attribut: ^16-i-melech, mon
On y trouve parfois cependant de 1'obscurite et de la pere est roi; Afc-i-gail, mon pere est joyeux; El-i-a&,
subtilite. On a egalement de cet auteur un excellent mon Dieu est pere; Jo-ab, Jehovah est pere. Dans
abrege de grammaire hebraique et de critique sacree, quelques noms propres, 'db parait signifier possesseur ,
intitule : Le parfait en beaute, Kelil yofi, ou il traite sens qu'il a assez souvent en arabe et en ethiopien. Ainsi
des variantes, transpositions, singularites, etc., du texte Abiathar, hebreu: 'Ebydtdr, signifie pere d'abondance
sacre. Ce petit abrege, dit Richard Simon, explique ou possesseur de richesses.
beaucoup de choses en peu de mots. Aaron-ben-Joseph
est le plus celebre des ecrivains caraites du xme siecle. 2. AB, cinquieme mois de 1'annee hebraique. II avait
On 1'estime comme bon theologien juif, et savant inter- trente jours et commencait a la nouvelle lune de juillet.
prete de 1'Ecriture. II s'attache surtout au sens litteral; Le nom de ce mois ne se lit pas dans la Bible, mais seu-
cependant il donne parfois dans 1'allegorie et la cabale: lement dans les Targums et les ecrits rabbiniques. Les
il le doit peut-etre a Nahmanide, dont il fut, dit-on, Juifs 1'einprunterent apres la captivite aux Chaldeens, qui
le disciple. Le livre de choix a ete imprime en 1835, appelaient 'abu le cinquieme mois. Voir Mois.
a Eupatoria, en Crimee. Deja des extraits avec traduction
latine avaient ete publies a Amsterdam, en 1705. La Biblio- ABADDON, ange de 1'abime, dans 1'Apocalyse, ix, 11.
theque nationale possede de cet ouvrage deux manuscrits Abaddon est un mot hebreu, rn2N, qui signifie perte,
du xive siecle. La bibliotheque de Leyde a plusieurs autres ruine, mort, Job, xxxi, 12, et le lieu ou habitent les
ouvrages manuscrits de cet auteur. Sa grammaire fut im- morts , Job,.xxvi, 6; Prov., xv, 11. Saint Jean donne
primee a Constantinople, en 1581. Tres rare. Voir Notice ce nom a 1'ange qui preside a 1'enfer, a 1'un des principaux
sur les Caraites, par le caraite Mardochee, publiee et chefs des demons, si ce n'est a Satan lui-meme, et il
traduite par I. Chr. Wolf, Hambourg, 1714; Trigland, explique le sens du mot semitique par le mot grec Apol-
Diatribe desecta Karseorum, Delft, 1703; J. G. Schupart, lyon, 'ArcoXXutov, que notre Vulgate interprete a son tour
Secta Karseorum, lena, 1701. par le rnot Exterminans, Exterminateur. L'auteur de
1'Apocalypse veut sans doute faire ressortir par la le con-
11. AARON-BEN-MO8CHEH-BEN-ASCHER, Ou d'ordi- traste qui existe entre Jesus, dont le nom signifie Sau-
naire BEN-ASCHR simplement, rabbin du xe siecle, dont veur, parce qu'il nous sauve de nos peches, et celui de
la vie et le role sont encore enveloppes d'obscurite. Tout 1'Ange de 1'abime, qui ne cherche qu'a perdre et a faire
ce qu'on sait sur ce personnage, qui vecut a Tiberiade, perir les hommes. On a voulu, mais sans preuves, iden-
c'est qu'il fut, avec Ben-Naphtali, de Bagdad, le plus ce- tifier Abaddon avec le demon Asmodee, dont il est parle
lebre des naqdanim ou rabbins qui completerent, par 1'ad- dans le livre de Tobie, in, 8; vi, 14; vin, 3. Ces deux
jonction de quelques signes, 1'oeuvre des veritables ponc- esprits mauvais nous sont presentes avec des caracteres
tuateurs de la Bible (ba'ale niqqud). II entreprit une differents: Asmodee est le demon de 1'impurete; Abaddon
revision du texte sacre accompagne de sa ponctuation. est le chef des sauterelles symboliques qui sortent du puits
Cette recension, faite avec un soin minutieux, 1'emporta sur de 1'abime, semblables a des chevaux prepares au combat,
celle de Naphtali, son emule, et a depuis servi de base ayant des tetes d'homme, des cheveux de femme, des dents
pour le texte de nos editions imprimees. On attribue a de lion et des queues de scorpion. Voir SAUTERELLES.
Ben-Ascher le Traite des accents qui se trouve a la fin des
Bibles rabbiniques. Raymond Martin lui attribue aussi une ABAILARD. Voir ABELARD.
grammaire hebra'ique, mais Buxtorf pense qu'on doit lire
Ben-Esra au lieu de Ben-Aschgr. On croit qu'il a ete 1'au- ABAL (Septante : "A6aX), nom attribue au pere de
teur ou le compilateur principal de regies et de fragments Daniel dans la traduction du livre de ce prophete par les
massoretiques importants. Wogue, Histoire de la Bible, Septante. On y lit, au commencement du chapitre xrv, qui
p. 125. Voir Dikduke hateamim des Ahron-ben-Moscheh- contient I'histoire de Bel : De la prophetie d'Ambacoum
ben-Ascher, herausgegeben von Baer und H. Strack, (Habacuc), fils de Jesus, de la tribu de Levi. II y avait
Leipzig, 1879. un pretre du nom de Daniel, fils d'Abal, commensal du
roi de Babylone. Voir S. de Magistris, Daniel juxta
12. AARON-BEN-SCHEMOUEL, publia a Francfort- Septuaginta, in-f>, Rome, 1772, p. 89; C. Bugati, Da-
sur-1'Oder, en 1690, La maison d'Aaron, Bet 'Aharon, niel seeundum editionem Septuaginta interpretum ex
table des endroits de la Bible selon 1'ordre des livres et tetraplis syriace, in-4, Milan, 1788, p. 119. Ce passage
des chapitres, indiquant en quels livres ces endroits de ne se trouve pas dans la traduction grecque ordinaire,
la Bible sont expliques; ouvrage, dit Wolf, Bibliotheca .parce que la version de Daniel par Theodotion a ete pre-
hebraica, tres utile aux interpretes et aux predicateurs. feree par 1'Eglise grecque a celle des Septante. La forme
ABAL A B A N A
Abal est d'ailleurs probablement fautive : on ne la ren- etranger, ne mettra jamais le Nahr el-Aouadj avant le
contre nulle part dans 1'Ancien Testament, et saint Je- Barada, qui fait la prosperite et la gloire de la grande
rome, qui a cite cette addition des Septante dans son cite. Five years in Damascus, Londres, 1855, t. I, p. 276.
Prologue de Daniel, t. xxv, col. 492, ecrit, non pas Abal, De plus, la lecon Amana nous reporte naturellement au
jnais Abda , nom veritablement hebreu. Voir ABDA. mont Amana, dont parle le Cantique des cantiques, iv, 8,
et dont, suivant plusieurs critiques, le nom est donne ou
ABANA (hebreu: 'Abdnah; Septante: 'A6ava), fleuve emprunte a la riviere qui y prend sa source. Ct. Polus,
de Damas. On lit Amanah dans le qeri et meme dans le Synopsis Crit. sac., in Cant, iv, 8; Gesenius, Thesaurus
kefib d'un certain nombre de manuscrits (cf. B. Kenni- ling, heb., au mot 'Amanah. Or le meme passage dis-
cott, Vet. Testam. heb., Oxford, 1776, t. I, p. 651, et tingue nettement I'Aniana de 1'Hermon, qui donne nais-
J. B. de Rossi, Far. Lect. Vet. Test., Parme, 1785, t. n, sance a 1'Aouadj, tandis que 1'autre fleuve sort, bien plus
p. 230), dans le Targum de Jonathan et dans la version au nord, des montagnes de 1'Anti-Liban.ll faut done distin-
syriaque; variante qui s'explique facilement par la con- guer aussi 1'Aouadj de 1'Abana, qui s'identifie facilement
fusion ou la permutation entre le beth, 3, et e mem, 2. avec le Barada; identification confirmee du reste par la
Les Septante et la Vulgate portent Abana, et cet accord version arabe, qui se trouve dans la Polyglotte de Walton,
suffit, selon quelques auteurs, pour donner la preference et qu'on fait generalement remonter au xe ou au xie siecle :
a cette lecon. elle traduit 1'hebreu Abana par Bar da, qu'Etienne de
L'Abana n'est mentionn^ qu'une fois dans la Sainte Byzance appelle des le ve siecle Bardines.
Ecriture, a propos de Naaman le lepreux, IV Reg., v, 12. ;... , Ttspt rbv BapS'.vrjv
Ce general des armees syriennes vient de Damas demander Damas..., pres du fleuve Bardines.
sa guerison au prophete Elisee, qui lui recommande alors
d'aller se laver sept fois de suite dans les eaux du Jour- L'Abana est done bien, croyons-nous, le Barada (en
dain. Mais 1'officier, tout infatue de 1'abondance et de la arabe: le froid, le glace), le xpusoppoae, fleuve d'or
qualite des eaux de son pays, repond avec mecontente- des Grecs, ainsi appele, non parce que ses eaux roulent
ment et dedain : Est-ce que 1'Abana et le Pharphar, effectivement des paillettes d'or, mais parce que de tout
fleuves de Damas, ne sont pas meilleurs que toutes les temps, a 1'epoque de Strabon et de Pline aussi bien qu'au-
eaux d'Israel, pour que je m'y lave et sois purifie? jourd'hui, elles ont repandu sur leur passage la fertilite
Deux rivieres importanles arrosent le pays de Damas : et les richesses.
le Barada et 1'Aouadj; et un regard jete sur la carte Le Barada forme la branche orientale de cette croix
mene facilement a cette conclusion, que ce sont la les qui, dans 1'hydrographie syrienne, a pour tronc 1'Oronte
deux fleuves (neharot) cites par Naaman. Or il semble au nord, le Jourdain au sud, et pour branche occidentale
naturel que le plus considerable et le plus familier a un le Leitani. Cf. Elisee Reclus, Asie anterieure, Paris, 1884,'
habitant de la ville soit mentionne le premier. De nos p. 719. II prend sa source sur une haute crete de 1'Anti-
jours, dit J. L. Porter, un indigene, s'adressant a un Libau, le Djebel-Zebddni, a une altitude de 1 066 metres
15 ABANA A B A R I M 16
au-dessus de la Mediterranee. Traversant les montagnes tous les rabbins dont on peut le plus profiler pour 1'intel-
par de profondes coupures ou Ton entend mugir ses eaux ligence des Livres Saints... , et lorsqu'il porte sur lui ce
souvent invisibles entre les parois des rochers, il arrose jugement: Abarbanel n'a pas moins de nettete et d'elo-
1'antique Abila, aujourd'hui Souq-Ouadi-Barada; puis, quence en hebreu que Ciceron en a en latin. II recon-
au milieu de mines de la domination romaine, il vient nait d'ailleurs qu'il est plus rheteur qu'exegete, et que
se grossir des eaux de VAln-Fidjeh, une des sources les parfois il est trop subtil et trop prolixe. On trouve, en effet,
plus remarquables de la Syrie. II debouche ensuite dans la dans ses commentaires, des dissertations longues et dif-
plaine de Damas, et, se dirigeant vers Test, longe le mur fuses sur des questions theologiques qui vont plus ou moins
septentrional de la ville (fig. 2), et va enfin se perdre, a au sujet. Souvent aussi il se repand en attaques violentes
une vingtaine de kilometres de Damas, par plusieurs bras contre la religion chretienne.
differents, dans un grand lac, le Bahr el-Ateibeh, divise Bibliographic. Les ouvrages d'Abarbanel, en tout ou
lui-meme en deux parties : Bahret esch-Scharqiyeh (lac en partie, ont ete tres souvent publics, dans le texte ori-
oriental), et Bahret el-Qebliyeh (lac meridional). Jamais ginal ou dans une traduction latine. Le commentaire sur
riviere ne fut mieux utilisee. Des la plus haute antiquite, le Pentateuque a ete imprime a Venise, 1579, in-f, et
on a derive de son lit principal, a divers niveaux, une reimprime dans la meme ville, 1584, apres des suppres-
multitude de canaux, dont sept plus importants. Sans ce sions et corrections faites par ordre de 1'Inquisition. L'edi-
tleuve aux eaux limpides et dignes de 1'admiration de tion de 1710, in-f, Hanovre, donnee par H. J. Bashuysen,.
Naaman, Damas n'existerait pas; mais avec lui, malgre reproduit la premiere edition de Venise et est plus correcte.
les calamites et les revolutions, elle est restee 1'une des Le commentaire sur le Deuteronome avait ete imprime
plus populeuses et des plus brillantes cites de 1'Orient. separement a Sabionetta (Italic), in-f, 1551. Editions
Cf. V. Guerin, La Terre Sainte, Paris, 1882,1.1, p. 384-387; particulieres : Commentaire sur les premiers prophetes r
J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855,1.1, Naples, 1593; et, plus correctement, in-f, Leipzig, 1681;
p. 255-278. A. LEGENDRE. Hambourg, 1687. Commentaire sur les derniers prophetes,
Pesaro (Italic), 1520; Amsterdam, 1641, edition plus
ABARBANEL (don ISAAC-BEN-JUDA-ABARBANEL ou elegante que la premiere et augmentee de deux tables.
ABRAVANEL), rabbin portugais, ne a Lisbonne en 1437, Commentaire sur Daniel, Les sources du salut, in-4%
dans une famille opulente, mort a Venise en 1508. II recut 1551, sans nom de lieu; Amsterdam, in-4, 1647; selon
une brillante education, embrassa la carriere de la poli- Wolf, il y aurait eu une edition a Naples, in-4, 1497.
tique et devint ministre des finances d'Alphonse V, roi de Le sacrifice de la Paque, Constantinople, 1496; Venise,
Portugal, puis de Ferdinand le Catholique, roi de Castille. 1545; Cremone, 1557; Le heraut du salut, Salonique,
L'edit de 1492, qui expulsait les Juifs, le forca de quitter in-4, 1526; Amsterdam, 1644; traduit en latin parH. May,
1'Espagne; il se rendit a Naples, ou il occupa un poste in-4, Francfort, 1712 ; Les secours du Messie, manuscrit
eminent a la cour de Ferdinand Ier et d'Alphonse II, son de la Bibliotheque nationale, imprime en 1828 a Carlsruhe.
successeur. L'invasion des Francais le fit passer en Sicile; La couronne des anciens, Sabionetta, in-4, 1557; Ams-
de la il se rendit a Corfou, et, apres avoir sejourne quelque terdam, 1739. Voir Joh. Heinrich May, Dissertatio his-
temps dans la Pouille, il s'arreta enfin a Venise, ou il torico-philologica de origine, vita et scriptis I. Abra-
mourut a 1'age de soixante et onze ans. banielis, Altorf, 1708; in-4, Francfort, 1712. Voir aussi
Dans ses peregrinations, Abarbanel composa de nom- Niceron, Memoires, t. XLI; Gratz, Geschichte der Ju-
breux ouvrages. Voici, d'apres Aboab, la liste de ses den, t. vm, p. 334; t. ix, p. 6, 46; Jost, Geschichte des
oeuvres scripturaires et le lieu de leur composition : en Judenthums, t. in, p. 204. E. LEVESQUE.
Portugal, le commentaire du Deuteronome, intitule Mir-
kebet hammisneh, Le second char, Gen., XLI, 43; en ABARIM, chaine de montagnes du pays de Moab. Ce
Castille, les commentaires de Josue, des Juges et des Rois; nom est toujours accompagne de 1'article en hebreu: har
a Naples, Les sources du salut, Ma'ayene yesu'ah, hd'abarim, Num., XXVH , 12; Deut., XXXH , 49, hare
Is., XH, 3, commentaire sur Daniel, et le livre appele hd'abarim, Num., xxxni, 47, 48, la montagne ou
Sacrifice de la Paque, commentaire sur la maniere dc les montagnes des Abarim ; TO o'po; TO 'A6apt(x, ev TJ>
celebrer la Paque; a Corfou, un livre sur Isaie; a Venise, Tilpav toy 'Io?8avou. La racine 'eber, qui est la meme que
un commentaire sur les autres prophetes et sur les quatre celle du mot hebreu, peut avoir une double signification:
premiers livres de la Loi. Abarbanel composa encore deux la region au dela [de 1'Euphrate], trans flumen, ou
dissertations sur le Messie: MaSmi'a yesu'ah, Isa'ie, LII, 7, les passages ; aussi la Vulgate, Deut., xxxn, 49, ajoute
Le heraut du salut, et YeSu'of mesiho, Ps. xxvm, 8, Le cette traduction etymologique : c'est-a-dire, des pas-
salut ou secours de son Messie. Ces deux dissertations, sages)). Dans ce dernier cas, les montagnes en question
avec Les.sources du salut, forment les trois traites com- seraient ainsi appelees parce qu'on descendait d'Hesebon a
pris sous le titre de Migdol yesuof, II Sam., xxii,51, (Dieu) la vallee du Jourdain par les gorges qu'elles renferment,
signalant sa grandeur par des secours. Citons encore D'apres divers endroits de 1'Ecriture Sainte, nous savons
Lahaqaf nebi'im, I Sam., xix, 20, La reunion des pro- que les monts Abarim se trouvaient dans la terre de
phetes, dissertation sur les propheties de Moise et des Moab , Deut., xxxn, 49, et avaient pour sommets prin-
autres prophetes, et La couronne des anciens, 'Ateret cipaux le Nebo, en face de Jericho, i> ibid., le Phasga
zeqenim, Prov., xvn,6, commentaire philosophique sur (Pisgdh) et le Phogor (Pe'or), d'ou Ton pouvait facile-
le JK 20 du chapitre xxm de 1'Exode, sur le chapitre xxiv ment contempler la terre promise aux enfants d'Israel .
du meme livre, et sur le ^. 1 du chapitre in de Malachie. Num., xxvii, 12. Aussi est-ce la que Dieu transporte Mo'ise
Ecrivain distingue, a 1'intelligence elevee, au style facile, avant sa mort, pour lui faire embrasser d'un coup d'oeil
elegant et abondant, Abarbanel jouit d'une grande auto- le pays de Chanaan, vers lequel le grand legislateur a
rite pres des Juifs, qui lui ont donne les noms de Sage, do conduit son peuple, mais qu'il ne pourra lui-m&ne fouler
Prince. II s'attache avec bonheur a expliquer le sens lit- de ses pieds. Deut., xxxiv, 1. C'est de la que Balaam
teral, et a montrer en particulier 1'enchainement des idees. vient considerer et benir les tentes d'Israel, Num., xxm,
Pour mieux interpreter le texte sacre, il a recours a 1'his- 14, 28, fixees au pied de ces montagnes. Num., xxi, 20;
toire : par la, il ouvre une voie nouvelle a Fexegese bi- xxii, 1. C'est la aussi que Jeremie cache le tabernacle,.
blique. Deux mots caracterisent done tres bien son exe- 1'arche d'alliance et 1'autel des parfums. II Mac., n, 4.
gese : elle etait grammaticale et historique. Enfin, par ses Enfin le meme prophete ajoute ce nom a ceux du Libaa
savantes Introductions, il a rendu d'importants services et de Basan au chap, xxii, 20; car il est plus conforme au
a la critique sacree. Cependant Richard Simon vante un con texte de lire avec 1'hebreu me'abarim, de 1'Abarim,
peu trop Abarbanel, lorsqu'il le regarde comme celui de que de traduire comme la Vulgate: a ceux qui passent.
17 ABARIM ABBA MARI 18
1
Les voyageurs modernes, principalement M. de Saulcy, 1'apotre saint Jean, qu'elle a etc composee sous le regne
en determinant la position du rnont Nebo, ont par la meme de Neron, et qu'elle raconte sous forme prophetique la des-
confirme celle des monts Abarim, qu'Eusebe et saint Je- truction de Jerusalem. Get ouvrage fut traduit en anglais et
rome placent a six milles d'Hesebon. S. Jerome, Lib. refute par L. Twells. II fut aussi comjt>attu en France par
de situ et nominibus locorum heb., t. xxui, col. 867 Bergier, en 1780, dans son Traite historique et dogmatique
et 913. Du reste, les passages de la Sainte Ecriture cites de la vraie religion, t. vm. Sur Abauzit, voir CEuvres
plus haut montrent clairement qu'il faut chercher Abarim diverses de M. Firmin Abauzit, in-8, Geneve, 1770;
dans la partie septentrionale de cette region montagneuse CEuvres de feu M. Abauzit, 2 in-8, Londres (Amster-
qui, bornant la mer Morte a 1'est, a dans son ensemble dam), 1770-1773 (ces deux editions contiennent 1'Essai
une centaine de kilometres de longueur, une largeur d'en- sur I'Apocalypse; la seconde s'ouvre par YEloge d'Abauzit,
viron 40 kilometres, avec une elevation generate d'a peu compose par son editeur Berenger); Miscellanies on his-
pres 1000 metres. Descendant brusquement en parois torical, theological and critical subjects, translated by
abruptes jusqu'au lac Asphaltite, les rochers sont coupes E. Harwood, in-8, Londres, 1774 (la vie de 1'auteur est
par les ravins des ouadis, qui penetrent dans Finterieur racontee p. i-xxiv; le recueil se termine, p. 283, par
comme d'etroites rues entre des murs verticaux. La vege- An historical discourse on the Apocalypse); Senebier,
tation est rare sur les pentes et sur les plateaux de cette Histoire litteraire de Geneve, t. in, p. 63-83; Lucke,
region d'El-Belka, plus generalement designee par les Versuch einer vollstandigen Einleitung in die Offenba-
noms des anciens peuples qui 1'habitaient, Ammon et rung Johannis, p. 555.
Moab. Cependant la nudite de ces monts n'est pas com-
parable a celle du massif calcaire de la Judee, a 1'ouest ABBA, mot arameen correspondant au mot hebreu
de la mer Morte : non seulement les fonds bien arroses 'ab, pere. II nous a ete conserve dans le Nouveau
sont remplis de fourres verdoyants, mais des bouquets Testament grec: 'A66a, Marc, xiv, 36; Rom., vm, 15;
de chenes, des terebinthes, des lauriers croissent sur les Gal., iv, 6, ou cette appellation s'applique toujours a Dieu
terrasses tournees vers les vents humides de la Mediter- sous forme d'invocation. En saint Marc, c'est Notre-Sei-
ranee. Cf. Elisee Reclus, Asie anterieure, Paris, 1884, gneur qui s'adresse ainsi a son Pere. Saint Paul dit aux
p. 708. fideles qu'ils peuvent appeler Dieu : Abba, pere, parce
La partie septentrionale, qui s'etend depuis le Zerka- qu'ils sont ses enfants d'adoption. Dans le texte grec,
Main jusqu'a 1'ouadi Hesban, et forme les rnonts Abarim, comme dans la Vulgate latine, le mot abba est toujours
se distingue des autres par de plus nombreuses dechi- suivi de la traduction : pere.
rures. Dans 1'espace de quelques kilometres, le plateau est
coupe par cinq ou six ouadis, qui, commen^ant par une ABBA AR^KA ou Arikha, surnomme RAB par une
depression assez douce, se creusent rapidement, en sorte abreviation familiere a 1'epoque talmudique (Rab pour
que Ton n'a plus sous les yeux qu'une serie de chaines R. Abba, c'est-a-dire Rabbi Abba), 175-247, fut disciple
paralleles, descendant par echelons vers la mer, et por- de Juda le Saint. II porta la Mischna redigee par son maitre
tant sur chacun de leurs flancs les ruines d'une cite an- a Sora, ou il fonda une ecole, qu'il dirigea vingt-huit ans,
tique. H. B. Tristram, The land of Moab, 2e edit., de 219 a 247, et qu'il impregna fortement de 1'esprit rab-
Londres, 1874, p. 318. On a, en effet, retrouve dans ce binique. II fut le premier des amoraim ou interpretes de
pays des ruines de tout age, restes de 1'ancienne religion la Mischna, et commenca ces commentaires oraux qui
chananeenne: dolmens, menhirs, cercles de pierres, villes furent recueillis plus tard sous le nom de Ghemara ou
moabites, temples remains, etc. Talmud de Babylone. II est 1'auteur d'un celebre Midrasch
Les explorateurs modernes, surtout de Saulcy, Voyage ou commentaire mi-partie halakique et hagadique sur le
en Terre Sainte, 2 in-8", Paris, 1865; H. B. Tristram, Levitique, intitule Sifrd'', Le livre, ou Sifrd' de.be Rab,
ouv. cite; C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, Livre de I'ecole de Rab, ou encore Baraita sel toraf
nous ont donne sur cette contree des details aussi precis kohanim, c'est-a-dire Mischna exterieure sur la loides
qu'interessants, et ont ainsi comble une lacune qu'on pretres. La loi des pretres, Toraf kohanim, etait le nom
deplorait depuis longtemps dans la geographic sacree. Us donne au Levitique par les premiers rabbins. II composa
ont constate de visu et a plusieurs reprises 1'exactitude egalement un commentaire sur les Nombres et le Deute-
du recit biblique, quand il affirme qu'on peut de ces ronome, appele Sifre, Les livres, connu encore sous le
montagnes apercevoir dans toute son etendue la Terre nom de Sifre debe Rab, Les livres de I'ecole de Rab. Ce-
Promise. Deut., xxxiv, 1-3. Des sommets du Nebo, ou pendant ces Midraschim sur le Levitique et sur les Nombres
de Siaghah, ou de Maslubiyeh, la vue s'etend merveil- et le Deuteronome ne sont pas entierement et exclusive-
leusement, vers 1'ouest, d'Hebron a la Galilee, en passant ment I'ojuvre de Rab. Ainsi les texles anonymes appar-
par Bethlehem, Jerusalem, les monts Garizim et Ebal, le tiennent a deux tannaim ou repetiteurs de la tradition
Thabor. Le Jourdam se deroule comme un immense concernant la Bible, Juda-ben-EFai et Simeon-ben-Yohai.
serpent a travers la vallee, et les torrents de la plainc de Mais la compilation et la redaction sont dues a Rab et a son
Jericho descendent en serpentant pour rejomdre ceux qui ecole. Le Sifrd' fut publie a Constantinople, in-f, 1515,
s'elancent des collines de Moab. Voir les details dans et a Venise, in-f, 1545. Aaron-ben-Chaim en a donne
C. B. Conder, Heth and Moab, p. 131-141. Voir NEBO, un commentaire intitule Qorban 'Aharon, in-f, Veniser
PHASGA. A. LEGENDRE. 1609. Le Sifre fut egalement imprime a Constantinople,
in-f, 1515, et a Venise, in-f, 1545. 11 a ete, ainsi que
ABARON (dans le texte grec original: Auapdv), sur- le Sifra', 1'objet de plusieurs commentaires, comme ceux
nom d'Eleazar, quatrieme fils de Mathathias et frere de d'Abraham Lichtstein, de David Pardo, etc. La traduction
Judas Machabee. I Mac., H, 5. Voir ELEAZAR 8. latine du Sifrd' et celle du Sifre se trouvent dans les
tomes xiv et xv du Thesaurus antiquitatum sacrarum
ABAUZIT Firmin, calviniste francais, ne a Uzes d'Ugolini. Sur Rab et ses ceuvres, voir: Jul. Furst, Rab,
en 1679, mort a Geneve en 1767, ou il avait ete longtemps sein Leben, Wirken, als erster Amora, als Begrunder
bibliothecaire de la ville. II travailla a la traduction fran- des Talmud's, etc., dans Kultur- und Literaturgeschichte
caise du Nouveau Testament qui parut a Geneve en 1726, der Juden in Asien, p. 8, 10, 31-39, 46, 52-53, 60-63,
et publia plusieurs ecrits en faveur de 1'arianisme. Ce qui 65, 67-72, 91; J. H. Weiss, Toledof Rab, dans E. Stern,
lui a fait un nom dans 1'exegese est son Essai sur I'Apo- Kokebe Yishdq, fascicule 8-11. . LEVESQUE.
calypse, travail remarquable, non par sa valeur, mais par
ses hardiesses. L'auteur revoque en doute 1'authenticite ABBA MARI, fils de Moise, fils de Joseph, etait ori-
de 1'Apocalypse; il insinue qu'elle n'est pas 1'oeuvre de ginaire de Lunel, aussi se nomrae-t-il hay-yarhi (yerah-
19 ABBA MARI ABDIAS 20
signifie lune ; les Juifs provencaux avaient coutume de (hebreu : 'Ebed-melek, serviteur
traduire en hebreu les noms de ville). Son nom provencal du roi; Septante: 'AgSepiXex- Nom propre frequent en
etait Don ou En Astruc, ou Nastruc (forme populaire). arabe sous la forme Abdulmalik), eunuque ethiopien
n vecut a la fin du xiiie et au commencement du a la cour de Sedecias, dernier roi de Juda. Par son inter-
xive siecle. De 1304 a 1306, il prit la plus grande part a la vention, Jeremie fut tire de la citerne ou basse fosse de
dispute qui divisa alors les rabbins du midi de la France la prison ou 1'avaienl jete les principaux de Jerusalem. Sui-
en deux partis, qu'on peut appeler le parti philosophique vanl la promesse que le prophele lui avail faite en retour,
et le parti theologique, ou plutot talmudique. Eflraye de il ful preserve de lout mal dans la mine de la ville. Jer.,
1'abandon ou etait tombee 1'etude du Talmud, et de la pre- xxxvin, 7-18; xxxix, 16.
ference accordee a des recherches philosophiques abou-
tissant le plus souvent, dans I'interpr&ation de la Bible, ABDENAGO (hebreu : lAbed-nego; Seplante :
a un allegorisme outre ou au rationalisme, Abba Mari vit 'A68vayco), nom babylonien donne a Azarias, 1'un des
la un danger serieux pour la foi de ses coreligionnaires. trois compagnons de Daniel eleves avec le prophele a
Aussi voulait-il qu'on n'entreprtt pas les etudes philoso- 1'ecole royale de Babylone. Dan., i, 7; n, 49; in, 12,16,97.
phiques avant 1'age de trente ans, age auquel on est d'or- La forme babylonienne de ce nom a ele alleree par les
dinaire assez familiarise avec le Talmud. Dans ses lettres, copistes dans le lexle hebreu; il faul lire, comme on 1'a
il s'eleve centre ceux qui expliquent les miracles par des depuis longlemps remarque1 : "abed Nebo, c'esl-a-dire
faits naturels, et qui regardent comme des allegories phi- serviteur du dieu Nabo , une des principales divinites
losophiques ou morales les recits et les personnages de la de Babylone. On trouve en assyrien beaucoup de noms
Bible le plus evidemment historiques. Quelques-uns, en propres qui commencenl, comme en hebreu, par le mot
effet, voyaient, par exemple, dans Abraham et Sara, la 'abad, serviteur, suivi du mol de roi (cf. en hebreu:
matiere et la forme; dans Jacob et les douze tribus, le ciel Abdemelech, Jer., xxxvni, 7, elc.) ou~du nom d'un dien.
et les douze signes du zodiaque. L'edit de 1306, qui expul- Le nom d'Abdenabo lui-meme se lit dans une inscrip-
sait les Juifs de France, mit fin a la querelle. Abba Mari tion assyro - arameenne, ou il designe un Assyrien. Cf..
quitta Montpellier, ou il s'etait fixe; il se refugia a Aries, E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament,
et peu de temps apres a Perpignan. II mourut apres 1310, 1883, p. 429. Voir A/ARIAS 13. F. VIGOUROUX.
on ne sait precisement en quelle annee. Les lettres echan-
gees dans la controverse furent reunies par lui sous le ABDI, hebreu : 'Abdi, mon servileur, ou plutot
litre de Minhat qenaof, Offrande du zele. Num., v, 18. abreviation de 'abdiydh, servileur de Dieu; Seplanle:
En tele de 1'ouvrage se trouve une longue introduction, 'A6ac.
ou il expose en dix-huit chapitres, dans un style diffus,
les principes fondamentaux de la foi. II conclut que ceux 1. ABDI, Invite de la famille de Merari et anc^tre
qui croient a ces principes ne douteront jamais des recits d'Elhan. I Par., vi, 4i.
de 1'Ecrilure, et ne chercheront pas d'interpretation natu-
raliste aux miracles. A la fin de cet opuscule, il ajouta un 2. ABDI, aulre levile de la mgme famille. II fut pere
petit traite intitule Livre de la lune, Sefer hayyareah, de Cis, un des levites qui concoururent a la purification
ou il developpe les memes idees. On lui attribue aussi un du temple sous Ezechias. II Par., xxix, 12.
Commentaire sur le livre de Job, dont une copie manus-
crite existe a la Bibliotheque nationale. Une main plus mo- 3. ABDI, un des fils d'Elam. Pour obeir a Esdras, il
derne que celle du copiste a ajoute le nom d'Abba Mari renvoya, au retour de la captivite, une etrangere qu'il
a la marge, et le donne comme 1'auteur de cet ouvrage. avail epousee a Babylone. I Esdr., x, 26.
L'Offrande du zele a et6 publiee par Mard. Low Bisse-
liches, a Presbourg (Hongrie), in-8, 1838. Voir, sur ABDIAS, hebreu: 'Obadydhu, el par contraction
Abba Mari, Histoire litteraire de la France, t. xxvii, ^Obadyah, serviteur, c'est-a-dire adoraleur de Yah
p. 648-695, et H. Gross, Notice sur Abba Mari, dans la (Jehovah), correspondanl a 1'arabe Abdallah; Sep-
Revue des etudes juives, avril-juin 1882, p. 192 et suiv. lante : tantot 'A68ca;, tantol '068tou.
E. LEVESQUE.
ABBOTT (George), archeveque anglican de Cantor- 1. ABDIAS, le quatrieme des petits prophetes. Excepte
bery, n6 a Guildford, le 29 octobre 1562, mort a Croydon, son nom, on ne sait rien de certain a son sujet. La pro-
le 4 aout 1633, fut un des traducteurs de la Bible anglaise phetic dont il est 1'auteur fait cependant presumer qu'il
publiee par le roi Jacques Ier (version autorisee); il avail elait d'origine juive, habitant le pays de Juda.
e"te charge des qualre Evangiles. On a aussi de lui un I. Analyse de sa prophetie. Tres breve, puisqu'elle
commenlaire du prophele Jonas en forme de sermons, n'a que vingt el un versets, celle prophetie est dirigee
An exposition upon the prophet Jonah, in-4, Londres, centre Edom. Voici les trois parties qui la composent :
1600, ouvrage d'ailleurs sans valeur exegetique. Voir 1 Ruine d'Edom, qui sera humilie, depouille et trahi par
S. L. Lee, Stephens' Dictionary of national biography, ses allies; il sera exlermine pour loujours, 1-10. 2 Cause
1885, t. i, p. 5-20; W. Russell, Life of G. Abbott, de cette mine : c'esl la part prise par lui aux maux qui
Oxford, 1777. viennent de tomber sur Jerusalem et sur les enfants de
Juda ; il s'est joint aux Grangers qui ont jete le sort sur
ABDA, hebreu: lAbda', serviteur, sous-entendu: la ville, il a triomphe insolemment avec eux; il a surpris
de Dieu; abreviation de 'Abde'el; Septante : 'Au8wv. les fugitifs, les a tues ou vendus, 11-16. 3 Exaltation
d'Israel sur le mont Sion : Israel vaincra ses ennemis,
1. ABDA, pere d'Adoniram, un des officiers de Salo- recouvrera ses anciennes possessions et ses captifs loin-
mon. Ill Reg., iv, 6. tains; il s'etendra de tous coles, et il y aura alors des
sauveurs qui monteront sur la montagne de Sion pour
2. ABDA, levite, fils de Samua, descendant du celebre jugerEsaii; et le royaume sera enfin a Jehovah , 17-2J.
chantre Idithun. II revint de la captivite avec Zorobabel. Telle est cetle prophetie.
II Esdr., xi, 17. D est appele Obdia dans I Par., ix, 16. II. Date de sa prophetie. Pour en fixer la date, on
a d'une part le texle lui-mdme, de 1'aulre sa parenle avec
ABDEEL (hebreu : 'Abde'el, serviteur de Dieu; Joel et Amos. Le texte rappelle, 11-17, un evenement
onus dans les Seplanle), pere de Selemias, qui recut de passe (voir les prelerils, 11, 15, 16), qui est la prise de
Joachim, roi de Juda, 1'ordre d'arr&er Jeremie et Baruch. Jerusalem par des ennemis auxquels Edom s'est trouve
Jer., xxxvi, 26. mele. Quel est au juste cet evenement? C'esl ce qu'il faut
ABDIAS 22
savoir. Or il n'y a a cet egard que deux opinions serieuses ten, Ratisbonne, 1862, t. n, p. 365; il n'a aucune forme,
possibles: je laisse de cote celles qui ont trait a 1'Egyp- aucun mot rappelant un age recent . Quelques interro-
tien Sesac et au roi Israelite Joas, qui pillerent la ville en gations rompent la monotonie de ce style.
leur temps, III Reg., xiv, 25-26; IV Reg., xrv, 11-16; IV. Accomplissement de la prophetie. Les deux pro-
cf. II Par., xxv, 21-24, car il est evident que ce n'est pheties de ce petit livre se sont realisees avec le temps.
pas de ces deux faits qu'il s'agit: 1'une, qui voit dans cet La realisation de la premiere, 1-10, a commence sous
evenement 1'invasion des Philistins et des Arabes sous Nabuchodonosor. II fit, cinq ans apres la ruine de Jeru-
Jorani, II Par., xxi, 16-17; 1'autre, qui 1'identifie avec salem , une expedition en Egypte, en passant par les pays
1'invasion de Nabuchodonosor. Les partisans de celle-ci se d'Ammon et de Moab, qu'il soumit. Or il ne put les sou-
font un argument surtout des rapports qu'ils constatent mettre sans subjuguer par la meme les Edomites, qui se
entre Abd., 1-7, et Jer., xtix,7-22: A I'Idumee. Abdias, trouvaient sur son chemin. Cf. Jer., xxvn, 3, 6. Peut-etre
disent-ils, a imite Jeremie. Done il est venu apres lui, et est-ce a ce moment que les Nabateens, race puissante et
c'est bien la guerre chaldeenne qu'il a cue en vue. Non, ennemie, s'etablirent dans Petra et ses environs. Plus
ce n'est pas Abdias qui a copie Jeremie; c'est Jeremie, au tard, Judas Machabee les defit et les chassa des villes pa-
contraire, qui s'est inspire d'Abdias, comme on le prouve lestiniennes du sud qu'ils avaient prises. I Mach., v, 3, 65.
par les trois raisons suivantes: 1 Jeremie est un copiste Mais c'est Jean Hyrcan qui detruisit leur nationalite; il les
avere, A. Kueper, Jeremias sacrorum Librorum inler- forga a se faire circoncire et a observer le reste de la
pres atgue vindex, Berlin, 1837, p. x et suiv.; 2 sa loi mosa'ique. Enfin, dans la guerre de Judee, sous Titus,
prophetic n'a pas cette unite de conception et de redaction Simon de Gerasa entra en Idumee par trahison et en fit
qui distingue son devancier, et 3 enfin, observation cri- un desert: elle offrit, apres son passage, 1'aspect d'une
tique qui a sa valeur, parmi les termes propres a Jeremie, foret aux feuilles mangees par les sauterelles. Quant aux
pas un qui se trouve dans Abdias, tandis que parmi les autres qui etaient du parti de Simon, ils partagerent le
termes communs a tous deux, pas un qui se trouve ailleurs sort des Juifs vaincus. Les survivants se perdirent dans
en Jeremie. Cf. P. Caspari, Der Prophet Obadja, p. 5-13. les tribus arabes. Et ainsi Edom perit a jamais. Abd., 10.
Mais si Abdias est anterieur a Jeremie, ce n'est done pas Sa perte fut le chatiment divin de la haine qu'il eut con-
de 1'invasion chaldeenne qu'il parle. Du reste, il y a entre stamment centre Israel. Quoique descendants des deux
celle-ci et le recit assez pale du petit prophete des diffe- freres, ces deux peuples ne s'aimerent jamais. L'histoire
rences essentielles. Abdias ne dit rien de la destruction est pleine des preuves de la haine d'Edom, haine active,
de la ville, de 1'incendie du temple, de 1'entiere depopu- haine cruelle, haine constante. Num., xx, 15; xxi, 4;
lation du pays, qui precederent 1'exil. Aurait-il garde ce Deut., xxv, 17; Ex., xvn, 8 et suiv.; Jud., xi, 17; I Reg., xiv,
silence, s'il avait entendu raconter 1'expedition de Nabu- 47; II Reg., vm, 13,14; III Reg., xi, 14; IV Reg., vm,20;
chodonosor? Voir J. Knabenbauer, In Prophetas mino- I Par., xx, 10; II Par., xxi, 8; IV Reg., xin, 20; II Par.,
res, t. i, p. 340 et suiv. L'evenement qu'il rappelle est xxvni, 16; Joel, in, 19; Am., i, 11; Ezech., xxv, 12;
done bien 1'invasion qui eut lieu sous Joram, et dont il xxxv, 5, 15; Ps. cxxxvi, 7. Dieu se devait d'en tirer ven-
a ete question plus haut. D'un autre cote, le rapport de geance. II fit predire le chatiment et accomplit sa predic-
notre prophetic a des textes de Joel et d'Amos est constant, tion.
tout le monde 1'accorde. A. Johannes, Commentar zu der L'autre prophetie, 17-21, qui est messianique, s'est
Weissagung des Propheten Obadja, p. 6-8. II est vrai realisee doublement, au sens litteral et au sens spirituel;
que plusieurs la. font dependre de ceux-ci, mais a tort, car elle a ces deux sens, selon les meilleurs interpretes.
croyons-nous. II est certain, au contraire, que c'est Joel et Au sens litteral, elle s'est accomplie par les sauveurs,
Amos qui dependent d'Abdias: Amos, il n'y a pas de doute, 21, Zorobabel, Esdras, les Machabees, qui retablirent,
si Joel en depend; Joel, on ne saurait le nier, car il 1'avoue apres 1'exil et le retour des captifs, le peuple juif dans ses
lui-meme en citant notre petit Abdias avec ces mots si- anciennes possessions, jugerent Esau et se 1'assujettirent.
gnificatifs : Comme 1'a dit le Seigneur. Joel, n , 32 Mais c'est surtout au sens spirituel que cet oracle s'est
(hebreu, in, 5); ef. Abd., 17. Abdias a done vecu avant pleinement verifie. II s'entend des temps messianiques,
Joel et Amos. D'oii il suit enfm que notre prophetic fut c'est-a-dire de 1'Eglisecatholique.Paries sauveurs, Jesus
ecrite entre le regne de Joram, sous lequel 1'invasion eut et les Apotres qu'il a envoyes, elle s'est etendue a partir
lieu, et 1'apparition de Joel et d'Amos; plus precisement de Sion sur toute la terre; elle a juge, en se 1'incorporant
encore, sur la fin de ce regne, vers 1'an 865, car I'im- ou en le detruisant, Esau, 1'homme terrestre et sangui-
pression produite par les maux endures parait recente et naire; et lorsque tout sera accompli, alors 1'empire sera a
comme toute vive. On peut confirmer cette date et par le Jehovah : Vehdyetdh layhovdh hammelukdh, Abd., 21.
style du prophete, style ancien, exempt de chaldaismes, Voir, pour 1'accomplissement de ces deux propheties,
style lapidaire du reste, car on dirait de cet oracle F. Keil, Die zwolf kleinen Propheten, 1873, p. 269, 270,
qu'il a ete taille dans un roc de Petra , et par la place et T. T. Perowne, Obadyah, p. 20-24, avec leurs refe-
qu'il occupe dans le recueil des douze petits prophetes : rences a Josephe; et pour le rapport de la deuxieme aux
s'il ne tient pas la premiere, ce qui devrait etre, si 1'on autres propheties messianiques, J. Knabenbauer, op. cit.,
avait suivi strictement 1'ordre des temps, du moins est-il t. i, p. 354-356, et F. Delitzsch, Messianic prophecies,
range parmi ceux qui ont paru avant 1'exil, ce qui suffit a Edimbourg, 1880, p. 56, 57. L'exegese juive, exacte et
renverser 1'opinion que nous combattons. Mentionnons, solide tant qu'elle applique cette prophetie a 1'Edom his-
uniquement pour les rejeter, 1'opinion de F. Hitzig, rame- torique, s'egare ensuite peu a peu en 1'interpretant: 1 de
nant notre prophetie a 1'an 302, et celle de A. Kuenen, Rome et des Remains, qui ont aneanti la nation et ses
d'apres laquelle notre prophete, qui aurait vecu du temps fausses esperances; 2 des Chretiens, qu'elle regarde comme
de Jeremie, aurait reproduit a peu pres sans y rien des oppresseurs: Une regie d'interpretation des Juifs
changer un texte plus ancien: ce sont des hypotheses, modernes, dit T. T. Perowne, op. cit., p. 23, c'est que
sans aucune preuve qui les appuie. par les Edomites on entend les Chretiens. Voir un spe-
III. Langue et style d'Abdias. Le texte de la prophetie cimen de ce genre d'exegese dans Dictionary of the Bible
est tres pur; elle n'a que peu de variantes, et encore sont- de W. Smith, au mot OBADJAH.
elles assez insignifiantes. W. Schenz, Einleitung in die V. Auteurs principaitx ayant spe'cialement ecrit sur
kanonischen Bucher des alten Testamentes, Ratisbonne, Abdias. M. del Castillo, Commentarius in Abdiam
1887, p. 242; J. Knabenbauer, In Prophetas minores, prophetam, in-4, Salamanque, 1556; L. de Leon, Com-
1.1, p. 346-355 et passim. Quant a son style, il est difficile mentarius in Abdiam prophetam, in-4, ibid., 1589;
d'en juger, car elle est tres courte. II est energique, * J. Leusden, Obadias ebraice et chaldaice una cum Ma-
presse, presque dur, dit P. Schegg, Die kleinen Prophe- sora magna et parva et cum trium prsestantissimorum
23 ABDIAS ABDON 24
rabbinorum commentariis explicatus, Utrecht, 1657; lui, car il est impossible de 1'identifier, comme ontvoulu
* J. T. G. Holzapfel, Obadia neu ubersetzt und erlautert, le faire plusieurs Juifs dont parle saint Jerome, In Abd.
in-8, Rinteln, 1/98; * H. Venema, Preelections in Oba- prophet., 1, t. xxv, col. 1099, avec le prophete du me'me
diam, cum notis J. H. Verschnirii et J. A. Lotze, Utrecht, nom. Plusieurs rabbins, apres Josephe, Antiq.jud., IX, H,
1810; C. L. Hendewerk, Obadias prophetse oraculum ont pense que la Sunamite chez laquelle logea Elie etait
in Idumasos, in-8, Koenigsberg, 1836; * C. P. Caspari, sa veuve, et qu'Abdias etait lui-mSme le troisieme capi-
Der Prophet Obadjah, in-8, Leipzig, 1842; * C. A. W. taine envoye par Ochozias conlre le prophete et epargne"
Seydel, Vaticinium Obadja secundum textum hebraicum par le feu du ciel, IV Reg., I, 14-15; ce n'est la qu'une
et chaldaicum, in-8, Leipzig, 1869; * T. T. Perowne, conjecture sans fondement. P. RENARD.
Obadiah and Jonah, in-12, Londres, 1883; A. Johannes,
Commentar zu der Weissagung des Propheten Obadja, 3. ABDIAS, pere de Jesmaias, qui fut chef de la tribu
in-8, "Wurzbourg, 1885; * M. A. Acoluthus, Obadias Ar- de Zabulon au temps de David. I Par., xxvil, 19.
menus, in-4, Leipzig, 1630; * F. Plum, Observationes in
textum et versiones maxime grsecas Obadias et Habacuci, 4. ABDIAS, levite de la famille de Merari, sous le regne
in-8, Goettingue, 1796; *H. A. Grimm, Jonas et Obadiss de Josias. II fut employe comme surveillant dans la repa-
Orocula syriace, in-8, Duisbourg, 1798; * C. F. Schnurrer, ration du temple de Jerusalem. II Par., xxxiv, 12.
Dissertatio philologica in Obadiam, in-4, Tubingue, 1787,
etdans les Dissertationes philol.-criticae, in-8, Gotha et 5. ABDIAS, ecrivain apocryphe. Ce personnage passe
Amsterdam, 1790, p. 385 et suiv.; G. F. Jager, Ueber das pour avoir ete le premier eveque de Babylone, consacre
Zeitalterdes Obadias, in-4, Tubingue, 1837; *F. Delitzsch, par les apotres saints Simon et Jude. Nous ne le men-
Wann weissagte Obadjah ? dans Rudelbach's und Gue- tionnons ici que pour ce fait qu'on lui attribue un gros
ricke's Zeitschrift, 1851, p. 91 et suiv.; * H. Weiss, De ouvrage en dix livres, intitule Historia certaminis apo-
estate qua Obadja propheta vatidnatus sit, Bruns- stolici ou Histories apostolicss, et comprenant un recit des
berg, 1873. E. PHILIPPE. missions et de la mort de chacun des apotres Pierre,
Paul, Andre, Jacques fils de Zebedee, Jean, Jacques fils
2. ABDIAS, intendant d'Achab, roi d'Israe'l. L'expres- d'Alphee, Simon et Jude, Matthieu, Barthelemy, Thomas,
sion vague 'dSer 'al-habbayif, qui (est) sur la maison, Philippe. Cette compilation, mise sous le nom d'Abdias,
par laquelle est designee sa fonction, III Reg., xvm, 3, et soi-disant traduite de 1'hebreu en grec par Eutrope,
signifie une sorte de haute surveillance sur les personnes disciple d'Abdias, et du grec en latin par Jules 1'Africain,
et les choses du palais. Abdias etait comme le premier ami d'Origene, au m siecle, est en realite une oeuvre la-
ministre d'Achab, dont il se separait heureusement par tine , ou Ton trouve citees, avec la Vulgate hieronymienne,
sa fidelite au service du vrai Dieu. Son eminente situation YHistoire ecclesiastique de Rufm et la traduction latine
lui avait plus d'une fois fourni le moyen de proteger les desRecognitiones du memee Rufin. On la considere comme
serviteurs de Jehovah, comme au temps ou 1'impie Jezabel de la seconde moitie du vi siecle, et peut-etre originaire
faisait rechercher les prophetes pour les metlre a mort, des Gaules. L'interet de cette collection tient a ce que
et par la ruiner le culte du vrai Dieu. II en avait recueilli 1'auteur a puise dans les Acta anciens des Apotres (voir
cent, qu'il avait fait cacher, en deux groupes de cinquante, ACTES APOCRYPHES DES APOTRES ), dont il nous donne une
dans les excavations naturelles ou artificielles, si nom- edition catholique expurgee, et que c'est grace a lui seul
breuses le long des montagnes de la Samarie, et qui avaient que mainte legende apostolique nous a ete conservee. On
servi de refuge a tant d'autres, dans des circonstances trouvera le texte du pseudo-Abdias dans Fabricius, Codex
analogues, sous Josue, Jos., x, 17; les Juges, Jud.,ix, 25, apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1700, p. 402-742.
36, 37; Saul, I Reg., xin, 6, etc. Or 1'heure de la vengeance Sur 1'auteur pretendu et sur la collection, on consultera
divine venait de sonner; Israel etait reduit a une extreme Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschichten, Brunswick,
detresse par suite d'une secheresse persistante, qui em- 1883, t. i, p. 117-178. P. BATIFFOL.
pechait la terre de rien produire. Les chevaux et les mulets
d'Achab allaient perir, si Ton ne parvenait pas a leur trouver ABDIEL (hebreu: 'Abdi'el, serviteur de Dieu;
de la nourriture. Abdias, sur 1'ordre du roi, se mit a par- Septante: 'AgSt^X), fils de Guni, de la tribu de Gad. I Par.,
courir le pays, tandis que son maitre en faisait autant v, 15. Chacun de ses fils etait chef de maison a 1'epoque du
dans une autre direction; tous deux cherchaient des her- denombrement fait sous le regne de Joatham, roi de Juda,
bages dans le lit desseche des torrents, pres des sources, et de Jeroboam, roi d'Israel. Ils s'etablirent dans les pays
et partout ou ils pensaient trouver encore quelque frai- de Galaad et de Basan.
cheur. C'est pendant ce voyage qu'Abdias rencontra le
prophete Elie, qu'il reconnut peut-tre a ses vetements ABDON, hebreu: 'Abdon, servile; Septante:
speciaux, IV Reg., i, 7-8, et qu'il salua aussitot en se 'A68wv.
prosternant jusqu'a terre, suivant 1'usage des Orientaux.
Ill Reg., xvm, 7. Surpris de cette rencontre, il le fut bien 1. ABDON, juge d'Israel. Jud., xn, 13-15. C'etait un
davantage de la mission que lui donna l'homnie de Dieu Ephraimite, fils d'lllel et originaire de Pharathon. II est
d'aller tout de suite trouver Achab, et de le prevenir de probable que, de meme qu'Abesan et Ahialon, ses prede-
la presence du prophete. Car jusque-la Elie s'etait derobe, cesseurs immediats, il ne fut juge que des tribus du nord
et bien qu'Achab 1'eut fait chercher partout, il avait ete d'Israel, vers 1'epoque ou les Hebreux du sud - ouest
impossible de s'emparer de sa personne, ce qu'Abdias secouaient le joug de la domination philistine. Aucun fait
regardait comme un miracle de la puissance de Dieu. saillant ne parait avoir signale cette judicature de huit
Cette pensee eveilla dans 1'esprit de 1'intendant d'Achab annees. La Bible nous apprend seulement qu' Abdon eut
un sentiment de defiance qu'il exposa naivement au pro- quarante fils, et de ceux-ci trente petits-fils, montant sur
phete. Car, pensait-il, s'il se chargeait de la commission, soixante-dix poulains d'anesses . Ces paroles font sans
le roi, sur les indications qu'il lui fournirait, ferait aus- doute allusion a quelque ceremonie publique ou les
sitot rechercher Elie, qui, par le secours de 1'Esprit de soixante-dix fils et petits-fils d'Abdon parurent ensemble
Dieu, se transporterait encore hors de ses atteintes, et aux yeux de la foule, monies sur des anes, selon la cou-
alors Achab, rarieux d'avoir ete trompe, se vengerait sur tume orientale. Voir ANE. Le nombre des fils attribues
son ministre, et le ferait mettre a mort. Ill Reg., xvm, 12. a Abdon n'est pas etonnant, etant donnee la polygamie
11 ne fallut rien moins qu'un serment du prophete pour toleree chez les Hebreux. Abdon fut enseveli a Pharathon,
determiner le timide Abdias a se charger du message. dans la terre d'Ephraim. Son tombeau etait la, creuse^
C'est tout ce que nos Saints Livres nous apprennent de dans la montagne qu'on appelait montagne d'Amalec ou.
25 ABDON ABEILLE 26
des Amalecites. Jud., xii, 15. Voir PHARATHON. Ewald a jouit d'une vue tres e'tendue snr toute la plaine de Saint-
suppose, mais sans preuves, que le nom de Badan, juge Jean-d'Acre, renferme les restes d'une enceinte longue
d'Israel, qu'on lit 1 Reg., xii, 11, est une alteration du de cinquante pas sur' quarante-six de large. Batie avec
nom d'Abdon. E. DUPLESSY. des blocs antiques trouves sans doute sur place, elle ne
parait pas remonter elle-meme au dela du moyen age,
2. ABDON, fils de Sesac, de la tribu de Benjamin. et semble avoir etc rapidement construite, a une epoque
JPar., vin, 23-25. de guerre, dans un but de defense. Ces debris de 1'anti-
quite, meles aux constructions plus modernes, ne sont
3. ABDON, fils aine de Jehiel ou Abigabaorv, Benja- peut-etre pas les seuls que Ton trouverait en ce lieu, si
mite. I Par., vin, 29-30; ix, 35. Ton y pratiquait des fouilles. Cf. V. Guerin, Description
de la Palestine, Galilee, t. n, p. 36 et 37.
4. ABDON. Voir ACHOBOR 2. A. LEGENDRE.
ABED (hebreu: 'Ebed, serviteur, sous-entendu:
5. ABDON (Septante: 'A68ow, Aa66wv), ville de la tribu de Dieu; Septante: 'QgrjO), fils de Jonathan, de la famille
d'Aser, concedee aux Levites de la famille de Gerson. d'Adan, revint de Babylone avec Esdras, a la Idle de cin-
Jos., xxi, 30; I Par., vi, 74. Certains critiques, etonnes quante hommes. I Esdr., vin, 6.
de ne pas la trouver dans 1'enumeration des autres villes
de la meme tribu, Jos., xix, 24-31, croient a une faute ABEILLE, en hebreu, debordh, insecte de 1'ordre
de copiste, et pretendent qu'il faut, au f . 28, lire 'Abdon des hymenopteres. Les abeilles vivent en societe et com-
au lieu dC'Ebron ou Abran. Reland admet cette correction, prennent trois sortes d'individus: les ouvrieres ou neutres,
Palsestina ex monumentis veteribus illustrate, Utrecht,
1714, t. ii, p. 518; mais M. de Saulcy avoue que, pour
sa part, il n'est pas dispose a reconnaitre trop facilement
des erreurs de ce genre dans les textes bibliques. Diction-
naire des antiquites bibliques, Migne, 1859, p. 31. S'il
est facile, en effet, de confondre, en hebreu, le daleth, T,
et le resch, i, rien ne prouve cependant d'une maniere
certaine qu'Abran ne soit pas une ville distincte. La lecon
'Ebron a pour elle plus de vingt manuscrits, le texte mas-
soretique et les plus anciennes versions (voir ABRAN ) ;
puis d'ailleurs 1'omission d'Abdon dans la liste de Josue
n'est pas plus surprenante que celle de villes plus impor-
tantes peut-etre, telles qu'Accho (Saint - Jean-d'Acre),
Achzib (Ez-Zib), etc.
Dans YOnomasticon d'Eusebe, ce nom est ecrit APAQM;
mais il est facile de voir que le B primitif, ayant perdu le
trait inferieur, est devenu un P. Saint Jerome, du reste,
a corrige cette erreur dans sa traduction. Les deux auteurs
ne font que mentionner la ville, sans en preciser la posi-
tion. S. Jerome, Lib. de situ et nominibus loc. heb.,
t. xxui, col. 873.
Plus heureux qu'au temps ou Reland, loc. cit., slelevait
avec une noble indignation centre les geographes qui, sans
raison aucune, placaient cette localite non loin de Tyr, a
1'orient de Sarepta, nous pouvons aujourd'hui 1'identifier 3. Abeilles de Palestine
d'une maniere certaine. Ce que M. de Saulcy, ouv. cite,
p. 15, appuye sur sa propre experience, attendait de la les reines ou femelles, et les faux bourdons ou males.
connaissance exacte des textes sacres et de la langue ac- Les faux bourdons sont plus petits que les reines et plus
luelle du pays, c'est-a-dire de 1'arabe, pour retrouver les gros que les ouvrieres. Ces dernieres ont, comme les
no ins bibliques, les recents explorateurs de la Palestine reines, un aiguillon cache dans 1'extremite de 1'abdomen,
I'ont realise. Us onttrouve entre le village actuel de 'Abdeh et qui leur sert comme d'une arme contre leurs ennemis:
et 1 ancien *Abd6n une correspondance parfaite, quant au en piquant, il verse dans la plaie, ou il reste ordinaire-
nom d'abord (racine 'abad, servir ) , la finale on etant ment, un liquide veneneux, et produit ainsi une inflam-
sirnplement remplacee par la terminaison arabe eh; en- mation et une douleur cuisante. Voir Fr. Huber, Nouvelles
suite quant a la position, 1'Ecriture mentionnant cette observations sur les abeilles, 2 in-8, 1792.
ville entre Messal et Rohob. (Voir la carte de la tribu d'Aser.) Les mouches a miel sont une des families d'insectes les
Khirbet 'Abdeh est situe, a quelque distance au nord- plus generalement repandues: on les trouve dans toutes
est d'Ez-Zib, sur une colline dont les pentes, d'abord ro- les parties du globe. Elles sont particulierement abon-
cheuses et herissees de broussailles, offrent ensuite une dantes en Palestine, et elles 1'etaient probablement encore
serie de terrasses circulaires, actuellement cultivees en plus autrefois qu'aujourd'hui, lorsque ce pays etaitmieux
ble. La regularite de ces terrasses en retraite les unes sur cultive. Elles y onl toujours vecu, sinon a 1'etat domes-
les autres, les ruines, bien que peu etendues, qui se voient tique, du moins a 1'etat sauvage, transformant en ruches
encore sur le plateau superieur, indiquent assez que la le creux des arbres, les trous des rochers, etc. Cf. Deut.,
colline a du etre jadis disposee par la main de 1'homme xxxii, 13; I Reg., xiv, 25; Ps. LXXX, 17; Is., vn, 19. Cette
pour servir d'assiette a une petite ville. Entouree du reste abondance des abeilles en Chanaan s'explique facilement
de plusieurs cotes par des ravins plus ou moins profonds, par la chaleur du climat, par la profusion et par la va-
et surtout, vers le sud, par 1'ouadi Qourein, dont les eaux riete des fleurs sauvages, dont la plupart sont fortemenl
limpides et abondantes avaient du, des les temps les plus aromatiques, et par consequent tres propres a la produc-
recules, attirer differents groupes d'habitants, la belle et tion du miel. C'est done avec pleine raison que la Terre
avantageuse eminence dont nous parlons n'a pu etre ne- Promise est si souvent appelee dans les Livres Saints
gligee par les anciens; car, d'une defense facile, elle pou- la terre ou coulent le lait et le miel . Exod., HI, 8, etc.
vait de plus etre aisement approvisionnee d'eau. Le som- Les diverses especes d'abeilles connues sous les noms
met, eleve de 150 metres au-dessus de la mer, et d'ou Ton scientifiques de Bombus, Nomia, A ndrena, Osmia (abeille
27 ABEILLE ABEL
maconne), Megachile, Anthophora, sont largement re- Le nom hebreu de 1'abeille e"tait employe par les Is-
presentees en Palestine. La mouche a miel de Syrie n'est raelites comme nom de femme. Voir DEBORA.
pas la meme variete que celle de nog contrees, mais res- F. VlGOUROUX.
semble a celle d'ltalie ou de Ligurie, Apis ligustica, qui 1. ABEL (hebreu: Hebel; Septante : "AgeX), second
a des couleurs plus brillantes et porte sur 1'abdomen des fils d'Adam et d'Eve. Les rabbins et, a leur suite, les Peres-
bandes jaunes transversales, d'ou le nom qu'on lui donne et les commentateurs ont donne a ce nom le sens de
aussi d'Apis fasciata. souffle, vanite , cf. Eccle., I, 2, ou de deuil . Adam
On a eleve artificiellement les abeilles des 1'antiquite, et Eve auraient ainsi appele leur fils par une sorte de vue
a cause de la valeur de leur miel. II est certain que du propbetique ou par un simple pressentiment de sa mort
temps de Notre - Seigneur les Juifs s'occupaient de leur prematuree. Payne Smith et d'autres modernes rejettent
education. Philon le dit expressement des Esseniens, cette explication gratuite, et lui en substituent une autre, qui
Fragm., edit. Mangey, t. i, p. 633; Eusebe, Praep. Ev., n'a aucun fondement dans le texte biblique : d'apres eux,
VHI, 11, t. xxi, col. 641, et la Mischna y fait plusieurs le second fils d'Adam aurait porte de son vivant un autre
fois allusion, Kelim, 16, 7; Sabbath, 24, 3; Baba nom, dont nous ne trouvons de trace nulle part, et on
Kama, 10, 2; Oketsin, 3, 10. On ne sait pas avec la lui aurait donne ce nouveau nom ou ce surnom d'Abel
meme certitude si les anciens Hebreux cultivaient ces seulement apres qu'il aurait disparu comme un souffle ou
precieux insectes. Plusieurs le pensent, parce qu'ils voient une vapeur. Ces explications et d'autres encore, tirees de
une allusion a la maniere de recolter les essaims pour la meme etymologic, manquent de vraisemblance et de
les enfermer dans les ruches dans le passage d'Isaie, solidite, et ont en outre le defaut de faire d'Abel un nom
vn, 18; cf. v, 26, et Zach., x, 8, ou Dieu appelle en abstrait, et par consequent une exception unique, un cas
sifflant 1'abeille d'Assyrie. Les ruches usitees aujourd'hui isole au milieu des noms de la famille d'Adam, qui sont
en Syrie et en Egypte sont de forme cylindrique et faites tous des appellatifs concrets.
avec de la terre melangee de paille. Le dechiffrement des inscriptions assyriennes nous a
L'Ecriture mentionne 1'abeille au sens propre et au r&vele le vrai sens de ce nom, en nous en fournissant une
sens figure. Au sens propre, c'est-a-dire comme produi- interpretation philologique aussi simple que satisfaisante.
sant le miel, dans un episode de 1'histoire de Samson. Jud., Nous trouvons dans ces inscriptions le mot Habel sous
xiv, 8. On a objecte centre ce recit que les abeilles evitent la forme hablu, habal, et avec la signification de fils .
les corps morts. II est vrai que ces insectes fuient les ca- C'est avec le mme sens que ce mot entre dans la compo-
davres en putrefaction; mais ils ne fuient pas un squelette sition de noms propres celebres : Assur-ban-habal (Sar-
completement desseche. Herodote, v, 114, rapporte un danapale), Tuklat-habal-asar (Teglathphalasar), etc. On
cas analogue arrive a Amathonte, en Chypre. Or 1'evene- ne peut pas dire que c'est la une ressemblance fortuite,
ment rapporte dans 1'histoire de Samson n'eut lieu qu'un telle qu'on en constate parfois entre deux langues etran-
certain nombre de jours apres la mort du lion, peut- geres 1'une a 1'autre. L'assyrien et 1'hebreu sont deux
e"tre un temps assez considerable. Dans 1'intervalle, le ca- langues soeurs; chacune d'elles a mme avec 1'autre plus
davre avait pu etre tout a fait desseche, et les abeilles d'affinite qu'avec les autres membres de la famille semi-
avaient eu le temps d'y faire leur miel. Le cas etait extra- tiquc. En effet, 1'assyrien n'est, sauf de legeres differences,
ordinaire, mais il n'est nullement impossible. Les animaux que 1'ancien chaldeen apporte dans la vallee du Tigre par
morts sont devores en Orient avec une rapidity effrayante. les emigrants ou les conquerants venus de la vallee de^
J'ai vu souvent a Alexandrette, en Syrie, les cadavres 1'Euphrate; or c'est dans la Chaldee qu'Abraham et ses
des chameaux perdus par les nombreuses caravanes qui ancetres ont parle 1'hebreu dans sa forme ancienne.
y arrivent, reduits en quelques heures a 1'etat de sque- II fallait done s'attendre a rencontrer dans ces deux
lette. Le soleil brulant ne laisse plus bientot sur les osse- idiomes.de nombreux elements communs, et a voir tel mot
ments aucune trace de putrefaction, et la mauvaise odeur perdu par 1'un des deux dialectes et conserve par 1'autre.
ne peut par consequent en eloigner les abeilles. Ces C'est ce qui est arrive. On trouvera dans M. Vigouroux,
insectes sont aussi cites au sens propre dans 1'Ecclesias- La Bible et les decouvertes modernes, 5e edit., 1.1, p. 403
tique, a cause de 1'excellence de leur miel: L'abeille est et suiv., une longue liste de ces noms communs aux
un des plus petits volatiles, et son fruit est des plus doux. deux langues; habal, fils, y represente 1'hebreu habel,
Eccli., xi, 3. Une addition interessante des Septante dans supplante dans 1'usage de cette derniere langue par son
le livre des Proverbes, vi, 8, place ce petit tableau de 1'a- synonyme ben. II est meme a remarquer que la parente,
beille apres celui de la fourmi: Ou bien encore va voir qu'on ne conteste pas entre certains de ces mots assez
1'abeille, et apprends comme elle est industrieuse, et differents par leur orthographe, est encore plus visible et
comme son industrie est digne de notre respect, car les plus incontestable pour habal et habel, hebel, entre les-
rois et les infirmes usent pour leur sante du fruit de son quels il y a identite plutot que ressemblance. On ne sau-
labeur. Or elle est glorieuse et desiree de tous, et si che- rait done recuser cette etymologic.
tive qu'elle soit, on 1'honore, parce qu'elle apprecie la Nous ignorons a quelle epoque naquit Abel. Voici tout
sagesse. Voir MIEL. ce que la Genese nous apprend de lui. II fut le frere cadet
L'abeille est mentionnee plusieurs fois dans 1'Ecrittjre de Cain, et il devint pasteur de brebis, tandis que Cam
comme terme de comparaison. Une armee nombreuse, son frere cultiva la terre. Gen., iv, 2. Or, apres bien des
qui presse ses ennemis, les enveloppe et leur fait de jours (hebreu : a la fin des jours; peut-etre apres la
eruelles blessures, est comparee aux abeilles qui pour- recolte), Cain offrit au Seigneur des fruits de ses champs;
suivent et attaquent de toutes parts avec fureur ceux qui Abel, de son cote, lui offrit des premiers-nes de son trou-
les ont troublees. Deut., i, 44; Ps. cxvn, 12; Is., vn, 18; peau et de leur graisse. Et le Seigneur regarda favorable-
cf. Iliade, n, 87 et suiv.; Herodote, v, 10. La compa- ment Abel et ses presents. Gen., iv, 3-4. Saint Paul nous
raison est d'autant plus exacte que les abeilles d'Orient, dit que c'est sa foi qui rendit Abel si genereux dans son
surtout les abeilles sauvages, sont plus mechanics que offrande, et qu'a cause de cette foi Dieu temoigna qu'il
celles de nos contrees, Th. Cowan, Guide de I'apicul- agreait ses presents. Hebr., xi, 4.
teur, trad. Bertrand, in-12, Nyon, 1886, p. 136, et leur De quelle maniere Dieu manifesta-t-il sa complaisance
piqure, a cause de rinflammation prompte et violente pour Abel et 1'acceptation de ses dons? D'apres la version
qu'elle produit, est plus donloureuse. L'homme est im- de The~odotion, ce fut en les embrasant d'un feu celeste :
puissant a resister a la fureur de ces insectes, et Ton eveicuptffEv. La plupart des Peres sont de ce sentiment;
sait que des chevaux memes et des boeufe <Jht ete tues en d'autres disent que c'est par les benedictions repandues
quelques minutes par les aiguillons d'essaims d'abeilles sur les biens d'Abel que Dieu rendit ce temoignage dont
en furie. parle saint Paul. Quel qu'ait et6 le signe de cette accep-
29 ABEL ABELARD 30
tation, le Seigneur ne 1'accorda pas a Cain: a il ne re- diable. Joa., m, 10. Or ce signe est, d'une part, 1'amour
garda pas, c'est-a-dire il n'agrea pas Cain et ses presents. de ses freres; de 1'autre, la haine dont Cain a donn6
Cain en fut vivement irrite. Gen., iv, 5. La jalousie qu'il 1'exemple, car il etait du malin, et il tua son frere. Et
eprouva a 1'egard d'Abel le lui fit hair, et il laissa cette pourquoi l'a-t-il tue? Parce que ses oeuvres etaient mau-
haine grandir dans son ccsur, au mepris d'une paternelle vaises, et que celles de son frere etaient bonnes , 11-12.
remontrance de Dieu. Gen., iv, 5-7. Un jour, ayant attire Par consequent, c'est a cause de sa foi et du bien qu'elle
son frere dans la campagne, il se jeta sur lui et le tua. lui faisait accomplir, Hebr., xi, 4, qu'Abel fut mis a mort
C'est ainsi que la mort, entree dans le monde par le par Cain. C'est done a bon droit que les Peres lui ont
peche d'Adam, Rom., v, 12, y fit sa premiere apparition donne le titre de martyr. Outre saint Augustin, cite plus
dans la personne de 1'un de ses fils, Abel, victime du haut, voir saint Cyprien, Epist. LVI ad Thibaritanos, 5;
peche de 1'autre. Le Seigneur demanda aussitot au meur- De bono patientise, 10, t. iv, col. 353, 629, et saint Chry-
trier compte de ce sang innocent, et il le punit de son sostome, Orat. vm cont. Judseos, 8, t. XLVIII, col. 939.
crime en le maudissant et en le condamnant a une vie Abel, dont le nom n'avait jamais ete prononce dans la
triste et errante, afin de faire comprendre aux hommes suite de 1'histoire de 1'Ancien Testament, ne cesse plus
qu'ils n'ont aucun droit sur la vie de leurs semblables. d'etre present a la pensee de 1'Eglise, depuis que Jesus-
L'Ecriture ne nous parle pas de la posterite d'Abel; ce Christ et les Apotres ont rappele le souvenir et revele le
silence ne prouverait pas toutefois qu'il n'ait pas ete marie sens de son sacrifice et de sa mort. Les premiers artistes
et qu'il soit demeure vierge, ce qui est affirme par cer- Chretiens representerent ce sacrifice sur les sarcophages;
tains Peres et nie par d'autres; ou que, ayant ete marie, 1'Evangile et les Epitres mettent constamment le nom d'Abel
il n'ait pas eu d'enfants. II aurait pu laisser des filles sans sous les yeux des fideles; les pretres le lisent tous les jours
qu'il en ait ete fait mention, les femmes restant en dehors des au canon de la messe, ou le sacrifice d'Abel est mentionne
genealogies bibliques, ou meme des fils morts soit avant lui, avec ceux d'Abraham et de Melchisedech; enfin, dans les
soit au moins avant la naissance de Seth. Mais il n'avait prieres des agonisants, le premier protecteur invoque en
pas laisse d'enfant male qui vecut encore lorsque Seth faveur de 1'ame qui va quitter le monde est celui de saint
vint au monde, car five n'aurait pas dit en ce moment: Abel. E. PALIS.
Le Seigneur m'a donn une autre posterite a la place
d'Abel, que Cain a tue, Gen., iv, 25, et le verset sui- 2. ABEL, nom de lieu, est different, dans le texte ori-
vant ne nous montrerait pas le troisieme fils d'Adam ginal, d'Abel, nom propre. Ce dernier est ecrit ban, Rebel,
comme le pere d'Enos et le premier anneau de la chaine et le premier, au contraire, ban, 'Abel, mot qui vient d'une
des patriarches. Gen., iv, 26; cf. v, 3-9. racine signifiant etre humide, verdoyant , et designe
II n'est plus question d'Abel dans tout 1'Ancien Testa- une prairie, un endroit couvert de gazon . Abel designe
ment; mais il lui est fait une place assez large dans le done des localites remarquables par leur verdure et leur
Nouveau, auquel il semble appartenir plus particuliere- fertilite, et il entre dans la composition de plusieurs noms
ment par le caractere figuratif et typique de sa vie et de de villes, qui sont distinguees les unes des autres par
sa mort. Les Peres 1'ont toujours regarde comme une 1'addition d'un ou de plusieurs mots. La Vulgate appelle
figure de Jesus - Christ, S. Augustin, Opus imperf. cont. Abel, Jud., xi, 33, la localite nommee dans le texte ori-
Julianum, vi, 27, t. XLV, col. 1575; et, en effet, sa vie ginal 'Abel-Keramim; saint Jerome a rendu le mot kera-
innocente, sa qualite de pasteur, 1'envie fraternelle que sa mim par qui est plante de vignes . Voir ABEL-KERAMIM.
vertu excite, cf. Matlh., xxvn, 18, son sacrifice agree de
Dieu, sa mort soufferte pour la justice, cf. Joa., x, 32, AB^LA. La Vulgate nomme ainsi, II Reg., xx, 14,
sont autant de traits de ressemblance avec le Sauveur du 15,18, la ville d'Abel-Beth-Maacha, en faisant, dans les
monde. C'est sans doute parce que ces traits si frappants deux premiers passages, deux localites dilFerentes de cette
constituent une sorte de prophetie en action, etpeut-etre seule ville. La forme Abela provient de ce que, II Reg.
aussi parce que la foi d'Abel, louee par saint Paul, Hebr., (II Sam.), xx, 14, le nom d'Abel est accompagne, dans le
xi, 4, lui avait revele en quelque maniere la signification texte original, du he locatif, ah, qui, en hebreu, marque
mysterieuse de son sacrifice, que Jesus-Christ le met au le mouvement vers un lieu, de sorte qu'il est ecrit, en cet
rang des prophetes, comme on le conclut de Matth., xxiu, endroit, 'Abeldh. Voir ABEL-BETH-MAACHA.
31-35, et de Luc, xi, 49-51. Voir Maldonat, In Matth.,
xxiu, 35. Saint Paul confirme la signification figurative de ABELARD (Abaelardus) Pierre, philosophe et theo-
la mort d'Abel par le contraste qu'il signale entre les eifets logien frangais, ne a Pallet (Palatium), en Bretagne, en
de cette mort et les effets de celle de Jesus-Christ: Le sang 1079, mort au monastere de Saint-Marcel, pres de Chalon-
d'Abel crie vers Dieu pour demander vengeance, Gen., sur-Saone, en 1142, aussi celebre par ses aventures et
iv, 10; le sang de Jesus crie pour implorer la clemence et ses malheurs que par ses talents et par ses ecrits. Ses
le pardon. Hebr., XH, 24. ceuvres exegetiques sont une Expositio in Hexameron,
Figure de Jesus - Christ, Abel est encore le type de qui va jusqu'a Genese, n, 17, composee pour Heloise et les
1'Eglise militante, parce qu'il inaugura le martyre par une religieuses du Paraclet; Commentariorum super S. Pauli
mort qui fit de lui les premices de cette Eglise, et parce Epistolam ad Romanes libri quinque; ils expliquent en
qu'en Abel persecute commenca la cite de Dieu, de meme partie le texte apostolique, mais ils s'occupent encore da-
qu'avec Cain persecuteur commenca la cite du mal. Voir vantage de la loi, du peche, de la predestination et de la
S. Augustin, Enarr. in Psal. CXLII, 3, t. xxxvn, col. 1846. redemption, et le prologue peut etre considere comme une
C'est ce qui ressort du reproche que Jesus-Christ fit un sorte de programme d'une theologie biblique; Expositio
jour aux Juifs d'avoir verse le sang d'Abel par les mains super Psalterium, Expositio super Epistolas Pauli, com-
de Cain, anime du meme esprit d'envie qui les excitait positions tres mediocres. L'importance du role d'Abelard
eux-memes centre le Messie : Remplissez, leur dit-il, au point de vue exegetique ne se mesure point d'ailleurs
la mesure de vos peres..., afin que vienne sur vous tout a celle de ses commentaires, qui sont de peu de valeur,.
le sang innocent qui a ete repandu sur la terre, a com- mais a la direction nouvelle qu'il donna a la theologie et
mencer par le sang du juste Abel, Matth., xxiu, 32-35; a 1'interpretation des Ecritures. II est un des peres du ra-
c'est-a-dire: consommez par 1'effusion de mon sang 1'ceuvre tionalisme moderne; il voulut placer la raison au-dessus
d'iniquite commencee par 1'effusion de celui d'Abel. II de la foi, et il prepara ainsi efficacement, dans ses ecrits
leur montrait ainsi Abel comme le type des martyrs et la theologiques, Dialogus inter philosophum Judaeum et
premiere victime de la lutte incessante entre le bien et le . Christianum, Theologia Christiana, etc., 1'avenement de
mal. Saint Jean est encore plus explicite: Voici, dit-il, ce systeme, qui rejette aujourd'hui 1'inspiration et le sur-
le signe manifesto des enfants de Dieu et des enfants du naturel, et exclut des Livres Saints tout element divin.
31 ABELMAIM 32
Voir ses oeuvres, dans la Patrologie latine de Migne, voltes et firent ainsi lever le siege de la place. II Reg., xx,
t. CLXXVIII. Parmi les innombrables publications dont '.4-22. Quatre-vingts ans plus tard , le roi de Damas,
Abelard a e"te 1'objet, on pent signaler en particulier : Benadad, contemporain d'Asa, roi de Juda, et de Baasa,
L. Feuerbach, Abaelard und Heloise oder der Schrifsteller roi d'Israel , faisant la guerre a ce dernier, d'accord avec
tind der Mensch, in-8, Leipzig, 1844; Ed. Bonnier, Abelard le roi de Juda, s'empara de plusieurs villes du nord de
et saint Bernard, la philosophic et I'Eglise an xne siecle, la Palestine, en particulier d'Abel-Beth-Maacha (Abeldo-
in-18, Paris, 1862; H. Hayd, Abdlard und seine Lehre mum Maacha), III Reg., xv, 20; II Par., xvi, 4 (Abel-
in Verhaltniss zur Kirche und ihrem Dogma, in-4, maim), Deux siecles environ s'ecoulerent depuis cette
Ratisbonne, 1863; Prantl, Geschichte der Logik im Abend- epoque jusqu'au dernier desastre de la ville. Sous le regne
lande, 2 in-8, Leipzig, 1861, t. n, p. 160-204; Stockl, de Phacee, roi d'Israel, Teglathphalasar, roi d'Assyrie,
Geschichte der Philosophic des Mittelalters, Mayence, s'empara d'Abel-Beth-Maacha, et il en deporta les habi-
1864, t. i, p. 218-272; Hefele, Conciliengeschichte, Fri- tants dans son royaume. IV Reg., xv, 29 (Abel-Domum,
bourg-en-Brisgau, 1863, t. v, p. 321-326, 399-435; Maacha). Les fragments des Annales de Teglathphalasar,
H. Renter, Geschichte der religiosen Aufkldrung im qui ont ete retrouves dans les ruines de son palais , men-
Mittelalter, 2 in-8, Berlin, 1875, t. i, p. 183-259; F. Vi- tionnent la prise de la place forte Israelite et la deporta-
gouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, tion des sujets de Phacee en Assyrie : Je soumis, dit-il,
4e e"dit., Paris, 1890, t. i, p. 337-354. les villes de Galaad,... d' Abel -(Beth -Maacha), qui est la
IVontiere de la terre de Bit-Humri (le royaume d'Israel)...
ABEL - BETH - MAACHA (hebreu : 'Abel bef Je transportai ses habitants les plus distingues en Assyrie.
Ma'akah, prairie de la maison ou de la famille de Maa- Cuneiform inscriptions of Western Asia, 1. HI, pi. xx,
cha ) , ville de la tribu de Nephthali, appelee aussi Abel- n 2. Ces evenements se passaient en 734 ou 733. A partir
maim, ou prairie des eaux , dans le second livre des de cette epoque, il n'est plus question d'Abel-Beth-Maacha.
Paralipomenes, xvi, 4. Par abreviation, elle est nominee F. VIGOUROUX.
simplement Abel, II Reg., xx, 18 (Vulgate: Abela), parce ABEL - KERAMIM (c'est-a-dire le pre des vignes;
qu'elle avait etc designee sous son nom complet trois ver- Septante : 'EgeX^'WVj Vulgate : Abel, guss est vineis
sets plus haut. Dans ce dernier passage, II Reg., xx, 15, consita, Jud., xi, 33), localite a Test du Jourdain, au dela
noire edition latine porte, comme au JK 14 : In Abela d' Aroer , situee , d'apres Eusebe et saint Jerome , a sept
et in Bethmaacha; mais il est probable qu'il s'agit d'une milles remains ou deux heures et demie de marche de
seule et unique ville, et que la conjonction et (qui se lit Philadelphie ou Rabbath-Ammon. Du temps d'Eusebe,
aussi dans le texte hebreu, f . 14, mais non f . 15) doit&re elle etait encore renommee pour ses vignobles. Elle n'est
retranchee. Cette ville tirait des eaux qui 1'arrosaient son mentionnee qu'une fois dans 1'Ecriture, comme le point
nom d'Abelmaim, et elle devait celui d'Abel-Beth-Maacha extreme ou Jephte, juge d'Israel, poursuivit les Ammor
soit a la circonstance qu'elle faisait partie du petit royaume uites, apres les avoir battus. M. Tristram croit avoir de-
de Maacha ou etait situee dans son voisinage, soit a ce couvert le site d'Abel-Keramim, et il le decrit de la ma-
qu'elle avait appartenu a une famille appelee Maacha, soit niere suivante : Vingl minules apres avoir quitte Dhi-
peut-etre enfin a ce qu'elle etait situee dans la plaine ban, notre roule nous conduisit dans une vallee si peu
a Test du Jourdain, au pied du Liban, ma*akdh signi- profonde, qu'elle merite a peine ce nom. On y voit encore
fiant depression . Au troisieme livre des Rois, xv, 20. des vestiges de murs et de terrasses, devenus aujourd'hui
saint Jerome, traduisant le mot beth, qui signifie mai- (Je simples monceaux de terre, couverts de gazon et dis-
son , appelle Abel-Beth-Maacha Abeldomum Maacha ou poses regulierement le long de la colline , a une distance
Abel-Maison-de-Maacha. II fait de mme IV Reg., xv, 29; d'environ cent metres. Quand nous demandames ce que
mais, dans ce dernier passage, nos editions de la Vulgate, c'etait, on ne put nous donner aucune explication; on
pla^ant une virgule entre Abel-Domum et Maacha , nous dit seulement que la vallee s'appelait Khurm-Dhiban,
en font deux villes distinctes au lieu d'une seule ville. c'est-a-dire les vignes de Dibon. Get enfoncement de ter-
Abel-Beth-Maacha etait une cite considerable, puisque rain est d'une longueur de quatre a cinq kilometres. Le
1'auteur sacre 1'appelle une mere en Israel. II Reg., xx, 19. nom en a ete conserve par des hommes qui n'ont proba-
Sa situation a lafrontiere septentrionale de la Palestine Wement jamais vu de vignes de leur vie, et qui n'ont au-
avait du augmenter 1'importance de cette place forte, des- cune idee de la destination primitive de ces antiques fosses,
tinee a servir de defense a tout le pays centre les attaques comme on pourrait les appeler. [C'est I'Abel-Keramim]
qui pouvaient venir du nord. Mais elle a ete si complete- du livre des Juges... Ici, sur cette route que devait prendre
ment ruinee, qu'on ne peut afflrmer aujourd'hui avec une naturellement 1'armee des Ammonites battue par Jephte
entiere certitude ou etait son emplacement. Stanley, Sinai et venant de Test, apres le combat livre a Aroer, le nom
and Palestine, in-8, Londres, 1856, p. 386, suppose antique subsiste, exprime en une autre langue, mais avec
qu'il etait dans la plaine marecageuse du lac Merom, a une signification identique. H. B. Tristram, The land
cause du nom d'Abel-Maim, qui lui est aussi donne. Cc- of Moab, p. 130. F. VIGOUROUX.
pendant la plupart des geographes s'accordent maintenant
a adopter 1'opinion de Robinson, qui a retrouve 1'antique ABEL - LE - GRAND (hebreu: 'Abel haggedoldh).
Abel-Beth-Maacha dans le village actuel d'Abil el-Kamh. C'est la lecon que portent certains exemplaires hebreux
Ce village, habile par des Chretiens, s'eleve sur un Tell, de I Sam. (Reg.), vi, 18; mais d'autres portent avec plus
a Test du Derdarah, petit affluent du Jourdain, qui coule de raison 'eben, la pierre , au lieu de 'dbel. Saint Je-
de Merdj-Ayoun. Son surnom d'el-Kamh lui vient de rome a traduit par Abelmagnum ou Abel-le-Grand, ayant
1'excellence du ble que produit le voisinage. E. Robinson, trouve dans 1'exemplaire qu'il traduisait 'dbel au lieu de
Later biblical researches in Palestine, in-8, Londres, 'eben. Le contexte montre bien qu'il s'agit de la pierre ou
1856, p. 372. D est a une heure et demie environ au nord- du rocher sur lequel fut posee 1'arche renvoyee par
ouest de Dan, aujourd'hui Tell el-Kadi, sur la route qui les Philistins a Bethsames , rocher qui se trouvait pres de
se dirige de Banias vers Sidon. cette derniere ville, dans le champ de Josue le Bethsa-
Abel-Beth-Maacha est mentionnee pour la premiere mite. I Reg., vi, 18. Quelques commentateurs ont pense
fois dans I'Ecriture a 1'occasion de la revolte de Seba, ce que ce rocher avait ete appele Abel -le- Grand, mais cette
Benjamite qui, apres la morl d'Absalom, fomenta une opinion est peu vraisemblable , et il vaut mieux lire avec
nouvelle insurrection centre David. Poursuivi par les de nombreux exemplaires hebreux et les Septante : la
troupes de Joab, Seba se refugia a Abel-Beth-Maacha, grande pierre (Xi'Oou TOU
et Joab alia 1'y assieger. Les habitants de la ville, sur le
conseil d'une fcmme, couperent la tete au chef des re- ABELMAIM, nom donne par le second livre des
33 ABELMAIM ABENESRA 34
Paralipomenes, xvi, 4, 4 la ville frontiere du nord de la ABEN-BOHEN (hebreu: 'Eben Bohan ben Re'uben,
Palestine, appejee ailleurs Abel-Beth-Maacha. Voir ABEL- c'est-a-dire pierre de Bohan, fils de Ruben ) , localite
BETH -MAACHA. mentionnee dans Josue, xv, 6, et xvm, 18, comme etant
sur la frontiere septentnonale de Juda et a la limite me-
ABELMAISON - DE - MAACHA. C'est amsi que ridionale de Benjamin. L'origine probable de ce nom est
notre Vulgate appelle Abel-Beth-Maacha, III Reg., xv, 20, que, le Rubenite Bohan ayant sans doute accompli en cet
et IV Reg., xv, 29, en traduisant le mot beth, qui signifle endroit quelque action d'eclat, une pierre fut erigee en
maison . Voir ABEL-BETH-MAACHA. son honneur, ou bien son nom fut donne a un rocher
qui se trouvait la, et qui servit plus tard de limite entre
ABELMEHULA, ABELMEULA (hebreu: 'AbelMeholdh, les tribus. II n'est pas rare de rencontrer en Palestine de
le pre de la danse ), ville de la tribu d'Issachar. Elle ces roches isolees, portant des noms particuliers, et re-
est nommee trois fois dans 1'Ecriture : la premiere, Jud., gardees comme des monuments commemoratifs : Pierre
VH, 23, comme un des endroits par ou s'enfuirent les du Secours (hebreu: 'Eben hd'azer), I Reg., vn, 12;
Madianites vaincus par Gedeon; la seconde, III Reg., iv, 12, Pierre de Zoheleth, III Reg., i, 9. Non loin de la
comme une des limites du territoire que Salomon avail pointe septentrionale de la mer Morte, au pied des mon-
place sous 1'administration de Bana, fils d'Ahilud; la der- tagnes de 1'occident, on remarque un de ces rocs, qui
niere, III Reg., xix, 16, comme la patrie du prophete se nomme aujourd'hui Hadjr el-Asbah (Hadjr-Lasbah
Elisee. Dans ce dernier passage, la Vulgate ecrit ce mot: dans M. de Saulcy et sur la carte de Van de Velde).
Abelmeula. Abelmehula etait situee, d'apres les rensei- M. Clermont-Ganneau en donne une description detaillee,
gnements que nous donnent Eusebe et saint Jerome, dans ainsi que de la contree ou il se trouve, dans Palestine
la vallee du Jourdain, a 1'ouest du fleuve, a dix milles Exploration Fund, Quart. Stat., 1874, p. 80. Peut-etre,
remains ou quatre heures de marche au sud de Bethsan. a la rigueur, dit M. de Saulcy, pourrait-on etre tente de
Sur son emplacement s'eleve aujourd'hui le village de voir dans Hadjr-Lasbah la pierre de Bohan, qui devait
Malih, a 1'endroit ou 1'ouadi de ce nom entre dans la vallee evidemment se trouver dans la meme region; mais comme
du Jourdain. ces deux denominations n'ont absolument aucune ressem-
blance, je suis tout dispose a me prononcer centre cette
ABEL-MISRAIM, nom hebreu de la localite que la identification. Voyage autour de la mer Morte, Paris,
Vulgate a appele: Planclus dZgypti, deuil de 1'Egypte, 1853, t. n, p. 169. Cette identification a cependant ete pro-
en traduisant le sens des mots de 1'original. En ponctuant posee par M. Clermont-Ganneau, dans la Revue archc'olo-
les consonnes radicales SDS , 'ebel (au lieu de 'dbel, comme gique, aoiit 1870, p. 116-123, et dans Pal. Expl. Fund,
dans les noms propres precedents), ce mot signifie, en Quart. St., 1871, p. 105, et 1872, p. 116; mais elle a ete
effet, deuil, lamentation. Ce nom fut donne par les combattue par M. Tyrwhitt Drake, dans cette derniere
Chananeens a 1'aire d'Atad, a 1'ouest du Jourdain, parce Revue, 1874, p. 69 et 190. Inutile de chercher une ana-
que Joseph et ses freres firent en cet endroit, pendant sept logie dans la signification des mots Bohan (en hebreu,
ours, le deujl de leur pere Jacob. Gen., L, 10-11. Voir ATAD. pouce) et Asbah; car le nom de la pierre, au dire des
Arabes, n'est pas asba' (avec am final, doigt), mais asbah
ABELSATIM (hebreu : 'Abel hassittim, le pre des (avec he, c'est-a-dire blanchdtre); Cette denomination est
acacias ) , Num., xxxin, 49; appele aussi simplement, du reste assez frequemment employee par les indigenes,
par abreviation : Sittim, Num., xxv, 1 (Vulgate: Settim), qui 1'appliquent a plus d'un objet marque de blanc. Enfin
Jos., H , 1; in, 1; Mich., vi, 5 (Vulgate : Setim), localite du la position de Hadjr-el-Asbah reculerait bien trop vers le
pays de Moab. Josephe la nomme 'A6tXv), Ant. jud., IV, sud la frontiere de Benjamin.
vii; V, I, 1; il nous apprend qu'elle etait a soixante stades Nous croyons done qu'il faut placer un peu plus haut
(environ trois heures) du Jourdain, et qu'il y avait beau- Aben-Bohen. Mentionne entre Beth - Hagla et Beth-Araba
coup de palmiers. Les palmiers ont aujourd'hui disparu; a Test, et la montee d'Adommim a 1'ouest, cet endroit
mais les acacias, auxquels elle devait son nom, voir etait plus eleve que les deux premieres localites, d'ou Ton
ACACIA , poussent encore en grand nombre dans la region y montait , Jos., xv, 6; mais plus has que la seconde,
ou devait se trouver Abelsatim. II etait situe dans les d'ou Ton y descendait , Jos., xvm, 18. Sa position
plaines de Moab, vis-a-vis de Jericho, peut-etre a 1'en- probable est done au pied des montagnes qui, au-dessous
droit ou 1'ouadi Eschtah, au nord d'Hesebon, entre dans de Jericho, s'elevent de la plaine du Jourdain vers 1'occi-
la vallee du Jourdain; mais le site n'est pas surement iden- dent. Voir la carte de la tribu de Benjamin.
tifie. Voir Ritter, Palastina, t. n, p. 481 et suiv. M. Conder A. LEGENDRE.
le place a Ghor es-Seiseban, Palestine, 1889, p. 252. ABENDANA Jacob, savant juif d'origine espagnole,
Abelsatim ou Settim est nomme cinq fois dans 1'Ecri- ne vers 1630, mort en 1696, rabbin a Amsterdam, puis
ture. 1 Le peuple campait a Settim, sous la conduite de chef de la synagogue de Londres. On a de lui un ouvrage
Moise, lorsqu'il s'adonna au culte impur de Beelphegor, sur le Pentateuque, intitule Leqet sekehdh, c'est-a-dire
seduit par les filles de Moab et de Madian. Num., xxv, Spicilege des choses omises dans le commentaire dfe
1-18. Voir BEELPHEGOR. 2 Les Hebreux camperent Salomon-ben-Mel ek, connu sous le nom de Miklal yofi,
dans les plaines de Moab, avant de franchir le Jourdain La perfection en beaute, in-f, Amsterdam, 1685. Ce
pour s'emparer de la Terre Promise, depuis Bethsimoth n'est guere qu'un recueil de scolies simples, judicieuses,
jusqu'a Abelsatim, et c'est la que s'accomplirent les der- empruntees aux meilleures interpretations litterales des
niers evenements de 1'exode, Num., xxxiv-xxxvi; que rabbins, surtout a celles de Kimchi. II a traduit aussi en
Moise prononca les discours contenus dans le Deutero- espagnol la Mischna, avec les commentaires de Maimo-
nome; qu'il mit Josue a la tete du peuple, et qu'il se separa nide et de Bartenora. Cette traduction fut mise a profit
des siens pour aller mourir sur le mont Nebo. 3 C'est par Surenhusius pour sa traduction latine de la Mischna.
aussi de Settim que Josue envoya les espions a Jericho. Voir SURENHUSIUS. Apres la mort d'Abendana, on publia
Jos., ii, 1; 4 et qu'il partit avec tous les enfants d'ls- une traduction de traites choisis, extraits de ses oeuvres,
rael pour allef camper sur les bords du Jourdain et tra- Discourses of the Ecclesiastical and Civil Polity of the
verser ensuite ce fleuve, au moment de prendre possession Jews, in-12, Londres, 1706; 2 edit., 1709.
de la Palestine. Jos., HI, 1. 5 Michee, vi, 5, rappelle
les evenements racontes dans le livre des Nombres, et, ABENESRA (Abraham - ben -Meir-Ibn- 'Ezra), appele
selon 1'interpretation la plus probable, fait allusion au crime communement Aben-Ezra ou Abenesra, etc., connu par
d'idolatrie et de fornication commis par Israel a Settim. les theologiens du moyen age sous le nom d'Ebenare, et
F. VIGOUROUX. surnomme par ses compatriotes le Sage par excellence,
DICT. DE LA BIBLE. I. - 3-4
35 ABENESRA ABERLE 36
le grand, I'admirabie docteur, fut un des plus fameux est habituellement correct, clair, souple et elegant. Richard
rabbins du xne siccle. Ne a Tolede en 1092, il se distingua Simon va jusqu'a dire que sa diction approche assez de
dans toutes les sciences, en philosophie, en astronomic, celle de Salluste .
en medecine, en poesie, dans la connaissance des langues Le commentaire sur les Livres Saints a ete public par
et de la grammaire, en exegese sacree. Les mathematiques Bomberg, a Venise, en 1526, et dans la Bible hebraique de
et 1'astronomie surtout lui doivent quelques progres im- Buxtorf. Les differentes parties en ont ete imprimees sepa-
portants. Les vexations exercees centre les Juifs 1'ayant rement, et plusieurs avec traduction latine, dans un grand
force a quitter sa patrie, il s'etablit a Cordoue. Bientot il nombre d'endroits et a plusieurs reprises. Voir Fiirst,
se mit a voyager pour etendre ses connaissances. On le Ribliotheca judaica, art. Ibn-Esra. Ses autres ouvrages
voit a Narbonne (1139), a Rome (1140), a Salerne, a ont ete souvent publies; la Bibliotheque nationale possede
Mantoue et a Lucques (1145), a Verone (1146-1147), plusieurs manuscrits des oauvres de ce fameux rabbin. Voir
a Beziers (1155-1156), a Rodez (et non pas Rhodes) sur Aben-Esra et ses ouvrages: Basnage, Histoire des Juifs,
(1157), a Londres (1158-1159), a Narbonne (1160), a t. v; Notice detaillee sur la vie d'Aben-Esra, dans Ersch
Rodez ou a Rome (1166-1167). II visita 1'Egypte et les et Gruber, Allg. Encyklopddie, 1.1; Steinschneider, Abra-
contrees environnantes, probablement la Palestine, soil ham Ibn-Esra, 1880, dans la Zeitschrift fur Mathema-
de 1140 a 1145, soit plutot de 1147 a 1155. II partit de Rodez tik und Physik, p. 59 et suiv.; Wilhelm Bacher, Afoa-
ou de Rome en 1166 ou 1167, pour revoir sa patrie; mais ham Ibn-Ezra als Grammatiker, Budapest, 1881; J. De-
il mourut en route avant d'avoir pu satisfaire son desir. renbourg, Revue des etudes juives, juillet-septembre 1882,
Ce fat le lundi ler jour d'adar, ler de 1'annee 4927, qui p. 137; Friedlander, Essays on the writings of A. Ibn-
correspond au 23 Janvier 1167 de notre ere. II etait age Ezra, Londres, 1877. E. LEVESQUE.
de soixante-quinze ans.
Son oauvre la plus remarquable est son commentaire ABERLE (Moritz von), theologien catholique allemand,
a peu pres complet sur les Livres Saints, compose par ne le 25 avril 1819 a Rottum, pres de Biberach, en Souabe,
parties, aux differentes etapes de ses voyages. Seuls les mort le 3 novembre 1875 a Tubingue. II avait ete nomme
deux livres des Chroniques manquent; mais en revanche, professeur, en 1845, a 1'Obergymnasium de Chingen; en
presse par le besoin, il donna plusieurs recensions de son 1848, il devint directeur du Wilhelmstift, et, en 1850, pro-
commentaire sur le Pentateuque. En meme temps, dans fesseur ordinaire a 1'universite de Tubingue, ou il a en-
un genre tout different, Abenesra composa a la maniere seigne jusqu'a sa mort, et ou il s'occupa surtout du Nou-
des cabalistes : Le livre des secrets de la Lot, pour expli- veau Testament. A partir de 1851, il fut un des principaux
qner les mysteres du Pentateuque; Le mystere de la redacteurs de la Theologische Quartalschrift, organe de
forme des lettres, ou il est traite des lettres de 1'alphabet; la faculte catholique de 1'universite de Tubingue. Parmi
L'enigme concernant les lettres quiescentes, et Le livre les articles qu'il a publies, on peut noter : Ueber den
du n&m, Sefer hassem, traite sur le tetragramme divin, Zweck der Apostelgeschichte, 1854, 1855; Zweck des
c'est-a-dire sur le nom de Jehovah. Parmi ses opuscules Matthdusevangeliums, 1859 ; Zweck des Johannesevan-
grammaticaux, citons: Le livre des balances de la langue geliums, 1861; Veber den Tag des letzen Abendmahls ;
sainte, Sefer mo'zne leson haqqodeS; Le livre de la Epochen der neutestamentlichen Geschichtsschreibung ;
purete (du langage), Sefer ?dhdf; le Sdfdh-berurdh, Prolog des Lukasevangeliums; Abfassungszeit des I Ti-
Levre pure, Soph., m, 9, ou essais de grammaire he- motheusbriefe, 1863; Beitrdge zur neutestamentlichen
bra'ique, imprimes deja plusieurs fois; le Sefer hayyesod Einleitung, 1864; Veber den Statthalter Quirinius, 1865;
eu Yesod-dikduk, traite de grammaire longtemps in- Exegetische Studien, 1868; Die Segebenheiten beim
connu et retrouve depuis quelques annees; enfin le Sefaf letzten Abendmahl, 1869; Die Berichte der Evangelien
yefer, Langage de noblesse, Prov., XVH, 7, opuscule sur les uber die Auferstehung Jesu, 1870; Ueber Gefangen-
mots rares et difficiles de la Bible. nehmung und Verurtheilung Jesu, 1871; Letzte Reise Jesu
Ce fut pendant ses incessantes peregrinations qu'Aben- nach Jerusalem; Die bekannte Zahl in der Apokalypse,
esra publia ses nombreux ouvrages ; ils portent aussi le 1872. Les idees principals developpees dans ces articles
reflet de sa vie instable. Tour a tour exegete rationnel et sont resumees dans une oeuvre posthume : Einleitung in
eabaliste, libre penseur et croyant rigide, il montre la plus das Neue Testament, von D r M. von Aberle, herausgegeben
extreme mobilite. Son etonnante fecondite a peu d'origi- von Dr Paul Schanz, in-8, Fribourg-en-Brisgau, 1877.
nalite; elle est due surtout a une memoire prodigieuse, Aberle etait doue d'une memoire tenace, il avait un
qui lui permit de repandre et de vulgariser en pays latin esprit ingenieux et une grande erudition; mais il s'etait
et saxon les travaux de ses compatriotes andalous les plus fait sur 1'origine des ecrits du Nouveau Testament des opi-
celebres des xe et xie siecles. Son esprit facile a su se les nions personnelles qui n'ont pas ete generalement accep-
assimiler et les exposer clairement. Aussi est-il sans contre- tees. D'apres lui, 1'Evangile de saint Matthieu a ete compose1
dit un des plus habiles et des plus savants commentateurs pour refuter un ecrit calomnieux publie par le sanhedrin,
juife, et peut-etre un des premiers interpretes du moyen et repandu dans toute la Palestine pour discrediter le
ge. Dans son commentaire de la Bible, il s'attache au sens christianisme. Cf. S. Justin, Dial, cum Tryph., 108, t. vi,
grammatical des mots, et explique le texte tres litterale- col. 725. C'est d'une maniere analogue qu'il soutient que
ment; on n'y trouve pas les allegories si familieres aux 1'Evangile de saint Marc a ete ecrit pour les neophytes de
rabbins, et les futilites de la cabale, qu'il developpe avec Rome, qui, ayant ete d'abord proselytes juifs, etaient
plaisir dans d'autres ouvrages speciaux cites plus haut. II poursuivis apres leur bapteme par les Juifs, qui s'effor-
a'appuie avec discernement sur 1'autorite des anciens; ?aient de les ramener a eux. II voit dans 1'Evangile et les
Dependant sa fidelite a la tradition rabbinique n'exclut Actes des Apotres de saint Luc un ecrit apologetique des-
pas chez lui une certaine independance de critique, qui va tine a defendre le christianisme au moment ou 1'appel de
parfbis jusqu'au rationalisme. Ainsi le premier il soutint saint Paul au tribunal de Cesar force 1'empire remain a
que les Hebreux n'avaient pas traverse miraculeusement prendre un parti au sujet de cette religion, en la tolerant
la mer Rouge, mais qu'ils profiterent de la maree basse comme une espece de juda'isme, ou en la persecutant
pour passer a l'extremite du golfe. En exposant de telles comme une religion nouvelle. Saint Jean, d'apres lui, a
hardiesses et ces nouveautes erronees, il sentait le besoin ecrit centre le sanhedrin de Jabne, qui, apres la mine de
de voiler sa pense"e; aussi la cache-t-il sous des reticences Jerusalem, ne negligea rien pour infuser une vie nouvelle
et des expressions embarrassees. D'ailleurs il vise d'ordi- au judaisme et miner le christianisme par les armes spi-
naire a la concision, si bien que parfois la phrase devient rituelles. Ainsi les quatre Evangiles ont ete ecrits dans un
obscure et enigmatique. C'est pourquoi il a fallu d'autres but apologetique. Ce sont la des hypotheses qui ne sau-
commentaires pour expliquer les siens. Toutefois son style raient etre etablies et qui ne concordent pas avec les
37 ABERLE ABGAR 38
fails. Cf. Himpel, Einiges uber die ivissenschaftliche qui sont parvenues jusqu'a nous, que la veritable ortho-
Bede'itung und theologisch - kirchliche Stellung des sel. graphe est Abgar (fig. 4). Pendant environ trois siecles, c'est-
Prof. Dr Aberle, dans la Theologische Quartalschrift, a-dire depuis 1'an 99 avant 1'ere chretienne jusqu'a Fan 217
1876, p. 177-228; K. Werner, Geschichte der neuzeitli- de notre ere, d'apres la Chronique de Denys (patriarche
chen christlich-kircMichen Apologetik, in-8, Schaffouse, Jacobite de Telmahar, qui vivait au ixe siecle), 1'Osrhoene fut
1867, p. 401, 404. F. VIGOUROUX. gouvernee par des toparques ou petits rois. Assemani, Bi-
bliotheca orientalis, t. i, p. 417 et suiv. L'Osrhoene etait
ABES (hebreu: 'Ebe?, a la pause A be$; Septante: bornee a 1'est par le Chaboras, au nord par le Taurus.
Pe6e?), ville de la tribu d'Issachar, mentionnee une seule Elle avait pour capitale 1'antique ville d'Edesse, dont les
fois, Jos., xix, 20, entre Cesion et Rameth. Le mot 'o&so traditions locales ont pretendu faire remonter 1'origine
signifiant en chaldeen etain , Gesenius, Thes. ling, heb., jusqu'a Nemrod. Sous les premiers Seleucides, elle avait
p. 18, et plusieurs auteurs apres lui, ont suppose qu'on y porte le nom grec de Callirrhoe, a cause d'une source
devait trouver ce metal en abondance; mais 1'etymologie consacree a la deesse Atergatis; a partir d'Antiochus VII,
seule ne suffit pas pour etablir cette opinion. Certains au- elle avait pris le nom d'Antiochia. Edesse, sous le gou-
teurs modernes, entre autres C. R. Conder, s'appuyant plu- vernement de ses toparques, devint le premier centre
tot sur la signification primitive de absa, Wane, placent chretien des regions de 1'Euphrate, et merita ainsi les sur-
Abes a Khirbet el-Beidha (en arabe, la blanche), a la limite noms d'Edesse la Sainte, d'Edesse la Benie, que lui donnent
septentrionale de la plaine d'Esdrelon. Conder, Handbook
to the Bible, Londres, 1887, p. 401. Khirbet el-Reidha
est une petite colline oblongue et isolee, situee entre le
torrent de Cison a 1'ouest, et Nazareth a Test. M. V. Guerin
la decrit ainsi sous le nom de Tell-Beidar: Les flancs
inferieurs en sont soutenus par d'assez gros blocs formant
terrasse; elle est elle-m&ne couronnee par une enceinte
arabe, en partie debout et batie avec des pierres de
moyenne dimension, qui avait autrefois renferme une
vingtaine de petites habitations, actuellement renversees.
Au milieu des debris de 1'une d'entre elles, s'eleve un
troncon de colonne qui mesure 58 centimetres de dia-
metre, et qui provient peut-etre d'Oumm-el-'Amed. 4. Abgar, roi d'Osrhofene, contemporain de 1'empereur
On remarque, dans les environs de cette derniere localite, Gordien III (238-244).
des rochers calcaires d'une grande blancheur, qui ont ete Busto de 1'empereur Gordien, tourn6 & drolte. TSte Imberbe,
jadis, sur beaucoup de points, exploites comme carriere. radlee. [PlOPAIANOC CEB(affTYi;). i$. Le roi Abgar,
Description de la Palestine, Galilee, t. i, p. 394. portant la tiare, a cheval. ABrAPOC BAGIAEYC.
A. LEGENDRE.
ABESALOM ('A6e<r<ia>&>fAo<;, dans le texte grec ori- les ecrivains orientaux. D'illustres martyrs y scellerent leur
ginal; probablement, en hebreu, 'Abisdlom, mon pere foi de leur sang. On y compta dans la suite plus de trois
est pacifique ), ambassadeur de Judas Machabee, envoye cents monasteres. Prise par les Arabes en 639, elle rede-
vers Lysias, general d'Antiochus Eupator. II Mach., xi, 17. vint en 1097, du temps des croisades, une pnncipaute
chretienne; mais elle retomba, en 1146, sous le joug des
ABESAN [(hebreu : 'Ibesan, signification inconnue; musulmans, auxquels elle est encore soumise. Elle est
Septante : 'A6at<rffdv), juge d'Israel, Jud., xn, 8-10. II aujourd'hui connue sous le nom d'Orfa.
etait originaire de 1'une des deux villes appelees Bethle- Un grand nombre de toparques de 1'Osrhoene se sont
hem , et plus probablement de Bethlehem en Zabulon; en appeles Abgar. Denys deTelmahar en enumere vingt-neuf.
effet, Abesan n'a pas du gouverner tout Israel, mais seule- Celui qui regnait a Edesse du temps de Notre-Seigneur est
ment la partie la plus septentrionale de la Terre Sainte, le cinquieme. II recut le surnom d'Uchama ou Ucomo,
tandis que les tribus les plus voisines des Philistins subis- c'est-a-dire le Noir. D'apres la chronologic du patriarche
saient le joug de ce peuple idolatre. La judicature d'Abesan Denys, rectifiee par Gutschmid, Die Konigsnatnen in den
dura sept ans et ne fut signalee par aucun evenement re- apokryph. Apostelgeschichten, dans le Rheinisches Mu-
marquable. Apres sa mort, il fut transporte et inhume a seum, nouv. serie, t. xix, p. 171, Abgar V gouverna 1'Os-
Bethlehem, sa ville natale. II avait eu trente fils et trente rhoene de 1'an 13 a 1'an 50 de notre ere. D'apres Moise de
filles, et avait pourvu a leur etablissement. Le nombre de Khorene, il descendait du roi parthe Arsace. Voir Bayer,
ses enfants s'explique par la polygamie, alors toleree chez Historia Osrhoena, p. 97. Procope, dans sa Guerre de
les Hebreux. Abdon, qui fut peu apres lui juge d'Israel, eut Perse, n, 2, raconte qu'ayant fait un voyage a Rome, ce
egalement un nombre de fils considerable. Jud., xn, 14. prince inspira a Auguste une telle affection, qu'il eut
E. DUPLESSY. grand'peine a quitter la capitale de 1'empire pour retourner
ABESSALOM (hebreu: 'AbiSdlom, mon pere est en Orient. Tacite, au contraire, represente Abgar sous un
pacifique; Septante: 'Age<r<ia)iw[i), pere de Maacha ou jour defavorable, s'il est vrai que, 1'an 49, le roi d'Edesse
Michaia, mere d'Abia, roi de Juda, III Reg., xv, 2, 10. abandonna lachement sur le champ de bataille le jeune
II est appele Absalom (simple variante du mme nom) roi parthe Meherdate. Quoi qu'il en soit de ce trait, Abgar
II Par., xi, 20-21. Ce pourrait bien etre le fils de David: Uchama doit sa celebrite a la lettre qu'il ecrivit a Jesus-Christ,
Thamar, fille d'Absalom, aurait epouse Uriel d Gabaa, d'apres Eusebe, et a la reponse supposee qu'il en recut.
II Par., xin, 2, et aurait eu Maacha de ce mariage. Voir L'ev&pie de Cesaree, apres avoir raconte dans son His-
URIEL 2. Absalom serait alors le grand-pere de Maacha. toire ecclesiastique, I, 13, t. xx, col. 121, que Thaddee,
dependant Abessalom peut tre un personnage different 1'un des soixante-douze disciples, etait alle precher la foi
du fils de David, et le m&ne qu'Uriel de Gabaa. a Edesse, ajoute que la preuve de ce fait lui est fournie
par les archives de cette ville, d'ou il a tire une lettre
ABGAR, nom ou titre de plusieurs rois de 1'Osrhoene. d'Abgar a Jesus, lettre qu'il rapporte, ainsi que la reponse
C'est en particulier celui d'un roi contemporain de Notre- du Sauveur, en traduisant les deux documents de 1'ori-
Seigneur, devenu celebre par la correspondance avec Jesus- ginal arameen en grec. Abgar ecrit a Jesus qu'ayant appris
Christ qu'on lui a longtemps attribute. Ce nom a ete fre- les guerisons miraculeuses que le Sauveur opere en Judee,
quemment defigure par les ecrivains grecs et orientaux. II il le prie de venir a Edesse pour le guerir d'une maladie
est certain, par les monnaies de quelques-uns de ces rois dont il est atteint. On croit que cette maladie etait la
39 ABGAR
lepre. Notre-.Seigneur lui re"pond qu'il doit demeurer en S'ils avaient era posse'der une lettre de Jesus-Christ lui-
Judee pour y etre eleve, c'est-a-dire crucifie; mais qu'apres meme, ils n'auraient pas manque de s'en vanter.
sa mort il lui enverra un de ses disciples, qui le guerira Relativement a la lettre d'Abgar, qui est la meme chez
et lui donnera la vie, a lui et a tous ceux qui sont avec lui. Eusebe et chez les Orientaux, son authenticity a ete ad-
Thaddee, le disciple, alia en effet plus tard a Edesse, ou mise jusqu'a ces derniers temps par un grand nombre non
il guerit et convertit le roi Abgar. seulement de catholiques, Baronius, Tiilemont, Oudin, les
Le celebre histonen d'Armenie, Moise de Khorene, rap- Bollandistes, Welte; mais aussi de protestants, les centu-
porte les memes fails qu'Eusebe avec quelques diver- riateurs de Magdebourg, Cave, Grabe, Rinck. Voir Welte,
gences, et aussi avec cette addition importante que 1'en- Ueber Konig Abgar und die Einfuhrung des Christen-
voye d'Abgar lui aurait rapporte de Jerusalem un portrait thums in Armenien, dans la Theologische Quartalschriflr
du Sauveur. Ce portrait se trouvait encore de son temps, de Tubingue, 1842, p. 335-365; W. F. Rinck, Von dem
c'est-a-dire au ve siecle, a Edesse. II fut depuis transporte, Briefe des Konigs Abgar an Jesum Christum und der
dit-on, a Constantinople, et de la a Rome, dans 1'eglise Antwort Christi an Abgar, dans la Zeilschrift fur die
Saint -Sylvestre, ou bien a Genes. historische Theologie d'lllgen, 1843, p. 3-26. Voir aussi
Plusieurs historiens grecs out reproduit la correspon- Assemani, Bibliotheca orient., t. i, p. 318-420. Tiile-
dance d'Abgar avec Jesus-Christ; la plupart y out joint, mont, dans ses Memoires, 1701, t. i, p. 617, s'exprime
en 1'embellissant de plus en plus, 1'histoire du portrait; sur ce sujet de la maniere suivante : Nous ne preten-
tous se sont inspires d'Eusebe et des traditions courantes dons pas qu'elles (les lettres) soient certainement vraies,
en Orient. Depuis ces dernieres annees, nous possedons car tout homme peut se tromper; mais nous esperons que
sur ce sujet quelques documents auparavant inconnus en les personnes habiles qui, la plupart, sont portees aujour-
Europe. II existe a la Bibliotheque nationale de Paris, an- d'hui a les croire fausses, nous pardonneront aisement, si
cien fonds armenien, n 88, une traduction armenienne nous ne voulons point abandonner notre regie, de ne point
de la Doctrine d'Addai, contenant 1'histoire du disciple rejeter tout ce qui est suffisamment autorise dans 1'anti-
(Thaddee) envoye a Edesse, et tout ce qui s'y rattache. quite, a moins que nous n'y soyons contraints par des
On en a publie une double traduction francaise. L'une, raisons tout a fait fortes. Ces raisons tout a fait fortes
faite par Jean-Raphael Emine, a ete inseree par Victor existent-elles maintenant? Oui, nous 1'avons vu pour la
Langlois dans le tome ier de sa Collection des historiens lettre attribute a Notre-Seigneur par Eusebe. Quant a la
anciens d'Armenie, p. 315-331; elle a pourtitre Leroubna lettre d'Abgar, presque tous les critiques repondent aussi
d'Edesse: histoire d'Abgar et de la predication de Thad- aujourd'hui affirmativement, en s'appuyant surtout sur
dee, traduite pour la premiere fois sur le manuscrit les divers details contenus dans la Doctrine d'Addai, et
unique et inedit de la Bibliotheque imperiale de Paris qui demontrent que cet ecrit ne remonte pas au temps.
(1867). La seconde, oeuvre du Dr Alishan, est plus com- d'Abgar Uchama. II y est question, en effet, des Actes des
plete : Lettre d'Abgar, ou Histoire de la conversion des Apotres et des Epitres de saint Paul, de 1'invention de la
Edesseens, par Laboubnia, ecrivain contemporain des vraie croix par la princesse Protonike ou Patronike, et
Apotres, traduite sur la version armenienne du ve siecle, meme du Diatessaron de Tatien, qui n'a vecu qu'au se-
in-8. Elle a ete publiee en 1868, a Venise, par les Peres cond siecle. Aussi le D r Lipsius, Die Edessenische Abgar-
mekhitaristes de Saint-Lazare. Sage kritisch untersucht, in-8, Brunswick, 1880, p. 11,,
Cette version armenienne a ete faite sur le syriaque. dit-il: Les souvenirs historiques de 1'Eglise d'Edesse
L'original a ete retrouve et publie. Le Musee Britannique, a dignes de foi ne remontent pas au dela du temps d'Ab-
Londres, en possede un manuscrit incomplet, qui a ete edite gar VIII (176-213). L'histoire de la conversion d'Abgar V
par Cureton, dans ses Ancient Syriac Documents relative et de sa correspondance avec le Christ sont du domaine
to the earliest establishment of Christianity in Edessa de la legende. Le Dr Alishan et M. Philipps n'en adoptent
and the neighbouring countries, in-4, Londres, 1864; pas moins 1'authenticite du fond de la Doctrine d'Addaif
mais il ne contient pas les pieces reproduites par Eusebe, tout en reconnaissant qu'elle ete remaniee et qu'il s'y
parce que c'est le commencement qui manque. Cette la- est glisse un certain nombre d'interpolations. II est, en
cune a pu etre heureusement comblee par un manuscrit tout cas, fort invraisemblable que le christianisme se soit
de la Bibliotheque imperiale de Saint-Petersbourg, ecrit etabli a Edesse aussi tardivement que le suppose le
en beaux caracteres estranghelo, au vie siecle. II a ete Dr Lipsius. Remarquons d'ailleurs que la primitive Eglise
publie par George Philipps, The Doctrine of Addai, the n'a pas admis la correspondance d'Abgar: Epistola Jesu
Apostle, in the original Syriac, with an English trans- ad Abgarum apocrypha; Epistola Abgari ad Jesum apo-
lation and notes, in-8", Londres, 1876. crypha. Decretum Gelasii de libris recipiendis, Migne,
La comparaison du document syriaque, qui renferme Pat. lat., t. LIX, col. 164.
la lettre d'Abgar, avec le texte d'Eusebe, montre que 1'his- Quant au portrait de Jesus, que les ecrivains grecs
torien de Cesaree a reproduit fidelement en grec, sauf racontent avoir ete empreint miraculeusement sur un
quelques variantes insignifiantes qu'il est facile d'expli- linge dont le Sauveur s'etait servi pour s'essuyer la face
quer dans une traduction, 1'original arameen qui circulait Evagre, H. E., iv, 27, t. LXXXVI, col. 2748-2749, nous avons
a Edesse. Mais, quant a la reponse de Notre-Seigneur, il vu qu'Eusebe n'en parle point dans son recit. La Doc-
existe entre Eusebe et les sources orientales une diver- trine d'Addai le mentionne, mais elle ne lui attribue
gence importante. D'apres ces dernieres, le Sauveur fit au pas une origine miraculeuse; elle en fait 1'oeuvre de
roi d'Edesse, non pas une reponse ecrite, comme le dit Hannan, qui etait peintre, et qui avait apporte a Jesus
1'auteur de Y Histoire ecclesiastique, mais seulement une en Palestine la lettre d'Abgar. L'existence d'une image du
reponse orale, dont le sens est d'ailleurs le meme: Quand Sauveur tres veneree a Edesse depuis une haute antiquite
Jesus cut recu la lettre, lisons-nous dans la Doctrine est done incontestable; quant a son histoire, elle est le-
d'Addai, il dit a Hannan, le conservateur des archives : gendaire.
Va et dis a ton maitre qui t'a envoye vers moi : Bien- Voir, outre les ouvrages deja cites : W. Grimm, Die
heureux, etc. La traduction armenienne du texte Sage vom Ursprung der Christusbilder, Berlin, 1843;
syrjaque repete exactement la .meme chose. II resulte de K. C. A. Matthes, Die Edessenische Abgarsage auf ihre
la que Notre-Seigneur n'avait pas ecrit a Abgar, et qu'Eu- Fortbildung untersucht, in-8, Leipzig, 1882; E. Renan,
sebe, qui a reproduit fidelement la reponse verbale attri- Deux monuments epigraphiques d'Edesse, dans le Jour-
buee au Sauveur, telle qu'elle etait conservee dans les ar- nal asiatique, fevrier-mars 1883, p. 246-251; Th. Zahn,
chives d'Edesse, s'est trompe en la prenant pour une ration's Diatessaron, in-8, Erlangen, 1881, p. 350-382;
reponse ecrite. Quand les Edesseens nous disent que la R. A. Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschichten und
reponse de Jesus ne fut qu'orale, on peut les en croire. Aposlellegenden, t. n, part, u, 1883, p. 154-200; L.-J
41 ABGAR - ABIA 42
Tixeront, Les origines de I'Eglise d'Edesse et la legende conserve sous le regne de son petit-fils la dignite et le
d'Abgar, in-8, Paris, 1888. F. VIGOUROUX.
F. ViGOUROUX. titre de reine mere, dignite et titre qui lui furent enleves
quand Asa la destitua a cause de son idolatrie. II Par.,
ABGATHA (hebreu: 'Abagfa', donne par Dieu; xv, 16.
Septante: ZaOoXOa), un des sept eunuques de la cour d'As- Abia avait vingt-sept freres et soixante sceurs par son
suerus, Esth., I, 10. pere, II Par., xi, 21; par sa mere il n'avait que trois
(Veres, Ethai, Zizaet Salomith, II Par., xi, 20, surlesquels
ABI (hebreu: 'Abi, forme abregee de 'Ablyah; Sep- il avait ete investi d'une sorte d'autorite (hebreu : r'os,
tante: "A6tov), mere du roi Ezechias. IV Reg., xvm, 2. tete, par extension, chef, personnage principal; Septante:
Voir ABIA 4. ap'/wv), dont 1'etendue n'est pas determinee. II Par., xi, 22.
D'apres les Septante et la Vulgate,, Abia aurait merite cette
ABIA, hebreu : 'Ablyah, 'Abiyahou, Jehovah est dignite par sa sagesse, ^. 23; mais le texte hebreu rap-
mon pere; Septante: 'A6ta; nom d'homme et de femme. porte cette sagesse a Roboam, qui, pour eviter les conflits
entre ses nombreux enfants, et peut-etre surtout pour
1. ABIA, fils de Bechor, un des fils de Benjamin. empecher que quelques freres jaloux ne se liguassent
I Par., vii, 8. contre Abia, son prefere, leur donna a chacun la garde
d'une des places fortes de son royaume. Le texte insinue
2. ABIA, femme de Hesron, petit-fils de Juda. I Par., que 1'unique raison de cette preference de Roboam pour
n,24. Abia fut la preference meme qu'il avait pour sa mere
Maacha, et ce fut aussi la raison qui le lui fit choisir pour
3. ABIA, second fils de Samuel. Le prophete se 1'as- sueeesseur, bien que par sa naissance il n'y cut aucun
socia avec son frere Joel dans 1'administration de la jus- droit. C'est aussi pour cela qu'entre tous ses freres, Abia
tice. Les deux freres s'en acquitterent si mal, que le peuple demeura a Jerusalem, capitale du royaume, menant une
reclama un roi. I Reg., vm, 2; I Par., vi, 28. vie luxueuse au milieu d'un grand nombre de femmes
et d'enfants. II Par., xi, 21-23. Le texte, il est vrai,
4. ABIA, femme d'Achaz et mere d'Ezechias, roi de semble rapporter cette magnificence domestique au temps
Juda, IV Reg., xvm, 2; II Par., xxix, 1. Elle etait fille de qui suivit sa victoire sur Jeroboam; mais, comme il est
Zacharie. Voir ce nom. On trouve la forme abregee, impossible qu'il ait eu vingt-deux fils et seize filles dans
Abi, IV Reg., xvm, 2. Voir ABI. le court espace de temps qui s'ecoula entre cette victoire
et sa mort, il faut dire qu'il epousa le plus grand nombre
5. ABIA (hebreu: 'Abiydm, dans les Rois; aussi sous de ses quatorze femmes avant meme d'arriver au trone.
la forme ''Abiyahou, II Par., xm, 20, et 'Abiydh, II Par., Si 1'auteur des Paralipomenes n'en parle qu'apres le recit
xn, 16), fils de Roboam, roi de Juda, succeda a son pere de la guerre contre Israel, c'est sans doute pour rappro-
en 960 av. J.-C. (d'apres la chronologie recue; voir CHRO- cher sa prosperite domestique de ses succes politiqucs et
NOLOGIE), et regna pendant trois ans. I Par., xn, 16; xm, militaires. Ce trait montre qu'Abia avait imite Salomon et
1-2; cf. Ill Reg., xv, 2. Cette duree de trois annees ne Roboam dans leurs inclinations sensuelles, et manifesto
doit pas etre prise a la lettre, car il est dit qu'Abia monta deja 1'abaissement moral de la royaute en Juda.
sur le trone dans la dix-huitieme annee du regne de Je- Get exces ne fut pas le seul qui souilla le regne d'Abia.
roboam, roi d'Israel, HI Reg., xv, 1, et ailleurs qu'Asa, S'il ne se livra pas lui-meme a 1'idolatrie, il la laissa pra-
son fils, lui succeda dans la vingtieme annee du meme tiquer impunement; ce qui eut suffi a lui attirer la colere
regne de Jeroboam. Ill Reg., xv, 9. Ce n'est done que de Dieu, s'il n'avait eu pour ancetre David, le fidele ser-
deux ans et quelques mois qu'Abia regna sur Jerusalem viteur de Jehovah. C'est a cause de lui, et aussi a cause
et Juda, la Sainte Ecriture, selon 1'usage des Juifs, comp- des antiques promesses faites a ses aieux, qu'Abia eut une
tant pour une troisieme annee 1'annee commencee. Abia posterite. Ill Reg., xv, 4. Cette reflexion, qui a paru a
cut pour mere Maacha (hebreu : Ma'dkdh), fille d'Abessa- plusieurs une interpolation, fait si bien corps avec le texte,
tom, HI Reg., xv, 2; cf. II Par., xi, 20, qui est appelee, qu'elle donne la clef de la conduite de Dieu au milieu des
II Par., xm, 2, Mikdydhou, par une erreur manifesto tristes evenements qui remplissent non seulement le regne
de transcription. Le mot Abessalom (hebreu: 'Abisalom) d'Abia, mais aussi toute la periode des rois de Juda. A tra-
est surement une variante d'Absalom (hebreu : 'AbSalom), vers les exces de ces souverains indignes, Dieu voit dans
et le personnage dont il s'agit ici peut etre le fils de le passe David son serviteur, et dans 1'avenir le rejeton
David, quoique d'apres quelques-uns il soil le mdme <le David, le Messie, et a cause de 1'un et de 1'autre il
qu'Uriel. Voir ABESSALOM et URIEL 2. Mais cette iden- Itenit et conserve au lieu de maudire et de briser.
tification du pere de Maacha avec le fils de David sou- Abia etait plus faible que mediant. Quoiqu'il laissat pra-
leve une difficulte. Nous savons, en eflet, qu'Absalom liquer 1'idolatrie et qu'il menat lui-meme une vie sensuelle,
n'eut qu'une fille, qui s'appelait Thamar, II Reg., xiv, 27, la foi de David son a'ieul demeura ferme au fond desoncreur.
et pas de fils. II Reg., xvm, 18. Done, ou bien Maacha Elle se revele au jour du danger, quand la guerre, depuis
est la meme que Thamar, ce qui est invraisemblable, car longtemps menacante, vient a eclater entre Israel et Juda.
il faudrait dire qu'Absalom portait aussi le nom d'Uriel; Du moment ou les dix tribus s'etaient choisi un roi, il
ou bien elle est fille de Thamar, qui avait epouse Uriel s'etait etabli entre ces deux portions du peuple choisi une
de Gabaa, II Par., xm, 2, et petite-fille d'Absalom, dont inimitie qui ne pouvait manquer d'eclater. Les rois de
elle est appelee par extension la fille. Cf. Josephe, Ant. Juda, fondes sur les promesses divines faites a David,
jud., VIII, x, 1. Quelques interpretes, comme Thenius, cherchaient tous les moyens de faire rentrer sous leuj
Bertheau, ont cherche une autre explication, et comme autorite les tribus separees; Israel, au contraire, pretendait
la mere d'Asa, fils d'Abia et son sueeesseur au trone, garder son autonomie. Durant le regne de Roboam, la
porte le mme nom, II Par., xv, 16; III Reg., xv, 13, haine, en grandissant toujours, etait demeuree latente;
ils ont pense que la fille d'Uriel etait la mere d'Asa et non elle eclata sous Abia, et voila les deux royaumes lances
d'Abia, et que, par quelque inadvertance de copiste, son dans une guerre fratricide qui durera longtemps. S'il
nom avait ete substitue dans le texte a celui de la mere faut s'en rapporter au texte, Abia entra en campagne avee
d'Abia. Cette supposition est sans fondement. II parait plus 400000 hommes tres vaillants; Jeroboam en avait le double,
naturel de dire que dans les quatre passages ou le nom 800000 : chiffres certainement excessifs, aussi bien que
de Maacha est marque^ il s'agit de la meme personne, et celui des 500000 hommes mis hors de combat. II Par.,
que si Maacha, mere d'Abia, est aussi appelee mere d'Asa, xm, 3, 17. Ces erreurs resultent de 1'alteration du texte
iien qu'elle ne soit que sa grand'mere, c'est qu'elle avait hebreu, soit par 1'inadvertance des transcripteurs, soit par
43 ABIA 44
la grande similitude de quelques lettres he'bralques; car xiv, i. Quelle etait sa maladie ? La Sainte Ecriture n'en
les Hebreux, comme les Grecs, exprimaient les nombres dit rien, mais il est manifeste qu'elle etait surnaturelle
par les lettres de 1'alphabet. dans son origine comme elle le fut dans son denouement.
Or, avec son armee, quel qu'en ait ete" le nombre, Elle arrive au moment voulu par Dieu, dure ce que Dieu
Abia vint prendre position sur le mont Semeron (hebreu: veut, se termine par la mort a 1'heure marquee par Dieu.
^emdrayim), dont la position est douteuse (voir SEME- On employa surement, pour la combattre, toutes les res-
RON), mais qui etait certainement en Ephraim. II Par., sources qu'offrait la science medicale d'alors; mais en
XIH, 4. Suivant un usage commun a cette e"poque, le roi meme temps Jeroboam se souvint que naguere, quand il
de Juda, avant d'engager la bataille, harangua son ennemi. exercait a la cour de Salomon la fonction de percepteur
Le discours est eleve et si religieux, que la critique mo- des tributs, il avait rencontre un prophete de Silo, nomme
derne a voulu y voir une contradiction avec ce qui est dit, Ahia, qui lui avait predit 1'heureux evenement de son
III Reg., xv, 3, de 1'impiete d'Abia. En effet, il declare elevation a la royaute. Superstitieux autant qu'il etait
n'engager le combat que pour soutenir ses droits inalie- impie, il concut le dessein d'obtenir par ruse, du meme
nables sur le royaume d'Israel. Jehovah, dit-il, a donne voyant, une reponse favorable a la guerison d'Abia. Car,
pour toujours (hebreu : par le pacte du sel, c'est-a-dire pensait-il, si le prophete savait qu'on vient le consulter
d'une maniere irrevocable, voir SEL) la royaute en Israel pour le fils du roi d'Israel, il se garderait de predire son
a David et a ses fils. II a confiance en son droit, qui est retour a la sante. D'apres ce singulier calcul, Jeroboam
le droit de Dieu. Aussi bien les dix tribus se sont adon- fit travestir sa propre epouse et 1'envoya a Silo consulter
nees a 1'idolatrie, substituant le culte des veaux d'or a Ahia, sans dire ni qui elle etait, ni pour qui elle venait.
celui de Jehovah; elles ont chasse les pretres et les levites, La sante du malade devait d'ailleurs, dans le plan de Je-
elles commettent tous les jours 1'iniquite; tandis que lui, roboam , etre achetee par des presents offerts au voyant;
roi de Juda, a garde le principe constitutif de la monarchic mais comme la prudence exigeait que la messagere, vetue
chez les Hebreux, qui est d'etre une theocratic dans la- comme une pauvre, ne presentat que des dons modestes T
quelle le roi est le ministre de JDieu. II le proclame: le Sei- elle offrit dix pains, un vase de miel et un gateau commun
gneur (hebreu : ha'elohim, avec 1'article) est le chef de (hebreu : niqqudim, de naqad, qui signifie marquer de
1'armee de Juda; qu'Israel redoute done de se lever centre petits points , ce qui donne lieu de penser que ces ga-
sa puissance. II Par., XIH, 4. Comme on le voit, ce pas- teaux etaient troues, ou marques d'une sorte de pointille
sage n'est point inconciliable avec HI Reg., xv, 3. Abia difficile a specifier. Les Septante ont traduit par xo),Xupfc,
y montre seulement que sa doctrine vaut mieux que sa gateau ordinaire ). Les prophetes, conduits en cela par
conduite. S'il se vante ici d'avoir fidelement garde le culte 1'inspiration d'en haut, accueillaient volontiers ces solli-
de Dieu, le passage du troisieme livre des Rois ne dit pas citeurs, et y repondaient soil en predisant Tissue de la
qu'il ait lui-meme pratique 1'idolatrie; il a pu pecher seu- maladie, soit en indiquant le remede au mal. Ill Reg.,.
lement en la tolerant. XHI, 6; XVH, 17; IV Reg., i, 4; xx, 7; Is., xxxvm, 21.
Pendant ce discours, Jeroboam avait tourne la montagne Nous voyons, II Par., xvi, 2, Asa blame par 1'ecrivain
avec quelques bataillons, et 1'armee d'Abia allait etre enve- sacre, parce qu'il avait cherche le secours des medecins
loppee par ses ennemis. Le roi sentit le danger, fit sonner au lieu de recourir a Dieu. Le rationalisme, pour echapper
les trompettes sacerdotales; les guerriers pousserent leur au miracle, a voulu voir dans les indications des voyants
cri de guerre, et soudain Dieu jeta 1'epouvante dans les des precedes ou moyens purement naturels; mais au-
rangs d'Israel. Dans cette confusion, Abia n'eut qu'a lancer cune explication n'est plausible en dehors de la vertu sur-
son armee en bon ordre; il s'ensuivit un immense car- naturelle qui etait dans les prophetes, ou dont ils etaient
nage: 500000 Israelites hors de combat, dit le texte. Abia, les dispensateurs. La chose est manifeste pour le cas d'Abia.
poursuivant sa marche, s'empara des villes de Bethel, Le prophete, presque aveugle, est eclaire d'en haut sur la
Jesana et Ephron, avec leurs dependances. C'est alors qualite de celle qui 1'interroge, comme aussi sur la cause
sans doute qu'Abia, rempli de gratitude, fit le vo3u dont de la maladie et son issue. II predit de la part de Dieu
il est question vaguement au troisieme livre des Rois, qu'en punition des crimes de Jeroboam, la famille du roi
xv, 15, et qui avait probablement pour objet de con- disparaitra ignominieusement, et que des ce jour Abia
sacrer au Seigneur le butin fait sur Jeroboam. II Par., mourra. Le moment de sa mort est determine: il expirera
xiii, 16-19. La mort empecha Abia d'accomplir lui-mme au moment ou sa mere mettra le pied sur le seuil du
cette pieuse promesse, que son fils Asa se fit un devoir palais de Jeroboam, III Reg., xrv, 17; le t- 12 porte:
d'executer en son nom. Ill Reg., xv, 15. quand elle entrera dans la ville. Toutes choses qui
C'est tout ce que I'Ecriture nous apprend de ce roi, ren- s'accomplissent a la lettre et en dehors de toute prevision
voyant pour le reste a des livres perdus: le livre des Annales humaine. C'est a Thersa (grec: Sapipa) qu'Abia mourut.
des rois de Juda (Dibre hayydmtm), III Reg., xv, 7, et le Cette ville etait une des grandes cites d'Israel. Voir
livre (MidraS) du prophete Addo, II Par., xm, 22. L'egyp- THERSA. Abia y regut la sepulture au milieu des la-
tologie, qui fournit un si precieux document sur Roboam mentations du peuple, dont il etait aime a cause de
et ses relations avec Sesac, et 1'assyriologie, qui en donne son bon naturel. Son age n'est pas indique dans la Bible.
de si interessants pour les regnes de plusieurs rois de Juda, Ill Reg., xiv, 12. II faut remarquer que tout le passage
sont restees muettes sur Abia, qui d'ailleurs ne parait avoir qui contieat cet episode, III Reg., xrv, 1-20, fait defaut
eu aucune relation politique de quelque importance avec dans le Textus receptus des Septante; dans le Codex
les souverains etrangers. Sans sa victoire sur Jeroboam, Alexandrinus, il est insere au chapitre xi du me'me livre,
ce roi serait demeure bien efface dans 1'histoire de Juda. apres le verset 24. Tous les manuscrits du texte hebreu
Get episode a revele en lui un caractere droit, eleve, le contiennent a la place qu'il occupe dans la Vulgate. II
energique me'me, et capable de grand es choses, si son n'y a done aucune raison de mettre en doute son authen-
education et son temps n'avaient empfiche 1'epanouisse- ticite. P. RENARD.
ment de ces precieuses qualites. P. RENARD.
7. ABIA, un des descendants d'Eleazar, fils d'Aaron;
6. ABIA (hebreu : 'Abiydh; Septante : 'A6ti), fils de il se trouva chef de la huitieme des vingt-quatre classes
Jeroboam I", roi d'Israel (975-954), n'apparait dans la ou families sacerdotales, lorsque David les etablit. I Par.,
Bible .que pour justifier la parole du Saint-Esprit: que xxiv, 10. Zacharie, pere de saint Jean-Baptiste, e"tait de
Dieu se venge sur les enfants des iniquites de leurs peres. la famille d'Abia. Luc, r, 5.
Jer., xxxii, 18. Quand Jeroboam cut mis le comble a son
apostasie en etablissant le culte des veaux d'or, le mo- 8. ABIA, un des pretres qui signerent avec Nehe"mie
ment du Seigneur arriva : Abia tomba malade. Ill Reg., le renouvellement de 1'alliance. II Esdr., x, 7.
45 ABIALBON ABIDA
ABIALBON (hebreu : 'AbValbdn, mon pere est arrete la sentence. Le roi se souvint qu'aux jours de ses
fort; Septante: ra8a6ttj>.), un des trente-sept heros ou malheurs, David avait trouve en lui un serviteur fidele.
vaillants guerriers de 1'armee de David, II Reg., xxni, 31. C'en fut assez pour mitiger la peine. Le traitre fut seule-
II est nonime Abiel dans I Par., xi, 32. Voir ABIEL 2. ment dechu du souverain pontificat et relegue a Anathoth,
ville sacerdotale, au nord-est de Jerusalem. C'etait I'ac-
ABIAM (hebreu : 'Abiydm), Abia, roi de Juda, fils et complissement de la malediction prononcee naguere par
successeur de Roboam. Son nom, qui est ecrit sous la Dieu sur la maison d'Heli, son aieul. I Reg., n, 30-36;
forme Abia dans les Paralipomenes, est constamment ecrit HI , 10-14. II n'est plus desormais question de ce person-
Abiam dans le troisieme livre des Rois, xrv, 31; xv, 1, nage. Par sa decheance, le souverain pontificat fut trans-
7, 8. Voir ABIA 5. fere de la famille d'lthamar a celle d'Eleazar, I Par.,
xxiv, 2-3. Cette triste fin contredit tout le reste de la vie
ABIASAPH (hebreu : 'Abi'dsdf, mon pere a ras- d'Abiathar. Jusque-la il s'etait montre homme d'un grand
semble; Septante: 'A6idtffap, 'A6idcx9, 'Agiaaacp), Levite, caractere, actif, intrepide, devoue jusqu'a la mort a Dieu
un des fils de Core. Exod., vi, 24; I Par., vi, 37. II est et a son roi. La jalousie ou quelque autre passion le perdit
appele Ebiasaph (en hebreu : 'Ebeydsdf), 1 Par., vi, 24; a 1'heure ou il pouvait, dans une securite parfaite, par-
ix, 19. La genealogie donnee I Par., vi, 23-37, semble en tager la gloire et la puissance de David victorieux.
contradiction avec les deux endroits paralleles, Exod., Le verset 17 du chapitre vin , au second livre des
vi, 24, et I Par., vi, 37, et cree une difficulte. Ou bien il Rois, presente relativement a Abiathar une difficulte: Et
y a erreur de transcription; ou bien Asir et Elcana, qui Sadoc, fils d'Achitob, et Achimelech, fils d'Abiathar, etaient
paraissent en ce passage donnes comme les ascendants pretres. Car il est indubitable qu'a cette epoque les deux
d'Abiasaph, doivent etre plutot regardes comme ses freres grands pretres etaient Sadoc et Abiathar. Faut-il done
et fils de Core comme lui, conformement a Exod., vi, 24. voir dans ce verset une interversion de noms introduite
par quelque copiste, en sorte qu'il faudrait lire (et de meme
ABIATHAR (hebreu: 'Ebeydfdr), grand pretre, arriere- aux passages paralleles I Par., xvm, 16 et xxiv, 6): Abia-
petit-fils d'Heli par Phinees et Achitob; fils du grand pretre thar, fils d'Achimelech? Ou bien appelait-on indifterem-
Achimelech, qui fut mis a mort par Saul, pour avoir donne ment le meme personnage Abiathar et Achimelech, comme
1'hospitalite a David fugitif. Abiathar, voue a la mort avec on peut 1'inferer d'apres saint Marc, n, 25-26? Ou enfin
tous les habitants de Nob, echappa comme par miracle s'agit-il reellement d'un fils d'Abiathar, qui aurait rempli
au massacre, I Reg., XXH, 20, et s'enfuit aupres de les fonctions sacerdotales transitoirement en 1'absence de
David, qui s'etait abrite a Maspha, dans les montagnes son pere ? Toutes ces hypotheses sont soutenables, sans
de Moab. II s'attacha a lui comme un serviteur fidele, et qu'aucune d'elles donne le dernier mot de la difficulte.
partagea les privations de sa retraite. Or il avait emporte P. RENARD.
avec lui 1'ephod, I Reg., xxm, 6, dont il se servait pour ABIB (hebreu: 'abib), le premier mois de 1'anneehe-
consulter Jehovah dans les circonstances difficiles. C'est bra'ique, appele depuis nisan. Ce mot signifie epi, Exod.,
ainsi que, par 1'ordre du Seigneur, il determina David a ix, 31; Lev., n, 14; cf. Cant., n, 13, et il designe, dans le
quitter Moab, a repasser le Jourdain, et a tenter, tout Pentateuque, Exod., xin, 4; xxm, 15; xxxiv, 18; Deut.,
pres de 1'armee de Saul, le coup le plus audacieux : la xvi, 1, le mois ou le ble monte en epis. II etait de trente
delivrance de Ceila, assiegee par les Philistins. I a encore jours, et commengait, d'apres les rabbins, a la nouvelle
Abiathar sauva le roi des projets hostiles de Saul; car, lune de mars. Ce fut en souvenir de la delivrance des
ayant consulte Dieu par 1'ephod sur les dispositions des Hebreux de la servitude d'Egypte que ce mois fut le pre-
habitants de Ceila, il connut qu'elles etaient mauvaises, mier de 1'annee. Exod., xii, 2. La fete de Paques se cele-
ce qui amena David a s'enfuir dans la moritagne du de- brait le quinze d"abib. Exod., xn, 6, 18. Voir Mois.
sert de Ziph, aujourd'hui Tell-Zif, I Reg., xxm, 14-15, ou
Abiathar le suivit encore. Nous retrouvons ce grand pretre ABICHT Johann Georg, orientaliste et theologien aEe-
a Jerusalem, lors de la translation solennelle de 1'arche mand, lutherien, ne le 21 mars 1672 a Konigsee, dajfis la
a Sion. II portait le depot sacre avec Sadoc, grand pretre principaute de Schwarzbourg-Rudolstadt, mort a Wittem-
comme lui, et quelques levites choisis par David. I Par., berg le 5 juin 1740. II fit ses etudes a lena et a Leipzig;
xv, 11-12. A cette epoque, par une exception difficile a en 1702, il devint professeur de langues orientales dans
expliquer, il y avait deux grands pretres simultanement 1'universite de cette derniere ville; puis, en 1707, redeur
en fonction. Cf. II Reg., vm, 17; xv, 24, 29, 35; xix, 11; du Gymnase et pasteur de 1'eglise de la Sainte - Trinite
xx, 25; I Par., xv, 11; xvm, 16. a Dantzig; enfin, en 1729, surintendant general< premier
Abiathar etait encore pres de David lorsque celui-ci, pour- professeur de theologie et pasteur de 1'eglise de la ville de
suivi par Absalom revolte, quitta Jerusalem. II marchait Wittemberg. II jouit de la reputation d'un savant tres verse
en avant de 1'arche du Seigneur, que transportaient Sadoc dans la connaissance des langues orientales et de raTdheo-
et les levites, II Reg., xv, 24, dirigeant 1'ordre de cette logie hebraique. Son ouvrage le plus connu est sa Bre&is
pieuse translation. Mais, arrive au pied de la montagne Methodus linguae sanctse, in-8, Leipzig, 1718. II eut des
des Oliviers, il fut force d'obeir a David, qui refusait de discussions qui firent grand bruit avec J. Franite sur
faire partager ses humiliations a 1'arche sacree, et rentra 1'usage grammatical, prosodique et musical des accents
dans la ville, se privant cette fois de suivre son roi, pour hebreux, Accentus Hebrasorum, in-8, Leipzig, 1715.
monter une sainte garde pres de 1'arche du Seigneur. De Je- Parmi ses autres nombreuses publications, on remarqiue
rusalem, il continua a veiller avec Sadoc au salut du fugitif. ses Annotationes ad vaticinia Habacuc prophetse, i-4,
C'est par eux que David, instruit des projets d'Absalom et Wittemberg, 1752. II fut un des collaborateurs des Acta
de son conseiller Achitophel, passa de nouveau le Jourdain. eruditorum de Leipzig. Ses ecrits les plus interessants ont
Abiathar, dont la fidelite ne s'etait pas dementie dans ete inseres dans le T/iesaurus novus theologico-philolo-
1'epreuve, trahit David aux jours de sa prosperite. II gicus dissertationum exegeticarum ex Musseo Th. Hasaei
est probable que 1'autorite accordee dans la suite a son et Conr. Ikenii, 2 in-f, Leyde, 1732. Sur Abicht, voir
collegue Sadoc lui porta ombrage. Quand done Adonias E. Chr. Schroeder, Programma academicum in exequins
mecontent organisa un plan de revolte pour usurper le J. G. Abichli, Wittemberg, 1740; J. W. Berger, Oratio
trone, il trouva Abiathar pret a le soutenir. Ill Reg., I, 7. funebris in exequiis J. G. Abichti, Wittemberg, 1740;
Sur ces entrefaites, le saint roi mourut; ce fut Salomon M. Rauft, Leben Sachsischer Gottesgelehrten, t. i, p. 1,
qui eut la mission de punir les coupables; Adonias fut mis F. VIGOUROUX.
a mort, et Abiathar eut partage le meme sort, si un sen- ABIDA (hebreu : 'Abidd1, mon pere sait oa est
timent de piete filiale, qui fait honneur a Salomon, n'eut savant; Septante: 'Ageiod), un des fils de Madian, des-
47 ABIDA ABIGAIL 48
cendant d'Abraham et de Cethura. Gen., xxv, 4 ; I Par., cates, enfin une admirable dnergie dans 1'eniploi des
I, 33. moyens. Or chaque annee, a 1'occasion de la tondaison
des brebis, la famille de Nabal, suivant un usage uni-
ABIDAN (hebreu: 'Ablddn, mon pere est juge; versel, se mettait en fete : on le savait dans le voisinage,
Septante: 'A6t5av), chef de la tribu de Benjamin, au temps et les proprietaires voisins, les amis, n'oubliaient pas
de la sortie d'Egypte. II fit ses presents, comme les autres que la fete comportait un grand festin auquel ils etaient
princes d'Israel, pour la dedicace de 1'autel. Num, i, 11; convies, ou bien 1'envoi de presents offerts par le maitre
n,22; vu, 60, 65; x, 24. des troupeaux tohdus. Cf. II Reg., xm, 24-27. David,
ayant ete informe de ce qui se passait chez Nabal, crut
ABIEL, hebreu: 'Abiel, a mon pere est Dieu ou fort; 1'occasion favorable pour faire valoir ses services rendus,
Septante: 'A6tTJ>. le succes de ses armes contre les Arabes maraudeurs,
1'efficace protection exercee sur les troupeaux de Carmel;
1. ABIEL, pere de Cis, de la tribu de Benjamin, et et il pensait obtenir facilement une part dans les largesses
grand-pere de Saul, I Reg., ix, 1, et d'Abner, I Reg., de Nabal, d'autant plus que le desert de Pharan fournissait
xiv, 51. On ne doit pas identifier Abiel avec Jehiel ou Abi- si peu poursa subsistance! Malheureusement Abigail etait
gabaon. Celui-ci etait son pere. Mais Abiel est le meme absente quand se presenterent les envoyes de David. Elle
personnage que le premier Ner, I Par., vm, 33 et 30 (Sep- ignorait meme la demarche du royal fugitif et la reponse
tante); I Par., ix, 36, 39. Voici la table genealogique : impertinente de son mari, quand un de ses serviteurs
vint la prevenir que David, justement irrite, avait jure
Jehiel ou Abigabaon la ruine de Nabal, et qu'il se preparait a 1'heure meme
Abiel ou Ner a marcher sur lui avec tous ses gens. I Reg., xxv, 14.
Prudente autant qu'elle etait ferme, Abigail trouve a 1'ins-
tant le remede au mal. Elle fait apporter deux cents pains,
Cis Ner emplir de vin deux outres, cuire cinq moutons; elle y
joint cinq boisseaux de farine d'orge, cent ligatures de
Saul Abner raisin et deux cents gateaux de figues: tout cela est des-
tine a David, dont le ressentiment, pense-t-elle, s'apaisera
2. ABIEL, le m^rne qu'Abialbon (meme signification). en face de cette liberalite. C'etait, en effet, une offrande
Voir ABIALBON. considerable. Siba crut se montrer tres genereux envers
David en lui offrant plus tard une outre de vin, II Reg.,
ABIEZER, hebreu : 'Abl'ezer, mon pere est uri xvi, 1; Abigail en offre deux, et elles etaient sans doute
secours. Dans les Nombres, xxvi, 30, par contraction, de grande capacite, comme celles qu'on appretait avec la
lezer; hebreu: 'lezer; Septante: 'A6ieep, 'Ie?t. peau entiere d'un bouc; cf. Gen., xxi, 14; Jos., ix, 4,13;
Jud., iv, 19 (voir OUTRE); cf. Fillion, Atlas archeolog.,
1. ABIEZER, fils aine de Galaad, d'apres Num., xxvi, 30, p. 10 et pi. xv. Les cinq boisseaux (se'yim) de farine
et Jos., xvn, 2, ou fils de la sceur de Galaad, selon le d'orge (hebreu : qdli, ble grille, I Reg., xxv, 18; cf.
texte actuel des Paralipomenes, I Par., vn, 18. II fut le xvn, 17) representaient une quantite notable, carle se'dh
chef d'une des plus importantes families de la tribu de etait le tiers de Vephdh, et contenait environ treize litres.
Manasse, qui semble avoir eu d'abord ses possessions a Les Septante ont traduit cinq ephah, peut-etre parce
Test du Jourdain, avant de se fixer a Ephra, ou naquit que les cinq se'im paraissaient trop peu. Le present ap-
Gedeon, descendant d'Abiezer. Jos., xvn, 2; Jud., vi, 11, pele ligatures de raisin (hebreu : $immuqim) se compo-
24, 34; vm, 2, 32. sait de raisins desseches, presses, et mis en masses ou ga-
teaux. C'etaient un des meilleurs produits de la contree,
2. ABIEZER, d'Anathoth, de la tribu de Benjamin, etait car les alentours d'Hebron etaient plantes de vignes pro-
un des guerriers renommes de 1'armee de David. Pendant duisant un raisin excellent.
le neuvieme mois, il commandait les troupes de la garde Precedee de ses serviteurs et suivie de ce convoi, Abi-
du roi. II Reg., xxm, 27; I Par., xi, 28; xxvii, 12. gail, a 1'insu de Nabal, se dirigea vers la retraite de David,
qui etait, d'apres 1'hebreu et la Vulgate, le desert de Pha-
ABIGABAON (hebreu: 'Abt-gib'on, pere ou pos- ran ; d'apres les Septante, le desert de Maon. I Reg., xxv, 1.
sesseur de Gabaon; Septante: Ttarrip FaSawv), surnom Cette divergence peut se resoudre par la proximite de la
donne a Jehiel, possesseur de Gabaon et ance'tre de Saiil, partie septentrionale du desert de Pharan avec la partie
I Par., vm, 29. Voir JEHIEL et ABIEL 1. meridionale de celui de Maon, au sud de Juda. Voir MAON ,
PHARAN. Elle rencontra David au pied de la montagne
ABIGAIL, hebreu: 'Abigayil, mon pere est joyeux; (hebreu: beseter hdhar, dans la cachette de la mon-
Septante : 'Agcyata. tagne ) , probablement dans une retraite formee par une
depression de terrain, et, selon la coutume des Orientaux,
1. ABIGAIL, femme de Nabal, et plus tard epouse de descendant de sa monture, elle se prosterna deux fois en
David, a la suite de 1'incident rapporte au premier livre inclinant la tete jusqu'a terre. Elle se felicita bientot du
des Rois, xxv, 3-42. Elle habitait avec Nabal a Maon, sur parti qu'elle avait pris de venir au-devant de lui; car
la lisiere du desert de Pharan, vivant dans 1'abondance, David, apres s'etre repandu en reproches contre Nabal,
car son man etait fort riche en troupeaux de brebis et de 1'ecouta sans 1'interrompre. Le discours d'Abigail est aussi
chevres, qu'il entretenait pres de la, dans son domaine habile qu'eleve. I Reg., xxv, 24-31. Bien qu'elle n'aitete
de Carmel, au milieu d'un pays montagneux et tres fertile pour rien dans la reponse insolente de Nabal, elle prend
en paturages. Voir CARMEL 2. Us etaient de ces Israelites, sur elle-me'me toute la faute, et cependant elle se pre-
devenus rares alors, auxquels la vie agricole ne faisait sente avec confiance, car elle vient envoyee par Jehovah
pas oublier la vie pastorale de leurs ancetres. Le carac- pour empdcher David de commettre un crime, et lui offrir
tere d'Abigall contrastait d'ailleurs etrangement avec celui des presents qu'elle appelle du nom sacre de benediction,
de son mari. Celui-ci etait un homme dur, violent, ami I Reg., xxv, 27 (hebreu : berakdh, qui a le sens de present
de la bonne chere, et facilement entraine a rintempe- oflert avec bienveillance, benedicendo ei cuioffertur, ou de
rance. I Reg., xxv, 36. Elle, au contraire, possedait toutes celui de choses resultant de la benediction de Dieu; Sep-
les qualites d'une femme accomplie. A une rare beaute, tante : riXoyiav; cf. Gen., xxm, 11; II Cor., ix, 5). Apres quoi
elle joignait une grande maturite de jugement, une eton- elle se concilie, sans flatterie, Fesprit du heros irrite, en
nante decision, meme dans les situations les plus deli- affirmant de lui, ce qu'elle a sans doute appris de Samuel
49 ABIGAIL ABILA 50
ou d'un autre prophete, a savoir qu'il est 1'elu, le pro- ABIHAIEL. Voir ABIHAIL 1.
tege de Jehovah; que sa gloire sera grande; qu'il con-
sommera la ruhie de ses ennemis, et enfin qu'il devien- ABIHAIL, hebreu : 'Abihdyil, mon pere est puis-
dra le chef (hebreu : ndgid, praestans, eximius, dux) sant; Septante: 'A6r/atX.
d'Israel. II faut signaler, dans la peroraison de ce discours,
la belle image du jL 29. S'il s'elevait jamais quelqu'un 1. ABIHAlL (Vulgate : Abihaiel), pere de Suriel, qui,
qui cherchat a tuer David : Que votre vie, dit Abigail, au temps de Moise, etait chef de la famille levitique de
par la protection de Dieu, soil liee dans le faisceau des Merari. Num., HI, 35.
vivants! Cette expression : soit liee dans le faisceau
des vivants, demeure encore aujourd'hui la conclusion 2. ABIHAlL, femme d'Abisur. I Par., n, 29. (Quelques
de toutes les epitaphes qu'on lit sur les tombeaux des Juifs, manuscrits hebreux ont 'Abihdyil avec un he au lieu
en Orient; avec cette seule difference qu'on 1'ecrit en d'un Jieth; Septante : 'Agi^ata). Dans la Vulgate, on lit
abrege, avec les initiates n. 3. s. 3. n., t. n. $. b. h., corame Abigail. Voir ABIGAIL 3.
chez les Chretiens: R. I. P. Voir Pillion, Essais d'exe-
gese, p. 296. Le faisceau des vivants designe en general 3. ABIHAlL, fils de Huri, de la tribu de Gad. I Par.,
la societe des bons : dans la bouche d'Abigail, c'est cette v, 14.
societe encore sur la terre; dans les epitaphes, c'est cette
societe dans le ciel. II faut aussi remarquer 1'image expres- 4. ABIHAlL,fille, ou plutot petite-fille d'Eliab, frere aine
sive par laquelle Abigail represente 1'instabilite et la ruine de David. Elle epousa Roboam, roi de Juda. II Par., xi, 18.
des ennemis de David: Us seront comme une pierre tour-
noyant dans la cavite d'une fronde. I Reg., xxv, 29. 5. ABIHAlL, pere d'Esther et frere de Mardochee. Esth.,
David, apaise par ce discours, reconnait et admire 1'ac- n, 15; ix, 29.
tion divine qui, par le moyen de cette messagere, 1'em-
peche de repandre le sang. Les presents offerts et accep- ABILA, ville capitale de la tetrarchie des Lysanias. Elle
tes, 1'cpouse de Nabal revient a Maon, ou elle trouve son est a six heures de marche environ de Damas, a onze
farouche mari en pleine orgie, et dans un tel etat d'ivresse,
qu'elle ne peut 1'entretenir de ce qu'elle vient de fairc.
Elle le lui declare le lendemain; mais, soit par 1'effet de
son intemperance, soit par 1'irnpression du danger qu'il
a couru, Nabal demeure inerte et insensible; il est frappe
d'apoplexie et meurt dix jours apres. C'est alors que David,
encore sous le charme des brillantes qualites d'Abigail,
la fait demander en mariage. Avec une affectation tout 5. Monnaie d'un Lysanias d' Abilene.
orientale, celle-ci repond qu'elle n'a d'autre ambition que
de remplir les plus has offices pres de son seigneur. Fort Tete diademee de Lysanias, tournee a droite. fy Pallas debout,
tenant la Victoire de la main droite, la main gauche appuyee sur
honoree en realite, elle accepte la proposition, se leve, unbouclier. AYSAN10T [tcTpdtpxou] KAI APXIEPEilS.
et, montee sur un ane, elle suit, avec cinq jeunes filles a De Lysanias [tetrarque] et grand pretre.
qui 1'accompagnent, les messagers charges de la conduire
vers son nouvel epoux. heures de Baalbek. Ptolemee 1'appelle 'A6(Xa
Ce gracieux episode se passait vers 1055 avant J.-C., V, xv, 22. Elle tirai.t probablement son nom de la ferti-
d'apres la chronologic ordinaire. II met en relief le carac- lite de son sol, si ce nom vient du mot semitique 'dbel,
tere sage, doux et ferme d'Abigail, et fait de cette femme prairie, plaine verdoyante. Situee sur le versant oriental
la veritable heroine d'un petit drame ou 1'action de Dieu de 1'Anti - Liban , dans un district arrose par les eaux du
apparait toujours dominant les demarches des hommes et Barada (voir ABANA) , elle etait traversee par une des routes
conduisant leur coeur. Les interpretes ont vu, dans Abigail qui se dirigeaient de Damas vers la mer Mediterranee. On
epousant David apres la mort de son premier mari, 1'image y arrive aujourd'hui, par le sud, en se rendant de Damas
de 1'Eglise des gentils recevanx pour epoux Jesus-Christ a Baalbek. Apres avoir franchi une gorge etroite , on voit
apres la ruine du paganisme; ou encore 1'image de la tres s'etaler devant soi un vallon qui s'etend en longueur du
sainte Vierge, professant qu'elle ne veut etre que la ser- sud au nord. La il est ferme de nouveau par un etroit
vante du Seigneur, comme Abigail professait elle-meme passage ou coule le Barada, dans un lit qui n'a pas plus
ne vouloir etre que la tres humble servante de David. d'une cinquantaine de metres de largeur, entre deux murs
P. RENARD. de rochers a pic, hauts de deux cents a deux cent cinquante
2. ABIGAIL, soeur de David et de Sarvia. La Rible ne metres, sur une longueur d'environ cent quatre-vingts
la mentionne que comme un element genealogique. II Reg., metres. Voir le plan, fig. 6.
XVH, 25 (hebreu: 'Ablgal); I Par., n, 16-17. Elle etait C'est au milieu de ce vallon qu'a fleuri jadis la capitale
fille d'Isai, d'apres I Par., n, 13, 16; de Naas, d'apres de 1'Abilene. Elle est devenue aujourd'hui le petit village
II Reg., XVH, 25; difficulte communement resolue par de Souq-Ouadi-Barada (Foire de 1'ouadi Barada). Sa situa-
1'identification de Naas avec Isai. Quelques interpretes ce- tion est tres pittoresque. II s'eleve sur la rive droite de la
pendant regardent Naas comme un nom de femme, et en riviere, au milieu de jardins. Les inscriptions qu'on y a
font la mere d'Abigail. Elle avait par son pere huit freres, trouvees attestent que c'est la le site de 1'ancienne Abila.
I Reg., xvi, 5-11, bien que 1'auteur des Paralipomenes, Dans 1'une d'elles, qui a trait a la partie de la voie romaine
I Par., H, 13-15, n'en mentionne que sept, peut-etre taillee dans le roc vif , dont on voit encore les restes au
parce que le huitieme n'eut pas de descendants. Voir nord de Souq, il est dit des empereurs Marc-Aurele et
ISAi. L'un d'eux etait David, qui serait frere uterin d'Abi- L. Verus : Viam fluminis vi abruptam interciso monte
gail , si Ton fait de Naas un nom feminin et si Ton refuse restituerunt... impendiis Abilenorum.it Le nom d' Abila ne
d'identifler ce personnage avec Isai. Abigail epousa Jetra, s'est meme pas tout a fait perdu. Au sud-oucst de Souq,
II Reg., xvii, 25; I Par., H, 17; voir JETRA, dont elle eut sur la montagne , on voit un tombeau qui porte encore le
un fils, Amasa, celui qui prit parti pour Absalom centre nom de Kabr-Abil. Une fausse interpretation de ce nom
David, II Reg., XVH, 25, et devint chef de 1'armee des en a fait le tombeau d'Abel, fils d'Adam. Abila occupait
revoltes. P. RENARD. une plus grande etendue que le village actuel : elle s'eten-
dait plus loin au nord et a Test sur la rive gauche, comme
3. ABIGAIL, femme d'Abisur. I Par., n, 29. Dans 1'he- 1'attestent la route antique, un aqueduc, des tombeaux,
breu, on lit 'Abihdyil. Voir ABIHAIL 2. des ruines de temple , etc.
51 ABILA ABfME 52
La ville d'Abila n'est point mentionne dans 1'Ecriture, 1'Anti-Liban, et une partie des riches vallees arrosees par
mais elle donne son nom a 1'Abilene, dont parle saint le Barada. C'est un pays fertile, bien boise, arrose par de
Luc, in, 1. Cet evangeliste est d'ailleurs le premier qui nombreuses sources et abondant en paturages. Autant le
ait mentionne le nom de ce pays. Pendant les premiers versant occidental de 1'Anti-Liban est aride et desole,
siecles de 1'ere chretienne, Abila fut le siege d'un eveche autant, en general, le versant oppose est riche et ver-
dependant du patriarcat d'Antioche. Un de ses titulaires, doyant. Pour ce qu'on connait de 1'histoire de 1'Abilene,
appele Jourdain, assista au concile de Chalcedoine en 451; voir LYSANIAS. F. VIGOUROUX.
un autre, Alexandre, est nomme sous 1'empereur Justin,
ABIMAEL (hebreu: 'Abimd'el,<i mon pere est force,
ou pere de Mael ; Septante: 'A6t{iaeX), descendant de
Jectan. Gen., x, 28; I Par., i, 22. On le considere gene-
ralement comme le pere d'une des tribus arabes du sud.
Bochart croit que cette tribu est celle des Mali ou des
Mineens. Le nom d'Abimael, en arabe, serait Abouraail
ou Aboumal, ce que Ton peut interpreter par pere de
Mali ou des Malites . Mali est le nom d'une tribu de la
peninsule arabique, mentionnee par Theophraste, Historia
plantarum, ix, 4. Cette tribu parait etre la meme que
celle des Mineens, dont parlerit Eratosthene dans Strabon,
xvi, p. 1112, et Denis Periegete (edit. Bernhardy, vers
956-959, p. 288), par 1'effet de la permutation de I et de n.
Ptolemee, VI, VH, nomme aussi des Manites (Mavrrat) dans
le voisinage des Mineens. Cf. Bochart, Phaleg, n, 24,
Opera, Liege, 1692, t. i, col. 127-128. Dans les environs
de la Mecque, il y avait une localite appelee Mani. Aboul-
feda, Arabia, edit. Gagnier, p. 3, 42. Cf. Michaelis, Spi-
cilegium, t. n, p. 179 et suiv. F. VIGOUROUX.
ABIME. Mot par lequel nous rendons en francais le
terme latin de la Vulgate abyssus. Abyssus n'est lui-meme
que le mot grec agvidao; latinise, lequel, d'apres 1'ety-
mologie commune, est compose de 1'a privatif et de
Puffffo? = puOoc, fond, et signifie, par consequent, sans
fond. Les auteurs profanes, a 1'exception de Diogene
Laerce, IV, v, 27, ne 1'emploient jamais comme substantif,
mais toujours comme adjectif. Les Septante et les ecri-
vains du Nouveau Testament s'en sont servis comme d'un
substantif, d'ou le substantif abyssus de notre Vulgate.
Par la traduction latine des Livres Saints, le mot abyssus
est devenu familier a tous les Peres et ecrivains ecclesias-
tiques de 1'Eglise latine; mais il etait inconnu aux auteurs
I.Thuillier.delV classiques et on ne le rencontre jamais dans leurs ecrits.
l'aj>res J.L.Porter
6. Abila. Le mot abime a, dans 1'Ancien et dans le Nouveau
Testament, deux sens tres dillerents. 1 Dans 1'Ancien
en 518. Les Sarrasins prirent et saccagerent la ville en 634, Testament, il est la traduction du mot hebreu mnn,
tn mettant a profit une foire annuelle, qui avail reuni en tehom, qui designe les eaux primitives, Gen., i, 2; Ps. cm
ce lieu, ou il y avait un monastere celebre, un grand (hebreu, civ), 6, et la mer, Gen., VH, 11; vm, 2; Exod.,
nombre de marchands Chretiens, d'ou le nom de Souq (ou xv, 5, 8; Job, xxvm, 14; xxxvm, 16, 30; XLI, 23 (24);
foire )-Ouadi-Barada, qui lui a ete donne depuis. Voir Ps. xxxv (xxxvi), 7; LXXVI (LXXVII), 17; cv (cvi), 9;
E. Robinson, Later Biblical Researches in Palestine, cxxxiv (cxxxv), 6; Eccli., i, 2; XLII, 18; Is., LI, 10; LXIII,
1856, p. 478-484; J. L. Porter, Five years in Damascus, 13; Ezech., xxvi, 19; xxxi, 15; Amos, VH, 4; Jonas,
2 in-8, Londres, 1855, t. I, p. 262-273; Id., The Rivers ii, 6; Hab., in, 4, etc. Par extension, tehom, abyssus,
of Damascus, dans le Journal of sacred Literature, signifie les eaux souterraines, considerees comme une mer
juillet 1853, new series, t. iv, p. 248-255; Ebers1 et invisible, qui alimente les sources et les ileuves, Gen.,
Guthe, Palastina in Bild und Wort, 2in-f, Stuttgart, xnx, 25; Deut., xxxm, 13; Ps. XLI (XLII), 8; Ezech.,
1883, t. I, p. 456-460; Furrer, Die antiken Stddte und xxxi, 4. En hebreu, le mot tehom est principalement
Ortschaften im Libanongebiete, dans la Zeitschrift des employe dans des passages poetiques, et correspond, dans
deutschen Palastina-Vereins, annee 1885, t. vm, p. 40; le parallelisme synonymique, au mot yam, mer, ou
E. Schurer, Geschichte des judischen Volkes, 2e edit., 1.1, maim, eaux. Job, xxvm, 14; Ps. LXXVI (LXXVII), 17,
part, ii, Leipzig, 1890, p. 600-604. etc. C'est certainement une expression archaique, qui etait
II existait dans la Decapole, a Test du lac de Tiberiade, tombee en desuetude dans la langue vulgaire; mais comme
une autre ville du nom d'Abila, qui a ete quelquefois con- dans tous les temps la poesie a aime les archaismes, les
fondue a tort avec celle de 1'Anti-Liban. Voir DECAPOLE. poetes hebreux emprunterent le mot tehom a la Genese.
F. VIGOUROUX. II a disparu de toutes les autres langues semitiques connues
ABILENE ('AgiXvivY), Luc, HI, 1), tetrarchie dont Abila avant ce siecle : de la la difficulte qu'avaient les lexico-
etait la capitale. Voir ABILA. On ne peut determiner exac- graphes a en expliquer 1'origine. La decouverte et le dechif-
ternent quelle etait 1'etendue de territoire qu'embrassait frement de la langue assyrienne ont eclairci ce terme mys-
cette tetrarchie et ses limites geographiques. Elles varierent terieux. II est reste constamment en usage dans cette der-
d'ailleurs sous les differents princes qui la gouvernerent. niere langue, pour signifier la mer, sous la forme tihamtu
L'Abilene comprenait sans doute le district du haut Ba- (correspondant au tehomot hebraique). Nabuchodonosor
rada, au-dessus d'Abila, et s'etendait peut-etre au sud dit, par exemple, dans 1'inscription de Londres: istu tihamti
jusqu'a 1'Hermon. Elle devait, en tout cas, renfermer a 'aliti adi tihamti sdpliti, depuis la mer superieure jusqu'a
i'ouest le rersant oriental de 1'extremite meridionale de la mer inferieure. Cuneiform Inscriptions of Western
53 ABlME ABIMELECH 54
Asia, t. i, pi. 53, col. n, lig. 15-16. Dans tous les pas- de jurer 1'alliance, le patriarche se plaint de cette injus-
sages de 1'Ancien Testament, le mot tehom, abirae, tice. Abimelech 1'ignorait, Abraham n'ayant pas reclame;
a aussi le sens dte mer, ou un sens figure qui en derive. des la premiere reclamation, son droit est reconnu. Ce
Dans le livre de la Sagesse, x, 19, ou la Vulgate traduit point litigieux regie, Abraham offre des presents, et 1'al-
i'aSuffffoc du texte original par inferi, le mot grec signifie liance est conclue. Pour confirmer ses droits sur le puits
e'galement mer, et designe la mer Rouge. conteste, Abraham donna encore sept brebis, et Abimelech
2 Dans le Nouveau Testament, le mot abime (a6uff<yo?) s'en retourna avec Phicol, qui 1'avait accompagne. Gen.,
n'a jamais la signification de mer et d'amas d'eau ; il a xxi, 22-33. Voir PHICOL. E. MANGENOT.
toujours celle de sejour des morts. Les Grecs consideraient
le sejour des morts comme un lieu sans fond (tapTctpou 2. ABIMELECH, autre roi de Gerare du meme nom. II
aguffaa xa<r(JLaTa> dit Euripide, Phsen., 1632); Diogene vit pendant une famine Isaac arriversur ses terres, Gen.,
Laerce appelle , IV, v, 27, a6u<r<7ov le noir royaume de xxvi, 1. Serait-ce le roi que connut Abraham? Non. Quatre-
Pluton . C'est de la qu'a du venir le sens que les ecri- vingts ans separent les evenements, et la difference des
vains du Nouveau Testament ont attribue a ce mot. Saint caracteres denote des personnages distincts. Tous deux
Paul, Rom., x, 7, s'en sert pour designer les limbes ou craignent Dieu, il est vrai; mais les sentiments du second
les ames justes attendaient 1'arrivee du Messie. Saint Luc, . sont moins delicate, il temoigne a Isaac moins de bien-
VHI, 31, et saint Jean, Apoc., ix, 1, 2, 11; xi, 7; xvn, 8; veillance et moins de generosite que son predecesseur
xx, 1,3, qui sont, avec saint Paul, les seuls ecrivains du a Abraham. La ressemblance des noms ne saurait faire
Nouveau Testament qui aient employe ce terme , le pren- une difficulte. Le nom d'Abimelech a Gerare, comme celui
nent toujours en mauvaise part , pour signifier le lieu ou de Pharaon en Egypte, pouvait n'etre qu'un titre, selon
sont tourmentes les demons, 1'enfer. Le substantif aSrj;, 1'opinion commune, qui s'appuie sur la signification meme
traduit ordinairement dans la Vulgate par enfer , est du mot Abimelech, mon pere est roi. Cette denomi-
a peu pres synonyme d'aSynffo; dans le Nouveau Testa- nation est tres convenable pour un prince, qui doit etre
ment; 1'un et 1'autre correspondent au mot hebreu Vi*w, le pere de ses sujets en meme temps que leur roi. Mais
se'dZ, qui designe, dans la partie hebraique de 1'Ancien meme en admettant qu'Abimelech est un nom propre, il
Testament, la demeure des morts. Voir SE'OL, HADES. n'y a rien d'extraordinaire a ce que deux rois de la meme
F. VIGOUROUX. dynastie portent le meme nom; le fait est au contraire
ABIM^LECH, hebreu: 'Abimelek, mon pere est tres commun, et les listes royales de divers peuples nous
roi; Septante: ' offrent des noms semblables, comme les Ramses en
Egypte, les Sahnanasar en Assyrie, etc.
1. ABIMELECH est le nom, sinon de tous les rois de A 1'exemple de son pere et pour le meme motif, Isaac
Gerare, comme on le croit generalement , du moins de fit passer Rebecca, sa femme, pour sa soeur. Son sejour
deux princes de ce pays. Le premier etait contemporain au pays de Gerare durait depuis quelque temps deja,
d' Abraham. Quand le nomade patriarche vint sur ses terres, quand, d'une fenetre, Abimelech apercut Isaac usant en-
Sara , sa femme , qui passait pour sa scaur ( voir ABRAHAM) , vers Rebecca d'une familiarite qu'un frere ne se permet
fut enlevee par ordre d'Abimelech. Dieu, en songe, le pas a 1'egard de sa sceur. Apres avoir reproche au pa-
menaca de mort s'il la traitait comme son epouse. Le roi triarche sa dissimulation, qui exposait les habitants de la
ignorait que Sara etait mariee ; il n'etait done pas coupable. contree a se rendre coupables d'un grand crime, il defendit
Son excuse fut agreee par Dieu, qui d'ailleurs, connais- sous peine de mort d'attenter a son honneur et a celui de
sant sa bonne foi, 1'avait empeche par une maladie de sa femme.
commettre le crime. Le Seigneur 1'assura que, des que Isaac, tranquille desormais dans ce royaume, s'y livra
Sara serait rendue a son rnari , les prieres d' Abraham a 1'agriculture. La benediction divine faisant prosperer
obtiendraient la guerison d'Abimelech, tandis que la mort toutes ses entreprises, il acquit de grands biens. Les habi-
le frapperait, s'il la retenait aupres de lui. tants en devinrent jaloux, et, cedant au ressentiment,
Le roi, se levant de nuit, suivant la Vulgate; de grand comblerent de terre les puits qu'Abraham avait creuses
matin, d'apres le texte hebraique, raconta a ses courti- dans leur pays. Abimelech enjoignit a Isaac de quitter ses
sans rassembles par ses ordres le songe de la nuit. Tous terres; il redoutait sa puissance. Retire dans une vallee,
furent remplis d'effroi. Abimelech, faisant venir Abraham, Isaac se vit contrarie encore par les pasteurs, a 1'occasion
lui reprocha sa dissimulation , qui avait failli attirer sur lui de nouveaux puits ouverts par ses serviteurs. Gen., xxvi,
et sur son royaume les vengeances divines, et se plaignit 6-22.
de la defiance qu'il lui avait temoignee. La justification Retourne enfin a Bersabee, il y recut la visite d'Abi-
d'Abraham fit cesser heureusement le malentendu. Plus melech, accompagne de Phicol, son chef d'armee (voir
noble et plus genereux que le pharaon dans une circon- PHICOL), et d'Ochozath, son conseiller. Le roi, regrettant
stance analogue, le roi de Gerare combla de presents d'avoir renvoye un homme comble des faveurs divines,,
Abraham et son epouse, et au lieu de les obliger comme sollicitait de lui une alliance confirmee par un serment.
lui a quitter son royaume, il leur laissa la liberte de s'e- Le patriarche fit un festin, et apres que des serments red-
tablir a leur gre sur ses terres. A la priere d'Abraham, proques eurent scelle le pacte, il congedia ses visiteurs.
Dieu, selon sa promesse, guerit Abimelech et ses femmes Gen., xxvi, 26-33.
de la maladie qu'il leur avait infligee a cause de Sara, et Ces trois evenements ressemblent sensiblement aux epi-
qui les avait rendues steriles. Gen., xx. sodes qui signalerent les relations d'Abraham avec le pre-
Dans tout cet episode, Abimelech apparait comme un mier Abimelech. Les rationalistes en ont conclu que la
roi connaissant et craignant le vrai Dieu, aimant la justice Genese relatait sous des noms divers deux recits des m6mes
et ayant le crime en horreur. Son caractere religieux, faits. Les differences toutefois sont trop grandes pour con-
noble et loyal, se manifeste dans d'autres relations qu'il yenir a une unique serie de faits diversement racontes.
eut avec Abraham. A 1'epoque ou Agar et Ismael venaient Etant donnes la persistance des mceure et le retour des
d'etre renvoyes de la maison d'Abraham, il vint avec memes situations, des evenements analogues ont.pu faci-
Phicol , le chef de son armee , proposer au patriarche de lement survenir dans le meme pays, a des epoques rap-
contractor alliance. II a reconnu que Dieu est avec Abra- prochees et dans des circonstances differentes.
ham en toutes ses entreprises, lui dit-il; il demande en E. MANGENOT.
consequence, sous la foi inviolable du serment, d'etre 3. ABIMELECH. Fils de Gedeon et d'une concubine ou
traite , lui et sa posterite, avec la bienveillance qu'il a mon- femme de second rang, dont la Bible ne nous donne pas
tree precedemment envers son hote. Ses serviteurs s'etaient le nom. Josephe 1'appelle Apoufia;. Ant. jud., V, vii, 1.
ampares d'un puits creuse par les solos d'Abraham. Avant Abimelech etait le soixante-onzieme (d'apres quelques
55 ABIMELECH 50
exegetes, le soixante-dixieme) des flls de Gedeon, Jud., L'hebreu 'elon musdb, que la Vulgate rend par qtiercum
VIH, 30, 31; cf. ix, 5, et etait ne a Sichem. Lorsqu'a la gux stabat, est traduil par plusieurs exegetes: pres du
mort de son pere il vit que sa quality de flls d'une concu- chene du poste de Sichem, parce que dans Isale, xxix, 3,
bine 1'empechait de participer a la succession, son ambi- le mot musdb designe un poste militaire. D'autres voient
tion lui fit concevoir un projet aussi cruel qu'audacieux : dans musdb (participe passif hophal) un objet qui a ete
il rva de devenir roi d'Israel. Peut-etre la modestie de et demeure dresse, une sorte de monument, et traduisent:
son pere, refusant naguere 1'etablissement de la royaute pres du chene du monument. Quoi qu'il en soit, c'est
dans sa descendance, Jud., vin, 22, 23, avait-elle etc pour la que le meurtrier de ses freres fut acclame roi par les
lui 1'occasion de ce desir. Depuis la mort de Gedeon, ce habitants de Sichem et ceux de la maison de Mello (Bet
desir se transforma en une volonte arretee, au service de Millo'; Septante : Otxo; BrjOiiaaXio). Cette expression est
laquelle 1'ambitieux mit les plus sauvages passions. Calom- obscure: peut-dtre designe-t-elle la tour dont il est ques-
nier tous ses freres, pour les faire tous disparaitre et pou- tion plus loin, Jr. 46-49, car le mot Millo' est derive
voir regnersans rival, tel fut son plan. II s'en alia a Sichem, de maid', qui est employe dans la Bible dans le sens de
le pays de sa mere, ou il comptait trouver des appuis pour chateau fort, citadelle. Voir MELLO. II est possible qu'a-
1'executer. La, en effet, il rencontra des oncles rnaternels pres son election, Abimelech ait recu 1'onction royale,
qui 1'ecouterent, et se firent volontiers ses emissaires pour a laquelle Joatham semble faire allusion, Jr. S. Avec le
former un parti. Par leur intermediate, la haine des flls titre de roi, Abimelech inaugura un essai d'administration,
de Gedeon fut soufllee au cceur des Sichemites. On re- dont le premier fonctionnaire fut Zebul, gouverneur de
pandit le bruit que ces soixante-dix etrangers allaient se Sichem. II y eut aussi un commencement d'organisation
partager le pays et le reduire en une insupportable servi- militaire et financiere, toutes choses nouvelles en Israel.
tude. Ne vaudrait-il pas mieux pour Israel le gouverne- Pour le nouveau roi, il s'en alia vraisemblablement re-
ment d'un seul homme, choisi dans leurs rangs, connais- sider dans 1'heritage paternel, a Ephra, d'ou nous le ver-
sant leurs besoins et tout devoue a leurs interets? Get rons plus tard se mettre en marche sur Sichem.
homme, ce compatriote (os vestmm et caro vestra, Jud.. Le plan d'Abimelech etait realise et son ambition satis-
ix, 2), c'est Abimelech. Le succes etait facile. A quelle faite, lorsque s'eleva une protestation. Elle venait de
famille ne plairait-il pas de voir quelqu'un de son sang, Joatham, le fils de Gedeon echappe comme par miracle
de son esprit, de sa religion, au pouvoir supreme? D'apres au massacre. Ce fut pour le tyran une cruelle surprise,
Stanley, Jewish Church, 1.1, p. 353, le parti d'Abimelech quand on lui annonca que, sur 1'un des contreforts du
se serait etendu au point de constituer une veritable ligue Garizim les plus proches de Sichem, Joatham s'elail mon-
entre Sichem et les cites voisines, comme Thebes et Aru- tre vivant; qu'il avail, sous forme d'apologue, excite les
mah, qui plus tard, et sans doute pour les memes motifs, Sichemites a la revolle, comparant Abimelech leur roi
suivirent Sichem dans la revoke. L'enthousiasme etait tel, a un buisson d'ou sortirait bientot un feu qui devorerait
qu'on n'hesita pas, pour couvrir les frais du complot, a en- tous ses sujets; enfin que le peuple avail ecoute ce dis-
lever du tresor du temple une somme de soixante-dix sides cours sans protester. Jud., ix, 7-20. Non seulement il ne
<deux cents francs environ), qui y etait en depot. Jud., protestait pas; il commencait a porter avec peine le joug
ix, 4. Ce temple etait dedie a Baal, le dieu Soleil, divinite qu'Abimelech faisait peser sur lui. Cruel envers ses sujets
que les Sichemites s'etaient choisie, au mepris de Jehovah, comme il 1'avail ete envers ses freres, il regnail (1'hebreu
Jud., vin, 33. La Vulgate a reproduit ici, Jud., ix, 4, les porle ici sdrah, dominer, au lieu de malak, regner )
deux mots hebreux Ba'al berif, les unissant en un seul depuis Irois ans sur Sichem et une partie de la Palestine,
nom propre, tandis qu'au chapitre precedent, elle les separe lorsque la revolte eclata. La Bible dit sans restriction que
et en donne la traduction: le Baal de 1'alliance, Jud., sa domination s'elendail sur Israel, Jr. 22; mais il faut
vin, 33, ainsi nomme sans doute parce que, par une sorte manifeslement entendre cette expression dans un sens
de parodie du culte de Jehovah, les Sichemites contractaient restreint, puisque Bera, qui etait en Palestine, n'etait pas
alliance avec lui. Hengstenberg, Beitrdge zur Einleitung soumise a son autorite, ^.21. C'est de Sichem, sa capi-
ins Alte Testament, Berlin, 1839, t. HI, p. 98. tale, la ville de son election, que parlit le mouvement
Quant a la provenance de ce tresor, on pense qu'il avail insurrectionnel, mouvement dirige par la main de Dieu,
une double origine : il se composait des biens propres du qui, a cette heuine de ses justices, permettail a 1'esprit
temple et de ceux des particuliers qui, pour plus de se- mauvais de souffler la discorde et la rebellion jusqu'a
curite, y deposaient leur argent, cf. II Mac., HI, 10-11, amener ceux qui naguere avaient acclame 1'assassin de
de meme qu'on voyait les personnes s'y refugier. Plus ses freres a lui reprocher cette execution comme un crime
d'une fois, dans 1'histoire du peuple juif, le tresor du abominable. Abimelech n'elail pas a Sichem quand s'ourdit
temple sera employe pour des menees politiques, comme le complot, mais il devait y venir prochainement, et voici
dans cette circonstance, III Reg., xv, 18; IV Reg., xvm, ce qu'on avait resolu. Les Sichemites se porleraient en
15-16. II est a noter que le nombre de sides enleves armes sur les hauteurs voisines et se cacheraient en em-
et mis a la disposition de 1'aventurier est egal a celui de buscade dans les retraites de 1'Ebal et du Garizim. Us 1'at-
ses freres. On dirait que la tete de chacun d'eux est tendraient, se jetteraient sur lui au passage, et Israel serait
payee a 1'avance avec cet argent. Cette somme, toute mi- delivre. Cetle poignee d'hommes trouva un chef dans un
nime qu'elle est, suffit a soudoyer quelques vagabonds inconnu nomme Gaal, fils d'Obed, qui, plus violent que
avides de butin et d'aventures. A leur t6te, Abimelech les autres, porta a son comble 1'exasperation des Sichemites
marcha sur Ephra, sous quelque pretexte parvint a reunir centre Abimelech, Ji. 26-27. C'etait 1'epoque des vendanges.
ses freres, et, aide de ses sicaires, il les fit tous mourir. II est indubitable que le devastant les vignes de la Vulgate,
Ce fut une execution en regie : 1'un apres 1'autre et sur la Jud., ix, 27, est fautif, et doit sc traduire litteralement par
meme pierre, Jud., ix, 5, Us furent massacres. Le texte ils vendangeaient les vignes ; car le verbe ba$ar, que
dit que les soixante-dix freres perirent, parce que tel etait saint Jerome rend par devastant, designe partout ailleurs
le nombre de ceux qu'Abimelech voulait tuer; en realite, dans la Bible 1'action de vendanger. Lev., xxv, 5,11; Deut.,
soixante - neuf seulement succomberent: le dernier s'e- xxiv, 24. De meme, 1'expression foulant le raisin n'indique
chappa et survecut, pour assister plus tard a la ruine de point le pillage des vignes, mais Faction d'exprimer le vin
son persecuteur. en foulant le raisin; c'est le sens obvie du verbe ddrak.
Abimelech, se croyant seul maitre, se fit proclamer roi Cf. Jer., xxv, 30. Josephe affirme explicitement que les
(melek), comme il 1'avait reve. G'etait la premiere fois qu'un Sichemites etaient alors occupes a la vendange. Ant.jud.,
chef des Hebreux osait prendre ce titre. L'investiture royale V, vii, 3. C'est d'ailleurs le sens des Septante.
conserva d'ailleurs la simplicite de Fepoque patriarcale. Or, apres la vendange, de meme qu'apres la moisson, les
On se rendit a un chene ou terebinthe voisin de Sichem. Juifs avaient 1'habitude de faire une sorte de fe*te religieuse,
57 ABIMELECH ABISAG 58
consistant en sacrifices, repas, danses, cantiques de rejouis- de la meule mobile qui se trouve a la partie superieure
sance et d'actions vde graces. Ce sont ces chants que la Vul- des meulins a bras, topis vector; cf. Deut., xxiv, 6;
gate designe au jL 27, et qu'on a peine a expliquer, si II Reg., xi, 21), le lanca sur les assiegeants. Le tyran fut
Ton entend la premiere partie du yerset dans le sens de atteint et cut le crane fracasse. II allait mourir, quand la
devastation. Le mot hebreu hillulim, qui designe ces pensee d'avoir ete tue de la main d'une femme vint revolter
chants, vient de hdllal, louer, et n'est employe qu'une sa fierte. Appeler son ecuyer et lui ordonner de le trans-
seule fois ailleurs, Lev., xix, 24, ou il signifie les offrandes percer de son glaive fut le dernier acte de cet homme extra-
des nouveaux fruits de la quatrieme annee de la plantation ordinaire , dont la vaillance cut produit de grandes choses,
des arbres. Ces choeurs de vendangeurs retentissaient du si elle n'avait toujours ete au service de son ambition.
cri repete mille fois : Heddd ! heddd! dont parle Jeremie, P. RENARD.
xxv, 30. C'est au milieu de ces rejouissances que Gaal arriva, 4. ABIMELECH, nom donne dans le texte hebreu, I Par.,
produisant centre Abimelech ses excitations sauvages. XVIH, 16, a un fils d'Abiathar, grand pretre. C'est une
Un seul groupe d'hommes refusait de s'associer a cette erreur de transcription pour Achimelech ('Ahlme'lek),
revolution : c'etait le parti des fonctionnaires et de tous comme le prouvent plusieurs manuscrits, les versions (Sep-
ceux qui devaient leur position au nouveau roi. A leur tante, syriaq., chald., Vulg., arab.) et les lieux paralleles,
tete etait le gouverneur de la ville, Zebul. C'est lui qui II Reg., vm, 17; I Par., xxiv, 3, 6, 31. Voir ACHIMELECH 1.
secretement fit avertir le tyran de ce qui se tramait, lui
envoyant en meme temps un plan ainsi concu: Abimelech 5. ABIMELECH, nomattribue, dans le titre du psaume
devait se rapprocher de Sichem, ou Gaal et les siens ve- xxxin, a un roi philistin, appele ailleurs Achis, I Reg.,
naient de rentrer, puis se dissimuler dans les montagnes, xxi, 10-14. Quelques manuscrits hebreux et certaines
diviser sa troupe en quatre compagnies, chacune placee editions de la Vulgate portent Achimelech, qui doit se
en embuscade et prete a se rallier aux autres pour fondre decomposer peut-etre en Achis melech, le roi Achis.
sur Gaal, quand il sortirait de Sichem. Ce plan etait habi-
lement dresse; mais Abimelech, emporte peut-etre par ABINA (ou Rabina, abreviation de Rabbi Abina, selon
sa fureur, ne sut pas assez dissimuler sa marche, si bien une coutume de 1'epoque talmudique) fut le disciple de
que Gaal, sondant du regard 1'horizon en franchissant la R. Aschi dans 1'importante ecole de Sora, sur les bords
porte de Sichem, decouvrit ses bataillons. En vain Zebul de 1'Euphrate. II fut un de ses collaborateurs dans la com-
voulut lui donner le change, affirmant que c'etait 1'ombre pilation de la Ghemara ou Talmud de Babylone. On croit
des montagnes et non le rideau noir des troupes ennemies; meme qu'il 1'acheva et fut le dernier des Amoraim ou inter-
1'armee d'Abimelech etait depistee, Gaal suivait meme de pretes de la Mischna. II mourut vers 1'an 490. Voir TALMUD.
1'ceil un detachement qui s'engageait dans un sentier, en
face d'un chene isole (hebreu : dans le chemin du Te- ABINADAB, hebreu : 'Abindddb, mon pere est
rebinthe des magiciens, JL 37). Le moment etait de- genereux; Septante : 'A.u.tva8a6.
cisif; Gaal, s'armant de courage, lanca son armee sur
celle d'Abimelech, qui, superieure en nombre, forca les 1. ABINADAB, levite de Cariathiarim, dans la maison
Sichemites a reculer et a se renfermer dans leurs murs. duquel 1'arche reposa vingt ans. I Reg., vn, 1; II Reg.,
Ce n'etait pas une victoire; Abimelech le sentit et se retira vi, 3, 4; I Par., xm, 7.
a Ruma (hebreu : 'Arumdh), pret a profiter de la pre-
miere occasion. Elle se presenta le lendemain meme. Se 2. ABINAOAB, second fils d'Isa'i et frere de David. II
croyant en securite, les Sichemites etaient sortis pour suivit Saul dans sa campagne contre les Philistins. I Reg.,
aller a leurs travaux champetres; ce fut le moment que xvi, 8; xvn, 13; I Par., n, 13.
choisit Abimelech pour se venger. Divisee en trois troupes
et cachee par des plis de terrain, son armee, a un signal 3. ABINADAB, un des fils de Saul, tue a la bataille de
donne, se jeta sur les travailleurs et en fit un horrible Gelboe. I Reg., xxxi, 2; I Par., vm, 33; ix, 39; x, 2.
massacre. Deux des trois bataillons poursuivirent ensuite
ceux qui fuyaient dans la campagne, tandis que le troisieme 4. ABINADAB, pere d'un des douze officiers charges
vint assieger la ville, sous le commandement d'Abime- de la table du roi Salomon, III Reg., iv, 11.
lech, )L 43-44. Le siege dura un jour, et se termina par la
prise de la ville, qui par ordre du vainqueur fut rasee, et ABINOEM (hebreu : 'Abind'am, mon pere est
1'emplacement seme de sel, symbole de perpetuelle steri- agreable; Septante: 'Agcvee'jji), pere de Barac, dela tribu
lite. Deut., xxix, 23; Is., xvn, 6. Restait la citadelle: c'etait de Nephtali. Jud., iv, 6, 12; v, 1, 12.
peut-<Hre une dependance du temple de Baal (le sens du
mot $eriah n'est pas bien determine), lieu tres fortifie, ABIRAM (hebreu : 'Abiram, mon pere est eleve;
dans lequel s'etaient refugies les survivants. Centre eux, Septante : 'A6itp<iv), fils aine d'Hiel, de Bethel. II mourut
Abimelech se livra a une vengeance sauvage. Accompagne lorsque son pere, voulant rebatir Jericho, malgre la ma-
de ses soldats, il alia sur le mont Selmon, voisin de Si- lediction de Josue, en jeta les fondements. Ill Reg., xvi,
chem , celui dont il est question Ps. LXVII, 15, et tous re- 34; Jos., vi, 26.
vinrent charges de branches d'arbres, qu'ils entasserent
en un immense bucher autour de la citadelle. Abimelech ABIRON (hebreu : 'Abiram; Septante : 'ASsipwv),
y fit mettre le feu, et tous ceux qu'elle renfermait perirent fils d'Eliab, de la tribu de Ruben. II se joignit a Core et
asphyxies ou brules. De la le vainqueur marcha sur Thebes a Dathan dans la sedition qu'ils exciterent contre Molse
(peut-etre Toubas, au nord-est de Sichem; voir THEBES), et Aaron, au sujet de la souveraine sacrificature. La terre
dont les habitants s'etaient associes a la revolte. II y avait la, s'ouvrit pour engloutir tous les conjures. Voir CORE,
comme a Sichem et dans toutes les villes fortes, une tour Num., xvi, 1, 12, 24-27; Deut., xi/6; Ps. cv, 17; Eccli.,
qui servait de citadelle aux assieges. Quand la ville fut prise, XLV, 22.
les habitants s'y refugierent, et de la plate-forme ils se de-
fendaient en desesperes. A cette derniere etape de ses vic- ABISAG (hebreu : 'AbiSag, signification inconnue;
toires, Abimelech devait trouver le chatiment de ses crimes. Septante: 'AStaay), jeune fille originaire de Sunem ou
Vaillant autant qu'il etait cruel, il s'etait approche jusqu'au Sunam (aujourd'hui Solam ou Sulem), petite ville de la
pied de la tour, et il essayait d'y mettre le feu. A ce mo- tribu d'Issachar, au pied du Petit Hermon. Voir SUNAM.
ment, une femme, saisissant un morceau d'une meule de La beaute de cette jeune Israelite la fit choisir pour etre
moulin a bras (hebreu : pelaii rekeb; mot a mot, le la compagne de David dans sa vieillesse. Ill Reg., i, 3.
fragment [de meule] courant, c'est-a-dire le morceau Ce prince devait alors avoir soixante-dix ans; les travaux
59 ABISAG ABISUR 60
excessifs de sa laborieuse carriere Vavaient epuise, et dables du geant Jesbibenob, qui avait a sa lance un fer
malgre tous les expedients ses membres demeuraient gla- du poids de plus de huit livres; Abisai s'elanca sur le
ces. C'est alors que ses serviteurs (ses medecins, d'apres Philistin et le tua. II Reg., xxi, 15-17.
Josephe, Ant. jud., VII, xiv, 3) lui donnerent un conseil Avec cette generosite et cette bravoure, Abisai possedait
qui aujourd'hui peut nous paraitre singulier, mais qu'il d'autres qualites qui le rendaient digne du commande-
faut juger d'apres le degre de civilisation, les moaurs et ment; il 1'exerca de bonne heure, et presque toujours sous
les usages recus au temps de David. Abisag fut done les ordres de Joab, son frere. Us mirent ensemble en de-
trouvee, entre toutes les filles d'Israel, la plus capable route les troupes d'Abner au combat de Gabaon. II Reg.,
d'assister le vieux roi, de le servir, et de lui rendre, en il, 24. Voir ABNER 1. II souilla malheureusement la gloire
partageant sa couche, la'chaleur naturelle qui 1'avait aban- qui lui revenait dans cette victoire en se faisant le com-
donne. Cf. Cornelius a Lapide, in hunc locum. La jeune plice de Joab, lorsque celui-ci assassina Abner pour venger
vierge fut amenee a Jerusalem et donnee a David en qua- Asae'l, leur plus jeune frere, tue par le general d'Isboseth
lite d'epouse de second rang, condition normale et exempte a cette journee de Gabaon. Ce fut Joab qui donna le coup
de tout caractere criminel, etant donnee la tolerance de la mortel, mais en presence et avec 1'assentiment d'Abisai,
loi divine a 1'egard de la polygamie a cette epoque. Le roi auquel 1'Ecriture attribue 1'attentat aussi bien qu'a son
1'accepta comme telle (saint Jerome, Theodoret, Angelome frere. II Reg., in, 30.
et presque tous les exegetes, centre Tostat et quelques Abisai joua un role considerable dans les diverses guerres
autres), et si, en recevant d'elle les services dont il avait qu'entreprit David devenu roi de tout Israel. Nous voyons
besoin, il respecta son integrite, cette reserve elle-meme, le frere de Joab paraitre en particulier avec honneur dans
toute a la louange de David, insinue qu'il aurait pu legi- deux expeditions importantes. II defit d'abord les Idu-
timement agir d'une autre maniere. Abisag demeura pres meens, auxquels il tua dix-huit mille hommes dans la
de lui jusqu'a sa mort, et fut ensuite recherchee en ma- vallee des Salines, et il etablit des garnisons dans le pays
riage par Adonias, le quatrieme des fils de David, III Reg., pour en assurer la possession au roi d'Israel. I Par., xvm,
n, 17-25; cette demande cachait une menee politique contre 12-13. David etait sans doute present a cette bataille, et
Salomon; car epouser les femmes d'un roi defunt, c'etait c'est pourquoi on lui en attribue ailleurs le succes. II Reg.,
affirmer qu'on avait droit a sa succession. Adonias, deja VIH, 13. Plus tard, dans une autre guerre dirigee contre
econduit une premiere fois, revenait a ses desseins et les Ammonites ligues avec les Syriens, Joab attaqua ces
voulait trouver en Abisag un moyen dissimule d'arriver a derniers, et laissa a Abisai le soin de combattre les pre-
la royaute. Mais Salomon comprit la fraude, et repondit miers. Des deux cotes 1'ennemi fut mis en fuite, et chacun
a Adonias en le faisant mettre a mort. P. KENARD. des deux freres remporta une victoire complete. II Reg.,
x, 9-14; I Par., xix, 11-15.
ABISAI, hebreu: 'AbiSai ('AMai, I Par., n, 17, etc., La revolte d'Absalom trouva Abisai toujours fidele a
mon pere est un don; Septante: 'Agenda, 'A6i<rou, etc.), David. II recut le commandement de 1'un des trois corps
fils de Sarvia, soaur de David. Quoique neveu de ce prince, d'armee formes a cette occasion. Conjointement avec Joab
il etait presque du meme age; car son oncle n'avait qu'en- et Ethai, il battit et dispersa 1'armee du rebelle, II Reg.,
viron vingt-huit ans quand lui-meme nous est presente xvm, 2; mais il ne prit aucune part a sa mort, et n'en-
pour la premiere fois par 1'ecrivain sacre comme un soldat courut pas par consequent comme Joab, qui avait tue ce
deja aguerri, I Reg., xxvi, 6. Sa parente avec David, son prince, la disgrace de David. Au contraire, lorsque Amasa,
devouement a la personne de son oncle et sa rare bra- a qui le roi avait promis la succession de Joab, tarda d'ar-
voure firent de lui un personnage important. L'historien river avec les forces destinees a reprimer la sedition de
sacre le compte parmi les vaillants d'Israel ; s'il n'arriva Seba, c'est lui que son oncle mit a la tete des troupes dis-
pas a etre un des trois premiers, il fut du moins le chef ponibles pour aller etouffer sans retard cette revolte nais-
et le plus renomme des trois seconds; dans une circons- sante. II Reg., xx, 6. II fut ainsi investi du commandement
tance, il tua trois cents ennemis. II Reg., xxm, 18-19; supreme. II y en a cependant qui regardent comme invrai-
I Par., xi, 20-21. semblable que les soldats de Joab, expressement nommes
II s'etait attache de bonne heure a la fortune de David, et au y. 7, aient consent! a marcher sous un autre chef, et
nous le voyons aupres de lui des le temps de la persecution que lui-meme ait fait partie de cette expedition sous les
de Saul. C'est a cette epoque que remonte le premier trait ordres de son frere. Us pensent done que, conformement
de courage de ce heros dont 1'Ecriture nous ait conserve a la version syriaque et au recit de Josephe, David confia
le recit. Saul etait venu, a la tete de trois mille hommes, le commandement, non a Abisai, mais a Joab. II est cer-
traquer David dans le desert de Ziph. Le proscrit resolut tain du moins qu'Abisai coopera a la defaite de Seba.
d'aller la nuit jusqu'au roi endormi au milieu de son camp II Reg., xx, 10.
d'Hachila. Qui vient avec moi? dit-il a Abisai et a A partir de ce moment, la Bible ne nous apprend plus
1'Hetheen Achimelech. Moi! repondit Abisai, tandis rien de ce heros. Par son genereux devouement et son
qu'Achimeiech gardait le silence. A la faveur des tenebres inviolable fidelite, par sa force, sa vaillance et son audace
etdu'sommeil ou tout le monde etait plonge, 1'oncle et intrepide, Abisai avait ete 1'un des plus dignes compagnons
le neveu penetrerent dans le camp jusqu'a la tente royale. et des plus remarquables auxiliaires de David.
Abisai proposa de profiter de 1'occasion pour en finir d'un E. PALIS.
seul coup avec Saul, en le percant de sa lance; mais ABISll, hebreu : 'Ablsu'a, mon pere sauve ou
David, qui ne pretendait que prouver une seconde fois, est le salut .
ct. I Reg., xxiv, a son persecuteur sa moderation et sa
loyaute, Ten empdcha, et lui ordonna d'enlever seulement 1. ABISUlk (Septante : 'Agsaaoui), fils de Rale, le fils
au roi sa coupe et la lance qu'il avait plantee en terre alne de Benjamin. I Par., vm, 4.
a cote de sa tete. I Reg., xxvi, 1-12. Ce ne fut pas la
seule fois que David dut moderer le zele d'Abisai contre 2. ABISUt (Septante: 'Agierou, 'Agroui), fils de Phi-
ses ennemis : s'il ne 1'eut arrete, a 1'epoque de la revolte nees, le grand pretre; il succeda a son pere et fut le qua-
d'Absalom, Semei, partisan du rebelle, aurait paye de sa trieme grand pontifedes Hebreux. I Par., vi, 4, 5, 50. II
tete ses injures centre le roi. II Reg., xvi, 9-10; xix, 21-22. est mentionne parmi les ancetres d'Esdras. I Esdr., vn, 5.
Ce devouement, qu'Abisai poussa trop loin dans ces cir-
constances, il en donna a David une preuve eclatante dans ABISUR (hebreu: 'AbiSur, mon pere est un rem-
une autre occasion. Pendant une guerre contre les Phi- part, une defense; Septante: 'Agtaoyp), second fils de
listins, il lui sauva la vie au moment ou, fatigue par un Semei, de la tribu de Juda; il epousa Abigail (hebreu:
long combat, il allait succomber sous les coups formi- 'Abihdytt). I Par., II, 28, 29. Voir ABIGAIL 3.
61 ABITAL ABNER 62
ABITAL (hebreu: 'Abital, mon pere est la rosee; d'Abiu et de Nadab, prirent les cadavres dans 1'etat ou la
Septante : 'A6iTaX), sixieme femme de David et mere de mort les avait frappes, encore vetus de leurs tuniques de
Saphatias, cinquieme fils du roi-prophete. II Reg., HI, 4; lin, et les jeterent hors du lieu saint. II fut permis aux
I Par., m, 3. Israelites de pleurer sur eux et de leur faire des funerailles.
Pour les pretres, que leurs fonctions attachaient plus etroi-
ABITOB (hebreu: 'Abitub, mon pere est bon; Sep- tement a la cause de Dieu, il leur fut interdit et de porter
tante : 'A6tTioX), Benjamite, fils de Sahara'im et de Husim, le deuil et d'assister a la sepulture des victimes, ce qui
Tune de ses femmes. I Par., vm, 8,11. (La Vulgate porte, aurait paru une sorte de disapprobation de la conduite de
au verset 11, Mehusim; mais, dans 1'hebreu, mehitsim Dieu. Abiu et son frere ont e"te sou vent presentes, par les
signifie de ffusim.) auteurs spirituels, comme des exemples capables d'inspirer
aux pretres de la loi nouvelle un grand respect de leurs
ABIU (hebreu: 'Abihu', mon pere est Jehovah; Sep- fonctions et une crainte salutaire dans 1'exercice du culte
tante : 'A6tou6), fils d'Aaron et d'Elisabeth, Exod., vi, 23, divin. P. RENARD.
frere de Nadab, d'Eleazar et d'lthamar. II fut admis, sur
1'ordre de Dieu, a 1'honneur de monter sur le Sinai avec ABIUD, hebreu : 'Abihud, mon pere est honneur
Mo'ise, Aaron son pere, Nadab son frere, et les soixante- ou gloire; Septante: 'A6toOS.
dix notables ou anciens. Exod., xxrv, 1, 9. II participa avec
ses freres aux ceremonies de 1'institution du sacerdoce 1. ABIUD, fils de Bale et petit-fils de Benjamin.
levitique, et avec eux il assista Aaron dans 1'oblation des I Par., vm, 3.
premiers sacrifices, Lev., vm, ix: toutes choses qui eussent
fait de cette fete un jour de joie parfaite, si la fin n'avait 2. ABIUD (Nouveau Testament: 'AgtouS), filsde Zoro-
ete attristee par la mort violente de deux de ces pretres, babel, dans la genealogie de Notre - Seigneur par saint
Abiu lui-meme et son frere Nadab. Par quelle faute en- Matthieu, I, 13.
coururent-ils la colere de Dieu? Apres de longues et sa-
vantes discussions sur ce sujet, la lumiere n'est pas encore ABLUTION. Voir PURIFICATION.
faite. Le texte dit seulement qu'Abiu, avec son frere, offrit
au Seigneur, dans la cassolette a encens, un feu etranger ABNER, hebreu: 'Abner et 'Ablner, mon pere est
et prohibe. Lev., x, 1. L'archeologie biblique ne nous la lumiere, ou pere de la lumiere; on lit 'Abiner I Sam.
fournit aucune donnee pour preciser avec certitude cette (I Reg.), xiv, 50, dans le texte original; partout ailleurs
expression vague. Suffirait-il, pour 1'expliquer, de dire 'Abner; Septante: 'ASevv^p.
que 1'encens jete sur les charbons ardents avait ete pre-
pare d'une maniere differente de celle que Dieu avait pres- 1. ABNER, fils de Ner, de la tribu de Benjamin, ge-
crite? Exod., xxx, 34-38. Selon cette interpretation, les neral en chef de 1'armee de Saul. II est le premier a qui ce
mots feu etranger ne devraient pas s'entendre dans le titre ait ete donne dans la monarchie juive, parce qu'il n'y
sens propre. Le feu designerait un sacrifice, et 1'epithete eut pas d'armee proprement dite chez les Israelites avant
etranger signifierait que ce sacrifice aurait ete offert d'une Saul. Voir ARMEE. Ce prince, qui fut un roi soldat, organisa
maniere irreguliere. Keil, Commentar uber die Bucher une armee reguliere permanente de trois mille hommes,
Moses, in h. 1. D'autres cherchent la faute dans 1'heure I Reg., xin, 2; elle servit de noyau au reste de ses troupes,
a laquelle cet encens etait offert, Dieu ayant determine et lui permit d'entreprendre d.esormais des guerres offen-
pour 1'oblation des parfums deux moments de lajournee, sives. II en confia le commandement a son cousin Abnef,
le matin et le soir. Exod., xxx, 7-8. Knobel, in h. I. le plus brave parmi les guerriers qu'il s'etait choisis pour
Malheureusement cette supposition ne repose sur aucun lutter avec succes contre les Philistins. I Reg., xiv, 50, 52;
fondement. II faut en dire autant de celle qui voit le delit xvn, 55; xxvi, 15. Cependant il resta lui - meme le veritable
dans 1'etat d'impurete ou d'ivresse ou se seraient alors chef de son armee dans toutes les guerres qu'il soutint
trouves Abiu et Nadab. D'apres 1'interpretation la plus ou entreprit; nous ne voyons jamais Abner conduire une
generalement adoptee et la plus vraisemblable, Abiu et expedition en 1'absence du roi, comme plus tard Joab le
son frere, voulant sans doute rendre graces a Dieu de leur fit plusieurs fois sous David.
elevation au sacerdoce, au lieu de prendre du feu sur Le role du general fut done assez efface tant que vecut
1'autel des holocaustes, avaient ete le chercher dans un Saul; 1'historien sacre ne raconte de lui, pendant cette
foyer profane. A cette explication, qui est celle de tous les periode, aucun fait important. II nous apprend seulement
anciens commentateurs et de la plupart des modernes, qu'il etait, en sa qualite de general en chef, le commensal
on objecte que 1'ordre de se servir d'un feu pris a 1'autel de Saul avec Jonathas et David, et il nous le montre a cote
des holocaustes n'avait pas encore ete formule, et que, du roi dans deux circonstances : d'abord le jour du combat
meme lorsqu'il le fut, il ne concerna que le sacrifice des de David contre Goliath, dans la vallee du Terebinthe,
parfums, offert dans le grand jour de 1'expiation annuelle, I Reg., xvn, 55-57; ensuite lorsque, au desert de Ziph,
ou le grand pretre entrait dans le Saint des saints. Lev., il s'endormit aussi profondement que les autres, et ne
xvi, 12. Cette difficulte est facilement soluble, si 1'on re- s'apercut pas que David, accompagne d'Abisai, enlevait a
marque que tous les sacrifices de mme nature s'offraient Saul sa coupe, avec la lance qu'il avait plantee en terre tout
d'apres les memes rites, et que sans doute la mention pres de sa tete. I Reg., xxvi.
speciale exprimee a 1'occasion de la grande expiation n'est Apres la mort de Saul et de son fils Jonathas a la ba-
que 1'application d'une loi generate faite a un cas parti- taille de Gelboe, I Reg., xxxi, 6, Abner exerca effective-
culier. ment ses fonctions de general et devint le veritable chef,
Quoi qu'il en soit, Abiu recut, ainsi que son frere, le non seulement de 1'armee, mais encore de 1'Etat. Tandis
chatiment de sa transgression. Un feu sortit du Sei- que David recevait pour la seconde fois 1'onction sainte
gneur , c'est-a-dire probablement du Saint des saints, a Hebron et y etait proclame roi par la tribu de Juda,
et foudroya les coupables, sans consumer ni leurs corps, Abner emmenait Isboseth, quatrieme fils de Saul, a Ma-
ni meme leurs vetements; ils tomberent a 1'endroit meme hanalm, II Reg., n, 8, selon 1'hebreu, ville situee au dela
ou ils offraient 1'encens etranger, sans doute a 1'entree du du Jourdain, non loin du gue du Jaboc. Voir MAHANAIM.
tabernacle. Lev., x, 2. En presence de cette mort fou- La, a 1'abri des attaques des Philistins, il fit reconnaitre la
droyante, Aaron se tut, reverant dans sa douleur 1'inexo- royaute de ce prince d'abord dans tout le pays a Test du
rable justice de Jehovah, tandis que Moise, sur 1'ordre Jourdain, et ensuite, successivement, dans les diverses
de Dieu, expliquait ce terrible chatiment, et justifiait la contrees a 1'ouest du fleuve, sauf le territoire de la tribu
colere du Dieu trois fois saint. Misael et Elisaphan, parents de Juda.
63 ABNER
Benjamite comme Saul et son proche parent, puisqu'ils adopte que par de rares interpretes, et Ton admet gene-
etaient fils de deux freres, Abner fut-il inspire en cette ralement que les choses se passerent comme le dit la Vul-
circonstance par 1'esprit de famille et de tribu? Ceda-t-il gate. Les soldats des deux armees se precipiterent aussitot
a 1'ambition? Ou bien pensa-t-il simplement servir la cause en avant, et la melee devint generale. Apres un rude combat,
de la justice et defendre les droits d'Isboseth ? C'est ce les soldats d'Abner cederent; Iui-m6me fut entraine dans
qu'on ne saurait decider avec certitude. II semble qu'il la deroute. L'agile Asael, le plus jeune des freres de Joab,
pouvait de bonne ibi proclamer roi Isboseth, quoique le s'elanca a sa poursuite. Abner, se sentant serre de pres,
droit de David a la couronne fut etabli par le fait de se retourna par deux fois, et engagea le jeune guerrier
1'onction royale, que Samuel lui avait conferee sur 1'ordre a le laisser pour en attaquer d'autres, et a ne pas le con-
de Dieu meme, I Reg., xvi, 1-13; car cette consecration traindre de le tuer. II montra assurement de la moderation
etait restee secrete. On n'avait pu faire, touchant la future en cette circonstance, et Ton a avec juste raison loue sa
royaute de David, que des conjectures fondees sur sa generosite. Mais il avait encore un autre motif de ne point
vertu, sa bravoure, sa popularite toujours croissante. Une tuer Asael, c'est celui qu'il lui declare lui-meme. II Reg.,
prophetic de Samuel annoncant a Saul, avant meme le n, 22. II savait que Joab, dont il connaissait le caractere
choix divin de David, que Dieu lui oterait la couronne vindicatif, ne manquerait pas de se constituer le vengeur
pour la donner a un autre meilleur que lui, I Reg., xv, 28, du sang de son frere, Gen., xxxiv, 30; Num., xxxv, 19;
devait corroborer ces conjectures. Elles etaient devenues II Reg., xiv, 7,11, selon une coutume en vigueur en Orient,
pour Jonathas une certitude vers la fin du regne de son et qui existait meme en Grece, temperee par la compo-
pere, et cependant il ne connaissait pas 1'onction royale sition ou rachat, comme 1'attestent les plaidoyers de De-
de David, ou du moins il ne lui en parla pas. 1 Reg., mosthene contre Pantenete, 58-59, et centre Theocrine, 28.
xxiv, 21. Abner pouvait done 1'ignorer lui-meme au mo- Voir, dans Ylliade, la description du bouclier d'Achille,
ment de la mort de Saul, bien qu'il paraisse 1'avoir connue xvin, 497 et suiv., et le discours d'Ajax, ix, 629 et suiv.
plus tard, II Reg., HI, 9-10, 18, et voir par consequent C'est pourquoi, aujourd'hui encore, les Arabes evitent
dans Isboseth le legitime successeur de son pere. La de- tant qu'ils peuvent de tuer personne dans leurs razzias,
termination qu'il prit d'etablir la royaute de ce prince, et de peur de s'attirer d'inevitables represailles. C'est cette
1'habilete qu'il deploya pour 1'affermir et 1'etendre, retar- crainte surtout qui retenait Abner, et la suite du recit fait
derent de sept ans et demi 1'union de tous les Israelites voir combien elle etait fondee. II Reg., HI, 27. Cependant
sous le sceptre de David. II Reg., n, 11. le jeune homme avancant toujours, il lui enfonga dans le
Cette duree du schisme ainsi precisee est assez difficile ventre la hampe de sa lance, et, 1'ayant etendu mort a ses
a concilier avec ce qui est dit, II Reg., n, 10, qu'Isboseth pieds, il reprit sa course.
regna deux ans sur Israel; les commentateurs donnent II put enfin, au coucher du soleil, rallier les siens sui
de ce passage diverses explications, qui laissent toutes la un monticule, et faire volte-face a 1'ennemi. Elevarit alors
question indecise. Voir ISBOSETH. Us ne trouvent pas moins la voix, il reprocha a Joab cette poursuite sans merci de
de difficulte pour suppleer a la sobriete du recit biblique ceux qui etaient ses freres par la religion et par le sang,
relatif aux evenements de cette periode, surtout en ce qui et lui representa qu'il n'etait pas prudent de pousser a bout
regarde David, qui parait s'etre renferme vis-a-vis du un ennemi et de le reduire au desespoir. Vive le Sei-
royaume du nord dans une politique d'expectative et de gneur! lui repondit Joab; si tu avais parle ce matin, le
paix armee. Abner 1'en fit sortir en quittant Mahana'im peuple aurait cesse de poursuivre son frere. II Reg., n, 27.
et en franchissant le Jourdain, sans doute dans le dessein D'apres 1'hebreu, la reponse de Joab aurait ete: Si tu
d'etendre plus avant vers le sud la puissance d'Isboseth. n'avais pas parle ce matin, etc., c'est-a-dire si tu ne nous
II Reg., n, 12. Joab, general de David, accourut d'Hebron avais pas provoques. Joab semble dire que les deux armees
et vint a sa rencontre. Les deux armees se trouverent en se seraient retirees sans combattre, ce qui s'accorderait
presence a Gabaon, 1'El-Djib moderne, a deux lieues au assez avec la moderation de David dans sa lutte contre
nord-ouest de Jerusalem, pres d'une vaste piscine, Jer., Isboseth. Joab sonna done de la trompette et arreta la
XLI, 12, representee vraisemblablement de nos jours par poursuite. II n'avait perdu que dix-neuf hommes, non com-
la source d'Ain el-Djib. Elles etaient campees en face 1'une pris Asael, tandis que 1'on compta trois cent soixante morte
de 1'autre, des deux cotes de la piscine, lorsque Abner du cote d'Abner.
proposa un combat singulier entre quelques hommes des Le recit de ce combat est suivi de ces simples paroles;
deux camps; Joab accepta. Plusieurs, s'appuyant sur le II y eut done entre la maison de David et celle de Saul
verbe jouer , dont se sert Abner, II Reg., n, 14, ont une longue lutte, au cours de laquelle David progressait
pense qu'il n'avait en vue qu'une sorte de divertissement et se fortifiait sans cesse, tandis que la maison de SaiiJ
militaire, pour montrer la bravoure de ses soldats; sa allait s'affaiblissant de jour en jour. II Reg., in, 1. Cette
proposition meriterait certainement, dans ce cas, le blame decadence de la maison de Saul se fit sans doute par des
que lui inlligent beaucoup de commentateurs, quoiqu'il moyens politiques plus que par les armes, car la Bible ne
ne faille pas juger trop severement d'apres nos idees et mentionne aucune bataille depuis celle de Gabaon. Abner
nos moeurs les faits de ces temps anciens, et les actes dut se detacher peu a peu d'une cause qui perdait tous
d'hommes qui faisaient metier de se battre. Cependant on les jours du terrain, jusqu'a ce qu'enfin Isboseth lui-meme
croit plus communement, d'apres 1'ensemble du recit, lui fournit 1'occasion de s'en separer tout a fait et de 1'aban-
qu'Abner proposa de substituer un combat de quelques donner. II lui reprocha d'avoir epouse (c'est d'une union
champions a une bataille generale, soit qu'il vouliit epar- legitime que les commentateurs croient generalement qu'il
gner le sang de ses soldats, soit que, comme certains in- s'agit) une femme de second rang de Saul, Respha, qui
terpretes 1'ont conjecture, voyant 1'inferiorite de ses troupes, avait survecu a ce prince. Voir RESPHA. D'apres les idees
il eut dessein de sauver ainsi son honneur, en ne se reti- de 1'Orient, c'etait faire acte de pretendant, le roi seul
rant pas sans avoir au moins donne cette preuve de ayant le droit d'epouser les femmes du roi defunt. Grotius,
courage. in h. L; cf. II Reg., xvi, 21; III Reg., n, 22, et les fails-
Si telles furent ses intentions, 1'evenement ne repondit rapportes par Herodote, HI, 68, et Manethon, dans Jo-
pas a son attente. Douze hommes de Benjamin et douze sephe, Cont. Apion., I, xv. Voir ABSALOM et ADONIAS.
de ceux de David s'avancerent. Usant tous de la meme On ne dit pas qu'Abner ait nie le fait, mais il regarda ce
tactique, chaque combattant saisit d'une main son adver- reproche comme un outrage qu'un homme de son rang
saire a la tete, et de 1'autre lui enfonca son epee dans les ne devait pas souffrir; il rappela a Isboseth, en termes
flancs; ils s'entretuerent tous en un instant. Le texte durs et huiniliants, qu'il lui etait redevable de la couronne
hebreu permettrait bien a la rigueur de soutenir que les et de la liberte meme, et lui jura qu'il allait le punir de
douze Benjamites furent seuls tues; mais ce sens n'a etc son ingratitude en travaillant a ruiner sa cause et a faire
65 ABNER - ABNET 66
regner David sur tout Israel. Le faible prince, qui avait sans avoir a repandre une goutte de sang. Le roi tenait
peur de lui, se tut; mais cet humble silence ne desarma d'ailleurs Abner en tres haute estime, et le considerait
pas la colere d'Abner: il se mit incontinent en devoir d'ac- comme le premier entre les vaillants de Saul. I Reg.,
complir son serment. xxvi, 15; cf. II Reg., m, 38.
II envoya secretement des emissaires a David pour lui David protesta publiquement et a diverses reprises centre
demander de faire amitie avec lui, s'engageant de son cote cet attentat, afin que chacun sut qu'il n'en etait complice
a le soutenir et a lui rallier tout Israel. David ne pouvait d'aucune maniere. II fit faire a Abnei des funerailles so-
qu'accepter une telle proposition; il y mit cependant une lennelles, et obligea Joab de porter le deuil de sa victime
condition: c'est qu'Abner, en venant traiter cette affaire, et de marcher devant son cercueil; lui - meme venait a la
lui ramenerait Michol, fille de Saul, qui etait toujours sa suite. II pleura sur sa tombe avec tout le peuple, celebra
femme legitime, I Reg., xvm, 27, quoique le roi son pere dans une courte elegie la vaillance d'Abner, et manifesta
1'eut fait epouser a Phaltiel de Gallim, apres sa rupture defi- son regret de ce que son pouvoir etait encore trop peu
nitive avec David. I Reg., xxv, 44. Rien de plus naturel affermi pour lui permettre de punir le meurtrier: Qu'a
que ce desir de David de rentrer en possession d'une epouse celui qui a fait le mal, ajouta-t-il, le Seigneur rende selon
qui lui avait d'ailleurs temoigne tant d'affection et de de- sa malice. II Reg., in, 39. C'etait une sorte de menace
vouement, I Reg., xix, 11-17, et dont il avait si cherement qui ne devait pas rester sans effet. De longues annees plus
aehete la main, I Reg., xvm, 20-28; mais il est permis tard, David, se sentant pres de sa fin, recommanda a Sa-
de supposer que la politique fut pour quelque chose dans lomon de ne pas epargner le fils de Sarvia, comme il avait
1'empressement qu'il mit a la rappeler: la presence de la ete oblige de le faire lui-meme, et bientot Joab expiait
fille de Saul devait contribuer a lui rendre favorables par une mort violente sa complicite dans les menees ambi-
beaucoup de partisans d'Isboseth, surtout parmi les Benja- tieuses d'Adonias, en meme temps que le meurtre d'Amasa
mites, et son voyage a Hebron servirait d'ailleurs de pre- et celui d'Abner. HI Reg., n, 5-6, 32-34.
texte a celui d'Abner. II la demanda directement a Isboseth, Les qualites d'Abner justifiaient la douleur que sa mort
a qui son titre de frere et de roi donnait autorite sur elle; causa a David, 1'estime que le roi avait toujours eue pour
le secret de ses negociations avec Abner exigeait du reste lui 'et les louanges qu'il lui donna en diverses circons-
que celui-^-.i ne parut pas dans une affaire qui etait a tances. Loyal, confiant, genereux, il savait, comme soldat,
1'avantage de David. II y en a cependant qui pensent allier le sang-froid avec le courage, et une grande mo-
qu'Abner n'agit pas secretement, et qu'il prepara ouver- deration avec le sentiment de sa force et de sa valeur.
tement et au grand jour 1'execution de la menace faite Comme homme d'fitat, il fit preuve d'habilete, d'esprit de
a Isboseth. Le secret fut du moins garde a Hebron, car suite, de perseverance pour etendre peu a peu les fron-
Joab ignora tout jusqu'a la fin. II Reg., in, 23. tieres du royaume d'Isboseth. II venait de donner, quand il
Abner se chargea d'aller prendre Michol a Gallim, et de mourut, une derniere preuve de ses talents diplomatiques
la conduire a Hebron avec une escorte de vingt hommes. dans ses negociations avec David. Mais malheureusement
A Bahurim (voir ce mot), il renvoya Phaltiel, qui 1'avait il ternit tant de belles qualites par 1'ambition, qui lui fit
suivie jusque-la en pleurant. Arrive a Hebron, il acheva continuer, sinon commencer un schisme national, afin
1'ceuvre commencee par ses emissaires en concluant avec de regner sous le nom d'Isboseth. S'il put, en effet, re-
David le traite qui faisait le veritable objet de son voyage. garder d'abord de bonne foi ce prince comme 1'heritier
II Reg., HI, 19. II avait eu soin de preparer avant son legitime du trone de Saul, comment admettre qu'il ignora
depart les esprits des anciens d'Israel, et en particulier de pendant plus de sept ans les droits de David a la cou-
ceux de Benjamin; il leur avait rappele les souhaits qu'ils ronne ? Le langage qu'il tint lui - meme, a 1'epoque de sa
formaient eux-memes depuis longtemps pour 1'avenement rupture avec Isboseth, semble ecarter cette supposition.
de David, III Reg., in, 17-19; la seule chose qui restait II Reg., in, 9-10, 18. Beaucoup regardent, et avecraison,
a faire etait done de s'entendre definitivement avec le roi ce semble, comme impossible que, Saul mort, David n'ait
sur les conditions de la paix et sur les moyens a prendre pas divulgue sans retard son election divine et sa conse-
pour la reunion des deux royaumes. II Reg., in, 21. cration par Samuel, et produit ainsi son titre incontes-
Quand tout fut regie, Abner quitta Hebron. Mais en ce table a la royaute d'Israel. Voir Hummelauer, Comment,
meme temps Joab y rentrait, de retour d'une expedition in lib. Samuelis, Paris, 1886, p. 285. D'ailleurs, la futi-
heureuse. On lui apprit 1'accueil honorable que David avait lite du motif pour lequel il abandonna Isboseth, et les
fait au chef de 1'armee d'Isboseth et 1'amitie qu'il lui avait ouvertures interessees qu'il fit aussitot apres a David,
temoignee. II courut aussitot chez le roi pour lui reprocher montrent assez clairement que, au moins a la fin, ce
d'avoir laisse repartir Abner, qu'il lui represents comme n'etait pas un zele bien convaincu pour les droits du fils
un fourbe, venu pour reconnaltre de pres l'tat de ses de Saul qui le faisait rester dans son parti. L'ambition
affaires, afin de pouvoir lui nuire plus surement; puis il 1'avait tenu hoi's du devoir; ce fut 1'ambition 'qui 1'y fit
sortit, et ayant, a 1'insu de David, envoye prier Abner, rentrer. Mais au moment me'me ou, assure du succes, il
deja parvenu a la citerne de Sira (voir ce mot), de revenir voyait une nouvelle et brillante carriere s'ouvrir devant
sur ses pas, Abner rentra sans defiance a Hebron. Alors lui, la jalousie de Joab 1'arreta, et 1'epee de cet autre am-
Joab, feignant d'avoir a lui parler en secret, 1'attira au bitieux fut peut-e"tre 1'instrument dont la Providence voulut
milieu d'une porte de la ville, et 1'assassina sous les yeux se servir pour punir 1'ambitieux Abner. E. PALIS.
et avec la complicite de son frere Abisai. II vengeait ainsi
la mort de son autre frere Asae'l, II Reg., in, 27, qu'Abner 2. ABNER, pere de Jasiel, qui fut le chef de la tribu
avait tue au combat de Gabaon; mais Joab ne pouvait de Benjamin sous le regne de David. I Par., xxvn, 21.
ignorer qu'Abner n'avait frappe Asae'l qu'a son corps de- Cet Abner n'est probablement pas different du precedent.
fendant, et qu'il n'y avait done pas lieu de venger cette
mort. Du reste, les paroles qu'il venait d'adresser a David, ABN^T, nom hebreu, TDMN , d'une sorte de ceinture
et son ambition, qui le poussa plus tard a frapper Amasa qui faisait partie du costume sacerdotal, et qui n'a pas de
de la meme maniere, II Reg., xx, 8-10, donnent lieu de nom particulier dans nos langues. Les ceintures ordinaires
penser que le desir de venger son frere ne fut pas le seul ne sont jamais designees par ce mot dans la Bible he-
mobile de ce meurtre, et que 1'ambition y eut une bonne braique. L' 'abnet n'etait porte regulierement que par les
part. Abner etait pour lui un rival redoutable, destine pre"tres. Cependant Isaie, xxn, 21, parle d'un personnage
a prendre la premiere place dans le nouveau royaume: important, Sobna, qui avait un 'abnet, et dont la ceinture
David ne laisserait pas assurement au second rang celui est sans doute ainsi appelee parce qu'elle etait remarquable
qui, sous le nom d'Isboseth, avait ete plus roi que general, par sa richesse et par sa beaute. (II n'y aurait pas d'ex-
II Reg., in, 6, et dont il venait de recevoir un royaume ception, si 1'on acceptait la tradition juive, rapportee par
DICT. DE LA BIBLE. 1. 5
67 ABNET - ABOMINATION DE LA DESOLATION 68
Jarchi, in Is., xxn, 21, et qu'on retrouve aussi dans le in-4, Amsterdam, 1629. C'est une apologie de la tradi-
Chronicon pascale, Pat. gr., t. xcn, col. 301, et d'apres tion rabbinique. Nous ne mentionnons ici cet ouvrage que
laquelle Sobna, dont parle le prophete, 6tait de race sacer- parce qu'il contient des notices sur les auteurs, et en par-
dotale.) Du reste, a part ce passage d'lsa'ie, 1' 'abnet n'est ticulier sur les exegetes juifs.
nomme que dans le Pentateuque, Exod., xxvm, 4,39,40;
xxix, 8 (9); xxxix, 29; Lev., vin, 7,13; xvi, 4. Les Sep- * 2. ABOAB ou ABOHAB Isaac, un des ancetres d'Emm.
tante 1'ont traduit par wvr), et la Vulgate ordinairement Abohab, ne en Castille, fut tres lie avec Abarbanel.
par balteus, deux fois par cingulum, Exod., xxxix, 28 Comme ce dernier, il quitta 1'Espagne a 1'epoque de 1'expul-
(hebreu, 29); Is., xxii, 21, et une autre fois par zona, sion des Juifs (1492). Plein d'estime pour les doctrines
Lev., xvi, 4. Elle ressemblait cabalistes, il les suit pourtant avec moderation. On lui doit
peut-etre aux ceintures de un commentaire du Commentaire de Nahmanide sur le
luxe egyptiennes, dont les Pentateuque. II est plus connu par son livre de morale et
monuments figures de la d'edification, si celebre autrefois chez les Juifs : Menorat
vallee du Nil nous ont con- hammdor, Le cande'labre du luminaire, Exod., xxxv, 14.
serve" la representation. Son commentaire a ete imprime a part a Constanti-
(Fig. 7.) nople, in-4, 1525; avec ceux de Raschi et de Nahmanide,
Le texte sacre nous dit Venise, in-f, 1548; Cracovie, in-f, 1587; "Wilmersdorf,
qu'elle etait brodee et faite 1713.
avec les matieres les plus
precieuses: fin lin, hyacin- 3. ABOAB, ABOHAB OU ABOUAB Isaac (1606-1693),
the, pourpre,ecarlate.Exod., Juif d'origine portugaise, ne a Saint-Jean-de-Luz, emigra
xxxix, 28 (29); xxvm, 39. aux Pays-Bas, puis au Bresil; enfm revint mourir rabbin
Josephe la decrit d'une ma- a Amsterdam. Parmi ses ouvrages, on remarque une tra-
niere plus precise. Ant. duction espagnole du Pentateuque avec un commentaire
jud., Ill, vii, 2. II dit qu'elle succinct ou paraphrase, Parafrasis commentado sobre
etait d'une etoffe de lin tis- al Pentateuco, in-f, Amsterdam, 1681.
see avec une telle finesse,
qu'elle ressemblait a la de- ABOBI (dans le texte grec: 'A6ov6ou), pere de Pto-
pouille d'un serpent, et lemee, qui fit assassiner son beau-pere Simon Machabee,
7. Pr6tre Egyptien portant qu'elle etait couverte de avec ses deux fils, Mathathias et Juda. I Mach., xvi, 11,15.
la ceinture. fleurs brodees avec des fils
(Thebes. D'aprts Wilkinson.) bleus, pourpres, ecarlates ABOMINATION. La Vulgate a traduit par abomi-
et blancs. Sa largeur etait natio deux mots hebreux differents, dont la signification
d'environ quatre doigts; sa longueur suffisante pour faire reelle est souvent differente de la signification ordinaire
plusieurs fois le tour du corps de celui qui la portait; elle du mot abomination dans notre langue, et a par con-
pendait par devant jusqu'aux pieds. Lorsque le pretre sequent besom d'etre expliquee. Les deux mots hebreux
exercait ses fonctions sacerdotales, il rejetait sur son sont, dans le texte original, myin, fo'ebdh, et yipw,
epaule les bouts de son 'abnet. A ces details fournis par siqqu?. Pour ce dernier, voir ABOMINATION DE LA DESOLA-
1'historien juif, Maimonide ajoute, De vas. sanct., 8, que TION. L'expression fo'ebdh, du verbe ti'eb, rendre abo-
la ceinture portee par le grand pretre et par les prtres minable, detestable, souille, designe en general une
ordinaires etait de lin blanc, brode avec de la laine, mais chose detestable, honteuse, horrible , surtout en matiere
qu'au jour de la fte de 1'Expiation, 1' 'abnet du pontife religieuse. Ce terme s'emploie, en eflet, particulierement
etait entierement de lin blanc. Cf. Lev., xvi, 4. Sa lon- a propos du culte des faux dieux. Deut., vn, 25, 26; xii,
gueur etait de trente-deux coudees, c'est-a-dire de plus de 31; xin, 14, etc. etc. Dans le quatrieme livre des Rois,
quinze metres. Cette longueur parail bien considerable. xxin, 13, le faux dieu Moloch est nomme le fo'ebdh des
Cf., sur cette partie des vetements sacerdotaux, S. Jerome, enfants d'Ammon . Les idoles ou les fausses divinites sont
Ep. LXIV ad Fabiolam de veste sacerdotali, 12, t. xxn, nommees egalement fo'ebof, Deut., xxvn, 15; Is., XLIV, 19;
col. 614. Jer., xvi, 18; Ezech., vn, 20; xi, 21; xvi, 36; les nations
Josephe termine sa description par une remarque qui idolatres sont appelees 'amme fo'ebof, 1 Esd., ix, 14. Le
merite d'etre notee. Moiise, dit-il, a appele cette ceinture mot abominations dans 1'Exode, vm, 22 (26), designe
abanet (a6av/}6); mais nous, nous 1'appelons emian (Ijiiav), les animaux que les Hebreux offraient en sacrifice, et que
ayant appris ce nom des Babyloniens. Cela semble indi- les Egyptiens, au contraire, veneraient comme des dieux,
quer que les Juifs, captifs en Chaldee, avaient change la en particulier le bceuf.
denomination antique pour en adopter une nouvelle, peut-
tre parce qu'ils consideraient cette derniere comme se- ABOMINATION DE LA DESOLATION, abomi-
mitique, tandis qu'ils regardaient la premiere comme d'ori- natio desolationis. La Vulgate a rendu par ces mots les
gine etrangere. Quoi qu'il en soit, 1'origine du mot 'abnet expressions hebra'iques QDWD n>spur, siqquim meSoniem,
etait demeuree jusqu'ici inconnue. Gesenius, dans le The- employees par Daniel, ix, 27, dans sa prophetic messia-
saurus linguae hebraeae, p. 221, lui attribuait une origine nique des soixante-dix semaines. Ces expressions sont
perse; d'autVes orientalistes, comme J. Fiirst, Hebrdisches importantes, a cause du passage meme ou elles se lisent
Handworterbuch, 2 edit., 1863,1.1, p. 15, supposaient quo pour la premiere fois, et aussi parce qu'elles sont repetees
'abnet est un mot egyptien, mais sans pouvoir appuyer par Daniel dans une autre prophetie, xi, 31, et que nous
leur hypothese sur aucune preuve. Le dechiffrement des les retrouvons dans le premier livre des Machabees et dans
hieroglyphes a demontre que c'est bien a 1'Egypte que les Evangiles; mais le sens en est obscur, de la vient
Moise avait emprunte le nom d' 'abnet. Un des noms de qu'elles sont interpretees de manieres tres differentes. Pour
tacher d'en saisir le sens, nous aliens les etudier succes-
ceinture en egyptien est, en effet, I ff*, J^.Q ou sivement dans les differents endroits ou elles ont ete em-
BNT, benet ou banal, d'ou 'abnet (avec Valeph prosthe- ployees.
nque). H. Brugsch, Dictionnaire hieroglyphique, Sup- I. Dans Daniel. Daniel, a la fin de sa prophetie des
plement, p. 433. F. VIGOUROUX. soixante-dix semaines, annonce les malheurs qui fondront
sur son peuple, lorsque aura cesse 1'oblation des sacrifices;
1. ABOAB, ou plutot ABOHAB Emmanuel, rabbin il dit qu'alors 'of kenaf Siqqusim meSomem, ix, 27. Non
espagnol, Emigre en Hollande, est 1'auteur de la Nomologie, settlement les mots ont une signification vague et peu
ABOMINATION DE LA DESOLATION 70
claire, mais le passage tout entier est difficile, et d'une mot TO pSlXuyjxa, ce qui montre que ce terme exprime
telle concision, qu'on est oblige de le paraphraser pour le 1'idee principale, dans la pensee de 1'auteur sacre.
faire comprendre. Les traducteurs grecs ont rendu les mots n. J)ans le premier livre des Machabees. L'auteur
que nous venons de rapporter par eiA TO lepbv pSiXuyfia du premier livre des Machabees, comme nous venons de
TWV Ipvuxtoffewv, dans le temple, 1'abomination des deso- le voir, a reproduit dans son recit les expressions de
lations. Saint Jerome a interprete comme les Septante : Daniel. Ce langage de 1'ecrivain sacre et les mots qu'il a
Erit in templo abominatio desolationis, 1'abomination choisis nous prouvent qu'il a reconnu dans la profanation
de la desolation sera dans le temple. du temple de Jerusalem par 1'impie Antiochus Epiphane
Le prophete, dans un autre de ses oracles, s'est servi I'accomplissement de la prophetie de Daniel, xi, 31; xn, 11.
une seconde fois, xi, 31, pour predire la profanation du Nous devons examiner dans quel sens il a entendu le pas-
temple de Jerusalem par Antiochus Epiphane, des mots sage du prophete. II nous dit en premier lieu que, par les
hassiqqus mesomem, avec cette seule difference que le ordres d'Antiochus Epiphane, on batit sur 1'autel (J8Xuy[i.a
mot Siqqus est ici au singulier et precede de 1'article, spYjjxwcTEw? , ce que la Vulgate traduit: ^Edificavit rex
tandis qu'il est sans article et au pluriel, ix, 27. Dans cette Antiochus abominandum idolum desolationis super altare
nouvelle prophetie, le sens general n'offre aucune diffi- Dei. I Mac., I, 57. Plus loin, vi, 7, nous lisons que les
culte. On souillera, dit-il, le sanctuaire de la force, on Juifs fideles detruisent TO p8Xuy[ia qui avait ete bati sur
fera cesser le sacrifice perpetuel, et Ton y placera has- 1'autel des holocaustes de Jerusalem . Diruerunt, dit la
Siqqus mesomem, xi, 31. Ces derniers mots sont tra- Vulgate, abominationem quam aedificaverat super altare
duits par les Septante : pSeXuytxa rjipavtatilvov, abomi- quod erat in Jerusalem. Que faut-il entendre ici par
nation desolee , et par la Vulgate : abominationem in le p8eXuy[jia du texte grec ? Le traducteur latin, qui 1'a
desolationem, 1'abomination dans la desolation. rendu par abominationem dans le second passage, a
En completant cette prophetie et en fixant le temps ete plus precis dans le premier, et 1'a explique comme
que doit durer 1'oppression, Daniel emploie une troisieme signifiant une idole. A sa suite, beaucoup de commenta-
fois les termes iqqu? somem, avec cette legere variante teurs, Nicolas de Lyre et autres, ont entendu le mot |38e-
que le substantif singulier Siqqu? n'a point 1'article, et Xuyiia dans le sens de statue representant une idole, c'est-
que le participe mesomem, de la forme pohel, est rem- a-dire Jupiter Olympien, a qui, d'apres II Mac., vi, 2, le
place par le participe du meme verbe a la forme kal. Les temple de Jerusalem avait ete consacre. Cependant il est
deux expressions ont done, dans ces deux derniers pas- difficile de justifier cette interpretation.
sages, le meme sens, et Ton ne peut douter qu'elles n'aient Le contexte demontre qu'il n'est pas question d'une statue
aussi un sens analogue dans le premier. Quel est ce sens? ou d'une idole proprement dite, mais d'un autel ido-
C'est ce que nous devons maintenant rechercher. latrique, construit, bati sur 1'autel des holocaustes,
Le mot Siqqus, pluriel Siqqusim, est assez frequem- qui est ainsi souille et profane. II est dit expressement,
ment employe dans 1'Ancien Testament. C'est un terme I Mac., i, 57; cf. vi, 7, qu'on batit (wxo86[j,r)<Tav) le
de mepris qui signifie etymologiquement une chose abo- (38IXuy[JMx ou abomination, terme qui ne peut s'appliquer
minable, digne d'aversion et d'execration , et qui est ni a une statue ni a un cippe ou colonne; et un peu plus
toujours applique aux faux dieux et au culte idolatrique. loin, i, 62, nous lisons que le vingt-cinquieme jour du
Nous lisons dans le troisieme livre des Rois, xi, 7 : mois on sacrifiait sur Yautel qui etait sur 1'autel des holo-
Chamos, abomination (Siqqus) de Moab; Moloch, abo- caustes ; ce qui montre bien que sur le grand autel des
mination des enfants d'Ammon; IV Reg., xxni, 13 : holocaustes, ou 1'on offrait au vrai Dieu les sacrifices san-
Astarte, abomination des Sidoniens, etc. Le pluriel glants, on avait construit un autel plus petit, destin^ au
Siqqusim designe les faux dieux en general et les idoles culte des faux dieux. Josephe 1'a exactement compris ainsi:
ou les signes materiels qui les represented, dans un grand 'ETtoix,o8o{x^<ra; xa\ TO 6v<na<m)piw (Jwjxov, cuac lit' auToO
nombre d'endroits: Deut., xxix, 16 (17); IV Reg., xxm, 24; xotTscrqxxl-E. Antiochus, ayant fait batir un autel sur 1'autel
II Par., xv, 8; Is., LXVI, 3; Jer., iv, 1; vn, 20; xm, 27; des holocaustes, y immola des pourceaux. Ant. jud.,
xvi, 18; xxxn, 34; Ezech., v, 11; vn, 20; xi, 18, 21; XII, v, 4. Le second livre des Machabees, vi, 2, ne con-
xx, 7, 8, 30; xxxvii, 23. Nahum, HI, 6, parlant au nom tredit nullement le premier; il ne parle d aucune statue,
de Dieu, dit aux habitants de Ninive : Je jetterai sur toi mais mentionne seulement que le temple de Jerusalem
les Siqqusim. Zacharie, ix, 7, applique ce mot aux fut nomme du nom de Jupiter Olympien, c'est-a-dire dedie
viandes offertes aux idoles, et Osee, ix, 10, a ceux qui leur a Jupiter considere comme le maitre des dieux qui ha-
rendent un culte. Ce sont la tous les passages dans lesquels bitent 1'Olympe.
la Bible hebraique emploie cette expression. On voit que L'ensemble du recit et la suite des faits montrent que
dans tous il est question des faux dieux et des insignes de cette profanation du temple du vrai Dieu par 1'erection
leur culte abominable, ou de quelque chose qui s'y rap- d'un autel sacrilege sur 1'emplacement meme ou les en-
porte. fants d'Aaron offraient les sacrifices presents par la loi,
La seconde expression employee par Daniel, mesomem fut consideree comme une grande calamite nationale, en
ou Somem, est diversement interpreted comme la prece- mme temps que comme une injure sanglante au Dieu
dente, et il est plus difficile d'en determiner rigoureuse- veritable et aux sentiments religieux de la nation juive.
ment la signification; mais elle n'a pas la meme impor- Ce ne fut que par une purification solennelle et par une
tance. Les uns en font un terme abstrait, comme les Sep- nouvelle dedicace du temple qu'on put reparer un si abo-
tante et la Vulgate, desolation, devastation; d'autres minable outrage. I Mac., iv, 41-59. La profanation de la
le considerent comme un nom d'agent, designant une per- maison de Dieu par les Remains du temps de Titus ne
sonne et non une chose, ce qui parait plus conforme a la devait pas exciter plus tard une moindre horreur dans le
ponctuation massoretique et ce qui donne un sens plus coBur des Juifs. ^
clair et plus simple, celui qui desole, ravage, le devas- III. Dans I'Evangile. Nous venons de voir que les
tateur, c'est-a-dire les Remains ou leur chef dans la mots abomination de la desolation ne designent pas
prophetie messianique, et Antiochus IV Epiphane dans la une idole, mais un autel idolatrique, dans les dernieres
prophetie concernant la persecution de ce roi syrien. Du propheties de Daniel et dans le premier livre des Macha-
reste, quoi qu'il en soit, le sens general de Daniel reste bees. Que designent - ils dans la prophetic de Notre-
toujours le meme. Seigneur? Quand vous verrez, dit le Sauveur, 1'abomi-
Le traducteur grec du premier livre des Machabees, nation de la desolation (TO pSiXuyiioi TTI; sprnxwaew;) qui
I, 57 (52), a emprunte aux Septante, Dan,, xi, 31, et a ete predite par le prophete Daniel, presente dans le lieu
XH, 11, la version de Siqqus mesomem par pSlXoyiict saint, que celui qui lit entende. Matth., xxiv, 15; cf.
Au chapitre vi, 7, nous ne lisons plus que le Marc, xm, 14. Ces paroles sont expliquees de diverges ma-
71 ABOMINATION DE LA DESOLATION 72
nieres par les commentateurs. D'apres on grand nombre, et 1'introduction des enseignes dans la ville sainte n'eu-
I4sus-Christ, par 1'abomination de la desolation, cntend rent lieu qu'apres la prise de Jerusalem. Or le Sauveur
une desolation abominable, horrible, ou une abomination recommande aux siens de quitter la cite maudite, lors-
detestable, sans aucune allusion a des actes idolatriques,
et predit par la les exces et les sacrileges auxquels de-
vaient s'abandonner les Zelotes avant la prise de Jeru-
salem par 1'armee romaine. Josephe, Bell, jud., IV, HI,
0
7, O.
Cette interpretation peut se concilier difficilement avec
ce que nous avons dit plus haul. Le mot abomination ,
traduisant 1'hebreu Siqqus, a un sens suffisamment pre-
cis : il signifie toujours les faux dieux, un objet idola-
trique, ou une chose qui se rapporte au culte idolatrique.
L'expression {JSeXvyfia, qui en est la traduction et qui vient
du verbe pSeXuaaco, avoir mauvaise odeur, a aussi le
meme sens dans les Septante. Dans le Nouveau Testament,
elle est employee six fois: dans les deux passages que nous
venons de rapporter, Matth., xxiv, 15; Marc, xm, 14, et
dans Luc, xvi, 15; Apoc., xvii, 4, 5; xxi, 27. Les meilleurs
exegetes reconnaissent que saint Jean dans 1'Apocalypse
veut exprimer I'idolatrie par ce terme. Quant au passage
de saint Luc, quoiqu'on 1'entende ordinairement d'une
chose detestable, abominable en general, il n'y a pas de
raison de dormer au mot abomination de ce verset un
sens different de celui qu'il a partout ailleurs, et Ton peut
fort bien traduire : Ce qui est grand aux yeux des
hommes est comme un objet idolatrique (siqqu?) aux
yeux de Dieu.
A plus forte raison doit-on entendre d'un objet ou d'une
chose idolatrique 1'abomination dont parle Notre-Seigneur,
puisqu'il reproduit, comme il nous en avertit lui-meme,
le langage du prophete Daniel. C'est pour ce motif qu'un
certain nombre d'interpretes pensent que 1'abomination
idolatrique dont parle Notre-Seigneur designe les aigles
et les enseignes romaines. Les Juifs les consideraient
comme des idoles, et non sans raison; car, comme le
remarque Havercamp dans ses notes sur Tertullien, Apol.,
1,16,1.1, col. 367: Presque toute la religion des soldats
remains consistait a rendre un culte a leurs enseignes, a
jurer par leurs enseignes et a leur donner le pas sur tous
les autres dieux. Tacite lui-meme, Ann., u, 17, appelle
les enseignes militaires les dieux des legions , propria
legionum Numina. Aussi, pour ne pas blesser le senti-
ment religieux des Juifs, les soldats remains qui tenaient
garnison dans la ville de Jerusalem n'y introduisaient-ils
point leur etendard. Une fois, Pilate fit porter les enseignes
romaines dans la cite pendant la nuit; mais cet evene-
ment produisit une telle emotion parmi les habitants, que
le gouverneur dut retirer ses ordres. Josephe, Ant. jud.,
XVIII, HI, 1. II est done certain que les Juifs conside-
raient les enseignes romaines comme une abomination
idolatrique. Nous savons de plus, par Josephe, Sell, jud.,
VI, vi, 1, que lorsque Jerusalem eut &e prise par Titus,
pendant que le temple et ses alentours etaient en feu,
les soldats apporterent leurs etendards au temple, et, les
ayant plantes vis-a-vis de la porte orientale, ils leur offrirent
des sacrifices. C'etaient bien la les actes idolatriques pro-
phetises par Daniel.
Mais ce n'etait encore que le commencement de 1'ac-
complissement de sa prediction. L'abomination devait
apparaitre plus d'une fois encore dans le lieu saint. L'em-
pereur Adrien, en 137, pour insulter les Juifs, fit placer
1'image d'un pore sur la porte de Bethlehem (correspon- 8. Enselgnes romaines.
dant a la porte actuelle de Jaffa), 1'une des principales
de la ville devenue ^Elia Capitolina, Eusebe, Chron., n, Fragment d'un bas-relief de 1'arc de triomphe de Constantin,
a Borne. ( Dans la partie, a gauche, qui n'est pas reprodnlte lei,
t. xxx, col. 559; bien plus, il erigea un temple a Jupiter 1'empereur Trajan siege sur son tribunal. Les personnages figures
sur 1'emplacement meme du temple du vrai Dieu, Dion en avant des soldats remains sent Parthamaslris, fils de Pa-
Cassius, LXIX, 12, et il ordonna de placer sa propre statue core, roi d'Arm6nle, et 1'nn de ses satrapes, qnl demande qne
a 1'endroit memeou avail ete le Saint des saints. Nicephore la couronne royale soit rendne au Jeune prince.)
Calliste, HI, 24, t. CXLV, col. 944. Ce fut la consommation
de 1'abomination de la desolation . qu'ils verront 1'abomination dans le lieu saint; ce qu'ils
On objecte centre cette explication de la prophetic de firent, en effet, en se refugiant a Pella, avant le siege
Notre-Seigneur que les actes idolatriques des Remains de Titus. Ds avaient done reconnu les signes annonces
73 ABOMINATION DE LA DESOLATION ABRAHAM 74
par le divin Maitre avant 1'investissement final de la ABOU L - HASSAN. Voir JUDA HA - Lvi.
ville et avant 1'entree des etendards des legions dans le
temple. ABOULPHARAGE. Voir BAR-HEBR.EUS.
Pour repondre a cette difficulte, quelques commenta-
teurs ont fait remarquer quo Jesus ne dit point: Quand ABOU'L-WALID. Voir IBN-DJANAII.
vous verrez 1'abomination dans le temple, mais dans
un lieu saint , ev Timo) otyt'w, sans article; le lieu est ABOU-SAID, fils d'Abou'lhosain, Samaritain, habi-
done indetermine, il ne designe pas expressement le tant probablement 1'Egypte, fit, a 1'usage des Samaritains
temple, ni meme la cite sainte, et il peut bien etre la de ce pays, une version arabe du Pentateuque, pour rem-
Terre Sainte elle-mme, de sorte que le signe avant- placer celle du juif Saadias, reconnue inexacte. Cette tra-
coureur de la mine de Jerusalem devint manifeste des duction a ete faite sur le texte samaritain, et avec 1'aide
que 1'armee romaine, avec ses enseignes idolatriques, de la version samaritaine. Le P. Le Long dit qu'Abou-
campa autour de Jerusalem. Said vivait vers 1070, sans nous indiquer sur quelle au-
Plusieurs refusent d'admettre cette interpretation, parce torite il appuie son assertion. Cette date toutefois n'a rien
que, disent-ils, les enseignes romaines n'apparaissaient d'invraisemblable, car la version arabe-samaritaine a du
pas alors pour la premiere fois en Palestine; les Juifs les etre faite un siecle au moins apres celle de Saadias, mort
avaient deja vues du temps de Pompee. Sans doute, en 942. Elle serait done du xie ou du xne siecle. Un manus-
peut-on repondre, mais 1'avertissement de Notre-Seigneur crit de cette version, au lieu du nom d'Abou-Sa'id, porte
portait sur un evenement futur, non sur un fait passe. II celui d'Abou'lberecat, fils de Said, Syrien de Basra. Mais
ne dit point qu'on verra alors pour la premiere fois cette ce dernier parait etre un plagiaire; sa preface n'est qu'une
abomination , mais que lorsqu'on la verra dans 1'avenir, imitation maladroite de celle d'Abou-Said. Voir Silvestre
a partir du moment ou il vient de parler, ce sera le signe de Sacy, M&moire sur la version arabe des livres de Mo'ise
de la ruine prochaine. d 1'usage des Samaritains, dans les Memoires de I'Aca-
On peut trouver neanmoins que 1'application du mot demie des inscriptions et belles-lettres, 1808, t. XLIX,
lieu saint a la Palestine est peu naturelle. Aussi n'est- p. 1-199; Le Long, Bibliotheca sacra, t. i, p. 188; Rossi,
il pas necessaire d'adopter cette interpretation pour expli- notice detaillee a la suite du Saggio delle variante del
quer et justifler la prophetic de Daniel et de Notre-Sei- codice ms. di Pio VI. II existe six ou sept manuscrits de
gneur. Le passage parallele de saint Luc, xxi, 20, nous cette version; le plus precieux est celui de la Bibliotheque
fournit la solution de la difficulte. En rapportant le meme Barberini, a Rome. Abr. Kuenen a publie Specimen
discours de Notre-Seigneur que saint Matthieu et saint e libris orientalibus, exhibens librum Geneseos secun-
Marc, cet evangeliste ne lui met pas dans la bouche les dum arabicam Pentateuchi Samaritani versionem ab
mots d' abomination de la desolation , quij n'auraient Abu-Saido conscriptam, in-8, Liege, 1851.
pas ete intelligibles pour les lecteurs d'origine pa'ienne E. LEVESQUE.
a qui il s'adressait, et il emploie des termes qui sont ABRABANEL, ABRAVANEL. Voir ABARBANEL.
parfaitement clairs et precis : Quand vous verrez Jerusa-
lem investie par une armee, alors sachez que sa desolation ABRAHAM (hebreu: 'Abraham), d'abord nomme
(?) Iprifxoxric) approche. Luc, xxi, 20. (On peut remar- Abram (f Abram), descendait de Sem, dont il etait separe
quer, du reste, que si le mot p8l)>uy(jLa a disparu, le mot par dix generations. I Par., i, 27. Vraisemblablement le plus
ipT)(jLto(7tc a ete conserve.) II resulte de ce passage que jeune des fils de Thare, quoiqu'il soil nomme le premier,
Notre-Seigneur avait donne aux fideles deux signes de la Gen., xi, 26, plutot par rang d'honneur, en qualite de
chute finale de Jerusalem: Tun etait la presence de 1'abo- pere des Hebreux, que par droit de primogeniture (voir
mination dans le lieu saint; mais 1'autre, qui, comme le THARE, et Vigouroux, Manuel biblique, 7 edit., 1.1, n 342),
montrent les faits, devait le preceder et devait etre non il naquit a Ur, ville des Chaldeens, la Mugheir actuelle,
moms frappant ni moins sensible, c'etait 1'investissement situee entre Babylone et le golfe Persique. Le nom
de Jerusalem par 1'armee romaine. d'Abram est reellement assyrien; il a ete retrouve, comme
Des que les Chretiens virent les troupes paiennes s'ap- nom propre, dans les monuments indigenes, sous sa forme
procher de la ville, ils y virent 1'accomplissement du pre- assyrienne Abu-ramu, ou, sans la terminaison assyrienne,
mier signe, et reconnurent que le second ne tarderait Ab-ram. Vigouroux, La Bible et les decouvertes mo-
pas a se produire. 11s se mirent done en mesure de suivre dernes, t. i, 5eedit., p. 403.) Abu-ramu, comme Abram,
1'avis de leur Maitre et de s'enfuir de la ville condamnee, signifie pere eleve . Du reste, la communaute de Ian-
pour se refugier au dela du Jourdain. Eusebe, H. E., gage, de traditions et de coutumes, ne permet pas de
in, 5, t. xx, col. 221. Une premiere attaque centre la douter que les Chaldeens et les Hebreux n'aient eu les
ville eut lieu en 66. En cette annee, Cestius Gallus, pro- memes ancetres. Cf. Vigouroux, loc. cit., p. 402-430.
curateur romain, assiegea la ville sainte, pour venger une Aussi les tribus chananeennes de la Palestine surnom-
defaite que les Juifs avaient iniligee a ses troupes. II etablit merent-elles Abram YHebreu, c'est-a-dire celui qui vient
son camp sur le mont Scopus, puis il brula Bezetha et d'au dela de 1'Euphrate . Gen., xiv, 13. Ainsi tombent
attaqua le temple lui-m^me. Ses soldats d'elite, formant sous les coups de 1'histoire les theories aventureuses de
la tortue, et ainsi couverts par leurs boucliers, s'appro- Hitzig, Geschichte des Volkes Israel, p. 40-43, qui ran-
cherent assez de 1'edifice sacre pour essayer d'en bruler geait les Hebreux au nombre des Aryas ou Hindous, et
les portes. On peut bien dire que les habitants de Jeru- donnait une origine sanscrite au nom d'Abraham, qu'il
salem virent alors 1'abomination et les enseignes idola- comparait a Rama, le dieu indien.
triques pres du lieu saint, quoique ce ne fut pas dans la Des revelations divines progressives, d'une importance
maison de Dieu elle-m&ne. Cependant, 1'attaque n'ayant particuliere, faisant epoque, marquent le commencement
pas reussi, Cestius se decouragea; il renonca a son entre- de chacune des quatre periodes qui partagent Fhistoire
prise et se retira avec ses troupes. Josephe, Bell, jud., d'Abraham.
II, xix. Mais les Chretiens etaient suffisamment avertis, I. Premiere periode. Elle debute par la vocation du
et ce fut probablement dans 1'intervalle qui s'ecoula entre patriarche, et s'etend de son depart d'Ur a la delivrance
ce premier siege et le second par Titus qu'ils abandon- de Lot des mains de Chodorlahomor. Gen., XH-XIV. Deja
nerent la ville et se mirent en surete. marie avec Sara!, mais sans enfants, Abram quitta Ur avec
F. VIGOUROUX. Thare son pere, Lot son neveu, et Sarai sa femme. Leur
ABOUAB. Voir ABOAB 3. emigration se fit par ordre formel de Dieu, comme nous
1'apprend saint Etienne. Act.,vn,2-3. Les paroles cities
ABOU'LBERECAT. Voir ABOU-SAJD. par le premier diacre appartiennent, il est vrai, dans la
75 ABRAHAM 76
1
Genese, xil, 1, au recit de 1'apparition divine qui eut lieu Sichem, au che'ne ou tere'binthe de More . Abram, consa-
a Haran. Saint Etienne toutefois ne s'est pas trompe, et crant au vrai Dieu le sol ou il lui etait apparu, y batit un
il n'y a pas contradiction entre les deux livres inspires; autel. Gen., xn, 6-7.
car Dieu lui-meme, Gen., xv, 7, rappelle a Abram qu'il II ne sejourna pas dans ce lieu, mais alia camper entre
1'a fait sortir d'Ur, et les levites le repetent dans leur priere Bethel et Hal, ou il dressa un nouvel autel a Jehovah. II
au Seigneur. II Esdr., ix, 7. Saint Etienne d'ailleurs n'est s'avanca ensuite progressivement dans la partie meridio-
que 1'echo de la croyance des Juifs, mentionnee aussi par nale du pays de Chanaan. Une famine 1'obligea bientot
Philon, De Abrahamo. D'apres Gen., xi, 31, la terre de a descendre en Egypte, alors comme plus tard veritable
Chanaan elait des leur premier depart le terme dernier grenier d'abondance, et refuge des Semites et des Chana-
du voyage. Cependant les emigrants s'arreterent a Haran, neens dans les temps de disette. Dans ce voyage survint
ou Thare mourut. Apres la mort de son pere, Act., vn, 4, un evenement qui a fourni aux ennemis de la religion
Abram, age de soixante-quinze ans, refut de nouveau du 1'occasion d'attaquer le caractere moral du saint patriarche.
Seigneur 1'ordre de quitter son pays, sa parente et sa Craignant que les Egyptiens ne le missent a mort pour
famille, et il partit de Haran, apres y avoir sejourne ravir sa femme, il pria Sara'i de dire qu'elle etait sa sffiur.
quelque temps. Le but de cette seconde emigration ne lui Gen., xil, 13. Les moeurs dissolues des Egyptiens justi-
fut pas d'abord clairement indiqu; Dieu 1'envoie vers fiaient ses craintes; mais, pour les ecarter, lui etait-il
une terre qu'il lui designera plus tard, Gen., xil, 1, et permis de recourir a la dissimulation, et d'exposer Sarai
Abram, modele de foi et d'obeissance, part sans savoir au deshonneur? II est certain d'abord que la parole de
ou il aboutira. Heb., xi, 8. Le sacrifice qu'exigeait cette Sarai etait exactement vraie. L'epouse d'Abram etait sa
separation- fut recompense par quatre promesses divines, parente par le sang, et, comme lui-meme 1'afnrme a
formant une gradation ascendante: Abram aura une nom- Abimelech, selon 1'interpretation la plus naturelle du
breuse posterite, des faveurs insignes d'ordre spirituel et texte, Gen., xx, 12, sa demi-sceur, la fille du mme
temporel, une grande gloire, et 1'honneur d'etre pour pere, mais non de la meme mere que lui. Abram etait
d'autres une source de benedictions.. bien renseigne, et nous 1'en croyons plus volontiers que
L'evenement a fait connaitre les motifs de cette double Josephe, Ant. jud., I, vi, 6, saint Jerome, Qusest. heb. in
emigration. La notion du vrai Dieu s'obscurcissait parmi Gen., xi, 29, t. xxm, col. 926, et Aboulfeda, Hist, an-
les homines, et la vraie religion etait sur le point de dis- teislamica, edit. Fleischer, p. 20, qui identifient Sarai avec
paraitre de la surface de la terre. C'est pourquoi le Sei- Jescha, fille d'Aran et soeurde Lot, et font d'elle la niece
gneur resolut de Conner le depot de la Revelation a un de son epoux. La proximite du sang n'etait pas un obstacle
peuple fidele, dont Abram serait la tige. II lui ordonna a cette union entre frere et soeur, car il est vraisemblable
done de quitter sa patrie, ses parents et la maison pater- qu'un motif religieux avail pousse le patriarche a prendre
nelle, afin de 1'arracher a 1'idolatrie qui regnait a Ur sa femme dans sa propre famille. Abram ne conseillait
(Vigouroux, loc. cit., p. 383-387) et dans la famille meme done a Sarai ni mensonge ni feinte; des raisons graves lui
de Thare. Josue", xxiv, 2; Judith, v, 6-9. Les traditions faisaient dissimuler une partie de la vente, c'est-a-dire
populaires des Juifs et des Arabes, qui paraissent en ceci taire que Sarai etait sa femme. D'autre part, iln'avaitpas
reposer sur des bases antiques, ajoutent que cette emigra- a choisir entre sa mort et 1'honneur de Sarai; 1'une ne
tion etait devenue necessaire par suite des dangers qui sauvait pas 1'autre, et, Abram mortou vivant, Sarai etait
menacaient le pieux Abram au milieu des populations prise par le pharaon. En presence de deux maux inevi-
idolalres et dans la maison meme de son pere, ardent tables, Abram choisit le moindre. Suivant les conseils
adorateur des faux dieux. L'historien Josephe, echo des d'une prudence peut-etre trop humaine, il fait ce qui de-
legendes de la Synagogue, dit que les habitants du pays de pend de lui pour prevenir un attentat centre sa vie, et se
Harran s'etaienl souleves en armes centre lui, et voulaient ^confie pour 1'honneur de Sarai dans la protection de la Pro-
le punir de son mepris pour leurs divinites. Lenor- vidence, dont il connait les soins a son egard. L'evene-
mant, Histoire ancienne de I'Orient, 9s edit., t. vi, ment prouva que sa confiance n'etait pas vaine. Les sujets
p. 142-143. du pharaon remarquerent la beaute de Sarai, et annon-
Abram emmenait avec lui Sarai son Spouse, Lot son neveu, cerenl au roi 1'arrivee de la belle etrangere. Bientot apres
sa famille et ses troupeaux, et laissait a Haran son frere elle fut enlevee et introduite dans le harem royal. Abram
Nachor. Gen., xxiv, 10. II dut d'abord franchir 1'Euphrate, fut traite avec distinction, et regut pour prix de sa sosur
qui est a deux journees de marche de Haran. La route presumee de riches cadeaux en esclaves et en bestiaux,
de Mesopotamie en Palestine passe par Damas, et la tra- biens les plus apprecies des nomades. Mais un chatiment
dition est d'accord avec la geographic pour conduire le celeste, dont la nature n'est pas indiquee, frappa le pha-
patriarche dans cette ville. Elle est a sept journees des rives raon et sa maison, et 1'arreta dans son dessein d'epouser
de 1'Euphrate; mais la caravane d'Abram, encombree de Sarai. Ayant su, probablement de sa bouche, qu'elle etait
troupeaux, mit sans doute un temps plus long a y arriver. 1'epouse d'Abram, il fit a ce dernier des reproches, lui
Vigouroux, loc. cit., p. 400. Le texte sacre n'a pas men- rendit sa femme, et 1'engagea a quitter le pays. Ses gens
tionne expressement Damas parmi les stations du pa- les accompagnerent jusqu'a la limite de 1'Egypte pour les
triarche. II y sejourna (Nicolas de Damas, dans Josephe, proteger. Tous les details de ce recit sont parfaitement
Ant. jud., I, VH, 2; Justin, xxvi, 2), et des souvenirs conformes aux moeurs et aux usages des anciens Egyptiens.
locaux plus ou moms authentiques designaient encore pres Cf. Vigouroux, loc. cit., p. 432-453.
de cette ville, du temps de Josephe, I'emplacement de 1'ha- En sortant d'Egypte, Abram se dirigea avec Lot, son
bitation d'Abraham. neveu, vers la partie meridionale de la Palestine, et de-
Abram entra dans la terre de Chanaan par lenord-est, stations en stations parvint au lieu de son premier cam-
peut-etre, comme plus tard Jacob a son retour de Haran, pement, entre Bethel et Hal. La Genese mentionne ses.
par la vallee du Jaboc. Le pays etait alors occupe tout grandes richesses en troupeaux, et surtout en or et en
entier par les tribus chananeennes dela race de Cham, argent. Les biens qu'il avail avant son voyage en Egypte
qui avaient fonde des villes et menaient la vie sedentaire, s'etaient accrus par les presents du pharaon. Lot etait
mais laissaient des tribus nomades de Semites errer en aussi tres riche en troupeaux et en esclaves. L'extension
pasteurs dans les campagnes voisines de leurs cites, de de leur fortune ne leur permit plus de demeurer ensemble;,
meme qu'encore aujourd'hui les tribus bedouines errent leurs serviteurs se prirent de querelle au sujet des patu-
presque jusqu'aux portes des villes de la Syrie et de la Pa- rages; il fallut se separer. Abram, plein de generosite et
lestine . Lenormant, loc. cit., p. 143. Abram ignorait de condescendance, laissa son neveu libre de choisir la
encore que cette contree devait appartenir un jour a sa region qu'il voudrait habiter. Lot se decida pour les rives
dosterite. Dieu le lui apprit au lieu ou s'eleva plus tard fecondes du bas Jourdain, semblables alors, par leur frai-
77 ABRAHAM
cheur et leur beaut, an paradis terrestre et a la riante appele Ismael. Abram avait alors quatre-vingt-six ans.
Egypte. Arrive a Sodome, il s'etablit au milieu de ses per- III. Troisieme periode. Gen., xvn-xxj. Treize ans
vers habitants. Abram demeura toujours sous la tente, apres cet evenement, Dieu renouvela son alliance et ses
Heb., xi, 9, dans la terre de Chanaan, entre la Mediter- promesses. Dans sa quatre -vingt- dix -neuvieme annee,
ranee et le Jourdain. Gen., xin, 1-12. Abram eut une vision. Le Tout-Puissant rattache a la per-
La separation operee, il eut une vision dans laquelle fection de vie du patriarche 1'execution des promesses
le Seigneur renouvela la promesse de lui donner, a lui et precedentes. Le nom d'Abram, pere eleve, est change en
a son innombrable posterite, le pays environnant. En signe celui d'Abraham, pere de la multitude, pour rappeler
de ses droits de future propriete, il pouvait le parcourir I'immense posterite qui lui a ete predite. L'alliance entre
dans tous les sens. II vint done camper dans la vallee de elle et le Seigneur sera eternelle; la terre de Chanaan lui
Mambre, pres d'Hebron, ou il eleva un autel a Jehovah, appartiendra. La circoncision devient le symbole etle sceau
et ou il conclut alliance avec les Chananeens. de 1'alliance de Dieu avec les fils d'Abraham. Quant a la
En ce temps-la, Chodorlahomor, roi des Elamites, en- posterite promise, elle descendra non pas d'Agar, mais de
vahit la Palestine pour punir la revolte de plusieurs rois Sarai, qui desormais s'appellera Sara. A cette annonce,
ses vassaux. Sodome et Gomorrhe furent pillees, et Lot 1'heureux patriarche, toujours prosterne a terre, rit d'eton-
emmene captif. .Abram en fut instruit par un fuyard. Avec nement et de joie. Les circonstances exceptionnelles de la
trois cent dix-huit de ses serviteurs les plus exerces, et promesse provoquaient son etonnement : Pensez - vous
ses allies chananeens, il poursuivit les ennemis qui se qu'un fils naltra a un centenaire, et que Sara nonage-
retiraient, et les atteignit a 1'extremite septentrionale de naire enfantera? Saint Paul, Rom., iv, 19, a reconnu
la Palestine, a 1'endroit ou s'eleva plus tard la ville de Dan. dans ce rire 1'acte d'une foi inebranlable, qui produisit
Une surprise nocturne lui donna la victoire. Lot fut delivre, dans 1'ame d'Abraham une augmentation de grace. Mais
tout le butin repris, et les ennemis repousses jusqu'a Hoba, la promesse d'un fils de Sara n'implique-t-elle pas le rejet
au nord de Damas. d'Ismael ? Abraham semble le crairtdre, et 1'amour pa-
Au retour, deux grands personnages, le nouveau roi de ternel lui fait demander la conservation de son premier-
Sodome et Melchisedech, roi de Salem, vinrent feliciter ne. Dieu repete que le fils de Sara sera 1'objet de 1'alliance
Abram. La rencontre eut lieu dans la vallee de Save. Mel- eternelle, et precise la date de sa naissance. Ismael,
chisedech, qui etait pretre du Tres-Haut, oflrit en sacri- souclie de douze princes, aura une tres nombreuse pos-
fice au Seigneur le pain et le vin, et benit le vainqueur. terite. La vision terminee, Abraham se circoncit, lui,
Au pretre qui le benissait , Abram donna la dime de tout le Ismael et tous les males de sa maison, le meme jour.
butin. Le roi de Sodome lui laissait toutes les depouilles; il Gen., xvii. Voir CIRCONCISION.
n'accepta rien pour lui, en dehors de ce qu'avaient con- Peu apres, le patriarche, assis sur la porte de sa tente,
somme ses hommes, mais il reserva la part de ses allies. pendant la chaleur du jour, eut, dans la vallee de Mam-
II. Seconde periode.Comme Abram pouvait craindre le bre, une nouvelle apparition du Seigneur. Trois person-
retour des rois vaincus, Dieu, dans la vision qui commence nages de forme humaine se tenaient non loin de lui. Afin
la seconde periode de son histoire, Gen., xv et xvr, dis- de remplir les devoirs de 1'hospitalite, Abraham court vers
sipe ses apprehensions, et lui promet sa protection contre eux, les salue et les supplie de s'arreter dans sa demeure.
tous ses ennemis. II lui predit en outre une tres grande re- Tandis que Sara fait cuire des gateaux sous la cendre,
compense. Mais les biens temporels paraissent peu de chose lui - meme ordonne a un esclave de preparer un veau tres
au patriarche, prive d'enfant; ses richesses passeront aux tendre et tres bon. Du beurre et du lait completent le
mains de son serviteur Eliezer. Dieu le console et lui an- repas. Debout sous 1'arbre de Mambre, Abraham sert ses
nonce une descendance aussi nombreuse que les etoiles hotes. Ceux-ci, tout en mangeant, demandent des nou-
du ciel. Abram crut, et sa foi lui fut imputee a justice. velles de Sara. La reiteration de la promesse d'un fils ne"
Get acte defoi, loue par saint Paul, Rom., iv, 3; Gal., HI, 6, d'elle etait le but principal de leur visite. Le Seigneur,
et par saint Jacques, n, 23, etait tres meritoire; la sain- present personnellement ou par ses envoyes, redit a Abra-
tete d'Abram en fut accrue. ham que Sara deviendra mere avant un an.
La donation du pays de Chanaan est encore renouvelee. Le chatiment de Sodome et des villes de la Pentapole
Tout en adherant absolument dans son coeur a cette pro- etait le second but de la demarche divine. Le Seigneur
messe, Abram en demande une garantie exterieure, et daigna 1'annoncer a son fidele serviteur Abraham, qui
Dieu, condescendant a son desir, determine lui-mdme avait accompagne ses hotes. Plein de compassion pour les
le rite de leur alliance. Suivant 1'ordre divin, Abram coupables, Abraham intercede en faveur de Sodome. Entre
immola plusieurs animaux qu'il coupa en morceaux, une lui et le Seigneur s'engage un admirable dialogue, qui
tourterelle et une colombe qu'il laissa intactes. Les oiseaux fait ressortir sa foi en la misericorde divine, et sa hardiesse
de proie venaient fondre sur les cadavres des victimes, autant que la touchante condescendance de Dieu, qui cede
mais il les chassait. Sur le soir, un sommeil profond et progressivement aux demandes repetees du grand pa-
extatique et un indicible effroi le saisirent. Dieu lui predit triarche. Suivant les traditions locales, cette scene se pas-
le sejour de sa race en Egypte durant quatre cents ans, sait a 1'endroit ou fut bati plus tard Caphar-Berucha. Le
sa servitude et son retour a la quatrieme generation, quand Seigneur s'en alia et Abraham, demeure seul, retourna
les Amorrheens auront mis le comble a leurs iniquites. a sa demeure. Anxieux de connaitre le resultat de 1'enquete
Le soleil etant couche, Abram vit, au milieu d'une nuee divine sur Sodome et le sort de cette ville, il revint le
tenebreuse, une fournaise d'ou s'echappait beaucoup de lendemain, de grand matin, au lieu ou il avait adresse la
fumee. Une flamme tres vive en sortit, et passa entre les veille sa priere au Seigneur, et d'ou il pouvait voir la Pen-
membres decoupes des victimes. Cette vision symbolique tapole. Ses regards attristes apercurent le terrible incendie
etait le signe de 1'alliance conclue entre Dieu et Abram, qui devorait la contree. Lot cependant etait sain et sauf,
et la garantie exterieure de la donation de tout le pays en consideration de son oncle Abraham. Gen., xvin-xix.
de Chanaan. Continuant de mener sa vie errante de nomade pasteur,
Apres dix ans de sejour en Chanaan, Sarai, n'esperant Abraham, peu apres cette catastrophe, passa quelque temps
plus avoir d'enfant, proposa a son mari de prendre pour au sud de la Palestine, entre Cades et Sur, et s'etablit a
femme 1'Egyptienne Agar, sa servante. Abram y consentit, Gerare. Sa vie et 1'honneur de Sara y courent le meme
dans le desir de realiser ainsi les promesses divines. Mais danger que vingt ans auparavant en Egypte. De nouveau
bientot il dut abandonner a la maltresse 1'esclave, que sa il fait passer Sara pour sa soaur. Celle-ci, malgre son age
fecondite rendait orgueilleuse. Pour 6chapper aux mauvais avance, est conduite dans le harem d'Abimelech; mais,
traitements de Sarai, Agar s'enfuit. Sur 1'ordre d'un ange, averti en songe, le roi de Gerare rend Sara a son mari,
elle retourna chez Abram, et lui donna un fils qui fut auquel il adresse d'amicaux reproches et fait de riches ca
79 ABRAHAM ~ 80
deanx. Abraham justifie sa conduite par la depravation Josephe, Ant.jud., I, xm, 2, quand son oheissance et sa
morale des habitants : il craignait d'etre tue a cause de sa foi turent soumises a une tres dure epreuve. Dieu lui or-
iemme. D'ailleurs il n'a pas menti: Sara est vraiment sa donne d'immoler son fils Isaac au lieu qu'il lui designera.
scaur, la fille de son pere, mais d'une autre mere. Aussi, En realite, Dieu n'exigera pas 1'effusion du sang humain;
en vertu d'une convention ancienne, Sara dit partout il veut seulement tenter son fidele serviteur, eprouver
qu'elle est la soeur d'Abraham. Abraham pria, et, selon la son obeissance -et sa foi, et les faire briller du plus vif
promesse faite a Abimelech, la priere de ce juste si etroi- eclat. Un commandement si extraordinaire surprit sans
tement uni a Dieu obtint la cessation du chatiment qui doute Abraham; la raison et 1'amour paternel semblaient
avait frappe le roi et toute sa maison. Ce recit, malgre ses devoir l'empcher de 1'executer. La parole de Dieu 1'em-
ressemblances avec celui du sejour d'Abraham en Egypte, porta. Abraham comprit que le souverain maitre de la
n'en est pas une repetition. Le temps, le lieu et les details vie a le droit de reprendre ce qu'il a donne, et, eclaire
different et denotent deux faits distincts. Les moeurs de par une lumiere et soutenu par une force divines, il
1'epoque expliquent la succession rapprochee et les ana- obeit sans hesitation, mais non sans de vives angoisses,
logies des deux episodes. Gen., xx. a 1'ordre qu'il avait recu. Sa foi dans les promesses de
Tandis qu'Abraham habitait le pays de Gerare, la pro- Dieu ne diminua pas; elle ne lui permettait pas de douter
messe des messagers divins s'accomplit. Au temps predit, que le Seigneur, de quelque maniere que ce fut, ne lui
Sara mit au monde un fils, qu'Abraham nomma Isaac et rendit le fils de la promesse, et, en 1'immolant, il pen-
circoncit huit jours apres sa naissance. Le patriarche avait sait que Dieu etait assez puissant pour ressusciter Isaac.
alors cent ans. Rom., iv, 19. A 1'epoque du sevrage de Heb., xi, 17-19. Get acte heroique accrut sa saintete.
1'enfant, il y cut un grand festin. Sara, ayant remarque Jac., n, 21. Se levant de nuit, il sangla son ane, prit
sur les levres d'Ismael un sourire moqueur et meprisant deux jeunes serviteurs avec Isaac, coupa le bois du sacri-
pour Isaac, exigea le bannissement d'Agar et de son fils. fice, et alia droit au mont Moriah, que le Seigneur lui
Cette mesure rigoureuse couta au coeur paternel d'Abra- avait indique. Voir MORIAH. Apres trois jours de marche,
ham, et il fallut 1'ordre de Dieu pour qu'il s'y resignat. les serviteurs eurent ordre d'attendre avec 1'ane son pro-
Tout en approuvant les motifs de Sara, le Seigneur re- chain retour. Le bois du sacrifice fut mis sur les epaules
nouvelait les promesses precedentes, relatives a Ismael. d'Isaac; Abraham portait le feu et le glaive. Tout en che-
Toujours obeissant, Abraham remit a Agar quelques pro- minant, le fils dit a son pere : II n'y a pas de victime.
visions et la renvoya, elle et son fils. Gen., xxi, 1-21. Abraham repondit evasivement : Dieu y pourvoira.
Ce renvoi d'Agar et d?Ismael est une consequence fa- A 1'endroit designe, le pere eleva un autel, y disposa le
cheuse de la polygamie. La paix et 1'union ne peuvent bois, lia son fils et le placa sur le bucher. Deja sa main
durer longtemps au meme foyer entre deux femmes et etait armee du glaive pour frapper, quand Dieu, satisfait
leurs enfants. Deja, sous la tente d'Abraham, elles avaient du sacrifice interieur, lui commanda par la voix d'un ange
ete troublees par 1'orgueilleuse conduite de 1'esclave de- de surseoir a rimmolation. Abraham, levant les yeux, vit
venue mere. La jalousie d'Ismael envers Isaac, son carac- derriere lui un belier embarrasse par les cornes dans un
tere emporte et independant, predit par 1'ange, Gen., buisson epineux; il le prit et 1'immola a la place d'Isaac.
xvi, 12, firent craindre a Sara "des querelles nouvelles; Le lieu du sacrifice fut appele la Montagne de la providence
elle exigea la separation. D'ailleurs, depuis la naissance de Jehovah. Gen., xxn, 1-14.
d'Isaac, la position d'Ismael avait change : Isaac devant Dieu alors renouvela pour la derniere fois ses anciennes
etre 1'unique heritier, Ismael n'appartenait plus a la race promesses, et les garantit.par un serment solennel. Gen.,
choisie. L'accomplissement des desseins de Dieu reclamait XXH, 15-18; Heb., vi, 13-17. La benediction divine pro-
tot ou tard son eloignement. Abraham le comprit et, sur curera a Abraham une nombreuse et heureuse posterite;
1'ordre divin, renvoya son epouse et son fils. II y a lieu par un de ses rejetons, par le Messie, Act., m, 25-26;
aussi de croire que la signification surnaturelle de cette Gal., in, 16, il sera pour toutes les nations une source de
expulsion (voir AGAR) ne lui fut pas completement cachee. benedictions. Ce dut etre alors que, selon la parole de
On 1'a accuse de durete dans cette circonstance. Le peu Jesus-Christ, Joa., vni, 56, le patriarche tressaillit pour
de provisions qu'il remit a Agar les exposait, elle et son voir les jours du Messie, les vit et en fut dans la joie.
fils, a mourir de faim et de soif dans le desert; 1'evene- Abraham et Isaac rejoignirent leurs serviteurs, et ils re-
ment ne le montra que trop. On peut repondre que si tburnerent tous ensemble a Bersabee, ou ils continuerent
Ismael fut sur le point de mourir de soif, c'est parce que d'habiter et ou ils recurent des nouvelles de la famille de
sa mere s'egara dans le desert. L'expression biblique, Gen., Nachor. Gen., xxn, 19-24.
xxi, 14, permet de supposer qu'Abraham 1'avait chargee des Sara mourut a 1'age de cent vingt-sept ans, a Hebron.
vivres suffisants pour le voyage. Le pere, d'ailleurs, comp- Abraham lui rendit les derniers devoirs et la pleura. Pour
tait sur 1'hospitalite des habitants du pays, et sur une pro- 1'enterrer, il acheta aux fils de Heth une grotte, qui devint
vidence particuliere de Dieu, qui ne fit pas defaut a Ismael. le tombeau de la famille. Le contrat de vente presente
Enfin celui-ci, age d'environ dix-sept ans, pouvait suffire un tableau tres remarquable des mceurs et des usages
a ses besoins, et, la premiere detresse passee, il y suffit orientaux. Vigouroux, loc. cit., p. 480-486. La negocia-
reellement. Abraham garda toujours de la tendresse tion fait ressortir qu'Abraham etait etranger dans la terre
pour son fils, auquel il donna av'ant de mourir un apanage. promise a sa race. Le seul bien-fonds qu'il y posseda fut
Gen., xxv, 6. un tombeau. Gen., xxm.
Au meme temps ou Agar etait chassee, le roi Abimelech Charge de jours et age d'environ cent quarante ans,
vint demander a Abraham son alliance. Avant d'y consen- Abraham voulut marier Isaac. Pour ne pas unir le pere
tir, le patriarche se plaignit d'une violence commise par du peuple elu a une femme chananeenne, il envoya son
les serviteurs du roi de Gerare, qui s'etaient empares d'un intendant Eliezer, en Mesopotamie, choisir a Isaac une
puits creuse par ses soins. Abimelech s'excusa; Abraham epouse de sa famille. Le vieux serviteur recut aussi 1'ordre
lui fit des presents; le contrat d'alliance hit conclu devant de ne jamais recpnduire son jeune maitre au pays d'ou
temoins, et tous deux se jurerent une eternelle fidelite. venait son pere. Eliezer ramena Rebecca. Gen., xxiv.
Puis, pour confirmer ses droits sur le puits en litige, le Apres la mort de Sara et le mariage d'Isaac, Abraham
patriarche donna encore sept brebis. Le theatre de ces prit une troisieme femme, nominee Cetura, dont il eut
e~venements fat nomme Bersabee. Apres le depart d'Abi- encore six fils. Ce tardif mariage n'a ete contracte, suivant
melech, Abraham y planta un tamaris et y invoqua Jeho- la juste remarque de dom Calmet, qu'en vue d'avoir des
vah. Gen., xxi, 22-34. enfants qui repandraient sur terre la vraie religion, et
IV. Quatrieme periode. Gen., xxn-xxv, 10. n se- qu'afin de mieux realiser la promesse divine d'une nom-
journait dans ces contrees depuis vingt-cinq ans, suivant breuse posterite. Gen., xxv, 1-4.
81 ABRAHAM 82
Avant de mourir, Abraham disposa de sa fortune. Tous celestes, qui vivait parmi les Chaldeens a la dixieme gend-
ses biens passerent a Isaac, son unique heritier. Les fils ration apres le deluge, et Josephe croit, sans aucune vrai-
des femmes de second ordre recurent quelque apanage, semblance du reste, qu'il s'agit d'Abraham. L'historien
mais furent envoyes hors de la Palestine, dans la direction Nicolas de Damas, dont le temoignage est rapporte par
de Test, vers 1'Arabie. Avance en age et plein de jours, le meme auteur, dit qu'Abraham sorlit de la Chaldee avec
Abraham mourut dans une bonne vieillesse. II avait vecu une armee, se rendil d'abord a Damas, et y regna quelque
cent soixante-quinze ans. Son ame fut reunie a celles de temps avant d'entrer dans le pays de Chanaan. Selon Jus-
ses peres, et son corps enseveli par Isaac et Ismael aupres tin, xxxvi, 2, Abraham fut le quatrieme roi de Damas.
de celui de Sara, dans la caverne de Macpelah. Eusebe de Cesaree, Prsepar. Ev., ix, 16-20, t. xxi, col.
V. Abraham dans les livres posterieurs de I'Ancien Tes- 705-713, a recueilli sur Abraham les renseignements four-
tament. Le nom d'Abraham, ses exemples, son alliance nis par Berose, Hecatee, Nicolas de Damas, Eupoleme,
avec Dieu, les promfesses qu'il a recues, les epreuves qu'il Artapan, Melon et Philon I'Ancien, cites par Alexandra
a subies, les vertus qu'il a pratiquees, remplissent 1'Ecri- Polyhistor et Josephe. Les livres des Sabeens parlent des
ture. Les ecrivains des deux Testaments, en relracant au croyances monotheistes d'Abraham, et des dissensions qui
peuple elu ses destinees, en rappelant les voies qui ont s'eleverent a ce sujel enlre lui el les habitants de la Chal-
prepare la redemption, remontent presque toujours jus- dee, et qui 1'obligerenl d'emigrer apres avoir perdu lous
qu'a lui. Jehovah daigna porter le nom de Dieu d'Abra- ses biens. Les Iradilions que rapportent ces livres n'ont
ham , Exod., in, 6, 15, 16; iv, 5; Tobie, vn, 15; Esther, d'ailleurs aucune valeur hislorique serieuse.
xin, 15; xiv, 18; Ps. XLVI, 10; Act., m, 13; vn, 32, et Jesus- La legende a embelli I'histoire du grand patriarche. Les
Christ a trouve dans ce litre une preuve de la resurrec- Arabes, qui descendent de lui par Ismael el le surnomment
tion, Matth., xxn, 32; Marc, xii, 26; Luc, xx, 37. Dieu Kalil-Allah, 1'ami de Dieu, debilent sur sa vie un grand
lui-meme fonde les droits des Hebreux sur la terre de nombre de fables, puisees en partie dans les ecrits des
Chanaan sur ses apparitions, Exod. vi, 3, et sur ses pro- rabbins (d'Herbelot, Bibliotheque orientate, au mol Abra-
messes a Abraham, Exod., VT, 8; xxxn, 13; xxxin, 1; Deut., ham, p. 12-16; F. Lenormant, Histoire ancienne de
xxxiv, 4. II se souvient de 1'alliance contractee avec lui, I'Orient, 9 edit., t. vi, 1888, p. 404-406). Josephe, Ant.
Lev., xxvi, 42, et Moise ne cesse de la rappeler a son peuple, jud., I, vm, Philon, De Abrahamo, Nicolas de Damas et
Exod., n, 24; Nomb., xxxii, 11; Deut., I, 8;vi, 10;ix, 5,27; Eupoleme dans Eusebe, loc. cit., el quelques ecrivains eccle-
xxix, 13; xxx, 20. Josue dans ses adieux, xxiv, 3; Elie avant siasliques parlenl de la protonde science d'Abraham dans
d'offrir le sacrifice, III Rois, xvin, 36; 1'auteur du quatrieme I'aslronomie, la metaphysique et les mathematiques. Suidas,
livre des Rois, xin, 23; David dans ses psaumes, civ, 6, 9; au mot Abraham, veut qu'il ait invente les lellres et la
I Par., xvi, 16, et sa derniere priere, I Par., xxix, 18; langue hebraiques, et saint Isidore de Seville, Etym., 1. I,
Josaphat lors du jeiine solennel qu'il a celebre, II Par., c. in, n. 5, t. LXXXII, col. 75, les caracteres syriaques et
XX, 7; Ezechias, ibid., xxx, 6; Nehemie, II Esd., ix, 7; les chaldaiques. On lui atlribue divers ouvrages, entre autres
Juifs de Jerusalem dans leur lettre a leurs coreligionnaires le letzirah ou livre de la Creation, un traite de 1'idolatrie,
d'Egypte, II Mach., I, 2, mentionnent cette alliance. Judith, et les psaumes LXXXVIH et LXXXIX, inscrils aux noms d'He-
VIH, 22, et Mathathias, I Mach., n, 52, font allusion aux man ou d'Ethan. Les rabbins lui altribuenl les prieres du
Epreuves du patriarche. L'Ecclesiastique, XLIV, 20-23, con- matin. Talmud de Jerusalem, Berakhoth, c. iv, n. 1; Irad.
tient son eloge. Dieu, par la bouche des propheles, 1'appelle franc, de Schwab, p. 72; Talmud-de Babylone, ibid.,
son ami, Isaie, XLI, 8, exhorte a la vertu par son exemple, p. 328. Les mages croienl qu'il esl le meme personnage que
Is., LI , 1 et 2, et rappelle aux Juifs les promesses qu'il a Zoroaslre, et qu'il a compose les livres Zend, Pazend et
iaites a son serviteur, Jer., xxxin, 26; Baruch, n, 34; Ezech., Vostha, qui conliennenl lous leurs poinls de doctrine.
XXXIH, 2i. Michee, vn, 20, et les enfants dans la fournaise, Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti,
Dan., HI, 35 et 36, Ten font aussi souvenir. 2e edit., Hambourg, 1722,1.1, p. 341-428, a reuni lous les
VI. Abraham dans le Nouveau Testament. Dans documenls relalifs a la lilterature legendaire sur Abraham.
VEvangile, Marie et Zacharie chantent les promesses et VIII. Quite rendu a Abraham. L'Eglise honore la
1'alliance d'Abraham. Luc, i, 55 et 73. Jesus-Christ est le memoire du pere des croyants. A parlir du ixe siecle, son
ills d'Abraham. Matth., i, 1; Luc, in, 34. Les Juifs se nom a ele insere dans les marlyrologes; il se Irouve dans
ilattaient de ce litre. Matlh., m, 9; Luc, in, 8. Jesus 1'a ceux d'Adon el d'Usuard, el dans le romain au 9 octobre.
donne a une malade, Luc, xin, 16, el a Zachee, Luc, xix, 9; Des le temps du pape Damase, il esl fail mention de son
mais il assure que les Juifs qui n'accomplissaient pas les sacrifice au canon de la Messe. II est invoque dans les
oauvres d'Abraham perdaient lous droits aux privileges prieres pour la recommandation de Tame. Les Copies cele-
de sa race. Joa., vm, 33-44. Abraham esl au ciel, Luc, brenl sa fele le 28 mars; 1'Eglise syriaque fail memoire le
xin, 28; comme il esl le pere de tous les croyanls, les 20 Janvier de son epreuve du feu. L'ordre de Fontevrault
justes, Juifs, Luc, xvi, 22-30, el Gentils, Matth., vm, 11, et 1'Oraloire de France avaienl un office en son honneur.
reposeront dans son sein. Saint Pierre, saint Etienne, Act., IX. Bibliographie. S. Ambroise, De Abraham,
in,25; VH, 2-8, 17, et saint Paul, Heb., vi, 13, rappellent I. xiv, col. 417-500; A. Masson, Histoire du patriarche
aux Juifs les promesses faites a leur ancelre. L'Apotre des Abraham, 1688; Heidegger, Historia sacra Patriarcha-
Gentils montre leur accomplissemenl dans la personne de rum, 2e edit., Amsterdam, 1688; Augusti, Dissertatio de
Jesus-Christ, Gal., HI, 16-18, fils d'Abraham, Heb., n, 16. fatis et factis Abrahami, in-4, Golha, 1730; Withof,
II s'honorait d'etre fils d'Abraham, Rom., xi, 1; II Cor., Programma de Abrahamo, amico Dei, Duisbourg,
xi, 22; il donne aux Juifs ce nom, Act, XIH, 26, mais il 1743, in-4; Hobbing, History of Abraham, Londres,
expose explicitement, Rom., ix, 7-9, el allegoriquement, 1746, in-8; Gillebank, Scripture history of Abraham,
Gal., in, 29; iv, 22-31, qu'il vaut mieux etre fils d'Abra- Londres, 1773, in-8; Hoist, Scenen aus dem Leben
ham par les oeuvres que par le sang. Les relations d'Abra- Abraham's, Chemnitz, 1828; Engelslaft, Historia populi
ham avec Melchisedech servent de preuve a saint Paul judaici biblica usque ad occupationem Palestine, Co-
pour etablir la superiorile du sacerdoce de Jesus-Christ penhague, 1832; Roos, Fusstapfen des Glaubcns Abra-
sur le sacerdoce levilique. Heb., vn. II loue la foi du pa- ham, Tubingue, 1837; Passavant, Abraham und Abra-
triarche, Rom., iv, 1-24; Gal., HI, 6-9; Heb., xi, 8-19, et ham's Kinder, Bale, 1848; Beer, Leben Abraham's nach
saint Jacques, n, 21-23, fait de meme. Auffassung der judischen Sage, Leipzig, 1859; Bern-
VII. Abraham dans I'histoire profane et dans la le- stein, Kritische Untersuchung uber den Ursprung der
gende. Abraham n'est pas reste inconnu a I'histoire Sagen von Abraham, Isaak und Jacob, Berlin, 1871;
profane. Berose, cite par Josephe, Antuj. jud.,1, vn, 2, Tomkins, Studies on the times of Abraham, Londres
parle d'un homme juste, grand et verse dans les choses (sans date). E. MANGENOT.
83 ABRAHAM (LE SEIN D')
2. ABRAHAM (LE SEIN D') est une locution metapho- Ce bonheur ressort du contraste etabli par la parabole
rique en usage panni les contemporains de Jesus-Christ, entre la situation du pauvre et la situation du riche. Celui-
pour designer le lieu dans lequel les ames saintes, sorties ci est torture dans les flammes, celui-la repose tranqurlle-
de ce monde, jouissaient du repos et du bonheur. Si vous ment sur le sein d'Abraham; le riche expie dans les tour-
ne voulez point plaisanter ou vous tromper puerilement, ments sa vie sensuelle et sa durete envers Lazare, et brule
^crivait saint Augustin a Vincentius Victor, qui prenait d'une soif devorante, qui lui fait desirer comme une grande
cette expression au sens litteral propre, entendez par le faveur le rafraichissement que lui donnerait une goutte
sein d'Abraham le lieu de repos eloigne et cache ou est d'eau deposee sur 1'extremite de sa langue; le pauvre est
Abraham. De anima et ejus origine, 1. IV, c. xvi, n 24, console des maux qu'il a patiemment supported sur la terre.
t. XLIV, col. 538. Dans la langue des rabbins, etre dans Repos, consolation et rafraichissement, voila, decrit en
le sein d'Abraham, beheqo sel 'Abraham, signiflait etre trois mots, le bonheur du juste dans le sein d'Abraham,
heureux apres la mort. Lightfoot, Horse hebraicee et tal- bonheur incomplet, repos imparfait, consistant dans 1'im-
mudicse, in Luc., xvi, 22. L'auteur du quatrieme livre munite de la peine. S. Thomas, loc. cit. Le sein d'Abra-
des Machabees, xm, 16, joint au nom d'Abraham ceux ham n'est, par suite, qu'un sejour provisoire, ou les justes
d'Isaac et de Jacob. Le Sauveur a employe cette image dans attendent le bonheur parfait, le repos complet dans la vision
la belle parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, de Dieu. S. Thomas, ibid., a. 5.
Luc, xvi, 22 et 23, dans laquelle il resout en quelques mots La position de ce lieu d'attente peut etre determined
clairs et decisifs le difficile probleme de 1'inegale reparti- d'apres les details de la parabole evangelique, qui nous
tion des biens et des maux ici-bas. permet d'entrevoir le monde d'outre-tombe, rapproches
L'origine de cette metaphore, qui depeint si gracieuse- des enseignements de la theologie rabbinique. Dans la para-
ment le repos et la joie des justes dans les limbes, est di- bole, le sein d'Abraham est distinct de 1'enfer, dans lequel
versement expliquee. De 1'aveu de tous, 1'union, 1'intimite le riche est tourmente. Les rabbins, eux aussi, divisaient
avec Abraham, la participation a son bonheur, y sont expri- le scheol ou sejour de tous les morts en deux parties: le
mees. Cf. Joa., 1,18. Voulant preciser davantage la nature sein d'Abraham pour les justes, et la gehenne pour les
du bonheur goute, les anciens commentateurs reconnais- mechants. Leur disposition permettait d'apercevoir de 1'une
saient dans cette image une allusion a la coutume, signalee ce qui se passait dans 1'autre. Elles n'etaient separees que
dans 1'Ancien Testament, II Reg., xn, 3; III Reg., in, 20; par une largeur de main, ou par 1'espace qu'occupe une
xvn, 19, qu'ont les parents de faire reposer a cote d'eux muraille ordinaire. On pourrait croire, a premiere vue, que
leurs enfants, et de les prendre dans leurs bras et sur Notre-Seigneur corrige sur ce dernier point 1'enseignement
leurs genoux, apres les fatigues d'une longue course, a leur des rabbins. Cf. Tertullien, Adversus Marc., iv, 34, t. 11,
retour a la maison, ou a la suite d'une contrariete. Sem- col. 444. II nous montre, en effet, Abraham et Lazare
blables. a des enfants fatigues et affliges, qui trouvent sur eloignes du riche, qui eleve les yeux pour les voir et la
le sein paternel un doux repos et une prompte consolation, voix pour se faire entendre d'eux. Toutefois, selon 1'in-
les justes, souvent pauvres, abandonnes, meprises, souf- terpretation des meilleurs commentateurs, ces images
frants comme Lazare ici-bas, goutent apres leur mort, ne determinent pas la distance locale, mais seulement la
dans le sein d'un pere, la joie qu'ont meritee leurs souf- distance morale qui separe les deux situations, la diffe-
frances. Abraham est ce pere, lui, le pere de tous les rence d'etat des personnages mis en scene. Aussi saint
croyants, Rom., iv, 16 et 17, des hommes justifies par la Thomas, ibid., a. 5, adoptant le sentiment commun des
foi. Tertullien, Adversus Marc., iv, 34, t. n, col. 444; Peres (Petau, Theol. dogmat., de Incarnat., 1. XIII, c. xvm,
S. Augustin, loc. cit.; S. Cyrille d'Alexandrie, In Joannis n 5, t. v, p. 372-373; Maldonat, loc. cit.), enseigne-t-il
Evangelium, i, 10, t. LXXIII, col. 181. Tous ceux qui ont que le sein d'Abraham et 1'enfer etaient voisins. Malgre
partage sa foi sont ses fils et auront part a sa recompense. leur rapprochement, une distance infranchissable les se-
Animae hominum post mortem ad quietem pervenire non parait. Entre eux il y avail un gouftre, un abime beant et
possunt nisi merito fidei; quia accedentem adDeum oportet sans pont, barriere qui rendait impossible toute interven-
credere. lieb., xi, 6. Primum autem exemplum credendi tion des saints en faveur des damnes. La separation sera
hominibus in Abraham datur, qui primus se a coetu infi- eternelle; le sort de chacun est fixe irrevocablement; la
delium segregavit et speciale signum fidei accepit. Et ideo condition des uns et des autres est immuable: le juste sera
requies ilia qua? hominibus post mortem datur, sinus toujours heureux, le mechant toujours malheureux. On
Abrahse dicitur. S. Thomas, Sum. th., 3* p., q. 69, a. 4. a justement remarque aussi que la reponse douce, calme
Maldonat, Comment, in quatuor Evangelia, Pont- et ferme d'Abraham a la premiere demande du riche
a-Mousson, 1596, p. 529, proposa une nouvelle explica- n'exprime aucun sentiment de compassion pour ce mal-
tion, preferee par plusieurs exegetes modernes. II rap- heureux. Soumis aux decrets de la justice divine, le pa-
proche la metaphore des passages scripturaires qui repre- triarche fait com prendre a son interlocuteur que ses souf-
sentent le royaume du ciel comme un festin. Les justes frances sont m^ritees.
y seront a table avec les hommes pieux de 1'Ancien Testa- Un abime semblable n'existe pas entre le sein d'Abra-
ment, Abraham,Isaac et Jacob. Matt., vui, 11; Luc, xm, 29; ham et la terre, quoi qu'en ait pense Tertullien, De anima,
xiv, 15; xxii, 30. Conformement a la coutume des anciens, LVII, t. n, col. 749. La seconde demande du riche, Luc,
qui mangeaient a demi couches et inclines les uns vers xvi, 28 et 29, prouve que 1'ame heureuse peut communi-
les autres, les convives devaient reposer sur le sein d'Abra- quer avec les hommes et leur attester 1'existence des mys-
ham, le president de 1'eternel festin, comme saint Jean teres d'au dela du tombeau. Abraham, en effet, ne nie pas
a la derniere Gene sur celui de Jesus. Joa., xm, 23. A vrai la possibilite d'un tel commerce; s'il rejette la requite du
dire, ce banquet reserve aux serviteurs du Messie parait riche, c'est que la parole divine suffit aux hommes de foi,
distinct du repos goute dans le sein d'Abraham. Dans et que meme la resurrection d'un mort ne convertirait pas
1'Evangile, il n'est encore qu'une promesse, il designe un les mondains dont la volonte est mauvaise.
bonheur futur, tandis que le sein d'Abraham est le theatre L'expression sein d'Abraham a passe de 1'Evangile
d'une joie deja accordee. Abraham, il est vrai, deviendra dans la theologie et la liturgie catholiques. Sous la plume
convive du festin messianique, mais c'est apres avoir quitte des saints Peres, elle designe tantot le lieu ou les ames
les limbes pour jouir au ciel d'un bonheur plus parfait. des patriarches et des prophetes habitaient avant que Jesus-
Atzberger, Lie christliche Eschatologie in den Stadien Christ les en eut retirees pour les introduire au ciel, S. Au-
ihrer Offenbarung in Allen und Neuen Testamente, Fri- gustin, Epist. CLXXXVIII, c. 11, n 6, t. xxxin, col. 834;
bourg-en-Brisgau, 1890, p. 246. La premiere explication, De Genesi ad litteram, xii, 63 et 64, t. xxxiv, col. 481-482,
d'ailleurs, repond mieux a la nature du bonheur goute dans etc., et ou, selon Tertullien, Adversus Marc., iv, 34, t. n,
le sein d'Abraham. col. 444; De Anima, vn, t. n, col. 657; LVII, col. 743; voir
85 ABRAHAM (LE SEIN D') ABRAHAM HALLEVI 86
PARADIS, et Klee, Manuel de I'histoire des dogmes chre- 7. ABRAHAM OE BETH - RABBAN, ainsi nomme du
tiens, trad. Mabire, Paris, 1848, t. n, p. 444, elles devaient lieu de sa naissance, plus connu sous le nom d'Abraham
demeurer jusqu'i la fin du monde et la resurrection gene- de Nisibe. (Voyez ce nom.)
rale; tantot le ciel, ou elles ont etc eminences au sortir des
limbes. S. Ambroise, De obitu Valentiniani, 72, t. xvi, 8. ABRAHAM DE LONSANO, BEN RAPHAEL, auteur
col. 580; S. Augustin, Confess., ix, 3, t. xxxii, col. 765; d'une grammaire hebraique, intitulee Qinyan 'Abraham,
Qusest. evang., n, 38, t. xxxv, col. 1350; etc. C'est unedes Possession d'Abraham, in-8, Zolkiew, 1723.
formules servant d'epitaphe sur les tombeaux Chretiens des
premiers siecles. Martigny, Dictionnaire des antiquites 9. ABRAHAM DE NISIBE OU DE BETH-RABBAN. Ecri-
chretiennes, 2* edit., Paris, 1877, au mot Paradis, p. 577. vain nestorien, qui succeda a Narsai dans 1'ecole de Ni-
Laliturgiede saint Basile, Renaudot, Liturg. orient, collect., sibe (Assemani, Bibliotheca orientalis, t. in, part, i, p. 71),
Paris, 1716, t. i, p. 72, et la liturgie romaine, Ordo com- probablement des le commencement du vie siecle. Suivant
mendationis animse, De exequiis; cf. Office de saint Martin Ebedjesu, ibid., il ecrivit un commentaire sur Josue, les
de Tours, demandent que les anges conduisent Fame du Juges, les Rois, 1'Ecclesiastique, Isaie, les douze petits
defunt dans le sein d'Abraham, c'est-a-dire au celeste Prophetes, Daniel, le Cantique des cantiques; mais cet
sejour. L'art chretien, surtout au xme siecle, represen- ouvrage ne nous est pas parvenu. Ebedjesu lui attribue
tait volontiers le ciel sous cette na'ive figure. On la voit encore un livre sur les pauses a observer dans la recitation
sculptee a Saint-Etienne de Bourges, a Moissac, a Vezelay, du psautier, et aussi une collection d'hymnes. Le premier
a Notre-Dame de Reims. Fillion, Evangile selon saint de ces ouvrages nous est egalement inconnu; mais on
Luc, Paris, 1882, p. 298. Deux lieux differents, les limbes trouve parfois, a la fin des Psautiers nestoriens, 1'une des
et le ciel, ont pu, remarque saint Thomas, loc. cit., a. 4, hymnes mentionnees par Ebedjesu, notamment dans le
ad 2, porter le meme nom a raison de leur destination Mss. Add. 7156, fol. 157 b du British Museum, a Londres.
commune, tous deux etant des lieux de repos, de rafrai- II ne faut pas confondre cet auteur avec un autre Abra-
chissement et de paix. L'un a succede a 1'autre; et depuis ham qui vecut plus tard. Cf. W. Wright, Syriac litera-
1'ascension de Jesus, selon la parole de saint Augustin, ture, dans Y Encyclopaedia Britannica, 9* edit., t. xxil,
Quasst. evang., n, 38, t. xxxv, col. 1350, le sein d'Abraham p. 836, notes 22 et 24. R. GRAFFIN.
est le lieu de repos des pauvres bienheureux, a qui appar-
tient le royaume des cieux, dans lequel ils sont recus apres 10. ABRAHAM DE PORTALEONE, BEN DAVID, connu
cette vie. E.. MANGENOT. aussi sous le nom d'Abraham Aryeh, abreviation de
MiSSa'ar 'aryeh, c'est-a-dire de Porte du lion ; ou
3. ABRAHAM BEOER8I, BEN ISAAC, surnomme Be- encore sous le nom d'Abraham Rofeh, c'est-a-dire le
dersi, c'est-a-dire de Beziers, d'apres la transcription juive Medecin , naquit a Mantoue en 1542. II alia etudier a
du nom de cette ville, d'ou il etait originaire, fut un des Pa vie la philosophic et la medecine, et il y obtint, en
poetes juifs les plus celebres de la Provence, quoique ses 1563, le titre de docteur. Sa mort arriva en 1612. II com-
nombreuses productions, denuees d'imagination, ne me- posa un livre sur les antiquites judaiques, intitule Silte
ritent pas ce renom. II florissait vers 1240. La date de sa haggiborim, Les boucliers des forts, Cant., iv, 4, ou il
mort doit etre placee de 1296 a 1300. II fit un dictionnaire traite du temple, de sa structure, des autels, des habits
des synonymes hebreux, sous le titre de Hofam foknif, sacerdotaux, du chant, de la musique et des instruments
Ezech., XXVIH, 12, Le sceau de la perfection. Ce travail, de musique des Hebreux, etc. Wagenseil appelle cet ou-
le premier de ce genre compose dans la litterature he- vrage livre excellent, expliquant solidement les antiquites
braique, est assez riche en developpemenls. Les lexiques judaiques, livre d'or . Conrad Iken s'en est beaucoup
de ses predecesseurs y sont largement mis a contribution. servi dans son livre des Antiquitates hebraicse, in-4,
Le Hofam foknif a ete edite par Gabriel Pollak, 1863. La Breme, 1730. II a ete imprime a Mantoue, in-f, 1612.
bibliotheque de Leyde possede le seul manuscrit connu, La traduction latine a ete publiee par B. Ugolini, dans son.
encore est-il incomplet. Thesaurus antiquitatum sacrarum. E. LEVESQUE.
5. ABRAHAM CH AS AN, BEN JUDA, rabbanite polo- 12. ABRAHAM FARRISSOL, BEN MARDOCHAl, origi-
nais, un des plus judicieux exegetes de ce pays, composa naire d'Avignon, alia se fixer a Mantoue, puis a Ferrare.
un commentaire succinct sur les prophetes, les hagio- Celebre par ses ouvrages de geographic et de cosmogra-
graphes et les cinq Megillot. Dans cet ouvrage, il sait phie, il n'a pas la meme valeur comme exegete; il ne fait
mettre a profit les commentaires plus anciens, comme que suivre les sentiers battus des interpretes juifs de son
ceux de Raschi, d'Aben-Esra, de Kimchi, etc., et il traduit temps. On a de lui un commentaire tres court sur le Pen-
en allemand les mots difficiles de 1'Ecriture. In-f, Lublin, tateuque, Pirhe SoSannim, Fleurs des Us; un commen-
1593,1612. taire sur 1'Ecclesiaste; un autre sur Job, imprime dans
la Bible rabbinique de Venise, 1518, et public a Amster-
6. ABRAHAM DE BALMES, BEN MEIR, grammairien dam dans 1'ouvrage de Moise Francfurter, intitule Qehilaf
juif du xv siecle, ne a Lecce, dans le royaume de Naples, Moseh.
fut medecin du cardinal Gammari, et professeur a 1'uni-
versite de Padoue. II se fit connaitre par une traduction 13. ABRAHAM GALANTE, rabbin italien, mort a Rome,
latine des oauvres d'Averroes. On lui doit aussi une gram- au commencement du xvi siecle, donna un commentaire
maire de la langue hebraique, intitulee Miqneh 'Abram, cabalistique sur les Lamentations de Jeremie, Qinaf
Gen., xiii, 7, La possession d'Abram. Cette grammaire, sefdrim, Lamentation mysterieuse, in-4, Venise, 1589;
en hebreu et en latin, n'etait pas achevee quand il mourut, in-4, Prague, 1621.
at Venise, en 1523. Elle fut continuee par R. Kalonymos-
ben-David, et publiee par Bomberg. Abraham montre 14. ABRAHAM HALLEVI, surnomme Hazzaqen (I'An-
dans cet ouvrage une grande erudition, et en exposant ses cien), disciple de Moise Corduero, vivait a Jerusalem au.
idees personnelles, en discutant les opinions des anciens xvi siecle. II donna un commentaire cabalistique sur les
grammairiens, il fait preuve d'un grand sens critique, soixante-dix semaines de Daniel, MeSdre qitrin, Celui
mais il peche par la methode. Cette grammaire fut im- qui resout les problemes, Dan., v, 16. Les futilites con-
primee a Venise, par Bomberg, in-4, 1523; la traduction traires au texte, dit Bartolocci, abondent en cet ouvrage.
latine a Anvers, in-4, 1564; hebreu et latin, Hanau, 1594. Public a Constantinople, in-4, 1510.
87 ABRAHAM HALLEVI ABRAM
15. ABRAHAM HALLEVI, BEN ISAAC, publia le Can- nombre de traductions anciennes et modernes, en cas-
tique des cantiques avec commentaires : 1'un litteral, tillan ou dans une autre langue; et Us se sont servis des
1'autre allegorique et mystique. Sabionetta, 1558. La tra\aux des plus celebres rabbins, tels que Kimchi, Raschi,
Bibliotheque nationale en possede un manuscrit de 1481. Aben-Esra, etc. La Bible termine'e fut soumise a 1'exa-
men de 1'Inquisition; aussi jouit-elle d'une grande autorite
16. ABRAHAM HALLEVI, BEN MEGAS (Ibn-Migas), parmi les Chretiens aussi bien que parmi les Juifs. L'edi-
rabbin espagnol, auteur du Kebod 'Elohim, La gloire tion chretienne s'ecarte cependant de la Vulgate en beau-
de Dieu, Ezech., ix, 3, interpretation spirituelle du coup de points, mais sans gravite. Plusieurs passages sont
Pentateuque, in-4, Constantinople, 1605. obscurs, par le trop grand soin qu'on a mis a traduire
mot a mot. Enfin le style est rempli d'archaismes, ce qui
17. ABRAHAM KALMANKAS, BEN JOSEPH, le plus lui donne un certain air d'antiquite a cote de la langue
e
celebre des cabalistes allemands du xvie siecle, fit un du xvi siecle. La Bible espagnole a 1'usage des juifs a ete
commentaire sur la Genese, Ha'eSel, Le tamaris. Lublin reimprimee a Amsterdam en 5371 (1611) et en 5390 (1630),
in-f. Une derniere edition, corrigee par Joseph Atias,
18. ABRAHAM MAUMOUNI, ne en 1184, morten!234, a ete donnee au mme lieu en 5421 (1661), in -8. La
outre des gloses sur la Mischnah, composa, d'apres les double edition de 1553 est tres rare et tres recherchee.
principes du celebre Maimonide, son pere, un com-!
mentaire arabe sur le Pentateuque dont la bibliotheque 23. ABRAHAM ZAHALON OU TSAHALON, juif espa-
bodleienne conserve un manuscrit. gnol du xvie siecle, talmudiste, auteur d'un commentaire
grammatical et pedagogique sur Esther, YeSa* 'Elohim,
19. ABRAHAM OSTROH, BEN DAVID, auteur d'un Le salut de Dieu, in-4, Bagdad, 1595; Venise, 1621.
commentaire sur le Targum, imprime dans une edition
du Pentateuque avec les trois Targums arameens. In-f, 24. ABRAHAM ZANTI (hakkohen, le pretre ) ,
Hanau, 1614; in-f, Francfort-sur-1'Oder, 1681. rabbin de Venise, ne en 1670, mort en 1729, medecin,
philosophe et poete. On a de lui Kehunnat 'Abraham, Le
20. ABRAHAM SABBA, juif-espagnol, cabaliste, dis- sacerdoce d'Abraham, paraphrase poetique des Psaumes
tingue comme exegete, se retira a Lisbonne a 1'epoque en cinq livres, in-4, Venise, 1719. E. LEVESQUE.
de 1'expulsion des Juifs, en 1492; puis de la a Fez, dans
le Maroc. Le plus connu de ses ecrits est le eror ham- 1. ABRAM, nom porte par Abraham pendant la pre-
mor, Bouquet de myrrhe, Cant., i, 13 (12), commentaire miere partie de sa vie. Voir ABRAHAM 1.
sur le Pentateuque, ouiln'use que moderement des doc-
trines de la cabale, et se renferme souvent dans la seule 2. ABRAM (Nicolas), naquit en 1589 a Xaronval, petit
exegese rationnelle. 11 fut publie a Constantinople, in-f, village des environs de Charmes-sur-Moselle, et entra dans
1514; a Venise, in-f, 1513, 1546, 1566; a Cracovie, 1595. la Compagnie de Jesus en 1606. II conquit les grades de
maitre es arts et de docteur en theologie a 1'universite
21. ABRAHAM SEEB OU ZEEB, BEN BENJAMIN, de Pont-a-Mousson, et y enseigna d'abord les humani-
mort en 1698, dans la Lithuanie, auteur d'un commentaire tes, puis pendant dix-sept ans 1'Ecriture Sainte. En 1625,
litteral et spirituel sur le Pentateuque, Zera* 'Abraham, il fut un des collaborateurs de Pierre Fourier dans la
La race d'Abraham, Gen., xxi, 12, in-4, Salzbourg, 1685. mission de Badonviller, qui provoqua la conversion d'un
grand nombre de protestants; il gouverna aussi le noviciat
22. ABRAHAM USQUE, ne a Lisbonne, fut du nom- des jesuites de Nancy, et professa quelque temps les
bre des emigres qui, a 1'epoque de 1'expulsion des juifs sciences sacrees a Dijon. Mais la plus grande partie de sa
(1493-1506), allerent se fixer a Ferrare. II y etablit une vie se passa a 1'universite de Pont-a-Mousson, dont il
imprimerie et se rendit celebre par la publication de la ecrivit 1'histoire, et ou il mourut, le 7 septembre 1655,
Bible des Juifs, ou Bible de Ferrare : Biblia en lengua enleve par une fievre typhoide, a 1'age de soixante-six ans.
espanola, traduzida palabra por palabra de la verdad Les ouvrages qu'il publia sur les matieres de ses cours
hebrayca, por muy excellenles letrados, con yndustria donnent une haute idee de son enseignement. Ses travaux
y diligencia de Abraha Usque Portugues. Estampada en exegetiques sont: 1 Nonni Panopolitani Paraphrasis
Ferrara, en 14 de Adar de 5313 (1553), in-f. goth. Elle sancti secundum Joannem Evangelii, in-8, Paris, 1623.
etait dediee a dona Gracia Naci. II parut en meme temps Une traduction en beaux vers latins accompagne le texte
une autre edition, qui ne differe guere que par la dedi* grec; 1'episode de la femme adultere, Joa., vm, 3-11,
cace et la suscription. Cette edition, a 1'usage des chre- omis ou a peine mentionne par Nonnus, est supplee en
tiens espagnols, est dediee au due Hercule d'Este; etles soixante-treize hexametres grecs de la composition de 1'edi-
noms d'Abraham Usque et Tob Atias, qu'on lit dans le teur. 2 Une dissertation sur les quatre lleuves et 1'empla-
titre de la Bible des juifs, sonl remplaces par ceux de cement du paradis terrestre, ajoutee au commentaire des
Duarte Pinel et Jeronimo de Vargas. La date est la meme; Georgiques : Commentarii in P. Virgilii Maronis Buco-
mais au lieu d'etre donnee par les annees du monde, selon lica et Georgica. Accessit diatriba de quatuor fluviis et
la coutume des juifs, elle Test par les annees du Christ, loco parodist ad explicationem versus 290 libri quarti
sous cette forme: le i" mars 1553. Un examen tres attentif Georgicon, in-8, Pont-a-Mousson, Ib36. 3 Epitome
decouvre quelques pelites divergences d'interpretation. rudimentorum linguae hebraicae versibus latinis breviter
Plusieurs passages sont traduits difleremment dans ces et dilucide comprehensa, in-4, Paris, 1645. 4 Pharus
deux Bibles, selon la croyance de ceux pour qui elles furent Veteris Testamenti, sive sacrarum quaestionum libri xv,
imprimees. On n'a la cependant qu'un meme ouvrage en quibus occesserunt ejusdem auctoris de Veritate et Men-
deux editions simultances. D'apres Fiirst, les savants dont dado libri iv, in-f, Paris, 1648. C'est le principal ouvrage
il est parle dans le titre ne seraient autres qu'Abraham exegetique du P. Abram, ou sont elucidees les difficultes
Usque et Duarte Pinel. Mais ces deux noms ne designent scientifiques, historiques, geographiques et chronolo-
qu'un seul et meme personnage, comme 1'a demon tre giques de 1'Ancien Testament. L'Hexameron, 1'emplace-
M. Gratz, Geschichte der Juden, t. ix, note 6, p. LXIV. ment du paradis terrestre, les benedictions de Noe a ses
Abraham Usque fit cette traduction avec le concours de fils, la confusion des langues, 1'origine des royaumes,
plusieurs savants; il la signa de son nom dans 1'edition 1'histoire des Assyriens, d'Abraham, de Pharaon, la duree
juive, et d'un pseudonyme dans 1'edition adressee aux du sejour des Hebreux en Egypte, la chronologic hebraique
Chretiens. Cette version est estimable. Les auteurs, comme depuis les Juges jusqu'a la construction du temple, la cap-
il est declare dans le prologue, ont eu sous lesyeux bon In ite de Babylone, Darius le Mede, Judith, la venue da
89 ABRAM ABREK 90
Messie et les soixante-dix semaines de Daniel, sont succes- n'a pas de grandes probabilite's en sa faveur . M. V. Guerin
sivement etudies. Cet ouvrage, dit dom Calmet, Biblio- se demande s'il ne serait pas permis de reconnaitre Abran
theque sacree, rv partie, art. iv, est bien ecrit, savant, solide dans le village de Beroueh, un peu a Test de Saint- Jean-
et fort estime. L'auteur y traite les questions a fond. Les d'Acre, Description de la Palestine, Galilee, 1.1, p. 432.
textes de 1'Ecriture et des docteurs, les citations des poetes L'identification, comme on le voit, est encore a 1'etat de
et des ecrivains profanes se pressent sous sa plume, et, tout probleme, et le parti le plus sage est d'attendre de meil-
en concourant a 1'explication des Saintes Lettres, revelent leures decouvertes. A. LEGENDRE.
la profonde erudition de 1'exegete. La forme rend la lecture
du Phare facile et interessante. Le P. Abram est un huma- ABRAVANEL. Voir ABARBANEL, col. 15.
niste: il veut, a 1'exemple de Ciceron, repandre sur des ques-
tions ardues les charmes du dialogue, et les quinze traites ABREK (hebreu: 'abrek; les Septante ont omis ce
dont se compose 1'ouvrage portent, comme ceux de 1'auteur mot, ou plutot 1'ont rendu par xr5pv, heraut, comme
de Brutus, un double titre, tire et du principal interlocuteur la version samaritaine). Quand Joseph eut explique au
et du sujet; par exemple : Philoctistes, ou de la Creation; pharaon les songes qui predisaient les sept annees d'abon-
Theophraste, ou du Site et des fleuves du paradis. dance et de sterilite, celui - ci le combla d'honneurs, le
Quelques idees particulieres du P. Abram meritent d'etre fit monter sur son second char, et 1'on cria devant lui:
signalees. II admet dans la creation une sorte devolution. 'abrek! Gen., XLI, 43. Plusieurs tentatives ont ete faites
A 1'origine du temps, Dieu a cree simultanement la sub- pour trouver une explication satisfaisante de ce mot.
stance de loutes les choses du monde; seule 1'ame hu- 1 Les uns y ont vu le verbe hebreu bdrak, plier les
maine a etc 1'objet d'une creation speciale au sixieme jour. genoux. C'est ainsi qu'ont traduit: la Vulgate, ut om-
Les substances ont produit, par emanation naturelle, les nes coram eo genuflecterent; Aquila, yovati'^etv; la tra-
qualites et les perfections dues a leur nature. Cette evolu- duction grecque dite de Venise, yovyiteTeiv. Ce serait Pim-
tion a eu lieu plus ou moins vite, et sa vitesse etait pro- peratif 2e pers. du sing., ou 1'infinitif absolu mis pour
portionnee a la nature de chaque substance; de la vient la 1'imperatif. Mais dans cette hypothese il faut recourir a
distinction des jours. Le paradis terrestre etait situe en une sorte d'aphel, forme tres irreguliere de Vhiphil,
Palestine, et le Jourdain 1'arrosait avant de se separer en 'abrek pour habrek; et 1'on aurait d'ailleurs le sens cau-
quatre branches. L'Amerique etait connue d'Aristote, et satif, faire agenouiller : ce qui ne s'explique pas dans
les Americains sont fils de Cham. La forme dialoguee la bouche du heraut precedant Joseph.
du Phare continue dans les quatre livres de la Verite et 2" On ne reussit pas mieux en recourant a 1'assyrien,
du Mensonge. Les mensonges reels ou apparents, men- comme Friedr. Delitzsch. Abarakku signifie pere du roi:
tionnes dans la Bible, sont expliques dans les troisieme ce serait un litre de premier ministre ou conseiller du roi.
et quatrieme livres. D'apres dom Calmet, le college de Voir Assyrische Worterbuch, Leipzig, 1888, p. 68-70;
Pont-a-Mousson possedait manuscrites des Commenta- Noldeke, Zeitschrift der deutschen morgenlandischen
tiones in epistolas D. Pauli du P. Abram. Nous ignorons Gesellschaft, t. XL, p. 734. Cette explication est fort in-
ce qu'est devenu ce commentaire. Voir Bibliotheca scri- vraisemblable: on ne comprend pas qu'un nom assyrien
ptorum S. J., Rome, 1676; D. Calmet, Bibliotheque ait ete employe alors en Egypte, ni que Moise ait traduit
lorraine, art. Abram; Carayon, L'universite de Pont- un titre egyptien par un titre etranger. Les auteurs des
a-Mousson, introd., p. XXXI-LIV; Hurter, Nomenclator Targums, il est vrai, ont rendu abrek par pere du roi;
litterarius, Inspriick, t. i, p. 806-807; Eug. Martin, Le ces interpretes, eloignes de 1'Egypte, ignorant la vraie si-
P. Abram historien de Pont-a-Mousson et ses deux tra- gnification de ce terme, ont tout naturellement cherche
ducteurs, Nancy, 1888. E. MANGENOT. a 1'expliquer par 1'arameen ou 1'hebreu, si voisins de 1'as-
syrien, et y ont vu un compose ou entrait le mot 'ab,
ABRAN (hebreu: 'Ebron; Septante: 'EX6iv, 'Axpav), pere. Cf. version syriaque: pere et chef.
ville de la tribu d'Aser, mentionnee une seule fois dans 3 N'est-il pas plus naturel, dit-on, de voirici un mot
la sainte Ecriture, Jos., xix, 28, et citee entre Cabul et egyptien, puisque 1'histoire de Joseph a une couleur locale
Rohob. Eusebe, Onomasticon, et saint Jerome, Lib. de tres marquee, et nous est racontee dans un style tout par-
situ et nominibus locorum heb., t. xxm, p. 873, ne font seme de mots egyptiens? Ceux qui pensent que le terme
que 1'indiquer sous le nom ftAchran. Faut-il, avec cer- est egyptien ont recours, les uns au copte, les autres a
tains critiques, voir dans ce mot une faute de copiste, et 1'ancien egyptien. Keil et Franz Delitzsch rapprochent
au lieu de 'Ebrdn lire 'Abdon, comme au chapitre xxi, 30, notre terme du copte abork (a, signe de 1'imperalif; bor,
du m&ne livre, et I Par., vi, 74? C'est possible, puisque jeter en bas, et k, signe de la deuxieme personne),
rien n'est plus facile que de confondre, en hebreu, le d'ou abork,jette-toi a terre, prosterne-toi. Voir Benfey,
daleth, T, et le resch, -\; mais ce n'est pas certain. Si nous Verhaltniss der agyptischen Sprache zum semitischen
consultons les manuscrits, nous les trouvons en nombre Sprachstamm, p. 302. Mais abork signifierait jette ,
a peu pres egal pour les deux lecons : vingt-cinq portent plutot que jette-toi , et encore moins prosterne-toi .
'Ebron, et dix-neuf 'Abdon.Cf. B. Kennicott, Vet. Testam. Pour donner ce dernier sens, il faudrait ajouter quelque
heb., Oxford, 1776,1.1, p. 470, et J.-B. de Rossi, Var. lect. mot comme a terre , ou sur ton ventre , selon
Vet. Testam., Parme, 1785, t. u, p. 9i. Mais la premiere 1'expression usitee : II se mit sur son ventre, pour il
lecon a pour elle, outre le texte massoretique et le Targum se prosterna, Erta-nef su her hatef. Les autres es-
de Jonathan, I'unanimite des plus anciennes versions sy- sais d'etymologie par le copte sont encore moins heu-
riaque, latine, arabe, qui maintiennent le resch. On ne reux. Pfeiffer, Opera philologica, t. I, p. 94, propose
saurait, en faveur de la seconde, alleguer qu'Abdon, ville 1'explication suivante : afrek, verbe copte compose de
levitique, devait etre dans la liste des principales villes rek, incliner, et af, marque de la 3e personne du pre-
d'Aser, Jos., xix, 24-31, puisqu'on n'y rencontre pas d'autres terit; d'ou afrek, s'inclina (sous-entendu chacun).
cites non moins importantes, telles qu'Accho, Ahalab et Cette explication est inadmissible, parce que ce preterit
Achazib, Jud., i, 31. n'a pas le sens optatif; de plus, af n'eut jamais ete" trans-
M. de Saulcy avait cru retrouver cette local!te dans le crit ab. Pour Ign. Rossi, Etymologise aegyptiacte, p. 7,
village actuel tf'Abillin, a peu de distance de la route abrek serait un compose de ape, tete, et rek, . in-
qui conduit de Saint-Jean-d'Acre a Nazareth, Voyage cliner; d'ou le mot copte aperek, aprek et abrek, in-
autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. i, p. 73, note. clinez la tte. Cet ordre d'inch'ner la t4te ne paralt
Mais plus tard, dans son Dictionnaire des antiguites guere conforme au ceremonial egyptien : on se proster-
bibliques, Migne, 1859, p. 31, il se montre fort tente nait jusqu'a terre. Puis, en egyptien, le regime se met apres
d'abandonner cette hypothese, qui, il faut bien le dire, le verbe et non avant. De meme, en copte, incliner la
91 ABREK ABSALOM 92
t&te ne se dit pas abrek on aprek, mais rekdjd. Cf. etendu nos tapis a son ombre, et nous y avons ete com-
Novum Testamentum copticum, edit. Wilkins, Oxford, pletement a 1'abri des rayons du soleil. L'odeur de ton
1716, Joa., YIII, 8; xix, 30; Peyron, Lexicon lingux cop- haleine est comme le tappuah. Cant., vii, 8. II n'y a
ticsB, et Peyron, Grammatical Imgux copticae, ch. xvi, p. 74. guere de fruit plus delicieusement parfume que 1'abricot.
4 On a pense etre plus heureux en expliquant abrek Et a quel fruit peut mieux convenir 1'epithete de Salo-
directement par 1'egyptien, et en le considerant comme mon : des pommes d'or dans des vases d'argent,
un compose de ap, premier, et de reh, savant. Prov., xxv, 11, qu'a ce fruit dore, lorsqu'il fait flechir sous
Apreh signifierait done premier savant, titre analogue son poids, dans son cadre de feuillage brillant mais pale,
pour la forme a celui de premier prophete . Ap pourrait les branches qui le portent. H. B. Tristram, The Land
encore se traduire par chef , d'ou chef des savants . of Israel, in-8, Londres, 1865, p. 605. Voir Id., Fauna
Les savants du pharaon, suten rehu, n'ont pu interpreter and Flora of Palestina, in-4,.Londres, 1884, p. 294.
son songe; Joseph y reussit. N'est-il pas naturel qu'on lui Aujourd'hui, en Chypre, on appelle encore 1'abricot la
donne le titre de premier savant , ou chef des sa- pomme d'or , TO -^pvao^o^). W. A. Groser, The Trees
vants ? La transcription ne souffre pas de difficulte; le and Plants in the Bible, in-12, Londres, 1888, p. 92.
b hebralque est souvent mis pour le p egyptien, et le k On ne saurait nier que les caracteres que 1'Ecriture
pour le h (heth egyptien, equivalent au khi grec, -/) Voir attribue au fappuah ne puissent convenir a 1'abricotier et
Harkavy, Les mots egyptiens de la Bible, dans le Journal
asiatique, mars-avril 1870, p. 177. Malheureusement 1'ad-
jectif, en egyptien, se place apres le nom; premier sa-
vant se disait done rehape; de plus ap, dans le sens de
chef , n'est pas connu dans les titres, et encore fau-
drait-il rehu au pluriel.
5 L'explication la plus satisfaisante donnee jusqu'ici est
encore celle de M. H. Brugsch. Abrek est, d'apres lui,
un mot d'origine semitique egyptianise. II est certain que,
a 1'epoque des rois pasteurs, des mots semitiques ont pene-
tre en Egypte. A Thebes ou a Memphis sans doute, ces mots
n'entraient pas dans le langage populaire; mais a Tanis,
lieu de 1'episode raconte par la Genese, XLI, il y avait une
population melee, ou les Semites etaient nombreux, sur-
tout a 1'epoque des rois pasteurs. II n'est pas etonnant que
dans cette ville des racines semitiques aient revetu des
formes egyptiennes, et soient passees dans le langage cou-
rant. Bark signifie etre agenouille (Chabas); de la est
venu adorer (Brugsch). L'a initial est la marque de
1'imperatif egyptien. La simple racine du verbe avec a,
sans aucun suffixe personnel, ni pour le singulier ni pour
le pluriel, est un imperatif tres usite. Abrek a done le sens 9. Abrlcotler, feuilles et fruits.
de agenouillez-vous, prosternez-vous . N'est-ce pas ce
mot, avec une simple modification de voyelle, qu'emploient a son fruit. Get arbre, originaire d'Armenie, a du etre
les Arabes d'Egypte, pour inviter un chameau a se coucher, introduit de bonne heure en Palestine, comme la vigne,
lorsqu'il doit recevoir sa charge: Abrok ? Chabas, Etudes qui vient aussi des memes regions. II serait done tout
sur I'antiquite historique, 2e edit, p. 418-419. naturel que nous trouvions des allusions a son fruit dans
E. LEVESQUE. 1'Ecriture. Malheureusement les passages ou les auteurs
ABRICOTIER, arbre de la famille des Rosacees, qui sacres parlent du tappuah sont trop vagues pour qu'ils
atteint de trois a six metres de hauteur. Ses fleurs sont permcttent de determiner rigoureusement 1'arbre dont ils
precoces et se developpent avant les feuilles; leurs petales ont voulu parler. Aussi les avis sont-ils tres partages sur
sont blancs a 1'interieur et roses a 1'exterieur. Les feuilles sa nature. L'abricotier a assez peu de partisans; le citron-
sont glabres, luisantes, largerrient ovales et dentelees sur les nier et le cognassier en ont davantage. Voir W. Houghton,
bords (fig. 9). Le fruit, 1'abricot, se compose d'un noyau The Tree and Fruit represented by the Tapuakh of the
ovale, autour duquel est la chair ou pulpe, d'une saveur Hebrew Scriptures, dans les Proceedings of the Society
sucree aromatique, recouverte d'une peau jaune ou rou- of Biblical Archeology, novembre 1889, t. xii, p. 42-48;
geatre, finement veloutee. vpir aussi CITRON, COGNASSIER, POMME, TAPPUAH.
F. VIGOUROUX.
Vois Tabricot naissant, sous les yeux d'un beau ciel,
Arrondir son fruit doux et blond comme le miel. ABRONAS (grec: 'Agpwva;), forme grecque alteree
(ANDRE CHENIER, Idylle in.) du nom de la riviere Chaboras, affluent de 1'Euphrate,
en Mesopotamie. Judith, 11, 24. Dans le passage corres-
II n'est pas certain qu'il soit mentionne dans la Bible. pondant de la Vulgate, n, 14, nous lisons le torrent de
Quelques savants croient cependant le reconnaitre dans Mambre au lieu d'Abronas. Voir MAMBRE 3.
le fappuah du Cantique, n, 3, 5; vii, 8; vni, 5; des Pro-
verbes, xxv, 11, et de Joel, i, 12. L'abricot, dit M. Tris- ABSALOM, hebreu : 'Absalom, le pere est paix;
tram, est commun dans toute la Palestine. C'est peut- Septante: 'A6<TOaXo>[i.
etre, si 1'on en excepte seulement la figue, le fruit le plus
abondant du pays. Sur les montagnes et dans les vallees, 1. ABSALOM, le troisieme des fils de David. II etait
sur les rives de la Mediterranee et sur les bords du Jour- petit-fils de Tholmai, roi de Gessur, par sa mere Maacha,
dain, dans le nord de la Judee, sur les hauteurs du II Reg., m, 3; I Par., m, 2. Celle-ci avait encore donne
Liban, dans les gorges de la Galilee et dans les vallons a David une fille, Thamar, dont la grande beaute fournit
de Galaad, 1'abricotier est florissant et donne des fruits la premiere occasion des evenements qui se rapportent
en abondance. L'arbre et les fruits repondent parfaite- a 1'histoire d'Absalom. II Reg., XIII-XVIH.
ment a tout ce que 1'Ecriture nous dit du fappuah. Je Amnon, fils de David et d'Achinoam la Jesraelite, ayant
me suis assis avec delices a son ombre, et son fruit etait concu pour Thamar une passion criminelle, tendit un
doux a ma bouche. Cant., n, 3. Pres de Damas et sur piege a son innocence et se porta envers elle aux derniers
les rives du Barada, nous avons dresse nos tentes et outrages; puis il la chassa d'une maniere ignominieuse,
93 ABSALOM
II Reg., xni, 1-20, Voir AMNON 1 et THAMAR 2. L'infor- passe, fit avouer a cette femme qu'elle avait obei aux sug-
tuneejeune fille alia se refugier chez son frere Absalom, gestions de Joab, dont il connaissait les sentiments envers
son protecteur riaturel. Cf. Gen., xxxiv, 31. Absalom sut le prince proscrit. II se tourna ensuite vers le general,
maitriser sa colere et dissimuler la haine que cet attentat qui etait present; car, comme le texte le donne a entendre,
lui inspira centre Amnon; mais il resolut des ce jour d'en cette scene se passait dans une audience publique : Me
tirer une terrible vengeance. II Reg., xin, 32. voila apaise, lui dit-il, et il sera fait selon votre desir;
Deux ans apres cet evenement, quand tout le monde allez done et rappelez Absalom. II Reg., xiv, 21. Joab
pouvait croire qu'il avait oublie 1'outrage fait a Thamar, se rendit en personne au pays de Gessur et ramena Ab-
il invita David et tous les princes ses freres a une fete salom a Jerusalem.
qu'il allait-donner selon 1'usage, cf. I Reg., xxv, 2-8, a David n'entendait pas toutefois accorder encore a son
1'occasion de la tonte de ses troupeaux. Le roi s'excusa, fils une grace complete; il ne voulut pas 1'admettre en sa
comme Absalom 1'avait sans doute prevu; il fit meme des presence, et lui ordonna de rester enferme dans son pa-
difficultes pour laisser aller a cette fete Amnon, dont lais, croyant le tenir plus facilement par la dans le devoir,
Absalom reclamait instamment la presence. L'insistance et lui faire mieux comprendre la gravite de sa faute. Deux
de celui-ci, conforme, ainsi que le refus de David, a la po- ans s'ecoulerent ainsi. C'etait plus que 1'humeur bouillante
litesse orientale, ne pouvait exciter les soupcons : il etait du prince n'en pouvait supporter. Par deux fois il envoya
naturel que, a defaut du roi, son fils aine fut appele a prier Joab de venir le trouver, pour aller ensuite parler
presider le banquet; et d'ailleurs le politique Absalom dut de sa part au roi, et par deux fois Joab, qui savait David
parler de facon a n'exciter dans 1'esprit de son pere au- peu dispose encore a accorder la grace desiree, refusa.
cune mefiance sur le dessein qu'il meditait depuis si long- Absalom fit enfin mettre le feu par ses serviteurs a un
temps, et dont il avait prepare le succes avec une profonde champ d'orge de Joab, voisin du sien, et le contraignit-
habilete. C'est loin de Jerusalem qu'il avait resolu de ainsi de venir. Pourquoi suis-je revenu ici? lui dit-ilj
1'executer, avec le concours de serviteurs venus probable- alors. II vaudrait mieux que je fusse encore a Gessur; je
ment de Gessur, et qui, n'ayant rien a craindre ni a me- demande a voir le roi. Qu'il me fasse plutot mourir, s'il!
nager en Israel, feraient ce que n'auraient pas ose faire se souvient toujours de mon iniquite. II Reg., xiv, 32.
des Israelites. De telles paroles, apres un precede si violent, firent com-
Les invites se rendirent done a Baalhasor, au dela de prendre a Joab qu'il ne fallait pas comprimer plus long-
Bethel, non loin d'Ephraim ou Ephron. Absalom leur temps cette nature impetueuse. II alia trouver le roi, et
servit un festin royal, pendant lequel, a un signal donne David recut son fils dans ses bras. II Reg., xiv.
par lui, ses serviteurs frapperent Amnon sous les yeux Mais il etait trop tard ; la reconciliation ne fut qu'appa-
de ses freres. Ceux-ci, epouvantes et tremblant pour eux- rente du cote d'Absalom, aigri et irrite contre son pere par
memes, se precipiterent hors de la salle, monterent sur I'eloignement ou il 1'avait tenu a la suite d'une proscrip-
leurs mules et s'enfuirent vers Jerusalem. Absalom prit tion de trois ans. L'ambition acheva 1'oeuvre de la colere.
la direction opposee, passa le Jourdain et alia se refugier Le premier usage qu'il fit de la liberte que David venait
a la cour de son grand-pere, au royaume de Gessur, pays de lui rendre, fut de travailler a le renverser du trone pour
correspondant en partie au Ledjah actuel. y prendre sa place. La crainte d'etre supplante comme
David ne chercha pas a 1'inquieter dans sa retraite. Apres heritier du royaume par Salomon, le jeune fils de Beth-
avoir amerement pleure son fils Amnon, il sentit se reveiller sabee, fut peut-tre aussi un des motifs qui 1'engagerent
peu a peu son ancienne affection pour Absalom. II Reg., dans ce dessein. A partir de ce moment, il n'agit plus
xiv, 1. Le peuple, de son cote, commencait a trouver qu'en ambitieux sans conscience et en fils denature. Sa
longue 1'absence de celui que 1'on considerait comme 1'he- beaute physique, II Reg., xiv, 25-26, ses qualit^s natu-
ritier du trone depuis la mort d'Amnon; car on conclut relles, lui attiraient deja 1'affection du peuple. Ne vou-
avec raison du silence de 1'Ecriture au sujet de Daniel ou lant rien negliger pour accroitre sa popularite, il affecta
Cheleab, fils de David et d'Abigail, que ce prince, plus age un train royal; il eut des chars, un cortege de cavalerie,
qu'Absalom, etait mort aussi. Les esprits se retournaient cinquante hommes qui couraient devant lui. De grand
done vers Absalom, qui avait toujours ete cheri du peuple. matin on le trouvait a la porte du palais; il s'y faisait,
On aimait a se rappeler qu'il n'y avait point d'homme dans par ses basses prevenances, le flatteur de tous les solli-
tout Israel qui lui fut comparable par la bonne grace et citeurs qui se presentaient, et declarait toujours leur
la beaute. II Reg., xiv, 25. Ces dons naturels, qu'il rele- cause juste. II ne rougissait pas de calomnier son pere,
vait encore par 1'affabilite de ses manieres et le talent de en rejetant sur lui les negligences et les fautes des magis-
gagner les coeurs, II Reg., xv, 2-6, 1'avaient rendu d'au- trats, et en gemissant de ce qu'il n'avait etabli personne
tant plus populaire, que 1'orgueil des Israelites etait flatte pour recevoir les plaintes de ses sujets, II Reg., xv, 1-6,
de trouver en lui un prince dont la mere etait de race comme si lui-meme n'avait pas du son pardon a la facilite
royale, avantage qui manquait aux autres fils de David. avec laquelle David avait donne audience a la Thecuenne,
Joab imagina un habile stratageme pour donner satis- et accorde a cette femme la grace qu'elle sollicitait. II est
faction au sentiment public, s'assurer les bonnes graces possible toutefois que David eut, en effet, apporte quelque
du futur roi d'Israel, et offrir du meme coup a David 1'oc- negligence dans 1'administration de la justice, ce premier
casion d'agir selon le secret desir de son cceur en rappe- des devoirs personnels des souverains orientaux, ou plutot
lant le coupable. Craignant de ne pas reussir s'il traitait dans la surveillance de ses juges; il fallait bien que les
lui-meme cette affaire, il fit venir de Thecue, la moderne accusations d'Absalom eussent quelque fondement pour
Tekua, a deux heures de chemin au sud de Bethlehem, etre ainsi ecoutees. Cependant 1'ambitieux ne parlait pas
une femme inconnue de David, dont 1'intelligence devait encore de regner, mais il disait bien haut que les choses
assurer le succes de son dessein. Apres qu'il lui eut appris n'iraient pas de la sorte, si on lui confiait le soin de rendre
sa lecon, elle se presenta devant le roi en donnant toutes la justice a tous. Ainsi, comme le dit le texte hebreu, il
les marques de la plus vive douleur. Ses deux fils, disait- volait a son pere les coeurs des hommes d'Israel. II Reg.,
elle, s'etaient battus dans les champs, et 1'un avait tue xv, 6. Quand il crut les avoir assez gagnes a son parti, il
1'autre; et maintenant les vengeurs du mort, cf. Num., se mit en mesure de se faire proclamer roi. Apres qua-
xxxv, 19, demandaient le sang du meurtrier. Elle sup- rante ans, il demanda a David la permission d'aller a
pliait David de rappeler ce fils, sa seule consolation, et de Hebron, sous pretexte d'y oflrir un sacrifice dont il avait
le defendre centre tous. Le roi promit, et aussitot elle fit fait le voeu pendant qu'il etait a Gessur. II Reg., xv, 7.
1'application de son histoire a Absalom, dont 1'exil, qui Ces a quarante ans ont de tout temps embarrasse les
durait depuis trois ans, etait regarde comme une calamite commentateurs. II y en a qui pensent qu'il faut lire, avec
nationale. David, comprenant alors tout ce qui s'etait la version syriaque, Josephe, Theodoret et certains ma-
95 ABSALOM 96
nuscrits latins, quatre au lieu de quarante ; ce se- done d'abuser publiquement des dix epouses de second
raient, d'apres eux, les quatre ans ecoules depuis le retour rang que David avait laissees pour garder le palais, 1'as-
d'Absalom du pays de Gessur, ou depuis sa reconciliation surant que cet outrage fait a son pere acheverait de fixer
complete avec son pere. Mais d'autres ne voient pas de dans son parti les timides.et les indecis, cet element flot-
raison suffisante d'abandonner le chiffre de 1'hebreu, de tant que 1'on rencontre au debut de toutes les revolutions et
la Vulgate, etc., plus communement admis, et dont on qui appartient au plus hardi. Le terrible conseiller se sou-
peut donner une explication satisfaisante. Les quarante venait qu'il etait le grand-pere de Dethsabee et 1'allie
ans seraient comptes, selon 1'opinion la plus conforme d'Urie, et il voulait se venger. Sur la terrasse meme ou
aux donnees chronologiques, a partir de la premiere onc- David se trouvait quand il apercut Dethsabee, II Reg.,
tion royale que David recut de Samuel, evenement d'une xi, 2, son fils fit done dresser une tente pour les dix
importance capitale dans 1'histoire du saint roi. I Reg., femmes, et, a la vue de tout le peuple, il entra la en maitre.
xvi, 13. Une demarche de cette nature devait etre consideree,
Hebron, par son importance et sa situation a quelques d'apres les moeurs de 1'Orient, comme un acte usurpateur
lieues seulement de Jerusalem, paraissait etre le point le de la souverainete. Voir ABNER et ADONIAS. Cf. dans He-
plus favorable pour 1'execution des projets d'Absalom. Cite rodote, in, 68, 1'acte du faux Smerdis, qui epousatoutes
sacerdotale, Jos., xxi, 13, et ville de refuge, Jos., xx, 7, les femmes de Cambyse. Mais 1'action d'Absalom fut encore
elle empruntait une sorte de caractere sacre aux sepulcres plus un outrage execrable commis contre son pere. Dans
d'Abraham et des autres patriarches dont elle conservait les desseins de Dieu, c'etait 1'accomplissement rigoureux
le depot. Gen., xxv, etc. Elle avail ete d'ailleurs la pre- de la prophetic de Nathan a David apres son double crime,
miere capitale de David et le berceau de la nouvelle II Reg., xii, 11-12, et Achitophel se faisait 1'executeur de
dynastic. II etait done facile d'attirer de nouveau les regards la vengeance divine, en croyant ne servir que sa rancune
de ce cote, en reveillant le souvenir de sa gloire passee. ou ses vues politiques. II Reg., xvi, 15-22.
En outre, le regret que la translation du siege du gouver- Apres ce conseil trop bien ecoute, Achitophel en donna
nement a Jerusalem avait laisse chez les habitants devait un autre; s'il eut ete suivi, e'en etait fait de la cause de
en disposer un grand nombre en faveur d'Absalom, qui, David, qui aurait perdu certainement la couronne, et peut-
etant ne a Hebron, etait par consequent leur concitoyen. etre la vie. Achitophel dit a Absalom: Donnez-moi douze
A peine arrive", Absalom envoya des emissaires par tout mille hommes choisis, et cette nuit meme j'atteins le roi
le royaume, afin qu'on se tint pret a le reconnaitre au sans peine, grace a la fatigue qui retarde sa marche; je dis-
premier coup de trompette annoncant son avenement. perse ses gens, et je le frappe dans 1'isolement ou je 1'aurai
Deux cents hommes des plus marquants, qu'il avait em- reduit. II Reg., xvn, 1-3. C'etait le seul parti a prendre
menes avec lui de Jerusalem, etaient destines a leur insu dans la circonstance. David n'etait pas loin encore, et les
a former comme le noyau de la conspiration. Us 1'avaient troupes qui 1'accpmpagnaient formaient une escorte, non
suivi de bonne foi et sans connaitre ses desseins; mais il une armee, il ne pouvait done echapper. Lui laisser le
comptait bien les entrainer dans sa revolte; du moins leur temps de se mettre hors d'atteinte et de faire un appel au
presence ecarterait d'abord tout soupcon, et recomman- pays, c'etait lui assurer les moyens d'avoir bientot a sa
derait sa cause aux yeux du peuple, en meme temps que disposition des forces plus que suffisantes pour battre les
son pere serait prive de leur concours. troupes d'Absalom. Grace a 1'organisation etablie par
Le peuple accourut de tous les cotes pour 1'immolation David, Israel avait, en effet, une armee reguliere de
des victimes, qui devait durer plusieurs jours, sans que 288000 hommes, repartis en douze corps, un par tribu,
les sujets fideles de David eussent lieu de s'inquieter de dont chacun servait un mois par an. I Par., xxvn, 1. Or,
ces sacrifices et des hommages qu'on rendait au prince de cette armee une faible partie seulement etait autour
qui les offrait au Seigneur. Enfin la conjuration eclata, et d'Absalom; il restait encore dans les villes et les campagnes
tout le monde comprit aussitot sa puissance formidable. la plupart de ces soldats, qui etaient demeures attache*
Ce fut probablement alors qu'eut lieu la consecration royale au roi apres 1'avoir suivi dans ses guerres, et qui ne man-
dlAbsalom. II Reg., xv, 10, et xix, 10. David dut se rappeler, queraient pas de se rendre a son premier appel. Achi-
en apprenant ces nouvelles, les menaces prophetiques tophel savait bien d'ailleurs que si les fautes de David et
de Nathan, II Reg., xn, 10-11; car il s'ecria: Fuyons; son administration avaient excite des mecontentements,
nous ne saurions echapper a Absalom. II Reg., xv, 14. on 1'aimait neanrnoins, et on 1'estimait pour ses grandes
II mesura d'un coup d'ffiil la gravite de la situation, et vit vertus et sa bonte; ses malheurs allaient done provoquer
le danger qu'il y avait a rester dans Jerusalem, ou son fils un reveil ou un redoublement de sympathie qui amene-
s'etait fait de nombreux partisans, et ou rien n'etait pret rait meme la defection de beaucoup des partisans d'Ab-
pour soutenir un siege qui pouvait commencer dans salom. II n'y avait done pas une heure a perdre.
quelques heures. II en sortit sur-le-champ avec les gens Absalom le comprit et approuva 1'avis d'Achitophel; tou-
de sa maison et ceux des habitants qui lui restaient fideles. tefois il voulut avoir aussi celui de Chusai. Ce dernier avait
Escorte des Kerethites, des Phelethites et des six cents forts commence par ne pas desapprouver le premier conseil
de Geth, il descendit dans la vallee du Cedron; puis il donne par Achitophel, afin de dissiper la defiance que sa
gravit, nu-pieds et la tete couverte, la montagne des conduite envers David avait paru d'abord eveiller chez
Oliviers, en pleurant au souvenir de ses fautes, dont 1'ex- Absalom, II Reg., xvi, 17; il fallait bien d'ailleurs laisser
piation devenait de plus en plus dure. Pour comble de passer la justice de Dieu. Mais maintenant il s'agissait
malheur, on vint lui apprendre que le sage Achitophel de la perte ou du salut de son roi; il deploya done toutes
avait passe au parti d'Absalom. II pria Dieu de detruire les ressources de son eloquence pour faire prevaloir un
1'influence redoutable de ses conseils, et presque au meme dessein contraire. II Reg., xvn, 7-13. II rappela le courage
instant sa priere fut exaucee par 1'arrivee de Chusai, son et 1'experience de David et de ses hommes; 1'exaspera-
ami, qui venait lui offrir de le suivre. David voulut qu'il tion dans laquelle une poursuite acharne"e les jetterait;
allat, au contraire, aupres d'Absalom, afin d'empecher par la prudence du roi, qui tiendrait sa personne a 1'abri
ses avis le mal qu'on pouvait craindre de ceux d'Achitophel. de toute surprise; la panique qui pourrait suivre le
II Reg., xv, 34. moindre echec inflige aux soldats d'Absalom. Ne valait-
Or, pendant que Chusai rcntrait a Jerusalem, Absalom il pas mieux que le prince appelat aux armes tous les
y penetrait par la route d'Hebron, accompagne d'Achi- habitants du royaume, de Dan a Bersabe"e, et qu'il se mit
tophel. L'oeavre nefaste de celui-ci commenca par une lui-meme a la tete de cette armee innombrable pour ecraser
inspiration infernale. D pensa qu'il fallait d'abord empecher la petite troupe de David, et en detruire ensuite les restes
Absalom de rentrer jamais dans le devoir, en elevant entre disperses? Dieu tourna 1'esprit d'Absalom et de tous les
David et lui une barriere infranchissable; il lui conseilla siens, II Reg., XVH, 14, de telle sorte que cette creuse
97 ABSALOM 98
rhetorique 1'emporta sur le conseil si sage d'Achitophel. thume que 1'ecrivain sacre mentionne en cet endroit 1'e-
On attendit. Aussitot les emissaires que David avait postes rection de ce monument. II Reg., xvm, 18.
a la fontaine de Rogel, vers le fond de la vallee du Cedron, II existe encore actuellement dans cette vallee du Cedron,
furent avertis, et ils coururent lui porter cette nouvelle, en amont du village de Siloam, entre le tombeau de Josa-
avec le conseil que lui donnait Chusai de s'eloigner au phat au nord et celui de saint Jacques au sud, un edifice
plus vite, de crainte qu'Absalom ne se ravisat. Avant la qu'on designe sous le nom de Tombeau d'Absalom. Nous
pointe du jour, le roi avait passe le Jourdain et se dirigeait en donnons ici une reproduction. (Fig. 10.) On voit dans
vers Mahanaim, ville forte qui conservait le nom donne la partie superieure, qui affecte une forme assez originate,
par Jacob a 1'emplacement sur lequel elle etait batie. un pyramidion circulaire surmonte d'une toufife de palmes,
Gen., xxxii, 2. et reposant sur une base cylindrique portee a son tour par
Chusa'i ne s'etait pas trompe: les secours arriverent nom- un de en retrait sur la partie inferieure du monument.
breux a David pendant ce repit qu'il lui avait obtenu, tandis Celle-ci offre au regard un bizarre assemblage de trois
que la mort d'Achitophel, qui s'etait pendu en voyant son
avis rejete, II Reg., xvn, 23, privait Absalom de son plus
titile partisan, et allait sans doute jeter la defaveur sur sa
cause. David put bientot former les cadres de son armee;
il y etablit des chefs de mille et de cent hommes, et la
divisa ensuite en trois corps, commandes par Joab, Abisai
son frere et Ethai de Geth, et assez forts pour lui donner
pleine confiance dans le succes. Aussi, quand les troupes
partirent pour aller a 1'ennemi, son unique souci fut-il pour
la vie d'Absalom, qu'il aimait toujours malgre son indigne
conduite, et il recommanda aux trois generaux de 1'epar-
gner. Pour lui, il fut contraint par 1'amour de son peuple
de rester eloigne du champ de bataille. Dieu, qui ne vou-
lait pas qu'Absalom echappat a la mort, en disposa ainsi
aim que Joab ne fut pas empeche de le tuer.
Le rebelle avait passe le Jourdain a son tour avec son
armee, a la tele de laquelle il avait place son cousin Amasa.
II Reg., xvn, 25. La rencontre cut lieu dans le pays de
Galaad, au milieu de bois qui portent dans le texte sacr4
le nom de foret d'Ephraim, peut-etre, a-t-on dit, a cause
de la defaite des Ephraimites raconte"e au livre des Juges,
xn, 1-6; mais la distance du lieu de cette defaite a Ma-
hana'im ne favorise guere cette hypothese. La bataille
s'etendit sur toute la contree, et il peril beaucoup plus
d'hommes dans la foret qu'il n'en tomba sous les coups de
1'ennemi . II Reg., xvm, 8. Absalom perdit vingt mille
de ses soldats, et lui-mSme, passant sous un chene (un
terebinthe, selon 1'hebreu), resta pris par sa chevelure,
qui etait tres longue, II Reg., xiv, 26, dans les branches
de 1'arbre, pendant que son mulet continuait seul sa
course. Personne cependant n'osa toucher au fils du roi;
mais Joab s'indigna contre ceux qui 1'avaient epargne, et 10. Tombeau d'Absalom. D'apres une pb.otograpb.ie.
au mepris des ordres formels de David, qu'on lui rappela
en vain, il accourut aupres de 1'arbre auquel Absalom ordres disparates d'architecture superposes : chacune des
etait suspendu, pour le tuer de sa propre main, en le quatre faces laterales, large de pres de sept metres, est
pcrcant de trois lances ou javelots. Puis, comme il palpitait ornee de deux colonnes ioniques et de deux demi-colonnes
encore, dix jeunes ecuyers du general 1'acheverent. II Reg., engagees dans les antes et dans la face du monument;
xvm, 14-15. au-dessus s'etale un entablement dorique complet. Cette
L'Ecriture ne nous fait pas connaitre la raison de la haine masse, qui forme comme le soubassement de 1'edifice, est
que Joab fit paraitre en cette occasion contre un prince monolithe ; elle a appartenu a la base rocheuse du mont
dont il avait pris autrefois les interets avec tant de chaleur. des Oliviers, dont on 1'a isolee. C'est ce bloc enorme qui
Son ambition en fut sans doute la cause. Absalom avait constitue le tombeau, car la chambre sepulcrale a et6
mis a la tete de son armee son cousin Amasa, a la place creusee dans la partie superieure du rocher. Une petite
de Joab, dit 1'auteur sacre. II Reg., xvn, 25. Ces expres- porte carree, menagee dans la facade sud, au-dessus de
sions, rapprochees de II Reg., xix, 13, et xx, 10, sup- la cornichei s'ouvre sur un escalier de quelques marches,
posent qu'Amasa e"tait un rival pour Joab, et un rival avec par lequel on y descend. On voit dans cette chambre, au-
lequel il fallait compter. Voir JOAB. La mort d'Absalom jourd'hui vide, trois arcades sous lesquelles ont du trouver
servait du reste 1'interet de Joab, car elle lui assurerait, place autrefois trois sarcophages.
pensait-il, la possession de sa charge, qu'il etait sur de La tradition actuelle, qui identifie cet edifice avec le
perdre, au contraire, si ce prince montait un jour sur le monument que la Rible dit avoir ete eleve par Absalom,
trone. n'est appuyee sur aucun document authentique. Dien plus,
Aussitot qu'Absalom eut rendu le dernier soupir, Joab si nous remontons assez haut dans le passe, jusqu'au com-
fit arreter la poursuite des fuyards; on jeta ensuite le corps mencement de 1'ere chretienne, par exemple, nous ren-
du rebelle dans une fosse, au milieu du bois, et Ton y controns une autre tradition toute differente; car, du temps
apporta une grande quantite de pierres qui formerent au^ de Josephe, on designait sous le nom de monument d'Ab-
dessus de cette tombe un monceau tres eleve. Ce fut peut- salom une simple stele de marbre blanc, situee a deux
etre une fletrissure qu'on voulut lui infliger. Cf. Jos., vii, 26, stades de Jerusalem. Antiq. jud., VII, x,3. D'un autre
et vni, 29. Ainsi Dieu ne permit pas qu'il fut enseveli dans cote, les sculptures grecques et egyptiennes du soubasse-
le se'pulcre qu'il s'etait fait construire pres de Jerusalem, ment du pretendu tombeau d'Absalom ne permettent pas
dans la vallee du Roi (la vallee de Josaphat ou du C6dron), de le faire dater de 1'epoque des rois.
et c'est sans doute pour faire remarquer ce chatiment pos- n ne nous reste done pas d'autre monument authentique
DfCT. DE LA BIBLE. I. 6
99 ABSALOM ABSTINENCE 100
d'Absalom que son histoire, telle qu'elle est racontee au 1'absinthe commune. 2 L'Artemisia judaica, qui est
livre II des Hois, et c'est 1'histoire d'un prince heureuse- plus amere que la precedente, et qu'on trouve en grande
ment doue, habile et prudent autant qu'energique et re- quantite en Arabic, en Egypte, en Judee, en particulier
solu, affable, gracieux, ayant 1'art de gagner les coeurs dans les environs de Bethlehem. On fait usage en Orient
par le charme de ses manieres seduisantes; mais en m&ne de ses feuilles et de ses graines comme toniques, stoma-
temps ambitieux, dissimule, haineux et violent jusqu'au chiques et vermifuges. 3" L'Artemisia abrotonum, qui
crime. II fut surtout un mauvais fils. II brisa le coeur de croit dans le midi de TEurope , se rencontre aussi en Pa-
son pere par 1'assassinat de son frere aine; il chercha plus lestine, et, en allant a 1'est, jusqu'en Chine. Elle devienl un
tard a decrier David et a le perdre dans 1'esprit du peuple arbrisseau dans les pays chauds.
par ses intrigues et ses calomnies; il le blessa cruellement Ce qui caracterise specialement toutes les especes d'ab-
dans son honneur domestique, et il ne recula pas meme sinthe, c'est leur saveur tres amere, qui est devenue
devant 1'idee d'un parricide, lorsque Achitophel proposa proverbiale. II est fait plusieurs fois allusion a cette amer-
d'aller frapper David dans sa fuite. Et cependant cet am- tume dans les Ecri-
bitieux, qui ne craignait pas d'acheter la couronne au prix tures, et ce n'est
de la vie de son pere et de tant de citoyens qui pouvaient meme qu'a cause de
etre victimes de la guerre civile allumee par lui, n'avait cette propriete que
pas meme pour excuse 1'espoir de fonder une dynastic: ses 1'absinthe y est men-
trois fils etaient morts, II Reg., xvm, 18, et il ne lui restait tionnee., Salomon,
plus qu'une ou deux filles. II Par., xi, 20. Voir THAMAR 3 et dans les Proverbes,
MAACHA 3. Aussi, sans approuver la durete du langage de v, 4, 1'oppose a la
Joab, serait-on du moins tente d'abord de blamer et de douceur du miel.
trouver excessive la douleur de David se desolant de la Dans Jer^mie, ix, 15;
perte d'un tel fils, et repetant sans cesse, a la nouvelle xxin, 15; Lament.,
de sa mort: Mon fils Absalom! Absalom mon fils! qui in, 15,19, abreuver
me donnera de mourir a ta place, mon fils Absalom! d'absinthe signifie
Absalom mon fils ! II Reg., xvm, 33. Mais on ne peut infliger un chati-
s'empecher de le plaindre, quand on songe qu'Absalom, ment severe. Le pro-
malgre ses defauts et ses crimes, avait de grandes qua- phete Amos, v, 7;
lites, capables de le faire regretter; qu'il etait devenu son vi, 13(12), dit que les
fils aine et devait etre naturellement son heritier, et sur- juges iniques trans-
tout que David voyait en lui une nouvelle victime de ses forment la justice en
propres peches, et dans la mort de ce fils un nouveau absinthe. Le Deute-
chatiment de la justice divine qui poursuivait le pere. Cf. ronome, xxix, 18,
II Reg., xvi, 10-11. E. PALIS. compare celui qui
abandonneDieu pour
2. ABSALOM, pere de Maacha, femme du roi Roboam, servir les idoles a
II Par., xi, 21,22, dont le nom est e'crit Abessalom, III Reg., une racine qui pro-
xv, 2, 10. C'est probablement le meme qu'Absalom 1, le duit le fiel et 1'absin-
mot pere etant pris ici dans le sens de grand-pere. Voir the. (Dans ce pas-
ABESSALOM. sage , la Vulgate, 11. Absinthe.
comme les Septante,
3. ABSALOM (Septante: 'A6e<r<raXa>|j.o;),'pere d'un Ma- a rendu le nom hebreu de 1'absinthe par sa signification
thathias et d'un Jonathas dont il est question I Mach., xi, figuree d' amertume .) Une eioile symbolique, Apoc.,
70, et xin, 11 (Vulgate, dans ce dernier passage: ABSOLOM). vni, 11, est appelee absinthe, parce qu'elle tombe du
ciel dans un tiers des fleuves et des sources, elle rend
ABSEL (Guillautne van), APSEL ou ABSELIUS, les eaux tellement ameres, qu'elles causent la mort de-
prieur de la Chartreuse de Bruges, ne a Breda (ancien ceux qui en boivent. Les commentateurs sont d'ailleurs
Brabant), mort pres d'Enghien (Belgique), le 4 aout 1471. tres divises sur le veritable sens de ce symbole, qui
II composa de nombreux ouvrages, entre autres : Opus d'apres les uns de'signe un h^resiarque, d'apres d'au-
super Genesim, Psalterium et Canticum canticorum tres un chef d'arme qui fait de grands ravages, etc.
(ecrit en 1441); Tractatus de Oratione dominica (en F. VIGOUROUX.
vers). Aucune de ses osuvres n'a et6 imprimee. Voir Fr. ABSOLOM. I Mach., xm, 11. Voir ABSALON 3.
Sweert, Athenss belgiese, in-f, Anvers, 1628, p. 196;
J. Paquot, Memoires pour servir d 1'histoire litteraire des ABSTINENCE. Dans le langage actuel de 1'Eglise
dix-sept provinces des Pays-Bas, 18 in-12, Louvain, catholique, le mot abstinence s'entend de la privation de
1765-1770, t. iv, p. 411. certains aliments dont les lois ecclesiastiques interdisent
1'usage a certains jours determines, par un motif de mor-
ABSINTHE, en hebreu la'andh (dans 1'Apocalypse, tification et de penitence. Voir JEUNE. Les Hebreux avaient
viii, 11, a4"v6o<;), plante du genre armoise, a racine vi- aussi leurs abstinences; toutefois, generalement parlant,
vace, comprenant diverses especes. La tige herbac4e de elles n'etaient pas prescrites seulement pour certains jours
1'absinthe commune atteint un metre environ de hauteur. determines, maiad'une maniere permanente, et le legisla-
Ses feuilles sont tres decouples et d'un vert argenle. Elle teur les avait impos^es pour les causes les plus diverses :
se tennine par une grappe peu touflue de petites fleurs temperance, religion, hygiene, separation plus complete
jaunes (fig. 11). Elle se plait dans les terrains montueux d'avec les peuples voisins, etc.
et arides. L'odeur est penetrante et tres aromatique, le On peut classer en deux categories les aliments pro-
gout tres amer. Les Hebreux designaient sous le nom hibes dont s'abstcnaient les Hebreux : les uns etaient de-
commun de la'andh les especes diverses qui croissent fendus d'une maniere absolue, c'est-a-dire pour tous et
spontanement en Palestine. On en connait sept. Tristram, toujours; les autres n'etaient defendus que d'une maniere
The Survey of Western Palestine, Fauna and Flora, relative. La premiere categoric renferme les anir
in-4, Londres, 1884, p. 331. Voici les trois principales: maux impurs, le sang, les viandes etouffees (carries
1 L'Artemisia romana, qu'Hasselquist trouva sur le suffocatx), certaines portions de la graisse des animaux,
mont Thabor et en grande abondance sur la cote de la la chair des animaux morts de maladie ou dechires par
Phenicie, depuis Saint-Jean-d'Acre jusqu'a Tyr. C'est les betes, les viandes immolees aux idoles, les aliments
101 ABSTINENCE ACACIA 102
souiUe*s ou frappes d'une impurete legate. Voir ces mots. explique pourquoi les Septante, dans leur traduction, 1'ont
Les aliments de la seconde categoric n'etaient pas de- designe sous le nom de bois incorruptible, n est par con-
fendus absolument, mais relativement, c'est-a-dire a cer- sequent tres propre aux travaux de menuiserie. II brunit
taines personnes ou dans certaines circonstances. Ainsi avec le temps, et, lorsqu'il est vieux, il est presque aussi
une certaine abstinence etait prescrite soit aux nazareens, noir que de 1'ebene. Le nom hebreu de 1'acacia seyal,
soit aux pretres, pendant le temps qu'ils servaient dans
le temple; les pains de proposition ne pouvaient etre
manges que par les prdtres; la chair,des victimes que par
des personnes non atteintes d'impurete legate, et jamais
au dela du second jour; le pain leve etait interdit a tout
le monde pendant les huit jours de la fete de Paques.
Voir aux articles speciaux la nature et 1'etendue de ces
differentes prohibitions. D'apres plusieurs auteurs, les
hommes, avant le deluge, devaient s'abstenir en general
de la chair des animaux. Voir ce mot. L. MANY.
ABULENSIS, surnom par lequel les theologiens et
les commentateurs designent souvent Alphonse Tostat,
ainsi appele parce qu'il etait originaire d'Avila en Espagne.
Voir TOSTAT.
temps d'Eusebe et de saint Jerome, Accaron e"tait encore etre brule par 1'ardeur du soleil. Les Arabes, en eflet,
un grand village habite par des Juifs. A 1'epoque des croi- appellent 'akkat ou 'akka le sable brulant . Cf.
sades, elle est mentionnee par plusieurs ecrivains. Depuis G. W. Freytag, Lexicon arabico-latinum, Halle, 1835,
le xive siecle jusqu'a nos jours, 1'histoire d'Accaron est t. in, p. 199. On peut voir ici une allusion a la cote sa-
demeuree completement inconnue, et cet ancien chef-lieu blonneuse sur laquelle est batie la ville. A. P. Stanley,
des Philistins e"tait tomb6 dans une telle obscurite, que, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 264. Les monu-
jusqu'au savant voyageur anglais Robinson, qui 1'a retrouve ments egyptiens transcrivent exactement ce nom par 'A ka
en 1838 dans le village d'Aker, les voyageurs modernes ne ou 'Ako, cf. P. Pierret, Vocabulaire hieroglyphique,
savaient pas ou le chercher. V. GUERIN. Paris, 1876, p. 81, d'apres Brugsch, Geog., n, 40, 44;
et les inscriptions assyriennes le donnent sous la forme
ACCARONITES (hebreu:'Eqrom), habitants d'Ac- Akku-u, pour Akku. E. Schrader, Die Keilinschriften
caron, nommes dans Josue, XHI, 3, comme formant und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 173. On le
1'une des cinq principautes des Philistins, et I Reg., v, 10, retrouve chez les ecrivains grecs: "Axrj, Strabon, xvi, 758;
lorsqu'ils se plaignent que les autres Philistins leur ont Diodore de Sicile, xix, 93; et chez les auteurs latins :
envoy6 1'arche du Dieu d'Israel afin de les faire perir. Ace. Corn. Nepos, xiv, 5.
Cependant c'est sous le nom de Ptolemaide que la ville
ACCENTS HEBRAfQUES. Voir PONCTUATION HE- est designee dans les livres des Machabees, dans le Nou
BRAlQUE. veau Testament (voir les passages indiques plus haut),
et dans Josephe, Ant. jud., XIII, n, 1; rv, 1, 9; vi, 2;
ACCEPTION DE PERSONNES. Voir PERSONNE. xii, 2; xm, 1, 2; xvi, 4; XIV, xm, 3; Sell, jud., I,
xxi, 11. Elle le doit e"videmment a 1'un des Ptolemees
ACCES (hebreu: 'IggeS, pervers, tortuenx; Sep- d'Egypte, qui, ayant compris 1'importance de cette place
tante : "loxa, 'Exxic, 'Exx^;), originaire ou habitant de au point de vae militaire, s'en empara, et remplaca par
109 AGGHO 110
son nom propre 1'ancienne denomination. Mais a quelle Une autre plaine d'une longueur d'environ huit lieues,
^poque et dans quelle occasion cut lieu ce changement, sur deux de largeur, se dirigeant vers le nord, entoure
1'histoire ne levdit pas. Plusieurs critiques 1'attribuent a la ville, dont elle prend le nom. D'une merveilleuse fer-
Ptolemee Soter, sans avoir toutefois de renseignements tilite, resserree entre les monts de Galilee et la M^diter-
positifs a ce sujet. V. Guerin, Description de la Palestine, range, elle est fermee en haiit_ par cette Echelle des
Galilee, t. I, p. 510. Accho-Ptolemaide fut aussi appelee Tyriens, appelee aujourd'hui Ras en-Naqoura. Ce pro-
Colonia Claudii Csesaris apres avoir recu de 1'empereur montoire, tombant a pic sur le rivage, semble une bar-
dlaude le privilege de cite romaine. Pline, H. N., v, 17; riere naturelle posee entre la baie d'Acre et la plaine de
xxxvi, 65. Ces nonis neanmoins ne parvinrent jamais a Tyr, c'est-a-dire entre la Palestine et la Phenicie. Saint-
supplanter aupres des Orientaux 1'appellation primitive; Jean-d'Acre est comme une forteresse dans la mer, affec-
t nous trouvons ici un remarquable exemple de la tena- tant la forme d'un triangle dont la base regarde le nord,
cite avec laquelle un nom semitique peut survivre a une et le sommet le sud. Saint-Jean-d'Acre, dit M. V. Guerin,
denomination etrangere. Pendant que Grecs et Latins ouv. cite, p. 502, avait autrefois deux ports, 1'un exterieur
continuent a appeler notre ville Ptolemaide, les Arabes (c'est la rade actuelle) et 1'autre interieur. Ce dernier
restent attaches a la designation originale, que rappelle etait delimite par une digue qui est en grande partie de-
encore exactement aujourd'hui le mot 'Akka, et qui, a truite, et que defendaient plusieurs tours, dont quelques
1'epoque des croisades, devint, dans la bouche des Euro- assises inferieures sont seules encore visibles..-. Ce port
peens, Aeon, peu a peu defigure en Acre. Enfin, quand est aujourd'hui tres ensable, et sa plus grande profondeur
les chevaliers de 1'hopital Saint-Jean se furent etablis dans atteint 1 m. 50. Aussi les barques peuvent seules y pene-
cette place celebre, le monde Chretien 1'appela Saint-Jean- trer, et les batiments tant soit peu considerables sont
d'Acre. contraints de mouiller en rade. Celle - ci est d'ailleurs
II. Description. Parmi les auteurs anciens, un de beaucoup moins sure que celle de Kaipha. Cf. V. Gue-
ceux qui ont le mieux decrit notre ville, c'est assurement rin, ouv. cite, p. 502-509; La Terre Sainte, t. n, Paris,
3'historien Josephe. Bell, jud., II, x, 2. Situee sur la 1884, p. 150-161; Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, dans Le
mer, dit-il, batie dans une grande plaine, elle est en- Tour du monde, t. XLI, p. 38-46.
touree de montagnes: vers Test, a la distance de 60 stades HI. Histoire. Batie par les Chanane'ens sur un pro-
(11 kilom.), par les monts de Galilee; au midi, par le montoire et dans une situation dont on vient de voir I'im-
armel, eloigne de 120 stades (22 kilom.), et au septen- portance, Accho se trouva, au moment du partage de la
trion, par une montagne tres elevee, que les indigenes Terre Promise, dans le lot de la tribu d'Aser. Cependant
appellent 1'Echelle des Tyriens. A deux stades coule un elle n'est pas comprise dans 1'enumeration des villes fron-
petit fleuve, qu'on nomme le Belus. En suivant des tieres ou principales, Jos., xix, 24-31, et les habitants
yeux, sur une carte, la cote palestinienne, on apercoit n'en furent pas expulses. Jud., i, 31. L'Ancien Testament
n'en parle plus avant 1'epoque des Machabees. Toutefois,
d'apres une opinion defend ue par Reland, Palsestina ex
LBOENPE. monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. n,
1 Khajl, euCotwent Latin,. p. 534 et suiv., et adoptee par beaucoup d'auteurs, elle
1 Mosoufe et Tomieau- de serait mentionnee dans Michee, 1,10. A la fin de ce cha-
pitre, en effet, le prophete fait allusion a dix villes dont
les noms pretent a des jeux de mots. Voir ACHAZIB 2. An-
non^ant les chatiments que la justice de Dieu fera tomber
sur Juda, il engage ses compatriotes a cacher leurs de-
sastres surtout aux Philistins, qui, dans leur haine inve-
teree, s'en rejouiraient. Ne les annoncez pas dans Geth,
leur dit-il; ne pleurez pas avec des sanglots, c'est-a-dire
pleurez en silence. La Vulgate a cherche a rendre, par
cette derniere pensee, les mots du texte hebreu, dont la
consonance, produite a dessein, est remarquable : bdko
'al tibku. Elle a vu dans la repetition du meme verbe
bdkdh, pleurer, une figure de langage familiere aux
auteurs sacr^s. Cependant le contexte et le parallelisme,
qui demandent, dans le second membre, un nom de ville
pour repondre a Geth du premier membre, semblent donner
raison a Reland, qui reconnait dans bdko une contraction
mise pour be'akko, et traduit ainsi: Dans Accho ne pleurez
pas, c'est-a-dire : Si vous devez vous garder d'annoncer
vos malheurs dans Geth, ville des Philistins, vous ne devez
pas moins dissimuler votre douleur dans Accho, au milieu
des Chananeens du nord. La joie de nos ennemis, triom-
phant de nos infortunes, est, en effet, un surcroit de peine.
Le sens est ainsi plus naturel, le parallelisme mieux mar-
que, et la contraction bdko aussi facilement explicable que
'S Kilom.
celle de Ba'aldh, Jos., xv, 29, en Bdldh,3os., xix, 3. La
16. Carte de la cflte de Saint-Jean-d'Acre. version des Septante favorise cette hypothese, car elle a
rendu les mots bdko al fibku par xat ol 'Evaxetfi (dans
vers le nord une profonde echancrure, dont la pointe certains manuscrits, ol Iv 'Axeiji) ^ ivotxo6o|j.eTTe. On
meridionale est le Carmel, et la pointe septentrionale le peut admettre avec Hitzig que la lecon primitive etait ev
promontoire ou se trouve Saint - Jean - d'Acre. La baie "Axet, et que le \L a ete ajoute pafr megarde, a cause du
comprise entre ces deux extremites produit tout de suite mot |ii^ qui suit. Pour toutes ces raisons, le P. Knaben-
i'aspect d'un abri providentiellement menage aux vais- bauer, Commentarius inprophetas minores, Paris, 1886,
seaux. La plage qui 1'avoisine et laisse tomber dans la t. i, p. 404, accepte sans hesiter 1'opinion de Reland.
mer les eaux du Cison et du Belus ressemble, suivant Si les textes sacred ne nous disent rien d'Accho avant
la juste comparaison de Stanley, Sinai and Palestine, la periode asmon^enne, les monuments profanes nous en
p. 264, a I1 embouchure de la grande plaine d'Esdrelon. parlent plus d'une fois. Des la xvme dynastie, elle figure,
Ill AGCHO AGCOMMODATIGE (SENS) 112
dans les inscriptions de Thothmes III, parmi les noms ge'o- Jannee (106-79) 1'attaqua sans succes, et en levale siege
graphiques qui appartienhent a ia Palestine septentrio- des qu'il apprit que Ptolemee Lathyre, roi de Chypre, venait
nale. A 1'epoque du siege de Tyr par Salmanasar V de debarquer a Sycaminos avec une nombreuse armee.
(727-722), elle est au pouvoir des Tyriens; car un pas- Josephe, Ant. jud., XIII, xii, 2-4. Celui-ci s'en empara;
sage de Menandre, rapporte par Josephe, Ant. jud., IX, mais, bientot apres, Cleopatre, sa mere, reine d'Egypte,
xiv, 2, nous apprend qu'elle leur fit alors defection et se la lui enleva. Ant. jud., XIII, xm, 1, 2. Tigrane, roi
souinit aux Assyriens. Sennacherib (704-680), dans sa d'Armenie, la prit a son tour, lors de son incursion mo-
campagne contre Ezechias, roi de Juda, s'en empara, et mentanee en Syrie. Ant. jud., XIII, xvi, 4. Enfin Herode
la mentionne apres Sidon, Sarepta, Hosah et Achazib. le Grand, dans sa munificence pour certaines cites etran-
Cf. Prisme de Taylor ou Cylindre C de Sennacherib, geres, la dota d'un gymnase comme Tripoli et Damas.
Cuneiform inscriptions of Western Asia, 1.1, pi. 38-39; Bell, jud., I, xxi, 11. Elevee par 1'empereur Claude au
F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes, rang de colonie romaine, Ptolemaide recut le titre de
4 edit., Paris, 1885, t. iv, p. 212. Elle est egalement citee Colonia Claudii Csesaris. Pline, H. N., v, 17. Reland de-
dans une inscription d'Assaraddon (680-667), relative aux crit plusieurs de ses monnaies ou ce titre de colonie est
campagnes de ce prince contre les Philistins et les Egyp- marque. Palsestina ex mon. vet. illustrata, Utrecht, 1714r
tiens. Cf. Vigouroux, ouv. cite, t. iv, p. 258. Entin, sous t. n, p. 538. Deux notamment, la premiere de Trajan, la
le regne'd'Artaxerxes II (405-359), elle sert aux Perses seconde d'Adrien, representent la ville sous la figure d'une
de base d'operations contre 1'Egypte : Ako, dit M. Mas- femme voilee et tourellee, assise sur un rocher que la
pero, etait, sur la cote meridionale de Syrie, leseulport mer environne. De la main droite elle tient trois epis,
assez grand pour recevoir les flottes de la Perse, assez sur embleme de la fertilite du sol, et a ses pieds est 1'image
pour les proteger contre les tempe"tes et contre les sur- d'un fleuve, evidemment le Belus (Nahr Na'man). La
prises. Pharnabazos y etablit son quartier general. Pen-
dant trois annees, vivres, munitions, soldats de terre et
de mer, vaisseaux pheniciens et grecs y affluerent;... et
au commencement de 373 1'expedition etait prete a partir.
Elle comptait deux cent mille soldats et vingt mille mer-
cenaires, trois cents trieres, deux cents galeres a trente
rames, et beaucoup de vaisseaux de charge. Histoire
ancienne des peuples de I'Orient, 4e edit., Paris, 1886,
p. 645.
Ces details nous montrent quelle tait des ce moment
1'importance d'Accho, importance qui devait grandir de
plus en plus. Reconnue pour etre, par sa situation, la clef
de la Syrie, servant de debouche a la route commerciale 17. Monnale d'Accho.
de Damas a la mer, sa possession devint du plus grand T6te imberbe d'Alexandre, a droite. H). Zeus ou Jupiter a6to-
prix au point de vue politique. Aussi les rois se la dispu- phore (porteur d'aigle), assls, a gauche. Sous le bras drolt de
terent avec acharnement, surtout apres le demembrement Jupiter, on lit, en caracteres phe'niciens, ACV (Accho) et la
date 34 (278-277 avant J. C.) de 1'ere des Sdleucldes. Beau-
de 1'empire macedonien. Rattacb.ee a ce moment a 1'E- coup de monnaies portant 1'effigle d'Alexandre ont 6t6 alnsi
gypte, comme le reste de la Phenicie, elle prit le nom de frappees longtemps apres son regne.
Ptolemaide; puis, plus tard , conquise par Antiochus le
Grand, elle revint a la Syrie. Ptolemee, v, 62. Quand les monnaie que nous reproduisons ici, fig. 17, est un tetra-
Machabees se leverent pour defendre leur patrie et leur drachme au nom d'Alexandre; I'original est conserve au
foi, Accho - Ptolemaide se posa entre eux et les rois de Cabinet des medailles de la Bibliotheque nationale. Pour
Syrie tour a tour comme un objectif important, ou un point les monnaies autonomes et imperiales d'Accho-Ptole-
dangereux, ou un rendez-vous nature!. L'an 163 avant J.-C., maide, voir de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte,
Simon poursuivit les ennemis qu'il avait en Galilee jusque Paris, 1874, p. 154-169, pi. vm. Saint Paul, apres avoir
sous les murs de Ptolemaide, dont il ne put neanmoins preche 1'Evangile en Macedoine, en Grece et en Asie, ve-
s'emparer. I Mach., v, 15-22. Antiochus Eupator (164-162), nant de Milet a Jerusalem, termina au port de Ptolemaide
vaincu par Judas Machabee, fit la paix avec lui, et 1'eta- sa navigation , son voyage par mer; puis, ayant salue
blit chef et prince depuis Ptolemaide jusqu'aux Gerre- ses freres, demeura aupres d'eux pendant un jour. Act.r
niens . Mais les habitants de la ville ne voulurent pas xxi, 7. Des les premiers siecles de 1'ere chretienne, la
accepter le traite conclu, et c'est a grand'peine que Lysias ville devint le siege d'un eveche; pendant les croisades,
parvint a apaiser leur mecontentement. II Mach., xm, 24-26. elle acquit une tres grande importance. Voir V. Guerin,,
Vers 1'an 152, Alexandre Balas, pretendant au trone de Description de la Palestine, Galilee, 1.1, p. 512-525; E. Ro-
Syrie, se rendit maitre de la place, I Mach., x, 1; niais binson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856,.
Demetrius Soter, briguant Tamitie du peuple juif et de t. m, p. 92-100. A. LEGENDRE.
Jonathas, donna la ville et son territoire au sanctuaire
qui est a Jerusalem, pour les defenses necessaires aux ACCOMMODATICE (Sens). Ce sens n'est pas, a parler
choses saintes. I Mach., x, 39. Alexandre, vainqueur de strictement, un sens de 1'Ecriture, directement ou indi-
son rival, celebra a Ptolemaide son mariage avec Cleo- rectement voulu par le Saint-Esprit; c'est une signification
patre, fille de Ptolemee Philometor, roi d'Egypte; et, sur attribute plus ou moins arbitrairement aux paroles sacrees,
son invitation, Jonathas s'y rendit avec des presents qu'il et distincte de leurs sens reels, litteral et spirituel. Elle
offrit aux deux monarques. I Mach., x, 56-60. En 145, resulte de 1'adaptation du texte a un sujet etranger au
Demetrius II Nicator, debarrasse de ses deux competi- contexte.
teurs, Alexandre et Ptolemee, manda dans la mme ville Celte adaptation se fait de deux manieres. Le texte, ap-
Jonathas, qui s'insinua dans la confiance du roi et en recut plique a une personne, un objet, une situation different^
beaucoup d'honneurs. I Mach., xi, 22-26. MaisTryphon, de ceux qu'avait en vue 1'auteur inspire, garde-t-il son
conspirant contre le jeune Antiochus, et craignant de sens premier et naturel, 1'accommodation a lieu par exten-
rencontrer dans le heros juif un adversaire redoutable, sion. L'application est fondee sur quelque ressemblance,
attira perfidement ce dernier a Ptolemaide, ou il le fit sur 1'analogie et une sorte d'identite morale des situations.
prisonnier, et mit a mort tous ses partisans. I Mach., xil, Ainsi un pecheur emploierait pour excuser sa faute les;
45-48. paroles d'Eve : Serpens decepit me, Gen., m, 13; un
La ville s'etant plus tard rendue independante, Alexandre aveugle exprimerait son malheur comme Tobie, v, 12 r
113 ACGOMMODATIGE (SENS) 114
Quale gaudium mihi erit, qui in tenebris sedeo et lumen 1'Eglise elle-m&ne 1'a consacre dans sa liturgie. L'eloge
cceli non video ? Par suite de son adaptation a une autre des patriarches est emprunte a 1'Ecclesiastique pour louer
circonstance, \e texte perd-il son sens naturel et a-t-il les conlesseurs pontifes et non pontifes. Acosta, De vera
une signification nouvelle, il n'y a plus qu'une simple Scripturas tractandi ratione, 1. HI, c. vi, vn et xi, a re-
allusion a 1'Ecriture, une coincidence de sens entre une cueilli un certain nombre d'exemples de semblables ac-
parole divine et 1'expression d'une pensee humaine. La commodations. Antiennes, psaumes, capitules, lecons et
sceur du due de Montmorency, decapite par ordre de Ri- repons du breviaire; intro'its, graduels, traits, offertoires,
chelieu, s'ecriant, dit-on, a la vue du tombeau de ce communions, parfois meme epitres et evangiles du missel,
cardinal: Domine, si fuisses hie, frater meus non fuisset sont des applications du texte sacre a 1'objet des fetes.
mortuus, employait ainsi les paroles des sosurs de Lazare Sans deroger au respect du a la parole divine, cet em-
a Jesus. Joa., xi, 21 et 32. C'est aussi par allusion qu'on ploi de 1'Ecriture excite la piete des lecteurs et des au-
applique souvent a la contagion des mauvaises compa- diteurs. La partie materielle elle-meme des propositions
gnies le }L 20 du psaume XVH : Vous serez bon avec de 1'Ecriture possede une sorte de vertu divine. Devien-
les bons et mauvais avec les mauvais, adresse litterale- nent-elles le vehicule et 1'expression de pensees et de
ment a Dieu, qui est misericordieux envers les bons et sentiments humains, elles produisent encore des effets
severe a 1'egard des mediants. Ces deux precedes d'ac- divins dans les ames. Les homelies de saint Bernard, com-
commodation sont parfois reunis. La parole Mirabilis posees, pour ainsi dire, de centons extraits des Livres
Deus in sanctis suis, Ps. LXVII, 36, relative aux prodiges Saints, ont une onction et une saveur de piete particu-
accomplis par Dieu dans son sanctuaire, est souvent en- lieres.
tendue de la sorte des merveilles de grace operees dans Toutefois 1'accommodation du texte sacre a des sujets
les saints. religieux a ses regies et n'est legitime que moyennant cer-
De soi, 1'accommodation qui conserve a 1'Ecriture son taines conditions. Avant tout, il est evident qu'il ne faut
sens premier est plus legitime que la simple allusion, qui jamais presenter le sens accommodatice comme le sens
souvent, selon le mot de saint Francois de Sales (voir son veritable de 1'Ecriture. II n'a aucune valeur dogmatique,
Esprit, He part., ch. xnt), est une detorse du texte ne peut etablir un point de foi ou de morale obligatoire,
sacre. Toutefois le concile de Trente, sess. IV, decret. de ni servir par consequent a la demonstration d'une these.
editions et usu Sacrorum Librorum, a interdit formelle- L'employer, c'est enoncer dans les termes qui expriment
ment toute application de la parole divine a des sujets une pensee du Saint-Esprit une proposition etrangere,
profanes. Au xvie siecle, la Sainte Ecriture etait employee dont le Saint-Esprit n'est pas responsable. Cette proposi-
a des bouffonneries et a des contes, a de vains discours tion n'obtient pas par la une force nouvelle. Aussi saint
et a des flatteries, a des detractions, a des superstitions, Jerome, In Matth., \. II, xni, 33, t. xxvi, col. 91-92, blame-
a des enchantements impies et diaboliques, a des divina- t-il les ecrivains qui voulaient prouver le dogme de la
tions et a des sorts ou libelles diffamatoires. Afin de re- sainte Trinite par la parabole des trois sacs de farine
primer cette teinerite, les Peres du concile prohiberent qu'une femme met en pate, parce qu'ils y voyaient une
ces irreverences et celles qui leur ressembleraient, et or- figure de la pluralite des personnes dans 1'unite de la na-
donnerent aux eveques de punir, selon le droit et leur ture. Les Donatistes demontraient par ce texte : Indica
appreciation, les'auteurs d'un tel mepris et de telles pro- mihi ubi pascas, ubi cubes in meridie, Cant., i, 6, qu'eux
fanations. L'instruction de Clement VIII aux correcteurs seuls representaient en Afrique la veritable Eglise. Saint
de livres signale comme digne de correction 1'emploi de Augustin, De unitate Ecclesws contra Donatistas, xxiv,
1'Ecriture a un usage profane. Les moralistes 1'appellent 69, t. XLIII, col. 441, se moque a bon droit de leur argu-
un sacrilege reel, Tabus d'une chose sacree , et saint mentation.
Francois de Sales, malade, reprit vivement son medecin, L'application du texte sacre doit toujours etre naturelle,
qui appliquait a la preparation d'un remede les paroles de fondee sur une analogie au moins lointaine, etre d'une
Jesus a Pierre : Quod ego facio, tu nescis modo; scies justesse frappante et pleinement satisfaisante pour 1'esprit.
autem postea.Joa., xm, 7 : Vous profanez la Sainte Une adaptation risquee, quoique pieuse, est a tout le moins
Ecriture en 1'appliquant a des choses profanes; un chre- une faute de gout; parfois meme elle devient un sujet de
tien ne doit employer la parole de Dieu que pour des risee pour des lecteurs ou des auditeurs exigeants. La
choses saintes, et avec un grand respect. Cependant prudence et une sage reserve feront done eviter de donner
toute accommodation de 1'Ecriture a un sujet profane aux paroles saintes une signification contraire au sens lit-
n'est pas reprehensible au meme degre. Une fine plaisan- teral, ou trop eloignee de ce sens, ou qui n'aurait avec
terie est moins condamnable qu'une grossiere bouffon- elles d'autre rapport que le son materiel des mots. Saint
nerie, une habile allusion qu'un lourd jeu de mots. Les Francois de Sales voulait qu'on commenfat par expliquer
casuistes autorisent a citer dans la conversation, par ma- le sens litteral. Autrement, disait-il, c'est batir le toit
niere de proverbe, une pensee generale, telle que Melior d'une maison avant d'en Jeter les fondements. L'Ecriture
est obedientia quam viclimse, I Reg., xv, 22; a rapporter Sainte n'est pas une etoffe qu'on puisse tailler a son gre
un exemple ou une comparaison bibliques, qui gardent pour s'en faire des parements a sa mode. Ne serait-ce
hors du contexte leur sens veritable. pas un blaspheme d'appliquer au sacre Cceur de Jesus ce
Mais, en regie generale, 1'accommodation de 1'Ecriture verset: Accedet homo ad cor altum, et exaltabitur Deus,
n'est permise que dans les sujets de piete et dans un but Ps. LXIII, 7-8, ou a la sainte Vierge ce passage du psaume
d'edification. Les auteurs inspires, en de rares circon- x (hebreu), 15: Quseretur peccatum illius et non inve-
stances, I Mach., I, 41, et Tobie, n, 6, pour Amos, vm, 10; nietur, qui decrivent 1'insondable malice des pecheurs et
I Mach., i, 57, pour Daniel, ix, 27; Matth., VH, 23, pour la gloire que Dieu retirera de leur punition? Entendre des
Ps. vi, 9; Matth., x, 36, pour Michee, VH, 6; Luc, xxm, 30, instruments de penitence ces paroles: Apprehenditf disci-
pour Osee, x, 8; Apoc., xi, 4, pour Zach., iv, 14, ont de- plinam, nequando irascatur Dominus, Ps. n, 12, qui
tourne de leur sens primitif certaines paroles des Livres exhortent les hommes a recevoir le joug du Messie, s'ils
Saints, et donne a leur pensee 1'expression d'une autre ne veulent irriter le Seigneur, serait excessif. L'abus, dans
pensee divine. Les ecrivains ecclesiastiques ont suivi leur ces cas ou 1'allusion n'est que verbale, provient souvent
exemple, et largement use des applications libres, des de 1'ignorance du vrai sens de 1'Ecriture, ou du ridicule-
adaptations du texte sacre. Elles abondent dans leurs ou- desir de faire parade de bel esprit dans les citations scriptu-
vrages, et Theodore de Mopsueste, In Epist. ad Rom., raires. Les predicateure du xvne siecle n'ont pas toujours
HI, 12, t. LXVI, col. 793, assure que cet emploi de la Sainte su eviter ce defaut. Sur 1'emploi du sens accommodatice
Ecriture etait tres frequent de son temps dans les sermons. de 1'Ecriture dans la chaire chretienne, voir Longhaye,
D s'est perpetue dans la predication de tous les siecles, et. La predication, grands mattres et grandes lots, Paris,
115 AGGOMMODATIGE (SENS) ACGUSATEUR 116
}, 2e part., 1. I, ch. I", in, p. 295-301. A consulter: mot hebraique hassdtdn, 1'adversaire, par antonomase,
Vasquez, In im partem Sum. theol., disp. xiv; Serarius, qui est le nom de Satan. Zach., in, 1, 2; Job, i, 6-9, etc.;
Prolegomena biblica, c. xxi, q. 14; Frassen, Disquisi- Gesenius, Thesaurus, p. 1328. 4 Dans la Bible, le me'me
tiones biblicas, iv, 6; Acosta, De vera Scripturas tra- mot est encore applique a la conscience, qui accuse le pe-
ctandi ratione, 1. Ill, c. v-xin; H. de Bukentop, Tractatus cheur, Rom., n, 15; a la loi, qui accuse celui qui la viole,
de sensibus Sacrae Scriptures, c. xv; Berthier, Tracta- Joa., v, 45. 5 Entin le juste est dit aussi accusateur de
tus de loots theologicis, Turin, 1888, pars ia, 1. I, c. n, lui-meme, Prov., xvni, 17, dans ce sens que le juste est
a. n, 1, n<>* 189-191, p. 166-168, et 3, n 257, prompt a reconnaitre, a avouer et a regretter ses torts : ce
p. 220-221. E. MANGENOT. qui n'est pas toujours vrai du pecheur. Dans cet article,
nous ne prenons ce mot que dans le premier sens, c'est-
ACCOS, hebreu : Haqqds (nom avec 1'article), a-dire en matiere judiciaire.
1'epine; Septante: K<i;, I Par., xxiv, 10; 'AxxoO?, L'accusateur est celui qui implore 1'autorite du juge
I Esd., n, 61; 'Axx(i?, II Esd., in, 4, 21; 'Axc, II Esd,, pour faire infliger a 1'accuse la peine portee par les lois
vn, 63. contre le crime qu'il lui impute; si le plaignant ne requiert
pas la vengeance publique, mais seulement la satisfaction
1. ACCOS, chef de la famille sacerdotale a qui echut d'un interet prive, lese par le delit commis, il s'appelle
sous David le septieme sort. I Par., xxiv, 10. Ses descen- non pas accusateur, mais demandeur (voir DETTE, JUGE-
dants revinrent de la captivite avec Zorobabel. Mais, n'ayant MENT). Dans le premier cas, le jugement est dit criminel ;
pu retrouver leurs tables genealogiques ni justifier de leur dans le second, civil; si le plaignant requiert a la fois
descendance, ils furent exclus du sacerdoce. I Esdr., n, 61; la vengeance publique et la satisfaction de ses interets, il
II Esdr., vn, 63. Dans la Vulgate, II Esdr., HI, 21, Haccus; est en me'me temps accusateur et demandeur, et le juge-
au }. 3, Accus. ment est dit mixte.
Les droits romain et canonique distinguent entre 1'ac-
2. ACCOS (Septante: 'Axxw;; Vulgate: Jacob), pere cusateur et le denonciateur : 1'accusateur s'oblige aprouver
de Jean et grand-pere d'Eupoleme, 1'ambassadeur de Judas le crime impute, fait la cause sienne, et s'expose aux peines
Machabee a Rome. I Mach., vni, 17. les plus graves, s'il succombe dans ses preuves; le denon-
ciateur se contente de deferer le crime au juge, et d'in-
ACCUB, hebreu : 'Aqqub, insidieux; Septante : diquer les temoins et autres moyens de preuve. Les He-
'Axoyg, 'Axoyjx. breux ont ignore cette distinction; quiconque defere un
crime au juge est dit accusateur ou, plus exactement,
1. ACCUB, le quatrieme fils d'Elioenai, descendant de satdn, adversaire, et s'expose, s'il agit avec malice, aux
Zorobabel. I Par., in, 24. peines que nous indiquerons plus loin.
L'accusation n'etait pas necessaire pour mettre en
2. ACCUB, levite, un des chefs des gardiens de la porte mouvement Faction judiciaire; quand les juges avaient
orientale du temple, du temps de David. I Par., ix, 17, 26. connaissance d'un crime, par la voix publique ou d'une
II etait charge en meme temps des chambres et des aulre maniere, ils pouvaient proceder a une information
tresors de la maison du Seigneur. Ses descendants re- juridique. Juda apprend, par un bruit public, la faute de
vinrent de la captivite avec Zorobabel. I Esdr., n, 42, 45; Thamar, et procede au jugement, Gen., xxxvin, 24; Josue
II Esdr., vn, 46. Parmi ses descendants, on en voit un du apprend, par revelation divine, que les ordres du Sei-
nom d'Accub lire la loi et faire les fonctions de chef des gneur ont ete violes; il fait une enquete, et Achan con-
portiers. II Esdr., vni, 7, 9; xi, 19; xn, 25. vaincu subit la peine de mort. Jos., vn, 10-26. Josephe
nous dit que, lorsque un meurtre avait ete commis, les
3. ACCUB, un des chefs des Nathineens, dont les des- juges de la ville, meme avant d'avoir repu aucune indica-
cendants revinrent de Babylone avec Zorobabel. I Esdr., tion sur le coupable, devaient proceder a une enquete et
n, 45. Son nom est omis dans le texte parallele. II Esdr., provoquer des denonciations, mfime par 1'appat des recom-
vii, 48. penses. Ant. jud., IV, vm, 16.
L'accusateur n'etait pas toujours, comme chez les Ro-
4. ACCUB, levite qui assista Esdras dans la lecture de mains, une ou plusieurs personnes determinees; c'etaient
la loi au peuple. II Esdr., vm, 7. Voir ACCUB 2. quelquefois la foule, le peuple, une categoric de per-
sonnes : dans le proces de Jeremie, ce sont les pretres et
ACCUS. Voir Accos 1. les prophetes, Jer., xxvi, 11,16; dans le proces de Pierre
et de Jean, ce sont les pretres, les magistrats preposes au
ACCUSA. Voir BACBIEL. temple, et les Sadduceens, qui les trouvent dans le temple,
Act., iv, 1-3; dans le proces de saint Etienne, ce sont les
ACCUSATEUR. Ce mot s'emploie dans divers sens: synagogues des Affranchis, des habitants de Gyrene, d'A-
1 En matiere judiciaire, il signifie, dans la Bible comnie lexandrie, etc. Act., vi, 9-13.
dans les auteurs profanes, celui qui defere au juge un Nous voyons par ces exemples que, dans le droit he-
crime commis par un autre, afin d'attirer sur lui la ven- braique, 1'accusation n'etait pas reservee, comme dans
geance publique: ainsi dans beaucoup de passages cites nos legislations modernes, a un magistral special; le droit
dans la suite de cet article. 2 En dehors de tout juge- d'accusation appartenait a tous les Israelites, soit aux in-
ment, ce mot signifie celui qui denonce le crime, vrai ou teresses, c'est-a-dire a ceux qui etaient leses dans leurs
faux, d'un autre, soit pour le faire corriger, soit pour attirer biens, leur honneur, etc., par le crime commis, soit meme
sur lui la colere et la haine. Dans ce sens, ce mot est a un citoyen quelconque qui avait vu le crime; dans ce
employe frequemment par les auteurs sacres. Voir, par sens, pour employer une expression du droit romain,
exemple: Gen., xxxvn, 2; xxxix, 13-18; I Esdr., iv, 6-24; tous les crimes, chez les Hebreux, etaient publics , c'est-
Prov., xxx, 10; Eccli., XLVI, 22; I Mach., vn, 6, 25; a-dire qu'il etait permis a tous les citoyens de les deferer
II Mach., iv, 1, etc. 3 Dans un sens plus eleve et meta- aux juges par la voie de 1'accusation. Les crimes publics ,
phorique, ce mot signifie celui qui porte une accusation chez les Remains, etaient surtout ceux qui etaient commis
contre quelqu'un devant le tribunal de Dieu, Joa., v, 45; ou censes commis contre la republique, et c'est pour cela
Rom., vni, 33; dans ce sens, Satan est appele, par anto- que tous pouvaient accuser les coupables, Voet., adPan-
nomase, 1'accusateur, 6 xaT^ywp, Ap., xn, 10, nom que dectas, de publicis judiciis, 1; chez les Hebreux, tous
les rabbins ont mis, en hebreu, qategor, pour le donner les crimes etaient censes commis directement contre Dieu
au demon. Ce mot, 6 xarrjup, correspond a peu presau lui-meme, et par consequent contre 1'Etat, dont Jehovah
ACCUSATEUR AGGUSfi 118
etait le premier chef : voila pourquoi tous pouvaient se 1'affaire de Susanne, les deux vieillards sont punis de
porter comme accusateurs. mort, Dan., xin, 61-62, parce qu'ils avaient voulu faire
L'accusateur, chez les Hebreux, pre"sentait sa requite infliger cette peine a leur victime, 1'adultere etant puni
de vive voix; tel, au moins, parait avoir etc Fusage. Gene- de mort; le texte sacre dit me'me expressement qu'on les
ralement 1'accusateur paraissait devant les juges en meme mit a mort pour leur faire souffrir le meme mal qu'ils
temps que 1'accuse"; c'etait 1'usage remain au temps de voulaieht faire souffrir a un autre, el pour executer la loi
Notre-Seigneur; nous 1'apprenons par saint Paul. Act., de Moise: ce qui est une allusion evidente au passage
xxv, 16; cf. xxiii, 30, 35; xxiv, 8. C'etait aussi 1'usage signale du Deuteronome, et meme une citation partielle
des Hebreux, comme nous le voyons par les exemples de de ce passage. Dans 1'affaire de Naboth, mis a mort a la
jugements mentionnes dans la Sainte Ecriture; nous ne suite de 1'accusation calomnieuse de Jezabel, Dieu lui-
trouvons qu'une exception : dans le jugement de Naboth, m6me se chargea d'executer la peine du talion contre
III Reg., xxi, 8-14,1'accusatrice Jezabel ne parait pas de- cette femme impie, qui en sa qualite de reine echap-
vant les juges de Jezrahel; il est probable que sa qualite pait a la justice humaine; il la menaca d'abord de cette
de reine Ten exemptait; du reste, comme on le voit dans peine, III Reg., xxi, 23, puis il 1'executa, IV Reg., ix,
le texte sacre, 1'intervention de Jezabel dans ce jugement, 30-37. S. MANY.
ou plutot dans cette iniquite, etait moins une accusation
qu'un odieux complot entre elle et les juges. ACCUS. Ce mot, qui est correlatif du mot accusateur,
Dans le droit romain, suivi en cela par le droit cano- se pre"sente naturellement, dans la Bible, avec la plupart
nique, 1'accusateur proprement dit ne peut etre temoin, des sens correspondants a ceux de ce dernier terme; ils
sinon dans les affaires de peu d'importance. La raison en sont signales dans 1'article.precedent. Ici nous ne prenons
est que, comme nous 1'avons dit, 1'accusateur fait la cause ce mot accuse que dans son sens judiciaire.
sienne, s'engage a prouver son attaque, et s'expose, en Chez les Hebreux, 1'accuse etait tout individu traduit
cas d'insuffisance de preuves, a des peines tres graves. devant les juges sous la prevention d'un crime qui lui
Or, de par le droit naturel, nul ne peut etre temoin dans etait impute, ou par un accusateur ou denonciateur, ou
sa propre cause. II n'en etait pas ainsi chez les Hebreux; par un bruit public, ou a la suite d'une enquete judiciaire.
autant que nous pouvons en juger par les exemples rap- C'est exactement le reus des Latins. Les Hebreux ont
portes dans la Sainte Ecriture, 1'accusateur pouvait etre ignore toutes les distinctions introduces par nos legisla-
temoin : dans le jugement de Susanne, Dan., xm, les deux tions modernes entre 1'accuse, Tinculpe, le prevenu, etc.,
vieillards accusateurs furent temoins, et les deux seuls termes qui designent ou les divers degres de gravite des
temoins; dans le jugement de Salomon, III Reg., in, 16-28, fautes imputees, ou les diverses phases de la procedure;
la femme qui traduit sa voisine devant le tribunal du roi quiconque, chez les Hebreux, paraissait devant les juges
remplit a la fois les deux roles d'accusatrice et de temoin. sous 1'imputation d'un crime contre lequel on implorait la
La raison de cette difference, c'est que dans la coutume vengeance des lois, etait accuse . Toutefois cette qua-
hebraique 1'accusateur ne fait pas la cause sienne, qu'il lification supposait un jugement criminel, ou au moins un
ne s'engage pas a prouver son attaque, et qu'il n'est puni jugement mixte; dans le cas de jugement civil, il n'y avait
qu'en cas de calomnie deliberee et clairement prouvee. II pas d'accuse, mais un defendeur.
est probable, en consequence, que lorsque 1'accusateur Dans la procedure criminelle des Hebreux, la personne
e"tait temoin, il pouvait servir a completer le nombre de de 1'accuse etait entouree de la protection des lois, afin
deux ou trois temoins requis par la loi pour rendre une que ses interets et ceux de la verite et de la justice fussent
sentence en matiere criminelle. Voir TEMOIN. Toutefois sauvegardes. D'abord il etait cite, afin qu'on put 1'entendre.
quelques commentateurs pensent que, dans ce cas, il fal- C'etait la une regie inviolable et sacree; nous ne trouvons
lait encore necessairement deux autres temoins, distincts dans 1'Ecriture aucun exemple de jugement proprement
de 1'accusateur, et que tel etait le sens de la formule mo- dit ou 1'accuse n'ait ete entendu; meme dans les jugements
saique : deux ou trois temoins. Tel est le sentiment les plus sommaires, 1'accuse paraissait, et on pouvait 1'en-
de Michaelis, Mosaisches Recht, 299, t. vi, p. 126; Saal- tendre. Cette audition de 1'accuse avait ete commandee par
schutz le refute sur ce point. Das mosaische Becht, k. 88, Moise aux juges qu'il etablit sur son peuple : Entendez-
p. "604. Dans le jugement de Susanne, les vieillards etaient les (non seulement le plaignant, mais celui dont il se
a la fois accusateurs et temoins; comme ils etaient deux, plaint), et jugez suivant la justice, qu'il s'agisse de ci-
leur temoignage parut suffisant; Daniel ne fit pas de toyens ou d'etrangers. Deut., i, 16. Aussi Nicodeme
reproche aux juges sur ce point. C'est aux juges a ap- pouvait-il dire a ses collegues du sanhedrin : Est-ce
precier, d'apres toutes les circonstances, la valeur du que notre loi juge quelqu'un avant qu'on 1'ait entendu,
temoignage de 1'accusateur, et a en tenir le compte qu'il et qu'ainsi 1'on ait appris ce qu'il faut faire? Joa., vn, 51.
merite. Les rabbins font remarquer que Dieu lui-meme, malgre"
La peine porte"e centre 1'accusateur qui accuse calom- sa science infinie, n'a pas voulu se decharger de cette
nieusement n'est pas specialement et explicitement expri- obligation de citer et d'entendre 1'accuse. Avant de con-
mee dans la loi de Moise; elle se deduit de la peine portee damner Adam et Eve, il les cite et les ecoute, Gen., HI,
centre les faux temoins, parce qu'en effet 1'accusateur 8-13; avant de condamner Aaron et Marie, qui accusaient
pouvait etre temoin, et 1'etait meme souvent, et que d'ail- injustement Moise leur frere, Dieu, qui veut prendre en
leurs la loi penale qui vise les temoins est concue en des main la cause de son serviteur, les cite et les interroge.
termes generaux qui s'appliquent aussi bien a 1'accusa- Num., XH, 4-8. Cf. Hottinger, Juris Hebreeorum leges,
teur. Nous lisons, Deut., xix, 16-21: Si un faux temoin 1. LXXX, Tiguri, 1655, p. 104-106.
s'attaque a un homme, 1'accusant d'avoir viole la loi, et L'accuse, paraissant devant les juges, avait toute liberte"
que celui-ci le nie, ils se presenteront tous deux devant de se detendre. Saint Etienne, accuse devant le sanhedrin
le Seigneur, en la presence des pretres et des juges qui de Jerusalem, recoit du president la parole pour se de-
seront en charge en ce temps-la, et lorsque, apres une tres fendre, et en profite largement, Act., vn, 1-53; Susanne,
exacte recherche, Us auront reconnu que le faux temoin accusee par deux vieillards dont le temoignage paraissait
a avance une calomnie contre son frere, ils le traiteront a tous indiscutable, se defend en protestant de son inno-
comme il avail le dessein de trailer son frere. On voit cence. Dan., xiii, 42-43. Jeremie, accuse par les pre"tres
que ce texte s'applique aussi bien a 1'accusateur qu'au et les faux prophetes, se defend aussi devant ses juges,
temoin. La coutume, du reste, a ainsi entendu la loi. C'est et gagne sa cause. Jer., xxvi, 12-16. Souvent, comme
la peine du talion qui est ici decernee contre les faux on le voit par ces exemples et par beaucoup d'autres,
temoins. Or les Hebreux infligeaient cette peine aussi bien 1'accuse se deiendait lui-meme; cependant lorsque, pour
a 1'accusateur qui calomniait qu'au faux temoin. Dans quelque motif que ce fut, il ne pouvait pas ou ne voulait
119 ACCUSE - ACHAB 120
pas plaider sa propre cause, il ne manqnait jamais d'un Le sort designe Achan et Jonathas comme coupables ,
parent, d'un ami ou d'un defenseur charitable, qui prenait mais leurs crimes furent clairement prouves d'ailleurs :
en main ses interets et preseiitait ses defenses au tribunal: celui d' Achan, par son aveu et 1'enquete qui le suivit; celu
ce qui etait d'autant plus facile, que, les jugements etant de Jonathas, par son aveu et la notoriete du fait.
toujours rendus aux pprtes de la ville, ou au moins, en L'accuse n'etait jamais soumis a la torture : nous n'en
dehors de la Judee, dans un lieu tres public, tous, meme voyons aucun exemple ni meme aucune trace dans tous
un inconnu, un etranger, pouvaient venir au secours de les cas de jugements rapportes par 1'Ecriture; il n'en est
1'accuse, comme nous le voyons dans le jugement de Su- pas question dans la loi de Moise. Nous trouvons bien,
sanne, qui fut sauvee au dernier moment par 1'interven- Deut., xxv, 2, mentionnee la flagellation, qui, chez les
tion inattendue de Daniel, Dan., xin, 45-63. Cette liberte Grecs et les Remains, etait un mode assez ordinaire de
de la defense est soigneusement enseignee dans la Mischna, torture; mais par le contexte nous voyons que cette exe-
traite Sanhedrin, v, 4, edit. Surenhusius, part, iv, p. 232. cution n'etait pas du tout une forme de torture destinee
Tel etait aussi 1'usage remain, comme nous 1'apprenons a arracher des aveux a 1'accuse , mais bien une peine des-
par I'affirmation tres precise de saint Paul. Act., xxiv, 19. tinee a punir des delits deja clairement prouves. La tor-
Aussi le meme Apotre, accoutume a ces usages des Juifs ture apparait pour la premiere fois dans la Palestine apres
et des Remains, se plaignit deux fois d'avoir ete frappe la conquete romaine ; Herode y a recours pour decouvrir
de verges, sans qu'on eut discute sa cause et entendu sa les coupables. Josephe, Bell, jud., I, xxx, 2-7. Saint Mat-
defense. Act., xvi, 37; xxn, 25. thieu , xvm, 34, mentionne certains executeurs qui mani-
L'aveu du crime, fait par 1'accuse, n'etait jamais suffi- festement, d'apres le nom qu'il leur donne, pa<7vt<TTa
sant pour le faire condamner. Quelle que soil la force pro- (Peschito : menagdone' ; Vulgate : tortores), avaient parmi
bante de 1'aveu judiciaire dans les matieres civiles, et leurs fonctions celle d'appliquer les accuses a la question.
meme dans les matieres criminelles non capitales, nean- L'apotre saint Paul fut menace de la torture, laquelle fut
moins, des qu'il s'agit de la vie d'un homme, 1'aveu seul meme decretee centre lui, et il n'y echappa qu'en decla-
de son crime peut n'etre pas suffisamment concluant pour rant qu'il etait citoyen remain. Act., xxn, 24-29. La tor-
entrainer la conviction des juges. Aussi, chez les Remains, ture etait done a cette epoque en usage dans la Palestine :
le juge ne pouvait condamner a mort sur le seul aveu de c'etaient les vainqueurs qui 1'avaient importee dans le
1'accuse; il fullait au moins que le corpus delicti fiit bien pays conquis; jusque-la le peuple hebreu 1'avait comple-
etabli d'ailleurs, L. 1, Divus Severus, et Si quis ultra, D., tement ignoree. Dans les intervalles de la procedure, par
De qusestionibus, XLVIII, xvm : decision tres sage, car exemple, avant le prononce du jugement, ou avant son
il peut se faire, comme on le deduit de ces textes, qu'un execution, 1'accuse etait garde a vue. Lev., xxiv, 12;
aveu de ce genre soit donne dans un moment de crainte, Num., xv, 34. Cf. Jer., xx, 2; xxix, 26; xxxvm, 6.
d'exaltation, de folie ou de desespoir. Cf. Voet., ad Pan- Lorsque 1'accuse etait pleinement convaincu, la sentence
dectas, de Confessis, n 2. C'est ce qu'avaient aussi com- etait portee, et 1'execution suivait sans delai. Voir JUGE-
pris les Hebreux : dans leur procedure criminelle, jamais MENT. S. MANY.
1'aveu ne suffit pour faire condamner a mort. Achan
avoue son crime, mais son aveu n'est que le commence- ACELDAMA. Voir HACELDAMA. '
ment d'une enquete, qui, en etablissant clairement le
corpus delicti, ne laisse aucun doute sur la culpabilite ACHAB f hebreu : "Ah'db , frere de pere ; par
de 1'accuse, Jos., vn, 10-26; Jonathas avoue son delit, contraction, une fois 'Ehdb, Jer., xxiv, 22; Septante :
mais il etait notoire, ayant eu le peuple entier pour te-
moin. I Reg., xiv, 25-28. Aussi les commentateurs juifs
disent-ils que, d'apres la Loi, aucun homme ne peut etre 1. ACHAB, roi d'Israel, succeda a Amri^son pere; il
mis a mort sur son aveu personnel. Vbir Maimonide et eut pour capitale Samarie; son regne dura vingt-deux ans,
Rartenora, dans leurs commentaires sur la Mischna, traite de 918 a 897, suivant les chiffres peut-etre alteres du texte
Sanhedrin, vi, 2, edit. Surenhusius, part, iv, p. 234. Nous biblique sous sa forme actuelle, III Reg., xvi, 29; de 875
ne trouvons'dans la Rible qu'une exception a cette regie: a 854, d'apres les monuments assyriens.Voir E. Schrader,
sur la seule declaration de cet Amalecite qui pretend avoir Die Keilinschriften und das alte Testament, Giessen, 1883,
tue Saul, David le fait mettre a mort. II Reg., I, 1-16. p. 458 et suiv.
Quelques auteurs expliquent cette justice sommaire en la Achab surpassa en impiete tous ses predecesseurs. II
presentant comme une execution militaire, exigee d'ailleurs epousa Jezabel , fille d'Ethbaal , que la Bible appelle roi
par la necessite pressante ou se trouvait David de venger de Sidon, et Josephe, roi de Tyr et de Sidon, Antiq.jud.,
1'honneur de la royaute, de mettre en siirete pour 1'avenir VIII, xin. Ce mariage fut pour Achab la source de presque
la vie des rois d'Israel, et de se mettre lui - meme a 1'abri toutes ses fautes et de tous ses malheurs. Esprit inquiet,
de tout soupcon de connivence avec celui qui se declarait nature entreprenante et audacieuse , comme la qualifie
le meurtrier de Saul. Cf. Michaelis, Mosaisches Recht, Josephe, loc. cit., Jezabel exerca sur le faible monarque
295, 305, t. vi, p. 113,163. une influence nef'aste. Fille d'un pretre de Baal et d'As-
Jamais non plus 1'accuse ne pouvait etre mis a mort ni tarte, qui n'avait pas craint de tremper les mains dans le
sur la revelation d'un prophete, ni sur une designation sang de son frere pour arriver au trone ( Menandre , cite par
faite par le sort. Notre Loi ne condamne personne a mort Josephe, Cont. Apion., I, xvm) , elle sembla avoir herite
sur le dire d'un prophete qui declare qu'un tel a commis de son pere le zele idolatrique avec la cruaute. Sans egard
ce crime, dit Maimonide dans son commentaire sur la pour les croyances religieuses du peuple dont elle etait
Mischna, a 1'endroit cite. C'etait la, en effet, une voie devenue la reine , elle s'attacha a faire prevaloir les divi-
trop extraordinaire et trop sujette a 1'erreur, pour que les nites phemciennes sur le vrai Dieu d'Israel. Achab, loin
juges pussent s'en contenter dans I'administration de la de lui resister, eut la faiblesse, pour lui complaire, de
justice, surtout criminelle. Quant au sort, on pouvait, dans batir dans Samarie un temple sacrilege, oil il vint lui-
certains cas, y avoir recours, voir SORT; mais c'etait seu- meme se prosterner devant les dieux de Jezabel, Baal et
lement pour rechercher le coupable, jamais pour le con- Astarte. Voir I (III) Reg., xvi, 33, ou 1'hebreu porte 'A$e-
damner; il fallait encore, independamment du sort, des rdh. Bientot apres, la persecution religieuse sevit du-
preuves decisives pour que le juge fut autorise a porter la rement centre les adorateurs du vrai Dieu , et pendant
sentence: c'est ce que nous voyons dans les exemples cites que Baal comptait quatre cent cinquante pretres, et As-
plus haut, d'Achan et de Jonathas, qui sont les deux seuls tarte quatre cents, les prophetes du Seigneur tombaient
cas de jugements criminels rapportes par FEcriture ou sous les coups de 1'implacable reine, ou n'echappaient a la
1'on ait eu recours au sort pour decouvrir les coupables. mort qu'en se refugiant dans les cavernes. Ill Reg., xvm,
121 ACHAB 122
4,13,19. On ne s'etonnera done pas de lire dans le texte En faisant grace de la vie au vaincu, le roi d'Israel
sacre que nul prince d'Israel n'avait encore egale les ini- semble avoir contrevenu a un ordre formel de Dieu, cf.
quites d'Achab. Ill Reg., xx, 42; car un proiphete dont la Bible ne nous
Le prophete Elie, messager de la colere divine en cette a pas conserve le nom, mais que Josephe, Antiq. jud.,
circonstance, alia trouver le roi et lui predit que la se- VIII, xiv, croit etre Michee, fils de Jemla, mentionne plus
cheresse sevirait en Israel, et que 1'eau ne tomberait pas loin, III Reg., xxii, 8, vint blamer Achab de sa gene"-
du ciel qu'il ne revint lui-meme 1'annoncer. A trois ans rosite mal en tend ue pour Benadad et du traite d'alliance
de la, III Reg., XVIH, 1, la famine etant extreme, Elie, qu'il avait egalement conclu avec lui. Le prophete, en
par 1'ordre du Seigneur, se rendit de nouveau pres d'Achab, terminant, signifia au roi qu'il payerait un jour de sa vie
que le fleau avait ebranle, sans pourtant le convertir au la faute qu'il avait commise. Loin de s'humilier devant le
culte du vrai Dieu. Le sacrifice miraculeux du mont Car- Dieu, qui deux fois 1'avait delivre, lui et son peuple, de son
mel, III Reg., xvm, voir ELIE, en convainquant d'im- redoutable voisin, Achab, sans doute enlle de sa victoire,
posture les pretres de Baal, ramena, pour quelque temps ne montra qu'irritation, et s'en retourna a Samarie me-
du moins, le roi a de meilleurs sentiments. Ce jour-la content jusqu'a la fureur des avertissements et des menaces
mfime, et du consentement d'Acbab, la loi de Mo'ise, qui du Seigneur. Ill Reg., xx, 35-43.
condamnait a mort les prophetes des faux dieux, Deut., La paix avec le roi de Syrie devait durer trois ans. Dans
xvm, 20, recut son application; les quatre cent cin- 1'intervalle se passa le celebre episode de la vigne de Na-
quante pretres de Baal furent executes. Alors, pour la both, a Jezrahel, le Zerain actuel, oil Achab avait un
premiere fois depuis trois ans, la pluie tomba du ciel, palais. Pour agrandir ses jardins, le roi demanda a Na-
a la parole du prophete Elie, qui ne s'empressa pas moins both, son voisin, de lui ceder sa vigne. Celui-ci s'y refusa,
de disparaitre, pour echapper au courroux de Jezabel, csmme c'etait son droit. Achab en eprouva un depit d'en-
irntee de la mort des pretres de Baal. fant, qu'il manifesta en boudant son entourage. II n'etait
Achab semble avoir profile quelque temps des avertis- pas sans savoir apparemment que Jezabel etait capable de
sements que Dieu lui avait donnes par 1'entremise de son le consoler de ses chagrins, en mettant a son service une
prophete, et sa politique exterieure n'eut qu'a y gagner. audace qui ne reculait devant rien, pas meme devant le
Benadad, roi de Syrie, suivi de trente-deux princes allies crime. A quelques jours de la, en effet, Jezabel avait tout
et d'une armee nombreuse, etait venu camper jusque sous arrange : Naboth n'etait plus. Achab fut prevenu; il se
les murs de Samarie, et tenait la ville assiegee. Une pre- rendit aussitot a la vigne de Naboth pour en prendre pos-
miere fois il avait engage le malhcureux prince a se rendre, session, quand soudain Elie parut de nouveau comme le
a des conditions que celui - ci avait eu d abord la faiblesse justicier de Dieu, et predit a Achab qu'en punition du
d'accepter. Benadad, appuye sur le nombre de ses soldats meurtre de 1'innocent, les chiens lecheraient son sang
et se croyant sur de la victoire, ne vit dans les conces- au meme lieu ou ils avaient leche le sang de Naboth,
sions d'Acbab qu'un motif d'etre plus exigeant. De nou- devoreraient Jezabel, la principale actrice de ce drame
velles propositions, plus dures que les premieres, furent sanglant, et qu'enfin la posterite d'Achab serait un jour
faites a Achab, qui les sournit aux anciens et au peuple detruite. Cette fois Achab reconnut sa faute, en fit peni-
de Samarie. II n'y eut qu'une voix pour les rejeter, et tence, et Dieu, pour montrer qu'il agree le repentir meme
ainsi la lutte fut resolue. C'est alors que le Seigneur inter- des plus coupables, revela a son prophete Elie que, le
vint. II rassura le faible monarque, et, pour lui prouver roi s'etant humilie, les malheurs predits centre sa poste-
une fois de plus qu'il etait le seul vrai Dieu, lui promit la rite n'arriveraient pas de son vivant.
victoire sur ses nombreux ennemis. Achab, en effet, ayant C'est a cette epoque, selon toute probabilite, qu'il faut
rassemble ses honimes, comme le Seigneur le lui avait placer encore la campagne que fit Achab, comme allie de
commande, fit une sortie centre les assiegeants et les mit Benadad, centre Salmanasar II, roi d'Assyrie. La Bible ne
completement en deroute. Le meme prophete qui lui avait mentionne point ce fait; mais les inscriptions assyriennes,
predit cette victoire s'approcha de nouveau d'Achab, et lui malgre les divergences chronologiques que nous avons
annonca que 1'annee suivante le roi de Syrie reviendrait indiquees plus haut et dont nous n'avons pas encore la
1'attaquer. clef, ne nous permettent guere de douter qu'Achab ait
Au bout d'un an, la parole du prophete recevait son vecu au temps de Salmanasar, et qu'il ait joint ses armes
accomplissement : Benadad inondait de ses troupes la a celles du roi de Syrie centre le puissant monarque des
plaine d'Aphec, que Ton croit pouvoir identifier avec El- bords du Tigre. Nous possedons, en effet, trois recits de
Fik, situe a Test du lac de Genesareth, sur la route allant la sixieme campagne de Salmanasar; elle etait dirigee
de la Palestine a Damas. Les enfants d'Israel, ayant Achab contre le roi de Syrie et douze autres rois ses allies. Layard,
a leur tete, marcherent a 1'ennemi et vinrent camper en face Inscriptions in the cuneiform character, pi. 46 et 89-90;
des Syriens. Or, pendant que ceux-ci couvraient la plaine Western Asiatic inscriptions, t. ill, pi. 8. La plus celebre
deleurs nombreux bataillons, les Israelites, qui apparem- de ces inscriptions, gravee sur une stele trouvee a Kurkh,
ment s'etaient divises en deux groupes, ressemblaient, dit aux sources du Tigre, et conservee maintenant au British
la Bible, a deux petits troupeaux de chevres. III Reg., Museum, nous dit que Salmanasar triompha, dans le voi-
xx, 27. Un homme de Dieu parut encore pour rassurer sinage de la ville de Qarqar, du roi de Damas, Binidri
Achab et lui promettre la victoire de la part du Seigneur. (= Benadad, qui est pour Benadar. Cf. Schrader, Die Keil-
Sept jours durant, les deux armees resterent en face 1'une inschriften und das alte Testament, p. 200-201; J. Ha-
de 1'autre; enfin, le septieme jour, la bataille s'engagea. le vy, Notes sur quelques textes arameens du Corpus,
Cent mille fantassins syriens tomberent sous les coups n 27, dans Recherches bibliques), ainsi que de ses allies,
des Israelites, et vingt- sept mille, qui etaient restes dans parmi lesquels nous lisons le nom d'Ahabbu, du pays de
Aphec, perirent sous la chute des murs de la ville. En $irla, c'est-a-dire Achab d'Israel, selon toute apparence.
supposant que ces chiffres nous aient ete conserves bien Void, du reste, le passage principal du texte; c'est Salma-
intacts, on ne peut guere expliquer une si sanglante vic- nasar qui parle: Je partis de la ville d'Argana et m'ap-
toire, suivie d'une telle catastrophe, que par 1'intervention prochai de la ville de Qarqar. Je renversai la ville de Qarqar,
divine, d'ailleurs promise. Benadad lui-meme tomba entre ville de ma royaute; je la detruisis et la consumai dans les
les mains du vainqueur, qui lui fit grace de la vie. La flammes. Douze cents chars, douze cents bit-hal-lu (?), vingt
paix fut conclue a cette condition que Benadad rendrait mille hommes de Binidri de Damas; sept cents chars, sept
les villes prises par son pere au roi d'Israel, et qu'Achab cents bit-hal-lu (?), dix mille hommes d'lrhulina, du pays
pourrait etablir a Damas une garnison, ou, selon une de Hamat; deux mille chars, dix mille hommes d'Ahabbu,
autre interpretation plus vraisemblable, des bazars ou mar- du pays de Sirla... (L'enumeration des forces alliees con-
ches pour ses nationaux. Ill Reg., xx, 34. tinue, et Salmanasar reprend:) II (Binidri) prit ces douze
123 ACHAB 124
rois a son aide. Pour me faire la guerre et me livrer ba- echappait a la mort, Achab etait atteint d'une fleche lance'e
taiile, Us se dirigerent centre moi. Par le secours puis- comme au hasard par un soldat sans nom. Grievement
sant que me preta Assur le Seigneur, par les armes puis- blesse, le prince fit sortir son char de la melee, sans
santes que m'accorda le grand protecteur qui marche toutefois deserter le champ de bataille. n eut le courage,
devant moi, je combattis. De Qarqar a Gilsau, je cansai pour soutenir 1'ardeur de ses soldats, de rester debout,
leur defaite. Je tuai par mes armes quatorze mille de leurs la face tournee vers les Syriens, malgre les flots de sang
combattants. Comme le Dieu Ramman, je fis surgir centre qui inondaient son char. Le soir il expirait, et toute
eux une tempdte, je couvris la surface des eaux de leurs...; l'armee dut se disperser. On rapporta le corps du roi a
je terrassai par mes armes leurs nombreuses armees; de Samarie, ou il fut enseveli, et quand on lava son chariot
leurs cadavres la plaine fut jonchee. La description de dans la piscine de cette meme ville, les chiens vinrent
la defaite se poursuit dans des termes dont la significa- lecher son sang. La premiere prophetie d'Elie, III Reg.,
tion precise n'est point toujours facile a determiner; mais xxi, 19, d'apres laquelle les chiens devaient lecher le sang
on ne saurait douter, meme en faisant la part de la jac- d'Achab au lieu meme ou Us avaient leche le sang de
tance habituelle des monarques assyriens, que Binidri de Naboth, par consequent a Jezrahel, ne se trouvait done
Damas et ses douze allies n'aient subi aux environs de verifiee qu'en partie; mais on se rappelle que la penitence
Qarqar un desastre complet. du roi avait fait modifier la sentence du Seigneur, qui
Cette defa dut montrer a Achab combien le prophete en renvoyait le plein accomplissement au temps de son fils,
avait eu raison de blamer son alliance avec le roi de III Reg., xxi", 29, et 1'on verra plus tard, en eflet, IV Reg.,
Syrie. Du reste, la paix conclue avec Benadad ne devait ix, 25-26, Jehu, en souvenir de cette prophetie, jeter le
pas 6tre de bien longue duree. Trois ans apres la balaille cadavre de Joram dans le champ meme de Naboth. Le
d'Aphec, Ramoth, ville du pays de Galaad, qui d'apres reste des actions d'Achab, les palais, les villes qu'il fit
les traites aurait du appartenir au roi d'Israel, etait en- construire, tout cela etait consigne au livre des Annales
core au pouvoir de Benadad, soit que celui-ci eut refuse des rois d'Israel, livre qui n'est point parvenu jusqu'a
de la rendre, soit plutot qu'il eut, pour un motif ou pour nous.
un autre, envahi de nouveau le territoire de son allie. Ainsi disparut, en attendant la pleine vengeance de
Achab resolut d'arracher de vive force cette place a son Dieu sur sa posterite, un des plus mauvais princes qui
belliqueux voisin. ait gouverne le peuple d'Israel. Son manque absolu de
En ce temps-la, Josaphat, roi de Juda, qui neuf ou solides convictions religieuses, sa faiblesse de caractere et
dix ans plus tot avait eu la malencontreuse idee d'unir ses passions, qui parfois continent a la puerilite, III Reg.,
son fils Joram a Athalie, la trop digne fille de Jezabel, xxi, 4, ont fait de lui une sorte de grand enfant gate,
II Par., xxi, 6; IV Reg., vin, 26, vint faire visite a Achab. tombe entre les mains d'une femme bardie, insolente,
Celui-ci, plein de ses ide"es de guerre centre Benadad, audacieuse, qui sut 1'amener a perpetrer tous les crimes,
entreprit de gagner Josaphat a sa cause. II le recut dans ou les executer elle-meme avec son assentiment. Sa plus
Samarie avec de grandes demonstrations de joie, II Par., lourde faute fut assurement d'installer dans sa capitale le
XVHI, 2, et parvint a conclure une alliance avec lui, dans culte de Baal et d'Astarte, et de se prefer a la persecu-
le but de chasser le roi de Syrie de la ville de Ramoth. tion des fideles serviteurs de la loi mosaique. Chez un
Inquiet pourtant ^ur les consequences que pourrait bien peuple ou toute deviation du culte du vrai Dieu devait
avoir cette campagne, Josaphat demanda a consulter le amener, non seulement a la longue et par la force des
Seigneur. Achab, et c'est encore la un trait a noter, si choses, mais encore, au besoin, par 1'intervention posi-
Ton veut se rendre compte du caractere et des infidelites tive de Dieu, un chatiment terrible, le crime d'idolatrie
de ce prince, trouva immediatement autour de lui quatre se doublait necessairement du crime de lese-nation. Apres
cents prophetes environ, qu'il ne faut sans doute pas trois ans d'une famine que le peuple avait du supporter en
confondre avec les quatre cents pretres d'Astarte, puis- expiation de cette faute, Elie pouvait lui dire en toute assu-
qu'ils se disent inspires par Jehovah, III Reg., xxn, 24, rance : Ce n'est pas moi, mais toi qui troubles Israel, en
mais qui paraissent avoir ete a la solde du roi simplement abandonnant les commandements du Seigneur. III Reg.,
pour exercer la divination et lui predire des choses exclu- XVIH, 18. Ce qui rend ce prince plus inexcusable encore,
sivement agreables. Le r^sultat de la consultation fut tel c'est que jamais Dieu ne lui menagea ses avertissements.
que le voulait Achab: Montez a Ramoth, le Seigneur la Les prophetes du Seigneur, dont le ministere surnaturel
livrera entre vos mains. jouait en Israel un role si considerable, ne manquerent
Josaphat n'accepta point cette decision, dictee par 1'in- jamais de lui denoncer ses crimes et les chatiments qui
ter& et la servilite; il reclama un prophete du Seigneur. devaient suivre, III Reg., XVIH, 1; xxi, 21; de le pre"venir
Achab dut envoyer chercher le fils de Jemla, Michee, qu'il des dangers que les attaques de 1'exterieur, III Reg., xx, 22,
detestait pour sa fidelite a predire 1'exacte verite, fut-elle ou les fautes de sa politique, III Reg., xx, 42, faisaient
desagreable au bon plaisir du roi. Michee vint done, et courir a son royaume; enfin de lui fournir des preuves
apres une reponse ironique, conforme aux desirs d'Achab, immediafes de la bonte de Dieu a son egard, sitot qu'il
il annonca resolument la defaite des troupes d'Israel. donnait le plus leger signe de repentir. Ill Reg., XVIH, 41;
Achab fit saisir et jeter dans une dure prison le prophete xxi, 29. Mais toutes ces attentions de Dieu furent en pure
du Seigneur, bien resolu a ne pas tenir compte de ses aver- perte: Achab aima mieux subir la domination d'une femme
tissements. Le pieux Josaphat, malgre la prediction de execrable, adorer les faux'dieux, ecouter ses devins; il
Michee, et croyant peut-etre qu'il devait faire honneur a perit done pour 1'avoir bien voulu. Apres cela, qu'il ait
une parole deja donnee, ne separa point sa cause de celle eu un certain gout pour les arts, pour I'embellissement
de 1'impie Achab, ce dont le prophete Jehu le blama dans de ses palais et de ses villes, III Reg., xxii, 39; qu'au
la suite. II Par., xix, 2. dernier moment il ait mgme montre quelque force d'ame
Tous les deux allerent done presenter la bataille au roi en face de 1'ennemi, c'est justice de le constater avec
de Syrie sous les murs de Ramoth. Au moment d'engager 1'ecrivain sacre1, III Reg., xxn, 35; mais, en verite, il
1'action, Benadad donna 1'ordre aux trente-deux chefs de faudrait autre chose pour racheter ses fautes et ses crimes
ses chariots de diriger leur attaque centre la personne devant le tribunal de 1'histoire. L. MECHINEAU.
meme d'Achab. Celui-ci, soit qu'il eut eu connaissance
des intentions de son ennemi, soit plutot qu'il craignit 2. ACHAB, fils de Colias, faux prophete, sorti des rangs
1'effet de la prediction de Michee, se deguisa pour n'e"tre des Hebreux deportes a Babylone par Nabuchodonosor. II
point reconnu dans le combat. "Vaine precaution! Pen- n'est fait mention de lui que dans Jeremie, qui, au nom
dant que Josaphat, revetu de ses habits royaux et pour- de Dieu, le menace ainsi que ses sectateurs, et lui predit
suivi quelque temps par erreur comme etant le roi d'Israel, que s'il continue a precher le mensonge et a vivre, comme
125 ACHAB ACHAIE 126
il le faisait, dans 1'adultere, le roi de Babylone le fera perir, I''Orient, t. iv, p. 77-79. Plus tard, Achad perdit son rang
et par un supplice si cruel, qu'il fournira aux survivants de capitale; mais les plus anciens souverains de Babylone
cette formule de malediction : Que Jehovah te traite tinrent a honneur de joindre a leur titre celui de roi de la
comme le roi de Babylone a traite" Achab. Jer., xxix, region d'Akkad, Sar mat Akkad; et le nom d'Akkadien,
21-22. Ce supplice est celui du feu, inusite en Palestine, Akkadu, parait etre demeure 1'appellation ethnographique
mais en usage chez les Babyloniens. Daniel en fait expres- pour la portion septentrionale de la Babylonie, taridis que
sement mention, ni, 6. Cf. Smith, History of Assurba- celui de Sumir semble avoir etc reserve a la partie meridio-
nipal, p. 137, 138, 157; Transactions of the Society of nale. Malgre le deplacement de la royaute, Achad contiaua
biblical archaeology, t. n, p. 360 et suiv.; Vigouroux, a jouer un role important jusque sous la domination des
La Bible et les decouvertes modernes, 3* edit., t. rv, Perses. Cette ville est mentionnee dans les inscriptions egyp-
p. 439-442. Nous ne saurions dire s'il y a, dans le mot tiennes d'Amenhotep II (xviii* dynastic), qui s'en empara,
employe pour designer le supplice d'Achab (qdldm), une ainsi que de Ninive. Jusqu'a present son histoire ne parait
allusion au pere de ce faux prophete (Qoldydh). pas, comme celle d'Arach, liee intimement avec les aven-
L'identite de 1'epoque a laquelle vivait Achab et 1'autre tures d'Isdoubar, le Nemrod chaldeen. Anounitou, 1'Istar
faux prophete menace par Jeremie, xxix, 21-22, d'une ou la Venus du matin, etait la ddesse protectrice d'Achad.
part, et les deux juges calomniateurs de la chaste Susanne, Pendant longtemps les assyriologues ont donne du nom
Dan., XHI, 5, d'autre part; la similitude de leurs fonctions de cette ville la lecture erronee Agane ; cette meprise,
et celle de leur fin tragique; enfin et surtout le desir de due a la polyphonie du dernier signe cuneiforme, qu'on
justifier par une reference 1'expression: ceux dont a parle peut lire ne ou de, a contribue a prolonger 1'ignorance
le Seigneur, Dan., xni, 5, avaient porte plusieurs Juifs des exegetes relativement a la situation veritable de la ville
dont parle saint nemrodienne.
Jerome, InDa- Les anciens
nielemr in hoc avaient cru la
loc., a voir dans retrouver dans
les deux vieil- Nisibe : c'etait
lards de 1'his- 1'opinion des
toire de Su- Targums, de
sanne les deux saint Ephrem,
faux prophetes de saint Jerome,
Achab et Sede- d'Aboulfaradje;
cias. Mais, outre mais cette ville
que le supplice est beaucoup
est fort diffe- trop eloignee du
rent, ici la la- Sennaar. Plu-
pidation, Dan., sieurs parmi les
xni, 62 ; cf. modernes ont
Deut., xix, 18- 18. Cyllndre de Sargon 1'Anclen. Collection de M. de Clercq. propose Akker-
19; Ezech., kouf et Niffar,
xvi, 40, la le supplice du feu, Jer., xxix, 21-22, il y a une 1'ancienne Nipour; mais si la situation geographique est
difference entre ceux qui prononcent le chatiment: centre plus satisfaisante, les noms eux-monies protestent contre
les vieillards, c'est le peuple; contre les faux prophetes, cette hypothese gratuite. Voir Fr. Delitzsch, Wo lag das
c'est le roi de Babylone. Ces divergences ont fait aban- Parodies ? p. 209; F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes
donner universellement 1'assimilation. P. RENARD. modernes, 5e edit., t. i, p. 307-308. E. PANNIER.
ACHAD (hebreu : 'Akkad; quelquefois incorrecte- ACHAlfE ('A^aia). Ce terme geographique a designe,
ment: Akkar, a cause de la ressemblance du daleth, T, dans 1'antiquite et dans les temps modernes, une etendue
et du resch, i, hebreux; Septante : 'Ap^dS; textes cunei- de pays tres diverse. Pour Homere, Acheen et Grec etaient
formes : Agade, Akkadu), ville situee sur la rive gauche
et assez pres de 1'Euphrate, a environ cinquante kilometres
nord-ouest de Babylone, a 1'endroit ou 1'Euphrate et le
Tigre, n'etant plus separes que par une distance de trente
kilometres, etaient autrefois reunis par un canal nomme
canal d'Akkad. Cette ville etait situee sur le quai meri-
dional du canal, tandis que sur 1'autre quai s'elevait la ville
de Sippar, la Sepharva'im de la Bible, dont Achad semblait
n'Stre qu'un faubourg. 19. Monnale de 1'Achai'e.
La Genese, x, 10, mentionne cette ville comme faisant
Zeus Homogyrlus debout, tourn6 & gauche. II tient dans la main:
partie de la tetrapole du Sennaar, gouvernee par Nemrod. droite une Victoire qui lui pose une couronne sur la t6te et de-
Les fouilles ont prouve qu'elle remonte, en effet, a la plus la main gauche il s'appuie sur un long sceptre. IIIIIAPXoS
haute antiquit^. Les scribes babyloniens placaient vers [titre du second magistral de la ligue acheenne.Son nom manque
1'an 3800 av. J.-C. le regne de Sargon d'Akkad; cette indi- sur la me'daille. Ce magistral n'existait plus a 1'gpoque romaine],
cation est confirmee par les monuments qui portent le nom ^. D6m6ter Panachal'a, assise sur un trdne, a gauche. Elle
de ce prince, dont les inscriptions sont tracees en style a une cooronne dans la main droite et elle s'appuie de la
fort archaique : le clou ou coin, element constitutif de gauche sur un long sceptre, comme Jupiter. IIAAAANTEQN
AXAION [monnaie]de Fallantion [en Arcadie, ville] de la
1'ecriture cuneiforme, n'y apparait pas encore; on n'y ren- ligue ache'enne.
contre que la ligne droite ou brisee, figurant d'une facon
plus ou moins grossiere 1'objet dont on veut peindre le nom. synonymes; la Phthiotide fut d'abord appelee Achaie. Plus
(Fig. 18.) A cette epoque, Achad etait deja un centre d'e- tard, ce nom fut reserve a la contree situee au nord du
tudes litieraires, astronomiques et surtout astrologiques. Peloponese, le long du golfe de Corinthe. Apres la con-
Nous possedons encore, sinon en originaux, du moins en qu6te romaine, on appela Achaie tous les pays qui avaient
copies, une portion de la bibliotheque rassemblee par Sargon fait partie de la ligue acheenne. Pausanias, VII, xvi, 10.
et Naram-Sin, son fils. Voir Records of the past, 2e sierie, L'Achaie renfermait done le Peloponese, la Grece cen-
I , p. 37; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de trale et les lies adjacentes. C'est a 1'Achaie qu'actuelle-
127 ACHAIE ACHAN 128
ment la. majority des historiens rattachent la Thessalie, Parmi les villes de 1'Achaie, le Nouveau Testament ne
1'Acarnanie et 1'Etolie. Cette derniere y fut unie plus tard mentionne qu'Athenes, Act.^ xvn, 16; Cenchree, port de
que les deux autres. Ptolemee, in, 14. Les limites tracees Corinthe, xvm, 18; Rom., xvi, 1, et cette derniere ville,
sur la carte ci-jointe (fig. 90) sont neanmoins conjectu- qui etait le sejour du proconsul. Act., xvm, 1. Deja, au
rales. Pour 1'auteur des Actes des Apotres et pour saint temps de saint Paul, 1'Achaie comptait de nombreux chre-
Paul, 1'Achaie et la Macedoine forment I'ensemble des tiens, II Cor., i, 1; I Thess., I, 7, 8; 1'Apotre loue leur
pays grecs. Act., xix, 21; Rom., xv, 26; I Thess., i, 7, 8. charite, Rom., xv, 26; II Cor., ix, 2, sans pourtant vou-
Dans le partage des provinces fait en Fan 27 avant J.-C., loir en user pour son propre compte. II Cor., xi, 9.
par 1'empereur Auguste, 1'Achaie fut attribute au senat: E. JACQUIER.
elle etait par consequent gouvernee par un ancien pre- ACHAIQUE ('Axatx6<;, I Cor., xvi, 17; Vulgate:
teur ayant le titre de proconsul. Strabon, xvn, 3, 25; Achaicus, ibid., xyi, 15,17), chretien de Corinthe, et 1'un des
EcKelLe
So 100
20. Achai'e.
Dion Cassius, nil, 12. En 1'an 15, 1'empereur Tibere premiers convertis de 1'Achaie. Avec Stephane et Fortunat,
1'enleva au senat et en fit une province imperiale, Tacite, il etait venu a Ephese voir saint Paul, pour lui parler des
Ann., I, LXXVI ; mais, en 44, Claude la rendit au senat. affaires de la communaute chretienne, et lui apporter une
Suetone, Claudius, xxv. L'Achaie etait done province se- lettre, a laquelle 1'Apotre repondit par sa premiere epitre
natoriale lorsque saint Paul 1'evangelisa, lors de son second aux Corinthiens. D'apres la suscription du Textus receptus,
voyage de missions, et c'est a juste titre que les Actes des I Cor., fin, cette reponse fut portee a Corinthe par Achai'que
Apotres, xvm, 12, appellent proconsul d'Achai'e (ivOy- et ses deux compagnons; quoique cette suscription ne soit
TtaToe) Gallio, devant qui 1'Apotre fut traduit par les Juife. pas authentique, on s'accorde a admettre ce renseigne-
Pour remercier les Grecs de leurs applaudissements, Neron ment. II semblerait, d'apres la Vulgate, I Cor., xvi, 15,
les declara libres de la domination romaine; il les rendit, qu'Achaique etait de la famille de Stephane; mais les ma-
comme les Italiens, independants de tout gouverneur. Get nuscrits grecs, pas plus que le Textus receptus, n'ont
etat de choses dura quelques mois seulement. Vespasien dans ce verset les deux noms de Fortunat et d'Achaique:
retablit le proconsulat, qui dura jusqu'a Justinien. Ce qui c'est une addition de la Vulgate. E. JACQUIER.
caracterisait la province d'Achaie, c'etait le grand nombre
de villes libres, autonomes, qu'elle contenait, parmi les- ACHAN (hebreu: 'Akdn, n affligeant, troublant? ) ,
quelles il faut compter Athenes, Corinthe, Patras, etc. appele dans les Septante 'A^ap, ainsi que dans un passage
Les autres villes etaient groupees en confederations, qui de 1'hebreu, 'Akdr, et de la Vulgate, Achar, I Par., n, 7,
conserverent les noms des xotva de 1'epoque anterieure, fils de Charmi, de la tribu de Juda, demeure celebre par
mais ne furent plus que des associations religieuses qui le chatiment divin dont il fut 1'objet apres la prise de
joignaient au ciilte de leurs dieux celui des empereurs. Jericho par les Hebreux. Son crime avail ete de violer
129 A C H A N ACHAZ
I'ordre de Josu4, qui avait express^ment voue a 1'anatheme, pensent que ce proce^, aussi bien pour la premiere in-
c'est-a-dire a la destruction, la ville avec tout ce qu'elle vestigation que pour les suivantes, fut la consultation mys-
renfermait d'hottimes et de butin. Jos., vi, 17. C'etait terieuse par 1'urim et le thummim, si fort en usage parmi
une sorte de consecration religieuse que cet aneantisse- les Juifs dans les dangers et les difflcultes. Voir URIM ET
ment de la premiere ville conquise en Chanaan, execute THUMMIM. II est a remarquer que dans ce passage, Jos.,
en reconnaissance des droits souverains de Jehovah, aussi VH, 14-18, notre meme terme latin tribus, repete quatre
bien que pour inspirer aux autres villes une terreur salu- fois, est rendu en hebreu trois fois par le mot sebet, jL 14
taire. Des lors, desobeir a cet ordre devenait un sacrilege et 16, et une fois par celui de matteh, f. 18, 1'auteur se
digne de la vengeance de Dieu. C'est dans ce crime que servant de 1'un ou de 1'autre selon le point de vue du
tomba Achan, en derobant apres la prise de la ville un moment; car sebet designe plutot la tribu dans sa cohe-
manteau d'ecarlate, plus deux cents sides d'argent et une sion politique, tandis que matteh vise surtout la mul-
regie d'or de la valeur de cinquante sides. Jos., vn, 21. titude des elements qui la composent. Cf. Jos., xin, 33;
Le manteau, 'adderef, dont il est question n'etait pas un xvm, 2-4. Cette remarque, faite au passage, reduit a neant
habit vulgaire, comme la tunique de dessous, kefonef, le systeme des rationalistes, qui pretend ent donner au livre
Lev., xvi, 4, ni comme la large robe, simldh, Gen., ix, 23, de Josue deux auteurs diflerents, parce que, d'apres eux,
qu'on portait par-dessus; mais 1'ample et luxueux pallium plusieurs expressions, et entre autres celle de Sebet a
que portaient les rois, fait d'etoffe precieuse, parfois re- 1'exclusion de matteh, et reciproquement, seraient des
hausse de broderies d'or et d'argent, Eccle., ix, 8; Ezech., caracteristiques de deux fragments du livre essentielle-
xvi, 10, et qu'on mettait les jours de fete et dans les cere- ment distincts. Cf. Nachtigal, dans Heukes Magasin, IV,
monies. IV Reg., v, 5. On le nommait aussi, et a cause de n, p. 362 et suiv.; Bertholdt, Einleitung, t. in, p. 849 et
cet emploi extraordinaire, halifot, c'est-a-dire vetement suiv.; Van Heverden, Disputatio de libro Josue, etc.
qu'on change, ou qu'on ne garde pas longtemps. Les Achan decouvert confessa humblement sa faute, et 1'on
femmes Israelites en confectionnaient de cette sorte, Prov., trouva, enfouis dans le sol de sa tente, les objets qu'il s'etait
xxxi, 22; mais le plus souvent on les faisait venir de appropries. II n'y avait plus qu'a executer sur le coupable
1'etranger, et en particulier de Babylone, dont la reputa- la sentence prononcee par Dieu. A quelque distance de la,
tion en cette matiere etait universelle. C'est sans doute ce dans le voisinage de Galgala, s'etendait une large vallee,
que signifie 1'hebreu 'adderef Sine'dr, manteau de Sen- sur les collines de laquelle pouvait s'etager tout un peuple
naar (Babylone etait situe dans la plaine de Sennaar), que de spectateurs. II s'y trouvait aussi, et en grande quantite,
saint Jerome a traduit, on ne sait pourquoi, par pallium des pierres descendues des hauteurs voisines ou roulees
coccineum. Cf. Fillion, Atl. archeol., pi. n, fig. 13-15; par le torrent. Ce fut 1'endroit designe par Josue pour le
pi. LXXX, fig. 6-8; pi. LXXXI, fig. 7-9; pi. LXXXII, fig. 3. lieu de 1'execution. Achan y vint, conduit par le peuple,
Les sides d'argent derobes avec ce manteau etaient, selon avec ses fils et ses filles, ses troupeaux de bceufs, d'anes
la forme de la monnaie en usage a cette epoque, des mor- et de brebis. On y apporta aussi sa tente, tous les objets
ceaux de metal pesant chacun un side, et peut-etre mar- a son usage, enfin le manteau de Sennaar, les sides d'ar-
ques d'une estampille indiquant leur poids. Si le seqel gent et la regie d'or, qui furent accumules en une seule
d'argent du temps des Machabees avait le meme poids masse avec les victimes. Alors Josue donna le signal, en
que celui du temps de Josue, comme on peut le supposer, prononcant une courte formule imprecatoire, dans laquelle,
les deux cents sides derobes representeraient une valeur par le changement d'une lettre en une autre (n, 3, change
monetaire de cinq cent soixante-six francs. La regie d'or, en r, -i, a la fin du nom d'Achan), il tira du nom meme
appelee dans I'hebreu leSon zdhdb, langue d'or, etait du coupable la signification de son chatiment: 'Akarfdnu
peut-etre une lame en or massif, employee comme bijou. ya'ekorkd Yehovdh. Tu nous as troubles, Jehovah te
Sa valeur etait de cinquante sides d'or, environ deux mille troublera. Jos., vn, 25. A ces paroles, une grele de
francs, le side d'or valant douze sides d'argent. II Reg., grosses pierres tomba sur le coupable et les autres victimes
xxiv, 24; cf. I Par., xxi, 25. Voir SICLE. vouees a la mort, et bientot, leurs cadavres avec les objets
Tel etait le crime d'Achan. II avait ete commis en secret, destines a la destruction ayant ete consumes par le feu,
et secretement aussi le coupable avait enfoui tous ces objets il ne resta d'Achan et des siens qu'un monceau de cendres
au milieu de sa tente, attendant le moment ou il pourrait sur lequel les Juifs eleverent un amas de pierres, pour
les utiliser sans peril. Mais Dieu revela lui-meme sa pre- demeurer le memorial du crime et du chatiment. La vallee
varication. Sous les mure de la petite ville d'Hai, les troupes elle-meme recut le nom de cet evenement; elle s'appela
de Josue venaient d'essuyer une defaite si ignominieuse vallee d'Achor , 'Akor, troublant . Cf. Osee, II, 15;
et si inattendue, qu'elle ne pouvait etre qu'un chatiment Is., LXV, 10. A 1'epoque ou 1'auteur du livre de Josue ra-
du ciel; et, dans cette pensee, Josue et les anciens d'Israel contait cet episode, le monument etait encore debout. Jos.,
Etaient demeures jusqu'au soir prosternes devant 1'arche vn, 26. Le chatiment d'Achan a souvent servi d'exemple
sainte, se plaignant a Dieu et demandant 1'explication de aux saints Peres et aux auteurs spirituels pour faire res-
ce mystere. A la fin du jour, la voix du Seigneur s'etait sortir la gravite du peche de sacrilege. P. RENARD.
fait entendre, denoncant le crime sans designer 1'auteur,
declarant que la protection du Seigneur ne serait plus sur ACHAR (hebreu: "^tlqer,seditd'une plantederacinee
Israel tant que le coupable ne serait pas extermine avec et transplantee; au figure, etranger etabli dans un pays;
tout ce qui lui appartenait, et indiquant enfin la marche Septante: 'Axop), troisieme fils de Ram, de la tribu de
a suivre pour le decouvrir: c'etait la voie du tirage au sort, Juda. I Par., n, 27.
d'abord entre les tribus, puis entre les families, enfin entre
les maisons et les individus. Le texte hebreu designe moins ACHAT. Voir ECHANGE, COMMERCE.
clairement que la Vulgate ce mode d'investigation. Au lieu
du mot sort , Jos., vn, 14, on y lit Jehovah , ce qui ACHAZ (hebreu : 'Ahdz, possesseur, ou plutot, en
a donne lieu a differentes explications. Les talmudistes sous-entendant Yo ou Yeho, Jehovah possede; Seplante:
disent que, tous les Israelites ayant defile 1'un apres 1'autre "A-^aC), roi de Juda de 744 a 728 avant J.-C., fils et suc-
devant 1'arche, le coupable fut retenu comme par une cesseur de Joatham. II etait age a son avenement au trone
main invisible, et ainsi designe au peuple. D'autres ont de vingt ans d'apres la Vulgate, de vingt-cinq d'apres le
imagine que, les douze tribus ayant passe devant le ra- ken du texte hebreu, les Septante, les versions syriaque
tional du grand pretre, la pierre de smaragde, qui repre- et arabe et quelques manuscrits latins, II Par., xxviii, 1;
sentait Juda, s'obscurcit tout a coup jusqu'a devenir noire: ce qui parait se concilier mieux avec les vingt-cinq ans
-on aurait recouru a un autre precede pour decouvrir la qu'avait Ezechias, fils d'Achaz, quand il succeda a son
lamille, la maison et 1'individu. La plupart des exegetes pere, qui en avait regne seize; autrement il faudrait dire,
DICT. DE LA BIBLE. I. - 7
131 AGHAZ 132
d'apres la Vulgate, qu'Achaz avait eo un fils des 1'ige de pagnes particulieres de Rasin et de Phac4e ont du pre-
onze ans, ce qui est inadmissible. Achaz arriva au pou- ceder le siege de Jerusalem. On pourrait a la rigueur
voir apres les regnes glorieux d'Ozias ou Azarias et de soutenir qu'Achaz n'eut pas a se defendre centre une
Joatham. Tout etait prospere en Juda, a I'interieur comme double armee, mais contre une seule, composee des Is-
dans les relations avec 1'etranger: 1'organisation militaire raelites et des Syriens, dont 1'unique operation aurait et&
achevee, Jerusalem bien fortifiee; partout, dans les bois, rapportee d'une maniere fragmentaire en deux episodes:
sur les hauteurs, des tours de defense construites, le com- 1'un IV Reg., xvi, 6, cf. II Par., xxvm, 5; 1'autre II Par.,
merce florissant, le nom de Juda respecte parmi les xxvm, 5-6. II semble plus conforme au texte de dire que
peuples voisins. II Par., xxvii, 3-6. Malheureusement les deux rois, ayant forme des 1'origine le projet de ruiner
avec cette prosperite materielle s'etaient introduits des Juda, Is., vu, 6, chacun d'eux se mit separement a I'oauvre.
gennes de dissolution : un luxe exagere, Is., n, 7-16, et Achaz vit d'abord Rasin porter un coup desastreux a son
une deplorable immoralite. Is., n-v; Os., iv, 15. On commerce, si prospere depuis qu'Ozias avait conquis 1'im-
avait meme vu, sous le couvert de la tolerance royale, se ^ortante ville maritime d'Elath ou Alia, au fond du golfe
manifester un retour au culte des idoles, si fatal pourtant Elanitique. IV Reg., xiv, 22; II Par., xxvi, 2; cf. HI Reg.,
aux Hebreux, mais toujours seduisant pour leurs grossiers ix, 26. Le texte ne dit point quelle route suivirent le&
instincts. IV Reg., xv, 4; Is., n, 6-8. Tel est le milieu, Syriens pour y arriver; il est probable qu'ils traverserent
telles sont les circonstances dans lesquels Achaz avait ete les regions a Test du Jourdain, et que c'est la qu'Achaz
eleve. Meme avec un bon naturel, il devait se ressentir essuya sa premiere defaite, dans laquelle il laissa aux
de ces influences malsaines; quoi done d'etonnant si, etant mains de 1'ennemi un immense butin. II Par., xxvm, 5.
d'un temperament pervers, il devint la personnification Si Rasin etait venu par la Samarie et Juda, on ne com-
des vices de son epoque? II ne fit pas ce qui etait agreable prendrait pas qu'il eiit passe si pres de Jerusalem sans
au Seigneur son Dieu, IV Reg., xvi, 2; mais plutot 1'attaquer. Presque au meme temps, Achaz subit un autre
il marcha dans la voie des rois d'Israel , jL 3, c'est- echec; car Dieu le livra aux mains du roi d'Israel, et il
a-dire dans 1'impiete et I'idolatrie, et tout particuliere- fut frappe d'une grande plaie . II Par., xxvm, 5-6. Cette
ment dans 1'abominable culte du dieu des Pheniciens, plaie, ce fut la perte en un seul jour de cent vingt mille
Baal, auquel il eleva des statues. II Par., xxvm, 2. Au de ses plus vaillants soldats; ce fut encore de voir enlever
milieu des bosquets delicieux qui se trouvaient au midi de leurs foyers deux cent mille Juifs, tant femmes que
de Jerusalem, dans la vallee des fils d'Hinnom, deja trop jeunes gens et jeunes filles, pour etre transported en
celebre par les abominations qu'elle avait vues, Jos., xv, 8; Samarie, jK 8. II ne lui restait plus qu'a assister a la ruine
IV Reg., xxiii, 10; Jer., xix, 2, il offrait de 1'encens aux de sa ville royale, Jerusalem, et a vrai dire il faisait tout
idoles. II Par., xxvm, 3. Un jour meme, soit pour con- pour s'attirer ce supreme chatiment; car, aveugle jusqu'a
jurer un danger imminent, soit pour tout autre motif, croire que les dieux syriens etaient les auteurs de ses
il consacra, ou, comme porte 1'hebreu, il fit passer maux, il se disait en voyant les Israelites victorieux: Ce
(he'ebir) son fils par le feu, IV Reg., xvi, 3, expression sont les dieux des rois de Syrie qui les aident; je les apai-
dont le sens est determine par le passage parallele, II Par., serai par mes sacrifices, et ils m'assisteront. II Par.,
xxvm, 3, vayyabe'er, et il fit bruler. Faire passer des xxvm, 23. Mais Jehovah avait promis que Juda ne peri-
enfants par le feu en 1'honneur de Moloch, 1'abomination rait pas totalement, Is., i, 9, et il voulut encore ^pargner
des Ammonites, III Reg., xi, 5, avait lieu, il est vrai, Jerusalem.
a deux degres: ou bien par une simple et rapide transla- Rasin, remontant vers le nord, avait franchi le Jourdain
tion de 1'enfant au travers des flammes, Lev., xvm, 21, et fait sa jonction avec Phacee (Septante: auve^tovriffev, Is.,
ou bien en le deposant dans les mains etendues du dieu, vu, 2); tous deux etaient venus assi^ger Jerusalem, proje-
dont la statue de metal recelait un brasier ardent dans tant en meme temps de remplacer Achaz par un personnage
lequel 1'enfant roulait et etait consume^ c'est ce dernier appele dans Isa'ie, vn, 6, le fils de Tabeel, un Syrien
mode qu'on appelait he'ebir bd'eS. Theodoret, Quxst. in probablement, comme 1'indique le nom de son pere, et
IV Reg. cap. xvi, t. LXXX, col. 779, pense que le peche sans doute vassal de Rasin. Voir TABEEL. C'est dans cette
d' Achaz ne depassa pas la simple purification; mais Josephe extremite qu'Achaz, aflble de terreur et tremblant avec toute
ne laisse aucun doute : i'8tov oXoxaOtwue naTSa xata ta la maison royale comme les feuilles des forets sous le
Xavavatav 9?), Ant.jud., IX, XH; et son sentiment a ete souffle du vent, Is., vu, 2, recut le message divin qu'Isaie
adopts par 1'universalite des interpretes. A noter, dans le fut charge de lui transmettre, et dans lequel Jehovah lut
passage parallele des Paralipomenes, le pluriel ses fils faisait dire de ne pas craindre, parce que, a cause de
(hebreu : bdndv), ce qui manifestement est mis pour le David et des promesses messianiques, Juda, le royaume
singulier. theocratique si sou vent protege, ne peYirait pas si Achaz
Dieu, pour punir Achaz de son impiete, suscita centre lui mettait sa confiance en lui. Is., vn, 4-9. Achaz etait en
deux princes qui deja sous Joatham avaient commence ce moment hors des murs de Jerusalem, a 1'extremite du
les hostilites, IV Reg., xv, 37: Rasin, roi de Syrie, et Pha- canal de la Piscine superieure, sur le chemin du champ
cee, roi d'Israel. Selon Fordre naturel des choses, Rasin du Foulon, a 1'ouest de la ville. Is., vu, 3. Voir CHAMP DIT
et Phacee auraient du toujours demeurer ennemis, tandis FOULON. Peut-etre Achaz, en prevision d'un siege, prenait-
qu'au contraire le roi de Juda et celui d'Israel, a cause il des dispositions pour deriver ces eaux dans Jerusalem et
de la communaute de race et d'interets, auraient du rester en priver les assiegeants. Cf. Is., XXH, 9-12, ou Ton voit
toujours amis. Rasin etait peut-etre jaloux de la prospe- des mesures analogues. C'est a cet endroit qu'Isaie aborda
rite de Juda. Quoi qu'il en soit, ayant resolu de s'unir le roi de Juda, Isaie, grand prophete et grand patriote,
pour attaquer Achaz, ces deux princes opererent d'abord deja bien connu sous Ozias, II Par., xxvi, 22, et ayant
separement; car, bien que selon IV Reg., xvi, 5, le siege deja eu une grande part dans les affaires publiques. IL
de Jerusalem par les troupes reunies de Rasin et de Phacee venait accompagne de son fils, dont le nom prophetique,
soit mentionne avant les campagnes separees de 1'un et Sear ydSub, le reste reviendra, preludait devant le roi
de 1'autre, il est manifeste que ce n'est pas la 1'ordre desespere au message de consolation. C'est la qu'Achaz
chronologique des evenements. Le siege de Jerusalem, entendit avec etonnement le prophete appeler ses deux
en effet, fut interrompu par 1'invasion de Teglathphalasar puissants ennemis deux debris de tisons fumants , Is.r
en Syrie, ce qui forca les assiegeants a quitter brusque- vu, 4, qui seraient bien tot eteints, et notamment Ephraim,
ment les remparts pour tenir tele chez eux a 1'envahisseur, c'est-a-dire Israel, qui avant soixante-cinq ans ne serait
et nous savons que leur resistance n'aboutit qu'a une de- plus un peuple. Is., vn, 8. Des expedients humains, le roi
iaite. Done il ne put y avoir d'attaque ni de 1'un ni de en avait trop employe: conformement a la constitution
1'autre centre Achaz apres cet evenement, et les cam- theocratique de Juda, il devait tenir Jehovah pour soa
AGHAZ
unique et suffisant defenseur; il n'avait a craindre qu'une ton fils; viens me sauver des mains du roi de Syrie et
chose, 1'infidelite envers Dieu; car, si vous n'etes pas du roi d'Israel, ligues centre moi. IV Reg., xvi, 7. Pour
fideles, lui diMsaie, vous perirez (Fhebreu, avec alli- se le rendre favorable, il vida ses tresors, a 1'exemple
teration : 'im W fa'aminu ki 16' te'dmenu). Is., vn, 9. de ses predecesseurs, Asa, III Reg., xv, 18, et Joas,
Mais Achaz est trop endurci dans son impiete; ne croyant IV Reg., xn, 18, et il depouilla la maison du Seigneur,
plus aux promesses divines, il a forme un autre^projet qui IV Reg., xvi, 8, precaution a peine utile, car 1'ambi-
lui parait plus sur: demander secours aux Assyriens. En tieux monarque assyrien ne cherchait qu'une occasion
vain le Seigneur insiste : puisque sa divine parole ne ras- d'etendre sa domination. Achaz eut bientot la joie de le
sure point le roi, qu'il fasse 1'experience de sa puissance, voir envahir la Syrie, assieger et miner Damas, mettre
qu'il demande un signe manifesto de la protection d'en a mort Rasin et emmener ses sujets captifs, puis se Jeter
haut, qu'il le choisisse ou il voudra, dans le ciel ou dans sur Israel et en transferor les habitants en Assyrie.
le Se'dl. Is., vii, 11. Achaz dissimule son emharras sous IV Reg., xv, 29-30; xvi, 9. D'apres la liste des eponymes,
une excuse frivole : il ne demandera pas un signe, dit-il, on etait en 733 ou 732 lorsque Teglathphalasar commenga
pour ne pas paraltre tenter le Seigneur. Cette reponse, si cette campagne, qu'il ne termina qu'apres deux ans.Vigou-
elle est loyale, suppose que le roi croyait a la possibilite roux, La Bible et les decouvertes modernes, 5e edit., t. iv,
du miracle et admettait la mission divine d'Isaie. Autre- p. 117.
ment il aurait du demander un signe qui, dans sa pensee, Elle venait de finir, et 1'Assyrien victorieux se reposait
aurait tourne par son insucces a la confusion du prophete. a Damas, lorsque Achaz se rendit pres de lui, selon toute
En disant qu'il ne voulait pas tenter Dieu, Is., vn, 12, le roi vraisemblance pour figurer dans une sorte de reception
de Juda n'etait pas sincere. En realite, il refusait le secours generate, a laquelle tous les rois tributaires de Teglath-
divin pour n'etre pas oblige de changer de conduite et d'a- phalasar avaient ete convoques. IV Reg., xvi, 10. D'apres
bandonner Fidolatrie. II preferait se tirer d'embarras par Josephe, c'est alors qu'Achaz depouilla ses tresors et le
des moyens humains: flagrant mepris de la theocratic, fon- temple, pour payer ce qu'il avait seulement promis lors
dement de son royaume; peche d'orgueil et d'hypocrisie. de sa demande de secours aux Assyriens. Ant. jud., IX,
Achaz n'ignorait pas qu'en disant : Tu ne tenteras pas xni. C'est ce voyage qui donna lieu a la construction d'un
le Seigneur ton Dieu, Deut., vi, 16, Jehovah avait seu- autel de modele paiien dans le temple de Jerusalem. Le
lement defendu a 1'homme de le mettre en demeure de texte porte : 1'autel qui etait a Damas, IV Reg., xvi, 10,
manifester sa puissance sans motif suffisant. II meritait ce qui signifie un autel syrien, soil qu'il fut propre aux
done, et tout son peuple en sa personne, la vehemente Syriens, soit qu'il fut une imitation des autels assyriens.
apostrophe du prophete: Vous lassez mon Dieu. Is., Cette seconde hypothese est admissible, car c'etait 1'habi-
vii, 13. Pourtant ce n'est pas sa resistance qui entravera tude des rois d'Assur de faire porter dans leurs expeditions
les desseins de la misericorde divine; au contraire, a militaires les autels de leurs dieux, et de les etablir dans
cause de cela meme, ^. 14, a la place du signe que le les pays conquis. G. Rawlinson, Ancient Monarchies,
roi refuse de demander, Dieu en produira lui-meme un t. n, p. 531. Elle devient meme vraisemblable si 1'on con-
plus merveilleux: ce sera la naissance du fils de la Vierge sidere le penchant d'Achaz pour la religion des Assyriens,
(hebreu : 'almdh), dont le nom sera Emmanuel. Is., dont il pratiquait le culte astrologique sur les autels qu'il
vn, 14. Or, ce signe, Achaz ne le verra pas : d'abord parce avait fait construire en 1'honneur du soleil sur la terrasse
que cette 'almdh n'est point son epouse, et 1'Emmanuel de son palais. IV Reg., xxm, 12,; cf. Tacite, Annal, xn, 13.
n'est point son fils Ezechias, comme Font pretendu plu- Son cadran solaire, plus tard 1'occasion d'un grand mi-
sieurs rationalistes modernes, reproduisant un subterfuge racle, Is., xxxvm, 8, etait peut-etre aussi une importation
deja connu a 1'epoque de saint Justin, Dial, cum Tryph., assyro-chaldeenne. II entrait d'ailleurs dans le caractere
55, 67, 77, t. vi, col. 567-570; cf. S. Jerome, In Is. vn, 14, d'Achaz de flatter ainsi son liberateur. En tout cas, comme
t. xxiv, col. 109. Pour une autre raison encore, Achaz ne les autels assyriens etaient tres etroits et insuffisants pour
verra pas ce signe, car il ne s'accomplira que longtemps y oifrir des holocaustes, si celui que le roi de Juda fit cons-
apres lui; mais la maison de David en sera temoin truire leur ressemblait par la forme, il dut avoir de plus
dans 1'avenir au jour de la naissance du Messie, qui de- grandes proportions, puisque nous voyons qu'on y con-
livrera Israel d'ennemis plus redoutables que Rasin et suma des victimes. IV Reg., xvi, 12; Pillion, Atlas ar-
Phacee. Le signe cependant louche aux evenements con- cheol., pi. XCVHI, fig. 6; pi. cxvi, fig. 2. Au jL 15, cet
temporains par ce lien: avant le temps qui sera necess'aire autel est appele, par rapport a 1'ancien autel des holo-
a cet enfant miraculeux pour arriver au discernement du caustes, autel plus grand. Achaz envoya done par des
bien et du mal, ou, ce qui revient au meme, pour etre expres le dessin de cet autel au grand pretre Uric, peut-
capable de supporter la nourriture du beurre et du miel, etre le meme que celui qui est appele de ce nom dans Is.,
Achaz aura vu la ruine de ses ennemis. Is., vn, 15-16. viii, 2; et a son retour de Damas il le trouva construit et
Mais parce qu'il a resiste a Dieu, le roi impie attirera sur lui etabli dans la cour du temple. II y monta, y offrit des holo-
et sur son peuple la malediction annoncee. Is., vn, 9. Elle caustes et des sacrifices non sanglants (hebreu : minhah),
sera executee par 1'Assyrien que Jehovah amenera , Is., et y repandit le sang des victimes pacifiques. IV Reg., xvi,
vn, 17, et sous ses coups 1'etat de Juda sera si miserable, 12-13. II est a croire, d'apres le JK 15, que ces sacrifices
qu'on n'aura pas vu de jours semblables depuis la sepa- etaient en 1'honneur de Jehovah, ce qui n'empecha pas
ration d'Ephraim , ibid., c'est-a-dire depuis le schisme Achaz d'en offrir d'autres aux dieux de Damas. II Par.,
d'Israel. Achaz a 1'humiliation d'entendre meme 1'annonce xxvm, 23. D'ailleurs le seul fait de sacrifier au Seigneur
de plus grands maux : 1'oppression de Juda et sa ruine sur un autel d'un type paien etait une profanation sacri-
sous les piqures des moucherous d'Egypte et des abeilles lege du culte divin, d'autant plus que la forme de 1'autel
d'Assur . Is., vn, 18. des holocaustes avait ete determinee dans les plus grands
Le roi ne fut pas temoin de la realisation de cette der- details. Exod., xxv, 40; xxxvin, 1-7.
niere prediction, mais la premiere fut executee sous ses Achaz introduisit d'autres changements dans le culte.
yeux; car, se voyant attaque de tous cotes, au nord par D'apres le texte hebreu, plus clair que celui de la Vul-
Rasin et Phacee, au. midi par les Idumeens, qui venaient gate, 1'autel syrien avait ete place par Urie devant la partie
de lui prendre un immense butin, II Par., xxvm, 17, a anterieure de la maison de Dieu, au milieu de la cour
Fouest par les Philistins, aux mains desquels etaient tom- des pretres, de maniere que 1'ancien autel des holocaustes
bees les villes de Bethsames, Aialon, Gaderoth, Socho, se trouvait entre lui et le temple. IV Reg., xvi, 14. Achaz,
Thamna et Gamzo, II Par., xxvm, 18, Achaz s'abaissa pour donner sans doute a 1'autel de son choix une place
jusqu'a mendier le secours d'un roi'paien, celui d'Assyrie, plus honorable, et afin qu'il fut seul devant le Sei-
Teglathphalasar, lui disant : Je suis ton serviteur et gneur , fit reculer vers le nord Fautel des holocaustes, se
135 ACHAZ ACHAZIB 136
reservant d'en disposer plus tard. De plus, il etablit que de Juda (dans le texte : Israel pour Juda, n Par., xxviu,
sur 1'autel syrien seraient oflferts les sacrifices les plus so- 27). La perversite de ce roi, sa faiblesse inqualifiable , sa
lennels de chaque jour : celui du matin et celui du soir, pusillanimite a 1'heure du danger, enfin sa maladresse en
offerts au nom de tout le peuple, ainsi que certains autres politique et son impiete envers Dieu, firent de lui un des
sacrifices, comme les holocaustes (hebreu: 'oldh) du roi plus mechants rois de Juda, et sa memoire est demeuree
et les oblations (hebreu: minhdh) du roi. IV Reg., xvi, 15. justement en execration parmi les Juifs. P. RENARD.
La ne s'arreta pas son amour sacrilege de la nouveaute.
II y avait autour du temple des bassins d'airain, sorte de ACHAZIB, hebreu: Akzib ; grec :
lavoirs mobiles, supportes par des bases de meme metal, 'A-/&6, 'Exo?66; latin: Achzib (Jos., xv, 44), Achazib et
et au nombre de dix. Ill Reg., vn, 27-28, 37-39. Bases Achziba.
et bassins furent enleves par son ordre. II n'epargna pas
davantage la mer d'airain, qu'il ota de dessus les douze 1. ACHAZIB, ville maritime de la Palestine, situee
boeufs de meme metal qui la soutenaient, III Reg., vir, entre Saint-Jean-d'Acre et Tyr (fig. 21). Elle est mentionnee
23-25, et la placa sans respect sur le pave de la cour du dans Josue, xix, 29, comme appartenant a la tribu d'Aser;
temple (Septante: sur un piedestal de pierre, k'Swxev mais les anciens habitants, Chananeens d'origine, n'en
aurrjv lit\ paatv XtOtvrjv, IV Reg., xvi, 17; hebreu : sur purent tre chasses. Jud., i, 31. Le changement du zain
un pave de pierre, fal marsefet 'abdnim). Ces change- semitique en d a amene Akdip, comme Gaza est devenu
ments furent fails a cause du roi d'Assyrie, IV Reg., Cadytis, et M'gozan, Mygdon ; de la les Grecs et les Latins
xvi, 18, probablement pour rapprocher le culte juif de ont fait 'ExSt'ima, Ecdippa. Ptolemee, V, xv; Pline, V, XVH.
celui des dieux d'Assur, soit parce qu'Achaz s'etait epris Josephe 1'appelle 'ExSiunwv et "ExScTtou; , et la signale
d'admiration pour la civilisation et les usages des Assy- comme une place maritime. Bell. Jud., I, xin, 4. Ailleurs
riens, soit parce que Teglathphalasar obligea le roi de il la nomme Arce, "ApxYj. Ant . Jud., V, i, 22. On la trouve
Juda a agir de la sorte. D'autres pensent pourtant que, dans les tablettes cuneiformes avec le nom d'Ak-zi-bi.
les tresors du roi et du temple etant epuises, ibid., f . 8, Eb. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testa-
Achaz avait enleve ces ornements pour en faire de 1'argent ment, 2e edit., Giessen, 1883, p. 170. Dans le Talmud, sous
et solder le lourd tribut du au monarque assyrien, ibid., le nom de Kezib ou Guezib, elle est citee comme formant,
Jr. 18. II est certain du moins que tous n'avaient pas ete depuis le retour de la captivite , la limite septentrionale de
alienes, car Jeremie atteste que les Chaldeens 'rouverent la Galilee vers le nord-ouest, sur la route d'Accho a Tyr.
a Jerusalem la mer d'airain, les taureaux et les bases ci- Tosiftha, Demoi, ch. i. Ville forte comme Accho, Talm.
selees, qu'ils emporterent a Babylone. Jer., LII, 17-20 Le de Bab., Eroubin, 64 b, elle possedait une synagogue.
pieux Ezechias les avait fait probablement retablir a leu" Cf. Neubauer, Geographie du Talmud, Paris, 1868, p. 233.
place. II Par., xxix, 19. Les autres modifications faites par Eusebe et saint Jerome la placent a neuf milles de Ptole-
Achaz, IV Reg., xvi, 18, sont fort obscures, a ce point que ma'ide ou Saint-Jean-d'Acre, Onomasticon, au mot AX#<P,
1'auteur de la Vulgate s'est contente de transcrire de 1'he- et on 1'identifie generalement avec le village actuel d'Ez-
breu le mot principal, qu'il ne comprenait pas. Achaz, Zib. Situe non loin d'une petite baie qui a du servir au-
ecrit-il, changea aussi dans le temple du Seigneur, a trefois de port a la ville, il est assis plus au nord sur une
cause du roi des Assyriens, le musach du sabbat, qu'il colline qui constituait 1'acropole de la cite basse. Ce
avait bati dans le temple, et 1'entree exterieure du roi. monticule etait jadis entoure d'un mur d'enceinte, dont
L'hebreu musak (ainsi porte le ken, au lieu du ketib : on distingue encore des traces du cote de Test. La plupart
meisak), de la racine sakak, couvrir, signifie un lieu des maisons actuelles ont ete baties avec des materiaux
couvert quelconque, et n'est employe qu'une fois dans la antiques. Les jardins qui entourent ce village sont hordes
Bible. II designe probablement un portique situe dans le soit de cactus, soit de vieux tamaris, et renferment beau-
parvis exterieur, par ou le roi entrait au temple, pour se coup d'arbres fruitiers, au-dessus desquels de jolis palmiers
rendre.a la place d'ou il assistait aux ceremonies. Les dressent ca et la leur tige elancee et leur tete verdoyante.
Septante ont traduit la base du siege des sabbats , TT,V V. Guerin, Descnpt. de la Pal., Galilee, t. n, p. 164.
8e|j.e).tov TVJ; xaOsSpa; TWV <ra66rrwv, ayant lu musdd, fon- Sennacherib, dans sa campagne contre Ezechias, roi
dement, base, pour musak. Achaz modifia cette instal- de Juda, s'empara de cette ville, et la mentionne entre
lation , on ne sait de quelle maniere. Ces avances ne lui V-su-u (Hosah, Kh. Ezziyah) et Ak-ku-u (Accho).
servirent d'ailleurs de rien, car Teglathphalasar trouva Prisme de Taylor ou Cylindre C. de Sennacherib ;
bientot un pretexte pour se Jeter sur Juda, ravagea tout Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. I, pi. 38-39;
le pays, et au lieu d'assurer la liberte a ce peuple dont Schrader, ouvr. cit., p. 288.
il s'etait pose comme le protecteur, il 1'asservit. De ce
jour, Juda perdit son independance. II Par., xxvin, 20. 2. ACHAZIB, ACHZIB, ville de la tribu de Juda, citee
Dans une inscription cuneiforme trouvee a Nimroud, et entre Ceila et Maresa. Jos., xv, 44. Le texte hebreu la men-
actuellement conservee au British Museum, entre beau- tionne egalement dans Michee , i , 14 ; car cette maison
coup d'autres princes tributaires de Teglathphalasar, on lit de mensonge , qui d'apres la Vulgate sera pour la de-
le nomd'aAchaz de Juda, Ya-hu-ha-zi Ya-hu-da-ai. ception des rois d'Israel , n'est autre dans 1'original que
(Le nom d'Achaz est precede de Ya, contraction de Je- la ville d'Achzib, qui, en tombant plus tard aux mains
hovah, et nous en avons la la forme complete, Achaz de 1'ennemi, trompera la confiance purement humaine
etant une abreviation de Joachaz.) Western Asiatic In- de la puissance royale. Par un de ces jeux de mots familiers
scriptions, t. ii, p. 67; Menant, Annales d'Assyrie, p. 144; aux Orientaux, et assez frequents dans les Livres Saints,
Vigouroux, La Bible et les decouvertes niodernes, 5e edit., le prophete trouve dans le nom meme (racine kdzab,
t. iv, p. 118-119. mentir ) un presage des chatiments qu'il annonce. Dix
C'est peut-etre a cette epoque qu'Achaz, tombant dans villes sont mentionnees de la meme facon dans cette pro-
un noir desespoir, s'abandonna avec fureur a son pen- phetie ; or, parmi les cinq dernieres , dont la situation au
chant pour 1'idolatrie; qu'il fit briser les vases sacres, sud-ouest de la Palestine est bien connue, comme Lachis
fermer les portes du temple, abolir le culte du vrai Dieu ( Oumm - el - Lakis ) , Maresa (Kh. Merach) et Odollam
et eriger des autels aux idoles dans tous les carrefours de (Aid-el-Ma), on remarque egalement Achzib. Sa position
Jerusalem, II Par., xxvin, 24: epoque lugubre, en sou- est done naturellement indiquee, et le nom semble s'etre
venir de laquelle les Juifs celebrent encore chaque annee conserve dans celui d'Ain el-Kezbeh, pres de Beit-Nettif.
une solennite expiatoire. Telle fut la fin d'Achaz, qui Cette identification est confirmee par le temoignage d'Eu-
mourut a Jerusalem apres seize ans de regne, et y fut sebe et de saint Jerome, qui nous disent que, de leur temps,
enseveli, sans partager neanmoins la sepulture des rois cChazbi (Achzib) etait un endroit desert, pres d'Odollarn,
137 AGHAZIB - AGHIA 138
sur les confins d'Eleutheropolis. Lib. de situ et nom. quer les Philistins en compagnie de son seul e'cuyer :
loc. heb., t. XXIH , p. 889. 1'evenement donna raison a son audace, et les Philistins
Ce temoignikge nous permet aussi de croire que FAchzib s'enfuirent, frappes d'une terreur surnaturelle. I Reg.,
de Juda est identique a Chezib (Xcco6s, Chazbi) dont xiv, 15. A cette nouvelle, Saul appelle Achias et lui dit:
parle le texte hebreu dans la Genese, xxxvm, 5. La, Consultez 1'arche du Seigneur; car, ajoute la Vulgate,
en eflet, ou la Vulgate traduit: Lorsqu'il fut ne (Sela, 1'arche de Dieu etait ce jour-la avec les enfants d'Israel,
son troisieme fils), elle (la fille de Sue, epouse de Juda) y. 18. L'arche residait alors a Cariathiarim, I Reg., vn, 1;
cessa d'enfanter; 1'original porte : Et il (Juda) etait mais on sail qu'elle accompagnait parfois les Hebreux
a Kezib lorsqu'elle 1'enfanla (Sela); remarque faite par dans leurs expeditions militaires. Toutefois ce n'etait gene-
1'historien afin que la famille issue de Sela connut son ralement pas a 1'aide de 1'arche d'alliance que le grand
origine. Comme les autres endroits mentionnes dans ce pretre consultait le Seigneur; il le faisait au moyen de
chapitre sont tous dans la plaine de Juda, nous pouvons 1'ephod, et c'est sans doute la raison qui a porte les Sep-
a bon droit, avec les interpretes anciens et modernes, tante a traduire amsi le passage qui nous occupe : Ap-
identifier Chezib avec Achazib 2. porte 1'ephod (car il portait 1'ephod en ce jour en presence
Enfin, quelques auteurs assimilent Achazib 2 avec Cozeba, d'Israel). Quoi qu'il en soil, Saiil voulait consulter 1'oracle
dont fait mention le texte hebreu dans I Par., iv, 22. Ceux, divin, pour savoir ce qu'il devait faire dans cette circons-
en eflet, que la Vulgate appelle les hommes de men- tance imprevue, ou Dieu se manifestait visiblement en
songe sont les hotnmes de Cozeba , ranges parmi les faveur de 1'armee Israelite. Mais, comme il parlait encore
descendants de Sela, fils de Juda, par allusion sans doute au pretre, un tumulte plus fort et toujours croissant se
a leur lieu d'origine. Cependant Conder distingue Achzib fit entendre dans le camp des Philistins. Abaisse ta
de Chozeba, qu'il place plus a Test, a Koueiziba, dans main, dit Saul a Achias, qui se mettait en devoir de
Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1875, p. 13, et consulter 1'oracle. La conduite a tenir devenait, en effet,
Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 408. evidente : il fallait profiter du desordre extreme ou se trou-
A. LEGENDRE. vaient les ennemis pour fondre sur eux et changer leur
ACHIA, ACHIAS, hebreu : 'Ahiydh, mon frere, deroute en desastre. C'est ce que firent Saiil et les siens.
c'est-a-dire ami est Jehovah; Septan te : 'Axi- La I Reg., xiv, 19-23. Achias n'est plus nomme apres cet
Vulgate, dans plusieurs endroits, a traduit la forme he- episode ; d'ailleurs il dut mourir peu apres, puisque,
braique 'Almjdh par Ahia. Voir AHIA. quelques annees plus tard, c'est Achimelech, autre fils
d'Achitob, et par consequent frere d'Achias, I Reg., xxn, 9,
1. ACHIAS, fils d'Achitob, portait 1'ephod a 1'epoque qui est revetu du souverain pontifical et donne a man-
de Saiil, I Reg., xiv, 3, c'est-a-dire qu'il etait grand pretre ger a David les pains de proposition. I Reg., xxi, 1-6.
des Israelites. II etait I'arriere-petit-fils d'Heli par son pere Quelques interpretes pensent cependant qu'Achimelech
Achitob et son aieul Phinees. II ne parait en scene qu'une n'est pas different d'Achias, et que ces deux noms, qui
seule fois dans 1'histoire de Saiil. C'etait pendant une expe- ont peut-etre la meme signification (Achias = frere ou
dition centre les Philistins; le roi d'Israel, avec six cents ami est Jehovah; Achimelech == frere ou ami est le roi
hommes, campait a Gabaa de Benjamin, lorsque son fils [d'Israel, Jehovah]), designent un seul et meme fils
Jonathas eut 1'idee, inspiree peut-elre par Dieu, d'atta- d'Achitob. Voir ACHIMELECH 1. E. DUPLESSY.
ACHIA ACHIMELECH 140
2. ACHIA, fils d'Ahod, descendant de Benjamin par pour le faire secher, de Forge monde (hebreu: hdrlfot,
Bale. I Par., vm, 7. grains d'orge ou de froment piles; mot qu'on e
trouve qu'ici, II Sam., xvii, 19, et Prov., xxvii, 22). Quand
3. ACHIA. D'apres les uns, cinquieme fils de Jerameel, vinrent les emissaires d'Absalom, la menagere, sans quitter
fils d'Hesron, de la tribu de Juda. Cependant, comme 1'he- son ouvrage, repondit qu'ils avaient fui plus loin, apres
breu n'a pas la conjonction et avant 'Ahiyah, ce pourrait avoir pris un peu d'eau ( hebreu : et ils ont passe le petit
bien tre plutot le nom de la premiere femme de Jera- ruisseau ). II Reg., xvii, 20. Ils furent sauves, et bientot,
meel. I Par., H , 25. Le contexte favorise cette interpreta- sortant de leur retraite, ils poursuivirent leur route jus-
tion, t- 26. qu'au lieu ou etait David, qu'ils determinerent a passer
sur 1'heure le Jourdain.
4. ACHIA, levite, charge de garder les tresors du temple Apres cela, Achimaas ne pouvait plus rentrer a Jeru-
sous David, I Par., xxvi, 20. Au lieu de lire 'Afyiyah, les salem, ni me'me reprendre son poste d'observation pres
Septante ont lu 'Ahehem, et traduisent par aSeXipo'i aurwv r de la fontaine de Rogel. II se joignit a 1'armee de David
les levites leurs freres. et assista a la bataille decisive de la foret d'Ephra'im,
II Reg., xvin, 6, dans laquelle Absalom fut tue. Toujours
5. ACHIA, fils de Phinees dans la genealogie d'Esdras. devoue, et content cette fois d'etre le messager d'une
IV Esdr., i, 2. Omis dans la genealogie, I Esdr., vn, 2. heureuse nouvelle, comme il etait bon coureur, il s'offrit
a Joab pour aller annoncer a David 1'eclatante victoire.
ACHIACHARUS (Septante : '
le nom hebreu devait etre 'Ahi'afyaron , frere pos- Joab resistait ; enfin , sur ses instances reiterees , il con-
thume). Tobie (Septante), I, 21, 22; n, 10; xiv, 10. sentit, et si rapide fut Achimaas, qu'il arriva pres du roi
Fils d'Anael et neveu de Tobie, a la cour de Sacherdon ou avant Chusi, qui avait pourtant une notable avance sur
lui. II Reg., xvni, 19-23. II avait pris le chemin le plus
Asarhaddon, roi de Ninive, ou il etait echanson, garde
court, d'apres la Vulgate (via compendii). D'apres 1'he-
du sceau, intendant et inspecteur des comptes. II secourut breu, il prit le chemin de la Kikkdr. Voir KIKKAR. Pousse
Tobie dans son malheur. Voir NABATH.
par son affection pour David jusqu'a transgressor la loi de
ACH1M (Nouveau Testament: 'AxeiVh de la tribu de Dieu, Achimaas mentit pour menager la sensibilite pater-
Juda et de la famille de David, fils de Sadoc et pere d'Eliud, nelle , et lui dissimula la mort d'Absalom : reticence qu'il
Matth., i, 14, dans la genealogie de Notre-Seigneur Jesus- eut surement corrigee , si Chusi , moins circonspect , n'eut
Christ. (En hebreu, son nom devait etre Yakin, Jehovah des son arrivee et tout d'un coup declare la realite. La
1'affermit; les Septante rerident Yakin par 'A^itX) I P ar -) fidelite et le devouement d'Achimaas ne se dementirent
xxiv, 17, et par 'A^etv, Gen., XLVI, 10.) jamais. Plusieurs interpretes pensent que ses merites lui
valurent sous Salomon 1'une des douze places de nigdbim,
ACHIMAAS, hebreu : 'Ahima'as, mon frere est en ou officiers charges de percevoir I'impot, III Reg., iv, 7, 15,
courroux; Septante: ' et que cet Achimaas est identique a celui du second livre
des Rois. Si cette opinion est fondee, Achimaas etait ainsi
1. ACHIMAAS, pere d'Achinoam, Spouse de Saul. arrive a 1'une des principales charges de 1'Etat, cf . Vigou-
I Reg., xiv, 50. roux, La Bible et les decouvertes modernes, t. in, p. 275 et
suiv.; bien plus, et ce fut peut-etre une des causes de son
2. ACHIMAAS (hebreu : 'AMma'a?; Septante : ' elevation, il aurait epouse 1'une des filles de Salomon, Base-
fils du grand pretre Sadoc, II Reg., xv, 36 ; I Par., vi, 8, 53, math. Ce mariage ne put avoir lieu, en tout cas, que vers
demeura a Jerusalem avec son pere, tandis que David, le milieu ou la fin du regne de Salomon , car nous savons
sous le coup de la revolte d' Absalom , s'eloignait de la ville qu'a cause de sa jeunesse ce prince ne pouvait avoir, lors de
sainte. II Reg., xv, 35-36. Charge d'apporter au roi fugitif son avenement au trone, des filles en age d'etre mariees.
les nouvelles de ce qui se tramait centre lui, il observa Le caractere d'Achimaas a ete apprecie par celui qui
avec attention les projets et les demarches d' Absalom et etait le mieux en position pour le faire exactement, David,
de son conseiller Achitophel; mais bientot 1'attitude de des levres duquel nous recueillons ce temoignage : C'est
son pere et les sentiments de fidelite manifestos par lui un homme bon. II Reg. , xvni , 27. Sa bonte elait si '
a 1'egard de David, II Reg., xv, 24-29, rendirent la posi- grande, que son roi estimait qu'un tel homme ne pouvait
tion d'Achimaas difficile a Jerusalem. Pour ecarter les apporter que de bonnes nouvelles , ibid. Quant a son de-
soupgons qui n'auraient pas manque de planer sur sa vouement, il etait devenu comme proverbial, si bien qu'a
conduite, si on 1'avait MU sortir sou vent de la ville, il prit son allure empressee, comme a un signe certain, le guet-
le parti de s'etablir avec son compagnon Jonathas, fils teur le reconnaissait. II meritait done a tous egards la
d'Abiathar, II Reg., XVH, 17, hors des murs, et d'attendre confiance de son prince, et Salomon, en le comblant
les evenements aupres de la fontaine de Rogel. Voir ROGEL. de faveurs, ne fit que lui rendre une justice qui honore
C'est la que vint les trouver 1'inoffensive servante envoyee a la fois Achimaas et son bienfaiteur. P. RENARD.
par les deux grands pretres, et chargee de communiquer
a Achimaas et a son compagnon, pour qu'ils les trans- 3. ACHIMAAS , intendant de Salomon dans la tribu de
missent a David, les projets de poursuite immediate pro- Nephtali , un des douze officiers charges de pourvoir a la
poses par Achitophel , et les instances des pontifes pressant table du roi. II epousa Basemath, fille de Salomon. HI Reg.,
le roi de passer le Jourdain. Achimaas partit aussitot avec iv, 15. II est peut-Stre identique avec le precedent. Voir
Jonathas; mais ils comptaient sans les espions repandus ACHIMAAS 2.
par Absalom dans la campagne, et sans doute charges
specialement de les surveiller. On les apercut , et la nou- ACHIMAM, nom, dans Num., xin, 23, d'un geant de
velle de leur marche vers Test fut portee immediatement la race d'Enac, qui est appele Ahiman dans Josue et dans
aux rtjvoltes; heureusement les deux messagers, en pres- les Juges. Voir AHIMAN.
sant le pas, purent gagner Bahurim avant d 'avoir ete
atteints. La ils trouverent un homme charitable qui, ACHIMLECH ou AHIMLECH,
prenant leur sort en pitie, les fit descendre dans une lek, mon frere est roi; Septante : A6i{teXex
citerne a sec qui se trouvait dans la cour interieure
(hebreu : befyd?ero, derive de hdsar, entourer, que 1. ACHlMtLECH, fils d'Achitob, I Reg., xxn, 9, grand
saint Jerome traduit : in vestibulo suo), tandis que sa pretre a 1'epoque de la premiere persecution de Saiil
femme etendait sur 1'ouverture un voile ( hebreu : rndsak, centre David. I Reg., xxi, 1. Le peu de temps qui s'ecoula
une couverture ), sur lequel elle repandait, comme entre les evenements rapportes au chap, xiv, le grand
141 ACHIMELECH 142
pretre 4tant Achias, et ceux du chap, xxi, alors que le Achimelech devait payer cherement le service qu'il
pontificat etait *exerce par Achimelech, a amene plusieurs venait de rendre a David. Tandis qu'il le secourait si cha-
xegetes a identifier ces deux personnages, d'autant plus que ritablement, un traitre, Doe'g 1'Idumeen, observait tout
leurs noms ont entre eux une notable analogic ('Ahiydh, sans mot dire, et il s'empressa d'aller rapporter a Saul
mon frere ou ami est Jehovah; 'Ahi-melek, mon frere ce qui venait de se passer. Le roi, qui etait alors a Gabaa,
est roi), et que tous deux ont pour pere Achitob. I Reg., manda pres de lui Achimelech avec tous les pretres de
XXH, 9,11-12; xiv, 3. Voir ACHIAS 1. Malgre ces raisons, on service a Nobe, et leur fit de sanglants reproches, aux-
pense communement qu'Achimelech etait frere d'Achias, quels le grand pretre repondit avec une elevation et une
et que, celui-ci etant mort sans enfants males qui lui suc- loyaute qui eussent desarme Saul, si sa haine centre David
cedassent, Achimelech avait 6te appele au souverain pon- ne 1'eut rendu sourd a toute raison. II ne dissimule rien
tificat, peu de temps avant 1'epoque ou pour la premiere et ne s'excuse de rien: ce qu'il a fait, il le ferait encore;
fois la Bible fait mention de lui. II residait a Nobe ou car David est entre les serviteurs du roi le plus devoue
Nob, ou etait I'arche sainte depuis son retour du pays des et le plus fidele. I Reg., xxu, 14. D'ailleurs pourquoi lui
Philistins et son sejour transitoire a Bethsames et a Ca- reproche-t-on d'avoir pris part a la revolte du fugitif? Sans
riathiarim. Peut-etre Saul avait-il installe" le tabernacle ignorer completement ses difficultes avec Saiil, il ne savait
en ce lieu pour posseder dans sa tribu le centre religieux pas, quand David vint a Nobe, quels etaient les rapports
d'Israel. Voir NOBE. C'est la qu'Achimelech vit un jourvenir de ce dernier avec le roi; dans leur entrevue, il n'en a
a lui David abattu, sans armes, sans escorte, ce qui lui pas ete question, et s'il a consulte le Geigneur pour lui,
causa une profonde surprise. David lui dit qu'il avait ete c'est ce qu'il avait fait maintes fois sans etre accuse par
charge d'une mission par le roi, et lui demanda a manger, personne. I Reg., xxu, 15. Ces explications etaient tout a
parce qu'il avait faim, ainsique ceux de sa suite. L'embarras fait satisfaisantes, cependant elles ne purent lui sauver la
d'Achimelech fut grand, car il n'avait a sa disposition que vie. II tomba sous le fer des satellites, en presence et par
les douze pains de proposition deposes dans le Saint pen- 1'ordre du roi jaloux, et avec lui tous ses prelres. Nobe, sa
dant une semaine et tout recemment retires pour etre ville sacerdotale, fut detruite, et ses habitants mis a mort.
remplaces, selon la loi, par des pains nouveaux. De la Seul, Abiathar, 1'un des fils d'Achimelech, echappa. I Reg.,
vient qu'en ce jour Achimelech n'avait pas eu besoin de xxu, 16-21. C'est en apprenant cette odieuse vengeance
faire de provisions de pain ordinaire, car les douze pains que David composa le psaume LI, ou sa visite a Achi-
de proposition retires chaque sabbat de la table recouverte melech est expressement indiquee. II est a noter que,
d'or, sur laquelle ils etaient offerts au Seigneur, devaient se basant sur le titre du psaume xxxm, dans la Vulgate:
etre manges, dans le sanctuaire meme, par les pretres. De David, quand il changea de visage devant Achime-
Lev., xxiv, 6-9. Donner de ces pains au fugitif semblait lech qui le renvoyait, plusieurs Peres ont applique tout
illicite, a cause de la disposition speciale de la loi, qui ce psaume a 1'entrevue de David avec le grand pretre a
ne permettait qu'aux enfants d'Aaron de s'en nourrir. Nobe. Cette application etait difficile, car Achimelech ne
Mais valait-il mieux observer rigoureusement la lettre de renvoya pas David. Aussi les commentateurs" modernes
la loi, en violant le precepte plus grave encore de la cha- y ont renonce: les uns s'en rapportent a 1'hebreu, ou on
rite, surtout dans une si extreme necessite? Marc., 11, 25. lit Abimelech au lieu d'Achimelech; ils croient avec saint
Achimelech, apres s'etre assure que David et les siens Basile que ce nom est un titre commun a tous les rois
n'avaient point d'impurete legale, leur donna les pains philistins, et designe Achis, roi de Geth, devant lequel,
de proposition. Notre-Seigneur 1'a justifie en prenant sa en effet, David contrefit 1'insense, I Reg., xxi, 13-15;
conduite pour base de sa propre justification, en face de d'autres conservent la lecon de la Vulgate, et croienl
ceux qui lui reprochaient de violer le sabbat. Matth., xn, qu'Achimelech est la pour Achis melek, le roi Achis.
3-4; Marc., n, 26; Luc., vi, 3-4. Achimelech fut le dernier descendant d'Heli qui moumt
11 est vrai qu'en declarant ainsi son innocence, Jesus dans la dignite de grand pretre, car son fils Abiathar, qui
souleve une nouvelle difficulte a son sujet, car en saint lui succeda, fut depose par Salomon, et le pontificat
Marc il 1'appelle par son nom, et ce nom est Abiathar au transmis a la famille d'Eleazar. Voir ABIATHAR. Gette pri-
lieu d'Achimelech. Marc., n, 26. Les hypotheses qu'on a vation du pontificat et la mort d'Achimelech et des pretres
faites pour concilier ce passage avec I Reg., xxi, 1, sont de Nobe, dont un bon nombre etaient de la famille d'Heli,
aussi variees qu'ingenieuses : faute de copiste en saint contribuerent a realiser 1'oracle divin prononce naguere
Marc; double nom du meme personnage; et double per- par un voyant devant Heli lui-meme. I Reg., n, 33. Quant
sonnage dont le second, c'est-a-dire Abiathar, fils d'Achi- aux victimes du massacre, plusieurs les mettent au rang
melech, employe alors au service du temple, aurait pour des martyrs, en consideration de 1'acte de misericorde qui
la circonstance tenu la place de son pere absent ou malade, fut la cause de leur mort. Bachiarius, Epist. ad Januar.,
et agi en son nom : voila ce que les exegetes ont imagine Patr. lat., t. xx, col. 1042; Bede, In Samuel, proph. alle-
sans faire completement la lumiere. Nous ne parlons pas gor. exposit., in, 10, t. xci, col. 662.
de 1'hypothese rationaliste qui suppose une erreur de me- A 1'exemple de Jesus-Christ, les Peres et les theologiens
moire de la part de I'evangeliste. Plusieurs manuscrits tirent de la conduite d'Achimelech cette conclusion mo-
suppriment la difficulte en omettant le f . 26 de saint Marc. rale, qu'en cas de conllit entre deux preceptes, 1'un de
Pour revenir a la conduite d'Achimelech donnant a 1'ordre positif, 1'autre de 1'ordre naturel, le premier doit
David les pains sacres, il faut remarquer qu'il n'en privait ceder. P. REKARD.
pas le sancluaire, puisque ces pains etaient ceux qu'on venait
d'enlever. II n'y avait de transgression que sur le precepte 2. ACHIMELECH, Hetheen, un des compagnons de
relatif a la manducation par les pre" tres; or il existait dans David pendant qu'il etait persecute par Saiil. I Reg.,
1'espece une raison plus que suffisante pour se dispenser xxvi, 6. .
de la loi.
Apres avoir mange, David demanda des armes au grand 3. ACHIMELECH. Ce nom se lit, II Reg., vin, 17; I Par.,
pretre. Achimelech sorlit de 1'enveloppe qui la renfermait xvin, 16; xxiv, 3, 6, ou Ton s'attendait a trouver plutotle
( hebreu: bassimlah, dans le manteau ) 1'epee de Go- nom d'Abiathar. On a propose diverses solutions: 1 Abia-
liath, qui etait placee dans le sanctuaire a cote de Vephod, thar, fils d'Achimelech, aurait eu un fils du m&ne nom,
et il la donna a David, qui d'ailleurs avail bien sur elle Achimelech, et ce fils aurait rempli conjointement avec
quelque droit, 1'ayant lui-m&ne consacree a Jehovah. son pere, ou parfois a son defaut, les fonctions sacerdo-
I Reg., xvn, 54. Achimelech consulla aussi le Seigneur tales. 2 Achimelech aurait eu a la fois ces deux noms:
en faveur de David, I Reg., xxil, 10, et le fugitif se sauva Achimelech et Abiathar. Saint Marc 1'appelle de ce der-
aupres d'Achis, roi de Gelh. nier nom, Marc., n, 26. 3 L'opinion la plus vraisemblable,
143 ACHIMELECH ACHIS 144
d'apres la suite du recit, est celle-ci: les noms out ete devant Dieu, Dieu vous le livrera; sinon vous ne pourrez,
transposes par les copistes; Achimelech a ete mis par lui resister, et nous deviendrons la risee de toute la terre.
erreur pour Abiathar, et reciproquement. Voir ABIATHAR. Ces paroles ne firent qu'exciter davantage la colere
d'Holopherne et de ses officiers; Achior, pour avoir dit la
4. ACHIMELECH. Voir ABIMELECH 5 et ACHIS. verite, fut regarde comme un traitre et chatie comme tel.
Puisque tu as une telle confiance en ce peuple, va le
ACHIMOTH (hebreu : 'Ahimot; Septante: 'AxijwoO), retrouver, lui dit en substance le general assyrien. Judith,
fils d'Elcana, levite de la famille de Core. I Par., vi, 25. vi, 5-6. Et il le fit saisir et mener vers Bethulie, qu'il se
disposait a assieger. La les serviteurs d'Holopherne atta-
ACHINOAM, hebreu : 'Aland'am, mon frere est chent Achior a un arbre, et ils se retirent, le laissant pieds
gracieux; Septante: 'Axivo6|x, I Reg., xiv, 50; 'A-/ivaatx, et mains lies a la merci des Hebreux, pour qui les Ammo-
1 Reg., xxv, 43. nites etaient des ennemis hereditaires. Bientot trouve par
les Israelites, Achior est mene a Bethulie, comparait de-
1. ACHINOAM, fille d'Achimaas et epouse de Saul. vant Ozias et Charmi, chefs de la ville, et leur rapporte
I Reg., xiv, 50. ce qu'il avail dit a Holopherne et le chatiment qui avait
suivi ses courageuses paroles. Judith, vi, 11-13. Des ce
2. ACHINOAM, premiere femme de David. Elle etait moment, Achior recoit la recompense de sa bonne action :
de Jezrael, ville de la tribu de Juda. I Reg., xxv, 43. Voir il est admis au droit de cite, bien que ce privilege ne fut
JEZRAEL 4. David, oblige de fuir la colere de Saul, 1'epousa generalement accorde aux descendants d'Ammon qu'a la
pendant qu'il menait une vie errante dans le desert de dixieme generation, cf. Deut., xxm, 3, et un grand festin
Juda, dans le voisinage de la ville de Carmel. Achinoam est donne en son honneur dans la maison du prince de la
1'accompagna avec Abigail a la cour du roi philistin Achis, ville. Judith, vi, 19-20. Quelque temps apres, lorsque Judith
I Reg., XXVH, 3; 1'une et 1'autre furent emmenees captives est revenue du camp d'Holopherne, on appelle Achior
par les Amalecites, lorsqu'ils pillerent Siceleg, pendant pour lui montrer la tete du general ennemi: Voici, lui
que leur mari suivait les Philistins qui allaient com- dit 1'heroine, voici la tete de celui qui t'a menace de mort
battre Saul dans la plaine d'Esdrelon, et 1'une et 1'autre en disant: Lorsque le peuple d'Israel sera vaincu, j'or-
furent delivrees par David a son retour. I Reg., xxx, 5,18. donnerai que tes flancs soient traverses par le glaive.
Elles participerent aussi toutes les deux aux honneurs Judith, xni, 27-28. A cette vue, Achior est tellement saisi,
royaux. Apres la mort de Saiil, David monta, dit le texte qu'il tombe la face contre terre; mais il se releve bientot
sacre, avec ses deux femmes Achinoam de Jezrael et pour benir Judith, pour adorer son Dieu, Judith, xm, 29-31,
Abigail,... et ils demeurerent a Hebron, II Reg., n, et pour renoncer au culte des idoles. Judith, xiv, 6. Une
2-3, ou le nouveau roi passa les sept premieres annees exception a la loi fut faite en sa faveur, cf. Deut. xxm, 3:
de son regne. L'Ecriture ne nous apprend plus rien sur il fut admis a se faire circoncire et se trouva ainsi incor-
Achinoam, si ce n'estqu'elle fut la mere d'Amnon, le fils pore au peuple de Dieu. Judith, xiv, 6. E. DUPLESSY.
aine de David. II Reg., in, 2; I Par., in, 1.
ACHIS (hebreu: 'Akls, appele aussi Abimelech, Ps.
ACHIOR, mon frere est la lumiere. xxxiv, 1, hebreu, et Achimelech, Ps. xxxni, 1, Vulgate),
contemporain de David, roi de Geth, ville royale des Phi-
1. ACHIOR, ami et parent de Tobie, de la tribu de listins. II avait succede sur le trone a son pere Maoclu
Nephthali, fut emmene captif a Ninive par Salmanasar. II I Reg., xxvn, 2. Le nom d'Achis est peut-etre un titre
vint feliciter Tobie et se rejouir avec lui de la bonte de commun a tous les seranim ou rois de cette region. C'est
Dieu a son egard. Tob., xi, 20. Les Septante 1'appellent vers ce prince que David se refugia apres avoir repu a Nob
'A^tcfyapo;, et en font un neveu de Tobie, le fils de son 1'hospitalite du grand pretre Achimelech. I Reg., xxi, 10.
frere Anael. II aurait ete grand echanson a la cour de Achis ne fit que 1'entrevoir; car, ayant ete reconnu par
Sennacherib et d'Assarhaddon. Septante, Tob., I, 21, 22; les courtisans comme le vainqueur de leur fameux guer-
n, 10; xw, 10. Voir ACHIACHARUS et NABATH. rier Goliath, le fugitif feignit la folie pour echapper a leur
vengeance, ce qui amena le roi a le congedier avec me-
2. ACHIOR, chef des Ammonites. Lorsque le general pris. I Reg., xxi, 12-15. Quelques annees plus tard, Achis
assyrien Holopherne eut envahi 1'Asie Mineure, les pro- eut 1'occasion de revoir David. C'etait apres les evenements
vinces et les villes de Syrie se soumirent a 1'envi au con- du desert de Ziph. Saiil, un instant touche de la grandeur
querant, pour essayer de flechir sa fureur. Judith, iii, 1. d'ame de son rival, 1'avait beni; puis, sa passion repre-
Seuls les Israelites se preparerent a la resistance. Judith, nant le dessus, il avait recommence ses poursuites, et
iv, 1-17. A cette nouvelle, la colere d'Holopherne redoubla, David, a bout d'expedients, s'etait decide a passer avec
et il fit appeler aupres de lui les chefs de Moab et d'Am- ses six cents homines chez les Philistins, et a demander
mon, pour apprendre d'eux a quel peuple il allait avoir un refuge au roi de Geth. I Reg., xxvi. II n'y a aucune
affaire. Judith, v, 1-4. Achior etait a cette epoque le chef raison de douter que cet Achis ne soit le meme que celui
supreme des Ammonites. Judith, v, 5. Au lieu d'exciter da- du chapitre xxi. La maniere differente dont il se conduit
vantage Holopherne centre les Hebreux, comme on aurait a 1'egard de David est conforme a la difference d'etat du
pu s'y attendre de la part d'un fils d'Ammon, il prit a tache proscrit. Naguere celui-ci venait seul, maintenant il est
d'inspirer au general assyrien une crainte salutaire, qui a la tete d'une petite armee; autrefois sa reputation etait
le detournerait de faire la guerre a Israel. Dans un dis- surtout celle d'un ennemi des Philistins, aujourd'hui il est
cours que la Bible nous a conserve, Judith, v, 5-25, il surtout celebre par ses differends avec Saul. A ce dernier
demontre la grandeur surnaturelle de ce peuple, qui etait, titre, Achis 1'accepte comme un auxiliaire, et lui permet
aux yeux de ces barbares etrangers, une simple tribu, n'oc- d'habiter Siceleg, au sud de Juda; peut-etre meme lur
cupant qu'une place imperceptible dans le monde connu. donne-t-il cette ville et son territoire en toute propriete.
Achior apprend successivement a Holopherne 1'origine I Reg., xxvu, 6. De la David faisait, dans les regions voi-
chaldeenne des Hebreux, la vocation d'Abraham, le sejour sines et confinant a Israel, des expeditions et des razzias
en Egypte, le passage de la mer Rouge, le sejour au desert qu Achis croyait dirigees contre les sujets de Saiil. Les
du Sina'i et la conquete de la Palestine; pendant son recit, il reponses ambigues de David 1'entretenaient dans cette
s'attache a demontrer ce fait, que Dieu donnait la victoire pensee, et de plus en plus il croyait posseder en lui un
aux Israelites lorsqu'ils lui etaient fideles, et qu'il ne per- puissant allie contre Saiil. II arriva cependant que, le&
mettait leur defaite que pour les chatier et les convertir. Philistins entreprenant eux-memes une campagne contre
Si done, conclut-il, ce peuple est actuellement coupable Israel, Achis \ oulut que David et les siens y prissent parL.
145 ACHIS AGH1TOPHEL 146
I Reg., xxix, 2. Mais les autres princes philistins ne furent raioth et seulement petit-fils de Sadoc. Les critiques de
pas de cet avis, et sur leurs representations Achis dut 1'ecole rationaliste pretendent, il est vrai, que c'est par
congedier FHebreu et ses soldats. La bataille fut engagee suite d'une erreur que le nom de Meraioth a ete intro-
sans eux, et Dieu, qui n'avait pas permis que le patrio- duit dans ces passages, et ils soutiennent qu'Achitob etait
tisme de David fut dementi par sa conduite, voulut que veritablement le pere de Sadoc; mais leur opinion ne
les Philistins missent en deroute 1'armee de Saul. Ce fut la s'appuie sur aucune raison serieuse. Les tables genealo-
fameuse bataille du mont Gelboe, ou perirent Saiil et ses giques des families sacerdotales existaient certainement
fils. II n'est plus question d' Achis dans la Bible, sinon a 1'epoque d'Esdras et de Nehemie, et 1'auteur des Para-
III Reg., n, 39, pour nous apprendre que des serviteurs lipomenes et du second livre d'Esdras ne les ont pas alte-
fugitifs de Semei s'etaient refugies aupres de lui. rees volontairement en les reproduisant. II a pu arriver
Dans ce dernier passage, Achis est mentionne comme sans doute que dans les nombreuses transcriptions des
fils de Maacha, tandis que, I Reg., xxvn, 2, son pere est listes de noms propres, faites par les copistes de la Bible,
nomme Maoch. Mais il ne repugne pas que ces deux noms quelque nom ait ete insere ca et la par erreur, comme un
soient des formes differentes du meme mot. II ne repugne nom a pu etre omis dans d'autres cas; cependant rien ne
pas davantage que le regne du meme personnage occupe montre qu'il en soit ainsi dans la genealogie de Sadoc :
1'intervalle de cinquante ans ecoules entre la premiere son pere Meraioth n'a pas ete nomme partout, parce qu'il
fuite de David a Geth et celle des serviteurs de Semei. etait moins connu, cf. un exemple semblable dans I Esd.,
Quelques interpretes ont voulu voir dans les deux recits v, 1, et Zach., i, 1, 7; mais il n'en a pas moins existe et il
du sejour de David pres d' Achis un seul et meme fait ra- est le fils d'Achitob. Quant a celui-ci, il vecut avant le
conte diversement. Les notables differences entre 1'un et regne de David; on ne peut determiner exactement a quelle
1'autre rendent cette interpretation inadmissible. C'est aussi epoque, a cause de 1'incertitude de la chronologic hebraique
ce qui ressort du titre du Psaume xxxin, qui rappelle expli- dans ces temps recules. Pour 1'Achitob mentionne I Par.,
citement le trait distinctif du premier sejour : Quand David vi, 11-12, voir ACHITOB 3. F. VIGOUROUX.
changeo. sonvisage devant Achimelech. I Reg., xxi, 13.
Dans les passages ou il est question de lui, Achis appa- 3. ACHITOB, fils d'un autre Amarias, pretre sous Josa-
rait comme un homme indecis et facile a se laisser in- phat et pere d'un autre Sadoc. I Par., vi, 11-12; cf. II Par.,
lluencer. Un autre que lui aurait pu sans doute deviner, xix, 11.
sous la folie simulee de David , le fin stratageme d'un
homme tres sense, et, plus tard, saisir la vraie disposition 4. ACHITOB, un des ancetres de Judith, fils de Melchia,
de son hole a travers ses reponses indecises. I Reg., de la tribu de Simeon. Judith, vin, 1.
xxvn, 10; xxviii, 2. Les autres princes philistins furent
plus clairvoyants. Sa simplicite partait d'ailleurs d'un bon ACHITOPHEL (hebreu: 'Aljitdfel, mon frere est
naturel , et ses exces de confiance manifestent la loyaute folie (?) Septante : 'A'/t-rocpe).), conseiller de David. II etait
de son coaur. P. RENARD. de Gilo, probablement la Djala actuelle, dans les mon-
tagnes de Juda. L'Ecriture dit que c'etait sa ville ,
ACHISAMECH (hebreu : 'Ahisdmdk, mon frere II Reg., xv, 12, et c'etait sans doute aussi celle de sa
est un appui; Septante : 'AxiffafiaxK pere d'Ooliab, de famille, puisqu'on y voyait le tombeau de son pere, dans
la tribu de Dan, Exod., xxxi, 6; xxxv, 34; xxxvin, 23. lequel il fut lui-meme enseveli. II Reg., XVH, 23. IIavail
la une maison, et il devait y faire sa residence habituelle,
ACHITOB, hebreu : 'Afyltub, mon frere est bon; autant que le lui permettaient ses fonctions; du moins il
Septante : ' s'y trouvait au moment de la revolte d'Absalom. G'est ce
qui explique comment il put se rendre si promptement
1. ACHITOB, fils de Phinees, le fils d'Heli, et pere et sans que David en flit informe aupres du rebelle, lorsque
d' Achias et d'Achimelech , lesquels furent grands pretres celui-ci 1'appela a Hebron. II Reg., xv, 12, 31. Gilo, en
sous Saiil. I Reg., xiv, 3; xxii, 9, 11, 12, 20. effet, etait dans le voisinage d'Hebron.
Telle etait I'opimon qu'on avait de la prudence et de la
2. ACHITOB, fils d'Amarias et grand -pere de Sadoc, sagesse d'Achitophel, que ses avis etaient accueillis a la
souverain poritife du temps de David. II Reg., vin, 17; cour comme des oracles divins. II Reg., xvi, 23. Aussi
I Par., vi, 7-8. II etait de la maison d'Eleazar et fut grand la nouvelle qu'il etait entre dans la conjuration causa-
pretre lui -meme. La Vulgate le qualifie expressement de t-elle a David, parmi tant de sujets d'inquietude, plus de
pontife de la maison de Dieu , I Par., ix, 11; ffyo'j- crainte que tout le reste; il comprit quel redoutable se-
(AEVOU otxou TOO GeoO , traduisent les Septante , dans le cours allaient apporter a son fils 1'habilete et le credit
meme sens que saint Jerome. On objecte centre cette d'un tel homme, et il adressa aussitot a Dieu cette priere:
interpretation que le texte original ne dit point qu'il fut Rendez insenses, Seigneur, les conseils d'Achitophel!
kohen ou pretre de la maison de Dieu , mais ndgid, II Reg., xv, 31. La trahison de celui dont il avait fait son
chef, mot qui n'a pas un sens aussi precis. De la vient conseiller et son confident, qu'il admettait a sa table
que la Yulgate elle-meme rend ce meme passage des comme son plus intime ami, blessa en meme temps pro-
Paralipomenes, reproduit dans II Esd., xi, 11, parprin- fondement le cceur de David, comrne nous le voyons
ceps domus Dei. II est certain que le terme de ndgid est dans les psaumes qu'il composa a cette occasion, Ps. XL,
plus general que celui de kohen ou pretre ; mais le sens 10, et surtout Ps. LIV, 13-15: Si mon ennemi m'avait
qu'y attache 1'auteur des Paralipomenes ne peut guere etre outrage...; mais toi, que je regardais comme un autre moi-
mis en doute, car, II Par., xxxi, 13, il se sert de cette meme! etc.
expression de ndgid pour faire connaitre la qualite d'Aza- On s'est demande a quels motifs il fallait attribuer une
rias, qui etait certainement souverain pontife des Juifs, trahison dans laquelle -on a justement vu le type de celle
sous le regne d'Ezechias. Dans le second livre des Rois, de Judas, et 1'acharnement qu'Achitophel fit paraitre dans
vin, 17 ; dans le premier livre des Paralipomenes, vi, 8, 53 ; sa lutte centre son roi, II Reg., xvi, 21; xvn, 1-3; on
XVIH, 16, et dans le premier livre d'Esdras, vn, 2, Achitob a cru les trouver dans la parente d'Achitophel avec Beth-
est nomme comme pere de Sadoc ; mais en hebreu pere sabee, femme d'Urie. Elle etait sa petite - fille, la fille de
a souvent le sens de grand -pere, et fils le sens de son fils Eliam, II Reg., xxm, 34, le meme qui est appele
petit -fils. Le premier livre des Paralipomenes, ix, 11, et ailleurs Ammiel, par le renversement des syllabes de son
le second livre d'Esdras, xi, 11, qui nous donnent une nom. I Par., in, 5. Par son adultere avec Bethsabee et
genealogie plus complete de la lignee sacerdotale de Sadoc, par le meurtre d'Urie, II Reg., xi, David avait porte dans
nous apprennent que ce dernier pontife etait fils de Me- la famille d'Achitophel le deuil et le deshonneur; le vieux
147 ACHITOPHEL AGHSAPH 148
conseiller vit dans la revolte d'Absalom 1'occasion la plus nous as troubles ('dkarfdnu), que le Seigneur te trouble
favorable pour tirer de ce double crime une vengeance (ya'ekorkd) ou t'extermine en ce jour...; et ce lieu fut
eclatante: il voulut arracher au roi la couronne et meme appele et s'appelle encore aujourd'hui la vallee d'Achor,
la vie, en travaillant au triomphe de son fils. Plusieurs Jos., vii, 25-26, c'est-a-dire vallee du tumulte ou des
meme, rapprochant ces antecedents des circonstances de troubles , suivant 1'interpretation de saint Jerome. Liber
son intervention dans le complot, ont pense qu'il en avait de situ et nominibus loc. heb., t. XXHI, col. 868.
et le promoteur. Cette vallee est indiquee, Jos., xv, 7, comme formant,
II debuta dans son entreprise par un coup d'abominable vers 1'est, 1'une des limites septentrionales de la tribu de
mais tres habile politique : a peine Absalom etait-il rentre Juda. Or, de ce verset, traduit litteralement de 1'hebreu,
a Jerusalem, qu'il lui conseilla de deshonorer son pere il semble resulter que 1'endroit qui nous occupe doit etre
publiquement, dans la personne des epouses du second cherche au sud de Galgala. La frontiere (de Juda) monte
rang, restees dans la capitale. II voulait par la rendre im- vers Debera, depuis la vallee d'Achor, vers le septentrion
possible toute reconciliation entre David et Absalom, en regardant Galgala, qui est vis-a-vis de la montee d'A-
meme temps qu'il assouvissait sa haine; mais c'etait en dommim, laquelle est au midi du torrent. On est done,
realite les desseins do Dieu qu'il executait, il accomplis- d'apres cela, tout naturellement amene a identifier la vallee
sait sans s'en douter la prophetic de Nathan a David apres d'Achor avec YOued el-Kelt (Carith), qui serpente preci-
sa chute. II Reg., XH, 11-12. sement au sud de Galgala (Tell-Djeldjoul). Cf. V. Guerin,
A ce conseil, que le jeune prince osa suivre, en suc- Descript. de la Pal., Samarie, 1.1, p. 125-126. Nous pre-
ceda un autre qui aurait ruine la cause de David et aurait ferons, a la suite de beaucoup d'auteurs, cette opinion a
perdu le roi lui-meme, si on avait voulu 1'ecouter. Achito- celle d'Eusebe, Onomasticon, et de saint Jerome, loc. cit.,
phel soulenait qu'il fallait se mettre a la poursuite du roi qui placent la vallee d'Achor au nord de Jericho. II fau-
sur-le-champ et sans lui laisser le moindre repit; il offrait drait alors la reconnaitre dans YOued en-Nou'aimeh, et
de conduire en personne 1'expedition, se faisant fort de ce serait mettre beaucoup trop haut la limite septentrionale
battre et de disperser 1'escorte de David, et de le frapper de Juda. Avec 1'identification proposee, au contraire, an
dans cet abandon. II aurait certainement reussi; mais sud-ouest de Jericho, le chapitre xv s'explique tres facile-
Dieu, qui avait resolu la defaite et la mort d'Absalom et ment. Voir la carte de la tribu de Benjamin. Cette derniere
le retablissement de la fortune de David, ne permit pas ville et Galgala devaient etre moins elevees que la vallee;
qu'on prit ce parti, le seul auquel on put raisonnablement car, au f . 24 du chapitre vn, au lieu de : ils les con-
s'arreter. II Reg., xvn, 14. Absalom en reconnut la sa- duisirent vers... , on lit en hebreu : vayya'dlu, ils les
gesse; il ne voulut toutefois rien faire sans consulter firent monter. C. F. Keil, Biblischer Commentar uberdas
Chusa'i. C'etait un ami de David, II Reg., xv, 37, qui avait Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 60.
feint, par son ordre, de le trahir pour s'attacher a Absa- La vallee d'Achor etait restee dans 1'esprit^des Hebreux
lom. II avait pour mission de centre - balancer 1'influence comme un lieu de malediction;-aussi, pour donner une
d'Achitophel et de faire echouer ses plans. II persuada, en idee du changement que la redemption devait apporter au
effet, a Absalom et a tous les siens qu'il n'avait point en- monde, les prophetes disaient qu'elle serail convertie en
core assez d'hommes avec lui et qu'il valait mieux attendre pare de troupeaux , Is., LXV, 10, la vie pastorale etant
1'arrivee de nouvelles troupes, et ce delai sauva David, en le symbole de la paix et de la tranquillite, et en porte
lui donnant le temps de s'eloigner et d'aller au dela du d'esperance , Osee, n, 15, apres avoir ete, pour lepeuple
Jourdain pour former une armee et preparer sa victoire. qui entrait dans la Terre Promise, une porte d'affliction.
Achitophel fut humilie et irrite du peu de cas que, pour Voir CARITH. A. LEGENDRE.
la premiere fois, on faisait de ses conseils. II vit en meme
temps quelles consequences allait avoir pour lui-meme la ACHSA (hebreu: lAksdh; Septante : A<rx), fille de
ruine de la cause d'Absalom, inevitablement perdue par Caleb, fils d'Hesron. I Par., n, 49. II ne faut pas la con-
ce retard: la fin de son credit, le deshonneur attache a fondre avec la fille du celebre Caleb, nommee Axa dans
son nom, le chatiment que pouvait lui attirer 1'infamie la Vulgate (hebreu : 'Aksdh). Jos., xv, 16, 17; Jud., I,
de sa trahison et de ses conseils. Le desespoir s'empara de 12, 13. Le Caleb, pere d'Achsa, I Par., n, 49, etait fils
lui. II sella son ane et s'en retourna a Gilo. Arrive dans d'Hesron, et vivait avant Moise; le Caleb du livre des
sa maison, il eut soin, par un dernier trait de cette pru- Juges et de Josue etait fils de Jephone et contemporain de
dence humaine que saint Paul appelle une prudence de Josue.
mort, Rom., vin, 6, de mettre ordre a ses affaires, et,
oubliant la seule necessaire, celle de son salut, il se pendit. ACHSAPH (hebreu: 'AUaf; Septante : 'A?!?, Jos.,
II Reg., XVH, 23. E. PALIS. xi, 1; xii, 20; Kea?, Jos., xix, 25; Vulgate : Achsaph,
Jos., xi, 1; xii, 20; Axaph, Jos., xix, 25), ancienne cite
ACHOBOR, hebreu : 'Akbor, mulot ou souris; royale chananeenne, qui fit plus tard partie de la tribu
Septante: 'Axo6<ip. d'Aser. Jos., xix, 25. Un de ses rois fut appele par Jabin,
roi d'Asor, a entrer dans la ligue formee centre Josue, et
1. ACHOBOR, pere de Ralanan, roi d'Idumee. Gen., fut vaincu comme les autres princes du nord. Jos., xi, 1;
xxxvi, 38; I Par., i,49. xii, 20.
Robinson a cru retrouver cette ville dans les ruines
2. ACHOBOR, fils de Micha et pere d'Elnathan. II fut connues sous le nom de Khirbet- Ksdf ou Iksdf, et situees
un des premiers ofriciers du roi Josias, qui 1'envoya con- au sud de Tangle forme par le Leontes, quand, descendant
suiter la prophetesse Holda, au sujet du livre de la Loi, du Liban au nord-est, il prend tout a coup la direction de
trouve par le grand pretre Helcias' IV Reg., XXH, 12, 14; 1'ouest. Biblical Researches in Palestine, 2e edit., Londres,
Jer., xxvi, 22; xxxvi, 12. II est nomme Abdon, II Par., 1856, t. in, p. 55. Ces ruines, dit M. V. Guerin, consistent
xxxiv, 20. en de nombreux amas de materiaux plus ou moins consi-
derables, restes de maisons ou d'edifices renverses, epars
ACHOR (Vallee d') (en hebreu : 'JSmeq lAkor; en ou accumules au milieu d'un epais fourre de broussailles.
grec: 'Eiisxaxwp), vallee de la Palestine ou Achan lut, par De tous cotes, on rencontre des citernes antiques creusees
ordre de Josue, lapide avec toute sa famille, pour s'e're dans le roc. Description de la Palestine, Galilee, t. n,
reserve, contrairement aux prescriptions du Seigneur, une p. 269. L'identification proposee parait egalement probable
part de butin dans le sac de Jericho. Jos., vn. C'est au savant explorateur francais, et il y a, en effet, une res-
meme a cet evenement que le lieu doit son nom : racine semblance assez frappante entre les deux noms; mais plu-
r, troubler. Josue dit au coupable: Parce que tu sieurs resqns nous empechent de 1'admettre. C'est d'abord
149 AGHSAPH ACRABATHANE 150
la place qu'occupe Achsaph dans 1'enumeration des villes annotations illustrati, in-8, Vienne, 1830, commentaire
frontieres de la tribu d'Aser, Jos., xix, 25-26; celles qui qui ne renferme pas des choses nouvelles, mais r^unit
la precedent et la suivent immediatement appartiennent ce qu'il y a de meilleur dans les ouvrages plus anciens,
a la region sud-ouest des montagnes de Galilee : Halcath en y joignant des observations philologiques; 1'auteur
(Yerka), Chali (Alia), Beten (El-Baneh), Amaad (Khirbet commente le texte hebreu original, qu'il reproduit; son
el-Amoud), Messal (Mouslih). Voir la carte de la tribu travail est court, mais bon. Voir V. Seback, P. F. Acker-
d'Aser. Nous trouvons ensuite que le jL 2 du chapitre xi mann, biographische Skizze, in-8, Vienne, 1832.
distingue forraellement les rois de. Madon, de Semeron et F. VIGOUROUX.
d'Achsaph des rois du nord, qui habitaient dans les ACORE AROMATIQUE. Voir JONG ODORANT.
montagnes . Enfin Josephe nous dit que la tribu d'Aser
occupait la plaine ou partie basse, TTJV xoiXaSa, qui, par- 1. ACOSTA Gabriel, chanoine portugais, ne a Torre-
tant du Carmel, se dirige vers Sidon, Ant. jud., "V, i, 22, vadras, mort en 1616, fut professeur a Coimbre. it com-
en sorte que Khirbet-Ksaf semble bien plutot appartenir posa sur le chapitre XLIX de la Genese, sur Ruth, les
par sa position a la tribu de Nephthali. Ajoutons que 1'ordre Lamentations de Jeremie, Jonas et Malachie, des com-
d'apres lequel Achsaph est mentionnee dans la liste des mentaires qui furent publics apres sa mort, in - f, Lyon,
noms geographiques de Thoutmes III sufflt, aux yeux de 1641. Voir Nicolas Antonio, Bibliotheca hispana nova,
M. Maspero, pour exclure le site propose par Robinson, 2 in-f<>, Rome, 1672.
site qui nous porterait trop au nord . G. Maspero, Sur
les noms geographiques de la liste de Thoutmes III qu'on 2. ACOSTA Uriel, Portugais, ne a Oporto vers la fin
pent rapporter a la Galilee, extrait des Transactions of du xvi siecle, mort a Amsterdam en 1647. II etait d'ori-
the Victoria Institute, or philosophical Society of Great gine juive et recut une education tres soignee. Entraine
Britain, 1886, p. 9. par ses passions, apres avoir ete d'abord Chretien, il devint
II faut done, croyons-nous, placer la ville dont nous materialiste et athee; puis il se fit circoncire, professa la
parlons au sud-ouest de la tribu d'Aser. Nous ne saurions religion de ses ancetres et alia en Hollande, ou les Juifs
cependant y voir, avec quelques auteurs, Accho ou Saint- d'Amsterdam lui firent bon accueil, mais le chasserent
Jean-d'Acre, dont nous aurions ici un autre nom. J. Kitto, bientot de la synagogue, parce qu'il n'observait pas la loi
Cyclopaedia of Biblical Literature, 1862, t. I, p. 48. mosaique; ils le defererent meme ensuite aux tribunaux
Grove, dans Smith's Dictionary of the Bible, t. i, p. 17, comme athee. Pour se defendre, Acosta publia, en 1624,
a suppose que c'etait Kha'ifa, qui semble se retrouver dans son Examen dos tradicoens Phariseas conferidas con a
!e K9 des Septante. Nous aimons mieux cependant, a ley escripta, dans lequel, renouvelant les erreurs des
la suite des explorateurs anglais, identifier Achsaph avec Sadduceens, il nie 1'immortalite de 1'ame et 1'existence
Kefr-Yasif, dont le nom correspond assez exactement a d'une autre vie. II se reconcilia neanmoins avec ses core-
la transcription des traducteurs grecs, 'Aip. Palestine ligionnaires, mais pour se faire excommunier de nouveau
Exploration Fund, Quart. St., 1876, p. 76. plus tard. II termina cette vie agitee par le suicide. Voir
Situe a quelque distance au nord-est de Saint-Jean- H. Jellinek, Uriel Acosta's Leben und Lehre, Zerbst, 1847;
d'Acre, ce village est assis sur une colline dont les pentes Uriel Acostas Selbstbiographie. Lateinisch und Deutsch,
inferieures vers 1'ouest sont soutenues par un puissant Leipzig, 1847; J. da Costa, Israel en de volke, Haarb., 1849.
mur d'appui, aux blocs reguliers, la plupart de grand ap- F. VIGOUROUX.
pareil et antiques. Les habitants, au nombre de six cents, ACRABATHANE ('AxpaSaTuvv)), contree ou Judas
appartiennent presque tous a la religion grecque schisma- Machabee remporta une grande victoire sur les Idumeens.
tique. On y remarque surtout une sorte de petite tour I Mach., v, 3. La Vulgate distingue ici les fils d'Esaii
carree, batie avec des pierres tres regulieres, et renfer- qui habitaient 1'Idumee, et ceux qui etaient dans 1'Acra-
mant une chambre voutee qu'eclaire un oeil-de-boeuf au- bathane ; mais le texte grec, suivi par la version syriaque,
dessus duquel une croix a ete sculptee au dehors. Elle fait de cette derniere region une partie de la premiere:
faisait partie autrefois d'un batiment plus considerable, qui ercoXenei 'Iou5a; upb? TOU; utou? 'Haau EV T^ 'I8ou(J.afa
a ete demoli et remplace par des maisons toutes modernes. TYIV 'Axpa6aTuvr)v, Judas combattait centre les enfants
On voit aussi au bas de la colline, vers Test, un beau puits, d'Esaii, dans 1'Idumee, 1'Acrabattine. On sait, en effet,
tres profond et d'apparence antique. II est construit en que le pays des Idumeens a ce moment s'etendait, dans
pierres de taille. Le reservoir et les auges qui 1'environnent la Judee meridionale, au moins jusqu'a Hebron. I Mach.,
sont aussi batis avec des pierres de meme appareil. V. Gue- v, 65. Pendant la captivit^ de Babylone, une emigration
rin, Description de la Palestine, Galilee, t. n , p. 4. considerable de la population edomite s'etait abattue sur
A. LEGENDRE. ces fertiles campagnes, restees sans maitres. Cf. F. Le-
ACHZIB, ville de Juda. Jos., xv, 44. Voir ACHAZIB 2. normant et E. Babelon, Histoire ancienne de I'Orient,
Paris, 1888, t. vi, p. 465.
ACHZIBA, ville d'Aser. Jos., xix, 29. Elle est appelee L'Acrabathane devait sans doute son nom a la montee
Achazib, Jud., i, 31. Voir ACHAZIB 1. d'Acrabim, dont il est question dans 1'article suivant, et
se trouvait ainsi au sud-ouest de la mer Morte. Les Idu-
ACKERMANN Leopold, exegete catholique autri- meens , retrancb.es dans ces defiles comme dans une for-
chien, ne a Vienne le 17 novembre 1771, mort dans la teresse, etaient pour les Juifs des ennemis dangereux qui
meme ville le 9 septembre 1831. II entra en 1790 dans ne leur laissaient aucun repos. Judas Machabee les y atta-
1'ordre des chanoines reguliers de Sainl-Augustin, et prit qua et leur porta des coups terribles.
en religion le nom de Pierre Fourrier. II enseigna dans II ne faut pas confondre 1'Acrabathane dont nous parlons
son couvent les langues orientales et 1'archeologie, et il avec 1'Acrabatene, que les historiens anciens mentionnent
devint en 1806 professeur d'exegese de 1'Ancien Testament parmi les toparchies de la Judee, et qui etait la cinquieme,
a 1'universite de Vienne, ou il succeda a Jahn et occupa d'apres Pline, v, 14; la troisieme, selon Josephe, Bell,
sa chaire avec succes pendant vingt-cinq ans. On a de jud., Ill, in, 5; cf. Reland, Palaestina ex ntonumentis
lui: Introduclio in libros Veteris Fosderis usibus acade- veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 176, 191-192.
demicis accommodata, in-8, Vienne, 1825; c'estlatroi- Le texte grec cite plus haut place dans 1'Idumee le lieu
sieme edition corrigee et rectifiee de YIntroductio de Jahn de la victoire du heros juif. Or, d'apres nos deux histo-
(voir JAHN); Archseologia biblica, in-8, Vienne, 1826, riens, 1'Idumee etait une toparchie distincte de 1'Acra-
nouvelle edition egalement corrigee de Jahn (elle a ete batene, la huitieme suivant 1'un, la neuvieme selon
reimprimee par Migne, dans son Cursus Scripturx Sacrx, 1'autre: on croit, en effet, que YOrine de Pline indique
t. n, 1840, col. 823-1068); Prophetse minores perpetua le pays montagneux ou se trouvaient Hebron et les villes
151 AGRABATHANE ACTES DES APOTRES 152
meridionales de la Judee, occupees, nous 1'avons vu, par superieure. Cependant la plus directe et la moiiis di.'ficile
les descendants d'Esau. Situee plus haul, 1'Acrabatene, est celle du milieu, nominee E$-afah. On voit encore,
au rapport d'Eusebe, Onomasticon, et de saint Jerome, al'entree, les restes d'un fortin, destine autrefois a en.
comprenait la region qui s'etendait entre Neapolis (Na- garder 1'approche. La montee prend environ deux heures,
plouse) et Jericho, ayant pour ville capitale Akrabbim, et M. Schubert a trouve, au sommet, 1'altitude de 466 metres.
aujourd'hui 'Aqrabeh, et pour villes principales Edouma De ce point, Ton apercoit le desert, qui s'etend a perte de
(Daoumeh), lano (Khirbet-Yanoun) et Silo (Khirbet- vue, des deux cotes de 1'Arabah, jusqu'a la mer Morte. La
Siloun). Si 1'on doit se garder de confondre deux contrees contree est affreusement desolee. Le chemin suit cons-
distinctes, il n'est pas plus juste de dire, avec Boettger, tamment la direction nord-nord-ouest. Cf. Baedeker, Pa-
Topographisch-Historisches Lexicon zu den Schriften lestine et Syrie, Leipzig, 1882, p. 316; Chauvet et Isam-
des Flaiius Josephus, Leipzig, 1879, p. 8, que 1'Acraba- bert, Orient, Syrie et Palestine, Paris, 1887, p. 59.
tene est vraisemblablement ainsi appelee de la montee II faut distinguer la montee d'Acrabim de la ville du
de 'Aqrabbim, Num., xxxiv, 4, et ailleurs . II serait diffi- meme nom, capitale de 1'Acrabatene (voir ACRABATHANE),
cile de comprendre que la passe Es-$afah (voir ACRABIM) et, suivant Eusebe, Onomasticon, au mot 'AxpaggstV, et
cut donne son nom a une contree situee sur les confins saint Jerome, Liber de situ et nominibus locorum heb.j
de la Samarie. A. LEGENDRE. t. xxni, col. 866, situee a neuf milles a Test de Naplouse,
en descendant vers le Jourdain comme pour aller a Je-
ACRABIM (Montee d'), hebreu : Ma'aleh 'aqrabbim; richo . Ce bourg, qui n'est mentionne nulle part dans la
Septante : ava'6a<ri? 'Axp6t'v, Num., xxxiv, 4; Jud., Bible, mais est plusieurs fois cite par Josephe comme chef-
I, 36; irpoffavagaffic 'AxpaSt'v, Jos., xv, 3; Vulgate : as- lieu de la toparchie de ce nom , Bell, jud., II , xx , 4 ;
census Scorpionis, montee du Scorpion ou des Scor- III, in, 5 ; IV, ix, 3, se retrouve aujourd'hui dans le village
pions , suivant le texte original. Defile ou passage indique de 'Aqrabeh, a quelque distance au sud-est de Naplouse :
comme frontiere meridionale de la Terre Sainte, Num., on peut en voir la description dans V. Guerin, Descrip-
xxxrv, 4, et de la tribu de Juda, Jos., xv, 3, et comme tion de la Palestine, Samarie, t. n, p. 3-5.
limite du pays des Amorrheens, Jud., I, 36. Get endroit, A. LEGENDRE.
d'apres les memes temoignages scripturaires, devait se ACRE, Saint - Jean -d'Acre. Voir ACCHO.
trouver entre le sud de la mer Morte et le desert de Sin.
C'est pour cela que nous ne saurions, comme 1'a fait M. de ACRON , forme exceptionnelle du nom de la ville
Saulcy, 1'identifier avec la longue et raide montee de d'Accaron dans la Vulgate, Jos., xix, 43. Voir ACCARON.
1'ouadi Ez - Zououeira, au-dessus de Djebel-Ousdoum.
Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. n, p. 77. ACROSTICHE. Voir ALPHABETIQUE (POEME).
Le savant explorateur a pu y trouver des scorpions en
assez grande quantite; mais il place trop haut. la limite ACTES DES APOTRES ( IIpAei; '
meridionale de Juda, et s'ecarte ainsi de la ligne qui, par- Actus Apostolorum}.
tant du Ghor, au sud du lac Asphaltite, passait par Sin I. Nom. Dans les anciens manuscrits, le cinquieme
et Cadesbarne, dont 1'emplacement, quel qu'il soit, etait livre historique du Nouveau Testament porte le nom de
certainement plus au midi. Ilpalet; 'ATtod-roXwv ou de Ilpa^eii; TWV 'AnooToXwv. Rare-
Bisons tout de suite que les scorpions sont assez nom- ment avec 1'article, al Hpa^sic. En latin, Actus ou Acta
breux dans ces parages. Armes de palpes-pinces, dont ils se Apostolorum. Ce titre repond tres bien au contenu du
servent pour saisir leur proie, ces animaux venimeux font, livre, ou se trouve relate un choix d'actes, par lesquels
a 1'aide du crochet terminal de leur queue, des blessures les Apotres opererent la fondation de 1'Eglise. Les Alle-
graves. Cependant, 1'espece la plus commune en Syrie ne mands ont adopte le nom de Apostelgeschichte (Histoire
depassant guere cinq ou six centimetres, leur piqure, des Apotres). Cette appellation n'a pas toute 1'exactitude
quoique tres douloureuse, est rarement mortelle pour desirable , car le livre est loin de donner 1'histoire de tous
1'homme. Voir SCORPION. les Apotres ; meme 1'histoire de 1'apostolat de saint Pierre
Robinson place, a defaut de meilleure indication, la et de saint Paul y est tres incomplete.
montee d'Acrabim dans cette ligne de collines qui, au sud II. Authenticite'. Toute 1'antiquite ecclesiastique n'a
de la Sebkhah, forment une courbe irreguliere, croisant qu'une voix pour attribuer a saint Luc la composition du
le Ghor a peu pres comme un segment de cercle dont la livre des Actes. Mais, cette persuasion etant inconciliable
corde aurait environ six ou sept milles de longueur, et avec les idees de 1'ecole rationaliste de Tubingue, les
s'etendant obliquement du nord-ouest au sud-est. Biblical adeptes de cette ecole furent amenes a nier 1'authenticite
Researches in Palestine, 1856, t. n, p. 120. La plaine ma- de ce livre, et a en reculer la redaction au ne siecle,
recageuse du Ghor est, en effet, fermee de ce cote par epoque a laquelle, d'apres leur systeme, se fit dans 1'Eglise
une chaine de collines calcaires, de couleur blanchatre, la fusion entre les petnniens et les pauliniens. Selon ces
composees de craie tendre ou de marne durcie, hautes docteurs , le livre des Actes est une sorte de roman histo-
de vingt a vingt-cinq metres en moyenne, mais par en- rique, ayant pour but de faire apparaitre Pierre et Paul
droits de quarante a cinquante metres. Les bords de 1'ouadi travaillant de concert et en conformite de vues a la pro-
El-Djeib sont presque a pic, et le fond de la vallee monte pagation de 1'Evangile. C'est centre ces adversaires que
insensiblement. nous devons demontrer que les Actes sont vraiment 1'ceuvre
Cependant avec Riehm, Handworterbuch des Bibliscken de saint Luc.
Altertums, au mot Akrabbim, et Grove, Smith's Dictio- Une chose hors de doute, dit M. Renan lui-meme,
nary of the Bible, t. i, p. 42, nous croyons que les textes Les Apotres, introd., p. x, c'est que les Actes ont eu le
cites plus haut, aussi bien que la topographic et le sens meme auteur que le trofsieme Evangile , et sont une con-
ordinaire attache au mot ma'aleh, favorisent davantage tinuation de cet Evangile. On ne s'arretera pas a prouver
I'identifi cation d'Acrabim avec le defile d'Es-Safah, au cette proposition, laquelle n'a jamais etc serieusement
nord de Vouadi Fiqreh. De ce dernier point, en suivant la contestee. Les prefaces qui sont en tete des deux ecrits,.
route de Petra a Hebron, on arrive en trente-cinq minutes, la dedicace de 1'un et de 1'autre a Theophile, la parfaite
par un chemin raboteux, mais en quelques endroits poli ressemblance du style et des idees, fournissent a cet egard
et glissant, au pied d'un massif montagneux qu'on peut d'abondantes demonstrations. Si Ton regarde ce point
franchir par trois passes, distantes 1'une de 1'autre d'une comme acquis a la critique, et que Ton suppose etablie
heure environ. La plus orientale est appelee par les Arabes sur des preuves solides 1'authenticite de 1'Evangile de
E?-^oufei, et celle de Fouest El-Yemen, la droite, saint Luc, il faudra du meme coup attribuer les Actes a
la plus frequentee, parce qu'il y a de 1'eau a la partie cet ecrivain apostolique, disciple et compagnon de saiat
153 ACTES DES APOTRES 154
Paul. D est demontre dans un autre article que le troisieme temoin oculaire se trahit a chaque instant. Voyez, par
Evangile est incontestablement 1'oeuvre de saint Luc. Done, exemple, la scene du serpent ramasse et secoue par 1'Apotre
pour adjuger legitimement les Actes au meme auteur, il dans 1'ile de Malte, Act., xxvni, 2-6; la description des
nous suffirait d'en appeler a cette demonstration. Mais on peripeties du naufrage, xxvn, 14-44; la mention exacte
peut, independamment de cet argument interne, fournir de tous les endroits par ou Ton passe pour se rendre de
des temoignages peremptoires en faveur de 1'authenticite Cesaree a Rome. 2 On a recueilli un grand nombre
de ce livre canonique. de tournures et d'expressions singulieres, qui se ren-
II est a peine douteux que saint Clement de Rome, contrent a la fois dans les Actes et dans le troisieme
/ Cor., n, 1.1, col. 209, fait allusion a un texte des Actes, Evangile, et que les autres auteurs sacres n'emploient
xx, 35, lorsqu'il loue les Corinthiens de ce qu'ils pre- jamais ou presque janiais. En voici quelques exemples :
ferent donner que recevoir . Saint Ignace d'Antioche, Luc., I, 1 : 'E7tEt8/-7tep 7ioXXo\ eitz-^tipr^a.^..., ISo^e xi{J.o\
en deux endroits de ses lettres authentiques, semble a 7tapv)xoXov>9Y)x6Ti..., et Act., xv, 24, 25 : 'EnetS-n Tj^ouffaftsv
peu pres transcrire les paroles des Actes, lorsqu'il dit, OTI Ttvec..., eSo^ev T)|I,IV Yevo(iivoi<;... Luc., xv, 13: JIET'
Smyrn., in, t. v, col. 709: Meti Se TT,V avotTcaatv ayvsqxxysv oy TtoXXa? r)fi.epae, et Act., I, 5: ou (lera itoXXa; Tayra?
auToT? xa\ O-WEJIIEV. Voyez Act., x, 41 : OITIVE; o-yv<payo|Av , et Act., xxvii, 14 : JJ.ET' oy TcoXy; Act., xix, 11 :
xat <ruvE7iio[iv autw {AETCI TO avaffTTjvai ayTOv Ix vsxpwv. te oy TK; TU%ovaau:. Luc., I, 20, 80 : Hypi YJ;
Ailleurs, Magnes., v, t. v, col. 665 : "Exaato; et? TOV ?,... EM? T)(XEpac, et Act., i, 2: a-/pt TJ; Tiftlpa?; I, 22:
i'Scov TOTCOV (AsXXEi "xwP'v' Voyez Act., I, 25: HopeviOrivat Iw; Trj; riiAlpac; n, 29 : a-/pt trj; TjjAspa; Tayrr,;; VII, 45 :
si; TOV TOTCOV TOV i^tov. II en est de meme de saint EWC TWV T|(i.spwv Aa6:8. Main de Dieu au lieu de puis-
Polycarpe, Phil., I, t. v, col. 1005 : "Ov TJysipEv 6 so;, sance de Dieu. Luc., i, 66, 71, et Act., xi, 21, et xni, 11.
Xiffec; ra; wSiva? TOU aSou. Voyez Act., II, 24 : "Ov 6 @eb; Luc., iv, 34: 6 ayto; TOO 0soO, et Act., n, 27: o-j8s
av(TTT)(iE, Xyffac TOC? wSiva? toO Oavatou (aSoy, d'apres une 8w(Tn; TOV OCTIOV ffoy, et IV, 27 : SK\ TOV aytov nalSa aoy;
autre lecon). La AiSor/ri TWV 'ArcouToXajv, recemment IV, 30: ToO aytoy itaiSo; troy. Luc., XXIII, 5 : apEa-
decouverte par Bryennios, se sert d'une maniere analogue IJLEVOC aTtb TTJ? FaXiXaia;, et Act., X, 37: ap?ct[iEvov aitb TTJ;
de Act., ii. 44, 45; iv, 32, edit. Bryennios, p. 21, n. 4. FaXtXatai;, et Luc., XXIV, 27 : aplaptsvoi; aub
La lettre a Diognete, 3, 4, t. n, col. 1172, rappelle Act., Luc., 1 , 9 : sXa^s TO-J Oypitaa'at, et Act., I, 17:
XVH, 24. xXyjpov. Luc., XXI, 35 : ln\ npoffwnov Tiaay)? TTJC yrjc,
II suffit de descendre au commencement du HI* siecle et Act., XVH, 26 : ITU itav TO TtpoawTtov T?J; yi?, et Luc.,
pour entendre les voix les plus autorisees des diverses XII, 56: TO Tipoffamov TT); yy)!; xai TOO oypavoO. Saint Luc
parties de 1'Eglise nommer Luc commeTauteur du livre est le seul ecrivain du Nouveau Testament qui emploie
des Actes. Saint Irenee, reunissant en sa personne les cette expression. Voir Bacuez, Manuel biblique, t. iv,
traditions de 1'Asie et de la Gaule, apres avoir rapporte n 484. Signalons, a la suite de cet auteur, la confor-
plusieurs choses consignees dans les Actes, ajoute, Hser., mite qu'on remarque entre ces deux livres pour les senti-
Ill, xiv, t. VH, col. 914 : Omnibus his cum adesset ments, les dispositions d'esprit, les tendances... D'un cote
Lucas, diligenter conscripsit ea, uti neque mendax ne- comme de 1'autre, on reconnait 1'influence de saint Paul.
que elatus deprehendi possit. Clement d'Alexandrie, C'est la m6me attention a ne rien dire de blessant pour
Strom., V, XH, t. ix, col. 124: Sicut et Lucas in Acti- les Gentils, a menager 1'autorite romaine, et meme a re-
bus Apostolorum commemorat Paulum dicentem : Viri lever ce qui est a son avantage, Act., m, 13-15; x, 1,
Athenienses... Suit le commencement du discours a 1'A- 2, 45; xui, 7; xxv, 10, 25; xxvn, 43. C'est le meme res-
reopage, Act., xvn, 22 et suiv. Tertullien, temoin de pect pour les ceremonies juda'iques, Luc., i, 9, 59; n,
1'Eglise d'Afrique, Dejejun., x, t. n, col. 966: Porro, 21-24, 37, 39, 41, 46; iv, 16; v, 14; vi, 3-4; Act., m, 1;
curn in eodem commentario Lucse et tertia bora orationis v, 12, 42; xvi, 3, etc., avec la meme conviction que
demonstretur, sub qua Spiritu sancto initiati pro ebriis 1'Evangile est pour tous les peuples, Luc., n, 32; ix, 52;
habebantur, et sexta, qua Petrus ascendit in superiora. xvn, 16; Act., i, 8; ix, 15; x, 1 et suiv., et le meme soin
Voyez Act., n, 15 et x, 9. Le temoignage de 1'Eglise de rattacher les faits aux actes publics de 1'empire, Luc.,
romaine est plus ancien encore. II se trouve dans le canon in, 1; Act., in, 13; xxiv, 27. La tradition qui attribue les
du ne siecle decouvert par Muratori: Acta autem omnium Actes a saint Luc, 1'auteur du troisieme Evangile, est
Apostolorum sub uno libro scripta sunt. Lucas optime done pleinement confirmee par les arguments intrin-
Theophile comprehendit, quia sub praesentia ejus singula seques.
gerebantur. Toute la tradition de 1'antiquite est, pour Les rationalistes pretendent neanmoins etablir par ce
ainsi dire, resumee par Eusebe de Cesaree, lorsqu'il place genre d'arguments que saint Luc n'est pas 1'auteur du
le livre des Actes parmi les 6[i,oXoyo'j|Ava, c'est-a-dire livre des Actes. Luc, disent-ils, n'est pas ce compagnon
parmi les livres canoniques dont 1'autorite est incontestee. de Paul qui, a partir du xvie chapitre des Actes, parle
Hist. Eccl., in, 25, t. xx, col. 268. II 1'attribue a saint a la premiere personne du pluriel. Cet ecrivain etait avec
Luc. Hist. Eccl., Hi, 4, t. xx, col. 220. II est done indu- Paul a 1'epoque ou celui-ci ecrivit ses lettres aux Thessa-
bitable que le livre des Actes etait repandu dans 1'Eglise loniciens et aux Corinthiens; or, dans ces lettres, Paul ne
des le ier siecle et que des lore il etait regarde partout fait aucune mention de Luc, mais il parle de Timothee
comme Fceuvre de saint Luc. Sinon, a la fin du ne siecle, et de Silvanus. Done alors Luc n'etait pas avec lui. Meme
1'Eglise n'aurait pas ete unanime a le lui attribuer. dans les lettres aux Colossiens et a Philemon, Luc, qui
Ce temoignage concordant de la tradition est abondam- etait alors aupres de Paul a Rome, n'est nomme qu'en
ment confirme par les indices que fournit le livre lui- dernier lieu, apres plusieurs autres. II n'etait done pas un
mme. 1 L'auteur, racontant les voyages de saint Paul, des principaux disciples de Paul. D'ailleurs, si Luc avail
parle constamment, a partir du chapitre xx, a la premiere travaille avec Paul a Philippes pendant plusieurs annees,
personne du pluriel, et conduit ainsi son recit jusqu'a la comme il faut le supposer de 1'auteur des Actes, Act.,
captivite de saint Paul a Rome. II etait done le compa- xvi, 12 et suiv., Paul n'aurait pas manque de le nommer
gnon de 1'Apotre, et se trouvait notamment avec lui a dans sa lettre aux Philippiens, qu'il ecrivit lorsque Luc
Rome. Or tel etait saint Luc, dont saint Paul dit, dans sa etait aupres de lui. II semble que Luc ne s'adjoignit a
seconde lettre a Timothee, iv, 11, ecrite de Rome pen- Paul que lorsque celui-ci etait capnf a Rome. K
dant sa captivite: Luc seul est avec moi; et dont il On le voit, tous ces arguments sont negatifs. Le dernier
envoie de la meme ville les salutations aux Colossiens et seul a quelque chose de specieux. On y repond facilement
a Philemon. Coloss., iv, 14; Philem., 24. II entre d'ailleurs, par Fhypothese que saint Luc etait absent de Rome lorsque
sur les dernieres annees du ministere de saint Paul et saint Paul envoya sa lettre aux Philippiens. Cette hypo-
sur ses voyages, dans des details si minutieux, que le these n'est pas gratuite; car, si saint Luc avail ete alors
155 AGTES DES APOTRES 156
a Rome, saint Paul 1'aurait certainement excepte de la miracle opere par saint Pierre, assiste de saint Jean, de-
generalite de ce blame, Phil., 11, 21 : Tous ne cherchent vient le signal de nombreuses conversions et d'une per-
que leur interet, comme il vient d'en excepter impli- secution violente, HI, 1-iv, 31. La mort tragique d'Ananie
citement son fidele Timothee, n, 20. Des lore il est ma- et de Saphire sert d'exemple aux fideles pour les maintenir
nifeste que ces arguments negatifs, si faibles en eux- dans la ferveur, iv, 32-v, 11. De nouveaux accroissements
memes, ne sauraient ebranler la tradition constante qui de I'Eglise provoquent une nouvelle persecution : les
proclame que les Actes sont I'osuvre de saint Luc. Apotres sont jetes en prison, delivres par un miracle, de-
Refusant de reconnaitre saint Luc pour 1'auteur des fendus par Gamaliel, v, 12-42. Institution des diacres :
Actes, les rationalistes ont imagine divers systemes pour Etienne, le plus illustre d'entre eux, devient le premier
expliquer la genese de ce livre. D'apres quelques-uns, les martyr de la foi de Jesus, vi, 1-vn, 59. Troisieme sec-
parties ou 1'ecrivain parle a la premiere personne du plu- tion. Propagation de I'Eglise dans la Palestine, la Samarie,
riel auraient ete redigees par un compagnon des voyages la Syrie, vm, 1-ix, 43. La persecution, dont saint Etienne
de Paul autre que Luc. Ce compagnon serait Timothee fut la victime, disperse les fideles et propage ainsi la foi
(Schleiermacher, Bleek, etc.), ou Silas (Schwanbeck), dans la Judee et la Samarie, vm. 1-40. Elle est aussi 1'oc-
ou Titus (Krenkel). Ou bien ce compagnon de Paul aurait casion de la conversion de saint Paul, ix, 1-30. Pierre
ecrit tout le livre, ou bien un auteur inconnu aurait trans- visite les Eglises fondees en Judee, et y opere deux mi-
.crit ces memoires, sans y rien changer, et les aurait ainsi racles insignes, ix, 31-43.
inseres dans un livre compose par lui en vue d'aider a la Deuxieme partie, x, 1-xxvni, 31. Premiere section.
reconciliation des deux factions qui avaient jusque-la divise Les debuts de I'Eglise parmi les Gentils, x, 1-xn, 25. Pierre,
1'Eglise. Mais de Wette lui-meme avoue que 1'hypothese averti par une vision celeste, recoit dans I'Eglise le cen-
d'auteurs multiples n'explique ni 1'uniformite de style qui turion Corneille et sa famille; ils deviennent les premices
regne dans tout 1'ouvrage, ni la conformite de celui-ci de la gentilite, x, 1-xi, 18. Bientot s'etablit a Antioche
avec le troisieme Evangile, ni la maniere egale de citer une Eglise composee de paiens convertis, xi, 19-26. Ceux-
1'Ancien Testament, ni la cohesion etroite de toutes les ci viennent en aide, par leurs aumones, aux fideles de
parties entre elles. De Wette, Lehrbuch der... Einleitung Jerusalem, xi, 27-xn, 25. Seconde section. Dissentiment
in die kan. Bucher des N. T., 115 a. Pour ces motifs, entre les fideles convertis du juda'isme et ceux de la gentilite,
de Wette et d'autres admettent pour tout le livre un auteur xin, 1 - xv, 34. Premier voyage apostolique de saint Paul,
unique. Mais cet auteur, disent-ils, ne peut pas etre un en compagnie de saint Barnabe; ses fruits abondants pour
temoin oculaire des faits qu'il raconte; car ces faits sont, 1'Evangile, xm, 1-xiv, 27 (28). Apres leur retour, quelques
les uns en contradiction avec les lettres de Paul, les autres judeo - Chretiens d'Antioche troublent I'Eglise en voulant
incompatibles avec les donnees de 1'histoire; d'autres sup- soumettre les Gentils a la circoncision. Leurs preventions
posent chez 1'ecrivain des renseignements insuffisants. Ce sont ecartees par les Apotres, assembles a Jerusalem, xv,
dernier argument est futile; quant aux deux autres, nous 1-34. Troisieme section. Propagation de I'Eglise parmi
en donnerons plus loin le developpement et la refutation, les Gentils de la Macedoine, de 1'Achaie et de 1'Asie, xv,
lorsque nous parlerons des objections centre la veracite du 36-xxi, 15. Saint Paul, dans son second voyage aposto-
livre des Actes. lique, visite les Eglises qu'il a fondees, xv, 36-xvi, 5,
III. Lieu et epoque de la composition. Faute de de- et, conduit par 1'Esprit - Saint en Macedoine, il y etablit
terminations precises, on admet comme probable que les les Eglises de Thessalonique et de Philippes, xvi, 6-xvn,
Actes des Apotres ont ete composes a Rome, a la fin de la 15. De la il passe en Achaie, et fonde I'Eglise de Corinthe,
seconde annee de la captivite de saint Paul. Le recit, en xvn, 16-xvni, 28. Enfin, dans son troisieme voyage, il
eflet, se termine brusquement a cette epoque de la vie preche la foi a Ephese et la repand au loin par toute
de 1'Apotre. Alors saint Luc etait encore avec lui. Cette 1'Asie proconsulaire, xix, 1-20, et, en repassant par la Ma-
premiere periode de sa captivite etait pour 1'Apotre une cedoine et 1'Achaie, il retourne a Jerusalem, xix, 21-xxi, 15.
periode paciflque, sans incidents remarquables, ainsi qu'on Quatrieme section. Captivite de saint Paul, nouveau
peut le conclure des derniers versets des Actes. C'etait moyen de propagation de 1'Evangile, xxi, 16-xxvm, 31.
done aussi pour saint Luc un temps favorable a la redac- Saint Paul, fait prisonnier a Jerusalem, est conduit a Ce-
tion de ses notes sur les travaux apostoliques de son saree, xxi, 16-xxm, 35. Retenu deux annees en captivite,
maltre. L'an 64 de 1'ere vulgaire serait ainsi 1'epoque de il preche la foi devant les gouverneurs remains et devant
la composition, ou du moins de 1'achevement du livre des le roi Agrippa, xxiv, 1-xxvi, 32. Envoye a Rome sur
Actes. sa demande, il y arrive apres avoir subi un naufrage,
IV. Integrate du texte. Le texte des Actes des Apotres xxvn, 1-xxviu, 15. Captif a Rome, il y preche le royaume
est parvenu jusqu'a nous sans avoir subi aucune alteration de Dieu a tous ceux qui viennent a lui, xxvm, 16-31.
importante. Les variantes tres nombreuses des manuscrits Les evenements racontes dans les Actes remplissent un
n'affectent point la substance des recits. Nous en avons espace d'environ trente-cinq ans, depuis le printemps de
pour garants les versions anciennes, la syriaque surtout et 1'an 29 jusqu'au printemps de 1'an 64.
la latine, et les nombreuses citations des Peres. Du reste, VI. Veracite des Actes des Apotres. Elle est attaquee
la critique rationaliste n'a souleve a ce sujet aucune ob- surtout par 1'ecole rationaliste de Tubingue. D'apres elle,
jection serieuse. 1'auteur de cet ecrit 1'a compose dans un but polemique,
V. Analyse du texte. Le livre des Actes se compose celui de reconcilier le parti ethnico-Chretien avec le parti
de deux parties bien distinctes. Comely, Introductionis des juda'isants. A cette fin, il a arrange son recit, histo-
compendium, p. 522-523. Premiere partie: Origine et pro- rique en apparence, de maniere que les faits, en partie
pagation de i'Eglise parmi les Juifs, i-ix. Deuxieme partie: reels, en partie inventes, fissent apparaltre Pierre et Paul
Origine et propagation de I'Eglise parmi les Gentils, x-xxvm. comme egalement favorables aux idees des deux factions,
Saint Pierre joue le grand role dans la premiere partie; et unis entre eux par les liens d'une concorde fraternelle.
dans la seconde, c'est 1'action de saint Paul qui domine. Ce n'est pas ici le lieu de demontrer que tout le systeme
Premiere partie, 1,1-ix, 43. Premiere section. Fori- des Tubinguiens ne repose sur aucun fondement solide.
dation de I'Eglise a Jerusalem, i, 1-n, 47. La fondation de II suffit de faire voir comment 1'authenticite du livre des
I'Eglise preparee par la promesse du Saint-Esprit, i, 1-11, Actes conduit a en admettre la veracite.
et par 1'election d'un nouvel apotre, r, 12-26. La fondation 1 Saint Luc a ete parfaitement renseigne sur les faits
de I'Eglise operee par la descente du Saint-Esprit, n, 1-13, qu'il raconte. A partir du chapitre xx, il est present a tous
et par la premiere predication de saint Pierre, u, 14-47. les evenements. Compagnon de saint Paul pendant douze
Seconde section. Propagation et confirmation de I'Eglise annees, il a eu toutes les occasions desirables d'apprendre
parmi les Juifs de Jerusalem, in, 1-vii, 59. Un grand les details du miaistere apostolique de son maitre. Quant
157 ACTES DES APOTRES 158
aux faits du ministere de saint Pierre, dont il s'agit au Notons avant tout que le premier recit est le seul que
commencement de 1'histoire, il s'en est informe exacte- saint Luc donne en son propre nom; dans les autres pas-
ment aupres devceux qui ont tout \u des le principe , sages, il reproduit le recit donne par saint Paul lui-m&ne.
ainsi qu'il nous en avertit lui-meme dans le prologue de Tout ce qu'on est en droit de lui demander dans ces deux
son Evangile. Saint Luc connaissait done parfaitement tous passages, c'est qu'il ait rendu fidelement les discours de
les evenements racontes dans ses memoires. 1'Apotre. Quand meme ces discours seraient, en quelques
2 Saint Luc a expose fidelement les choses comme il circonstances secondaires, en disaccord avec la narration
les savait. II nous est connu, en effet, comme un homme de 1'historien, on pourrait tout au plus en conclure que, a
d'une probite irreprochable; d'ailleurs la candeur et la sin- plusieurs annees de distance, les souvenirs de 1'Apotre ne
cerite se laissent toucher au doigt dans ces pages ecrites lui seraient pas restes tout a fait fideles touchant quelques
avec une simplicite ou rien ne sent la recherche ni le menus details, et que saint Luc n'a pas cm necessaire de
parti pris. Enfin, quand meme 1'ecrivain cut voulu tromper rectifier cette legere meprise. Paisqu'il n'est pas certain
ses lecteurs, il n'y aurait pas reussi; car les faits dont est que 1'Apotre fut inspire dans ces deux recits, il ne repugne
tissue son histoire sont pour la plupart des faits publics, pas absolument que ses souvenirs 1'aient trompe touchant
illustres, accomplis devant des temoins nombreux. La des details qui n'alterent pas la substance du fait. Mais il
fraude, s'il y en avait eu, n'aurait pas tarde a etre connue n'est pas meme necessaire de recourir a cette supposition.
et denoncee. Rien n'empeche d'admettre que les compagnons de Saul,
VII. Difficultes soulevees centre la veracitedu livre. terrasses d'abord par 1'eclat de la lumiere, se soient releves
Pour convaincre saint Luc de faussete, on a tache de le aussitot et aient ecoute debout et dans la stupefaction la
mettre en contradiction avec saint Paul. voix du ciel. Saul lui - meme, terrasse par la lumiere, vit
1 On pretend qu'il y a contradiction entre Act., xvn, Jesus et entendit seul distinctement sa voix. Mais, apres le
13-15; XYIII, 5, et I Thess., HI, 1-6. L'Apotre ecrit aux colloque avec le Sauveur, il se leva aveugle, ne voyant
Thessaloniciens que, ne pouvant aller les trouver en per- plus rien, quoiqu'il eut les yeux ouverts. Ainsi s'explique
sonne, il s'est decide a rester a Athenes, et a leur envoyer . la premiere antilogie. Pour avoir raison de la seconde, on
Timothee, pour les aider de ses exhortations dans leurs peut dire que la voix qui interpella Saul fut entendue par
tribulations. Selon le recit des Actes, les Juifs de Thessalo- tous les voyageurs (c'etait peut-etre d'abord un bruit inar-
nique, ayant excite des troubles contre saint Paul a Beree, ticule), mais non celle qui engagea un dialogue avec le
en Macedoine, les fideles conduisirent 1'Apotre a Athenes, seul chef de la troupe.
tandis que Silas et Timothee demeurerent seuls a Beree. 3 On signale une erreur historique dans la harangue
Saint Paul, apres un court sejour a Athenes, se rendit de Gamaliel, Act., v, 36, lorsque celui-ci mentionne comme
a Gorinthe, et c'est la seulement que Silas et Timothee, un fait passe la revoke de Theudas, chef de quatre cents
partis de Macedoine, vinrent le rejoindre. Timothee ne se rebelles. D'apres Fl. Josephe, Antiq. jud., XX, v, 1, Theu-
serait done point trouve a Athenes avec son maitre; d'ou das fut puni de mort pour crime de rebellion par le gouver-
il suivrait que celui-ci n'aurait pas pu 1'envoyer de la neur C. Fadus, c'est-a-dire quatorze ans apres le discours
a Thessalonique. de Gamaliel.
Nous pouvons repondre d'abord a cette objection d'une Pour qu'on fut en droit d'accuser d'erreur 1'ecrivain
maniere indirecte. Le recit des Actes et les Epitres de saint sacre, il faudrait qu'on demontrat: premierement, que le
Paul se rencontrent a chaque pas, relativement aux details Theudas de Gamaliel est le meme que celui de Josephe ;
les plus minutieux de la carriere evangelique de 1'Apotre. secondement, que, cela etant suppose, 1'exactitude histo-
Or, s'il y a quelque chose de remarquable, c'est la con- rique en ce point est plutot du cote de Josephe que du
cordance parfaite que Ton constate entre 1'historien d'un cote de saint Luc. Josephe ecrivit son histoire vingt ans
cote et 1'autobiographe de 1'autre. Nous sommes done en apres saint Luc, et il n'avait pas eu, comme celui-ci, des
droit de supposer, a priori, qu'en 1'endroit special objecte, relations avec un des disciples de Gamaliel. Or c'est un
cette concordance existe comme ailleurs; et, examen fait, principe constant en critique que, lorsque deux historiens
si nous ne parvenions pas a la decouvrir, le parti le plus egalement serieux se contredisent dans les circonstances
sage serait encore d'avouer notre ignorance. Mais nous ne d'un evenement, on prefere la relation de celui des deux qui
sommes pas reduit a cette extremite. Pour faire concorder est contemporain de cet evenement, et qui se rapproche
saint Luc et saint Paul, il suffit de suppleer quelque chose davantage des personnes melees au fait rapporte. Nous
a leurs renseignements incomplets. Voici une hypothese serions done, dans le cas present, en plein droit de rejeter
probable qui concilie tout. Saint Paul, arrive a Athenes, la relation de Josephe, et de nous attacher a celle de saint
donne ordre a Silas et a Timothee de venir le rejoindre en Luc. Mais il y a plus: les deux relations ne se refusent
cette ville. Act., xvn, 15. Us y viennent. L'Apotre, avant pas a une conciliation. Vers 1'epoque dont parle Gamaliel,
de quitter Athenes, envoie Timothee a Thessalonique, et Josephe place la revolte d'un certain Mathias. Antiq. jud.,
Silas dans une autre ville de Macedoine. Pendant que 1'un XVII, vi, 4. Ce Mathias pourrait bien etre le Theudas ou
et 1'autre remplissent leur mandat, Paul va a Corinthe, Theodas de saint Luc. Car les noms de Mathias, en hebreu,
ou il est de nouveau rejoint par ses deux disciples, revenus et de Theodas (abrege de Theodores), en grec, ont la meme
de Macedoine. II peut encore se faire que 1'Apotre, re- signification: don de Dieu. Us peuvent done avoir ete
voquant 1'ordre qu'il avait donne d'abord, ait enjoint a portes a la fois par un meme individu, d'apres un usage
Timothee d'aller de Beree a Thessalonique sans venir assez frequent chez les Juifs.
a Athenes, et a Silas d'attendre a Beree le retour de Ti- 4 On releve dans le discours de saint Etienne des
mothee. inexactitudes relativement a 1'histoire du peuple d'Israel,
2 On veut aussi trouver des contradictions dans les Act., VH, 4, 6.
trois recits de la conversion de saint Paul, qui sont tous C'est a tort qu'on impute ces inexactitudes, si elles
trois donnes dans les Actes, ix, 7; xxii, 9; xxvi, 14. Au existent, a 1'auteur des Actes; elles sont le fait de 1'orateur
premier endroit, il est dit que les compagnons de Saul, dont saint Luc rapporte les paroles. Le martyr, quoique
k>rsqu'ils entendirent la voix celeste, demeurerent debout, rempli du Saint-Esprit, n'etait pas necessairement inspire
frappes de stupeur; au troisieme endroit, tous sont cou- dans sa harangue. II pouvait done se tromper sur quelques
ches par terre au moment ou la voix se fait entendre. II points indifferents a la substance des choses, comme 1'ont
est rapporte aussi, dans le premier recit, que les compa- remarque le V. Bede et plusieurs commentatcurs.
gnons de Saul entendirent la voix sans voir personne; VIII. Commentaires principaux. 1* Commentaires
dans le second, au contraire, que ces homines virent la anciens. Saint Jean Chrysostome a ecrit sur les Actes un
lumiere, mais n'entendirent pas la voix de celui qui parlait commentaire homiletique; Cassiodore (v siecle), Com-
avec Saul. plectiones in Acta Apostolorum; V. Bede, Expositio super
159 ACTES DES APOTRES ACTES APOCRYPHES DES APOTRES 160
Ada, Apostolorum, et Liber retractationis in Actus Apo- Acta Joannis, Erlangen, 1882, p. 219-252. De ces Acta
stolorum; Theophylacte (xie siecle), In Acta Apostolo- primitifs, on possede une sorte d'adaptation ou remanie-
rum. 2 Commentaires modernes. Catholiques: Erasme, ment attribue a Prochorus, disciple de saint Jean, cf. Act.,
Adnotationes, Bale, 1516; Vatable, Adnotationes, Paris, vi, 5, public en latin, pour la premiere fois, par de la
1545; Gagnaeus, Scholia in Actus Apostolorum, Paris, 1552; Bigne (1575), dans sa Bibliothecd maxima Patrum; en
Arias Montanus, Elucidationes in Acta Apostolorum, grec, pour la premiere fois, par M. Zahn, op. cit., p. 3-165:
Anvers, 1575; Lorinus, S. J., In Acta Apostolorum com- ce pseudo-Prochorus est une oeuvre catholique des envi-
mentaria, Lyon, 1605; Gaspard Sanchez, S. J., Commen- rons de 1'an 500, et vraisemblablement d'origine palesti-
tarii in Actus Apostolorum, Lyon, 1616; Fromond, Actus nienne. Zahn, p. LX ; Lipsius, 1.1, p. 406. Ajoutons un autre
Apostolorum... illustrati, Louvain, 1654. Protestants : remaniement, celui-ci latin et decore du nom de Meliton;
Van Limborgh, Rotterdam, 1711; Pearce, Londres, 1777. nous en parlerons a 1'article MELITON. A en juger par les
3 Commentaires recents. Catholiques : Beelen, Com- quatre fragments grecs que nous possedons et par le recit
mentarius in Acta Apostolorum, 2e edit., Louvain, 1864; de mort ou [xetaffTacrt; 'Iioavvou, qui a du en faire partie,
Patrizi, In Actus Apostolorum commentarii, Rome, 1867; Zahn, p. 238 et suiv., les Acta Johannis anciens etaient
Bisping, Exegetisches Handbuch, Munster, 1871; Cram- une ffiuvre d'origine gnostique. M. Zahn, p. CXLV, les date
pon, Les Actes des Apotres, 1872; Crelier, Les Acles des fles environs de 1'an 130; M. Lipsius, 1.1, p. 515, les attri-
Apotres, dans la sainte Bible de Lethielleux, Paris, 1883. bue a la seconde moitie du ne siecle.
Protestants : J. G. Rosenmiiller, Scholia in Novum Pour donner un specimen de cette litterature, je citerai
Testamentum, 1821-1835; Baur, Paulus der Apostel, un hymne gnostique, incorpore dans les Acta Johannis,
1867; Baumgarten, Apostelgeschichte, Halle, 1852; Leke- Zahn, p. 220-221: Gloire a toi, Pere! Et nous qui
busch, Die Composition und Entstehung der Apostel- 1'entendions, nous repondions : Amen. Gloire a toi,
geschichte, Gotha, 1854. J. CORLUY. Verbe! Gloire a toi, Grace! Amen. Gloire a toi, Esprit!
Gloire a toi, Saint! Gloire a ta gloire! Amen. Nous
ACTES APOCRYPHES DES APOTRES. Sous te louons, 6 Pere; nous te rendons grace (ux<xpi<rroO(jiev),
les noms divers de np<xei?, actus, acta, raptoSot ou 6 Lumiere en qui Tombre n'habile point! Amen.
voyages , martyria, passiones, etc., on a retrouve les De celui de qui nous rendons grace (Iqp' w eux*P'^oO[iev),
restes ou les traces de documents pretendant nous raconter je parle : tre sauve je veux, et sauver je veux. Amen.
les missions apostoliques. Originaires pour la plupart de Etre delivre je veux, et delivrer je veux. Amen.
milieux asiatiques ou phrygiens, a une epoque ou les com- ... Manger je veux, et etre nourri je veux. Amen.
munautes chretiennes de ces regions etaient infestees de ... La Grace est notre chorege (xopsvst): chanter (aOXrjaat)
gnosticisme et de manicheisme, ils ont ete de bonne heure je veux : dansez en chreur (opxfaacrOs) tous! Amen.
exclus de 1'usage catholique ou expurges. Voir ABDIAS 6. On dirait un hymne orphique. Et ceci, que nous ne pos-
Le pape saint Leon ecrivait, en 447 : II faut veiller, et sedons qu'en latin:
c'est surtout au zele des pretres que nous en faisons un
devoir, a ce que les livres falsifies et en disaccord avec Lucerna sum tibi, ille qui me vides.
Janua sum tibi, quicumque me pulsas.
la sincere verite ne soient point lus parmi les Catholiques. Qui vides quod ago, tace opera mea.
Mais les Ecritures apocryphes, qui, sous le couvert du nom Verbo illusi cuncta, et non sum illusus in totum.
des Apotres, contiennent le germe de tant d'erreurs, non
seulement doivent etre interdites, mais completement sup- De cet hymne d'une si singuliere poesie, rapprochez les
primees et briilees. Si, en eflet, elles renferment quelques tres belles prieres eucharistiques que la Metastasis met
pieux elements, jamais elles ne sont exemptes de venin, dans la bouche de saint Jean presidant a la fraction du
et le charme de leurs fables a cet effet cache de seduire pain au moment de mourir. Zahn, p. 243 :
par le merveilleux du recit pour mieux envelopper le Et ayant demande du pain, il rendit graces en disant:
lecteur dans les rets de leurs heresies. Epist. xv, 15, Quelle louange, quelle offrande, quelle action de graces
t. LIV, col. 688. Le peu qui nous reste de cette litterature, dans cette fraction du pain t'offrirons - nous, sinon toi
neglige des hagiologues du xvne et du xvme siecle, n'a seul ? Nous glorifions ton nom prononce par le Pere,
ete recueilli et etudie convenablement que de nos jours. nous glorifions ton nom prononce par le Fils, nous glo-
Mais on a vu alors que ces pieces apocryphes et fabu- rifions la resurrection, a nous revelee par toi. Nous glo-
leuses constituent une contribution d une haute valeur rifions, de toi, la semence, la parole, la grace, I'ineflable
a 1'histoire des trois premiers siecles. La critique, qui a pierre precieuse,... le diademe, et le Fils de 1'homme pour
beaucoup demoli, reconstruit aussi: ce chapitre de 1'his- nous annonce, et la verite, et la paix, et la gnose, et la
toire litteraire chretienne sera 1'une de ses plus ingenieuses liberte, et le don de se refugier en toi! Car tu es seul
et durables reconstructions. On la doit aux publications de Seigneur, et la racine de 1'immortalite, et la source de
J. C. Thilo, C. Tischendorf, W. Wright, auxquels il faut rincorruptibilite, et 1'assiette des siecles!
ajouter MM. Malan, Zahn, Usener, Bonnet, Guidi et les II. Acta S. Andreas. Un important fragment grec
Bollandistes, mais tres partieulierement aux recherches nous en est parvenu sous le titre de Acta SS. Andreas
de M, Lipsius, professeur de theolbgie a Tuniversite d'lena, et Mathix in civitate Anthropophagorum, public pour
dont le travail, Die apokryphen Aposlelgeschichten und la premiere fois par Thilo, Acta S&. apostolorum An-
Apostellegenden, ein Beitrag zur altchristlichen Litera- dreas et Mathix, Halle, 1847, et a nouveau par Tischen-
turgeschichten, Brunswick, 1883-1890, encore qu'on y dorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 132-166. M. Wright
trouve trop de traces des idees rationalistes demodees de a publie une version syriaque du meme morceau dans
J'ecole de Tubingue, ne laisse pas d'etre le gros O3uvre de ses Apocryphal Acts of the Apostles, Londres, 1871, t. n.
cette reconstitution. Le present article a pour objet d'in- 11 ne faut pas confondre ces Acta anciens avec YEpistola
ventorier les Acta anciens que nous possedons sur les encyclica presbyterorum et diaconorum Achaiae de mar-
Apotres, et de resumer aussi brievement que possible les tyrio S. Andreas, publiee en dernier lieu, en grec, par
resultats acquis sur 1'origine de ces Acta. Tischendorf, op. cit., p. 105-131, et qui, tout en depen-
I. Acta S. Johannis. Des fragments grecs (tous dant partiellement de nos Acta, est une oeuvre catholique
nos Acta anciens ont ete originairement grecs) des Acta des environs de la fin du ive siecle. Nos Acta, qui ont eu
de 1'apotre saint Jean, publics par Thilo, Fragmenta une grande circulation chez les Catholiques, ont ete ce-
Actuum S. Johannis a Leueio Charino conscriptorum, pendant a 1'origine une ceuvre gnostique, et Ton y releve
Halle, 1847; puis de nouveau par Tischendorf, Acta Apo- encore quelques traces de gnosticisme. D'apres M. Lipsius,
stolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 266-276, ont ete re- t. i, p. 603, ils seraient de la seconde moitie du ne siecle.
produits par M. Th. Zahn dans une monographic de valeur, HI. Acta S. Thomas. Une partie du texte grec de
161 AGTES APOCRYPHES DES APOTRES 162
ces Acta avait etc publiee par Thilo, Acta Thomas, Leipzig, pour source des iteptoSoi rU'tpou xa\ IlaOXou grecques,
1823, et a nouveau par Tischendorf, Acta Apostolorum dont on a retrouve des fragments, independants du pseudo-
apocrypha, p.v!90-234. Le texte complet grec a ete re- Linus, d'abord dans le De excidio urbis Hierosolymitanas
constitue et publie par M. Max Bonnet, professeur a la du pseudo - Hegesippe, oeuvre de la seconde moitie du
faculte des lettres de Montpellier, Acta Thomse, Leipzig, ive siecle (368 environ), peut-etre meme oeuvre de saint
1883. Dans 1'intervalle, M. Wright en avait publie une Ambroise; ensuite dans les Actes des saints Neree et
version syriaque dans ses Apocryphal Acts of the Apos- Achillee, Bolland., Acta sanctorum maii, t. in (1680),
tles, t. ii. Les Acta Thomas sont aujourd'hui le specimen p. 6 et suiv., lesquels ne sont pas posterieurs au pseudo-
le plus complet de cette litterature legendaire. Les traces Hegesippe; surtout enfin dans les Actes latins de saint
de gnosticisme y sont nombreuses, specialement dans les Pierre, d^couverts recemment dans un palimpseste <le
developpements oratoires sur 1'ascetisme et sur la virgi- Verceil du vie siecle, Actus vercellenses. M. Lipsius voit
nit6, themes chers aux gnostiques : on y a releve, comme dans ecesrcspt'oSoiune oauvre gnostique de la seconde moitie
dans les Acta Johannis ci-dessus, plusieurs morceaux du n siecle.
en forme d'hymne. D'apres M. Lipsius, 1.1, p. 346, les Acta Voici quelques citations des prieres que le pseudo-Linus
S. Thomas seraient du second quart du me siecle. met sur les levres de saint Pierre: 0 croix, qui as reuni
Voici, comme specimen, le cantique de la Sagesse 1'homme a Dieu, et qui 1'as si magnifiquement arrache
ou de 1' Eglise , dont 1'original etait probablement au domaine de la captivite diabolique! 0 croix, qui remets
syriaque, et, en toute hypothese, bien'singulierement dans perpetuellement sous les yeux de 1'humanite la passion
le gout de Bardesanes. II est chante dans un festin paien, du Sauveur du monde et la redemption de la captivite
par une psaltria juive, que saint Thomas a convertie en humaine! O croix, qui chaque jour partages aux peuples
secret. Bonnet, p. 8-9; Lipsius, t. r, p. 301 -303: La jeune fideles la chair immaculee de 1'Agneau, qui dissipes par
vierge est fille de la Lumiere, et sur elle rejaillit et repose le calice salutaire les cruels venins du serpent, et qui
la splendeur des rois. Superbe et doux est son regard, eteins les feux de 1'epee ilamboyante qui fermait aux
resplendissant d'une beaute lumineuse. Ses veternents res- croyants le seuil du paradis!... Lipsius, t. n, 1, p. 264.
semblent aux ileurs printanieres, et un suave parfum s'en Seigneur, tu es pour moi ami et pere, 1'auteur de mon
exhale... Sur sa tete trone la Verite; a ses pieds, la Joie... salut, mon desir, mori rafraichissement, mon rassasie-
Sa langue est comme le velum d'une porte, qui se souleve ment. Tu m'es tout, et tout est pour moi en toi. Tu m'es
pour laisser passer. Sa nuque est comme le degre [supreme] tout; et tout ce qui est, tu 1'es pour moi. En toi nous
que le Demiurge a pose. Ses deux mains decouvrent le vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Et voila
choeur des Eons heureux, et ses doigts designent les portes pourquoi nous devons nous tourner vers toi pour tout
de la Ville. Sa couche nuptiale est etincelante, et des sua- avoir. Donne-nous, Seigneur, 1'objet de tes promesses,
vites de baume, de myrrhe et de ileurs jonchees s'en ce que 1'ceil n'a point vu, ce que 1'oreille n'a point en-
echappent... Autour d'elle, pour la proteger, sont ses fian- tendu, ce que le cceur de 1'homme n'a jamais senti monter
ces ; ils sont huit, huit choisis par elle. Au nombre de sept en lui, ce que tu as prepare a qui t'aime... Nous te prions,
sont ses paranymphes, qui marchent devant elle comme Seigneur Jesus, nous t'invoquons, nous te glorifions, nous
un choeur. Douze sont ses serviteurs, qui vont le visage te confessons, nous t'honorons, dans I'infirmite de notre
tourne vers la fiancee [?], dont le regard les eclaire. Et humanite, parce que tu es le seul Seigneur, et qu'il n'y
avec elle [?] ils seront toute 1'eternite, et eternelle sera en a point d'autre que toi. A toi 1'honneur, a toi la gloire,
leur joie. Et ils auront leur place a ces noces ou les grands a toi la puissance, maintenant et dans des siecles de
seront convoques, a ce festin ou les Eons sont convies. siecles! Ainsi soit-il. Ibid. Ces belles prieres eucharis-
Et ils seront revetus de robes royales... Dans la joie, dans tiques sont a rapprocher de celles que nous ont fournies
1'allegresse ils seront, et ils glorifieront le Pere de 1'uni- les Acta Johannis, et que Ton retrouve dans les Acta
vers, ce Pere dont ils ont regu la douce Lumiere, dont le Andrese.
visage les a eclaires, dont 1'ambroisie a ete leur nourri- Le pseudo-Marcellus est, au contraire du pseudo-Linus,
ture, dont le vin a ete leur breuvage, ce vin qui apaise une ceuvre catholique; elle parait avoir existe des le com-
toute soif et tout desir de la chair. mencement du ive siecle. Mais M. Lipsius, et c'est ici que
IV. Acta SS. Petri et Pauli. Nous possedons deux se retrouve le postulatum de Tubingue, veut qu'elle soit
monuments diflerents sur les deux apotres remains. Le un simple remaniement catholique d'une oeuvre ou legende
premier est intitule dans les manuscrits : Martyrium ebionite, dans laquelle, au'lieu des trois personnages
SS. Petri et Pauli apostolorum a Lino papa grsece Pierre, Paul, Simon, il n'y en aurait plus que deux, Pierre
conscriptum et orientalibus Ecclesiis destinatum. Ce et Simon-Paul, le magicien Simon n'ctant que le masque
pseudo-Linus a ete publie pour la premiere fois par le de 1'Apotre des Gentils. J'emprunte ces dernieres .lignes
Fevre d'Etaples, dans son Commentarius in Epistolas a une recension faite par M. 1'abbe Duchesne, Bulletin
Pauli, Paris, 1512; puis par de la Bigne, dans sa Biblio- critique, 1887, p. 161-167, de la publication de M. Lipsius,
theca maxima Patrum,l. u, p. 67-73. Voyez aussi Bolland., et oil M. Duchesne a montre que des deux legendes,
Acta sanctorum junii, t. v (1709), p. 424-428. Le texte celle qui etait ancienne, c'etait la legende gnostique, celle
latin est traduit indubitablement du grec; mais 1'original du pseudo-Linus. Commodien, Arnobe, les Constitutions
grec est demeure jusqu'a ce jour inedit, a 1'exception d'un apostoliques, dans leurs plus anciennes redactions, en de-
fragment signale par Tischendorf, Acta Apostolorum apo- pendent certainement... Et il y a lieu de croire qu'Ori-
crypha, p. XX, et publie par M. Lipsius, Jahrbucher fur gene, lui aussi, depend des actes gnostiques... II est clair,
protestantische Theologie, 1886, p. 86-106. Le second du reste, que, sur plus d'un point, la legende gnostique
monument est intitule Marcelli, quern discipulum Petri a inspire la legende catholique. Enfin un passage im-
apostoli ferunt, de mirificis rebus et actibus beatorum portant des Philosophumena, vi, 20, dont 1' auteur ecri-
Petri et Pauli et de magicis artibus Simonis magi. Ce vait a Rome vers Tan 225 , empeche de faire remonter
pseudo-Marcellus a ete publie pour la premiere fois par au dela du nie siecle les premieres redactions de la legende
Florentini dans son edition du Martyrologe hieronymien, pretendue ebionite.
Lucques, 1668, et reproduit par Fabricius, Codex apo- Nous voila done en presence de quatre legendes aposto-
cryphus Novi Testaments, Hambourg, 1703, t. in, liques , de Jean, d'Andre, de Thomas, de Pierre et Paul,
p. 632-653. Thilo, Acta Petri et Pauli, Halle, 1837, puis toutes quatre d'origine gnostique, et toutes quatre (sauf celle
Tischendorf, ouvr. cit., p. 1-39, ont donne 1'original grec de saint Thomas) datant de la seconde moitie du n siecle.
du pseudo-Marcellus. Ces quatre legendes furent de bonne heure r&mies en
Le pseudo-Linus n'est qu'un fragment on abrege tardif, une collection, collection mise sous le nom d'un meme
du ve-vie siecle (ainsi Lipsius). Mais ce pseudo-Linus a auteur, 1'auteur presume des Ada S. Johannis, Leucius.
DICT. DE LA BIBLE. 8
163 AGTES APOGRYPHES DES APOTRES 164
Le patriarche Photius (ixe siecle) en avait encore un exem- Martyrium S. Matthaei in Ponto, publie pour la pre-
plaire, qu'il decrit dans son Myriobiblon, Cod, 114, t. cm, miere fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha,
col. 389, sous le titre de A.\ TWV 'AirooroXwv itspio8oi; il p. 167-189. II debute par une des plus gracieuses fictions
appelle 1'auteur Leucius Charinus; ledit exemplaire con- de toute cette litterature: 1'apparition devant saint Matthieu
tenait les Ada de Pierre, Jean, Andre, Thomas et Paul. de 1'enfant Jesus sous la figure d'un des saints Innocents,
C'etaient bien les notres, et dans leur integrite. Photius qui chantent les psaumes dans le paradis. On y a releve
les condamne fortement, comme une ceuvre entachee de des traces de gnosticisme. D'apres M. Lipsius, ces Acta
docetisme, de dualisme et d'encratisme. Cette meme col- auraient ete composes au commencement du me siecle,
lection existait en latin, et une lettre de Turribius, eveque op. tit., t. n, 2, p. 121. Les Rollandistes (le P. Stilting)
d'Astorga, ecrite vers 447, nous signale ces memes Actes ont publie le texte latin d'une legende ethiopienne de saint
d'Andre, de Jacques et de Thomas, specialiter illos qui Matthieu, qui est une legende monophysite de beaucoup de
appellantur sancti Joannis, quos sacrilege Leucius ore con- valeur pour 1'histoire du christianisme en Abyssinie, mais
scripsit, comme tres repandus parmi les Priscillianistes. qui est independante de nos Acta gnostiques. Voir Acta
S. Leonis epistolse, xv bis, 5, t. LIV, col. 694. Saint Au- sanctorum septembris, t. vi (1757), p. 220-224.
gustin nous temoigne, en plusieurs occasions de ses pole- VII. Acta S. Philippi. Des quinze Tipd^ei? ou cha-
miques contre les manicheens, que cette me'me collection pitres dont se composaient anciennement ces Acta, deux
des Actes de Pierre, Jean, Andre, Thomas et Paul, etait (la quinzieme et la seconde) ont ete publiees par Tis-
en grande faveur dans la secte, et y circulait toujours sous chendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 75-104; huit
le nom de Leucius, t. XLII, col. 539. Le decret dit du pape (la premiere, et de la troisieme a la neuvieme) par M. 1'abbe
Gelase, et qui est du commencement du vie siecle, les Batiffol dans les Analecta Bollandiana de 1890. M. Wright
condamne en ces termes: Libri omnes quos fecit Leucius, a donne la version syriaque de ces memes Acta grecs dans
discipulus diaboli, apocryphi. Mansi, Condi., t. vin, ses Apocryphal Acts of the Apostles, t. n. Ici encore nous
p. 150. II n'est pas prouve que saint Epiphane ait connu la avons affaire a une oeuvre gnostique. D'apres M. Lipsius,
collection, encore qu'il cite tous ces Acta individuellement; t. n, 2, p. 15, elle daterait du commencement ou de la pre-
mais il connaissait le nom de Leucius, et il fait de ce per- miere moitie du me siecle. Mais, de plus, nous avons affaire
sonnage un disciple de 1'apotre saint Jean, lequel aurait avec a une legende en partie localisee a Hierapolis (Phrygie),
1'apotre combattu les ebionites. Haer. LI, t. XLI, col. 897. et dont les attaches archeologiques sont manifestes. Voyez
Fictif ou non, ce personnage est celui a qui sont attribues Bulletin critique, t. xi, 1890, p. 478.
les Acta S. Johannis. II ne parait pas que les autres Acta VIII. Acta S. Bartholom&i. Nous en avons, sous
aient a 1'origine porte le nom de Leucius, ni non plus le titre de Marlyrium S. Bartholomaei, une upalt;,
qu'ils soient sortis d'une meme offlcine, encore que leur par le pseudo-Abdias, publiee en grec pour la premiere
theologie appartienne a une meme epoque et a un meme fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha,
milieu asiatique. p. 243-260, en latin a peu pres litteralement traduite dans les
V. Acta S. Pauli et S. Theclss. Us ont ete publies en Bollandistes, Acta sanctorum augusti, t. v (1741), p. 34-38.
grcc pour la premiere fois par Grabe, Spicilegium sancto- Ce qui nous reste la est tres sensiblernent entache de nes-
rum Patrum, 1714, 1.1, p. 95-144; puis par Tischendorf, torianisme. D'apres M. Lipsius, t. H, 2, p. 71, ce Mar-
Acta Apostolorum apocrypha, p. 40-63. M. Wright en a tyrium ne daterait que de la seconde moitie du ve siecle,
publie une version syriaque, Apocryphal Acts of the Apos- ou de la premiere moitie du vi; mais il dependrait d'un
tles, t. n, p. 116-145. Ces Acta, soit grecs, soit syriaques, recit purement juif, d'une date fort ancienne.
paraissent n'etre qu'une edition catholique expurgee des IX. Acta S. Barnabas. Un texte grec en a ete publie
Acta primitifs. Peu de personnages des premiers temps par le P. Papebroch, Bolland., Acta sanctorum junii,
du christianisme ont eu dans 1'ancienne Eglise une re- t. n (1698), p. 431-435, et reedite par Tischendorf, Acta
nommee comparable a celle de fhecle; elle est tenue pour Apostolorum apocrypha, p. 64-74. Ces Acta sont mis
la premiere femme martyre, et mise sur le meme rang sous le nom de 1'evangeliste saint Marc, comme les Acta
que saint Etienne des le ine siecle (ainsi Cyprien d'An- S. Bartholomssi sont mis sous le nom de Craton, dis-
tioche, Methodius, Eusebe, saint Epiphane, saint Isidore de ciple des Apotres, et ils sont un pastiche catholique des
Peluse, etc.). Au ive siecle, on montrait son martyrium Actes canoniques des Apotres. Get apocryphe, surement
aux portes de Seleucie d'Isaurie, S. Silvias oquitanse pe- anterieur a la fin du ve siecle, puisqu'il est oublie deja de
regrinatio, edit. Gammurririi, Rome, 1887, p. 73-74, au 1'auteur grec de Ylnventio reliquiarum S. Barnabas,
m6me titre que Ton montrait celui de saint Thomas a lequel est de la fin du ve siecle ou du commencement
Edesse, ibid., p. 62. C'est ce personnage, dont 1'historicite du vie, Bolland., ouvr. cit., p. 436-452; cet apocryphe,
est surtout etablie par le fait de 1'existence de son tombeau dis-je, serait, d'apres M. Lipsius, fonde sur des Acta vrai-
a Seleucie, qui a servi de theme au developpement roma- semblablement gnostiques de la seconde moitie du Hie siecle
nesque des Acta Pauli et Theclss. De ce roman saint Je- au plus tot.
rome ecrivait en 392, De viris ill. 7, t. xxm, col. 651 : X. Doctrina Addai. Elle represente ici tous les
Igitur irspioSou; Pauli et Theclae et totam baptizati leonis actes de Thaddee: c'est le recit de la mission de Thaddee
fabulam inter apocryphas scripturas computamus... Sed ( = Addai) et d'Agge"e a Edesse. Elle a ete publiee en
et Tertullianus, De Baptismo, 17, vicinus eorum tem- syriaque, qui est I'original, par Cureton, Ancient Syriac
porum, refert presbyterum quemdam in Asia <T7tov8a<m)v documents, Londres, 1864, et etudiee par M. Lipsius dans
apostoli Pauli, convictum apud Joannem quod auctor esset une monographic a part, Die edessenische Abgar-Sage,
libri, et confessum se hoc Pauli amore fecisse, loco exci- Brunswick, 1880, et tout recemment par M. 1'abbe Tixe-
disse. Le temoignage de Tertullien atteste 1'existence des ront, Les origines de I'Eglise d'Edesse, Paris, 1888. Voyez
Acta Pauli et Theclae a la fin du ne siecle, et si Ton se 1'article ABGAR de ce dictionnaire, et aussi Bulletin critique,
tient a la lettre meme de l'affirmation de Tertullien, c'est 1889, p. 41-48. La Doctrina Addai est une oeuvre catho-
a 1'epoque de Trajan (98-117) qu'il faudrait rapporter la lique de la fin du in* siecle ou du commencement du ive;
composition desdits Ada (ainsi M. Zahn). II est plus pro- mais elle a eu pour source une legende ecrite syriaque
bable que nous avons la une oeuvre encratite (plutot que plus ancienne, connue de 1'historien Eusebe, remontant
gnostique), voisine de 1'origine du montanisme: du troi- a la premiere moitie du in8 siecle, et que Ton est convenu
sieme quart du ne siecle environ. Voir Lipsius, ouvr. tit., de designer sous le nom d'Acta edessena. Des Acta
t. i, 1, p. 424-467; C. Schlau, Die Aden des Paulus und Thaddaei grecs, datant de la premiere moitie du rve siecle,
der Thekla, Leipzig, 1877; A. Rey, Etude sur les Acta mais tributaires de la Doctrina Addai, ont ete publies
Pauli et Theclae, Paris, 1890. pour la premiere fois par Tischendorf, Acta Apostolorum
VI. Acta S. Malthasi. Nous possedons en grec un apocrypha, p. 261-265.
165 ACTES APOGRYPHES DES APOTRES ADAD 166
D'autres Actes ou legendes apostoliques ont ete en cir- liste des rois dTdumee, donnee par Moise, Gen., xxxvi,
culation dans l'xancienne Eglise, mais on n'en a recueilli 31-39, et est le seul dont la mort n'est pas mentionnee. L'au-
que des traces fort effacees : des Acta SS. Simonis et teur des Paralipomenes, qui reproduit cette liste, ajoute :
Judx, des Acta S. Jacobi Zebedssi, des Acta S. Jacobi et il mourut. I Par., I, 51. II semble done qu'Adad
Alphseif des Acta S. Mathise, dont il ne reste de ves- etait encore sur le trone quand Moise dressa cette liste. Ne
tige que dans la litterature copte. Signalons enfin des Acta serait-il pas ce roi dTdumee, auquel il demanda en vain
S. Timothei, publics en grec et etudies par M. Usener, le passage par ses terres? Num., xx, 14-21. Voir IDUMEE.
Acta S. Timothei, Bonn, 1877. Us sont d'un interet tout
a fait secondaire. 3. ADAD (hebreu : Hadad; une fois 'Adad par erreur,
En resume, nous avons : du ne siecle, les Acta des III Reg., xi, 17; Septante: "A8sp), issu de la race royale
saints Pierre et Paul, de saint Jean, de saint Andre, de d'Edom, est peut-etre un descendant du precedent. Lorsque
sainte Thecle; du nie, ceux de saint Thomas, de saint Joab, a la tete des troupes de David, vint en Idumee pour
Matthieu, de saint Philippe, et ces Acta divers, a nous exterminer toute la population male, ce prince, alors tout
venus de milieux asiatiques ou phrygiens tres penetres de jeune, reussit a s'echapper avec quelques serviteurs de
.gnosticisme et d'encratisme, nous sont un element pre- son pere. II s'enfuit dans le pays de Madian, et par le
cieux pour 1'histoire de la pensee chretienne populaire desert de Pharan vint chercher un asile en Egypte. A 1'e-
a cette epoque bien obscure de son developpement. Cela poque de la guerre dTdumee, vers le milieu du regne
;soit dit de tout ce qu'il y a de dogmatique et d'ethique de David, Osochor, cinquieme roi de la vingt et unieme
dans cette litterature. Quant a tout ce qu'il y a d'histo- dynastic, ou bien Psinaches, son successeur, regnait a
rique, d'archeologique, et en un mot de tradition locale Tanis. Combien de temps Adad sejourna-t-il dans le desert
dans ces documents, on ne peut 1'indiquer ici qu'tn ou en Egypte avant de se presenter a la cour de Tanis ?
globo : 1'analyse de ces elements reels n'a pas ete faite par OnTignore. Le pharaon qui lui fit un bienveillant accueil
M. Lipsius, et 1'a ete seulement pour une faible part par fut probablement Psousennes II (Psioukhanou II), ou
M. von Gutschmid, Die Konigsnamen in den apokryphen peut-etre Psinaches, son predecesseur. II lui donna une
Apostelgeschichten, dans le Rheinisches Museum, 1864, maison et des terres pour son entretien, et le prit en telle
p. 161-183, 380-401. Le travail reste a faire, et il suffit affection, qu'il lui fit epouser la soeur de la reine Taphnes
de mentionner quelques faits, je ne dis pas comme la (voir ce nom), sa femme. Adad en eut un fils, nomme
venue de saint Pierre a Rome (les preuves en sont mul- Genubath (voir ce nom), qui fut eleve a la cour de Tanis
tiples et independantes tant du pseudo-Linus que du pseudo- avec les enfants du roi. A la nouvelle de la mort de David
Marcellus), mais comme le Domine quo vadis, la tradi- et de Joab, Adad pria le pharaon de le laisser retourner
tion des missions de saint Thomas dans 1'Inde, etc., pour dans son pays. Le recit, dans le texte hebreu et dans
marquer 1'interet d'une telle recherche. la Vulgate, est ici brusquement interrompu, etne dit pas
En outre des publications mentionnees ci-dessus de s'il obtint 1'autorisation du souverain. Ill Reg., xi, 14-22.
Thilo, Tischendorf, Wright, Lipsius, Zahn, Usener, Le JL 14 cependant donne a entendre qu'il revint en Idu-
Bonnet, Batiffol, on consultera S. C. Malan, The conflicts mee. Les Septante 1'affirment expressement : Et Ader
of the holy Apostles, an apocryphal book of the eastern (Adad) s'en retourna dans son pays. III Reg., xi, 22.
Church, translated from an Ethiopic manuscript, Lon- Le texte hebreu a subi certainement quelque alteration en
dres, 1871; J. Guidi, Gli atti apocrifi degli Apostoli nei cet endroit; car, apres avoir laisse" inachevee 1'histoire
testi copti, arabi ed etiopici, dans le Giornale della societa d'Adad, il raconte 1'episode de Razon, pour revenir en-
asiatica italiana, t. n (1888), p. 1-68; 0. de Lemm, suite a Adad et le faire regner en Syrie (^.25). Pour mettre
Koptische apokryphe Apostelacten, dans les Melanges plus d'ordre et de suite dans la narration, on a propose
asiatiques, t. x (1890), de 1'Academie des sciences de Saint- d'appliquer a Razon le f . 25 de cette facon : Outre le mal
Petersbourg; un excellent expose de vulgarisation dans que faisait Adad, il (Razon) abhorrait Israel, et il regna sur
G. Salmon, A historical introduction to the study of the la Syrie. Mais qu'ajoute cette remarque au f . 24, ou Ton
books of the New Testament, 4e edit., 1889, ch. xix : vient de dire qu'il fut etabli roi a Damas? II est beaucoup
Apocryphal Acts of the Apostles, p. 352-386. plus logique et plus simple de rattacher, avec le Codex
P. BATIFFOL. Vaticanus (\oirPolyglotte de Walton), 1'episode de Razon
ACTON Radulphe, pretre anglais, qui ecrivait vers ( f . 23, 24 et commencement du ^. 25) au ^. 14; la fin du
Tan 1320, a laisse des commentaires sur les Epitres de f . 25 devient ainsi la suite naturelle des ^. 21-22, en lisant,
saint Paul. Voir J. Leland, De Scriptoribus illustribus comme les Septante, Edom, DIN , au lieu de Aram ,
britannicis, 2 in-8, Oxford, 1709. DIN , du texte hebreu actuel, c'est-a-dire t, daleth, au lieu
de i, resch: Quand Adad eut appris en Egypte la mort
ADA, hebreu : cAddh, ornement; Septante: 'A8dt. de David , il quitta 1'Egypte et il regna en Idumee .
Cet episode d'Adad doit-il se placer au commencement
1. ADA, la premiere des deux femmes de Lamech, ou a la fin du regne de Salomon ? D'apres Ewald, Ge-
mere de Jabel et de Jubal. Gen., iv, 19, 20, 23. schichte des Volkes Israel, t. in, p. 274-281, ce fut des
le debut de ce regne que des troubles eclaterent en Idu-
2. ADA, fille d'Elon, Hetheen, epouse d'Esau et mere mee : le puissant roi les apaisa bientot. Selon Lenormant,
d'Eliphaz. Gen., xxxvi, 2,4,10,12,16. Au chapitrc xxvi, 34 Histoire ancienne de I'Orient, 9 edit., t. vi, p. 253, Adad
de la Genese, elle est appelee BASEMATH. II ne faut pas n'aurait conquis une partie de ITdumee et constitue un
onfondre Ada ou Basemath, fille d'Elon, avec Basemath, royaume qu'a la fin du regne de Salomon. Que faut-il
fllle d'Ismael, autre femme d'Esau. penser ? D'un cote, il semble bien, comme nous 1'avons
vu plus haut, qu'Adad revint dans son pays, des qu'il
ADAD, hebreu : Hadad; Septante : 'A8a8. apprit la nouvelle de la mort de David et de Joab, par
consequent des le debut de Salomon. Ill Reg. xi, 21. D'un
1. ADAD, fils de Badad et successeur de Husan dans autre cote la revolte d'Adad est donnee par 1'ecrivain sa-
le royaume dTdumee. II defit les Madianites sur les terres cre comme un chatiment des fautes de Salomon, ^. 14 et
de Moab. Le nom de sa capitale est Avith (Septante : contexte : elle doit done etre placee vers la fin de ce regne.
PeTflociV). Gen., xxxvi, 35-36; I Par., I, 46, 47. On peut tres bien tout concilier en disant avec M. Vigou-
roux, Bible et decouvertes, 5* edit., t. in, p. 423, note 1.
2. ADAD, autre roi dTdumee, successeur de Balanan. Hadad fut vraisemblablement 1'ennemi de Salomon pen-
II regna dans la ville de Phau. I Par., I, 50, 51. II est dant tout son regne, a la maniere des tribus bedouines,
appele Adar, Gen., xxxvi, 39. II vient le huitieme sur la qui cherchent toujours a piller plutot qu'a faire des con-
467 ADAD ADADREMMON 168
1
quetes; mais il ne fit de mal serieux au roi d'Israel que d'un deuil public qui ait accompagne la fin de ce roi tris-
dans les dernieres annees de ce prince. Jusque-la il avait tement celebre par son impiete. Scholia in Vet. Test.,
probablement vecu comme un chef de tribu nomade. Leipzig, 1828, vne partie, t. iv, p. 343. La seconde expli-
Tout en creant de serieuses difficultes a Salomon a la cation est, comme nous le verrons, la seule vraie; aussi
fin de son regne, Adad ne parait pas meme alors s'etre la version syriaque explique-t-elle bien la pensee en rem-
empare de toute 1'Idumee, puisque le monarque Israelite placant Hadadrimmon par fils d'Amon .
pouvait, sans etre inquiete, equiper une flotte dans son Enfin, les massoretes eux-memes semblent n'avoir pas
port d'Asiongaber, a Textremite sud de 1'Idumee. Ill Reg., compris la signification du. mot qui nous occupe, et leur
ix, 26. II fallait, pour iaire le commerce avec Ophir, que poncluation repose uniquement sur le sens vulgaire de
Salomon fut maitre de la partie occidentale de ce pays. rimmon, grenade; mais ce fruit n'a aucun rapport
La route de Palestine a Asiongaber, qui cotoie cette partie, avec la divinite dont nous parlerons tout a 1'heure.
du nord au sud, devait done etre restee libre et sure. D'un Parmi les commentateurs, Hitzig voulut d'abord recon-
autre cote, le royaume que se fit Adad ne dut pas etre naitre dans le deuil d'Adadremmon celui qu'aurait occa-
longtemps independant: nous voyons, en effet, que du sionne la mort d'Ochozias, tue par Jehu IV Reg., ix, 27.
temps de Josaphat il n'y avait pas de roi en Idumee. Mais la fin de ce roi ne fut jamais, pas plus que celle
III Reg., XXH, 48. Sous Joram, 1'Idumee, conquise par d'Achab, un deuil national pour les Hebreux. Abandon-
David, s'affranchit du joug de Juda et se donna un roi. nant du reste cette hypothese, Hitzig en inventa plus tard
IV Reg., VHI, 20-22; II Par., xxi, 8. Voir IDUMEE. une autre, que nous pouvons encore moins accepter, et
E. LEVESQUE. qui a cependant rencontre un certain nombre d'adherents:
4. ADAD, dieu syrien. Voir HADA.D 2. Movers, Merx, Wellhausen et Reuss. Voici comment ce
dernier 1'expose: Selon toute probabilite, Hadadrimmon
ADADA (hebreu: 'Ad'dddh; Septante : 'Apour)X), est le nom d'une divinite adoree par les paiens du nord
ville situee sur la frontiere meridionale de Juda, et men- de la Palestine et dans la Syrie (IV Reg., v, 18, et les
tionnee une seule fois dans la sainte Ecriture, Jos., xv, 22, nombreux noms propres composes avec Hadad), et plus
ou elle est citee entre Dimona et Cades. II n'en est pas particulierement celle du soleil printanier, dont tout le
question dans YOnomasticon d'Eusebe, mais on 1'a re- monde connait le mythe tel qu'il a ele poetiquement
trouvee de nos jours dans les ruines qui ont conserve transforme par les Grecs (Adonis). La mort du dieu (dans,
cxactement le meme nom, 'Ad'adah, a Test de Bersa- le sens symbolique et astronomique) etait celebree dans-
bee, entre cette ville et la mer Morte. G. Armstrong, tout 1'Orient par une grande fte funebre, qui a fourni le
Ch. W. Wilson et Conder, Names and places in the Old cadre d'une jolie piece de Theocrite, Idylle 13, et d'une
and New Testament, 1889, p. 4. A. LEGENDRE. belle elegie de Bion. Ce nous semble chose assez natu-
relle que le prophete predise ici aux Israelites sauves et
ADADREMMON (hebreu: Hadadrimmdn),vil\e de repentants un deuil tout aussi grand que celui de la fete
la plaine d'Esdrelon, mentionnee une seule fois, dans ce funebre du paganisme, a laquelle ils ont sans doute pris
texte du prophete Zacharie : En ce jour, il y aura un part dans leurs egarements polytheistes, comme cela nous-
grand deuil dans Jerusalem, tel que fut celui d'Adadrem- est d'ailleurs explicitement atteste par Ezechiel, vin, 14.
mon dans la plaine de Mageddon. xn, 11. Les versions La Bible, Ancien Testament, ne partie, Les Prophetes,
et les commentateurs ont donne a ce verset differentes Paris, 1876, t. i, p. 355.
interpretations, qu'il faut examiner avant d'arriver au ve- Ce rapprochement avec la vision d'Ezechiel semblait
ritable sens. donner un certain appui a 1'hypothese; elle a cependant
Les Septante ont ainsi rendu la derniere partie du texte : ete avec raison rejetee par Evvald, et surtout par Wolf
w; XOTTSTO; pofivo? ev neStw Ixxoirtofxevou, comme le deuil Baudissin, qui 1'a completement detruite. Real-Encyklo-
du grenadier coupe dans la plaine. II n'est pas neces- pddie fur prot. Theol., 2e edit., t. v, p. 493 ; Studien zur
saire de chercherici, avec saint Cyrille d'Alexandrie, une semit. Religionsgeschichte, 1876,1.1, p. 295 et suiv. II est
allusion au desespoir de 1'agriculteur qui voit couper cet vrai que Thammuz ou Adonis avait un culte celebre ea
arbre, dont il admire la beaute et apprecie 1'utilite, Com- Phenicie et en Syrie : une riviere portait son nom (aujour-
ment, in Zach., t. LXXII, col. 226; ni, avec Theodoret, une d'hui le Nahr-Ibrahim, un peu au-dessous de Byblos).
allusion au bruit des bucherons qui 1'abattent, Explan. Voir THAMMUZ. Mais est-il done croyable que le prophete
in Zach., t. LXXXI, col. 1946: la meprise des traducteurs Zacharie ait assimile la penitence d'Israel aux lamenta-
grecs est evidente. Us ont pris des norns propres pour des tions d'un culte idolatrique et souvent obscene ? Non, per-
noms communs : ainsi ils rattachent hadad a la racine sonne n'admettra que 1'homme de Dieu ait ose comparer
arabe hadda, emettre un son grave, dont le sens est la chose la plus sainte, la douleur et la mort du Christ,
parfois applique au mugissement des vagues se brisant a ces rites voluptueux auxquels se livraient les femmes
sur le rivage, cf. Gesenius, Thesaurus linguae heb., p. 365; pheniciennes dans les fetes du dieu Soleil. Le nom meme
J. F. Schleusner, Lexicon grxcum Vet. Test., Londres, d'Adadremmon s'oppose a cette opinion, car il ne convient
1829, t. in, p. 14; puis ils font de rimmon le nom d'un pas et n'a jamais ete donne a Adonis.
fruit bien connu, la grenade, ou de 1'arbre qui le pro- Ce nom, qui a recu des monuments assyriens son expli-
duit, et enfin de megiddon, le participe passe de gddad, cation definitive, se compose de deux mots, dont Schrader
couper. expose ainsi le sens : On savait deja par les ecrivains
La paraphrase chaldaique voit ici un double deuil : classiques que Hadad etait, chez les Syriens, le dieu du
1 celui de la mort d'Achab, fils d'Amri, tue par Hadad- ciel et du soleil. Macrobe, Sat. I, 23. Or les monuments
rhamon, fils de Tabrimmon, a Ramoth-Galaad, III Reg., nous montrent que ce dieu Dad, c'est-a-dire Hadad, est
xv, 18, et xxii, 29-38; 2 celui de la mort de Josias, identique a 1'assyrien Rammdnu, Rdmdnu, le dieu du
fils d'Amon, que Pharaon le Boiteux (Nechao) tua dans tonnerre et de la tempete (racine ra'am, ra'amdn,
la plaine de Mageddo. IV Reg., xxin, 29. La premiere le tonnant, 'am compense par le redoublement du
application est fausse : 1'auteur fait, sans preuve, de Ha- mem). Le meme ideogramme (AN) IM sert egalement
dadrimmon le meme personnage que Benhadad, roi de pour les deux noms; en sorte que le compose Hadad-
Syrie. L'identification fut-elle vraie, ajouterons-nous avec Rammdn indique que le dieu du ciel Hadad est ici re-
Rossnmiiller, que la grammaire et 1'histoire nous inter- garde surtout comme le dieu de la tempele , rappelant
diraient ce sens; en effet, au lieu de deuil d'Adadrem- ainsi le ZeO; Ppovrfaio?, ZeO; Ppovtwv, ou le Jupiter
mon ., il eut fallu dire deuil d'Achab , puisque la tonans . Die Keilinschriften und das alte Test.,2e edit.,
plainte avait necessairement pour objet le roi d'Israel, et Giessen, 1883, p. 454. M. de Vogue, dans la Revue archeo-
non sou meurtrier; et puis on n'a jamais entendu parlcr logique. juin 1868, t. xvu, pi. xv, n<> 28, et fig. 24, p. 440.
ADADREMMON ADAM 170
el dans les Melanges d'archeologie orientate, in-8, Paris, qu'a ce jour, et c'est devenu une loi en Israel, et Ton trouve
1868, pi. vi, n 28, texte p. 125-126, et fig. 24, texte p. 121, ce chant ecrit dans les Lamentations , recueil qui mal-
a reproduit uivdemi-ellipsoide de calcedoine et un cylindre heureusement n'est pas parvenu jusqu'a nous.
<lu Musee britannique, sur lesquels le dieu Hadad est re- Les details que nous venons de donner suffisent pour
presente avec ses attribute. Cf. Vigouroux, La Bible et les repondre a la double objection ainsi formulee par Reuss :
decouvertes modernes, 5* edit., Paris, 1889, t. m, p. 247 Mais le deuil de Josias s'est fait a Jerusalem et non a
et 249. On croit egalement reconnaitre le dieu Ramman, Hadadrimmon, et il serait assez extraordinaire qu'un pro-
sur un bas-relief de Nimroud, dans le personnage figure phete contemporain de Darius, fils d'Hystaspe, ait choisi
debout, le front orne d'une double paire de comes, por- conime exemple d'un grand deuil un evenement qui avait
tent une hache d'une main, tenant de 1'autre le faisceau eu lieu tout un siecle auparavant. Les Prophetes, t. I,
trifide, dont les Grecs armerent plus tard le bras de Jupiter, p. 355. S'il est vrai, en effet, que le corps du roi fut ramene
*t qui represente la foudre. Cf. Vigouroux, ouv. cite, t. iv, a Jerusalem, ne peut-on pas dire que les lamentations
p. 337, pi. 148, d'apres Layard, Monuments of Nineveh, sur sa mort commencerent a 1'endroit mme ou il fut mor-
1 serie, pi. LXV. tellement frappe? ou bien le deuil d'Adadremmon ne
Cependant quelques assyriologues donnent du mot qui signifie-t-il pas deuil au sujet d'Adadremmon , ou de
,nous occupe une explication differente. Fried. Delitzsch, la calamite nationale qui s'y produisit (Baudissin)? D'un
'Chaldaische Genesis, p. 269, dit que Ramanu ou Ram- autre cote, Zacharie, predisant les lamentations causees
manu signifie exalte . Wright regarde comme probable par la mort du Messie, trouvait un terme frappant de com-
la lecture Hadar-Rammon, la premiere partie, Hadar, paraison dans celles qu'avait excitees la mort du pieux
se retrouvant dans le nom de Ben-Hadar. Le sens du roi Josias, evenement toujours present a la memoire du
compose semble etre alors : Glorieux est le seul exalte. peuple. A. LEGENDRE.
Cf. Trochon, I^s petits prophetes, Paris, 1883, p. 479.
Quoi qu'il en soit de la signification, le nom ne ful ADA!A, hebreu : 'Addydh, Jehovah orne.
jamais attribue a Adonis. 11 ne peut indiquer ici qu'une
localite, ainsi appelee du dieu qu'on y adorait peut-etre 1. ADAlA. Voir HADAIA.
avant la conquete de Chanaan par les Hebreux, ou ainsi
nommee, depuis la chute du royaume d'Israel, par quelques 2. ADAlA (Septante: 'A8at), fils d'Ethan et pere de
colons syriens ou assyriens, etablis en cet endroit. Une Zara, de la descendance de Gerson, premier fils de Levi.
pareille appellation n'est pas etonnante dans un pays ou I Par., vi, 41 (26). Ancetre d'Asaph, celebre chantre. Au
Ton rencontre assez frequemment des noms de lieu rap- f . 21, il est appele ADDO.
pelant le souvenir de quelque divinite, conime Baalgad,
Jos., xi, 17, Baalthamar, Jud., xx, 33, etc. Saint Jerome, 3. ADAlA (Septante: 'ASaia), de la tribude Benjamin,
dans son Commentaire sur Zacharie, xn, 11, t. xxv, et fils de Semei. I Par., vni, 21.
col. 1515, nous parle de cette ville d'Adadremmon,
'Powvo? dans la version des Septante, qui se trouvait 4. ADAlA (Septante : 'ASata; Vulgate: Adaias, I Par.,
aupres de Jezrael, et de son temps s'appelait Maximiano- ix, 12), pretre, fils de Jeroham, revint de la captivite" de
polis, dans la plaine de Mageddon . L'ancien nom a sub- Babylone. I Par., ix, 12; II Esdr., xi, 12.
siste (comme celui de Bethsan, 1'ancienne Scythopolis,
dans Beisan), et s'est conserve dans Roummaneh, petit 5. ADAlA (Septante: 'A8ata?), pretre, descendant de
village situe a six kilometres au sud de Ledjoun, 1'an- Bani, epousa une femme etrangere apres le retour de la
cienne Mageddo, et qui, reduit actuellement a une ving- captivite. I Esdr., x, 29.
taine de miserables habitations, ne renferme aucune trace
d'antiquite, sauf quelques citernes pratiquees dans le roc 6. ADAiA (Septante: 'A8afo; Vulgate: Adaias), des-
t un puits. Cette identification, proposee par Van de cendant d'un autre Bani; prit egalement une femme etran-
Velde, parait tres legitime, dit M. V. Guerin, et s'appuie gere. I Esdr., x, 39.
non seulement sur le rapprochement, ou plutot sur 1'iden-
tite de 1'hebreu Rimmon et de 1'arabe Roummaneh, mais 7. ADAIA (Septante: 'A8afo), descendant de Juda par
encore sur le passage du prophete Zacharie, qui nous Phares. II Esdr., xi, 5.
apprend que Hadad-Rimmon etait voisine de Mageddo.
Description de la Palestine, Samarie, t. n, p. 229. 8. ADAlA (hebreu : 'Addydhu; Septante : 'ASia), pere
Si maintenant nous voulons connaitre le vrai sens du de Maasias, qui fut 1'un des quatre chefs choisis par Jo'iada
rtexte prophetique, nous le trouverons dans cette hypo- pour 1'aider a rassembler les levites et le peuple, et a faire
these, admise par la grande majorite des commentateurs, reconnaitre Joas, roi de Juda. II Par., xxm, 1-7.
<ju'il s'agit ici du deuil occasionne par la mort de Josias.
IV Reg., xxm, 29-30; II Par., xxxv, 20-25. Comme le ADALI (hebreu: Jfadlai, en repos; Septante :
roi d'Egypte Nechao marchait vers 1'Euphrate pour s'em- *EX8ai), de la tribu d'Ephra'im, et pere d'Amasa, un des
parer de la forteresse de Carchamis, point strategique principaux chefs de cette tribu, qui, a 1'instigation du pro-
important, Josias vint 1'arreter et 1'attaquer aupres de phete Oded, demanderent aux Israelites de relacher leurs
Mageddo, dans cette plaine d'Esdrelon, theatre de tant freres de Juda, faits prisonniers dans une bataille livree
<le combats illustres dans 1'histoire. Malgre les assurances centre Achaz. II Par., xxvm, 12.
pacifiques du pharaon, le roi de Juda persiste dans son
entreprise belliqueuse; mais ses troupes sont battues, lui- ADALIA (hebreu: 'Adalyff; Septante: Bapsa), cin-
meme tombe mortellement blesse par la fleche d'un archer quieme fils d'Aman, attache a la potence avec son pere
egyptien, et son corps est ramene a Jerusalem. La mort et ses freres sur 1'ordre d'Assuerus, Esth., ix, 8.
du pieux roi repandit partout le deuil et la consternation.
Avec lui le dernier soutien de la religion et du trone de 1. ADAM (hebreu : 'Adam; Septante: 'A8a(j.)? le pre-
Juda descendait dans les tombes de Sion. Les poetes de mier homme et le pere du genre humain.
1'epoque, et surtout Jeremie, le grand chantre de la dou-
PREMIERE PARTIE : HISTOIRE D'ADAM
leur, composerent des elegies, et le souvenir de ce cruel
evenement se conserva longtemps apres la captivite. Nous Adam est un nom gene>ique qui s'applique a la femme
lisons, en effet, dans le deuxieme livre des Paralipomenes, aussi bien qu'a 1'homme, parce qu'il designe 1'etre humain
xxxv, 25, d'apres 1'hebreu, que tous les chanteurs et chan- en general. Gen., v, 2. II est employe pour la premiere
leuses parlent, dans leurs chants funebres, de Josias jus- fois sans article, comme nom propre, dans Gen., m, 17.
171 172
On pense generalement que ce nom, qui signifle rouge , a reconnaitre, quelque nom qu'ils lui donnent d'ailleurs,
fut donne au premier homme a cause de la terre rouge, une double image de Dieu dans 1'homme : 1'image natu<-
'addmcih, dont il avait ete forme, Gen., n, 7; il etait relle et 1'image surnaturelle. Nous nous occuperons plus
ainsi pour lui une leQon continuelle d'humilite1. Dans la loin de cette derniere. Touchant 1'image naturelle, ils se
suite, il cut la meme signification generate que homo. sont demande dans quelle faculte de 1'ame Dieu 1'avait
en latin, et homme en francais, tandis que 'U designa principalement imprimee. Les reponses a cette question
1'homme par opposition a la femme, 'issah. sont tres diverses, les uns voyant cette image dans la
I. Creation d'Adam. L'auteur de la Genese fait deux simplicite de 1'ame, les autres dans sa spiritualite; ceux-ci
fois le recit de cette creation: il la raconte d'abord, Gen., dans son immortalite, ceux-la dans le libre arbitre, etc.
I, 26-30, comme faisant partie de la formation de 1'uni- Ces opinions, au fond, se completent les unes les autres
vers, qu'elle complete et couronne; il y revient plus loin, plutot qu'elles ne se contredisent; car toutes ces facultes
Gen., n, 7, etc., pour expliquer la maniere dont Dieu crea et prerogatives sont comme autant de rayons, et cette
le premier homme, et passer ensuite, 11, 8; v, 5, a 1'his- image est le centre d'ou ces rayons e"manent. Quant a.
toire d'Adam comme pere .et chef de 1'humanite. La crea- 1'image meme, par laquelle I'homme ressemble a Dieu
tion d'Adam cut lieu a la fin de 1'ceuvre divine, au sixieme d'autant plus qu'il est plus eleve au-dessus de la brute, elle
jour, c'est-a-dire, selon 1'interpretation qui prevaut au- est dans la raison, selon la doctrine de saint Augustin,
jourd'hui, a la sixieme epoque du monde, quand, par suite qui parait la plus communement recue. Tr. m in Joa., 4,
des evolutions cosmiques et geologiques, la temperature t. xxxv, col. 1398; cf. De Trinitate, xiv, 8, t. XLII, col. 1044.
et la composition de 1'air, 1'ordre des saisons, en un mot Dieu ajoute: Et qu'il commande aux poissons de la
toutes les conditions necessaires a 1'existence de 1'homme mer, aux oiseaux du ciel, aux betes, a toute la terre et
furent dans un point convenable. Alors, selon la maniere a tous les reptiles qui se meuvent sur la terre. Gen.,
de parler familiere aux Peres, le monde se trouva comme i, 26. Au lieuvdu singulier: qu'il commande , 1'hebreu
une maison preparee et ornee pour le pere de la famille porte le pluriel: qu'ils commandent. Get empire sur
humaine, comme un royaume pret a recevoir son souve- les animaux est done donne a Eve aussi bien qu'a Adam,
rain, celui qui elait la fin et le complement de tout 1'ou- c'est-a-dire a toute 1'humanite. En effet, comme le re-
vrage des six jours. Cf. Lactance, Div. Inst., n, 9, t. vi, marque saint Chrysostome, Adam ne s'enmit point a leur
col. 305; S. Ambroise, Epist. XLIII ad Horontianum, vue ni a leur approche, quand Dieu les lui amena pour
t. xvi, col. 1129; S. Jean Chrysostome, Horn, mi in les nommer, et Eve parla sans aucune crainte avec le
Gen., t. LIII, col. 71; Denys le Petit, De creatione homi- serpent. Homil. ix in Gen., 4, t. LIII, col. 79; cf. Bos-
ms, t. LXVII, col. 351. suet, Elevations sur les mysteres, ive sem., lre elev. Le
Et [Dieu] dit : Faisons 1'homme a notre image et a peche fit perdre a I'homme ce pouvoir; toutetois Dieu tem-
notre ressemblance. Gen., I, 26. C'est la nature hu- pera son chaliment en ne soustrayant a sa domination que
maine qui, d'apres saint Augustin, De Trinitate, I, 7, les animaux les moins utiles, tandis qu'il laissa soumises
t. XLII, col. 829, est ici designee par le mot homme, a son obeissance un grand nombre d'especes qui 1'aident
comme 1'indique la suite : II le crea a 1'image de Dieu, dans ses travaux, ou lui fournissent de quoi se nourrir
et il les crea male et femelle, et il les benit, etc. Gen., et se vetir. S. Chrysostome, Homil. ix in Gen., 5, t. LIII,
I, 27-28. Dieu s'etait contente d'un simple commande- col. 79.
ment pour produire toutes les autres creatures : Que Avec cet empire sur les animaux, confirme par une
cela soit, ou : Que la terre, que les eaux produisent; benediction speciale, le Seigneur donna a I'homme le
mais, pour creer 1'homme, il sembla entrer en delibera- domaine de toutes les plantes et de tous les arbres qui
tion avec lui-meme, comme devant un ouvrage qui depas- croissent sur la terre, afin qu'ils servissent a sa nourri-
sait tous les autres en grandeur et en importance: Fai- ture. Gen., I, 28-29. Un certain nombre de Peres et de
sons, dit-il. Tous les Peres ont vu dans ce mot 1'indi- commentateurs concluent de ce passage, rapproche de
cation d'une certairie pluralite des personnes en Dieu, soit Gen., ix, 3, que 1'usage de la viande fut interdit a 1'homme
que le Pere s'adresse au Fils, Bossuet, Elevations sur les jusqu'apres le deluge, Origene, Horn, i in Genes., t. xn,
mysteres, ive sem., 5e elev.; S. Chrysostome, Homil. vni col. 159; S. Chrysostome, Horn, xvn in Genes., 4, t. LIII,
in Gen., 3, t. LIII, col. 71; soit qu'il parle en meme temps col. 245; S. Jerome, Adv. Jovin., i, 18, t. xxm, col. 23;
au Fils et au Saint-Esprit, selon le sentiment commun. mais cette opinion est loin d'etre certaine. Voir CHAIR DES
S. Irenee, Contra hsereses, iv, prsef., et 37, t. vu, col. ANIMAUX.
975; S. Gregoire de Nysse, Orat. i* in faciamus horni- Ainsi que nous 1'avons dit plus haut, la Genese, apres
nem , etc., t. XLIV, col. 260. Des exegetes modernes ont avoir parle de la creation du premier homme comme fai-
voulu voir dans ce verbe un pluriel de majeste, qui ex- sant partie de la creation universelle, i, 26-30, revient une
primerait la plenitude de 1'etre divin. Quelque haute idee seconde fois a lui pour decrire la maniere dont eut lieu
que la raison nous donne de I'homme, la revelation sa formation, et raconter ensuite son histoire. Le Sei-
divine pouvait seule nous apprendre qu'il a ete cree a gneur, dit-elle, forma done I'homme du limon de la
1'image de Dieu, c'est-a-dire qu'il est 1'image ressen> terre. Gen., n, 7. L'hebreu met poussiere au lieu de
blante de Dieu, selon 1'interpretation de saint Augustin, limon . On voit par ces paroles que le corps de 1'homme
De Trinitate, xiv, 16, t. XLII, col. 1054; cf. Sap., n, 23, a ete tire directement de la terre. Ensuite Dieu souffla
selon les Septante, et I Cor., xi, 7. Les mots a sa res- sur son visage un souffle de vie, et I'homme devint anime
semblance ne servent qu'a donner plus de force a 1'idee et vivant, Gen., n, 7, c'est-a-dire que Dieu crea dans le
de conformite qu'exprime le mot d image . Nous corps de 1'homme une ame, un esprit. Moise a ajoute
voyons, en effet, les memes expressions employees pour sur son visage , parce que c'est la surtout que se ma-
signifier la ressemblance d'Adam et de son fils Seth, Gen., nifeste 1'intelligence et que la noblesse de ses traits revele
v, 3, et 1'Ecriture se sert separement tantot de 1'une, tantot chez 1'homme une ame bien superieure a celle des betes.
de 1'autre, pour rendre 1'idee enoncee ici. Voir Gen., i, S. Augustin, De Civit. Dei, xu, 23, t. XLI, col. 373. La
26-27; v, 1; ix, 6; Eccli., xvn, 1; Col., in, 10. Les Peres maniere dont 1'Ecriture distingue Tame du corps est la
cependant distinguent tres souvent entre 1'image et la res- condamnation du materialisme.
semblance : ils entendent la premiere d'une conformite na- Le langage de la Genese semble indiquer deux actions
turelle par 1'intelh'gence, la volonte, la liberte, etc.; tandis successives dans la creation d'Adam : d'abord Dieu lui
que la ressemblance resulterait des qualites morales, et forme un corps de la poussiere de la terre; ensuite il cree
surtout de la saintete produite dans 1'ame par la grace ha- une ame dans ce corps qui a deja une figure humaine.
bituelle. Du reste, qu'ils admettent ou non une distinction C'est ainsi que 1'a compris saint Chrysostome, Horn, xu
reelle dans le sens de ces deux mots, ils sont unanimes in Genes., 5, t. LIII, col. 103. Saint Augustin hesite en
173 174
plusieurs endroits entre la creation successive et la crea- Gen., ni, 3, prouve qu'elle la connaissait, aussi bien que
tion simultanee de 1'ame et du corps, mais il penche evi- la sanction attachee par Dieu a son commandement: Le
demment vers Ja seconde opinion, De Civit. Dei, xn, 23, jour ou vous en mangerez, vous mourrez de mort, c'est-
t. XLI , col. 373; et c'est celle qu'enseigne formellement a-dire, d'apres le sens de cet hebraisme, certainement. Gen.,
saint Thomas. Summ. th., i, q. 91, a. 4, ad &*. II sou- n, 17. Dieu ne parle pas seulement de la mort de Fame,
tient que ni le corps n'a ete fait avant 1'ame, ni 1'ame resultant de la perte de la grace et de 1'amitie divine par
avant le corps; mais qu'il y a eu creation simultanee de le peche, comme le pretendaient les Pelagiens; il a en vue
ces deux parties de 1'etre humain. Ce qui n'est pas con- la mort dans toutes les acceptions du mot, S. Augustin,
teste, c'est qu'Adam fut cree a 1'etat adulte : 1'empire Tie Civit. Dei, xin, 12, t. XLI, col. 385, et surtout^ proba-
qu'il re?oit immediatement sur les animaux, la parole di- blement, la mort du corps. Gen., m, 17-19; Rom., v, 12,
vine : Croissez et multipliez-vous, et toute la suite du 14, etc. Ce n'est pas a dire qu'a 1'instant meme de Tin-
recit le montrent; la raison seule le dit assez d'ailleurs. fraction, Adam dut 6tre frappe de mort; mais, par le
Voir Barthelemy Saint-Hilaire, Jownal des savants, 1862, seul fait du peche, il etait sujet a une mort infaillible. Le
p. 608. vrai sens de la sentence divine a ete bien rendu par Sym-
II. Elevation d'Adam a I'etat surnaturel. Nous avons maque : 6vr)TO? <TT), tu seras mortel.
vu que tous les Peres enseignent qu'Adam portait en lui- Cependant, parmi tous les etres vivants, Adam etait seul
meme, outre 1'image de Dieu imprimee dans son ame et de son espece. Dieu le lui fit sentir en lui amenant les
dans ses facultes naturelles, une autre image bien supe- divers animaux, pour voir quel nom il leur donnerait.
rieure a celle-la, et consistant dans la saintete produite par Gen., n, 19. Ce verset ne s'applique pas aux poissons; le
1'infusion de la grace divine. La formation de cette riou- premier homme et ses descendants imposerent le nom
velle image fut comme une seconde creation, cf. II Cor., aux animaux qui vivent dans 1'eau a mesure qu'ils les
v, 17, plus belle que celle du ciel et de la terre. S. Au- connurent. S. Augustin, De Gen. ad lift., ix, 12, t. xxxiv,
gustin, Tract. LXXU in Joa., t. xxxv, col. 1823. G'est col. 209. On peut etendre cette observation a d'autres ca-
1'ceuvre speciale de celui que nous appelons pour cela tegories d'etres qui n'etaient pas dans le paradis terrestre.
Esprit createur ; elle fit vivre Adam d'une vie surna- Voir Tornielli, Annales sacri, in-f, p. 68, 1620. Or le
turelle, participation de la vie meme de Dieu. Voir Ephes., nom qu'Adam donna a chaque animal est bien son vrai
iv, 24; Colos., in, 10; cf. Eccle., vu, 30. A quel moment nom , Gen., n, 19, c'est-a-dire celui qui exprime exac-
eut lieu 1'infusion de cette grace et de la saintete qui en tement sa nature et ses proprietes. Adam ne put con-
resultait? D'apres une opinion, que saint Thomas, in n, naitre cette nature et ces proprietes qu'en vertu d'une
4, a. 3, declare avoir ete la plus commune de son temps, science infuse. S. Chrysostome, Homil. xvi in Genes., 5,
Dieu n'aurait sanctifie Adam qu'un certain temps apres t. LIII, col. 116. Nul autre maitre que Dieu lui-meme n'a-
1'avoir cree; mais selon le meme saint Thomas, I, q. 95, vait pu 1'instruire ; nul maitre aussi n'avait pu lui ensei-
a. 1, dont le sentiment est le plus accredite de nos jours, gner a parler, comme il le fait en formulant, au moins
il aurait au meme instant donne a nos premiers parents mentalement, les noms des animaux.
la nature et la grace dans 1'acte meme de la creation. Adam nomma tous ces etres sans en trouver un qui
Cette ressemblance sumaturelle avec Dieu pouvait etre lui fut semblable. Gen., n, 20. Dieu dit alors : II n'est
effacee et detruite par le peche, parce qu'elle etait abso- pas bon que 1'homme soit [ainsi] seul [de son espece];
lument gratuite et independante de la nature, dont elle ne faisons-lui une aide semblable a lui. Gen., n, 18.
faisait aucunement partie; tandis que 1'image naturelle Saint Augustin affirme avec insistance que c'est en vue
de Dieu ne differe pas de la nature meme de 1'homme, de la seule propagation du genre humain que Dieu veut
et par consequent est indestructible dans la vie presente creer cette aide pour 1'homme. De Genesi ad litt., ix, 5,
comme dans la vie future. S. Bernard, Serm. I in An- t. xxxiv, col. 396. Mais d'autres Peres sont moins exclu-
nuntiat., 7, t. CLXXXIII, col. 386. C'est pour avoir meconnu sifs, et assignent encore a ce concours de la lemme plu-
cette verite que Luther et d'autres ont exagere plus ou sieurs fins differentes de celle-la. Le Seigneur Dieu en-
rnoins' les effets du peche originel. voya done un profond sommeil a Adam, et, lorsqu'il fut
III. Adam dans le paradis terrestre. Or le Sei- endormi, il tira une de ses cotes et init de la chair a sa
gneur Dieu avait plante des le commencement un jardin place. Et le Seigneur Dieu forma, avec la cote qu'il avait
de delices, Gen., n, 8, ce que saint Chrysostome explique tiree d'Adam, une femme, et il la lui amena. Gen., n,
en ce sens que, a 1'ordre de Dieu, la terre aurait produit 21-22. Le recit biblique met en evidence la dignite de la
les arbres de ce jardin. Homil. xm in Genes., 3, t. LIII, femme : deliberation divine avant sa creation comme avant
col. 108. Les mots des le commencement designent, celle de 1'homme, et pareille solennite dans 1'execution.
d'apres saint Augustin, le troisieme jour de la creation, la Le corps d'Adam est comme la terre vivante de laquelle
periode de la creation des vegetaux. De Genes, ad Utter., Dieu prend le corps de celle qui va etre sa compagne. Ce
Tin, 3, t. xxxiv, col. 374. L'hebreu peut se traduire autre- sommeil du premier homme, pendant lequel le Seigneur
ment: Et Jehovah Elohim planta un jardin dans Eden a accomplit son ceuvre, ne fut pas un sommeil ordinaire.
i'orient. Dieu voulut que ce jardin fut le sejour d'Adam. S. Augustin, Tract, ix in Joa, 4, t. xxxv, col. 1463. Ce fut
Apres done qu'il 1'eut cree, il le placa dans le paradis de une sorte d'extase dans laquelle Adam comprit le sens de
delices, afin qu'il le travaillat et qu'il le gardat, Gen., ce que Dieu operait en lui. S. Augustin, t. xxxiv, col. 408;
il, 15, pour en conserver la beaute, ce qui revient en- S. fipiphane, Hseres., 48, t. XLI, col. 861. Dieu lui fit voir
core a la culture , dit Bossuet, Elevations, ve sem., combien etroite etait 1'union du mariage, en prenant une
l^e elev. Ce travail n'avait rien de penible, puisque ce de ses cotes pour en former le corps de son epouse. II lui
jardin etait un sejour de delices. II preservait Adam des montra en meme temps par la qu'elle devait etre sa com-
dangers de 1'oisivete; il lui rappelait en mdme temps que pagne et son egale : il ne la lira pas de sa tete parce
Dieu etait son maitre, et il le tenait ainsi dans une humble qu'elle ne devait pas le gouverner, ni de ses pieds parce
dependance. S. Chrysostome, Homil. xiv in Gen., 2 , qu'il ne devait pas la regarder comme sa servante, mais
t. LIII, col. 113. Dieu aflirma encore son droit souverain et la considerer et 1'aimer comme une partie de lui-meme.
son autorite en faisant defense a Adam de toucher au fruit S. Thomas, i, q. 92, a. 3.
de 1'arbre de la science du bien et du mal, Gen., n, 17; Lorsque Adam, au sortir de son sommeil, vit la com-
mais cette interdiction meme lait eclater sa bonte et sa pagne que Dieu lui presentait, ses regards, qui n'avaient
generosite pour 1'homme, puisqu'elle s'arreta a un seul '"usqu'alors rencontre que les formes des animaux, se
arbre et laissa a sa jouissance tous les autres. Voir ARBRE reposerent enfin sur un etre semblable a lui, ayant un
DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL. Cette defense s'adressait visage et des yeux ou se refletait une intelligence semblable
a Eve comme a Adam; la reponse qu'elle fait au serpent. a la sienne, et il s'ecria : Voici maintenant 1'os de mes
175 ADAM (HISTOIRE) 176
os et la chair de ma chair. Celle-ci s'appellera 'islo (litte- paradis, repondit-il, et j'ai eu peur, parce que j'etais nu,
ralement, hommesse), parce qu'elle a ete tiree de 'is et je me suis cache. Gen., HI, 10. Dieu lui fait voir,
(1'homme). C'est pourquoi 1'homme quittera son pere et Gen., m, 11, que c'est son peche qui a mis a nu ce que
sa mere, et il s'attachera a sa femme, et ils seront deux couvrait la grace. Etrange nouveaute dans 1'homme, de
dans une meme chair, Gen., H, 23-24; ils seront trouver en soi quelque chose de honteux! Ce n'est pas
[meme] une seule chair. Matth., xrx, 6. La phrase et 1'ouvrage de Dieu, mais le sien et celui de son peche.
ils seront deux, etc., est attribute par Notre-Seigneur Bossuet, Elevations, vne sem., 3e elev. Adam, du reste,
Jesus-Christ a Dieu, qui aurait ainsi complete la pensee au lieu de reconnaitre cette bonte et de faire I'humble aveu
d'Adam. Matth., xix, 4. Si c'est Adam lui-meme qui 1'a de sa faute, dit a Dieu : La femme que vous m'avez
prononcee, il n'a pu parler ainsi que dans un esprit pro- donnee pour compagne m'a donne de ce fruit, et j'en ai
phetique, comme le disent saint Augustin, De Genesi, mange. Gen., HI, 12. C'etait faire retomber indirectement
IX, 19, t. xxxiv, col. 408, et d'autres anciens. II y en a qui son peche sur Dieu que d'accuser Eve en ces termes.
veulent que ce soil une reflexion ajoulee par rhistorien S. Augustin, De Genesi contra Manichseos, n, 17, t. xxxiv,
sacre. Dans tous les cas, c'est une verite enseignee par col. 209. Le Seigneur s'adresse alors a la femme, piiis au
Dieu, et ces paroles expriment a la fois 1'institution divine serpent, et, apres avoir inflige un chatiment a 1'un et a
du mariage et la promulgation de ses deux lois fonda- 1'autre, il revient a Adam : Parce que tu as ecoute, lui
mentales: 1'unite et 1'indissolubilite. Dieu a pu tolerer ou dit-il, la voix de ta femme (au lieu de la reprendre, et
meme permettre qu'on-s'en ecartat depuis, mais il n'en que, par une excessive complaisance), tu as mange [du
fut pas ainsi au commencement. Matth., xix, 8. fruit] de 1'arbre dont je t'avais defendu de manger, la
Le premier homme et la premiere femme etaient nus, terre sera maudite a cause de ton peche, Gen., in, 17,
nous dit la Genese, H, 25, et ils n'en avaient point honte . c'est-a-dire qu'elle sera privee de la benediction qui lui
C'etait la un des privileges de 1'etat heureux dans lequel faisait porter spontanement ses fruits. Feconde dans son
Dieu les avait crees. Ils avaient recti de lui, en effet, outre origine et produisant d'elle-meme les meilleurs fruits,
ce qui etait essentiel a leur nature, des dons qui, sans maintenant, si elle est laissee a son nature!, elle n'est fer-
appartenir a 1'ordre de la grace, etaient neanmoins tout tile qu'en mauvaises herbes. Bossuet, Elevations, vie sem.,
a fait gratuits et qu'on appelle pour cela preternaturels. 13e elev. Elle produira des epines et des ronces, et 1'homme
On en compte communement quatre : I'integrite ou ab- se nourrira de 1'herbe de la terre. Gen., in, 18. II ne faut
sence de la concupiscence; une science eminente, qui pas conclure de la, dit saint Augustin, De Genesi ad Utter.,
n'etait le fruit ni de 1'etude ni de 1'experience; 1'immor- 18, t. xxxiv, col. 290, que les epines n'existaient pas avant
talite du corps, et 1'exemption de la douleur. Ces dons, le peche de 1'homme; mais la terre du paradis n'en pro-
avec la grace sanctifiante selon les uns, sans cette grace duisait peut-etre pas, et d'ailleurs Dieu a pu permettre
selon les autres, constituaient la justice originelle ou rec- que, apres le peche, elles aient pousse avec plus de fa-
titude parfaite dans laquelle Thomme fut cree, Eccli., vn, 30, cilite et dans d'autres conditions qu'auparavant. D'autre
et qu'Adam perdit par sa desobeissance. Voir Polman, part, au lieu des fruits delicieux du paradis, qui venaient
Breviarium theologicum, part. I, n 483, Paris, 1863, sans peine, Dieu assigne a Adam une nourriture bien dif-
p. 87; Hurter, Compendium theol. dogm., 6e edit., t. n, ferente, qu'il gagnera peniblement, a savoir, 1'herbe de la
no 365, Scholion, p. 270. terre; ce qui comprend, selon la force du mot hebreu, toute
IV. Chute d'Adam. Dieu avait impose a Adam un sorte de plantes et de legumes. Ces plantes suppleeront a
commandement pour 1'eprouver. Le demon, jaloux de sa 1'insuffisance des fruits des arbres qu'il trouvera dans les
felicite, voulut le perdre; mais, au lieu de s'attaquer di- champs ou qu'il plantera lui-meme.
rectement a Adam, il s'adressa d'abord a Eve, persuade Dieu prononca ensuite contre Adam la condamnation
que par elle il ferait plus surement tomber Adam. L'eve- annoncee, Gen., n, 17 : Tu mangeras ton pain a la sueur
nement lui donna raison. Eve, seduite, mangea du fruit de ton visage, jusqu'a ce que tu retournes a la terre de
defendu et en apporta a Adam, en lui repetant sans doute laquelle tu as ete tire ; car tu es poussiere et tu retourneras
les mensongeres promesses du tentateur; ces promesses en poussiere. Gen., in, 19. Au lieu du travail agreable et
enflerent Adam de la meme presomption qu'elles avaient attrayant du paradis, Adam est ainsi soumis a un travail
inspiree a Eve. S. Chrysostome, Homil. xviin Genes., 4, penible, et cette vie laborieuse ne sera que 1'acheniine-
t. LHI, col. 130; il mangea done de ce fruit a son tour. ment vers la mort. La sentence de mort ne fut done pas
La desobeissance d'Adam fut une faute d'une gravite executee sur-le-champ, mais le travail et les peines de la vie
exceptionnelle, a cause de 1'importance du precepte qui auxquels il fut assujetti commencerent aussitot en lui leur
avait pour but de faire reconnaltre a la creature la sou- ceuvre de demolition. Adam, qui devait s'attendre a une
verainete du Createur, et a cause de la severite des me- mort immediate, temoigna sa joie de vivre et son espe-
naces dont Dieu 1'avait accompagne. Adam fut d'autant rance de se survivre dans les enfants qui lui naitraient, en
plus inexcusable, que Dieu, qui pouvait multiplier les appelant sa femme du nom d'Eve, la vivante, ou celle
commandements, lui en avait impose un seul, et des plus qui donne la vie , parce qu'elle devint la mere de tous les
faciles. II reunit de plus en un seul acte un grand nombre vivants. Gen., m, 20. Dieu lui donna dans Je paradis une
de peches : Forgueil, par lequel il voulut ressembler a derniere marque de sa bonte et comme un gage de sa
Dieu, Gen., in, 5, 22; la gourmandise, une complaisance providence : II fit a Adam et a sa femme des tuniques
coupable envers Eve. La punition suivit de pres la faute. de peau, et il les en revetit. Gen., in, 21. Ce qui veut
Aussitot qu'Adam eut mange de ce fruit funeste, les dire, d'apres plusieurs commentateurs, qu'il leur montra
yeux de 1'un et de 1'autre furent ouverts, et, comme ils comment ils devaient se les procurer, et qu'ils executerent
connurent qu'ils etaient nus, ils cousirent ensemble des ses ordres. Ces habits sont un triste indice du changement
feuilles de figuier et s'en firent des ceintures. Gen., in, 7. qui s'etait fait dans leur condition : ils en eurent desor-
Ils s'apercurent de leur nudite apres leur peche, parce mais besoin pour couvrir leur nudite, et pour se defendre
qu'ils avaient perdu le vetement de la grace, S. Chrysos- contre les injures de 1'air; la nature pourvoit au vetement
tome, Homil. xvi in Genes., 3, t. LIII, col. 131; ils trem- de tous les animaux, mais 1'homme doit se procurer lui-
blent alors et ils se cachent au milieu des arbres, lorsque, meme ses habits.
a la brise du soir, ils entendent la voix du Seigneur qui II fallut enfin quitter ce paradis, qui ne pouvait etre que
marche dans le paradis. Gen., HI, 8. le sejour de 1'innocence, et dont Adam ne devait plus
Mais Dieu appela Adam et lui dit: Ou es-tu? Gen., manger le fruit de vie. Des cherubins places a la porte de
m, 9. Adam ne pouvait se meprendre sur cette question : 1'Eden lui en interdirent 1'entree. Voir CHERUBIXS.
c'etait un reproche en meme temps qu'une parole de com- V. Adam depuis sa sortie du paradis jusqu'a sa mort.
miseration et de bonte. J'ai entendu votre voix dans le Combien de temps avait dure le sejour d'Adam dans
Ill 178
le paradis? La Genese ne le dit pas, mais c'est le senti- ainsi le type du second: celui-ci transmet la vie comme
ment unanime des Peres qu'il avait etc fort court. Ce celui-la a transmis la mort. Rom., v, 12-21. Ce contraste
premier commencement de 1'homme etait, en eflet, pour renferme en abrege toute la foi chretienne et est le fon-
lui une periode d'epreuve; il avait a faire, en usant de son dement de la religion.
libre arbitre, son choix entre la fidelite a Dieu avec la Ces enseignements de saint Paul repondaient trop bien
conservation de son bonheur, et la desobeissance avec ses aux idees d'esperance chretienne, qui sont comme la source
suites malheureuses. Or il ne fallait pas longtemps a Adam commune d'inspiration des premiers artistes Chretiens, pour
pour connaitre son devoir et la felicite qu'il s'assurerait qu'Adam ne fut pas pour eux un sujet de predilection. Son
en y restant fidele, aussi bien que le malheur qu'il s'atti- image, en effet, parait souvent dans les catacombes, re-
rerait en y manquant. produite de diverses manieres, mais ordinairement en
Quant a la vie nouvelle qu'il mena hors du paradis apres compagnie d'Eve et au moment de la chute. Ce souvenir
sa faute, le recit biblique nous en apprend fort peu de de la faute du premier Adam rappelait naturellement celui
chose; il nous en dit cependant assez pour nous faire du salut apporte par le second. I Cor., xv, 22. Parfois
comprendre que, soumis aux ordres de Dieu, il consacra meme cette idee consolante est expressement indiquee,
son existence a la penitence qui lui avait ete imposee, et soit par la presence d'un personnage representant le Sau-
qu'il travailla la terre, mangeant ainsi son pain a la sueur veur, soit par quelque embleme qui le figure. Voir Fr.
de son front)). Nousvoyons, en effet, son filsaine, Cain, Biittner, Adam und Eva in der bildenden Kunst bis
se livrer a 1'agriculture; il ne faisait sans doute que suivre Michel Angela, in-8, Leipzig, 1887.
en cela 1'exemple de son pere. Abel, le second fils d'Adam, VII. Traditions sur Adam. Les traditions de plusieurs
nous est egalement presente comme assujetti a la loi du anciens peuples sur 1'origine et la formation du premier
travail, mais sous une autre forme, celle de la vie pasto- homme ont conserve le souvenir pin., ou rnoins defigure
rale. Gen., iv, 2. L'un et 1'autre offrent des sacrifices au du recit mosa'ique.
Seigneur, ce qui nous apprend d'une maniere indirecte Chez les Semites de la Chaldee et de 1'Assyrie, nous
le culte qu'Adam lui-meme lui rendait. Gen., iv, 3-4. trouvons, sur les tablettes cuneiformes decouvertes dans
Lorsque Abel eut ete tue par Gain, Dieu donna a ses les bibliotheques des rois ninivites, sinon un temoignage
parents, pour le remplacer, Seth, qui ouvrit la serie des precis au sujet de la creation de 1'homme, du moins une
patriarches antediluviens, ancetres de Noe. Gen., iv, 25-26. affirmation indirecte de cette creation, puisque Ea, le dieu
Nous ne trouvons dans la Genese le nom d'aucun autre de 1'intelligence supreme, y est represente comme ayant
iils d'Adam. II en eut cependant d'autres, de meme qu'il forme de sa main la race des hommes , et comme ayant
eut des filles, dont aucune n'est nommee. Apres qu'Adam fait 1'humanite pour etre soumise aux dieux . Le recit
eut engendre Seth, il vecut huit cents ans, et il eut des de la cosmogonie chaldeenne, traduit en grec par Berose,
fils et des filles. Gen., v, 4. II vecut en tout neuf cent est plus explicite. Belus se trancha la tete, et du sang
trente ans. Gen., v, 5. qui en coula, petri avec de la terre, les autres dieux for-
Le sentiment commun dans 1'Eglise a toujours ete merent les hommes, qui pour cette raison sont doucs d'in-
qu'Adam recut de Dieu le pardon de sa faute, et qu'il ne telligence et parlicipent a la pensee divine. Eusebe, Chron.,
retomba plus dans 1'etat de peche. S. Irenee, Hseres., in, 23, i, 2, 5, t. xix, col. 111-112; Lenormant, op. cit., t. i,
t. VH, col. 960; S. Jerome, Breviarium in Psalmos, Ps. p. 23, et Essai de commentaire sur Berose, p. 12.
XCVIH, t. xxvi, col. 1123 ; S. Augustin, Epist. CL$IV ad Parmi les Chamites, les Pheniciens admettaient, d'apres
Evod., 3, t. xxxiii, col. 711. Cf. Sap., x, 1. L'Eglise grecque un fragment de Sanchoniathon, un premier homme,
honore Adam et Eve d'un culte public et celebre leur fete Protogonos, et une premiere femme, Mon (dont le nom
le 19 decembre. semble etre la traduction de celui d'Eve, Ifavali), qui
"VI. Adam dans le Nouveau Testament; I'ancien et inventa de manger du fruit de 1'arbre . Ils etaient issus
le nouvel Adam. Le nom et le souvenir d'Adam ne se 1'un et 1'autre du vent Calpios et de son epouse Baau (le
retrouvent que dans quelques rares passages de 1'Ancien Chaos). Un autre fragment parle de 1'autochtone, ne de
Testament, par exemple, I Par., i, 1; Sap., x, 1; Eccli., la terre , duquel descendent les hommes. Cf. Lenormant,
xvn, 1-11; Tobie, vin, 8. Dans le Nouveau, il est seule- Histoire ancienne de I'Orient, 9e edit., t. I, p. 20.
ment nomme dans 1'Epitre de saint Jude, 14, a propos Selon les croyances de 1'antique Egypte, Noum, Khnoum
d'Enoch, et dans 1'Evangile de saint Luc, qui le mentionne ou Khnoumis, le demiurge supreme, avait faconne 1'homme
comme le premier ancetre de Jesus-Christ, in, 38. Saint avec de 1'argile. Un bas-relief du temple de Denderah,
Paul lui fait une place beaucoup plus large. Nous nous qui pourrait presque servir d'illustration au texte rneme
bornerons a indiquer les passages dans lesquels il montre de la Genese, n, 7, exprime tres clairement cette croyance.
1'autorite de 1'homme sur la femme, et fobligation pour A gauche, Khnoum, assis et les bras en avant, considere
celle-ci d'obeir a son mari et de se laisser instruire par un enfant qu'il vient de fabriquer sur un tour a potier,
1'homme, loin de vouloir 1'instruire. II etablit ces verites et qui est debout et tourne a droite. De ce cote, une deesse
n rappelant qu'Adam a ete cree le premier, et que la agenouillee, Heqit, presente a ses narines une croix ansee,
femme a ete tiree de lui; que ce n'est pas 1'homme qui symbole de la vie. (Fig. 22.)
a ete cree pour la femme, mais qu'au contraire la femme Comme les enfants de Sem et de Cham, ceux de Japhet
a ete creee pour Thomme; qu'Adam ne fut pas seduit par ont conserve le souvenir de la creation de 1'homme. Ainsi,
le serpent, au lieu qu'Eve le fut. I Cor., xi, 8-9; I Tim., chez les Aryens d'Europe, 1'homme est, au dire des Grecs,
II, 11-14. Mais nous devons nous arreter plus longuc- 1'ceuvre de Promethee, qui le fabriqua avec quatre ele-
inent a la doctrine qu'il expose, Rom., v, 12-21, et I Cor., ments , et surtout avec de la terre et de 1'eau; toutefois
xv, 22, 45. L'Apotre appelle Jesus-Christ le nouvel Adam les uns placent cette formation tout a fait a 1'origine, les
ou le dernier Adam . I Cor., xv, 45. Notre-Seigneur peut, autres apres la destruction d'une premiere humanite par
en effet, etre appele le nouvel Adam, parce qu'il est le chef le deluge de Deucalion. II est juste d'observer que les
t le pere de la famille spirituelle de tous les elus, comme legendes les plus anciennes de la Grece ne font pas de
Adam est le chef de 1'humanite et le pere de tous les Promethee 1'auteur de rhomme; il y apparait seulement
hommes selon la chair; et il est le dernier Adam, parce comme lui donnant la vie et 1'intelligence par la commu-
qu'apres lui il ne viendra plus pour nous un autre chef nication du feu derobe au ciel. Dollinger, Le paganisms
et un autre pere. Chacun d'eux est chef de 1'humanite : et lejudaisme, ire partie, liv. v, 1; Lenormant, op. cit.,
mais le premier infecte toute sa race du venin de son t. i, p. 24. Les Scandinaves ont consigne dans 1'Edda
peche dc desobeissance, tandis que le second, par son 1'histoire de rimmortelle Idhuma et de Bragi, le premier
obeissance, merite a tous ceux qu'il s'incorpore une vie skalde, qui habitaient dans une parfaite innocence le de-
jiouvelle de justice et de saintete. Le premier Adam est licieux Midhgard, le milieu du monde.
179 ADAM (HISTOIRE) 180
Les traditions aryennes de 1'Asie occidentale nous pre- en deux branches, il e*tait le premier homme. II s'appelait
sentent en Perse une mythologie plus compliquee, mais Yima chez les Iraniens, et Yama chez les Indiens, et reu-
non moins significative. Un premier homme, Gayoma- nissait tous les attributs d'Adam et de Noe. Lenormant,
retan, est tue par Angromainiyus; de son sang repandu op. cit., p. 30-31.
sur la terre est produit un arbre a double tronc, ayant la Dans Fextreme Orient, 1'antique et immense empire de
22. Le dieu Khnoum fac.onnant 1'homme sur le tour a potier. D'apres Lepsius, DenkmiUer, iv, 70.
forme d'un homme et d'une femme. Ahura-Mazda separe Chine est un temoin suffisant des traditions des peuples
ces deux tiges et leur donne le mouvement, la vie et 1'in- de la race jaune. Selon un resume que le pere Ko a fait
telligence. Ainsi furent formes Meschya et Meschyana, le des vieux auteurs de ce pays, Hoangti est 1 ancien esprit
premier homme et la premiere femme. Dollinger, Lepa- qui crea 1'homme au commencement et forma les deux
ganistne et le judalsme, ire partie, liv. vi, 2; F. Lenor- sexes. II est dit, dans un autre passage, que Minhoa petrit
mant, op. cit., 1.1, p. 25-26. D'apres ces traditions, con- de la terre jaune pour en faire I'homme, et que c'est la
tenues dans le Boundehesch, Yima n'est plus que le pre- vraie origine du genre humain . Me'moires sur les Chinois,
mier roi, tandis que dans les legendes plus anciennes, t. I, p. 104. Un lettre chinois a recueilli de nos jours tout
communes a tous les Aryas orientaux avant leur separation ce qu'il a pu trouver dans les pagodes concernant les an-
181 ADAM (PALEONTOLOGIE) 182
ciennes divinites. On y voit la creation du premier homme un anthropoide, frere des anthropoldes actuels, mais plus
par un etre supreme, et 1'unite du premier couple, ayant rapproche de I'homme par ses caraeteres anatomiques ou
pour v&ement une ceinture de feuillage. Etudes reli- physiologiques; car personne ne pretend plus aujourd'hui
gieuses, mars 4890, p. 448. nous faire deriver des singes qui appartiennent a lafaune
Les traditions sur 1'origine de I'homme ont encore laisse Contemporaine, tant est conside-
des debris tres reconnaissables dans le nouveau monde et rable la distance qui nous en
chez bien des peuples sauvages. Nous en mentionnerons separe (fig. 23).
seulement quelques-uns. A Brownston (Pensylvanie), une L'opinion de Darwin, auteur
pierre, dont 1'enfouissement etait d'une date anterieure du systeme transtormiste le plus
a Christophe Colomb, portait entre autres figures deux en vogue, ne differe pas sous ce
formes humaines, un homme et une femme, celle-ci rapport de celle de son disciple
tenant des fruits a la main. Annales de la litterature et Haeckel. Lui aussi nous fait des-
des arts, t. x, p. 280. Dans 1'ile de Java, une antique cendre d'un singe inthropomor-
pierre offre un sujet dont on ne peut meconnaitre le sens: phe. C'etait, nous dit en resume
un homme et une femme se tiennent des deux cotes d'un le naturaliste anglais, un mam-
arbre charge de fruits, autour duquel s'enroule un serpent. mifere velu, pourvu d'une queue
Journal de la Societe asiatique de Londres, juin 1832. et d'oreilles pointues, qui sans
Au Perou, le premier homme s'appelle Alpa camasca, doute vivait sur les arbres et
terre animee. Les Mandans (Amerique du Nord) disent habitait 1'ancien continent.
que le Grand Esprit forma deux figures d'argile, qu'il des- II faut le dire , tous les adver-
secha et anima du souffle de sa bouche, et dont 1'une saires de la creation de 1'homme
recut le nom de premier homme , et 1'autre celui de ne nous font pas descendre du
compagne . Le grand dieu de Taiti, Taeroa, forma singe. II semble qu'aux yeux d'un 23. Cranes compares
rhomrne avec de la terre rouge. Les Dyaks de Borneo grand nombre ce soit nous faire de I'homme et de 1'orang.
croient aussi que I'homme a ete modele avec de la terre. trop d'honneur encore que de
^ L'argile rouge, comme matiere du corps du premier nous attribuer cette origine : c'est a un etage inferieur,
homme, se retrouve encore dans les traditions de la Mela- tout au plus parmi les marsupiaux ou les didelphes, qu'ils
nesie. En Nouvelle-Zelande, Tiki la petrit en y melant vont chercher nos ancetres. Du moins reconnaissent-ils
son propre sang. Chez les Winnebagos, le grand Ma- que les lois qui president au developpement general des
nitou prit un morceau de son corps et un morceau de etres s'opposent a ce que nous derivions d'un quadrumane
terre, et fabriqua ainsi un homme. Voir Andrew Lang, quelconque. De cet avis sont les professeurs Huxley, d'An-
La mythologie, p. 163,169, Paris, 1886; Fr. Lenormant, gleterre; Filippi, d'ltalie, et Vogt, de Geneve, bien que
op. cit., t. i, p. 22. ce dernier ait semble parfois nous attribuer pour ancetre
Ainsi les descendants d'Adam ont emporte sur tous les le singe actuel, et qu'un jour, peut-etre dans un moment
points du globe, en se dispersant, le souvenir de leur d'humeur, il se soit laisse aller a dire qu'il aimait mieux
veritable origine, et 1'enumeration necessairement incom- etre un singe perfectionne qu'un Adam degenere .
plete que nous venons de faire des traditions qu'ils ont C'est done a 1'origine animale de I'homme plutot qu'a.
conservees est une confirmation de la veracite du recit son origine proprement simienne que nous avons affaire.
de la Genese. E. PALIS. Ce point importe assez peu du reste; car, quelles que
soient les divergences de vues qui les separent relative-
SECONDE PARTIE ment a la genealogie humaine, nos adversaires n'en re-
LE PREMIER HOMME AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE courent pas moins aux memes arguments quand il s'agit
de demontrer leur these generale: la derivation de I'homme
On nie aujourd'hui, au nom d'une fausse science, tout d'un type inferieur. Nous pouvons done emprunter ces
ce que 1'Ecriture nous enseigne sur le premier homme. arguments a Darwin lui-meme, le chef du parti.
Nous nous proposons de repondre brievement a toutes Ces pretendues preuves sont de trois sortes. Elles con-
les difficultes qu'on allegue centre les Livres Saints en sistent : 1 dans la conformation generale du corps de
traitant les trois questions suivantes : rhomme; 2 dans le developpement de l'embryon humain;
1 Le premier homme tut-il un etre intermediate entre 3 dans la presence chez I'homme d'organes rudimenlaires.
1'animal et I'homme actuel? 2 Fut-il un sauvage? 3 A Exposons-les brievement.
quelle epoque fit-il son apparition? Premiere objection. II est notoire, dit Darwin, que
I. L'origine animate de I'homme. Pour les partisans I'homme est construit sur le meme type general, sur le
du monisme, qui admettent avec toutes ses consequences meme modele que les autres mammiferes. Tous les os de
la theorie evolutionniste, et rejettent toute idee de creation, son squelette sont comparables aux os correspondanta
il n'y a point eu a proprement parler de premier homme. d'un singe, d'une chauve-souris ou d'un phoque. II en
La translormation qui a fini par donner a un ou plusieurs est de meme de ses muscles, de ses nerfs, de ses vaisseaux
animaux places dans des conditions favorables les traits sanguins et de ses visceres internes. Le cerveau, le plus
qui nous distinguent, a ete si insensible, qu'il est impos- important de tous, suit la meme loi... L'homme, a dit
sible non seulement de fixer la date de I'apparition de Bischoff, est bien plus pres des singes anthropomorpb.es
notre espece, mais meme de dire d'un individu qu'il en par les caracteres anatomiques de son cerveau que ceux-
fut le premier representant. Le principal adepte du dar- ci ne le sont non seulement des autres mammiferes, mais
winisme contemporain, Haeckel, nous le dit formellement: meme de certains quadrumanes, des guenons et des ma-
ce passage a eu lieu avec une telle lenteur, qu'on ne caques.
peut en aucune facon parler d'un premier homme . L'homme, ajoute Darwin, a les memes maladies que
Le celebre professeur d'lena enseigne cependant que ces animaux inlerieurs. II peut en recevoir et leur com-
1'espece qui preceda la notre, et a laquelle nous devons muniquer la rage, la variole, la morve, etc., tait qui
1'existence, appartenait a la famille des singes, la premiere prouve bien evidemment la grande similitude de leurs
de 1'ordre des Quadrumanes. L'homme-singe, qu'on a tissus et de leur sang. Les singes sont sujets a un grand
appele plus savamment le pithecanthrope ou I'anthropo- nombre d'autres maladies: le catarrhe et la phtisie, par
pithegue (de Mortillet), aurait vecu vers la fin de 1'epoque exemple. Ils partagent nos gouts pour le cafe, le the, les
tertiaire, peut-etre m&ne plus tot, d'apres M. de Mor- liqueurs spiritueuses. On en a vu s'enivrer avec de 1'eau-
tillet, qui lui attribue les silex soi-disant travailJes des de-vie, du vin et de la biere forte. Ces faits prouvent,
couches miocenes de Thenay, pres de Pontlevoy. C'etait nous dit-on, combien les nerfs du gout sont semblables
i83 181
chez 1'homme et chez les singes, et combien le systeme quelque chose au -dessus de 1'animal, avait dit Bossuet,
nerveux entier est similairement affecte. nous sommes animaux. Chaque os de notre squelette a
Deuxieme objection. L'homme se developpe d'un son analogue dans le squelette du singe. II n'en est pas
ovule qui ne differe en rien de celui des autres animaux. moins vrai que tous ces os ont leur caractere propre,
L'embryon lui-mme, a une periode precoce, peut a peine leur fades, qui permettra a un anatomiste experimente
etre distingue de celui des autres membres du regne des de les reconnaitre a premiere vue. Et ce n'est la que le
vertebres. En preuve de ce qu'il avance, Darwin donne moindre des traits physiques qui nous distinguent. Seul
une double figure representant I'embryon de l'homme et parmi les mammiferes, l'homme est organise pour Fatti-
celui du chien, lesquels ne different guere que par le de- tude verticale; seul il est a la fois bimane et bipede. Sa
veloppement inegal de certaines parties. dentition et la nudite de sa peau le distinguent encore
Le naturaliste anglais ajoute, et ses disciples ont insiste du singe, dont'les canines sont de veritables defenses, et
plus encore que lui sur cet argument, que I'embryon dont la peau est remarquablement velue, surtout a la
humain presente des analogies successives des plus mar- partie dorsale, qui chez nous est la plus depourvue de
quees, au fur et a mesure de son developpement, avec poils. Comment expliquer, pour le dire en passant,
diverses classes d'animaux, en commencant naturellement le fait de la disparition de ce tegument pileux, qui, sui-
par les inferieures. vant les transformistes, eut protege notfe ancetre contre
Troisieme objection. Les organes appeles rudimen- Fintemperie des saisons? La doctrine darwiniste pretend
taires, ou simplement rudiments, par Darwin sont des expliquer, il est vrai, Facquisition des variations uliles;
organes inutiles et generalement peu developpes, dont la mais on reconnaitra que celle-ci n'est point du nombre.
presence ne s'explique, d'apres lui, que parce que l'homme Cette nudite est si peu un progres pour l'homme, que
en a herite d'ancetres chez qui, au contraire, ils etaient sous tous les climats il se croit oblige d'y suppleer par
developpes et avaient leur raison d'etre. Plusieurs muscles Fusage des vetements. Logiquement, Darwin aurait du
seraient dans ce cas, entre autres ceux qui chez les ani- faire descendre le singe de l'homme plutot que l'homme
maux servent a mouvoir 1'oreille externe, et qui chez les du singe.
orangs et les chimpanzes sont deja hors d'usage et atro- C'est bien a tort aussi qu'il cherche dans le cerveau un
phies. La troisieme paupiere ou membrane nictitante, qui argument a Fappui de sa theorie. Le poids du cerveau,
permet aux oiseaux de recouvrir rapidement le globe de compare a celui du corps, est trois lois plus considerable
Fceil, existe egalernent a 1'etat rudimentaire chez l'homme, chez l'homme que chez le singe. Les circonvolutions sont
ainsi que chez les quadrumanes et la plupart des mam- egalement plus profondes, et, chose remarquable, les cir-
miferes. On pourrait en dire autant de 1'odorat, qui rend convolutions se developpent dans un ordre inverse dans
de si grands services a certains animaux, soit en les aver- les deux cas. Chez nous, elles apparaissent d'abord sur le
tissant du danger (ruminants), soit en leur permettantde front, tandis que chez le singe celles du lobe moyen se
decouvrir leur proie (carnivores), et qui chez l'homme dessinent en premier lieu. Les darwinistes n'ont pu encore
est presque sans usage. Les polls eparpilles sur le corps expliquer cette anomalie, qui denote une origine toute
de l'homme, le duvet laineux dont le foetus humain est differente. II est evident, surtout d'apres les principes
entierement recouvert au sixieme mois, seraient egale- les plus fondamentaux de la doctrine darwiniste, observe
ment un reste du tegument pileux des animaux dont nous M. de Quatrefages, qu'un etre organise ne peut descendre
derivons. L'appendice vermiforme du ca?cum, espece de d'un autre etre dont le developpement suit une marche
cul-de-sac aujourd'hui sans utilite, nuisible meme, puis- inverse de la sienne propre. Par consequent, l'homme ne
qu'il est la cause de quelques maladies, serait aussi un peut, d'apres ces memes principes, compter parmi ses
vestige et un temoin du meme organe, tres developpe ancetres un type simien quelconque. L'espece humaine,
cette fois, qui existe chez certains mammiferes herbivores, p. 81.
ou il a sa fonction a remplir. Le squelette nous fournit II est permis apres cela de negliger les autres traits
des faits de meme nature, soit dans 1'os coccyx, qui repre- caracteristiques de notre espece. II faut croire neanmoins
sente chez nous la queue des mammiferes, soit dans une qu'ils sont bien accuses, puisque Cuvier et les autres na-
perforation qu'on rencontre accidentellement dans Fhu- turalistes, qui dans le classernent general des etres n'ont
merus humain, surtout chez les races anciennes, et qui tenu compte que des caracteres exterieurs, ont et en-
existe normalement chez le singe. Pour comprendre ces traines a faire de l'homme non seulement un genre, mais
anomalies, il suffit, dit Darwin, de supposer qu'un tout au moins une famille, meme un ordre a part. Est-il
ancetre recule a possede les organes en question a 1'etat dans la nature un seul autre etre duquel on puisse en dire
parfait, et que, sous Finfluence d'un changement dans autant?
les habitudes vitales, ils ont tendu a disparaitre par defaut Cette simple observation me semble constituer une re-
d'usage ou par suite de la selection naturelle . La des- ponse suffisante a ceux qui, dans notre camp comme dans
cendance de l'homme, t. I, p. 32. le camp adverse, pretendent qu'on ne peut, sans manquer
Reponse. Nous avons resume aussi fidelement que a la logique, appliquer le transformisme aux animaux
possible, et sans rien leur oter de leur force, les argu- sans Fetendre a l'homme lui-meme. Tous les animaux
ments que Darwin apporte a 1'appui de la theorie trans- sont relies d'assez pres les uns aux autres, surtout depuis
formiste appliquee a notre espece; nous n'avons point que la paleontologie est venue, en associant les especes
Tintention d'y repondre en detail. L'espace nous manque fossiles aux especes actuelles, combler un grand nombre
pour le faire, et ce serait chose assez inutile. Nos lecteurs de lacunes qui existaient jusque-la dans la serie generale
ont du se dire, en effet, en parcourant ce rapide expose, des Stres. Peu ftespeces constituent a elles seules autant
qu'il n'y avait rien la de bien nouveau, que la ressemblance de genres distincts, et celles qui sont dans ce cas s'asso-
physique de 1'homme avec Fanimal etait chose connue cient a d'autres genres pour former des families, et a des
depuis longtemps, et de nature a faire ressortir encore families pour former des ordres. Seul l'homme fait excep-
davantage Finfinie superiorite de Fame humaine, puisque, tion a cette regie, et, nous le verrons, la paleontologie
avec des organes presque semblables, notre espece s'est n'a fait que conflrmer son isolement. Que serait-ce si nous
elevee a une immense hauteur au-dessus de la bSte. Un prenions en consideration ses facultes intellectuelles! Alors
mot cependant sur chacun des groupes d'arguments invo- ce ne serait plus seulement une famille ou un ordre isole
ques par Darwin. qu'il constituerait, mais bien un regne, puisque la raison,
1 D'abord, le naturaliste exagere a dessein notre res- qui le distingue, ne Feleve pas moins au-dessus de 1'animal
semblance exterieure avec 1'animal. Anatomiquement, que la sensibilite, qui distingue ce dernier, ne Feleve au-
l'homme est un mammifere, et rien de plus; il y a long- dessus de la plante.
temps que nous le savions. Encore que nous ayons Nous jugeons inutile de relever les considerations de
185 186
Darwin relatives a Fidentite des maladies qui atteignent ment fausse par sa base. Une elude attentive de 1'em-
1'homme et 1'animal, et a 1'identite des remedes qui les bryogenie nous montre, en effet, que les embryons ont
guerissent. Pour vs'etonner de ces traits de ressemblance, leurs harmonies relatives a eux, bien differentes de celles
il faudrait oublier que tous les etres organises ont ete crees des adulles. Comme exemple, le professeur de Geneve
suivant un meme plan general, et obeissent aux memes cile la pretendue forme de poisson que revel transitoire-
lois physiologiques. ment 1'embryon du mammifere, et il remarque qu' un
2 L'argument puise dans le developpement embryon etre pareil n'aurait pu vivre , attendu que 1'embryon n'a
naire nous louche peu. II est vrai que l'homme debute dans eel etat ni inteslins, ni organes locomoteurs, ni
par un ovule, comme tous les animaux; si Ton en croyait cerveau, ni organes des sens propres a exercer leurs fono
Haeckel, 1'embryon humain, en se developpanl, serait meme tions . Revue scientiftque, 16 oclobre 1886.
tour a tour zoophyte, poisson, batracien, reptile et mam- Ceux done qui onl pretend u que 1'embryon humain
mifere ; mais ces pretendus etats successifs sont plus que represente tour a tour les divers groupes de la serie
contestables, et, s'ils etaient reels, ils seraient sans portee animale, en commencant par I'embranchemenl des zoo-
au point de vue de 1'origine de 1'homme. phytes, ont ete le jouet de leur imagination. Sans doute,
D'abord ils sont contestables. II ne suffit pas, en effet, il y a progres dans la vie foetale; par suite, il y a passage
que Hseckel les affirme pour que nous en soyons convairicu. par une serie de phases qui ne sont pas sans rappeler
Nous savons que la bonne foi n'est pas la qualite domi- 1'echelle ascendante qu'on remarque dans la nature; mais
nante du naturaliste d'outre-Rhin. II est aujourd'hui avere jamais 1'etre humain ne ressemble identiquemenl a un
que, pour rendre plus frappante la ressemblance des em- autre etre. Du reste, si telle etait la realile, on se demande
bryons de l'homme et de 1'animal, il a altere gravement ce que cela prouverail au poinl de vue de 1'origine de
les dessins qui ont la prevention de les representer dans l'homme. Quel rapporl necessaire y a-l-il done entre ces
1'un de ses livres. II y a longtemps qu'on en a fait 1'ob- etats transiloires el les pretendues phases par lesquelles
servation en Allemagne. A son tour, le docteur Jousset notre espece aurail passe anlerieurement ? On serail d'au-
constate une enorme difference entre 1'embryon humain tant moins autorise a conclure des uns aux autres, que, de
figure dans son livre et celui qui est represented dans le 1'aveu d'un transtormiste qui est en meme temps un emi-
Dictionnaire encyclopedique des sciences medicates. II nent geologue, M. Albert Gaudry, la paleontologie, qui
ajoute que 1'embryon du poulet, qu'il rapproche du pre- doit etre interrogee toul d'abord en pareille matiere, n'est
cedent, presente un developpement et des bourgeons pas loin d'avoir fait la preuve que le mammifere ne des-
rudimentaires qu'il n'a point en realite, mais qui ont cend point du reptile, ni le reptile du poisson.
pour resultal d'accentuer sa ressemblance avec 1'embryon 3 Les organes rudimentaires nous retiendront moins
humain. Evolution et darwinisme, p. 112. On voit si nous longtemps. On peut dire de ces organes ce que nous avons
avons nos raisons pour ne pas croire sur parole le pro- dit des pretendues phases embryonnaires : ils n'ont ni
fesseur d'lena! 1'importance ni la signification qu'on leur attribue. Leur
Au jugement des naturalistes les plus competents, les presence chez 1'homme s'explique par cette simple consi-
similitudes invoquees sont purement illusoires. Qu'il y ait deration que tous les etres organises sont soumis aux
certaines analogies entre les etats successifs que revet memes lois physiologiques.
1'embryon et les divers groupes de la serie animale, nous L'argument qu'on nous oppose a le defaut de trop
ne songeons point a le contester, et c'est chose toute na- prouver. Les organes rudimentaires sont si nombreux el
turelle, puisque dans 1'un et 1'autre cas il y a progres du de nature si diverse chez l'homme, ils se rapprochent a
simple au compose; mais de 1'analogie a une complete eel egard de tant d'animaux chez qui ils ont leur complet
ressemblance il y a loin. A aucun moment de son exis- developpement, que, s'ils supposaient une identite d'ori-
tence, enseigne un celebre anatomiste, Gratiolet, l'homme gine, il faudrail en conclure que l'homme a passe ante-
ne ressemble a une autre espece... A toutes les epoques rieurement par toutes les classes de 1'embranchement des
de la vie foetale, l'homme est homme en puissance, des vertebres. Or qui croira, par exemple, qu'il compte des
caracteres defmis le distinguent. Anatomic comparee oiseaux parmi ses ancetres, parce qu'il possede a 1'etat
du systems nerveux, p. 251. Les formes de 1'embryon embryonnaire leur membrane nictitante ? On aboutirait
out un rapport admirable avec les formes futures, dit le a des consequences plus etranges encore, si Ton s'obstinait
meme anatomiste; elles se compliquent, il est vrai, mais a voir dans ces rudiments un reste d'organes developpes
suivant un mode specifique; a toutes les epoques, en un et utilises dans un etat anterieur. Les mamelles atro-
mot, l'homme futur se devine... Une difference fondamen- phiees que possedent les males dans la classe des mam-
tale distingue notamment les formes primitives de 1'ence- miferes sont au premier chef des organes rudimentaires,
phale de rhomme a 1'etat d'embryon de celles que pre- et les plus saillants de tous. Faudra-t-il done en conclure
sentent les animaux inferieurs arrives a leur terme defi- que les males ont jadis ete des femelles? Ces rudiments
nitif; elle consiste dans ces incurvations particulieres a d'organes sont communs chez les animaux, et jusqu'ici
1'axe nerveux du capuchon cephalique de 1'embryon... 1'idee n'etait pas venue d'y voir des vestiges d'un etat
A aucune epoque, le cerveau de foetus humain n'est abso- anterieur. C'est ainsi que I'embryon de la baleine possede
lument semblable a celui d'aucun singe, loin de la; il en des dents qui ne parviennent pas a percer les gencives.
differe d'autant plus qu'on se rapproche davantage du II en esl de meme des incisives donl esl muni le veau a
moment ou ses premiers plis apparaissent. Ibid., 1'etat foetal. Est-ce a dire que la baleine et le bceuf aient
p. 248, 253. passe par des etats anterieurs ou ils avaient les dents qui
Bien que ce soient la des fails et non de pures impres- leur manquenl aujourd'hui ? Les Iransformistes eux-memes
sions personnelles, on pourrait objecter que Graliolet oseraient a peine 1'affirmer.
s'etait laisse influencer par ses prejuges favorables a la La perforation olecranienne de 1'humerus alleguee par
fixile de 1'espece el a la superiorite de la nature humaine. Darwin n'a point, en tout cas, la signification que lui at-
On ne fera pas le meme reproche a Carl Vogl, un des tribue le naturaliste anglais. De 1'aveu d'un anthropolo-
coryphees de 1'evolulionnisme et de la libre pensee; or gisle peu suspect, M. Georges Herve, elle ne peul e"tre
Carl Vogl prolesle plus energiquemenl encore que Gra- consideree comme un caraclere simien propre a cerlaines
liolel conlre les pretendues similitudes de 1'embryon races inferieures. On la rencontre aussi souvent parmi
humain et des animaux inferieurs. On a suppose, dit-il, les races superieures que parmi les inferieures, el son
que les embryons doivenl parcourir en abrege les me'mes existence est loul aussi variable chez les animaux. Dic-
phases qu'a parcourues la souche pendanl son develop- tionnaire des sciences anthropologiques, article Homme.
pemenl a travers les epoques geologiques. Cette loi, que Le meme auteur observe ailleurs, Precis d'anthropologie,
j'avais crue bien fondee pendanl longtemps, est absolu- p. 290, que cette perforation est beaucoup plus rare dana
487 ADAM (PALfiONTOLOGIE) 188
les sepultures merovingiennes que dans les sepultures On le voit, 1'anneau qui doit relier I'homnie a 1'animal
modernes. II est done faux de dire avec le commun des est toujours a trouver. Les progres de Fanthropologie,
transformistes qu'elle est d'autant plus frequente, qu'on se loin de mettre sur la voie de ce precieux chainon, auto-
rapproche davantage de 1'origine de 1'homme. Comme les risent de plus en plus a douter de son existence. Quelques-
phases de la vie embryonnaire, les organes rudimentaires uns des anthropologistes les plus favorables a la these dar-
prouvent une fois de plus qu'un plan general a preside winienne ne font pas difficulte de le reconnaitre. II
a la creation. 11s ne prouvent pas autre chose. semblait en 1869, dit 1'un d'eux, que rien ne serait plus
On voit que de tous les arguments invoques par Darwin facile que de demontrer la descendance de 1'homme du
a 1'appui de.sa these, aucun n'a la portee que leur attribue singe ou d'un autre mammifere. II a fallu beaucoup ra-
leur auteur. On ne saurait done etre surpris que l'ouv battre de ces esperances, et a 1'heure actuelle nous ne
vrage qui en contenait le developpement, le traite de la voyons meme pas la possibilite d'etablir la filiation des
Descendance de 1'homme, ait cause un certain de"sappoin- races les unes des autres. Quant au precurseur de 1'homme,
tement parmi les transformistes. Nous nous etions ima- il reste plus que jamais a 1'etat d'hypothese; et nous savons
gine que ce livre etait d'une beaucoup plus grande impor- actuellement que les hommes des ages prehistoriques ne
tance, ecrivait peu apres son apparition un admirateur se rapprochaient pas davantage des singes que les races
du naturaliste anglais. Nous ne serions pas impartial vis- actuelles. Leon Laloy, dans I'Anthropologie, aout!890.
a-vis de nos lecteurs, si nous ne confessions que ces vo- La logique demanderait peut - etre que 1'on renongat
lumes ne sont sous aucun rapport comparables a n'im- une fois pour toutes a appliquer a notre espece 1'hypo-
porte lequel des livres precedents de M. Darwin... En ce these darwinienne; mais alors il faudrait s'incliner devant
qui concerne 1'origine de 1'homme, ils contiennent moins le fait de la creation, et cette concession repugne au ra-
que nous n'en avions attendu, et les preuves qu'ils ap- tionalisme moderne. Qu'on n'aille pas du moins nous
portent a 1'appui de cette these sont a peine plus fortes imposer au nom de la science une theorie que la science
que celles que nous connaissions auparavant. The po- condamne!
pular science Review, juillet 1871, p. 292; cf. Lecomte, Ce n'est pas seulement la paleontologie qui vient a 1'en-
Le darwinisme et 1'origine de 1'homme, p. 222. contre du systeme evolutionniste applique a notre espece,
II y aurait eu pour Darwin un autre moyen de prouver c'est le principe meme du transformisme darwinien. Un
sa these: c'eut ete de nous montrer dans les couches su- ami de Darwin, Wallace, 1'a reconnu. A elle seule, dit-il,
perflcielles du globe le squelette fossile de 1'un de ces la selection naturelle, qui est la base de ce systeme, est
anthropoides qui furent, dans sa theorie, les precurseurs impuissante a expliquer 1'origine animale de 1'homme. Et
de notre espece. Le celebre naturaliste n'a garde de re- il le prouve. La selection explique sans doute le develop-
courir a cet argument. II sait bien que la paleontologie pement et la conservation des caracteres d'une utilite im-
n'a rien revele de cette sorte. II n'ose meme poser la mediate et personnelle; mais toutes les variations qu'a
question, dans la crainte que la reponse ne soit fatale a eprouvees rhomme, dans 1'hypothese darwinienne, pour
son systeme. N'est-il pas etrange, en effet, qu'aucun des passer de 1'etat simien a 1'etat actuel, n'etaient pas de cette
nombreux chainons qui dans ce systeme doivent relier nature. Quelques-uns etaient inutiles ou meme nuisibles.
1'homme aux animaux inferieurs n'ait pu encore etre re- Quel avantage avait, par exemple, 1'anthropopitheque
trouve, et que les partisans de 1'origine animale de notre qui donna naissance a 1'hommc a se defaire du tegument
espece soient reduits a faire vivre nos precurseurs plus ou pileux qui le recouvrait? Le pelage protege 1'individu
moins simiens sur un continent aujourd'hui submerge! centre le froid et centre la pluie... II aurait ete tres utile
Que penser d'une theorie qui, obligee pour se soutenir de au sauvage d'etre protege de meme. Cela est si vrai, que
faire appel a 1'inconnu, ne repose que sur des conjectures les populations infimes ont toutes imagine quelque vete-
et des hypotheses aussi gratuites ? ment pour se couvrir... La selection naturelle n'a done
Les transformistes ont pu croire un moment qu'ils pu produire la nudite du corps de 1'homme. Revue
avaient mis la main sur un de ces precieux chainons si scientifique, 23 aout 1890; cf. de Valroger, La genese des
ardemment, mais si vainement cherches. Les restes tres especes, p. 108-123.
incomplets d'un grand singe avaient ete decouverts en 1856 On en peut dire autant, d'apres Wallace, de la main
dans le midi de la France. Le paleontologiste Edouard et du larynx, qui presentent chez le sauvage une perfec-
Lartet trouva a cet anthropoide, qu'on baptisa du nom de tion qui n'est point en rapport avec le parti qu'il en tire,
Dryopitheque, des caracteres superieurs a ceux des an- et ne peut des lors s'expliquer par la selection naturelle.
thropoides actuels. On se hata d'en conclure qu'on avail Mme observation au sujet de la transformation de la main
enfin decouvert 1'un des ancetres de rhomme. Malheureu- posterieure du singe en pied. Cette transformation est loin
sement pour les theoriciens de 1'ecole transformiste, une d'etre un progres. II cut ete tres utile au sauvage de
nouvelle machoire du meme animal, plus complete et conserver cette main posterieure, dont la disparition est
mieux conservee que la precedente, a ete decouverte re- bien difficile a expliquer par la selection naturelle.
cemment dans les terrains miocenes de Saint - Gaudens. Pour rendre compte de 1'acquisition de caracteres de
M. Albert Gaudry, auquel elle a ete communiquee, et qui cette nature, Wallace est oblige de recourir a une selec-
1'a minutieusement decrite dans un savant memoire lu tion artificielle, dont 1'agent eut ete un etre superieur ,
a la Societe geologique de France, n'hesite pas a recon- sur le compte duquel il ne s'explique pas clairement,
naitre que 1'animal auquel elle a appartenu etait tres infe- mais qui eut guide la marche de 1'espece humaine dans
rieur aux grands singes actuels. M. Gaudry a d'autant plus une direction definie et pour un but special, tout comme
de merite a en faire 1'aveu, que dans une publication an- Thomme guide celle de beaucoup de formes animales et
terieure il avait emis 1'idee que c'etait peut-etre au Dryo- vegetales. La selection naturelle, trad, frang., p. 377.
pitheque qu'on devait la taille des silex, en apparence tra- C'est reconnaitre avec M. de Quatrefages qu'il est impos-
vailles, qu'on a decouverts dans les terrains tertiaires. sible d'expliquer 1'apparition de notre espece sans sortir
Aujourd'hui, devenu un peu moins ignorant, ajoute du domaine exclusivement scientifique, c'est-a-dire en
avec une franchise qui 1'honore le savant paleontologiste, s'en tenant a ce qu'enseignent 1'experience et 1'observa-
je ne tiendrais plus le meme langage. A en juger par 1'etat tion . L'espece humaine, p. 65. Quand on en est la, le
. de nos connaissances, il n'y avait en Europe, dans les temps mieux n'est-il pas de revenir a la croyance traditionnelle,
tertiaires, ni un homme ni aucune creature qui se rap- basee sur le recit biblique de la creation?
prochat de lui. Puisque le Dryopitheque est le plus eleve II. Etat social du premier homme. La science ne
des grands singes fossiles decouverts jusqu'a ce jour, nous prouve point que 1'homme provient d'une forme inferieure.
devons reconnaitre que la paleontologie n'a pas encore fourni Elle ne prouve pas meme, quoi qu'en disc 1'ecole evolu-
d'indice d'euchainement entre rhomme et les animaux. y tionniste, que les premiers hommes aient ete des sau-
189 ADAM (PALfiONTOLOGIE) 190
vages. A 1'appui de son assertion cette ecole invoque : fler un artiste de nos jours (fig. 24). Assurement il n'y a
1 la grossierete de Foutillage primitif; 2 la conforma- rien la qui denote une barbaric tres profonde.
tion plus ou moins simienne des squelettes humains con- On dira, il est vrai, que ce travail perfectionne date
sideres comme les plus anciens. Suivons-la sur ce double seulement de la fin des temps quaternaires, de 1'epoque
terrain. dite magdalenienne , et qu'il ne faut pas le confondre
1 Grossierete de I'outillage primitif. II est tres vrai avec 1'industrie tres rudimentaire de 1'epoque chelleenne,
que I'outillage des premiers habitants de 1'Europe occi- la premiere des quatre
dentale, les seuls dont il soil ici question, etaitloin d'etre subdivisions proposees
a la hauteur du notre. II se reduisait, il n'est plus permis par M. de Mortillet pour
d'en douter, a 1'usage exclusif de la pierre, de 1'os et du la periode quaternaire.
bois. Nul metal n'etait alors connu, ni surtout utilise. A cela nous repondrons
Aussi n'en a-t-on jamais decouvert une parcelle dans un que les baches ovales
terrain evidemment quaternaire et vierge de tout rema- ou en amande de la
niement. Au contraire, dans un bon nombre de localites, pretendue epoque chel-
sur les bords de la Saone notamment, comme aussi dans leenne sont deja tres
les grottes de la Charente et du midi de la France, on a superieures aux outils
trouve le metal nettement superpose a la pierre. II faut en pierre en usage chez
done le reconnaitre sans hesitation, cette derniere industrie certaines peuplades sau-
fut certainement, du moins dans nos contrees, anterieure vages , telles que les
a la premiere. En d'autres terrnes, il y a eu chez nous un Mincopies. De plus, on
age de la pierre. ne parviendra pas a
Ce qui est contestable, c'est que cet age de la pierre nous convaincre que
suppose forcement un etat de sauvagerie absolue. L'ab- 1'homme qui les a fa-
sence des metaux n'est point incompatible avec un certain briquees ait ete reduit
degre de civilisation. L'ethnographie nous offre plus d'un a ce seul outil, si outil
exemple d'une pareille association. Elle nous montre chez il y a; car on ignore
certains peuples, dont 1'industrie est des plus rudimen- encore a quel usage
taires, des idees morales et religieuses relativement elevees. elles etaient affectees,
Nulle peuplade n'est peut-etre plus remarquable a cet et 1'ethnographie ne si-
egard que les Mincopies, ces sauvages habitants des lies gnale rien de pareil
Andaman. Rien de p?us rudimentaire que leur induslrie, dans I'outillage des sau-
laquelle se reduit, nous dit M. de Quatrefages, I^es vages de 1'epoque ac-
pygmees, in-12, 1887, a 1'usage exclusif du bois, des tuelle. Si elles existent
coquilles recueillies sur la plage, et de la pierre eclatee seulesoupresqueseules - _ Renne> grand ours et mam.
au feu. Infmiment plus barbares a ce point de vue que dans certains gise- mouth graves sur os ou sur pierre
ne 1'etaient les habitants de nos contrees a 1'epoque qua- ments, c'est sans doute a 1'epoque quaternaire.
ternaire, ils ne savent ni tailler la pierre ni allumer le qu'elles y etaient 1'objet
feu, quand une fois il s'eteint. Et cependant ils ont une dune fabrication speciale; mais rien n'empeche qu'a la
religion, des principes de moralite et des connaissances meme epoque on ait travaille la pierre d'une autre fafon
traditionnelles qui les elevent bien au-dessus de la plu- dans une localite voisine. II faut meme de toute necessite
part des peuples sauvages ou simplement barbares. Loin admettre cette contemporaneite au moins de quelques-uns
de vivre dans un etat de promiscuite toute bestiale, comme des divers types de 1'epoque quaternaire, si Ton ne veut
on 1'a pretendu, ils sont monogames et d'une grande se- etre entraine a cette consequence impossible a admettre,
verite de moeurs. Quant a leurs croyances par rapport que 1'homme n'a guere eu a la fois qu'un instrument a
a la vie future et a 1'origine du monde et de 1'homme, sa disposition : la hache d'abord, le grattoir ensuite, la
elles se rapprochent etonnamment de 1'enseignement chre- fleche en troisieme lieu, et enfin le couteau. Comme s'il
tien a cet egard. On en peut dire autant des Negritos de lui avait fallu traverser trois longues periodes avant de
la presqu'ile de Malacca. Eux aussi savent allier a une decouvrir qu'une lame de silex pouvait etre utilisee comme
industrie des plus grossieres des connaissances qui em- instrument tranchant !
pechent de confondre leur etat avec la veritable sau- Le mieux est done de considerer tous les produits de
vagerie. 1'industrie humaine a 1'epoque quaternaire comme a peu
S'il en est ainsi de ces populations prises, ce semble, pres contemporains. Or, envisage ainsi dans son ensemble,
au dernier degre de 1'echelle sociale, a plus forte raison cet outillage laisse bien loin derriere lui celui de la plu-
est-il permis de croire que la barbaric de nos predeces- part des sauvages de notre temps. II faut en conclure
seurs de 1'epoque quaternaire n'etait ni aussi profonde ni que 1'homme de cette epoque leur etait moralement et
aussi abjecte qu'on s'est plu a le dire. Leur industrie socialement superieur. Le fait meme que cet homme a
etait, en effet, bien superieure a celle des Mincopies. progresse, qu'il a triomphe dans sa lutte contre les ani-
Eux du moins savaient travailler la pierre, et ils la tra- maux qui 1'entouraient, qu'il a developpe son outillage et
vaillaient avec assez d'habilete pour que nous ayons peine son industrie , prouve a lui seul qu'il n'etait point absolu-
a faire aussi bien qu'eux, meme a 1'aide de nos instru- ment sauvage; car, M. Renan 1'avoue et 1'histoire entiere
ments en metal. D'un rognon de silex ou d'un bloc de 1'atteste, on n'a jamais vu un peuple sortir par lui -meme
quartz, ils detachaient a volonte une hache, un couteau, de 1'etat sauvage. On peut dire que 1'homme primitif etait
une scie, un graltoir, une pointe de lance ou de fieche. un barbare , on ne peut, sans manquer a la verite, le qua-
Avec un os, ils fabriquaient des harpons, des Heches bar- lifier de sauvage.
belees, des poincons, meme des aiguilles: ce qui prouve Apres tout, on ne saurait juger de 1'etat de l'homme
que 1'homme usait des lors de vetements. Son industrie veritablement primitif par celui de l'homme quaternaire
s'etendait plus loin encore. Au besoin il devenait artiste, de nos contrees. Ce serait, en eflet, aller contre toutes
et artiste de talent. II nous a laisse en diverses localites, les traditions et toutes les vraisemblances , contre les de-
notamment dans les grottes du Perigord, des preuves ductions meme de la linguistique , de 1'ethnographie et
manifestes de son habilete comme graveur et comme des sciences naturelles, que de pretendre que 1'humanite
sculpteur. II a su representer avec une grande exactitude a pris naissance en Europe. II n'est pas douteux qu'elle
la plu part des animaux qui 1'entouraient. Quelques-uns ne vienne d'Asie. Si done on veut juger de son etat social,
de ces portraits revelent un talent d'imitation dont serait de sa nature et de sou industrie dans les temps qui sui-
191 ADAM (PALfiONTOLOGIE) 192
virent immediatement son apparition, c'est la qu'il faut a 1'epoque quaternaire. La conclusion, c'est qu'il faut ecarter
aller 1'etudier. Or, a notre connaissance, une seule fois le crane de Canstadt, puisqu'il est convenu qu'on ne prend
on a constate sur le" sol asiatique la superposition nette- en consideration que ceux dont 1'authenticite e-st hors de
ment marquee de diverses industries : c'est a Hissarlik, doute. M. de Mortillet n'etait pas loin de le reconnaitre,
sur I'emplacement presume de 1'ancienne Troie. Schlie- lorsque, contrairement a M. de Quatrefages, il a refuse
mann, 1'auteur de ces fouilles restees celebres, nous dit d'en faire le type de la race primitive, et qu'il a reserve
y avoir rencontre superposees les mines de sept civilisa- cet honneur au crane de Neanderthal.
tions distinctes. Or, bien loin qu'il y ait progres de la base L'origine quaternaire de ce dernier presente-t-elle
au sommet, c'est le contraire qui a lieu, au moins a partir beaucoup plus de garanties ? II est permis d'en douter. II
de la seconde couche. Cette decouverte, sur laquelle les fut recueilli, en 1856, aupres de Dusseldorf, dans une allu-
evolutionnistes affectent de fermer les yeux, est cependant vion argileuse qui, nous dit-on, a fourni quelques debris
des plus significatives. A elle seule elle nous donne une d'especes quaternaires. C'est possible, mais il convient
idee plus vraie de la marche generate de la civilisation d'ajouter qu'on a aussi trouve de la pierre polie dans la
que toutes les decouvertes qui ont ete faites dans notre meme alluvion; ce qui tend a la rapporter a 1'epoque ac-
Occident, non seulement parce qu'elle nous montre plus tuelle. De plus, rien ne prouve qu'on n'ait pas affaire a
d'industries superposees, rnais aussi parce que, etant plus une sepulture ordinaire. Le cadavre auquel appartenait
rapprochee du berceau de 1'humanite, elle plonge neces- le crane en question gisait, regulierement allonge, a deux
sairement plus loin dans le passe, et nous retrace les pieds seulement de profondeur, comme celui d'une per-
mceurs d'un peuple qu'il est bien permis cette fois de con- sonne inhumee. Or, s'il s'agit d'une inhumation, 1'asso-
siderer comme primitif, a cause de son voisinage du lieu ciation avec les especes fossiles ne prouve plus rien. Au-
qui vit apparaitre notre espece. jourd'hui encore nous enterrons parfois nos morts dans des
2 Nature des fossiles humains. La grossierete de terrains riches en fossiles des diverses epoques geolo-
1'outillage a 1'epoque quaternaire ne prouve done point giques. Le chercheur futur qui constatera cette association
que le premier homme ait ete un pur sauvage, encore sera-t-il done autorise a en deduire la contemporaneity de
moins qu'il ait eu 1'origine animale que 1'ecole darwinienne 1'homme et des especes animales dont les debris accom-
se plait a lui attribuer. La nature des debris humains pagnent les siens?
fossiles le prouve-t-elle da vantage? Nous pourrions done recuser le crane de Neanderthal
Le nombre des ossements humains qui meritent d'etre aussi bien que celui de Canstadt. Mais faisons a nos ad-
appeles fossiles, c'est-a-dire qui remontent au moins a versaires la concession de reconnaitre cette authenticite.
1'epoque quaternaire, est loin d'etre aussi considerable Qu'en faudra-t-il conclure? II est vrai que le front est
qu'on 1'avait pretendu au debut des etudes prehistoriques. etroit, la voiite cranienne surbaissee et tres allongee, les
Ceux memes qui pretendent avec M. de Mortillet que os fort epais et les arcades sourcilieres remarquablement
1'homme, ou plutot son precurseur, est apparu des 1'epoque proeminentes; mais rien ne prouve que ce crane ne soit
tertiaire, reconnaissent qu'on n'a encore decouvert aucun pas pathologique, comme on 1'avait cru au debut. Si au-
debris humain remontant authentiquement a cette epoque: jourd'hui on le
ce qui ne les a pas empeches de decrire minutieusement considere comme
et de repartir en especes distinctes cet ancetre tertiaire, n o r m a l , c'est
qu'ils ont decore du nom d'Anthropopitheque. Pour ceux qu'on a trouve
qui, comme nous, s'en tiennent uniquement aux faits, les memes carac-
1'homme quaternaire est done seul en cause. teres chez divers
On pourrait citer au moins une quarantaine de localites personnages his-
ou Ton a decouvert des squelettes ou fragments de sque- toriques et chez
lettes humains remontant en apparence a 1'epoque qua- un certain nom-
ternaire. Malheureusement, la plupart de ces debris hu- bre de nos con-
mains avaient, aux yeux de nos evolutionnistes, le defaut temporains dont
de trop ressembler a 1'homme actuel. Pour ce motif, M. de Fintelligence est
Mortillet en a elimine les trois quarts; il n'en a retenu au moins egale a
que neuf, naturellement ceux qui avaient les formes de- la moyenne. Par
sirees et tendaient a confirmer 1'origine animale de notre sa capacite, le
espece. Les pieces auxquelles il a reserve cet honneur crane de Nean-
comprennent six cranes, deux machoires et un squelette derthal (fig. 25)
a peu pres entier. Les cranes ont ete trouves a Canstadt est superieur aux
(Wurtemberg), a Neanderthal (Prusse rhenane), a Eguis- cranes des Aus-
heim (Alsace), a Brux (Boheme), a la Denise (pres du traliens, et il at-
Puy-en-Velay), et dans la tranchee de 1'Olmo (Italic); teint presque la
les machoires, dans les grottes de la Naulette (Belgique) moyenne des cra-
et d'Arcy-sur-Cure (Yonne); enfin le squelette, aLaugerie- nes leminins. II
Basse (Dordogne). Jetons sur chacun de ces precieux de- mesure 1220 cen- 25. Crfine de N6anderthal, vu de profit
bris un rapide coup d'oail au point de vue de 1'authenticite timetres cubes, et de face.
et de la forme. alors que le plus
Le crane de Canstadt, le plus anciennement recueilli, vaste crane de singe mesure jusqu'ici n'atteint que 355 cen-
puisque sa decouverte remonte a 1'an 1700, fut trouve timetres. On le voit, quel que soit son age, le crane de
dans la localite de ce nom, tout pres de Stuttgart, associe, Neanderthal n'a rien de simien, et 1'ecole transformiste
nous dit-on, a des os d'elephant, d'ours et d'hyene. Les n'a qu'a chercher ailleurs le trait d'union qu'elle pretend
evolutionnistes, qui 1'ont acclame a cause de sa forme exister entre 1'homme et la bete.
passablement grossiere, sont obliges de reconnaitre que Nous passerons rapidement sur les cranes d'Eguisheim^
des doutes serieux planent sur son authenticite. On croit de Brux, de la Denise et de 1'Olmo. Us reproduisent, en
maintenant a Stuttgart, dit un admirateur de M. de Mor- les attenuant, les traits des precedents, et leur authenti-
tillet, M. Ph. Salmon, qu'il n'etait pas dans le sein du cite est presque toujours discutable. Le premier a ete
gisement quaternaire, et qu'il a ete trouve dans les eboulis trouve, il est vrai, dans un lehm ou alluvion argileuse
de la falaise avec de la poterie. Dictionnaire des sciences qui semble bien quaternaire. Cependant on a decouvert
anthropologiques, art. Races humaines. Or c'est un dogme, dans ce meme lehm, et a une profondeur considerable,
en prehistoire, que la poterie n'etait point encore connue trois cadavres, dont 1'un au moins avait du etre inhume \.
193
car il portait sur la poitrine un vase recouvert d'une des plus accentuees; que les molaires allaient en croissant
pierre, et pres de lui se trouvaient d'autres vases de meme d'avant en arriere, comme chez les singes; enfin, chose
nature, ainsi qu'une hache en pierre polie. Inhumation, plus grave, que 1'apophyse geni, eminence osseuse sur
poterie et pierre polie sont, d'apres 1'enseignement de laquelle s'inserent les muscles de la langue, faisait tota-
1'ecole, autant d'indices de 1'epoque actuelle. On pre- lement defaut; d'ou Ton concluait que 1'etre auquel elle
tendra sans doute que la presence de ces objets a une appartenait n'etait pas encore pourvu du langage articule.
pareille profondeur tient a un remaniement des terres; M. Topinard a demontre que tout cela etait faux ou gra-
mais pourquoi exclure le crane d'Eguisheim de ce rema- vement exagere; que, particulierement, 1'apophyse geni
niement? existait reellement, et que si on ne 1'avait pas vue plus
Meme incertitude au sujet du crane de Brux. Le rapport tot, c'etait tout simplement faute d'avoir enleve la terre
qui nous 1'a fait connaitre, et qui date seulement de 1872, qui la recouvrait. Ainsi tombe tout un echafaudage datant
dit expressement que, dans 1'alluvion ou il gisait, on a de vingt ans, conclut le docteur Topinard. Nous ajou-
trouve une hache en pierre polie. Comme on ne signale terons : Ainsi deviennent evidentes et la temerile de cer-
d'autre part la presence en cette couche d'aucune espece tains savants qui se hatent d'affirmer sans preuves les
quaternaire, il est bien permis de revoquer en doute la faits favorables a leurs systemes, et 1'excessive docilite du
date qu'on lui assigne. troupeau qui les suit.
Le crane et les autres ossements humains decouverts Une seconde machoire dont 1'origine quaternaire ne
des 1844 dans un tuf volcanique, aupres du Puy, sont semble pas moins bien etablie est celle que le marquis
probablement encore moins anciens que les precedents. de Vibraye trouva, en 1859, dans 1'assise inferieure de la
Personne ne croit plus aujourd'hui qu'ils sont contempo- grotte d'Arcy-sur-Cure (Yonne); mais elle ne saurait nous
rains du mastodonte, comme on 1'avait pense tout d'abord. retenir; car, de 1'aveu de M. de Mortillet, les caracteres
Le tuf volcanique dam; lequel ils etaient comme enchasses simiens n'y sont guere accuses. Aussi le chef de 1'ecole
est evidemment tres recent, puisqu'il surmonte des allu- prehistorique la rattache-t-il, sans nulle autre raison, a la
vions quaternaires. Ils peuvent meme etre posterieurs a derniere partie de 1'epoque quaternaire.
la formation de ce tuf, et, par suite, aux dernieres erup- La derniere piece que M. de Mortillet attribue aux temps
tions volcaniques de la Denise. Deux geologues competents, quaternaires est un squelette decouvert, en 1872, dans le
Hebert et Lartet, qui ont visite la localite en 1857, ont gisement de Laugerie - Basse, sur les bords de la Vezere.
cru y reconnaitre les traces d'une sepulture. Quelle que Cette fois, il a la prudence de n'en rien deduire par rap-
soit leur nature, ces ossements ne peuvent done nous port a 1'homme primitif, et il a raison, car le crane a ete
donner aucune indication utile sur la question de 1'origine completement ecrase par la chute d'un rocher, et il est
de 1'homme. impossible d'en recomposer la forme. Quant a la capacite,
Reste le crane troupe1, en 1863, dans la tranche1 e de un de ses disciples et amis, M. Salmon, admet qu'elle
1'Olmo, pres d'Arezzo (Italic). Cette fois 1'authenticite devait etre superieure a la moyenne de nos jours .
n'est pas douteuse, car il a ete trouve a quinze metres Nous avons epuise la liste des ossemenls humains fos-
de profondeur, et dans le siles reconnus comme tels par le principal representant
voisinage d'ossements d'a- de la science prehistorique. II resulte du rapide examen
nimaux caracteristiques des que nous en avons fait que 1'authenticite du plus grand
temps quaternaires. Nous nombre est contestable. S'il en est qui presentent a cet
avons d'autant moins de egard toutes les garanties desirables, il se trouve precise-
raison de la contester, que, ment qu'on n'y rencontre plus les traits quelque peu simiens
de 1'aveu deM.de Mortillet, entrevus chez les autres.
ce crane n'a aucun des II ne faut pas oublier en outre que les neuf pieces qui
traits simiensqu'il attribuea precedent ont ete triees arbitrairement parmi plus d'une
1'homme primitif. La forme quarantaine. Tout naturellement on a eu soin de laisser
est allongee, il est vrai; de cote celles dont la conformation, trop semblable a la
mais cette forme, la doli- notre, ne s'accordait point avec la doctrine evolutionniste.
chocephalie, s'allie fort bien Avait-on du moins pour excuse les conditions de gise-
avec une intelligence deve- ment? L'association avec les especes quaternaires etait-
loppee. Voir fig. 26. elle moins intime, ou les traces de remaniement plus
Les caracteres simiens, apparentes? En aucune fajon. Envisagees a ce point de
si ardemment cherches par vue, les trente ou quarante pieces que M. de Mortillet
nos evolutionnistes, se re- a delaisse"es ne presentent pas moins de garanties que les
trouvent-ils davantage sur precedentes. Tous les prehistoriens qui n'ont point sur les
la machoire decouverte en yeux 1'epais bandeau des prejuges evolutionnistes ont pris
1865 dans la caverne de la en consideration les uns et les autres. M. de Quatrefages,
26. Examples de brachyce-
phalie et de dolichocephalic Naulette, pres de Dinant qui range dans sa race de Cahstadt les neuf pieces admises
(cr&ne court et crane long). ( Belgique) ? On 1'a cru par M. de Mortillet, a constitue avec celles qu'il rejette
longtemps. Nous - mme, cinq autres races, egalement quaternaires a ses yeux :
dans une precedente publication, L'dge de la pierre celles de Cromagnon, de Grenelle, de la Truchere, et les
et 1'homme primitif, p. 145, n'osant meconnaitre ni son deux de Furfooz (Belgique). M. Hamy, un autre anthro-
antiquite, que demontrait sa situation au milieu d'es- pologiste autorise et peu suspect, auteur d'un Traite de
peces quaternaires, ni son caractere, que tous les an- paleontologie humaine, met sur le meme pied toutes ces
thropologistes s'accordaient a qualifier de simien, nous pieces au point de vue de 1'antiquite.
en etions reduit a invoquer centre les theories auxquelles Or est-il etonnant que, sur le nombre, il s'en trouve qui
elle servait de base 1'adage bien connu: Testis unus, testis presentent des traces au moins apparentes d'une reelle
nullus. Depuis lors, un savant anthropologiste, peu suspect degradation? Nous 1'avons dit, m&ne a 1'epoque actuelle
de vouloir alterer les fails en faveur de la cause spiritua- et au sein de nos societes civilisees, il n'est pas rare de
liste, le docteur Topinard, a fait de cette machoire une rencontrer le prognathisme et la dolichocephalic (crane
etude approfondie, qui contredit presque sur tous les points allonge), 1'etroitesse du crane et la preeminence des ar-
la description qu'on en avait donnee primitivement. Revue cades sourcilieres. A plus forte raison, ces caracteres d'in-
d'anthropologie, juillet 1886; cf. La science catholique, feriorite relative devaient-ils se produire aux epoques
avril 1887. On avait dit que la machoire etait depourvue de barbarie qui precederent notre civilisation. II n'est
de menton, qu'elle de~notait un prognathisme ou une saillie pas douteux que la misere ue degrade les traits, et que
DICT. DE LA BIBLE. I. 9
195 196
Ic bien-etre et la culture intellectuelle ne les cnnoblissent. en face des deeouvertes recemment faites dans le domaine
On a fait la remarque, il y a deja longtemps, que les Ir- des sciences naturelles.
landais du nord-onest, qui avaient specialement souffert Nous sommes d'un avis tout different. S'il y avait lieu
de la persecution protestante, avaient perdu la noblesse de reculer de quelques milliers d'annees la date de la
de traits de leurs compatriotes moins miserables. Par creation de 1'homme, ce serait selon nous 1'histoire qui
centre, on a observe bien des fois que 1'exercice des fa- en ferait une obligation, non la geologic ni I'archeologie
cultes intellectuelles developpe le cerveau, notamment la prehistorique. La chronologie egyptienne, si incertaine
region frontale. II ne serait done pas etonnant que les qu'elle soit elle-meme pour ses debuts, nous reporte a
cranes actuels 1'emportassent pour la forme et la capacite trois ou quatre mille ans avant J.-C., c'est-a-dire a une
sur les cranes fossiles; cependant il s'en faut que cette date anterieure a celle que la plupart des supputations
superiorite soit constatee, car s'il est des cranes fossiles basees sur la Bible attribuent au deluge. A moins done de
ou presumes tels qui n'atteignent pas la moyenne actuelle, soustraire le peuple egyptien aucataclysme diluvien, comme
il en est aussi, ceux de Cromagnon (Dordogne) (fig. 27), on 1'a propose, a moins encore de placer avant le deluge
par exemple, qui la de- les premieres dynasties pharaoniques, ce qui ne parait
passent de beaucoup. Nous guere admissible, il faut necessairement accroitre 1'inter-
avons vu ci-dessus un an- valle compris entre Noe et Abraham. Quoi qu'on en dise,
thropologiste de 1'ecole ni la geologic ni I'archeologie prehistorique n'ont de ces
avancee, M. Leon Laloy, exigences. Montrons-le brievement.
reconnaitre que les hom- On sail que les geologues ont partage 1'histoire du globe
mes prehistoriques ne se en quatre grandes epoques, de durees tres inegales, qu'ils
rapprochaient pas plus du ont appelees, suivant leur ordre : primaire (ou de tran-
singe que . nos contempo- sition), secondaire, tertiaire et quaternaire. Leur duree,
rains; nous trouvons le impossible a evaluer en nombre d'annees, diminue tres
meme aveu sous la plume rapidement de la premiere a la derniere. C'est au point
27. Crane de Cromagnon. d'un autre anthropologiste que celle-ci, 1'epoque quaternaire, merite a peine d'entrer
qui n'est pas non plus sus- en comparaison avec ses ainees, tellement elle a ete courte.
pect, M. de Lapouge: ft Les cranes d'aujourd'hui, ecrivait-il Aussi n'est-ce guere qu'en France qu'on lui a donne le
en 1887, n'indiquent pas des etres plus parfaits que les rang de grande epoque geologique. Plus sages que nous,
cranes quaternaires, le type de Neanderthal excepte. les Anglais en ont fait une sorte de supplement a la periode
Revue d'anthropologie, septembre 1887. pliocene, troisieme partie de 1'epoque tertiaire, et 1'oht
En somme, les partisans de 1'origine animale de notre appelee en consequence postpliocene. Ce tcrme indique
espece doivent en prendre leur parti, et renoncer a invo- mieux assurement que notre mot quaternaire sa place
quer la paleontologie humaine a 1'appui de leur systeme. reelle dans 1'histoire du globe.
L'homme quaternaire, a dit M. de Quatrefages, est tou- A laquelle de ces epoques 1'homme est - il apparu ?
jours 1'homme dans 1'acception entiere du mot. Tout Tout le monde admet que ce n'est ni a 1'epoque primaire
prouve qu'il etait mme considerablemcnt au-dessus du ni a 1'epoque secondaire; ce qui est deja reconnaitre la
sauvage contemporain. Et pourtant, nous 1'avons dit, ce date recente de sa venue, attendu que ces deux epoques
n'etait pas la veritablement 1'homme primitif. De celui-ci, constituent peut-6tre ensemble les neuf dixiemes des temps
la science prehistorique n'a rien a dire, sinon qu'il habita geologiques. Le doute commence a 1'epoque tertiaire. Des
probablement 1'Asie, et que ce pays, civilise sans doute geologues, doues, il est vrai, d'un peu d'imagination, ont
des 1'origine, ne semble pas avoir jamais passe par un age pretendu avoir decouvert dans les terrains miocenes, qui
de la pierre. 11 s'en faut done que le peu qu'elle nous representent la partie moyenne de cette epoque, des silex
ait appris aille a 1'encontre des donnees bibliques sur 1'etat tallies artificiellement. Or tout travail suppose un ouvrier;
social du premier homme. et quel cut ete 1'ouvrier, sinon 1'homme lui-mSme ou
III. L'dge de Vhomme d'apres I'archeologie prehisto- le precurseur que lui assigne la theorie evolutionniste?
rique. L'homme a apparu en Europe avec le com- La decouverte de ce genre qui a eu le plus de reten-
mencement du quaternaire, il y a au moins 230 000 tissement a ete a coup sur
a 240000 ans. Le prehistorique, p. 628. Voila ce que celle que fit, vers 1865,
nous lisons dans un livre ecrit par M. de Mortillet, 1'un 1'abbe Bourgeois, supe-
des chefs et des fondateurs de la science prehistorique. rieur du college de Pont-
On le voit, nous sommes loin de la chronologic biblique. levoy, dans les terrains
Si elastique que puisse etre cette chronologic, si large tertiaires de Thenay
que Ton soit dans son interpretation, on ne peut evidem- (fig. 28). La conviction
ment songer a 1'etendre dans cette mesure. Aussi M. de de 1'abbe Bourgeois en-
Mortillet n'est-il que logique, lorsqu'il se moque de ceux traina celle d'un certain
qui continuent a enseigner religieusement qu'Adam est nombre d'anthropologis-
le premier homme . Diet, des sciences anthropologiques, tes des plus autorises,
art. Antiquite de 1'homme. Si notre espece remonte aussi parmi lesquels il faut
haut qu'il I'affirme, il faut immediatement reconnaitre que compter M. de Quatre-
la Bible fait erreur. Le personnage qu'elle nous presente fages. Cependant de nou-
comme le pere de 1'humanite ne peut etre tout au plus velles recherches et uix
que le pere du peuple juif, lequel dans son orgueil se examen plus attentif des 28. Silex tertiaires de Thenay
serait, comme on 1'a dit, substitue au genre humain tout silex et de leur gisement (Loir-et-Cher).
ntier. ont fini par demontrer
II s'en faut heureusement que les evaluations chrono- qu'on avait fait erreur. On pense aujourd'hui presqne
logiques de M. de Mortillet s'imposent a notre acceptation. universellement que les silex en question n'ont jamais
(Test a peine si elles ont ete prises au serieux dans son ete tailles que par la nature, et que le craquelage ou fen-
propre camp. Les adeptes les plus autorises de la science dillement que quelques-uns presentent est le resultat non
pr^historique n'hesitent pas a reconnaitre qu'il est impos- d'un feu artificiel, mais d'une action chimique qui s'est
sible d'arriver a determiner avec quelque precision, avec produite accidentellement au sein des couches calcaires
les seules donnees de la prehistoire, la date de 1'apparition qui les contenaient. Tel a et 1'avis a peu pres unanime
de 1'homme. Us n'en sont pas moins a peu pres d'accord des nombreux geologues et anthropologistes qui visiterent
pour affirmer I'insuffisance de la chronologie traditionnelle le gisement de Thenay en 183i, a 1'occasion du congres
197 ADAM (PALfiONTOLOGIE) 198
scientiflque que tint cette anne'e a Blois 1'Association fran- mellement aujourd'hui ce qu'ils affirmaient hier, a savoir,
caise pour 1'avancement des sciences. Fexistence de 1'homme ou de son precurseur a l'e"poque
Cette decouverte, aujourd'hui presque universellement tertiaire, et proclament tout au moins 1'insuffisance absolue
abandonnee, est de beaucoup la plus serieuse de celles des preuves apportees jusqu'ici a 1'appui de cette these.
qui ont ete produites en faveur de 1'existence de 1'homme (Pour plus de details, nous ne pouvons que renvoyer le
ou de son ancetre plus ou moins simien a 1'epoque ter- lecteur a ce que nous avons ecrit sur cette question dans
tiaire. M. de Mortillet, qui persiste a la considerer comme la Revue des questions scientifiques, t. v, p. 36 et 361;
probante, en invoque cependant deux autres a 1'appui de dans La controverse, novembre et decembre 1884, et aussi
sa these, celles qu'ont faites dans le Dictionnaire apologetique de la foi chretienne,
MM. Rames et Ribeiro, le 1889, art. Anthropopitheque et Tertiaire. Voir aussi le
premier a Aurillac (fig. 29), recent travail de M. Adnen Arcelin sur le meme sujet
le second a Otta, pres de dans le Compte rendu du premier congres scientifique
Lisbonne (fig. 30). La en- international des catholiques [1888], et aussi dans la Revue
core il s'agit de silex qu'on des questions scientifiques, Janvier 1889.)
soupconne d'etre travailles; L'homme tertiaire etant hors de cause, reste 1'homme
mais cette fois le doute ne quaternaire. L'existence de ce dernier n'est pas contes-
porte plus seulement sur la table. Dire que l'homme a vecu a 1'epoque quaternaire,
taille du silex, il porte aussi c'est tout simplement, en effet, reconnaitre qu'il a ete le
29. Silex tertlalres trouvfe sur leur authenticite, ou contemporain de certaines especes animates caracteris-
pres d'Aurillac. me*me sur 1'age des terrains tiques de cette epoque, telles que le mammouth (Elephas
d'ou ils sont censes prove- primigenius] (fig. 31), le rhinoceros a narines cloison-
nir. Aussi les savants se"rieux s'en desinteressent-ils de nees (Rh. tichorrhinus) (fig. 32), Tours des cavernes
plus en plus. (Ursus spel&us), le cerf a bois gigantesques (Cervus
On remarquera que pas un ossement de 1'etre intelli- megaceros) (fig. 33), et meme le renne (Cervus taran-
gent , homme ou animal, qu'on dit avoir taille ces dus), qu'on ne trouve plus aujourd'hui que dans les re-
silex, n'a jamais ete rencontre. M. de Mortillet le reconnait. gions boreales, mais qui alors habitait nos regions tem-
Cela ne 1'empeche pas d'affirmer sa foi a YAnthropopi- perees. Or les restes de ces animaux ont ete rencontres
theque tertiaire; car dans sa pensee il ne s'agit pas de si sou vent, soit avec des ossements humains, soit avec
1'homme proprement dit, mais d'un anthropoide quel- les grossiers produits de 1'industrie des premiers habi-
conque, qui fut son precurseur. 11 va meme jusqu'a ad- tants de nos contre'es, qu'on ne peut aujourd'hui emettre
mettre trois especes d'Anthropopitheques, correspondant un doute sur la contemporaneite des uns et des autres.
aux trois localites ou Ton pretend avoir trouv6 ses oeuvres. L'homme fossile, auquel les ecrivains orthodoxes ont long-
temps fait la guerre, est done une realite. L'epoque qua-
ternaire etant rangee a tort ou a raison parmi les temps
geologiques, .tous les debris organiques qui s'y rattacheut
meritent d'etre qualifies fossiles, et ceux de l'homme ne
font point exception a cette loi.
Seulement, batons-nous de le dire, admettre que
l'homme existe a 1'etat fossile, en d'autres termes, qu'il a
vecu a 1'epoque quaternaire, ce n'est point, a nos yeux,
sortir du cadre de la chronologic traditionnelle. Tout
prouve, en effet, que les animaux qui caracterisent l'e"poque
quaternaire ont vecu, au moins par endroits, jusqu'a une
date toute recente, voisine de 1'ere chretienne. A defaut de
1'histoire, absolument muette sur notre pays si Ton re-
monte seulement au dela de vingt siecles, 1'archeologie
30. Silex tertialres trouve's pres de Lisbonne. serieusement consultee suffirait pour nous en convaincre.
Mais cet examen nous enlrainerait trop loin.
A ces especes, hypothetiques au premier chef, il a donne Observons seulement en passant que les restes du
les noms des trois inventeurs : de la les Anthropopithecus mammouth ont ete rencontres en Angleterre aussi bien
Bourgeoisii, Ramesii et Riberoii. Apres quoi, fier de sa que chez nous dans des formations recentes, par exemple,
decouverte, que personne assurement ne songera a lui dans des depots tourbeux, qu'il est d'usage de rattacher
contester, il se compare triomphalement a Leverrier, de- a 1'epoque actuelle; qu'on a trouve cet animal en Siberie
couvrant sans instrument, rien que par le calcul, une en un tel etat de conservation, que des chiens ont pu se
planete! nourrir de sa chair; que 1'elephant, mammouth ou autre,
Force nous est d'ajouter que M. de Quatrefages adopte existait encore dans le nord de 1'Afrique et dans la region
en partie les vues de M. de Mortillet. Comme lui, il per- de Ninive aux epoques historiques, et qu'un de nos chroni-
siste a croire a la taille intentionnelle des silex de Thenay; queurs, Parthenopex de Blois, dont 1'autorite est contes-
mais cette taille, il 1'attribue a 1'homme lui-meme, non table, il est vrai, va jusqu'a le signaler parmi les be'tes qui
a son pretendu precurseur, dont il n'admet pas 1'existence. hantaient jadis nos forets. L'ours des cavernes peut lui-
11 se trouve ainsi entraine" a reporter 1'apparition de notre me'me 6tre confondu avec des ours d'une taille extraordi-
spece a une date excessivement recule'e, qu'il est im- naire, que nous trouvons signales a ce titre dans des
possible de fixer meme approximativement, mais qui est documents du moyen age. II n'est pas contestable, en tout
videmment inconciliable avec les donnees bibliques. cas, qu'on ait rencontre parfois ses debris associes a ceux
II faut dire que si 1'autorite de M. de Quatrefages est des especes actuelles, sinon a ceux de nos animaux domes-
grande en anthropologie proprement dite, elle est tres tiques.
faible en archeologie prehistorique. Le savant professeur En ce qui concerne le renne, nous avons mieux que
n'a suivi que de loin le progres des idees en cette ma- des donnees archeologiques ou des probabilites historiques.
tiere. II est de ceux qui se sont laisse influencer par Cesar nous decrit, en effet, cet animal comme ayant vecu,
1'eloquence et 1'accent de conviction de 1'abbe Bourgeois, sans doute de son temps, dans la foret Hercynienne, c'est-
t, une fois son opinion faite, il n'a pu se re"signer a en a-dire sur les bords du Rhin. II y a la, dit-il, un boeuf
changer. Son temoignage ne saurait infirmer 1'opinion ressemblant a un cerf (Bos cervi figura), portant au mi-
contraire des spe'cialistes, qui pour la plupart nient for- lieu du front, entre les oreilles, uue corne unique, plus
199 ADAM (PALfiONTOLOGIE) 200
haute et plus droite que toutes celles qui nous sont connues, moins en partie. Alors, en eflet, les glaciers etaient consi-
et du sommet de laquelle partent de longs rameaux pareils derablement etendus, et les cours d'eau plus abondants
a des palmes. Le male et la femelle se ressemblent; la que de nos jours : double phenomene qui pouvait tenir a
grandeur et la forme de leurs cornes sont les memes. une meme cause, la fusion des glaces occasionnant chaque
vi, 2. Bien que le renne n'y soil pas nomme, cette des- etc d'immenses inondations dont les traces existent encore.
cription s'applique evidemment a lui. G'est, en effet, le Mais, pour retrouver quelque chose de ces phenomenes,
seul animal du genre cerf dont la femelle soit comme le il n'est pas necessaire de remonter aussi haul dans le passe
male armee de bois, le seul qui par la largeur de son qu'on le pourrait croire. L'histoire nous les laisse entrevoir
front presente reellement 1'aspect du bffiuf, le seul enfin assez clairement. Nous avons reuni ailleurs, Etudes criti-
dont les -cornes se ter- ques cParcheologie pre-
minent en longs ra- historique, p. 216-240,
meaux palmes. II est un certain nombre de
vrai que ces cornes ne textes ernpruntes aux
partent point du milieu ecrivains de 1'antiquite,
du front; mais on pour- qui prouvent que les
rait le croire, si Ton se hivers etaient, il y a seu-
contentait de voir le lement quinze et vingt
renne a distance, a cause siecles, notablement
de la disposition diver- plus froids qu'ils ne le
gente des bois, et sur- sont de nos jours. Qu'il
tout grace a la presence nous suffise d'indiquer
chez certains individus ici quelques-uns de ces
d'un rameau basilaire, temoignages.
qui se projette en avant. Herodote nous depeint
Geoffrey Saint-Hilaire a le climat de la Scythie
done eu raison de dire en termes qui convien-
que la description de draient aujourd'hui a la
Cesar porte jusque Laponie et au Green-
dans ses erreurs memes 31. Squelette de VElephas prlmlgenius. land. II nous montre ce
1'empreinte d'une obser- pays completement glace
vation directe et profonde . Nous pourrions, s'il en etait pendant huit mois de 1'annee, et la mer Noire gelee au point
besoin, relever dans cet ecrivain et dans les ouvrages de supporter les chars les plus lourds. Aristote et d'autres
d'autres auteurs classiques des allusions presque aussi apres lui nous disent qu'il faisait si froid, en Gaule, que
manifestes au meme animal, lequel evidemment a existe 1'ane ne pouvait y vivre. Les ecrivains latins insistent de
dans 1'Europe centrale jusqu'a 1'ere historique. Les debris leur cote sur la rigueur du climat gaulois, qui ne permet,
de son squelette qu'on a trouves dans certaines stations nous disent-ils, ni la culture de 1'olivier ni celle de la
lacustres de cette region ne font au reste que confirmer
ces temoignages.
Nous negligeons 1'elan (Cervus dices) et le grand boeuf
septentrionale de Juda et la limite meYidionale de Dan. Jos., vn, 19; Joa., ix, 24; cf. HI Esdr., n, 8. Quelques.
Aussi ne comprenons-nous pas que les savants auteurs auteurs la donnent comme une formule d'adjuration pro-
de la nouvelle carte anglaise, Old and New Testament prement dite; ce point est fort douteux. Voir Masius, In
Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10, aient place Jos., vii, 19, dans Migne, Cursus completus Scriptures
Adithaim en pleine tribu de Dan. Notre sentiment d'ail- Sacrae, t. vii, col. 1157.
leurs s'appuie sur le temoignage formel d'Eusebe, qui, Dans les passages cites, le juge qui adjure impose un ser-
dans I'Onomasticon, edit. P. de Lagarde, Goettingue, 1870, ment ossertoire, c'est-a-dire un serment destine a appuyer
p. 220, au mot 'A8ta6aiv, distingue de \Adatha dont nous une affirmation; dans d'autres passages, le superieur ou
avons fixe la position aupres de Diospolis un village, le maitre qui adjure impose un serment promissoire,
Adiathaim, de la tribu de Juda, et situe aupres de Gaza , en vertu duquel la personne adjuree doit s'engager par
'ASiaOatv (dans d'autres manuscrits, 'AStaOatfi.), tpuXTjc serment a faire ce qui est demande. Dans le texte de Gen.,
'lovSa, Xeyetai 81 TIC xwjir] 7tep\ TTJV Fa?av, xa\ aXXr) 'A8a6a xxiv, 2-9, 37, Abraham adjure Eliezerde ne pas choisir
xa\ Ttep'i AioffTtoXtv. Saint Jerome dit exactement la mme pour son fils Isaac une femme chananeenne, mais une
chose, en donnant a cette localite le nom d'Adia, Liber femme de ses parentes, dans la famille qu'il lui indique.
de situ et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 871. Le texte sacr6 expose les details de cette adjuration; ici
L'emplacement de cette ville n'a pas ete retrouve jus- le serviteur d'Abraham ne se contente pas de repondre
qu'ici. Nous avons dit, a 1'article Adiada, que nous serions en un mot; il fait un serment proprement dit, suivant les
tente de 1'identifier avec YHatita des listes geographiques formules et les ceremonies usitees dans ce temps-la. Voir
de Karnak (n 76). En examinant la place qu'occupe Adi- SERMENT. C'est ce que nous voyons encore Gen., XLVII,
thaim dans 1'enumeration de Josue, xv, 33-36, et celle 29-31; L, 5, ou Jacob adjure son fils Joseph de ne pas
d'Hatita dans les listes egyptiennes, peut-etre pourrait- laisser son corps apres sa mort en Egypte, mais de le
on determiner approximativement la position de cet en- transporter dans le tombeau de ses ancetres. Jacob ne
droit. (Les noms palestiniens graves sur les pylones de se contente pas d'une reponse affirmative; il exige un
Karnak sont enumeres et etudies dans Mariette, Les listes serment, que Joseph prete, en effet, de la maniere ac-
geographiques des pylones de Karnak, Leipzig, 1875, coutumee. Voir un autre exemple dans Josue, n, 12,
p. 12-44; voir aussi Palestine Exploration Fund, Quar- 17, 20.
terly Statement, 1876, specialement p. 142-143.) Mal- 2. Obliger quelqu'un, au nom et par I'autorite de
heureusement, les villes qui precedent et qui suivent celle Dieu, d faire quelque chose. Tel est le second sens du
dont nous parlons n'offrent pas toutes pour elles-memes mot adjurer, hisbia*; il ne s'agit plus d'exiger de quel-
une identification certaine. Neanmoins, en combinant ces qu'un un serment assertoire ou promissoire, mais seule-
elements, nous dirions volontiers qu'Adithaim devait se ment de lui commander de faire quelque chose. Or, pour
trouver dans un espace compris entre Na'aneh (Naoun, rendre cette injonction plus efficace et en faire comme
n 75 des listes) au nord, Soudfir (Ichapil ou Isphar, un devoir sacre, le superieur qui commande interpose le
n 78, Saphir) au sud, Tell Zacharia ou Khirbet Sdireh nom et I'autorite de Dieu, afin que la personne qui est
(Sara'im) a Test, et Katrah (G&iera) a 1'ouest. adjuree soit engagee non seulement par 1'obeissance,
A. LEGENDRE. mais encore par la vertu de la religion a accomplir ce qui
ADJURATION, action d'adjurer. Adjurerse presente est commande. C'est 1'adjuration imperative. S. Thomas,
dans la Bible avec trois sens distincts. 2a 2*, q. 90, a. 1. Mais il est evident qu'elle suppose dans
1. Fairejurer, c'est-a-dire exigerde quelqu'un le ser- celui qui adjure: 1 qu'il a I'autorite et le droit de com-
ment; c'est le sens naturel du mot hebraique hisbid', qui mander; 2 que, dans 1'acte particulier qu'il impose, il ne
est la forme hiphil du radical Sdba1. L'adjuration, chez les depasse pas les limites de cette autorite; a defaut de 1'une
Hebreux, consistait done a exiger le serment de quelqu'un. ou de 1'autre de ces deux conditions, 1'adjuration serait
Cette adjuration avait lieu surtout dans les jugements. Le illicite et sacrilege. Nous avons des exemples de 1'adjuration
iuge adjurait le temoin ou 1'accuse de dire la verite; nous imperative dans I Esdr., x, 5; I Thessal., v, 27. Quand le
en avons des exemples Lev., v, 1; Num., v, 18-22; III Reg., sujet adjure de la part de Dieu est le demon, comme, par
vni, 31; Prov., xxix, 24; Matth., xxvi, 63, etc. D'apres exemple, Act., xix, 13, 1'adjuration revet un caractere
tous ces exemples combines, nous voyons que, sauf le cas special et prend le nom dexorcisme. Voir ce mot.
de Num., v, 18-22, il n'y avait pas de formule consacree 3. Prier fortement, instamment (nous disons conjurer)
pour faire 1'adjuration; le juge se contentait de dire a quelqu'un de faire quelque chose. Ce troisieme sens,
1'accuse ou au temoin, en ces termes ou en termes equi- comme deja le second, a perdu de la force primitive de
valents: Je vous adjure, par le Dieu vivant, de dire la I'hiphil hisbia1. Nous le voyons Cant., 11, 7; m, 5; v, 8, 9;
verite sur ce point,... ce que vous savez sur ce point,... vin, 4; Marc., v, 7; probablement Jer., v, 7 (ou la Vul-
si tel ou tel fait est vrai,... etc. En vertu de cette adjura- gate a traduit par jurare), et aussi dans la Vulgate, Tob.,
tion, la reponse du temoin etait censee faite sous le ser- vin, 23; ix, 5. C'est r'adjuration deprecative. Tantot elle
ment, soit que ce temoin prononcat lui-meme quelque se fait par Dieu ou par une creature avec un rapport expli-
formule de serment (quoique le texte sacre n'en parle cite ou implicite a Dieu, et alors elle revet une plus grande
point), comme le pensent quelques auteurs, Saalschutz, autorite et devient un acte de religion; tantot, comme dans
Das Mosaische Recht, k. 89, Berlin, 1853, p. 611-612; les passages indiques du Cantique des cantiques, elle se
soit, comme d'autres le disent, qu'il ne pronongat lui- fait par des creatures sans aucun rapport avec Dieu; dans
meme aucune formule speciale, ou se contentat de dire ce cas, elle n'est plus qu'une formule speciale de priere,
Amen, onj elira;, etc. Michaelis, Mosaisches Recht, 302; qui ne differe de la priere ordinaire que par son caractere
Rosenmiiller, In Lev. v, 1. Dans le cas ou 1'adjuration etait de sollicitation pressante. S. MANY.
accompagnee de quelque formule de malediction ou d'im-
precation, 1'accuse disait: Amen, amen. Num., v, 18-22. ADLER Jacques-George-Christian, savant orientaliste,
Quand le juge, malgre son adjuration, n'obtient aucune ne en 1755 a Amis, dans le Danemark, et mort en 1805.
reponse, 1'accuse ou le temoin qui refuse ainsi de declarer Apres avoir etudie a Rome les langues orientales, il revint
ce qu'il sait commet un peche, bait son ame, comme professer le syriaque, puis la theologie, a 1'universite de
il est dit Prov., xxix, 24, et porte son iniquite, comme Copenhague, et se fit connaitre par plusieurs ouvrages
il est dit Lev., v, 1; il ne peut expier sa faute que par un d'erudition. Ses oeuvres scripturaires, assez estimees, sont:
aveu repentant et par 1'un de ces sacrifices pour les pe- 1 Codicis sacri recte scribendi leges ad recte sestimandos
ches d'omission ou d'ignorance dont parle le Levitique, v, codices manuscriptos antiquos, in-4, Hambourg, 1779;
14-18; vii, 1-10. On trouve dans quelques textes une 2 Novi Testamenti versiones syriacx, Simplex, Philo-
formule speciale d'interrogation: Rends gloire a Dieu. xeniana et Hierosolymitana, denuo examinatx, in-4%
221 ABLER A D O M M I M 222
Copenhague, 1139. Cf. Schmidt, Predigt zum Andenken alexandrin, qui porte ici Stapip. CPest pour cela que
des Herm Probst Adler in Altona, in-8, 1805. M. Tyrwhitt Drake, Palestine Expl. Fund, Quart. Sta-
E. LEVESQUE. tement, 1875, p. 31, et les auteurs de la carte anglaise
AD LI (hebreu : 'Adldi, abreviation pour 'Adalydh, Old and New Testament Map of Palestine, Londres,
Jehovahest juste (?) ; Septante : 'A8Xt), pere de Saphat, 1890, feuille 10, placent Sarthan a Tell es-Sarem, un
qui fut charge des troupeaux de bceufs du roi David, qui peu au-dessous de Beisan, 1'ancienne Bethsan. Get
paissaient dans la plaine. I Par., xxvn, 29. emplacement, plus conforme aux donnees de la Bible
sur la meme ville, correspond mieux aussi a la pensee
AD MATH A (hebreu : 'Admdtd', terrestre? ) , un exprimee par les versions grecque et latine, qui supposent
des sept principaux officiers de la cour d'Assuerus. Esth., necessairement une certaine distance entre les deux en-
1,14. droits mentionnes dans Josue, in, 16. La Vulgate, en effet,
suivant le qeri, plus de vingt-cinq manuscrits signales
ADMINISTRATION. La maniere dont la Palestine par Kennicott et de Rossi, et les plus importantes versions,
a eie administree et gouvernee a ete differente aux di- traduit: Depuis la ville qui est appelee Adorn jusqu'au
verses epoques de son histoire. Voir MOISE , JUGES, Rois, lieu nomine Sarthan. Nos deux versions ont ainsi lu
MACHABEES, HERODE. 'ad, jusqu'a, au lieu de 'ir, ville.
En somme, nous pouvons, jusqu'a meilleure decou-
ADOM (hebreu : 'Adam), ville aupres de laquelle les verte, retenir Tell Damieh comme emplacement d'Adorn.
eaux du Jourdain s'arreterent, se dressant comme une A une assez faible distance de cette colline, au sommet de
montagne, quand les Hebreux passerent miraculeuse- laquelle on distingue quelques debris de constructions
ment le fieuve. Jos., in, 16. Elle n'est citee qu'en ce seul antiques, se trouvent les restes d'un pont, dont une partie
endroit de 1'Ecriture. Ce mot, dont la Vulgate nous a a ete emportee par le courant, et dont il ne subsiste plus
probablement conserve la vraie prononciation (comparez que cinq arches degradees, sur la rive gauche. A ce point,
Adommim), signifie rouge , suivant certains auteurs le Jourdain, qui n'a guere plus de quarante metres de
{ratine Adam, etre rouge; cf. Gesenius, Thesaurus large, peut, a certaines epoques, 6tre traverse a gue\
linguae heb., p. 24), ou bien emprunte son etymologic a A. LEGENDRE.
la terre argileuse , 'Mdmdh, qui se trouvait dans ces ADOMMIM (Montee d') (hebreu : ma'aleh 'Adum-
parages, entre Soccoth et Sarthan. Ill Reg., vn, 46. II est mim; Septante: np6aga<K? 'ASapifuv; Vulgate : ascensio
a remarquer du reste que les localites de ce nom sont Adommim, Jos., xv, 7; ava6a<Tt? At0ajju'v, ascensus Adom-
toutes dans la vallee du Jourdain, depuis la Pentapole jus- mim, Jos., xviii, 18), endroit mentionne deux fois seu-
qu'au lac de Tiberiade: Adama, Adorn, Edema, Adami. lement dans 1'Ecriture, comme limite entre la tribu de
L'emplacement d'Adorn est d'autant plus difficile a deter- Juda au sud, et celle de Benjamin au nord. Jos., xv, 7;
miner, que la situation des endroits qui, comme Sarthan xviii, 18. II se trouvait sur la route qui montait de Galgala
et Soccoth, pourraient servir de point de repere, est elle- ou de la vallee du Jourdain vers Jerusalem, et etait situe
m6me problematique, et que la traduction du passage ou au sud d'un torrent. Ibid. Ces details nous permettent de
ces villes sont nominees offre dans les differentes versions, le reconnaitre facilement dans le Tal'at ed-Dumm, sur
comparees avec le texte original, un sens un peu different. le chernin de la ville sainte a Jericho. Cette montee,
L'hebreu doit, en effet, se traduire ainsi : Et les eaux que les Arabes appellent aajourd'hui 'aqabet er-Riha,
qui descendaient s'arreterent en un monceau, tres loin, montee de Jericho, suivait jusqu'a ces dernieres annees
aupres d'Adam, ville qui est a cote de Sarfan. Plusieurs une voie antique, aux paves disjoints, et qui par inter-
auteurs, a la suite de Van de Velde et de Knobel, identifienl valle s'elevait en escalier. Elle vient d'etre modifiee et
ce dernier point avec le Djebel $arfabeh, montagne situee remplacee par une route carrossable, qui va de Jerusalem
a une certaine distance au nord de Jericho, et qui, domi- a Jericho. Elle longe precisement, dans les contours qu'elle
nant de 608 metres la vallee du Jourdain, la retrecit en decrit de Jericho a Adommim, les bords meridionaux de
projetant ses contreforts du cote du fleuve. Si la supposition I'Oued el-Kelt, qui, a mesure qu'on s'eleve, s'enfonce de
est juste, on peut tres bien placer Adorn a Tell Damieh, plus en plus profondement entre deux murailles presque
a peu pres en face, de 1'autre cote du Jourdain, et un peu verticales de rochers gigantesques. Voir la carte de la tribu
au-dessous du torrent de Jaboc (Ouadi Zerka). Outre de Benjamin.
la correspondance assez exacte entre les deux noms, la Get endroit s'appelait encore, au temps d'Eusebe et de
distance qui separe ce point de la mer Morte est suffisante saint Jerome, MaXY)8o|i.vi', Maledomim, abreviation evi-
pour expliquer le recit biblique. Cependant, il faut 1'avouer, dente des mots hebreux ma'dleh 'Adummim. Onomas-
la ressemblance onomastique entre Sarfan et Sartabeh ticon, Goettingue, 1870, p. 219, au mot 'ASwixjietjA. Saint
est peut-6tre plus apparente que reelle : cf. Clermont- Jerome, developpant le passage d'Eusebe, nous donne
Ganneau, Palestine Exploration Fund, Quarterly Sta- les details suivants: Adommim,... lieu appete jusqu'a
tement, 1874, p. 173; et puis la position de Sarthan au present Maledomim; en grec, 'Avagaut? Ilyppwv; en
Djebel Sartabeh n'est pas conforme a celle que lui donnent latin, Ascensus Ruforum sive Rubentium, montee des
d'autres passages de 1'Ecriture, qui la placent pres de Rouges, a cause du sang qui y est frequemment verse
Bethsan, au-dessous de Jezrael. Ill Reg., iv, 12. Voir par les voleurs... II y a la un poste militaire destine a
SARTHAN. proteger les voyageurs. Ce lieu sanglant est mentionne
La paraphrase chaldaique et la version syriaque suivent par le Seigneur dans la parabole de 1'homme qui descen-
1'hebreu, et placent les deux villes dont nous venons de dait de Jerusalem a Jericho. Liber de situ et nominibus
parler 1'une aupres de 1'autre. Les Septante, omettant le locorum heb., t. xxin, col. 870. L'etymologie proposee par
nom d'Adorn, offrent une curieuse variante: Et les eaux le saint docteur semble, suivant M. V. Guerin, confirmee
s'arreterent... tres, tres loin, jusqu'a la region de Caria- par le nom de Qala'at ed-Demm, chateau du sang,
thiarim, (laxpav crspoSpa aqpoSpw;, loo? [ilpou? KapiaOiapift. donne a un petit fort dont on voit les restes sur une
Ils ont du lire alors : me'dd, me'dd, beaucoup, beau- colline, a moitie route. Ce fortin, decrit par le savant
coup, au lieu de me'dddm, a partir d'Adorn. Stanley, explorateur, Description de la Palestine, Samarie, t. i,
Sinai and Palestine, Londres, 1866, Appendix, p. 524, p. 156, occupe tres probablement I'emplacement du poste
note 2, retrouve Adorn dans api|i de KapiaOiapt'nj avec militaire, le 9po-jptov d'Eusebe, le castellum militum de
la permutation si frequente entre le daleth, T, et le saint Jerome, qui s'elevait dans le village d'Adommim.
resch, i. Nous aimons mieux y voir la defiguration du mot Cependant plusieurs auteurs expliquent ce nom avec plus
Sarfan. Cette hypothese, qui peut s'expliquer avec les de vraisemblance par une raison purement geologique:
caracteres pheniciens, semble confirmee par le manuscrit il viendrait, d'apres eux, de quelques roches d'un rouge
223 ADOMMIM ADONIAS 224
assez vif, qui tranche sur le ton jaunatre ou blanchatre 1. ADONIAS (Septante: 'AS&w'a;, 'Opvia, 'AStovca), qua-
de tout le terrain environnant. De Saulcy, Voyage en trieme fils de David par Haggith, naquit a Hebron pendant
Terre Sainte, t. i, p. 193; Riehm, Handworterbuch des le sejour qu'y fit David, et qui dura sept ans et demi, I Par.,
Biblischen Altertums, 1884, p. 30. On trouve dans le ra, 2; II Reg., in, 4; de 1055 a 1048, selon la chronologic
meme endroit un grand caravanserail destine a heberger ordinairement recue. Adonias avait done quarante ans en-
les voyageurs, et appele Khan el-Hatrour; c'est la qu'une viron lors du coup de main qu'il tenta, vers la fin du regne
fort ancienne tradition place 1'hotellerie ou, d'apres la de son pere, pour s'emparer du trone. HI Reg., i, 5-53.
parabole de Notre-Seigneur, le bon Samaritan fit soigner II se croyait dans son droit, car 1'aine des fils de David,
un homme depouille par des voleurs, et laisse par eux Amon, et le troisieme, Absalom, etaient morts; proba-
a demi mort. Luc., x, 30-35. A. LEGENDRE. blement aussi le second, Cheleab, II Reg., m, 3, appele
Daniel, I Par., in, 1, dont il n'est rien dit dans 1'his-
AD ON , localite de la Chaldee d'ou venaient quelques- toire des rois. Cependant ses pretentious n'etaient pas
uns des Juifs qui etaient retournes en Judee avec Zoro- incontestables; car, s'il est vrai que chez les Juifs la suc-
babel, et qui furent hors d'etat de prouver leur origine cession au trone etait reglee par I'heredite, Deut., xvn, 20,
Israelite par les tables genealogiques. I Esdr., n, 59; il n'est pas moins certain qu'elle n'etait pas toujours de-
II Esdr., vii, 61. Dans le premier passage, le texte masso- terminee par la primogeniture. Quelquefois le roi, sentant
retique porte 'Adddn; dans le second, 'Addon. Les Sep- sa fin approcher, choisissait lui-meme, parmi ses fils, son
tante transcrivent 'HSav et 'Hp<iv. La Vulgate ecrit Addon, successeur, II Par., xi, 22; et s'il est dit de Josaphat qu'il
II Esdr., vii, 61. Le mot Adon ne differe que par la ponc- choisit Fun plutot que 1'autre parce qu'il etait 1'aine, II Par.,
tuation, dans 1'original hebreu, du nom d'Eden, qui est xxi, 3, cette remarque suppose que le roi avait la liberte
celui d'une ville mentionnee par les prophetes. Is., xxxvn, et le droit de designer entre tous ses enfants celui qui
12; Ezech., xxvn, 23; cf. Amos, I, 5; IV Reg., xix, 12. devait lui succeder. Ce droit, David pouvait en user legi-
Voir EDEN 2. Quelques commentateurs ont pris a tort timement, et preferer a Adonias un de ses fils plus jeunes.
Adon ou Addon pour un nom d'homme. Du reste, ce n'etait pas David qui avait designe Salomon
pour roi, mais Dieu lui-meme, veritable roi d'Israel,
ADONAI (hebreu: >iTN, 'Adondi), un des noms de II Reg., vn, 12-16, et le prophete Nathan, au nom de
Dieu dans la Bible hebraique. II signifie mon Seigneur , Dieu, avait beni sa naissance, en declarant qu'il etait et
mon maitre. D'apres la prononciation massoretique, que qu'il s'appellerait Yedideydh, aime de Jehovah. II Sam.
nous trouvons aussi dans la Vulgate, Exod., vi, 3; Judith, (II Reg.), XH, 25.
xvi., 16, ce mot a la forme plurielle (le singulier est Adonias n'avait done rien a pretendre; il devait bien
'Addni): c'est un pluriel de majeste, les Hebreux, par plutot respecter comme un ordre de Dieu 1'election de
respect pour la Divinite, mettant son nom au pluriel, son frere, de meme que David pouvait, sans blesser la
comme ils le faisaient dans 'Elohim, forme plurielle fre- justice, jurer a Bethsabee que Salomon et non un autre
quemment employee pour designer Dieu au singulier. serait son successeur. Ill Reg., i, 17. Adonias avait sans
Adonai n'est employe qu'au vocatif en s'adressant a Dieu, doute conscience du droit de son frere, car nous le voyons
dans la Genese, xv, 2, 8; xvm, 3, 27, 30, 32; xix, 18 : ce plus tard invoquer, non pas sa primogeniture, mais la
qui prouve qu'il a ete simplement d'abord un titre donne faveur du peuple. Ill Reg., n, 15. Malheureusement I'am-
a Dieu, plutot qu'un nom propre; mais, dans la suite, on bition fit taire en lui le sentiment du devoir, et des lors,
en fit un veritable nom de Dieu, comme nous le voyons regardant Salomon comme un rival, il mit tout en ceuvre
dans les prophetes. Is., vi, 1, etc. Les Juifs, considerant pour le supplanter. Profitant de I'affaiblissenient ou il
le nom de Jehovah comme ineffable, s'abstiennent de le voyait son vieux pere, il affichait des allures et un train
prononcer toutes les fois qu'ils le rencontrent dans le texte de vie qui disaient assez ses pretentious au trone : il avait
hebreu, et lisent a la place Adonai. De la vient qu'ils ont des chars, et cinquante coureurs le precedaient quand
donne au tetragramme divin mrt>, IHVH, les voyelles du il sortait. II imitait en cela son frere Absalom, II Reg.,
mot Adonai (voir JEHOVAH ); de la vient aussi que les Sep- xv, 1, dont le severe chatiment aurait du, au contraire,
tante et la Vulgate portent Kupto; et Dominus, Sei- le maintenir dans le rang qui lui convenait. Comme Absa-
gneur, la ou 1'original porte Jehovah, parce qu'ils ont lu lom, il se crea aussi un parti; car pour arriver au trone
Adonai, selon 1'usage juif, et traduit la signification de ce il lui fallait un acte public, une acclamation du peuple,
mot en grec et en latin. Dans le passage celebre de 1'Exode, et des partisans prets a le soutenir par la force. II recruta
vi, 3, saint Jerome n'a pas employe le mot Dominus, les principaux elements de ce parti dans le petit groupe
mais il a mis Adonai, conformement a la coutume des de mecontents qui s'etait forme parmi les courtisans du
Juifs, quoique le texte original porte Jehovah : Nomen vieux roi: Joab, neveu de David, autrefois generalissime
meum ADONAI non indicavi eis. Ce n'est pas le nom des troupes royales, puis disgracie et destitue a cause de
d'Adonai, mais celui de Jehovah, que Dieu n'avait pas ses dispositions hostiles, cf. II Reg., n, 13-22; m, 22-39;
explique aux patriarches comme il 1'expliqua a Moise dans Abiathar, le grand pretre, naguere si fidele a son roi,
1'Exode, in, 14. Le langage de Dieu n'est done pleinement qu'une basse jalousie a 1'egard de Sadoc jetait dans le
intelligible dans ce passage qu'en recourant au texte he- parti de la revolte, cf. I Reg., xxn, 20-23; II Reg., xv, 24,
breu. II faut egalement consulter 1'original en plusieurs et avec eux ses freres et plusieurs officiers royaux, qui
autres endroits, pour savoir quel est le nom divin dont voyaient sans doute leur interet dans 1'avenement d'Ado-
s'est servi 1'auteur inspire, parce que les traducteurs n'ont nias. Ill Reg., i, 9. Pour arriver a leurs fins, les partisans
pas rendu les appellations bibliques d'une maniere qui du pretendant preparerent avec lui un plan qui etait bien
permette de les distinguer les unes des autres. C'est ainsi concu, et qui n'echoua que grace a la sagesse du prophete
qu'on peut savoir seulement par 1'hebreu si le terme Nathan. Ils resolurent de s'appuyer, non pas sur un mou-
Original, rendu par Dominus, le Seigneur, est Adonai vement populaire directement provoqu6 contre Salomon,
ou Jehovah; la Vulgate, en effet, n'a que le mot Dominus mais sur cet instinct aveugle qui porte les multitudes a
pour ces deux denominations divines. Voir Abdias, 1, ou acclamer quiconque a eu 1'audace de se poser en roi. Les
Dominus Deus correspond a Adonai Jehovah , et Hab., chefs du mouvement furent secretement convoques dans
in, 19, ou Deus Dominus traduit Jehovah Adonai . Sur un lieu appele Zoheleth, et la ils formerent une assemblee
1'importance exegetique et critique des noms de Dieu dans ayant rapparence d'une representation nationale: le grand
rEcriture, voir DIEU. F. VIGODRODX. pretre representant 1'element religieux, les freres d'Adonias
i'element politique, Joab et les officiers 1'elenient militaire;
ADONIAS, hebreu: 'AdoniydhSAddniydhu, Jeho- enfin un sacrifice de beliers, de veaux et d'autres victimes,
vah est mon Seigneur; Septante: ' donna a la manifestation un caractere sacr, qui ne pouvait
225 ADONIAS ADONIBfiZECH 226
manquer d'impressionner le peuple. (On pourrait cepen- piege, et jura par deux fois que celui qui avait abuse a ce
dant douter que ce fut un vrai sacrifice, et n'y voir qu'un point de sa clemence subirait la mort. Sur 1'heure, il envoya
banquet, si le sens naturel de 1'hebreu vayyizebah, sacri- le chef de sa garde, Banaias, executer la sentence, et ainsi
fier, n'etait pas clairement determine.) peril miserablement Adonias.
Malheureusement pour Adonias, cette reunion n'avait ptt Les rationalistes ont blame la conduite de Salomon, en
se preparer sans que le bruit en vint jusqu'aux partisans disant que le chatiment etait excessif et injuste. II ne
du vieux roi. Le prophete Nathan observait tout. Ferme 1'etait point, si on le juge d'apres le milieu et le temps dans
autant qu'il etait habile, il laissa sans mot dire les conjures lesquels il s'accomplit; la raison d'Etat et 1'interet public
se rendre au lieu designe. Alors il parla, non pas a David, exigeaient cette severite. Adonias ne succomba pas uni-
dont la volonte etait trop affaiblie par 1'age, mais a une quement a cause de sa naissance, comme tant d'autres
femme interessee dans cette affaire, Bethsabee, mere de freres de rois massacres en Orient, au commencement
Salomon. Bethsabee, sur le conseil de Nathan, alia trouver d'un nouveau regne, sans qu'on ait aucune faute a leur
David, lui raconta ce qui se passait, lui rappela son ser- reprocher; il etait coupable d'un double crime qui meritait
ment en faveur de Salomon; puis, comme elle achevait, et la mort. Salomon, en ordonnant son execution, ne fit
avant que le roi eut pu repondre, le prophete lui - meme que defendre sa couronne et meme sa vie; personne ne
entra en scene, fit le meme recit, plaida la meme cause, peut raisonnablement lui en faire un reproche. On ne
lanca 1'interrogation decisive: Tout cela se ferait-il par peut davantage s'arreter a 1'objection qu'a faite M. Reuss,
ordre royal? A cette apostrophe, David comprit toute la pretendant qu'Adonias a ete excuse et justifie par 1'au-
gravite de la situation, et prit aussitot les mesures qui teur du troisieme livre des Rois, I, 6 : Son pere [David]
devaient dejouer 1'intrigue sans verser une goutte de sang. ne le reprit jamais [de son faste]. II est manifeste que
Le festin s'achevait, apres le sacrifice, a 1'assemblee de 1'intention de 1'auteur n'est point de donner le silence de
Zoheleth; les convives excites allaient en venir a 1'acte David pour une approbation, mais plutot pour un signe
supreme, la proclamation d'Adonias comme roi d'Israel, de senilite.
quand un bruit confus de voix et d'instruments se fit en- On loue avec raison le talent litteraire de 1'auteur sacr6,
tendre. Au milieu de ce tumulte, le vieux Joab reconnut qui a decrit d'une maniere tres dramatique les deux scenes
les accents de la trompette guerriere qui autrefois sonnait de 1'assemblee de Zoheleth et de la demarche de Beth-
ses victoires. Tous furent saisis d'etonnement et d'inquie- sabee. Quant au heros de cet ipisode, il demeure comme
tude; cependant personne ne se rendait encore exacte- un type d'orgueil insolent dans le succes, de bassesse et
ment compte de ce qui se passait, lorsque Jonathas, lui de liichete dans le danger, d'hypocrisie et de mensonge
aussi traitre au roi apres tant de bons services, II Reg., dans toutes ses demarches. Israel put benir son Dieu de
xv, 36; XVH, 17, entra, le visage bouleverse. II raconta lui avoir epargne 1'epreuve d'un tel regne en preferant
que David venait d'envoyer Sadoc, Nathan, Banaias, avec Salomon a Adonias. P. RENARD.
la garde royale, composee de Cerethiens et de Pheletiens,
a la fontaine de Gihon, cf. II Par., xxxn, 30; xxxm, 14, 2. ADONIAS, levite, depute par le roi Josaphat pour
voir GIHON; qu'ils emmenaient avec eux Salomon monte instruire le peuple et le retirer de 1'idolatrie. II Par.,
sur la mule du roi, marque du plus grand honneur, cf. xvn, 8.
Gen., XLI, 43; IV Reg., x, 16; Esth.,vi, 8; qu'enfin, arrives
au lieu designe, Sadoc et Nathan avaient sacre le rival 3. ADONIAS, un des chefs du peuple qui, au temps de
d'Adonias comme roi d'Israel, et qu'a cette vue tout le Nehemie, signerent le renouvellement de 1'alliance avec
peuple, qui avait suivi le cortege depuis Sion, avait acclame le Seigneur. II Esdr., x, 16.
1'oint du Seigneur en criant: Vive le roi Salomon! Au
moment ou il parlait, la cite, ajoutait-il, eclatait en trans- ADONIBEZECH (hebreu : 'Adoni-bezeq, maitre
ports, tandis que le cortege conduisait Salomon prendre de Bezec; Septante : 'ASawSeSlx), roi chananeen dont
possession du trone de son pere. A ces paroles, une 1'autorite s'etendait sur la ville de Bezec, situee a 1'ouest
frayeur mortelle s'empara des conjures : ils s'enfuirent, du Jourdain et, selon plusieurs, differente de la ville du
Pour Adonias, il mit tout son espoir dans la sauvegarde meme nom ou Saul fit le denombrement de ses forces.
qu'assurait aux criminels le sanctuaire de Jehovah, et, I Reg., xi, 8. Voir BEZEC. Le nom d'Adonibezech est
courant a Sion, il penetra jusqu'a 1'autel des holocaustes, peut-etre un simple titre commun a tous les souverains
et saisit un des quatre coins ou cornes en bois revetues de cette localite. Au moment ou les Ilebreux penetrerent
de bronze, qu'on teignait du sang des victimes dans les dans le pays de Chanaan, Adonibezech etait a 1'apogee de
sacrifices. Exod., xxvn, 2; xxix, 12. Digne de mort par sa puissance. Vainqueur de tous les chefs de tribus du
son crime de lese-majeste, Adonias dut la vie a la gran- voisinage, il avait abuse de ses succes au point de leur
deur d'ame du nouveau roi, qui le laissa vivre en paix, faire couper les extremites (hebreu: behonot, les pouces;
lui promettant une securite parfaite, s'il se conduisait Septante : T axpot) des mains et des pieds : chatiment
sagement. Ill Reg., i, 52. plus humiliant que la mort pour des guerriers dont la vie
Ado/lias promit tout, mais il ne tint pas ses promesses. etait de manier le glaive et de marcher a Fennemi. De
Le vaincu emportait dans son coeur une insatiable ambi- ces princes ainsi mutiles, Adonibezech faisait des esclaves,
tion ; elle le conduisit a tramer centre Salomon de nou- auxquels il n'epargnait aucun mauvais traitement, jusqu'a
veaux complots. II forma cette fois le dessein d'obtenir les obliger a venir prendre leur nourriture sous sa table,
par ruse ce qu'il n'avait pu conquerir par force. En oii il leur jetait ses restes. Jud., i, 7; cf. Matth., xv, 27.
Orient, prendre les femmes du roi defunt, c'etait affirmer Sa puissance toutefois ne fut pas capable de resisler a 1'at-
son droit au trone. Cf. II Reg., xn, 8; xvi, 20-23. C'est taque des deux tribus reunies de Juda et de Simeon, Jud.,
ainsi que nous voyons en Perse le faux Smerdis prendre i, 3, qui le mirent en fuite, 1'assiegerent dans sa capitale,
les femmes de Cambyse, dont il pretendait etre le frere le firent captif et lui infligerent le meme chatiment qu'il
et le successeur, et de meme Darius prendre celles du avait fait subir aux rois naguere vaincus par lui. Jud., i, 6.
faux Smerdis, apres 1'avoir vaincu. Herodote, HI, 68, 88. Ainsi mutile, il assista a la prise de Jerusalem, puis fut
Dans ce dessein, Adonias, apres la mort de David, son amene a la suite du vainqueur dans la ville prise, ou il
pere, jeta les yeux sur Abisag la Sunamite, qui avait rang mourut en confessant avec humilite que son chatiment
d'epouse parmi les femmes du vieux roi. Voir ABISAG. etait une juste vengeance de Dieu, Jud., i, 7, sans qu'il
Insidieusement il obtint de Bethsabee qu'elle parlat en sa soit demontre par la, comme le soutient Serarius, qu'il
faveur a Salomon, et demandat pour lui la Sunamite. Si eut la connaissance du vrai Dieu. On pourrait penser que
celui-ci eut ete moins clairvoyant, e'en etait peut-etre fait le chiffre de soixante - dix, qui designe le nombre de rois
de sa couronne; mais, plus prudent que sa mere, il vitle vaincus par Adonibezech, Jud., i, 7, est un chiffre rond
PICT. DE LA BIBLE. L 10
227 ADONIBfiZECH ADOPTION 22$
pour signifierun grand nombre; car, en additionnant les haterent de lui apprendre leur situation critique, en le
rois que Josue combattit en Chanaan, on ne peut guere priant de venir a leur secours. Si les habitants de Gabaon
en trouver plus de trente; mais ce nombre pourtant devient avaient reussi a faire alliance avec Josue, ce n'avait et&
acceptable, si 1'on fait rentrer dans ces meldkim les chefs qu'au moyen d'un audacieux subterfuge. Jos., ix. Nean-
des tribus nomades, tres nombreuses dans le pays de Cha- moins le general hebreu ne voulut pas manquer a la foi
naan et a Test du Jourdain. P. RENARD. juree. En une nuit, x, 9, il monte de Galgala a Gabaon,
franchissant ainsi une distance qu'on peut evaluer a 23 kilo-
ADONICAM {hebreu : 'Adoniqdm, le Seigneur metres. Rassure par une promesse divine, x, 8, il attaque
assiste, ou le maitre de Fennemi; Septante: 'ASw- bravement les rois confederes, les met en hiite et lea
vixaji), chef de famille dont les enfants revinrent de la poursuit jusqu'a Bethoron, Azeca et Maceda. Pendant que
captivite avec Zorobabel, au nombre de six cent soixante- ses soldats frappaient les ennemis, une pluie de pierrea
six, I Esdr., n, 13, ou six cent soixante-sept. II Esdr., tombait du del et, en epargnant les Israelites, faisait
Vii, 18; cf. I Esdr., vm, 13. parmi les Amorrheens de nombreuses victimes. En meme
temps la prolongation miraculeuse du jour permettait a
ADONIRAM (hebreu : 'Adonirdm, mon seigneur Josue de completer sa victoire. Les cinq rois vaincus,
est eleve; Septante : 'ASwvipan), intendant des tributs pour echapper aux Hebreux, s'etaient refugies dans une
35. Guerrler vaincu, fouW aux pteds par son vainqueur. Bas-relief assyrien de Nimroud.
sous les regnes de David, II Reg., xx, 24, de Salomon, caverne a Maceda : on se contenta, sur 1'ordre de Josug,
III Reg., iv, 6; v, 14, et au commencement du regne de d'obstruer a 1'aide de grosses pierres 1'entree de ce refuge
Roboam. HI Reg., XH, 18; II Par., x, 18. II dirigea les souterrain et d'y placer des gardes pour les empecher de
trente mille hommes que Salomon envoya au Liban pour s'echapper, pendant qu'on continuait a poursuivre les
couper les bois et extraire les pierres necessaires a ses fuyards. Ce ne fat qu'apres la destruction presque totale
constructions. Roboam le deputa pour apaiser les dix tribus, des soldats amorrheens, et une fois 1'armee revenue a son
irritees par ses dures reponses; mais le peuple le lapida. camp de Maceda, que Josue donna 1'ordre d'ouvrir la
II est appele par contraction 'Adordm, II Reg., xx, 24; caverne et de lui amener les princes qui s'y taient caches.
III Reg., XH, 18. Dans les Paralipomenes, on lit Haddrdm, Lorsqu'ils furent devant lui, il les fit fouler aux pieds des
o. Vulgate
II Par., x, 18. vuigaie ;: AUUKAM.
ADURAM. chefs d'Israel (fig. 35), selon un usage oriental d'un ter-
rible symbolisme : C'est ainsi, dit-il aux Hebreux, que
ADONIS , dieu syrien. Ezech., vm, 14. Voir THAMMUZ. le Seigneur en agira avec tous les ennemis que vous
aurez a combattre. Courage done, et ne craignez rien!
ADONISOECH (hebreu: 'Adoni-?edeq, mon Sei- x, 25. Enfin les rois captifs furent mis a mort, et leurs
gneur est justice; Septante : 'ASwviSsCsx), Amorrheen, cadavres suspendus a cinq gibets. Le soir venu, ils furent
roi de Jerusalem au moment ou les Israelites, sous la descendus a terre et jetes dans la caverne, dont on ferma
conduite de Josue, envahirent la Palestine pour en faire de nouveau 1'entree avec de grandes pierres. x, 27. Ainsi
la conquete. Jos., x, 1. La prise de Jericho, celle de Hal, s'etait pleinement accomplie la parole du Seigneur a Josue:
la defection des Gabaonites qui venaient de faire leur sou- Ne crains pas ces rois, car je les ai livres entre tes
mission au conquerant, toutes ces nouvelles effrayerent mains, et aucun d'eux ne pourra te resister. Jos., x, 8.
Adonisedech, dont la ville se trouvait menacee de tres E. DUPLESSY.
pres a cause du voisinage de Gabaon. II s'empressa de ADOPTION. L'adoption peut etre faite ou par I'homme
conclure une alliance avec d'autres rois chananeens : ou par Dieu. Nous etudierons successivement 1'une et
Oham, roi d'Hebron; Pharan, roi de Jerimoth; Japhia, 1'autre.
roi de Lachis, et Dabir, roi d'Eglon. Les cinq rois confe- I. De I'adoption faite par I'homme. II y a une adop-
deres vinrent mettre le siege devant Gabaon, autant pour tion tres large, qui est de droit naturel, et qui consiste en
la chatier que pour effrayer les autres villes qui seraient ce qu'un homme accueille ou recueille un etranger et le
tentees de suivre son exemple. traite plus ou moins comme son fils, sans que celui-ci
Josue etait a Galgala; c'est la que les Gabaonites se du reste acquiere aucun droit ni sur le nom ni sur la ior-
229 ADOPTION 230
tune de celui qui 1'adopte ainsi. Cette espece d'adoption, Sainte Ecriture : Sara, e"tant sterile, prie Abraham de
qui est one des formes dont la bonte et la charite peuvent prendre sa servante Agar; c'etait un second mariage, de
s'exercer, a existe dans tous les temps et chez tous les condition inferieure, de second ordre, mais legitime, Gen.,
peoples. Dans le sens juridique, 1'adoption est un acte xvi, 2; Rachel, n'ayant pas d'enfants, donne a Jacob sa
qui, moyennant certaines conditions determinees par la servante Bala. Gen., xxx, 4; cf. 9. Aussi voyons-nous que
loi, etablrt entre 1'adoptant et 1'adopte les rapports civils dans les pays de polygamie 1'adoption est peu ou point
de filiation, en sorte que 1'adopte acquiert, en tout ou en connue; les Arabes, comme leurs voisins de Palestine,
partie, les droits d'un enfant legitime. Nous trouvons 1'a- etaient polygames; ils ne connaissaient point 1'adoption.
doption juridique chez plusieurs peuples anciens, par Le Koran ne fait aucune mention de 1'adoption juridique;
exemple, les Indiens, les Grecs, les Remains. P. Viollet, il fait seulement allusion a une certaine adoption de bien-
Precis de I'histoire du droit franfais, Paris, 1886, veillance, qui produit un lien bien faible entre 1'adoptant
p. 401, 402. Pour les Remains, voir en particulier Code et 1'adopte, puisque Mahomet defend de donner a 1'adopte
de Just., VIII, XLVIII; Instit., I, xi; Dig., I, vn. Quand le nom de 1'adoptant, et qu'il permet a celui-ci d'epouser
1'adoption procure a 1'adopte tous les droits d'un enfant la femme repudiee de son fils adoptif. II n'est question
legitime, en sorte qu'il entre dans la famille de 1'adop- du reste, pour 1'adopte, d'aucun droit de succession sur
tant, et que la il occupe le rang et acquiert les privileges les biens de 1'adoptant. Koran, ch. xxxni, 4-5, 37. On lit
d'un enfant ne en mariage, lle est dite parfaite : telle cependant dans 1'Ecriture quelques textes ou faits qui
etait 1'adoption romaine, surtout avant la reforme profonde semblent se rapporter plus ou moins a 1'adoption. Nous
operee sur ce point par Justinien. Plus 1'adoption s'eloigne devons maintenant les expliquer :
de ce type, plus elle est imparfaite, ettend a se confondre 1 Nous trouvons trois fois dans 1'Ancien Testament,
avec 1'adoption de bienveillance dont nous avons parle. dans la Vulgate, le mot adopter : Elle [la fille du
Toutefois 1'adoption juridique ne se conceit guere sans un pharaon] 1'adopta (adoptavit) [Mo'ise enfant] comme
droit de 1'adopte sur la succession de 1'adoptant; car ce fils. Exod., it, 10. Son pere et sa mere [d'Esther] etant
droit etant essentiel et, pour ainsi dire, sacre pour tout en- morts, Mardochee 1'adopta (adoptavit) pour fille. Es-
fant legitime, si 1'adopte n'en jouit pas, son adoption sera ther, ii, 7. [Esther] que Mardochee avait adoptee (ado-
plutot la simple adoption de bienveillance. Meme en droit ptaverat) pour fille. Esther, n, 15. Mais le mot adaptors
francais, ou 1'adoption s'eloigne pourtant si notablement n'est pas dans le texte original; ainsi que nous 1'avons
de 1'adoption romaine parfaite, elle confere a 1'adopte un deja dit, la langue hebraique n'a pas de mot pour designer
droit strict sur la succession de 1'adoptant. 1'adoption; dans le premier texte, il y a: Vayehi Idh leben,
Les Hebreux avaient-ils cette adoption juridique, pro- et il fut pour elle comme un enfant; dans le second,
duisant au moins, en faveur de 1'adopte, le droit de suc- on lit : Leqdhdh Mordekal 16 lebaf, Mardochee la prit
cession sur les biens du pere adoptif ? Nous ne le croyons pour lui comme fille; dans le troisieme : 'ASer Idqa'j.
pas. La loi de Moise garde le plus profond silence sur ce 16 lebaf, [Esther] que Mardochee prit pour lui comme
point, la langue hebraique n'a pas de nom pour signifler fille. Or ces expressions vagues et generates peuvent
eet acte; le mot grec utoOeffj'a, qui signifie adoption , ne tres bien s'entendre de cette simple adoption de bienveil-
se trouve pas une seule fois dans la traduction des Sep- lance dont nous avons parle, laquelle ne produisait aucun
tante; en dehors des Epitres de saint Paul, ce mot ne se droit pour 1'adopte.
rencontre pas non plus une seule fois dans les ecrits du 2 Nous lisons, Gen., XLVIII, 5, ces paroles dites par Jacob
Nouveau Testament. Quand saint Jean veut nous dire que a son fils Joseph: Vos deux fils, Ephraim et Manasse,
nous sommes les enfants (evidemment adoptifs) deDieu, que vous avez eus en Egypte, avant que je vinsse ici avec
il dit simplement que nous sommes appeles et que nous vous, seront a moi, et ils seront mis au nombre de mes
sommes les enfants de Dieu. I Joa., HI, 1. Cela prouve que enfants, comme Ruben et Simeon. Ainsi Jacob accepte
dans la Palestine, ou les ecrivains du Nouveau Testament comme siens les deux enfants de Joseph, et leur assigne
avaient regu leur education, on n'etait pas accoutume a a chacun une part d'heritage, comme a Ruben et a Simeon:
Fidee d'adoption, dont peut-etre meme on ne connaissait ce qui fut, en effet, execute; car, dans le partage de la Terre
pas le nom. Que si saint Paul, comme nous le dirons tout Promise, sous Josue, Jos., xvi, xvn, une seule part fut
a 1'heure, a employe plusieurs fois le mot grec uioOeafa, assignee a chacun des freres de Joseph, tandis que Joseph
c'est qu'etant ne en Cilicie, il avait recu une education en eut deux parts dans la personne de ses deux fils, Ephraim
partie grecque, et avait pu ainsi se familiariser avec les et Manasse. Or n'est-ce pas la la veritable adoption avec
idees et la langue des Grecs, qui connaissaient et prati- un droit de succession sur les biens de 1'adoptant? Non,
quaient 1'adoption. Les Hebreux ne connaissaient done pas ce n'est pas 1'adoption; c'est 1'exercice d'un pouvoir, qu'a-
1'adoption juridique; du reste elle aurait pu troubler 1'ordre vait le pere de famille, de transporter, pour une cause tres
de succession etabli par Moise avec tant de precision, dans grave, le droit d'ainesse de son fils aine sur un autre en-
le but de garder toujours les biens dans la mme tribu fant. Ce droit ou cet usage est clairement suppose par le
et, autant que possible, dans la meme famille. D'apres texte du Deuteronome, xxi, 15-17, qui le confirme. Ruben
Num., XXVH, 8-11, 1'heritage du defunt passe a ses flls; etait le fils aine de Jacob; mais il s'etait uni a Bala, epouse
s'il n'a pas de flls, a ses filles; s'il n'en a pas non plus, secondaire de son pere, Gen., xxxv, 22. Irrite contre lui,
a ses freres; a leur defaut, a ses oncles, et enfin a ses plus Jacob lui refuse sa benediction et la transports sur Joseph,
proches parents. Or, si les Juifs avaient adopte, ils auraient Gen., xux, 4, 22-26, qui fut ainsi constitue premier-ne
pu librement et facilement bouleverser ce bel ordre, et legal de la famille, et obtint par la me'me le droit a deux
peut-etre faire passer les biens dans une autre tribu. parts d'heritage, droit propre des fils aines. Telle est 1'expli-
C. B. Michaelis, De ritualibus Scripturae Socrse ex Alco- cation que donne de ce passage celebre 1'auteur des Para-
ro.no illustrandis, xi. lipomenes. I Par.,v, 1-2.
Mais d'ou vient que les Hebreux n'ont pas connu 1'adop- 3 La loi juive du levirat (voir ce mot) a des rapports
tion ? La reponse est facile: c'est que le besom ne s'en est avec 1'adoption. D'apres cette loi, quand un Juif meurt
pas fait sentir. Quel est le but de 1'adoption? Son but prin- sans enfants, le frere puine doit epouser la veuve du de-
cipal , c'est de suppleer le mariage, c'est-a-dire de donner funt, afin de donner ainsi un heritier a son frere; en effet,
des enfants a ceux qui n'en ont pas, afin qu'ils aient, eux 1'enfant premier-ne prend le nom du defunt et recueille
aussi, un soutien dans leur vieillesse et un successeur de ses biens. On le voit, ce sont les effets de 1'adoption. Aussi
leur nom et de leur fortune. Les Hebreux n'ont pas eu saint Augustin, QusRSt. inHeptat.,\, 46, t. xxxrv, col. 767,
besoin de ce supplement: ils avaient la polygamie; si un et apres lui d'autres saints docteurs ou theologiens donnent
premier mariage etait infecond, uri stecond venait combler le nom d'adoption a cette disposition de la loi mosaique.
le vide. C'est ce que nous voyons plusieurs fois dans la Mais il est evident qu'il n'y a la de 1'adoption que le nom.
231 ADOPTION 232
L'adoption imite la paternit; elle suppose par consequent Dieu nous a engendres par la parole de la verite. Jac.,
dans 1'adoptant la vie et un acte libre de bonte pater- i, 18. Cf. Joa., in, 5; I Joa., m, 9; v., 9; Tit., in, 5;
nelle; dans le cas du leVirat, il n'y a ni 1'un ni 1'autre; I Pet., 1, 3, 23. C'est cette naissance divine qui nous est
celui qu'on donne comme adoptant est mort, et, par suite, donnee par le bapteme, qui est pour cela appele le bain
absolument etranger a I'introduction d'un membre dans de la regeneration, Tit., in, 5, et, si Ton peut parler ainsi,
sa famille. II est vrai que les Remains ont eu pendant le sacrement de la renaissance: Si un homme ne renait
quelque temps 1'adoption par testament, Ortolan, Instit. de 1'eau et de 1'Esprit - Saint, il ne peut entrer dans le
de Justinien, De adoptionibus, n 134, et notre droit fran- royaume de Dieu. Joa., HI, 5.
cais reconnait aussi, au moins dans un cas, 1'adoption 2. Si nous sommes nes de Dieu, nous sommes fils de
testamentaire, Code civil, art. 366; mais encore celle-ci Dieu. La consequence est rigoureuse. Reaucoup de textes
suppose-t-elle un acte libre de la partdu testateur; il n'y du Nouveau Testament appellent les justes fils de Dieu ;
a rien de semblable dans le cas du levirat; la loi seule sans doute quelques-uns doivent se prendre dans le sens
ordonne et agit. La prescription mosaique n'est done pas large, c'est-a-dire dans le sens d'une certaine ressem-
une adoption, mais la substitution faite par la loi, pour blance avec Dieu. Matth., v, 45. Cf. v, 9. Mais un grand
des raisons graves, d'un pere fictif au pere naturel. nombre ne peuvent s'expliquer que dans le sens precis
II. De 1'adoption faite par Dieu. De meme que d'une filiation adoptive strictement dite, soit parce qu'ils
1'homme peut avoir a la fois, au moins dans certaines insistent avec energie sur cette filiation, soit parce qu'ils
legislations, des enfants naturels et des enfants adoptifs, donnent comme raison de cette filiation la nouvelle nais-
ainsi Dieu qui a un Fils naturel, Jesus-Christ, a voulu sance et la nouvelle vie que les justes resolvent de Dieu.
avoir aussi des fils adoptifs; c'est a ce genre d'adoption Voyez, dit saint Jean, quel amour le Pere nous a temoi-
que saint Paul, le premier des ecrivains sacres, a ap- gne, de vouloir que nous soyons appeles, et que nous
plique le mot uioOeat'a. Mais Dieu peut adopter ou toutun soyons, en effet, enfants de Dieu... Mes bien-aimes, nous
peuple ou des individus : de la deux sens distincts dans sommes deja enfants de Dieu. I Joa., HI, 1-2. Cf. Rom.,
ce mot. viii, 14-17; Gal., m, 26; iv, 4-6; Rom., v, 2; vm, 21;
1 Nous trouvons le premier sens, adoption d'un peuple, Joa., i, 12.
dans le passage de saint Paul, Rom., ix, 4, ou il dit : 3. L'enfant, ne de son pere, et devenu ainsi son fils,
Les Israelites, a qui appartiennent 1'adoption des en- recoit de lui, par la meme, la nature humaine. Saint
fants (^ ulo9e<r;a), et sa gloire^ et son alliance, et sa loi, etc. Pierre nous dit: Dieu, par Jesus - Christ, nous a com-
Evidemment le mot mo6s<T:x s'entend ici de 1'adoption faite munique les grandes et precieuses graces qu'il nous avait
par Dieu, non pas des Juifs individuellement, mais du promises, pour vous rendre par ces memes graces par-
peuple juif dans son ensemble"; de meme que 1'alliance ticipants de la nature divine. II Pet., i, 4. En quoi
et la loi, dont saint Paul parle dans la meme phrase, re- consiste cette participation de la nature divine, qui est le
gardent non les individus, mais le peuple, ainsi Tadoption fruit de notre nouvelle naissance? Par le seul fait de cette
s'applique a tout le peuple juif. Saint Paul veut dire par regeneration, nous recevons en nous le Saint - Esprit;
la que Dieu a traite le peuple juif comme son fils, le de- il est communique et donne a 1'ame juste. Rom., v, 5.
livrant de la servitude d'Egypte, lui donnant un riche Cf. I Joa., iv, 13; II Cor., i, 22. II habile par consequent
heritage, le comblant de bienfaits, le couvrant de sa pro- dans 1'ame juste. Rom., vm, 9,11. Sans doute il n'habite
tection, le defendant contre ses ennemis, en un mot se pas en nous a 1'exclusion du Pere et du Fils, a cause de
montrant pour lui comme le meilleur des peres. C'est dans la circumincession (nept^wpiiffK;) des trois divines per-
le meme sens que le peuple juif est quelquefois appele sonnes, qui sont consubstantielles et inseparables; aussi
fils deDieu , par exemple : J'ai appele d'Egypte mon Jesus a-t-il pu dire de 1'ame du juste : Si quelqu'un
fils, Osee, xi, 1, et meme fils aine de Dieu. Exod., m'aime, il gardera ma parole, et mon Pere 1'aimera, et
iv, 22-23. nous viendrons a lui, et nous ferons en lui notre de-
2 Nous trouvons le second sens, adoption individuelle, meure. Joa., xiv, 23. Toutefois cette ceuvre de justifica-
dans les quatre autres passages ou saint Paul emploie ce tion etant un don excellent et un temoignage tres pre-
mot uloOeffta: Vous avez refu 1'esprit de 1'adoption des cieux de 1'amour divin, est attribute par 1'Ecriture et les
enfants (itveOfjia utoOsula?), par lequcl nous crions : Abba, Peres au Saint-Esprit, qui est par excellence le Don de
Pere. Rom., viii, 15. Pour nous faire recevoir 1'adop- Dieu et 1'Amour substantial et personnel du Pere et du
tion des enfants. Gal., iv, 5. [Dieu] qui nous a pre- Fils. Mais que fait le Saint-Esprit dans notre ame? Par
destines pour nous rendre ses enfants adoptifs. Eph., son action toute - puissante, il imprime en elle cette qua-
I, 5. Nous gemissons en nous-memes, attendant 1'adop- lite permanente qu'on appelle grace sanctifiante; elle est
tion. Rom., viii, 23. inherente a 1'ame, la penetre tout entiere, lui donne des
En quoi consiste cette uloOecna, cette adoption divine puissances et des facultes nouvelles, et la rend ainsi sem-
dont parle saint Paul? Elle n'est pas la filiation divine blable a Dieu.
naturelle, qui n'appartient qu'au Fils unique de Dieu; 4. Nes de Dieu, nous entrons dans sa famille, comme
mais elle n'est pas non plus semblable a 1'adoption humaine, le fils entre naturellement dans la famille de son pere; il
qui n'est au fond qu'une denomination legale et exterieure, n'est pas pour nous un etranger, ni meme simplement le
et ne fait rien passer de la substance du pere dans celle Createur, c'est notre Pere; ce mot est repete plus de quinze
du fils; elle tient le milieu entre les deux, se rapprochant fois dans le Nouveau Testament, et avec ce sens precis.
plutot de la filiation naturelle. Plusieurs textes de la Sainte Par la meme raison, nous devenons les freres de Jesus-
Ecriture vont mettre dans tout son jour cette verite con- Christ, quoiqu'il soit Fils naturel de Dieu, et non simple-
solante. ment fils adoptif. Dans la plupart des legislations, c'est
Dans I'ordre de la filiation naturelle humaine, un enfant un effet de 1'adoption de rendre les adoptes freres des fils
nait de son pere; par la meme, il est son fils; par cette naturels de 1'adoptant. D. I, VH, 23. C'est ce que Dieu a
naissance, il recoil de son pere la nature humaine; il voulu aussi dans I'ordre surnaturel: nous sommes freres
entre dans la famille de son pere et devient son heritier. de Jesus-Christ, au meme titre que nous sommes enfants
Nous allons retrouver, a la lumiere de la Sainte Ecriture, de Dieu. Rom., vm, 29.
tous ces elements dans notre filiation divine adoptive. 5. Enfin, si nous sommes fils de Dieu, nous sommes ses
1. Les justes sont engendres, sont nes de Dieu. L'homme heritiers: c'est qu'en effet, comme nous 1'avons observe
n'aurait ose le dire ni meme le penser, si Dieu ne 1'avait dane la premiere partie de cet article, toute veritable
dit. Les textes sont nombreux qui mentionnent cette nou- adoption entraine en faveur de Fadopte le droit a la suc-
velle naissance, cette nouvelle generation. Us sont nes cession du pere adoptif. Or saint Paul nous apprend qu'il
de Dieu, dit saint Jean, i, 13. Par un effet de sa bonte, en est de meme pour 1'adoption divine: Si nous sommes
233 ADOPTION ADORATION 234
enfants, nous sommes aussi heritiers, heritiers de Dieu prement se prosterncr jusqu'a toucher du front la terre ;
et coheritiers de Jesus-Christ. Rom., vni, 17. Cf. Gal., aussi on le voit souvent suivi des mots appaylm 'ar$dh,
in, 29; iv, 7; Tit., in, 7; I Pet., m, 22; Jac., n, 5. Aussi, la face contre terre, ou autres equivalents. Gen., xix, 1;
dans la Sainte Ecriture, la gloire du ciel, consistant dans XLII, 6; XLVIII, 12, etc. Gesenius, Thesaurus, p. 1387. Telle
la vision intuitive, 1'amour et la possession de Dieu, nous etait chez les Hebreux la demonstration la plus eclatante
est souvent proposed comme un heritage: Beni soil Dieu, de veneration, qu'ils distinguaient soigneusement des
Pere de Notre-Seigneur Jesus-Christ, qui, selon la gran- autres marques de respect; ils avaient d'autresmots pour
deur de sa misericorde, nous a, par la resurrection de signifier la simple genuflexion (kdra', bdrak, traduits
Jesus-Christ, regeneres, pour nous donner la vive espe- ordinairement dans les Septante : le premier, par xXt'vetv
rance de cet heritage, ou rien ne peut ni se detruire, ni ITC\ Ta yovaxa; le second, par ncitreiv in\ ta yovata) ou
se corrompre, ni se fleirir, etc. I Pet., i, 3-4. Cf. Eph., 1'inclination moderee du corps (qadad, traduit habituel-
i, 18; v, 5; Col., m, 24; Heb., i,. 14; ix, 15. Sans doute les lement dans les Septante par X'JITTW) ; le terme hisfahavdh
mots hasres, haereditare, haereditas (en grec, x>.Tf)pov6(io, etait reserve pour signifier la prosternation complete.
xV/)povo|Xw, -/Xr)povo[jua; en hebreu, radical ndhal) ne Cette marque de veneration etait du reste en usage,
signifient pas toujours un heritage proprement dit, c'esfc comme elle 1'est encore aujourd'hui, dans les pays
a-dire le mode special d'acquisition par succession ou tes- orientaux. Le Musee britannique possede une peinture
tament ; mais signifient quelquefois , en general, la prise \murale, contemporaine de la xvme dynastie egyptienne,
de possession d'un bien, quel que soit d'ailleurs le mode qui represente des personnages offrant des presents a un
d'acquisition; mais cette distinction est ici sans impor- roi; les plus rapproches de lui sont prosternes devant lui,
tance, puisqu'il nous suffit de faire remarquer qu'en vertu le front courbe jusqu'au sol; ceux qui viennent ensuite sont
de sa naissance divine, le juste acquiert un certain droit
sur les biens divins prepares dans le ciel; or ce droit,
qui constitue precisement 1'heritier, est prouve par la
plupart des textes cites; cela est tellement vrai, que saint
Paul, dans un des quatre textes ou il emploie le mot
v'.o6Effta, identifie notre adoption divine avec notre heri-
tage celeste : Nous gemissons en nous-memes, atten-
dant 1'adoption divine, la delivrance de nos corps. Rom.,
vin, 23.
Ce que nous venons de dire de ce privilege admirable
de 1'adoption divine, ou de la filiation divine adoptive,
confere a tous les justes, ne peut s'appliquer a Jesus-Christ,
qui, etant Dieu et homme, est purement et simplement
Fils naturel de Dieu, et non pas Fils adoptif. Comme
la filiation ne peut convenir qu'a une personne, et qu'en 36. Roi d'^gypte adorant la d6esse Isis.
Jesus-Christ il n'y a qu'une personne, celle du Verbe, il
ne peut y avoir en lui qu'une seule filiation, la filiation a genoux, attendant probablement le moment de se pros-
naturelle, en vertu de laquelle Jesus-Christ est Fils na- terner; enfin il y en a qui sont encore debout, jusqu'a ce
turel de Dieu. S. Thorn., m, q. 23, a. 4. Ainsi, d'un seul que leur tour vienne de s'approcher. F. Vigouroux, La
mot, se trouve refutee 1'erreur ou plutot 1'heresie des Bible et les decouvertes modernes, Paris, 1889, t. n,
Adoptianistes, Felix, eveque d'Urgel, et Elipand, arche- p. 146. Nous reproduisons ici (fig. 36) un roi d'Egypte
veque de Tolede, qui, dans la seconde moitie du vme siecle, qui adore prosterne la deesse Isis. Les Perses distin-
enseignaient que Jesus-Christ, comme homme, peut etre guaient soigneusement entre la salutation et 1'adoration.
dit Fils adoptif de Dieu. Cette erreur, qui n'etait qu'un Alexandre, ayant vaincu les Perses, voulut, dit Justin,
rejeton du nestorianisme, fut condamnee au concile de XII, vii, non pas etre salue, mais etre adore, suivant
Francfort (794). S. MANY. 1'usage des rois persans; cet usage, dit Quinte-Curce,
consistait en ce que les sujets se prosternaient a terre, et
ADOR, ville de Palestine. I Mach., xi:i, 20.Voir ADURAM 1. frappaient du front le sol devant leur souverain. Quint.
Curt., VI, vi. Une coutume semblable existait en Assyrie.
ADORAM. Hebreu : Hadoram. (Fig. 37.) C'est 1'hommage que 1'orgueilleux Aman, premier
ministre du roi Xerces (1'Assuerus de la Bible), voulut
1. ADORAM (Septante: 'OSoppa), cinquieme fils de qu'on lui rendit: Et tous les serviteurs du roi, qui etaient
Jectan. II s'etablit aux extremites meridionales de 1'Arabic. a la porte du palais (a Suse), flechissaient le genou devant
Ses descendants sont les Adramites des geographes clas- Aman, et I'adoraient. II n'y avait que Mardochee qui ne
siques. I Par., i, 21. II est nomme Aduram dans la Vul- flechit pas les genoux devant lui, et ne 1'adorat pas. Esth.,
gate. Gen., x, 27. in, 2. Ici le texte hebralque presente les deux mots signales:
kdra % flechir ie genou, ex histahavdh, adorer.
2. ADORAM (Septante: 'A8oupa(i), fils de Thou, roi Les Hebreux rendaient cette adoration a Jehovah, comme
d'Hemath, vint de la part de son pere feliciter David de la on le voit Gen., xxiv, 26, 48; Exod., xx, 5, etc. Gesenius,
victoire qu'il avait remportee sur Adarezer, roi de Soba, Thesaurus, p. 1387. Dans ce cas, le verbe hebraiique hisfa-
et lui offrir en present des vases d'or, d'argent et d'airain. havdh est quelquefois seul, sans regime, le nom de Je-
I Par., xvin, 10; II Reg., vin, 10. Dans ce dernier endroit, hovah restant sous-entendu. C'est aussi de cette maniere
il est nomme Joram. que Notre-Seigneur, au jardin des Oliviers, adora son
Pere : II se prosterna contre terre, Marc., xiv, 35;
ADORATION (Vulgate: adorare; Septante et Nou- il tomba la face contre terre. Matth., xxvi, 39. Les
veau Testament: itpoaxuvew; hebreu : histahavdh, hith- Hebreux rendaient aussi 1'adoration ou Thommage du
palel du radical Sahdh) designe dans la Bible un temoi- profond respect par la prostration aux grands person-
gnage particulier de veneration, que les Hebreux rendaient nages , comme les rois et les princes : ainsi Miphiboseth,
a la divinite et aux grands personnages. II consiste en ce fils de Jonathas, adora David, II Reg., ix, 6, 8; Joab et
que Yadorateur se jette a deux genoux et se prosterne Absalom adorerent le meme prince, II Reg., xiv, 22,
jusqu'a terre devant la personne qu'il venere, lui baisant 33, etc. Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur fut
les pieds ou touchant le sol de son front devant elle. C'est souvent 1'objet de cette marque de veneration : les mages
Ifi sens naturel du verbe histahavdh, qui signifie pro- 1'adorerent prosternes devant lui, Matth., n, 11; Faveugle-
ADORATION 236
no, gueri par lui, et apprenant de lui qui il etait, a tombe c'est de dessus le propitiatoire qui recouvrait 1'arche qu'il
a terre et 1'adore, Joa., ix, 38; les saintes femmes, apres rendait ses oracles.
sa resurrection, se jettent a ses pieds, les baisent, et Quelquefois les Hebreux ont rendu 1'adoration a de
i'adorent, Matth., xxvm, 9, etc. Dans les Actes des fausses divinites; les auteurs sacres, pour designer ce
Apotres, Pierre, envoye par Dieu au centurion remain culte, ont employe le meme mot hisfahavdh, Deut., xxix,
Corneille, re?oit de lui cette marque de veneration: se 25 (26), etc.; aussi, lorsque, Exod., xxxiv, 14, Jehovah
prosternant a ses pieds, il 1'adora. Act., x, 25. Pierre defend a sen peuple d'adorer des dieux etrangers, il so
refusa cet honneur, disant qu'il n'etait qu'un homme. Act., sert de la meme expression. Cependant a partir d'Isaie,
X, 26. Corneille ne 1'ignorait pas, mais il avait voulu se et surtout apres la captivite, les auteurs sacres emploient
conformer aux moeurs hebraiques. Dans des cas particu- pour designer 1'adoration des idoles un autre mot, le verbe
37. Tributalres des rois d'Assyrie adorant le rol Salmauasar II. Obelisque de basalte du British Museum.
liers, les Hebreux rendaient le meme hommage a des sdgad, qui est un verbe arameen, seged, traiisporte dans
hommes ordinaires, qu'ils voulaient honorer d'une ma- la langue hebra'ique, et qui designe egalement 1'adora-
niere toute speciale: ainsi Abraham adore jusqu'a terre tion, c'est-a-dire la prosternation complete. On le voit
les trois visiteurs, qu'il ne connut que plus tard, Gen., pour la premiere fois dans Isa'ie, XLIV, 15, 17, etc.; il est
xvin, 2; il adore les enfants de Heth, Gen., xxm, 7, 12. ensuite employe habituellement par les auteurs sacres.
Moise adore Jethro, son beau-pere, Exod., xvm, 7; David Dans la Bible, ce mot est exclusivement employe pour
adore jusqu'a trois fois son sauveur Jonathas, fils de Saul, signifier 1'adoration des idoles; mais, dans la langue ara-
I Reg., xx, 41; Jacob se prosterne a terre devant son frere meenne, il signifle indifleremment 1'adoration du vrai
Esau et 1'adore, et cela jusqu'a sept fois, Gen., xxxm, 3; Dieu ou celle des idoles. Aussi dans le Nouveau Testa-
le nombre des adorations etait la mesure de 1'honneur ment, le mot irpo(ntuviv, adorer, est-il toujours traduit
qu'on entendait rendre. Nous trouvons aussi le mot ado- dans la Peschito, ou version syriaque, par le verbe seged.
rare, hisfahavdhf applique a un objet materiel, a cause Les auteurs de la version des Septante et de la Vul-
de ses rapports intimes avec le culte de Dieu. Ainsi, gate ont traduit partout le mot hebreu hiStahavdh par
Ps. xcvin (heb. xcix), 5: Adorez 1'escabeau de ses pieds irpodxuvelv et adorare. En efifet, ces deux mots signifient
[de Jehovah], parce qu'il est saint. D'apres la meilleure aussi, dans ces langues, la prosternation complete : le mot
interpretation, cet escabeau des pieds de Dieu, c'est 1'arche adorare vient de ad, vers, et de os, bouche; le mot
d'alliance, sur laquelle Jehovah etait cense reposer; car , de upo;, vers, et de xuvetv, < baiser; cela
23? ADORATION ADRAM&LECH 238
vieiit de ce que les Grecs et les Remains, dans 1'acte de du culte de Dieu, qui est le sacrifice, qu'on ne pouvait
1'adoration, portaient la main droite a la bouche, tout offrir que dans le temple de Jerusalem. S. MAN\.
en se prosternant devant celui qui etait 1'objet de 1'ado-
ration; d'apres d'autres auteurs, cela viendrait de ce que, ADRAMIiLECH, hebreu: 'Adrammelek; Septante:
quand la prosternation etait complete, 1'adorateur baisait ASpotjilXex; textes cuneiformes: Adar-rnalik ou Adru-
/ou etait cense baiser la terre devant celui qu'il adorait. malku.
Tel est le sens a la fois etymologique et historique des
mots adorer, adoration. Signalons brievement quelques \. ADRAMELECH, idole dont les Sepharvaltes, IV Reg.,
;sens derives qui se rencontrent dans la Sainte ficriture : xvn, 29-41, introduisirent el perpetuerent le culte dans
1 Le verbe adorer, histahavdh, signifle quelquefois, dans la Samarie, ou les avait transplanted Sargon, roi d'As-
la Bible, 1'adoration du vrai Dieu, sans aucune proster- syrie, apres la destruction du royaume d'Israel et la prise
nation du corps. Ainsi, III Reg., i, 47, David adora Dieu de sa capitale. Les anciens -et les rabbins disent qu'on
dans son lit; ce qui est dit aussi de Jacob, au moment representait cette idole sous la forme d'un mulct, mais
de sa mort, d'apres quelques interpretes. Rosenmiiller, sans ombre de raison. Ce qui est certain, c'est qu'on lui
In Gen. XLVII, 31. 2 Dans la Vulgate, le mot adorer, offrait des enfanls en holocauste. Ges sacrifices semblent
adorare, signifie quelquefois prier ; par exemple, Ps. LXXI se rapporter a une divinite solaire, car ils rappellent ceux
{heb. LXXII), 15: Us prieront sans cesse pour lui, adora- que 1'on offrait en Chanaan, en Phenicie et a Carthage,
bunt de ipso semper, comme on le voit par le verbe he- a Baal-Moloch. Voir MOLOCH.
braique pdlal (a 1'hithpahel) et le grec Tipoffev^eaOai, que Des la plus haute antiquite, enffet, et deja au temps
la Vulgate a traduits par adorare, et qui signifient prier. de Sargon d'Achad, c'est-a-dire vers 1'an 3800 avant J.-C.,
Le mot adorare, dans les auteurs profanes, a quelquefois le suivant les chroniques babyloniennes, la ville de Sippar,
sens de prier . Voir Forcellini, Totius latinitatis lexicon, la Sepharvaim biblique, patrie de ces neo-Samaritains,
v adorare. Remarquons 1'analogie entre adorare et orare, adorait le soleil; Tun des deux quartiers de cette ville lui
prier; du reste, dans le culte de Dieu, 1'adoration est etait meme particulierement consacre, tandis que 1'autre
ordinairement le prelude de la priere. 3 Le mot adorare 1'etait a la deesse Anounitou : Sippar sa Santas'Sippar Sa
signifie quelquefois offrir a Dieu des sacrifices , par Anunitu, la Sippar du soleil et la Sippar d'Anounitou.
exemple, Joa., iv, 20: Jerusalem est le lieu ou il faut Western Asiatic Inscriptions, t. u, pi. ^5,1.18,19 b. Dans
adorer, npotmivetv; evidemment il ne s'agit pas ici de 1'idiome semitique de la Mesopotamie, le soleil se nom-
cette adoration ou prosternation du corps, qu'on pouvait mait SamSu, ce qui rappelle 1'hebreu semeS; mais bien
iaire en tout lieu devant Jehovah; mais de 1'acte principal des indices semblent suggerer comme aulre appellation
239 ADRAMfiLECH ADRICHOMIUS 240
du meme dieu celle A'Adar ou Adru: c'est celle qu'on meme contraints de chercher un refuge en Arme'nie. Les
trouve, par exemple, dans le nom du Noe" chaldeen Hasis- textes assyriens ne nous ont pas encore livre le- recit de
Adra. Voir A. H. Sayce, Lectures on the religion of the ce parricide; mais ils nous apprennent que cette periode
ancient Babylonians, p. 263, 152. Quant au mot melek, fut tres agitee, et que Sargon, pere de Sennacherib, peril
qu'y ajoute la Bible, c'est one epithete empruntee au verbe lui-meme assassine ; son predecesseur Salmanasar avait
malaku, c etre prince, laquelle est donnee a plusieurs eu probablement aussi le meme sort. Ils nous apprennent
divinites par les textes ouneiformes. Western Asiatic In- encore que FArmenie etait a cette e"poque en guerre avec
scriptions, t. iv, pi. 56, 1. 36 b. On a exhume des mines 1'Assyria, qu'elle avait eu grandement a souffrir des armes
meraes de Sippar une belle tablette de pierre, avec 1'image de Sargon, qu'elle tenait en echec celles de Sennacherib,
de 1'idole Samsou (fig. 38). Sur une sorte d'autel ou de et que par consequent les meurtriers de ce prince durent
support, on voit un grand disque, sans doute en metal s'y refugier de preference, surs d'un favorable accueil.
dore, et par derriere, dans un naos ou chapelle, le dieu Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. iv, p. 292.
est represente sous la forme humaine, haut d'environ Les textes cuneiformes babyloniens sont plus explicites :
quinze pieds, si les proportions sont bien gardees, et 1'Assyrie ne dit jamais, naturellement, que ce qui peut etre
assis sur un trone. Comme signe d'anciennete, la barbe a son honneur; mais les Babyloniens etant alors les en-
lui tombe jusqu'a la ceinture; comme signe de force et de nemis des Assyriens, c'est a ceux - ci qu'il faut demander
puissance, quatre paires de cornes s'enroulent autour de la confirmation du recit biblique. Et, en effet, nous lisons
sa tiare; deux personnages, un roi et un officier, font dans le recueil historique connu sous le nom de Chronique
devant le naos le geste de Fadoration, tandis qu'un pretre babylonienne : arhi Tebiti umi xx1 Sin-ahi-irba Sar
les introduit, puis ecarte le disque qui cachait 1'idole; AsSur apattu iduk, le vingt du mois de Thebet, Sen-
celle-ci etend vers les visiteurs un symbole divin, peut- nacherib roi d'Assyrie, son fils le tua. Th. G. Pinches,
etre un signe de vie, analogue a la croix ansee ou au The Babylonian Chronicle, p. 8, lignes 34-35.
sceau des dieux egyptiens. Ce dieu avait pour epouse Aa, D'apres les recits armeniens, les deux princes, pour-
vraisemblablement Anounitou ou FAnamelek de la Bible; suivis et vaincus par Asaraddon, leur frere, furent bien
il en resultait une dualite de personnages solaires analo- regus par le roi Argistis ( ? ) , qui leur donna des terres a
gue a celle de Moloch-Baal en Phenicie, de Seket-Bast gouverner. Berose avait une narration analogue, comme
en Egypte; le premier element personnifiant la force du on le voit par ses abreviateurs; mais les noms y sont fort
soleil, le second sa douceur. Voir ANAMELECH. alteres : Adramelech est devenu Ardumusanus. La ve>i-
Au lieu de celte identification, appuyee sur la place table prononciation assyrienne etait Adru - malku ou,
que les Sepharva'ites reservaient effectivement a Samas sans desinence, Adar-malik, ce qui veut dire le dieu
dans leur culte national, d'autres ont prefere voir Adar Adar commande . Ce nom etait frequemment porte en
ou Adramelech, avec Eb. Schrader, dans le kirub ou Assyrie; on le retrouve quatre ou cinq fois dans le Canon
dieu-taureau a tete humaine, Riehm, Handworterbuch des limu, sorte de table chronologique des e"ponymes
des biblischen Altertums, t. I, p. 29; dans Sakkut, Eb. de Ninive. Pour les recits de Berose et les Armeniens,
Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and voir F. Didot, Fragmenta hist, graec., Berose, t. n, p. 504
the Old Testament, t. n, p. 142; dans le dieu nomine par etsuiv.; ibid., Mar apas Catina, t. v, part. H, p. 34; pour
les Grecs Samdan ou Parsondas, et que les textes cunei- les textes assyriens, Delitzsch, Assyrische Lesestucke,
lormes designent par les ideogrammes Bar ou Nin-eb, 1878, Eponymencanon, p. 88, c. n et suiv.; Lenormant-
desquels nous ignorons au reste la prononciation veritable; Babelon, Histoire ancienne de VOrient, t. iv, p. 291, 321;
ainsi, mais seulement dans son premier volume, F. Le- Th. G. Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 3, 8, 24;
normant, Les origines de I'histoire, p. 161 et suiv. Sayce, A. H. Sayce, Dynastic tablets of the Babylonians dans
Lectures on the origin and growth of the religion of the les Records of the past, nouvelle serie, t. i, p. 28.
Ancient Babylonians, p. 7, 151 et 152, y voit de prefe- E. PANNIER.
rence la deesse Aa, suivant en cela Lehmann, De inscri- ADRIATIQUE (Mer), 'A8pta;, Act., xxvn, 27. Dans
ptionibus cuneatis gua? pertinent ad Samas-sum-ukin, son trajet de Cauda (Gaudos) a Melita (Malte), le vaisseau
p. 47. Ajoutons enfin que les inscriptions cuneiformes sur lequel etait embarque saint Paul navigua sur 1'Adrias
elles-me'mes paraissent a certains endroits confondre a ou mer Adriatique. Quelques exegetes ont cru que la Me-
la fois le pretendu Adar-Samdan ou Uras avec Nin-eb, lita dont il est question ici etait une lie de ce nom dans
Ramman ou Mermer avec Nebo, avec le soleil a son le golfe de Venise, et que 1'Adrias etait la mer Adria-
midi. Western Asiatic Inscriptions, t. ir, pi. LVII, 1. 51, tique, au sens actuel du terme. A 1'article MALTE, on
76; ibid., 1.31; pi. LX, 1. 37, etc. Mais ces identifications prouvera que File appelee Melita par les Actes, xxvm, 1,
factices ne reposent generalement que sur des epithetes est Malte, situee au sud-est de la Sicile. Dans ce cas, com-
ou des attributs communs; d'ailleurs ces dieux n'ont gene- ment saint Luc a-t-il pu appeler Adrias la mer qui
ralement aussi a Sippar qu'une place fort effacee : on s'etend entre la Crete et la Sicile? On donna d'abord le
ne voit done pas pourquoi les Sepharvaltes auraient intro- nom de mer d'Adrias a la mer qui baignait Adrias, ville
duit leur culte en Samarie, au detriment de SamaS et situee aux embouchures du P6. Par extension, ce terme
d'Anounit, qui etaient les grands dieux lutelaires de leur designa plus tard le golfe de Venise, puis toute la mer
cite. Enfin meme leurs partisans avouent ordinairement jusqu'au detroit d'Otrante. Mais, aux premiers siecles du
qu'U faut leur reconnaitre le caractere de divinites so- christianisme, on appelait Adrias la mer bordee par la
laires, de telle sorte que le dissentiment devient plus appa- Sicile, FItalie, la Grece et FAfrique. Ptolemee dit que la
rent que reel. Cf. }. Seldenus, De diis syris, 1668, i, Crete etait baignee a Fouest par FAdrias. D'autres ecri-
p. 328; H, p. 308 et suiv., pour les anciens; parmi les vains anciens disent que Malte divisait la mer Adriatique
modernes : F. Lenormant, Les origines de I'histoire, de la mer Tyrrhe'nienne, et Fisthme de Corinthe, la mer
1.1, p. 524-526; t. H, p. 7; Lenormant-Babelon, Histoire Egee de FAdriatique. Saint Luc a done employe, pour
ancienne de VOrient, t. v, p. 251; Transactions of the designer la Mediterranee centrale, le terme en usage chez
Society of Biblical Archaeology, t. vin, part, n, p. 464, et les geographies de son temps. E. JACQUIER.
pour la tablette de Sippar, Western Asiatic Inscriptions,
t. v, pi. 60. E. PANNIER. ADRICHOMIUS (Christian ADRICHEM, dit), ne a
Delft, dans la Hollande, en 1533, ordonnd pretre en 1561,
2. ADRAMtLECH, fits et meurtrier de Sennacherib, fut contraint par les guerres de religion de quitter sa
roi d'Assyrie. IV Reg., xix, 37; Is., xxxvii, 38. Lui et Sa- patrie et de se retirer dans le Brabant, puis a Cologne,
rasar, son frere, tuerent leur pere dans le temple du dieu ou il mourut en 1585. A Anvers, il publia sous le nom de
Nesroch, mais ne purent s'emparer du trone. Us furent Christianus Crucius une Vita Jesu Christi ex quatuor
241 ADRICHOMIUS ADULTERE 242
Evangelistis breviter contexta, in-12, 1578. Son ouvrage ADULLAM, ville de Juda. Jos., xv, 35. Elle est appelee
principal ne fut imprime en entier qu'apres sa mort. II est Odollam partout ailleurs dans la Vulgate. Voir ODOLLAM.
intitule flieatrum Terras Sanctx et Biblicarum historia-
rum cum tabulis geographies, et divise en trois parties. ADULTERE. Ce mot a differents sens dans la Sainte
La premiere est une geographic de la Terre Sainte; la Ecriture; voici les principaux : 1 Crime centre la foi du
seconde, une description de Jerusalem; la troisieme est mariage. Prov., vi, 32; Sap., ra, 16; Eccli., xxm, 33;
une chronique qui va depuis le commencement du monde Os., iv, 2,14, etc.; par extension, ce mot a ete quelquefois
jusqu'a la mort de saint Jean FEvangeliste, placee par employe pour signifier tout peche centre le sixieme com-
1'auteur en 109. La seconde partie avait ete deja imprimee mandement. 2 Idoldtrie. Jer., xin, 26-27; Is., LVII, 3;
separement par 1'auteur en 1584, dans le format in-8; Jer., ix, 2; xxin, 14; Ezech., xvi, 36-40; xxin, 37, 43-45;
elle fut reimprimee dans le meme format en 1588 et 1593. Os., n, 2; vii, 4; Jer., in, 1-9; v, 7. L'alliance du peuple
Le Theatrum fut en son temps considere comme un ou- lidele avec Dieu est comparee a un mariage; en conse-
vrage de tres grande valeur; aussi en fit-on de nombreuses quence, celui qui rejette Dieu pour se livrer a des idoles
editions. II parut pour la premiere fois a Cologne, in-f, est appele du meme nom que celui qui viole la toi conju-
1590, et depuis en 1593,1600, 1628,1682. Malgre les nom- gate. 3 Toute alteration, toute corruption. II Cor.,
breuses et importantes decouvertes faites a Jerusalem et ii, 17. 4 Le fait d'une famille, d'une race, d'un peuple,
en Palestine, U est encore estime pour les utiles rensei- qui degenerent de leurs ancetres, Dans Matth., xii, 39, les
gnements qu'on y trouve. E. LEVESQUE. Juifs sont appeles nation adultere parce qu'ils ont dege-
nere de la foi et de la piete de leur pere Abraham. Dans
ADRIEN, auteur grec du ve siecle ou du commence- ce dernier sens, le mot adultere correspond a notre mot
ment du vie au plus tard. II est certainement anterieur francais abatardi . Dans cet article, nous ne prenons
a Cassiodore, puisque celui-ci le cite au hap. x de son le mot adultere que dans le sens de crime centre la foi
ouvrage De Institutione divinarum litlerarum, t. LXX, conjugate.
col. 1122. Usher le place en 433. II composa une Introduc- I. ADULTERE sous LA LOI ANCIENNE. 1 Notion. En
tion a 1'Ecriture Sainte, Elaaywyri T^C Fpa^rj;, mentionnee general, 1'adultere est la violation de la foi conjugate. En
par Photius au codex n de sa Bibliotheque, t. cm, col. 45. consequence, la notion de 1'adultere peut et doit varier,
L'original grec fut public avec les notes de David Hceschel, suivant que dans un pays la polygamie est prohibee ou
in-4, Augsbourg, 1602; il a ete reimprime par Jean Pearson, permise. Si la polygamie est prohibee, comme aujourd'hui,
au tome ix des Critici sacri, Londres, 1660; par Migne dans depuis J.-C., dans tous les pays Chretiens, le mariage se
la Patrologie grecque, t. xcvm, col. 1273-1311. II fut tra- definit ainsi: Union d'un seul homme avec une seule
duit en latin par Louis Lollino dans ses Opuscula, Bel- femme, dans le but de donner des enfants a la societe,
lune, 1650. On a pense que notre Adrien etait ce moine etc.; dans ce cas, la femme doit une fidelite complete a
grec auquel saint Nil adressa une de ses lettres, t. LXXIX, son mari, a qui elle s'est donnee exclusivement; et, d'autre
col. 225; si cette hypothese est fondee, il serait du ve siecle. part, le mari doit aussi une fidelite parlaite a sa femme,
E. LEVESQUE. a qui il s'est donne tout entier. Si, au contraire, la poly-
ADRUMETE ('A8pa|u>TTY)v6;, 'ATpanvroivo;, Adru- gamie est permise, la femme doit a son mari une fidelite
vnetina, Act., xxvii, 2), ville et port de mer de Mysie. parfaite, car elle appartient a lui seul, et si elle a des re-
Saint Paul fut envoye de Cesaree a Rome sur un navire lations coupables avec un autre homme, elle commet un
adultere; mais la fidelite que doit le mari a sa femme
n'est pas aussi stricte : le mari ne se donne pas a elle tout
entier; il se reserve le droit de prendre d'autres femmes;
par consequent, s'il a des relations coupables avec une
autre femme que la sienne, il commet sans doute un crime,
parce qu'il manque d'une certaihe maniere a la fidelite
conjugate; mais il ne commet pas 1'adultere proprement
dit, car il ne viole pas le droit strict et absolu de sa femme.
Telle etait la situation sous la loi ancienne, au moins
depuis le deluge. Aussi la loi de Moise, quand elle frappe
39. Monnaie d'Adrumfete. le crime dont nous parlons, ne le frappe que dans la femme
T6te de Neptune, tout-ne'e a droite, avec son trident. mariee et son complice. C'est ce qui resulte des termes
HADR (d'Admmete). fy Tfite d'Astart6 ou V&ms, a gauche. memes de la loi. Lev., xx, 10; Deut., XXH, 22. Cf. Jahn,
Archasologia biblica, 158; Michaelis, Mosaisches Recht,
d'Adrumete. Grotius, Hammond, ont cru qu'il etait ques- 259-
tion ici d'Adrumete d'Afrique. II est certain que 1'Adru- 2 Prohibition. L'adultere est prohibe en beaucoup
mete des Actes des Apotres est la ville d'Adramyttium, d'endroits de 1'Ancien Testament. Exod., xx, 14; Lev.,
port d'Asie Mineure, province de Mysie, situee au fond xviii, 20; xx, .10; Deut., v, 18; xxn, 22; Prov., v, 20;
du golfe de ce nom, sur le Kaikos, en face de File de vi, 24-35; vn, 5-27, etc. Cette prohibition remontait aux
Lesbos. Cette ville avait dans 1'antiquite un commerce tres premieres origines du monde; aussi voyons-nous, sous la
actif, et ses navires faisaient le trafic entre Pergame, loi de nature, les droits sacres du mariage respectes meme
Ephese et Milet, d'un cote, et Assos, Troas et 1'Hellespont, parmi les nations idolatres. Gen., xii, 11-19. Cf. Gen.,xx,
de 1'autre. Dans le retour a son port d'embarquement, le 2 et suiv.; xxvi, 7-11. Nous lisons dans le livre de Job,
navire d'Adrumete, sur lequel montait saint Paul, devait xxxi, 9-12, 1'horreur extreme qu'eprouvait pour ce crime
toucher a tous les ports de la province d'Asie. Act., xxvn, 2. le saint patriarche.
On esperait, ce qui arriva en eflet, trouver dans un de 3 Penalite. Dieu lui-meme donne 1'exemple de la
ces ports un navire faisant voile pour 1'Italie. Au temps severite dans la punition de 1'adultere. II fait expier ce
de saint Paul, Adrumete etait une ville importante, ou se crime avec rigueur a David, et frappe de mort 1'enfant
tenaient les assises (forum ou conventus juridicus). II est qu'il a eu de Bethsabee. II Reg., xii, 1-18. Cf. Gen.,
probable que 1'Apotre a visite cette ville en allant, dans xn, 17; xx, 3, 7, 9, 18; Sap., m, 16; iv, 3. La peine
son deuxieme voyage de mission, de la Galatie a Troas portee par la loi mosaique centre 1'adultere etait la peine
par la Mysie. Act., xvi, 6, 7. De 1'ancienne Adrumete, il de mort; de cette peine etaient frappes soit la femme
ne reste aucun vestige; elle est remplacee par un village adultere, soit son complice. Les textes du Levitique, xx,
de six cents habitants, plus eloigne de la cote, appele 10, et du Deuteronome, xxii, 22, ne laissent aucun doute
AJramili ou Edremid, Ydremid. E. JACQUIER. sur ce point. Cf. Josephe, Ant. jvd., IV, viii, 23.
243 ADULTERE 244
Chez un certain nombre de peuples, 1'adultere a ete pent de mort 1'adultere, Lev., xx, 10; Deut., xxii, 22, se
on est encore un crime capital, comme il 1'elail chez les contentent de dire : Que les deux meurent, que Tun et
Hebreux. Dans 1'empire remain, la celebre loi Julia de 1'autre meurent; done le genre dc mort est la strangu-
adulteriis, portee par Auguste, ne punissait pas ce crime lation. Cette opinion est soutenue par un grand nombre
de la peine de mort, Pauli Sent. lib. II, t. xxvt, de adul- de rabbins, en particulier Maimonide, Halach. Melakim,
teriis; mais Constantin porta cette peine, L., Quamvis, c. ix, 7. '
30, C., ad Leg. Juliam de adult. D'apres Voet, in Pand. A ces raisons nous opposons les courtes observations
ad Leg. Juliam de adult., n 10, et de Transactionibus, qui suivent : 1 D'abord la regie pose"e par les rabbins
n 18, la peine de mort avail existe contre 1'adultere avant n'esl pas exacte. En effel, dans la Loi de Mo'ise, Exod.,
Constantin, qui n'avait fait que la confirmer. Justinien xxxi, 14-15; xxxv, 2, il-est dit simplement que le pro-
supprima cette peine pour la femme coupable, Auth. Sed fanaleur du jour du sabbat sera puni de mort . Or
hodie, C., ad L. Juliam de adult., sub L. 30, mais la nous voyons, Num., xv, 32-36, qu'un profanateur du
maintint contre le complice. La peine de mort est restee jour du sabbat fut, en eflet, mis a mort, mais non par la
longtemps en usage dans plusieurs Etats Chretiens. Chez strangulation, comme voudrait la Mischna; mais bien par
les Arabes, la peine de mort n'est pas expressemenl portee la lapidation, comme le texte le dit en toutes lettres, et
contre 1'adultere par le Koran, chap, iv, 19; xxiv, 1-10; cela par 1'ordre de Dieu, infaillible interprete de saloi.
dans les premiers temps du mahometisme, la peine fut 2 La strangulation n'est pas connue dans la loi de Moise;
une prison perpeluelle. Mais bientot la tradition antique, il n'en est nulle part question dans la Bible. On ne peut
venue des Israelites, reprit le dessus, et la peine de mort en decouvrir aucun vestige dans 1'historien Josephe. Voir
par la lapidation fut portee, pourvu toutetbis que le crime PEINE. 3 Deut., xxn, 23-27, la faute commise par une
fut prouve par quatre temoins. G. Sale, Observations sur fiancee avec un etranger etait punie de la lapidation, comme
le mahometisme, sect, vi; Kasimirski, Le Koran, tra- le porte expressement ce texte. Comment voudrait-on que
duction francaise, note au jK 19, ch. iv. La peine de mort le veritable adultere fut puni d'une peine moindre, c'est-
fut egalemenl en usage chez les Lydiens, les Goths, les a-dire de la strangulation? Ce serait, a une ligne de dis-
Lombards, les Bourguignons. Cf. Zepper, Legum Mosai- tance, une contradiction manifeste dans les lois de Mo'ise.
carum forensium explanatio,- 1714, I, x, note; Selden, 4 Le passage d'Ezechiel, xvi, 38-40, suppose assez claire-
Vxor hebraica, 1673, III, xi, xn. Chez les Indiens, la ment que le supplice de 1'adultere n'etait pas la strangula-
peine de mort etail portee contre 1'adultere dans un tres tion, mais la lapidation. Cf. Ezech., xxni, 45-47. Aussi saint
grand nombre de cas. Voir Lois de Manou, vm, art. 359, Jerome, qui etait si bien au courant des moeurs judaiques,
371, 372, etc., dans Pauthier, Les livres sacres de I'Orient, assigne la lapidation comme etant la peine de 1'adultere:
Paris, 1841, p. 417-418. De nos jours, cette peine existe Afin qu'elle [Marie] ne fiit pas lapidee comme adultere,
encore chez plusieurs peuples, par exemple, en Afrique, In Matth., i, 18, t. xxvi, col. 24. Bien plus, quelques rabbins,
chez les peuples voisins de 1'Abyssinie, Voyage dans I'inte- convaincus par le passage d'Ezechiel, cite plus haul, aban-
rieur de I'Afrique, par Damberger, Paris, an ix, t. 11, donnent 1'opinion de leurs compatriotes et de la Mischna,
p. 89; chez les Hottentots, Voyage au Japan par le cap de et soutiennent le sentiment de saint Jerome, par exemple,
Bonne-Esperance, par Thunberg, Paris, an iv, 1.1, p. 405. Kimchi et Sixt. Amana. Voir Mischna, edit, de Surenhusius,
II n'y a done rien d'etonnant que Mo'ise ait porte la meme P. iv, p. 255. Cf. C. B. Michaelis, De poenis capitalibus
peine contre la femme adultere et son complice, et meme, in Sacr. Script, commemoralis, 12; J. D. Michaelis,
comme nous le dirons bientot, il n'a pas eu a porter, mais Mosaisches Recht, 262.
seulement a confirmer cette peine. Sur 1'epreuve a 6 Origine et desuetude de cette peine. Mo'ise n'a pas
laquelle etait soumise la femme soupconnee d'adultere, porte le premier la peine de morl conlre 1'adullere. Nous
voir EAUX DE JALOUSIE. la trouvons bien avant lui; elle existait deja du temps de
4 Extension de cette peine. La peine de mort etait Jacob, puisque c'est son fils Juda qui condamna a mort
ported non seulement contre le crime d'adultere propre- Thamar, coupable de ce crime. Gen., xxxvm, 24. II est
ment dit, mais encore contre deux autres fautes que la m6me probable qu'a cette epoque la peine de la lapidation
loi de Moise assimile a ce crime, parce que, en effet, elles contre 1'adultere etait deja en vigueur, el c'est ce qui
pouvaient en avoir les funestes consequences. La premiere explique pourquoi Moise, portant la peine de mort contre
etait la faute commise par une fiancee avec un autre ce crime dans les deux textes cites, ne specific pas le genre
homme que son fiance, Deut., xxn, 23-27; on en voit faci- de mort: il etait connu. Le fait de Thamar condamne'e au
lement la raison : c'est que les fiancailles chez les Juifs feu, Gen., xxxvm, 24, n'est pas une objection; car sou-
imposaient les obligations du mariage. Cf. Josephe, Ant. vent la combustion du cadavre suivait la lapidalion, comme
jud., IV, \m. La seconde etait la faute d'une veuve qui, nous le voyons dans le fail d'Achan, qui ml condamne au
en vertu de la loi du levirat, etait destinee au frere ou feu, el qui, en execution de la sentence, ful d'abord la-
plus proche parent de son mari defunt. Si cette veuve avail pide, puis brule. Jos., vn, 15, 25. D'apres Lighlfool, Horse
commerce avec un autre homme que le parent qui devait hebraicx, in Matth., 1,19, la peine de morl conlre 1'adul-
1'epouser un jour, ce crime etait repute adultere; car la lere elail presque lombee en desuelude du temps de Notre-
loi du levirat creait, pour ainsi dire, entre elle el son Seigneur, par suite soil du relachemenl prodigieux des
parenl des fiancailles legates. Gen., xxxvm, 24. moeurs, soil de la grande facilite qu'avaienl les maris de
5 Genre de cette peine. Comment s'executait la peine se debarrasser de leurs femmes coupables par le libellus
de mort portee contre 1'adultere? Elail-ce par la strangu- repudii. On peul voir dans Buxtorf, Synagoga judaica,
lation ou la lapidation? Nous n'insisterions pas sur ce point, c. xxxiv, que les Juifs du temps de cet auteur, c'est-a-dire du
si quelques auteurs, soutenant que le coupable etait mis xvnc siecle, avaient remplace la penalite mosa'ique conlre
a mort par la strangulation, n'en prenaient occasion de 1'adultere par quelques actes de penitence et d'humiliation.
dire que 1'histoire de la femme adultere, racontee par sainl 7 Punition de 1'adultere dans la femme esclave. Le
Jean, vm, 3-11, est apocryphe, parce que 1'auteur sup- texte qui concerne cette espece se trouve Lev. xix, 20-22:
pose que le genre de mort dans ce cas etait la lapidation. Si un homme a des relations coupables avec une femme
La Mischna, traite Sanhedrin, c. x, n 1, enseigne que et abuse de celle qui est esclave et mariee, et qui n'a
la femme adultere et son complice devaient perir par la point ete rachetce ni mise en liberte, its seront battus tous
strangulation; la raison qu'en donnent les rabbins, c'est deux, mais ne mourront pas, parce que ce n'etait pas une
que, lorsque la loi de Moise ne specific pas le genre de femme libre. II s'agit ici d'une esclave, comme le porte
mort, mais se contenle de dire : Tel criminel sera puni expressement le texte; de plus, cette esclave est fiancee
de mort, il faut choisir le genre de mort le plus doux, ou mariee, c'est le sens des mots h^braiques neherefef
c'est-a-dire la strangulation. Or les deux textes qui irap- le'iS, que la Vulgate a traduits par ceux-ci: etiam nubilis.
245 ADULTfiRE AJTINITfi
Cf. Corn. Lap., D. Calmet, et Rosenmuller, In Lev., xix, 20; denomination de 'A8wpaf(i, Ant. jud., VIE, x, 1, tantot
Michaelis, Mosaisches Recht, 264. Le maitre de cette sous celle de "ASwpa, Ant. jud., XIII, vi, 4; ix, 1; ou
esclave, ou 1'avait prise pour lui comme femme de second de 'A8wpo?, Bell, jud., I, VHI, 4; ou meme, dans certaines
rang, ou 1'avait donnee comme telle a son fils, ou 1'avait editions, sous celJe de Atbpa, Ant. jud., XIV, v, 3. Ce
donnee in contubemio a un autre esclave. Cette esclave dernier nom se rapproche tout a fait de la forme arabe
etait done mariee ou au moins fiancee, et par consequent ou de la designation actuelle, Doura. (Test, en effet, avec
sa faute revetait le caractere d'un adultere. Toutefois son une petite ville de ce nom, situee a une faible distance,
crime n'est pas puni de mort, ni pour elle ni pour son a 1'ouest d'Hebron, qu'on identifie Aduram. Quelques
complice. Quelle en est la raison? Pourquoi cette exception troncons de colonnes antiques, dit M. V. GueYin, et un
aux textes de Lev., xx, 10, et Deut., xxn, 22? La raison, assez grand nombre de pierres de taille provenant d'an-
c'est que cette femme n'est pas libre , comme dit le ciennes constructions et encastrees dans des batisses arabes
texte. La femme esclave, mariee ou fiancee, n'a pas la attestent que Doura a remplace une ville judaique, dont
meme independance qu'une epouse ou fiancee proprement les materiaux ont servi a la batir... A 1'ouest-sud-ouest
dite. Voila pourquoi ce crime est puni, mais non de la peine de la ville, sur une eminence, s'eleve un oualy celebre,
de mort, qui est remplacee par la flagellation. qui renferme un sarcophage de dimensions colossales,
II. ADULTERE sous LA LOI EVANGELIQUE. 1 Notion. ou, d'apres la tradition [d'ailleurs inacceptable], repo-
L'introduction de la polygamie dans les moeurs juives avait serait la depouille mortelle de Noe. Ce tombeau est re-
modifie la notion de 1'adultere, ainsi que nous 1'avons couvert de tapis, que 1'on renouvelle de temps en temps,
explique au commencement de cet article; la suppression et il est le but et 1'objet d'un pelerinage assez frequente.
de la polygamie par la loi evangelique rendit au mot adul- Le cheikh qui me le montrait ajoutait que la tradition
tere le sens qu'il avait eu a 1'origine du monde. Jesus- qui y rattache le nom de ce patriarche est immemoriale
Christ retablit le mariage dans la purete de sa premiere dans le pays... Plusieurs tombeaux tailles dans le roc,
institution; il redevint 1'union indissoluble d'un seul et qui datent peut-etre d'une epoque tres reculee, ont ete
homme avec une seule femme. D'apres cette nouvelle creuses sur les flancs de la montagne dont Doura occupe
legislation, de meme que la femme appartient a son mari le plateau. Description de la Palestine, Jude'e, t. m,
seul, ainsi le mari appartient a sa femme seule. I Cor., p. 354.
vii, 4. Des lors, le'mari et la femme se doivent mutuel- Tryphon, marchant sur la Judee a la tete d'une armde
lement une fidelite inviolable. Ainsi se trouve retablie imposante, et arrete par Simon a Addus ou Adiada (voir
sous ce rapport, entre 1'homme et la femme, 1'egalite des ADIADA) , fit un detour pour gagner Jerusalem par Ador
droits, que la loi mosaique avait un instant brisee, par ou Adora, c'est-a-dire par 1'Idumee, I Mach., xm, 20;
suite de la necessite des temps. Remarquons pourtant que on sait, en effet, que, dans les derniers temps de 1'histoire
1'infidelite de la femme a toujours ete regardee comme plus juive, on comprenait sous cette designation toute la partie
odieuse et plus grave que celle du mari, parce qu'elle jette meridionale et meme la partie centrale de 1'ancienne tribu
des doutes sur la legitimite de la descendance, et qu'elle de Juda; et Josephe, racontant le meme fait, appelle Adora
introduit dans une famille des enfants qui ne lui appar-' rcoXtv trj; 'I8ou|xata?, ville de 1'Idumee. Ant. jud., XIII,
tiennent pas, imposant ainsi au pere un fardeau qui ne lui vi, 4. Soumise par Hyrcan en meme temps que plusieurs
incombe point, et violant les droits des heritiers naturels. autres villes de 1'Idumee, entre autres Marissa, a laquelle
2 Prohibition. La doctrine du Nouveau Testament elle est toujours unie dans 1'historien juif, Ant. jud., XIII,
sur ce sujet se reduit a ces quatre points : 1 Jesus-Christ ix, 1, elle fut rebatie plus tard par ordre de Gabinius.
et les Apotres renouvellent d'abord les prohibitions de 1'an- Bell, jud., I, vm, 4, Ant. jud., XIV, v, 3. Depuis cette
cienne loi. Matth., xix, 18; Marc., x, 19; Luc., xvm, 20; epoque, elle n'est plus signalee par aucun ecrivain ancien.
Rom., xin, 9. 2 Jesus-Christ et les Apotres rangent Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres,
les adulteres a cote des voleurs, des homicides, des ido- 1836, t. n, p. 214-215. A. LEGENDRE.
latres, etc., et les menacent des jugements de Dieu, de
1'exclusion du ciel et des peines de 1'enfer. Matth., xv, 19; 2. ADURAM, filsdeJectan. Gen., x, 27. Voir ADORAM!.
Marc., vn, 21; I Cor., vi, 9; Heb., xm, 4; Jac., iv, 4.
3 Quand 1'adultere pouvait ouvrir la porte au divorce, les 3. ADURAM, intendant des tributs. II Reg., XX, 24;
epoux qui avaient cesse de se plaire pouvaient etre tenths III Reg., xii, 18; II Par., x, 18. Voir ADONIRAM.
de recourir a ce crime pour obtenir par la une separation
desiree; ainsi ces crimes se multipliaient, comme moyen M. Chercher a 1'E les noms propres qui dans la Vulgate
d'arriver au divorce. Jesus-Christ supprime cet expedient, latine commencent par un JE.
declarant que 1'infidelite conjugale ne pourra plus dis-
soudre le lien du mariage. Matth. v, 32; xix, 9; Marc., AEN (hebreu : 'Ain), ville du sud de la Palestine, ainsi
x, 11-12; Luc., xvi, 18; I Cor., vn, 10-11. 4 Enfin, appelee Jos., xv, 32, et I Par., iv, 32. Elle porte ailleurs
pour couper le mal dans sa racine, Jesus-Christ condamne dans la Vulgate le nom d'Ain. Voir AiN 2
1'adultere non seulement en lui-meme, mais jusque dans
les desirs et les pensees qui peuvent y conduire. Matth., AFFINITE. L'affinite ou alliance est un lien de parent^
v, 27-28. qui unit 1'un des epoux aux consanguins de 1'autre. Par
3 Penalite. Jesus-Christ, en prohibant ce crime, n'e- le mariage, les deux epoux deviennent une meme chair,
tablit pas contre lui de peines temporelles, comme 1'avait Gen., H, 24; Matth., xix, 5-6; en consequence, tous les
fait Moise; il se contente, ainsi que les Apotres, d'incul- consanguins du mari deviennent les allies de la femme,
quer fortement la loi, et de faire craindre davantage les et reciproquement; de plus, et pour la meme raison, les
peines de 1'enfer, dont sont menaces ceux qui commettent consanguins d'un epoux deviennent les allies de 1'autre
ce crime. II laisse a son Eglise le soin d'etablir, suivant dans la meme ligne et au meme degre; ainsi, en ligne
les differentes circonstances de temps et de lieu, des pe- directe, le pere et la mere du mari deviennent le beau-
nalites speciales. Cf. Deer. Graf., d. 81, et c. xxxii, q. 5, 6, pere et la belle-mere de la femme; et, en ligne collaterale,
7, 8; Decret. Greg. V, xvi. S. MANY. le frere et la soeur du mari deviennent le beau-frere et la
belle-soeur de la femme, etc.; 1'affinite n'est done autre
1. ADURAM (hebreu : 'Ad6ralm;Septante: 'ASwpac), chose qu'une consanguinite communiquee. Puisque 1'af-
ville de la tribu de Juda, mentionnee parmi les places finite est une consanguinite communiquee, il est naturel
qui furent fortifiees par Roboam. II Par., xi, 9. Elle est qu'elle en produise aussi, proportion gardee, les effets;
appelee "ASwpat (Vulgate: Ador) dans le premier livre le principal de ses effets, c'est 1'interdiction de certains
des Machabees, xm, 20; et Josephe la cite tantot sous la manages; de meme done que la consanguinite empeche
247 AFFINITY 248
le mariage entre consanguins jusqu'a un certain degre, expresse*aient que le mariage est defendu avec la seconde,
voir CONSANGUINITY, ainsi I'afnnite empeche le mariage du vivant de la premiere; autrement le desir d'epouser la
entre allies. C'est cet effet que nous allons examiner. seconde aurait pu provoquer la repudiation de la premiere.
I. Affinite dans la loi de Moise. 1 Degres d'affi- Hottinger, Juris Hebraeorum Leges, 1. ccvi, p. 299.
nite qui empechent le mariage. Les empechements de Tels sont les huit cas dans lesquels le mariage est
manage causes par 1'affinite sont exprimes dans deux pas- defendu entre allies par la loi mosaique. II est un neu-
sages du Levitique, xvni, 8, 14-16, 18; xx, 11-12, 14, vieme cas, sur lesquels les auteurs se sont partages. Nous
19-21. Quelques auteurs, Rosenmuller, In Lev., xvni, 6, venons de dire, sous le n 6, que le mariage est defendu
et d'autres qu'il cite, ont pretendu que ces textes du Levi- avec la femme de 1'oncle paternel, uxor patrui; est-il
tique ne visent pas les manages incestueux avec les per- aussi defendu avec la femme de 1'oncle maternel, uxor
sonnes y designers, mais seulement les actes coupables avec avunculi ? C'est ce que disent, avec saint Augustin, Qusest.
ces memes personnes. Cette opinion n'a pas besoin d'etre in Hept., m, 76, t. xxxiv, col. 710, un grand nombre de
refutee. Les mots hebraiques gilldh 'ervat 'isMh, que les commentateurs qui Font vu dans la Vulgate, Lev., xx, 20 :
Septante ont traduits litteralement parceux-ci: i(r/T]{io<r}v7jv Vous ne prendrez pas la femme de votre oncle paternel
yuvaixb^ anoxaXuuTetv, regardent aussi bien les relations ou maternel, patrui vel avunculi. Mais ces mots, vel
matrimoniales que les actes coupables, comme on le voit, avunculi, ne sont pas dans le texte hebraique; celui-ci
soil par le sens naturel des mots, soil par 1'application porte simplement doddh, femme du frere du pere. Gese-
qu'en fait 1'auteur sacre. Lev., xvin, 17-19. Aussi 1'opinion nius, Thesaurus, p. 324. On ne voit pas davantage ces
universelle des commentateurs catholiques et des rabbins, mots dans le Pentateuque samaritain, ni dans la paraphrase
et 1'opinion commune des auteurs protestants, tels que chaldaique, ni dans les versions syriaque et arabe; aussi
Michaelis, Mosaisches Recht, 102, t. Ill, p. 225-226, est saint Jerome, qui a maintenu dans la Vulgate les mots indi-
que les passages cites du Levitique expriment des empe'- ques, vel avunculi, a bien soin d'avertir qu'ils ne sont pas
chements de mariage. C'est aussi ce qu'a declare, quoique dans le texte hebraique. Div. Blblioth., in Lev. xx, t. xxvin,
incidemment, le concile de Trente : Si quelqu'un dit col. 326. Nous croyons done que la loi de Moise ne defend
qu'il n'y a pas d'autres degres de consanguinite et d'affi- pas ce mariage; 1'auteur de la Vulgate a ajoute ou main-
nite pouvant empecher le mariage, que ceux qui sont tenu ces deux mots: vel avunculi, parce qu'il a cru que,
exprimes dans le Levitique,... qu'il soit anatheme, Sess. la femme de 1'oncle maternel se trouvant au meme degre
xxiv, can. 3. Or voici, d'apres le Levitique, quels sont de parente que celle de 1'oncle paternel, 1'analogie 1'obli-
les degres d'affinite qui empechent le mariage. En ligne geait a regarder comme defendu le mariage avec la pre-
directe : 1 le mariage est defendu entre un homme et la miere aussi bien que le mariage avec la seconde. Mais ici
femme de son pere, noverca, belle-mere, soit que le 1'argument o pari n'a aucune force, soit parce que nous
pere ait plusieurs femmes, comme cela etait permis aux ne devons pas etendre au dela du sens naturel des mots les
Hebreux, soit qu'apres la mort de sa premiere femme il lois prohibitives, et surtout penales, odia restringenda;
en ait pris une seconde, Lev., xvni, 8; xx, 11; 2 le soit parce que la similitude de parent^ n'est pas une raison
mariage est defendu entre un homme et la fllle de sa pour etendre les empe'chements de mariage, comme nous
femme que celle-ci aurait cue d'un premier mari, belle- le voyons dans le meme chapitre du Levitique, qui defend
fille, privigna, Lev., xvm, 17; xx, 14; 3 entre un a une femme d'epouser deux freres (sauf le cas du levirat),
homme et la petite-fille de sa femme, proprivigna, Lev., tandis qu'il permet a un homme d'e"pouser successivement
xvm, 17; xx, 14; 4 entre un homme et la mere de sa les deux soeurs. Du reste, au fond, dans notre cas la parite
femme, belle-mere, socrus, Lev., xx, 14; cf. Deut., n'est qu'apparente ; comme nous le dirons tout a 1'heure,
xxvn, 23; 5 entre un homme et la femme de son fils, la raison principale pour laquelle Mo'ise a defendu le
bru, nurus, Lev., xvm, 15; xx, 12. En ligne collate- mariage entre allies, et en particulier avec la femme de
rale : 6 le mariage est defendu entre un homme et la 1'oncle paternel, c'est la frequence des rapports que les
femme de son oncle paternel, uxor patrui, Lev., xvni, 14; allies peuvent avoir ensemble, et specialement le neveu
xx, 20; 7 entre un homme et la femme de son frere, avec son oncle paternel, et par suite avec sa femme; ces
Lev., xvm, 16; xx, 21, sauf le cas du levirat. Voir ce rapports quotidiens creent un danger qu'il a fallu ecarter,
mot. Ainsi une femme ne peut epouser successivement en prohibant le mariage entre le nevea et la veuve de son
deux freres; si cependant ceux-ci ne sont que demi-freres, oncle paternel. Or il n'en est pas de meme avec 1'oncle
du cote de la mere seulement, Michaelis pense qu'alors maternel et sa femme; ceux-ci appartiennent a une famille
la femme peut les epouser successivement tous les deux, toute differente, qui n'a presque pas de rapports avec celle du
Mosaisches Recht, 116, t. II, p. 307; 8 enfin le mariage neveu; le danger n'existant pas, la precaution etait inutile.
est defendu entre un homme et la sceur de sa femme, Voila pourquoi les auteurs qui paraissent avoir etudie le
Lev., xvni, 18, mais seulement pendant la vie de la pre- plus a fond le droit matrimonial mosaique n'hesitent pas
miere femme, comme le porte expressement le texte cite; a declarer que, de par la loi de Moise, le mariage dont
en sorte qu'un Juif, alors meme que la polygamie etait nous parlons n'est pas defendu. C'est 1'opinion univer-
permise, ne pouvait epouser simultanement deux scaurs selle des rabbins, particulierement de Maimonide, traite
(ce qui pourtant parait avoir ete permis avant Moise, Isure-Bia, c. n (lequel meme, appliquant jusqu'au bout
comme nous le voyons par 1'exemple de Jacob, qui epousa le principe odia restringenda, n'entend pas le mot dod,
simultanement deux soaurs, Lia et Rachel, Gen., xxix), frere du pere, de ses freres uterins, mais seulement de
mais seulement successivement. Cette restriction montre ses freres germains); c'est aussi 1'opinion de Saalschiitz,
que la cause de cette prohibition n'est pas l'affinite, qui, Das Mosaische Recht, k. 105, p. 782; de Hottinger, Juris
une lois contractee, demeure, mais une autre raison que Hebrseorum Leges, 1. cc; de Selden, Uxor hebraica,
signale 1'auteur sacre, Lev., xvm, 18 : Vous ne pren- Francfort-sur-1'Oder, 1673, p. 5; de Michaelis, soit dans
drez pas la sceur de votre femme, qui serait ainsi sa rivale. son Mosaisches Recht, 117, t. n, p. 312-313, soit dans
Deux femmes du meme mari sont toujours rivales; c'est une dissertation speciale ayant pour litre Abhandlung von
une des mnestes consequences de la polygamie; mais si den Ehegesetzen Mosis, welche die Heiraten in die na/ie
le legislateur hebreu a tolere ce mal pour deux etran- Freundschaft untersagen, 2 edit., Gffittingue, 1768, 103.
geres, il n'a pas voulu le tolerer pour deux sceurs, a cause Nous ne faisons que mentionner le cas suivant, qui a
de 1'affection naturelle qu'elles doivent se porter. Les fait diffieulte pour quelques auteurs : Pierre et Jeanne se
rabbins font remarquer avec soin que, si un Juif pouvait marient, ayant d'un premier mariage, 1'un un fils, 1'autre
epouser successivement les deux soeurs, ce mot successi- une fille; ce fils et cette fille peuvent-ils, d'apres la loi de
vement signifie apres la mort de la premiere, et non pas Moise, se marier ? Non, disent ces auteurs, au moins quand
apies la repudiation de la premiere, car le texte sacre dit la nouvelle union des parents a donne des enfants a ia
249 250
famille. Tel est le sens qu'ils donnent au texte du Levi- d'un homme avec la petite-fille de sa femme, proprivigna;
tique, xviu, 11. Nous prelerons 1'interpretation commune, on peut expliquer cette lacune en disant que, du temps
qui entend ce passage de la prohibition du manage avec de Moise, ce cas etait chimerique, et qu'en consequence
une demi-so3ur; c'est dans ce sens que la Vulgate a com- le legislateur a laisse aux magistrals futurs le soin d'eta-
pris et traduit le^texte original. Cf. Michaelis, Mosaisches blir une penalite, si la simple prohibition ne suffisait pas.
Recht, 115, t. H, p. 296-301. C'est Fopinion de Michaelis, Mosaisches Recht, % 265,
Quelques observations sont ici necessaires pour 1'intel- t. v, p. 270.
ligence du texte sacre sur les empechements d'affinite. Quant aux mariages entre allies en ligne collaterale,
1 Les defenses matrimoniales sont adressees constam- ils ne sont pas defendus sous des peines si rigoureuses.
ment a V homme, par exemple : Vous n'epouserez pas Voici la sanction contre le mariage d'un homme avec la
la femme de votre pere, Lev., xvin, 8; mais il est evi- femme de son oncle paternel : Si quelqu'un epouse la
dent que la reciproque est vraie, c'est-a-dire que la femme femme du frere de son pere, il viole le respect du a ses
du pere ne doit pas non plus epouser le fils que ce pere proches, tous deux porteront la peine de leur peche : ils
aurait eu d'une premiere femme; si le legislateur s'adresse mourront sans enfants. Lev., xx, 20. Que signifie cette
toujours a rhomme, c'est que celui-ci prend 1'initiative penalite? II y a en hebreu : 'aririm ydmutu; les Sep-
du mariage. 2 Ce qui donne naissance a 1'affinite, ce tante traduisent: arexvot arcoQxvovvTat, et la Vulgate: absque
n'est pas, comme en droit canonique, 1'acte qui consomme liberis morientur. Cela ne veut pas dire, quoi qu'en aient
le mariage; ce sont les fiancailles, qui d'ailleurs, chez pense" quelques auteurs, que la femme, des qu'il sera
les Hebreux, equivalent a peu pres au matrimonium constate qu'elle sera devenue mere, sera mise a mort avec
ratum de 1'Eglise catholique. Hottinger, Juris Hebrseorum son enfant, ni que Dieu se chargera, au besoin par miracle,
Leges, 1. cxci-ccvi, p. 286-300. Du reste, sous ce rapport, de rendre ce mariage infecond, ni que les coupables, une
le droit canonique differe peu du droit mosa'ique; car, s'il fois decou verts, seront mis a mort, ce qui les empechera
veut que I'affinite ne prenne naissance que de 1'acte con- d'user de leur mariage ; ces interpretations ne sont fon-
jugal, il reconnait un autre empechement analogue, celui dees sur aucune preuve serieuse. D'apres 1'explication la
d'honnetete publique, qui nait du matrimonium ratum plus naturelle, la formule hebraique signifie simplement
et meme des fiancailles. 3 Des que 1'affinite a pris nais- que les enfants nes de ce mariage, ou bien seront regardes
sance, elle ne cesse pas, meme par la mort ou le divorce civilement comme illegitimes, ou bien seront considered
des epoux qui, par leurs fiancailles, lui ont donne" nais- comme les fils, non du pere naturel, mais de 1'oncle
sance. Ainsi en est-il dans les droits remain et canonique. decede. Telle est 1'opinion de saint Augustin, Qusest. in
4 Chez les Hebreux, le mariage legitime seul (en com- Hept., in Lev., xx, 20, t. xxxiv, c. 710, suivie par la plu-
prenant sous ce nom les fiancailles) donnait naissance a part des docteurs catholiques et des auteurs protestants,
1'affinite; les relations illicites ne produisaient pas cet Rosenmiiller, In Lev., xx, 20; Michaelis, Mosaisches Recht,
empechement. Nous tirons cette conclusion du texte sacre, 116, t. H, p. 304 ; 265, t. v, p. 269, et In Lev., xx, 20.
qui, dans tous les cas d'affinite que nous avons reproduits, Le mot 'aririm, arexvoi, s'explique tres bien dans ce sens;
emploie toujours des expressions qui signifient une union il est en effet quelquefois employe, dans la Bible, pour
legitime : Vous n'epouserez pas la femme de votre pere, signifier le malheur d'un homme qui a des enfants, mais
de votre fils, etc. En cela le droit mosa'ique differe du dont 1'heritage n'est pas recueilli par eux. Jer., xxn, 30.
droit canonique, qui reconnait aussi une affinite naissant Chez les Hebreux, si desireux de se survivre dans des
de relations coupables; le droit romain a varie sur ce enfants qui perpetueraient leur nom et recueilleraient
point. Voet., Ad Pandectas, de Ritu Nuptiarum, n 35. leur fortune, c'etait un chatiment tres grand que d'etre
5 L'interpretation que nous avons donnee du texte sacre legalement prive de toute posterity, et de voir ainsi leur
sur les empechements d'affinite est celle de tous les com- nom tombe dans 1'oubli et leurs biens passer dans une
mentateurs catholiques et protestants; c'est celle aussi que autre famille. Quant aux deux formes differentes sous
donnent les Talmudistes, sauf en un point: nous avons lesquelles se presente 1'explication que nous avons donnee,
dit que le mariage est defendu, d'apres la loi de Moise, il nous semble qu'on doit preferer la premiere, d'apres
a un homme avec la mere de sa femme, socrus, belle- laquelle les enfants nes du manage en question sont pure-
mere; ils disent que, d'apres la meme loi de Moise, le ment et simplement illegitimes, et ne sont pas inscrits
mariage est defendu a cet homme, non seulement avec dans les listes genealogiques de leur famille, soit parce
la mere, mais avec les deux aieules paternelle et mater- que cette inscription au nom du frere du pere n'est men-
nelle de sa femme. Nous preferons 1'interpretation com- tionnee nulle part dans 1'Ecriture, soit parce que, d'apres
mune ; ces deux empechements ne sont pas expressement une regie generate formulee par le Talmud de Babylone,
designes par Mo'ise; or, d'apres le principe d'hermeneu- traite Qidouschin, c. HI, tous les enfants nes de mariages
tique deja pose, nous ne devons admettre d'empeche- incestueux sont illegitimes. Cf. Selden, Uxor hebraica,
ments de mariage que ceux que Moise a expressement I, VH, p. 34. Toutefois Michaelis prefere le second systeme,
signales, d'autant plus qu'il s'agit de matieres penales. d'apres lequel les enfants seraient inscrits au nom du
Michaelis, Mosaisches Recht, 117, t. n, p. 308. Nous ne frere du pere, Mosaiscltes Recht, et In Lev., aux endroits
parlons pas des interpretations particulieres et isolees des cites. La sanction contre le mariage d'un homme avec la
Karaites, qu'on peut voir dans Selden, Uxor hebraica, femme de son frere (sauf le cas du levirat) est absolument
I, m-vi, p. 6-30. semblable : ils seront sans enfants. Lev., xx, 21. Quant
2 Sanction de ces empechements ou penalties. La vio- au mariage avec deux soeurs simultanement, Moise ne le
lation de la loi prohibant les manages entre allies en ligne frappe d'aucune peine; il a pense probablement que les
directe est punie de la peine de mort. C'est la sanction coupables seraient assez punis par ces rivalites et ces
expresse que porte le legislateur centre le mariage d'un querelles que la loi avait voulu ecarter en defendant ce
homme avec la femme de son pere, noverca, Lev., xx, 11; mariage. II y a done une tres grande difference entre les
avec la fille de sa femme, privigna, Lev., xx, 14; avec deux categories de mariages entre allies que proscrit
la femme de son fils, nurus, Lev., xx, 12; avec la mere Moise : les premiers, entre allies en ligne directe, sont
de sa femme, socrus, Lev., xx, 14. Deux de ces mariages, punis de mort; les autres, entre allies en ligne collate-
c'est-a-dire celui d'un homme avec la femme de son pere, rale, sont frappes d'une peine beaucoup moins severe. II
ou la mere de sa femme, sont, aux yeux de la loi, des paraitrait meme que, dans la loi de Moise, ces derniers
crimes si odieux, qu'une malediction solennelle et publique empechements de mariage n'auraient pas etc dirimants,
est prononcee par tout le peuple contre ceux qui s'en mais seulement prohibants; le legislateur n'ordonne nulle
rendent coupables. Deut., XXVH, 20, 23. Il'n'y a pas, dans part la separation des epoux ; il ne la suppose meme pas,
la loi de M^lse, de sanction expresse contre le mariage il se contente de dire que les enfants qui naitront de ces
251 252
manages ne seront pas regarded comme appartenant aux entre allies en ligne collaterale; ceux que nous avons
epoux coupables. Michaelis, Mosaisches Recht, 112, signales comme defendus par Moise ne sont pas contraires
t. n, p. 275. au droit naturel; nous en avons une preuve dans la loi
3 liaisons et importance des empechements d'affinite. mosaique elle-meme, qui, dans le cas du levirat, permet,
Les raisons qu'a eues Mo'ise d'etablir ces empechements bien plus, commande a un homme d'epouser la veuve de
provenant de 1'affinite se ramenent a ces deux : 1 Le son frere, de son oncle paternel, ou d'un autre parent
respect et la reserve que la nature inspire a 1'homme rapproche. Toutefois, dans les cas ordinaires, ces mariages
a Tegard de ses parents tres rapproches. Or ce respect offrent des inconvenients; les deux raisons que nous avons
et cette reserve, 1'homme les eprouve non seulement pour donnees plus haut s'appliquent, proportion gardee, a ces
ses parents proprement dits, consanguinei, mais encore mariages, et c'est pourquoi Moise les defend.
pour les personnes unies a ses parents par les liens du La sejverite des prescriptions mosaiques centre les
mariage, parce que par le mariage les deux epoux de- mariages entre allies, surtout en ligne directe, s'explique
vienneiit une meme chair, ainsi qu'il est dit Gen., n, 24; encore par le relachement general ou etaient tombes sous
Matth., xix, 5-6. G'est cette raison que signale Moise ce rapport les peuples paiens. Moise signale specialement,
lui-mgme, quand il etablit ses empechements d'affinite; comme coupables de ces mariages incestueux, les Egyp-
car il s'exprime ainsi : Vous n'approcherez pas de la tiens et les Chananeens, dont 1'exemple aurait ete plus
femme de votre pere, car sa chair est celle de votre pere;... funeste aux Juifs. II aurait pu ajouter la plupart des autres
vous n'approcherez pas de votre bru, car elle est la femme peuples, surtout orientaux; les prescriptions mosaiques,
de votre fils, etc. Lev., xvm, 8, 15, etc. II est evident qui sont aussi, dans le sens explique, des prescriptions
que cette reserve respectueuse s'impose surtout entre allies de la loi naturelle, etaient ignorees de presque tous les
en ligne directe, et beaucoup moins en ligne collaterale; peuples, non seulement en pratique, mais mSme en
c'est pourquoi Mo'ise defend sous des peines si graves le theorie, Selden, De Jure naturali, V, xi, a ce point que
mariage aux premiers allies, tandis qu'il est moins severe Maimonide disait qu'au point de vue de 1'affinite, un seul
pour les autres. 2 La seconde cause de la prohibition, mariage etait defendu aux Noachides, celui d'un homme
ce sont les rapports frequents en Ire les parents ou allies avec la femme de son pere, De legibus Hebrseorum, IX, v,
tres rapproches. En effet, ces parents ou allies, surtout trad. Leydecker, p. 142; cf. I Cor., v, 1; et encore ce
en ligne directe et au premier degre de la ligne collate- dernier precepte etait-il quelquefois viole chez certains
rale, vivent ensemble; ordinairement ils hiabitent la meme peuples, par exemple chez les Perses, ou un homme
maison, surtout chez les Orientaux; les rapports entre epousait sans difficulte la femme de son pere. Selden, loc.
eux sont meme inevitables; on ne pourrait sans scandale cit. Dans des temps moins anciens, nous voyons Seleucus,
eloigner quelqu'un de la famille. Si done le mariage entre roi de Syrie, donner sa propre femme Stratonice a son
parents ou allies etait permis, il y aurait lieu, sous pre- fils Antiochus, qu'il avait eu d'une autre union. Valere
texte de mariage futur, a des desordres qui introduiraient Maxime, V, vn.
la corruption dans les families. Cette raison est exposee II y a pourtant deux peuples ou nous trouvons en vigueur
par Maimonide, More Nebochim, p. in, c. 49, trad. la plupart des prescriptions mosaiques sur 1'affinite. Les
Buxtorf, p. 502-503; elle lui parait tellement forte, qu'il Arabes les observaient, comme uous le voyons par le
y insiste longuement, et dit qu'elle est la principale qui Koran, iv, 26-27, qui resume les antiques traditions de
a inspire Moise; c'est aussi la raison que donne saint ce peuple, probablement empruntees aux Hebreux. Les
Thomas de la prohibition generate des manages entre mariages entre allies en ligne directe furent egalement
parents ou allies rapproches. Supp. lir* partis, !q< LIV, defendus par le droit romain. Inst., I, x, de Nuptiis, 6-7;
a. 3; q. LV, a. 6 Tous les auteurs sont d'accord sur"ce cf. Ciceron, Pro Cluentio, 5, 6, et Virgile: Thalamos
point. Ces deux raisons combinees nous font comprendre ausum incestare novercse. Sous les empereurs Chretiens,
la gravite des prohibitions mosaiques. Parlant en bloc des il fut meme defendu a un homme d'epouser sa belle-soeur,
manages qu'il defend, Moise les appelle abominations ; il ou deux so3urs successivement. L. 5, C. De Incestis et
declare que les Chananeens ont commis ces crimes, et qu'a inut. nupt., V, v. Justinien frappe les mariages incestueux
cause de cela Dieu les chassera de la terre qu'ils habitent des peines pecuniaires les plus graves, Nov., xn, c. 1, et
pour la donner aux enfants de Jacob; il recommande for- meme, pour certaines provinces, 1'Osrhoene et la Mesopo-
tement a ceux-ci de ne pas se souiller des memes fautes, tamia, de la peine de mort. Nov., cuv, c. 1.
dans la crainte que la terre qu'ils doivent habiter ne les Nous avons donne jusqu'ici 1'interpretation de la loi de
rejette aussi de son sein, comme elle va faire pour les Moise sur 1'affinite par rapport au mariage. II faut dis-
Chananeens. Lev., xx, 22-23; cf. xvm, 24-30. Moise a des tinguer soigneusement la loi des additions rabbiniques.
termes encore plus severes pour certains mariages pro- En effet, dans le but d'assurer 1'observation de la loi et
kibes : il appelle le mariage d'un homme avec la mere de la proteger contre le relachement ou les empietements
de sa femme, ou avec la fille de sa femme, du nom de de la coutume, les Anciens, les Sages, ont etabli autour
zimmah; il donne au mariage d'un homme avec sa bru de la loi un mur, une haie , c'est 1'expression talmu-
le nom de febel; ces deux mots signifient des crimes dique, gdder, c'est-a-dire une serie de nombreuses prohi-
enormes. Gesenius, Thesaurus, p. 419 > 212; Michaelis, bitions qui garantissent les premieres; ainsi, par exemple,
Mosaisches Recht, 102, t. n, p. 229, et 265, t. v, p. 265. la loi defend a un homme d'epouser sa bru, Lev., xvm, 15;
De la nous devons conclure que s'il s'agit des mariages pour mieux assurer 1'observation de ce precepte mosaique,
entre allies en ligne directe, ils sont contraires au droit les anciens ont defendu a un homme d'epouser la bru de
naturel. Lui sont-ils tellement contraires, qu'ils soient son fils, et meme de son petit-fils. Les femmes qu'il est
radicalement nuls? C'est une question tres controversee ainsi defendu d'epouser, en vertu, non de la loi, mais des
parmi les auteurs, quoiqu'on la resolve plus commune- traditions rabbiniques, sont appelees mulieres secundarise,
ment dans le sens negatif; mais au moins nous devons parce qu'elles viennent en second lieu, apres celles que
dire que, de droit naturel, ces mariages sont illicites; la loi elle-meme defend d'epouser; on peut en voir 1'enu-
c'est pour cela que Moise les qualifie si severement, les meration dans Maimonide, Tract, de Connubiis, I, vi,
punit de la peine de mort, et les defend non seulement trad. L. de Compiegne, Paris, 1673, p. 3, reproduit dans
aux Juifs, mais encore aux etrangers qui vivent parmi Surenhusius, Mischna, traite Qidouschin, I, i, part, ill,
eux. Lev., xvm, 26. Grotius fait remonter la prohibition, p. 360.
non pas precisement au droit naturel, mais a une reve- II. Affinite dans le Nouveau Testament. La loi
lation primitive, qui s'impose a 1'humanite tout entiere. mosaique n'oblige pas TEglise par elle-meme, comme il
De Jure belli ac pacts, II, v, 13. fut declare au concile de Jerusalem. Act., xv, 28-29. Elle
Nous ne pouvons etre aussi severes pour les mariages ne 1'oblige qu'indirectemeut, c'est-a-dire par celles de ses
253 AFFINITfi AFFIXES 254
prescriptions qui seraient d'ailleurs de droit naturel; et etablies a cette 4poque comme elles le furent plus tard,
encore, dans ce cas, 1'obligation vient du droit naturel, et dans tous les cas n'atteignaienl probablement pas les
et non de la Ibi mosaique; 1'Eglise, da reste, a pu renou- etrangers. C'est done surtout comme adulterin et comme
veler de sa propre autorite quelques-unes des prescrip- violant les lois mosaiques sur 1'affinite, que le mariage
tions de la loi mosaique, qui dans ce cas obligent tous d'Antipas fut accuse et condamne par saint Jean-Baptiste
les Chretiens, mais seulement en vertu de 1'autorite de avec cetle Constance et cette fermete qui lui valurent la
1'Eglise. Des lors nous pouvons tirer les conclusions sui- palme du martyre.
vantes : 1 les empechements d'affinite que nous avons 2 Inceste d Corinthe. I Cor., v, 1. C'est un bruit
exposes n'obligent pas 1'Eglise par eux-m6mes; 2 les constant, dit saint Paul aux Corinthiens, qu'il s'est commis
empgchements d'affinite en ligne directe, etant tres pro- un crime parmi vous, et un tel crime, qu'on n'entend pas
bablement de droit naturel comme prohibants, sinon dire qu'il s'en commette de semblable parmi les paiens,
comme dirimants, obligent 1'Eglise; 3 1'Eglise est seule jusque-la qu'un de vous ait la femme de son pere. D'apres
juge de savoir si et jusqu'a quel point ces empechements le sens naturel des mots, il s'agit ici non pas d'un crime
sont de droit naturel; 4 en dehors des empechements.de transitoire, quoi qu'en disent quelques commentateurs,
droit naturel, nous ne devons admetlre que ceux qui ont par exemple Krause, In I Cor., v, 1; mais d'un mariage,
ete expressement etablis par 1'Eglise. que le coupable a pretendu faire; c'est ce que signifient les
Dans le Nouveau Testament, nous trouvons deux fails mots e/stv yuvaixa, avoir, posseder une femme d'une
qui se rapportent a 1'affinite. 1 Mariage d'Rerode Antipas maniere permanenle. Dans la Sainle Ecrilure, cette expres-
avec la femme de son frere. Matth., xiv, 3-4; Marc., vi, sion avoir une femme s'enlend du mari, et par conse-
17-18; Luc., in, 19. Ce mariage etait illicite a deux points quent d'un mariage, au moins pretendu ou pulalif; rap-
de vue : 1. C'etait un mariage adulterin: Herodiade avail pelons-nous les mols de Jean-Baplisle a Herode : II ne
pour mari Herode Philippe, frere d'Antipas; lorsque Antipas vous est pas permis d'avoir, e'xetv, la femme de votre
epousa celle femme, Philippe vivait encore; quelques frere, qui s'entendent du mariage, comme on le voit
auteurs ont nie ce fail, eomme Tertullien, Adv. Mar- par Marc, vi, 17-18. La meme expression avoir une
cionem, iv, 34, t. n, col. 443; saint Jean Chrysostome, femme , et 1'expression correlative avoir un homme ,
Horn. XLVin in Matth., t. LVIH, col. 490; Theophylacte onl le meme sens, c'esl-a-dire s'enlendent du mariage.
(avecquelque hesitation), In Matth. xiv, t. CXXIH, col.295; Matth., xxii, 28; Marc., xn, 23; Luc., xx, 28, 33; Joa.,
mais on ne peut guere le revoquer en doute a cause du iv, 17-18; I Cor., vu, 12-13; Gal., w, 27, etc. Telle est
temoignage expres de Josephe, qui dit qu'Herodiade se 1'interpretation commune, surloul parmi les auleurs mo-
separa de son mari encore vivant , Ant. jud., XVIII, dernes, auxquels est venu se joindre Comely, Comm. in
v, 4, temoignage cite, reproduit et accepte par Eusebe, I Cor., Paris, 1890, p. 119-120. Le mariage que le chretien
H. E., I, xi, t. xx, col. 114; par Origene, qui signale et de Corinthe avait attenle elait avec la femme de son pere,
rejette 1'opinion conlraire, Tom. x in Matlh., 21, t. xin, c'est-a-dire avec sa belle-mere. Les Hebreux n'avaient
col. 891; par sainl Jerome, In Matth., xiv, 3-4, t. xxvi, pas de mot particulier pour designer la belle-mere dans ce
col. 97; par saint Basile de Seleucie, Orat. xvm, t. LXXXV, sens precis; ils disaient femme du pere ; c'est 1'expres-
col. 227; par Eulhymius Zigabene, In Matth. xiv, sion que nous trouvons Lev., xvm, 8, 11; xx, 11; Deut.,
t. cxxix, c'ol. 426, etc. Aussi la plupart des commenla- xxii, 30 (xxm, 1); xxvn, 20, etc. Saint Paul 1'emploie egale-
teurs, soil catholiques, soil protestants, regardent comme ment pour mieux rappeler la loi du Levitique. Or saint Paul
adullerin le mariage d'Anlipas avec Herodiade. 2. De declare, ou plutol suppose, que ce mariage esl gravement
plus, ce mariage etait incestueux et violait les lois de illicite; il eclate en indignation conlre le coupable, et
1'affmite. Herodiade etait la femme de Philippe, frere meme contre les Corinlhiens, qui le toleraient dans leurs
d'Anlipas. Or, nous 1'avons vu, d'apres la loi mosaique, assemblies; puis il livre le criminel a Salan, c'esl-a-dire
un homme ne pouvait epouser la femme de son frere que qu'il 1'excommunie, afin de le ramener, par la rigueur de
dans le oas du levirat, c'est-a-dire quand ce frere etait celle peine, a une salulaire penitence. I Cor., v, 1-5.
mort, et sans enfants. Philippe n'etait pas morl, el, de De ce fail, nous pouvons conclure que saint Paul declare
plus, il avait eu d'Herodiade une fille appelee Salome, defendu aux Chretiens le mariage avec la belle-mere. S'il
Josephe, Ant. jud., XVIII, v, 4, celle-la meme qui dansa etait certain que le pere du coupable flit mort, quand
devant Herode. Matlh., xiv, 6. Aussi les auteurs qui pensenl son fils a contracle ce mariage inceslueux, ainsi que le
que Philippe etait mort lorsque Herodiade epousa Antipas, souliennent plusieurs auteurs, par exemple, Michaelis,
disent que ce mariage etait neanmoins coupable, comme Einleitung in das N. T., Brief e an die Corinther, II,
contraire a la loi de Moise, puisque Philippe n'etait pas noire conclusion n'aurail pas besoin de preuve. Mais,
mort sans enfants; dans toutes les hypotheses, ce mariage d'apres II Cor., vn, 12,1'opinion de la survivance du pere
4lait done incestueux. On ne peut pas objecter, pour jus- est plus probable, et par consequent le mariage du fils fut
tifier Antipas, que, n'etant pas Juif, il n'etait pas soumis aussi un adultere : ce qui suffisait pour atlirer loules les
a la loi de Moise; car, quoi qu'il en soil de la question severites de saint Paul. Toutefois, meme dans ce cas, nous
de savoir si les Herode elaient proselytes, au moins de la pouvons maintenir notre conclusion : en effet, 1'Apotre
porte, queslion tres debattue (cf. Selden, Dejure naturae, presente le mariage en. question surtout comme inces-
V, xxi-xxil, p. 679-691), toulefois Anlipas elail soumis tueux; il ajoute qu'un tel mariage est inoui meme chez
aux lois de Moise, au moins sur les empechements de les paiens, ce qui malheureusement n'etait pas vrai des
mariage provenant de la parenle, puisque, comme nous manages adulterins; c'est done surtout comme incestueux
1'avons dit, d'apres Lev., xvm, 26, Dieu voulut que non que saint Paul presente, condamne et punit ce mariage;
seulement les Juifs, mais encore les etrangers qui vivaient il le regardait done, meme sous ce rapport, comme defendu
parmi eux, fussent soumis a ces lois. 3. Quelques aux Chretiens.
auteurs ajoutent un troisieme grief centre ce mariage : En dehors de ce cas, nous. ne trouvons pas d'autre
Herodiade, disent-ils, etait la niece d'Antipas; car elle empechement de mariage, provenant de 1'affinite, porte
etait fille d'Aristobule, et celui-ci et Antipas etaient freres, dans le Nouveau Testament pour les Chretiens; mais
comme etant tous deux fils d'Herode le Grand. Or il etait 1'Eglise legifera bienlot sur cette matiere, et etablil non
defendu aux Juifs d'epouser leur niece. Nous ne pensons seulement les empechements du Levitique, mais plusieurs
pas que le mariage d'Antipas avec Herodiade fut illicite autres: Conciles d'Elvire, c. 61; d'Ancyre, c. 25; de Neoce-
a ce point de vue; en effet, s'il etait defendu aux Juifs saree, c. 2; Deer. Grat., c. xxxv, q. H et in; Deer. Greg.,
d'epouser leur niece, c'etait en vertu, non pas precisement De consang. et affin. S. MANY.
de la loi mosaique, mais des traditions rabbiniques (voir
CONSANGDINITE), lesquelles peut-etre n'etaient as encore AFFIXES, nom par lequel on dcsigne dans la gram-
AFFIXES AFRIQUE 256
maire hebraique les prefixes et les suffixes. Voir ces deux signifie exactement sud-ouest. Le vent du midi s'appelle
mots. en latin Africus, parce qu'eri Italie il vient d^Afrique.
Voir VENT.
AFFRANCHI. At6epTc'vo;, aTceXeOOepo?; Vulgate: liber-
tus, libertinus, Act., vi, 9; I Cor., VH, 22. 11 est parle AFRIQUE, une des parties du monde, dont la Vulgate
deux fois des affranchis dans le Nouveau Testament. emploie deux fois le nom: Isaie, LXVI, 19, et Nahum, in, 9.
Dans les Actes, il est question d'une synagogue des Dans le premier passage, le texte massoretique porte Ful
affranchis, qui est designee dans le texte par le mot ou Pul; dans le second, Fut ou Put. Quels pays indiquent
latin grecis6 XtgepTivot. Dans la seconde Epitre aux Corin- ces deux mots? La traduction de saint Jerome est-elle
thiens, empruntant une comparaison au droit romain, exacte? C'est ce qu'il faut rechercher, apres une question
saint Paul dit que les esclaves sont devenus des affranchis preliminaire de critique textuelle.
du Seigneur . Dans ce second passage, le mot grec em- Le nom de Pul ne se trouve qu'en ce seul endroit de
ploye est airsXeuOspoi;, et le mot latin libertus. Ces deux 1'Ecriture, Is., LXVI, 19; aussi un grand nombre d'au-
termes, libertinus et libertus, designent le meme individu teurs, croyant a une faute de copiste, lisent Put, comme
considere a deux points de vue differents. C'est a tort, en dans Nahum, HI, 9. Le texte massoretique a pour lui 1'una-
effet, que certains auteurs ont suppose que le mot libertus nimite des manuscrits (Kennicott et de Rossi ne relevent
s'appliquait a 1'affranchi lui-meme, et le mot libertinus aucune variante) et 1'accord des plus anciennes versions,
au fils de 1'affranchi. II n'en est rien. Libertinus est 1'af- paraphrase chaldaique (Pulde), versions syriaque et arabe
franchi par opposition a Yingenuus, homme de naissance (Pul), a 1'exception toutefois des Septante. Ces dorniers,
libre; le libertus est 1'affranchi dans ses rapports avec en effet, portent generalement 3>ou6, ce qui suppose la
son patron. On dit Marcus homo libertinus, et Marcus lecture primitive Phout. II est cependant juste de remar-
Hard libertus. Parmi les Juifs qui avaient ete esclaves quer avec Gesenius, Thesaurus linguae hebrsese, p. 1094,
apres les guerres de Pompee, et qui avaient ensuite ete que le grec 4>OTA a pu tres facilement, par erreur de
rendus a la liberte, un certain nombre avait probablement copiste, se changer en 4>OTA. Mais les raisons suivantes,
fonde une synagogue particuliere a Jerusalem. Quelques- tirees du contexte et des endroits paralleles, n'en favo-
uns d'entre eux devaient etre fort riches, ce qui n'a pas risent pas moins la lecon des traducteurs grecs. C'est
lieu de nous etonner, car les affranchis opulents n'etaient d'abord 1'association de Put et de Lud, qu'on trouve en
pas rares. Ces affranchis sont mentionnes par Philon, trois autres passages des Livres Saints, Jer., X.LVI , 9;
Legatio ad Caium, xxm, et par Tacite, Ann., n, 85. La Ezech., xxvn, 10; xxx, 5; d'oii Ton conclut qu'il faut ega-
plupart d'entre eux, apres leur affranchissement, s'etaient lement lire ici Put ve-Lud. Ensuite la place qu'occupe
d'abord fixes a Rome; puis ils avaient ete chasses d'ltalie, le mot en question dans le texte d'Isaie, aupres de ceux
et quelques-uns relegues en Sardaigne, par un senatus- de Loud, Thubal et Javan, nous reporte naturellement
consulte, sous le regne de Tibere. Josephe, Ant. jud., a la table ethnographique de la Genese, x, 6, reproduce
XVIII, HI, 5; Suetone, Tibere, xxxvi; Tacite, Ann., n, I Par., I, 8, ou Put est mentionne parmi les descendants
85. Cf. Philon, Legal, ad Caium, xxiv. Quant a la pensee de Cham. II s'agit done, dans la nomenclature du pro-
que quelques commentateurs ont cue de faire du mot liber- phete, de peuples importants et bien connus, quoique
tinus le nom des habitants de la ville d'Afrique Libertum, eloignes des Hebreux. Or jusqu'a present aucune nation
elle ne repose sur aucun fondement. Dans le passage se rapportant certainement a Pul n'a pu etre indiquee,
de 1'Epitre aux Corinthiens ou saint Paul appelle les es- tandis que les descendants de Put sont assez bien connus.
claves affranchis de Dieu , il veut rappeler que Jesus- Enfin leur designation comme auxiliaires de 1'Egypte, ei
Christ a affranchi tous les hommes; qu'il n'y a plus dans archers semblables aux Lydiens, parait, suivant Riehm,
I'Eglise ni esclaves ni hommes libres, mais des freres tous donner raison au texte des Septante. Cf. Riehm, Hund-
egaux. Cf. Gal., HI, 28; v, 13. II veut rappeler aussi que les worterbuch des Bibl. Altertums, 1884, t. n, p. 1208.
Chretiens ont a 1'egard de Jesus-Christ a remplir les de- Parmi ceux qui admettent la lecon Pul, Bochart,
voirs des affranchis envers leur patron, devoirs que la loi Phaleg, t. iv, p. 26, et J. D. Michaelis, Spicileg., t. i,
romaine exprimait par ces deux mots : obsequium et offi- p. 256; t. n, p. 114, identifient ce nom avec celui de 1'ile
cium. Les affranchis portaient le nom gentilice, c'est- de Phila?, en Egypte (copte : Pelak, Pilak]: opinion diffi-
a-dire le nom de famille de leur patron. C'est ainsi que cile a soutenir au point de vue philologique, la racine etant
Ton trouve plusieurs fois dans le Nouveau Testament des lak: copte lak', fastigium, extrcmitas, cf. Am. Peyron,
Comelii. Act., x, 1, 3,17, 22, etc. C'etaient des affranchis Lexicon ling, copt., Turin, 1835, p. 80; hieroglyphes :
ou des fils d'affranchis qui avaient ete esclaves de membres Aa-lek, P-aa-rk, (Pi)lak, Pierret, Vocabulatre hiero-
de cette gens illustre. glyphique, Paris, 1876, p. 9, 147, 318, d'apres Brugsch.
Bibliographic. H. Lemonnier, Etude historique sur Knobel, Volkertafel, p. 94, voit ici I'Apulie ou 1'Italie
la condition privee des affranchis aux trois premiers inferieure, que les Juifs du moyen age appelaient Pul;
siecles de Vempire romain, in-8, Paris, 1887; Walter, mais du moyen age a 1'epoque d'Isaie, il y a trop loin
Romische Geschichte, 1.1, 105-106; M. Voigt, Ueber die pour que la conclusion soit valable. Enfin quelques-uns
Clientel und Libertinitat, dans les Berichte der konigl. vont jusqu'a chercher ce peuple dans les Foulah, Paul ou
sacks. Gesellschaft der Wissenschaften, Histor.-Philol. Peuls, qui habitent aujourd'hui en grande partie 1'im-
Classe, 1878, p. 147-220; Mispoulet, Les institutions poli- mense bassin du Niger et le bassin du Senegal, c'est-a-dire
tiques des Romains, Paris, 1883, t. n, p. 161 et suiv.; toute la moitie occidentale du Soudan. G. F. Re, Dizionario
Th. Mommsen, Das romische Gastrecht und die romische di erudizione biblica, au mot Africa; Archivio di Lette-
Clientel, dans Sybel, Historische Zeischrift, 1.1, p. 319-390; ratura bib. ed orient., Turin, 1883, p. 255. Cette opinion
Id., Liberlini servi, dans Eph. Epigr., iv, p. 246; Leist, repose uniquement sur la ressemblance de nom. D'ailleurs,
Das romische Patronatrecht, Erlangen, 1879; Bouche- si Ton accepte le sentiment tres vraisemblable de H. Earth,
Leclercq, Manuel des institutions romaines, in-8, Paris, qui assigne aux Foulah pour patrie originelle les oasis du
1886, p. 352. E. BEURLIER. sud du Maroc, on retrouve dans cette nation les Leucae-
thiopiens de Pline, habitant au sud des Getules de la Mau-
AFRICAIN JULES. Voir JULES L'AFRICAIN. ritanie, entre les Liby-Egyptiens au nord et la Nigritie
au sud. Cf. H. Barth, Sammlung und Bearbeitung
AFRICUS, nom du vent du sud dans la Vulgate. central-afrikani&cher Vokabularien, Gotha, 1862-1864,
Ps. LXXVII, 26. Par suite, ce mot designe aussi le midi p. CXI-CLXVIII et 1-296. Nous avons ainsi une branche
comme point cardinal. Jos., xviu, 14; Is., xxi, 1; Ezech., de cette race chamitique, qui a peuple tout le nord de
xx, 46; Act., xxvii, 12. Dans ce dernier passage, Africus I'Afrique, ce qui nous ramene a 1'opinion suivante.
257 258
Beaucoup de commentateurs lisent Put au lieu de africain, depuis le voisinage de 1'Egypte jusqu'a 1'oceau
Pul. Of le mot Put est traduit en grec tantot par $ou8, Atlantique... Entre ces deux groupes de populations, aux-
Gen., x, 6; I Par., i, 8; Is., LXVI, 19, tantot par At6us;, quelles s'applique en commun le nom biblique de Pout,
Jer., XLVI, 9; Ezech., XXVH, 10; xxx, 5; xxxviii, 5; Nah., la parente ethnographique et linguistique est tres grande .
in, 9; et dans la Vulgate tantot par Phuth, Phut, Gen. F. Lenormant, Hist. anc. de VOrient, 9 edit., 1881,1.1,
et Par., tantot par Libyes, Jer., Ezech., toe. tit.; tantot p. 272. Voir PHUT.
enfin par Africa; Is. et Nah., toe. cit. U indique done bien, Avec ces donnees, il est facile de comprendre les deux
dans la pensee des traducteurs, un peuple du continent textes d'Isale et de Nahum. Isaie, LXVI, 19, parle de la
africain. Josephe, Ant.jud., I, vi, 2, attribuant 1'origine propagation de TEvangile, et des miracles qui en accom-
des Libyens a Phutes, d'ou leur nom de ^OUTOU?, confirme pagneront la predication. Je leur donnerai un signal, dit
son opinion en faisant remarquer qu'il y a encore, dans le Seigneur, et j'enverrai ceux d'_entre eux qui auront ete
la region des Maures, un fleuve du meme nom . Pline le sauves vers les nations, dans les'mers (hebreu: J'arsis),
mentionne sous le nom de Put, v, 1,13, et Ptolemee sous dans 1'Afrique (Pul ou Put), dans la Lydie (Lud),...
1 N T E R I E U R E
celui de $6ov8, IV, i, 3. Saint Jerome fait la meme re- dans 1'Italie (selon la Vulgate; hebreu: Jiibal, les Tiba-
marque, et nous donne ainsi la raison de sa traduction, reniens), dans la Grece(Ydmn), et les iles lointaines,
In Is. LXVI, 19, t. xxiv, col. 667. Du reste, 1'Afrique, vers ceux qui n'ont pas entendu parler de moi... Le
ainsi nominee par Ennius avant la deuxieme guerre prophete nous montre ainsi les merveilles de la foi se re-
punique, ne fut d'abord pour les Remains que la con- pandant non seulement chez les peuples les plus eloignes
tree libyenne voisine de 1'Italie, le Tell tunisien, appele et connus des Hebreux, mais chez toutes les races d'a-
maintenant encore Friga. Pour les Grecs, cette terre etait pres 1'ethnographie biblique : Japheth avec Thubal et
la Libye aux bornes ignorees, qui s'etendait au loin vers Javan, Cham avec Phout, Sem avec Lud. Apres avoir
les regions du sud et du couchant. C'est peu a peu que mentionne 1'extremite occidentale du continent europeen,
ce nom est devenu celui du continent, de meme que 1'Ile- 1'auteur sacre passe a 1'extremite septentrionale du con-
de-France a donne sa denomination a 1'ensemble des tinent africain et a 1'extremite occidentale du continent
Gaules. Elisee Reclus, Afrique sept., 1884, pp. 1, 2. asiatique.
Put, dans Isaie, indique done bien, comme dans la Nahum, HI, 8-9, s'adressant a Ninive et predisant sa
Genese, le troisieme fils de Cham, ou un peuple africain. ruine, lui dit: Vaux-tu mieux que No-Amon (Thebes)?
Mais il semble, dit M. F. Lenormant, que ce nom ait Assise entre les bras du Nil, entouree par les eaux, la
un sens geographiquement aussi etendu que Kousch. D mer lui formait un rempart...; 1'Ethiopie (Kus) et 1'Egypte
designe tout le vaste ensemble des populations de race (Mi?raim) etaient sa force, sans fin; 1'Afrique (Put) et
ethiopico-berbere repandues au sud de TEthiopie kous- les Libyens (Lubim) etaient parmi ses auxiliaires, et ce-
chite et a Touest du bassin du Nil. Ces populations forment pendant elle aussi a ete emmenee captive. Comme on
deux groupes principaux: d'abord les peuples du Pount le voit, 1'enumeration des troupes est faite avec ordre: du
des Egyptiens, c'est-a-dire les Somalis et leurs conge- midi au nord et de 1'orient a 1'occident, si avec Ebers,
neres et voisins de la cote orientale d'Afrique, a cheval, Brugsch et beaucoup d'autres, on reconnait ici le Fount
comme les Kouschites, leurs proches parents, sur les deux egyptien; ou simplement du midi au nord, avec un detour
rives du golfe d'Aden; puis la grande famille des peuples vers 1'ouest, si Ton n'entend que 1'Afrique septentrionale.
libyens et berberes, occupant tout le nord du continent A. LEGENDRE.
DICT. DE LA BIBLE. I. - 11
259 AGABUS AGAPES 260
AGABUS (*Aya6o?), prophete chr&ien du ier siecle. Ce garda le reste, et laissa la vie a Agag. Le prophete Samuel,
nom propre est-il derive de hagdb, sauterelle (Drusius), 1'ayant appris, en fut tres irrite, et, apres avoir prononce
ou de 'dgab, 11 alma (Grotius, suivi par Witsius et au nom de Dieu la reprobation de Saul, 11 fit amener Agag
Wolf)? La reponse est douteuse. Agabus etait originaire en sa presence. Ceci se passait a Galgala. I Reg., xv, 26-28.
de la Judee; 11 en est question deux Ms dans les Actes Le captif vint tout tremblant, et 11 disait: Faut-il qu'une
des Apotres, xi, 28, et xxi, 10. On a cru, parce que saint mort amere me separe ainsi de tout! jL 32. C'est du
Luc en parle la seconde fois comme s'il n'en avait encore moins la traduction de la Vulgate et des Septante, qui
rien dit, qu'il y avait eu deux prophetes de ce nom; mais s'eloignent notablement du sens de 1'hebreu, d'apres
le nom, la fonction, le pays d'origine, 1'epoque, sont trop lequel Agag, se confiant dans la decision prise par Saul
identiques pour qu'on ne conclue pas a un seul person- a son sujet, s'approchait joyeusement (hebreu : mo'o-
nage. danndf) de Samuel, en disant: Assurement I'amertume
Au temps ou saint Paul et saint Barnabe" eVangelisaient de la mort est passee. Quoi qu'il en soit, le prophete,
Antioche, des prophetes vinrent de Jerusalem a Antioche. s'armant du glaive de la colere divine, pronon<ja sur Agag
L'un d'eux, nomme Agabus, eclaire par 1'Esprit-Saint, la loi du talion, Exod., xxi, 23-25 : Comme votre epee a
predit par un acte symbolique qu'une grande famine allait ravi les enfants a tant de meres, ainsi, parmi les femmes,
desoler toute la terre. L'evenement, disent les Actes, xi, 28, que votre mere soit sans enfants! I Reg., xv, 33; et il le
se realisa sous le regne de Claude. II y eut, en effet, a cette frappa a mort devant Jehovah , c'est-a-dire en rendant
epoque des famines en diverses contre"es : une en Grece, par la hommage a 1'ordre de Jehovah. Cette expression a
Eusebe, Chron., i, 79, et deux a Rome, Suetone, Claudius, donne aux rationalistes 1'occasion d'attaquer ce recit, sous
xvm; Dion Cassius, LX, xi; Tacite, Annales, XII, XLIII. pretexte qu'elle signifie un vrai sacrifice, d'ou 1'imputa-
II est probable cependant que la famine predite par Aga- tion faite aux Hebreux d'avoir offert a Dieu des sacrifices
bus est celle qui desola la Judee en 44-48. Le texte grec humains. Max Dunker, Geschichte des Alterthums, Berlin,
dit, il est vrai, que le fleau devait s'e"tendre a toute la 1863, t. i, p. 277-278. II est facile de constater que cette
terre, 9' oXyjv T/JV olxoujXEvrjv; mais on sait que cette expres- accusation ne repose sur aucun fondement, car Agag subit
sion est employee a diverses reprises par les Saints Livres la mort, comme lous les autres captifs, en vertu d'une
dans un sens restreint, pour designer la Judee ou la con- mesure politique ordonnee par Dieu, savoir: 1'extermina-
tree dont 11 est question dans le recit. Le verset suivant tion totale du peuple amalecite, toujours menagant pour
des Actes indique assez clairement que la famine sevit en Israel, et d'ailleurs charge de crimes aborninables, qui
Judee seulement, puisque les disciples d'Antioche en- meritaient ce chatiment. II suffit d'etudier la legislation
voyerent a cette occasion des secours aux freres de Judee. rituelle des Hebreux sur les victimes a employer dans les
L'auraient-ils pu faire, s'ils avaient ete eux-memes en sacrifices, pour se convaincre qu'il ne pouvait venir a la
prole au meme fleau? Josephe raconte qu'une terrible pensee de Samuel d'offrir a Dieu en sacrifice un Amale-
famine sevit en Judee, Antiq.jud>, XX, n, 6; v, 2, lorsque cite , un gol ou pa'ien, un homme souille de tous les
Cuspius Fadus et Tibere Alexandre etaient procurateurs, crimes, par consequent une victime impure au premier
fin de 44 a 48; elle dura trois a quatre ans, et fit de norn- chef. On peut penser avec quelques exegetes catholiques
breuses victimes. Pour venir en aide a la population, qui que, par les mots devant Jehovah , il faut entendre
mourait de faim, Helene, reine d'Adiabene, qui etait alors devant 1'autel eleve au Seigneur a Galgala , sans voir
a Jerusalem, fit venir du ble de Chypre et d'Egypte. dans cette immolation un vrai sacrifice. Le sens d'un
Agabus retourna en Judee, puisque seize ans apres on simple hommage rendu a Dieu parait d'ailleurs plus fonde",
le retrouve a Cesaree, venant de ce pays. De Ptolemaide, P. RENARD.
saint Paul etait venu a Cesaree, ou 11 descendit chez Phi- 2. AGAG. Nem d'une province de la Medie. Esth., m,.
lippe 1'evangeliste, 1'un des sept: Et, disent les Actes 1,10; ix, 24. Voir AGAGITE.
des Apotres, xxi, 10, comme nous y demeurions quelques
jours, il arriva de Judee un prophete nomme Agabus. AGAGITE (hebreu : 'Agdgi), Esth., vin, 3; ix, 6; cf,
Etant venu nous voir, il prit la ceinture de Paul, et, se in, 1, 10; ix, 24. Les Septante transcrivent: BouytxTo; et
liant les pieds et les mains, il dit: Voici ce que dit 1'Esprit- MaxeSwv. Qualification ethnique donnee a Aman, 1'ennemi
Saint: Les Juifs lieront ainsi a Jerusalem 1'homme a qui des Juifs. La plupart des commentateurs, a la suite de
appartient cette ceinture, et le livreront entre les mains Josephe, Ant. jud., XI, vi, 5; cf. Targum Esther, in loc.t
des Gentils. L'evenement justifia la prophetie. On re- ont cru que le mot Agagite signifiait qu'Aman etait de
marquera qu'ici encore, comme au chapitre xi, le pro- la race du roi Agag, et par consequent Amalecite; mais
phete Agabus annonce 1'avenir par une action symbolique, les inscriptions cuneiformes nous ont revele 1'existence
tout en 1'accompagnant d'une explication. Cette conduite d'un pays d'Agag, d'ou Aman devait etre originaire. On
rappelle celle des prophetes de 1'Ancien Testament, III Reg., a longtemps cru, dit M. Oppert, Commentaire philolo-
xxn, 11; Is., xx, 1, etc.; Jer., xm, 1, etc.; Ezech., iv, 1, etc. gique et historique du livre d'Esther, 1864, p. 13,
Les Grecs croyaient qu'Agabus etait 1'un des soixante-dix qu'Aman, tils d'Amadathi, etait Amalecite... Et puisque
disciples, et qu'il avait ete martyrise a Antioche. Us avaient deja dans 1'antiquite les noms d'Esau, d'Amalec, etaient
fixe sa fete au 8 mars, tandis que les Latins la celebraient, pris comme les designations des paiens d'Europe, les Sep-
depuis le Ete siecle, le 13 fevrier: Tillemont, Memoires tante traduisent 1'hebreu 'Agdgi par MaxeSwv, ft le Mace-
ponr servir d I'histoire ecclesiastique des cinq premiers donien. Neanmoins le nom d'Aman, ainsi que celui de
siecles, 1.1, p. 206. . JACQUIER. son pere, trahit une origine medo-perse. Nous savons
maintenant, par les inscriptions de Khorsabad, que le pays
1. AGAG (hebreu : 'Agdg, signification inconnue; d'Agag composait reellement une partie de la Medie.
Septante : 'Ay dy), nom peut - etre generique des rois Voir AMAN, BUGEE, MACEDONIEN.
d'Amalec, Num., xxiv, 7, et sous lequel est plus particulie-
rement connu celul de ces rois qui fut vaincu par Saul dans AGAPES (du grec ayairrj, amour, charite ) designs
la guerre sainte entreprise par 1'ordre de Samuel. I Reg., les repas communs que faisaient les Chretiens: a I'origine^
xv, 1-8. D'apres la volonte formelle de Dieu, cette guerre en union avec la celebration de 1'Eucharistie; plus tardr
avait pour objet 1'extermination des Amalecites, ennemis en certaines circonstances seulement, suivant des usages
jures d'Israel. Des lors Agag, vaincu et fait prisonnler, devait qui ont vari6 avec les temps et avec les pays. Ces repas
etre mis a mort avec les autres captifs et tout ce qui avait servaient a la fois a exprimer et a entretenir la charite^
vie, tandis que le butin devait etre detruit. Saul desobeit a chretienne; de la leur nom. Qu'ils remontent a I'^poque
cet ordre divin : il passa les captifs au til de 1'epee, detruisit des Apotres, et qu'ils aient alors accompagne la celebration
du butin et des troupeaux ce qu'il y avait de moins bon, de 1'Eucharistie, c'est ce qui ressort des instructions que
261 AGAPES AGAR 262
donne saint Paul. I Cor., xi, 20-29. Le repas qui faisait tement que possible la Cene du Seigneur ou le repas avait
partie de la Cene du Seigneur , Kuptaxbv Setirvov, etait precede le rite religieux nouveau, 1'Eucharistie (edhovTwv
devenu, dans 1'Eglise de Corinthe, 1'occasion d'abus graves, auTwv, Matth., xxvi, 26; Marc., xiv, 22; (JLETOC TO 8Enmj<roci,
une cause de divisions, au lieu d'etre un principe d'union Luc., xxn, 20; I Cor., xi, 25). Le rite accessoire, meme
et de charitS. L'Apotre reprouve les abus, mais ne sup- separe de 1'Eucharistie, demeura pour les Chretiens un
.prime pas le repas, ^.33, tout en faisant bien ressortir moyen de pratiquer la charite mutuelle, tant qu'on fut
que le rite religieux ou se donnent le corps et le sang de fidele a 1'idee premiere de 1'institution. Nee sacrificia eorum
Notre-Seigneur est 1'objet principal de la reunion. Grace (paganorum) vertimus in agapes..., agapes nostrsepau-
a ces instructions si precises, qui furent e'crites par saint peres pascunt sive fmgibus, sive carnibus, disait saint
Paul a 1'occasion des desordres de Corinthe, nous pouvons Augustin contre eeux qui deja cherchaient a rattacher
comprendre les allusions et les indications rapides qui nous 1'usage Chretien aux ceremonies paiennes. Contra Faust.,
montrent le meme usage des 1'origine dans 1'Eglise de Jru- xx, 20, cf. 4, t. XLII, col. 370-383. Mais il est bon de
salem, Act., n, 46, ou en d'autres Eglises, a Philippes, remarquer que ces repas communs etaient frequents chez
par exemple, lors du passage de saint Paul, Act., xx, 7,11, les paiens : aux funerailles, accompagnees de festins reli-
ou la reunion a lieu le dimanche. gieux ou Ton mangeait les mets sacrificiels dans le lieu
De plus, nous voyons qu'aux temps apostoliques le nom consacre a 1'idole, Iv 8aAEta>, I Cor., VHI, 10; dans les
A'agapes etait deja donne a ces repas; qu'il etait devenu reunions de certaines confreries ou hetairies, dont quel-
familier aux communautes chretiennes, au point que saint ques-unes n'avaient d'autre but que de s'assembler a cer-
Jude dans son Epitre, ^. 12, signalait aux fideles certains tains jours pour manger en commun. Us etaient aussi
heretiques comme des r^cifs dans vos agapes ', ot Iv connus chez les Juifs, puisqu'il y avait des repas funebres
Tat; ayaim; vifxwv umXaSs?. (Dans la Vulgate : hi sunt in dans les temps anciens, d'apres Jeremie, xvi, 5, 7; cf. Osee,
epulis suis maculae; au lieu de yjxwv, elle suit la lecon ix, 14, et plus tard Josephe, Bell, jud., II, i, 1; Antiq.
CCUTWV de certains manuscrits, lecon moins bien garantie, jud., XVIII, VHI, 4; et que les restes des victimes ou des
et elle ne rend pas exactement le sens du mot rare GK>.- offrandes etaient consommes en commun dans le temple,
Xa8e?: 1'allusion est perdue.) On trouve une allusion du cf. Deut., xiv, 23, 26, surtout a certaines fetes. Ces cou-
meme genre dans II Petr., n, 13, si Ton s'en tient au texte tumes juives et paiennes expliquent comment fut accepte
d'anciens manuscrits (B, etc.), qu'asuivi ici le traducteur facilement et comment se repandit un usage qui etait dans
latin. Saint Pierre parle aussi d'heretiques dangereux, qui les moeurs de 1'epoque, et qui nous paraitrait aujourd'hui
se melent aux assemblies chretiennes : Iv tat; ayamxt; tres extraordinaire. Voir Bingham, Works, t. v, p. 289;
auTwv <Tuveuwxo'j(ievot ujjtfv, dans leurs agapes, prenant Augusti, Handbuch der christlichen Archaologie, t. I,
repas avec vous. (La Vulgate traduit: in conviviis suis Abth. I, 2, Leipzig, 1836-1837; Drescher, De veterurn
luxuriantes [?] vobiscum; mais elle a bien lu Iv TOU? Christianorum agapis, in-8, Giessen, 1824.
ayairac;, et non ev taT; auaTaiq que porte le texte grec J. THOMAS.
recu.) AGAR (hebreu : Hdgdr) etait une esclave egyptienne
Au sortir de 1'age apostolique, au debut du n8 siecle, au service de Sarai. Peut - etre avait - elle ete donnee a
dans les Eglises d'Asie, la celebration de 1'Eucharistie reste Abram par le pharaon qui avait enleve son epouse. Gen.,
encore si bien liee avec 1'agape, que celle-ci sert a la desi- xii, 16. Le choix dont elle fut 1'objet permet de supposer
gner ; on le voit dans la lettre de saint Ignace, Ad Smyrn., 8, qu'elle avait de grandes qualites, et qu'elle partageait la
t. v, col. 713: II n'est permis, sans 1'eveque, dit-il, rii foi de ses maitres, S. Chrysostome, Horn, xxxvin in Ge-
de baptiser, ni de faire 1'agape. II n'est pas douteux qu'il nesim, 1, t. nil, col. 351. Sara'i, desesperant de devenir
parle de 1'Eucharistie, surtout quand, au n" 7, il dit en mere et dans le dessein d'avoir une posterite, offrit a son
parlant de ceux qui s'en abstiennent: II leur importait de man son esclave comme femme. Elle la substituait a elle-
faire 1'agape, pour qu'ils eussent part a la resurrection. meme aupres de lui. Ayant concu, 1'esclave dedaigna
Vers la meme epoque, la fameuse lettre de Pline, Epist., 1'epouse sterile. Celle-ci rendit Abram responsable de la
1. x, n. 97, edit. Didot, 1881, p. 713-714, nous montre aussi conduite superbe et outrageante d'Agar. Pour echapper a
que les fideles de Bithynie celebraient ces repas communs; ses reproches, Abram reduisit 1'esclave a sa condition pre-
de plus, elle nous permet, je crois, de saisir une des causes miere. La domination de la maltresse se fit durement
qui amenerent a separer 1'Eucharistie du repas. Le legat sentir, et Agar, ne se resignant pas a son nouveau sort, prit
imperial rapporte que les Chretiens se re"unissaient aupa- la fuite. Assise aupres d'une source du desert d'Arabie,
ravant, a jour fixe, une premiere fois de tres bonne heure, elle fut visitee par un ange. II lui ordonna de retourner
ytato die ante lucem, dans un but uniquement religieux, chez sa maitresse et de s'humilier sous sa main. Le fils
pour dire un chant au Christ, comme s'il eut etc Dieu, qu'elle portait dans son sein sera, ajouta-t-il, belliqueux,
carmengue Christo, quasi Deo, dicere secum invicem; et sa nombreuse posterite s'etablira a 1'orient des autres
puis de nouveau, le soir sans doute, pour faire un repas; descendants d'Abram. Agar appela le lieu de la vision* le
mais il constate que, pour obeir a son edit, les Chretiens puits du Vivant qui me voit . De retour chez Abram, elle
ont renonce a ce repas. Quod ipsum facere desisse post donna naissance a un fils qui fut nomme Ismael. Gen., xvi.
edictum meum quo secundum mandata tua hetaerias esse Apres la naissance d'Isaac, Agar dut quitter une seconde
vetueram. Soit que la reunion du matin, ne tombant pas fois la maison de son epoux. Sara, ayant vu Ismael se
sous les interdictions relatires aux hetairies, restat per- railler d'Isaac, obligea le patriarch e a chasser 1'esclave et
mise, ou soit qu'elle put plus facilement echapper a la son fils. Dieu ayant donne son consentement a cette me-
surveillance, on y transporta le rite essentiellement reli- sure rigoureuse, tout en renouvelant la promesse d'une
gieux, 1'Eucharistie, dont le repas n'etait que 1'accompa- nombreuse posterite pour 1'expulse, Abraham pla?a du pain
gnement accessoire. Au milieu du ne siecle, la premiere et de 1'eau sur 1'epaule d'Agar, lui remit Ismael et la ren-
apologie de saint Justin, n08 65-67, t. vi, col. 428 et suiv., voya. Voir ABRAHAM 1. Elle erra dans le desert de Ber-
suppose que la separation est achevee; elle decrit le service sabee. La provision d'eau epuisee, 1'infortunee mere laissa
religieux du dimanche, dans lequel 1'Eucharistie occupe son fils sous un arbrisseau, et s'eloigna pour ne pas as-
la place principale,, et il n'est plus question du repas. sister a son agonie. Elle s'assit a la distance d'une portee
Au dela de cette epoque, 1'histoire des agapes ne fournit de trait, lui tournant le dos, et eclata en sanglots. La
rien qui puisse eclairer les choses de la Bible. II nous vix d'Ismael, qui pleurait et priait, fat entendue du ciel.
suffit d'avoir constate que les agapes ne furent pas, chez Un ange, appelant Agar, la consola et lui ordonna de ne
les premiers Chretiens, une simple imitation des repas pas abandonner son fils, souche d'une nombreuse descen-
communs, tres frequents chez les paiens; mais qu'on se dance. Alors Dieu ouvrit ses yeux aveugles par la douleur:
proposa surtout au debut de representer aussi comple- un puits etait la; elle y emph't son outre et fit boire Ten-
263 AGAR AGATE 264
fant. II grandit; sa mere demeura constamment avec lui, Ce peuple n'est cite dans 1'Ecriture que pour ses demeles
et lui donna pour epouse tine Egyptienne, Gen., xxi, 9-21. avec les Hebreux : une seule exception est a faire a propos
Les Ismaelites, renommes par leur habilete commerciale et de Jaziz, membre de cette tribu, qu'on voit parmi les sur-
animes de la prudence terrestre, sont appeles par Baruch, veillants des troupeauxde David. I Par., xxvn, 31. Du temps
Hi, 23, fils d'Agar. de Saul, les Rubenites combattirent contre les Agareens,
L'entree d'Agar dans la famille d'Abraham et son ban- et, apres les avoir vaincus, s'etablirent dans leurs tentes,
nissement avaient un caractere figuratif, qui a ete signale sur toute la plage orientale de Galaad. I Par., v, 10. Plus
par saint Paul. Gal., iv, 23-31. La femme esclave, qui tard, les fils de Ruben, de Gad et la demi-tribu de
enfante dans 1'esclavage, representait la synagogue, dont Manasse, tout ce qu'il y avait d'hommes forts portant le
les fils sont esclaves de la loi, d'une loi de servitude. Parce bouclier et 1'epee, et bandant 1'arc et sachant combattre,
qu'ils persecutaient les fils de la femme libre, les fils de au nombre de quarante-quatre mille sept cent soixante
la promesse, les enfants de 1'Eglise, Us ont ete exclus de guerriers, combattirent contre les Agareens, et (d'apres
la famille et du peuple de Dieu et n'ont pas partage avec 1'hebreu et les Septante) contre Jetur, et Naphis, et Nodab.
les Chretiens 1'heritage des benedictions promises, comme Et ils furent victorieux contre eux, et les Agareens et tous
Agar et Ismael furent chasses de la maison d'Abraham et ceux qui etaient avec eux furent livres entre leurs mains...
n'heriterent pas de ses biens. Et ils prirent tout ce qu'ils possedaient, cinquante mille
Les Arabes, issus d'Ismael, ont garde dans leurs tradi- chameaux, et deux cent cinquante mille brebis, et deux
tions le souvenir d'Agar, leur aieule. Les donnees bibliques mille anes. I Par., v, 18-21. Ce butin montre assez quelles
y sont alterees. Agar devient la femme principale d'Abra- etaient les richesses et 1'importance de ces tribus pasto-
ham ; elle habite la Mecque, et la fontaine qui lui fut mon- rales. La conquete, du reste, fut complete, puisque les
tree par 1'ange est le fameux puits Zemzem, renferme dans vainqueurs, ajoute le texte, s'etablirent a la place [des
1'enceinte de la Kaaba. Abraham dut sacrifier Ismael par vaincus] jusqu'a la transmigration. I Par., v, 22. A une
ordre de Dieu. Voir d'Herbelot, Bibliotheque orientate, epoque incertaine, peut-etre sous le roi Josaphat, II Par.,
in-f, Paris, 1697, aux mots : Abraham, p. 15; Hagiar, xx, les Moabites et les Ammonites, encourages par les
p. 420; Zemzem, p. 927. E. MANGENOT. Assyriens, furent 1'ame d'un soulevement general des
peuples voisins contre Juda, et les Agareniens entrerent
AGARAI (hebreu : Hagri, fugitif ( ? ) ; Septante : dans la coalition. Ps. LXXXII, 7. A. LEGENDRE.
'Ay apt), pere de Mibahar, qui fut un des guerriers renom-
mes de 1'armee de David, I Par., xi, 38. Dans le passage AGATE, pierre precieuse, estimee dans 1'antiquite
parallele, II Reg., xxni, 36, on lit Bonni de Gadi au lieu comme de nos jours (fig. 41). Elle est nommee deux fois,
de Mibahar filius Agarai. Hagri a la forme d'un nom dans la Vulgate, achates, Exod., xxvm, 19; xxxrx, 12
de race. Voir AGARIEN. (Septante: a^ato?), ou elle est la traduction du mot hebreu
'aw, sebo, qui designe la seconde
AGAREENS, AGARENIENS (hebreu: Hagrim, pierre de la troisieme serie des pierres
Ps. LXXXII (hebreu: LXXXIII ), 7; Hagri'im, I Par., v, 19,20; precieuses placees sur le rational du
au singulier, Hagri, I Par., xxvn, 31; Septante: 'AyapaToi, grand pretre. Voir RATIONAL. L'ety-
I Par., v, 20; 'AyapYjvo!, Ps. LXXXII, 7; I Par., v, 19; mologie du mot sebo estdouteuse (cf.
'AyapcTr);, I Par., xxvn, 31), peuplade arabe centre assyrien : Subu, pierre precieuse ),
laquelle lutterent les tribus transjordaniques de Ruben, et ne nous donne aucune lumiere sur
de Gad et la demi-tribu de Manasse. Plusieurs auteurs la la nature de 1'objet qu'il sert a d-
rattachent a Agar, servante d'Abraham et mere d'Ismael. nommer. II est possible que Sebo ait
Leur supposition s'appuie sur le nom lui-mme, et sur quelque rapport avec le pays de Saba,
la confederation de cette peuplade avec Jetur (Itureens)
et Naphis, tous deux fils d'Ismael, Gen., xxv, 15, confe- N3tf, Sebd\ d'ou les caravanes appor-
deration mentionnee I Par., v, 19 (d'apres 1'hebreu). taient sur les marches de Phenicie, 41. Cylindre
Cependant les Agareniens sont distingues des Ismaelites entre autres objets, des pierres pre- assyrien en agate.
dans le psaume LXXXII, 7-9. Gesenius, admettant leur cieuses. La traduction des versions Bibliotheque nat.
emigration vers le golfe Persique, applique au nom le anciennes par agate n'a d'ailleurs
sens de fugitifs d'apres 1'etymologie, hebreu : hdgar; rien d'inacceptable, et elle est, en eflet, generalement
arabe: hadjar, il a fui. Thesaurus linguae heb., p. 365. admise. Suivant Theophraste, De lapid., 58, et Pline,
On les assimile generalement aux Agreens, 'Aypouoi, dont xxxvn, 54 (10), le nom grec et latin de 1'agate vient d'un
parlent Strabon, xvi, 767; Ptolemee, v, 19; Pline, vi, 32, fleuve de Sicile appele
et qui, comme les Nabateens et les Chauloteens, devaient 'A^atY]?, aujourd'hui
se trouver sur la route principale de la mer Rouge a 1'Eu- Drillo, dans le Val di
phrate. Noto, sur les bords
Les Agareens, d'apres I Par., v, 10, habitaient a 1'orient duquel auraienl ete
du pays de Galaad. Le rang qu'ils occupent dans 1'enu- trouves les premiers
meration des differents peuples ennemis d'Israel, Ps. mineraux de cette es-
LXXXII, 7-9, correspond assez bien a ce renseignement, pece. L'agate est une
le seul precis que nous possedions; ils sont, en effet, cites variete du quartz a
entre les Moabites et les Ammonites. Plusieurs auteurs structure concretion-
ont cru retrouver le nom et la demeure de cette tribu nee. Elle se compose or-
dans le Hedjar ou Hedjer actuel, pays qui, plus souvent dinairement de zones
appele El-Hasa, est compris entre la chaine des plateaux concentriques, consti-
du Nedjed et la cote occidentale du golfe Persique, et tuees par une matiere
s'etend des lies Bahrein au sud jusqu'a. Koveit au nord. siliceuse, qui s'est de-
Parmi les habitants de cette region se trouvent les Benou- posee par couches suc- 42. Agate.
Hadjdr, et on mentionne une ancienne ville de ce nom, cessives dans une ca-
maintenant en ruines, a deux ou trois journees de Hofhouf, vite naturelle (fig. 42). Elle est d'une texture tres fine,
capitale actuelle du pays de Hasa. Mais, dans cette hypo- a cassure conchoide et susceptible d'un beau poli. Gene-
these, il faut admettre que les Agareens sont venus prendre ralement translucide, elle offre une grande variete de
possession de cette contree apres avoir ete chasses de leur couleurs et prend differents noms suivant sa nuance :
sejonr primitif par les tribus transjordaniques d'Israel. quand les bandes sont pea nombreuses et de couleurs
265 AGATE AGGEE 266
tranche'es, on 1'appellc onyx et Ton s'en sert pour faire chainement des idees dans le sens litteral. Voir Hurter,
des camees; on 1'appelle calcedoine, si elle est gris de Nomenclator litterarius, t. i, p. 368; Le Long, Biblio-
perle ou bleuatre, tres translucide; cornaline, si elle est theca sacra, t. n, art. Agellius; Richard Simon, Lettres
rouge sang ou brim jaunatre; sardoine, si elle est rouge critiques, lett. 26, edit, de 1730; Ugheli, Italia sacra,
brun fonce; chrysoprase, si elle est vert pomme; saphi- t. VH. E. LEVESQUE.
rine, si elle est bleu de ciel uniforme; plasma, si elle est
vert pre (cette derniere couleur ne se trouve que dans des AGENOUJLLER (s'). Voir ADORATION, PROSTERNEMENT.
gemmes antiques), etc. Le principal gisement de 1'agate
est le terrain de gres rouge. Les pierres precieuses dont AGES DU MONDE. Voir CURONOLOGIE.
fut orne le rational avaient ete certainement apportees
d'Egypte. On trouvait des agates dans les environs de AGGEE (hebreu : Ifaggai; Septante: 'Ayyaio;), le
Thebes. Pline, XXXVH, 54. F. VIGOUROUX. dixieme des petits prophetes.
I. Traditions sur Aggee. Aggee, disent les traditions,
AGE (hebreu : 'Age', fugitif; Septante: "A<rct), serait ne en exil en Chaldee, et serait venu en Judee avec
pere de Semma, qui fut 1'un des guerriers renommes de Zorobabel. De concert avec celui-ci, il aurait aide par ses
1'armee de David. II Reg., xxin, 11. exhortations et par ses propheties a retablir le temple. II
aurait fait partie de la grande synagogue. II serait mort
AGELLI Antonio ou AGELLIUS, selon la forme enfin tres age, et aurait ete enseveli parmi les pretres avec
latinisee de son nom, ne en 1532, a Sorrente, au royaume les honneurs qui leur sont rendus. De tout cela, il n'y a
de Naples, entra dans la congregation des theatins. Jeune de certain que ce que rapporte 1'Ecriture, savoir : qu'il
encore, il fut envoye a Rome, ou il se fit bientot remar- vecut apres la captivite de Dabylone, qu'il contribua elfi-
quer par son erudition, et surtout par sa profonde connais- cacement a rebatir le temple, I Esdr., v, 12; vi, 14, et
sance de la Sainte Ecriture et des langues bibliques. qu'il ecrivit le petit livre qui porte son nom. Une meprise
Nomme inspecteur de rimprimerie vaticane, il en dirigea sur le sens d'Aggee, i, 13 ( nuntius Domini, male'ak
tres heureusement les travaux; c'est la qu'il entreprit [ angelus ] Yehovdh), fit croire autrefois a plusieurs qu'il
une edition du Nouveau Testament grec, enrichie de di- etait un ange sous forme humaine. De meme, c'est en
verses lecons. II travailla a 1'edition sixtine des Septante, interpretant mal Aggee, n, 4 (heb., 3), que H. Ewald, Die
et recueillit en mdme temps les fragments de Vltala. Propheten des Alten Bundes, Gcettingue, 1868, p. 178,
Enfin il fit partie de toutes les commissions qui, de Gre- a voulu le ranger parmi ceux qui avaient vu le premier
goire XIII a Clement VIII, turent chargees de reviser la temple: c'est un sens qui n'est pas necessaire.
Vulgate. En 1593, sa nomination a 1'eveche d'Acerno Ten- II. Mission d'Aggee. Voici quelle fut la mission de
leva a ses cheres etudes, au grand regret du monde savant. ce prophete. Les soixante-dix ans de captivite predits par
(Lettre de Pierre Morin a Cajetan, 1595). Apres quelques Jeremie etaient passes. Cyrus, suscite de Dieu, avait porte
annees de sage administration, il se demit de son eveche, son edit de retour. Tres peu en profiterent, relativement
et quatre ans apres, 1608, il mourut a 1'age de soixante- parlant. A peine arrives, ils releverent au milieu des mines
seize ans. Les ceuvres scripturaires d'Agellius, ecrites en et des decombres 1'autel des holocaustes. Puis ils se mirent
bon latin, sont: 1 Commentarius in Threnos, collectus en devoir de rebatir le temple. Ils en poserent bientot les
ex auctoribus grgecis et in eosdem explicatio et catena fondements. Apres quoi il y eut un arret. Les peuples
grsecorum Patrum ex ejusdem versione, in-4, Rome, des pays d'alentour, les Samaritains surtout, leurfirent
1598; 2 Commentarius in Psalmos et Cantica, in-f, opposition. Sous le coup de leurs menaces et de leurs
Rome, 1606; Cologne, 1607; Paris, 1611; 3 Commenta- intrigues a la cour persane, la jeune colonie sentit ses
rius in P.roverbia Salomonis, Verone, 1649 (parmi les bras tomber . Ainsi contraries, et degus dans leur espoir
oeuvres du theatin Aloysio Novarini); 4 Commentarius d'une restauration qu'ils avaient revee splendide et glo-
in prophetam Habacuc, in-8, Anvers, 1697. II composa rieuse, les Juifs se laisserent aller au decouragement et
egalement en latin d'autres ouvrages restes manuscrits ils ne firent rien pendant les dernieres annees de Cyrus
a Rome: un commentaire sur Isaie, depuis le chap, xx et les regnes d'Assuerus et d'Artaxerxes, rois de Perse.
jusqu'a la fin; une explication de Daniel; des notes sur Voir ASSUERUS et ARTAXERXES. Un decret fut me'me arra-
les douze petits prophetes; des notes sur les Epitres, en che a celui-ci, qui interdisait formellement la reconstruc-
grec et en latin; des notes sur les trois premiers chapitres tion commencee. I Esdr., iv, 17-22. Les choses en etaient la,
de 1' Apocalypse; des extra its des rabbins sur Job; un petit lorsque la seconde annee de Darius, fils d'Hystaspe (520)
traite des poids et des mesures. Son oeuvre principale est Dieu suscita 1'esprit de deux prophetes, Aggee et Zacha-
son commentaire sur les Psaumes, oeuvre vraiment re- rie. Ces deux grands homines, magni spiritus prophetae,
marquable, et peut-etre le meilleur commentaire du dit saint Jerome, Comm. in Aggseum, Prol., t. xxv, col.
xviie siecle, loue sans restriction, non seulement par des 1388, eveillerent de leur torpeur les Judeens negligents.
catholiques, mais aussi par des protestants et des rationa- On reprit sous la direction de Zorobabel, satrape de Juda
listes, et en particulier par Rosenmiiller, qui s'en sert tres pour les Perses, et de Jesus, fils de Josedec, grand pretre,
sou vent, et qui vante son erudition et sa perspicacite. Voici I'ffiuvre interrompue. Les ennemis voisins auraient voulu
la methode suivie par Agellius dans son commentaire: dans encore y faire obstacle. Ils ecrivirent en ce sens a Darius.
les passages difficiles ou diflerents de 1'original, il remonle Mais Darius, revenant a la politique premiere de Cyrus,
du latin au grec, et du grec a I'hebreu. Par la il arrive 'leur fit defense de molester les travailleurs. La reconstruc-
souvent a d'heureuses solutions. L'explication suit chaque tion marcha des lors a grands pas, et elle etait achevee
verset du psaume; elle est claire, abondante, parsemee quatre ans apres, grace surtout aux prophetes. I Esdr.,
d'extraits bien choisis dans les meilleures interpretations vi, 14. On fit la dedicace du nouveau temple le 4 du
des Peres. Us sont empruntes surtout a des commentaires mois d'adar de 1'an 516. I Esdr., vi, 14-15. Voir B. Nete-
moins connus en Occident, comme ceux de saint Athanase, ler, Die Bucher Esdras, Munster, 1877, p. 9 et suiv.
Origene, Didyme, saint Jean Chrysostome, Theodoret, etc. On voit par la quelle fut en somme la mission d'Agge"e.
Le seul reproche general qu'on peut lui faire, reproche II fut envoye de Dieu pour rebatir le temple et relever les
que meritent du reste presque tous les commentateurs, esperances messianiques qui tombaient. C'etait une mis-
c'est de melanger dans la m&ne note le sens litteral et sion du premier ordre. On n'ignore pas, en effet, 1'idee
le sens spirituel, au lieu de trailer ce dernier a part a la qui pour Israel s'attachait au temple : c'etait le signe et le
fin du psaume. Cette juxtaposition dans chaque note- des symbole de 1'alliance passee entre lui et Dieu, le centre
deux sortes (^explications jette quelque trouble, et em- du culte et de la religion. Le temple rebati, c'etait a peu
peche de suivre aussi tacilement et aussi nettement 1'en- d'intervalle et les murs de la ville reconstruits, et la ville
267 AGGEE 268
elle-m<me habitee de nouveau; et, celle-ci repenplee, versions, elles ne different pas essentiellement du texte, et
c'etait Israel vivant de sa vie propre, vie sociale indepen- en etablissent-ainsi 1'integrite dogmatique. La Vulgate est
dante, et par consequent pouvant au temps marque donner tres fidele: tres peu d'additions et d'omissions; une traduc-
naissance au Christ, selon les promesses iaites a Abraham tion precisant parfois un sens plus large dans 1'original;
et a David. Or Aggee remplit cette mission pour sa part exemple: bd'u hemdaf, venient desiderium , u, 7 (Vul-
en secouant les Juifs de leur torpeur, en les animant au gate : veniet desideratus, n, 8). Moins litterale est la
travail, malgre le reveil d'anciennes hostilites, I Esdr., version grecque : on y voit plus d'additions, H, 10-15, plus
v, 1-17, et en faisant des propheties qui annoncaient au d'omissions dont une, H, 6 (5), tres considerable; plus
nouveau temple une gloire prochaine, la venue du Messie de traductions inexactes ou forcees, plusieurs mauvaises
comprise dans la conversion des Gentils, et assuraient au lecons, comme 1,13, bemale'dke, Iv ayyeXot?, au lieu de
trone humilie de David une perpetuite que son etat pre- bemale'tikuf, in legatione, etc. Assez fidele est la ver-
sent ne permettait pas de prevoir. Tel est le sens de la sion syriaque; notons seulement deux mots que ses au-
vocation et de la mission d'Aggee. Voir J. Knabenbauer, teurs ont lu autrement que ne porte 1'hebreu actuel :
In Prophetas minores, t. n, p. 170-173. Cf. F. Keil, Die hereb, glaive, au lieu ae horeb, secheresse, I, 11,
zwolf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 492, 493; et heby'u ou idby'u, pour qu'ils apportent, au lieu de
P. Schegg, Geschichte der letzten Propheten, Ratisbonne, ubd'u, et ils viendront, n, (7). Le Targum, qui est, comme
1854, t . u , p. 153-160. on sait, de Jonathan-ben-Uziel, rend moins le texte qu'il
III. Analyse de la prophetic d'Aggee. Nous avons ne le paraphrase, selon son habitude. En somme, 1'exa-
de lui, dans le petit livre qu'il a laisse, quatre prophe- men des versions fait voir que leurs auteurs avaient sous
ties datees, dont voici le sujet: 1 II engage Zorobabel, les yeux un texte hebreu identique a celui que nous avons.
Josue le grand pretre et le peuple a reprendre les travaux Voir a ce sujet L. Reinke, Der Prophet Haggai, p. 23 et suiv.
du temple. Qu'ils ne disent pas que le temps n'est pas L'hebreu pur, sans chaldaismes, quelques-uns en
venu; il est venu, au contraire. Si la moisson a ete me- signalent cependant quelques traces, est la langue de
diocre, si la famine s'est fait sentir, si la secheresse a ce petit livre. Le style en est simple et grave. II ne depasse
frappe le pays, c'est qu'ils ont neglige la reconstruction pas cependant le niveau d'une bonne prose: on dirait celui
de la maison de Dieu. Qu'ils s'y mettent enfin, et Dieu sera d'un homme qui fait effort pour parler une langue qu'il
avec eux. Aggee est ecoute par la jeune colonie, qui reprend sait, mais qui tend a tomber. Quelques interrogations.
1'oeuvre abandonnee. La prophetie est datee du premier i, 4, 9; n, 4(3), 13(12), 14(13), 20 (19), brisent la mo-
jour du sixieme mois de. la seconde annee de Darius; on notonie des phrases. Avec les pensees, le style s'eleve et
peut y voir un exorde, I, 3; un corps de sujet, i, 4-11, devient rythmique, i, 6,9-11; H, 5-7 (6-8); 22, 23 (21,22).
et une note historique sur 1'effet produit, i, 12-u, la. Une de ses particularites est de condenser en un mot final
2 II console Zorobabel, Josue et le peuple, et affermit leur toute 1'idee qui precede, i, 2b, 12b; n, 6b, ne craignez
ame; ils s'attristent de voir la mediocrite du nouveau pas, (5"), 'al fird'u; 201", a partir de ce jour, je benirai,
temple: par rapport a 1'ancien, il est comme s'il n'etait (19*), min hayyom hazzeh 'abdrek. Expressions favorites
pas. Qu'ils se consolent. Le Dieu des armees n'en sera d'Aggee: i, 5, 7,11, 16, 19, appliquez vos coeurs; n, 5,
pas moins fidele a 1'alliance, et il fera luire sous peu les 8, 9,10, 12, 24, dit le Dieu des armees; i, 12, 14: n,
temps messianiques ou ce temple recevra par les adora- 3, 5, Zorobabel, Jesus, et le reste du peuple. Repetition
tions des Gentils une gloire superieure a sa gloire passee. des mots : esprit, i, 14; prends courage, H, 5, dans le
La prophetie, qui comprend un exorde, n, l*-3, et la mSme verset. Ajoutons que le livre n'est pas exactement
prediction meme, u, 4-10, eut lieu le vingt et unieme divise : le premier oracle doit finir n, 1, certainement, ou
jour du septieme mois, en pleine fete des Tabernacles. du moins 11, 1", apres les mots le sixieme mois . Le reste
3 II montre, par deux decisions tirees de la loi rituelle, fait partie du second oracle : le texte hebreu et la critique
comment Dieu a du, malgre les sacrifices qu'ils lui offrent, 1'exigent ainsi. Cf. J. Knabenbauer, ouvr. tit., p. 183.
punir et chatier les Juils. Ils ont neglige les travaux du V. Psaumes attribues d Aggee. On attribue en outre
temple, c'est pourquoi il y a eu parmi eux disette de ble, a Aggee, comme a Zacharie du reste, les psaumes cxi et
de vin et d'huile; ils les ont repris: desormais Dieu les CXLV, qui portent ces noms dans le titre. Mais c'est a tort;
benira. Prophetie, H, 11-20, prononc^e le vingt-quatrieme car ni 1'hebreu, ni les autres versions, ni la tradition, ne
jour du neuvieme mois. 4 Enfin autre prophetie faite le justifient cette attribution. La presence de ces noms a
rneme jour. Aggee s'adresse a Zorobabel, 1'elu de Dieu. II plutot ici un sens liturgique; elle indiquerait, selon plu-
lui predit que le Dieu des armees le protegera et le mettra sieurs, que c'est par ces prophetes que les psaumes dont
comme un anneau a son doigt, le jour ou il bouleversera il s'agit ont et appliques au service religieux apres 1'exil.
le ciel et la terre et renversera les empires avec ce qui Suivant le pseudo-Epiphane, De Vitis prophetarum, t. XLIII,
fait leur force et leur gloire, 21-24. col. 411, c'est Aggee qui aurait le premier chante Alleluia
IV. Authenticite de la prophetie. II n'est pas douteux dans le second temple. D'ou 1'inscription : Alleluia. Du
qu'Aggee lui-meme ne soit 1'auteur inspire des quatre pro- retour d'Aggee et de Zacharie. Cette explication convient
pheties dont il s'agit. Qu'il les ait ecrites et redigees, c'est egalement pour les Septante, ou les psaumes cxxxvn,
ce que prouvent et la tradition tant juive que chretienne, CXLV-CXLVHI ont ces memes noms, et pour la Peschito,
sans exception, et le livre meme: par son contenu, en qui les porte dans les psaumes cxxv, cxxvi, CLXV-CXLVIII.
effet, il ne repugne aucunement a cette attribution; au On a dit aussi qu'Aggee avait ecrit une partie du livre
contraire, il semble 1'exiger; car le style, les pensees actuel d'Esdras, I Esdr., in, 2-vi, 22; ce n'est pas pro-
qu'on y remarque conviennent au temps et a la condition bable, parce que cette partie n'est pas de son style.
du prophete. Qu'il les ait ecrites par inspiration, saint VI. Propheties messianiques d'Aggee. II y a deux
Paul, sans parler des deux auteurs de 1'Ecclesiastique, propheties messianiques dans le livre d'Aggee : 1 Dans
xux, 13, cf. Agg., II, 24, et d'Esdras, I Esdr., v, 1; vi, 14, la premiere, Agg., n, lb-10, le prophete predit au nouveau
le dit suffisamment; il cite, Heb., xii, 27, comme mani- temple une gloire superieure a celle de 1'ancien. En voici
festement inspire un verset celebre de notre petit ecrit, la traduction d'apres 1'hebreu, n, 7-8:
Agg., n, 7: Encore une fois. Toute la tradition, du reste,
est constante a cet egard. Le texte primitif n'a pas ete Ainsi parle le Dieu des armies,
altere. S'il est divergent dans les manuscrits, ces diver- Encore une fois, et c'est dans peu, et j'e"branlerai le ciel, la
tcrre, la mer et les continents;
gences sont rares, dix ou douze en tout, et encore sont-elles J'gbranlerai tous les peuples,
de celles qui viennent de copistes. J. Knabenbauer, ouvr. Et elles viendront, les richesses de tous les peuples,
tit., p. 177, 181,182,185,190; de Rossi, Varise lectiones, Et je remplirai de gloire cette maison,
Vet. Test., t. m, p. 210; Supplementa, p. 92. Quant aux Dit le Dieu des armees; "
269 AGGEE - AGGI
Car 1'argent, c'est a moi, et Tor, c'est & moi, sonne, du moins directement, lav&ite1 doit toujours pre-
Dit le Dieu des armies; valoir sur 1'interdt de 1'apologetique. 3 Agg., II, 1O.
Plus grande sera la derniere gloire de cette maison que la pre- L'hebreu peut etre rendu comme dans la Vulgate; il peut
miere , aussi se traduire par ft major erit gloria domus istius no-
Dit le Dieu des arme'es;
Et en ce lieu je donnerai la paix, vissima quam prima . Le temple, en ce cas, serait pris
Dit le Dieu des armies. en general, comme un ensemble, et ce qui serait mis en
comparaison, ce ne sont pas alors les deux temples, mais
On s'accorde a tenir la prophetie pour messianique. On les deux gloires, celle de 1'origine et celle de la fin d'un
se divise quand il s'agit de 1'interpreter et de 1'appliquer. seul et meme temple. On a 1'avantage, dans ce dernier
Nous 1'entendons dans son sens le plus large. Selon nous, sens, d'ecarter la discussion si vieille de 1'identite mate-
it faut y voir: 1 une commotion universelle du ciel et de rielle existant entre le temple de Zorobabel et le temple
la terre; 2 puis un ebranlement general de toutes les d'Herode. Cf. Pusey, The minor Prophets, 1875, p. 497.
nations venant successivement au temple et a 1'Eglise dont Voir, sur toute cette prophetie : J. Knabenbauer, ouvr. cit.,
il est la figure, avec des presents, et 3 enfin une grande t. ii, p. 183-199; L. Reinke, ouvr. cit., p. 68 et suiv.; J. Corluy,
manifestation de la gloire promise a ce temple par 1'effu- Spicilegium dogmaticorbiblicum, 1.1, p. 515-524; F. Keil,
sion des graces et des dons surnaturels, dont le mot paix Die zwolf kleinen Propheten, 2e edit., p. 501-514 [tres
messianique est le resume. Autrement, c'est la predic- substantiel ].
tion de 1'origine, du progres et de la consommation du 2 La seconde prophetie messianique, Agg., n, 21-24,
royaume de Dieu au milieu des bouleversements de la concerne Zorobabel, a qui Dieu promet son appui et sa
nature et du monde moral, a partir du premier siecle faveur. Plusieurs attribuent a cet oracle un sens litteral et
chretien jusqu'a la fin du monde, et au dela dans 1'eter- un sens spirituel. Au sens litteral, il s'entendrait, selon
nite. Que cette prediction ait cetle largeur de sens, c'est eux, de ce prince devenu parmi les troubles de son temps
ce que prouvent le contexte, les textes paralleles et 1'his- 1'elu de Dieu, comme 1'anneau de sa main, Eccli., XLIX, 14.
toire : le contexte, car les termes employes sont tres eten- Au sens spirituel, il se rapporterait au Messie, dont Zoro-
dus, et ce n'est pas la mention du temple nouveau, babel fut par plus d'un trait la figure. Mais d'autres ne
puisqu'il figure 1'Eglise universelle et immortelle, qui pensent pas ainsi. II n'y aurait, disent-ils, en cet oracle
peut les restreindre; les textes paralleles, car les trois idees qu'une seule espece de sens, le sens litteral, qui se rap-
exprimees ici, idees messianiques du reste, se trouvent porterait en somme aux chefs du peuple de Dieu, et no-
deja ailleurs, Joel, n, 30, 31; Is., xxiv, 19-23; LI, 16; tamment au Messie. Je le crois volontiers, car: 1 1'unite
LXV, 17; LXVI, 22; n, 12 et suiv.; xix, 21; Mich., v, 10; etroite des versets qui le composent, 2 la largeur de sens
Is., LX, 5-7, 11; ii, 2 et suiv.; xiv, 1; xux, 17 et suiv.; qui en caracterise les mots, et 3 1'histoire connue s'op-
LX, 4-16; Mich., iv, 1; Is., ix, 6 (cf. Gen., XLIX, 10); Ps. posent a ce qu'on 1'explique du seul Zorobabel, et exigent,
LXXI; Is., IX, 7; Mich., v, 1, etc.; 1'histoire: elle temoigne, en au contraire, qu'on 1'interprete de la race de David, et spe-
ffet, que 1'Eglise s'est ainsi etablie. Preparee des le temps cialement du Messie. Realise partiellement en Zorobabel
d'Aggee, car on peut considerer les quatre siecles qui et dans tous les princes de sa lignee, cet oracle a atteint
suivirent comme un prelude, elle s'est fondee et deve- son supreme accomplissement en Jesus, fils de David
loppee dans les miracles et les commotions physiques et par Zorobabel, Matth., I, 12; Luc., in, 27. Les empires
politiques, commotions qui finiront au dernier jour, quand sont tombes successivement pour lui ouvrir la voie; ils
le ciel et la terre passeront pour faire place a de nouveaux tombent encore. Dans toutes ces ruines, il tonde lui-
cieux et a une terre nouvelle. IIPetr., in, 10, 13. D'autre meme son royaume, le royaume de David son pere, qui
part, les peuples se sont ebranles peu a peu et sont entres doit durer eternellement. Dan., n, 44; Heb., xn , 28.
en foule dans 1'Eglise. Us y entrent encore, y apportant II est ainsi sous la protection de Dieu, qui en a fait,
des adorations et des presents. Elle-meme enfin a ete glo- par 1'union hypostatique, comme 1'anneau de sa main, et
rifiee d'abord dans le temple nouveau, ou Jesus - Christ a cela parce que je 1'ai choisi, dit le Dieu des armees, ki
parle, enseigne, opere des miracles; puis dans le monde bekd bdharti. Cf. F. Keil, Die zwolf kleinen Propheten,
entier, par les biens de la grace et les esperances celestes p. 521 et suiv.; J. Knabenbauer, ouvr. cit., t. n, p. 206
qu'elle y repand. Telle est 1'extension que nous donnons et suiv.
a cette prophetie. II serait trop long d'exposer les autres VII. Auteurs principaux ayant specialement ecrit sur
opinions sur cet objet. On les trouvera dans L. Reinke, Aggee. J. Elkius, Comment, super Hagg. prophet.,
ouvr. cit., p. 77 et suiv., et dans J. Knabenbauer, ouvr. in-4, Salignac, 1538 (texte hebreu, version grecque,
cit., t. H, p. 190, 199. Vulgate); *G. Wicelius, Enarratio in Haggssum, in-8,
Voici quelques explications du texte : 1 dans Agg., Mayence, 1541; * J. Mercier, Scholia et versio ad prophet.
ii, 7", les versions anciennes different. A nous en tenir Hagg&um, Paris, 1551; J. J. Grynaeus, Commentatio in
A 1'hebreu, nous pensons qu'il faut traduire : Encore Haggaeum, in-8, Geneve, 1581; *Tarnov, In Haggseum
une fois, [le temps] est court, et cette traduction se jus- comment., Rostock, 1624; *H. Varenius, Exercitationes
tifie par la grammaire et en partie par les Septante. du& in Haggseum, Rostock, 1648, et Trifolium prophe-
2 Agg., n, 8": Et veniet desideratus cunctis gentibus, ticum, seu Tres prophetss explicati, ibid., 1662; * H. Rein-
et le desire de toutes les nations viendra. Ainsi traduit beck, Exercitationes in prophet. Hagg., in-4, Bruns-
la Vulgate, que suit une certaine tradition. L'hebreu ac- wick, 1692; *D. Pfeffinger, Notae in prophet. Haggseum,
tuel se traduit autrement. II porte ubd'u hemdaf kol hag- in-4, Strasbourg, 1703; *F. Woken, Adnotationes exege-
goim; mot a mot : et venient desidgrium omnium gen- HCSB in prophetiam Haggaei. Adduntur vindiciss histo-
tium, et viendront le desir de toutes les nations. ricse, Leipzig, 1719; *N. Heplen, VaticiniaHaggasivertit,
Desiderium, le desir, s'entend au sens collectif de ce illustravit, Lund, 1799; *J. G. Scheibel, Observationes
que desirent tous les peuples; je veux dire les richesses, criticae et exegeticae ad vaticinia Hagg., cum prolego-
les choses precieuses. Telle est 1'opinion du P. Knaben- menis, in-4, Breslau, 1822; *A. Kohler, Die Weis-
bauer. Et il 1'appuie sur les Septante, le chaldeen et le sagung Haggai's, Erlangen, 1860; L. Reinke, Der pro-
syriaque, sur le contexte, n, 8, sur un endroit parallele, phet Haggai, in-8, Munster, 1868 ; * W. Pressel, Com-
Is., LX, 5, et surtout sur le mot hemdaf, sujet singulier mentar zu die Schriften des prophet. Haggai, Sacharya
du piuriel bd'-u, ils viendront. Nous souscrivons a cette und Maleachi, Gotha, 1870; * T. T. Perowne, Haggai and
opinion. Le seul inconvenient qu'elle offre est la suppres- Zechariah, in-12, Cambridge, 1888. E. PHILIPPE.
sion d'un argument messianique communement donne.
Mais, outre que la prophetie ne cesse pas pour cela de AGGI (hebreu : Haggi, joyeux, en f^te; Septante:
6 rapporter au temps du Messie, quoique non a sa per- , second fils de Gad et petit-fils de Jacob, Num.,
271 AGGI AGNEAU DE DIEU 272
xxvi, 15. Son nom est crit Haggi dans la Vulgate, Gen., justement, des les premiers temps du christianisme, ua
XLVI, 16. Ce nom parait etre une abreviation de Ifaggiyah, des emblemes du Sauveur les plus chers aux Chretiens
Jehovah est ma joie de fete. Cf. I Par., vi, 15. (fig. 43), et, dans son Apocalypse, il lui donne sou vent
le nom d' Agneau , v, 8; xiv, 4; xxi, 14, etc.; il le
AGGITE (hebreu: Hahaggi; Septante : 6 AYYI), fa- represente immole dans le ciel, v, 6; assis sur un trone,
mille dont Aggi, fils de Gad, fut le pere. Num., xxvi, 15. vii, 17; xxn, 1, 3; adore par les vingt-quatre vieillards*
v, 8, et par tous les elus, vii, 9-10, qui chantent, avec les
AGGITH. Yoir HAGGITH. esprits celestes, le cantique de 1'Agneau, xv, 3, un.
hymne de louanges a sa gloire. Les elus sont victorious
AGIER Pierre-Jean, magistrat, ne a Paris en 1748, par sa force, xii, 11; xvn, 14; et ils seront sauves parce
depute suppleant de la capitale aux etats generaux pour qu'ils ont lave leurs vetements dans le sang de l'Agneau>
le tiers etat, nomme en 1802 vice-president du tribunal
d'appel, exerga cette fonction avec grande equite et droi-
ture jusqu'a sa mort, en 1823. En meme temps que cer-
tains ouvrages de jurisprudence, il composa plusieurs
ecrits relatifs a 1'Ecriture Sainte, publics a un petit
nombre d'exeniplaires, et a peu pres oublies aujourd'hui:
1 Psaumes nouvellement traduits sur Vhebreu, et mis
dans leur ordre naturel, avec des explications et des
notes critiques, et auxquels on a joint les Cantiques
evangeliques et ceux des Laudes, selon le Breviaire de
Paris, egalement avec des explications et des notes,
3 in-8, Paris, 1809. Les Psaumes sont divises en trois
parties: ceux qui contiennent des propheties relatives a
la venue de Jesus-Christ, ceux dont les propheties con-
cernent 1'Eglise, et les psaumes moraux. 2 Psalmi ad
hebraicam veritatem translate et in ordinem naturalem
digesti; accesserunt Cantica turn evangelica, turn reli-
qua, in Laudibus, juxta Breviarium parisiense decan-
tata, in-16, Paris, 1818. C'est 1'abrege du precedent.
3 Propheties concernant Jesus-Christ et 1'Eglise, eparses
dans les Livres Saints, avec des explications et des notes,
in-8, Paris, 1819. 4 Les Prophetes nouvellement tra-
duits de I'hebreu, avec des explications et des notes cri-
tiques, 9 vol. in-8", Paris, 1820-1822. 5 Commentaires
sur VApocalypse, par I'auteur de Vexplication des
Psaumes et des propheties, 2 in-8, Paris, 1823. Dans
ces ouvrages, Agier soutient le Millenarisme, et 1'ardent
janseniste s'y manifesto presque a chaque page. Directe-
ment ou par des allusions malignes, il attaque le pape,
les eveques et surtout les jesuites. La preface de ses Pro-
pheties eparses contient centre eux une seule phrase,
mais une phrase curieuse de deux pages et demie. Ces
ouvrages n'etaient pas sans valeur a 1'epoque ou ils pa-
rurent; toutefois ils ne meritent pas maintenant d'etre 43. Jesus-Christ represent^ sous 1'image de 1'Agneau portant I
tires de 1'oubli ou ils sont tombes. E. LEVESQUE. houlette et le vase 4 lait, attributs du Bon Pasteur. D'apres
Aringhl, tav. i, p. 537.
AGNEAU. Voir BREBIS.
vii, 14; il habite avec eux la celeste Sion, et ils le suivent
AGNEAU DE DIEU, nom symbolique donne a Notre- partout ou il va, xiv, 1-4, prenant part au festin nuptial
Seigneur Jesus-Christ. Isaie, LIII, 7, compare le Messie de ses noces avec 1'Eglise, son epouse, xix, 7, 9; xxi, 9.
souiTrant a un agneau a cause de sa resignation. Dans le II est le temple du ciel; il en est la lumiere, xxi, 22, 24,
Nouveau Testament, le Sauveur est appele agneau de et 1'on ne peut y entrer qu'autant que Ton est inscrit dans
Dieu , parce qu'il est la victime, chargee de nos peches, le livre de vie de 1'Agneau , xxi, 27; cf. xxm, 14.
qui s'offre a Dieu pour les expier. Joa., I, 29, 36; Apoc., L'Eglise, a la suite de saint Jean, nous montre en
v, 6, etc. L'agneau pascal, dont le sang servit a marquer Notre-Seigneur le veritable Agneau , dont les victimes
les portes des maisons ou habitaient les Israelites en oflertes en sacrifice dans 1'ancienne loi n'etaient que la
Egypte, au moment de la dixieme plaie, Exod., xn, 7, et figure : Hie est verus Agnus, qui abstulit peccata mundi
mit ainsi les enfants de Jacob a 1'abri des coups de 1'ange (Preface de Paques), et, dans les Offices de 1'Avent et dtt
exterminateur, jL 13, etait la figure de cet agneau divin CarSme, elle applique avec les Peres au divin Redempteur
qui devait s'immoler a la derniere Paque pour nous sau- les passages des prophetes ou elle retrouve le nom de
ver de la mort eternelle : Agnus redemit oves, chante 1'agneau: Emitte agnum, Domine, dominatorem terras:
1'Eglise dans la prose de la fete de Paques, Christus Envoyez, 6 Seigneur, 1'agneau qui doit devenir le maitre
innocens Patri reconciliavit peccatores. Saint Jean, dans de la terre. Is., xvi, 1. Et ego quasi agnus mansuetus,
son Evangile, xix, 36, nous montre expressement dans qui portatur ad victimam: Je suis comme un agneau
le rite de 1'immolation de 1'agneau pascal chez les Juifs, plein de mansuetude que Ton porte [au boucher] pour
Exod., XH, 46; Num., ix, 12, une prophetic figurative le faire egorger. Jer., xi, 19. Dans ce dernier passage,
d'nne des circonstances de la passion de Notre-Seigneur: Jeremie parle de Iui-m6me, mais il est une figure de
On ne lui brisa point les jambes. Joa., xrx, 33. Le Notre-Seigneur dans les persecutions qu'il endure de la
quatrieme evangeliste, qui avait appris de saint Jean- part de son peuple. Quant aux paroles d'lsaie, elles se lisent
Baptiste a voir en Jesus 1'agneau de Dieu charge des dans sa prophetic centre les Moabites, et font allusion, dans
peches des homines , Joa., i, 29, 36, se plut toujours le sens litteral, au tribut considerable que le roi de Moab
a considerer son maitre sous cet embleme, qui est devenu avait autrefois paye en brebis au roi d'Israel. IV Reg.,.
273 AGNEAU DE DIEU AGONIE DE NOTRE-SEIGNEUR 274
in, 4; elles doivent se traduire : Envoyez [en tribut] Jesus seul va epancher son cceur devant son Pere ce-
vos agneaux, [6 roi de Moab], au maitre de la terre [du leste. II se met a genoux, se prosterne la face centre terre,
peuple de Dieu]. Le mot: Domine, Seigneur, n'est Matth., xxvi, 39; Luc., xxii, 41; Marc., xiv, 35, et dit:
pas dans le texte original. L'application de ce verset a Mon Pere, s'il est possible, que ce calice s'eloigne de
Jesus-Christ n'est done pas faite dans le sens primitif, moi; cependant non pas comme je le veux, mais comme
mais elle n'en est pas moins tres heureuse, et elle nous vous le voulez. Matth., xxvi, 39. Dans ces paroles, Jesus
presente sous cette belle image de I'agneau, 1'un des ani- parle en Fils de Dieu, puisqu'il s'adresse a son Pere, et en
maux les plus doux et les plus faibles, Notre-Seigneur meme temps il nous donne 1'exemple de la resignation la
devenant nialgre sa douceur, Matth., xn, 20, et sa faiblesse plus complete. C'est de sa nature humaine que s'e"chappe
apparente, le maitre du monde. Les victoires des Hebreux ce desir conditionnel. Fillion, Evangile selon saint Mat-
sur leurs ennemis n'etaient que la figure des victoires thieu, p. 515. Le calice que Jesus devait boire jusqu'a la
plus grandes que devait remporter le Messie, et les peuples lie designe sa passion et sa mort. C'est la premiere cause
qui leur payaient tribut etaient le type des peuples qui de sa tristesse, mais ce n'est pas la cause unique, ni meme
devaient accepter un jour le joug du Christ. la principale. Les peches des hommes, voila la vraie raison
F. VIGOUROUX. de son immense douleur. Jesus va souffrir comme le re-
AGNEAU PASCAL, agneau male, sans tache, d'un presentant du genre humain coupable. Une autre cause
an, que les Israelites devaient manger avec des rites par- de sa douleur, c'est 1'ingratitude des hommes rendant
ticuliers dans la celebration de la fete de Paques. Exod., inutiles toutes ses douleurs, et ne s'en servant que pour
XH, 3-11; Num., ix, 10-12; Deut., xvi, 2-6. Voir PAQUES. s'attirer une condamnation plus terrible.
Cependant non pas comme je le veux, mais comme
AGONIE DE NOTRE-SEIGNEUR. Apres la priere vous le voulez. Matth., xxvi, 39. Le Sauveur marque
qui termina le discours de la Gene, Jesus alia avec ses ainsi la distinction des deux natures : comme homme, il
Apotres dans un jardin appele Gethsemani (voir GETHSE- voudrait echapper aux souffrances; mais en tant qu'il est
MANI), et aussi jardin des Oliviers, situe au pied de la mon- un avec son Pere et le Saint-Esprit, il accepte le calice.
tagne qui porte le meme nom, au nord-est de Jerusalem, Apres avoir triomphe de ses terreurs par sa soumission
dont il est separe par le torrent de Cedron. C'est dans ce a la volonte de son Pere, il revient aupres des trois Apotres
jardin qu'eut lieu 1'agonie de Notre - Seigneur, et c'est la et les trouve endormis. Matth., xxvi, 40. C'est la tristesse,
que commenca la passion proprement dite du Sauveur. nous dit saint Luc, qui avait alourdi leurs paupieres. Luc.,
Jesus n'y entra qu'avec les trois Apotres Pierre, Jacques et xxn, 45. S'adressant a Pierre, Jesus dit: Ainsi vous
Jean. Les huit autres, a qui le Sauveur avait dit: Asseyez- n'avez pu veiller une heure avec moi? Matth., xxvi, 40.
vous ici, tandis que j'irai la-bas pour prier, Matth., Ces derniers mots, bien qu'il ne faille pas en presser la
xxvi, 36, se tinrent probablement a 1'entree du jardin. signification, determinent le temps qu'a dure la premiere
Des que Jesus fut seul avec ses Apotres privilegies, il se partie de 1'agonie du Sauveur. Veillez et priez, ajoute-t-il,
mit a dire: Mon ame est triste jusqu'a la mort. Matth., a fin que vous n'entriez pas en tentation. L'esprit sans doute
xxvi, 38. C'est une tristesse parvenue a son degre supreme. est prompt, mais la chair est faible. Matth., xxvi, 41.
II y avait assez de douleur, dit Bossuet, Sermon du ven- II exhorte les Apotres a veiller et a prier afin qu'ils ne suc-
dredi saint, pour lui donnerle coup de la mort. II serait combent pas a la tentation, c'est-a-dire a la grande epreuve
done mort par le seul effet de cette douleur, si une puis- qu'il leur avait predite et qui s'approchait. Le danger le
sance divine ne 1'eut soutenu pour le reserver a d'autres plus immediat pour les Apotres etait celui d'abandonner
supplices. le Messie. Les consolations les plus legitimes font defaut
Les commentateurs se sont demande comment on peut a Jesus. Sans secours du cote des siens, il retourne vers
concilier la tristesse de Notre-Seigneur avec la vision in- son Pere. II s'en alia une seconde fois et pria, disant:
tuitive ou beatifique dont il jouissait en vertu de 1'union de Mon Pere, si ce calice ne peut passer sans que je le
la nature divine avec la nature humaine, ou union hypos- boive, que votre volonte soit faite. Matth., xxvi, 42. Sa
tatique. Les uns, comme saint Ambroise et dom Calmet, priere exprime la soumission la plus complete.
admettent que la tristesse de Jesus au jardin des Oliviers Apres cette seconde priere, il vient de nouveau vers ses
6"tait sans aucun melange de joie. D'apres eux, Dieu, par disciples; mais il les trouve endormis. Nous ne savons ce
sa puissance, a pu separer 1'effet de la cause; c'est-a-dire que Jesus leur dit; toutefois on est certain qu'il leur parla,
qu'en conservant a la tres sainte ame du Sauveur la vision puisque saint Marc, xiv, 40, nous apprend que les Apotres
intuitive, il a pu empgcher qu'elle n'y produisit la joie, qui ne savaient que lui repondre. Jesus s'eloigna d'eux pour
en est 1'effet naturel. Les autres repondent que la joie et la troisieme fois et pria, disant les memes paroles. Matth.,
la tristesse se trouvent tout a la fois dans 1'ame de Jesus xxvi, 44. Et alors un ange du ciel lui apparut, le fortifiant,
au jardin des Oliviers. La contradiction, qui parait mani- et, etant tombe en agonie, il priait plus longuement; et sa
feste, n'existe en aucune fagon; nous savons que deux sueur devint comme des gouttes de sang qui decoulaient
causes differentes peuvent produire dans la meme personne jusqu'a terre. Luc., xxn, 43, 44. La consolation apportee
une grande tristesse ou une grande joie. C'est le sentiment par 1'ange au Messie consista dans une effusion de male
de saint Thomas. La joie de la beatitude, dit-il, n'est courage, pour qu'il ne pliat pas sous son fardeau. L'ange
pas directement opposee a la douleur de la,passion, par fortifia Jesus en vue de son agonie; c'est apres 1'apparition
la raison que ces deux sentiments ne portent pas sur le de 1'ange que 1'agonie attcignit son maximum d'intensite.
meme objet. Or rien n'empeche que les contraires ne se Le mot agonie signifie lutte derniere. La lutte soutenue
trouvent dans le meme sujet, pourvu que ce ne soit pas sous par Jesus est la lutte supreme. Cette lutte s'engage entre
le meme rapport. Sum. theol., in, 46, 8, ad 1. Dieu offense et le mediateur des hommes, qui n'emploie
Apres avoir fait connaitre a ses Apotres sa tristesse mor- d'autre arme que la priere.
telle, Jesus leur dit: Tenez-vous ici, et veillez avec moi. On a dit que le Sauveur souffrit alors toutes les douleurs
Matth., xxvi, 38. En parlant ainsi, il designait un rocher de 1'enfer, sauf le desespoir. Ce qu'il y a de sur, c'est que
assez has, sur lequel plusieurs personnes pouvaient s'as- 1'emotion de son ame bouleversa son etre physique. Le
seoir et se coucher commodement. Apres cette recom- sang, vivement agite, finit par penetrer a travers les vais-
mandation, il s'eloigna d'eux a la distance d'un jet de seaux conducteurs, et s'echappa avec la sueur abondante
pierre. Luc., xxn, 41. Or, a cette distance du rocher, a qui ruisselait de tout son corps. Les exegetes regardent
soixante metres, en s'avancant vers le nord, on trouve generalement cette sueur de sang comme un fait mira-
precisement une grotte dans laquelle Notre-Seigneur se culeux. Voir SUEUR DE SANG. Jesus, dans sa priere, se sou-
serait retire pour son agonic. Les trois Apotres ne tarderent met pleinement a son Pere; il se releve plus fort que la
pas a s'endormir sur le rocher. douleur: sa victoire est complete.
275 AGONIE DE N.-S. AGRICULTURE CHEZ LES HfiBREUX 276
II vient alors a ses disciples, et il les trouve encore en- attaches ou crampons de fer. Gesenius, Thesaurus, p. 443;
dormis. Luc., xxii, 45. Dormez maintenant et reposez- F. Keil, The books of the Chronicles, trad. Harper, p. 243.
vous, B leur dit-il. Matth., xxvi, 45. La plupart des com- Qeres, Exod., xxvi, 6,11, 33; xxxv, 11; xxxvi, 13,18;
mentateurs reraarquent que ces paroles sont pleines de xxxix, 33 (hebreu), que la Vulgate a traduit en plusieurs
pitie et de tendresse. Jesus est assez fort pour se passer endroits par fibula, Exod., xxvi, 11; xxxvi, 18, signifie aussi
de tout secours humain; il permet done a ses Apctres de une espece d'agrafe. Enfin nopirr,, fibula, dans I Mach.,
se reposer un peu. II s'ecoula apres ces paroles un temps x, 89; xi, 58; xiv, 44, est le nom d'une sorte d'agrafe ou
plus ou moins considerable; et au moment ou Judas arriva boucle d'or qui ne pouvait etre portee que par de grands
avec ses sicaires, le divin Maitre reveilla les trois Apotres personnages. Cf. Pline, H. N., xxxm, 12. Une boucle de
en leur disant: C'est assez; Theure est venue ou le Fils ce genre, trouvee a Herculanum (fig. 44), peut nous donner
de 1'homme va etre livre aux mains des pecheurs. Levez- une idee de ce qu'etait cette espece d'ornement.
vous. Aliens! voici que s'approche celui qui me livrera.
Matth., xxvi, 45, 46; Luc., xxii, 46; Marc., xiv, 41, 42. 1. AGRICOLA Conrad, auteur de la premiere Concor-
Et Jesus s'avanca d'un pas ferme au-devant du traitre qui dance complete de la Bible allemande. Voir CONCORDANCES
allait le livrer et des ennemis qui venaient s'emparer de DE LA BIBLE. Concordances allemandes.
lui. En m6me temps, il se dirigeait vers les autres Apotres,
qui etaient a 1'entree du jardin, afin de les proteger contre 2. AGRICOLA Francois, theologien catholique, ne a
1'ennemi qui arrivait. II pouvait etre onze heures du soir. Lunen, pres d'Aldenhoven, dans le duche de Juliers
G. MARTIN. (Prusse rhenane), fut cure de Roding, puis de Sittard,
AGORA, 'Ayopa, mot assez frequemment employe ou il niourut en 1621. II montra un zele ardent pour la
dans le texte grec du Nouveau Testament, et traduit dans defense de la foi catholique et 1'extirpation de 1'heresie:
la Vulgate latine tantot par forum, tantot par platea. II ses nombreuses ceuvres theologiques, polemiques, scrip-
designe: 1 en general, une place publique, ou une rue turaires, en font foi. Ces dernieres sont: 1 Commenta-
grande et large, Matth., xi, 16; xx, 3; xxm, 7; Marc., rium de Verbo Dei scripto et non scripto, sive de Sancla
vi, 56; xii, 38; Luc., vn, 32; xi, 13; xx, 46; 2 plus spe- Scriptura, etc., in-8, Liege, 1597; 2 De assidua lectione
cialement, un marche, un lieu de reunion ou Ton vend Sanctse Scriptures ejusque interpretibus orthodoxis, in-12,
et Ton achete, ou Ton tient des assemblies et ou Ton rend Liege, 1600. Cf. Hurter, Nomenclator litterarius, t. i,
la justice. Act., xvi, 19; xvn, 17. 3 D'apres plusieurs p. 585; Valere Andre, Bibliotheca belgica, 2e edit., 1643,
commentateurs, ayopa aurait une troisieme signification p. 220; J. Fr. Foppens, Bibliolheca belgica, t. i, p. 280.
dans saint Marc, vn, 4, ou il est dit que les Pharisiens ne
mangent point, ano ayopa;, eav fiY) (3a7m'<TwvTat, a foro 3. AGRICOLA Jean, theologien protestant, appele aussi
nisi baptizentur. Ce passage est generalement traduit en Islebius, d'Eisleben, ou il naquit le 20 avril 1492, avait pour
ce sens que les Pharisiens, lorsqu'ils reviennent du mar- veritable nom Schnitter, moissonneur. Suivant 1'usage
ch.6, ne mangent qu'apres s'tre laves, pour se purifier des du temps de latiniser son nom, il prit celui d'Agncola.
souillures qu'ils peuvent avoir contractees en se melant Longtemps ami de Luther et de Melanchton, il rompit avec
a la foule; mais quelques interpretes pensent que le mot eux en se faisant le chef des Antinomiens, qui soutenaient
agora signifie dans cet endroit les choses achetees au rinutilite" de la loi evangelique pour le salut. Abandonnant
marche, non le lieu m^me ou se tient le marche. C'est bientot cette erreur, il quitta Wittemberg et alia a Berlin,
1'opinion de Paulus, de Kuinoel, d'Olshausen, de Lange. en 1540, pour remplir 1'office de predicateur protestant
Yoir Lange-Schaff, Commentary on the Holy Scripture, a la cour; il y mourut le 22 septembre 1566. Outre ses
the Gospel according to Mark, 6" 6dit., in-8, Edimbourg ouvrages de controverse, on a de lui, ecrits dans un style
{sans date), p. 64. Le sentiment contraire, qui est celui clair, elegant: 1 Commentarius in Evangelium Lucas,
des anciens, est beaucoup mieux etabli. Voir H. Alford, in-8, Augsbourg, 1515; Nuremberg, 1525; Haguenau,
The Greek Testament, 2e edit., Londres, 1854,1.1, p. 327; 1526; 2 Commentarius in Epistolam Pauli ad Colos-
C. F. A. Fritzsche, Evangelium Marci, in-8, Leipzig, senses, in-8, Wittemberg, 1527; 3 Commentarius in
1830, p. 264-266. Sur 1'Agora d'Athenes, voir ATHENES. Epistolam Pauli ad Tilum, in-8; Haguenau, 1530;
F. VIGOUROUX. 4 Historia passionis et mortis Christi, ia-f, Stras-
AGRAFE, crochet qui sert a attacher un vetement, bourg, 1543. Cf. Unger, Dissertatio de J. Agricola, in-4,
et qui peut 6tre en matiere plus ou moins precieuse et Leipzig, 1732; Kordes, J. Agricola's Schriften moglichst
plus ou moins orne. D'apres 1'interpretation assez vrai- vollstdndig verzeichnet, in-8, Altona, 1817; G. Kawerau,
Johann Agricola von Eisleben, in-8, Berlin, 1881.
4. AGRICOLA Michel, ne en Finlande, etudia la theo-
logie a 1'universite de Wittemberg. Lie avec Luther, qui
le recommanda a Gustave Ier, il devint ministre lutherien
a Abo, en 1539. De la on 1'envoya pr^cher le christianisme
en Laponie. Nomme en 1554 evgque d'Abo par Gustave Ier,
il mourut en 1557. On lui doit la premiere traduction en
finnois du Nouveau Testament et du Psautier, imprimee
a Stockholm, 1548; rare.
AGRICULTURE CHEZ LES HEBREUX. -
I. Origines de I'agriculture. La culture de la terre fut,
avec 1'eleve des troupeaux, Toccupation principale des
44. Agrafe Hebreux en Palestine. L'origine de ces deux arts nourri-
ciers de 1'homme remonte a 1'origine nidme de Thuina-
semblable de Kimchi, 1'ornement appel half, que les nite. Meme avant la chute, Adam, place dans le jardin
femmes Israelites offrent dans le desert du Sinai pour la de 1'Eden, devait le cultiver, le garder, Gen., n, 15, et se
fabrication des vases sacres, Exod., xxxv, 22, serait une nourrir de ses fruits. Gen., n, 16; cf. i, 29. S'il n'avait
agrafe de me'tal. Voir Gesenius, Thesaurus linguae hebraeas, point peche, le travail ne lui aurait coute ni fatigue ni
p. 497. Nous en ignorons d'ailleurs la forme. La Vulgate peine. En punition de sa desobeissance aDieu, il fut con-
traduit armillos, bracelets . Le mot mehaberot, I Par., damne a manger son pain a la sueur de son front, Gen.,
xxii, 3 ( Vulgate : juncturas), paralt designer des fibulae, in, 19, c'est-a-dire qu'il ne put faire produire a la terre
279 AGRICULTURE CHEZ LES HEBREUX 280
la nourriture qui lui etait indispensable pour vivre qu'a la travaux des champs, qui, avec les troupeaux, furent long-
condition de la cultiver avec beaucoup de labeur et d'ef- temps leur seule ressource. Les Chananeens leur avaient
forts. Le texte sacre ne nous dit rien sur la maniere dont prepare la voie et donne deja 1'exemple.
le premier homme executa FamH: divin porte ainsi centre Du temps des patriarches, 1'agriculture proprement dite
lui; mais il nous apprend que les deux fils d'Adam, Abel parait avoir ete peu pratiquee par les habitants du pays.
et Cain, instruits sans doute par leur pere, furent, le pre- C'est ce que Ton est en droit de conclure de divers pas-
mier, pasteur de troupeaux, et le second, agriculteur. sages de la Genese, ou Ton voit qu'il s'eleve des disputes
Gen., iv, 2. Le mot agriculteur, agri cultor, est la tra- entre les pasteurs des Chananeens et ceux des Hebreux
duction litterale de 1'expression hebraique 'obed 'addmdh, au sujet des puits, mais jamais au sujet des recoltes. Gen.,
cultivant la terre. xxvi, 12, 14-15, 20. Les richesses du roi de Gerare con-
Le travail des champs fut particulierement dur pour les sistent aussi principalement en troupeaux, cf. Gen., xx, 14,
premiers cultivateurs. Tout dut d'abord etre fait a la main. de meme que celles des habitants de Sichem. Gen., xxxiv,
Les animaux domestiques ne purent etre employes jsans 28. Seule la vallee inferieure du Jourdain, qui est d'une
doute que plus tard au labour et au transport. Jabel, un extreme fertilite, etait cultivee comme 1'Egypte. Gen., xm,
descendant de Cain,/rai est appele le pere des troupeaux , 10.A 1'epoque de 1'exode, 1'agriculture avait fait des pro-
Gen., iv, 20, fut peut-etre celui qui assujettit ces precieux gres en Palestine. L'episode des espions rapportant au desert
auxiliaires de 1'homme a son service, et qui apprit a ses du Sinai une grappe de raisin d'une grosseur extraordinaire
freres a les utiliser comme betes de somme et comme montre avec quel soin on cultivait la vigne dans les envi-
instruments de culture. II fallut, au commencement, que rons d'Hebron. Num., xin, 23-24. Le tableau que Moise
Cain et ses enfants se contentassent de leurs bras et des fait de la Terre Promise dans le Deuteronome, vm, 8, et
instruments grossiers qu'ils inventerent probablement de que nous avons rapporte, prouve quelle extension y avait
bonne heure pour fouir et remuer la terre, pour arracher prise la culture des cereales et des arbres fruitiers. Le livre
les ronces et les epines, pour recolter ensuite le fruit de de Josue, v, 12, nous apprend que les Hebreux, apres avoir
leur labeur. Les instruments en metal, d'un usage plus franchi le Jourdain, trouverent dans la terre de Chanaan
commode et plus durable, furent inventes avant le deluge tout ce qui etait necessaire pour les nourrir.
par Tubalcain, Gen., iv, 22, et ce fut la un nouveau pro- III. Lois agraires e'tablies par Moise; leur importance
gres pour 1'agriculture. Nous ignorons du reste en quoi religieuse. Moise ne negligea rien dans la loi pour en-
elle consistait proprement a cette epoque, ce que 1'on courager et favoriser 1'agriculture. Elle devint comme le
cultivait, et de quelle maniere on cultivait. Nous savons pivot et le fondernent de la societe qu'il etablit, et ce fut
seulement qu'apres le deluge Noe s'adonna specialement la une des causes de la superiorite de la legislation mosaique
a 1'agriculture, qu'il planta la vigne et qu'il fit du vin. sur les autres legislations profanes. L'agriculture est 1'occu-
Gen., ix, 20-21. pation primitive et naturelle 'de 1'homme. Elle lui est in-
II. L'agriculture au temps des patriarches. Les dispensable pour lui donner le pain de chaque jour, et en
patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, ayant vecu en no- meme temps elle est saine pour le corps et pour 1'ame. La
mades, s'occuperent surtout d'elever des troupeaux, et leur vie pastorale, qui par ses exigences obligeait les Hebreux
richesse consista principalement en brebis, chevres, boeufs, de vivre ensemble, avait ete pendant la periode patriarcale
anes et chameaux. Gen., XH, 16; xin, 5-7; XXVH, 9; le moyen dont Dieu s'etait servi, en Chanaan et en Egypte,
xxx, 43; xxxii, 7; xxxm, 9; xxxvi, 7; XLVI, 34, etc. Us pour conserver la race d'Abraham pure de tout melange
cultiverent cependant aussi le ble, du moins en certaines avec les idolatres qui 1'entouraient et, pour ainsi dire, 1'en-
circonstances, lorsqu'un sejour assez long dans le mme veloppaient. Apres la conquete de la Palestine, la famille
endroit leur permit d'attendee la recolte. C'est ainsi qu'Isaac israelite, de venue une nation, fut mise par la pratique de
sema a Gerare du ble qui lui produisit cent pour un. Gen., la vie agricole a 1'abri de la demoralisation et de la per-
xxvi, 12. Un des songes de Joseph, voyant les gerbes liees version intellectuelle et morale qui seraient resultees sans
par ses freres adorer sa propre gerbe, Gen., xxxvn, 7, est cela de rapports trop frequents avec les peuples voisins.
une allusion a la moisson. Pendant leur sejour en Egypte, L'agriculture eteignit chez les Israelites le gout de la vie
les Israelites furent surtout pasteurs,'Gen., XLVI, 32, 34; nomade, qui a presque toujours pour consequence 1'amour
Exod., x, 26; mais ils ne purent negliger completement de la rapine et du pillage, comme le prouve 1'histoire an-
1'agriculture proprement dite dans la terre fertile de Ges- cienne et moderne des tribus bedouines; elle favorisa de
sen, ou ils habitaient, et ils durent s'initier aux pratiques plus 1'augmentation des families, le pere ayant besoin de
agricoles des Egyptiens, qui etaient tres avances dans 1'art bras nombreux pour les travaux des champs; elle deve-
de faire produire la terre. loppa aussi et nourrit le patriotisme, en attachant chaque
Les textes et plus encore les monuments figures de la enfant de Jacob au sol dont il avait la propriete. Elle fit
vallee du Nil nous fournissent de nombreux renseigne- plus et mieux encore : par la maniere dont elle fut concue
ments sur la maniere dont les Egyptiens cultivaient le pays. et organisee, elle entretint dans Israel 1'esprit religieux,
Les salles funeraires, dans les tombeaux, reproduisent fre- ce qui etait le point le plus important de tous. La Terre
quemment les diverses operations agricoles, labourage, Promise etait un don de Dieu a son peuple : le Seigneur
semailles, moisson, battage du ble, mise du grain dans les lui enseigna a la cultiver, Is., xxxvn, 26; il la lui confia,
greniers, cultures diverses, etc. (fig. 45). Le Pentateuque mais il en garda la propriete; il n'en laissa aux Hebreux
y fait aussi plusieurs fois allusion. Gen., XLI, 17-32, 47; que 1'usufruit, ou plutot il fit d'eux ses fermiers et ses
Exod., ix, 31-32; Num., xi, 5; Deut., xi, 10, etc. colons, comme il le dit en propres termes dans le Levi-
A 1'ecole des Egyptiens, les Israelites avaient fait sans tique, xxv, 23: Cette terre... est a moi; vous etes mes
doute des progres dans 1'art de cultiver la terre. Ils durent fermiers. Par consequent, le cultivateur israelite, en tra-
le pratiquer a 1'occasion dans le desert du Sinai, comme vaillant dans son champ, ne put oublier Dieu, de meme
1'avaient fait les patriarches, Gen., xxvi, 12, quand ils ser que le fermier ne peut oublier son proprietaire, auquel il
journerent assez longtemps au meme endroit, cf. Num., doit payer son bail et ses redevances; le fermage pour
xx, 5; mais ce fut surtout dans la Terre Promise, lors- Israel consista a offrir au Seigneur les premices de ses
qu'ils jouirent en paix du sol que Dieu leur avail donne, recoltes, a payer la dime, etc. Voir PREMICES, DIME.
de cette terre excellente, arrosee par des ruisseaux, des Mais ce n'est pas seulement parce que le sol appartient
fontaines, ou les sources jaillissent dans les vallees et SOT a Dieu que 1'enfant de Jacob doit penser a son Maitre,
les collines, de cette terre de froment et d'orge, de vignes c'est aussi et surtout parce que sa recolte est entre les
et de figuiers, de grenadiers et d'oliviers, de cette terre mains du Seigneur. Moise inculque profondement a son
d'huile et de miel, Deut., vm, 7-9; cf. IV Reg., xvni, 32; peuple cette verite, que la fecondite de ses champs depend
ce fat alors que les Hebreux s'adonnerent entierement aux de sa fidelite a la loi. S'il 1'observe, la terre lui prodiguera
281 AGRICULTURE CHEZ LES HfiBREUX 282
ses fruits, parce que Dieu ouvrira le tresor de ses pluies ne fussent cultives, quoique les ecrivains bibliques n'aient
et de sa rosee; mais, s'il ne 1'observe pas, il sera maudit pas eu occasion d'en parler. Le lin devait etre un objet
dans son champ et dans ses greniers, maudit dans ses assez important de culture, Jos., n, 6, a cause de Tusage
boeufs et dans ses brebis; le ciel sera pour lui sec comme qu'on en faisait pour tisser les vetements, Prov., xxxi, 13.
1'airain, et laterre dure et sterile comme le fer; il n'aura Le cotonnier n'est pas tres rare aujourd'hui en Syrie, mais
point d'autre pluie que la cendre et la poussiere; les vers on ignore depuis quelle epoque il y est connu.
et les sauterelles devoreront tout ce que produiront ses La vigne etait une des principales richesses de la Pa-
champs. Deut., xxvm, 11-42. Ces promesses et ces me- lestine, et on la cultivait avec le plus grand soin, cf. Is.,
naces furent toujours presentes a la memoire d'Israel, voir v, 2; Matth., xxi, 33, ainsi que 1'olivier, qui donnait de
III Reg., VIH, 35-36, etc., et 1'amour des biens de la terre et Fhuile en abondance, Deut., VHI, 8; I Par., xxvn, 28; Jud.,
1'interet propre firent ainsi de 1'agriculture un des moyens ix, 8-9; HI Reg., v, 11, et le figuier, qui est encore au-
les plus puissants de conserver la vraie religion. jourd'hui tres commun dans certaines parties du pays, ou
Tous les Hebreux furent d'ailleurs personnellement in- il lorme des vergers fort etendus. Deut., VHI, 8; III Reg.,
teresses a avoir de bonnes recoltes, car tous eurent des iv, 25; Zach., HI, 10; Luc., xin, 6-9. Dans les endroits
terres a cultiver. Moise promulgua, en effet, une loi propices, on plantait aussi le grenadier, Deut., VIH, 8,
agraire, fondee sur la division du sol en parties egales dont le fruit est fort apprecie dans les pays chauds; le
pour chaque famille. Afin d'operer le partage conforme- sycomore, Amos, vn,14, qui produit une grande partie
ment a cette loi, un recensement general eut lieu imme- de 1'annee des figues dont les gens pauvres faisaient leur
diatement avant 1'entree dans la Terre Promise. II donna nourriture; le palmier, Tun des arbres les plus estimes
un chiffre rond de six cent mille copartageants. D'apres de 1'Orient, mais qui ne pouvait prosp^rer et produire ses
les calculs divers qui ont ete faits, chacun recut en dattes que dans certaines parties de la Terre Sainte, cf.
moyenne de six a dix hectares de terrain; toutefois, comme Jud., iv, 5; Deut., xxxiv, 3, etc; 1'amandier, cf. Jer., I,
les limites reelles du pays conquis par les Israelites sont 11-12 (texte hebreu); le baumier. Ezech., xxvn, 17, etc.
fort mal connues, nous sommes hors d'etat de nous rendre L'oranger, qui fait aujourd'hui 1'orgueil et la richesse de
compte avec certitude de la superflcie moyenne de terre Jaffa, n'avait pas ete encore acclimate dans 1'antiquite
qui fut repartie a chaque tribu et a chaque membre des en Palestine. Voir Selah Merrill, Fruit Culture in Pa-
douze tribus. lestine (United States' Consular Reports, n 45), Was-
Un autre point important de la legislation mosa'ique, hington, 1884, p. 51 et suiv.; 0. Ankel, Grundzuge der
destine a faire de 1'agriculture la grande occupation na- Landesnatur des Westjordanlandes, in-8, Francfort-
tionale et le moyen d'attacher tous les Hebreux au sol qui sur-le-Main, 1887, p. Ill et suiv.
les nourrissait, c'est que, par 1'ordre de Dieu, la pro- Tout en faisant produire a la terre des recoltes variees,
priete fut inalienable. Lev., xxv, 10, 13; cf. 8-16, 23-35. on ne negligeait pas 1'eleve des troupeaux, cette precieuse
Comme des besoins urgents pouvaient contraindre le pro- ressource de 1'agriculteur, qui trouve la un moyen de se
prietaire a ceder son champ afin de se procurer des res- nourrir et de se vetir. I Par., xxvn, 29-31, etc. Les Is-
sources indispensables, il ne lui etait pas interdit de le raelites, comme les Orientaux de nos jours, mangeaient
vendre; mais cette vente n'etait que temporaire, et le peu de viande, mais ils faisaient une grande consomma-
champ revenait a son proprietaire a 1'annee jubilaire. Voir tion de lait et de beurre; la toison de leurs brebis servait
JUBILAIRE (ANNEE), PROPRIETE. Afin de restreindre d'ail- a leurs femmes pour tisser les etoffes et fabriquer des
leurs les ventes dans la mesure du possible, le legislateur vetements, Prov., xxxi, 13, 19; les boeufs et les anes
pr^venait 1'accroissement et 1'accumulation des dettes en etaient leurs auxiliaires dans les travaux de la campagne.
interdisant 1'interet, Lev., xxv, 37, etc., et en annulant L'excedent de leur recolte en ble, en olives, en raisins,
ces dettes tous les sept ans, a 1'annee sabbatique (voir ce en toisons, etc., leur fournissait le moyen d'acheter par
mot). Deut., xv, 2-3. Plus tard, les prophetes s'elevaient echange, soit aupres de leurs compatriotes, soit aupres
centre les riches qui ajoutaient champ a champ . Is., v, 8. des caravanes qui traversaient leur pays, soit enfin au-
On sait combien severement Dieu punit, en la personne pres de leurs voisins, les Pheniciens ou les Philistins, les
de Jezabel et d'Achab, la violation des lois de la propriete, objets de necessite ou de luxe qu'ils desiraient se pro-
faite au prejudice de Naboth. Ill Reg., xxi; IV Reg., ix, curer. Ezech., xxvn, 17; cf. Prov., xxxi, 22, 24; I Esdr.,
21, 25-26, 35. Les bornes qui separaient et distinguaient HI, 7, etc. Voir COMMERCE, INDUSTRIE.
les champs durent rester telles qu'elles avaient ete primi- V. Mode de culture. Les Israelites cultivaient en
tivement placees. Deut., xix, 14. Voir BORNES. general leurs terres avec beaucoup de soin, et les ren-
Grace a la legislation mosa'ique, 1'agriculture fut ainsi daient tres productives. Elles etaient pour la plupart tres
1'occupation presque exclusive des Israelites jusqu'a la cap- fertiles, comme elles le sont encore aujourd'hui la ou la
tivite de Babylone. Au retour de la captivite, elle demeura negligence et 1'incurie n'ont pas produit leur resultat
encore 1'occupation principale, quoique beaucoup d'entre funeste. Voir Cl. R. Conder, The fertility of ancient Pa-
eux s'adonnassent a partir de cette epoque au negoce et lestine, dans le Survey of Western Palestine, Special
a 1'industrie. Cf. Eccli., VH, 16. Papers, part, n, p. 195 et suiv.
IV. Produits agricoles. Les principales especes de On remuait laterre avec la houe, Is., vn, 25, et quand
grains cultivees en Palestine etaient le froment et 1'orge, le terrain le permettait, lorsqu'il etait uni ou a pente douce,
Deut., vm, 8; II Sam. (II Reg.), xvii, 28; cf. Ezech., le bceuf et 1'ane etaient aussi communement employes, en
iv, 9, etc., auxquels il faut joindre le millet. Ezech., iv, 9. Palestine comme en Egypte (fig. 46-48), pour les travaux
L'avoine n'est jamais mentionnee dans 1'Ecriture, non plus des champs. Cf. Deut., xxn, 10; Is., xxx, 24, etc. On pre-
que le seigle, qui aujourd'hui encore est a peine connu parait avec la houe ou avec la charrue le terrain qu'on
en Syrie. Les terres les plus fertiles produisaient soixante voulait ensemencer. La quantite de terre labouree en un
et meme cent pour un, mais la moyenne parait avoir ete jour par une paire de bceufs s'appelait $emed. I Sam.,
de trente pour un. Gen., xxvi, 12; Matth., XIH, 8. xiv, 14. On faisait travailler quelquefois plusieurs paires de
Parmi les legumes qu'on recueillait dans la Terre Sainte, boeufs dans le mme champ. I (III) Reg., xix, 19. Voir
on remarque les lentilles, II Sam. (II Reg.), xxiu, 11, etc., LABOURAGE. La herse completait I'oauvre de la charrue,
t les feves, n Sam. (II Reg.), xvii, 28; parmi les plantes Is., xxvm, 24; Job, xxxix, 10, brisait les mottes et ren-
aromatiques, la nigelle et le cumin, Is., xxvm, 25; dait le sol uni pour recevoir la semence. Voir HERSE. La
parmi les plantes potageres, les concombres et les ci- maniere d'ensemencer variait selon la nature de la se-
trouilles. Cf. Is., i, 8. Les oignons, les poireaux, les aulx, mence. Voir SEMAILLES. La loi interdisait de semer dans
les melons, ne sont jamais nommes parmi les productions le meme champ deux especes differentes de plantes. Lev.,
de la terre de Chanaan; mais on ne saurait douter qu'ils xix, 19. On trempait dans 1'eau certaines semences,
283 284
Lev,, xi, 38, avant de les confier a la terre. Un passage chimiques de restituer a la terre par des engrais choisis
des Proverbes, xxiv, 30-31, fait indirectement allusion les substances qu'elle avait perdues, et qui lui sont indis-
a 1'usage de sarcler les champs, et Isale nous apprend pensables pour qu'elle soit fertile.
qu'on epierrait les vignes. Is., v, 2. Jeremie parle de d6- Les travaux agricoles etaient executes ou diriges par le
frichage, iv, 3. Cf. Osee, x, 12; Prov., xm, 23. maitre ou chef de famille. Personne ne dedaignait de
Pour augmenter la fertilite naturelle du sol, on 1'en- cultiver son champ. Gedeon battait son ble quand Dieu
graissait avec du fumier, cf. IV Reg., ix, 37; Jer., ix, 22; 1'appela a &re juge d'Israel. Jud., vi, 11. Saul, apres son
xiv, 4, ou avec les cendres de la paille et des autres debris elevation a la royaute, ramenait encore ses bceufs de ses
de la r^colte, qu'on brulait sur place. Is., v, 24; cf. XLVII, 14; terres, I Sam. (I Reg.), xi, 5; le prophete Elisee etait
48. Battage du bK en
Anes battant le b\6 dans one alre. Tombeaux de Saqqara. Lepsius, Abth. n, pi. 47.
Joel, n, 5. L'annee sabbatique, qui consistait a laisser une occup4 a labourer quand Elie lui imposa son manteau.
annee les terres en friche, avait pour but principal de Ill Reg., xrx, 19. II est ecrit du roi Ozias qu'il s'occupa
faire reposer le sol, afin qu'il ne s'epuisat point en pro- beaucoup d'agriculture. II Par., xxvi, 10. On se faisait
duisant toujours sans interruption. Ce repos etait n^ces- aider, surtout au temps de la moisson, ou il fallait un plus
saire, a une epoque surtout ou 1'on ignorait les moyens grand nombre d'hommes, par des mercenaires. Ruth,
285 AGRICULTURE CHEZ LES HfiRREUX AGRIPPA 286
ii, 4; IV Reg., iv, 18. On faisait de meme pour lestra- xxx, 23; Jer., in, 3;T, 24; xiv, 4; Ps. LXVH, 10; CXLVI, 8;
vaux de la vigne. Matth., xx, 1-7. Quand les ouvriers Zach., x, 1, etc.
etaient nombreux, il y avait un chef ou surveillant qui VII. L'agriculture dans les livres de I'Ancien et du
etait place a leur tete. Ruth, n, 5; I Par., xxvn, 26-31. Nouveau Testament. L'agriculture, tenant une si grande
Comme la plus grande partie de la Palestine est mon- place dans la vie des Hebreux, en occupe aussi naturelle-
tagneuse, on construisait sur le flanc des collines et sur ment une considerable dans 1'Ecriture Sainte. Elle nous
les pentes des murs forraant terrasse, de maniere a faci- a fourni les renseignements qui precedent, soit directe-
liter la culture et a retenir la terre vegetale, pour qu'elle ment par des informations historiques, soit indirectement
ne fut pas emportee a 1'epoque des pluies. On entretenait par voie d'allusion et de comparaison. Les auteurs sacres
ces terrasses avec soin, et c'est la negligence qu'on a ap- n'ont jamais parle ex professo de I'agriculture, mais leurs
portee depuis a les conserver qui a rendu une si grande ecrits sont pleins d'indications sur ce sujet. Ceux qui ont
partie du pays sterile. Ca et la, on en voit encore des redige les livres historiques nous ont instruits sur ce point
restes. Dans les plaines, on arrosait les terres, lorsqu'il par le recit meme des faits; les ecrivains didactiques et
etait possible d'y amener les eaux au moyen de petits les prophetes en ont tire, comme d'un tresor inepuisable,
canaux. C'est a quoi fait allusion le texte des Prbverbes, une multitude d'images et de metaphores. Osee, x, 11 -13,
xxi, 1, divisiones aquarum; le mot rendu dans la Vul- etc. La culture de la vigne a fourni a Isaie le sujet d'une
gate par divisions des eaux est en hebreu peleg, qui de ses plus belles allegories, Is., v, 1-7; cf. Jer., n, 21;
signifie canal . (Ce mot peleg se lit aussi Ps. I, 3.) Cf. Ezech., xvn, 6, etc.; Notre-Seigneur a emprunte auxtra-
Mischna, Moed qaton, I, 1; Surenhusius, Mischna sive vaux agricoles une grande partie de ses paraboles, Matth.,
totius Hebraeorum juris systema, Amsterdam, 1698, t. n, xm, 3-41; Luc, vm, 5-15, etc.; saint Paul s'est servi du
p. 403. mystere de la germination de la semence dans le sein de
Ann de proteger les recoltes contre les betes fauves et la terre pour enseigner aux Corinthiens le dogme de la
les maraudeurs, on entourait souvent les champs de haies, resurrection des corps, I Cor., xv, 36-37, et de la com-
Is., v, 2-5; Matth., xxi, 33; cf. Ps. LXVIII, 41; Ezech., paraison de 1'olivier sauvage et de 1'olivier franc pour
xxxvin, 20, etc., et Ton y elevait, surtout dans les vignes, expliquer aux Remains la vocation des Gentils a la foi,
des tours de garde ou il y avait des gardiens pour les sur- Rom., xi, 17; il nous apprend que nous sommes, Dei
veiller, Is., I, 8; Jer., iv, 17; Job, xxvn, 18, etc., usage agricultura, un champ que Dieu lui-meme cultive; par
qui subsiste encore, dans les environs de Bethlehem, ses ministres, il plante et arrose la foi dans nos ames, et
par exemple. Voir TOURS DE GARDE. Quand il n'y avait lui-meme y fait croitre et porter des fruits. I Cor., m,
pas de haie ou de mur, on entourait quelquefois la partie 6-7, 9. II faudrait citer une partie notable des Psaumes,
de la propriete ou etait seme le ble ou Forge d'une bor- des Proverbes, de 1'Ecclesiastique et des livres prophe'ti-
dure de kussemef (probablement la vesce), comme nous ques, nen que pour taire connaitre les figures principales
1'apprend Isa'ie, xxvni, 25, afm de defendre ainsi contre que leur ont fournies la vie, les travaux et les productions
les depredations des passants ce qui devait fournir la re- agricoles. Mentionnons seulement la peinture que I'Eccte-
colte principale. La loi autorisait d'ailleurs les passants qui siastique nous fait de la Sagesse, comparee A un arbre qui
avaient faim a cueillir quelques epis avec la main. Deut., jette de profondes racines, xxiv, 13, 16, et qui est belle
xxin, 25; Matth., XH, 1. comme les plus beaux arbres, embaumee comme les par-
VI. Fleaux de I'agriculture. Les iteaux les plus fre- fums les plus odorants, teconde comme la vigne la plus fer-
quents et les plus redoutables pour les cultivateurs etaient tile, xxiv, 17-23. La vie pastorale, inseparable de la vie
la secheresse et les sauterelles. La secheresse est mortelle agricole proprement dite, n'a pas donne moins d'images aux
pour les recoltes dans les pays chauds, la terre ne pou- ecrivains sacres. Ps. XXH, 1-4; Ezech., xxxiv, Joa., x, etc.
vant produire qu'autant qu'elle a 1'humidite necessaire. VIII. Bibliographie. Bl. Ugolini, Commentaries de
La presque totalite de la Palestine n'ayant pas d'autre re rustica Hebraeorum, dans son Thesaurus antiquita-
arrosage que celui du ciel, quand la pluie fait defaut, on tum sacrarum, t. xxix, 1765, col. 1-520; Chr. B. Mi-
ne peut compter sur aucune recolte, et la famine en est chaelis, Dissertatio philologica de antiquilatibus oeco-
la consequence. Malheureusement le cas n'est pas tres nomiss patriarcalis, dans la meme collection, t. xxiv,
rare; les Livres Saints en mentionnent un certain nombre col. ccxxin - CCCLXXIV ; H. Chr. Paulse, Zuverldssige
d'exemples, a partir de 1'epoque patriarcale. Gen., xn, 10; Nachrichten von dem Ackerbau der Morgenlander, mil
xxvi, 1; XLH, 5; XLHI, 1, etc. L'insufflsance de la pluie Kupfern, in-4, Helmstadt, 1748; Mt. Norberg, De agri-
etait naturellement plus ou moins nuisible aux recoltes, cultura orientali, dans ses Selecta opuscula academica,
selon que cette insuffisance etait plus ou moins grande. edit. J. Norrmann, 3 in-8, Lund, 1817-1819, t. m,
Si la pluie arrivait a contretemps, elle etait egalement p. 474 et suiv.; P. S. Girard, Memoire sur ^'agriculture
desastreuse. Les sauterelles etaient aussi un ennemi de I'Egypte, dans la Description de I'Egypte, Etat
redoutable pour les recoltes. Lorsqu'elles etaient nom- moderne, t. n, ire part., in-f, Paris, 1812, p. 491-711;
breuses, elles ravageaient et devoraient tout. Ill Reg., J. Jahn, Biblische Archdologie, 5 in-8, Vienne, t. i,
viii, 37; Joel, i, 4-7. Voir SAUTERELLES. 2 edit., 1817, 63-88, p. 339-431; J. L. A. Reynier, De
A ces deux fleaux destructeurs, il faut en ajouter un I'economie politique et rurale des Arabes et des Juifs,
troisieme, qui etait moins grave et moins general, mais in-8, Geneve et Paris, 1820; P. Schegg, Biblische Ar-
qui faisait neanmoins encore beaucoup de mal: le vent chaologie, in-8, Fribourg-en-Brisgau, 1886, p. 62-104.
brulant de Test, ventus wrens, appele en hebreu qddim F. VIGOUROUX.
(connu en Egypte sous le nom de khamsin). Lorsqu'il AGRIPPA ('AyptmraO- Nom qui a etc assez1 commun
soufilait avec violence et d'une maniere un peu prolongee, chez les Grecs et les Romains, et qui a te porte par deux
il dessechait les epis et les empechait de porter leur fruit, membres de la famille d'Uerode. La signification en est
en produisant une sorte de brulure, qui lui a fait donner inconnue.
le nom d'uredo dans quelques passages de la Vulgate. Gen.,
xu, 6, 23. 1. AGRIPPA l*r. II fit mourir saint Jacques le Majeur
Contre tous ces fleaux, I'homme est impuissant. Dieu et emprisonner saint Pierre. II n'est designe dans les Actes
s'en servit miraculeusement, dans 1'ancienne Loi, comme que sous le nom d'Herode. Act., xn, 1,6,11,19-23. Voir
nous 1'avons vu plus haut, pour tenir son peuple dans HERODE 6.
1'obeissance; il le chatia par la famine, quand ses ordres
furent violes et meconnus; il le recompensa, au contraire, 2. AGRIPPA II. Herode Agrippa II, surnomme le
par d'abondantes recoltes, lorsque ses prescriptions furent Jeune par Josephe, Ant. jud., XX, v, 2, arriere-petit-
exactement observees et son culte fidelement pratique. Is., fils d'Herode le Grand, etait fils d'Herode Agrippa Ier et
287 AGRIPPA - AGUR
de Cypros, petite-niece d'Herode. D est nomine simple- en Judee durant son regne, en particulier de Festus,
ment Agrippa dans les Actes, xxv, 13; xxvi, 32. A la mort aupres duquel il parait avoir ete en grande faveur, Act.,
de son'pere, en 44, il etait ag6 de dix-sept ans, et resi- xxv, 13, 14; mais il fut deteste des Juifs et surtout de la
dait a Rome, ou il etait ne. L'empereur Claude lui promit caste sacerdotale. Seuls les Pharisiens avaient quelque
la succession de son pere; mais, sur les observations de sympathie pour lui. On lui reprochait d'avoir transforme
ses conseillers, il revint sur ses promesses, et envoya un les nominations de grands pretres en source de revenus,
procurateur en Judee, Cuspius Fadus. En 50, Agrippa II d'avoir permis aux procurateurs de puiser dans le tresor du
fut nomme roi de Chalcis, petite principaute du Liban, temple, d'empieter sur les droits des pretres, d'avoir fait
a la place de son oncle decede, Herode, frere d'Agrippa Ier. elever un palais qui dominait le temple, d'entretenir avec sa
Comme son oncle, il fut gardien du temple et de ses soeur Berenice des rapports incestueux. Surtout on ne lui
tresors, il cut le droit de nommer les grands pretres. pardonnait pas sa complaisance pour les Romains; on 1'ac-
En 52, en echange de la principaute de Chalcis, Claude cusait aussi, sinon de favoriser les Chretiens, du moins
lui donna, avec le titre de roi, la tetrarchie de Philippe de ne prendre aucune mesure repressive contre eux. Le
(Batanee, Trachonite, Itur^e, Auranite et Gaulanite) et grand pretre Hanan ayant, a la faveur d'un changement
TAbylene de Lysanias. Josephe, Ant.jud., XX, vn, 1. Neron de procurateur, fait condamner et lapider saint Jacques
y ajouta Tiberiade et Tarichee, avec les cercles environ- le Mineur, Agrippa le destitua, quoique Hanan ne fut en
nants, puis Julias en Peree et quatorze bourgs autour de fonction que depuis trois mois.
cette ville. Ibid., XX, vm, 4. Les medailles d'Agrippa II II est bien difficile cependant de savoir exactement ce
sont nombreuses (fig. 49). Voir Eckhel, Doct. num. qu'il pensait au sujet de la personne et de I'enseignement
veter., t. m, p. 493-496; Frd. W. Madden, Coins of the de Jesus-Christ. Sa conduite et ses reponses, lors de la
Jews, p. 139-169. celebre entrevue que le procurateur Festus lui menagea
Agrippa II prit part a deux expeditions des Remains avec saint Paul, sont assez ambigues pour permettre toute
centre les Parthes et en Armenie. En mai 66, les Juifs, sorte de conjectures. A-t-il agi par simple curiosite d'esprit,
ou desirait-il connaitre la verite ? Ses paroles, Act., xxvi, 82,
sont-elles ironiques, comme 1'ont cru surtout quelques
interpretes modernes? Ou etait-il de bonne foi, et fut-il
reellement ebranle par 1'argumentation et 1'interrogation
de 1'Apotre ? Les commentateurs catholiques, en general,
seraient de cet avis. En fait, la reponse du roi est assez
equivoque ou plutot difficile a interpreter. On ne sail quel
sens exact attribuer a la locution Iv oXfyw* in modico.
49. Monnaio d'Agrlppa II. Act., xxvi, 28. Cependant on ne peut nier qu'Agrippa
Tete d'Agrlppa, & gauche. BACIAEQ[C] ArPIIHIOY. n'ait ete convaincu par la defense de 1'Apotre, puisqu'il
^. Une ancre. L. I (An 10, probablement de l'ere de Chalcis, affirme au procurateur que saint Paul pourrait etre ren-
58 de notre ere). voye, s'il n'en avait appele a Cesar. C'etait, apres 1'au-
dience, 1'opinion des trois interlocuteurs, Agrippa, Berenice
pousses a bout par la cruaute et les vexations du procu- et Festus : Cet homme n'a rien fait qui merite la mort
rateur Floras, se revolterent. Agrippa vint a Jerusalem et ou les chaines. Quoi qu'il en soit, Agrippa ne changea
essaya de calmer les esprits; mais lorsqu'il conseilla de rien, apres cette entrevue avec saint Paul, dans sa ligne
se soumettre a Florus jusqu' 1'arrivee d'un nouveau pro- de conduite. Josephe, Antiq. jud., XVIII, v, 4; XIX,
curateur, des murmures eclaterent, et il fut oblige de ix, 2; XX, ix, 4; Bell, jud., II, xm, 1; xvi, 3; xvn,
quitter pre"cipitamment la ville. La lutte engagee, il se 1, etc.; Dion Cassius, LX, 8; Tacite, Hist., n, 81; v, 1-13;
rangea du cote des Remains, et joignit ses troupes aux Ann., xii, 23; xm, 7. E. JACQUIER.
leurs. Apres la prise de Jerusalem, le royaume d'Agrippa
fut augmente, Photius, Bibl., cod. 33, t. cm, col. 65; AGUR (hebreu : 'Agur, collectionneur ), fils de
mais les renseignements sur ce point, ainsi que sur la Yaqeh. Ce nom se lit en tete du premier des trois appen-
vie subsequente de ce prince, sont rares et incertains. dices qui terminent le livre des Proverbes de Salomon,
On dit qu'il mourut en 1'an 100 apres J.-C., a 1'age de xxx, 1. La plupart des anciens commentateurs juifs et
soixante-treize ans. Est-ce a Rome, ou il se serait retire catholiques ont considere le nom d'Agur comme symbo-
avec sa sceur Berenice ? Quoiqu'on 1'ait dit, c'est peu pro- lique, et c'est en suivant cette opinion que saint Jerome
bable. Les historiens Tacite, Suetone, Dion Cassius, ainsi a traduit dans la Vulgate : Verba Congregantis, filii
- quele docteur juif Justus de Tiberiade, parlent a diverses Vomentis. II rend les noms propres par des noms com-
reprises d'Agrippa II et de sa sceur Berenice, comme muns, parce qu'il suppose que le nom d'Agur, Congre-
residant a Tiberiade. Agrippa parait meme avoir ete a <jans, collectionneur, a ete pris par Salomon comme
cette e'poque en excellentes relations avec les rabbins. celui de Kohelef ou Ecclesiaste, Eccle., i, 1, et que le
On possede d'Agrippa II des pieces de monnaie de 1'an 95. nom de Yaqeh, Vomens, vomissant, est celui de David.
Eckhel, loc. cit., p. 493. II faut convenir que ces interpretations sont peu natu-
Agrippa II aimait les lettres et les arts, et connaissait relles, et qu'il est plus simple d'admettre qu'il a existe
bien les livres sacres de sa nation, puisque saint Paul en reellement un Israelite, renomme pour sa sagesse, auteur
appelle a son temoignage sur leur contenu, Act., xxvi, des maximes r^unies dans Proverbes, xxx, 1-33, et appele
3, 26, 27; il s'interessait aux problemes de casuistique Agur, fils de Yaqeh. D'apres la suite du texte, tel qu'on
rabbinique, et 1'on a conserve de lui diverses questions, le lit d'apres les Massoretes, il semble avoir eu pour dis-
qu'il avait posees aux docteurs de son temps. Tanchouma, ciples ou pour amis deux autres personnages, Ithiel et
edit, d'Amsterdam, 1733; f. 7 a; Soucca, f. 27 a. II est vrai Ukal. Notre Vulgate n'a point vu la des noms propres, et
que ces passages, dit J. Derenbourg, Essai sur I'his- elle a traduit: Visio, quam locutus est vir, cum quo est
toire et nla geographic de la Palestine, d'apres les Tal- Deus, et qui Deo secum morante confortatus... Un certain
muds, i part., p. 254, trahissent une grande legerete de nombre de commentateurs modernes sont d'accord avec
mceurs, unie a une puerile preoccupation d'observer avec notre version latine pour couper les mots autrement que
rigueur certaines minuties de la loi . Comme tous les ne le fait le texte massoretique, mais Us expliquent ainsi le
Herode, Agrippa II fut nn grand constructeur; il batit de sens : Je me suis fatigue, d Dieu, et je suis sans force,
nombreux monuments a Tiberiade et a Beryte; il s'en- ou je me suis retired Enfin plusieurs, tels que Bunsen,
tourait de pompe et de magnificence. Act., xxv, 25. II fut Bibelwerk, t. i, p. CLXXVIII, croient que le mot mat*d',
i'ami des Remains et des procurateors qui se succederent que saint Jerome a rendu par vision >, et qui, d'apres
289 AGUR AHER 290
certains modernes, signifie ici poeme , designe le pays cavaliers, pour s'emparer de la ville. Le chef de la sedi-
ou la tribu a laquelle appartenait Agur, du nom de Massa, tion reussit a s'echapper pendant la nuit, et prit la route
un des fils d'Ismael. Gen., xxv, 14. Dans ce dernier cas, de Jerusalem. Les habitants s'empresserent aussitot d'ou-
Agur aurait ete Ismaelite, non Israelite. Toutes ces hypo- vrir leurs portes aux Romains. Bell, jud., IV, n, 1-5.
theses peuvent etre soutenues, mais aucune ne peut 6tre G'est a tort qu'une tradition, rapportee par saint Jerome,
prouvee. Voir 0. Zoekler, The Proverbs of Solomon, trad. nous represente les parents de saint Paul , et 1'Apotre lui-
Aiken, p. 247-248; F. Delitzsch, Commentary on the mSme, comme originaires de Gischala, transported ensuite
Proverbs of Solomon, trad. Easton, 2 in-8, Edimbourg, par les Romains a Tarse, en Cilicie. S. Jerome, Comment.
1874-1875, t. n, p. 260-272. F. VIGOUROUX. in Ep. ad Philem., v, 23, t. xxvi, col. 617; Liber de viris
illustrious, t. xxm, col. 615. Gischala faisant partie de la
AHALAB (hebreu: 'Ahldb; Septante: AaXdccp), ville Galilee, comme nous 1'apprend Josephe, ne pouvait appar-
de la tribu d'Aser, dont les Chananeens ne furent pas tenir a la tribu de Benjamin, ni dtre un bourg de Judee ,
expulses. Jud., I, 31. Omise comme Accho (Saint-Jean- loc. cit.; a moins de supposer, ce qui est fort impro-
d'Acre) dans la liste des villes appartenant a la meme bable , que la Judee possedait une seconde ville du meme
tribu, Jos., xix, 25-30, elle n'est mentionnee qu'en ce seul nom. A. LEGENDRE.
endroit de 1'Ecriture. C'est, d'apres quelques auteurs, la
Gischala de Josephe, Vita, 10; Bell, jud., II, xx, 6; AHARA (hebreu : 'Ahrah pour 'Ahar'ah, apres le
IV, n, 1, et la Gouch-Halab des rabbins, si renommee frere [?] ; Septante : 'Aapa), troisieme fils de Benjamin,
pour 1'abondance de ses huiles. Nous lisons, en effet, dans I Par., via, 1. II est nomme Ahiram (hebreu: 'Ahirdm,
le Talmud de Babylone : On avait une fois besoin d'huile mon frere est eleve; Septante : 'la/tpdv), chef de la
a Laodicee; on envoy a a Jerusalem et a Tyr pour en famille des Ahiramites, dans les Nombres, xxvi, 38. II
acheter; mais on ne trouva la quantite voulue qu'a Gouch- semble e"tre le meme que Echi, Gen., XLVI, 21; mais il
Halab. Voila pourquoi il est dit dans la Bible, a propos n'occupe pas dans ce passage le rang qu'il devrait avoir
de la tribu d'Ascher: II trempe ses pieds dans 1'huile. comme troisieme fils de Benjamin. Les Septante, Gen.,
Menahoth, 85 b; Siphre, Deuteronome, 345 (edit. Fried- XLVI, 21, font Echi fils de Bala et seulement petit -fils de
mann, p. 148 a). De ce passage, M. Neubauer conclut Benjamin.
que Gouch-Halab se trouvait dans les possessions d'Aser,
et qu'on peut ndentifier avec la ville biblique d'Ahalab. AHAR^HEL (hebreu: 'Aharhel, derriere le rem-
La geographic du Talmud, Paris, 1868, p. 230. En effet, part [?]; Septante: aSs^b; c Pr)xg), fils d'Arum, de la
la derniere partie du mot compose", Ifalab, a la meme famille de Cos et de la tribu de Juda. I Par., iv, 8.
etymologic et le meme sens que fidlab, etre gras,
allusion a la fertilite du territoire. Cf. Gesenius, The- AHASTHARI (hebreu: hd'-Ahas'tdri, nom d'origine
saurus linguae heb., p. 474. Gette epithete ayant disparu persane, avec 1'article, le muletier; Septante : TOV
dans la suite des temps, la premiere partie, ou le nom "Aao-O^p), un descendant immediat d'Assur, de la tribu de
proprement dit, Gouch, motte de terre, est restee Juda, par Naara, sa seconde femme. I Par., iv, 6. C'est
seule, et se retrouve aujourd'hui reproduite exactement peut -etre ici le nom d'une famille.
dans 1'arabe El-Djich. C'est done avec une certaine vrai-
semblance qu'on place au village de ce nom Ahalab, de- AHAVA (hebreu: 'AMvd'; Septante : 'Aoul; o 'Ey{)>
venue Gouch-Halab et FtaxaXa, malgre la pointe que riviere, I Esdr., vm, 21, 31, et pays qu'elle arrose, I Esdr.,
projette ainsi la tribu d'Aser sur le territoire de Nephthali. vni, 15. C'est la que se rassemblerent les Juifs qui retour-
Voir la carte de la tribu d'Aser. nerent avec Esdras en Palestine. Ahava n'a pu etre encore
El-Djich se trouve, au nord-ouest de Safed et non loin identifie avec certitude. Leclerc et Mannert ont suppose
du Djebel Djarmouk, sur les pentes meridionales d'une que c'etait Adiaba ; Havernick , que c'etait Abeh ou Aveh ;
colline qui s'eleve par etages successifs et par terrasses, Rosenmiiller, que c'etait le grand Zab. D'autres , comme
que soutiennent de gros blocs offrant pour la plupart une M. Schrader, Riehrn's Handworterbuch des biblischen
apparence antique. Au-dessus et un peu avant d'atteindre Altertums, t. i, p. 39, croient que 1' Ahava coulait en
le plateau superieur, on distingue les vestiges d'un mur Babylonie. Cette opinion parait de prime abord la plus
d'enceinte construit en pierres de taille tres regulieres. vraisemblable ; car les Juifs ayant ete deportes a Baby-
Ce sont la les traces de la muraille qui environnait jadis lone et dans le voisinage, il est naturel que ce soit sur
Tacropole de 1'ancienne Gischala. Le plateau qu'elle cou- un point de ce pays qu'ils se reunissent pour se mettre en
vrait est a 809 metres au - dessus de la mer; il est actuel- route, et non au nord de la Chaldee. Dans ce cas, 1'Ahava
lement plante de vignes, de figuiers et d'oliviers, et divise aurait ete un canal derive de 1'Euphrate ou du Tigre.
en plusieurs enclos. Les flancs inferieurs de la colline Cependant, comme le chemin le plus commode pour aller'
sont perces de nombreuses grottes sepulcrales, qui sont en Palestine est celui du nord, un certain nombre de
presque toutes detruites en partie ou bouchees. Les morts critiques pensent aujourd'hui qu' Ahava n'est pas different
y etaient deposes dans des fours a cercueil, dans des auges de Hit, celebregue de 1'Euphrate, qui est en droite ligne
funeraires creusees dans 1'epaisseur du roc evide, ou dans a 1'est de Damas. Le nom talmudique de Hit, Ihi ou
des sarcophages mobiles, dont les cuves et les couvercles Ihi Dagira , le puits de bitume, rappelle le nom
mutiles ont <He dissemines par les habitants. On remarque d'Ahava. Voir G. Rawlinson, Herodotus, t. I, p. 316,
egalement une plate-forme en partie naturelle et en partie note.
artiflcielle, sur laquelle gisent les debris d'une ancienne
synagogue. Cf. V. Guerin, Description de la Palestine, AHAZ (hebreu: 'Ahaz, possesseur, ou plutot abr-
Galilee, t. n , p . 95-96. viation de 'Ahazydh, Jehovah possede; Septante:
Cette ville cut une certaine importance aux derniers A^ci?), Benjamite, fils de Micha, de la posterite de Saul
temps de 1'histoire juive, et Josephe nous a rapporte les par Jonathas. II fut pere de Joada ou Jara. I Par., vm,
principaux faits qui la concernent. Incendiee et rasee par 35-36; ix, 41-42.
les peuples voisins, les Gadareniens, les Tyriens, etc.,
Gischala fut relevee de ses mines par Jean, fils de Levi, AHAZI (hebreu : 'Ahzai, abreviation de 'Ahazyah,
qui la rendit plus importante qu'auparavant, et 1'entoura Jehovah possede ou soutient; omis dans les Septante),
de remparts, afin d'assurer a 1'avenir sa securitS. Vita pr&re, ancetre de Maasai ou Amassai. II Esdr., xi, 13l
Jos., 10; Bell, jud., II, xx, 6. Plus tard, le meme Jean Nomme Jezra, I Par., ix, 12.
chercha a soulever la population centre les Remains.
Vespasien envoy a alors Titus,awefuae troupe de mille AHER (hebreu: 'Aher, autre, suivant; Septante:
DICT. DE LA BIBLE. I. 12
291 AHER AHIAM 292
*A6p), de la tribu de Benjamin, pere des Hasim. I Par., III Reg., xiv, 3; voir ABIA 6. Celle qui se dissimulait sous
VH, 12. ces apparences etait la reine, dont le fils, Abia, etait dan-
gereusement malade. Elle venait consulter le prophete.
AHI, hebreu: 'Afyi, mon frere, ou plutot abre- Jeroboam, son epoux, dans la crainte que ses prevari-
viation de 'Afyiyah, Yah, c'est-a-dire Jdhovah, est mon cations n'attirassent une r^ponse defavorable, avait voulu
frere, c'est-a-dire ami. qu'elle cachat son rang : singuliere et inutile precaution,
car Ahia etait aveugle, et, de plus, s'il pouvait lire dans
1. AHI (Septante: A-/t'p), flls de Somer, de la tribu la lumiere de Dieu les destinees de 1'enfant, ne pouvait-il
d'Aser. I Par., vn, 34. pas aussi bien decouvrir la reine. sous ces vetements
d'emprunt? C'est ce qui arriva; car le prophete, des qu'il
2. AHI, fils d'Abdiel, de la tribu de Gad, a 1'epoque de entendit le bruit des pas de celle qui venait a lui, s'ecria:
Joathan, roi de Juda. I Par., v, 15. Les Septante et la Entrez, femme de Jeroboam ; pourquoi feignez - vous
Vulgate n'ont pas reconnu un nom propre dans ce mot, d'etre une autre? III Reg., xiv, 6. A cette apostrophe
et 1'ont traduit par aSeXpoO et par fratres. succeda une declaration severe des chatiments reserves
a Jeroboam, dont 1'ingratitude, les crimes, Fidolatrie sur-
AHIA ou AHIAS, hebreu : 'Ahiydh, 'Ahiydhu, tout, avaient attire la colere de Jehovah. Tous les descen-
Jehovah est mon frere, c'est-a-dire ami; Septante : dants males de la maison de Jeroboam seront frappes,
'A-/ia. Le meme nom a ete transcrit en plusieurs en- qu'ils soient detenus ou libres (hebreu : 'd?wr ve'dzub;
droits de la Vulgate sous la forme Achia/ Voir ACHIA. litteralement: detenus a la maison ou libres, probix-
1. AHIA, un des guerriers renommes de 1'armee de blement dans le sens de non maries et de maries, c'est-
David. II etait de la ville de Pheloni. I Par., xi, 36. a-dire de jeunes gens qui sont encore dans la maison
paternelle et d'hommes qui n'y sont plus, pour signifier
2. AHIA, fils de Sisa et secretaire du roi Salomon. 1'universalite du chatiment); Jehovah les balayera comme
Ill Reg., iv, 3. on balaye les ordures, jusqu'a ce qu'il ne reste plus rien
de cette maison royale. Ill Reg., xiv, 7-10. Le chatiment
3. AHIA, pere de Baasa, roi d'Israel. II etait de la tribu atteindra meme les sujets : il y aura d'innombrables morts
d'Issachar. Ill Reg., xv, 27, 33; xxi, 22; IV Reg., ix, 9. subites, et ceux qui seront frappes dans les rues demeu-
reront sans sepulture ou seront devores par les chiens,
5. AHIA, surnomme le Silonite, parce qu'il etait ori- tandis que dans la campagne les cadavres des morts seront
ginaire de Silo en Ephra'im, III Reg., xiv, 2, prophete manges par les oiseaux du ciel. Ill Reg., xiv, 11. Quant
suscite" de Dieu pour notifier ses royales destinees a Je>o- au fils de Jeroboam, il mourra a 1'instant meme ou sa mere
boam, son compatriote, qui remplissait alors a la cour de entrera a Thersa, et seul de toute sa maison il recevra les
Salomon la fonction de surveillant general des corvees honneurs de la sepulture. Ill Reg., xiv, 12-13. Celui qui
(hebreu : mas) imposees par le roi a la maison de Joseph, sera 1'instrument de la vengeance divine n'est pas designe
pour 1'execution de plusieurs grands travaux. Ill Reg., autrement que par sa qualite de roi d'Israel. Les evene-
xi, 28. Ahia 1'aborda un jour qu'il etait sorti sans suite, ments montreront que ce sera Baasa, assassin et succes-
et le conduisant a 1'e'cart (Septante : onteuirrierev OCVTOV I/. seur de Nadab, fils de Jeroboam. Ill Reg., xv, 27-28.
rijs oSoO, mots ajout^s a 1'hebreu) dans un champ, il se Les exegetes rationalistes ont trouve un pretexte d'atta-
depouilla du manteau neuf qu'il portait (hebreu : Simlah, quer Ahia et sa prophetie dans le passage ou il est dit
piece d'^toffe rectangulaire, dans laquelle les anciens s'en- qu'une seule tribu restera a Roboam, III Reg., xi, 32, 36,
veloppaient, comme aujourd'hui les Arabes dans leur kaik), alors qu'il est manifeste que le royaume de Juda comprit
et le coupa sous les yeux de Jeroboam en douze parts, toujours les deux tribus de Juda et de Benjamin. Ill Reg.,
ajoutant ces paroles prophetiques: Prenez dix parts pour xu, 21. Cette maniere de parler, reproduite plus loin,
vous, car voici ce que dit le Seigneur Dieu d'Israel: Je IV Reg., xvn, 18, se justifie facilement, si Ton considere
dechirerai et diviserai le royaume de Salomon, et je vous que le territoire de Benjamin etait si restreint, qu'on
en donnerai dix tribus. III Reg., xi, 31. II ajouta la pouvait le confondre avec celui de Juda, et n'en pas faire
raison de ce chatiment a 1'egard du fils de David: il devait une mention speciale. De plus, une partie de Benjamin
etre ainsi puni de son idolatrie. Ill Reg., xi, 29-33. Cette appartenait en fait au royaume d'Israel, comme les villes
action symbolique, conforme au genie oriental et usitee de Bethel, Jericho, Galgala, avec leur territoire. Ill Reg.,
dans le ministere prophetique, Is., vin, 1-4; Jer., XIH, xu, 29; xvi, 34. Aussi voyons-nous Asaph le psalmiste
1-11; xix, 1-10; xxvn, 2-11; Ezech.,m, l-3;iv, 1, et associer le nom de Benjamin a celui des tribus d'Ephraim
les paroles qui 1'accompagnaient furent realisees lorsque, et de Manasse. Ps. LXXIX, 3.
dix tribus s'etant revoltees sous Roboam, Jeroboam, revenu II est question, II Par., ix, 29, d'un livre des Propheties
d'Egypte, ou Salomon 1'avait exile, accepta de se mettre (nebu'af) d'Ahia de Silo , dont on ne saurait exactement
a leur tete, et de constituer avec elles un royaume inde- determiner le contenu. C'etait sans doute une partie du
pendant. Ill Reg., xu, 1-33. Le manteau neuf d'Ahia grand travail historique sur la periode des Rois, auquel
repr&sentait bien le royaume de Salomon, qu'aucune divi- avaient travaille a leur tour beaucoup d'autres prophetes.
sion n'avait encore atteint, et les dix morceaux mis a part I Par., xxvii, 24; xxix, 29; II Par., ix, 29; xn, 15; xm, 22;
figuraient, selon 1'interpretation du prophete lui-meme, xx, 34; xxiv, 27; xxvi, 22; xxxm, 19. Pierre Natal a
les dix tribus sur lesquelles il devait regner. II faut s'e- inscrit le prophete Ahia dans son catalogue des saints,
carter du sens naturel du texte pour y voir avec Rupert Catal., x, 51, a la date du 12 novembre, bien qu'il ne soit
les neuf dynasties des rois d'Israel, et la ruine de leur fait mention de lui ni dans les martyrologes des Latins,
royaume par les Assyriens. Rupert, In III Reg., 1. V, c. rv, ni dans les menologes des Grecs. P. RENARD.
t. CLXVII, col. 1237.
Sa mission accomplie, Ahia, alors tres age", s'&ait retire 1. AHIALON (hebreu: 'lon, chene; Septante :
a Silo, ou il vivait sans bruit, retenu a 1'ecart du monde AtXo(j.), de la tribu de Zabulon, fut juge d'Israel pendant
et des affaires par une cecite complete, III Reg., xiv, 4, dix ans. On le compte pour le onzieme. II fut enseveli a
aidant de son experience et de ses conseils ceux qui venaient Aialon de Zabulon, sa patrie ou sa residence, qui probable-
le consulter, et quelquefois leur declarant, dans une ment lui doit son nom. Jud., xii, 11, 12. Voir AIALON 2.
lumiere surnaturelle, la volonte du Seigneur. C'est la
qu'un jour vint le trouver une femme vetue simplement, 2. AHIALON, ville. Voir AIALON.
et accompagnee de quelques serviteurs portant de mo-
destes presents: dix pains, un gateau et un vase de miel. AHIAM (hebreu : 'Abi'dm; Septante: 'Ajivdiv,
293 AHIAM AHIRA. 294
ills de Sarar ou Sachar, et Fun des guerriers renommes AHIMELECH. I Par., xvm, 16; xxiv, 3, 6, 31. Voir
de 1'armee de David. I Par., xi, 34 (35). Son nom est ecrit ACHIMELECH 3 et ABIATHAR.
Aiam, II Reg., xxiii, 33.
AHIN (hebreu: '/l#i/dn,fraternel; Septante: 'Atti.);
AHICAM (hebreu : 'Afytqam, mon frere se leve; fils de Semida, de la tribu de Manasse. I Par., vn, 19.
Septante: 'Ajftxaji.), fils de Saphan, fut 1'un des principaux
personnages du royaume de Juda, sous les regnes de Josias, AHINADAB (hebreu: 'Ahindddb, mon frere est
de Joachaz et de Joakim. Lorsque Saphan, son pere, cut noble ou liberal; Septante : 'Axivoc8a6), un des douze
apporte a Josias le livre de la Loi, retrouve dans le temple intendants du roi Salomon. Son district etait celui de
par le grand pretre Helcias, IV Reg., xxn, 8-11, le roi, Manaim, a Test du Jourdain. Ill Reg., iv, 14.
effrayp de 1'opposition qui existait entre les preceptes de
Moise et la conduite du peuple, voulut connaitre les inten- AHIO, hebreu : 'Ahyo, fraternel, ou synonyme
tions du Seigneur. IV Reg., xxn, 12-13. A cet effet, il envoya de Ahia; Septante : aSeX^b; avToO, oi aSeXqpot au-roO.
a la prophetesse Holda, qui se trouvait alors a Jerusalem,
une deputation composee du grand pretre, de Saphan et 1. AHIO, fils d'Abinadab. II fut charge avec son frere
de son fils Ahicam, d'Achobor et d'Asa'ias, officiers du roi. Oza de conduire 1'arche du Seigneur, lorsque David la
Les messagers de Josias s'acquitterent religieusement de fit transporter de la maison d'Abinadab a Jerusalem.
leur mission, et rapporterent a leur maitre les paroles de II Reg., vi, 3, 4. Au passage parallele, I Par., xm, 7, la
(a prophetesse. IV Reg., xxn, 15-xxni, 1. Ce fut alors que Vulgate a rendu le nom propre par fratres ejus.
le pieux roi, pour essayer d'epargner a son peuple les
chatiments predits par Holda, fit les grandes ceuvres de 2. AHIO , fils d'Abigabaon ou Jehiel et de Maacha , de
piete racontees en detail par 1'ecrivain sacre. IV Reg., la tribu de Benjamin. I Par., vm, 31; ix, 37.
xxiii, 1-25; II Par., xxxiv, 28-xxxv, 19. Nous retrouvons
Ahicam sous le regne de Joakim, fils et second successeur 3. AHIO, fils de Baria, de la tribu de Benjamin. I Par.,
de Josias. Jeremie ayant predit publiquement la ruine du vm, 14, 16.
temple et de Jerusalem, Jer., xxvi, 1-7, le peuple irrite
se saisit de lui, et les princes de Juda se transporterent AHION, III Reg., xv, 20; II Par., xvi, 4; Al'ON,
au temple pour le juger, }. 8-10; mais quelques-uns des IV Reg., xv, 29 (hebreu : 'lyon; Septante : 'Acwv, II Par.,
anciens du peuple prirent la defense du prophete incri- xvi, 4 ; - ' A f v , III Reg., xv, 20; IV Reg., xv, 29), ville du
mine, et reussirent a le justifier aux yeux de la foule, nord de la Palestine, appartenant a la tribu de Nephthali.
f . 17-19. Jeremie, apres avoir consigne ces faits dans Ge nom, qui signifie ruines , est identique, non pour
son livre, remplit un pieux devoir en designant Ahicam, le sens, mais pour la forme, a celui de lAyoun, sources,
fils de Saphan, comme celui qui 1'avait le mieux defendu que porte une vallee fertile et bien arrosee, Merdj 'Ayoun,
en cette circonstance critique. Jer., xxvi, 24. Dans la suite plaine des sources, situee entre le Nahr Hasbani et le
de ses ecrits, le prophete aime encore a rappeler le sou- Leontes. Aussi est-ce dans cette region que plusieurs cri-
venir de son sauveur; plus de douze fois, en nommant tiques, entre autres Robinson, Biblical Researches in
Godolias, il ajoute que c'etait le fils d'Ahicam. Jer., Palestine , Londres, 1856, t. m, p. 375, placent Ahjpn,
xxxix, 14; XL, 5, 7, 9, 11,14, 16, etc. E. DUPLESSY. dont la vallee aurait conserve le nom apres la destruction
de la ville. On trouve, en effet, vers le nord une colline
AHIEZER, hebreu : 'AfyVezer, mon frere est un appelee Tell Dibbin, dont la position commande en meme
secours; Septante: 'Axie?ep. temps la plaine et la route qui conduit de Sidon ,a Has-
beya et a Damas. Cet emplacement convient parfaitement
1. AHIEZER, fils d'Ammisadda'i et chef de la tribu de a la cite biblique, qui, toujours mentionnee avant Dan
Dan. A la sortie d'Egypte, lorsque Moise fit le recense- (Tell el-Qadi) et Abel -Beth -Maacha (Abil el-Kamh),
ment du peuple, il se trouvait a la tete de 62700 hommes III Reg., xv, 20; IV Reg., xv, 29, semble avoir ete 1'une
de sa tribu. On le voit offrir divers presents au tabernacle des plus septentrionales de la tribu de Nephthali , et par
du Seigneur. Num., i, 12; n, 25; vn, 66, 71; x, 25. la meme 1'une des premieres a subir le choc des armees
dont les invasions se dirigeaient du nord vers le sud. Le
2. AHIEZER, Benjamite, fils de Samaa et de Gabaath. Tell Dibbin contenait autrefois des edifices dont les debris
Ce vaillant guerrier, habile a tirer de 1'arc et a manier ont forme les epais murs de soutenement sur lesquels
la fronde, fut le premier des braves qui se joignirent a s'appuient aujourd'hui les pentes menagees avec soin. A la
David pendant la persecution de Saul. I Par., XH, 3. place des habitations detruites, croissent, dans des enclos
separes, des vignes et des figuiers. Deux sources jaillissent
AHILUD (hebreu: 'Ahilud, abreviation pour "Ahlyelud, au bas de la colline : 1'une d'elles etait recueillie autrefois
frere de celui qui est ne, sous-entendu : avant lui; dans un grand bassin, maintenant aux trois quarts detruit,
Septante: 'A^tXouS, 'AxiXo-J6, 'Ax't^^X* 'Ax't^h pere et dont il ne subsiste plus que les assises inferieures en
de Josaphat, 1'annaliste du roi sous David et Salomon, et pierres regulieres. Cf. V. Guerin, Description de la Pales-
de Bana, un des douze intendants de Salomon. II Reg., tine, Galilee, t. n, p. 280. Conder, Handbook to the Bible,
vm, 16; xx, 24; III Reg., iv, 3, 12; I Par., xvm, 15. Londres, 1887, p. 415, et les auteurs de la carte anglaise,
AHIMAM. I Par., ix, 17. Voir AHIMAN 2. Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890,
leuille 6, placent, avec le signe dubitatif, Ahion a Khidm,
AHIM AN, hebreu: 'Ahimdn, mon frere est un don (?) a une tres faible distance de Tell Dibbin , du cote de 1'est.
Septante: 'Axt|iiv. Benadad, roi de Syrie, marchant centre le roi d'Israel
Baasa pour secourir Asa, roi de Juda, s'empara d' Ahion.
1. AHIMAN, geant de la race d'Enac, habitait Hebron Ill Reg., xv, 20; II Par., xvi, 4. Plus tard, vers 734 ou
avec ses freres Sesa'i et Tholniai, a 1'epoque ou les espions 733 av. J.-C., sous le regne de Phacee, roi d'Israel, Teglath-
d'Israel, envoyes par Moise, explorerent le pays de Chanaan. phalasar, roi d'Assyrie, s'en rendit maitre, et en deporta
II fut chasse de cette ville lorsque Caleb s'en empara. les habitants dans son royaume. IV Reg., xv, 29. A partir
Jos., xv, 14; Jud., i, 10. La Vulgate 1'appelle Achimam, de cette epoque, il n'est plus question de cette ville.
Num., xra, 23. Voir ENAC. A. LEGENDRE.
AHIRA (hebreu : 'Ahira*, mon frere est ing-
2. AHIMAN (Vulgate : Ahimam), Levite, portier du chant [?]; Septante: 'Aytpe), flls d'Enan et chef de la
temple apres la captivite de Babylone. I Par., ix, 17. tribu de Nephthali. A la sortie d'Egypte, il etait a la tete
295 AHIUD AfALON 296
de 53400 hommes capables de porter les armes. II fut le et dans la liste des Paralipomenes, I Par., rvr, 24. Sa des-
douzieme a faire son offrande au tabernacle. Num., i, 15; cendance avait peut-etre disparu, ou avail pu se fondrc
H, 29; vii, 78, 83; x, 27. dans les autres families de Simeon.
AHIRAM, fils de Benjamin. Num., xxvi, 38. Voir 2. AHOD (hebreu : 'Efyud, union; Septante: 'AwS),
AHARA. Benjamite de Gabaa. I Par., vili, 6. II ne faut pas le
confondre avec le juge Aod, ni avec Aod de I Par.,
AHISAHAR (hebreu : 'Ahisahar, mon frere est vii, 10. L'orthographe n'est pas la mSme ('JEfyud et non
matinal; Septante : 'Axto-aapj, fils de Balan, delatribu 'hud).
de Benjamin. I Par., vii, 10.
AHO& (hebreu : 'AJ}6a1}, fraternite [?] Septante:
AHISAR (hebreu : 'AhiSdr, mon frere chante, ou ' AXKX), sixieme fils de Bale et petit - fils de Benjamin.
pour 'Afyiydsdr, mon frere est droit; Septante: I Par., viu, 4. Voir ECHI et AHARA.
'Aytsap), intendant de la maison de Salomon, III Reg., AHOHITE (hebreu : 'Ahold; Septante : 6 '
iv, 6. 6 'AxwxO- Ge nom signifie descendant d'Ahoe, petit-fils
de Benjamin, voir I Par., vm, 4, ou bien il designe le
AHIUD , hebreu : 'Ahihud pour 'Afyiyehud, mon lieu d'origine ou d'habitation. Voir AHOE. II Reg., xxm,
frere est honored 9, 28; I Par., xi> 12, 29; xxvn, 4.
1. AHIUD (Septante: 'Ax(wp), fils de Salomi, de la AHUMAI (hebreu : 'Ahuma'i, frere de 1'eau, c'est-
tribu d'Ascr, fut choisi pour assister Josue et Eleazar dans a-dire habitant pres de 1'eau [?] Septante : 'Ax'iAOu)* fi^
le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 27. de Jahath, de la tribu de Juda. I Par., iv, 2.
2. AHIUD (Septante: 'lax^x^)* fils de Naaman, de la Al, ville chananeenne. Voir HAI.
tribu de Benjamin. I Par., vm, 7.
A'l'A, hebreu : 'Ayah, faucon.
AHOBBAM (hebreu : 'Ahbdn, mon frere est pru-
dent, ou pour 'Ahvdn, f raternel ; Septante : 'Ax6ap ), 1. AlA (Septante: 'Ai'e', 'AfO), fils de Sebeon et des-
fils d'Abisur et d'AbihaO, de la tribu de Juda. II Par., cendant de Seir 1'Horreen. Gen., xxxvi, 24; I Par.r
1,20. 1,40.
1. AHOD ( hebreu :'6had,<tiini;y> Septante: *Ai'.8), 2. AlA (Septante : 'It6X, 'AVS), pere de Respha, qui fat
un des six fils de Simeon. II descendit en Egypte avec concubine de Saul. II Reg., HI, 7; xxi, 8, 10,11.
Jacob, son aieul. Gen., XLVI, 10; Exod., vi, 15. Son nom
manque dans la liste des families de Simeon, dressee la 1. AlALON (hebreu : 'Ayydlon; Septante: AtaXc&
quarantieme annee de la sortie d'Egypte, Num., x&vx, 12, et AiX(i|i), aujourd'hui Yalo (fig. 50), ville de Palestine.
297 AlALON AIGLE 298
tire probablement son nom des cerfs ou des gazelles qui 3. AlALON (Vallee d'), vallee mentionnee dans le r&it
y abondaient autrefois. Aialon est un peu au nord de la de la victoire de Josue sur les rois chananeens du &x.d.
route de Jaffa a Jerusalem, non loin d'Amouas (Nicopolis) Jos., x. 12. Voir AIALON 1.
et de Bethsames, sur 1'ancienne limite du pays des Philis-
tins et des possessions Israelites. Le village de Yalo est situe Al'AM , un des trente heros de David. II Reg., xxiri, 33.
sur une colline oblongue, d'un kilometre de pourtour au Voir AHUM.
plus, et dont le plateau etait environne autrefois d'un mur
d'enceinte. De cette muraille, il subsiste encore ca et la ATATH, ville mentionnee sous cette forme seulement
quelques pans en gros blocs mal equarris. Au soramet de dans Isaie, x, 28. La plupart Tidentifient avec Hai. Voir
la colline, on remarque les debris d'un petit chateau en IlAi.
belles pierres de taille. II etait plus eleve il y a quelques
annees; mais, au dire des habitants, toute la partie supe- , 'A YFIM, nom de lieu , d'apres la plupart
rieure en a ete renversee par un tremblement de terre. des commentateurs modernes. II Sam. (II Reg.), xvi, 14.
Le village actuel renferme cinq cents ames. Les maisons Les Septante, et, a leur suite, la Vulgate, ont pris ce mot
sont tres grossicrement baties; elles sont presque toutes hebreu pour un nom commun : IxXeXupivot , lassits ,
precedees d'un silo creuse dans le tuf, et destine a con- fatigue; mais le contexte indique qu'il s'agit d'une
tenir du ble, de 1'orge et de la paille. Pres du village localite puisqu'il est dit que David , fuyant de Jerusalem ,
s'etendent des jardins fertiles, ou les figuiers surtout lors de .la re volte d' Absalom , avec ceux qui lui etaient
abondent. Les llancs des deux collines voisines ont ete restes fideles, vint en ce lieu, et que tous se reposerent
excaves, soil pour y pratiquer des cavernes ou des torn- la . Si Ton traduit par fatigues , signification que
beaux, soit pour en extraire des blocs de construction. 'ayefim peut reellement avoir, le texte n'indique point le
Quelques - unes de ces excavations servent maintenant lieu ou Ton vient . On ne rencontre d'ailleurs nulle
d'etables pour les troupeaux. autre part le mot 'Ayefim comme nom de localite, et il
Yalo a ete identifie tres justement par le Dr Robinson est impossible de determiner sa situation autrement qu'en
avec la ville d'A'ialon. Elle parait avoir ete situee sur les le placant dans le voisinage de Galgala ou de Jericho, a
limites des tribus de Juda, de Benjamin et de Dan, et fut 1'ouest du Jourdain. Cf. II Reg., xvn, 16. Quelques com-
primitivement assignee a cette derniere, comme nous mentateurs ont propose de 1'identifier avec Bahurim. Cette
1'apprend le livre de Josue, xix, 40-42. Les Danites ne identification est fausse, car lorsque Jonathas et Achimaas
purent d'abord en expulser les Amorrheens, qui ne furent vont annoncer a David ce qui s'est passe a Jerusalem depuis
rendus tributaires que plus tard, quand la maison de sa fuite, ils ne font que passer a Bahurim et vont chercher
Joseph fut devenue plus puissante. Jud., I, 34-35. La le roi plus loin. II Reg., xvn, 17-21. 'Ayefim etait done
vallee qui est au nord de Yalo est la celebre vallee d'A'ialon, au dela de Bahurim. Nous ne devons pas, au surplus,
immortalisee par eette parole fameuse de Josue, qui, etre trop surpris si nous ne connaissons pas son empla-
craignant que le jour ne lui manquat pour achever la com- cement exact. Plusieurs autres localites bibliques sont dans
plete destruction des troupes des cinq rois amorrheens, le meme cas que 'Ayefim : nous ignorons absolument ou
s'ecria, en les poursuivant, a la descente de Bethoron : elles etaient situees.
Soleil, arrete-toi sur Gabaon, et toi, lune, sur la vallee
d'A'ialon. Jos., x, 12. Sous Saul, Aialon fut temoin d'une 1. AIGLE, hebreu neser, oiseau de proie dont le nom
defaite des Philistins par ce prince, qui les poursuivit revient frequemment sous la plume des ecrivains sacres.
depuis Machmas jusqu'a cette. ville. I Reg., xiv, 31. Plus
tard elle fut fortifiee par Roboam, qui 1'enferma, ainsi
que d'autres places, dans une enceinte muree, et y mil
un gouverneur avec des provisions de vivres, de vin et
d'huile. II Par., xi, 10-11. Sous le regne d'Achaz, elle
tomba au pouvoir des Philistins, II Par., xxvm, 18, et
c'est la derniere fois qu'elle est mentionnee dans les Livres
Saints. V. GUERIN.
2. AIALON (hebreu : 'Ayydlon; Septante : AtXwjx;
omis par la Vulgate), ville de la tribu de Zabulon, ou fut
enseveli un des juges, Ahialon, Jud., xil, 12 (le nom de
lieu et le nom de personne ne different que par les points-
voyelles). L'Ecriture, qui ne la mentionne qu'en cet endroit,
la distingue d'A'ialon, ville de Dan, par cette formule: dans
la terre de Zabulon. Eusebe en parle sous le nom de
AlaXtv, Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 225, et saint
Jerome sous celui d'Aialim. Liber de situ et nominibus
locorum heb., t. xxin, col. 875. Van de Velde suppose
qu'elle peut etre identified avec Djaloun, endroit situe
a environ quatre heures a Test d'Akka ou Saint-Jean-
d'Acre. Memoir to accompany the map of the Holy
Land, 1858, p. 283. La, en effet, sur les pentes septen-
trionales et inferieures de la montagne, sont les ruines
d'un village detruit, sur 1'emplacement duquel ont pousse 61. Aigle royal (Aquila Chrysaetos).
d'enormes touffes de lentisques, des caroubiers, des chenes
et plusieurs magnifiques terebinthes tombant de vetuste. Le nom hebreu signifie etymologiquement: celui qui
Les arasements de deux constructions rectangulaires en dechire la chair avec le bee; c'est du moins le sens de
pierres de taille de moyenne dimension sont seuls recon-
naissables; de nombreux debris de poterie jonchent par- la racine .**o, nasara, d'ou il derive, et qui, en arabe,
tout le sol. V. Guerin, Description de la Palestine, se dit des oiseaux de proie. En assyrien, noMr signifie
Galilee, t. i, p. 435. Si 1'hypothese est juste, Aialon se aussi dilacerer les chairs . L'aigle constitue un genre
trouvait ainsi sur la frontiere des deux tribus d'Aser et de d'Oiseaux de proie, de 1'ordre des rapaces, de la famille
Zabulon. A. LEGENDRE. des diwnes. II est caracterise par un bee fort, droit a sa
299 AIGLE 300
base, et courbe" seulement vers sa pointe. L'aigle pro- fauve, son attitude fiere, son vol rapide.L'aigle mouchet6
prement dit a le corps emplume jusqu'a la racine des (fig. 52) est d'un tiers plus petit; il n'attaque que les ani-
doigts. II a les ailes aussi longues que la queue. maux les plus faibles.L'aigle imperial (fig. 53) a des ailes.
On a observe en Palestine quatre especes principales plus longues et un corps plus trapu que 1'aigle royal.
d'aigles: 1'aigle royal ou commun, Aquila Chi"ysaetos; Le circaete est long de soixante-cinq a quatre-vingts cen-
1'aigle mouchete, Aquila nxvia, tres commun dans les timetres; il a un metre quatre-vingt-dix d'envergure. Le
52. Aigle moucheW (Aguila nsevia). dessous du corps est blanc; le reste est brun cendre. Vu
de face, il ressemble a la buse; quand il vole, on le pren-
rochers des parties montagneuses; 1'aigle imperial, Aquila drait pour un heron (fig. 54). Le mot hebreu neier s'ap-
Heliaca, et le circaete ou aigle Jean-le-Blanc, Circaetos gal- plique indifferemment dans 1'Ecriture aux diverses especes
licus, qui fait sa proie des nombreux reptiles du pays, et se dont nous venons de parler. Dans quelques passages, il
trouve partout. L'aigle royal (fig. 51) a environ un metre designe meme le vautour. Voir VAUTOUR.
?.ff
53. Aigle Imperial (Aquila Heliaca).
55. Aire de 1'aigle.
de long; la femelle est plus grande: elle atteint un metre
vingt de 1'extremite du bee a celle de la queue, et a environ Les mceurs de Taigle sont interessantes a etudier, a cause
deux metres cinquante d'envergure. L'oail de 1'aigle royal des allusions qu'y fait la Sainte Ecriture. Le nid de 1'aigle
est vif et perfant; son bee est acere, recourbe dans toute porte le nom d'aire (fig. 55). On croit que la meme aire
sa longueur, plus crochu a rextremite", et assez semblable lui sert de demeure pendant toute sa vie. Elle est placee
a de la come bleuatre; ses serres sont vigoureuses, a ongles ordinairement au midi, entre deux rochers a pic, sur le
pointus, dont celui de derriere, qui est le plus grand, a rebord d'un precipice, dans les lieux du plus difficile acces.
jusqu'a treize centimetres de longueur; son plumage est Le nid est constant avec des branches d'un metre quatre*
301 AIGLE 302
vingts a deux metres de longueur, entrelacdes de rameaux en se dirigeant du cote da soleil. CTetait vers midi. Us
et recouvertes de plusieurs couches de joncs, debruyeres firent d'abord de petits cercles, et les jeunes oiseaux les
et de peaux d'animaux. II est abrite par quelque saillie imiterent; les parents se reposerent ensuite sur leurs ailes,
de rocher. La mere pond deux ou trois O3ufs, quelquefois en attendant que leurs petits eussent lermine leur premier
quatre. Elle les couve pendant trente jours. Comme les vol; ils firent ensuite un second cercle plus grand; fls
aiglons sont tres voraces, des qu'ils sont e"clos, les parents s'elevaient toujours dans la direction du soleil, an elar-
font pour eux la chasse et leur apportent d'abondantes gissant la circonference de leur vol de maniere a tracer
provisions de gibier. Les petits quittent le nid, pour n'y une spirale graduellement ascendante. Les aiglons les
plus revenir, au bout de trois ou quatre mois. suivirent encore, lentement; ils paraissaient mieux voler
Si 1'aigle est le roi des airs, il en est aussi le tyran. Son a mesure qu'ils montaient. Les aigles et leurs petits conti-
odorat est faible, mais sa vue percante lui permet d'aper- nuerent cet exercice, s'elevant toujours, jusqu'a ce qu'ils
cevoir sa proie de fort loin. Ses yeux, tres grands, sont ne parurent plus que comme des points dans 1'air, et que
enfonce"s dans une cavite profonde, que la partie supe- les aiglons d'abord, leurs parents ensuite, echapperent
rieure de 1'orbite recouvre comme un toit avance. Us sont completement a nos regards.
pourvus d'une sorte de seconde paupiere transparente, qui
se releve et s'abaisse a volonte, de sorte que 1'aigle peul
fixer le soleil sans en etre aveugle. Des qu'il a decouvert
une proie, il replie ses ailes, il se laisse tomber sur elle,
les serres ouvertes, et il la saisit avec une telle force,
qu'il la rend incapable de tout mouvement. II la pose alors
a terre, avant de 1'emporter, comme s'il voulait se rendre
compte du poids. II 1'enleve ensuite sans peine, si c'est
une oie, une grue, ou meme un lievre, un agneau, un
chevreau. Si c'est un faon ou un veau, une brebis ou
un cerf, la charge est trop lourde; il se contente alors de
dechirer les chairs et d'en prendre une provision dans
son aire. II devore ordinairement sa proie sans la tuer.
Le circaete fait particulierement la chasse aux volailles,
aux perdrix, aux jeunes lapins, aux petits oiseaux, aux
insectes, et surlout aux serpents et aux divers reptiles qui
abondent en Palestine et sont sa principale nourriture.
L'aigle, en general, est vorace et glouton, mais il peut
neanmoins supporter un jeune prolonge, et demeurer une
vingtaine de jours sans prendre de nourriture. Son jabot
est susceptible d'une dilatation considerable, et peut em-
magasiner par consequent une tres grande quantite de
viande; son gesier, au contraire, est fort petit, et il ne
peut recevoir que par petites doses les aliments dont il
doit faire la digestion. II commence sa chasse regulie-
rement le matin au lever du soleil, accompagne presque
toujours par la femelle. Quand il a reussi a s'approvi-
sionner, il revient vers le milieu du jour dans son aire,
s'il n'en est pas trop eloigne, et la, immobile, les plumes
pendantes, il se repait de sa proie. Apres le repas il 56. Divinit^ assyrienne a t6te et a ailes d'aigle.
cherche a boire, et meme, s'il le peut, dans la saison Bas-relief du Mus6e assyrien du Louvre.
chaude, a se plonger dans 1'eau. II recommence ensuite
sa chasse jusqu'au soir, et alors il se retire dans 1'endroit Quand 1'aigle recherche sa proie, il fait entendre quel-
ou il veut passer la nuit. quefois un cri rauque, qui remplit de terreur les autres
Les ecrivains sacres font souvent allusion a ces habi- oiseaux. La Vulgate a vu une allusion a ce cri dans Osee,
tudes de 1'aigle. Us rappellent dans leurs comparaisons viu, 1: Que dans ta bouche soit une trompette comme
la puissance et la rapidite de son vol, Exod., xix, 4; 1'aigle, c'est-a-dire un cri comme celui de 1'aigle. On
Deut., xxvin, 49; II Reg., i, 23; Prov., xxm, 5; xxx, 19; traduit communement 1'hebreu en coupant autrement la
Is., XL, 31; Jer., iv, 13; XLVIII, 40; XLIX, 22; Lament., phrase : Crie comme si tu sonnais de la trompette.
iv, 19; Osee, viu, 1 (hebreu); Abdias, 4; Hab., i, 8; son L'ennemi vient comme un aigle centre la maison de
ardeur a chercher sa proie, Job, ix, 26; Prov., xxx, 17; Jehovah. La comparaison est tiree de rimpetuosite avec
la maniere dont il apprend a voler a ses aiglons, Deut., laquelle 1'aigle fond sur sa proie. Le Psalmiste dit que
xxxii, 11, image de la sollicitude de Dieu envers son la jeunesse de celui que Dieu benit sera renouvelee
peuple; 1'elevation de son aire, Job, xxxix, 27, dont la comme celle de 1'aigle . Ps. en (hebreu, cm), 5; cf. Is.,
hauteur rappelle la fierte et 1'arrogance des enfants d'Esau. XL, 31, dans le texte hebreu. Le sens de ce passage est
Jer., XLIX, 16; Abd., 4. Les cheveux de Nabuchodonosor, qui, assez obscur. Comme 1'aigle vit longtemps et peut depasser
atteint de la lycanthropie et vivant comme les betes, les un siecle, il courait chez les anciens des fables .d'apres
laisse pousser longs et incultes, sont compares aux plumes lesquelles 1'aigle pouvait renouveler ses forces dans sa
de 1'aigle. Dan., iv, 30. La similitude du Deuteronome, vieillesse. Un poete, meme inspire, pouvait assurement
xxxii, 11, qui nous represente Dieu prenant soin de 1'edu- rappeler ces croyances populaires. Cependant les commen-
cation de son peuple, comme 1'aigle qui excite ses petits tateurs modernes expliquent generalement les paroles du
a voler, et voltige au-dessus d'eux , est particulierement psaume en en disant, les uns : Ta jeunesse sera renou-
touchante, et en mgme temps fort juste. Cf. Exod., xix, 4. velee de telle sorte que tu auras la force de 1'aigle; les
Une description de sir Humphry Davy peut servir de autres : Tu rajeuniras comme 1'aigle, qui est plein d'une
commentaire a ce passage : c< Je vis une fois un spectacle activite nouvelle, apres 1'epoque de la mue.
fort interessant au-dessus d'un des rochers du-Ben-Nevis, Chez les prophetes de la captivite, 1'aigle joue un role
ou j'etais en chasse. Deux aigles enseignaient a leur pro- nouveau : il eutre comme element important dans les
ge"niture, deux jeunes aiglons, la manoeuvre du vol. Ils visions dont Dieu les favorise. Les Juifs captifs a Baby-
commencerent par s'elever du sommet de la montagne, lone y vireat les oeuvres de 1'art chaldeen, dans lesquelles
AIGLE 304
I'aigle occupait nne place considerable, soit qu'il fut peint dont il nourrit ses aiglons. Les aiglons ne sucent pas le
ou sculpte comme oiseau de proie, soit surtout qu'il figurat sang, mais le poete se sert d'une expression metaphorique
dans les representations symboliques cheres aux Orien- pour dire que I'aigle nourrit ses petits de la chair des ani-
taux, dans les bas-reliefs ou Ton voit des genies et des divi- maux encore saignants qu'il a pris a la chasse. Le dernier
nites a tete et a ailes d'aigle (Gg. 56), des taureaux et des vers: Partout ou sont des cadavres, il y est, depeint
lions avec une tete humaine et des ailes d'aigle, etc. Ces un spectacle qui n'est pas rare en Orient, et j'en ai ete
images des arts plastiques des Babyloniens entrent alors temoin au-dessus du lac de Tiberiade, ou une multitude
dans les livres sacres. Ezechiel nous montre ses cherubins d'oiseaux de proie devorait un mulct qui venait de suc-
ayant des ailes d'aigle, I, 10; x, 14; voir CHERUBINS; il comber a la fatigue. Aussi cette locution devint-elle une
nous decrit aussi, xvn, 3,7, deux grands aigles qui flgurent sorte de proverbe chez les Juifs; Notre-Seigneur 1'a cite
le roi de Babylone, Nabuchodonosor, et le roi d'Egypte. comme tel dans 1'Evangile. Matth., xxiv, 28; Luc., xvn, 37.
Daniel voit a son tour, vn, 4, un lion a ailes d'aigle II fournit cependant matiere a une difficulte. Beaucoup
(Vulgate : une lionne) qui represente egalement le roi de de commentateurs ont pense que, dans ces passages, il
Babylone. La similitude entre un aigle, le roi des airs, et ne s'agissait pas de I'aigle proprement dit, lequel, assure-
un roi de la terre est toute naturelle, et on la trouve dans t-on, ne se nourrit pas de cadavres; mais du vautour, qui
toutes les langues, en particulier dans Jeremie, parlant en fait sa pature. Le mot hebreu neSer, qu'on lit dans
de Nabuchodonosor, XLVIII, 40; XLIX, 22; mais chez les Job, et le mot grec aero?, qu'on lit dans les EvangHes,
57. Oiseaux de proie ddrorant les morts sur le champ de bataille. Bas-relief assyrien.
prophetes qui ont vecu en Chaldee, cet oiseau n'est plus s'appliquent, ajoutent-ils, au vautour aussi bien qu'a
seulement un terme de comparaison, il devient un em- I'aigle; les Latins eux-memes rangeaient certains vau-
bleme. tours parmi les aigles, Pline, H. N., x, 3; par conse-
Saint Jean, dans son Apocalypse, s'appropria, en les quent, des lors qu'on ne distinguait pas les especes, rien
modiflant selon les besoins, les images d'Ezechiel et de n'empdchait qu'on attribuat au genre entier ce qui ne
Daniel. Un des quatre animaux qu'il voit dans ses visions, convient reellement qu'a une partie du genre. Cette expli-
et qui est devenu son symbole comme evangeliste, est cation est admissible; toutefois les vautours ne sont pas
semblable a I'aigle. Apoc., iv, 7. Quand le quatrieme ange les seuls oiseaux qui mangent des corps morts, les aigles
a sonne de la trompette, un aigle crie dans le ciel: Mal- s'en nourrissent aussi, surtout quand les cadavres ne sont
heur, malheur, malheur aux habitants de la terre! Apoc., pas encore corrompus; ils ne chassent meme que lorsqu'ils
vm, 13. Enfin des ailes d'aigle sont donnees a la femme ne trouvent pas de proie deja morte. Les bas-reliefs assy-
qui enfante, afin qu'elle puisse s'envoler dans le desert, riens represented, volant au-dessus des champs de bataille,
et echapper au danger qui la poursuit. Apoc., xn, 14. des aigles qui se repaissent de la chair des soldats tues
En dehors de ces visions et de ces images, I'aigle est dans le combat (fig. 57). Voir W. Hough ton, The Birds
mentionne au sens propre dans le Levitique, xi, 13, et of the Assyrian monuments, dans les Transactions of
dans le Deuteronome, xiv, 12, ou il est enumere parmi the Society of Biblical Archaeology, t. vni, 1885, plate ir,
les animaux impure, qu'il est defendu de manger. Le livre vis-a-vis de la page 46. Cf. Layard, The Monuments of
de Job renferme une belle description de I'aigle, xxxix, Nineveh, serie i, pi. 14, 18, 20, 22, 26, 6i; serie 11, pi. 46.
27-30. Dieu demande a Job : S'il est douteux qu'il soit question du vautour dans le
Est-ce a ta voix que I'aigle prend son vol, proverbe cite par Notre-Seigneur, il est plus probable
Et qu'il construit son nid dans les hauteurs? qu'il s'agit de cet oiseau de proie dans un passage de
II habile dans les rochers, il y eiablit sa demeure, Michee, i, 16, ou il est dit: Deviens chauve comme le
Sur la pointe des rochers, dans des lieux inaccessibles. neser. Le prophete fait ici allusion a la coutume qu'a-
De la il guette sa proie, vaient les Juifs de se raser la tete en signe de deuil.
De loin son oeil la decouvre, Sa comparaison est plus exacte, si Ton traduit neser par
Ses petits sucent le sang;
Partout ou sont des cadavres, il y est. vautour, au lieu de le rendre par aigle. Beaucoup de
commentateurs ont pense que 1'ecrivain sacre voulait
Ces quelques vers relevent tous les traits les plus carac- parler de la mue de I'aigle, a 1'epoque du printemps;
teristiques de I'aigle : la puissance de son vol, la hauteur mais cet oiseau ne devient pas chauve, tandis que le
de son aire, au milieu des rochers les plus abruptes, la vautour (vultur fulvus) a la tete et le cou chauves, c'est-
penetration de son regard et son ardeur a saisir sa proie, a-dire sans plumes. Voir VAUTOUR.
305 AIGLE AIGUILLE 306
D'apres un certain nombre de commentateurs, la loi corps de sa victime, lorsque celle-ci est trop lourde pour
enumere parmi les animaux impurs, outre Faigle en qu'U puisse 1'enlever dans les airs.
general, deux especes particulieres de ces oiseaux de On trouve le pygargue dans toute 1'Europe et dans la
proie : le peres, qu'ils traduisent par orfraie (Septante : plus grande partie de 1'Asie. En chasse toute la journee
Ypu4>; Vulgate : gryps, griffon ), et le 'ozniydh, qu'ils sur les cotes ou les bords des fleuves, il passe la nuit
traduisent par aigle de mer (Septante: aXiaie?; Vulgate: dans les fore'ts, sur les rochers, ou dans de petites lies.
halissetus). Lev., xi, 13; Deut., xiv, 12. L'identification Son aire est composee a sa base de morceaux de bois de
du peres et du 'ozniydh est douteuse. Pour le premier, un metre trente a un metre soixante de longueur, et de
voir GRIFFON. Quant au second, c'est, d'apres quelques- la grosseur du bras; au-dessus sont des branches plus
uns, le circaete, dont nous avons parle plus haut. D'apres minces, formant un nid, tapisse de rameaux fins et de
d'autres, c'est le balbusard ou le pygargue. Voir AIGLE duvet. Les petits, au nombre de deux, trois ou quatre,
DE MER. sont nourris chaque jour de poissons, de lapins, d'ecu-
Dans la symbolique chretienne, 1'aigle est devenu, reuils, et mSme d'agneaux. La loi mosaique traite le
comme nous 1'avons deja remarque, 1'embleme de 1'evan- 'ozniydh comme tous les autres oiseaux de proie en le
geliste saint Jean, et 1'aigle a deux tetes, celui du pro- rangeant parmi les animaux impurs. F. VIGOUROUX.
phete Elisee, pour rappeler qu'il avait recu le double esprit
de Dieu. IV Reg., H, 9. F. VIGOUROUX. AIGUILLE, Vulgate: acus. Le mot latinacus de'signait
soit une epingle pour attacher, soit une aiguille
2. AIGLE DE MER, oiseau de proie qui, d'apres la tra- pour coudre; il est employe dans les deux sens par Ciceron,
duction des Septante, aXiousTO?, et d'apres la Vulgate, Pro Milone, 24; Celsus, vin, 16; Ovide, Metam., vi, 23.
1 Saint Jerome s'en est servi dans le sens d'epingle pour
les cheveux, dans la traduction d'lsa'ie, in, 22, ou le pro-
phete enumere les objets de toilette des femmes juives de
son epoque (fig. 59). Le mot rendu par acus dans la Vulgate
est, en hebreu, haritim. Comme le singulier heret signifie
un style, c'est-a-dire 1'instrument pointu et aigu dont se
servaient les anciens pour graver des lettres sur la pierre
ou sur le bois, Is., vin, 1, instrument dont la ressemblance
avec une epingle est frappante, on peut soutenir 1'exactitude
de la traduction de saint Jerome, comme 1'a fait Bochart,
Hieroz., 1.1, p. 334. Le plus grand nombre des commenta-
teurs modernes interpreter^ cependant haritim dans le sens
de bourse ou 1'on mettuit 1'argent, parce que ce mot a
incontestablement ce sens dans II (IV) Reg., v, 23 (ligavit
duo talenta argenti in duobus saccis, traduit saint Jerome).
Voir Rosenmiiller, Jesajx vaticinia, 3e edit., Leipzig, 1829,
t. i, p. 127-128; Gesenius, Thesaurus linguae hebrxse,
p. 519.
2 Acus est employe1 dans le sens d' aiguille dans le
Nouveau Testament, dans la celebre comparaison de Jesus-
58. Le pygargue ou aigle de mer. Christ : II est plus facile a un chameau de passer par le
i trou d'une aiguille (foramen acus) qu'a un riche d'entrer
haliseetus, correspond a 1'hebreu 'ozniydh, un des ani- dans le royaume des cieux. Matth., xix, 24; Marc., x, 25;
maux impurs que la loi de Moi'se interdit aux Hebreux Luc., xvin, 25. Le texte original, dans ces trois passages,
de manger. Lev., xi, 13; Deut., xiv, 12. Tous les exegetes porte : 8ta TpuurjiAotTo; p*;p;8o:, Matth., xix, 25; 8ta [T^C]
n'admettent pas 1'exactitude de la traduction du mot TpvjiaXta? [TTJ;] pa9t'8o?, Marc., x, 25; Luc., xvin, 25. Les
'ozniydh faite par les Septante et par saint Jerome, et aiguilles des anciens devaient ressembler a peu pres aux
plusieurs identiflent cet oiseau avec le circaete (circaetus
gallicus) ou le balbusard. Mais les traducteurs grecs et
la Vulgate latine ont pour eux la tradition ancienne des
Juifs, et leur interpretation est tres soutenable.
L'aigle de mer, appele aussi aigle p^cheur, a cause de
ses habitudes de pche, et pygargue, c'est-a-dire qui a 60. Alguflles ggyptiennes en bronze.
la croupe blanche, est un oiseau de proie a bee tres fort
et tres recourbe (fig. 58); son vol est plus lent et plus notres. Nous en donnons ici deux qui ont & trouvees en
lourd que celui de 1'aigle proprement dit. II ne s'eloigne Egypte (fig. 60). Elles sont reproduites d'apres Wilkinson,
guere des bords de la mer ou des cours d'eau, parce qu'il Popular account of the ancient Egyptians, t. n, p. 345.
fait sa nourriture des oiseaux aquatiques et des poissons. Leur longueur est de six a sept centimetres. On a con-
Le pygargue ordinaire a environ un metre de long et deux teste 1'exactitude de la traduction du proverbe rapporte"
metres soixante d'envergure. II fait une guerre acharnee par le divin Maitre. On a soutenu que xanTjXo? (qu'on
a tout ce qui Vit dans 1'eau et sur 1'eau. II poursuit les devrait lire xajjuXo;, diapres quelques - uns) veut dire
poissons jusque sous les ondes, et plonge en les pour- cable, grosse corde , et non pas chameau, et surtout
suivant. II enleve les oiseaux dans leur nid; il s'en prend que trou de 1'aiguille d^signe, non pas le trou de ce
meme aux renards et aux phoques, et son attaque est si petit instrument a coudre, mais une petite porte late"rale,
violente, qu'il lui arrive parfois de ne pouvoir degager placed a cot^ des grandes portes des villes, qu'on appelait
ses serres, tant elles out penetre proiondement dans le a trou de 1'aiguille , et par laquelle pouveient entrer les
307 AIGUILLE AIGUILLON 308
pietons, mais ou il tait impossible ou au moins tres diffi- je suis persuade que ceux qui verroient ces sortes Tinstru-
cile aux chameaux de passer. Ces interpretations sont inad- ments, les jugeront plus propres a faire une execution de
missibles. Le proverbe est exprime sans doute avec 1'em- cette nature qu'une epee. L'on s'en sert tpujours en ce
phase de 1'hyperbole orientale, mais 1'exageration s'explique pals la aussi bien que dans la Syrie. Je crois que c'est
plus naturellement qu'ailleurs dans, un proverbe. Ce qui parce qu'il n'y a qu'une personne a conduire les boeufs
confirme incontestablement la version ordinaire, c'estqu'on et a prendre soin de la charue, de sorte qu'il est neces-
lit une sentence analogue dans le Talmud, Berach., 55 b, saire qu'elle ait un instrument pareil pour servir a deux
avec cette seule difference que le chameau est remplace par usages.
un elephant. Dans le Koran, ch. vm, 38, nous trouvons Reste a savoir si 1'usage de tels aiguillons est ancien en
aussi le proverbe evangelique : Us n'entreront pas dans
le paradis tant qu'un chameau ne passera pas par le trou
d'une aiguille. Cf. Matth., xxm, 21, 1'expression egale-
ment hyperbolique: avaler un chameau. Notre-Seigneur
indique par ces paroles ladifficulte tres grande qu'eprouvent 62. Aiguillon actuellement employ^ en Palestine.
les riches a se detacher des biens de ce monde. Cf. Matth.,
xix, 21-23. Palestine, et s'il peut en effet expliquer le texte difficile
L'aiguille n'est pas nommee expressement dans 1'Ancien des Juges. Pour resoudre la question, examinons d'abord
Testament; mais, d'apres plusieurs commentateurs, il en les passages les plus clairs pour determiner ensuite plus
est question indirectement, parce que, d'apres eux, le par- facilement le sens des passages obscurs. Or 1 que 1'usage
ticipe present roqem, Exod., xxvi, 36; xxvn, 16; xxvin, 39; soit ancien en Palestine, c'est ce que montre Eccli., xxxvm,
xxxvi, 37; xxxvm, 18, signifle un ouvrier qui brode a 1'ai- 25, qui deja nous reporte au ine siecle avant notre ere.
guille, et le substantif riqmdh, Jud., v, 30; Ps. XLV (Vulg. La vue du fellah actuel, labourant, arme de son aiguillon,
XLIV), 15; Ezech., xvi, 10,13,18; xxvi, 16; xxvn, 16, une est le vivant commentaire de ce passage, si malmene dans
broderie faite a 1'aiguille. II est certain que la broderie nos traductions. Le Siracide explique que, pour acquerir
a 1'aiguille etait connue des Egyptiens, et devait 1'etre la sagesse, il faut des loisirs que ne laissent pas les tra-
aussi par consequent des Hebreux. Les Septante ont ainsi vaux manuels. Son Enumeration commence par le labou-
compris les passages cites, car ils traduisent: -rij uocxi^ta reur. Comment pourra-t-il devenir sage celui qui tient
TOO paipiSsuToO, Exod., xxvn, 16; xxxvm, 23. Cf.'Gesenius', la charrue et qui, fier de son baton a pointe, excite les
Thesaurus linguae hebraese, p. 1310. Gette explication parait bceufs?)) TIffoqpidhfiaeTai 6 xporcuv aporpou, xai XOCJXWIAEVO;
preferable a celle de Josephe, qui dit que la varied des Iv Sopatt xlvrpoy, (36a<; IXauvwv (dans la Vulgate, JL 25l)-26>
couleurs dans les rideaux du tabernacle etait produite au la coupure actuelle du verset rend la phrase inintelligible;
moyen d'un metier a tisser. Ant. jud., Ill, vi, 4. Voir BRO- il faudrait lire avec interrogation : Qua sapientia reple-
DERIE. L'Ancien Testament parle aussi de la couture, ce qui bitur qui tenet aratrum et qui gloriatur in jaculo stimulo
suppose egalement 1'usage des aiguilles. Voir COUTURE. boves agitat...? Elle a suivi la lefon de quelques ma-
F. VIGOUROUX. nuscrits grecs, tels que le Codex Alexandrinus: ev S6part
AIGUILLON designe : I. Le long et solide baton muni ylvipw). Nous sommes ramenes au meme usage par la
d'une pointe a son extremite, dont on se sert en certains phrase a tournure proverbiale: II t'est dur de regimber
pays, plutot que du fouet, pour conduire et exciter les contie 1'aiguillon, Ttpb; xev-rpa Xax-riSetv. Act., xxvi, 14
bceufs surtout en labourant. La Palestine etait autrefois (Act., ix, 5, ce meme membre de phrase se lit dans le
texle grec irdinaire et dans notre 'Vulgate; mais il ne
se trouve pas dans les anciens manuscrits, et peut n'etre
qu'une addition introduite pour conformer le texte au
passage parallele du chap. xxvi).
2 Les anciennes versions s'accordent a traduire par
aiguillon 1'hebreu dorbon, dans Eccle., XH, 11, ou les
paroles des sages sont comparees a des aiguillons (plu-
riel, dorbondf), sans doute parce qu'elles doivent s'en-
foncer dans 1'esprit des hommes et les stimuler (Sep-
tante : w; T* po-jxevrpa; Vulgate : sicut stimuli; 1'etymo-
logie de la racine DRB , d'apres 1'arabe et l'4thiopien,
61. Aiguillon 6gyptien. D'apres Wilkinson. confirme la signification de pointe, objet aigu). Dans
1 Sam., xin, 21, le seul autre passage ou se trouve 1'ex-
et est encore aujourd'hui un de ces pays. Les voyageurs pression dorbdn (avec terminaison differente : an au lieu
modernes 1'ont d'autant plus facilement remarque, qu'il deon), nous devons done traduire de meme, comme 1'a
y a disproportion etrange, d'une part, entre 1'attelage de fait saint Jerome. L'auteur peint la triste situation des
tres petite taille, la charrue rudimentaire, et d'autre part, Hebreux tellement asservis aux Philistins, qu'on ne leur
entre le grand aiguillon dont la main du laboureur est permet aucun travail sur le fer; ils doivent recourir a
armee. En 1697, un voyageur attentif, sir H. Maundrell, leurs oppresseurs pour reparer leurs instruments agricoles,
Voyage d'Alep a Jerusalem, edit, fr., Utrecht, 1705, meme pour appointer 1'aiguillon (avec 1'article, had-
p. 186-187, notait ainsi 1'observation qu'il avait faite, en dorbdn ; Vulgate : usque ad stimulum corrigendum. Les
allant de Jerusalem a Naplouse, dans sa premiere journee Septante, qui ont meconnu le sens general de toute la
de marche (15 avril) : La campagne etoit remplie de phrase, ont traduit par Spluavov, conduits sans doute par
gens qui labouroient la terre pour semer du coton. Nous 1'analogic de son : dorban = 8psuav-ov).
observances qu'en labourant ils se servoient d'aiguillons 3 Si les Philistins faisaient peser sur les Hebreux une
d'une grandeur extraordinaire. J'en mesurai plusieurs, qui telle contrainte, c'est qu'ils craignaient sans doute que 1'ai-
avoient environ huit pieds de long et six pouces de tour guillon ne devint une arme redoutable entre leurs mains.
au gros bout. Ils etoient armez au petit bout d'une pointe L'exploit de Samgar, arrive* quelque temps auparavant et
pour faire aller leurs boeufs, et a 1'autre d'une petite beche brievement raconte, Jud., HI, 31, expliquerait cette crainte.
ou ratissoire de fer, forte et massive pour oter de la cha- Ensuite fut Samgar, fils d'Anath, et il frappa les Philistins,
rue la claye qui I'empdche de travailler. Ne pourroit-on six cents hommes, avec un aiguillon a bceuf, be-malmad
pas conjecturer de cela que ce fut avec un instrument hab-bdqdr. La Vulgate rend toute la locution par un seul
pareil que Samgar fit le prodigieux massacre dont il est mot: vomere, avec un soc de charrue; 1'expression
fait mention au livre des Juges, chap, m, ? 31 ? Au moins hebraique malmad ne se rencontrant pas ailleurs dans
309 AIGUfLLON AIL 310
la Bible, le traducteur latin s'en est tenu, en 1'abregeant, pense saint Jean Chrysostome, In II Cor., t. LXI, col. 577,
a la version des Septante: Iv T<U apotpoitoSi TWV flowv. La ou une maladie, comme le croit saint Jerome, Comm. in
lecon >du Codex Alexandrinus et de quelques autres ma- Gal., t. xxvi, col. 381; Epist. xxn, t. XXH, col. 417, maladie
nuscrits suppose une maniere differente de lire 1'hebreu dont les crises etaient pour lui un sujet d'humiliation, et
qui merite d'etre notee: luaTxi-s... [EV TO> aporpoitoSt] ex-rbc meme une occasion d'epreuve pour les nouveaux convertis.
jioff^wv [flowv]; c'est une lecon mixte; les mots que nous Gal., iv, 13 (14). Mais 1'allusion est trop voilee et trop
avons places entre crochets represented la lecon ordinaire rapide pour qu'il soit possible de dire, malgre les efforts
(B, N, etc...), et EXTO; (i6<r/cii>v est une autre traduction de des interpretes, de quelle maladie il s'agit. J. THOMAS.
1'hebreu, qu'avait suivie 1'ancienne version latine telle
que 1'explique saint Augustin, Quxst. in Heptat., vn, 25, AIL, hebreu, Sum; Septante, ta axopSa; Vulgate,.
t. xxxiv, col. 801. Au lieu du mot rare bemalmad, ce tra- allia. L'ail ordinaire, allium sativum, a ete cultive de tout
ducteur grec lisait ia preposition milbad et traduisait: II temps. C'est une plante herbacee,
frappa les Philistins, six cents hommes, outre les jeunes bulbeuse, de la tribu des Hyacin-
bffiufs. Cette lecon, dans laquelle s'evanouit la fameuse thinees, de la famille des Liliacees
arme de Sarngar, ne parait etre qu'une tentative pour (fig. 63). Elle a une tige d'envi-
eviter un mot rare et obscur, mais qui doit etre maintenu; ron trente centimetres, garnie de
car, sans parler des Septante et de la Vulgate qui temoignent feuilles lineaires et planes, et se
centre milbad, le Targum a lu malmad et y a vu un ai- terminant par des fleurs d'un blanc
guillon; de meme, la version syriaque qui le traduit par sale, a etamines saillantes. Le
le meme mot dont elle s'est servie pour dorbdn dans I Sam., bulbe radical, qui est la seule
xin, 21. L'etymologie de malmad justifie cette traduction, partie comestible, est forme de
le verbe ini, Idmad, etant pris a certaines formes dans tuniques minces, blanches ou rou-
le sens de dresser une genisse ou un jeune boeuf. Cf. geatres, accompagnees en dessous
Osee, x, 11; Jer., xxxi, 17 (18). Le substantif malmad est d'autres petits bulbes, de forme
done ce qui sert a dresser, c'est-a-dire en Palestine pour presque ovoides. C'est ce qu'on
les bceufs, I'aiguillon; aussi le Targum d'Eccle., xn, 11, appelle les gousses d'ail . L'ail
paraphrase-t-il ainsi dorbdn : comme I'aiguillon qui croit spontanement en Egypte et
instruit le boeuf. D'apres une phrase de la Mischna, dans le midi de TEurope. II est
Kelim, ix, 6, cf. Gesenius, Thesaurus linguse hebrssss, tres estime et Ton en fait une
p. 349, les interpretes et les lexicographes juifs ont bien grande consommation, surtout
etabli le rapport qui existe entre les deux mots malmad comme assaisonnement, dans tous
et dorbdn: le premier designe tout 1'instrument d'apres les pays chauds. Son nom hebreu,
sa fonction, et le second plus specialement la pointe dont sum, parait tire de 1'odeur de Tail.
il est arrne. L'expression malmad doit done etre maintenue On croit que son nom latin et
dans Jud., HI, 31, avec le sens $ aiguillon, et 1'usage pales- francais se rattache a la racine
tinien d'aiguillons enormes et redoutables peut, comme celtique all, signifiantchaud, acre,
1'a bien vu Maundrell, servir de justification et de com- brulant, egalement par allusion
mentaire a ce passage. aux proprietes de la plante. On
II. Aiguillon designe encore dans la Bible le dard d'un sait, en effet, qu'elle a une odeur
animal; les sauterelles de 1'Apocalypse, ix, 10, sont armees forte et caracteristique, et un gout
d'aiguillons (xevrpa; Vulgate : aculei) a la queue, comme acre et piquant. L'acrete de 1'ail
le scorpion. C'est un aiguillon du meme genre que saint d'Egypte est moins grande que
Paul, d'apres les Septante, attribue a lamort. I Cor.,xv, 55; celle de Tail de nos contrees. C'est 63- All.
TOO dou OavatE TO xsvipov; Vulgate : ubi est, mors, sti- un excitant energique, et il stimule (Allium sativum.')
mulus tuus; mais dans Osee, xin, 14, qui est ici cite, 1'appetit.L'espece la plus commune
xlvrpov ne rend pas I1 hebreu i]3i3]3, qdtobkd, que la Vul- en Orient, et en particulier en Palestine, est celle que nous
appelons echalotte, allium Ascalonicum, parce qu'elle
gate traduit : morsus tuus, ta morsure, mais qui fut apportee d'Ascalon en Europe par les croises (fig. 6i).
signifie proprement fleau, maladie contagieuse . Les Par sa saveur, elle tient le milieu entre 1'ail ordinaire et
traducteurs grecs et latins n'ont pas fait une version 1'oignon.
litterale, ils se sont contentes d'exprimer le sens d'une L'ail n'est mentionne qu'une fois dans 1'Ecriture. Parmi
maniere generate. les productions de 1'Egypte que les Israelites regrettent
III. Enfin, aiguillon se lit aussi dans la Vulgate, II Cor., dans le desert du Sinai, les aulx sont nommes, Num.,
XII, 7, ou saint Paul dit : datus est mihi stimulus carnis xi, 5, avec les concombres, les melons, les porreaux et
mese. D'apres 1'interpretation courante de ce passage, sti- les oignons. Ils occupent la derniere place dans cette
mulus carnis mese, I'aiguillon de ma chair, serait pris enumeration. Fatigue de n'avoir d'autre nourriture que
au figure pour signifier 1'excitation de la concupiscence; la manne, le peuple murmure; il voudrait manger de la
mais dans le grec ni le mot traduit par stimulus, ni sur- viande; il voudrait aussi du poisson, comme il en avail
tout la tournure de la phrase : ISoOrj |j.oi <7xo)-o'J> TTJ aapxi, abondamment dans la vallee du Nil, et ces aliments rafrai-
ne justifient cette interpretation. Elle n'a du reste etc chissants, les concombres, les melons, qui ne sont pas
connue ni des anciens commentateurs grecs, ni meme moins apprecies dans les climats chauds que les porreaux,
des latins avant saint Gregoire le Grand. Le mot grec les oignons et les aulx. Nous savons par les auteurs pro-
ffxoXo^ ne se lit, dans le Nouveau Testament, que dans fanes que ces derniers, q_uoique peu nourrissants, servaient
ce passage; mais on le trouve usite chez les auteurs pro- d'aliment aux anciens Egyptiens. Herodote, II, cxxv, les
fanes, et il est plusieurs fois employe par les Septante mentionne parmi les provisions fournies aux ouvriers qui
dans la version de 1'Ancien Testament, Num., xxxiu, 55; eleverent la pyramide de Cheops. Les soldats, les mate-
Osee, n, 6; Ezech., xxvm, 24; Eccli., XLIII, 19 (21), avec lots grecs et remains, et les gens de la campagne, en.
le sens d' epine . Voir surtout Num., xxxm, 55, ou Italic et en Afrique, en faisaient une grande consomma-
les Chananeens epargnes doivent etre pour les Israelites, tion. Cf. Virgile, Ed., n, 11; Pline, H. N., xix, 32. II
hebreu : comme des epines dans les yeux; Septante : en est toujours dc meme en Orient. Nous avons vu les
(TXoXone? ev toTi; oqp6a^(i.oT?; Vulgate: clavi in oculis. Sous indigenes manger, en Egypte et en Syrie, des aulx coupes
1'image d'une epine enfoncee en sa chair, 1'Apotre de- en petits morceaux qui nageaient dans le vinaigre. C'est
signe ou les persecutions dont il etait victime, comme le peut-etre le plat que Booz donnait a ses moissonneurs.
311 AIL AILE 312
Ruth, n, 14. Ce qui est certain, c'est qu'il sert encore xxvii, 20; cf. Ezech., xvi, 8; Ruth, m, 9; 2 a I'extre"-
aujourd'hui, en Palestine, de nourriture aux ouvriers qui mite de la terre, Job, xxxvii, 3; xxxvm, 13; Is., xi, 12;
travaillent dans les champs. Dans les contrees ou souffle xxiv, 16; Ezech., vn, 2; 3 a une partie d'une armee
le simoon, on lui attribue une vertu particuliere. Les ou a une armee qui s'etend comme des ailes, Is., vill, 8;
des ailes e"ployees qui devaient avoir un sens symbolique, qui fond sur sa proie les ailes e'ploye'es. Jer., XLIX, 22;
entre autres celui de protection, comme on 1'admet pour Lam., iv, 19; Ezech., xvn, 3-7, 12; cf. Hab., i, 8. Le leo-
le disque solaire aile des Egyptiens, qu'on placait au-dessus pard a quatre ailes d'oiseau, Dan., vn, 6, figure Alexandre
des portes des temples afin de montrer qu'on y etait sous le Grand et la rapidite des conquStes macedoniennes.
la garde et la protection divine (fig. 68). Zacharie nous montre, v, 9, une femme placee dans un
7 Enfin le mot aile est employe avec une signification epha ou amphore soulevee dans les airs par deux autres
symbolique speciale dans les visions des prophetes et dans femmes qui ont des ailes de cigogne (Vulgate: de milan).
1'Apocalypse. Is., vi, 2; Ezech., I, 6, 8, 9, 11, 23, 24, 25; Les ailes qui leur sont donnees nous expliquent comment
m, 13; x, 5, 8, 12, 16, 19, 21; xi, 22; Dan., vn, 4, 6; elles peuvent voler; leurs ailes sont celles de la cigogne,
Zach., v, 9; Apoc., iv, 8; ix, 9; XH, 14. Les Seraphins parce que cet oiseau les a grandes et fortes, et que les
d'Isaie, vi, 2, ont six ailes, dont le prophete lui-meme femmes de la vision ont un poids tres lourd a porter.
nous explique 1'usage : avec deux ils couvraient leur Les six ailes des quatre animaux mysterieux dans 1'Apo-
face, afin de ne point voir la majeste de Dieu; avec calypse, iv, 8, rappellent celles des Seraphins d'Isaie et celles
deux ils couvraient leur corps, afin qu'il ne put pas etre des Cherubins d'Ezechiel. Les ailes des sauterelles symbo-
vu, comme le dit le Targum de Jonathan, et avec deux ils liques, ix, 9, leur sont naturellement attributes comme aux
volaient. * Voir SERAPHIM.Dans les Cherubins d'Ezechiel, sauterelles reelles; Joel, 11, 5, avait deja compare, comme
qui reunissent les formes symboliques des animaux les plus le fait ici saint Jean, le bruit que tont les armees de ces
315 AILE AIN 316
insectes a celui des chars de guerre. La femme qui sym= lement avec Khirbet Oumm er-Roumdmin, a trois heures
bolise 1'Eglise, xn, 14, a deux ailes d'un grand aigle pour au nord de Bersabee, sur la route de Beit-Djibrin (Eleu-
^chapper a son persecuteur et s'enfuir dans le desert ou theropolis).
elle est a 1'abri de sa rage. L'art chretien, s'inspirant C'est done dans les environs de 1'ancienne Rimmon
de ces visions des prophetes, represente les anges avec qu'il faut chercher Ain. Or, suivant quelques critiques,
deux ailes, pour exprimer la rapidite avec laquelle ces 1'emplacement en serait marque par un puits antique, tres
rnessagers celestes executent les ordres de Dieu. C'est sans frequente des Bedouins, et situe a une demi-heure au sud
doute une raison esthetique qui ne leur fait donner que de la ville actuelle. Robinson avait d'abord cru la retrouver
deux ailes, quoique les Seraphins et les Cherubins en bien plus a 1'est, dans les mines de Ghuwein (Rhouein
ussent davantage. F. VIGOUROUX. ech-Charkieh ou Rhoueln er-Rharbieh), dbnt le nom
est un diminutif correspondant a 1'hebreu 'Ain. Biblicnl
1. AIN, hebreu: j7, 'ayin, mot qui signifie source . Researches in Palestine, l re edit., 1841, t. n, p. 625,
II entre dans la composition d'un certain nombre de noms note 2. Mais plus tard, 2e edit., 1856, t. 11, p. 204, note 1,
de lieux tirant leur denomination des eaux qui y pre- il identifie ces ruines avec Anim de Juda, Jos., xv, 50,
naient naissance. Rarement le mot Ain est employe tout en reconnaissant que le nom arabe correspond mieux
tout court, comme Jos., xix, 7; xxi, 16 (et xv, 32, ou la a Fhebreu 'Ain; et, en eflet, la premiere lettre ain, etant
"Vulgate ecrit Aen, au lieu d'AIn), pour designer une ville remplacee par le ghain (r grasseye), comme dans Gaza
de Simeon; comme Num., xxxiv, 11 (Vulgate: fontem (hebreu : 'Azza; arabe : Ghazzeh ou Rhazzeh),les autres
Daphnim, le mot Daphnim est ajoute au texte ori- sont semblables. M. Victor Guerin avoue qu'il est permis de
ginal), pour designer une locality de la Palestine septen- choisir, pour 1'identification de Rhouein, entre ces trois
trionale (une source du Jourdain ou une autre source villes : Aroer, Ain et Anim, bien que sa preference se
celebre, d'apres divers commentateurs); comme proba- porte sur la premiere. Description de la Palestine, Judee,
blement ^jinon, AIvwv, Joa., HI, 23, qui semble etre un t. HI, p. 193. II nous est difficile cependant de voir comme
adjectif, Ji3>y, 'enon, deriv4 de 'ayin, et signifier un lieu lui une corruption de I'hebreu 'Aro'er dans la denomi-
abondant en sources . Ordinairement le mot 'ayin est suivi nation arabe de Rhouein. Nous croyons en somme que,
d'un autre qui le complete et le precise. Comme 1'ortho- si cette derniere localite ne marque pas 1'emplacement
graphe de notre Vulgate a altere la forme primitive, nous certain d'A'ih, il faut le chercher non loin de la, dans
donnons ici remuneration des noms geographiques qui certaines limites indiquees d'un cote par Rimmon (Khirbet
commencent par 'ayin, en les faisant suivre de la trans- Oumm er-Roumdmin), et les villes sacerdotales de Jether
cription adoptee par notre Bible latine : 1 'En Gedi ('ayin (Khirbet 'Attir) et Esthemo (Semou'a). Jos., xxi, 14.
devient 'en, parce qu'il est a 1'etat construit), dans le desert Voir ANIM. A. LEGENDRE.
de Juda; Engaddi. 2 'En-gannim, ville de Juda;
jEngannim. 3 'En-gannim, ville d'Issachar; Engan- 3. A!N (hebreu : Id'dyin, avec la preposition et 1'article;
nitn. 4 'En Dor, ville de Manasse; Endor. 5 'En Septante : ercl i^ya;, aux sources; Vulgate : contra
Hadddh, ville d'Issachar; Enhadda. 6 'En Hdsor, ville fontem Daphnim), endroit mentionne par Moise, Num.,
de Nephthali; Enhasor. 7 'En Ifarod, pres du mont xxxiv, 11, comme formant une des limites orientales de
Gelboe (peut-etre un simple nom de source, non de loca- la Terre Sainte. Plusieurs anciens manuscrits de la Vul-
lite) ; fontem Harad. 8 'En Mispdt, la meme ville que gate omettent le mot Daphnim, qui ri'est sans doute
Cades; fontem Misphat. 9 'En 'Eglaim, ville au nord qu'une glose empruntee aux commentaires de saint Je-
de la mer Morte; Engallim. 10 'En Semes, sur la rome. Le saint docteur, en eftet, identifiant Rebla, Num.,
limite des tribus de Juda et de Benjamin; Fans Solis, xxxiv, 11, avec Antioche de Syrie, en conclut que la
Ensemes. Voir aussi Enaim. Outre ces noms de lieux, fontaine indiquee ici est celle de Daphne, dans le ce-
quelques sources ont aussi un nom propre dans 1'Ancien lebre bois sacre qui etait aux portes de la grande cite.
Testament:|1 'EnR6gel, pres de Jerusalem; Fons Rogel. Comment, in Ezech., t. xxv, col. 478. Ce qui etait donne
2 'En Tannim, egalement pres de Jerusalem; Fons. comme une simple explication aura ete plus tard inter-
Draconis. 3 'En Tapuah, fontaine de la ville de Taphua; pole dans le texte par quelque copiste. Cf. C. Vercellone,
Fons Taphuae, etc. Voir, a leur place respective, selon Varix lectiones Vulgatse latinse, Rome, 1860,1.1, p. 475.
1'orthographe de la Vulgate, chacun de ces noms propres. D'ailleurs 1'identification proposee par saint Jerome est
absolument inadmissible, car les frontieres de la Terre
2. A?H (hebreu : 'Ayin; Septante : "Hv, I Par., iv, 32; Sainte ne se sont jamais etendues si loin.
Vulgate : Aen, Jos., xv, 32; I Par., iv,32; Ain, Jos., xix, 7; L'emplacement d'Ain est d'autant plus difficile a fixer,
xxi, 16), ville meridionale de la tribu de Juda, Jos., xv, 32; que les noms qui precedent, jK 9, 10, presentent eux-
attribuee plus tard a celle de Simeon, Jos., xix, 7; I Par., memes une assez grande obscurite. Get endroit semble
iv, 32; et donnee aux enfants d'Aaron, Jos., xxi, 16 (dans la appele dans le texte a determiner la position de Rebla,
liste des villes levitiques, I Par., vi, 59, on trouve Asan au qui se trouvait a 1'orient . Mais s'agit-il bien ici de
lieu de 'Ayin). Le texte original du second livre d'Esdras, la ville identifiee avec une localite du meme nom, Ribleh,
XI, 29, joint Ain a Rimmon, qui, dans tous les autres pas- situee sur la rive orientale de 1'Oronte, a une certaine
sages (excepte Jos., xxi, 16), suit immediatement, deux distance au-dessus de Horns? Cf. Robinson, Biblical
fois meme sans le vav conjonctif, Jos., xix, 7; I Par., Researches in Palestine, Londres, 1856, t. in, p. 542-546;
iv, 32; il en forme ainsi un mot compose, 'En-Rimmon. J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855,
Les Septante ont fait de meme dans d'autres endroits en t. ii, p. 335-336. S'il en eiait ainsi, Ain serait, suivant
traduisant: 'EpwtwiO, Jos., xv, 32; 'EpE|x(Awv, Jos., xix, 7, plusieurs auteurs, Ain el-Asi, une des principales sources
contraction evidente de 'En-Rimmon. D'ailleurs ce mot de 1'Oronte, a quatre ou cinq lieues au sud-ouest de
'Ain, a 1'etat construit 'En, est souvent uni a d'autres Ribleh. Cette hypothese, il faut le dire, souleve plusieurs
noms, et indique quelque fontaine remarquable, situee dans objections. Et d'abord, la situation de Ribleh ne parait
le lieu ainsi determine ou dans le voisinage, par exemple, guere s'accorder avec 1'ensemble des limites decrites Num.,
Engaddi, Jos., xv, 62; Engannim, Jos., xix, 21; Endor, xxxiv, 9-11: c'est porter bien haut le territoire des neuf
Jos., xvii, 11, etc. Cette union des deux mots a fait supposer tribus et demie qui se partagerent 1'occident de la Terre
a certains auteurs que les deux localites etaient si rappro- Promise. Num., xxxrv, 13. Et puis, quoique 1'auteur sacre
chees 1'une de 1'antre, qu'elles ont fini, dans la suite des trace a grands traits cette delimitation orientale, il y a
temps, par n'en plus former qu'une seule. Quoi qu'il en une fameuse lacune de ce point au lac de Cenereth ou de
soit, nous pouvons approximativement determiner la posi- Genesareth, qui vient immediatement apres. Enfin la dis-
tion d'AIn d'apres ce,lle de Rimmon, qu'on identifie genera- tance d'Ain el-Asi a Ribleh, et la direction, qui est plutot
317 AIN AINESSE (DROIT D') 318
celle du nord-est que celle de Test, ajoutent bien quelque cait sur elles. Bartenora, a 1'endroit cite de la Mischna;
chose a la difficulte. Aussi certains critiques, frappes de Selden, De successionibus ad leges Hebraeorum, Franc-
voir 1'article devant Riblah, hariblah, croient ici une fort-sur-rOder, 1673, p. 25-26. D'autre part, s'il s'agissait
lecon defectueuse, et pretendent qu'on peut lire : Har d'immeubles, on faisait en sorte que les deux parts, de 1'aine
Belah; ce qui semble confirme par la version des Sep- fussent, non pas separees, mais continues, afin qu'elles
tante : anb 2eir<pa[tap Byj^a, pour arco Ssuqxxfj., de Se- eussent plus de valeur. Selden, loc..cit. La double part
pham, ap BrjXa, a la montagne de Bel. Cette mon- est restee celebre dans tout I'Ahcien et meme dans le
tagne serait alors le Har-Baal-Herman, dont parle le Nouveau Testament; elle fut meme employee dans un
livre des Juges, in, 3, c'est-a-dire le pic de 1'Hermon, sens metaphorique, pour signifier une part abondante .
qui mieux que tout autre point formait une marque natu- Ainsi Elisee demande a Elie une double part, pi senayim,
relle de frontiere. Cf. Trochon, La Sainte Bible, les de son esprit. IV Reg., n, 9. Saint Paul veut qu'on accorde
Nombres et le Deuteronome, ire part., Paris, 1887, p. 194. aux ministres bien meritants une double part des hono-
Dans ce cas, Am indiquerait une des sources du Jourdain. raires, 6t^? TI^TJ:. I Tim., v, 17.
A. LEGENDRE. 2 La dignite sacerdotale. Avant la loi de Moise, qui
AINESSE (DROIT D'). Le mot aine ou premier- reserva a la tribu de Levi les fonctions sacerdotales, ces
n s'entend, dans 1'Ecriture, dans deux sens differents. fonctions,, en regie generate, appartenaient aux aines des
Tantot il signifie le premier enfant d'une femme, sans families; c'etait la une de leurs prerogatives. Quelques au-
qu'on se demande d'ailleurs si le pere de cet enfant en a teurs ont nie ce fait, comme Vitringa, Observationes sacrse,
eu d'autres avant lui; ce premier-ne est Fobjet de pres- lena, 1723, II, n; Leclerc, In Gen., xxv, 31, Amsterdam,
criptions particulieres, qui concernent surtout sa conse- 1710, p. 198-199; Spencer, De legibus Hebraeorum ritua-
cration a Dieu et son rachat; tantot ce mot signifie le pre- libus, la Haye,1686,1,vi,p. 115-117; Goeree, La republique
mier enfant male qui nait a un homme, quand meme ce des Hebreux, Amsterdam, 1713, traduction de Basnage,
ne serait pas le premier enfant de sa femme, qu'il peut t. in, p. 1-6. Rosenmuller semble avoir varie sur ce point: In
avoir epousee en secondes noces; que s'il a plusieurs Gen., XLIX, 3, et In Exod., xni, 2, il est favorable a 1'opinion
femmes, comme cela etait permis chez les Hebreux, c'est affirmative; au contraire, In Gen., xxv, 31, et In Exod.,
le premier enfant qui lui nait, quand meme ce serait de xrx, 22, il est plutot favorable a 1'opinion contraire. Nous
sa seconde ou troisieme femme. C'est ce premier-ne regardons comme beaucoup plus probable 1'opinion qui
seul qui jouit du droit d'ainesse, et qui fait 1'objet du reconnait aux aines la prerogative dont il s'agit. Sans doute
present article. Pour tout ce qui concerne le premier-ne aucun texte scripturaire, clair et formel, ne la prouve direc-
dans 1'autre sens de ce mot, voir PREMIER-NE. L'existence tement. Mais: 1 elle est fondee sur deux textes de 1'Exode,
du droit d'ainesse chez les Hebreux est constatee par combines avec 1'interpretation qu'en donnent les plus an-
1'histoire de Jacob et d'Esau. Gen., xxv, 31-34; xxvii, 36. tiques versions. Dans Exod., xix, 22, 24, et par consequent
Ce droit est appele mispat habbekordh, droit de la pri- avant la loi mosaique, il est question de pretres, kohanim,
mogeniture, Deut., xxi, 17, ou simplement, par ellipse, tout a fait distincts de la masse du peuple. Qui sont ces
bekordh, primogeniture, ainesse. Gen., xxv, 31, 34 pretres? Le texte sacre nous le dit un peu plus loin, Exod.,
(Septante : TOC TipwTOToxta; Vulgate : primogenita). xxiv, 5: Et il [Mo'ise] envoya des jeunes gens, ne'arim,
I. En quoi consistait le droit d'ainesse. Le droit d'entre les enfants d'Israel, et ils offrirent des holocaustes,
d'ainesse comprenait plusieurs privileges ou droits spe- et ils immolerent des victimes pacifiques. Voila bien les
ciaux : 1 Le droit d'avoir deux parts dans Vheritage pretres exercant les fonctions de sacrificateurs. Or les plus
paternel. Un texte celebre du Deuteronome contient en antiques versions ou paraphrases traduisentjeunes gens
abrege tout ce que nous avons a dire sur ce point: Si par premiers-nes d'Israel . Ainsi traduisent le Targum
un homme, ayant deux femmes, aime 1'une d'elles et d'Onkelos, du ier siecle, le Targum du pseudo-Jonathan,
dedaigne 1'autre, et que, ces deux femmes ayant eu des le Targum de Jerusalem, la version arabe de Saadia, la
enfants de lui, le fils de celle qu'il dedaigne soit le premier- traduction persane du Pentateuque. 2 Cette opinion est
ne, lorsqu'il voudra partager son heritage entre ses enfants, fondee sur la tradition juive, qui sur ce point est unanime
il ne pourra pas declarer premier-ne le fils de celle qu'il et constante. La Mischna est formelle: dans le traite Zeba-
aime; mais il devra reconnaitre comme tel celui qui Test rim, xiv, 4, edit. Surenhusius, part, v, p. 58, elle enseigne
reellement, et il lui donnera une double part dans tous qu'avant que le tabernacle fut construit, 1'oblation des
les biens qui se trouveront chez lui, parce qu'il est le sacrifices etait faite par les premiers-nes; mais qu'apres la
premier fruit de sa force, et qu'ainsi le droit d'ainesse lui construction du tabernacle, les fonctions du culte furent
appartient. Deut., xxi, 15-17. Tel est le texte unique, dans reservees aux levites. C'est encore ce qu'on lit dans le
la Bible, qui parle explicitement de la double part appar- Bereschit Rabba, f. 71 a. Aussi les commentateurs juifs
tenant a 1'aine; mais, on le voit, Moise ne cree pas ce n'hesitent pas dans leur enseignement sur ce point. Raschi
droit; il le suppose, au contraire, en pleine vigueur. Toute (ou Jarchi), In Exod., xxiv, 5; Aben-Ezra, au meme en-
la tradition juive est unanime sur ce point. Mischna, traite droit; Bechai, In Gen., xux, 3; Bartenora et Maimonide
Bekorot, vin, 9, edit. Surenhusius, part, v, p. 185; voir dans leurs commentaires sur la Mischna, a 1'endroit cite
les commentaires de Bartenora et de Maimonide sur ce du traite Zebarim, soutiennent, sans aucune mention de
passage, ibidem. Cette double part est appelee pi senayim, controverse, la dignite sacerdotale des premiers-nes, et
litteralement part de deux . Les rabbins ont soin de presentent leur sentiment comme une tradition constante
nous dire comment on la determinait; on divisait 1'heri- dans leur nation. Au xvne siecle, le rabbin Manasses a
tage en autant de parts, plus une, qu'il y avait d'enfants resumS de nouveau cette tradition dans son Conciliator,
aptes a succeder; chaque enfant avait une part, et 1'aine Amsterdam, 1633, In Exod., q. 29. 3 Ala tradition juive
en avait deux. D'apres le texte cite du Deuteronome, la se joint la tradition chretienne. Un nouvel argument a
double part etait prise a sur les biens qui se trouvaient confirme dans leur opinion les interpretes Chretiens. Saint
chez le pere au moment de sa mort ; les rabbins ont Paul, Heb., xu, 16, appelle Esau un profane, pl6v)Xoc, pour
interprete strictement ces paroles: ainsi 1'aine n'avait pas avoir vendu son droit d'ainesse. Ce mot signifie violateur
de droit special sur les biens maternels, ni sur les biens ou profanateur d'une chose sacree. Or le droit d'ainesse
qui pouvaient accroitre la succession du pere apres la mort ne pouvait etre sacre que parce qu'il renfermait la pre-
de celui-ci et avant la division, par exemple, les biens du rogative du sacerdoce; sans cela Esau aurait ete un pro-
grand-pere; il n'avait sur ces biens qu'une seule part, digue, un imprudent, mais pas un sacrilege. Saint Jerome
comme ses freres; quant aux creances recouvrees apres reconnait cette prerogative aux premiers-nes des Hebreux,
la mort du pere, il y a controverse entre les interpretes et donne son interpretation comme reposant sur la tradi-
sur la question de savoir si le droit special de 1'aine s'exer- tion juive, Epist. LXXIII ad Evangelium, t. xxn, col. 680;
319 AlNESSE (DROIT D') 320
Quaest. Hebraicse in Gen., xxvn, 15, t. xxin, col. 980, et Cf. Michaelis, Mosaisches Recht, 84, t. n, p. 110. Cette
aussi dans 1'opuscule De benedictionibus Jacob patriar- soumission des freres a leur ain est exprimee d'une ma-
chsR, qui a ete sinon ecrit par saint Jerome, au moins extrait niere frappante par ces paroles d'Isaac a celui qu'il croyait
litteralement de ses ecrits, t. xxin, col. 1309. Saint Jerome son premier-ne, et qu'il benissait comme tel: Sois le
a ete suivi par la foule des commentateurs Chretiens et des maitre (gebir) de tes freres, et que les enfants de ta mere
auteurs qui ont ecrit sur 1'etat de la religion chez les Juifs: s'abaissent profondement devant toi. Gen., xxvn, 29. Cf.
Bertramus, De republica Hebrasorum, Leyde, 1641, xxv, 23. Voila pourquoi Jacob, sur son lit de mort, disait
p. 28-29; Menochius, De rep. Heb., Paris, 1648, II, v, 1; a Ruben, qu'il declarait dechu de son droit d'ainesse :
V, ix, 5; Buddeus, Historia Veteris Testament, Halle, Ruben, toi, mon premier-ne, et le premier fruit de ma
1744, t. i, p. 246, 311 et suiv.; Jahn, Archazologia biblica, force, tu etais le premier par la dignite, le premier par la
164; Selden, De successionibus ad leges Hebraeorum, puissance, etc. Rosenmiiller, In Gen., XLIX, 3. Cf. Meno-
Francfort-sur-1'Oder, 1673, p. 22-23,100-101; Cajetanus, chius, De republica Hebrseorum, V, ix, 5, p. 480; Hei-
In Exod., xix, 22, et In Heb., xn, 16; Cornelius a Lapide, degger, Historia Patriarcharum, t. i, Exerc. i, p. 15-16;
In Gen., xxv, 31; In Exod., xxiv, 5, et In Hebr., xn, 16; Jahn, Archseologia biblica, 164, dans Migne, Cursus
Delrio, quoique avec un peu d'hesitation, In Gen., xxv, 31; completus Scriptures Sacrse, t. n, col. 926
Ugolini, Sacerdotium hebraicum, i, dans son Thesaurus Les trois privileges que nous venons de signaler etaient
antiquitatum sacrarum, Venise, 1752, t. xm, p. 136-141; generaux, c'est-a-dire appartenaient a tous les aines; dans
Saubert, De sacerdotibus Hebrasorum,-\^ i, dans Ugolini, certains cas, ils avaient des privileges speciaux tres impor-
Thesaurus, t. xn, p. 1-2; Krumbholtz, Sacerdotium tants. Ainsi le roi avait pour successeur son fils aine, II Par.,
hebraicum, I, dans Ugolini, Thesaurus, p. 83; Heidegger, xxi, 3; Cf. Schickard, Jus regium Hebrasorum t Leipzig,
Historia Patriarcharum, Zurich, 1729,1.1, Exerc. i, p. 16; 1674, p. 444-445, a moins qu'une circonstance exception-
S. Thomas, 1*2*, q. 103, art. i, ad 3. Ces auteurs ont ete nelle ne donnat lieu a une disposition differente, comme
precedes ou suivis par beaucoup d'autres; voir Critici il est arrive a Salomon, qui succeda a David, quoiqu'il ne
sacri, Amsterdam, 1698,1.1, In Exod., xix, 22, et xxiv, 5, fut pas son fils aine, III Reg., i; c'etait le fils aine du grand
et t. vii, In Hebr., xn, 16. On le voit, la tradition juive et pretre qui le remplacait dans ses fonctions, Boldich, Pon-
la tradition chretienne sont, sur le point qui nous occupe, tifex maximus Hebraeorum, dans Ugolini, Thesaurus,
assez unanimes et assez fondees pour que nous puissions t. xn, p. 127. II en etait de meme de toutes les autres fonc-
negliger les quelques centradicteurs que nous avons si- tions ou dignites; apres la mort du pere, c'etait le fils aine
gnales, sans toutefois pretendre que le sentiment que nous qui en etait revetu. Maimonide, Halach. Melakim, I, vn,
soutenons soit tout a fait certain. Du reste nous affirmons traduction de Leydekker, Rotterdam, 1699, p. 9. Signalons
seulement la regie generale, et nous admettons volontiers le privilege par excellence chez les Hebreux: c'etait 1'aine
que, soit par une intervention particuliere de la Provi- qui, dans la race royale de David, descendant de Juda,
dence, soit par une disposition speciale de 1'autorite pu- succedait a son pere dans la promesse d'etre ancetre du
blique, il y ait eu avant la loi d'autres pretres que les pre- Messie ; cf. Heidegger, Historia Patriarcharum, t. n,
miers-nes, comme, par exemple, Abel et Moise, qu'on Exerc. xn, p. 233. Voila pourquoi les Hebreux ont employe
reconnait assez generalement avoir exerce les fonctions du le mot premier-ne , pour signifier une dignite eminente,
sacerdoce. Signalons en passant les opinions de plusieurs ou simplement le superlatif. Jesus-Christ est appele le
rationalistes contemporains, qui pretendent non seulement premier-ne de toutes les creatures , parce que, par sa
que les premiers-nes n'etaient pas pretres a 1'exclusion divinite, il est superieur a toutes, Col., i, 15; une maladie
desautres, mais que meme, chez les Israelites, jusqu'a la terrible est appelee le premier-ne de la mort , Job,
fin des Juges, chacun eta t pretre comme et quand il vou- XVHI, 13. Cf. Is., xiv, 30; Gesenius, Thesaurus, p. 207.
lait, en sorte qu'il n'y avait sous ce rapport aucune dis- II. Raisons, translation, charges et autres particula-
tinction chez eux entre les laiques et les pretres ou rites du droit d'ainesse. 1" liaisons. II y en a deux
levites.Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte Israels, principales; la premiere nous est donnee par le texte sacre,
p. 149-150; Kuenen, The Religion of Israel, passim; Deut., xxi, 17: Parce qu'il est le premier fruit de sa force
Rob. Smith, The Old Testament in the Jewish Church, [de la force du pere], a lui revient le droit d'ainesse.
p. 435 et suiv. Comme cette erreur repose sur la non C'est la meme expression que nous avons vue, Gen.,
authenticity du Pentateuque, ce n'est pas le lieu de la XLIX, 3: Ruben, toi, le premier fruit de ma force. Le
refuter ici. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la cri- premier-ne est done la premiere manifestation et comme
tique rationaliste, 3e edit., t. in, p. 157-166. les premices de la force virile du pere; et c'est pourquoi,
3 Une certaine autorite quasi-paternelle sur les freres chez ce peuple surtout, et a une epoque ou les premices
puines. Tant que le pere de famille etait en vie, cette de chaque chose revetaient un caractere joyeux et sacre,
autorit^ du premier-n^ n'avait que peu d'exercice; elle le pere aimait beaucoup plus tendrement son aine que ses
consistait dans une espece de surveillance sur ses freres, autres enfants, le regardait comme un autre lui-meme,
dans une certaine direction imprimee a leur conduite sous et voulait se survivre en lui le plus completement possible
1'autorite du pere. C'est ce que nous voyons en action dans apres sa mort. Une seconde raison, c'est le maintien des
la famille de Jacob, ou Ruben, le premier-ne, dirige ses grandes families dans leur dignite et leur opulence; les
freres, leur donne des conseils, les reprimande, prend le patriarch.es Israelites eurent bientot remarque que la divi-
premier la parole, assume les responsabilites, etc. Gen., sion a 1'infini et 1'emiettement des proprietes sont 1'amoin-
xxxvii, 21-22, 30; XLII, 22, 37. L'aine a du reste partout drissement progressif, et bientot la ruine des families; pour
la premiere place, par exemple, a table, Gen., XLIII, 33, ecarter ce malheur, ils etablirent le droit d'ainesse restreint
et dans les genealogies, I Par., II, 1, etc. A la mort du que nous avons expose, et que Moise n'eut qu'a maintenir
pere, 1'aine a droit, de sa part, a une benediction speciale, dans son code. Tout le monde sait qu'en Angleterre et dans
qui lui est exclusivement propre, et qui assure et confirme plusieurs autres nations, la principale cause de la conser-
ses privileges. Des que le pere est mort, c'est le premier- vation des grandes families, c'est le droit d'ainesse absolu;
ne qui devient le chef de la famille, et ses freres sont les proprietes se transmettent intactes, indivisibles, et ainsi
soumis a son autorite, ceux surtout qui continuent a habiter assurent aux chefs de famille une puissance qui ne peut
dans la maison paternelle. Voila pourquoi, dans les tables que s'accroitre. P. Viollet, Precis de I'histoire du droit
genealogiques du premier livre des Paralipomenes, le francais, Paris, 1886, p. 225,723. Quelques auteurs ajoutent
premier-ne est souvent appe!6 le chef, ro's, princeps, de une troisieme raison : les aines etaient les types de Jesus-
la maison; et 1'auteur de ce livre signale comme un fait Christ, qui est le premier-ne par excellence. Ps. LXXXVHI
'extraordinaire qu'un pere ait etabli a chef un de ses (heb. LXXXIX), 28; Heb., i, 6. Jesus-Christ a toutes les
enfants qui n'etait pas le premier-ne. I Par., xxvi, 10. prerogatives que nous avons signalees; il a le sacerdoce,
321 AINESSE (DROIT D') AIR
et m&ne le sacerdoce supreme, Heb., v, 5-10; vn,-1-27; exemple bien connu de cession dn droit d'ainesse par
vui, 1-3; x, 12,14, etc.; il a 1'heritage des nations, Ps. n, 8; contrat priv4; tous les interpretes font remarquer que ce
de toutes choses, Heb., i, 2; surtout de la gloire celeste, contrat fut illicite de la part d'Esau; mais plusieurs ajoutent
Rom., VIH, 17-18; il a 1'autorite, meme royale, Ps. u, 6; qu'il etait par lui-meme invalide, et que, si le droit d'ai-
Joa., xvni, 37, etc. C'est pourquoi les aines, figures de Jesus- nesse d'Esau fut reellement transfer^ a Jacob, c'est bien
Christ, ont reuni sur leur tete tous ces privileges au degre moins en vertu de ce contrat que par suite d'une dispo-
qui leur etait possible. Heidegger, Hist. Patriarch., 1.1, sition libre de la volonte divine. Gen., xxv, 22-23. Cf. Hei-
Exerc. I, n 31, p. 17, 18; Zepper, Leges mosaics forenses, degger, Historia Patriarchantm, t. n, Exerc. xn, p. 233.
Herborn, 1714, p. 32. Quoi qu'il en soit de cette raison S. MANY.
mystique, il est certain que les auteurs sacres, en repre- AINSWORTH Henri, the"ologien anglais, mort en
sentant Jesus-Christ comme le premier-ne par excellence, Hollande vers 1623. II est connu par un ouvrage plein
parlaient un langage tres bien approprie a leurs lecteurs, d'erudition, Annotations on the five books of Moses, the
et tres apte a leur faire comprendre la dignite supreme Psalms and the Song of Solomon. La meilleure edition
de celui qu'ils leur annoncaient. est celle de Londres, in-f, 1639. Outre les notes, on y
2 Translation. Avant la loi de Moise, le pere de famille trouve une traduction litterale de tous les livres mentionnes
avail le pouvoir, pour des raisons graves, de transporter dans le titre; elle a le defaut d'etre trop servile. Le com-
le droit d'ainesse de son premier-ne a un autre fils. Isaac mentaire a de la valeur, a cause de la connaissance pro-
transfera ce droit d'Esau a Jacob, son frere jumeau. Sans fonde que 1'auteur avail des Ecritures et de la litlerature
doute il le fit d'abord par erreur, mais lorsqu'il eut reconnu juive. II a ete resume dans la Synopsis Crilicorum de
sa meprise, et qu'il aurait pu la retracter, il ne le fit pas, Matthew Poole. Voir POOLE.
malgre les vives instances d'Esaii, et confirma ainsi, le vou-
lant et le sachant, ce qu'il avait fait inconsciemment. Jacob, AION. C'est ainsi que la Vulgate ecrit, IV Reg., xv, 29,
a cause du crime quavait commis Ruben, son premier-ne, le nom de la ville de Nephthali qui esl ecril ailleurs
Gen., xxxv, 22, lui enleva son droit d'ainesse et le transporta Ahion. Voir AHION.
en partie a Joseph, Gen., XLIX, 3-4,22,26; en effet, celui-ci,
lors du partage de la Terre Promise, qui etait 1'heritage AIR, fluide invisible, transparent, compose d'azote
d'Isaac et de Jacob, recut dans la personne de ses descen- et d'oxygene, qui forme autour de la terre une couche
dants deux parts, attributes a ses deux fils, Ephraim et appelee atmosphere. 1 II n'y a pas de mot, dans la
Manasse. Cf. I Par., v, 1-2. Remarquons, a cette occasion, Biblehebraique, qui corresponde exactementau mot air.
une singularite: en transferant ce droit d'ainesse, Jacob le La Vulgate s'est servie plusieurs fois du mot aer, air,
dedoubla; il donna la double part a Joseph, comme nous dans 1'Ancien Testament. Num., xi, 31, elle dit que les
venons de le dire, et la preeminence avec la promesse du cailles miraculeusement envoyees aux Israelites dans le
Messie a Juda. Gen., XLIX, 8-12. Les rabbins ajoutent qu'il desert du Sinai volaient dans 1'air a deux coudees de
donna le sacerdoce a Levi; mais ce point n'est pas prouve; hauteur . Les mots volaient dans 1'air sonl ajoutes
ce n'est que plus tard que la tribu de Levi fut exclusi- par saint Jerome, qui interprete ainsi le texte, landis que
vement appliquee aux fonctions du culte. Ce pouvoir de d'autres commentateurs pensent plus naturellement que les
transferer le droit d'ainesse, qu'avaient les peres de famille cailles tombees dans le camp etaient, d'apres 1'original, si
avant la loi, fut supprime par Mo'ise. Deut., xxi, 17. On abondantes, qu'en certains endroits elles atteignaient deux
en comprend la raison. Si 1'exercice de ce droit paternel coudees de hauteur. Voir Keil, Pentateuch., trad. Martin,
etait dans certains cas, comme ceux d'Isaac et de Jacob, t. in, p. 73. Deut., XXVHI, 22, un des fleaux enumeres
tres legitime, et meme voulu de Dieu, on ne peut nier par Mo'ise est appele : aer corruptus. En hebreu, on lit:
cependant que ce pouvoir ne fiit 1'occasion de beaucoup de Sidddfon, mot qui designe .la rouille des bles, produite
troubles dans la famille; 1'aine pouvait craindre cons- par le vent brulant de 1'est. Gen., XLI, 23. Saint Jerome
tamment que le fils d'une autre femme ne lui fiit prefere, lui-meme a rendu ailleurs, II Par., vi, 28, Sidddfon par
et que celle-ci ne mit tout en oeuvre aupres du pere pour &rugo, rouille. III Reg., vm, 37, dans le passage
obtenir une translation tant desiree. Voila pourquoi Moise parallele a II Par., vi, 28, aer corruptus repond de nou-
supprima ce droit. Michaelis, Mosaisches Recht, 79, veau a Sidddfon. (Le mot aerugo, qui se lit dans le meme
t. ii, p. 86. verset, traduit 1'original hasil, espece de sauterelle, appelee
3 Charges. L'aine avait des privileges, il avait aussi des par les Septante : ppoCr/o;; bruchus, comme a traduit
charges; ainsi lorsqu'il y avait lieu a 1'exercice des droits saint Jerome, I Par., vi, 28.) II n'est pas non plus
du goel (voir ce mot), par exemple, si 1'un des enfants de question d'air en hebreu, Job, xxxvii, 21, la ou notre
la famille etait tue, c'etait I'ain4 surtout qui avait 1'obli- version latine porte: aer cogetur in nubes; il faut lire :
gation de venger son sang sur le meurtrier. Leydekker, On ne voit point la lumiere [du soleil]; elle est cachee
De Republica Hebrxorum, VI, ix, Amsterdam, 1704, p. 398. par les nuages (Sehdqim). Ce meme mot sehaqim, qui
De meme, comme les filles, d'apres la loi de Moise, signifie nuages et ciel , est aussi rendu par aer,
n'avaient aucune part dans la succession de leur pere, si Ps. xvn (xvni), 12, ou on lit nubes aeris, nudes de 1'air,
Tune d'elles, pour quelque cause que ce fut, n'etait pas au lieu de nuees du ciel .
mariee, elle etait a la charge de ses freres; mais c'etait 2 Le mot grec arip, d'ou viennent le mot latin aer et notre
surtout 1'aine qui en avait le soin et la responsabilite; sa mot francais air , est employe plusieurs fois dans le
double part ne lui etait attribute qu'afin qu'il put plus Nouveau Testament et dans deux livres deuterocanoniques
facilement faire face a toutes les charges de la famille. de 1'Ancien Testament qui ont ete composes en grec, le
Michaelis, Mosaisches Recht, 78, t. n, p. 77; Saalschutz, second livre des Machabees et la Sagesse. II a le sens
Das Mosaische Recht, k. 109, p. 821. d'air que nous respirons dans Sap., vn, 3: En naissant,
4" Diverses particularites. Quand 1'alne" mourait avant dit le Sage, j'ai recu 1'air qui est commun a tous.
son pere, ses droits d'ainesse n'etaient pas pour cela per- Dans la plupart des autres passages, air designe
du s ; ils passaient, non pas a un de ses freres, mais a ses 1'atmosphere, la region de 1'air (par opposition a la region
enfants, qui sous ce rapport le representaient. Selden, De du ciel, plus elevee et plus pure, appelee par les Grecs
successionibus, p. 24. Que s'il mourait avant d'etre marie, xi6rlP. Homere, Iliade, xiv, 288). I Thess., iv, 16 (17);
son droit d'ainesse disparaissait avec lui; .c'etait proba- Act., xxii, 23; Apoc., ix, 2; xvi, 17; Sap., v, 11-12;
blement le cas de I Par., xxvi, 10. Cf. Cornelius a Lapide, U Mach., v, 2. Le livre de la Sagesse se sert du mot
in hunc loc. Les filles ne succedant pas au pere, il ne air dans quelques autres sens particuliers. II signifie,
pouvait etre question pour elles de droit d'ainesse. Nous comme quelquefois en francais, souffle, vent leger,
trouvons dans 1'histoire d'Esau, Gen., nv, 29-34, on Sap., 11, 3; xiii, 2; c ne pas voir 1'air, Sap., XYII, 9,
DICT. DE LA BIBLE. L 13
323 AIR AIRE 324'
signifie ne pas voir la lumiere . Saint Paul se sert Que le ciel qui est au-dessus de toi soit comme de Fai-
de deux locutions proverbiales: parler en Fair, I Cor., rain, et la terre que tu foules, comme du fer. De m6me
xrv, 9, c'est-a-dire parler en vain, inutilement; battre dans Job, vi, 12: Ma chair est-elle d'airain? c'est-a-dire
fair, I Cor., ix, 26, agir sans obtenir aucun resultat, sans aussi dure, invulnerable. Comme le cuivre etait un metal
porter coup, par allusion a Fathlete dont le coup se perdait de moindre valeur que For et Fargent, Jere'mie, vi, 28, et
en Fair sans atteindre son adversaire. Enfin le m6me Ezechiel, xxii, 18, appellent metaphoriquement des hommes
Apotre, dans FEpltre aux Ephesiens, n, 2, appelle le has et vils des hommes de nehosef. Zacharie, vi, 1, parle de
demon le prince du pouvoir (ou des puissances) de Fair , montagnes d'airain , pour dire des montagnes fortes et
des esprits mauvais qui habitent dans Fair, qui sont en imprenables. Daniel, n, 39, appelle Fempire greco-mac-
grand nombre dans Fair. Cf. S. Ignace, Ep. ad Ephes., 13, donien un empire de neho&f avec d'autant plus de
t. v, col. 748. Quelques commentateurs ont voulu donner justesse, que les Grecs .etaient presque exclusivement armes
sans raison au mot aer de ce dernier passage le sens de d'armes de bronze, et qu'on les surnommait "A^atoi xa^~
tenebres . F. VicouROUx. xox'Twvs;, parce qu'ils etaient cuirasses de bronze .
Dans le Nouveau Testament, les mots xXxo? et xs designent1
AIRAIN. On traduit souvent par ce mot Yaes de la Vul- une monnaie de bronze. Marc., vi, 8; XH, 41; Luc., xxi, 2
gate, qui correspond au ^aXxo? des Septante, et qui est la (grec: XercTa); Joa., n, 15 (grec: TO tippy.). Voir MONNAIE.'
traduction de Fhebreu nehosef. Le mot latin, comme le Le mot nehosef est deja employe dans Ezechiel, xvi, 36,
mot grec, a le double sens de cuivre et de bronze. Dans dans un sens analogue. Saint Paul, I Cor., xm, 1, parle
FEcriture, il peut avoir aussi les deux sens de cuivre et du bruit que produit le bronze sur leque) on frappe, xXxb;
de bronze; mais il a le plus souvent celui de cuivrej.il ne Jl^wv, ses sonans, sans penser du reste a aucun instrument
signifie jamais Fairain proprement dit. Ce metal, en effet, de musique particulier. F. VIGOUROUX.
est un compose artificiel de cuivre et de zinc, qu'on croit
n'etre connu que depuis le xme siecle de notre ere. Le AIRAY Henri, ministre puritain, n en 1559, dans le
nehoSef biblique primitif est certainement un mtal simple, Westmoreland, en Angleterre, mort prevot du Queen's
et non compose, comme le prouvent plusieurs passages College, a Oxford, en 1616. On a de lui des Lectures upon
des Livres Saints ou nous lisons qu'on le trouvait a Fetat the whole Epistle of St Paul to the Philippians, in-4,
naturel : Des Londres, 1618,
"montagnes [de quidonnentune
la terre de Cha- idee exacte du
naan] tutireras style ordinaire
le nehoSef (le des commenta-
cuivre), dit teurs puritains.
Moise a son
peuple. Deut., 1. AIRE a
vm, 9. Ilyavait, battre le ble,
en effet, des hebreu: goren;
mines de cuivre Septante: aXw;,
en Palestine. aXtov; Vulgate :
Eusebe, H. E., area.Ruth,ni,2;
VIII, xm, t. xx, Jud., vi, 37, etc.
col. 776. Cf. Surtace unie et
Deut.,xxxin,25; dure, ou 1'on
1'aire. Mus6e du LouVte.
Job, xxvm, 2. bat le froment
Dans les plus et les grains en
anciens livres de la Bible, nehoSef doit done incontes- general, qui, pour cette raison, sont appeles a. les fruits de
tablement se traduire par cuivre , et le serpent dit Faire , ou simplement 1'aire, Deut., xxv, 4; Is., xxi, 10;
d'airain, Num., xxi, 4-9, etait un serpent en cuivre. Nous Job, xxix, 12, etc., et souvent mis en opposition avec les
savons d'ailleurs qu'il y avait des mines de cuivre dans fruits du pressoir , c'est-a-dire avec le vin et Fhuile pro-
le desert du Sinai, ou fut fabriqu6 le serpent d'airain, et duits par les raisins et les olives foules dans le pressoir.
qu'elles avaient etc" longtemps exploiters par les Egyptiens. Deut., xvi, 13; Joel, n, 24; Num., xvm, 27, 30; IVReg.,
Cf. F. Vigouroux, Les inscriptions et les mines du Sinai, vi, 27; Osee, ix, 2, etc. Le goren est proprement un lieu
dans les Melanges bibliques, 2e edit., 1889, p. 257 et suiv. aplani , parce qu'on aplanissait autant que possible, en
Voir SERPENT D'AIRAIN. Dans les livres de FEcriture battant la terre, Fespace qu'on choisissait pour y cons-
moins anciens que le Pentateuque, nehoSef peut signifier truire une aire. Elle avait une forme circulaire, dont le dia-
le bronze, c'est-a-dire un alliage de cuivre et d'etain, qui metre etait probablement, comme aujourd'hui, de quinze
a et6 connu des anciens, comme le prouvent les nombreux a trente metres, et elle etait situe en plein air, de pre-
objets, armes et instruments en bronze de touteespece, ference sur un endroit eleve, expose a tous les vents, de
qu'on a trouves dans les tombeaux et dans les ruines des maniere qu'on put vanner plus aisement le grain battu.
rite's antiques. Voir BRONZE , CUIVRE. Cf. II Reg., xxiv, 16. II y avait quelquefois plusieurs aires
Quoique le mot airain soit impropre, Fusage oblige les unes a cote des autres; elles etaient d'ordinaire perma-
de Femployer comme terme noble dans un grand nombre nentes, et quelques-unes etaient tres connues. Gen., L,
de comparaisons scripturaires ou les mots cuivre et bronze 10, 11; II Reg., xxiv, 16, 18. On s'en servait quelquefois
ne seraient point acceptes. Le nehoSef est souvent employe comme lieu de reunion, parce qu'elles formaient comme
comme une image de la force, Ps. cvi (cvn), 16; Jer., i, 18; une petite place publique, et aussi sans doute a cause du
xv, 20; Mich., 1V, 13, parce que la plupart des armes an- vent frais qui y soufflait. Ill Reg., xxii, 10; II Par., xvm,9.
ciennes etaient en bronze, et dans tous ces passages, comme Les gerbes ou les epis non lies etaient portes direc-
dans les suivants, on ne peut traduire le mot hebreu en tement a Faire, soit par des hommes (fig. 70), soit au
francais que par airain, pmr exemple, dans ce passage d'Isaie, moyen de chars, Amos, n, 13, ou d'anes (fig. 71) et de
XLVin, 4: Ton front est d'airain, c'est-a-dire tu es dur, chameaux, comme on le fait communement aujourd'hui.
insensible, obstine, par allusion a la durete du cuivre ou II y avait quatre precedes differents pour battre le hie1.
du bronze. Nous retrouvons une allusion analogue dans 1 Les epis etaient eparpilles sur le sol de Faire et foules
le Levitique, xxvi, 19: Je rendrai votre ciel comme du fer, par les breufs, Deut., xxv, 4; Osee, x, 11; Mich., iv, 13,
et votre terre comme de Fairain; et Deut., xxviu, 23 : comme chez les Egyptiens (fig. 71 et 72). Cette maniere de
325 AIRE 326
battre le bl existe encore en Palestine; seulement on se aujourd'hui en Egypte, "Wilkinson, Manners and Customs
sert quelquefois aussi de mulcts et de chevaux, quoiqu'on of the ancient Egyptians, t. n, p. 190, au plostettum
emploie toujours plus communeinent les boeufs. Le Dr Ro- punicum, ainsi nomm6 chez les Remains parce qu'il e"tait
binson decrit de la maniere suivante ce qu'il a vu dans les d'origine carthaginoise. Varron, De re rustica, I, LII, 1.
environs de Jericho: < II n'y a pas moins de cinq aires ici, Get instrument, qu'on voit encore maintenant en Syrie
-i* . . i - i. 11 _ _ . . -
^^i-^^^>^^^
71. Bceufs battant le b!6 qui vient d'etre apportd par un fine.
dit-il, toutes foul^es par des boeufs et des vaches, attache's aussi bien qu'en Egypte, se compose d'une sorte de chassis
cinq de front et conduits en cercle sur 1'aire, ou plutot dans de bois, semblable a celui d'un tralneau (cf. le nom de
toutes les directions. Le tralneau n'est pas ici en usage, 'agdldh, chariot, donn au morag par Isaie, xxvm,
quoique nous Tayons rencontr6 plus tard dans le nord de 27,28), auquel sont adapted deux ou trois cylindres de bois
la Palestine. Par armes de dents
ce precede, la de fer (fig. 73
paille est broyee et 74). II est
et devient pro- attel de deux
pre a la nourri- boeufs. Au-des-
ture des ani- sus du tralneau
maux. On la est un siege sur
remue de temps lequel s'assied
en temps avec le conducteur,
une grande afin d'augmen-
i ourche en bois, terlepoidsdela
a deux pointes, machine(fig.75).
afin de se'parer Celle-ci , au
le grain, qui est moyen des cy-
ensuite ramass6 lindres tour-
et vanne". Re- 72. Boeufs battant le ble. A drolte, un Egyptian le remne avec une fourche;' nants. fait sortir
a gauche, deux vanneurs.
searches in Pa- les grains de
lestine, t. H , l'4pi, presse et
p. 277. Ces boeufs attaches de front et la paille remuee avec broie la paille. Cf. IVReg., xm, 7. Voir Aboda sara, 1.246;
la fourche se voient sur les monuments egyptiens que nous Menachoth, f. 22 a; Raschi et Kimchi, In Is., xxxvin, 27;
avons reproduits fig. 71 et 72. La loi mosaique defendait de Rich, Dictionnairedes antiquites romaines, 1861, p. 493;
museler le bo3uf qui foulait le grain. Deut., xxv, 4. Cette S. Jerome, In Is., xxv, 10; xxvm, 27, t. xxiv, col. 292 et 327.
prescription, qui rappelle les usages de 1'Egypte, ou les 3 Un autre instrument a battre le ble, correspondant
au Tp?6o),oi ou TptSoXoc des Grecs et au tribulum des Latins,
etait aussi employ^ en Palestine, et Test encore aujourd'hui
L. Tliuillier del.
94. Plan d'Alexandrle ancienne. D'apres Mahtnoud - bey et Neroutsos bey.
etesiens, si necessaires pour temperer periodiquement les autour du vieux sanctuaire de Serapis et vers la n4cropole
ardeurs d'un ciel de feu. De grands aqueducs versaient a de la cite, etait demeuree la population indigene; et ces
Hots limpides, dans des fontaines de marbre et de granit, Egyptiens ou Coptes, voues aux plus durs travaux, sem-
les douces eaux du Nil. Des trois quartiers qui consti- blaient les serviteurs-nes ou les mercenaires des Grecs et
tuaient la superbe capitale, celui du centre ou Brucheion, des Juifs, qui les traitaient en race vaincue et dege-
de beaucoup plus riche et mieux habite que les deux autres, neree. Comme pour rendre un dernier hornmage a leur
puisqu'on 1'appelait le quartier royal, appartenait aux vieille religion, les deux premiers Ptolemees avaient re-
Grecs. Quand Dinocrate en traca le plan, il voulut que ses construit sur un plan magnifique le temple de Serapis.
principaux edifices fussent disposes de facon a laisser libre La se trouvait la grande bibliotheque de 200000 volumes,
la vue sur le Grand Port et sur Pharos. La conformation qu'Antoine apporta de Pergame pour remplacer celle du
du terrain s'y pretait un peu, puisque d'un de ses monu- Museum, brulee quand Jules Cesar fit incendier la flotte
ments, le Paneion, on dominait la ville entiere. Le grand alexandrine.
Gymnase et le Palais de justice se trouvaient aussi dans un Diodore de Sicile dit que de son temps (58 avant J.-C.),
site assez eleve. "Venaient ensuite, en se rapprochant des malgre le despotisme funeste des derniers Ptolemees, il
quais, 1'Amphitheatre, la Bourse, le Soma, ou les rois vou- y avait a Alexandrie trois cent mille hommes libres, ce qui
laient tous etre ensevelis autour du cercueil d'Alexandre, suppose une population de pres d'un million d'habitants.
le Museum et sa fameuse bibliotheque contenant 400000 Le regne des premiers Ptolemees, Soter, Philadelphe et
volumes d'apres les uns, et 700000 d'apres les autres; le meme Evergete, marque 1'apogee de la gloire d'Alexandrie
Theatre et le Stade. Puis, sur les quais eux-memes, et a pendant la periode grecque. D'Epiphane a Auletes, la grande
cote d'unmenses docks pour les marchandises, etaient dis- cite decline sensiblement. Avec Cleopatre, elle passe defi-
semines des temples, des tours et des palais. nitivement sous la domination de Cesar et de ses succes-
Au levant du Brucheion, dans une sorte de ville a part, seurs, qui la traitent bien ou mal, selon leurs bizarres
derriere des remparts dont ils fennaient et ouvraient eux- caprices. Toutefois les humiliations et les violences qu'elle
memes les portes, gouvernes par un alabarque ou chef de dut subir n'entraverent jamais 1'activite de son commerce,
peuple, classe parmi les personnages officiels de la cite, et 1'on peut dire que, si la vie sociale y recut de bonne
DICT. DE LA BIBLE. I.-14
355 ALEXANDRIE 356
heure les plus funestes atteintes, an point de vue de la eurent leur grand pretre et leurs sacrifices, produisirent
prosperite materielle elle resista longtemps a toutes les meme des ecrivains tres novateurs. On n'est pas peu etonne"
e"preuves. d'apprendre que les plus cultives d'entre eux, rSvant
Le courant intellectuel que les premiers rois macedo- de gloire litte'raire, et tout imbus des auteurs paiens, se
niens y avaient cree subsista lui aussi, a pea pres constant, mirent a racpnter, a la facon des classiqnes grecs, Fhis-
autour de ces immenses bibliotheques, tresor incompa- toire des patriarches, de Moise et des rois d'Israel. Voir
rable, que la fureur aveugle des uns et le fanatisme des ALEXANDRIE 2. Un de nos livres canoniques, celui de la
autres devaient plus tard detruire, a 1'eternel regret des Sagesse, parait avoir e*te e"crit a Alexandrie, vers le milieu
travailleurs de 1'avenir. Dans les vastes dependances du du iie siecle avant J.-C. La Bible, traduite en grec sous
Museum, des savants enseignaient, prenaient leurs repas, les premiers Ptoleme'es, vers Tan 280 avant J.-C., quant
vivaient en commun, rappelant ainsi le genre de vie du au Pentateuque, et dans le demi-siecle qui suivit, quant
college sacerdotal d'Heliopolis, que Ptole'mee Soter avait aux autres livres (voir SEPTANTE), influa a son tour sur
tente* de reconstituer a Alexandrie. Un pretre, de'signe' les conceptions de la philosophic grecque; et de ces
d'abord par les rois d'Egypte, et puis par les empereurs influences reciproques sortit une preparation generate
remains, e*tait recteur de cette universite, ou sembla des esprits, qui devait, non pas faire eclore ou completer
renaitre, mais a un degre inferieur, la vie litteraire qui 1'Evangile, mais inspirer ses plus celebres apologistes et
s'eteignait en Grece. L'e"cole d'Alexandrie cut plus de gram- ses premiers defenseurs. C'est par ce cote qu'Alexandrie
mairiens, de rheteurs et d'archeologues que de poetes; se rattache a 1'histoire biblique, beaucoup plus que par
plus de mathe'maticiens, de me"decins, d'astronomes et de les tres rares passages des Livres Saints ou cette ville est
ge'ographes que de philosophes. Les vraies intuitions du mentionne'e.
ge'nie y demeurerent rares, mais les efforts de 1'esprit y Les Juifs d'Alexandrie sont cites parmi les adversaires
furent se*rieux. On a eu raison de dire que 1'eclectisme et d'Etienne a Jerusalem, Act., vi, 9, et nous savons qu'un
la critique furent le champ prefere de ses triomphes. Au des plus eloquents predicateurs de 1'Evangile, Apollon,
moment ou les vieilles religions tombaient en decadence, ame ardente et esprit puissant dans la science des Ecri-
elle chercha a decouvrir dans les mythes auciens des idees tures, 6tait originaire d'Alexandrie. Act., xvni, 24, 25. Ces
philosophiques tres modernes, et, a ce travail, elle fit sou- simples indications portent a croire qu'un centre si impor-
vent preuve de beaucoup d'esprit. tant parmi ceux ou vivaient les Juifs de la dispersion et
En contact avec ces ideologues qui remplissaient du si heureusement prepare par la philosophic platonicienne
bruit de leurs nouveautes 1'ecole et 1'agora, le judaisme, a recevoir 1'Evangile, fut aborde des la premiere heure par
de plus en plus prospere, subit lui-meme jusqu'a un les ouvriers apostoliques. D'apres Eusebe, H. E., n, 16,
certain point leur influence. Sans cesser de venerer a t. xx, col. 173, c'est saint Marc qui, etant alle annoucer
Jerusalem le centre reel de la religion theocratiqne, les la bonne nouvelle a Alexandrie, y etablit une Eglise chrd-
Juifs d'gypte avaient bati un temple a Leontopolis. Us tienne j mais il est tres probable que les Alexandrins et
357 ALEXANDRIE ALEXANDRIE j^ECOLE EXEGETIQUE D') 858
les Cyrene'ens presents a la Pentecote 1'y avaient devance. sanctuaire de Neptune, et la tour d'Antoine ou Timon&on
En tout cas, on peut voir un indice de 1'intensite de vie s'y rattachaient, en suivant, d'apres Strabon, la direction
religieuse nouvelle qui se manifesta de tres bonne heure d'un petit mole a moitie submerge aujourd'hui. La pres-
a AJexandrie dans ces sectes gnostiques, qui, des le com- qu'fle de Lochias est bien cette ar&e nue, desolee, qui
mencement du second siecle, y pullulerent avec Basilide, protege le Grand Port ou Port Neuf vers 1'Orient; mais
Valentin et les autres, non moins que dans la vigoureuse de ses splendides palais, de ses jardins delicieux qu'habi-
formation chretienne des grands apologistes qui, cent ans terent les rois, il n'y a plus meme de vestige. Le Serapeum
plus tard, y enseignerent 1'Evangile avec tant d'eclat. fut-il la ou se dresse la colonne de Diocletien, vulgaire-
Les Actes des Apotres parlent des navires d'Alexandrie, ment dite de Pompe'e? Des fouilles pratiques en 1872
qui depuis la decadence de Tyr, de Sidon et de Carthage, semblent 1'indiquer. Le Soma fut-il au monticule de de-
etaient les principaux auxiliaires du commerce dans les combres appele Kom - el - Dik ? Les sepultures arabes ,
ports de la Mediterranee. Le vaisseau sur lequel saint Paul chretiennes et paiennes, qu'on y trouve superposees par
fit naufrage etait alexandrin, Act., xxvii, 6-44, de meme couches regulieres, ont entretenu cette supposition popu-
Eti
opifaL JZuropeern
2 Coicrent Grec
L. Ti.uillier del.
96. Plan d'Alexandrie moderne.
que celui qui le transporta de Malte a Pouzzoles. Act., laire, que rien autre n'autorise. Jusqu'a 1'heure presente,
xxvni, 11-13. Notre Vulgate nomme cinq fois Alexan- c'est dans le champ de 1'hypothese qu'il faut se tenir pour
drie, Jer., XLVI, 25; Ezech., xxx, 14,15, 16; Nahum, HI, 8, semer capricieusement ca et la les grandioses edifices du
la ou le texte original porte No, parce que saint Jerome passe dont il ne reste pas la moindre trace. Les plus im-
croyait qu'Alexandrie avait et6 batie sur 1'emplacement portantes indications sur Alexandrie ancienne se trouvent
de No; mais No est Thebes. Voir No. dans Strabon, liv. xvn; Arrien, liv. ni-vn; Polybe, xxxix,
La ville actuelle d'Alexandrie (fig. 96) n'occupe qu'en 14; Ammien Marcellin, liv. xxn; Diodore de Sicile,
partie 1'emplacement de 1'ancienne (fig. 94). Les sables xvii; Cesar, B. C., m, 112; Josephe, B. J., n,28; Pau-
qui se sont amonceles peu a peu sur les deux cotes de sanias, v, 21; vm, 33; Eusebe, H. E., n, 16. Voir aussi
1'ancien mole en ont entierement modifie les proportions, A. F. Da'hne, Geschichtliche Darstellung der judisch-
et 1'Heptastade ainsi elargi est devenu un isthme. C'est la alexandrinischen Religionsphilosophie, in-8, Halle,
surtout, et dans une partie de 1'ile de Pharos, qu'Alexan- 1834; Matter, Histoire de I'ecole d'Alexandrie, 2e edit.,
drie moderne est batie. Des monuments d'autrefois il ne in-8, Paris, 1840; M. G. Demitses, Histoire d'Alexan-
reste absolument rien. Par une digue taillee en glacis, et drie (en grec), in-8, Athenes, 1885; Neroutsos-bey, L'an-
ou des chapiteaux de granit rose et des futs de colonnes cienne Alexandrie, in-8, Paris, 1888. E. LE CAMUS.
brisees servent de moellon, tandis que d'autres dorment
encore visibles au fond de 1'eau, on atteint le lieu probable 2. ALEXANDRIE (ECOLE EXEGETIQUE D')- La pre-
ou fut le phare celebre des Ptolemees; mais de I'o3uvre de miere ecole chretienne fut 1'^cole d'Alexandrie, en Egypte.
Sostrate on ne voit plus rien. Deux obelisques dits aiguilles Elle se rendit surtout celebre par ses travaux d'exegese
de Cleopdtre, qui sont alles 1'un a Londres et 1'autre en sur 1'Ecriture Sainte, qu'elle interpreta d'apres la methode
Amerique, marquaient, jusqu'a ces derniers temps, sur le allegorique. Elle se rattache par les liens les plus etroits
rivage du Grand Port, le Csesareum, temple, au dire de a I'ecole juive de cette ville, et il faut connaltre celle-ci
Philon, le plus beau et le plus riche du monde, edifie pour se rendre historiquement compte de 1'origine et des
au lieu ou Auguste s'etait embarque. Le Posideion ou idees de I'ecole chretienne.
359 S6O
I. Ecole juive d'Alexandrie. Lorsque Alexandra le grecque amena les Judeo-Alexandrins i se servir surtout,
Grand eut fonde Alexandrie en 332, il accorda aux Juifs dans 1'explication de 1'Ecriture, d'une methode d'interpre-
qul s'etabliraient dans la nouvelle cite les memes avan- tation deja connue des Juifs de Palestine, qui etait aussi
tages qu'aux Grecs. Josephe, Cont. Apian., u, 4; De Bell, alors en grande faveur dans le milieu ou ils vivaient, de
jud., II, xvin, 7. Les Lagides suivirent la meme politique. sorte qu'ils lui donnerent une grande importance et con-
Josephe, Ant. jud., XII, i; cf. Cont. Apion., I, 22; n, 4. tribuerent a la transmettre aux premiers docteurs chre-
Les enfants d'Israel y accoururent done en tres grand tiens; cette methode etait celle de I'interpretation allego-
nombre. Apres la mort d'Alexandre, les Ptolemees en rique. Voir ALLEGORiE.L'emploi de cette methode, renferme
firent la capitale du royaume d'Egypte, et, pour lui donner dans de justes bornes, est tres legitime; mais on en abnsa.
un plus grand eclat, ils y creerent des bibliotheques et Comme il n'etait pas toujours facile d'accorder dans les
des musees; ils y attirerent des grammairiens, des philo- details les enseignements de 1'Ecriture avec ceux des phi-
sophes, des litterateurs et des artistes de tout genre, et ils losophes grecs, afin d'etablir cette harmonie, qu'on avait
la rendirent ainsi bientot le plus brillant foyer des lettres, etablie en these, on imagina, lorsque le sens litteral des
des sciences et des arts. Places dans ce nouveau milieu, Livres Saints etait rebelle a la conciliation, d'en expliquer
au contact de tant d'esprits distingues, les plus intelligents les passages par la methode allegorique. Nous voyons de
des Juifs se mirent a etudier la philosophie et les sciences nombreux exemples de 1'application de cette methode dans
des Hellenes. L'influence etrangere tut si puissante, que Aristobule et dans Philon.
dans peu de temps les Israelites emigres ne comprirent Aristobule est le plus ancien philosophe judeo-alexan-
plus, pour la plupart, lalangue hebraique, et qu'il fallut drin dont il nous soit reste des fragments. II vivait a
traduire a leur usage 1'Ecriture Sainte en grec. Voir SEP- Alexandrie, probablement sous le regne de Ptolemee VI
TANTE. Ils conserverent neanmoins leur foi monotheiste, Philometor (181 -146 avant J.-C.). Beaucoup pensent que
mais ils furent insensiblement amenes a comparer leur c'est 1'Aristobule mentionne II Mach., I, 10. Voir ARIS-
religion avec celle des Grecs, et c'est ce qui donna nais- TOBULE. II composa un ouvrage, aujourd'hui perdu, mais
sance a 1'ecole juive d'Alexandrie. dont les debris encore subsistants ont ete reunis dans YAll-
On vit paraitre, parmi les Juifs, de la fin du nr e siecle gemeine Bibliothek d'Eichhorn, t. v, p. 253-259, et dont
au commencement du premier avant notre ere, des his- le titre parait avoir ete : 'Er)yif)<iEii; T^; Mwufflw; ypa^rjc,
toriens qui raconterent 1'histoire de leur nation a la facori Explication de 1'ecnt de Moise, c'est-a-dire du Penta-
de Thucydide, et des poetes qui s'efforcerent d'imiter teuque. Eusebe, Prasp. Ev., vn, 14; vm, 10; xni, 12f
Eschyle, Sophocle et les autres poetes de la Grece. t. xxi, col. 548, 656, 1097; Clement d'Alexandrie, Strom.,,
Alexandre Polyhistor (90 a 80 avant J.-C.), qui etait i, 22, t. vm, col. 893 ; v, 14 ; vi, 3, t. ix, col. 145, 249.
peut-etre d'origine juive, mentionne dans son livre Ilepi II declare lui-meme dans un fragment de prologue, qui at.
'louSatwv quatre historiens judeo-alexandrins, Eupoleme, ete conserve, qu'il ne s'en tient pas a la lettre et a 1'ecorce,
Artapan, Demetrius et Aristee. Voir Eusebe, Prsep Ev., et que c'est en p^netrant au fond et jusqu'a la moella
ix, 17-39, t. xxi, col. 705-759; Clement d'Alexandrie, qu'il exphque la doctrine de Moise, c'est-a-dire que la
Strom., i, 22, t. vm, col. 900; Josephe, Cont. Apion., methode allegorique est la sienne. Dans son ouvrage-
I, 23. Ezechiel composa des tragedies bibliques, dont meme, il s'eflorce de prouver que les livres de Moise,
1'une etait intitulee 'EaY w Y^ c'est-a-dire I'Exode des bien plus anciens que ceux des poetes et des philosophes.
Hebreux ou la Sortie d'Egypte. Clement d'Alexandrie, de la Grece, sont la source ou ces derniers avaient puisd
Strom., i, 22, t. vm, col. 901; Eusebe, Prxp. Ev., leurs plus belles et leurs meilleures pensees. Nous trouvons
IX, 28-29, t. xxi, col. 736-748. Voir Fr. Delitzsch, Ge- done en lui les deux traits caracteristiques de 1'ecole juive
schichte desjudischen Poesie, p. 211. Un certain Philon, d'Alexandrie. Voir L. G. Valckenaer, Diatribe de Arista-
different du philosophe, ecrivit un poeme sur Jerusalem, bulo Judseo, in-4, Liege, 1806; Origene, Contra Celsumf
Ilepl Ta'hpouiroXuiAa; Eusebe, Praep. Ev., IX, 20, 24, 37, iv, 51 et la note 91, ibid., t. xi, col. 1112, ou sont repro-
t. xxi, col. 712, 725, 756; Philippson, Ezekiel, desjudi- duits les passages des anciens sur Aristobule.
schen Trauerspieldichter Auszug aus Aegypten, und Philon, contemporain de Notre-Seigneur, soutint les
Philo, des alteren, Jerusalem, Berlin, 1830; et un memes idees et les exposa dans un grand nombre d'ecrits
Samaritain, appele Theodote, celebra en vers grecs la qui sont parvenus jusqu'a nous. Entre Aristobule et lui,
gloire de Sichem, qu'il appelle la cite sainte dans son bien d'autres Juifs devaient avoir defendu les memes opi-
poeme IIep\ 'louSac'tov. Eusebe, Pr&p. Ev., ix, 22, t. xxi, nions ; mais 1'eclat que jeta ce philosophe, le plus celebre
col. 721. des Judeo-Alexandrins, eclipsa tous les autres. Nul ne
Mais c'est surtout la philosophie grecque qui frappa chercha plus que lui a concilier les doctrines platoni-
1'attention des Juifs les plus cultives, et qui donna nais- ciennes avec celles de 1'Ecriture; nul plus que lui n'usa
sance a ce qu'on appelle proprement 1'ecole juive d'Alexan- et n'abusa de la melhode allegorique. II en formula les
drie. Cette philosophie fut particulierement etudiee dans regies, De somn., edit. Mangey, Londres, 1742,1.1, p. 632,
la capitale des Ptolemees, et elle y jouit du plus grand et il les appliqua. Son traite De la creation du monde
credit. Les Juifs qui s'initierent aux doctrines de Platon selon Moise n'est guere qu'un commentaire allegorique
et d'Aristote-y decouvrirent, avec un profond sentiment du premier chapitre de la Genese; les deux traites Des
de surprise, un enseignement en partie semblable a celui allegories de la loi en sont la continuation; tous ses ecrits,
de leurs Livres Saints. Ils tirerent de la une conclusion en un mot, sont pleins d'interpretations du meme genre
qui devait avoir dans 1'Eglise primitive elle-meme une qui paraissent maintenant pour la plupart forcees et peu
grande importance: c'est que les philosophes grecs avaient serieuses. La reputation de Philon n'en fut pas moins tres
emprunte aux livres de Moise les verites qu'on admire considerable, non seulement chez les Juifs, mais aussi;
dans leors ecrits. Convaincus que des homines vivant au chez les Chretiens. Saint Jerome lui a donne une place
sein du polytheisme et de I'idolatrie ne pouvaient avoir parmi les auteurs ecclesiastiques, De vir. illustr., 11,
decouvert eux-memes ce qu'ils enseignaient de vrai et de t. xxin, col. 625, et un historien moderne a pu ecrire,
bon, persuades aussi que les descendants de Jacob etaient non sans quelque verite : [Le systeme allegorique de
seuls en possession des grandes doctrines religieuses et Philon] absorba, comme un immense reservoir, tous les-
morales, ils en concluaient que la philosophie grecque petits ruisseaux de 1'exegese biblique a Alexandrie, pour
venait de la Palestine, et que Platon, qui avail beau- deverser ensuite ses eaux dans les rivieres et les canaux.
coup voyage, n'etait que Moise parlant grec. De la leur a mille bras de 1'interpretation juive et chretienne des
attachement predominant pour la philosophie platoui- Saintes Ecritures. C. Siegfried, Philo von Alexandria-
cienne. als Ausleger des alien Testaments, in-8, lena, 1875^
Cette theorie sor 1'origine mosaique de la philosophie p. 27. Cf. Ma* Freppel, Clement d'Alexandrie, in-8, Paris^
361 ALEXANDRIE (ECOLE EXEGETIQUE D') ALEXANDRIN 362
1865, p. 125, 428, 429; Grossmann, Qusestiones philo- t. xi, col. 1089; cf. Philon, De mundi opifido, p. 37-38.
jiianae, part, i, De theologize fontibus et auctoritate, 1829; Voir ORIGENE.
H. Planck, Commentatio deprincipiis et causis interpre- C'est par des exagerations et des exces de ce genre que
tationis Philonianse allegorise, Gottingue, 1806; Bucher, Tecole d'Alexandrie, et en particulier Origene, nuisirent a
Philonische Studien, 1848; Creuzer, Kritik der Schriften la cause qu'ils pretendaient defendre. L'explication allego-
des Juden Phtton, dans les Theologische Studien und rique, maintenue dans de justes limites, est restee toujours
Kritiken, Janvier 1832; Kirchbaum, Derjudische Alexan- avec raison en honneur dans 1'Eglise ; mais les Peres
drinismus, Leipzig, 1841; M. Wolf, Die Philonische et les Docteurs condamnerent les applications outrees
Philosophic, Leipzig, 1849; 2 edit., Gothenburg, 1858; de 1'allegorisme. Voir F. Vigouroux, Melanges bibliques,
F. Delaunay, Philon d'Alexandrie, in-8, Paris, 1867. 2e edit., p. 32. Que si nous avons aujourd'hui quelquepeine
Voir aussi Lipsius, Alexandrinische Religionsphiloso- a comprendre comment tant d'interpretations , qui nous
jphie, dans Schenkel, Bibellexicon, t. I, p. 85-99; Gfrorer, semblent fausses ou au moins sans fondement, dans les
Philo und die alexandrinische Theosophie, 2 in-8, ecrits de Philon, d'Origene et de quelques autres, ont pu
Stuttgart, 1831-1835; Da'hne, Geschichtliche Darstellung etre accueillies autrefois avec faveur, c'est parce que nous
der judisch-alexandrinischen Religionsphilosophie, 1831, oublions que le principe meme de ces interpretations etait
t. ii, p. 15-16, 27 et suiv., 33 et suiv.; Id., dans les alors universellement accepte, non seulement par les
Theologische Studien und Kritiken, 1833, p. 984; Juifs et les Chretiens, mais aussi par les pa'iens. Deja, du
Ad. Franck, La Kabale, 3" part., ch. in, 2<* edit., 1889, temps de Socrate et de Platon , les sages de la Grece
p. 220-254; Hausrath, Neutestamentliche Zeitgeschichte, expliquaient d'une maniere allegorique la mythologie de
"t. n, p. 126-148 ; abbe Biet, Essai historique et critique Ylliade et de VOdyssee, et la The'ogonie d'Hesiode, afin
sur I'ecole juive d'Alexandrie, in-8, Paris, 1854. Voir d'en effacer le caractere scandaleux. Les stoiciens d'abord,
PHILON. puis les neoplatoniciens et les gnostiques virent ^galement
H. Ecole chretienne d'Alexandrie. Quand le Chris- partout des mythes et des allegories. Tout le monde etait
tianisme fut introduit a Alexandrie, il se recruta naturel- done d'accord pour accepter le principe de rallegorisme
lement tout d'abord parmi les Juifs hellenistes. Ceux-ci et ne se montrait guere difficile dans 1'applicatiori.
etaient tout imbus des opinions courantes dans cette ville, L'ecole chretienne d'Antioche reagit neanmoins contre
telles que les avail exposees Philon. Us les communi- les exces de I'allegorisme alexandrin. Voir ANTIOCHE
querent done aux pa'iens qui embrasserent la religion (ECOLE EXEGETIQUE D'). Mais elle ne fit pas oublier les
nouvelle, de sorte que, par leur intermediaire, les idees grands docteurs du Didascalee, qui avaient jete sur la
sur 1'origine des doctrines ,de la philosophic grecque et science chretienne un eclat a jamais ineffacable. Les
un gout, parfois exagere, pour la methode allegorique illustres Peres cappadociens , saint Basile , saint Gre-
<levinrent communs parmi les premiers Chretiens d'Alexan- goire de Nysse son frere, et son ami saint Gregoire de
drie. Sous ce rapport ils se distinguerent des Chretiens Nazianze se formerent a I'ecole d'Origene , et la plupart
des autres pays, qui, instruits par le Nouveau Testament, des Peres de 1'Eglise latine, tout en rejetant ce qu'il y
et en particulier par les epitres de saint Paul, I Cor., x, 4; avait de reprehensible dans ses ecrits, furent egalement
Gal., m, 16; iv, 21-31, reconnaissaient qu'il existe dans ses disciples.
les Ecritures un sens allegorique, mais ne lui sacriflaient L'ecole chretienne d'Alexandrie avait d'ailleurs rendu ,
jamais le sens litteral. malgre 1'exageration de son allegorisme, les plus grands
Ce qui fit 1'importance capitale de la methode allego- services a 1'exegese biblique. Elle 1'avait mise en grand
rique a Alexandrie. c'est qu'elle fut enseignee a I'ecole honneur et avait ouvert des voies nouvelles aux docteurs
catechetique de cette ville par les grands docteurs qui en chretiens. Origene, en particulier, avait montre comment
firent la gioire. Cetle ecole, appelee Didascalee (Eusebe^ il fallait etudier 1'Ecriture Sainte , en la considerant sous
H. E., v, 10, t. xx, col. 453), est 1'institution la plus carac- tous ses aspects , et en mettant a profit pour 1'expliquer
teristique de 1'Eglise d'Egypte. Elle a ete le berceau de toutes les ressources de la science humaine. Non content
1'enseignement scientifique de la theologie, le germe des d'exposer le texte sacre a tous les fideles dans ses home-
facultes et des universites qui ont lleuri plus tard dans le lies, il en avait resolu les difficultes et eclairci les obscu-
monde catholique. Fondee par saint Pantene, elle jeta sous rites pour les hommes instruits dans ses scholies ou
Clement, son successeur, et surtout sous Origene, un eclat notes, et il avait cree la critique sacree par ce merveil-
incomparable. 'Elle se donna pour mission de montrer aux leux monument des Hexaples, qui faisait ressortir tout a
-esprits cultives, si nombreux dans la capitale egyptienne, la fois 1'importance du texte original et de 1'etude com-
la superiorite du Christianisme, non seulement sur les paree des differentes versions pour Tintelligence de la
religions, mais aussi sur les philosophies paiennes. Les parole sainte. Voir HEXAPLES. Le fruit des travaux de ce
<locteurs qui la dirigeaient etaient des maitres eminents, grand genie ne fut pas perdu : ils ont assure a I'ecole dont
qui mettaient au service de la religion toutes les ressources il avait ete le maitre le plus brillant une gioire impe-
de la science humaine, afin de faire briller dans toute sa rissable.
purete 1'enseignement Chretien; mais iis joignaient la sub- Voir Michaelis, De schola Alexandrina, Halle, 1739;
tilite grecque au gout de 1'allegorie qui dominait dans H. E. F. Guericke, De schola quae Alexandria floruit
tout 1'Orient. et, comme les Juifs dont ils avaient recueilli catechetica, Halle, 1824 ; G. F. W. Hasselbach, De schola,
en partie 1'heritage, ils admettaient que les philosophes quae floruit Alexandria catechetica, Stettin, 1826; Matter,
grecs s'etaient revetus des depouilles des Hebreux, et ils Essai historique sur I'ecole d'Alexandrie, t. I, p. 273;
expliquaient d'une maniere allegorique la plupart des Redepenning, Origenes, eine Darstellung seiner Lebens
passages des Saintes Ecritures, en particulier ceux dont und seiner Lehre, Bonn, 1841 ; J. A. Moehler, Patro-
1'interpretation litterale leur paraissait difficile a faire logie, traduct. J. Cohen, Paris, 1843, t. n, p. 9-175;
accepter. J.-M. Prat, Histoire de I'eclectisme alexandrin considers
Origene, le plus illustre repre"sentant de I'ecole d'Alexan- dans sa lutte avec le Christianisme, 2 in-8, Lyon, 1843,
drie, fut aussi celui qui poussa le plus loin 1'application 1. 1, p. 131-150; Ch. Kingsley, Alexandria and her Schools,
et, il faut bien le dire, les exces de 1'interpretation allego- in -8, Londres, 1854. F. VIGODROUX.
rique. Le disciple de Clement en vint, comme Philon, a
rejeter le sens litteral d'un certain nombre de passages 3. ALEXANDRIE DE TROADE. Ville de 1'ancienne
des Livres Saints. C'est ainsi qu'il pretendit que le paradis Troade. Voir TROADE.
terrestre n'avait jamais existe comme tel, et que 1'Eden
ji'etait qu'une pure image du ciel. Origene, Selecta in ALEXANDRIN, 'AX^xvSpe<3;. 1 Originaire d'A-
Genesim, n, 8-9, t. xii, col. 100; Contra Celsum, rv, 39, lexandrie d'Egypte, Act., xvni, 24." Voir APOLLO.
ALEXANDRIN ALGUES 364
2 Synagogue des Alexandras. Act., vi, 9. Synagogue de savoir peu apres le concfle de Nicee; ce nom de Thecla,
Jerusalem, qui appartenait aux Juifs d'Alexandrie, et ou aurait figure a la fin du manuscrit; mais, a 1'invasion de
se reunissaient ceux d'entre eux qui se trouvaient dans 1'Egypte par les musulmans, cette inscription aurait ete
la ville sainte. 3 Navire d'Alexandrie, wXoiov 'AXeSav- laceree, et le souvenir seul en aurait ete conserve .
SpTvov, Act., xxvii, 6; xxvni, 11. C'est sur un des navires Malheureusement cette note de Lucar n'offre aucune ga-
d'Alexandrie qui transportaient du hie" d'Egypte en Italic rantie. La presence en tete du texte des psaumes de
que saint Paul hit embarque a Myrrha ou Myre. (La Vulgate YEpistola ad Marcellinum de saint Athanase (?), qui est
porte Lystre au lieu de Myre. Cette derniere lefon est la une sorte de cursus pour 1'usage liturgique des psaumes,
veritable.) Nous voyons un de ces navires sur une mon- porte a penser que ce magnifique manuscrit a ete fait tout
naie de I'empereur Neron (fig. 97). Quand le vaisseau entier pour servir a 1'usage liturgique. C. Woide au siecle
dernier (1786), et de nos jours MM. Baber (1816-1828),
H. Cowper (1860), H. Hansell (1864), ont imprime en
tout ou en partie le texte de 1'Alexandrinus. Plus recem-
ment 1'administration du British Museum a entrepris et
mene a bonne fin la reproduction phototypique du manus-
crit tout entier : Facsimile of the codex Alexandrinus,
4 in-f, Londres, 1879-1880, qui seul est desormais
a consulter. Voir A. Scrivener, A plain introduction to
the criticism of the New Testament, Cambridge, 1883,
p. 93-101; C. R. Gregory, Prolegomena ad Novum Tes-
97. Navire d'Alexandrie. tamentum grsece de Tischendorf, Leipzig, 1884, p. 354-358;
TSte radlee de I'empereur Neron, a gauche. NEPQ. KAAT. B. Swete, The Old Testament in Greek, Cambridge, 1887j
KAIS. SEE. FEPM. AT. fy Galere a la voile, allant p. xxii-xxin. P. BATIFFOL.
a drolte. SEBASTOSOPOS.
ALFORD Henry, commentateur anglican, ne a Londres
gyptien qui avait emporte saint Paul de Myrrha eut fait le 10 octobre 1810, mort a Cantorbery le 12 Janvier 1871.
naufrage pres de Malte, 1'Apotre, apres avoir sejourne Apres avoir fait ses etudes a Cambridge, il fut en 1835
trois mois dans cette ile, fut reembarque sur un autre vicaire de Wymeswold, dans le comte de Leicester, puis
navire d'Alexandrie, appele les Dioscores , ou Castor ministre de Quebec-Chapel a Londres en 1853; il devint
et Pollux , Act., XXVIH, 11, qui le transporta a Pouzzoles, enfin en 1857 doyen de Cantorbery, titre qu'il conserva
pres de Naples. Voir F. Vigouroux, Le Nouveau Testament jusqu'a sa mort. II fut le premier editeur de la Contem-
et les decouvertes modernes, p. 305, 324. porary Review, et la dirigea de 1866 a 1870. II fut aussi
1'un des principaux promoteurs de la revision de la ver-
ALEXANDRINUS (Codex}. Ge manuscrit est un des sion autorisee anglicane, et y collabora avec beaucoup de
plus celebres de la Bible grecque. II appartient a la biblio- zele. Son principal ouvrage est The Greek Testament,
theque du British Museum, a Londres, ou il est cote Royal with a critically revised text, a digest of various read-
ms. I, D, v-vm. L'ecriture est onciale, d'une main du ings, marginal references to verbal and idiomatic usage,
ve siecle. (Voir le fac-shnil6, fig. 98, reproduisant, dans prolegomena and a critical and exegetical commentary,
la premiere colonne, I Joa., v, 9-20, et, dans la seconde 4 in-8 en 5 tomes. Alford en concut le piojet en 1845; il
colonne, II Joa. complet.) Le parchemin est partage en publia le premier volume en 1849, et le dernier en 18G1.
cahiers de huit feuillets chacun; chaque page a deux co- Rempli d'admiration pour la science exegelique des Alle-
lonnes de texte, chaque colonne 49-51 lignes. De grosses mands, il alia passer trois mois a Bonn en 1847, pour se
initiales, posces en marge, annoncent le commencement familiariser avec lour langue. II adopta un texte fonde sur
des paragraphes ou des sections. Pas d'accents, pas d'es- les travaux de Buttmann et de Laehmann, et le rectifia
prits; pour toute ponctuation, des points simples. Hauteur: plus tard d'apres Tregelles et Tischendorf. II donne en
32 cent.; largeur: 26,3. Le manuscrit, divise en quatre detail les diverses lemons. Les passages qu'il cite pour
volumes, contient au total 773 feuillets, dont 630 pour eclaircir les mots employes par les Juifs hellenistes te-
1'Ancien Testament et 143 pour le Nouveau. II manque moignent d'une etude profonde et serieuse. Ses notes sont
a 1'Ancien Testament quelques fragments de la Genese, quelquefois trop affirmatives, mais ses opinions sont en
du premier livre des Rois et des Psaurnes; au Nouveau, general justes, et il met toujours le lecteur en etat de se
quelques fragments de saint Matthieu, de saint Jean et prononcer en connaissance de cause. Malgre un certain
de la deuxieme aux Corinthiens; toutes ces lacunes sont penchant vers les opinions liberales, il se maintient dans
accidentelles. Le Nouveau Testament contient en outre le 1'orthodoxie anglicane. Son ceuvre si soigneuseinent pre-
texte des deux lettres de saint Clement, pape. L'Ancien parce a eu un succes extraordinaire, et ses compatriotcs
contenait les psaumes apocryphes de Salomon; ils ne considerent encore aujourd'hui son Greek Testament
figurent pas au manuscrit, quoique annoncds par la table comme etant, dans 1'ensernble, le rneillcur commenlaire
initiale des matieres. Par abreviation, on designe le Codex qui existe en leur langue. Voir W. H. Frcmanlle, dans
Alexandrinus par la lettre A. L. Stephen, Dictionary of national Biography, 1.1, Ifc85,
Ce manuscrit, on vient de le voir, est attribue au p. 283; Life, Journals and Letters of Duin Alford,
1 e
v siecle, et Ton a de serieuses raisons de penser qu'il a ete edited by bis widow, in-8, Londres, 1873.
copie en Egypte, quoique MM. Hort et Ceriani inclinent
a croire qu'il a ete execute a Rome. Le manuscrit apparte- ALFRIC, ^LFRIC, savant benedictin anglais, qui
nait des la fin du xie siecle, en 1098, au tresor patriarcal devint archev&jue de Cantorliory en 994, et mouiut en
d'Alexandrie, ainsi que nous 1'apprend un graffite arabe novembre 1005. C'etait un homrne remarquable, qui com-
au has de la premiere page de la Genese. Cyrille Lucar, posa entre autres ouvrages des commcnUirc-s sur Its livres
patriarche de Constantinople (1638), entre les mains de historiques de 1'Aiicien et du Nouveau Testament. Voir
qui ce manuscrit etait venu a 1'epoque ou il etait patriarche Migne, Patrol, lat., t. cxxxix, col. 1455-1470; Stephen,
d'Alexandrie (1602-1621), en fit don au roi d'Angleterre Dictionary of national Biography, 1.1, p. 162.
Charles Ier, par I'intermediaire de son ambassadeur a Cons-
tantinople, sir Thomas Roe, en 1628. S'il fallait en croire ALGUES, hebreu suf, plantes de texture cellulaire ou
une note inscrite par Lucar a la garde du manuscrit, une filamenteuse, ordinairement aquatiques, vivant dans les
tradition voudrait qu'il ait eti copie par Thecla, noble eaux douces ou dans les eaux salees. Jussieu appela fucux
femme egyptienne, il y a mille trois cents ans , c'est a ou varechs les algues 'qui habitent les eaux salees. Les
ALHAGE ^- ALLEGOKIE 368
que I'alhagi ne produit ancune espece de secretion sucree a Test du lac de Tiberiade, sur le sommet de collines qui
en Arable, dans 1'Inde et en Egypte, tandis que dans la dominent larivedroite du Nahr er-Roukkad. Unesource
Perse et dans la Boukharie cette production est assez abondante, sortant des fentes du rocher, et surmontee
abondante. H. Baillon, dans le Dictionnaire encyclope- d'une voute antique, feurnit urie eau limpide et arrose les
dique des sciences medicates, t. m, 1. p. Aucune manne jardins. Des mines eparses, parmi lesquelles on remarque
naturelle n'a pu d'ailleurs suffire pour nourrir naturelle- surtout des chapiteaux corinthiens ornes de feuilles d'acan-
the, des f uts de colonnes, des pierres avec differentes mou-
lures, revelent 1'existence d'une ancienne cite qui devait
s'etendre a 1'ouest du village actuel. On a decouvert egale-
ment un socle de basalte avec une sculpture en bas-relief,
que devait surmonter un petit autel antique, aujourd'hui
separe et conserve dans la maison du cheikh. Cf. G. Schu-
macher, Der Dscholan, dans la Zeitschrift des deutschen
Paldstina-Vereins, t. ix, p. 335-337, ou la traduction an-
glaise: The survey of the Jauldn, Londres, 1888, p. 172-177,
et G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886,
p. 79-83.
La position de Kefr el-Ma semble, d'apres le meme
voyageur, conforme aux donnees de la Bible, qui place
Alimes aupres de Casphor ou Casbon : or cette derniere
ville est peut-etre le village actuel de Khisfin, situe a
quelque distance au nord du premier. Le nom lui-meme,
surtout dans sa prononciation vulgaire, repondrait assez
bien au grec 'AXs'fxa. En effet, une observation, confirmee
par Guy le Strange, Across the Jordan, p. 83, note, a
fait remarquer que les habitants prononcent Kefr el-Ma
ou elma avec 1'accent sur el, ce qui eloignerait la significa-
tion de village de 1'eau , telle qu'elle ressort naturel-
lement de 1'orthographe offlcielle, Kefr el-Ma, avec 1'ac-
cent sur Ma, et rapprocherait davantage les deux noms
ancien et moderne. Ces raisons cependant ne satisfont pas
tous les auteurs, et quelques-uns preferent identifier Alimes
avec 'lima, localite situee dans la plaine du Hauran,
entre Der'at (Edrat) au sud-ouest et Bousr el-Hariri au.
nord-est. Voir la carte de 1'Auranitide. Cf. Buhl, Zeitschrift
des deutschen Paldstina-Vereins, t. xm, p. 42.
A. LEGENDRE.
'ALIYAH, chambre haute. Voir CENACLE et MAISON.
Lettres
SEM1TIQUE
ValcTirs
equivalentes
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HieroglypKes Hie'raticpie Pheniciea Hebreu Grec Komain
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105. Tableau compare des signes hieratiques egyptiens et des signes alphabeiiques pheniciens.
407 ALPHABET 408
L'dcritnre hieratiqae egyptienne a deux types fonda- j et conquis la valise du Nfl; 1'autre, qni prit son engine
entaux et tout a fait distincts : 1'un, anterieur a la dix- | a cette epoque, apres cette grande victoire remportee sur
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106. Alphabet phtaicien-h^breu & sea diverges 6poques.
huiticme dynastic pharaonique. ceDe qni chassa du Delta i les Strangers. Le rapprochement des formes de I'ecriture
les rois pasteurs, d'origine asiatique, qui avaient euvahi 1 chananeeune avec les caracteres egyptiens demontre quo
3a premiere a e"t6 empruntee a 1'hieratique de 1'ancien I teres phe'niciens, la mdme ressemblance que les papyrus
empire, et qu'elle est par consequent ant&ieure a la dix- J des epoques qui ont prec6d4 1'expulsion des rois pasteurs.
0)
Abouschadir
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107. Tableau de 1'alphabet arabe et de 1'alphabet nabateen.
huitieme dynastic. Les papyrus de la dix-huitieme dynastie i Les Pheniciens ont par consequent invente leur alphabet
et des epoques posterieures n'oflrent plus, avec les carac- | avanl celle epoque. L'ecriture alphabetique existait done
411 ALPHABET
avant Moise, qui n'a fleuri que dn temps de la dix-neu- i Lorsque Abraham arriva en Palestine, il devait con-
vieme dynastic egyptienne; il a done pu ecrire Fhebreu, | naltre 1'ecriture cuneiforme, usitee dans la Chaldee, sa
PHENICIEN A R AM E E N
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etyant tfC. avant J:C, or. J.'L. avant J:C. apresJ-C tepres J:C. atpres JrC.
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108. Tableau de 1'alphabet aram&n.
qui ne difierait presque en rien de la langue phenicienne, I patrie. Cette Venture se repandit dans toute 1'Asie ante-
-vec les caracteres pheniciens. ' rieure, et en particulier en Chanaan, comme 1'a prouv6
413 ALPHABET 414
SEMITIQUE S E M I T I Q U E DU SUD
DU N O R D
Yaqtanide Etkiopien
Chaldeen
et Thanaoudite
Hebreu
Nabateen (Safa)
Sabe en
Ethiopien
Axum. s Noms
WSiecle I^&ecle J^Saede JFetFSiecks
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Daleth 7 <! JDent
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Schm- u/ W Saxvb
Thar x -h 4-
109. Tableau des alphabets yaqtanide et 6thiopien, compares anz alphabets h^breu et nabatden.
la correspondance cuneiforme adressee aux Am4nophis, I Terre Promise, adopta-t-il l'criture ph^nicienne, beau-
et trouvee en 1887 a Tell el-^mama. Abraham, dans la | coup plus simple, plus facile, et meme plus apte a rendre
415 ALPHABET ALPHABfiTIQUE (POfiME)
les articulations propres de sa langue, on ne saurait le le peuple qui en fit le premier usage, comme ils se modi-
dire. Mais si nous ignorons ce que fit ce patriarche, il y fierent ensuite en Grece et chez les peuples divers qui
a tout lieu de penser que Moise se servit des caracteres les adopterent.
alphabe'tiques des Chananeens. H existait des comptoirs Malheureusement les monuments de F.ecnture ph&ii-
pheniciens dans le Delta, sur les cotes de la Mediterranee. cienne primitive sont perdus, ceux qui nous restent sont
Les Pheniciens ont eu de tres bonne heure des relations de date relativement r6cente (voir le Corpus inscriptio-
suivies avec 1'Egypte. Les habitants de la vallee du Nil ne num semiticarum, t. I, in-f, Paris, 1881), et il est im-
pouvaient se passer des productions des pays etrangers : possible de suivre 1'histoire de I'alphabet phenicien dans
ils avaient besoin d'esclaves, de parfums pour 1'embau- les diverses phases de son developpement depuis ses ori-
mement des momies, etc., qu'on amenait ou qu'on appor- gines. Ce n'est que dans les siecles qui ont precede imme-
tait d'Asie; ils vendaient eux-mmes une partie de leurs diatement notre ere que 1'epigraphie nous fournit ses
produits indigenes. Pour ce commerce, les intermediaires premiers documents. Nous runissons ici, dans quatre
leur etaient indispensables. A toutes les epoques de leur tableaux compares, les elements qu'elle nous fournit pour
histoire, ils avaient manifests une grande aversion pour la reconstitution de I'alphabet phenicien et hebreu et des
les voyages lointains, et surtout pour les voyages mari- autres alphabets semitiques qui en derivent. (D'apres les
times. II fallait done qu'on transportat chez eux du dehors meilleurs auteurs qui ont traite cette matiere, Taylor,
les objets qui leur etaient necessaires, et qu'ils ne vou- Fr. Lenormant, M. de Vogue.)
laient point aller acheter eux-monies dans les pays d'ori- Voir le tableau 106 pour les vingt-deux consonnes de
gine. Les Pheniciens leur rendaient ce service. De la le I'alphabet phenicien-hebreu, avec les differentes modifi-
bon accueil qu'ils recevaient dans la vallee du Nil, et le cations que leur forme a subies dans la suite des temps.
grand nombre de marchands de Tyr et de Sidon qu'on Pour la signification et la valeur de chaque lettre he-
rencontrait dans le Delta. Ces marchands faisaient usage bra'ique, en particulier, voir au nom de chaque lettre.
de leur ecriture pour tenir leurs livres de compte, et ils Les autres ecritures semitiques, a 1'exception de 1'as-
parlaient la m&ne langue que les Hebreux qui habitaient syrien, derivent de I'alphabet phenicien. Voir, fig. 107,
la terre de Gessen. Les enfants de Jacob, meles sou vent le tableau de I'alphabet arabe, a ses diverses e"poques,
avec eux, s'initierent a leur e"criture, et ils 1'adopterent dans 1'ordre des lettres hebraiques; fig. 108, le tableau de
naturellement pour e"crire leur langue, qui ne differait I'alphabet des langues arameennes, egalement selon
pas de celle des Chananeens. On a tout lieu de penser 1'ordre de I'alphabet hebreu; et enfin, fig. 109, le tableau
qu'ils s'en servaient m6me avant la naissance de Moi'se. des signes alphabetiques yaqtanides et ethiopiens compares
Malheureusement les documents nous manquent pour aux caracteres hebreux et nabateens.
determiner a quel moment precis les Hebreux commen- L'ecriture exerce sur ceux qui 1'emploient, comme la
cerent a faire usage des caracteres pheniciens. Que si Ton langue elle - me"me, quoique a un moindre degre, une
voulait abuser de cette absence de documents pour pre- influence inevitable. Elle se transforme aussi insensible-
lendre que Moise n'a pas connu 1'eeriture phenicienne, ment, comme toutes les choses humaines. Les transfor-
nous devons faire observer qu'on n'aurait pas le droit mations de I'alphabet phenicien adopte" par les Hebreux
d'en conclure qu'il n'a pas pu ecrire le Pentateuque, et 1'influence que cette ecriture a exerce"e sur la compo-
parce qu'il est tout a fait certain que rien ne 1'einpechait sition et la transmission des Livres Saints seront e'tudie'es
d'employer I'ecrilure hieratique ou mdme hieroglyphique a 1'article ECRITURE HEBRAIQUE, en meme temps que la
des Egypliens, puisque nous possedons, en ces diverses suite de 1'histoire de cette ecriture, dont nous venons de
ecritures, des livres fort longs, tels que le Livre des morts, voir ici 1'origine. Pour 1'introduction dans la Bible he"-
dont il est venu jusqu'a nous des exemplaires anterieurs braique des voyelles, qui lui ont manque tant que 1'he'breu
de plusieurs siecles a 1'epoque de Moise. a ete une langue vhante, voir POINTS-VOYELLES.
III. Elements de I'alphabet phenicien. L'eeriture IV. Bibliographic. E. de Roug6, Memoire sur I'ori-
adoptee par les Pheniciens et transmise par eux aux gine egyptienne de I'alphabet phenicien, dans les Comptes
Hebreux se composa de vingt-deux elements ou signes, rendus de I'Academic des inscriptions, t. in, 1859,
correspondant exactement au nornbre de consonnes ou p. 115-124; Id., public par les soins de M. J. de Rouge,
d'aspirations usitees dans leur langue. Le nom donne a avec trois tableaux, in-8, Paris, 1874; Fr. Lenormant,
chacune des vingt-deux leltres de leur alphabet nous Introduction a un memoire sur la propagation de I'al-
permet de nous rendre compte de la maniere dont ils le phabet phenicien, in-8, Paris, 1866; Essai sur la
formerent. Ils appelerent chaque lettre du nom de 1'objet propagation de I'alphabet phenicien dans I'anden monde,
aniline" ou inanime* qu'elle representait plus ou moins 3 in-8, Paris, 1872-1873 (reste macheve); M. de Vogiie,
exactement; par exemple, la troisieme lettre, le g, s'ap- L'alphabet arameen et I'alphabet hebralque, dans ses
pela ghimel ou chameau , parce qu'elle figurait 1'image Melanges d'archeologie orientals, Paris, 1868; C. Faul-
d'un chameau, cet animal precieux, qui servait a leurs mann, Neue Untersuchungen uber die Enstehung der
caravanes pour transporter les marchandises dans riiite- Buchstabenschrift, Vienne, 1876; Id., Das Buck der
rieur des terres. Conformement a ce qu'ils avaient vu faire Schrift, enthaltend die Schriften und Alphabeten aller
aux Egyptiens, qui exprimaient, par exemple, la lettre I Zeiten und aller Volker, m-4, Vienne, 1878; Id., lllus-
par un lion, ils choisirent done pour figurer chaque con- trirte Geschichte der Schrift, in-8,Vienne, 1880; J. Taylor,
sonne un objet dont le nom commencait par cette con- The Alphabet, an account of the Origin and Development
sonne, et ce signe, partout ou il fut reproduit, cut la of Letters, 2 in-8, Londres, 1883; J. C. C. Clarke, The
valeur exclusive de la consonne initiale, telle que g dans Origin and Varieties of the Semitic Alphabet, with spe-
ghimel. Ils emprunterent done aux Egyptiens leur me- cimens, 2e edit., in-8", Chicago, 1884; J. Halevy, Inscrip-
thode et leurs signes, mais en ayant soin de substituer au tions du Safa, dans le Journal asiatique, 1877, t. x,
nom e*gyptien un nom phenicien commencant par la merne p. 293-450; E. S. Roberts, An Introduction to Greek
lettre, et en modiiiant sans doute un peu les signes eux- Epigraphy, in-8, Cambridge, 1887, t. i, p. 4 et suiv.;
memes, pour qu'ils ressemblassent autant que possible a A. Kirchhoff, Studien zur Geschichte der griechischen
1'objet dont ils portaient le nom dans leur langue. II est Alphabets, 4e edit., in-8, Giitersloh, 1887.
probable que tout d'abord 1'image de la lettre phenicienne F. VIGOUROUX.
reproduisit plus exactement que dans la suite 1'objet figure. ALPHAB&TIQUE (PO^ME). Les Hebreux avaient
Toutes les ecritures tendent par leur nature a devenir cur- une espece de poeme qu'on appelle alphabetique, parce
sives et a simplifier les traits et les formes, pour qu'il soit que chaque vers ou chaque serie parallele de vers com-
possible de tracer les lettres plus rapidement. Les carac- mence par une lettre de I'alphabet. C'est done une sorte
teres pheniciens durent par consequent se modifier chez d'acrostiche. Nous avons dans la Bible hebraique un certain
417 ALPHABETIQUE <POEME) ALPHEE 418
nombre de poemes alphabeuques parfaitement reguliers; et 1'autre dans le dernier distique. Le Psaume xxxvn
quelques autres, tout en etant alphabetiques, ne le sont (Vulgate, xxxvi : Noli semulari in malignantibus) renferme
qu'imparfaitement. vingt-deux strophes alphabetiques d'inegale longueur : la
1 Les poemes alphabetiques reguliers sont les Psaumes plupart ont quatre vers , quelques-unes n'en ont que trois.
cxi, cxn et cxix selon 1'hebreu (Vulgate, ex, cxi, cxvin); La lettre ain manque dans le texte actuel, mais la tra-
1'eloge de la femme forte, dans les Proverbes, xxxi, 10-31; duction des Septante et notre Vulgate, qui renferment un /
les quatre premiers chapitres des- Lamentations. Les vers de plus que 1'original, les mechants serqnt punis,
Psaumes cxi (Confitebor Domino) et cxii (Beatus vir) t- 28, prouvent que le vers ou se lisait le ain initial est
sont composes chacun de vingt-deux vers, commencant perdu dans le texte massoretique , ou il manque d'ailleurs
par les vingt-deux lettres de 1'alphabet, dans leur ordre un vers pour avoir la strophe reguliere de qualre vers; il
ordinaire. Les membres paralleles (voir PARALLELISMS) faut suppleer, comme on lit dans le qeri: vtaiM n>Viy,
sont au nombre de deux dans les huit premiers versets, 'avvdlim nismddu, les impies seront aneantis. Dans la
formes par les seize premieres lettres, qui donnent ainsi derniere strophe, jr. 39, on doit supprimer le vav initial
seize vers. Le parallelisme a trois membres dans les deux pour qu'elle commence regulierement par un thav. Le
derniers versets, et par consequent six vers commencant Psaume CXLV (Vulgate, CXLIV : Exaltabo te, Deus meu^),
par les six dernieres lettres. Le Psaume cxix (Beati le dernier des Psaumes alphabetiques, n'a que vingt et un
immaculati) est compose d'une maniere differente. II ne distiques, parce que la lettre noun est omise. Sauf cette
renferme pas moins de trois cent cinquante-deux vers omission, il est d'ailleurs regulier.
(ou cent soixante-seize, d'apres une autre maniere de les Tels sont les poemes alphabetiques encore subsistants
compter) formant cent soixante-seize distiques, divises en dans la Bible hebraique. L'auteur de 1'Ecclesiastique avait
vingt-deux strophes, c'est-a-dire qu'il contient autant de aussi termine son livre, LI, 18-38, par un poeme alphabe-
strophes que 1'alphabet hebreu contient de lettres. Chaque tique d'action de graces a Dieu, comme 1'a prouve M. Bickell,
strophe a seize vers ou huit distiques. Le premier membre qui y a decouvert quarante- quatre vers, et a essay e de
parallele de chaque strophe commence par la mSme lettre, reconstituer le texte hebreu original, dans la Zeitschrift
desorte que chaque lettre de 1'alphabet est repetee huit fois fur katholische Theologie, 1882, p. 326-328.
au commencement de chaque distique de chaque strophe: Les poemes alphabetiques hebreux ne sont pas seu-
Yaleph huit fois dans la premiere strophe, le beth huit lement interessants en eux-memes a cause de leur forme
fois dans la seconde, et ainsi de suite. De la vient qu'on poetique particuliere ; ils ont aussi une importance cri-
appelle la premiere strophe aleph, la seconde beth, etc. tique reelle. Nous avons vu comment les regies suivies
Ces noms ont ete mis dans notre Vulgate latine, Ps. cxvin, dans leur composition permettent de constater certaines
en tete de chaque strophe. L'eloge de la femme forte alterations dans le texte et de les rectifier, comme dans
dans les Proverbes, xxxi, 10-31, se compose de vingt- le Psaume xxxvn (xxxvi), 39. Ils ne sont pas moins utiles
deux distiques (44 vers). Le premier vers seul de chaque pour 1'etude de la versification hebraique, parce que plu-
distique est alphabetique. Dans les Lamentations, ch. I, sieurs d'entre eux indiquent d'une maniere certaine la
u et iv, nous avons vingt-deux versets, renfermant chacun division des vers. Voir POESIE HEBRAIQUE. Ils servirent
plusieurs vers, dont le premier seul est alphabetique. Le a Lowth de point de depart pour reconnaitre 1' existence
chapitre in se distingue des autres en ce que la lettre du parallelisme et ses lois. Voir PARALLELISME. Ils n'ai-
initiate caracte"ristique a ete repetee trois fois, ce qui a derent pas moins Koester dans la decouverte des strophes.
fait diviser ce chapitre en soixante-six versets. L'ordre de Dans le Psaume xxxvn (xxxvi), en effet, chaque lettre de
1'alphabet est suivi dans ce chapitre comme dans les autres, 1'alphabet indique le commencement d'une strophe.
excepte pour le phe, qui est place avant Yain au lieu de F. VlGOUROUX.
le suivre. Le dernier chapitre des Lamentations, le cin- ALPHE, Nouveau Testament: '
quieme, est le seul qui ne soit pas alphabetique.
2 Les poemes alphabetiques irreguliers sont les Psaumes 1. ALPHEE, peredeLevi, c'est-a-dire de saint Matthieu.
xxv, xxxiv, xxxvn, CXLV, et surtout ix et x (selon 1'he- Marc., H, 14. On ne connait de lui que son nom.
breu). Le Psaume ix (Confitebor tibi,Domine,...narrabo)
est compose de la maniere suivante : le commencement de 2. ALPHEE, pere de Jacques. Tout ce que nous
chaque strophe (generalement de quatre vers) est indique savons de certain sur Alph^e , c'est qu'il etait le pere de
par la lettre alphabetique : Yaleph commence les quatre 1'apotre saint Jacques le Mineur; les quatre listes que
premiers vers, 2-4; le beth, le vers 5 (jK 4); le ghimel, nous avons du college apostolique 1'affirment, Matth., x, 3;
le vers 9 ($. 6); le he, le vers 11 ( f . 7 a ); le vav, le Marc., m, 18; Luc., vi, 15; Act., 1, 13, et la tradition est
vers 13 {jL 8 a ); le zam, le vers 21 (jL 12*), le heth, le unanime sur ce point. II est done inutile de se demander
vers 25 (?. 14"); le theth, le vers 30 (jL 16); 1'iod, le si le texte : 'Iaxa>6o? 6 TOU 'AXipatou ne signifierait pas :
vers 35 (}K 18"). De Yiod, le poete passe au qoph, vers 39 Jacques, frere d'Alph4e.
(jK 20*), et termine son chant. Le daleth manque. Nous Au moyen de combinaisons de textes, beaucoup d'exe-
avons done dix strophes alphabetiques irregulieres (2-3; getes admettent comme probable qu'Alphee etait frere de
4-5; 6; 7; 8-11; 12-13; 14-15; 16-17; 18-19; 20-21). saint Joseph ; il aurait epouse une Marie , laquelle etait
Au Psaume x, les ^jK 12, 14, 15, 17, sonl seuls alpha- peut-etre sosur de la sainte Vierge ; il cut pour fils Jacques,
betiques (qoph, resch, schin, thav). Le Psaume xxv Joseph, Simon et Jude. Hegsippe affirme, au temoi-
(Vulgate, xxiv : Ad te, Domine, levavi animain meam) gnage d'Eusebe, Hist, eccl., in, 11, t. xx, col. 248, que
se compose de vingt-deux versets formant a peu pres au- Klopas ou Cleophas etait frere de saint Joseph et pere de
tant de distiques, commencant par les vingt-deux lettres saint Simeon, frere de saint Jacques. A moins de sup-
de 1'alphabet, seulement Yaleph et le vav n'ont qu'un vers poser que saint Jacques, veque de Jerusalem, est, comme
{jL 2 et 5), tandis que le heth en a trois (jL 7); le beth 1'ont soutenu quelques critiques, distinct de saint Jacques,
a ete transpose dans le f . 2, et le vav a disparu dans apotre, ce texte prouve 1'identite de Klopas et d'Alphee,
le y. 5, mais le qeri a corrige ces deux fautes; enfin le question discutee plus loin. Saint Jean, xix, 25, nous
qoph manque et le resch est repete deux fois (}K 18 et 19). apprend que Cleophas etait epoux de Marie ; saint Matthieu,
Le Psaume xxxv (Vulgate, xxxiv: Benedicam Domi- xxvn, 56, que Joseph ('laxrii;) etait fils de Marie; d'apres
num in omni tempore) a vingt-deux distiques, selon le Marc, vi, 3; Act., i, 13; Jude, i, Jude etait frere de
nombre des lettres de 1'alphabet, qui commencent chacune Jacques ; enfin saint Matthieu nomme tous ensemble
un distique. L'irregularite de la forme de ce psaume Jacques, Joseph, Simon et Jude, comme freres de Jesus.
consiste en ce que la lettre vav manque, et que la lettre Done, si Joseph, Simon et Jude sont freres de Jacques,
phe est repetee deux fois, une fois a sa place ordinaire fils d'Alphee, ils sont probablement aussi fils d'Alphee.
DICT. DE LA BIBLE. I. - 16
419 ALPHEE ALSGHEICH 420
Mais ces combinaisons de textes ont pour base com- sacrarum), et nn commentaire sur les chapitres xxrv et
mune I'identit6 d'Alphee avec Cleophas, epoux de Marie. xxv de saint Matthieu, in-8, Leeuwarden, 1734. Voir
Joa., xix, 25. Or cette identite est une question contro- Chalmot, Biographisch Woordenboek der Nederlanden^
versee,, sur laquelle ne s'accordent ni les exegetes t.i, p. 170.
anciens ni les critiques modernes. Voici en resum^ les
arguments pour et centre : I. Jacques le Mineur avait 3. ALPHEN (Jerome van), poete et theologien hollan-
pour pere Alphee, Matth., x, 3, et pour mere, Matth., dais, petit-fils de Jerome Simon van Alphen, ne a Gouda
xxvn, 56; Marc., xv, 40, Marie, epouse de Cleophas, le 8 aout 1746, mort a la Haye le 3 avril 1803. II &udia
Joa., xix, 25; done, a moins qu'Alphee n'ait etc un le droit a 1'universite de Leyde, devint procureur general
premier epoux de Marie, Alphee et Cleophas designent a la cour d'Utrecht, et enfin conseiller et tr4sorier general
le m&ne personnage. On peut expliquer de deux facons des Pays-Bas. II est regarde comme 1'un des premiers
comment la merae personne a ete appelee de deux noms poetes hollandais. II est aussi connu par son ouvrage inti-
differents. 1 Alphee aurait, d'apres une coutume tres tule : Ueber die Vortrefflichkeit der mosaischen Gesetz-
repandue a cette epoque, porte deux noms, un nom gebung in Vergleichung mil den Gesetzen Solans und
arameen, Chalphai, et un nom grec, KXtoTta?; c'est ainsi Lykurgs. Ce travail fut insere dans le t. IX des Memoires
qu'on trouve Simon, s'appelant aussi Simeon; Jesus, de la Societe Teylerienne de Harlem (1784), qui lui decerna
Jason. KXtima; viendrait de KXeowarpo?, comme 'AvrtTra? un prix. On doit mentionner aussi de lui : Predigt das:
de 'AvuTtatpo?. Nous avons un exemple de cette con- Evangelium alien Creaturen, eine Staatsmaxime im
traction dans les formes KXwirac, Joa., xix, 25, et Reiche der Wahrheit und Tugend, 1803. Voir Collot
KXsoTOx?. Luc., xxiv, 18. 2 Les deux noms Alphee et d'Escury, Hollands Roem in Kunsten en Wetenschap-
Clopas deriveraient de 1'arameen Halpha'i. La gutturale pen, t. i, p. 155; Kampen, Geschiedenis der Leterren
arameenne heth peut e"tre remplacee en grec par 1'esprit en Wetenschappen in de Nederlanden, t. n, p. 375;
doux, et Halphai produirait'AXqmo;, ou par un X ou Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopadie, t. in, p. 217;
un K, et Halphai donnerait KXwira?, comme in, Jfaggal Koenen, Hieronymus van Alphen, Amsterdam, 1844.
a donne 'Ayyaioc, Agg., I, 1; nan, Hamaf, AijxaO.
Num., XHI, 22, etc. 1. ALPHONSE, dit d'Alcala, du lieu de sa naissance,
II. A ces arguments on repond : 1 Cette hypothese Alcala-la-Real, medecin juif, qui embrassa le catholicisme
suppose que Marie, mere de Jacques, etait femme de en 1492. Tres verse dans les langues hebraique, grecque
Cleophas. II est certain que la Marie, mere de Jacques et latine, il fut charge par le cardinal Ximenes de colla-
et de Joseph, est bien la mme que la Mapta r) TOV borer a sa Bible polyglotte. La traduction latine des livres
KXwna. La concordance des textes le prouve. Mais cette hebreux de 1'Ancien Testament a ete faite par Alphonse
expression signifie-t-elle necessairement : Marie, femme d'Alcala et P. Coronel.
de Cleophas ? On pourrait traduire aussi: Marie, mere ou
fille ou sceur de Cleophas. Saint Jerome lui-meme ne savait 2. ALPHONSE, surnomme de Zamora, du lieu de sa
pas pourquoi elle etait ainsi appelee. Etait-ce a cause de naissance, savant rabbin espagnol, qui se convertit et
son pere, de son surnom de famille, gentilitate families, recut le bapteme en 1506. II mourut en 1531. Ce fut le pre-
ou pour toute autre raison ? II 1'ignore. Adv. Helvid., 13, mier professeur d'hebreu a 1'universite de Salamanque. 11
t. xxvi, col. 196. 2 'AXipato; a certainement une origine possedait si parfaitement cette langue, ainsi que le chal-
semitique; mais Clopas est grec, et ne peut deriver d'un deen, le grec et le latin, que Ximenes le chargea de la
mot arameen. M. Wetzel soutient que non seulement le X correction du texte hebreu de sa Bible polyglotte, et de
de Clopas, mais encore chaque lettre et son de ce mot la traduction en latin de la paraphrase chaldaique. C'est
sont inexplicables comme representatifs de IJalphai. a lui que Ton doit le sixieme volume, contenant un diction-
Alph&us und Klopas, dans les Theologische Studien naire hebreu et chaldeen, un index des mots latins avec
und Kritiken, 1883, p. 620-627. Et la preuve qu'a 1'origine renvois aux mots hebreux correspondants, et une gram-
on tenait ces deux noms pour differents, c'est que la maire hebraique, assez complete pour le temps. II publia
version syriaque traduit Alphee par Halphai, et Clopas ou en outre Introductions hebraicss : 1 Grammatical he-
Cleophas par Kleopa. Cf. Schegg, Jakobus der Bruder braicss libri tres (grammaire plus courte et plus facile
des Herrn, p. 53. Le probleme, on le voit, est tres com- que celle de la Polyglotte); 2 Nominum ac verborum
plexe. L'opinion la plus commune se prononce cependant hebraicorum dictionarium copiosum ; 3 Declarations
en faveur de 1'identite d'Alphee et de Cleophas. vocabulorum artis grammatical et commentatorum bibli-
On ne sait absolument rien sur la vie d'Alphee, mais corum; 4 Catalogus judicum, regum et sacerdotum
il parait probable qu'il etait mort avant le commencement atque prophetarum Veteris Legis; 5 Tractatus de vera
de la vie publique de Notre-Seigneur. E. JACQUIER. orthographia hebraices descriptionis ; 6 Epistola auctoris
ad infideles Hebrseos urbis Roms& (ou il prouve la venue
1. ALPHEN (Jerome Simon van), pasteur protestant du Messie), in-4, Alcala-de-Henares, 1526. Du meme
hollandais, ne a Hanau le 23 mai 1665, mort a Utrecht auteur, on conserve en manuscrits, a 1'Escurial, une gram-
le 7 novembre 1742. II fit ses etudes aux universites de maire hebraique en langue vulgaire, destinee a initier les
Franeker et de Leyde. Successivement pasteur a War- Espagnols a la langue sacree, et une traduction en cas-
mond et a Amsterdam, il devint enfin, en 1715, professeur tillan de 1'explication donnee par Kimchi des cinquante-
de theologie a Utrecht, et il occupa sa chaire jusqu'a sa neuf premiers psaumes. E. LEVESQUE.
mort. Son oeuvre principale a pour titre : Specimina ana-
tytica in Epistolas Pauli, 2 in-4, Utrecht, 1742. II avait 3. ALPHONSE TOSTAT. Voir TOSTAT.
publie, plusieurs annees auparavant, Dissertationes ad
historian, Pauli, in-4, Utrecht, 1717-1719. Voir A. Dra- ALSCHEICH Moise, ne a Safed, dans la haute Gali-
kenborch, Oratio funebris in obitum van Alphen, in-4, lee, et rabbin de cette ville, vivait dans la seconde partie
Utrecht, 1743. du xvie siecle. II s'acquit un renom de predicateur et
d'exegete. Ses commentaires sur la plus grande partie de
2. ALPHEN (Jerome van), theologien hollandais, fils la Bible hebraique furent autrefois tres estimes. Ce sont,
du precedent, ne a Amsterdam le 9 mai 1700, mort a suivant 1'ordre des Livres saints : 1 fordh Moseh, La,
Gouda le 20 avril 1758. II fut pasteur protestant a Leeu- loi de Moise, commentaire sur le Pentateuque, imprime
warden d'abord, puis, en 1733, a Amsterdam. On a de d'abord in-f, a Belvedere, pres de Constantinople, 159.,
lui: De terra Chadrach et Damaso opus, in-12, Utrecht, et depuis in-f, Venise, 1601; in-f, Prague, 1610; in-f,
1723 (reimprime dans Ugolini, Thesaurus antiquitatum Amsterdam, 1710; in-40, Amsterdam, 1777. 2 Mar'of
ALSCHEICH ALTHAMER 422
hasfdbe'df, Miroirs de cellesqui se reunissent (pour le ffiuvres theologiques ont e'te' raises a 1'index le 10 mai 1757.
service du tabernacle), Exod., xxxvni, 8, premiere partie: VoirNiceron, Memoires, t. XLI.
commentaire sur les premiers prophetes, c'est-a-dire sur
Josue, les Juges, Samuel etlesRois, in-f, Venise,1601 'AL TA^HET, mots hebreux employes dans les titres
et 1620; in-f% Prague, 1610; in-f% Offenbach, 1719. des Psaumes, LVII, 1, etc., pour designer un air connu.
3 Meme titre, deuxieme partie : commentaire sur les Voir TAHET ('AL). La Vulgate traduit ces mots hebreux
derniers prophetes, c'est-a-dire Isaie, Jeremie, Ezechiel par ne disperdas, Ps. LVI, 1, ou par ne corrumpas.
et les douze petits prophetes, in-f, Venise, 1607; in-f, Ps. LXXIV, 1.
Jesnitz, 1720,1730; in-f, Zolkiew, 1749; in-f, Furth, 1765.
4 Rdmemof 'El, Louanges de Dieu, Ps. CXLIX, 6, com- ALTER Francois-Charles, commentateur autrichien,
mentaire sur les Psaumes, e"dite avec le texte et une preface ne~ a Engelsberg (Silesie autrichienne), le 27 Janvier 1749,
par le fils de 1'auteur, in-4, Venise, 1605; in-4, Amster- entra au noviciat des Jesuites de la province de Boheme,
dam, 1695; imprime avec les corrections de Hirsch ben le 21 octobre 1766. II s'appliqua a 1'etude de 1'histoire et
Meir, in-f, Jesnitz, 1721; in-f, Zolkiew, 1764. 5 Rob des langues grecque et hebraique. Apres la suppression
peninim, Multitude de perles ou grains de corail, Prov., de la Compagnie de Jesus (1773), il fut recu docteur en
XX, 15, explication des Proverbes, publiee avec le texte et philosophic a 1'universite de Vienne,, y devint bibliothe-
une excellente table des matieres, in-4, Venise, 1601; caire et professeur de grec. C'etait un linguiste distingue.
in-fo, Jesnitz, 1722; in-f, Zolkiew, 1765. 6 ffelqaf me- II mourut a Vienne en 1804. On a de lui : Novum Tes-
hoqeq, La part du $hef, Deut., xxxm, 21, commentaire tamentum ad codicem Vindobonensem grsece expres-
sur Job, edite par son fils Cha'im Alscheich, in-4, Venise, sum; Varietatem lectionis ex codicibus Bibliothecse Pala-
1603; in-f, Jesnitz, 1722. 7 Sosannaf hd'dmdqim, Le lis tinse Vindobonensis addidit Alter, 2 in-8, Vienne, 1787; Des-
des vallees, Cant., n, 1, explication du Cantique des can- criplio summariacodicis Csesareipurpureiaurei argentei,
tiques, in-4, Venise, 1591 etl606. 8 lEneM6seh, Les yeux inter cimelia Bibliothecss Palatinse Vindobonensis adser-
de Moise, Num., xi, 10, commentaire du livre de Ruth, paru vati, quo continentur fragmenta latina Lucse et Marci
avec le texte ponctue^ in-4, Venise, 1601. 9 Debdrim juxta versionem latinam antiquam antehieronymianam,
nihumim, Paroles consolantes, Zach., i, 13, commentaire dans le Neues Repertorium fur biblische morgenldndische
sur les Lamentations de Jeremie, in-4, Venise, 1601. Literatur, de Paulus, lena, 1791,3e part., p. 115-170; Super
10 Debdrim tdbim, Bonnes paroles, Zach., I, 13, expli- locum I Timothei, in, 16; ibid., 2e part., p. 402. Dans Me-
cation de 1'Ecclesiaste, imprime"e avec le texte ponctue, morabilien. Eine philosophisch-theologische Zeitschrift,
in-4, Venise, 1601. 11 Mas'af Mdseh, Tribut fixe par de Paulus, Leipzig, 1792, il publia divers articles sur 1'Ecri-
Moise, II Par., xxiv, 6, explication du livre d'Esther, ture Sainte : Von orientalischer und biblischer Litera-
paru avec le texte ponctue, in-4, Venise, 1601. Les cinq tur in Wien, 3e part., p. 199-204; Frags uber die tar-
Megillot, c'est-a-dire le Cantique des cantiques, Ruth, les tarische Uebersetzung des Psalters; Ueber I Joh., v, 7,
Lamentations, 1'Ecclesiaste, Esther, furent reimprimes nach einem Armenischen Lectionarium ; Von einer Ara-
ensemble in-f, Prague, 1610; in-f, Francfort-sur-le- bische Psalterausgabe, 5e part., p. 188-201; Fragmenta
Mein, 1717; in-f, Offenbach, 1721; in-f, Zolkiew, 1755, Lucse ex codice Bibl. Palat. Vindob. argenteo, 7e part.,
et in-4, 1802.12 Jfaba??elet hasSdron, Rose ou colchique p. 58-98. Son ouvrage principal est le Novum Testamen-
du Saron, Cant., n, 1, commentaire sur Daniel, paru avec tum graecum ad codicem Vindobonensem graece expres-
le texte, in-4, Safed, 1563; in-4, Venise, 1592; in-4, sum. Cette edition critique du Nouveau Testament repro-
Offenbach, 1718; in-f, Amsterdam, 1726. A 1'exposition duit le texte du Codex Lambecii I, conserve a la biblio-
litterale, Alscheich unit dans une large mesure les expli- theque imperiale de Vienne, d'ou le nom de Codex Vin-
cations philosophiques, allegoriques et cabalistiques; ce dobonensis qu'Alter lui a donne dans le titre. Toutes les
qui, au sentiment de Richard Simon, le rend plus fois que Tediteur a juge son Codex fautif, il 1'a corrige
propre a des Juifs qu'a des Chretiens . Voir Ginsburg, d'apres 1'edition de Robert Estienne de 1546, mais il a eu
Commentary in Ecclesiastes, Londres, 1861, p. 73; soin d'imprimer a la fin de chaque volume la liste des
Etheridge, Introduction to Hebrew Literature, p. 415. errata qu'il a releves dans son manuscrit. Le plan de son
E. LEVESQUE. edition differe aussi par d'autres points des. editions cri-
ALSTED Johann Heinrich, theologien protestant, ne tiques de Mill, deWettstein et de Griesbach: le texte est
en 1588 a Herborn (Nassau), mort a Weissembourg en imprime seul et les diverses lecons sont releguees a la
Transylvanie en 1638. II fut professeur de philosophic et fin, ce qui en rend 1'usage moins commode. Ce travail
de theologie dans sa ville natale, puis a Weissembourg. fut neanmoins tres apprecie des connaisseurs lors de son
Parmi ses osuvres, qui sont nombreuses, on remarque : apparition. On reconnait generalement, dit Michaelis,
1 Diatribe de mille annis apocalypticis, in-8, Franc- que cette edition a ete faite avec beaucoup de soin et de
fort, 1627. L'auteur soutient 1'erreur du millenarisme, et diligence, et comme elle contient les variantes de certains
dit que le regne de mille ans pendant lesquels les saints manuscrits qui avaient ete jusqu'ici completement negli-
doivent regner avec Jesus-Christ sur la terre commencera ges ou tres superficiellement collationnes, elle est indis-
en 1694. 2 Triumphus Sibliorum seu Encyclopedia pensable a tous ceux qui s'occupent de critique sacree.
biblica, exhibens triumphum philosophies, jurispru- C. SOMMERVOGEL.
dentise et medicines sacra? itemque SS. theologies, qua- ALTHAMER Andre, pasteur lutherien, ne a Brentz,
tenus illarum fundamenta ex Scriptura Veteris et Novi en Souabe, d'ou le surnom de Brentius, par lequel il est
Testamenti colliguntur, in-4, Francfort, 1621; in-8, aussi designe, mort en 1564. II fut un des chefs du pro-
1625 et 1642. Dans cette encyclopedic, il veut prouver testantisme naissant. En 1527 et 1528, il prit part aux
qu'on doit chercher dans 1'Ecriture les principes et les conferences d* Berne sur la presence du Christ dans 1'Eu-
materiaux de tous les arts et de toutes les sciences. charistie, et il soutint la doctrine de Luther sur la con-
3 Pentateuchus Mosaica et pleias apostolica, id est, substantiation. Son principal ouvrage a pour titre : Conci-
quinque libri Mosis et septem Epistolas catholicas brevi- liationes locorum Scripturx qui specie tenus inter se
culis notationibus illustrate, in-8, Herborn, 1631,1640, pugnare vifantur centuries dux, in-8, 1533. Get ouvrage
1643. 4 Trifolium propheticum, seu explicatio Cantici a eu de nombreuses editions avec des augmentations;
canticorum, prophetias Danielis et Apocalypsis, in-4", c'est ainsi qu'on lit dans le titre de 1'edition de Nurem-
Herborn, 1640. 5 Memoriale biblicum et ceconomia berg de1542 : Praster inspersos hinc inde odditiones,
Bibliorum cum trivio philosophia, in-8, Herborn, 1620; occesserunt hutc seditioni (sic)'iriginta locorum b^ seu
in-12, 1627. 6* Analysis Novi Testamenti 17 titulis paria, etc. On a aussi d'Althamer : Annotatwnes in Jacobi
vel 12 tabulis comprehensa, in-8, Nuremberg, 1625. Ses Epistolam; Sylva biblicorum nominum, 1530, etc. Voir
433 ALTHAMER ALU'S 424
Bayle, Dictionnaire, an mot Althamer; J. A. Ballens- et donne" a cette abbaye en 1289, parle des apostilles de
tadt, Vita AUhameri, Wolfenbuttel, 1740. Guillaume d'Alton sur 1'Ecclesiaste et sur la Sagesse. Ces
apostilles ont et imprimees a Rome dans les (Euvres de
ALTHOFER Christophe, theologien luthenen, n4 le saint Bonaventure. D'Alton a laiss aussi des commen-
9 novembre 1606, a Hersbruck, mort a Culmbach, le taires, qui sont restes manuscrits, sur la Genese, 1'Exode,
11 mai 1660. II fitses etudes a Altorf, Wittenberg, Leipzig le Levitique, les Nombres, Josue, les Juges, Ruth, Isaie,
et Una. Dans cette derniere ville, il s'attacha a ce qu'on Jeremie et les Lamentations. Voir J. Echard, Scriptores
appelait la triade johannique, c'est-a-dire qu'il adopta les ordinisPrasdicatorum, 2in-f, 1719-1721,11, p.244-246.
opinions theologiques de Johann Gerhard, Johann Major et
Johann Himmel. II fut pasteur a Altorf, depuis 1629 jus- 1. ALTSCHUL Chaim, auteur juif du xvm* siecle,
qu'en 1637; en 1644, il devint conseiller ecclesiastique et composa : 1 Be{ Ysrd'el, La maison d'lsrael. C'est une
surintendant general a Culmbach, ou il mourut en 1660. histoire juive depuis Abraham jusqu'apres les Asmoneens,
Althofer crivit un grand nombre d'ouvrages de pole- avec une table des juges, des prophetes et des rois, in-4,
mique centre les catholiques et contre les calvinistes, et Amsterdam, 1724. Elle n'a rien de remarquable. 2 Bef
des commentaires. Ces derniers sont: Harmonia Evan- habbehirdh, La maison choisie, traite sur la structure du
gelistarum emedullata, hoc est, observations sacra? in temple et la ville de Jerusalem, imprime avec le prece-
quatuor Evangelistas, in-4, Kna, 1653 (resume des Har- dent, in-4, Amsterdam, 1724.
monies de M. Chemnitz et de P. Leyser); Animadver-
siones sacra? in Epistolam ad Ephesios disputationibus 2. ALTSCHUL. David, exegete juif du xvin< siecle,
sex comprehensss, in-4, Altorf, 1641; Observationes sacrtv laissa inacheve un commentaire sur les Prophetes et les
seu Commentariolus in Epistolam Pauli adPhilippenses, hagiographes, Mesudaf David, Forteresse de David. II
in-4, Altorf, 1641; Observationes sacra? seu Commenla- montre 1'enchainement de ces ecrits et en explique les
riolus in divinam ad Colossenses Epistolam Pauli, in-4, termes difficiles. Une partie de ce travail fut imprimee a
Altorf, 1653. Voir G. G. Zeltner, Vita, theologorum Livourne, in-8, 1753. Son fils, Jechiel Michael Altschul,
Altorfinorum, una cum scriptorumrecensu, in-4, Altorf, termina ce travail, qui parut en deux parties, chacune
1722; G. A. Will, Nurnbergisches Gelehrten-Lexicon, sous un titre special, Me$udaf $iyon, Forteresse de Sion,
Nuremberg, 1755, t. i, p. 26-29; Supplement, V<*rTheil, et MesMaf David, in-8, Berlin, 1770. David Altschul
1.1 (1802), p. 27-28; J. G. Walch, Bibliotheca theologica, donna aussi un commentaire des Psaumes au point de vue
t. iv, p. 704, 710, 712, 874; Allgemeine deutsche Biogra- de la piete, in-8, Slobuta, 1836; in-8, Koenigsberg, 1846.
phie, 1.1, p. 367. II a ete souvent imprime en Russie.
ALTING Jacob, the'ologien protestant allemand, ne a 3. ALTSCHUL Jechiel Michael, fils du precedent, publia
Heidelberg, le 27 decembre 1618, mort le 20 aout 1679. un commentaire sur^le temple d'Ezechiel, avec dessins,
II etait professeur d'h^breu a Groningue depuis 1667. Binyan habbayif, Edifice du temple, et sur le partage
C'etait un savant orientaliste, qui publia la grammaire de de la Terre Promise a 1'epoque de Josue; il a ete imprime
plusieurs langues orientales. II fut chef d'une nouvelle avec gravures, in-8, Amsterdam, 1782. On trouve aussi
cole grammaticale. Pour expliquer les changements de son ouvrage a la suite des oeuvres de son pere, dans plu-
voyelles si frequents dans les mots hebreux, il imagina sieurs editions.
le systeme des duress (systerna trium morarum), expose
dans ses Fundamenta punctationis linguae sanctas, in-8, 4. ALTSCHUL Wolf, a donne un commentaire sur le
Groningue, 1654, systeme plus ingenious que solide, troisieme temple prophetique d'Ezechiel, Zebed tob, Don
repris depuis par Danz et suivi encore par Schultens. excellent. Gen., xxx, 20. II parut avec un commentaire
Wogue, Histoire de la Bible, p. 356. Alting ecrivit aussi sur les bornes de la Palestine dans le livre de Josue, in-4,
des commentaires qui ne manquent point de science, mais Sklow, 1794. Une edition revue par El. Gotzel Altschul, et
ne contiennent cependant rien de bien remarquable : augmentee d'un commentaire des explications de Raschi
Commentarius in Jeremiam prophetam, in-f, Amster- sur le meme passage, parut sous le titre de Sehif 'es,
dam, 1688; Commentarius theoretico-practicus in Epi- Lambris de bois, Ezech., XLI, 16, in-4, Varsovie, 1814.
stolam ad Romanes, dans les Opera omnia theologica, E. LEVESQUE.
analytica, exegt.'ica,practica, problematica et philolo- ALUS (h^breu : 'AluS; Septante : AlXoy?), une des
gica Altingii, 5 in-f, Amsterdam, 1687, ou Ton trouve stations des Israelites avant leur arrivee au Sinai, men-
aussi le commentaire de quelques autres parties de 1'Ecri- tionnee entre Daphca et Raphidim, Num., xxxin, 13,14,
ture en particulier, Internuncius Dei geminus Veteris et omise dans le recit de 1'Exode, xvi, 1. Elle n'a pas ete
alter, alter Novi Testamenti, seu vaticinii Mosaici, quod identifiee jusqu'a present : 1'expedition anglaise qui a
Deuteronomii 48 exstat, plenior explicatio, in-12, Gro- explore la Peninsule sinaitique n'a pu determiner sa
ningue, 1658; Schilo,seu de vaticinio patriarchas Jacobi position, pas plus que celle de Daphca. Elle se trouvait
quod Genesis XLIX, 40, exstat, libri quinque quibus vera entre le desert de Sin, Exod., xvi, 1; Num., xxxiu, 11,
interpretatio redditur, ex eventu demonstratur et ad c'est-a-dire, d'apres le plus grand nombre des savants, la
Judaeorum convictionem osseritur, in-4, Franeker, 1660, plaine actuelle tfel-Markha, et Raphidim, Exod., xvu, 1;
1662. Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 10; Hoefer, Num., xxxin, 14, ou Vouadi Feiran. Or, pour se rendre
Nouvelle biographic generale, t. n, p. 235. d'un point a 1'autre, on peut suivre deux routes princi-
pales, sans compter celle qui, s'enfoncant dans les terres
ALTMANN Jean George, theologien protestant suisse, au dela de l'Ain-Dhafary, franchit la chaine du Naqb-
ne a Zoffingen en 1697, mort- a Ins le 19 mars 1758. II Bouderah : passage difficile que n'ont pu tenter les Israe-
professa le grec et la philosophic morale a Berne de 1734 lites. La premiere, partant de la plaine, remonte d'ouest
jusqu'en 1757," epoque ou il devint pasteur dins. On en est \ouadi Sidreh; puis, tournant a droite, va rejoindre,
remarque parmi ses ouvrages des Meletemata philologieo- du nord-ouest au sud-est, par Youadi Mokatteb, Fouadi
critica quibus difficilioribus Novi Testamenti loots ex Feiran. La seconde, la plus facile, mais aussi la plus
antiquitate lux affunditur, 3 in-8, Utrecht, 1753. longue, longe quelque temps la cote au sud de la plaine
d'el-Markha; puis elle remonte 1'ouadi Feiran depuis son
ALTON (Guillaume d'), dominicain anglais, ainsi embouchure jusqu'a Hesi el-Khattatin. Les explorateurs
nomine de la ville d'Alton, dans le comte de Hants, en anglais supposent que cette derniere voie fut prise par le
Angleterre, florissait au xm siecle. Un manuscrit de Fan- gros des Israelites, avec les troupeaux; mais que des deta-
cienne bibliotheque de Saint-Victor (ms. 976), ecrit en 1267 chements isoles remonterent 1'ouadi Sidreh. C'est done
425 ALUS . AMALEC 426
sur Tune de ces deux routes que se trouvait Alus, dont la AMAL (hebreu : 'Xmdl, labeur; Septante : 'A(iiX),
tradition n'a pas garde le souvenir. On peut croire d'ail- quatrjeme fils de Helena, Benjamite. I Par., vn, 35.
leurs que c'etait une station sans importance, puisque
1'Exode la passe completement sous silence. Cf. F. Vigou- AM ALEC, hebreu: 'Arndleq; Septante: 'AjtaXrix,
roux, La Bible et les decouvertes modernes, 4e edit., 1884, 'A|ia)iTix{TY|?; la Vulgate ecrit Amalech dans Gen., xxxvi,
t. u, p. 508, 509. Voir DAPHCA et RAPHIDIM. 12,16; de la: Amalechites, dans certains manuscrits et edi-
A. LEGENDRE. tions. L'etymologie du nom est inconnue, et ce n'est qu'en le
ALVA (hebreu : 'Alvdh ; Septante : rwX.dc), descendant partageant d'une fag on tout arbitraire entre les racines ny,
d'Esau, chef d'une tribu idume'enne. Gen., xxxvi, 40. 'am, et pph, laqaq, que Ton a obtenu 1'interpretation cou-
Nomme aussi ALIA (hebreu: 'Alydh), I Par., I, 51. rante: populus lambens, unpeuple qui leche, interpret
tation deja donnee par Philon : 6 *A(xa>.^x, 6; tpfisveuetat
ALVAN (hebreu: 'Alvdn; Septante : TwXan), fils ain Xabc lxXetxwv- ^e9- ollegor., m, 66, Leipzig, 1828, t. I,
de Sobal, qui etait le deuxieme fils de Seir 1'Horreen. p. 178; De migrat. Abraham, 26, t. n, p. 323; De con-
Gen., xxxvi, 23. Le meme qu'ALiAN (hebreu: 'Alydn). gressu qu&rend& eruditionis gratia, 11, t. m, p. 82.
1 Par., i, 40.
1. AMALEC, petit-fils d'Esau par Eliphaz et Thamna
1. ALVAREZ Gabriel, commentateur espagnol, ne la Horreenne. II est compte parmi les chefs des tribus
a Oropesa en 1564, entra au noviciat des jesuites de Sara- idumeennes. Gen., xxxvi, 12, 16, 22; I Par., I, 36. Get
gosse le 13 decembre 1582. II professa la theologie et Amalec est-il l'anctre du peuple qui a porte le meme
1'Ecriture Sainte, fut recteur des colleges de Majorque et nom? Beaucoup le pensent, simplement guides par la res-
de Barcelone, et mourut a Tarazona en 1645. II a commente semblance de nom et par 1'habitude de rencontrer dans
Isa'ie: Isaias Expositus, in-f, Lyon, 1623. la Genese la souche de la plupart des peuples qui figurent
ensuite dans la Bible; mais dans la genealogie des fils
2. ALVAREZ Louis, ou ALVRES, commentateur pqr- d'Esau, rien ne suppose 1'intention de rattacher a cet
tugais et predicateur celebre, ne a San -Roman en 1615, Amalec 1'origine d'un peuple distinct des autres tribus
entra au noviciat de la Compagnie de Jesus en 1629. II idume'ennes. Son nom n'y a aucun relief special et n'est
professa a Coimbre la rhetorique, la philosophic et 1'Ecri- accompagne d'aucune des formules dont se sert ailleurs
ture Sainte ; fut recteur des colleges d'Angra, de Porto et la Genese pour indiquer 1'origine des plus importants
d'Evora, provincial du Portugal et superieur de la maison voisins d'Israel. Cf. pour Moab, Ammon, Edom lui-me'me,
professe de Lisbonne, ou il mourut le 13 Janvier 1709. On Gen., xix, 37,38; xxxvi, 43. La ressemblance de nom n'im-
a de lui un volume sur Joseph : Joseph Rachelis filius plique pas par elle-meme la communaute d'origine; parmi
ilhistratus, in-f, Lyon, 1675. C. SOMMERVOGEL. ces fils d'Esau, il y a un Cenez, Gen., xxxvi, 11, 15, et
cependant on ne peut y voir le pere des Cene'ze'ens qui
AMAAD (hebreu : 'Am'dd; Septante : 'AfifriX, le A existaient au temps d'Abraham, Gen., xv, 19, ni des Cene-
final derive, par faute de copiste, du A primitif), ville de zeens apparfenant a la tribu de Juda. Num., xxxn, 12;
la tribu d'Aser, citee entre Elmelech et Messal, Jos., xix, 26. Jos., xiv, 6,14; xv, 17; Jud., i, 13; HI, 9; I Par., iv, 13,15.
Son identification plus ou moins probable peut se ratta- On peut done, s'il y a lieu, se poser et discuter en toute
cher aux deux opinions suivantes. Les explorateurs anglais libert^ la question de savoir si le petit-fils d'Esau est le
la placent a Khirbet el-'Amoud, au nord de Saint-Jean- pere des Amalecites; nous aliens apporter et discuter
d'Acre, et a peu de distance au sud-est A'Ez-Zib (ancienne brievement les raisons pour et contre.
Achazib). Cf. G. Armstrong, C. Wilson et Conder, Names I. Pour I'affirmative. 1 On allegue Josephe, Ant.
and Places in the Old and New Testament, 1889, p. 9. jud., II, i, 1; mais est-ce une tradition ancienne qu'il
M. V. Guerin pretend que ces ruines, simples tas de recueille ou une simple conjecture de sa part? II est diffi-
pierres de differentes dimensions, restes de maisons demo- cile de le dire. 2 On pretend que si dans Gen., xxxvi,
lies, empruntent leur nom a un ancien montant de pres- nous n'avons pas 1'ancetre des Amalecites, on ne trouve-
soir encore en place, perce au centre d'une rainure lon- rait des lors nulle part dans la Genese 1'origine d'une
gitudinale, et appele par les Arabes El-*Amoud, la nation qui a ete si souvent, dans les temps anciens, en
colonne, Description de la Palestine, Galilee, t. n, p. 41 . contact avec les He"breux; ce qui est invraisemblable, vu
D'autres auteurs 1'identifient avec le village d'Oumm le but et le plan de la Genese. C'est au fond 1'unique
el-'Amedt situs sur un petit plateau entre Beit-Lahm argument de ceux qui, comme Hengstenberg, Kurtz,
(Bethlehem de Zabulon) et Khirbet el-Beidha (Abes d'lssa- Keil, etc., ont soutenu 1'origine idumeenne des Amalecites
char). Si ce nom de mere des colonnes ne convient depuis qu'elle a e"t contestee. L'argument n'est pas rigou-
guere aujourd'hui a un endroit qui ne renferme aucun reux: il peut y avoir sur ce point une lacune dans la
vestige d'edifice antique ni aucun fut ou trongon de colonne, Genese. De plus cette lacune n'existerait m&me pas, si 1'on
cf. Guerin, ouvr. cite, t. I, p. 394, van de Velde voit la admettait, comme J. Michaelis, Spicileg. geographies heb.,
une raison pour supposer que la denomination peut 1769, t. i, p. 170-177, cherche a le prouver, que Chanaan
avoir une autre origine et semble deriver de 1'hebreu et Amalec designent le meme peuple, le premier nom
'Am'ad , Memoir to accompany the map of the Holy etant donne a la portion emigr^e en Syrie et sur la cote
Land, 1859, p. 284. La raison ne nous parait guere con- mediterrane'enne, le second etant celui de la partie restee
cluante. Cependant, s'il est vrai, comme 1'insinuent cer- en Arabic. Philon, Vita Mosis, I, 39, t. iv, p. 159, parait
tains critiques, que Youadi el-Malek, au sud duquel se compter les Amalecites qui attaquerent les Hebreux a
trouve Oumm el-'Amed, rappelle la ville d'Elmelech, citee Raphidim parmi les Pheniciens (<!>OCVIXE<:), c'est-a-dire
avant Amaad, et que Messal, citee apres, se retrouve dans les Chananeens qui habitaient la Palestine.
Misalli, au nord d'Athlit, la position indiquee dans cette II. Pour la negative. 1 On remarque qu'au temps
seconde hypothese repond assez bien a 1'enumeration de d*Abraham, par consequent bien avant la naissance d'Ama-
Josue, xix, 25, 26, qui rapproche notre ville du Carmel. lec, petit-fils d'Esau, Chodorlahomor, dans sa celebre
Voir ASER (tribu et carte). A. LEGENDRE. campagne, frappa le pays de 1'Amalecite et FAmorrheen
qui habile Asasonthamar . Gen., xiv, 7. On dira sans
AMADATHI (hebreu : Hammeddfd, nom avec Far- doute que le pays est designe, par anticipation, comme
ticle, le jumeau ou double [?]; Septante : 'AfiaBado;), devant e'tre un jour celui des Amalecites, 1'auteurse ser-
pere d'Aman. Esth., ni, 1,10; ix, 24; xii, 6; xvi, 10. II vant du nom le plus connu de son temps. Mais ce qui
eiait Agagite, c'est-a-dire originaire d'une province de rend ici peu vraisemblable cette explication, c'est que,
Jiedie appe!4e Agag. Yoir AGAGITE. dans cet antique fragment de la Genese, I'bistorien s'est
427 AMALEC AMALECITE 428
applique a indiquer les doubles noms geographiques pour montagne nous est conservee grace au village actuel de
les localites qui en avaient change. Cf. f . 2, 3,7,17. Deja Fer'ata, a deux heures et demie au sud-ouest de Naplouse,
Origene, In Num., horn, xix, t. xn, col. 719, se servait que plusieurs considerent comme 1'ancienne Phir'aton.
de Gen., xiv, 7, pour distinguer les Amalecites battus par E. Robinson, Later biblical researches in Palestine, 1856,
Chodorlahomor des Amalecites descendants d'Esau. II est p. 134; V. Guerin, Samarie, 1875, t. II, p. 179-180. C'est
vrai qu'il suit, sans la controler, la lecon des Septante, a cette montagne d'Amalec que se rapporte sans doute
qui ne permet pas d'expliquer le passage par une pro- 1'obscur et difficile passage, Jud., v, 14; Debora, enume-
lepse : Et ils battirent les princes des Amalecites et les rant celles d'entre les tribus qui ont pris part avec Barac
Amorrheens. (Par confusion du i et du ~i, ils ont lu a la campagne contre les Chananeens, nomme d'abord :
sure, princes, au lieu de sade, champ, pays; la ver- d'Ephra'im ceux qui ont leur racine en Amalec. Telle
sion syriaque suit la meme lecon que les Septante.) est 1'interpretation la plus probable du texte dans son etat
2 Que les Amalecites remontent, en effet, a une epoque actuel; la Vulgate n'en suppose pas un autre, mais sa tra-
anterieure a Esau, et appartiennent au groupe de popula- duction n'a aucun lien avec le contexte : Ex Ephraim
tions etablies en Chanaan avant la migration d'Abraham, delevit eos in Amalec. Elle repete ensuite le nom d'Ama-
c'est ce qu'on peut conclure non seulement du titre enig- lec, qui ne se trouve pas dans 1'original : Et post eum ex
matique donne par Balaam a Amalec dans son oracle : Benjamin in populos tuos, o Amalec. Saint Jerome, sans
Amalec, commencement (aine) des peuples, Num., doute sur les indications de ses maitres juifs, entendant
Xxiv, 20; mais surtout de 1'indication rapide de I Reg., le passage comme 1'auteur du Targum, y a vu une allu-
xxvn, 8, qui montre Amalec occupant depuis les temps sion a la victoire de Saul de la tribu de Benjamin, et, pour
recules (me'61am, si le texte n'est pas altere) la region montrer plus clairement a quoi se rapporte le possessif
meridionale avec d'autres peuples chananeens. Avec ces tuos, a ajoute : o Amalec. C'est ce qu'explique une scholie
designations coincideraient certaines traditions arabes, qui du Correctorium dominicain (Vatican., fonds Ottoboni,
representent Amalec tantot comme un fils de Cham et mss. 293): D'Ephraim naquit Josue, qui battit Amalec,
comme le pere d'Ad et des Adites, que d'autres ratta- comme on lit dans FExode, et de Benjamin naquit Saul,
chent a la ligne de Sem, tantot comme un frere de Lud et qui, lui, detruisit Amalec, ce qui est ici prophetise. Mais
d'Arphaxad. Cf. d'Herbelot, Bibliotheque orient., 1697, au 1'addition finale : o Amalec n'est pas dans 1'hebreu, mais
mot Amlik; de Sacy, Excerptaex Abulfeda,ddinsPococke, est suppleee pour le sens. Ex Ephraim fuit Josue,
Specimen hist, arab., p. 464. Mais Noldeke, Ueber die qui percussit Amalec, ut legitur in Exodo; et ex Ben-
Amalekiter und einige and. Nachbarvolker der Israeli- jamin fuit Saul, qui et ipse delevit Amalec, quod hie
ten, Go3ttingue, 1864, a montre qu'on ne pouvait faire prophetatur. Sed quod in fine additur o Amalec, non est
grand fonds sur ces traditions assez incoherentes, recueil- in hebrso, sed gratia sensus apponitur. Cf. Vercellone,
lies a une epoque bien posterieure a Mahomet et au Goran, Var. lection. Vulg. lat., t. n, p. 98; mais il ne signale
ni les regarder comme independantes du titre d'aine des pas le rapprochement avec le Targum, qui nous montre,
peuples, donne par Balaam. 3 II vaut mieux revenir comme plus bas pour Tela'im de I Reg., xv, 4 (voir AMA-
simplement aux donnees bibliques, et remarquer d'une LECITE, col. 429-430), qu'un certain nombre des variantes
part que les Amalecites ne sont jamais presentes comme propres a la Vulgate viennent des interpretations em-
faisant partie de la nation idumeenne, qu'ils en sont plutot pruntees directement ou indirectement par saint Jerome
distingues, II Reg., vm, 12, 13; I Par., xvm, 11; Ps. aux paraphrases juives. J. THOMAS.
LXXXII, 7, 8; si bien que, tandis que les Idumeens, comme
les peuples parents d'Israel, doivent etre epargnes et leur 3. AMALEC. Nom d'une localite. Nous lisons I Reg.,
territoire respecte, Deut., n, 4-8, 9, 19, Amalec est voue xv, 5 : Saul vint jusqu'd la ville d'Amalec, et mit une
a la mort, Exod., xvn, 4; Deut., xxv, 17-19; I Reg., xv, embuscade dans la vallee. Nulle part ailleurs il n'est
2-3, et son pays doit appartenir aux Hebreux. Num., xiv, question de ville portant ce nom, ni meme de ville pro-
2i-25. D'autre part, jamais Amalec n'est donne comme prement dite appartenant aux Amalecites. II s'agit plutot
frere des Israelites, ni pour eveiller en lui quelque sym- ici du principal campement ou se trouvaient en ce moment
pathie, ni pour faire ressortir 1'odieux de sa conduite et etablis Amalec et son roi Agag. Le nom hebreu 'ir, dans
expliquer par cette circonstance aggravante la malediction son acception generale et conforme a son etymologie ('ur,
qui le frappe. II est done vraisemblable, conclut dom veille, poste d'observation ) , peut s'appliquer a un
Calmet, Dictionnaire de la Bible, edit, de 1730, que les simple campement de nomades. Les espions Israelites sont
Amalecites dont il est si souvent parle dans I'Ecriture charges par Moise de voir ce que sont les villes ('arim) ou
etaient un peuple descendu de Chanaan et devoue a 1'ana- habite Chanaan, si elles sont des campements (mahd-
theme de meme que les autres Amorrheens, et fort diffe- nim), ou bien des lieux fortifies (mibesarim). Num.,
rents des descendants d'Amalec, petit -fils d'Esau. La XHI, 19 (20). Les douars des Arabes d'Afrique, venus pri-
meme conclusion est soutenue par Reland, Palxstina, mitivement de 1'Arabie, peuvent, comme le remarque
lib. I, ch. xiv, edit, de 1724, p. 78; J. D. Michaelis, ouv. E. H. Palmer, The desert of the Exodus, t. n, p. 322,
cit.; F. K. Rosenmuller, Handbuch der biblischen Alter- nous donner une idee exacte de ce qu'etait ce 'ir Amaleq.
thumskunde, 1823, t. in, p, 90-94; Welte, Kirchenlexi- <( Quand on a choisi un endroit convenable pour camper,
con, 1886, 1.1, p. 673; cf. Iperen, Historia critica Edom les troupeaux, qui forment la plus grande richesse de la
et Amalec, in-4, Leovard., 1768. Comme cependant tribu, sont reunis en un meme lieu. On plante les huttes
Moise ne rattache pas les Amalecites a Chanaan, on peut ou les tentes a 1'entour. Un petit mur de pierre en forme
aussi en faire un peuple d'une autre race. Si un petit- de cercle fait la cloture de defense; entre les pierres on
fils d'Esau et ses descendants porterent aussi le nom met de gros fagots d'acacia epineux, et ces branches entre-
d'Amalec, ce fut peut-etre parce que, dans leur situation lacees et armees de pointes acerees (voir ACACIA) pro-
geographique ou dans leurs relations sociales, ils eurent tegent le campement comme une barriere infranchissable.
avec les anciennes populations amalecites un contact plus Tel est ce qu'on appelle un douar. Et tel etait sans
etroit que les autres tribus idumeennes. J. THOMAS. doute le 'ir Amdleq sur lequel Saul fit main basse.
J. THOMAS.
2. AMALEC. Nom d'une montagne situee dans la tribu AMALECITE (he"breu : 'Amdleqi), nom d'un peuple
d'Ephraim sur laquelle se trouvait la ville de Pharaton, qui tirait son nom d'Amalec, voir AMALEC, et qui est sou-
d'ou etait originaire et ou fut enterre un juge d'Israel, vent appele lui-meme simplement Amalec. Nous aliens :
Abdon, fils de Hillel. Jud., xii, 14-15. Sur la cause qui 1 en determiner la position geographique; 2 en esquisser
fit donner a une localite de la tribu d'Ephra'im le nom 1'histoire.
d'Amalec, voir AMALECITE , col. 429. La position de cette> I. Position geographique des Amalecites. 1 D est
429 AMALfiCITE 430
assez difficile de fixer les limites du territoire occupe par ! teliy agneau. ) Dasis I Reg., xxvn, 7 el suiv., et xxx,
un peuple nomade; il nous manque, dans ce cas, les prin- on voit que les Amalecites etaient dans le voisinage des
cipaux points de repere, c'est-a-dire les villes. Cependant Philistins, tandis que I Par., iv, 43, les met en rapport
des textes qui appartiennent a differentes epoques, par- avec les montagnes de Seir. La region des Amalecites con-
tant de donnees diverses et se controlant ainsi les uns les finait done a 1'Egypte, aux Philistins, au sud de Juda et
autres, s'accordent a nous montrer Amalec dans la region aux Idurneens. C'est la que nous ramene la donnee assez
soptentrionale de la peninsule sinaitique, de la frontiere vague de Josephe, Ant. jucl., VI, vn, 3, paraphrasant
d'Egypte au sud de la Palestine et sur les confins de 1'Arabic I Reg., xv, 7 : Tous ceux qui vont de Peluse a la mer
Petree (fig. 110). Le passage IReg., xv, 7, nous fournirait Rouge, ou il faut entendre plus specialement le golfe
uue indication generale assez precise : De Havila a Sur, d'Akaba. Cf. aussi Eusebe, dans YOnomasticon, ou il de'fi-
qui est en avant de 1'Egypte, si nous etions surs de la nit Amalec la region dans le desert situe au sud de la
position d'Havila, qu'il faut chercher sans doute au nord Judee, s'etendant jusqu'a la ville maintenant appelee Petra,
de la peninsule arabique. Quant a Sur (une region plutot quand on va vers Aila. (Dans les (Euvres de saint Jerome,
qu'une ville), elle etait en avant, c'est-a-dire sur la fron- t. xxin, col. 121.) C'est par une singuliere meprise que
Josephe parle de villes amalecites dont Saul aurait fait
le siege en regie; il oublie le caractere nomade de ce peuple,
tel que 1'Ecrilure nous le presente pai'tout. La prophetie
de Balaam, Num., xxiv, 20-21, nous montre qu'Amalec
vivait a cote des Cineens, autres tribus errantes, et ce trait
est confirme par I Reg., xv, 6. L'humeur vagabonde et
1'instinct pillard d'Amalec expliquent comment nous le
voyons envahir le territoire d'Israel par la Transjordanie
au temps des Juges, tantot uni a Moab et a Arnmon, Jud.,
in, 13, et tantot aux Madianites. Jud., vi, 3. C'est proba-
blement alors, sinon dans une circonstance analogue ante-
rieure, non rnentionnee dans FEcriture, qu'une famille
d'Amaleciles s'etablit un certain temps jusque dans les
montagnes d'Ephrai'in, et y laissa son nom a une loca-
lite. Jud. xii, 15. Cf. le texte si obscur et peut-etre altere,
v, 14. Voir AMALEC 2.
La region qu'occupait Amalec est en grande partierepre-
sentee par ce qu'on appelle aujourd'hui le desert d'Et-Tih
(de 1'egarement); ce n'est pas une region absolument
aride et sablonneuse, mais le sol est trop maigre, trop
desseche pour etre cultive, sauf en quelques oasis; a la
saison des pluies, il se couvre d'une vegetation abondante,
et peut nourrir des troupeaux, qui, dans la saison chaude,
sont parques dans les oasis. Autrefois memo, comme 1'at-
testerit de nombreuses vallees et les lits de torrents qui
se ramifient en divers sens, ce pays jouissait d'un regime
d'eau plus abondant; il pouvait par consequent nourrir
une population pastorale plus dense. Le Tlh repond par-
faiternent a la notion hebraique du mid bar, qui designe
une region inhubitee sans doute, improprc a Tagricullure,
mais ou Ton conduit et nourrit des troupeaux. Aujour-
d'hui les principales Iribtis bedouines de la peninsule
sinaitique soul les Tiyaha (habitants du Till) et les Toward
(Arabes de Tui 1 ); de cos derniers, E. Reclus nous dit dans
sa Nouvelle fjeoijra})/tie, t. i x , Asie anterieure, 1884,
110. Carte dii pays des Amalecites. p. 747: (( On les eroit descendants des Amalekites, que
les Hebreux sortis d'Egypte vainquirent a R a j t h i d i m , au
tiere orientale de 1'Egypte, au nord et a Test du golfe de pied du rnont Serbal. Mais ce sont plutot les Tiyalid,
Suez, oil nous ramene Exod., xv, 22, et c'est, en ell'et, de comme le pense L. de Laborde, qui tiennent la place des
ce cote, avant d'aniver au Sina'i, que les Hebreux se ren- Amalecites. Commentaire yeoyraphique de VExode, 1841,
contrent pour la premiere fois avi-c les Amalecites. Exod., p. 99.
xvn, 8. Mais ils s'etendaient a Test jusqu'a la frontiere II. Histoire des Amalecites. C'est dans le recit de
nu-ridionale de la Palestine, comnie nous 1'apprennent les 1'invasion de Chodorlahomor que se trouve la plus ancienne
explorateurs de la Terre Promise, Num., xm, 2'.), ct c'est mention du pays de FArnalecite . Gen., xiv, 7. Quelques
la que les Hebreux les rencontrent une seconde fois, Num., siecles apres, les Amalecites furent les premiers ennemis
xiv, 45, cf. 23, quand ils veuleat s'avancer du desert de qu'eurent a combatti'e les Hebreux, au sortir de 1'Egypte,
Pharan et de Cades. Num., xm, 1, 27. C est la aussi que a Raphidim, a une pelite distance au nord-ouest du mont
Chodorlahomor, apres avoir pousse son invasion vers le Sinai. Ct. Vigouroux, La Bible et les decouvei'tes mo-
sud jusqu'a Pharan, qui est dans le desert , et repris derneft, 1889, t. n, p. 4G9. Ces hordes de pillards, attires
la direction du nord, trouve, apres Cades, a le pays des sans doute par 1'espoir d'un facile b u t i n , chargerenl en
Amalecites , puis celui des Amorrheens, qui habitent queue les emigrants fatigues par la marche, la faim et
Asasonthamar . Gen., xiv, G-7. Aussi, quanJ Saul pre- la soif, Irappant les trainards sans pitie. Dent., xxv,
pare son expedition centre Amalec, rassemble-t-il ses 17-19. Josue fnt charge de repousser les assaillants, tandis
troupes dans une ville du sud de Juda, Telem, Jos., xv, que Moise rnontait sur une colline voisine, accompagne
2i, dont le nom est ecrit Teld'im dans I Sam., xv, 4. d'Aaron et de Hur, et grace a leur appui tenait ses bras
(La Vulgate traduit: quasi agnos, comme des agneaux, etendus, avant en sa main la verge de Dieu . Exod.,
en confondant la preposition -, be, dans, avec la parti- xvn, 8-10. Amalec fut batlu, et Moise dut ecrire dans
cule ~, ke, comme, et en prenant, connne 1'a fait aussi le le livre le souvenir de la victoire et la promesse qr.'A-
Tar-urn de Jonathan, le nom de la ville pour le pluriel de malec serait entierement delruit. Nous suivons des lors
AMALECITE AMAMA 432
dans 1'histoire le cours de cette malediction, que reprend richesses d'Amalec. Cependant les Amalecites ne se rele-
sous une autre forme Balaam, Num., xxiv, 20, et que verent pas de ce coup. Quelques annees apres, ils ne
repete le Deuteronome, xxv, 17-19, en recommandant a peuvent se defendre centre les razzias que David organise
Israel d'accomplir cette menace: prescription bien etrange, contre eux pour plaire a Achis, roi de Geth, chez qui il
surtout au milieu des dispositions legislatives qui 1'entou- s'etait refugie. I Reg., xxvn, 8-12. Ce n'est que par ruse,
rent, si le Deuteronome n'avait ete compose qu'a 1'epoque en profitant de 1'absence de David et de ses partisans, que
de Josias, quand Amalec n'existait plus depuis bien long- pour se venger ils s'emparent de Siceleg, la ville donnee
temps, comme nous le verrons. L'allusion est d'autant par Achis a David, la pillent, la brulent, et s'en vont
plus remarquable, qu'en traits rapides elle caracterise emmenant captives toutes les femmes. I Reg., xxx;
exactement 1'attaque de ces hordes pillardes du desert. II Reg., 1,1. Mais David, revenu a temps, et guide par
Au contraire, dans les developpements d'un age poste- un esclave egyptien malade, que les Amalecites avaient
rieur, dans la priere du grand pretre Eliachim, on se abandonne, atteint la bande des pillards au moment ou,
represents 1'armee d'Amalec avec des chars et des cava- sans defiance, ils se livraient a la bonne chere avec le butin
liers , comme celle des grands peuples, Assyriens ou Chal- enleve. II en fit un grand carnage : quatre cents jeunes
deens, avec lesquels on s'etait trouve depuis en contact. gens reussirent seuls a s'enfuir sur des 'chameaux, I Reg.,
Judith, iv, 13 (Vulgate; le grec ne renferme pas ce deve- xxx, 17; les prisonnieres, les enfants et les richesses
loppement; remarquons que ce n'est pas 1'auteur du livre emportees furent recouvres. y. 18-19.
qui parle, mais le grand pretre). Dans ce meme temps, il devait y avoir quelques families
L'annee suivante, apres avoir quitte le Sinai, les Hebreux d'Amalec vivant en paix, et campant parmi Jes Israelites
se rapprocherent des'confins de la Terre Promise et du du nord, comme celle de 1'Amalecite qui, se trouvant sur
territoire des Amalecites qui etaient dans le Negeb. Num., la colline de Gelboe au moment de la mort de Saiil, le
xni, 30. Decourages d'abord par le rapport des explora- depouilla de ses insignes royaux et vint les apporter a
teurs, ils murmurerent et voulurent retourner en Egypte. David. II Reg., I, 2, 8-13. La mention d'Amalec parmi
Num., xiv, 4. Comme punition, ils recurent 1'ordre de les ennemis vaincus et spolies par David, II Reg., vin, 12;
revenir sur leurs pas. y. 25. Alors, curieux exemple I Par., xvin, 11, suppose-1-elle une nouvelle campagne,
d'une multitude qui ne salt trop ce qu'elle veut, ils ne ou fait-elle allusion aux anciennes? II est difficile de
voient plus que les inconvenients de ce retour en arriere, repondre. Dans tous les cas, a partir de ce moment, 1'his-
et, impatients d'atteindre le but par le plus court chemin, toire ne parle plus d'Amalec, sinon en passant, dans la
ils attaquent, malgre Dieu et Moise, les premiers ennemis genealogie de la tribu de Simeon, I Par., iv, 42-43, ou
qu'ils ont devant eux, les Amalecites et les Chananeens; nous voyons qu'au temps d'Ezechias (d'apres le y. 41),
mais ils sont battus et poursuivis jusqu'a Horma. y. 40-45. cinq cents Simeonites s'avancerent dans les montagnes de
Ce dernier verset parait en contradiction avec le y. 25, Seir, y tuerent ce qui restait des Amalecites , et habi-
si on ne remarque pas que le y. 25 se rapporte d'une terent a leur place. Des lors il n'est plus question d'Ama-
facon generale a toute la region habitee par 1'Amalecite lec ; son souvenir semble meme perdu; la litterature pro-
et le Chananeen, plateau qui se presente comme un endroit phetique, qui date en grande partie de cette epoque
abaisse, une plaine, 'emeq, relativement au massif mon- (vin e et vne siecles avant J.-C.), si riche en indications
tagneux du sud de la Palestine, tandis que le y. 45 parle ou allusions sur les anciens voisins et ennemis d'Israel,
plus specialement de la crete de hauteurs ( cette mon- ne prononce pas meme le nom d'Amalec. Les conquerants
tagne, comme il y a dans 1'hebreu; cf. 40-44) qui sepa- assyriens du rneme temps, qui ont rencontre et mentionne
rait Israel de ses ennemis, et qu'il essaya de franchir sans dans leurs inscriptions presque tous les peuples de Test
1'ordre de Dieu. Au Deuteronome, I, 44, ou 1'hebreu lit aussi et du sud de la Palestine, n'en parlent pas non plus. Ce
sur cette montagne, au lieu de 1'expression trop generale fait a une grande importance pour la critique biblique,
in montibus, sur les montagnes, de la Vulgate, le meme car il prouve que les traditions relatives a Amalec, si
fait est rappele, mais sans nommer 1'Amalecite, et en don- concordantes entre elles malgre la diversite des documents
nant a la population chananeenne qui habitait de ce cote et des livres oil elles nous arrivent, se sont formees et
son nom particulier d'Amorrheen. Cf. Gen., xiv, 7. Le fixees avant 1'epoque des plus anciens prophetes qui nous
samaritain (Deut., I, 44, texte et version) repete, comme ont laisse des ecrits, c'est-a-dire avant le milieu du
dans les Nombres : L'Amalecite et le Chananeen qui habi- vm e siecle. J. THOMAS.
tait cette montagne.
Les Hebreux durent renoncer a entrer dans la Palestine AM AM (hebreu : 'Amdm ; Septante : S-^v), ville me-
par le sud; 1'heure ou se realiseraient les menaces contre ridionale de la tribu de Juda, mentionnee entre Carioth et
Amalec etait par la meme differee apres la conquete de la Hesron, Sarna et Molada. Jos., xv, 26. Eusebe, Onomas-
Terre Promise; elle se fit meme attendre plusieurs siecles. ticon, Goettingue, 1870, au mot 'Ajj.^, et S. Jerome,
A 1'epoque des Juges, deux fois Amalec fut un de ces ins- Liber de situ et nominibus locorum lieb., t. xxni, col. 870,
truments dont Dieu se servait pour chatier son peuple pre- la citent, mais sans en determiner la position. Elle est
varicateur, Jud., x, 12; cependant, dans les deux cas, il restee inconnue jusqu'ici. Parmi les villes qui la pre-
n'apparait qu'au second plan, et sous la conduite d'un cedent et la suivent dans le texte sacre, deux surtout,
plus puissant envahisseur : la premiere fois, sous celle des dont 1'identification semble tres probable, sinon certaine,
Moabites, Jud., in, 13; la deuxieme, uni aux Madianites. peuvent d'une facon generale delimiter 1'espace ou il la
Jud., vi, 1, 3, 33; vn, 12. Avec ces derniers, pendant sept faudrait chercher. C'est, au nord, Carioth (uniea Hesron
ans, il prit part aux fructueuses razzias que 6*es nomades dans 1'hebreu), que Robinson propose de voir dans Klnr-
allaient faire en Israel chaque printemps, apres les bet el-Kunjete'in, et, au sud, Molada, que le meme savant
semailles; il fut battu aussi avec eux par Gedeon. Voir assimile a Khirbet el-Milh. Cf. Biblical Researches in
GEDEON. Palestine, Londres, 1856, t. n, p. 101 et 201. Voir la
Quand, par 1'etablissemeiit de la royaute, Israel se carte de la tribu de Juda. A. LEGEXDRE.
trouva de nouveau reuni sous un seul chef, il fut capable
d'executer la menace qui pesait des les temps anciens sur AMAMA Sixtin, orientaliste protestant hollandais,
Amalec. Saul recut de Samuel 1'ordre de 1'accomplir. Nous ne a Franeker, le 15 octobre 1593, mort dans cette ville,
avons dans I Reg., xv (deja, par anticipation, xiv, 48), le 9 novembre 1629. II fut professeur d'hebreu a 1'uni-
le recit de la campagne et de la victoire complete de Saiil, versite de Franeker, et publia YAntibarbarus biblicus
et aussi celui de sa faute, qui eut pour lui de si graves sex libris, in-4, Franeker, 1628; 2e edit., in-4, 1656. Le
consequences : Saiil epargna le roi Agag et le peuple, ce barbare contre lequel s'eleve Amama, c'est Mersenne et en
qu il y eut de meilleur dans les troupeaux et dans les general celui qui n'attache pas, d'apres lui, assez d'impor-
433 AMAMA A M A N 434
tance a 1'etude des langues sacrees. L'auteur se proposait qu'une fable; mais les analogies sont la pour temoigner
de donner a son ouvrage deux parties renfermant chacune en faveur du caractere historique de ce recit. Mithridate,
trois livres, mais la mort 1'empecha de realiser son des- roi du Pont, sans autre raison que la haine de Rome, ne
sein. Le livre quatrieme fut ajoute a la deuxieme edition, porta-t-il pas contre tous les Remains residant dans son
publiee en 1656. Amama, en defendant les textes origi- royaume un edit de mort, a la suite duquel, selon Plu-
naux dans cet ouvrage un peu confus, depassa la mesure. tarque, Vil. parall., SyUa, x, cent cinquante mille sujets
11 est d'une severite outree et injuste centre 1'edition de de la Republique furent massacres dans le meme jour?
la Vulgate publiee par Sixte V et Clement VIII. II critique C'est au mois de nisan, le premier de 1'annee, qui cor-
specialement la version des livres historiques, des Psaumes respond a la fin de notre mois de mars et au commencement
et des ecrits de Salomon. Dans le livre qui fut public apres d'avril, qu'Aman se mit a I'oauvre. Assuerus comptait onze
sa mort, la traduction d'lsa'ie et celle de Jeremie sont cri- ans accomplis de regne, on etait en 473. Superstitieux
tiquees d'une maniere analogue. Amama publia aussi une comme tous les Perses, et imbu du prejuge, tres repandu
collation de la version hollandaise de la Bible avec les alors, qu'il existait des jours fastes et des jours nefastcs,
textes originaux, Bybelsche Conferencie, Amsterdam, 1623, Aman fit tirer au sort, par quelque devin, 1'epoque a
et une grammaire hebraique, Amsterdam, 1625. Voir laquelle devrait se faire 1'execution, et cela, avant meme
W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 10-11. d'en conferer avec le roi, tellement il se sentait maitre
dans le royaume. Cette operation des sorts est designee
AMAN (hebreu : Human, nom d'origirie persane, dans le texte hebreu par deux mots dont 1'un est 1'expli-
estirne; ^> Septante : 'Ay.iv), premier ministre d'Assuerus cation de Fautre : pur hu' haggordl. II jeta le sort ( p u r ) ,
(identifie avec Xerxes Ier, fils de Darius, voir ASSUERUS), c'est-a-dire le gored. Le premier de ces termes n'est pas
ills d'Amadathi 1'Agagite, c'est-a-dire originaire de la pro- un mot hebreu, ce qui a amene 1'auteur d'Esther a le faire
vince d'Agag, en Medie. Voir AGAGITE. Aman n'etait done suivre du mot explicatif got'dl, qui designe toujours dans
pas d'origine perse, comme l'a soutenu Eichhorn, en la Bible 1'operation dont il est question ici. Lev., xvi, 8-10;
s'appuyant sur cette raison que chez les Perses la loi s'op- Ezech., xxiv, 6; Jon., i, 7, etc. Au contraire, le mot pur,
posait a ce qu'un etranger fut eleve a une dignite comme qui est persan et repond au persan moderne behr (la part,
celle de premier ministre. Einleitung, t. in, p. 653. C'est le sort), ne se trouve nulle part ailleurs dans 1'Ecriture.
la une affirmation sans fondement, car les rois de Perse, L'hebreu et les Septante sont plus explicites que la Vul-
comme tous les monarques orientaux, etaient des despotes gate sur la maniere dont ce sort fut conduit. On y lit:
dont la volonte faisait loi centre la loi meme. De nom- Et il jeta le sort de jour en jour et de mois en mois;
breux documents les montrent, au coritraire, distribuan't Septante : xa\ sXaSe xXrjpou? r^.spav i'i f,|j.pac xa\ [ir.va ex
les dignites selon leur fantaisic. Baumgarten, De fide libri |j.Y)v6c. Esth., in, 7. D'apres cela, on tira d'abord le jour
Estlieri, p. 26. La Medic faisait d'ailleurs partie de 1'em- du mois, puis le mois lui-meme.
pire perse. - Le jour amene par le sort fut le treizieme, Esth., in, 13,
Ce fut la douzieme annee du regne d'Assuerus, ou peu et le mois fut le douzieme, Eslh., in, 7, qui est celui d'adar,
auparavant (vers 473 avant J.-C.), qu'Aman fut eleve a la repondant a noire fin fevrier et commencement de mars.
dignite de premier ministre, car c'est a cette epoque qu'il Ainsi la Providence avait conduit 1'operation de telle sorte
prit en haine Mardochee, dont la fiere attitude le blessa que les Juifs eussent tout le temps necessaire pour parer
profondement. Or Mardochee lui refusa les honneurs aux- le coup et echapper aux projets sanguinaires d'Aman.
quels il pretendait, des le debut de son elevation, et Ton L'epoque du massacre ainsi determinee, il fallut obtenir
ne peut douter que le favori royal n'ait forme immedia- la sanction d'Assuerus ; Aman, pour se 1'assurer plus aise-
tement ses projets de vengeance et arrete contre les Juifs ment, 1'acheta. Quo le roi signat 1'edit, et il s'engageait a
une action d'cclat. Esth., in, 7. Cf. Neteler, Die Bucher verser dans le tresor royal, fort epuise, dix mille talents
Esdras, Nehemias und Esther, Munster, 1877, p. 162. (talents d'argent d'apres 1'hebreu, les Septante et le chal-
Au meme temps Mardochee avait decouvert et revele un deen), Esth., in, 9, somme considerable, bien que notre
complot trame contre la vie du roi par deux eunuques, et ignorance de la valeur exacte du talent, chez les Perses,
Aman, qui etait leur ami, peut-etre leur complice, en nous empeche d'en determiner 1'equivalent en notre mon-
avait concu contre le Juif une nouvelle animosite. Esth., naie. Xerxes (Assuerus) venait de terminer malheureuse-
xn, 3-6. L'exegese rationaliste et protestante a voulu voir ment son expedition en Grece (480-479), il avait besoin
une contradiction entre ce dernier passage et celui oil le d'argent. Ce detail montre que les Juifs pendant la capti-
rcfus d'adoration de la part de Mardochee est donne comme vite avaient prospere, puisque Aman se faisait fort de tirer
la cause de la colere d'Aman, Esth., in, 4-5, comme si une d'eux une somme aussi considerable. Cf. Tob., iv, 21-22.
double cause n'avait pu concourir a dcvelopper dans le Le roi cependant voulut se montrer encore plus genoreux
premier ministre d'Assuerus Fesprit de vengeance. Ces que son ministre; car, apres lui avoir passe au doigt son
deux recits se completent, loin de se contredire. auneau ou sceau royal, en signe du plein pouvoir qu'il
En effet, Assuerus, a qui ses sujets rendaient hommage lui donnait de decreter et de sceller ce qu'il voudrait contre
en flcchissant le genou, selon Fusage persan (Herodote, les Juifs, il lui abandonna les dix mille talents, comme
vni, 136), avait voulu qu'Aman partageat avec lui cet hon- gratification de 1'important service qu'il rendaitau royaume.
neur. Mais cette volonte, devant laquclle tout pliait, etait Aman triomphait.
venue se briser contre la resolution d'un Juif obscur, Rediger 1'edit, en faire des copies et des traductions,
Mardochee, dont la noble fierte n'avait pas voulu se sou- Esth., in, 12, et les expedier aux gouverneurs des cent
mettre a ce servilisme repugnant. Non qu'il fut interdit vingt-sept medlnot, Esth., i, 1, 22; vni, 9; cf. Dan.,
aux Juifs de rend re hommage a des hommes en ilechis- in, 2, 3, ou subdivisions de 1'empire, fut Faffaire de qucl-
sant le genou, ou meme en se prosternant, le front dans ques jours. Ilurodote, vni, 98, parle de la rapidite avec
la poussiere. II Reg., xiv, 4; xvm, 28; III Pieg., i, 16. laquelle se faisait chez les Perses la transmission des
Ce que Mardochee tenait comrne interdit a son honneur, ordres royaux aux contrees les plus eloignees, par une
c'etait la prestation a un indigne ministre de cet hom- organisation merveilleuse de courriers et de relais, dont
mage, reserve aux souverains. Aman, en jurant de se 1'institution remontait a Cyrus. Rrisson, DC ra/io Per-
venger, voulut etendre le chatiment a toute la nation de sanim apparatu, 1710, p. 311-315. En inoins de deux
Mardochee : il resolut done de 1'exterminer en masse. mois, tous les gouverneurs avaient recu 1'ordre d'Aman;
Esth., m, 6. Selon nos idees et nos mosurs empreintes de mais ils devaient attendre neuf mois environ avant de
1'esprit chretien, cette prevention parait, de la part d'Aman, 1'executer. C'etait bien contre son gre que le cruel mi-
si exorbitante de cruaute et d'orgueil, que des rationalistes nistre laissait s'ecouler un si long temps avant le massacre;
modernes en oat voulu conclure que cette histoire n'est mais sa superstition 1'emportait sur ses desirs de ven-
435 AM AN 16
geance. II aurait craint d'aller tontre le sort en avancant sa propre vie a elle et de celle de son peuple, qu'un
1'exe'cution; d'autre part il redoutait qu'Assuerus, avec son ennemi cruel voulait exterminer. Get ennemi, elle le
esprit capricieux, ne flit influence en sens contraire et nomma en sa presence, et elle le fit avec une telle energie,
n'en vint a annuler 1'e'dit. En le publiant, il rendait toute j qu'Aman baissa les yeux et demeura sans mot dire. II
modification moralement impossible. De plus, les Juifs j comprit qu'il etait perdu et qu'il n'avait plus d'espoir que
etaient des lors mis au ban de 1'empire, ils devenaient j dans la clemence de la reine elle-meme. Pendant qu'As-
1'objet de la haine publique, c'e'tait pre'parer et assurer suerus etait alle prendre 1'air dans le jardin pour calmer
une extermination universelle. On ne peut done rien con- ses impressions, Aman s'e'tait approche du lit de table
clure de ce delai contre la ve'racite du livre, et les exe- d'Esther, et, penche vers elle, il demandait grace, quand
getes rationalistes frappent a faux quand ils Fattaquent Assuerus rentra. Le monarque, aveugle par sa colere, crut
sur ce point. Cf. Bleek, Einleitung in das AUe Testament, qu'Aman voulait attenter a fhonneur de la reine : il n'en-
4" edit., p. 299. tendit plus rien, et condamnant son premier ministre avec
L'edit d'Aman n'existe pas dans le texte hebreu; on le la meme facilite avec laquelle il lui avait livre les Juifs,
trouve dans les Septante apres le chapitre in, 13, et dans il donna ford re de le mettre a mort, ce qui fut execute a
la Vulgate, xm, 1-7. Les protestants le rejettent comme finstant rneme. Scion- 1'usage des anciens a 1'egard des
apocryphe avec tous les autres passages deuterocanoniques condarnne's a mort, un des eunuques lui jeta un voile sur
d'Esther; cependant il est certain qu'il existait dans le la tete, Quinte-Curce, vi, 8, 22; Ciceron, Pro Rabirto,
texte hebreu primitif, et qu'il a die rendu en grec par le iv, 13; un autre, nomine'" Harbona, fit remarquer au roi
traducteur du reste du livre. Comely, Intfoductio spe- qu'Aman venait de faire dresser dans sa maison un
cialis in libros Veteris Teslameidi, part, i, p. 418, 435. gibet pour y pendre Mardochee. Qu'il y soit lui-meme
II y a a la verite une legere contradiction entre le jour pendu, dit Assuerus; ce qui fut fait, et la colere du
fixe pour le massacre dans 1'e'dit, Esth., xm, 6, et dans roi s'apaisa. Esth., vn, 9-10. II est a noter que d'apres
le texte protocanonique, Esth., in, 13; ix, 1 : ici le trei- le chapitre xvi, verset 18, la potence fut transported de la
zieme, la le quatorzieme jour d'adar. C'est une simple maison d'Aman aupres de la porte de Suse, oil le perse-
faute de copiste qui ne peut tirer a consequence, pas plus cuteur subit son supplice.
que r6oc6a pour BayaOav, Esth., X I I , 1, et 'ApTa^spJr,; L'execution d'Aman fut suivie de celle de sa famille.
pour Ssp^o?- Esth., i, 1 et passim. Quand le treizierne jour du douzieme mois arriva, les
Pendant qu'Aman se croyait sur du' succes, les Juifs Juifs, aides des fonctionnaires royaux, prirent follensive,
priaient et jeunaient, Esth., iv, 16-17, et Esther, au peril et firerit un grand carnage de leurs ennernis, parmi les-
de sa vie, allait trouver le roi et obtcnait de lui que, accom- quels se trouverent les dix fils d'Aman. Esth., ix, 0-9.
pagne de son ministre, il vint diner a sa table. Aman sor- Ils perircnt done, non pas en rneme temps que leur pero,
tait joyeux de cefeslin, lorsque la rencontre de Mardochee, cornme il seinblerait d'apres Esth., ix, 25, mais neuf mois
toujours inflexible et denieurant assis a son passage, le apres. Cf. vn, 10; vin, 9,12 ; ix, 14. Ainsi disparut la race
mit dans une nouvelle fureur. Apres avoir pris conseil de cet homme cruel ct \\ndicatif, dont les hautes fonc-
de sa femme Zares et de ses amis, il re'solut de devancer tions furent donnecs a Mardochee, Eslh., x, 3, comme sa
1'e'dit pour ce Juif impertinent, et, ne doutant pas de 1'ac- maison avait ete donnee a Esther, v i n , 1. Ainsi se reali-
quiescement du roi, il fit dresser sur 1'heure une potencc sail le songe qu'avail eu Mariloche'e la deuxieme annee
de cinquante coudees pour y attacher Mardochee des le du regne d'Assuerus (i8i) : il avait vu deux e'riormes
lendemain. Le lendeinain, la face des choses etait changee, dragons (hobreu: tannnn] acharnes Tun contre 1'autre, et
et Aman attache lui-me'me a ce gibet. Mais auparavant representanl la lulle d'Aman contre Mardochee. Esth.,
1'orgueilleux ministre devait subir une humiliation plus x, 5-7; xi, 5-12. En inemoire de la chule de son ennemi
cruelle que la mort. Pendant celte nuit oil Ainan prepa- et de la de'livrance de son peuple, Mardochee institua a
rait la mort de Mardochee, Assuerus, ne pouvant dormir, perpe'tuite la fete des Sorts ou des Purim, ainsi appele'e
s'e'tait fait lire les annales de son regne. II entendit le a cause des sorts jetes par Aman pour rextermination des
recit de la conjuration formee contre sa personne par les Juifs. Voir PIIURIM. Pendant la lecture du livre d'Esther
eunuques Bagathan et Thares, et de'couverte par Mardo- qu'on fait en cette fete, les passages relatifs a Aman sont
chee, qui la fit echouer. II demanda alors quelle recom- toujours signales par des maledictions; celui oil il est
pense avait recue ce fidele sujet, et, apprenant que. i'ien question de son supplice et de celui de ses fils doit se pro-
n'avait ete fait pour lui, il appela Amaiv afin d'avoir son noncer tres vite et sans respirer pour marquer que tous
avis sur la maniere de trailer un homme que le roi voulait furent pendus a la fois, ce qui d'ailleurs n'est pas exact,
honorer. Aman, persuade c|ue lui seul pouvait etre ce sujet et pendant ce temps les assistants frappent des mains et
digne d'honneur, reclama le plus eclataiit trioniphe: habits des pieds pour que ce noin rnaudit ne soit pas entendu.
royaux, cheval du roi, diademe sur la tele, rnarche solen- Enfin, en rnemoire du supplice des fils d'Aman, les trois
nelle par les rues de Suse, oil residait alors Assuerus, versets oil il estrapporte, I^sth., ix, 7-9, sont ecrits, dans
Esth., i, 2, 5; les princes de fempire remplissant fofiice les rnanuscrits hebreux, sur trois colonnes paralleles repre-
de herauts devant le triomphateur, Esth., vi, 8-9. Or Aman sentant les trois cordes auxquclles furent pendus, d'apres
decernait a son insu tous ces honneurs a son mortel ennemi, la tradition, les fils du ministre rnaudit, attaches a cha-
Mardochee, et lui-meme d u t non seulement en assurer cune d'elles par groupes de trois, trois et quatre; celte
1'execution, mais encore y prendre part, tenant la bride du tradition est du reste sans fondernent dans fhistoire, et
cheval et criant : Ainsi est honore celui que le roi vent tres peu vraisemblable.
honorer! Aman, toujours superstitieux, vit la un mau- II est a noter que, dans la lettre de revocation de fedit
vais presage, et rentra triste et abattu. d'extermination, Assuerus attribue a Aman un dessein
II comptait parmi ses conseillers et ses amis des devins qu'on ne trouve nientionne nulle part ailleurs, celui de
(hebreu: hakdindu, ses sages; Septante: yO.oc, Eslh., se tourner contre le roi lui-ineme apres avoir affuibli ses
vi, 13). G'est sur leurs reponses qu'il avait prepare fex- I inoyens de defense jiar le massacre des Juifs, et de livrer
termination des Juifs, et rnaintenant il n'en obtenait plus aux Medes i Septante : ; TO-J: M^av.Eoova:, qu'il faut inter-
que des presages funestes : Si Mardochee est Juif, de ln-ter cornme ;> M^y.=2wv, Esth., ix, 2i; cf. xvi, 10, dans
meme que tu as commence a etre abaisse devant l u i , tu . le sens de Mede ou Agagite (voir AGAGITE), 1'einpire des
le seras encore. Esth., vi, 13. Sous le coup de son humi- Peises. Esth., xvi, 14. Cette allegation est sans doute une
liation, Aman accompagna Assuerus a un second repas pure supposition, qui pouvait d'ailleurs facilernent veuir
chez Esther. La reine en profita pour exposer au roi la a 1'esprit du roi.
demande qu'elle n'avait pas voulu forinuler la veille. Elle Aman est souvent donne par les auteurs spirituels comme
r/evela son origine juive et supplia le roi en fuveur de !e symbole des ennemis de 1'Eglise, dont Esther est la
437 AMAN AMANDIER 438
figure. Cf. Rupert, De Victoria verbi divini, vin, 3, t. CLXIX, coupe ou a un calice; mais, comme on le traduit assez
col. 1381; Raban Maur, In lib. Esth., i, 6, t. cix, col. communement aujourd'hui, de la fleur de -cet arbre. Le
52-660. P. RENARD. chandelier a sept branches se composait de sept tiges
disposees sur un meme plan comme en eventail, et par-
AMANA (hebreu : 'Amdndh), montagne mentionnee tant deux par deux d'un meme point, a 1'exception de celle
dans le Cantique des cantiques, rv, 8. Les Septante en ont du milieu. Celle-ci etait verticale. Les trois paires late-
fait un nom commun, et ont traduit mero's 'Amdndh, rales formaient trois demi-cercles ou trois arcs de cercle
du sommet d'Amanah, par a.m> apx^i? TEC'STEW;, du s'elevant a la meme hauteur, de maniere que les sept
commencement de la foi, interpretation condamnee par lampes fussent placees sur une meme ligne horizontale.
le contexte et le parallelisme, d'apres lesquels le mot cor- Les sept tiges n'etaient pas unies, mais constitutes par
respond a ceux de laban, de Sanir et d'Hermon. Le nom trois pieces qui paraissaient inserees 1'une dans 1'autre,
d"Amdndh se lit aussi IV Reg., v, 12, pour designer un dans une sorte de bouton qui s'ouvrait en forme de calice
fleuve de Damas, dans le qeri et le ketib d'un certain ou de fleur d'amandier. De la lleur d'amandier inferieure
nombre de manuscrits, dans le Targum de Jonathan et la sortait la piece superieure. La tige du milieu avait quatre
version syriaque, au lieu d"Abdndh, legon courante du coupes en forme de fleur, au lieu de trois, parce que les
texte. Voir ABANA. C'est ce qui a fait supposer a la plupart trois inferieures etaient le point de depart des trois tiges
des auteurs qu'entre celui - ci et la montagne il y avait la laterales. Voir AMANDIER et CHANDELIER A SEPT BRANCHES.
relation du cours d'eau a la source, et que 1'un donnait F. VIGOUROUX.
son nom a 1'autre. L'Amana serait done un des sommets AMANDIER, arbre de la famille des Rosacees, de la
de FAnti-Liban, d'ou sort 1'Abana, aujourd'hui le Barada, tribu des Prunees. L'amandier commun (fig. Ill) est ori-
c'est-a-dire le Djebel Zebddni, au nord du grand Hermon, ginaire de 1'Asie. Quelques botanistes pensent qu'il est
dominant du cote de Test une grande plaine qui est le
point le plus central et la vallee la plus pittoresque de la
chaine orientale. Le Talmud de Jerusalem, tr. Schebiith,
vi, 2, identifie 1'Amanah de la Bible, Cant., iv, 8, avec
1'Amanus. A. Neubauer, La Geographie du Talmud,
Paris, 1868, p. 7, n. 3. Nous croyons avec Reland, Pa-
Isestina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht,
1714,1.1, p. 320, que le sommet dont parle le Cantique
sacre ne saurait etre confondu avec la montagne bien
connue du nord de la Syrie. Les noms qui accompagnent
Arnana suffisent a eux seuls pour rejeter cette assimilation.
A. LEGENDRE.
AMAND DE ZIERICZEE, en Zelande, mineurobser-
vant, hebra'isant, enseigna la theologie dans le college de
son ordre a Louvain, et fut premier superieur de la pro-
vince de Cologne, dans le temps ou elle comprenait les
Pays-Ras. II mourut le 8 juin 1524, d'apres Jean de Saint-
Antoine, en 1535, d'apres Sbaraglia, et fut enseveli devant
1'autel majeur de son couvent. II laissait divers ouvrages
d'exegese dont les bibliographes susdits, non plus que les
autres, ne nous font connaitre le sort : 1 Commentaria
in Genesim; 2 Commentaria in Psalmum cxvni;
3 Commentaria in librum Job ; 4 Commentaria in
Ecclesiasten; 5 De LXX hebdomadibus Danielis liber
unus. Voir Ruland, dans YAllgemeine Deutsche Siogra-
phie, t. i, 1875, p. 388. P. APOLLINAIRE.
AMANDE, fruit de 1'amandier. 1 Lorsque Jacob
renvoya ses enfants pour la seconde fois en Egypte, avec
Benjamin, pour y chercher du ble, il les chargea d'offrir
au premier miriistre d'Egypte, qu'il ignorait etre son fils
Joseph, les meilleures productions de la terre de Cha-
naan, et parmi ces productions figurent les amandes. Gen., iS-
XLIII, 11. Elles sont appelees en hebreu seqedim; Sep- 111. Amandier.
tante : -/.apya; Vulgate : amygdalse. 2 II est question
une seconde fois des amandes, dans la Bible, a propos de spontane en Syrie. On le cultive avec succes dans le midi
la verge d'Aaron, qui fleurit miraculeusement, lors de la de la France. II atteint en moyenne, en Palestine, de
sedition de Core, Dathan et Abiron. La verge d'Aaron, quatre a cinq metres de hauteur. Ses feuilles sont alternes,
qui etait sans doute un rameau d'amandier, ayant ete glabres, oblongues, lanceolees, dentelees, aigues; ses
placee dansle tabernacle avec celles des onze autres tribus, fleurs, axillaires, solitaires ou geminees, petites, au calice
fut la seule qui en un jour porta des fleurs, des feuilles campanule, a cinq petales, blanches avec une legere teinte
et des fruits, qui sont appeles dans le texte original rose. Elles s'epanouissent en Palestine des le mois de
seqedim, c'est-a-dire amandes , comme 1'ont traduit Janvier, avant le developpement des feuilles. Le fruit de
exactement les anciennes versions. Num., XVH, 8. 1'amandier est enveloppe d'une ecorce vert-cendre, qui
3 Un troisieme passage du Pentateuque, Exod., xxv, unit par se dessecher comme le noyau, et s'en separe
33, 34 (repete d'une maniere analogue Exod., xxxvn, faoilement a la maturite. II est allonge et marque d'un
19, 20), parle d'ornements en forme d'amande , quasi sillon longitudinal; il renferme un noyau dont la surface,
in nucis modum (Vulgate), destines a orner le chandelier presque lisse, est criblee de perforations etroites, et dans
a sept branches. Les ornements auxquels est attribute cette lequel se trouve 1'amande (fig. 112). Le fruit jeune contient
forme sont appeles gebi'im, c'est-a-dire coupes, calices deux ovules, dont un seul habituellement se developpe
{de fleurs) ; d'ou il suit qu'ils n'avaient pas la forme du jusqu'a maturite. En Orient, on mange volontiers le fruit
fruit de 1'amandier, qui ne ressemble nullement a une entier, avec 1'ecorce, quand il est encore tendre. Je 1'ai vu
439 AMANDIER
manger ainsi a Jaffa au commencement de mars. Le bois demande Dieu a son prophete. Je vois un rameau d'a-
d'amandier est dur, d'une belle couleur, susceptible d'etre mandier. Tu as bien vu, lui replique le Seigneur, parce-
poli. II produit une gomme jaunatre, qu'on emploie quel- que je me hate (sdqed) d'executer ma parole. Jer., i r
quefois a la place de la gomme arabique. Parmi les 11-12. La Vulgate, pour conserver le jeu de mots, a tra-
especes d'amandier, on distingue celui du Levant, Amy- duit: Je vois une verge vigilante (virgam vigilantem).
dalus orientalis ou Amydalus argentea, dit vulgaii'ement Et le Seigneur lui repond : Tu as bien vu, parce que j&
Amandier saline, Amandier argents, a cause de ses veillerai (vigilabo) sur ma parole afin que je l'accomplisse.
feuilles cotonneuses et argentees. II n'y a rien d'etonnant qu'un arbre commun en Pales-
L'amandier porte en hebreu deux noms differents: celui tine, remarquable entre tous comme etant le premier a
de luz et celui de sdqed. Dans le premier passage de lleurir, et produisant des fruits tres apprecies, y portal
1'Ecriture ou il est nomme, Gen., xxx, 37, il est appele deux noms differents. II est neanmoins possible que luz
luz; c'est du moins 1'interpretation la plus commune, soit un nom antique, qui a ete supplante plus tard en
confirmee par la langue arabe, ou amandier se dit aussi Palestine par celui de sdqed, puisque ce dernier se trouve-
lauz. Quelques traducteurs rendent le mot hebreu luz par partout dans 1'Ancien Testament, excepte dans le plus
ancien passage de la Genese. Rosenmuller y voit une autre-
difference: il suppose que luz designe 1'amandier sauvager
et sdqed 1'amandier cultive. Handbuch der biblischen
Alterthumskunde, t. iv, part, i, p. 264. Encore aujour-
d'hui on trouve 1'un et Fautre en Palestine. L'amandier
sauvage croit sur le mont Carmel; 1'arnandier cultive est,
a\ec le pecher, une des beautes de Naplouse, 1'antique
Sichem. Quand, au commencement du printemps, les
fleurs roses du pecher se melent aux fleurs relativement
blanches de 1'amandier, on ne peut rien voir de plus gra-
cieux.
L'amande a toujours ete consideree comme 1'un des
fruits les plus estimes de la terre de Chanaan. Voir
AMANDE. Quelques savants ont pense que 1'amandier
n etait pas cultive en Egypte du temps de Joseph, puisque
Jacob y envoyait les fruits de cet arbre. W. H. Groser,
Scripture natural History, 1888, p. 88. La raison n'est
pas absolument concluante, car rien n'empeche d'importer
dans un pays les fruits qu'il produit lui-meme, surtout
lorsque ceux qui viennent de 1'etranger sont excellents .
Gen., XLIII, 11. Quoi qu'il en soit, 1'amandier a ete connu
au moins plus tard en Egvpte. M. Brugsch croit avoir
/w*w*v I
trouve son nom sous la forme "^ I , nes. Aecjypt.
Worterluch, Suppl, p. 713. Cf. Ch. E. Noldenke, Ueber
die in altagyptischen Texten erwahnten Baume, 1886,
p. 143. II est vrai d'ailleurs que 1'amandier a ete importe
de 1'Asie occidentale en Egypte, comme plus tard en Grece
et en Italie.
En dehors des passages deja rapportes, 1'amandier n'est
nomme qu'une autre fois dans 1'Ecriture: c'est dans 1'Ec-
112. Fleurs, feuilles et fruit de 1'amandier.
clesiaste, ou, dans la celebre description de la vieillesse,
noisetier, mais avec peu de vraisemblance. La Genese nous lisons, XH, 5 : L'amandier fleurira, c'est-a-dire,
raconte que Jacob, pendant qu'il gardait les troupeaux de d'apres Finterpretation commune, la tete du vieillard se
Laban, obtenait des agneaux de la couleur qu'il voulait, couvrira de cheveux blancs, par allusion aux lleurs de
en placant des baguettes en partie pelees de divers arbres 1'amandier, qui au moment de sa floraison, n'ayant encore
dans les canaux ou allaient boire les brebis qui etaient aucune feuille, parait tout blanc. Gesenius, Thesaurus
pres de concevoir. Gen., xxx, 35-43. Le luz est un des lingux hebrssse, p. 1473, et un certain nombre de com-
trois arbres mentionnes dans cette circonstance. Ce mot mentateurs a sa suite, rejettent cette explication, en disant
ne reparait plus dans la Bible hebraique que comme nom que la ileur de 1'amandier est rose, et ils traduisent: (Le
propre. La ville de Bethel, avant d'etre ainsi designee, vieillard) meprise 1'amande, parce que, n'ayant plus de
s'appelait Luz (Luza) ou 1'Amandier , Jos., xvm, 13; dents, il ne peut la manger. La raison sur laquelle s'ap-
Jud., i, 23; probablement a cause de quelque arbre remar- puient ces interpretes pour condamner le sens adopte
quable de cette espece qui croissait en ce lieu, ou a cause par les anciennes versions et par la plupart des exegetes
de 1'abondance de ses amandiers. Le Chananeen qui livra est fausse: il suffit d'avoir vu des amandiers en pleine
la ville de Luza ou Luz aux Israelites, s'etant refugie dans fleur dans les pays ou ils croissent en grand nombre, pour
le pays des Hetheens, y batit une ville a laquelle il donna reconnaitre que la comparaison que fait 1'Ecclesiaste avec
le meme nom. Jud., i, 26. les cheveux blancs du vieillard est naturelle et fondee;
Le second nom de 1'amandier dans 1'Ecriture, qui parait car a une certaine distance ces arbres fleuris ont 1'aspect
avoir ete plus usite que le precedent, puisqu'on le lit dans tout blanc, a la difference des champs de pechers, qui
tous les autres passages ou il est question de cet arbre, est paraissent tout roses. La fleur de 1'amandier, d'un rose
sdqed. II vient du verbe sdqad, qui signifie veiller, se tendre et clair avant d'etre tout a fait eclose, est pour la
hater , parce que 1'amandier fleurit avant tous les autres plus grande partie blanche quand elle est entierement
arbres, et semble ainsi s'eveiller tandis que les autres ouverte, et blanchit de plus en plus jusqu'au moment ou
dorment encore leur sommeil d'hiver. Le prophete Jeremie, elle tombe. Voir Celsius, Hierobotanicon,i. i, p. 253, 297;
dans sa premiere vision, I, 11, voit un rameau d'aman- Loudon, Arboretum et fruticetum Britannicum, Londres,
dier , qui est 1'embleme de la vigilance et du zele, a 1838, t. n, p. 673; Strumpf, Handbuch der Arzneimit-
cause de la floraison hative de cet arbre. Ce passage ren- teUehre, Berlin, 1848, t. i, p. 93; Leng, Botanik, p. 703.
ferme une allusion a 1'etymologie de sdqed. Que vois-tu ? F. VIGOUROUX.
441 AMARAL AMASA 442
AMARAL (Pierre de), commentateur portugais, ne comme exercant un commandement important dans les
a Zurara en 1621 , entra au noviciat de la Compagnie de armees d'Israel; il n'est pas meme compte parmi les
Jesus le 10 Janvier ou juin 1636, professa les humanites et vaillants de David , enumeres II Reg., xxm, et I Par.,
la rhetorique a Braga, la philosophic et 1'Ecriture Sainte xi et xii, a moins qu'on ne 1'identifie, comme le font
a Coimbre, fut recteur du college de Braga, et mourut a quelques-uns, avec cet Amasa'i, un des principaux entre
Lisbonne le 29 decembre 1711. II a commente le Magni- les officiers appeles salisim, qui vint rejoindre David a
ficat : Canticum Marianum , hoc est sanctissimx Dei Siceleg, vers la fin du regne de Saul. I Par., xii, 16-18.
Genitricis Marise canticum, nempe ejus Magnificat litle- Si telle etait en realite la situation d'Amasa vis-a-vis
raiibus pariter ac mysticis illustrationibus investigatum, de David, il dut se laisser gagner sans peine a la cause
in-4, Evora, 1709. C. SOMMERVOGEL. d'Absalom. II embrassa, en effet, le parti de ce prince,
lorsqu'il se revolta centre son pere. Place par lui a la tete
AMARIAS ou AM ARIA, hebreu : 'Amarydh et de son armee, il passa le Jourdain et alia etablir son camp
'Amarydhu, Jehovah a parle, c'est- a- dire promis ; au pays de Galaad, dans la foret d'Ephraim; il y fut attaque
'Septante : 'Ajiapi'a et 'Ajxapcac. et completement battu par Joab, qui commandait, avec
Abisa'i et Etha'i, les troupes de David. II Reg., xvn, 25-26;
1. AMARIAS, grand pretre, fils de Meraioth et pere XVIH, 6-8.
d'Achitob. I Par., vi, 7,52. Voir GRANDS PRETRES. Aussitot apres sa defaite, un singulier revirement de
fortune le fit succeder a Joab, son vainqueur, comme
2. AMARIAS, grand pretre du temps de Josaphat, suc- general en chef de David. Joab, qui depuis longtemps
<:esseur d'Azarias et pere d'un autre Achitob. I Par., vi, 11 ; faisait trop sentir au roi son caractere dominateur, venait
II Par., xix, 11 ; I Esdr., vii, 3. Josephe, Antiq.jud., IX, I, d'achever de s'aliener son esprit en donnant, centre
1'appelle Amaziah. ses ordres formels, la mort a Absalom. II Reg., xvm,
14-15. David profita de cette occasion pour s'affranchir
3. AMARIAS, fils d'Hebron ou Jahath, et chef d'une de 1'espece de dependance dans laquelle Joab pretendait
famille des levites de la branche de Core, au temps de le tenir. II Reg., in, 24-25, 39; xix, 5-7. II fit done des
David. I Par., xxm, 19; xxiv, 23. avances a Amasa, et lui promit avec serment le comman-
dement supreme de ses troupes. II Reg., xix, 13. C'etait
4. AMARIAS, levite prepose a la distribution des dons du reste le moyen de decapiter en quelque sorte la sedi-
entre les levites, sous le roi Ezechias. II Par., xxxi, 15. tion, en lui otant son general pour se 1'attacher irrevoca-
blement, et de faire rentrer en meme temps beaucoup
5. AMARIAS , pretre chef d'une famille , qui revint de revoltes dans le devoir a la suite d'Amasa.
a Jerusalem avec Zorobabel du temps du grand pretre Le nouveau general eut immediatement a exercer ses
Josue. II Esdr., xn, 2. II signa avec Nehemie le renou- fonctions. Le retour triomphal de David, auquel le peuple
vellement de 1'alliance avec Dieu. II Esdr., x, 3. de Juda avait eu la principale part, venait de reveiller
avec une extreme vivacite les vieux dissentiments entre
6. AMARIAS , nom d'une famille de pretres dont Joha- la tribu de Juda et les autres tribus d'Israel. II Reg., xix,
nan etait le chef sous le grand pretre Joacim. II Esdr., 41-43. Israel en masse se declara centre David, a 1'insti-
xn, 13. Probablement c'est la meme famille qui est appelee gation du Benjamite Seba, et la revolte pouvait devenir
Emmer, I Par., xxiv, 14. plus redoutable encore que celle d'Absalom. II Reg., xx,
1-6. II fallait done se hater, et ne pas laisser auxrebelles
7. AMARIAS, pere de Godolias, ai'eul du prophete le temps de se rendre maitres de quelques places fortes
Sophonie. Soph., I, 1. et de s'y etablir. David ordonna a Amasa d'aller convoquer
tous les hommes de Juda, et de se rendre avec eux dans
8. AMARIAS (Septante: Safrnpsa), descendant de Pha- trois jours a Jerusalem, ou il venait lui-meme de rentrer.
res, de la tribu de Juda. II Esdr., xi, 4. Amasa dut eprouver des difficultes imprevues dans
1'execution de cet ordre, peut-etre a cause de la defiance
9. AMARIAS, un des fils de Bani, sous Esdras. II fut d'un grand nombre pour ce nouveau chef, qui etait la
un de ceux qui se separerent de leurs fernmes apres les veille encore le general des revoltes; car il ne put accorn-
avoir prises centre la loi. I Esdr., x, 42. plir sa mission dans les trois jours, et arriver a Jerusalem
au moment indique. II y serait toutefois revenu, quoique
AMASA, hebreu: 'Amdsd', charge; Septante : en retard, d'apres les Septante, et en serait reparti a la
tete des troupes, ayant sous ses ordres Abisai et les soldats
de Joab. II Reg., xx, 6-7. Mais cette maniere de presenter
1. AMASA, fils d'un homme inconnu, nomme Jetra ou les faits ne parait guere s'accorder avec ce qui est dit
Jether, et d'Abigail, soaur de David. Plusieurs commen- au f . 8, qu'Amasa vint au-devant d'eux ; cette ren-
tateurs ont pense qu'Amasa etait le fruit d'une union ille- contre s'explique au contraire tout naturellement, si 1'on
gitime, d' apres ce qui est dit, II Reg., xvn, 25, des rapports admet, comme semblent le supposer 1'hebreu et la Vul-
de Jether et d'Abigail. Mais cette interpretation est contes- gate, que David ne voulut pas attendre le retour d'Amasa,
table, puisque 1'expression qu'on releve dans ce passage et qu'il chargea Abisai (ou Joab, selon le syriaque et
est prise en bonne part dansplusieurs autres : Gen., xvi, 2, Josephe) de prendre le commandement des troupes pre-
et xxx, 3; Deut., xxn, 14, etc. Un autre point qui parait sentes, et de se mettre 'incontinent a la poursuite de Seba.
plus probable, c'est que le pere d'Amasa etait de nationahte Amasa, qui revenait enfin, les rencontra aux environs de
etrangere. En effet, si Jether est donne comme etant de Gabaon, la moderne El-Djib.
Jesrael, II Reg., xvn, 25, il est appele ailleurs Ismaelite par Ce fut le moment que choisit Joab pour assouvir sa
la Vulgate elle-meme, I Par., n, 17, et la diversite actuelle vengeance; la facon dont est decrit son equipement donne
des lecons fait supposer avec raison qu'il etait qualifie de a entendre qu'il avait premedite et prepare a 1'avance
la meme maniere dans le texte primitif de II Reg., xvn, 25. 1'assassinat de son cousin. Salut, mon frere! lui dit-il
C'est peut-etre ce qui expliquerait 1'eloignement dans en lui prenant la barbe de la main droite, a la maniere
lequel David parait avoir tenu son neveu. Malgre ses orientale, comme pour 1'embrasser, tandis que de la main
grands talents militaires, auxquels Absalom et David ren- gauche il lui plongeait son epee dans le flanc. II continua
dirent temoignage a la fin, en le choisissant 1'un apres aussitot sa route, apres avoir laisse un de ses soldats a la
1'autre pour leur general en chef, et malgre son etroite garde d'Amasa, etendu mort au milieu du chemin : c'est
parents avec le roi, on ne voit figurer nulle part Amasa du moins ce que semblent dire 1'hebreu, les Septante et
443 AMASA AMASIAS 444
le ehaldeen. Get homme, voyant que le peuple s'arretait ce qui parut a cette epoque une marque exceptionnelle
pour regarder le cadavre, le transporta dans un champ de clemence. Cf. Herodote, in, 119; Ammien Marcellin,
voisin, et le couvrit d'un manteau. II Reg., xx, 6-13. Une xxin, 6; Quinte-Curce, v, 11, 20. Dans 1'ensemble de sa con-
Ms de plus le glaive de la justice divine frappait, selon duite, sans pouvoir etre compare pour la rectitude et la
la prophetic de Nathan, II Reg., xn, 10, sur la maison de sincerite a David, son a'ieul, IV Reg., xiv, 3; II Par., xxv, 2;
David, et cette fois encore c'est de cette maison meme cf. Ill Reg., xi, 4, il fit cependant ce qui etait juste
que partait le coup , car Joab et Amasa etaient 1'un et devant le Seigneur . IV Reg., xiv, 3. Sentant que pour
1'autre neveux du roi. Cf. II Reg., xm, 28; xvm, 14. affermir son autorite il fallait d'abord reorganiser 1'armee,
Ainsi perit Amasa, au moment ou David venait de le il fit un recensement general de tous les jeunes gens de
tirer du long oubli dans lequel il .parait 1'avoir laisse vingt ans et au-dessus, capables de porter le bouclier et
jusqu'alors , pour lui conferer la plus haute charge du de manier la lance. On en compta trois cent mille, parmi
royaume, et le traiter desormais comme un des membres lesquels il etablit une puissante hierarchie, les section-
les plus chers de sa famille. N'es-tu pas 1'os de mes os, nant par families, dont chacune etait sous les ordres d'un
et la chair de ma chair? lui avait -il fait dire apres la chiliarque et de centeniers. II Par., xxv, 5. Le chiffre de
mort d'Absalom. II Reg., xix, 13. Joab empecha par son trois cent mille ne peut paraitre excessif, il est meme peu
crime 1'entiere realisation de ce dessein. David voulut du considerable si on le compare a celui que fournit le recen-
moins venger la mort d'Amasa, et s'il ne put le faire sement militaire fait par David, II Reg., xxiv, 9; I Par.,
immediatement , parce que les services de Joab, devenu xxi, 5; par Josaphat, II Par., xvn, 14-19, et par Asa,
d'ailleurs plus puissant que jamais, lui etaient necessaires, II Par., xiv, 8, a ce point qu'il faut recourir aux guerres
il confia en mourant ce soin a Salomon. Ill Reg., n, 5, 34. sanglantes recemment faites centre les Arabes et les Phi-
E. PALIS. listins, II Par., xxi, 16-17, et contre les Syriens, II Pan,
2. AMASA, Ephraimite, nls dAdali. De concert avec xxn, 5; xxiv, 23-26, pour expliquer une telle diminution.
d'autres chefs de sa tribu, il s'opposa a ce qu'on fit entrer C'est peut-etre pour combler ce deficit qu'Amasias, avec
dans Samarie les prisonniers que les Israelites avaient faits le consentement du roi d'Israel, enrola, au prix de cent
sur les tribus de Juda et de Benjamin , sous le regne talents d'argent, environ 850000 francs de notre monnaie,
d'Achaz. II obtint leur liberte et les renvoya avec tout le cent mille mercenaires Israelites. II Par., xxv, 6. C'est la
butin. II Par., xxvm, 12. premiere armee de mercenaires dont il soit question dans
la Bible. II avait 1'intention de les diriger, avec ses propres
AMASAI, hebreu: lAmd$ai, onereux, a charge. troupes, contre les Idumeens, qui sous Joram s'etaient
rendus independants, IV Reg., vm, 20-22; II Par., xxi, 10r
1. AMASAI (Septante: 'Ajjieaaf, 'AjjiaOi'), fils d'Elcana, et menacaient maintenant la frontiere meridionale de Juda.
levite de la branche de Caath. I Par., vi, 25, 35. Un millieme de talent d'argent (huit francs cinquante de
notre monnaie), par homme, etait une somme si minime,
2. AMASAI (Septante : 'Afxatrat')) chef des guerriers des qu'Amasias avait du y joindre quelque promesse formelle
tribus de Juda et de Benjamin, combattant sur des chars. d'une large part de butin. Or, sur 1'ordre de Dieu, un
II s'attacha a David fuyant devant Saul, et devint des lors prophete dont le nom n'est pas indique ('is hdelohim, un
un de ses generaux. I Par., xn, 18. On n'est pas d'accord homme de Dieu), il Par., xxv, 7, intervint, defendant a
sur la question de savoir s'il est le meme qu'Amasa, neveu Amasias de garder ces mercenaires a son service, parce
de David. Voir AMASA 1. que Jehovah n'est pas avec Israel, adonne plus que
jamais au culte des idoles. La force de Juda, ajoutait le
3. AMASAI (Septante : 'AjxaaaV), un des pretres qui Voyant, n'etait pas dans le nombre de ses soldats, mais
sonnaient de la trompette devant Farche, quand David la en Dieu, a qui il appartient de secourir et de mettre en
fit transporter dans la maison d'Obededom, a Jerusalem. mite. II Par., xxv, 7-8. Docile jusqu'a 1'heroisme, Ama-
I Par., xv, 24. sias renvoya ses cent mille auxiliaires, et avec ses seules
troupes il se jeta sur les Idumeens, qu'il battit dans la
4. AMASAI (Septante: 'Aaaa?)) levite, pere d'un Mahath vallee des Salines, IV Reg., xiv, 7; II Par., xxv, 11; cf.
qui vivait sous le regne d'E/echias. II Par., xxix, 12. Ce Gen., xiv, 8; II Reg., vm, 13; Ps. LIX, 2, au sud de la mer
n'est peut-etre que le nom de la famille; dans ce cas, Morte, et assiegea leur capitale, nominee Sela' ou Petra.
ce serait un descendant d'Amasai 1. IV Reg., xiv, 7. Amasias la prit d'assaut, et, selon un
ancien usage, il marqua d'une maniere symbolique sa
5. AMASAI (hebreu : 'Amsi, fort; Septante : domination sur elle en changeant son nom en celui de
*A(Ji.E(iGia), levite de la branche de Merari, fils de Boni et Jectehel (hebreu : ioqte'el, conquis par Jehovah d'apres
ancetre d'Ethan. I Par., vi, 46. Gesenius), lui imposant ainsi le nom d'une ville de Juda.
Jos., xv, 38. Voir JECTHEL. Dans ces batailles, dix mille
AMASIAS, hebreu : 'Amasydh, 'Amasydhu, Jehovah Idumeens etaient restes sur le terrain, et dix mille autres
fortifie ; Septante : 'AjAea-a-ta;, 'Abasia?, 'A(j.e<j<ia?. avaient ete precipites du haut du rocher escarpe qui domi-
nait Petra, de telle sorte que la puissance des fils de Se'ir
1. AMASIAS (hebreu : 'Amasydh, IV Reg., xn, 21; paraissait aneantie. II Par., xxv, 11-12.
XIV, 8; xv, 1, et 'Amasydhu, IV Reg., xiv, 1, 9, 11; Malheureusement ce succes enivra Amasias et fut 1'oc-
II Par., xxv, 1; Septante: 'Aixsao-iac) , huitieme roi de casion de sa ruine; car, suivant 1'usage recu parmi les
Juda, fils de Joas et de Joadan (appelee aussi Joaden, paiens d'emporter les dieux des peuples vaincus et de les
II Par., xxv, 1). II monta sur le trone la seconde annee honorer pour se les rendre favorables, il adora les dieux
du regne de Joas, roi d'Israel, IV Reg., xiv, 1, et regna de 1'Idumee et leur briila de 1'encens, II Par., xxv, 14,
vingt-neuf ans , y. 2 (838-809). Malgre sa jeunesse , ce qui lui valut bientot ce reproche : Pourquoi as-tu
il n'avait alors que vingt-cinq ans, II Par., xxv, 1, adore des dieux qui n'ont pas delivre leur peuple de tes
il sut montrer autant de fermete que de prudence pour mains? II Par., xxv, 15. Ainsi lui parlait Jehovah par
reprimer 1'anarchie qui avait suivi la mort de son pere, la bouche d'un prophete ; mais Amasias, aveugle par 1'or-
tombe victime d'une re volte de palais, IV Reg., xn, 20. gueil, refusa d'entendre, et profera meme contre rhomme
Fidele, dans la repression du crime, a la loi qui portait : de Dieu des menaces de mort, auxquelles le Voyant repon-
Les peres ne mourront point pour leurs fils ni les fils dit en lui predisant la vengeance du Seigneur et une mort
pour leurs peres, mais chacun sera responsable de son prochaine. II Par., xxv, 16. Alors la presomption d'Ama-
peche, Deut., xxiv, 16, il fit perir les meurtriers en lais- sias devint une vraie demence. Les mercenaires d'Israel,
sont vivre leurs enfants, IV Reg., xiv, 6; II Par., xxv, 4, renvoyes par lui, se voyant prives du butin qu'ils espe-
445 AMASIAS AMAT 446
raient, avaient ravage la frontiere septentrionale de Juda, corps porte sur des chevaux , IV Reg., xiv, 20; II Par.,
de Samarie jusqu'a Bethoron, tue trois mille hommes xxv, 28, a Jerusalem, fut depose solennellement dans le
et mis tout le pays au pillage. II Par., xxv, 13. Amasias, tombeau de ses peres. Amasias avait regne vingt-neuf ans,
qui ne cherchait qu'un pretexte pour attaquer Joas, roi durant lesquels son caractere s'etait manifeste par les plus
d'Israel et, d'apres Josephe, tenter de reconquerir les dix etranges contrastes, a tel point que 1'Ecriture Sainte peut
tribus, Ant. jud., IX, ix, le rendit peut-etre responsable successivement le louer comme un roi craignant Dieu, et
de ces depredations ; bientot il lui jeta ce defi ironique : le condamner comme un impie. Tel il fut en effet, tantot
Viens et voyons-nous de plus pres. IV Reg., xiv, 8; fidele au Seigneur jusqu'a 1'heroisme, comme lorsqu'il
II Par., xxv, 8. Josephe ajoute meme que le roi de Juda renvoya son arme'e de mercenaires, II Par., xxv, 10, tan-
ecrivit a son rival une l^ttre menacante pour lui enjoindre tot infidele jusqu'a adorer les dieux des vaincus, II Par.,
de se soumettre, lui et son peuple, Ant. jud., IX, ix; ce xxv, 14; parfois prudent, modere dans sa vengeance,
qui lui attira cette reponse noble et ecrasante, dont la IV Reg., xiv, 6; II Par., xxv, 3 , 4 , habile organisateur,
couleur orientale atteste I'authenticite : Le chardon (he- II Par., xxv, 5, et parfois mesquin, II Par., xxv, 9, pre-
breu: hahoha, 1'epine, dans le sens de buisson d'epmes, somptueux, IV Reg., xiv, 8; II Par., xxv, 16, violent,
cf. Job, [xxxi, 40; Prov., xxvi, 9 ) du Liban envoya II Par., xxv, 16, et cruel, II Par., xxv, 11-12. Son regne
vers le cedre qui est au Liban, et lui dit : Donnez votre a done un double aspect, glorieux et ignominieux. Com-
fille pour epouse a mon fils; mais les betes de la foret ment Amasias passa-t-il de 1'un a 1'autre? Par 1'orgueil
du Liban passerent et foulerent aux pieds le chardon. que lui donnerent ses premiers succes. II faut noter dans
IV Reg., xiv, 9; II Par., xxv, 18. Get apologue, qui rap- le recit de son regne 1'allusion a la loi mosaique, IV Reg.,
pelle celui de Joatham, Jud., ix, 8, nous apprend qu'Ama- xiv, 6, qui est une preuve de 1'existence du Deuteronome,
sias avait demande en mariage pour son fils la fille de et par consequent du Pentateuque au temps d'Amasias.
Joas. Le roi d'Israel, malgre ce ton menacant etces paroles P. RENARD.
blessantes, ne voulait pas la guerre; il conseillait a Ama- 2. AMASIAS, pretre du veau d'or a Bethel, sous le regne
sias de rester en paix et de jouir de ses recents succes, de Jeroboam II, roi d'Israel. Amos, vu, 10-17. II denonca
IV Reg., xiv, 10; II Par., xxv, 19: conseil plein de sagesse, a ce roi les propheties que faisait Amos contre le royaume
malheureusement incompris, car le roi de Juda se mit d'Israel, et il pressa ce prophete lui-meme de retourner
bientot en campagne. Centre toute attente, la rencontre dans le royaume de Juda. Amos lui predit qu'en punition
cut lieu, non en Israel, mais en Juda; car Joas avait pris de sa resistance aux ordres de Dieu, les plus grands mal-
les devants, et par une marche rapide avait porte la heurs tomberaient sur sa famille, et que lui-meme mourrait
guerre au coeur meme des Etats d'Amasias. Bethsames, dans une terre etrangere.
ville sur les confins de Dan et de Juda, beaucoup plus
proche de Jerusalem que de Samarie, fut le lieu du com- 3. AMASIAS, pere de Josa, de la tribu de Simeon. I Par.,
bat, dans lequel Amasias fut battu, IV Reg., xiv, 11; iv, 34.
II Par., xxv, 22; cf. Jos., xv, 10, parce que le Seigneur
avait resolu de le livrer aux mains de ses ennemis a cause 4. AMASIAS, levite, fils d'Helcias, de la branche do
des dieux d'Edom. II Par., xxv, 20. Fait prisonnier, il Merari. I Par., vi, 45.
fut emmene a la suite de son vainqueur, et dut assister a
son entree triomphale a Jerusalem. IV Reg., xiv, 13; 5. AMASIAS (hebreu : 'Amasydh, celui que Jehovah
II Par., xxv, 23. porte; Septante : 'AfAxort'as), fils de Zechri, grand capi-
Joas pilla le palais et le temple, dont les tresors etaient taine sous le regne de Josaphat. II commandait deux cent
sous la garde d'un certain levite Obededom. IV Reg., mille hommes. II Par., xvn, 16.
xiv, 14; II Par., xxv, 24; cf. I Par., xxvi, 8, 15. Ces tre-
sors ne pouvaient etre considerables depuis que Joas, roi de AMASSAI (hebreu : 'Amassai; Septante : 'Afjianta),
Juda, les avait employes pour acheter la retraite d'Hazael, fils d'Azreel, pretre habitant Jerusalem au temps de Ne-
roi de Syrie. IV Reg., xn, 18. Le vainqueur, genereux hemie. II Esdr., xi, 13. Probablement le meme que Maasai,
envers Amasias, lui laissa la liberte et meme la couronne, I Par., ix, 12.
Josephe, Ant. jud., IX, ix; mais, en garantie de sa sou-
mission, il fit, probablement parmi les families princi- AMAT Felix Torres, ecrivainespagnol, nele6aout!772
pales, de nombreux otages, et etablit le royaume de Juda a Salient, diocese de Vich, mort a Madrid le 29 decem-
dans une sorte de vassalite, IV Reg., xiv, 14; toutefois Dieu, bre 1847. II fut chanoine de la collegiale de Saint-Ilde-
qui avait ses desseins sur ce royaume, ne permit pas qu'il fonse en 1805, et en 1815 sacriste de Barcelone. Le
dispariit. l er mai 1834 il fut sacre eveque d'Astorga, et il gouverna
Les quinze annees qu'Amasias regna apres la mort de ce diocese jusqu'a sa mort. Son ceuvre principale, qui
Joas, roi d'Israel, IV Reg., xiv, 17; II Par., xxv, 25, est rappelee comme son plus beau titre de gloire dans
furent sans gloire. Soit decouragement, soit sentiment de 1'epitaphe qu'on lit sur son tombeau dans I'hopital de la
sa reelle impuissance, il ne fit rien pour rendre a ses Corona de Aragon, c'est sa traduction des Saintes Ecritures
Etats leur ancienne prosperite. C'est alors que s'eleva en espagnol. La sagrada Biblia, nuevamente traducida
centre lui a Jerusalem une conjuration dont le texte ne de la Vulgata latina al espanol, aclarado el sentido de
designe ni le motif ni les auteurs. En realite ce fut un algunos lugares con la luz que dan los testos originales
chaliment providentiel de son mepris pour Dieu et de son hebreo y griego, e ilustrada con varias notas sacadas
idolatrie. II Par., xxv, 26; cf. IV Reg., xiv, 3; II Par., de los santos Padres y espositores sagrados, 9 in-4,
xxv, 14, 20. Ce n'etait pas d'ailleurs une revolution poli- Madrid, 1823-1825; 2* edit., 6 in-i, Madrid, 1832-1835.
tique, rnais un ressentiment tout personnel, puisque les Cette traduction n'a pas supplante completement celle
conjures lui donnerent comrne successeur son propre fils. de Scio, si celebre en Espagne; elle a eu neanmoins un
Amasias n'osa tenir tete a 1'emeute, sentant sans doute tres grand succes, et a ete approuvee et recommandee
combien peu il avait les sympathies de son peuple, chez par un grand nombre d'eveques, et comme la Societe
lequel subsistait le mecontentement d'avoir ete entraine biblique a imprime pour son compte la version de Scio,
dans Fentreprise aventureuse contre Israel, d'avoir vu la on a reimprirne a Barcelone, en un seul volume in-8,
cite sainte demantelee et les principaux citoyens pris en en 1876, La sagrada Biblia d'Amat, afin de combattre la
otages. II se refugia a Lachis, ou il fut bientot rejoint par propagande protestante. La brievete et la clarte des notes
les conjures et mis a mort. IV Reg., xiv, 19; II Par., de 1'eveque d'Astorga out fait de sa traduetion une ceuvre
xxv, 27. II etait age de cinquante-quatre ans. IV Reg., vraiment populaire. Quelques mots ajoutes ga et la dans
xiv, 2. De splendides funerailles lui furent faites: son le texte en italiques lui suffisent souvent pour eclairer le
447 AMAT AMBASSADE 448
sens. Les difficult^ sont expliquees au has des pages. Sa AMBASSADE, AMBASSADEUR. On appelle au-
version se recommande d'ailleurs par une fidelite qui n'a jourd'hui ambassadeur le representant officiel d'un sou-
rien de servile et par 1'elegance du style. Comme la Bible verain ou d'un Etat aupres d'un gouvernement etranger.
de Scio contient des annotations en plus grand nombre, II reside ordinairement dans le pays ou il est accredite.
on a publie vers 1885 La Santa Biblia vulgata latina Les anciens, et en particulier les Hebreux, n'ont pas eu
y su traduccion al espanol por Felix Torres Amat, con d'ambassadeurs dans ce sens moderne; ils ont eu seule-
notas de este y del P. Felipe Scio de San Miguel, cro- ment des envoyes charges de porter des messages; on n'en
nologias del P. Fidel Fita, S. J., comentarios y vindicias, donne pas moins assez souvent a ces envoyes le nom
12 in -8, Barcelone (sans date). d'ambassadeur, et a la mission qu'ils remplissaient le nom
L'eveque d'Astorga a compose phisieurs autres ouvrages, d'ambassade. Un verset des Proverbes, xm, 17, nous fait
parmi lesquels on peut mentionner ses Memorias para connaitre deux des noms par lesquels on designait en
ayudar a formar un Diccionario critico de los escritores Israel les personnages a qui etaient confiees ces fonctions
catalanes, in -8, Barcelone, 1836. Get ouvrage contient importantes :
des notices sur plusieurs commentateurs espagnols. Voir
Le mechant messager (mal'dk) tombera dans le mal,
M. Salva et P. Sainz de Baranda, Coleccion de documentos Mais I'envoy6 (sir) fldele est le salut.
ineditos para la historia de Espana, t. xxii, Madrid, 1853,
p. 66. Le mot maVdk, qui signifie un messager quelconque,
Job, i, 14, etc., et specialement un envoye de Dieu, un
AMATH, ville de Syrie. Voir AMATHITE et EMATH. ange, Gen., XLVIII, 16, etc., designe plusieurs fois dans
1'Ecriture un messager public, politique. Jud., xi, 12,
AMATHEEN (hebreu : Jfamafi; Septante : 6 'A(ia6c), 17, 19; I Sam., xvi, 19; xix, 11, 14, 20; I (HI) Reg.,
nom d'une des families qui descendaient de Chanaan. Elle xix, 2; II Par., xxxv, 21; Is., xxx, 4; xxxm, 7; Ezech.,
occupe la derniere place dans la liste des fils de Chanaan. xvn, 15, etc. La Vulgate, dans ce dernier sens, traduit
Gen., x, 18; I Par., i, 16. (La Vulgate ecrit Amalhseus mal'dk par nuntius. Le mot sir, comme nom d'agent,
dans Gen., x, 18, et Hamathseus dans I Par., i, 16.) Les signifie toujours un homme charge de porter un message.
Amatheens sont indubitablement les Chananeens qui s'eta- Prov., xm, 17; xxv, 13; Is., xvm, 2; LVII, 9; Jer., xux, 14;
blirent a Emath ( hebreu : Hanidt }, a la frontiere septen- Abd., 1. Notre Vulgate le rend par le substantif legatus,
trionale de la Palestine. Voir EMATH. qui est le mot consacre en latin pour exprimer un ambas-
sadeur. Au second livre des Paralipomenes, xxxn, 31, les
AMATH I (hebreu : 'Amittai, sincere; Septante : ambassadeurs de Babylone sont appeles mellim (Vul-
'A[ia60> P^re du prophete Jonas. IV Reg.,xrv,25; Jon., i, 1. gate: in legatione), c'est-a-dire interpretes . Souvent
du reste, quand les ecrivains sacres racontent des ambas-
AMATHIE, AMATHIS. Voir AMATHITE. sades, ils ne donnent aucun titre special a ceux qui les
remplissent.
AMATHITE (grec : 'AfxaOtTn;), I Mach. , xn, 25. Ceux qui etaient charges d'un message a 1'etranger
Region au nord de la Palestine, situee autour d'Emath ou etaient naturellement des hommes importants, par exem-
Amath, d'ou elle tirait son nom. Voir EMATH. G'est la que ple, des officiers de la cour, quand ils etaient envoyes par
Jonathas Machabee rencontra 1'armee de Demetrius II le roi. Voir II Reg., x, 1-5; IV Reg., xvm, 17; etc. Ils
Nicator, laquelle se retira precipitamment pendant la nuit, etaient consideres comme des personnes sacrees et en
n'osant pas risquer la bataille avec les Juifs. I Mach., xn, quelque sorte inviolables, si nous en jugeons par la guerre
24-28. Quelques commentateurs ont confondu a tort qui fut la consequence des outrages faits par les Ammo-
1'Amathite avec la region situee autour d'Amathonte ou nites aux envoyes de David. II Reg., x.
Amathus ( 'AjjuxOou;, TOC 'A[ia0a), ville forte a Test du Jour- La mission la plus ordinaire des ambassadeurs consistait
dain, qui fut prise par Alexandre Jannee, et dont il est a demander la paix, 1'alliance avec un peuple etranger ou
plusieurs fois question dans Josephe. Ant. jud., XIII, certaines faveurs, comme dans les premiers exemples que
xm, 3; XIV, v, 4; XVII, x, 6; Bell, jud., I, iv, 3; vm, 5. nous connaissons, oil Moise envoie, mais sans succes,
Amathonte est 1'Amata visitee par Burckardt, Travels , des messagers aux Idumeens et aux Amorrheens, Num.,
p. 346, pres du Jourdain, un peu au nord du Zerka, 1'an- xx, 14-21; xxi, 21-23; Jud., xi, 17-21, pour obtenir le
cien Jaboc. L'Amathite de I Mach., xn, 25, etait beaucoup libre passage sur leurs terres. Les Gabaonites vont trouver
plus au nord. Josue pour faire alliance avec lui. Jos., ix, 3-16. Jephte
envoie inutilement des ambassadeurs aux Ammonites afin
AMBARACH Pierre, jesuite d'origine maronite, ne qu'ils cessent de piller les tribus transjordaniennes. Jud.,
en 1663, a Gusta, en Syrie, mort a Rome, le 25 aout 1742. xi, 12-28. Les tribus d'Israel reunies a Maspha font deman-
II fut eleve a Rome, au college des Maronites, par les der par des envoyes a la tribu de Benjamin de leur livrer
jesuites, de 1672 a 1685, et retourna en Syrie en decembre les coupables qui avaient outrage la femme du levite
1685. Envoye plus tard par ses compatriotes aupres du d'Ephralm; ils ne Tobtiennent point. Jud., xx, 12-13. Ben-
Saint-Siege pour y traiter quelques affaires interessant leur adad, roi de Syrie, exige d'Achab, par une double ambas-
Eglise, il fut retemi a Florence, apres avoir rempli sa sade, qu'il lui livre tout ce qu'il possede. Ill Reg., xx, 1-6.
mission, par le grand -due Come III de Medicis, qui le Amasias, roi de Juda, sollicite une entrevue et une alliance
chargea d'abord d'organiser une imprimerie orientale et matrimoniale de Joas, roi d'Israel, et ses envoyes lui
le nomma ensuite professeur d'Ecriture Sainte a Pise. Le rapportent une reponse outrageante. IV Reg., xiv, 8-9.
30 octobre 1707, Ambarach entra au noviciat des jesuites Achaz, roi de Juda, se reconnait tributaire de Teglath-
a Rome, et , quelque temps apres , Clement XI le nomma phalasar, roi d'Assyrie, pour obtenir de lui des secours.
membre de la commission chargee de preparer 1'edition IV Reg., xvi, 7. Ezechias, fils et successeur d'Achaz, fait
pontificale de la Bible grecque des Septante. II publia demander la paix a Sennacherib, roi d'Assyrie, qui a
aussi les deux premiers volumes des CEuvres de saint envahi ses Etats, IV Reg., xvm, 14, et Sennacherib, apres
Ephrem en syriaque, etc. Comme son nom en arabe avoir accepte son tribut, le fait sommer neanmoins a
signifie beni , il a pris dans 1'edition de saint Ephrem deux reprises, par plusieurs de ses grands officiers, de
le norn de Benedictus. Le P. de Backer 1'appelle Benedetti, se soumettre completement a lui. IV Reg., xvin, 17-34;
Bibliotheque des ecrivains de la Compagnie de Jesus, xix, 9-14; Is., xxxvi, 1-20; xxxvn, 9-14. Merodach-
1890, t. i, col. 1295, nom sous lequel il est connu en Baladan, roi de Babylone, envoie a Ezechias une ambas-
Italie ; la Biographie universelle de Michaud , t. iv, 1811 , sade avec des lettres et des presents, pour le feliciter sur
p. 198, le nomme Benoit. sa guerison miraculeuse, IV Reg., xx, 12; IIPar., xxxii, 31;
449 AMBASSADE AMBROISE 450
Is., xxxix, 1, et noue avec lui une alliance centre le roi I'art dans Vantiquite, t. n, p. 768-769; cf. t. I, p. 840;
d'Assyrie. Une des plus celebres ambassades racontees t. in, p. 854-855.
dans les Saints Livres est celle que Judas Machabee envoya Ezechiel n'a done pu parler d'une substance ir.connue
aux Remains pour conclure avec eux une alliance qui le sur les bords de PEuphrate. Aussi est-on aujourd'hui a
mit en etat de resister aux forces superieures des rois de peu pres unanime a reconnaitre que le mot hasmal
Syrie. I Mach., viu, 17-30. Voir ALLIANCE 1.
Les ambassadeurs etaient charges parfois simplement
de porter les tributs, Jud., in, 15; d'aller feliciter un roi
sur son avenement au trone, II Reg., vm, 10; III Reg.,
v, i, ou de lui apporter des compliments de condoleance
sur la mort de son predecesseur, II Reg., x, 2.
Dans le Nouveau Testament, saint Paul considere meta-
phoriquement les ministres de 1'Evangile comme des
ambassadeurs de Dieu aupres des hommes, des legati
*nvoyes par leur maitre pour tenir sa place, de meme
que le TtpeagsuTY}?, le legatus tenait la place de 1'empe-
reur romain dans la province de Syrie ou 1'Apotre etait
ne. C'est dans ce sens qu'il emploie le verbe TtpeaSeusiv.
II Cor., v, 20; Eph., vi, 20. F. VIGOUROUX.
et qui sont la marque distinctive d'Ammon, sont placees prend en quelque sorte un corps sous la forme de Ra, le
sur la couronne. Une sorte de cordon pend de sa coiffure soleil, qui a ete des la plus haute antiquite adore en
et descend jusqu'aux pieds (fig. 118). Dans les fresques, Egypte. Ammon-Ra, sous son nom de dieu Khem, est
il est peint en bleu. Dans les representations figurees, la source de la vie; sous son nom de dieu Khnoum, il est
il est souvent accompagne de la deesse Mout (mere) et du le fabricateur des dieux et des hommes , selon un titre
dieu Khons, son fils. Ces trois divinites forment la triade qui lui est frequemment donne, et, dans ce role, il est
thebaine. figure faconnant, sur un tour a potier, soil Thomme, soit
Ammon avait d'autres noms et d'autres formes, et il 1'ceuf mysterieux d'oii la mythologie egyptienne faisait
pii-iii*^
etait venere en divers lieux. Comme dieu de la genera- sortir le genre humain et tous les etres de la nature.
tion, il portait le nom de Khem et avait des attributs spe- Voir fig. 22, col. 179. D'apres un texte hieratique,
ciaux. En Nubie et particulierement aux cataractes, on Ammon organise toutes choses, il souleve le ciel et
1'adorait sous le nom de Noum ou Khnoum, en lui don- refoule la terre; il donne le mouvement aux choses qui
nant la forme d'un belier: c'est ce qui fit supposer aux existent dans les espaces celestes; il produit tous les etres,
Grecs qu'Ammon avait toujours des cornes de belier. Son hommes et animaux. Enfin, apres avoir organise tout 1'uni-
culte s'etendit tout le long de la cote septentrionale de vers, Ammon le maintient chaque jour par sa providence;
1'Afrique et se repandit jusqu'en Grece, ou on 1'identifia chaque jour il donne au monde la lumiere qui vivifie la
avec Zeus, d'ou les noms de Zeus Ammon et de Jupiter nature; il conserve les especes animales et vegetales, et
Ammon, qui lui sont donnes par les ecrivains classiques. maintient toutes choses. Grebaut, Hymne a Ammon-Ra,
Ammon-Ra, d'apres plusieurs egyptologues, represente dans la Revue archeologique, juin 1873, p. 892.
le dieu invisible (amen, cache), qui se rend visible et F. VIGOLROUX.
489 AMMON (FILS DE LOT) AMMON (PAYS) 490
2. AMMON (hebreu : Een-Amml; Septante : leur histoire, occupe un territoire dont la limite occiden-
fils de Lot et de sa plus jeune fille, et pere des Ammo- tale, dans la direction que nous venons d'indiquer, aurait
nites. Gen., xix, 38. Le texte hebreu porte simplement : ete parallele au Derb el-Hadj actuel ou route des Pele-
Et elle appela son nom Ben-Ammi, ce que la Vulgate rins de la Mecque. Quant a la limite orientale, elle aurait
a traduit avec paraphrase explicative : Et elle appela son confine au desert d'Arabie. Ces parages, du reste, con-
nom Ammon, c'est-a-dire, fils de mon peuple. Les Sep- viennent tres bien a un peuple nomade comme celui dont
tante ajoutent de meme : Xsyouuaj' Tib? yevou? [AOU, di- nous parlons. On y trouve de vastes plaines herbeuses, et
sant: Fils de ma race. Ce nom n'a une signification per- les flancs des collines sont creuses de puits maintenant a
sonnelle qu'en ce seul endroit de 1'Ecriture; partout ail- demi combles ou a sec. La route des Pelerins traverse vers
/eurs il a un sens ethnographique. Les descendants le nord un pays accidente ou naissent de nombreux ouadis,
d Ammon sont appeles: bene-'Ammon f fils d'Ammon. qui se dirigent de 1'est a 1'ouest. Le pays cependant a dft
Voir AMMONITES. etre tres habite a une certaine epoque, comme 1'attestent
de quatre metres de long sur trois de large (fig. 120). Cf. sident du consistoire de Saxe (Landeskonsistorium). II
Palestine Exploration Fund, Quarterly statement, 1882, joua un role important dans les affaires de 1'Eglise pro-
p. 76, gravure, p. 65. Un certain nombre d'anciens torn- testante de ce pays. II resigna toutes ses fonctions en 1849,
beaux, creuses dans leroc, rappellent, par leurs disposi- et mourut la meme annee, a 1'age de quatre-vingt-quatre
tions, ceux des Juifs et des Pheniciens. Cf. C. R. Conder, ans.
Heth and Moab, Londres, 1889, p. 156-177, et Palestine Ammon a exerce une grande influence en Allemagne;
Exploration Fund, 1882, p. 69, 99-109. il a ete un des chefs de 1'ecole rationaliste de ce pays,
Les Ammonites n'eurent pas de possessions a 1'ouest un ecrivain fecond et erudit, verse dans la connaissance
du Jourdain. A 1'epoque troublee des Juges, on les voit de la litterature orientale, rabbinique, grecque et latine,
bien deux fois passer le fleuve : la premiere, comme allies ancienne et moderne, mais sans profondeur. Ses der-
des Moabites et des Amalecites, pour frapper Israel et niers ouvrages surtout sont tres superficiels. Le premier
s'emparer de la ville des palmes ou Jericho, Jud., in, 13; que nous avons a mentionner est son Entwurf einer rein
la seconde, pour devaster Juda. Benjamin et Ephraim; biblischen Theologie, l re edit., Erlangen, 1792; 2e edit.,
Jud., x, 9; mais ce ne furent que des incursions et depre- 3 in-8, 180-1-1802. Ce n'est guere qu'un recueil de mate-
dations passageres. Peut-etre cependant pourrait-on trou- riaux, la collection de ce qu'on appelle les dicta proban-
ver quelque trace de leur sejour dans le nom d'une loca- tia, c'est-a-dire des textes qu'on cite pour etablir les
lite appartenant a la tribu de Benjamin et appelee en dogmes Chretiens; mais 1'auteur essaye d'expliquer pour
hebreu : Kefar hd'ammoni, le village ammonite, la premiere fois ces textes dans un sens rationaliste, ce
Vulgate : Villa Emona. Jos., xvm, 24. A. LEGENDRE. qui a fait de son ouvrage comme le manuel du rationa-
lisms historique et critique. Son criterium est le sain
5. AMMON (Christoph Friedrich von), theologien pro- bon sens . La revelation est pour lui soumise complete-
testant rationaliste, ne a Rayreuth, le 16 Janvier 1766, ment a la raison, et c'est cette faculte qui nous manifeste
moi t a Dresde, le 21 mai 1849. D fit ses etudes a Erlangen, ce que Dieu demande de nous. Gf. son Vom Ursprung
493 AMMON (CHR. FR. VON) A M M O N I T E S 494
und Seschaffenheit von unmittelbarer gottlich. Offenba- Carp., t. XXH, col. 1276. L'ouvrage d'Ammonius est depuis
vung, in-4, Goettingue, 1797. L'inspiration n'est qu' une longtemps perdu; mais sa division, qui etait tres commode
sonore idee juive . II n'y a ni miracles ni propheties. pour retrouver un passage quelconque des Evangelistes,
Jesus est le seul Messie moral , et c'est par la force de a ete conservee. II avait partage les quatre Evangiles en
sa haute moralite qu'il a pu fonder une religion nouvelle. plus de mille sections, qui sont appelees tantot pericopse,
II s'est du reste enveloppe a dessein d'une sorte de clair- tantot lectiones, tantot canones, le plus souvent capitula.
obscur allegorique . Les memes idees se retrouvent pour Saint Matthieu en avait 355; saint Marc, 235; saint Luc,
le fond dans sa Christliche Sittenlehre, in-8, Erlangen, 343; saint Jean, 232. Ge chiffre varie cependant, quoique
1795; 5e edit., 1823, inspiree par la philosophie de Kant legerement, dans les divers manuscrits. L'indication du
(cf. son Ueber die Aehnlichkeit des innern Wortes eini- riom de 1'Evangeliste et du chiffre de la section permettait
ger neuern Mystiker mit den moral. Worte der Kanti- de trouver tout de suite le passage des Evangiles qu'on
schen Schriftauslegung, in-4, Goettingue, 1796), et dans desirait trouver.
sa Summa theologies christianx, in-8, Erlangen, 1808; Eusebe de Cesaree completa le travail d'Ammonius, et
4e edit., 1830. Dans ces deux ouvrages, Ammon garde contribua beaucoup a le repandre en dressant avec exac-
encore une certaine reserve; mais il n'en est plus de titude les dix Canons evangeliques, destines a montrer le
meme dans son Fortbildung des Christenthums zur Welt- parallelisme des quatre Evangiles, ce qui leur est commun
religion, eine Ansicht der hohern Dogmatik, 4 in-8, et ce qui leur est propre. Ce sont dix tableaux, formes
2e edit., Leipzig, 1836-1838, apologie du plus vulgaire avec les chiffres des sections ammoniennes. Le premier
rationalisme, dans laquelle 1'auteur considere la religion contient, en quatre colonnes, tous les passages qui sont
chretienne comme un produit naturel du progres de la communs aux quatre Evangelistes; le second, en trois
civilisation, qui s'est modifie dans le cours des siecles. colonnes, ceux de saint Matthieu, de saint Marc et de
L'auteur, qui avait change sou vent lui-meme d'opinion saint Luc; le troisieme, ceux de saint Matthieu, de saint
dans le cours de sa vie, applique sa propre histoire au Luc et de saint Jean; le quatrieme, ceux de saint Matthieu,
christianisme. saint Marc et saint Jean; le cinquieme, en deux colonnes,
Mentionnons, parmi les autres ecrits d'Ammon : Pro- les passages communs a saint Matthieu et a saint Luc; le
gramma de repentina Pauli ad doctrinam cJiristianam sixieme, ceux de saint Matthieu et de saint Marc; le sep-
conversione ad Act., ix, 1-19, in-8, Erlangen, 1792; tieme, ceux de saint Matthieu et de saint Jean ; le hui-
Das Todtenreiche der Hebrder bis auf David, in-4, tieme, ceux de saint Marc et de saint Luc; le neuvieme,
Erlangen, 1792; Dissertatio inauguralis de adumbra- ceux de saint Luc et de saint Jean; le dixieme eniin, les
tionis doctrinse de animorum immortalite a Jesu Christo passages propres a un seul evangeliste. Voir ces canons
propositse prasstantia, in-8, Erlangen, 1793; Programme dans Migne, Patr. gr.,i. xxn, col. 1277-1299.
quo disquiritur quatenus disciplina religionis et theolo- Les sections ammoniennes n'ont pas ete sans doute sans
gies, christianse pendent ab historia Jesu Christi, in-4, influence sur la division par chapitres et par versets, qui
Goettingue, 1794; Entwurf einer Christologie des Alien a prevalu plus tard dans nos Bibles. Elles ont ete mar-
Testaments, in-8, Erlangen, 1794; Nova versio grseca quees encore de nos jours dans plusieurs editions du
Pentateuchi, 3 parties in-8, Erlangen, 1790-1791; Com- Nouveau Testament de Tischendorf. Voir Harmonia qua-
ment, de versionis Veteris Testamenti venetse grsecse tuor Evangeliorum juxta sectiones Ammonianas et Eu-
usu, in-8, Erlangen, 1791; Predigten uber Jesum und sebii canones, in-4, Oxford, 1805; 0. von Gebhardt,
seine Lehre, 2 iu-8, Dresde, 1819-1820; Die Geschichte Bibeltext des Neuen Testaments, dans Herzog's Real-
des Lebens Jesu mit steter Rucksicht auf die vorhande- Encyklopadie, 2e edit., t. n, p. 404; Al. Michelsen, Evan-
nen Quellen dargestellt, 2in-8, Leipzig, 1842-1844. gelien-harmonie, ibid., t. iv, p. 425.
Yoir Christof Friedrich von Ammon nach Leben, Ansi-
chten und Wirken, 1850. L'auteur est un Saxon qui a AMMONITES, fils d'AMMON (hebreu, le plus sou-
garde l'anonyme, sans doute pour donner un libre cours vent : Bene-'Ammon; quelquefois : 'Ammoni, Deut.,
a son admiration et a son enthousiasme, qui lui fait pro- xxm, 4; I Sam., xi, 1, etc.; plur. 'Ammonim, Deut.,
clamer son heros la premiere notabilite theologique du n , 20; III Reg., xi, 5, etc.; deux fois seulement : 'Am-
xixe siecle . mon, I Reg., xi, 11; Ps. LXXXIII (Vulg., LXXXII), 8; Sep-
tan te : YSoi 'A(j.|i,iov; 'A[x[xav'iTat), peuple descendant
AMMONI. Quelques commentateurs et geographes, d'Ammon ou Ben-Ammi, fils de Lot et de sa plus jeune
tcls qu'Adrichomius, Barbie du Bocage, etc., out admis fille. Gen., xix, 38.
1'existence d'une ville d'Ammoni, qui aurait ete situee I. Norn et origine. Le nom d'Ammon peut-il se rat-
dans la tribu de Benjamin et d'ou aurait ete originaire tacher a celui de Ben-Ammi, donne par la mere pour rap-
Selec, un des guerriers de David, parce que la Vulgate peler que son enfant ne portait pas dans les veines de
porte au second livre des Rois, xxm, 37: Selec d'Am- sang etranger? M. Reuss regarde cette etymologie comme
moni. Cette traduction doit etre expliquee par celle de absolument arbitraire et inadmissible, La Bible, I'Histoire
I Par., xi, 39, ou on lit: Selec 1'Ammonite. La ville Sainte et la Loi, t. i, p. 364. Cependant, sans rappeler
d'Ammoni n'a, en effet, jamais existe. Selec etait Ammonite 1'interpretation traditionnelle donnee par la Vulgate et les
de nation, comme le porte le texte hebreu dans les deux Septante (voir AMMON 2) aussi bien que par Josephe, Ant.
passages ou il est nomme, et comme 1'a traduit exacte- jud.,1, xi, 5, d'accord avec le texte hebreu, Gen., xix, 38,
ment la Vulgate, I Par., xi, 39. il est permis d'opposer a cette assertion 1'autorite de Ge-
senius declarant cette etymologie non etrangere aux
AMMONIENNES (SECTIONS). On appelle ainsi lois de la langue , Thesaurus linguse, heb., p. 1044. Fiirst
les subdivisions du texte des Evangiles qui avaient ete traduit le mot par dem Volke Zugehoriger, qui appar-
imaginees par Ammonius d'Alexandrie, au commence- tient au peuple, Hebraisches Handworterbuch, Leipzig,
ment du me siecle (vers 220), et qui sont iadiquees, a 1876, t. n, p. 158, et Delitzsch trouve entre 'Amman,
partir du ve siecle, dans tous les manuscrits grecs et latins rejeton du peuple, et 'Am, peuple, la meme ana-
qui contiennent les quatre Evangiles. Amrnonius, pour logic qu'entre 'agmon, jonc, proprement : rejeton
etablir la concorde des quatre Evangiles, prit pour base de 1'etang, et 'dgdm, etang. Keil et Delitzsch, Biblical
1'Evangile de saint Matthieu, en le divisant en sections Commentary, The Pentateuch, trad, anglaise, t. i, p. 238.
d'apres les evenements qu'il raconte et les discours qu'il Nous retrouvons ce nom sous la meme forme dans les ins-
rapporte, et nota vraisemblablement vis-a-vis, par des criptions assyriennes : Bit-Amman, ecrit Am-ma-na (ni),
renvois en chiffres, les passages paralleles des trois autres forme semblable a celle de Blt-Humn,la maison d'Amri,
Evangiles, subdivises dans le merne b/'*- Eusebe, Epist. ad c"est-a-dire la Samarie. Ammon semble ainsi considere
495 AMMONITES 496
comme nom de personne ; aussi trouve-t-on quelquefois 1'energique expression de 1'hebreu, et briserent violem-
le determinatif personnel place devant Amman. Cf. E. ment les tribus qui 1'occupaient. Jud., x, 8. Traversant
Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, meme le Jourdain, ils poursuivirent leurs incursions et
Giessen,1883,p. 141. ] etendirent leurs ravages jusqu'au milieu de Juda, de Ben-
Le rationalisme n'a pas manque non plus de voir dans jamin et d'Ephraim. Jud., x, 9. Jephte, choisi par les tri-
1'origine incestueuse d'Ammon un mythe ethnographique, bus transjordaniennes pour repousser les pillards, ne
fruit de la haine nationale qui ne cessa d'exister entre les voulut entreprendre la guerre qu'apres avoir epuise tous
Israelites et les descendants de Lot. Cf. Reuss, L'Histoire les moyens de conciliation avec des adversaires qu'il re-
Sainte et la Loi, 1.1, p. 363. Mais a cette affirmation gra- doutait. Deux fois il envoya des ambassadeurs aux Am-
tuite, destinee uniquement a infirmer 1'authenticite et la monites pour leur demander quels etaient leurs griefs.
veracite du recit mosaique, nous repondrons en rappelant Les negotiations diplomatiques ayant echoue, il fallut en
1'origine des enfants de Juda, la plus importante des tribus venir aux mains. Les enfants d'Ammon furent complete-
d'Israel, origine qui n'est guere plus honorable, et qui ment battus. Vingt villes furent saccagees, depuis Aroer
cependant n'en est pas moins racontee dans le meme livre. (voir AROER 2) jusqu'a Minnith et Abel (voir ABEL-KERA-
Gen., xxxvin. Cette haine du reste existait si peu au MIM). Jud., xi, 1-33.
debut, que Dieu ne voulut rien donner a son peuple de Cet echec cependant n'avait pas completement ruine
la terre des enfants de Moab et d'Ammon, parce qu'ils leurs armes; car, tres peu de temps apres 1'election de
etaient fils de Lot, c'est-a-dire du meme sang que les Saul, nous voyons Naas, leur roi, mettre le siege devant
enfants d'Abraham. Deut., n, 9, 19. La moitie du pays Jabes Galaad. Peut-etre voulait-il faire revivre les preten-
d'Ammon que posseda la tribu de Gad, Jos., xm, 24-25, tions de son peuple sur un pays bien convoite, ou plutot,
ne fut pas conquise en violation de cette defense : elle si 1'on en juge par la menace qu'il fit aux habitants de
fut prise sur Sehon, roi des Amorrheens et par conse- leur arracher 1'ceil droit, voulait-il venger la defaite in-
quent, apres avoir fait partie du territoire d'Ammon, elle fligee par Jephte. Ne pouvant sans doute emporter imme-
ne lui appartenait plus lors de la conquete Israelite. diatement la ville de vive force, et ne comptant pas qu'elle
Du recit de la Genese ressort 1'etroite parente qui unis- put etre secourue, il lui accorda un delai de sept jours.
sait Israel aux Moabites et aux Ammonites. D'un autre Mais Saul, arrivant avec des troupes considerables, atta-
cote, 1'union tres intime des deux tribus sceurs apparait qua le camp ennemi de trois cotes a la fois. Surpris tout
d'un bout a 1'autre de leur histoire. Souvent nominees a coup, a une heure matinale, les Ammonites sans de-
ensemble, II Par., xx, 1, Sophon., n, 8, elles sont accu- fiance furent battus jusqu'en plein midi, et completement
sees toutes deux d'avoir appele Balaam pour maudire le disperses. I Reg., xi, 1-11. Ce ne fut pas le seul exploit
peuple de Dieu, Deut., xxm, 3-4, alors que le recit detaille accompli contre eux par Saul. I Reg., xiv, 47.
de I'evenement ne mentionne pas Ammon. Num., xxn, Tout en combattant le premier roi d'Israel, Naas traitait
xxm. Dans la reponse de Jephte au roi d'Ammon, les David avec bienveillance. II Reg., x, 2. Quels services lui
allusions a Moab sont continuelles, Jud., xi, 15, 18, 25; rendit-il ? On ne le sait pas au juste. II est probable que
Chamos, le dieu de Moab, Num., xxi, 29, y est appele le roi d'Ammon, comme celui de Moab, I Reg., xxn, 3-4,
ton dieu , Jud., xi, 24. Le pays de 1'Arnon au Jaboc, et celui de Geth, I Reg., xxvn, n'avait vu en David
que le roi ammonite appelle ma terre , Jud., xi, 13, fugitif que Fennemi de Saul, et comme tel 1'avait cou-
est donne ailleurs comme ayant appartenu a un roi de vert de sa protection. Mais 1'amitie cessa quand le per-
Moab . Num., xxi, 26. secute devintmaitre de tout Israel. Deja entre celui-ci et
II. Histoire. Pour s'etablir a Test de la mer Morte et Moab 1'alliance etait brisee. II Reg., vm, 2. David nean-
du Jourdain, les Ammonites eurent a vaincre une race de moins, gardant toujours au cceur la reconnaissance envers
Rephaim ou geants, qu'ils appelaient Zomzommim. Naas, envoya, lorsqu'il eut appris sa mort, porter ses con-
Deut., n, 20-21. Vaincus eux-memes plus tard par les doleances a son fils Hanon. La haine alors se reveilla chez
Amorrheens, ils furent refoules vers Test. Num., xxi, 24; les princes ammonites, qui jeterent des soupcons dans
Jud., xi, 13, 19-22. Voir AMMON 4. Depuis ce temps, leur 1'esprit duroietlui representerent les ambassadeurs comme
histoire ne fut plus qu'une longue suite d'hostilites centre des espions. Hanon leur fit subir un traitement ignomi-
le peuple d'Israel. Au moment de 1'exode, ils lui refu- nieux. Mais, voyant qu'ils avaient fait injure a David, les
serent des vivres dans le desert, Deut., xxm, 4, et, de fils d'Ammon enrolerent a prix d'argent, moyennant
concert avec les Moabites, firent appel contre lui aux per- mille talents, I Par., xix, 6, les Syriens de Rohob et de
fides conseils et aux maledictions de Balaam. Deut., Soba avec vingt mille fantassins, mille hommes de Maa-
xxm, 4, et II Esdr., xm, 2. C'est pour cela qu'ils furent, cha, et douze mille d'Istob. Outre Finfanterie, il y avait
comme leurs freres, exclus du droit de cite dans Israel, dans 1'armee des chars et de la cavalerie. II Reg., x, 18;
Deut., xxm, 3; fait d'autant plus remarquable, que les I Par., xix, 6-7. En presence d'une ligue aussi formi-
Idumeens, qui s'etaient egalement opposes au passage des dable, David envoya un chef experimente, Joab, avec toute
Hebreux, Num., xx, 18-21, mais n'avaient pas cherche a 1'armee des braves (hebreu : gibborim), c'est-a-dire la
rnaudire la race de Jacob, pouvaient etre admis, a la troupe d'elite. Les Ammonites se deployerent devant Rab-
troisieme generation, dans 1'assemblee du Seigneur. bath, leur capitale, pendant que les Arameens etaient dis-
Deut., xxm, 7, 8. Cependant Dieu defendit a son peuple semines dans la plaine. Pris entre deux adversaires, Joab,
de faire la guerre aux Ammonites, lui ordonnant de res- en habile capitaine, divisa ses troupes en deux corps;
pecter la terre qu'il avait donnee aux fils de Lot. Deut., puis, avec ses soldats d'elite, se porta lui-meme contre
n, 19. Ceux-ci n'eurent pas les memes egards pour la les Syriens, tandis qu'Abisai attaquait la ville, Les allies
terre d'Israel. se debanderent, et, a cette vue, les Ammonites se renfer-
Au temps d'Aod, ils se firent les allies d'Eglon, roi de merent dans leurs murs. Joab, sans chercher a les y for-
Moab, pour opprimer les Hebreux. Jud., m, 13. Mais cer, rentra a Jerusalem. Cf. II Reg. ,x, 1-li; I Par., xix,
bientot, se sentant assez forts pour triompher seuls, ils 1-15. La guerre repritau printemps. Les Israelites rava-
revinrent a la charge. Pousses par 1'amour de la guerre gerent le pays d'Ammon et assiegerent Rabbath. II Reg.,
et du pillage, et aussi par le desir de reprendre ce beau xi, 1; I Par., xx, 1. Joab, s'etant empare de la ville basse,
pays de Galaad, qu'ils avaient autrefois possede en partie, appelee ville des eaux , voulut laisser a David 1'hon-
ils 1'envahirent, malgre les montagnes qui le dependent. neur de prendre la citadelle. Maitre de la capitale, David
Depuis leur sortie d'Egypte, les Israelites n'avaient pas ceignit le magnifique diademe du roi vaincu, recueillit un
rencontre de plus cruels ennemis. Penetrant dans cette riche butin, et exerca de dures represailles envers les
contree fertile, y fixant leurs tentes avec de grands hommes armes (il est probable qu'il ne s'agit que de
cris, Jud., x, 17, les fils d'Ammon broyerent, suivant ceux-la) : les uus furent scies, les autres mis sous des
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herses de fer ou des faux tranchantes; d'autres furent enfants de Jacob osererit lui register. Holopherne, son
jetes dans des fours a briques. II Reg., xn, 26-31; I Par., generalissime, connaissant les sentiments haineux des
xx, 2-3. Le roi d'Israel en usait envers les Ammonites Moabites et des Ammonites contre les Juifs, voulut les
comme ceux-ci en usaient envers leurs ennemis. Cf. I Reg., exploiter a son profit. II reunit done les chefs de ces deux
xi, 2; Amos, i, 13. David, en partant, etablit probable- peuples, dans 1'espoir d'obtenir des renseignements pre-
ment Sobi, frere d'Hanon, comme roi tributaire. C'est au cieux. Achior, chef de tous les fils d'Ammon, faillit
moins ce qui nous permet d'expliquer la conduite du etre victime du beau temoignage qu'il rendit aux mer-
prince ammonite a 1'egard du royal exile fuyant devant veilles de la Providence divine en faveur des Israelites.
Absalom. Sobi lui envoy a a Mahana'im, a 1'est du Jour- Judith, v, vi. Cependant les enfants d'Ammon et ceux
dain, des lits, des tapis et differentes provisions. II Reg., d'Edom prirent une part tres active au siege de Bethulie,
xvn, 27-29. Judith, vn, 1 -11; voir surtout le texte plus explicite des
Sous le regne de Josaphat, les Ammonites envahirent Septante. Sous Nabuchodonosor (604-561), les Ammo-
le royaume de Juda avec les Moabites et les Maonites. nites, avec les Moabites, les Idumeens, le roi de Juda, etc.,
II Par., xx, 1. Us vinrent camper a Asasonthamar ou En- chercherent a secouer le joug et a recouvrer leur indepen-
gaddi, a 1'ouest et sur les bords de la mer Morte; mais dance, pendant que le roi de Babylone en venait aux mains
une terreur subite jeta 1'epouvante parmi les allies, et se avec les Elamites. Mais bientot celui-ci, reprenant le
tournant les uns centre les autres, ils succomberent sous chemin de 1'occident, soumit les revoltes et enfinit avec
de mutuelles blessures , II Par., xx, 2-23, laissant entre le royaume de Juda, dont il fit une province do son em-
les mains de Josaphat et de son peuple de telles depouilles pire, avec Godolias pour gouverneur. En apprenant la no-
qu'ils eurent peine a les enlever en trois jours. II Par., mination de ce dernier, un certain nombre de Juifs, dis-
xx, 25. Tributaires d'Ozias, II Par., xxvi, 8, ils durent se perses au moment de la guerre, revinrent dans leur pays;
revolter soit pendant sa maladie, soit apres sa mort; car mais a peine la petite colonie eut-elle rassemble ses
Joatham combattit contre les fils d'Ammon et les vain- membres epars qu'elle courut un nouveau danger. Baalis,
quit , et ils lui donnerent pendant trois ans cent talents roi des Ammonites, fit mettre a mort Godolias. Jerem.,
d'argent, et dix mille cors de ble et autant d'orge . XL, 14; XLI, 2. Quel motif le poussait a ce crime? Peut-
II Par., xxvii, 5. Ce verset laisse supposer qu'ils se ren- etre 1'espoir de detruire le dernier soutien des Juifs et de
dirent ensuite independants; ce qui put avoir lieu dans s'emparer ainsi plus facilement de leur pays.
les dernieres annees de Joatham, lorsque Rasin, de Damas, La chute du royaume de Juda provoqua chez les Ammo-
et Phacee, d'Israel, commencerent a attaquer le royaume nites une joie feroce, dont le chatiment, predit par Eze-
de Juda. IV Reg., xv, 37. Pendant ce temps-la, Amos chiel, xxi, 20-22; 28-32; xxv, 1-7, commence par les
prophetisait contre eux, leur reprochant leurs cruautes. Chaldeens, acheve par les Arabes, subsiste de nos jours
Amos, I, 13-15. dans sa plus evidente realite. Apres la captivite, ils cher-
Quand FAssyrie tourna ses armes vers 1'ouest, ils furent cherent, sous la conduite de Tobie, a empecher la recons-
presque toujours ses vassaux. En 854 avant J.-C., Salma- truction des murailles de Jerusalem. II Esdr., IV, 1-8. Sou-
nasar II trouva dans la confederation de douze rois, qui mis successivement a 1'Egypte et a la Syrie, ils virent leur
voulaient arreter sa marche triomphante, un roi d'Ammon, capitale echanger son vieux nom de Rabba contre celui
nomme Baasa, fils de Rehob. II le vainquit, comme les de Philadelphie, en 1'honneur de Ptolemee Philadelphe,
autres allies de Damas, d'Israel, etc., Cuneiform Insert qui la restaura. Voir Etienne de Byzance, Leipzig, 1825,
ptions of Western Asia, t. ill, pi. 8; A. Amiaud et t. I, p. 416. Leurs forces cependant n'avaient pas plus
V. Scheil, Les Inscriptions de Salmanasar II, roi d'As- diminue que leur haine; car lorsque, de concert avec les
syrie, Paris, 1890, p. 40. Vers 732 ou 731, Teglathpha- Idumeens, les Samaritains, etc., ils resolurent d'exter-
lasar recevait les hommages et les tributs de Sanibu ou miner la race de Jacob, Judas Machabee, marchant
Salipu de Bit-Ammon, en meme temps que ceux d'Achaz, contre eux, trouva une forte armee et un peuple nom-
roi de Juda. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, breux, avec Timothee pour chef; ce qui le forca a livrer
t. ii, pi. 67; E. Schrader, Die Keilinschriften und das beaucoup de combats, mais ne 1'empecha pas d'obtenir une
Alte Testament, Giessen, 1883, p. 257; Vigouroux, La victoire definitive. I Mach., v, 1-7. Gouvernes plus tard
Bible et les decouvertes modernes, 5e edit., 1889, t. iv, parun tyran nomme Zenon Gotylas, Josephe, Ant. jud.,
p. 118. Lorsque le meme monarque assyrien eut trans- XIII, vin, 1, ils tomberent finalement sous la domination
porte les tribus de Ruben, de Gad et la demi-tribu de romaine. Saint Justin nous apprend que, de son temps,
Manasse, IV Reg., xv, 29; I Par., v, 26, les Ammonites ils etaient encore tres nombreux. Dialog, cum Tryphone,
firent irruption sur leur territoire et 1'occuperent, comme t. vi, col. 752. Ils disparaissent de 1'histoire au ine siecle
si les Israelites eussent entierement et pour toujours ete et se confondent alors avec les autres Arabes qui habitent
detruits. G'est cet injuste attentatqui futplustard le point le desert a Test du Jourdain.
de depart de la prophetic de Jeremie contre eux, XLIX, 1-6. III. Mceurs, religion, langue. L'histoire que nous
Dans sa campagne contre Ezechias, roi de Juda, en 701, venons de resumer suffit pour nous faire apprecier le ca-
Sennacherib vit Puduil de Bit-Ammon venir, avec les ractere des Ammonites. II repond a la peinture que nous
rois de Moab, d'Edom, etc., lui apporterle tribut et faire en ont laissee les Prophetes, qui nous les montrent
acte d'obeissance. Prisme de Taylor ou Cylindre C. de pleins d'orgueil, de haine et de cruaute. Confiants dans
Sennacherib, col. n , 52; Cuneiform Inscriptions of leurs plaines fertiles et leurs tresors, les fils d'Ammon
W. Asia,, t. I, pi. 38-39; Schrader, ouvr. cite, p. 288; semblent tout braver, Jer., XLIX, 4; ennemis seculaires du
"Vigouroux, ouvr. cite, p. 206. Le meme roi ammonite peuple hebreu, ils applaudissent a sa ruine, Ezech., xxv, 6;
est compte parmi les tributaires d'Assaraddon (681-668) pour le mieux detruire, ils egorgent ses enfants jusqu'au
en meme temps que Manasse, roi de Juda, Cylindre sein de leurs meres. Amos, i, 13. Jeremie a donne a cette
brise d'Assaraddon, Cuneiform Inscrip. of W. A.,t. in, nation son vrai nom en 1'appelant: fille rebelle, XLIX , 4
p. 16; Schrader, ouvr. cite, p. 355; Vigouroux, ouvr. (c'est le sens de 1'hebreu : bat hassobebdh). Cf. Gesenius,
cite, p. 250. Thesaurus linguae heb., p. 1375. Oubliant ses liens de
Un autre roi d'Ammon, Aminadab, fut vassal d'Assur- parente avec la race d'Abraham, elle a repousse Dieu et son
banipal (667-625). Cylindre C; Schrader, ouvr. cite, peuple. Tout en elle manifeste les sentiments du nomade
p. 355 ; Vigouroux, ouvr. cite, p. 264. Le prince assyrien, pillard. C'est, en effet, cette vie que menerent les Ammo-
marchant contre les Arabes revoltes, envahit le territoire nites, en se retranchant derriere certaines villes, qui leur
des Ammonites, Cylindre A, Vigouroux, ouvr. cite, p. 294; servaient de refuge, comme leur capitale. L'Ecriture nous
mais, pendant que tous les peuples qui entouraient la le laisse entendre; car, si elle enumere les nombreuses
Palestine courbaient le front devant le vainqueur, les villes de Moab, avec leurs rues, leurs places publiques; si
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elle nous represente les vignes de ce pays, ses pressoirs, il ne nous reste rien. Eusebe s'est du reste trompe au
les chants de ceux qui fouleut le raisin, Is., xv, xvi; Jer., sujet d'Ammonius, en confondant cet ecrivain chretien
XLVIII , elle se contente de mentionner les vallees d'Am- avec le philosophe Ammonius Saccas. Voir J. A. Fabricius,
mon et sa forteresse principale. Au lieu d'un peuple seden- Bibliotheca grxca, edit. Earless, t. v, p. 713-714; Th.
taire, elle nous met sous les yeux une multitude partant Zahn, Forschungen zur Geschichte des N. T. Kanons,
pour ses incursions avec son mobilier et ses richesses, t. 1,1881, p. 31-34.
quitte a laisser, au moment de la defaite, un immense
butin, ce qui arriva sous Josaphat. II Par., xx, 25. 11 ne 2. AMMONIUS d'Alexandrie, pretre et conome de
faudrait pas croire cependant que ce fut tfne horde sans 1'eglise de cette ville, souscrivit, en 458, la lettre des
organisation. Elle etait gouvernee par un roi, Jud., xi, 12, eveques d'Egypte a 1'empereur Leon pour la defense du
etc., et par des princes, sdrim. II Reg., x, 3; I Par., Concile de Chalcedoine. II jouit, parmi les anciens, de la
xix, 3. reputation d'habile exegete. Anastase le Sinaite, en parti-
La religion des Ammonites n'etait pas faite pour adoucir culier, en fait un grand eloge. Hodeg., xiv, t. LXXXIX,
leurs mffiurs. Des deux sentiments tres differents, mais col. 244. Ses ceuvres ont peri ; il n'en reste que quelques
tres violents, du cosur humain, qui caracterisent le culte fragments, qui ont ete recueillis dans les Chaines des
chananeen, c'est-a-dire la sensualite et la terreur, c'est ce Peres grecs, sur les Psaumes, Daniel, saint Matthieu,
dernier qui semble dominer chez les enfants d'Ammon. saint Jean, les Actes et la premiere Epitre de saint Pierre.
Leur dieu est Moloch, Milcom ou Malkom, III Reg., xi, 7; Ils ont tous ete publics dans la Patrologie grecque de
Jer., XLIX, 3, etc., le dieu du feu, du soleil briilant. En Migne, t. LXXXV, col. 1361-1609. Les plus importants sent
perdant la notion primitive du vrai Dieu, ils le eonfon- ceux qui se rapportent a 1'Evangile de saint Jean et aux
dirent avec le ciel ou plutot avec 1'astre dont 1'eclat frap- Actes des Apotres. Voir J. A. Fabricius, Bibliotheca grgsca,
pait leurs yeux, et dont la chaleur produit partout la fe- edit. Harless, t. v, p. 722-723.
condite et la vie. La terreur engendre la cruaute. Moloch,
comme Baal, voulait des rites sanguinaires et cruels. II AMNER Richard, theologien unitarien, ne en 1736,
etait represente, d'apres la tradition juive, sous la forme a Hinckley, dans le comte de Leicester, en Angleterre, mort
d'un taureau d'airain, dont rinterieur etait creux et vide. le 8 juin 1803. II entra a la Daventry Academy en 1755,
II etendait ses bras comme un homme qui se dispose a devint pasteur de la chapelle unitarienne de Middlegate
recevoir quelque chose. On chauffait le monstre a blanc, Street a Yarmouth, en 1762, d'ou il alia a celle de Hamp-
et on lui offrait alors en holocauste une innocente vic- stead a Londres, en 1765. En 1777, il devint pasteur de
time, un enfant, qui etait promptement consume. Vigou- Gosely, dans le comte de Strafford, et en 1794, abandon-
roux, ouv. cite, t. in, p. 255. Voir MOLOCH. Malgre la nant le ministere pastoral, il se retira a Hinckley, sa ville
haine qui divisait les deux peuples Israelite et ammonite, natale, ou il passa les dernieres annees de sa vie. Son
malgre les defenses et les menaces de Dieu, cette abomi- premier ecrit (anonyme) est intitule : A Dissertation on
nable idole eut, a Jerusalem, un temple bati par Salomon, the weekly Festival of the Christian Church, Londres,
III Reg., x[, 7; et des peres de famille ne craignirent pas 1768. Son ouvrage principal est An Essay towards the
de lui consacrer leurs enfants. IV Reg., xxin, 10. interpretation of the Prophecies of Daniel , with occa-
La langue des Ammonites etait a pen pres la meme que sional Remarks upon some of the most celebrated Com-
celle des Hebreux. Nous n'avons pas, comme pour les mentaries on them, in-8, Londres, 1776; 2e edit., 1798.
Moabites, de monuments semblables a la stele de Mesa; Le but de 1'auteur est de chercher a etablir, centre 1'en-
mais les noms qui nous ont ete conserves par la Bible ou seigriement traditionnel , que les proprieties de Daniel ne
fournis par les inscriptions assyriennes peuvent tous s'ex- se rapportent pas au Messie , mais a la persecution d'An-
pliquer par 1'hebreu ou se rapporter a des noms hebreux : tiochus Epiphane. Voir S. A. Allibone, Critical Dictionary-
Acliior, frere de la lumiere , Judith, v, 5 ; Baalis (hebr.: of English literature, 1880, t. i, p. 58.
Ba'alis, joyeux), Jer., XL, 14; Hanon (hebr.: Hanim,
digne de misericorde ), II Reg., x, 1; I Par., xix, 2; AMNON, hebreu : 'Amnon, fidele ; Septante :
equivalent du carthaginois Hannon; Moloch (hebr. : M6-
lek, roi ), Lev., xvm, 21, etc.; Naama (hebr.: Na'a-
mah, douce ), III Reg., xiv, 21; Naas (hebr.: Nahas, 1. AMNON (hebreu: '^Imnon^unefois 'Amman, II Sam.,
serpent ) , I Reg., xi, 1, etc. Aminadab, des inscrip- xin, 20), fils aine de David et d'Achinoam la Jesraelite.
tions cuneiformes, repond a 'Ammindddb, I Par., n, 10 II naquit a Hebron, dans le temps ou son pere ne regnait
{Voir Revue des Etudes juives, t. n, 1881, p. 123); encore que sur la tribu de Jud a. II Reg., m, 2. Ce prince
Baasa a Ba'esa', Baasa, III Reg., xv, 16; Puduil a Pecfa- nous est connu seulement par une action criininelle racon-
he'el, Num., xxxiv, 28; Sanibu a.Sin'db, Gen., xiv, 2. tee II Reg., xin, et par la mort tragique qui en fut la
A. LEGENDRE. punition. II avait concu pour sa soeur Thamar, fille de
AMMONITIDE, pays habite par les Ammonites. Voir David et de Maacha, une passion si violente qu'il en lornba
AMMON 4. malade, desesperant de pouvoir arriver a ses fins parce
que Thamar etait soigneusement gardee et qu'elle habi-
1. AMMONIUS d'Alexandrie vivait au me siecle. II tait, comme les autres enfants de David nommes dans
ne nous est guere connu que par sa division des quatre cette histoire, une maison separee. II Reg., xm, 7, 8, 20.
Evangiles en sections qui, de son nom, s'appellent sec- Cette sorte de dispersion de la farnille, consequence ordi-
tions ammoniennes. Voir Eusebe, Epist. ad Carp., t. xxii, naire de la pluralite des fernrnes, rendait plus difficiles et
col. 1276; S. Jerome, De scriptor. eccl., 55, t. xxin, plus rares les relations entre les enfants. De la devait aussi
col. 667. Beaucoup de savants ont cru qu'Ammonius avait resulter une certaine alteration et un arnoindrissement
compose un Monotessaron ou Concorde des quatre Evan- de 1'amour fraternel, assez faible deja entre ces demi-
giles, et Ton a meme publie sous son nom (voir Migne, freres, enfants de meres toujours rivales, souvent enne-
Pair, lat., t. LXV, col. 255) le Monotessaron de Tatien mies, cf. I Reg., I, 4-7; ils pouvaient finir par se considerer
voir TATIEN ); mais il s'etait borne a indiquer par des plus ou moins comme des etrangers les uns vis-a-vis des
renvois, a 1'aide de ses divisions, les passages des trois autres. C'est ainsi que put s'allurner dans le cosur d'Amnon
derniers Evangiles qui etaient paralleles au premier. Voir la flamme impure qui le consurnait et le faisait deperir
AMMONIENNES (SECTIONS). Eusebe, H. E., vi, 19, t. xx, a vue d'oeil.
col. 568, et S. Jerome, loc. cit., nous apprennent qu'Am- Jonadab , son cousin et son ami, lui arracha un jour le
monius avait aussi ecrit un livre De I'accord de Moise et secret de ce mal etrange. II Reg., xm, 2, 4. Le resultat
de Jesus, Ilspi TTJ; Mcoviffew; xot 'IrjuoO (TJ^uvia;, dont de oette confidence fut le detestable conseil que Jonadab
501 AMNON AMOMUM 502
donna a Amnon de feindre une aggravation de sa maladie avec Zorobabel. II Esdr., xn, 6, 20. Au temps du pontificat
et de s'aliter. Le roi ne manquerait pas de venir le visiter, de Joacim, elle etait representee par Heber.
et alors Amnon, simulant une envie de malade, deman-
derait a son pere que Thamar vint preparer en sa presence AM(ENUS Prudentius, auteur ecclesiastique dont on
quelque mets appetissant qu'elle lui servirait de ses ne connait que le nom. On lui attribue un Enchiridion,
propres mains. Ce plan fut execute de point en point. appele aussi Dittochseon ou Diptychon, poeme latin de
David ne pouvait soupconner 1'abominable dessein que cent quatre-vingt-seize hexametres, divises en quarante-
cachait cette priere d'Amnon : il acquiesca a son desir neuf strophes de quatre vers, ayant chacune un titre
et lui envoya Thamar. Celle-ci prepara sous les yeux de special, et racontant les principaux evenements de 1'His-
son frere des gateaux appeles lebibot, et les lui presenta. toire Sainte. L'Enchiridion a ete imprime pour la pre-
C'est a ce moment qu'Amnon lui decouvrit son infame miere fois sous son nom dans la collection de G. Fabricius,
affection et la pressa d'y correspondre. Sa soeur repoussa Poetarum veterum ecclesiasticorum opera Christiana,
cette proposition avec horreur. Elle le conjura de ne pas thesaurus catholicse et orthodoxse Ecclesise, in-4, Bale,
commettre un tel crime et, ignorant sans doute qu'une 1564. Ce petit poeme a ete reproduit par Migne, Patr.
telle union etait contraire a la ioi, Lev., xvm, 9, elle le lat., t. LXI, col. 1075-1080. Voir W. Smith, Dictionary of
pria de la demander, comme epouse, a leur pere David, Christian Biography, t. i, 1877, p. 103.
II Reg., XIH, 13; mais il resta sourd a ses supplications,
et la force brutale eut raison de toutes ses resistances. AMOMUM ("A[j.w[jiov), parfum. II est nomme dans un
Aussitot apres, peut-etre par 1'effet de la honte et du certain nombre de manuscrits et dans les editions cri-
remords, son ardent amour pour Thamar se changea en tiques du Nouveau Testament grec de Griesbach, de
une haine plus forte encore; il lui ordonna de sortir sur-
le-champ. Vainement elle protesta contre cette nouvelle
injure, dont 1'eclat allait rendre public son deshonneur;
il ne voulut rien entendre, et, appelant un serviteur, il
lui commanda de la jeter dehors et de fermer la porte
derriere elle. II Reg., xm, 17.
Lorsque David apprit ce qui s'etait passe, il en fut extre-
mement affiige (hebreu : irrite). Le texte original n'en
dit pas davantage. La Vulgate et les Septante ajoutent :
Mais il ne voulut pas contrister le coeur d'Amnon, son
fils, car il 1'aimait tendrement parce qu'il etait son aine.
II Reg., xm ,21. II laissa done sa faute impunie, comme le
donne a entendre le silence du texte sacre. Ce n'est pas
la seule fois que David se soit montre faible pour ses
enfants, cf. Ill Reg., I, 5-6 ; mais il est permis de penser
que, dans cette circonstance, le souvenir de sa propre
chute toujours present a son esprit, Ps. L, 5, contribua
aussi a lui oter le courage de chatier un fils qui ne fai-
sait qu'imiter son exemple. L'inceste d'Amnon etait d'ail-
leurs a ses yeux le commencement des malheurs predits
par Nathan, II Reg., xn, 11, etxvi, 10, et c'etait encore
pour David un autre motif d'indulgence.
Absalom, fils de David et de Maacha comme Thamar,
vit d'un autre ceil 1'attentat dont sa sceur avait ete la vic-
time. Dans les families fondees sur la polygamie, les
freres germains sont les protecteurs naturels de leurs
sffiurs. Cf. Gen., xxxiv, 31. C'est pour cette raison que
Thamar alia porter ses plaintes, non chez David, mais
Chez Absalom, qui des ce jour resolut de la venger quand
le moment serait venu. II Reg., xm, 32. En effet, apres
avoir dissimule son ressentiment pendant deux ans, temps
suffisant pour oter a Amnon toute crainte de repre- 121. Cissus vitigenea.
sailles, Absalom invita les princes, ses freres, a un grand
festin qu'il donnait dans son domaine de Baalhasor, a Lachmann, de Tischendorf, apres le cinnamome, dans
1'occasion de la tonte des troupeaux, et, pendant le repas, 1'Apocalypse, xvm, 13. Ce mot ne se lit pas dans le textus
lorsque Amnon, excite par le vin, fut tout entier a la con- receptus grec et dans la Vulgate latine. II peut avoir dis-
fiance et a la joie, les serviteurs d'Absalom Fassassinerent paru de plusieurs manuscrits, parce qu'il se confondait
a sa place meme, sur un signal donne par leur maitre. avec la terminaison du mot precedent : xai xiwa[j.w(j.ov
II Reg., xm, 22-29. Voir ABSALOM. xal a[Aw;xov. L'amomum nous est connu par les ecri-
L'histoire d'Amnon est en meme temps 1'histoire d'une vains grecs et latins, Dioscoride, I, 14; Theophraste, Hist,
passion, dont 1'auteur sacre nous retrace les progres, les plant., ix, 7; Fragm., 4; Se odor.,, 32; Pline. H. N., xn,
ravages et les plus terribles exces aboutissant a une amere 13, 1; mais ils 1'ont caracterise d'une maniere si vague,
deception, cf. Eccle., n, 2, premier chatiment auquel qu'il est impossible de dire avec certitude quelle est la
vient enfin s'ajouter celui d'une mort violente; et ainsi se plante d'ou Ton tirait le parfum designe par ce mot. Spren-
trouve appliquee une fois de plus cette loi de la justice gel, Hist. rei herb., t. I, p. 140, 247 (cf. Fraas, Syn. plant,
divine : L'homme est puni par ou il a peche. Sap., floras class., p. 98), suppose que c'est la Cissus vitigenea
xi, 17. E. PALIS. d'Armenie (fig. 121). La Cissus vitigenea ou Cisse afeuilles
de vigne est un arbrisseau grimpant, du genre des Viti-
2. AMNON, fils de Simon, de la tribu de Juda. I Par., genees, qui atteint de six a sept metres. Ses feuilles, en
iv, 20. forme de coeur, sont persistantes; ses fleurs, nombreuses,
petites et cotonneuses a 1'exterieur; ses baies, bleuatres
AMOC (hebreu:'.Amog, profond; y> Septante :'A(j.!x), et odorantes.
chef d'une famille sacerdotale qui revint de la captivite Pline decrit Tamomum dans les termes suivants : 5 La
503 A M O M U M AMORRHEENS 504
grappe d'amomum est employee; c'est le produit d'une ou de tout temps se sont livres des combats importants,
vigne indienne sauvage ; d'autres ont pense qu'elle pro- depuis les Egyptiens et les Assyriens jusqu'a Napoleon Ier;
venait d'un arbrisseau semblable au myrte, de la hauteur la cite d'Amona est la ville de Mageddo, qui fut appelee
d'une palme. On 1'arrache avec la racine, on en forme des plus tard par les Remains Legio (aujourd hui el-Ledjoun),
bottes avec precaution , car il est fragile tout d'abord. On nom presque synonyme d'Amona, multitude. On objecte
estime surtout celui qui a les feuilles semblables a celles contre cette explication que la mer dont parle le prophete
du grenadier, sans rides, et d'une couleur rousse. Au second ne saurait etre la Mediterranee, parce que, dans ce cas,
rang est celui qui est pale. L'amomum qui ressemble a les mots a Test de la mer n'auraient aucun sens,
de 1'herbe vaut moins, et le moins bon de tous est le blanc, puisque toutes les vallees de la Palestine etaient a Test de
couleur qu'il prend aussi en vieillissant... II nait aussi la Mediterranee.
dans la partie de 1'Armenie qu'on nomme Otene, dans la Le Targum et un certain nombre de commentateurs
Medie et dans le Pont. Pline, H. N., xn, 13 (28), pensent que la mer dont il est ici question est celle de
traduct. Littre, 1848, 1. 1, p. 482-483. L'amomum assyrien Genesareth, c'est-a-dire le lac de Tiberiade, que les
parait avoir joui particulierement d'une grande reputation. Hebreux designaient sous le nom de mer. Beaucoup de
Virgile, Eclog., iv, 25, edit. Lemaire, t. i, p. 131. Cf. modernes croient qu'il s'agit de la mer Morte., et que les
Josephe, Ant. jud., XX, n, 3, edit. Didot, t. i, p. 770. mots: la vallee des voyageurs, indiquent la grande
On se servait de cette huile aromatique pour parfumer les route commerciale de Damas a la peninsule de 1'Arabic,
cheveux : correspondant probablement a la route actuelle des pelerins
Si sapis , Assyrio semper tibi crinis amomo
(Derb el-Hadj), allant de la memo ville a la Mecque (voir
Splendeat, et cingant florea serta caput, la carte, col. 490). La vallee ou le carnage s'accomplit
est au dela de la mer Morte, c'est-a-dire en un lieu pro-
dit Martial, Epigr., vn, 77, edit. Lemaire, t. n, p. 364. fane, dit M. Le Hir, Les trois grands prophctes, in-12,
Voir aussi Ovide, Heroid., xxi, 166, edit. Lemaire, t. i, Paris, 1877, p. 347. D'apres son explication, qui est celle
p. 391 ; Silius Italicus, xi, 402, edit. Lemaire, t. i, p. 672. d'un grand nombre d'autres interpretes, tous ces noms,
F. VIGOUROUX. Amona, etc., sont symboliques. Les efforts que 1'on a faits
AMON, hebreu : 'Amon, architecte ou nourrisson [?] ; pour appliquer cette prophetic a la chute des Chaldeens
Septante : 'Atiw;, 'A[Ac6v. (Ewald), de 1'armee de Cambyse (dom Calmet) ou d'An-
tiochus Epiphane et de ses armees (Jahn), sont superllus
1. AMON (Septante : 'A(jia><;), quatorzieme roi de Juda, et contredisent 1'histoire, ou ne s'accordent pas avec le texte
fils de Manasses et de Messalemeth, succecla a son pere d'Ezechiel. Ibid. II est plus probable, en effet, qu'Amona
a Fage de vingt-deux ans. IV Reg., xxi, 18-19; II Par., ne designe pas une ville reelle, mais est un nom figure de
XXXIH, 21 . Le nom d' Arnon ne se rencontre que dans ces la necropole ou devaient etre ensevelies les armees de Gog.
deux passages. Manasses, adonne a 1'idolatrie, avait-il F. VIGOUROUX.
appele ainsi son fils par respect pour la grande idole des AMORAS ou AMORAIM. Comme les Tannaites
Egyptians, Nah., in, 8, ou pour plaire au roi d'Egypte? avaient pris la Bible pour base de leurs explications, et
Cela peut etre, mais rien ne le prouve; car le nom forme peu a pen le recueil appele Mischna, ainsi les
'Amon a une forme vraiment hebraique, dont la signifi- Amoralm, interpretes, leurs successeurs, travaillererit
cation est exactement determinee ('dmon, constructeur, sur la Mischna, et de leurs commentaires, elabores a
architecte ). Heritier de Fimpiete de son pere, Amon se Tiberiade et dans les ecoles de 1'Iraq, resulterent deux
livra comme lui a 1'idolatrie, et servit toutes les immon- ouvrages paralleles, portant chacun le nom de Ghemara,
dices qu'avait servies son pere, et les adora . IV Reg., supplement (de la Mischna) ou de Talmud : le Tal-
xxi, 21. II le depassa me" me en irreligion. II Par., xxxin, 23. mud de Jerusalem, osuvre des docteurs palestiniens, et
Apres deux ans d'un regne sans gloire et rempli dc ces celui de Babylone, oeuvre des docteurs de Flraq. Sur les
iniquites (642-641), il tomba victime d'une odieuse machi- Amora'im, voir Chiarini, Theorie du judaisme, ne partie.
njition, et fut assassine a 1'age de vingt-quatre ans, dans Le catalogue des principaux docteurs amoraim qui parlent
son palais, par ses propres serviteurs. IV Reg., xxi, 23; dans le Talmud est.donne dans un autre ouvrage du meme
II Par., xxxin, 24. Get attentat souleva 1'indignation pu- auteur : Le Talmud de Babylone traduit en langue fran-
blique, et le peuple fit justice des meurtriers. Pour Amon, paise et complete par celui de Jerusalem et par d'autres
il fut enseveli, comme Manasses, dans le jardin d'Oza, monuments de I'antiquite juda'ique, 2 vol. in-18, Leipzig,
IV Reg., xxi, 26, qui entourait la maison de plaisance 1831. Au pi emier volume, p. 120-126, il en cite soixante-
qu'il possedait hors de la ville, dans une situation in- dix-huit, qui pour la plupart ne sont connus que de nom.
connue. IV Reg., xxi, 18. II eut pour successeur son fils Un manuscrit hebreu de la Bibliotheque nationale, 187,
Josias. P. RENARD. 2, 11, contient les noms des auteurs de la Mischna..., du
Talmud de Jerusalem et du Talmud de Babylone. Sur
2. AMON, gouverneur de Samarie au temps d'Achab. quelques-uns des principaux Amoraim, tels qu'Abba
III Reg., xxn, 26; II Par., xvm, 25. II recut du roi 1'ordre Areka, R. Abina, R. Aschi, R. Chiya, on peut voir des
de garder dans une dure prison le prophete Michee. details speciaux a 1'article qui leur est consacre. Voir
Bacher, Die Agada der babylonischen Amoraer, in-8,
3. AMON, Chananeen. II Esdr., vn, 59. II est appele Strasbourg, 1878. E. LEVESQUE.
Ami, I Esdr., n, 57. Voir Am.
1. AMORRHEENS (hebreu: 'Emori; toujours avec
AMON A (hebreu : Hdmondh ; Septante : 1'article et au singulier, hd'emori; Septante : 'A^oppatoi),
Ce mot signifie multitude . Ezechiel, xxxix, 16, appelle tribu chananeenne, mentionnee la quatrieme parmi les
ainsi la ville situee dans la vallee de Hamon-Gog (hebreu : onze qu'enumere la table ethnographique, Gen., X, 16,
Ge' Ramon Gog ; Septante : Fal TOrcoXuavopiovTOU Fwy ; et la plus importante de celles qui occupaient le pays
Vulgate : Vallis multitudinis Gog, Ezech., xxxix, 11, 15), avant Tarrivee des Israelites.
ou seront ensevelies les troupes innombrables de Gog I. Nom. Plusieurs auteurs, acceptant 1'etymologie
apres leur defaite. Gette vallee etait, d'apres le f . 11, proposee par J. Simonis, Onomasticon, donnent a 'Emori
la vallee des voyageurs, a 1'est de la mer. La mer le sens de montagnard , d'un mot perdu 'Emor,
n'est pas designee d'une maniere precise : c'est la mer elevation, mont, et d'apres la signification primitive
Mediterranee, d'apres Calmet et Hengstenberg ; la vallee d''dmar, elever, cf. Gesenius, Thesaurus linguse heb.,
des voyageurs est la plaine de Mageddo, qui etait la grande p. 122 : c'est ainsi que le mot 'amir, Is., xvn, 6, 9, est
route commerciale de la Palestine et le champ de bataille generalement traduit par cacumen, sommet; les Sep-
505 AMORRHEENS 506
tante en ont meme fait le nom propre 'Ajioppaiot. Les 1'orient de la mer Morte et du Jourdain. Deut., m, 8, 9;
Amorrheens auraient ainsi ete les Highlanders de la iv, 46, 47; Jos., n, 10; ix, 10; xxiv, 12.
Palestine, ou habitants des pays hauls, tandis que les II. Pays. Le pays des Amorrheens, appele par Jo-
Chananeens proprement dits en auraient ete les Neer- sephe Y) 'Afiwpirtc, Ant. jud., IV, vn, 3; -fj 'AfiopaTa,
landais ou habitants des pays has. Cette explication ibid., V, i, 1, etait connu des Egyptiens sous le nom
semble appuyee par certains passages de I'Ecriture. Ainsi
les explorateurs envoyes par Moise pour examiner la de I j^ JM . I ^ , Amar, ou encore Amaur. Cf.
Terre Promise, revinrent en disant: Amalec habite au P. Pierret, Vocabulaire hieroglyphique, Paris, 1876, p. 24.
midi, 1'Hetheen et le Jebuseen et 1'Amorrheen dans les -II comprenait deux contrees distinctes, de chaque cote du
montagnes; le Chananeen habite pres de la mer (la plaine Jourdain. Voir la carte (fig. 122).
des Philistins) et du Jourdain (vallee du Ghor). Num.,
xin, 30. Nous lisons dans Josue, v, 1 : Lorsque tous les
rois des Amorrheens qui habitaient au dela du Jourdain,
vers la plage occidentale, et tous les rois de Chanaan qui
possedaient les contrees voisines de la grande mer, eurent
appris que le Seigneur avait desseche les flots du Jour-
dain, etc. Cf. Deut., i, 44; Jos., x, 6; xi, 3. De la 1'ex-
pression de montagne des Amorrheens employee
pour designer le massif meridional de la Palestine. Deut.,
I, 7, 20.
II est bon cependant de ne presser ni 1'etymologie ni
les textes, et il faut reconnaitre a ce mot Amorrheen un
sens large et un sens strict, qu'il est important de distin-
guer pour ne pas preter de contradictions aux auteurs
sacres. Comment se fait-il, en effet, que les Chananeens
de Num., xiv, 45, sont appeles Amorrheens, Deut., I, 44 ;
que la ville d'Hebron est attribute aux Amorrheens, Jos.,
x, 5, tandis qu'elle appartenait aux Chananeens d'apres
Jud., i, 10; que 1' heveen de Gen., xxxiv, 2, devient
amorrheen, Gen., XLVIII, 22, etc.? Ces difficultes tombent
d'elles-mernes, si Ton assigne au mot Amorrheen la triple
signification suivante, qui ressort du reste tout naturelle-
ment des differents passages ou nous le lisons dans i'An-
cien Testament.
1 II a le sens general de Chananeen. Apres la conquete
de la Terre Promise, Josue, dans un dernier discours,
demande au peuple s'il entend preferer au Seigneur les
dieux de ces Amorrheens dont il occupe la terre . Jos.,
xxiv, 15, 18; Jud., vi, 10. Sous Samuel on fait remar-
<juer qu'a une certaine epoque la paix existait entre
Israel et 1'Amorrheen . I Reg., vn, 14, etc. Ce sens
large est surtout employe quand il s'agit des idoles et de
1'impiete des peuples vaincus par Israel, et dont il ne
suivit que trop souvent les funestes exemples. Ill Reg.,
xxi, 26; IV Reg., xxi, 11; Ezech., xvi, 3, 45. II est pos- 122. Carte du pays des Amorrheens.
sible du reste que ce norn, applique d'abord a une tribu
ou a une region determinees, ait pris plus tard dans 1 Pays cisjordanien. La premiere mention qui est faite
1'usage une plus grande extension, et ait fini par designer des Amorrheens, Gen., xiv, 7, nous les montre occupant,
1'ensemble des populations chananeennes ; c'est ainsi que a 1'ouest de la mer Morte, le territoire d'Asasonthamar,
les Alemcmni ont donne leur nom a 1'Allemagne, et que c'est-a-dire, d'apres II Par., xx, 2, Engaddi, ville celebre
le continent africain doit le sien a la province septentrio- par ses vignes, Cant., i, 13, ses palmiers et son baume.
nale d'Afrique. Cette explication est d'autant plus admis- Josephe, Ant. jud., IX, I, 2. Plus haut, dans cette gra-
sible, que les Amorrheens paraissent avoir ete le plus cieuse vallee qui, entre deux chaines de vertes collines,
important des peuples chananeens. parsemees de bouquets d'oliviers, porte la ville d'Hebron,
2 Ce nom indique plus strictement les principaux habi- Abraham en rencontrait qui se faisaient ses allies. Gen.,
tants de la Palestine meridionale. Avant comme pendant xiv, 13. Au moment de la conquete, 1'Ecriture parle des
la conquete, nous voyons les Amorrheens etablis sur les cinq rois amorrheens de Jerusalem, d'Hebron, de Jeri-
points les plus avantageux de la contree, a Asasonthamar moth (Khirbet-Yarmouk, au nord-est de Beit-Djibrin),
ou Engaddi, dominant ainsi tout le rivage occidental de de Lachis (Oumm el-Lakis), et d'Eglon (Khirbet-Adjldn,
la mer Morte, Gen., xiv, 7; a Hebron, Gen., xiv, 13; situee, comme la precedente, a 1'ouest de Beit-Djibrin).
a Lachis, a Jerimoth et a Eglon, Jos., x, 5, dominant la Jos., x, 5. Une partie dela tribu campait meme aux envi-
Sephela, et defendant Faeces de leurs montagnes. Us sont rons d'Accaron ( A k i r ) et de Joppe (Jaffa), puisqu'elle
mentionnes avec les Hetheens et les Jebuseens comme refoula les Danites dans la montagne. Jud., I, 34. Enfm
occupant le sud de Chanaan. Num.,.xm, 30. II est a remar- leur frontiere s'etendait, au midi, jusqu'a la montee du
quer d'ailleurs que, dans les vingt endroits ou 1'Ecriture Scorpion (voir ACRABIM), Jud., i, 36, et allait peut-etre,
enumere les differents peuples de ce pays, elle distingue au nord, jusque vers Sichem. Gen., XLVIII, 22.
formellement I'Amorrheen du Chananeen. Cf. Gen., xv, 21; Les Amorrheens occupaient ainsi principalement ce
Exod., m, 8; xm, 5; xxm, 23; xxxm, 2; xxxiv, 11; qu'on appelle les montagnes de Judee. Cette contree, qui
Num., xm, 30; Deut., vn, 1; xx, 17; Jos., m,10; v, 1; comprend le double versant de la Mediterranee et de la
ix, 1; xi, 3; xn, 8; xxiv, 11; Jud., m, 5; I Esdr., ix, 1; mer Morte avec une partie de celui du Jourdain, com-
IIEsdr., ix, 8; Judith, v, 20. mence, du cote de 1'ouest, par une region basse, formant
3 Enfm ce nom designe positivement les deux royaumes comme le premier etage du massif orographique, et com-
de Sehon et d'Og, les deux rois des Amorrheens, a. posee de collines peu elevees, separees par de grand es
507 AMORRHEENS 508
plaines et admirablement disposees pour servir de forte- laves, 1'Argob des Hebreux, s'allongeant vers le nord-ouest,
resses. Au-dessus, les sommets les plus eleves, aujour- dans la direction de Damas. E. Reclus, ouv. cite, p. 699.
d'hui assez arides et de forme generalement conique, sont Cette seconde partie, ou Ledjah, n'est ainsi qu'une vaste
separes par d'etroits ravins, dont quelques-uns sont tres nappe de matieres fondues, qui s'est craquelee dans tous
profonds, ou se precipitent dans la saison des pluies de les sens en se refroidissant, coupee par des crevasses pro-
rapides torrents. Moins fertile naturellement que le reste fondes et un labyrinthe de defiles. Enfin la perite du
de la Palestine, ce pays etait neanmoins riche en patu- Hauran , En-Nouqrat el-Haurdn, forme, a 1'ouest, une
rages, en ble, en fruits et surtout en vin. plaine fertile, ondulee et parfois bien cultivee, couverte de
2 Pays transjordanien. Les Amorrheens, a Test du Jour- villes. '
dain, formaient deux royaames. Au midi, celui de Sehon, Au dire des voyageurs qui ont explore cet etrange pays,
compris entre 1'Arnon, le Jaboc et le Jourdain, se trouvait c'est bien celui d'un peuple de geants, la contree des
comme dans une presqu'ile, suivant la juste comparaison Rephaim; et les nombreux monuments que le temps y a
de Josephe, Ant. jud., IV, v, 2. II avail pour capitale conserves sont les perpetuels temoins de la veracite du
Hesebon (Hesbdn). Num., xxi, 24-26; Deut., n, 26-37; recit biblique. Parmi les anciennes habitations qu'il ren-
Jos., xn, 2-3. Celui du nord, capitale Edrai (aujourd'hui ferme, on peut en distinguer quatre sortes : 1 Les
Der'dt), etait situe, d'un cote, entre le Jaboc et 1'Hermon; demeures des troglodytes, c'est-a-dire des grottes artifi-
de 1'autre, entre le Jourdain et le Djebel Hauran, confinant cielles de 9 a 10 metres de long sur 6 metres de large et
a la Syrie de Damas. II portait le nom de royaume de 3 metres de haut, precedees d'une petite cour ou Ton
Basan, et etait gouverne par Og, de la race des geants, avail acces par une porte de pierre. 2 Des villages souter-
et qui habitait a Astaroth et a Edrai. Jos., xn, 4; Num., rains, dans lesquels on penetrait par une tranchee pro-
xxi, 33. II comprenait ainsi la moitie du pays de Galaad, fonde, qui se continuait par des passages ou rues de 5 a
Jos., xii, 5; la Gaulanitide, le Djauldn actuel, la region 7 metres de large, flanquees d'habitations souterraines.
d'Argob (c'est-a-dire le Ledjah actuel, 1'ancienne Tra- On en trouve precisement un semblable a Der'at (Edrai),
chonitide, suivant certains auteurs, ou la plaine du Hau- une des residences d'Og, roi de Basan. Cf. G. Schuma-
ran, En-Nouqra, selon d'autres), avec ses soixante villes. cher, Across the Jordan, Londres, 1886, p. 135-148, plan,
Voir ARGOB. Toutes les villes etaient munies de murs p. 136. 3 Des chambres creusees dans la surface du pla-
tres hauts, de portes et de traverses, sans compter d'in- teau rocheux et couvertes d'une solide voiite en pierre.
nombrables villes qui n'avaient pas de murs. Deut., 4 Enfin des maisons de pierre construites en blocs de
in, 4, 5. Selcha ou Salecha (aujourd'hui Salkhad) etait basalte parfaitement tailles. Cf. J. G. Wetzstein, Reise-
un des forts avances du cote de Test. Deut., in, 10; Jos., bericht iiber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860,
xn, 5. p. 44 et suiv.
Ces deux royaumes, dans leur ensemble, s'etendaient Quoique abandonnees et desertes depuis des siecles, les
ainsi depuis 1'Arnon jusqu'au grand Hermon. Deut., in, 8; villes et bourgades de ce pays se sont bien conservees.
Jos., xn, 1. Tout ce pays est un immense plateau, de 750 Leur nombre et leurs ruines repondent a la description
a 900 metres d'altitude au-dessus de la Mediterranee, qu'en fait la Sainte Ecriture. Quelque rnysterieux et
n'ayant 1'apparence de montagne que par sa berge occi- incroyable que cela paraisse, dit J. L. Porter, j'ai vu de
dentale, qui descend en gradins vers le lac de T.iberiade et mes propres yeux que cela est litteralement vrai. Les cites
le Jourdain, et tombe a pic dans la mer Morte. II est coupe, sont encore la aujourd'hui. Quelques-unes portent encore
dans toute son epaisseur, par trois grands torrents : le les anciens noms rnentionnes dans la Bible. The Giant
Yarmouk (Cheri'atel-Mandhour), le Jaboc (Nahr Zerqa) cities of Bashan, Londres, 1872, p. 13. Qu'il nous suffise
et 1'Arnon (Ouadi el-Modjib), qui divisent les hautes terres de citer Salkhad, Bosra, Dor'at, El-Qanaouat (Canath),
en fragments inegaux. En outre, des ouadis secondaires Chaqqa, El-Mousiniyeh. Cette multitude de villes et de
ravinent profondement les massifs rocheux et les sculptent villages, debout au milieu de ces tristes solitudes, a quelque
en promontoires des formes les plus variees, mais dont chose de fantastique et de desole, qui fait sur Tame du
le sommet, ca et la revetu de laves basaltiques, semble voyageur une impression indefmissable. La conservation
de loin se confondre en une table uniforme, a peine de ces cites primitives s'explique par la nature de leur
depassee par quelques pointes pyramidales. Cf. E. Reclus, construction. Les maisons sont faites en blocs epais de
Asie anterieure, p. 708. La contree septentrionale, le pierres basaltiques, et les portes elles-memes sont for-
Djaulan, n'a que des tells, buttes ou monts isoles, alignes mees d'une seule dalle de six pieds de haut et d'un pied
du nord au sud, et echelonnes du cote du Jourdain. Un d'epaisseur, roulant sur deux forts pivots tailles dans la
large fosse, le Yarmouk, dont les branches s'etendent au dalle meme et inseres dans 1'epaisseur des parois.
nord jusqu'au versant oriental de FHermon, et a 1'est jus- M. Maspero, d'apres Brugsch, dit qu'une des tribus
qu'au Djebel Hauran, la separe d'un pays plus montueux, amorrheennes avait pousse jusque dans la vallee de
1'Adjloun, bien arrose par les affluents directs du Jour- 1'Oronte, et s'appuyait sur la celebre Qodshou (Cades) .
dain , et parseme de prairies comme la Galilee n'en eut Histoire ancienne des peuples de I'Orient, 4e edit., Paris,
jamais dans ses plus beaux temps. Le Jaboc vient ensuite 1886, p. 185. Ne pouvant decrire ici que dans ses grandes
couper en deux les anciens monts de Galaad, decrivant lignes le territoire des Amorrheens a Test du Jourdain,
dans sa course une demi-ellipse d'environ 110 kilometres. nous renvoyons pour les details aux ouvrages suivants :
Enfm du Jaboc a FArnon s'etend le Belka avec ses magni- C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, p. 106-156,
fiques paturages, ses collines boisees, ses villes nombreuses, 178-196; H. B. Tristram, The Land of Moab, Londres,
ses monuments megalithiques. Voir AMMON, MOAB, GALAAD, 1874; G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886;
BASAN. J. L. Porter, The Giant cities of Bashan, Londres, 1872;
La region dont nous venous de decrire la physionomie p. 9-97; J. G. Wetzstein, ouv. cite; G. Schumacher, The
generale se termine au nord-est par 1'Auranitide ou le Jauldn, Londres, 1888, ou dans la Zeitschrift des Deut-
Hauran, pays remarquable autant par sa nature geologique schen Paldstina-Vereins, Leipzig, t. ix, 1886. Outre la
que par le nombre infini et 1'aspect tout particulier des carte ci-jointe, voir celles des tribus de RUBEN, de GAD et
sites ruines qu'il renferme. II se divise en trois parties de MANASSE oriental.
distinctes. G'est d'abord un massif de montagnes volca- III. Histoire. Les renseignements qui nous restent
liques, le Djebel Hauran, semblable a la chaine des Puys sur les Amorrheens cisjordaniens avant 1'arrivee des Israe-
i'Auvergne. Plusieurs cones, rouges comme les blocs cal- lites sont peu nombreux. Ceux qui habitaient Asasontha-
cines sortis des fours, s'alignent sur une longueur de mar ou Engaddi furent battus par Chodorlahomor et ses
dix kilometres en une batterie de volcans ; c'est de la que allies. Gen., xiv, 7. Deja Abraham avait trouve des amis
sont sorties les enorrnes coulees qui forment une mer de parmi ceux d'Hebron. Gen., xiv, 13. Unis aux Amaledtes,
509 AMORRHEENS 510
ils repousserent la premiere invasion que, du desert, les avaient pris la direction de 1'ouest pour gagner, apres un
Hebreux tenterent dans le pays de Chanaan malgre 1'ordre certain detour, la plaine de Saron. La debandade, com-
formel de Dieu : Ils poursuivirent ceux-ci comme les mencee sur la longue montee qui va de Gabaon a Betho-
abeilles ont coutume de poursuivre. Deut., i, 43-44. ron-le-Haut (Beit-'Our el-F6qa), s'acheva sur la des-
Attires par les riches contrees qui s'etendent a Test de la cente qui conduit a Bethoron-le-Bas (Beit-Our et-Tahta),
mer Morte et du Jourdain, ils y fonderent les deux Une grele de pierres, lancee par le ciel, fit plus de vic-
royaumes dont nous avons parle. Num., xxi, 26. times que Tepee des Israelites. Arrive au sommet du
Les Israelites, arrives an torrent d'Arnon, qui separait defile oil se trouve Bethoron-le-Haut, Josue vit au-dessous
les Moabites des Amorrheens, se virent obliges de traverser de lui 1'armee amorrheenne fuyant en toute hate et dans
du sud au nord le territoire de Sehon. Ils lui envoyerent la plus grande confusion. C'est a ce moment solennel
done des messagers pour lui demander la permission de qu'il prononca ces paroles memorables : Soleil, arrete-toi
passer, promettant de ne pas se detourner dans les sur Gabaon; et toi, lune, dans la vallee d'A'ialon. Et le
champs et dans les vignes, de ne pas boire 1'eau des puits, soleil fut immobile et la lune s'arreta, jusqu'a ce que le
mais de 1'acheter a prix d'argent, comme tous les aliments peuple se flit venge de ses ennemis. Les cinq rois con-
dont ils auraient besoin, enfin de marcher par la route federes s'etaient enfuis et caches dans une caverne de
royale (le Derb es-Soultdn, expression encore employee Maceda, probablement sur les dernieres pentes des mon-
en Orient) jusqu'a ce qu'ils eussent franchi les frontieres . tagnes, au bord de la Sephela. Josue les fit saisir et mettre
Num., xxi, 22; Deut., n, 26-29; Jud., xi, 19. Sourd a des a mort; puis, apres avoir expose jusqu'au soir leurs
propositions si raisonnables, le roi leur refusa le passage, cadavres suspendus a cinq poteaux, il les jeta dans la
et, rassemblant son armee, marcha contre eux dans le
desert. La bataille eut lieu a Jasa. Num., xxi, 23; Deut.,
II, 32. Dieu, qui avait defendu a son peuple d'entrer en lutte
avecles Idumeens, les Moabites et les Ammonites, Deut.,
n, 5, 9, 19, parce qu'ils lui etaient unis par les liens du
sang, lui ordonna d'attaquer les Amorrheens et de s'em-
parer de leur pays. Deut., n, 24. Les tribus chananeennes
etaient, en effet, vouees a 1'extermination a cause de leurs
iniquites. Gen., xv, 16. La defaite de Sehon fut complete.
Frappe sans quartier avec tout son peuple, il vit tomber
entre les mains des Israelites le territoire qu'il avait lui-
meme enleve aux enfants de Moab et d'Ammon. Num.,
xxi, 24-26; Deut., n , 33-37. Josephe donne de la bataille
un recit plus detaille, Ant. jud., IV, v, 2. Cette premiere
conquete des Hebreux et surtout la prise d'Hesebon, capi-
tale du royaume, donnerent lieu a un chant dont quelques
strophes nous ont ete conservees. Num., xxi, 27-30. Sehon
eut peut-etre pour allies les Madianites avec leurs cinq
chefs, appeles ses vassaux. Jos., xin, 21; Num., xxxi, 8.
L'occupation de Jazer, ville importante, situee au nord
d'Hesebon et a 1'ouest de Rabbath - Ammon, vint com-
pleter pour Israel la conquete du premier royaume amor-
rheen, en lui preparant la voie pour s'emparer du royaume
septentrional. 123. Tgte d'Amorrhden. Bristish Museum.
S'avancant au dela du Jaboc, dans le pays de Galaad,
les vainqueurs entrerent sur les domaines d'Og, roi de caverne ou ils s'etaient caches, et placa de grandes pierres
Basan. Celui-ci vint a leur rencontre avec tout son peuple, a 1'entree de la grotte. Jos., x, 1-27. La maniere dont le
et leur presenta la bataille a Edrai. Battu comme Sehon, vainqueur traite les rois vaincus etait commune dans
il laissa aux conquerants les riches contrees que nous 1'antiquite. Cf. Vigouroux, La Bible et les decouvertes
avons decrites. Num., xxi, 33-35; Deut., m, 1-7. Mo'ise modernes, 5e edit., Paris, 1889, t. in, p. 187, n. 2. La
distribua les terres des deux rois amorrheens aux tribus defaite des princes amorrheens mit d'un seul coup entre
de Ruben, de Gad, et a la demi-tribu de Manasse. Num., les mains des Hebreux la partie de Chanaan qui s'etend
xxxn, 33; Jos., xin, 8-13. des montagnes d'Ephraim au desert du midi. Jos., x, 28-42.
Quand les Hebreux eurent franchi le Jourdain, pris la Vaincus, les Amorrheens, aussi bien que les autres
ville de Jericho, dont la chute entraina celle de Hai, de Chananeens, ne furent pas completement extermines. Ils
Bethel, de Sichem meme, au coeur du pays, les Chana- demeurerent au milieu des Israelites, qui s'unirent a eux
neens qui habitaient le sud furent remplis d'effroi en pre- par des manages et trop souvent se laisserent aller a
sence de ces succes et au bruit des prodiges que Dieu imiter leur idolatrie. Jud., in, 5-7. Salomon leur imposa
avait operes en faveur de son peuple. Jos., v, 1. Pour des tributs et des corvees. Ill Reg., ix, 20-21; II Par.,
arreter les progres des envahisseurs, les rois le plus vin, 7-8. Apres la captivite, les Juifs eurent avec eux des
inirnediatement menaces se coaliserent. Le plus puissant liaisons qu'Esdras s'appliqua a briser. I Esdr., ix, 1-2; x.
d'entre eux, Adonisedec, roi de Jerusalem, se mettant a Les monuments egyptiens mentionnent quelques vic-
leur tete, appela Oham, roi d'Hebron; Pharam, roi de toires des Pharaons sur les Amorrheens, principalement
Jerimoth; Japhia, roi de Lachis, et Dabir, roi d'Eglon, sur ceux de la vallee de 1'Oronte, sous Seti Ier et Ramses II.
non pas pour attaquer Josue lui-meme, mais bien les Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de VOrient,
Gabaonites, qui s'etaient volontairement soumis a ce der- 4e edit., p. 214-215, 220; F. Lenormant, Histoire ancienne
nier. Ils vinrent camper autour de la ville de Gabaon et de I'Orient, 9" edit., Paris, 1882, t. n, p. 232.
1'assiegerent. Prevenu du danger que couraient ses allies, IV. Mosurs, religion, langue. La Bible n'indique
Josue, encore a Galgala, forcant la marche de ses troupes, aucun caractere particulier qui distingue les Amorrheens
arriva dans une seule nuit, et tomba a 1'improviste sur des autres peuples chananeens. Le prophete Amos, les
les Amorrheens confederes. Au lever du soleil, les Israe- prenant en quelque sorte pour tjpes de ces derniers, com-
lites etaient au pied des montagnes de Gabaon. Pleins pare leur taille a celle des cedres, et leur force a celle du
d'ardeur et forts de la protection divine, ils mirent les chene, n, 9, rappelant, par cette hyperbole poetique,
ennemis en fuite et en firent un grand carnage. Ceux-ci 1'impression qu'ils avaient produite sur les explorateurs
511 A M O R R H E E N S AMOS 512
.envoyes par Mo'ise. Num., xni, 33, 34. Les artistes egyp- Amorrheens, avant d'en avoir ete chasses par les Israe-
tiens, qui se sont appliques a reproduire avec exactitude la lites, au sud de la Palestine entre Bersabee et Cades-
physionomie des races vaincues et les traits des rois pri- barne.
sonniers, nous represented (fig. 123) les Amorrheens AMORT Eusebe, theologien catholique allemand, ne
avec de longs cheveux noirs serres autour de la tete par le 15 novembre 1692, a Bibermiihle, pres de Tolz, en
une bandelette souvent ornee de petits disques. La barbe Baviere, mort a Polling, le 5 fevrier 1775. II entra encore
est allongee en pointe, et le vetement consiste en une jeune au monastere des chanoines reguliers de Polling,
longue tunique fermee, avec des manches courtes, et et y devint, en 1717, professeur de philosophic, puis de
retenue a la taille par. une ceinture dont les bouts sont theologie. Plus tard, le cardinal Lercari se 1'attacha comme
pendants. Leurs armes sont 1'arc et le bouclier oblong. theologien, et son sejour a Rome lui permit d'acquerir
C'est ainsi qu'on les voit sur les monuments de Medinet- beaucoup de connaissances qu'il utilisa a son retour, en
Abou (fig. 124), et sur certains fragments antiques pro- 1735, dans son couvent, qu'il ne quitta plus jusqu'a sa
mort, en 1775. Parmi les nombreux ouvrages qui 1'ont
rendu celebre comme theologien et canoniste, nous n'avons
a citer que sa Demonstratio critica religionis catholicss,
in-f, Venise, 1744, qui touche a diverses questions scrip-
turaires. Voir A. von Savioli-Corbelli, Ehrendenkmal des
Eus. Amort. Geddchtnissrede in einer offentl. Versamm-
lung der Akademie der Wissenschaften 4777 zu Miln-
chen gehalten ; Baader, Das gelehrte Bayern, Nurem-
berg, 1804, t. i, p. 20 ; Wetzeret Welte, Kirchenlexicon,
2e edit., t. i, col. 754.
ni'a. Voir Surenhusius, Mischna, t. n, p. 274. Tous ces (fig. 126 et 127). Dans leur voyage de Philippes a Thessalo-
details conviennent a la moderne Kolounieh. Le village nique, saint Paul et Silas, longeant les pentes septentrio-
actuel de ce nom, bati sur la pente de la montagne qui nales du mont Pangce, et suivant la voie Egnatienne, tra-
s'eleve en immenses gradins, a 6 kilorn. etdemi environ verserent Amphipolis ct Apollonie Act., xvn, 1. Colonie
a Fouest dc Jerusalem, parait etre ainsi appele a cause de
la colonie qu'y fonda Vespasien. Cet empereur y etablit
huit cents veterans pour y garder les abords de la capitale
de la Judce, a cause de la situation naturellement forte de
cctle vallee, placee sur la route de Jerusalem a Joppe, et
qui a de plus I'avantage d'etre tres fertile et d'etre arrosee
par une source abondante, FAin Kolounieh. II y a au fond
de la vallee un ouadi qu'on appclle ordinairement le tor- 127. Monnaie d'Amphipolis.
rent du Terebinthe, ou Fon pouvait trouver en grand T6te d'Apollon. - fy AM^mOAITEQN.
nombre les saules dont parle la Mischna. Torche allumee dans un carrd crcux.
Le Dr Sepp a soutenu Fopinion peu vraisemblable que
Kolounieh est FEmmaiis dc saint Luc, xxiv, 13. Voir Sepp, d'Athenes, a 49 kilorn. de Philippes, au nord de Fembou-
Jerusalem und das heilige Land, t. i, p. 52. Schwarz chure du Strymon, sur la rive gauche, dans le golfe du meme
a suppose avec plus de probabilite, Palestine (127, 128), nom, Amphipolis etait entouree par les deux bras du fleuve,
quo c'etait la Mosdh ou Amosa de Josue. Son identifica- position qui lui a valu son nom. Elle etait situee sur une
tion est ccpendant loin d'etre universellement acceptee. eminence, juste a Fendroit oil le ileuve Strymon sort du
M. Conder, Palestine, in-12, Londres, 1889, p. 259, lac Cercinitis (lac Tachyno). Ou salt que, pendant la
retrouve Amosa dans Beit-Mizeh, qui a I'avantage de rap- guerre du Peloponese, il se livra sous ses murs une bataille
peler le nom hebreu Mosdh ou Mozah, mais qui ne repond ou perirent les deux generaux enncmis, Brasidas et Cleon.
pas bien aux donnees du Talmud. Beit-Mizeh est a uue Au temps de saint Paul c'etait une ville importaute, capi-
521 AMPHIPOLIS A M R A P H E L 522
tale de la Macedoine premiere. Actuellement elle est rem- culum ou chambre souterraine, avec un arcosolium, sur
placee par le village de Neokhori; en turc, leni-Keui (nou- lequel on voit encore a sa place 1'inscription en marbre:
velle ville). Voir Leake, Northern Greece, t. in, p. 181; AMPLIATI
Cousinery, Voyage dans la Macedoine, t. I, p. 128; Kut-
zen, De Amphipoli, Leipzig, 1836. E. JACQUIER. Les lettres de cette courte epitaphe sont tres soignees
et d'une forme paleographique certainement anterieure
AMPHORE (dans la Vulgate : Amphora, I Reg., i, 24; a la seconde moitie du ne siecle; on peut la juger presque
Dan., xiv, 2; Zach., v, 6-10; Luc., xxn, 10). Vase destine avec certitude de la fin du ier.
a contenir du vin, de 1'huile, de 1'eau, etc. Son nom lui Les decorations de la chambre repondent aussi a cette
vient des deux oreilles qui etaient placees de chaque cote epoque, parce que sur les parois il y a des peintures
du col: ajxqpopeue, pour i^qpiqpoperi?, porte des deux cotes. decoratives du style que nous appelens pompeien et qu'on
voit dans les parties les plus anciennes des catacombes
romaines. Enfin, si Ton compare cette chambre d'Ampliat
avec les galeries et les autres chambres voisines, qui sont
du nie siecle, puisqu'on y a trouve une inscription consu-
laire avec la date de Fan 289, on doit conclure que le
monument en question est beaucoup plus ancien, et que
cette chambre a ete un des noyaux primitifs du cimetiere
de Domitille, c'est-a-dire un tombeau de 1'epoque des
Flaviens, quand llorissait encore la generation qui avait
converse avec les Apqtres.
Maintenant il faut remarquer qu'Ampliatus est un nom
d'esclave, qui devint plus tard le cognomen des affranchis
et de leurs descendants (De Vit, Onomasticon, au mot
Ampliatus). Or, si un esclave a pu avoir pour lui-meme et
pour sa famille un tombeau si considerable dans le plus
noble des cimetieres Chretiens de Rome, il faut admettre
qu'il a ete un personnage de grande importance dans
1'Eglise primitive. C'est pour toutes ces raisons que M. de
Rossi, en rendant compte de cette belle decouverte dans
son Bullettino d'archeologia cristiana, 1881, p. 57 et suiv.,
dit qu'on peut soutenir avec vraisemblance que ['Amplia-
tus du cimetiere de Domitille est le meme personnage
que celui qui est salue par saint Paul, et qui etait tres
cher a 1'Apotre. Ces liens d'affection avec le Docteur des
gentils durent faire de 1'humble esclave romain un des
Chretiens les plus distingues et les plus honores, et c'est
128. Amphorcs assyriennes du palais de Khorsabad. ce qui nous explique la riehesse de son tombeau.
Place, Ninive, pi. 65. Dans la meme chambre on a trouve aussi une autre
inscription ou on parle d'un autre Ampliatus du ne siecle,
La panse, plus ou moins large, etait terminee en pointe qui etait probablement le fils de 1'ami de saint Paul, et
a la partie inferieure. II etait done necessaire, pour faire qui est ainsi concue :
tenir debout une amphore, de la placer sur un support ou
de 1'enfoncer dans le sable. Les amphores destinees a 1'usage AVRELIAE BONIFATIAE
etaient en terre cuite (fig. 128). L'amphore des Grecs CONIVGI INCOMPARABILI
contenait six conges, c'est-a-dire environ vingt litres. Dans VERAE CASTITATIS FEMINAE
la traduction de la Vulgate, le mot amphore n'est jamais QVAE VIXIT ANN XXV M II DIEB IIII HOR II
pris au sens propre; il designe une mesure de capacite A V R E L A M P L I A T V S GVM
dans Daniel, xiv, 2, ou il traduit la mesure bath, et dans G O R D I A N O FILIO
Zacharie, v, 6, 7, 8, 9, 10, ou il correspond a la mesure
'ephah; dans 1 Reg., I, 24, 1'hebreu porte nebel ya'in, Ces details ont assurement quelque importance pour
une outre de vin. Dans le Nouveau Testament, Luc., expliquer le salut solennel de la fin de 1'Epitre aux Remains,
xxn, 10, le mot grec rendu par amphore est xepcSfuov, sur lequel la critique rationaliste a cherche a soulever
c'est-a-dire un vase d'argile , qui, d'apres le contexte, des doutes et des difficultes. Voir Renan, Saint Paul,
ne pouyait pas etre une amphore proprement dite. Voir p. 67 et suiv. H. MARUCCHI.
BATH, EPHAH. E. BEURLIER.
AMRAM, hebreu : 'Amrdm, le peuple est eleve;
AMPLIAT ('A(A7tXta?; Vulgate : Ampliatus), person- Septante : 'A[/.6pa(i..
nage nomme par saint Paul dans son Epitre aux Remains,
xvi, 8, et que 1'Apotre fait saluer comme tres cher dans 1. AMRAM, levite, fils de Caath et pere d'Aaron, de Marie
le Seigneur. D'apres les Grecs, Ampliat devint et mourut et de Moise. II mourut en Egypte, age de cent trente-sept
eveque d'Odyssople en Mesie; ils celebrent sa fete le 31 ans. Exod., vi, 18-20; Num., in, 19; xxvi, 58, 59; I Par.,
octobre. Voir Baronius, Ad martyrol. rom., 31 octobre. vi, 2, 3, 18; xxiu, 12, 13; xxiv, 20. De la le nom pa-
Cette opinion est fondee sur le recit d'un ouvrage apocryphe tronymique d'Amramite. Num., in, 27; I Par., xxvi, 23.
attribue a saint Hippolyte sur les soixante et dix Disciples,
et par consequent n'a pas une grande autorite. 11 se peut 2. AMRAM, descendant de Bani, qui au temps d'Esdras
d'ailleurs que cet eveque de Mesie soit une autre personne. se separa de la femme etrangere qu'il avait prise centre
Au contraire, on peut conjecturer qu'Ampliat, faisant la loi, et en expiation offrit un sacrifice au Seigneur.
partie de 1'ancienne communaute chretienne de Rome, I Esdr., x, 34.
resta dans cette ville et y mourut.
Dans le cimetiere tres ancien de 1'Eglise romaine, qui AMRAMITE, descendant d'Amram. Voir AMRAM 1.
est appele deDomitille, etdont 1'origine remonte sans doute
au ier siecle, on a trouve, au mois de mars 1881, un cubi- AMRAPHEL (hebreu -.'Amrdfel; Septante :'A[*apcpaX,
523 AMRAPHEL AMRI 524
roi de Sennaar, 1'un des trois tributaires de Chodorlaho- cette hypothese n'a pas trouve encore un mot de confir--
mor, roi d'Elam, qui vinrent avec leur suzerain pour reta- mation dans les inscriptions d'Hammurabi.
blir le joug des Elamites sur la Palestine et les regions Beste done a supposer qu'Amraphel regna, non pas a
avoisinantes. Gen., xiv, i-7. N'ayant eu d'abord affaire Babylone, puisque nous possedons la liste complete dea
qu'a des adversaires isoles, ils les defirent successivement, rois babyloniens de cette epoque, mais dans la portion
les Raphalm a Astaroth - Carnaim, les Zuzim a Ham (ou meridionale de la Chaldee, le pays de Sennaar ou Sumer
bien avec ceux-la, comme traduisent les Septante, le proprement dit des textes cuneiformes. C'est la, en
Syriaque et la Vulgate, suivant une lecon hebraique lege- effet, que les Koudourides exercerent principalement leur
rement differente de la notre, bdhem pour behdm), les influence, et qu'ils fonderent leur royaume de Larsa.
Emim a Save - Cariathaim, les Chorreens dans les mon- Quant au nom meme d'Amraphel, il parait appartenir a
tagnes de Seir, pour terminer par les Amalecites et les Fidiome semitique de la Chaldee; on pourrait y recon-
Amorrheens. Dans 1'intervalle, les rois de la Pentapole, naitre la forme primitive Amar-abal, avec le sens de
Sodome, Gomorrhe, Adama, Seboim et Segor-Bala, se chef (est mon) fils , ou bien (j'ai) vu un fils ; mais
coaliserent, rassemblerent leurs troupes centre les quatre aucune etymologic ne pourra etre proposee comme indis-
envahisseurs, mais furent battus et mis en fuite a la ren- cutable qu'apres qu'on aura releve avec certitude le nom
contre qui eut lieu dans la vallee de Siddim (ou Sylves- de ce prince dans les inscriptions. Voir, outre les anciens
tris, suivant la Vulgate). Les Elamites et leurs allies pil- commentaires, A. Dillmann, Die Genesis, 1875, p. 244 et
lerent done Sodome et Gomorrhe, et emmenerent une suiv., dans le Kurzgefassies exegetisches Handbuch zum
partie des habitants en esclavage. Lot, se trouvant au Alten Testament; Schrader-Whitehouse, The cuneiform
nombre des captifs, attira Abraham, son oncle, sur la Inscription and the 0. T., t. i, p. 120; t. n, p. 298;
trace des envahisseurs, qui furent surpris la nuit a Dan, Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes, 5 edit.,
sans doute 1'ancienne Lais, pres des sources du Jourdain, t. I, p. 481-496. Voir la liste des rois de Babylone dans
et a leur tour battus, depouilles et poursuivis jusqu'a les Proceedings of the Society of Biblical Archaeology,
Hoba, un peu au nord de Damas. 7 decembre 1880; Records of the Past, new ser., t. i.
Get itineraire des fuyards n'a rien d'etonnant quand p. 13; sur Hammurabi, Menant, Babylone et la Chaldee,
on sait que la route de Palestine en Elam et au Sennaar, p. 108 et suiv.; Records of the Past, first ser., t. i, p. 5;
au lieu d'aller directement de 1'ouest a Test, doit faire un t. v, p. 67-76; Lenormant-Babelon, Histoire anciennede
detour considerable vers le nord, pour eviter le desert, et I'Orient, t. iv, p. 101; Maspero, Histoire ancienne de
atteindre 1'Euphrate a 1'endroit ou il devient gueable. I'Orient, 1886, p. 188; mais, dans ces deux ouvrages, en
Jusqu'a 1'epoque des decouvertes assyriologiques, les suppleant ou corrigeant les dates a 1'aide de Sayce, The
rationalistes ont considere ces evenements comme plus dynastic tablets of the Babylonians dans les Records of the
ou moins fabuleux: Knobel, Die Genesis, ad Zocwm;Bohlen, Past,nevf ser., t. I, p. 9-11, ou E. Pannier, Genealogist
Die Gen. uebers. mit. Anmerk., ad locum; Hitzig, Ge- biblicse cum monumentis collatse, 1886, p. 192 et 149.
schichte Israels, p. 25, 44, etc.; Noldeke, Unters. zur E. PANNIER.
Kritik des Alt. Test., p. 156, etc. Grotefend n'y voit AMRI, hebreu : 'Omri, abreviation de 'Omriydh,
meme qu'un mythe solaire ou Amraphel represente le Jehovah est mon partage (?).
printemps et Arioch 1'ete. Zeitschrift der deutschen mor-
genldndischen Gesellschaft, 1854, t. vin, p. 800, 801. 1. AMRI (Septante: 'Afxgpi'), sixiemeroi d'Israel (929-917),
Mais les inscriptions cuneiformes ont demontre le carac- fondateur de la troisieme dynastie. Avant d'arriver au
tere absolument historique de cette extension de la puis- trone, il commandait 1'armee d'Ela, roi d'Israel, et peut-
sance des Elamites sous leurs rois dits Koudourides, plus etre remplissait-il deja cette fonction sous Baasa : c'est en
de deux mille ans avant J.-C.; de la sorte, les rationalistes cette qualite qu'il dirigeait le siege de Gebbethon, au pays
reconnaissent qu'il devient dangereux de toucher au des Philistins, III Beg., xvi, 15, lorsqu'il apprit que Zam-
moindre detail de ce chapitre de la Genese, meme dans bri, chef de la moitie de la cavalerie, III Beg., xvi, 9,
les passages dont les monuments n'ont pas encore fourni s'etait revolte centre son souverain, Ela, fils de Baasa, 1'avait
la confirmation explicite. Voir CHODORLAHOMOR. fait perir, ainsi que toute safamille, t- 11-16, et s'etait
D'apres 1'hebreu et les Septante, Amraphel parait etre fait proclamer roi a sa place. Quand cette nouvelle
le principal des tributaires de Chodorlahomor, bime 'Am- parvint au corps expeditionnaire devant Gebbethon, les
rdfel, ev TVJ 3a<7iXeia TVJ 'Ajxap^aX; les Targums d'Onkelos soldats furent indignes, refuserent de reconnaitre Zambri,
et de Jerusalem, siiivi's de plusieurs anciens, en font un et proclamerent roi leur general Amri. Celui-ci marcha
roi de Babylone. Fr. Hommel, Bab.-Assyrische Geschichte, a leur tete, de la plaine des Philistins au pays monta-
p. 169, a repris cette idee, et croit retrouver le nom gneux d'Ephra'im, III Beg., xvi, 17, et assiegea Zambri
d'Amraphel dans celui de Sin-muballit, qu'il estime pou- dans sa residence. Cette residence etait alors Thersa,
voir lire Amar-(mu)-ballit, a cause de la polyphonic du qui depuis 1'etablissement du royaume d'Israel partageait
premier groupe cuneiforme de ce nom propre. Ce prince tour a tour avec Sichem et Bama 1'honneur d'etre la
regna a Babylone (23377-2307?); mais aucune inscription capitale des rois d'Israel. Depuis quelque temps Thersa
historique ne permet de lui attribuer des conquetes en 1'emportait, et elle possedait un superbe palais royal,
Palestine, et de plus la lecture Amar-muballit, au lieu de auquel Zambri, se voyant vaincu , mit le feu pour
Sin-muballit, est purement hypothetique. y etre consume dans les llammes avec ses serviteurs,
Eb. Schrader I'identifierait plus volontiersavec^Tammw- plutot que de tomber aux mains d'Amri. Ill Beg., xvi, 18.
ra-bi (ou-gas), successeur du precedent (2307?-2252?); II avait regne sept jours, c'est-a-dire le temps qu'il avait
la difference dans la finale des deux noms reposerait sur fallu a Amri pour arriver avec son armee. II se produisit
une faute de transcription, en soi tres possible. Mais aucune alors en Israel une division qui pendant quatre ans tint
inscription ne lui attribue non plus de campagne en Pales- le royaume dans une complete anarchie : Amri d'un cote,
tine ; les textes cuneiformes nous le representent meme avec son armee et une partie du peuple; de 1'autre un fils
comme en guerre avec les Koudourides ; ce fut lui qui de Gineth, nomine Thebni, avec 1'autre partie du peuple.
les expulsa de Mesopotamie, en mettant fin au royaume III Beg., xvi, 21. L'armee finit par 1'emporter, et Amri
elamite de Rim-Aku a Larsa (dans la Vulgate : Arioch rex vainqueur de Thebni, qui mourut, ^ . 2 2 , soit dans le
Ponti; suivant 1'hebreu et les Septante : Arioch rex Ela- combat, soit, comme le rapporte Josephe, Ant. jud.,
sar). Comme son regne dura cinquante-cinq ans, Schrader VIII, vu, assassine par les partisans de son ennemi, Amri
peut conjecturer qu'il a commence par etre 1'allie d'Arioch se fixa pour quelque ternps a Thersa, malgre les ravages
et de Chodorlahomor pour 1'invasion de la Palestine, sauf qu'y avait faits 1'incendie, et gouverna tout Israel.
a devenir leur ennemi apres leur common echec; mais (Josephe appelle ici Amri 'Ajxapivo;, Zambri Zanapr,?, et
525 AMRI AMSI 526
Thebni ajxavos.) C'etait la quatrieme revolution poli- IV Reg., HI, 4-5. En meme temps et pour compenser
tique depuis Jeroboam, ce qui rnontre combien il y avait 1'etat de vassalite ou 1'avaient reduit les Syriens, Amri,
peu d'unite, et par consequent de force en Israel. avec un rare savoir-faire, evita toute difficulte avec Juda,
Amri, devenu seul maitre, chercha a affermir son auto- 1'ennemi-ne d'Israe'l, et arriva a se creer une alliance
rite en lui donnant du prestige. Pour cela il voulut avoir precieuse en faisant epouser a son fils Achab Jezabel,
une grande capitale, residence fixe et incontestee de la fille du roi de Tyr Ethbaal. Ill Reg., xvi, 31. Sous son
majeste royale, qui fut dans ce royaume ce qu'etait Jeru- regne, Israel et Juda, jusqu'alors ennemis, s'allierent
salem en Juda. Agrandir et embellir Thersa, apres y avoir etroitement, nouvelle preuve de 1'habilete politique d'Amri.
fait rebatir le palais incendie, lui parut moins glorieux Malheureusement cette union contraire a la loi de Dieu
que de fonder une ville nouvelle; et d'ailleurs la facilite ne devait aboutir qu'a un redoublement d'idolatrie et
avec laquelle Thersa avait succombe a ses attaques la lui au culte de Baal, la grande divinite des Pheniciens. Jud.,
rendait suspecte. II jeta les yeux sur une colline situee a in, 11-13.
trente-cinq kilometres environ a Test de Thersa, au nord- Ces guerres, ces relations, jointes a la fondation de
ouest et pres de Sichem, dans une position strategique Samarie , acquirent a Amri une grande renommee , dont
tres forte et dans un site d'une grande beaute. Voir SA- on trouve la trace dans les inscriptions cuneiformes des
MARIE. Ce terrain appartenait a un riche Israelite nomme rois d'Assyrie. Celle de 1'obelisque de Salmanasar a Nim-
Somer (hebreu : Semer, I (III) Reg., xvi, 24), auquel roud, et celle qui recouvre les taureaux du palais de ce
Amri 1'acheta pour deux talents d'argent, III Reg., xvi, 24, roi, lui rapportent comme a 1'ancetre par excellence et au
environ dix-sept mille francs de notre monnaie. II y fit fondateur de la grande dynastie d'Israe'l, le dixieme roi
batir une ville magnifique, la couronne d'Ephraim, Is., Jehu, qui est appele fils de Humri (Amri) , bien qu'en
xxvm, 1, vraie rivale de Jerusalem et d'une defense plus realite, loin d'etre le descendant d'Amri, il ait ete, au
facile, qu'il appela Somron (Samarie), du nom de 1'ancien contraire, 1'ennemi de sa race et le destructeur de sa
proprietaire de ce terrain. C'etait la une oeuvre de haute dynastie. IV Reg., x, 6-7. A. Layard, Inscriptions in the
sagesse, car cette capitale devint bientot pour Israel un cuneiform character, Londres, 1851, pi. 98; Western
centre, et, par suite, une source de cohesion et d'unite Asiatic Inscriptions , t. HI, pi. 5, n 6; J. Menant, Annales
politique. Cette fondation illustra a jamais le nom d'Amri. des rois d'Assyrie, p. 97, 104, 116 ; F. Vigouroux, La Bible
Malheureusement ce nom devint en meme temps tris- et les decouvertes modernes, 1889, t. iv, p. 73. Dans les
tement celebre par les impietes du roi d'Israel. Amri inscriptions du palais de Binnirar ou Rammannirar III,
marcha dans les voies de Jeroboam, fils de Nabat, et le royaume d'Israe'l est appele le pays d'Amri , mat
dans tous les peches par lesquels il avait fait pecher Humri, et dans celles des palais de Teglathphalasar II et
Israel , III Reg., xvi, 26, a ce point que ses crimes de Sargon il est nomme le pays de la mainon d'Amri ,
depasserent tous ceux de ses predecesseurs, f . 26, ce qui mat bit-Ifumri (Jfumri, forme assyrienne du nom d'Amri,
ne peut s'entendre que des reformes sacrileges qu'il intro- obtenue par le changement de Vain en heth). E. Schrader,
duisit dans le culte divin, reformes qui furent un ache- Die Keilinschriften und das Alte Testament, 1883,
minement au culte idolatrique de Baal, officiellement p. 91, 145; Keilinschriften und Getchitsforschnung^iSlS,
etabli sous le regne de son fils, III Reg., xvi, 31-32, et si p. 5, 207; J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, p. 127,
ardemment propage par sa fille , IV Reg., vm,26, c'est- 149, 159, 163; F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes
a-dire sa petite - fille, IV Reg., vin, 18, Athalie, dans le modernes, 5e edit., t. iv, p. 73, 114.
royaume de Juda. IV Reg., vm, 26; II Par., xxn, 2. Le Amri mourut a Samarie , apres avoir regne douze ans ,
prophete Michee rend le meme temoignage quand il assi- ou, plus exactement, onze ans et quelques mois, depuis
mile les preceptes d'Amri avec les ceuvres de la maison la mort de Zambri, qui arriva la vingt-septieme annee du
d'Achab . Mich., vi, 16. regne d'Asa, III Reg., xvi, 16, jusqu'a la trente-huitieme
Le regne d'Amri ne fut pas plus glorieux au point de annee du meme regne. Ill Reg., xvi, 29. S'il est dit dans
vue militaire, car la Rible nous apprend incidemment le meme chapitre, f , 26, qu'Amri commenca a regner la
qu'il soutint une guerre malheureuse centre le pere de trente et unieme annee du regne d'Asa, on peut 1'entendre
Benadad II, roi de Syrie, III Reg., xx, 34, qui avait sans en ce sens qu'a partir de cette epoque seulement il fut roi
doute profite de Fanarchie pendant la competition d'Amri inconteste sur tout Israel. Amri recut la sepulture dans
et de Thebni pour envahir les cantons-frontieres. Le traite sa capitale, et cut pour successeur son fils Achab. Ill Reg.,
de paix qui fut la conclusion de cette guerre fit perdre a xvi, 28-29. Ce prince, doue de precieuses qualites et d'un
Amri plusieurs villes de son royaume, entre autres Ramoth grand caractere, eiit ete le plus illustre des rois d'Israe'l,
de Galaad, III Reg., xxn, 3; cf. Josephe, Ant. jud., VIII, s'il n' avait oublie que la vraie grandeur d'un roi, surtout
xv, et conceda aux Syriens le droit de posseder dans d'un roi theocratique comme il 1' etait , est inseparable de
Samarie un quartier special, sans doute pour 1'etablisse- la fidelite au service de Dieu. P. RENA.RD.
ment et le fonctionnement libre de leurs bazars, ce qui
montre qu'a cette epoque le commerce de la capitale d'Israe'l 2. AMRI (Septante : 'Ajjuxpta), un des fils de Bechor,
etait prospere, et fournissait a celui de la Syrie un impor- le fils de Benjamin. I Par., vn, 8.
tant debouche. Ill Reg., xx, 34. Malgre ses echecs, il est
possible qu'Amri se soit toujours comporte vaillamment; 3. AMRI (Septante : 'Ajjt.pt), fils d'Omra'i et pere d'Arn-
car ses combats dont parle la Vulgate, III Reg., xvi, miud, de la tribu de Juda et de la descendance de Phares.
27, sont appeles dans Fhebreu actions d'eclat, geburdh, I Par., ix, 4.
cf. I (III) Reg., xv, 23; xxn, 46, ce qui n'est pas surpre-
nant, si Ton se rappelle les qualites dont il avait fait 4. AMRI (Septante: 'AfxSpi'), fils de Michael et chef
preuve dans le commandement des troupes d'Ela. On peut de la tribu d'Issachar, sous le regne de David. I Par.,
d'ailleurs penser que ces actions d'eclat se revelerent xxvii, 18.
en face d'autres ennemis que les Syriens, par exemple en
face des Moabites, qui, d'apres 1'inscription de la stele de 5. AMRI (hebreu: 'Irnri, eloquent; Septante:
Mesa, furent vaincus par lui: Amri, roi d'Israe'l, opprima 'Ajxa^O; P^re de Zachur, qui au temps d'Esdras contribua
Moab des jours nombreux; et plus loin : Amri s'em- a la reconstruction des murs de Jerusalem. II Esdr., m, 2,
para de la terre de Medeba (ville forte en Moab) et 1'occupa
durant ses jours et ceux de son fils, quarante ans, AMSI (hebreu : 'Amsi, abreviation de : 'Amasydh,
P. Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes, 1889, Jehovah fortifie ; Septante : 'Abacus'), pretre, fils de
t. iv, p. 60-61, victoires qui aboutirent a un lourd tribut Zacharie, servait dans le temple au temps de Neheniie.
en laine et en betail, impose par Amri aux Moabites. II Esdr., xi, 12.
527 AMTHAR AMULETTE 528
AMTHAR (hebreu : Hammetd'ar; Septante: Ma9a- Ton a cru a 1'efficacite des pratiques magiques, on a eu
paoa ; dans quelques manuscrits : 'A|i.|i.a6ap''[i.), ville de recours a des objets materials destines a en conjurer
la tribu de Zabulon, citee entre Remmon et Noa. Jos., les effets.
xix, 13. II est possible cependant que ce mot soit simple- Chez les deux grands peuples civilises avec lesquels les
ment le participe pual du verbe tatar, avec 1'article au Hebreux se trouverent successivement en contact, les
lieu du pronom relatif. Or ce verbe signifie, a la forme Egyptiens et les Babyloniens, la magie etait tres repandue.
kal, s'etendre, appartenir; a la forme piel, deter- Aussi les amulettes se rencontraient-elles chez eux en grand
miner, decrire. Cf. Gesenius, Thesaurus linguse heb., nombre. Les papyrus eg^'ptiens nous ont fourni plusieurs
p. 1490-1491. II faudrait done traduire la fin de ce verset: des formules de conjuration que Ton portait sur soi dans
qui (la limite) est determinee par Noa (Hanne'dh) , ou
s'etend vers Noa . C'est ainsi que 1'entendent la plu-
part des auteurs modernes. La paraphrase ehalda'ique,
suivie et expliquee par Jarchi, donne de meme : Et de
la elle faisait un detour vers Nea. Cf. Rosenmuller,
Scholia in Vetus Testamentum, Josue, t. i, p. 366. II
est juste neanrnoins de ne pas negliger 1'autorite des plus
anciennes versions, qui se trouvent d'accord pour faire
d'Amthar un nom propre : syriaque, Mathua; arabe,
Mathoua (th anglais dur); Septante, Ma0apao?a. Ce der-
nier nom est un curieux exemple de la confusion des mots
produite par la scriptio continua du texte original, aussi
bien que de la confusion de certaines lettres semblables :
au lieu de Rimmon Hammeto'dr Hanne'dh, "iN'nsn psi,
nyan, il est probable que les traducteurs grecs auront lu
Rimmonah Mat'dra Eozdh, nsi mnno naian, prenant,
dans ce dernier mot, nun, 3, pour cholem, % et 'am, y,
pour tsade, 2, ou za'in, T. Eusebe cite Amthar sous la
forme 'A[Afjia6a, Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 223, et
saint Jerome, sous celle ftAmathar, Liber de situ et no-
minibus locorum heb., t. xxm, col. 872; mais tous deux
avec cette seule indication : dans la tribu de Zabulon.
A. LEGENDRE.
AMULETTE. Ce nom vient du latin amuletum, qui
se rencontre pour la premiere fois dans Pline, et qui a
sans doute une origine orientale; on le rattaehe avec
vraisemblance a la racine qui a donne en arabe le verbe
hamala, c porter, d'oii hamalet, ce qui est porte.
Cependant ce que nous designons par amulette est appele
talisman en arabe et en persan. En grec on se servait de
1'expression irepta(A[ia, uspsaTtrov, d'oii le latin ligatura,
allicjatura, que 1'on trouve specialement chez les ecri-
vains ecclesiastiques. Cf. Pline, H. N., xxxvn, 12, qui
dit en parlant de 1'ambre : infantibus alligari amuleti
ratione solet. Nous trouvons aussi Fidee ^attache dans le
nom arameen dont se servent les auteurs talmudiques 129. Lettres e'phtfsiennes.
et rabbiniques : qamea*, ynp, de qema', attacher.
Cf. Buxtorf, Lexicon chald. et talmud.; Lakemacher, Plaque de terre cuite, conserves & Syracuse. La Diane d'Ephese
est repr6sent6e au milieu de la plaque. L'inscription est inin-
Observationes philolog., t. n, edit. 1727, p. 143 et suiv. telligible. On lit seulement a la premiere ligne d'en haut les
Les Juifs designaient surtout par la des formules de priere mots : APTEM $AOS IEPON.
ou des noms cabalistiques que 1'on portait sur soi pour
detourner 1'influence des demons, et qui etaient autorises un etui. De plus on en munissait meme les morts, dont
a certaines conditions par le Talmud. Tr. Schabbuot, vi, 2. les momies etaient couvertes, comme d'une armure ma-
Au moyen age on a applique ce meme nom, sous la gique, d'une quantite d'objets retenus dans les bandelettes :
forme camee, a des pierres dures taillees en relief qui plaques constellees d'hieroglyphes, rouleaux de papy-
avaient du servir non seulement d'ornements, mais aussi rus, figurines de dieux ou d'animaux sacres, surtout sca-
d'amulettes. On appelait, en effet, ainsi des objets de dif- rabees funeraires (fig. 131), qui remplissent aujourd'hui
ferentes sortes destines a proteger contre les malefices, les vitrines de nos rnusees. Ces objets etaient destines a
le mauvais oeil, les maladies attributes a des puissances ouvrir au defunt le chemin des spheres infernales et a
occultes, et en general contre les influences malignes de detourner de lui tous les dangers. Lenormant et Babelon,
certains dieux ou esprits, les personnes ou les choses sur Histoire ancienne des peuples de I'Orient, t. in, p. 130
lesquelles ils etaient places. C'etaient tantot des bandes et suivantes.
d'etoffes ou des plaques de terre cuite, sur lesquelles on Chez les Babyloniens, 1'usage des amulettes et des talis-
tracait certains signes ou certaines formules, comme les mans etait encore plus repandu. La Chaldee etait par
lettres ephesiennes (fig. 129), Plutarque, Sympos.,\n, 5, excellence le pays de la magie; la surtout on eprouvait
tantot des pierres taillees, des coquillages ou des frag- le besoin d'echapper aux incantations des sorciers et a
ments de certains metaux. Pline, H N., xxxvn, passim; 1'action des mauvais genies. Or on croyait que les dieux
Strabon, xvi. Ces objets faisaient le plus souvent partie malfaisants ou les demons etaient mis en fuite par leur
des ornements et des bijoux: colliers, bracelets, pendants image. On a la preuve de cette croyance dans plusieurs
d'oreille (fig. 130). L'usagedes amulettes remontait d'apres formules d'incantations ou on recommande, pour chasser
Pline, H. N., xxx, 15, a une tres haute antiquite. Cf. les malins esprits, de former sur le sol leur image.
aussi Berose, Fragm., xvi, edit. Lenormant. Partout ou Marduk apprend de son pere Ea la recette suivante
529 AMULETTE 530
centre le demon appele Asak : Forme sur le sol une Piege qu'on n'enleve pas, dispose contre le male"fice.
figure de tappini qui lui ressemble... Que 1'asafcpar son Fr. Lenormant, Etudes accadiennes, t. in, p. 105.
image soit chasse! Loisy, Memoire hi au Congres Chez les Hebreux, la loi mosaique ne laissait aucune
internal, scientif. des cathol., 1888,1.1, p. 8-9. Aussi place aux croyances qui expliquent ailleurs 1'usage des
la representation des esprits malfaisants est-elle tres fre- amulettes et des talismans. L'Israelite fidele savait qu'il
quente, specialement sur ces petits cylindres de pierre n'avait pas a redouter de divinites malfaisantes. De plus,
dure qui servaient de cachet, et que chacun portait sur la magie et la divination sous ses differentes formes etaient
interdites comme aussi abominables que le culte cruel de
Moloch. Deut., xvm, 10-14. C'etait un trait distinctif du
peuple de Dieu, de n'avoir ni devin ni sorcier. Num.,
bronze qui represente le demon du vent du sud-ouest 133. Dfanon du vent du sud-ouest.
(fig. 133). Lenormant et Babelon, Hist, ancienne, p. 210 Figurine de bronze du muse'e du Louvre. Re"duite du tiers.
et suiv. Dans tous les cas on attribuait a ces talismans un
pouvoir absolu, on les considerait comme une barriere divine. L'histoire de Job, n, 6, le montre. Ce saint person-
inviolable meme pour les dieux; tels nous les montre nage ne songe pas meme a expliquer ses souffrances par les
Tincantation suivante : Talisman, talisman, borne qu'on malefices. II n'a recours qu'a Dieu, bien qu'il sache quel
n'enleve pas. Borne posee par les dieux que Ton ne peut etre 1'effet de certaines maledictions. Job, in, 9.
franchit pas. Borne immuable du ciel et de la terre qu'on Mais, de meme que les cultes idolatriques et poly-
die deplace pas. Seul dieu qui n'est jamais abaisse. theistes, ainsi la magie et son cortege de pratiques supers-
Ni dieu ni homme ne peuvent dissiper ta puissance. titieuses ne penetrerent que trop souvent dans la nation
531 AMULETTE ANA 532
sainte, malgre la revelation mosaique. Les reproches des nos, in-12, Saumur, 1648; Paraphrases sur les^Epitres
prophetes font souvent allusion aux sorciers et aux devins aux Corinthiens, in-8, Saumur, 1649; sur I'Evangile
auxquels le peuple a recours; par exemple, Is., vm, 19; de saint Jean, in-8, Saumur, 1651; sur les Actes,
Ezech., xin, 9. II n'est pas etonnant de trouver des lors in-8, Saumur, 1654 ; Exposition des chap, vi et vn de
des amulettes figurant, comme chez les nations paiennes, I'Epitre de saint Paul aux Romains et du chap, xv de
parmi les objets de toilette (fig. 130). Deja Jacob, reve- laIEpitre aux Corinthiens, in-12, Gharenton, 1659;
nant de la Mesopotamia, dut enlever a ses gens, avec les Paraphrasis in Psalmos Davidis cum annotationibus,
idoles des faux dieux, des pendants d'oreilles auxquels in-4, Saumur, 1662, dedie a Charles II d'Angleterre;
on devait attacher quelque vertu occulte. Gen., xxxv, 4. Altera editio emendatior et auctior nova prsefatione,
Get ancien recit vaut autant que le texte de loi le plus Utrecht, 1769; Discours sur les songes divins dont il est
formel, pour montrer combien la religion des patriarches parle dans I'Ecriture, in-12, Saumur, 1659; il a ete tra-
reprouvait ces pratiques superstitieuses. Les pendants duit en anglais par Lowde, in-8, Londres, 1676. Son
d'oreilles servaient si generalement d'amulettes, que leur exegese, surtout dans les Psaumes, suit assez bien le sens
nom en arameen, qedasaya, signifie choses sacrees . litteral, sans negliger le sens spirituel. Ses ouvrages sont
Parmi les vingt et un objets qu'Isaiie, in, 18-23, distingue devenus rares. Cf. Registres de 1'academie protestante
dans la toilette des femmes de Jerusalem, il en est deux de Saumur, manuscrit de 1'hopital de Saumur; Haag,
qui devaient etre des amulettes ; c'est ce que nous indique : France protestante, t. i, p. 72; Edm. Saigey, Moyse
1 la forme du premier, jL 18, saharonim, des lunes ou Amyraut, sa vie et son temps, in-8, Strasbourg, 1849;
croissants lunaires (Vulgate : lunulse). Les Madianites sus- Celestin Port, Dictionnaire historique, geographique et
pendaient aussi, comme amulettes, des saharonim au cou biographique de Maine-et-Loire, au mot AMYRAUT.
de leurs chameaux. Jud., vm, 21. La Vulgate traduit ici E. LEVESQUE.
doublement: ornamenta ac bullets. 2 Le nom du second, AN. Voir ANNEE.
f . 20, lehasim, qui doit etre traduit par amulettes ou
talismans (Vulgate : inaures, d'apres les Septante; Tar- ANA. Hebreu: lA.nah, (Dieu) exauce; Septante : 'Ava.
gum, qedasaya). Le mot lahas a plusieurs fois le sens
d''incantation; au pluriel et figurant parmi des objets de 1. ANA, quatrieme fils de Seir 1'Horreen et 1'un des
toilette, il ne peut s'appliquer qu'a des amulettes. Mais allouphs du pays d'Idumee, avant Esau. II eut pour fils
le nom ne nous indique pas en quoi ces objets consistaient, Dison et pour fille Oolibama. Gen., xxxvi, 20, 25; I Par.,
si c'etait une plaque de metal ou une pierre avec inscrip- i, 38, 40.
tion, ou bien un sachet d'etoffe renfermant quelque plante
ou racine aux vertus mysterieuses. Les bijoux dont 2. ANA, deuxieme fils de Sebeon (le troisieme fils de
parle Osee, n, 13 (hebreu, 15), et dont on se revetait aux Seir) et neveu d'Ana 1. Gen., xxxvi, 24 et 29; I Par.,
jours des Baalim , pouvaient aussi avoir quelque chose i, 40. II semble qu'aux versets 2 et 14, Gen., xxxvi, on
de suspect. Les totafot ou fefillin, c'est-a-dire ces dise qu'Ana etait fille de Sebeon. Mais dans ce texte :
petites poches de cuir qui contenaient des passages de la Oolibama, fille d'Ana, fille de Sebeon, epouse d'Esau,
loi, ecrits sur du parchemin, et qui plus tard porterent 1'apposition fille de Sebeon se rapporte non a Ana,
le nom de phylacteres , Matth., xxm, 5, n'etaient pas mais a Oolibama, comme 1'apposition suivante: epouse
a 1'origine des amulettes; ils n'etaient pas destines a ser- d'Esau. L'expression fille de Sebeon serait, ainsi qu'il
vir de protection contre les malefices ou les demons ; mais, arrive souvent, pour celle-ci: petite-fille de Sebeon . Pour
comme 1'indique expressement la loi, ils devaient rappeler resoudre la difficulte, d'autres critiques preferent admettre
sans cesse au fidele les preceptes de Dieu, Exod., xin, une faute dans le texte massoretique, m, bat, fille;
9, 16; Deut., vi, 8; xi, 18; c'etait pour lui un signe, un pour p, ben, fils, et suivent le texte des Septante et le
monument, en prenant ce mot dans son sens etymolo- Samaritain. Aucun manuscrit hebreu ne portant la variante
gique : 'ot, zikkaron. Plus tard les Juifs attacherent aux ben, fils, il est probable que le copiste samaritain et
tefillin des vertus prophylactiques et en firent de veri- le traducteur grec ont cru trop facilement a une erreur,
tables amulettes, comme le montre le Targum du Can- et se sont permis de changer le texte, en mettant le
tique des Cantiques, vm, 3. Voir Hubner, Amule- masculin a la place du feminin. La Vulgate a aussi mal
torum historia, Halle, 1710; Emele, Ueber Amulete, rendu le f . 25, par suite de la ressemblance des noms :
Mayence, 1827. J. THOMAS. Habuitque (Ana, fils de Sebeon) fdium Dison et filiam
Oolibama. D'apres le texte hebreu et toutes les autres
AMYRAUT Moise, theologien et exegete protestant, versions, comme d'apres le contexte, il s'agit, dans ce
ne a Bourgueil, dans la Touraine, en 1596, etudia la theo- ^. 25, du premier Ana, fils de Seir. Hebreu : Et void
logie dans 1'academie protestante de Saumur. Apres avoir les fils d'Ana : Dison..., etc. Les enfanls du qua-
suivi les lecons de Cameron, il fut nomme pasteur de trieme fils de Seir viennent ici a leur rang; s'ils n'etaient
1'Eglise reformee de cette ville (1626), recteur de 1'acade- pas designes a cette place, ils seraient completement
mie , et en meme temps fut charge de professer la theo- passes sous silence dans 1'enumeration reguliere qui est
logie; mais il n'entra en fonctions qu'apres les epreuves faite des descendants des sept fils de Seir. Du reste, le
necessaires d'un concours public (1633). II occupa ce poste texte de I Par., i, 38, dans la Vulgate meme, confirme.
jusqu'a sa mort (1664) et s'acquit une grande reputation cette interpretation. Un trait particulier est ajoute,
parmi ses coreligionnaires; il parlait et ecrivait tres bien dans cette table genealogique des Horreens au nom de
le latin et le francais. Ses oauvres exegetiques sont nom- notre Ana, fils de Sebeon. C'est cet Ana qui trouva des
breuses et non sans valeur, surtout le commentaire sur sources thermales dans le desert, pendant qu'il menait
les Psaumes, tres estime de Michaelis. Paraphrases sur paitre les anes de Sebeon, son pere. Gen., xxxvi, 24. Le
I'Epitre aux Romains, in-8, Saumur, 1644; sur I'Epitre mot yemim, que la Vulgate, le syriaque et 1'arabe, ont
aux Galates, in-8, Saumur, 1645; Observations sur les bien rendu par sources chaudes , a ete quelquefois,.
Epitres aux Colossiens et aux Thessaloniciens, in-8, mais sans fondement, traduit par geants ou par
Saumur, 1645 et 1665; Considerations sur I'Epitre aux mules . D'apres Hengstenberg et Keil, ce serait cette
Ephesiens, in-8, Saumur, 1645; Paraphrases sur I'Epitre decouverte qui aurait fait donner a cet Ana le surnom de
aux Hebrieux (sic), in-8, Saumur, 1644-1645; aux He- Beeri, c'est -a- dire sourcier, de beer, source. Gen.,
breux, 1646 ; Paraphrases sur I'Epitre aux Philippiens, xxvi, 34. Dans cette hypothese ingenieuse, Oolibama,
in-8, Saumur, 1646; sur les Epitres catholiques de femme d'Esau, ne serait pas la fille du premier Ana,
saints Jacques, Pierre, Jean etJude, in-8, Saumur, 1646; mais la fille de son neveu. Le second Ana a pu donner
Considerations in cap. vn Epist. D. Pauli ad Roma* a sa fille le nom de sa cousine, fille de son oncle Ana,
533 ANA ANAGOGIQUE (SENS) 534
La contree ou Ana menait paitre ses anes possede encore Josue. Jos., xi, 21. Eusebe et saint Jerome nous disent
un certain nombre de sources chaudes, en particulier qu'elle existait encore de leur temps sur les confins
celles de Callirrhoe, celles de 1'ouadi el-Ahsa, et celles de d'Eleutheropolis (aujourd'hui Beit-Djibrin) , Onomasti-
1'ouadi Hamad. Les anes furent-ils pour quelque chose con, Gffittingue, 1870, p. 93, 221. Robinson, Biblical
dans cette decouverte ? est-ce pour cela que cette circons- researches in Palestine, Londres, 1856, 1. 1, p. 494, signale
tance est mentionnee ici ? Peut-etre. On salt que la source un village de meme nom, mais a une certaine distance
thermale de Karlsbad fut trouvee par le fait d'un chien au sud-est de Beit-Djibrin et au sud-ouest d'Hebron.
de chasse qui, tombe en poursuivant un cerf, attira par M. V. Guerin en decrit deux situes dans cette meme
ses cris 1'attention sur la nature des eaux de cette source. contree et tout pres 1'un de 1'autre. Le premier s'appelle
E. LEVESQUE. Khirbet 'Anab es-Serhir, c'est-a-dire ruines d'Anab la
3. ANA (hebreu: Hena'; Septante : 'Ava), ville conquise Petite . Des centaines de maisons renversees, enpierres
par les Assyriens et mentionnee comme telle, a cote de de taille pour la plupart, couvrent le sommet et les pentes
Sepharvaim et d'Ava, dans la proclamation du Rabsaces d'une colline. Quelques constructions plus etendues, et
aux envoyes d'Ezechias et aux habitants de Jerusalem. baties avec de gros blocs, les uns aplanis, les autres rele-
IV Reg., XVHI, 34; xix, 13; Is., xxxvn, 13. F. Vigouroux, ves en bossage, semblent avoir ete des edifices publics.
La Bible et les decouvertes modernes, 5e edit., t. iv, p. 165, De distance en distance, on rencontre des citernes et des
et Eb. Schrader, Schrader-Whitehouse, The cuneiform magasins souterrains creuses dans le roc. V. Guerin,
Inscriptions and the Old Testament, t. n, p. 8, en par- Description de la Palestine, Judee, t. in, p. 362.
lent comme d'une localite de site inconnu; mais dans Le second, place un peu au sud-ouest du premier,
Riehm, Handworterbuch des bibl. Altertums, 1.1, p. 594, s'appelle Khirbet 'Anabel-Kebir, ou ruines d'Anab la
le meme Eb. Schrader croit devoir la placer en Babylo- Grande , et ces ruines sont tres etendues. La ville dont
nie, parce que le texte sacre la mentionne a cote de Sephar- ce Khirbet offre les debris s'elevait sur deux collines,
vaim, et en consequence 1'identifierait volontiers avec 1'une occidentale, 1'autre orientale, separees par une
1'Anat ou 1' 'Anah actuelle, situee sur la rive droite et vallee qui est aujourd'hui livree a la culture, et qui parait
aussi en partie sur une lie de 1'Euphrate , entre Hit et avoir ete aussi jadis couverte d'habitations. En parcotirant
Rakka, a quatre journees de marche au nord-ouest de 1'emplacement que cette ville occupait, on heurte a chaque
Bagdad. Cette identification avait deja ete proposee par pas les arasements de maisons bouleversees de fond en
d'anciens commentateurs, notamment par dom Calmet, comble, qui rerifermaient pour la plupart uri hypogee
Comment, lift., in IV Reg., XVIH, 34, lequel ne decide pratique dans le roc. II y a de nombreuses citernes ; les
cependant pas si Ana est un nom de ville ou un nom unes sont obstruees par des decombres, les autres sont
d'idole; mais, outre que Ijes Sepharva'ites n'avaient point encore pleines d'eau. V. Guerin, ouv. cite, p. 365. Sur
d'idole de ce nom, le contexte de ces passages, compare la colline occidentale, on rernarque une mosquee presque
a IV Reg., xvn, 31 (ou les Heveens sont les habitants entierement construite avec des blocs antiques, dont
d'Ava), marque bien qu'il s'agit d'une localite. G. Rawlin- quelques-uns sont tailles en bossage. Sur celle de Test se
son, dans The five great Monarchies, 1.11, p. 485, et dans trouvent les traces d'une eglise chretienne, et les vestiges
Smith's Dictionary of the Bible, t. I, p. 786, soutient considerables d'un vaste edifice qui parait avoir eu une
aussi cette identification. L'Anah ou Anat moderne, 1'Ana- destination militaire ; il etait bati en pierres de taille tres
tho des classiques (t ou tho n'etant que la terminaison regulierement agencees.
feminine) n'occupe plus qu'une longue bande sur la rive La Bible, il est vrai, ajoute M. Guerin, loc. cit., ne
droite du fleuve : c'est une ville de quatre mille habitants, mentionne, dans le massif montagneux de Juda, qu'une
tres frequentee des caravanes, et pres de laquelle on re- seule ville appelee 'Anab ; mais les deux Khirbet connus
marque des ruines anciennes. Elle parait deja mentionnee, sous ce nom, et distingues uniquement 1'un de 1'autre
sous la forme An-at, dans les annales du roi d'Assyrie par les epithetes de petit ou de grand, prouvent que
Assour-nasir-apal, mais comme independante de 1'empire dans 1'antiquite il y avait deux villes ainsi designees , qui
assyrien : ir Anat ina kabal nahar Puratti, la ville pouvaient etre differenciees entre elles par quelque sur-
d'Anat au milieu de 1'Euphrate. The cuneiform Inscrip- nom analogue. N'en pourrait-on pas trouver comme un
tions of Western Asia, t. i, pi. 23, co. in, 1. 15 et 16. Les souvenir dans 1' 'Ava6w9 des Septante , qui semblent avoir
textes cuneiformes actuellement connus ne mentionnent lu le pluriel du feminin 'Anabah, employe dans le Tal-
d'ailleurs pas la prise de cette ville, et le passage d'Assour- mud? Quoi qu'il en soit, 1' emplacement de 1'une ou de
nasir-apal est lui - meme anterieur de plus d'un siecle et 1'autre de ces localites convient parfaitement a 1'antique
demi au siege de Jerusalem et au discours du Rabsaces. cite biblique, mentionnee avec Hebron et Dabir (Dhabe-
Enfin Fr. Delitzsch, Wo lag das paradies, p. 279, tout en rieh ou Khirbet Dilbeh), Jos., xi, 21, et placee dans le
rapprochant aussi 1'Anat des inscriptions de 1'Ana biblique, voisinage d'Istemo (Semoua) et d'Anim (Rhouem). Jos.,
la distingue cependant de 1'Anah actuelle, et la place xv, 50. L'arabe 'Anab, raisin, avec am initial, corres-
notablement plus au nord, mais sans raison bien decisive; pond aussi exactement a 1'hebreu, tant au point de vue du
ce qui fait qu'il n'est guere suivi par les autres assyriolo- nom qu'au point de vue de la signification. Voir la carte
gues, lesquels reconnaissent d'ailleurs que la forme he- de la tribu de JUDA. A. LEGENDRE.
braique, commencant par un he, s'eloigne moins de la
forme assyrienne que le mot arabe actuel, qui commence ANAEL (Septante : r^X), frere de Tobie selon les
par un 'am. Voir Isidore de Charax, Mansiones parthicse, Septante. Tob., I, 21.
dans Muller, Geographi grseci minores, edit. Didot, 1.1,
p. 249 et note, avec la carte ix, Ibid., Tabulss in geogr. ANAGOGIQUE (SENS). Le sens anagogique estun
gr. min. pars prima; A. Layard, Discoveries in Ninive sens spirituel de 1'jicriture, fonde sur un type ou un objet
and Babylon, 1853, p. 355; Eb. Schrader, Keilinschriften figuratif du ciel et de la vie eternelle. Anagogia, quasi
und Geschichtsforschung, p. 142, note; E. Reclus, Nou- sursum ductio, quando per unum factum intelligendum
velle Geographic universelle, t. ix, p. 450 et 460. est aliud, quod desiderandum est, scilicet aJterna felicitas
E. PANNIER. beatorum. S. Bonaventure, Breviloquium, procem., 5.
ANAAS. Voir SENAA. De sa nature, 1'anagogie est propre a tous les passages de
1'Ecriture qui, suivant la lettre ou 1'esprit, traitent du ciel
ANAB (hebreu : 'Anab; Septante : 'Ava6iO, Jos., et des biens eternels. Dans le langage ecclesiastique , elle
xi, 21; 'Avwv, Jos., xv, 50), ville appartenant au district est restreinte aux sens spirituals qui ont cet objet. Quel-
montagneux de la tribu de Juda, Jos., xv, 50, occupee ques Peres, Origene, De principiis, iv, 21, t. xi, col. 387;
primitivement par les Enacim, qui furent extermines par In Matth., x, 14, t. xm, col. 868 ; S. Jerome, Epist. LXXIII, 9,
535 A N A G O G I Q U E (SENS) ANAMELECH 536
t. xxn, col. 681; In Amos, iv, 4, 5, t. xxv, col. 1027; deux exemplaires,'Anw#em), mrm. Cf. A. Mariette, Les
S. Chrysostome, In Ps. XLVI, 1, t. LV, col. 208; Denys listes geographiques des pylones de Karnak, Leipzig,
1'Areopagite, De cselesti hierarchia, i-n, t. in, col. 121 1875, p. 29. M. E. de Rouge avait, des le principe, reconnu
et 137, designaient par ce nom le sens spirituel, qui tou- la une de ces transcriptions... rigoureusement conformes
jours eleve 1'esprit des lecteurs vers des choses hautes et aux regies tres logiques que les hierogrammates avaient
sublimes. Depuis le moyen age, le sens anagogique n'est su se tracer et qui sont fondees sur une grande connais-
plus considere que comme une espece particuliere du sens sance des deux idiomes . Etude sur divers monuments
spirituel. "Voir SPIRITUEL (SENS). du regne de Toutmes III, dans la Revue archeologique,
Les types anagogiques, pris dans la signification res- novembre 1861, p. 364. M. Maspero declare que ce nom
treinte, sont peu nombreux dans 1'Ecriture. La plupart a un equivalent certain dans 1'onomastique de la Bible .
peuvent etre ranges parmi les types allegoriques , et le Sur les noms geographiques de la liste de Thoutmos III,
plus souvent les saints Peres ne les en ont pas distingues. qu'on peut rapporter d la Galilee, extrait des Transac-
La ville de Jerusalem, capitale du royaume de Juda, tions of the Victoria Institute, or philosophical Society
represente anagogiquement le ciel , le royaume que Dieu of Great Britain, 1886, p. 10.
a prepare aux elus pour 1'eternite. Tobie, xin, 21-22. Le Les explorateurs anglais proposent d'identifier Anaha-
sacerdocede Melchisedech , Heb.,vn, 24 et 25; vm, 1, et rath avec En-Na 'ourah, localite situee a la partie septen-
celui d' Aaron , Heb., vin , 4 et 5, figurent le sacerdoce eter- trionale du Djebel Dahy ou Petit-Hermon. Cf. G. Arm-
nel du Sauveur et son exercice au ciel. Le tabernacle et le strong, Wilson et Conder, Names and places in the Old
temple dans lesquels s'offraient les sacrifices juifs etaient and New Testament, Londres, 1889, p. 10. Get emplace-
1'embleme du ciel, temple ou le pontife eternel s'immole ment, sans etre certain, convient assez bien a la cite
lui-meme. Heb., xi, 2-25. L'idee la plus feconde en appli- biblique, separee seulement par deux noms de Sunem
cations anagogiques est que les biens temporels, promis (Soulem), Jos., xix, 18, et mentionnee, dans les listes de
aux observateurs de la loi ancienne, etaient la figure des Karnak,entre Schemesch-Adouma (peut-etre Edema, Jos.,
biens eternels reserves aux Chretiens. Les commentateurs xix, 36, aujourd'hui Khirbet Admah) et Apourou = Apoulou
se sont complus a la developper. Voir Patrizi , Instilutio (Fouleh, El-Afouleh?). Cf. Maspero, ouv. cite, p. 10, 11.
de interpretations Bibliorum, Rome, 1876, nos 289 et 290. M. Guerin, qui a visite En-Na'ourah, n'a rien releve de
E. MANGENOT. remarquable dans ce village, autrefois considerable, reduit
ANAGLYPH A, mot grec (ocvdcyXucpa) employe par aujourd'hui a 1'etat de simple hameau. Cf. Description de
saint Jerome dans sa traduction du troisieme livre des la Palestine, Galilee, t. i, p. 124. Voir la carte de la
fiois, vi, 32 : Sculpsit (Salomon) in eis (sur les portes tribu d'IssAGHAR. A. LEGENDRE.
en bois d'olivier du Saint des saints) picturam cherubim,
et palmarum species et anaglypha valde prominentia, ANA'lA (hebreu : 'Andydh, ((Jehovah exauce; Sep-
c'est-a-dire que Salomon fit sculpter sur les deux portes tante : 'Avcua, 'Avavia?), un des chefs du peuple qui
de 1' entree du Saint des saints des figures de cherubins signerent avec Nehemie le renouvellement de 1'alliance.
et de palmes, et des bas-reliefs tres saillants. Anaglypha II Esdr., x, 22. Peut-etre est-il le meme que celui qui se
vient du verbe grec yMopw (d'oii est aussi tire notre mot tenait au cote d'Esdras dans la lecture solennelle de la loi
francais glyptique), graver en creux ou en bosse, ciseler, au peuple, et que la Vulgate appelle ANIA. II Esdr., vin, 4.
sculpter, et de ava, qui marque que la gravure est en
relief et non en creux. Les anaglypha sont done des ANAMELECH (hebreu : 'Anammelek; Septante :
sculptures en relief. Le texte hebreu porte : II fit repre- 'AvvijjieXsx ; textes cuneiformes : Anunitu-malkitu, et,
senter en relief (sur les portes) des figures de cherubins, suivant d'autres : Anu-malku ou Anu-malik), idole dont
de palmes et de fleurs epanouies. Ce genre de travail les Sepharvaiites, IV Reg., xvn, 29-41, introduisirent et
etait tres connu des Pheniciens , comme des Egyptiens et perpetuerent le culte, conjointement avec celui d'Adra-
des Chaldeo - Assyriens, qui faisaient un grand usage des melech, dans la Samarie ou les avait transplanted Sargon,
bas-reliefs dans la decoration de leurs temples et de leurs roi d'Assyrie, apres la destruction du royaume d'Israel et
palais. La representation des sphinx en Egypte, des che- la prise de sa capitale. On lui offrait des enfants en holo-
rubins en Ghaldee et en Assyrie, des plantes et des fleurs causte. Les anciens et les rabbins disent qu'on le repre-
dans ces divers pays, etaient les motifs les plus communs sentait sous la forme d'un cheval, d'un paon, d'un fai-
de 1'art national, en dehors des scenes ou figuraient les san, etc., mais sans aucune preuve, et probablement par
personnages divins ou humains. le seul desir de tourner en derision le culte samaritain,
a peu pres comme Apion accusait les Juifs d'adorer une
ANAHARATH (hebreu : 'Anaharat; Septante : 'Ava- tete d'ane. L'une des deux portions de Sippar, la Sephar-
ysp9), ville de la tribu d'Issachar, mentionnee entre vaim biblique, patrie de ces neo-Samaritains, etait parti-
Seon et Rabboth. Jos., xix, 19. Le manuscrit alexandrin culierement consacree a cette deesse Anounit; les textes
portant 'PevaG et 'AppaveS, certains auteurs en ont conclu cuneiformes la mentionnent frequemment sous le nom de
que le nom etait peut-etre corrompu, et qu'il faudrait lire Sippar Sa Anunitu, Sippar d'Anounit, a cote de Sippar
en hebreu 'Arhanat, en transposant le resch et le noun. sa Samsu, la Sippar du soleil, The cuneiform Inscri-
On pourrait ainsi Fidentifier avec celui d'Araneh, petit ptions of Western Asia, t. u, pL 65,1.18, 19 b. Malkitu
village situe au nord de Djenin, au pied du mont Gelboe. serait une epithete empruntee au verbe malaku, etre
Cf. C. F. Keil, Biblischer Commentar uber das Alte prince, laquelle est donnee a plusieurs divinites assyro-
Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 154. Ce qui nous babyloniennes, The cun. Inscr. of Western Asia, t. iv,
empeche d'admettre cette opinion, c'est que la paraphrase pi. 56, 1. 36 b. Anounit joue un role a la fois efface, mal
chaldaique, la Vulgate, la version arabe, sans compter les defini, et multiple, comme presque toutes les divinites
autres manuscrits des Septante, rendent le mot de la feminines mesopotamiennes. Plusieurs textes semblent la
meme maniere , et que , de plus , nous le trouvons repro- confondre avec la deesse Istar ou Venus, The cun. Inscr.
dit sur les monuments egyptiens avec la meme exacti- of Western Asia, t. in, pi. 53,1. 34 b; Lenormant-Babelon,
tude. II est, en effet, dans les listes geographiques de Histoire ancienne de I'Orient, t. v, p. 257 ; du reste, au
Tothmes III, sur les pylones de Karnak, n 52 ; et la trans- point de vue etymologique, ce nom signifie simplement
cription est aussi parfaite que possible , sans changement deesse; il a done pu etre porte par plusieurs divinites
ou retranchement d'aucune lettre, comme on peut s'en differentes, H. Sayce, Lectures on the origin and growth,
convaincre en comparant les caracteres egyptiens et of the religion, p. 261, 273 et 306.
C'est ce qui a engage plusieurs assyriologues, notam-
hebraiques : , Anuhertu (dans menl S. II. Rawiinson, a voir dans I'Anamelech biblique
537 A N A M E L E C H A N A N BEN DAVID 538
tine deesse Aa ou Malkitu, epouse du Soleil, souvent men- ANAMIM (hebreu : 'Andmim; Septante : 'Ev
tionnee dans les textes cuneiformes : A a hirtum naram- Gen., x, 13; 'Ava^ietjji, I Par., i, 11), peuple egyptien,
taka hadis limmahhirka, dans les Transact, of the Society mentionne le second parmi les descendants de Mesra'im.
of Biblical Archeology, t. vm, p. n, p. 168; Ebabara sa Gen., x, 13; I Par., 1,11. Quelques-uns des anciens inter-
Sippar ana Samsi u Aa belia essis ebus. The cun. Inscr. pretes le placaient dans la basse Egypte : le pseudo-Jona-
of Western Asia, t. I, pi. 65, c. 11, 1. 40-41, etc. Le terme than, ou le Targum sur le Pentateuque, dans le nome
non semitique aa semble etre Fequivalent du verbe semi- Mareotique; Babbi Saadia, ou la version arabe, dans les
tique malaku, et se decliner comme lui, ainsi que 1'insinue, environs d'Alexandrie. Les commentateurs modernes out
entre autres, Fexemple de YEponyrnencanon, Delitzsch, emis des hypotheses trop souvent basees sur des ety-
Assyrische Lesest., 1878, p. 96,1.176. Ceux qui identi- mologies douteuses et des rapprochements chimeriques.
fient Anamelech avec Fepouse du Soleil peuvent encore S. Bochart fait des Anamim une peuplade habitant la
allegucr en faveur de leur opinion les sacrifices humains region du temple de Jupiter Ammon et la Nasamonite,
mentionnes dans la Bible; ils rappellent en effet le culte Phaleg, Caen, 1647, 1. IV, ch. xxx, p. 322; dom Calmet
des divinites solaires en Chanaan, en Phenicie et a Car- les assimile aux Garamantes, indigenes du centre de
thage. Voir MOLOCH. Cette Aa-Malkit parait avoir ete une FAfrique, Commentaire sur la Genese, Paris, 1707, p. 266;
personnification feminine du soleil considere comme Gesenius compare le grec 'Eve^sT'.E;'^ a BENEMITC, nom
principe de beaute, de grace et de douceur, tandis que d'une contree citee par Champollion, Thesaurus lincjuse.
Samsou etait le principe male, c'est-a-dire le principe de heb., p. 1052. Knobel et Bunsen combinent le meme mot
force, d'energie, de chaleur brulante ; il en resultait une des Septante avec emJiit, le nord, et Fentendent des
dualite analogue a celle de Moloch-Baal en Phenicie, de habitants du Delta. Cf. Crelier, La Sainte Bible, La
Seket-Bast en Egypte, qui representait egalement Fastre Genese, Paris, 1889, p. 13i. 1.,'opinion d'Ebers, un peu
dans sa force et dans sa douceur. plus fondee que la precedente, est elle-meme bien incer-
Dans ces deux hypotheses, il faut regarder le mot taine. D'apres lui, le peuple dont nous parlons serait iden-
biblique comme depouille de sa terminaison feminine, tique aux Aamu ou An-Aamu, pasteurs asiatiques eta-
soil inlentionnellement, soil accidentellement, par le fait blis sur le bras bucolique du Nil, Aegypten und die
des transcripteurs. Du reste, ce retranchement de la ter- Bucher Mose's, t. i, p. 98 ct suiv.
minaison feminine se remarque encore dans d'autres Les principaux egyptologues francais reconnaissent les
mots passes de 1'assyrien a 1'hebreu : Idiklat(u), nom Anamim dans les 'Anou. Cf. E. de Rouge, Recherches
assyrien du Tigre, donne 1'hebreu Hiddekel; tehdmtu, sur les monuments des six premieres dynasties, dans
1'abirne, devient 1'hebreu tehom, etc. les Memoires de I'academie des Inscriptions, t. xxv,
Dom Calmet, Comment, lilt., ad loc., a cru pouvoir 1866, p. 228 et suiv.; G. Maspero, Histoire ancienne des
identifier avec la Lune FAnameleeh biblique. Mais celle-ci peuples de I'Orient, 4e edit., Paris, 1886, p. 14 ; F. Lenor-
etait consideree en Babylonie et en Assyrie comme un mant, Histoire ancienne de I'Orient, 9 edit., Paris, 1881,
dieu, nomme Sin, independant du Soleil, Samsu, dont il t. i, p. 269. Les Anamim, dit ce dernier, sont les 'Anou
etait Fcgal et souvent meme le superieur; d'ailleurs des monuments egyptiens, population qui apparait, aux
Sippar ne lui etait pas consacree. ages historiques, brisee en debris repandus un peu par-
Kb. Schrader ci'oit enfm qu'Anamelech n'est autre que tout dans la vallee du N i l ; elle a laisse son nom aux villes
le dieu Anu, suivi de Fepithete maliku, prince; il iden- d'Heliopolis (en egyplien 'An), Tentyris ou Denderah
tilic meme, dans Biehm, Handworterbuch des bibl. (appelee aussi quclquefois 'An) et Hcrmonthis ("An-res,
Alterlums, i. r, p. 61, cet Anou avec FOannes ou dieu- la 'An du sud); deux de ses rameaux garderent pendant
poisson, qui apporta sur la terre les arts et les sciences, un certain temps, apres les autres, une vie propre, Fun
au dire de Berose. Mais cet Cannes est certainement Ea-han dans une portion de la peninsule du Sinai, Fautre dans
ou Ea-nunu, dieu de Foeean, de Fabime et de la sagesse. la Nubie; ce sont probablcment les gens de ce dernier
Quant a Anou, c'ctait le dieu du ciel, comme Ea etait le rameau, les 'Anou-Kens des inscriptions egyptiennes,
dieu de Fabime, et Bel cclui de la terre; la croix, image que Fauleur du document ethnographique dc la Genese
des quatre regions, c'est-a-dire des quatre points cardi- a eu en vue. II est probable que les Anou formerent
naux, parait avoir ete son embleme. A la verite, il etait Favant-garde des populations primitives qui vinrent se
adore speeialcmcnt a Dir, qui portait le nom de ville fixer en Egypte, et qu'ils eurent ensuite a supporter le
du dieu Anou , et qui etait a quelques kilometres seu- poids des tribus venues apres eux. Bcfoules en grande
lement de Sippar. Fr. Hommel, Die Semitischen Volker, yiartie vers le midi, ils habitaient, sous la douzieme dynas-
t. i, p. 330; Zur allbabylonischen Chronologic, p. 43, tic, dans le desert et au dela de la seconde cataracte, errant
dans le Zeilschrift fur Keilschriftforschung, i, et Sepa- avec cent tribus aux noms etranges, toujours pretes aux
ralabdruck. Ccpendant les holocaustes dont parle la Bible razzias, toujours battues et jamais soumises. Les Pharaons,
semblent indiquer plutot dans Anamelech une divinite comprenant combien il leur etait necessaire de reduire
solaire; de plus, les textes cuneiformes mentionnent tou- ccs peuples, tandis qu'ils etaient encore indecis et llottants,
jours le culte de Samsou et d'Anounit comme caracteri- tournerent leurs armes contre eux, et, a force de perseve-
sant la ville de Sippar, tandis qu'ils ne disent jamais rance , parvinrent a les dompter pour la plupart, a detruire
qu'Anou y ait ete particulierement honore. On ne voit ou a refouler vers le sud ceux qui s'obstinerent a la lutte.
done pas pourquoi les Sepharvaites auraient introduit en Cf. Maspero, ouv. cite, p. 104-105. A. LEGENDRE.
Samarie, comme divinite nationale, le dieu d'une localite
etrangere. Cf. J. Seldenus, De diis syris, 16G1, I, p. 328; 1. ANAN (hebreu: 'Andn, nuage; Septante: 'Ilvap.),
n, p. 308, et passim pour les anciens; parmi les mo- un des chefs du peuple qui signerent avec Nehemie le
dernes: Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 210; renouvellement de Falliance. II Esdr., x, 26.
F. Lenormant, Les origines de I'histoire, t. n , p. 7;
Th. Pinches, Proceed, of the Society of Biblic. archseol., 2. ANAN ben David, celebre docteur juif qui vivait au
3 novembre 1885, p. 27; Schrader-Whitehouse, The cunei- vine siecle dans Fecole rabbinique de Sora, en Babylonie.
form Inscriptions and the Old Testament, t. i, p. 276 Ecarte de la dignite de Gaon ou chef de cette ecole, a
Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de I'Orient, t. v, laquelle il aspirait, il fut blesse de cette exclusion. Aussi,
p. 251 et 259 ; G. Bawlinson, The five great Monarchies, par ressentiment contre ses collegues, et peut-etre aussi
t. n, p. 10, t. i, p. 126-129; H. Sayce, Lectures on the. entraine par Fexemple des Chiites, qui, dans Fislamisme,
origin of religion, Londres, 1887, p. 182-184; 176-179; se declaraient alors les adversaires de la tradition, Anan
F. Vigouroux, La Bible et les decouverles modernes, secoua le joug de la hierarchic rabbinique, et fonda, vers
5e edit., t. iv, p. 175. E. PANNIER. 760, la secte des Cara'ites. Comme les rabbins et leur me-
539 A N A N BEN DAVID A N A N I E , EPOUX DE SAPHIRE 540
thode regnaient en maitres dans la Babylonie, il y eut peu de 5. ANANIE, compagnon de Daniel, qui recut a Baby-
succes. Accompagne de son fils Saul, il alia a Jerusalem, lone le nom chaldeo-assyrien de Sidrach. Dan., I, 6-7.
ou le rabbinisme etait alors moins (lorissant. II sut y acque- Voir SIDRACH. II etait de la famille royale de David,
rir une grande influence : il s'eleva centre les traditions comme le montre le choix que fit de lui Asphenez, le chef
des rabbins et leurs interpretations artificielles, ramena des eunuques de Nabuchodonosor, pour le faire elever dans
a 1'etude trop oubliee du texte de la Bible, et imprima a 1'ecole du palais avec Daniel, Misael et Azarias. Dan., i, 3.
1'exegese de Palestine une direction plus rationnelle. "Voir Ananie est toujours nomine apres Daniel et avant Misael
CARAITES. Cf. Wogue, Histoire de la Bible et de I'exe- et Azarias, Dan., i, 6, 7, 11, 19; n , 17, etc., sans doute
gese, p. 196-197. E. LEVESQUE, comme etant un personnage moins important que Daniel,
mais plus important que ses deux autres compagnons.
ANANI, hebreu : 'Andni, abreviation pour 'Ananyah, C'etait Fusage, a Ninive et a Babylone, de faire elever a
Jehovah couvre, protege; Septante : 'A-/av. la cour des enfants appartenant aux families principales
des peuples vaincus, afm de les attacher ainsi aux vain-
1. ANANI, septieme fils d'Elioenai, descendant par Zoro- queurs et de s'en servir ensuite pour gouverner les nou-
babel de la famille de David. I Par., in, 21. veaux sujets de 1'empire qui etaient de meme race. Ananie
regut ainsi, avec Daniel, Misael et Azarias, une education
2. ANANI. Voir' HANAN. babylonienne, et apprit des maitres chaldeens tout ce qui
constituait la science d'alors. Dan., i , 4. Avec ses compa-
ANANI A (hebreu : 'Ananydh; Septante : 'Av!a), ville gnons, pour observer strictement la loi mosaique qui defen-
de la tribu de Benjamin, mentionnee, avec Anathoth et dait 1'usage de viandes impures, il ne se nourrit dans le
Nob, comme ayant ete rehabitee apres le retour de la palais que de legumes, et Dieu benit celte fidelite. Dan.,
captivite. II Esdr., xi, 32. Le nom et la position nous per- i, 12, 16. Apres avoir fait les plus grands progres dans les
mettent de 1'identifier avec Beit-Hanina (Hanina genera- sciences chaldeennes, Ananie fut invest! de fonctions ele-
lernent eerit avec ha, quelquefois aussi avec am), village vees a la cour de Nabuchodonosor. Dan., i, 19-20. Sur la
situe a une petite distance au nord de Jerusalem, entre demande de Daniel, lorsque le jeune prophetc eut explique
Anala (Anathoth) au sud-est, et El-Djib (Gabaon) au le premier songe du roi de Babylone, Ananie fut place,
nord-ouest. Voir la carte de la tribu de BENJAMIN. Assis avec Misael et Azarias, a la tete des affaires ou des tra-
sur une colline qui court du nord au sud, il possede vaux publics de la province dc Babylone. Une si grande
quelques maisons fort anciennes et interieurement vou- faveur excita contre lui et ses compagnons une vive jalou-
tees. Pres d'une mosquee, sous le vocable de Sidi Ibra- sie. Nabuchodonosor ayant fait elever une statue d'or dans
him, est un chapiteau de colonne, probablement antique, la plaine de Dura, pres de Babylone, et ayant ordonne
et creuse en forme de mortier. On trouve dans les envi- a tous ses officiers de 1'adorer, les trois jeunes Hebreux
rons de superbes plantations d'oliviers, ou des essaims de refuserent d'executer un ordre qui blessait leur conscience.
tourterelles voltigent d'arbre en arbre. L'an 1334 de notre Les Chaldeens saisirent aussitot cette occasion de satisfaire
ere, les Juifs veneraient en cet endroit le tombeau d'un leur haine contre eux, et les denoncerent au roi, qui,
ancien rabbin, appele Chanina ben-Dosa, dont le nom, n'ayant pu les determiner a commettre un acte d'idola-
identique avec celui du village actuel, aura pu faire trie, les fit Jeter dans une fournaise ardente. Dan., in, 1-23.
oublier, en 1'alterant un peu, 1'antique denomination Dieu recompensa la foi d'Ananie, de Misael et d'Azarias,
de 'Ananiah. Cf. V. Guerin, Description de la Palestine, en les conservant vivants au milieu des ilammes, et ils le
Judee, t. i, p. 394. A. LEGENDRE. remercierent de ce grand miracle par le cantique connu
sous le nom de Benedicite, omnia opera Domini, Domino,
ANANIAS. Voir ANANIE. qui nous a ete conserve dans la partie deuterocanonique
du livre de Daniel, in, 52-90. Nabuchodonosor, frappe de
ANANIE, ANANIAS, hebreu : 'Ananydh, Jehovah ce prodige, maintint Ananie, Misael et Azarias dans le
couvre, protege, vouHananydh,Jehovah traite avec mi- gouvernement de la province de Babylone. Dan., in,97 (30).
sericorde; Septante : 'Ava\ii;. Voir HANANI, HANANIAS. Nous ne savons plus rien de 1'histoire d'Ananie; mais son
exemple devait etre fecond. Plus tard, le vieux Mathathias
1. ANANIE (hebreu : Hananydh), pretre, un de ceux mourant rappelait a Judas Machabee ct a ses frercs la
qui faisaient les parfums sacres. I Par., ix, 30. II rebatit fermete des compagnons de Daniel, pour exhorler ses
une partie des murs de Jerusalem a 1'e'poque de Nehemie. enfants a etre eux-meme fideles a leur Dieu et braver la
II Esdr., in, 8. persecution d'Antiochus Epiphune. I Mach., n, 59. Les
premiers Chretiens les representaient aussi, souvent,
2. ANANIE, pretre, ancetre d'Azarias, qui rebatit une au milieu des ilammes de la fournaise, dans les cata-
partie des murs de Jerusalem apres la captivite. II Esdr., cornbes, afin de s'exciter par leur exemple a confesser
HI, 23. genereusement leur foi devant les tribunaux romains.
3. ANANIE, pere d'Azarias, dont le nom fut pris 6. ANANIE, epoux de Saphirc. Ananie etait un chre-
par Fange Raphael lorsqu'il s'offrit pour accompagner le tien de la corninunaute primitive de Jerusalem, q u i , de
jeune Tobie a Rages. Tobie le pere, ayant demande a concert avec sa fenime Saphire, essaya de trompcr saint
1'ange, qu'il ne connaissait pas, de quelle famille et de Pierre sur le prix d'un champ qu'il avail vendu. Act.,
quelle tribu il etait, Raphael lui repondit: Je suis Aza- v, 2. II aurait pu, ainsi que le lui fait remarquer I'apolre,
rias, fils du grand Ananias. Tobie le pere lui repon- ne pas vendre son champ, et meme apres 1 avoir vendu
dit : Vous etes d'une race illustre. Tob., v, 16-19. en garder le prix tout entier; mais en feignant d'apporler
Nous ne savons rien de plus sur cet Ananie. Le texte a la cornmunaute tout le prix de vente, lorsque, au con-
grec ajoute seulement ces paroles placees dans la bouche traire, il en retenait une partie pour son propre usage, il
de Tobie le pere : J'ai connu Ananie et Jonathas, fils mentait non pas tant aux hommes qu'a Dieu. A 1'audition
du grand Sernei, quand nous allions ensemble adorer a des reproches de saint Pierre, Ananie tornba et expira. Des
Jerusalem. Tob. (Septante), v, 13. jeunes gens (vscotspo;, ceux qui probablement etaient
charges des besognes materielles de la cornmunaute par
4. ANANIE, nom d'un ancetre de Judith dans le opposition aux T;pscrg'jTpoi, charges des fonctions spiri-
Codex Sinaiticus. Judith, vin, 1. II ne se lit pas dans tuelles) se leverent, envelopperent le corps, et allerent
1'edition ordinaire des Septaute, non plus que dans la 1'ensevelir. Trois heures apres, le meme sort attcignit sa
Vulgate. fermne Saphire, complice de son crime, et convaincue do
511 A N A N I E , EPOUX DE SAPHIRE A N A N I E LE G R A N D PRETRE 542
mensonge par saint Pierre. L'apotre a-t-il voulu la mun parmi les Juifs, et les derniers mots du f . 12,
mort des deux coupables? C'est probable pour celle Act., xxn, prouvent qu'il etait de race Israelite. Observateur
d'Ananie, et certain pour celle de Saphire. zele de la loi, dvr,p s-ja-sSr]? XOCTGC TOV VOJJLOV, il avait I'estime
Le peche d'Ananie et de Saphire a ete double. Dans la de ses compatriotes etablis comme lui a Damas (fig. 134).
communaute primitive de Jerusalem les biens etaient com- Saint Paul observe, en effet, que tous rendaient temoignage
muns, Act., iv, 32; tous vendaient ce qu'ils possedaient a sa haute vertu. Act., xxn, 12. On ne voit pas cependant
et en livraient le prix aux Apotres, puis on distribuait a qu'il ait eu rang parmi les chefs de 1'Eglise naissante, et
chacun selon ses besoins. Act., v, 34, 35. Ananie et Saphire saint Chrysostome suppose qu'en recourant ainsi a un
voulurent participer aux biens de tous, sans livrer le leur simple disciple, nouveau - ne dans la foi, pour introduire
en entier; c'etait une injustice. En outre ils essayerent Paul dans 1'Eglise, Dieu voulut faire entendre que 1'Apotre
de tromper les Apotres, et mentirent ainsi a Dieu, qui des Gentils tenait, comme les Douze, sa mission de Jesus
inspirait ceux-ci. lui-meme, et non d'un des chefs officiels de la religion
Quelques rationalistes (Heinrichs, Nearider) ont explique nouvelle. Dans une vision, Ananie refut 1'ordre d'aller
134. Maison batie & Damas sur I'emplacement traditionnel de la maison d'Ananie.
cotte double mort par des causes naturelles : apoplexie, trouver Paul chez Judas, un Juif qui habitait la rue Droite
congestion cerebrale, emotion causee par la veneration de Damas, pour lui rendre la vue et lui communiquer le
dont etait entoure saint Pierre, simple evanouissement Saint-Esprit. Act., ix, 11-17. Apres un premier mouvement
suivi d'un ensevelissement precipite. Rien n'autorise de de frayeur, dont il fait naivement 1'aveu, en rappelant qui
pareilles suppositions; de 1'ensemble du recit il ressort etait Paul et ce qu'il avait fait jusqu'a ce jour, le disciple
clairement que 1'evenement a ete miraculeux. Comment alia vers celui qui n'etait plus a craindre pour 1'Eglise,
admettre d'ailleurs que cette double mort ait ete causee mais a utiliser. II le salua du nom de frere, lui re-vela ce
naturellement a quelques heures de distance par un que Dieu attendait de sa generosite, et, lui ayant impose
reproche de saint Pierre ? les mains, commenca par lui rendre miraculeusement la
D'autres (Baur, Holtzmann) croient que le recit a un lumiere du jour. Apres quoi il le baptisa, ayant ainsi la
fondement historique, mais qu'il a ete arrange. Anaoie gloire d'attacher a Jesus-Christ un disciple qui allait deve-
et Saphire auraient peri d'une facon inusitee, et cornme nir son plus vaillant champion. Josephe parle d'un Juif,
on avait a leuT reprocher des actes d'indelicatesse envers appele Ananie, qui faisaitdu proselytisme a la cour d'Izate,
la communaute, on aurait suppose que cette mort en roi d'Adiabene. II ne serait pas impossible que ce predi-
etait le chatiment. Les faits se seraient precises dans la cateur fut un Chretien, et peut-etre 1'Ananie qui avait
suite des temps. A une hypothese aussi gratuite on ne baptise Paul. Voir Le Camus, L'osuvre des Apotres, t. I,
peut repondre que par une fin de non-recevoir. Saint Luc p. 342. La tradition de 1'Eglise d'Orient fait d'Ananie le
a certainement voulu raconter un evenernent miraculeux. premier eveque de Damas et un martyr, mais elle n'est
Rien dans son recit n'est contradictoire ou impossible, si fondee sur rien de certain. E. LE CAMUS.
Ton adrnet le surnaturel. Cela doit suffire.
E. JACQUIER. 8. ANANIE ('Avavtac ou 'Avavsa chez Josephe, Jona-
7. ANANIE de Damas devint de tres bonne heure dis- than dans le Talmud), grand pretre juif. Ananie etait
ciple de 1'Evangile. Act., ix, 10. Son nom etait fort com- de 1'illustre farnille de Hanan et fils de IS'ebedee; Jl
543 ANANIE LE GRAND PRETRE ANATHEMATISER 544
fut connu surtout par ses immenses richesses et par son des Remains, au commencement de la revolte des Juifs,
extreme gloutonnerie. Nomme grand pretre en 48 par en 66 ou 67. Josephe, Ant. jud., XX, v, 2; vi, 2; ix, 2;
llerode de Chalcis, il conserva probablement la charge Bell. jud., II, xii, 6; xvn, 6, 9. E. JACQUIER.
jusqu'en 1'an 59, epoque a laquelle Agrippa II confera le
souverain pontifical a Ismael, fils de Phabi. Cependant ANANIEL (Septante : 'AvavivjX; de 1'hebreu : Hdndn
Josephe rapporte qu'en 55, le grand pretre Jonathan, fils et 'El, Dieu est bon, misericordieux ), grand-pere de
de Hanan, fut assassine par 1'ordre clu procurateur Clau- Tobie, dans le texte grec du livre de ce nom. Ananiel
dius Felix. Ce Jonathan est-il appele grand pretre etait fils d'Aduel et pere de Tobiel, qui cut pour fils Tobie.
(apxtspeu?), parce qu'il 1'etait au moment ou il pent, ou Tob., i, 1 (texte grec).
bien parce qu'il 1'avait ete vers 1'an 36 ? La reponse a cette
question pourrait nous expliquer les paroles de saint Paul, ANANUS ("Avavo?), forme du nom d'Anne, le grand
Act., xxm, 5, que nous discuterons plus loin. pretre, dans Josephe. Ant. jud., XX, ix, 1; Bell, jud.,
En 52, le grand pretre Ananie fut envoye enchaine a IV, in, 7. Voir ANNE 5.
Rome, avec son fils Hanan et Jonathan, par le proconsul
de Syrie, pour se justifier de la part qu'il avait prise dans 1. ANASTASE LE SINAITE (viPsiecle), quel'on
un conflit entre les Juifs et les Samaritains. Ces dorniers, a Fhabitude de confondre a tort, soit avec cet Anastase qui
soutenus par Cumanus, procurateur de Judee, et le tribun fut eveque d'Antioche de 559 a 598, soit avec cet autre
Celer, tous deux d'ailleurs compromis dans Faffaire, au- Anastase qui fut aussi eveque d'Antioche et successeur
raient gagne leur cause, si Agrippa II et Agrippine, femme du precedent (599-610), le premier, auteur de cinq dis-
de Fempereur, n'avaient obtenu de Claude qu'on fit tine cours, Dereclisdoymatibus veritatis, Pat. Gr., t. LXXXIX,
enquete, laquelle aboutit au triornphe d'Ananie et des Juifs. col. 1309-1361, et de quatre Orationes festales, ibid.,
En 53, le grand pretre Ananie assista au conseil ras- col. 1362-1398, le second, auteur d'une traduction
semble par le tribun Claudius Lysias pour savoir de quoi grecque du De cura pastorali du pape saint Gregoire, qui
etait accuse saint Paul, qui venait d'etre arrete au milieu ne nous est pas parvenue. Voir, sur ces deux Anas-
d'une emeute. DCS les premieres paroles de 1'Apotre, tase, Lequien, Oriens christianus, t. n, p. 734-738.
Ananie ordonna de le frapper au visage. Saint Paul lui Anastase le Sinaite est un auteur du milieu du vne siecle,
reproche vivement cet ordre illegal, et le traite de mu- contemporain de Jean, patriarche Jacobite d'Alexandrie.
raille blanchie . Cf. Matth., xxm, 27. Les assistants lui Lequien, ibid., p. 447. Moine dans un couvent du Sinai,
faisant observer qu'il injuriait le grand pretre, saint Paul il parait surtout s'etre fait connaitre comme controversiste,
repond qu'il ne savait pas qu'Ananie fut grand pretre. et par la publication de son Hodcgos, important traite de
Act., xxm, 2-6. theologie polemique centre les monophysites alexandrins,
Comment saint Paul a-t-il pu ignorer qu'Ananie etait Pat. Gr., t. LXXXIX, 35-310. On a aussi de lui un ouvrage
ou avait ete grand pretre? Rien n'indiquait a 1'Apotre la intitule Interrogations et responsiones de diversis capi-
qualite d'Ananie. II n'est pas dit que celui-ci presidat le tibus, repertoire de reponses, tirees des Peres, a une
Sanhedrin, fonction qui probablement d'ailleurs n'etait serie de difficultes dogmatiques, scripturaires ou morales,
pas reservee au grand pretre; en outre il ne portait pas Pat. Gr., t. LXXXIX, col. 311-824. C'est a cet Anastase le
un costume qui le distinguat des assistants. Et saint Paul, Sinaite que 1'on attribue, de preference au second Anastase
depuis sa conversion, ne faisait a Jerusalem que de rares d'Antioche (f 610), le traite sur 1'ceuvre des six jours, inti-
et courts sejours; ce n'etait pas Ananie qui lui avait tule Anagogicarum contemplalionum in Hexsemerum
autrefois delivre ses lettres de creance pour aller recher- libri xn ad Theophilum, t. LXXXIX, col. 851-1077; peu
cher les Chretiens de Damas, Act., ix, 1-2; les grands interessant pour la doctrine, mais beaucoup pour les
pretres a cette epoque se succedaient rapidement: tout citations d'auteurs anciens qu'il reriferme : Ambroise
autant de raisons qui expliquent la reponse de 1'Apotre. On d'Alexandrie, Amrnonius, Eustathe d'Antioche, saint Justin,
a fait remarquer aussi qu'Ananie pouvait bien n'etre plus Theodore d'Antioche, Theophile d'Antioche, Clement
en fonction a cette epoque. La scene se passa a son retour d'Alexandrie, saint Irenee, Pantene d'Alexandrie, Papias
de Rome, et il est possible que, destitue a cause des d'Hierapolis, Philon, Origene, etc. II est le soul ecrivain
accusations portees centre lui, on ne 1'ait pas retabli dans connu qui ait cite un apocryphe hebreu intitule Testa-
ses fonctions. Josephe ne mentionne la nomination d'au- mentum protoplastorum, ibid., col. 907. Notons enfin
cun grand pretre avant 59; mais la formule inusitee qu'il qu'il rapporte, col. 984, que Fevangile scion saint Matthieu
emploie (Ant. jud., XX, vm, 8) pour reloter 1'entree en a ete ecrit en hebreu et traduit, ou plutot remanie en
charge d'Ismael, le grand pretre nomme en 59, fait sup- grec, par saint Luc et saint Paul. Voir sur Anastase le
poser 1'intercalation d'un pontife entre Ananie et Ismael. Sinaite : Fabricius, Bibliotheca grseca, edit. Harless, t. x,
Les Actes des Apotres appellent Ananie ocp^ieps-j;; mais, p. 571-595, Kampfmuller, De Anastasio Sinaita disser-
comme on le verra a Farticle ANNE, ce terme ne designait tatio, Ratisbonne, 1865. P. BATIFFOL.
pas exclusivement le grand pretre en fonction; d'autres
personnages le recevaient. Le texte dit meme, Act., 2. ANASTASE Martin, savant benedictin de la congre-
xxn, 30, qu'on avait rassemble en conseil les ap-/ipi<; gation du Mont-Cassin. II prit 1'habit de son ordre a
et tout le Sanhedrin. Ananie pouvait done etre ap-/ipev; Palerme, d'ou il etait originaire, le 22 juillet 1595, et
parce qu'il avait ete grand pretre, et etre appele de ce mourut dans cette ville, en 1644. On a de lui : De mono-
nom, sans que saint Paul, presque toujours absent de gamia beatse Annse parentis Deiparse seu veritas vindl-
Jerusalem pendant le pontificat d'Ananie, sut qu'il avait cata, in-4, Inspruck, 1659; une Concordia quatnor Evan-
droit a ce titre. gelistarum, restee manuscrite, et divers autres ouvrages
Au chapitre xxiv, 1, on retrouve le grand pretre Ana- theologiques et historiques qui n'ont pas ete imprimes.
nie, descendanta Cesaree avec des anciens pour accuser
saint Paul aupres du procurateur Felix. Apres discussion, ANASTATIQUE, Anastica hierochuntina, nomscien-
1'affaire fut ajournee. tifique de la plante appelee vulgairement rose de Jericho.
Quoiqu'il ne flit plus grand pretre, Ananie, grace a ses Voir ROSE DE JERICHO.
richesses et a ses partisans, a la faveur des procurateurs
remains qu'il avait su gagner, exercait dans Jerusalem ANATH (hebreu : 'Andt, exaucement; Septante :
une autorite despotique. Josephe fait de ses violences et A-.va-/, 'Ava6), pere de Samgar, juge d'Israel. Jud., in, 31;
de ses iniquites un recit qui explique et confirme ce que v, 6.
racontent les Actes des Apotres, xxm, 2; Ant. jud., XX,
ix, 2. Ananie fut assassine par les sicaires, comme ami ANATHEMATISER. Voir ANATHEJIE, col. 548- 549.
545
ANATH&ME, mot grec employe par les Septante et dire, de plus herem. Le Seigneur ne pouvait obtenir le
les ecrivains du Nouveau Testament et qui a ete conserve but qu'il se proposait qu'en rendant responsable du herem
par la Vulgate latine, d'ou il est passe dans notre langue. le peuple entier, quand il supportait la violation des ordres
Le mot avaOEjia, d'ava et de 7(67)511, equivaut a TO dvcxTE- divins et ne la punissait pas rigoureusement; c'est pour-
Oeijxlvov, ce qui est place en haut, suspendu, et signifie quoi, Achan s'etant approprie, apres la prise de Jericho,
specialement, dans les ecrivains classiques, un objet con- a 1'insu de ses freres, des objets qui etaient herem, Israel
sacre a la divinite, et suspendu aux murs ou aux colonnes tout entier souffre du peche d'Achan, jusqu'a ce qu'il 1'ait
d'un temple, ou bien place dans un endroit remarquable, expie. Jos., vn, 1-26.
une sorte d'ex-voto. 11 est employe dans ce sens, II Mach., 2 Personnes et choses qui sont herem dans I'An-
ix, 16, ou Antiochus Epiphane mourant promet d'orner cien Testament. A) Peuples etrangers. Quelques-
xaMiffTot; ava6TJjj.aat (Vulgate : optimis donis) le temple uns des peuples idolatres auxquels Israel eut a faire la
de Jerusalem, qu'il avait auparavant depouille, ainsi que guerre furent herem ou voues a 1'anatheme et a 1'exter-
dans saint Luc, xxi, 5, parlant des objets offerts en don, qui mination. a) Dieu lui-meme declara herem les anciens
ornent ce meme temple. Voir aussi Judith, xvi, 19. Dans possesseurs de la Terre Promise et certaines tribus voi-
ces trois passages, dva6r,[j.a est ecrit avec un Y), au lieu sines, avec lesquelles il voulait empecher Israel de faire
d'un s, et c'est 1'orthographe ordinaire chez les auteurs alliance, pour qu'il ne fut pas entraine a 1'idolatrie par
classiques; mais, dans la Bible grecque, on trouve par- leurs pernicieux exemples. Quand Jehovah, ton Dieu,
tout ailleurs avaOejia, forme qui parait propre au dialecte te fera entrer dans la terre dont tu vas prendre posses-
hellenistique, et n'implique d'ailleurs aucune difference de sion , dit Moise a son peuple, et qu'il chassera devant toi
signification. Les manuscrits, au surplus, confondent assez des peuples nombreux, 1'Hetheen, le Gergeseen, 1'Amor-
frequemment les deux orthograpb.es. rheen, le Chananeen, le Pherezeen, 1'Heveen et le Jebu-
Le mot anatheme n'est employe dans son acception seen, sept peuples plus nombreux et plus forts que toi;
grecque d'objet offert a la divinite que dans Judith, xvi, 19 lorsque Jehovah te les livrera entre les mains et que tu
(Vulgate, 23); II Mach., ix, 16, et Luc, xxi, 5; dans les frapperas, tu les traiteras comme herem (haharem
toutes les autres parties de 1'Ancien et du Nouveau Tes- taharim; Vulgate : percuties eas usque ad internecio-
tament, il a une signification particuliere qui n'a qu'une nem)', tu ne feras pas alliance avec eux, tu ne leur feras
analogic eloignee avec sa signification primitive d'objet pas grace,... parce qu'il eloignerait de moi ton fils et lui
sacre ou consacre a Dieu ; il traduit 1'hebreu herem, pour ferait servir les dieux etrangers... Tu renverseras ses
lequel la langue grecque n'a aucune expression exacte- autels, tu briseras ses cippes (idolatriques), tu couperas
ment correspondante. Les Septante durent eprouver un ses 'aserim (symboles en bois de Baal), et tu bruleras ses
grand embarras, quand ils eurent a rendre dans leur ver- statues (d'idoles), parce que tu es un peuple saint (qddos,
sion cette expression hebraique, qui exprime une idee im- consacre) a Jehovah ton Dieu. Deut., vn, 1-6. Voir aussi
portante dans la religion juive, mais exclusivement semi- Deut., xx, 16-18. Nous apprenons par I Sam. (I Reg.),
tique. Ce qui leur parut sans doute s'en rapprocher le xv, 3, 18; cf. Deut., xxv, 17-19; que les Amalecites
plus, ce fut ava9s[j,a. Parce que, chez les paiens, ce mot etaient aussi herem (haharamtem, I Sam., xv, 3; Vul-
designait un don offert dans les temples aux faux dieux, gate : demolire) ; ce fut pour n'avoir pas detruit comple-
ils considererent sans doute ava9e[i.a comme une chose tement les ennemis d'Israe'l et tout ce qui leur apparte-
idolatrique, odieuse au vrai Dieu, et par consequent digne nait, ainsi que le prescrivait la loi du herem, et pour
de destruction et d'extermination; tel fut vraisemblable- avoir epargne le roi amalecite Agag et ce qu'il y avait de
mentle motif de leur choix. Quoi qu'il en soit, du reste, meilleur dans les troupeaux, I Reg., xv, 9, 15, que Saul
1'expression anatheme est vague dans nos langues. II fut rejete de Dieu comme roi. I Reg., xv, 10-23. II est
importe cependant d'en avoir une idee exacte pour 1'in- aussi question du herem dans les prophetes, pour divers
telligence d'un grand nombre de passages des Ecritures; peuples ennemis d'Israe'l. Is., xxxiv, 2; XLIII, 28; Jer.,
il faut done en preciser le sens dans 1'Ancien et dans le xxv, 9 (texte hebreu); Mai., iv, 6 (in, 24).
Nouveau Testament. b) Un peuple ou une ville pouvait devenir herem et etre
I. DANS L'ANCIEN TESTAMENT. 1 Notion du herem . vouee par consequent a 1'extermination par un voeu du
Pour comprendre le mot anatheme , nous devons peuple, sans que Dieu intervint directement. C'est ainsi
rechercher d'abord quelle est la veritable signification de qu'Israe'l, apres avoir ete battu par le roi chananeen Arad,
herem, dont il est 1'equivalent. Herem vient du verbe lors de son sejour dans le desert du Sinai, fit le voeu sui-
haram, retrancher, separer, maudire; il designe ce vant a Jehovah : Si tu livres ce peuple dans ma main,
qui est maudit et condamne a etre retranche ou extermine, je detruirai (haharamtl) ses villes. Num., xxi, 2. Et
soit une personne, soit une chose; par consequent, ce s'etant empare de Sephaath, la capitale d'Arad, il la detrui-
dont la possession ou 1'usage est interdit a 1'homme. II y sit, en effet, et 1'appela Horma (de herem), <s anatheme.
a opposition entre ce qui est saint (qodes) et ce qui est Num., xxi, 3; cf. Jud., I, 17. Voir aussi I Par., iv, 41
herem. Deut., vn, 2, 6 (texte hebreu). Ge qui est saint (texte hebreu).
peut etre offert a Dieu, sanctifie, consacre (hiqdls, II Sam. c) II faut remarquer cependant qu'il y avait des degres
(Reg.), vin, 11); mais ce qui est herem doit etre exter- dans 1'anatheme. 1 Lorsque le herem etait tout a fait
mine, et personne ne peut se 1'approprier, sous peine strict, tout devait etre extermine et detruit, hommes et
d'encourir lui-meme la malediction qui y est attachee. troupeaux; les villes devaient etre brulees; 1'or, 1'argent,
Tu ne feras pas entrer d'idole (fo'ebdh) dans ta maison, les vases de cuivre et de fer, devaient etre offerts a Jeho-
dit Dieu a son peuple, pour que tu ne sois pas anatheme vah ; mais les troupeaux qui avaient ete pris ne pouvaient
(herem) comme elle; tu la detesteras et tu 1'auras en lui etre offerts comme victimes. Jos., vi, 17, 19, 21, 24;
abomination, parce qu'elle est anatheme (herem). Deut., I Reg., xv, 21-22. La ville anathematisee ne devait pas etre
vii, 26. Si les habitants d'une ville d'Israe'l se livrent a rebatie, mais rester en ruines; Jos., vin, 28; quiconque
1'idolatrie, ils deviennent herem, comme la ville elle- essayerait de la reedifier n'echapperait pas a la vengeance
me"me, comme tout ce qu'elle renferme ; les autres Israe- divine, comme le montre 1'exemple de Jericho. Jos., vi,
lites doivent attaquer cette ville, la detruire avec ceux 17, 26; III Reg., xvi, 34. 2 Le herem pouvait etre
qui 1'habitent, sans en epargner les troupeaux, ni meme moins rigoureux et exiger seulement la mort des hommes,
les meubles qui seront brules et aneantis, afin que le Jos., x, 28-40; les troupeaux et les biens etaient con-
herem ne s'attache pas a Israel. Deut., xm, 12-17. Ces serves et partages comme butin; quelquefois les villes
prescriptions severes ont pour but d'inspirer aux enfants n'etaient point detruites ou pouvaient etre relevees, c'est
de Jacob la plus grande horreur pour les idoles, qui sont ce qui eut lieu dans la guerre centre Og et Sehon, a 1'est
ce qu'il y a de plus oppose a Dieu, et, si Ton peut ainsi du Jourdain, Deut., n, 32-35; in, 3-7, et centre divers
DICT. DE LA BIBLE. I. 20
547 ANATHEME 548
peuples de la terre de Chanaan. Jos., vm, 2, 24, 27; xi, II. DANS LE NOUVEAU TESTAMENT. 1 Le herem dans
10-15. 3 L'obligation de faire perir toutes les creatures le Nouveau Testament. Le fyerem s'attenue apres la
humairies etait elle-meme quelquefois adoucie, et les captivite de Babylone. Du temps d'Esdras, il n'entraine
jeunes fiiles etaient epargnees el partagees entre les vain- plus la mort, mais la perte des biens (yahoram kol-
queurs. C'est ainsi que sont conservees les vierges madia- rekuso) et 1'excommunication ou exclusion de 1'assem-
nites, Num., xxxi, 18, et les vierges de la tribu de Ben- blee des rideles. I Esdr., x, 8. La mort spirituelle est
jamin. Jud., xxi, 11-12. ainsi en quelque sorte substitute a la mort corporelle.
Les rigueurs du herem dans la guerre sont expresse- C'est la le chatiment du herem a 1'epoque de Notre-Sei-
ment justifiees dans 1'Ecriture, comme nous 1'avons vu, gneur. II en est plusieurs fois question dans 1'Evangile de
par la necessite de soustraire le peuple de Dieu a la con- saint Jean, ix, 22; xn, 42; xvi, 2; rnais celui qui est ainsi
tagion de 1'idolatrie. Deut., xx, 16-18. II faut, de plus, excommunie est designe par un nom nouveau, invente
observer que telle etait la loi de la guerre chez les Semites. par les Juifs hellenistes : auoauvaywyoi; (Vulgate : extra
Mesa, roi de Moab, dit dans la stele de Dibon (lignes 11 synagogam, Joa., ix, 22; e synagoga, Joa., xn, 42;
et 12) : J'assiegeai la ville (de Cariathaim), je la pris et absque synagogis, Joa., xvi. 42). Cette expression ne se
je fis perir tout le peuple qui etait dans la ville, spectacle lit pas dans les autres Evangiles, mais saint Luc, vi, 22,
(agreable) a Chamos, dieu de Moab. Voir MESA. Le fait aussi allusion a Fexclusion des synagogues et meme,
second Ih-re des Paralipomenes, xx, 23, nous dit expres- d'apres plusieurs interpretes, aux divers degres de J'ex-
sement que les Moabites et les Ammonites traiterent les communication juive.
habitants du mont Seir comme herem (lehaharim). Les Les rabbins, dans la suite des temps, distinguerent :
rois d'Assyrie faisaient de meme a 1'egard de leurs enne- 1 1'excommunication temporaire, appelee nidduy, sepa-
mis (lehatianma.in, II (IV) Reg., xix, 11; Is., xxxvn, 11; ration, qui durait trente jours. Elle n'etait pas accom-
heherimu, II Par., xxxii, 14); leurs inscriptions nous pagnee de maledictions. 2 Si, au bout du mois, le cou-
apprennent comment ils faisaient perir ceux qui tom- pable ne se repentait point, on prononcait ordinairement
baient entre leurs mains, et entreprenaient toutes leurs centre lui la seconde espece d'excommunication, aceom-
guerres en 1'honneur de leurs dieux. Tacite raconte, Ann., pagnee de maledictions, qui etait appelee simplement et
xiii, 57, qu'un usage analogue existait chez les Germains. plus specialement herem; les fideles devaient se separer
Voir aussi ce que dit Cesar des Gaulois. Bell, gall., vi, 17. de sa societe et s'abstenir de manger et de boire avec
Des coutumes plus ou moins semblables subsistent tou- lui. Cf. I Cor., v, 11; II Joa., 10-11. 3 Enfin, si le
jours chez les peuples dont les mceurs n'ont pas ete adou- pecheur perseverait dans son impenitence, il etait con-
cies par le christianisme, par exemple en Afrique. Voir damne a la peine la plus grave, nominee sammata',
le P. Marcot, Les missionnaires et I'esclavage au Soudan imprecation : c'etait 1'exclusion complete de la societe
francais, dans le Correspondant, 10 decembre 1891, p. 893. des fideles et 1'abandon de 1'endurci au jugement de
B) Israelites. Ce n'etaient pas seulement les per- Dieu et a la perte finale. Voir Elias Levita, Sepher Tisbi;
sonnes etrangeres au peuple de Dieu qui pouvaient etre Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 1304. Ces dis-
anathemes ; 1'Israelite pouvait, lui aussi, etre herem. tinctions techniques sont posterieures a 1'ere chretienne.
1 Les particuliers, les habitants d'une ville d'Israel et Dans le Talmud, on emploie encore les termes nidduy
la ville elle-meme devenaient anathemes , comme nous et Sammata' comme synonymes. Cependant deja du temps
Favons vu plus haut, s'ils s'abandonnaient au crime de de Notre-Seigneur, toutes les excommunications n'etaient
1'idolatrie, et ils devaient subir les consequences de leur pas egalement severes, et 1'on peut voir des degres divers
faute dans toute leur rigueur. Exod., xxil, 19 (yahoram; et une gradation ascendante dans les paroles de Jesus a
Vulgate : occidetur). Deut., xin, 12-17. 2 Celui qui s'ap- ses disciples, rapportees par saint Luc, vi, 22: Heureux
propriait un objet frappe d'anatheme encourait lui-meme serez-vous quand les hommes vous hairont, quand ils
le herem, et devait etre extermine, comme le fut Achan. vous excommunieront (vous separeront de leurs assern-
Jos., vu, 1, 13, 25. Cf. Deut., vu, 25-26; II Mach., xii, 40. blees, a9opi<rw(7(v), quand ils vous injurieront et rejette-
C) Animaux et objets inanimes. Les animaux et les ront votre nom comme mauvais a cause du. Fils de
objets inanimes pouvaient devenir anathemes par la 1'homme. Le Sauveur annonce aux siens, dans ce pas-
volonte d'un Israelite. Voici ce que nous apprend la loi sage, qu'ils ne seront pas seulement chasses des synago-
a ce sujet : Tout herem qu'un homme consacre (yaha- gues, mais qu'ils auront encore davantage a souffrir. Quel-
rim) a Jehovah (Vulgate : Omne quod Domino consecra- ques exegetes voient une allusion aux maledictions du
tur), de ce qui lui appartient, soit homme, soil animal, herem ou second degre de 1'excommunication juive dans
soil champ, qui est en sa possession, ne sera ni vendu ni les mots : Quand ils vous injurieront (6vi8t'c7w<7i) et
rachete; tout herem est sanctifie et appartient a Jehovah; rejetteront (exSa^wat) votre nom. Quoi qu'il en soit de
tout herem qu'un homme consacre (yahoram) ne sera ce point, il est certain qu'il y a des allusions aux degres
pas rachete, mais mourra. Lev., xxvn, 28-29. Le herem des excommunications juives dans Matth., xvm, 15-17. Cf.
provenant d'un Israelite n'etait done pas de meme nature II Thess., in, 14.
que le herem divin. Le champ ainsi anathematise appar- Dans ses Epitres, saint Paul parle deux fois d'un chati-
tenait aux pretres, Lev., xxvn, 21, de meme que d'autres ment qui consiste a etre livre a Satan . I Cor., v, 5;
objets qui etaient devenus herem. Num., xvm, 14: Tout I Tim., i, 20. On a vu dans ces expressions une allusion
herem (Vulgate : Omne quod ex voto reddiderint) en Israel a la plus grave des excommunications usitees chez les Juifs.
est a toi, dit Dieu a Aaron. Voir aussi Ezechiel, XLIV, 29, L'allusion est possible, mais 1'effet de 1'excommunication
qui reproduit mot a mot les paroles du texte original de apostolique est certainement different, d'apres le langage
Num., xvm, 14. meme de saint Paul. Les Juifs livraient I'excommunie a
Dans Ezechiel, XLIV, 29, la Vulgate traduit, comme aussi la perte finale, tandis que 1'Apotre borne sa sentence a
ailleurs, herem par a vceu , quoique le vo3u soit une la destruction de la chair , I Cor., v, 5, c'est-a-dire de
chose fort differente. Voir VCEU. Ailleurs elle rend herem la nature corrompue et depravee, afin que 1'esprit puisse
par consecration, consacre . Lev., xxvn, 28, 29. Elle etre sauve au jour du Seigneur Jesus, c'est-a-dire que
ne se sert done pas toujours du mot t anatheme pour le coupable se convertisse.
rendre le mot hebreu. suivant en cela 1'exemple des Sep- 2 Le mot anathematiser dans le Nouveau Testa-
tante. C'est que 1'hebreu herem est intraduisible d'une ment. Dans tous ces passages, on voit que 1'idee du
maniere exacte dans les langues occidentals, comme nous herem est restee, mais que le mot a disparu. Dans aucun
1'avons reraarque: de la la necessite de 1'exprimer tantot de ces cas, 1'expression anatheme n'est employee. Elle
d'une maniere et tantot d'une autre, selon les cas et les se rencontre cependant plusieurs fois dans le Nouveau Tes-
circonstances. tament, de meme que le verbe ava6e(iaTt?w, anathema-
549 ANATHfiME A N A T H O T H 550
tiser, qui est de creation biblique, et ne se rencontre que dans les canons des conciles : le concile d'Elvire, en
jamais chez les ecrivains profanes. Le verbe avaS^a-ci^w 303, can. 52; le concile de Laodicee, en 307, can. 29, se
se lit deja dans les Septante, ou il traduit le verbe hehe- servit de cette expression ; le concile de Nicee, en 325,
rim. Deut., xm, 15 (hebreu, 16); xx, 17 ; Jos., vi, 21, etc.; declare les ariens anathemes , etc. Yoir Suicer,
cf. I Mach., v, 5. En saint Marc, xiv, 71, il signifie affir- Thesaurus ecclesiasticus, aux mots 'AvaSqjia et 'A^opt-
mer avec imprecation qu'on dit la verite , et dans les ffiioc. 4 Reste un dernier passage dans lequel saint
Aetes, xxin, 12, 14, 21, s'obliger sous des peines graves Paul, ecrivant aux Remains, ix, 3, dit: Je desirais moi-
a faire quelque chose. Dans la Vulgate latine, anathe- merne etre anatheme pour mes freres, qui sont mes pro-
mati'are n'est employe que I Mach., v, 5, et Marc, xiv, 71; ches selon la chair. La plupart des Peres ont entendu ici
au livre dcs Actes, (ava6e[xa-:i) avaOenaTt'siv, xxin, 12, le mot anatheme dans le sens de rexcommunication, selon
H, 21, est traduit par se devovere. Saint Matthieu, xxvi, 74, 1'usage juif. Saint Jean Chrysostome et d'autres pensent
dans le passage parallele a celui de saint Marc, xiv, 71, qu'il s'agit d'une mort violente ou meme de la separation
porte dans le texti;c receptus : /.aTavaSsjiaT^w, ayant le finale, non pas de 1'amour, mais de la presence du Sau-
meme sens que ava6e(iaT^w ; les editions critiques de veur. Quelques-uns supposent que cette phrase est une
Griesbach, Lachmann, Tischendorf, lisent: x.aTa6Etj.a-(;w, parenthese, dans laquelle I'Apotre rappelle la haine qu'il
qui en est simplement une contraction. La Vulgate tra- a eprouvee d'abord contre le Christ. Tregelles, Account
duit : detestari. of the Greek text of the New Testament, p. 219. Cf. Polus,
3 Le mot anatheme dans le Nouveau Testament. Synopsis, in Rom., ix, 3. II est plus naturel d'expliquer
Quant au mot anatheme , nous avons deja vu que ainsi ce passage : J'avais une telle affection pour mes
saint Luc, xxi, 5, 1'a employe dans son sens veritable- freres les Juifs, que j'aurais consenti pour les sauver, si
merit grec de don offcrt a Dieu et consacre dans le c'eut ete possible, a souffrir moi-meme les plus grands
temple . G'est la seule ibis que nous le lisons dans les maux et la separation meme du Christ.
Evangiles. II se retrouve une autre fois dans les Actes, Saint Jean, dans 1'Apocalypse, xxu, 3, emploie un com-
xxin, 14, joint au verbe anathematiser , pour en aug- pose d'tivaOejAa, le mot y.aTavaSejxa, inconnu aux auteurs
rnenter la force : 'AvaSsfxati dvaGs^aitaa^ev, nous nous profanes. Plusieurs editions critiques du Nouveau Testa-
sommes engages sous peine d'anatheme. En dehors de ment, comme celles de Griesbach, Lachmann, Tischen-
ces deux passages, le terme d'anatheme ne se rencontre dorf, lisent par contraction xaTc^ejAa. Le sens est le meme
que dans les Epitres de saint Paul. 1 L'Apotre declare que celui d'anatheme. Dans la Jerusalem celeste, il n'y
anatheme , c'est-a-dire execre et execrable et voue aux aura plus d'anatheme, de malediction, de ficrem.
plus severes chatiments, et peut-etre excommunie de 1'as- F. VlGOUROUX.
sernblee des fideles, celui qui precherait un autre Evan- ANATHOTH, hebreu : 'Andtot, prieres exaucees;
gile que le sien. Gal., I, 8, 9. 2 Dans la premiere Septante : 'Ava6w6.
Epitre aux Corinthicns, xii, 3, saint Paul ecrit : Per-
sonne, parlant dans 1'Esprit de Dieu, ne dit anatheme a 1. ANATHOTH, fils de Bechor, Benjamite. I Par.,vii,8.
Jesus, c'est-a-dire ne le maudit. Ge n'est pas une allu- Peut-etre le fondateur de la ville d'Anathoth.
sion a une sentence judiciaire prononcee par les autorites
juives centre le Sauveur, mais a 1'usage oriental, atteste 2. ANATHOTH, un des chefs du peuple qui signerent
par les ecrits rabbiriiques, d'accompagner, dans la con- avec Nehemie le renouvellement de 1'alliance. II Esdr.,
versation, de termes d'imprecation et de malediction, le x, 19.
nom d'un personnage odieux, de meme que, lorsqu'on
prononcait un nom venere, on le couvrait de benedictions : 3. ANATHOTH, ville de la tribu de Benjamin, attribute,
Le Christ,... beni (s-JAoyeTo?) dans tous les siecles. avec ses faubourgs, aux pretres, Jos., xxi, 18 ; I Par., vi,
Amen. Rom., ix, 5, etc. 3 A la fin de la meme 60; III Reg., 11, 26 : elle est omise dans la liste de Jos.,
Epitre, saint Paul dit : Si quelqu'un n'aime pas Notre- xvin, 12-28. C'est probablement Y'Anat/i du Talmud de
Seigneur Jesus-Christ, qu'il soit anatheme, maran atha. Babylone, Yoma, 10 a, batie par le geant Ahiman. Cf.
'AvaOefJUx jxapav aOa. I Cor., xvi, 22. Les mots maran et A. Neubauer, La geor/rap/iie du Talmud, Paris, 1868,
at/ia sontarameens et signifient: Notre-Seigneur vient. p. 154. Elle se trouvait non loin de la grande route qui, du
D'apres quelques commentateurs, cette locution serait nord, se dirigeait vers Jerusalem, au-dessous de Machinas
equivalente a la forme d'excornniunication la plus severe (Moukhmas), et de Rama (Er-Ram). Is., x, 28-30. Josephe
en usage chez les Juifs, au sainmatd'', parce qu'ils sup- evalue a vingt stades (3 kilorn. 699 metres) la distance
posent que 1'arameen mdrdn 'atd' est 1'equivalent de sem qui la separait de la Ville Sainte. Ant, jud., X, v n , 3.
'atd', le nom (de Jehovah) vient. Mais c'est la une Eusebe est plus pros de la verite en donnant le chifl're de
pure conjecture qui ne repose sur nen de solide : il est trois rnilles (4 kilom. 445 metres), c'est-a-dire vingt-
fort douteux que I'excomniunication appelee sammatd' quatre stades. Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 222.
fiit deja usitee du temps de saint Paul; le motsammala' Saint Jerome, dans son Commentaire sur Jeremie, t. xxiv,
n'a jamais ete expli([iie' de cette maniere par les ecrivains col. 682, precise encore la position de cette ville en 1'in-
juifs (voir Buxtorf, Lexicon talmiidicum, col. 2466) et la diquant au nord de Jerusalem .
phrase maran atha ne se trouve dans aucun ecrivain Tous ces details confirment 1'opmion commune qui
rabbinique. Cf. Lightfoot, Horx hcbraicse et talmudicx, identifie Anathoth avec 'Anata, localite situee a une heure
in I Cor., xvi, 22. Voir MARAN ATHA. Quoi qu'il en soit, de marche au nord-nord-est de Jerusalem. Voir la carte
du reste, de la raison pour laquelle I'Apotre a employe de la tribu de BENJAMIN. C'est actuellement un petit
ces mots arameens dans son Epitre, le mot anatheme village de deux cents habitants, place sur une colline
dusigne ici, d'apres les tins, 1'excommunication ou 1'ex- elevee (fig. 135). Une dizaine de maisons ont ete recem-
clusion de 1'Eglise chretienne, et d'apres les autres, avec ment construites ; d'autres, tres delabrees, ont ete baties
plus de vraisernblance, il est simplement 1'expression de en partie avec des materiaux antiques, trouves certaine-
1'horreur qu'on doit eprouver pour celui qui n'aime pas ment sur place. Des citernes, des caveaux creuses dans le
le Sauveur. Nous devons d'ailleurs observer que, quoique roc et quelques troncons de colonnes proviennent egale-
la signification expresse d'excommunication, attachee au ment de 1'ancienne cite a laquelle Anata a succede, et
mot anatheme >i, ne soit pas rigoureuseinent etablie dont le nom survit dans la denomination actuelle.
dans la langue du Nouveau Testament, ce sens lui fut V. Guerin, Description de la Palestine, Judee, t. in, p. 76.
donne dans la primitive Eglise, comme nous le voyons Anata semble avoir ete autrefois une ville fortifiee, dont
dans les Canons apostoliques, dans saint Jean Chrysos- il reste encore quelques pans de murailles batis avec de
tome, dans Theodoret et dans d'autres Peres grecs, ainsi larges pierres taillees. Des champs cultives, des figuiers
551 ANATHOTH ANCESS! 552
et des oliviers epars ca et la couvrent le sommet et les ville fut repeuplee par les hommes d'Anathoth, au nombre
flancs de la colline. De ce point, la vue s'etend sur tout le de cent vingt-huit . I Esdr., n, 23; II Esdr., vir, 27.
versant oriental du district montagneux de Benjamin, A. LEGENDRE.
jusqu'a la vallee du Jourdain et la pointe septentrionale ANATHOTHBA (hebreu : 'Antotiydh, prieres exau-
de la mer Morte. C'est toute la region mentionnee par cees de Jehovah; Septante : 'Ava0o>9 xcu 'IaO:v), Benja-
Isa'ie, x, 28-32, quand il decrit la marche des Assyriens mite, fils de Sesac. I Par., vui, 24.
vers Jerusalem, c'est-a-dire une suite de profondes vallees
courant, vers Test, entre les larges sommets de plateaux ANATHOTHITE (hebreu : Hd'antoti; Septante :
inegaux. Cf. E. Robinson, Biblical researches in Pales- o 'Ava9w6t, 6 = 'AvaOwO), habitant d'Anathoth. I Par.,
tine, Londres, 1856, t. i, p. 437-438. xi, 28; xii, 3; xxvu, 12; Jer., xxrx, 27.
Anathoth doit surtout sa celebrite au nom de Jeremie,
dont elle fut le berceau. Jer., i, 1. Avant lui, elle avail vu ANCESSI Victor Antoine, orientaliste francais, ne a
naitre Abiezer, Tun des trente heros (yibborim) de David, Saint-Affrique (Aveyron), le 16 aoiit 1844, mort dans cette
II Reg., xxm, 27,1 Par., xi, 28, et Jehu, Fun des vaillants ville, le 12 decembre 1878. Issu d'une famille tres chre-
hommes qui s'attacherent a ce prince fuyant devant Saul, tienne, apres avoir fait ses etudes au college des jesuites,
et qui contribuerent a ses succes militaires. I Par., xn, 3. dans sa ville natale, il resolut de suivre 1'exemple de trois
Le grand pretre Abiathar etait de la meme ville, et c'est la, de ses oncles qui ctaient pretres, et d'embrasser 1'etat
dans le domaine de sa famille, quo Salomon le relegua, ccclesiastique. II entra au seminaire de Saint-Sulpice, en
apres 1'avoir depose, pour le punir d'avoir favorise le parti 1863, et s'y livra bientot avec ardeur a Fetude des langues
d'Adonias. Ill Reg., n, 26, 27. Isa'ie, decrivant la marche orientales, sous la direction de M. Le Hir. Quand il cut
des armees assyriennes sur Jerusalem, mentionne Ana- recu Fordination sacerdotale, il partit, en 1869, pour
thoth, qu'il appelle la pauvre dans un sentiment de 1'Egypte, oii il passa une annee, eludiant sur place les
commiseration pour le sort qui 1'attend. Is., x, 30. Jere- monuments egyptiens dans leurs rapports avec la Bible.
mie fut en butte a la haine de ses compatriotes : comme De retour a Paris, il fut d'abord vicaire a Saint-Etienne-
ils ne voulaient pas croire a ses predictions, il les menaca du-Mont; puis, a la fin de 1874, chapelain de Sainte-
de la colere divine, qui devait les visiter au jour de sa Genevieve. II se livra au travail avec une ardeur infati-
furcur, annoncant que les jeunes gens periraient par le gable. Malheureusement ses forces le trahirenl; il fut
glaive; que leurs fils et leurs lilies mourraient de faim. oblige, en 1877, de se retirer dans sa famille, ct il y mou-
Jer., xi, 21-23. Pendant le siege de Jerusalem, le prophete rut 1'annee suivante. La vivacite de son esprit, Forigina-
recut de Dieu 1'ordre de rachcter, conformement a la loi lite de ses vues, 1'etendue de ses connaissances linguis-
mosaique, le champ de son cousin Hanameel, a Anathoth. tiques et archeologiques sont attestees par plusieurs publi-
Apres avoir redige le contrat de vente, qui fut scelle en cations de valeur, qui font vivement regretter sa fin pre-
presence de temoins, il le remit a Baruch en lui disant : maturee : L'Eyypte et Mo'ise. Les velements du grand
Voici ce que dit le Seigneur des armees, Dieu d'Israel : pretre et des levites, le sacrifice des colombes, d'apres
Prends ces actes, ce contrat d'acquisition qui est cachete, les peintures et les monuments egyptiens contemporains
et cet autre qui est ouvert, et depose-les dans un vase de de Mo'ise, in-8, Paris, 1875; Atlas bibliqite pour Vetude
terre, afin qu'ils puissent se conserver longternps. Ayant de VAncien et dit, Noiiveau Testament, vingt cartes en
ainsi predit la longue duree de 1'exil, il ajoute, pour annon- plusieurs couleurs, et vingt planclies arclieologiques avec
cer le retour certain de la captivite : Car voici ce que dictionnaire special pour chaque partie, in-4, Paris,
dit le Seigneur des armees, Dieu d'Israel : On possedera 1876; Job et 1'Egypte, le Redempteuret la vie future dans
encore des maisons, des champs et des vignes en cetle les civilisations primitives, in-8, Paris, 1877. M. 1'abhe
terre, Jer., xxxn, 6-15. Et en effet, a la fin de 1'exil, la Ancessi a aussi publie des etudes remarquables de lin-
553 ANCESSI ANCIENS 554
guistique dans les Actes de la Societe philologique: Etudes mie, par Joiada, fils de Phasca, et par Mosollam, fils de
de grammaire comparee. L'S causatif et le theme M Besodia. II Esdr., in, 6. Elle est appelee Ancienne, sans
dans les langues de Sem et de Cham, t. in, 1873-1874, doute parce qu'il y avait eu autrefois une porte de la ville
p. 51-148; La loi fondamentale de la formation bilitere; a 1'endroit ou elle fut reconstruite. Plusieurs 1'identifient
les adformantes dans les langues semitiques, ibid., 1874, avec la porte qui est appelee Porte de Benjamin , Jer.,
t. iv, p. 1-72; Le theme M dans les langues de Sem et xxxvii, 12; xxxvm, 7; Zach., xiv, 10. La porte Ancienne
de Cham, ibid., p. 95-144. F. VIGOUROUX. est nommee une seconde fois, II Esdr., xn, 38 (39), dans
la description de la procession solennelle qui fut faite a
1. ANCIEN DES JOURS, nom donne a Dieu par 1'occasion de la dedicace des murs de Jerusalem. Cette
Daniel, vn, 9. Je regardais, dit le prophete dans une de porte etait situee au nord de la ville. Voir JERUSALEM.
3. ANCIENS (hebreu: zeqenim, vieillards; Septante :
7rpa6uTEpoi; Vulgate : seniores ou majores natu). Ce mot
n'implique pas seulement Tidee de grand age. Cf. VIEIL-
LARDS. II s'applique, dans la Bible, a une classe de per-
sonnages investis d'une autorite plus ou moins etendue,
suivant les epoques. En ce sens, le titre d'ancien est d'ori-
gine patriarcale : 1'aieul etait le chef naturel de la famille
qui se developpait autour de lui. Quand plusieurs families
patriarcales furent amenees a se reunir, les chefs de ces
families formerent un conseil d'ancieris. Les interets com-
muns etaient ainsi mis sous la sauvegarde de la sagesse,
de 1'experience, de la maturite des vieillards, et les deci-
sions de ces derniers etaient acceptees avec respect. Bien-
tot cependant, surtout lorsque le contact avec d'autres
societes civiles eut amene des luttes pour la preeminence
ou pour la possession des territoires, ce ne furent plus
les vieillards qui durent etre juges les plus aptes a gerer
les affaires publiques. On dut leur preferer des hommes
d'un age mur, mais n'ayant rien perdu de la vigueur
qu'on regardait comme offrant plus de garanties pour le
maintien et le developpement de la prosperite sociale. Le
terme primitif ne fut pas moins conserve, surtout sous
la forme collective yspovaia, Tipeagutixov, en latin senatus,
pour designer soit 1'assemblee des chefs qui administraient
la cite, soit un conseil officiel dont ils avaient a prendre
1'avis dans les affaires d'une grande gravite. De Smedt,
Congres scientifique des catholiques, 1889, t. n, p. 303.
Sous le nom A'anciens, 1'idee d'autorite se substitua done
assez vite a celle de vieillesse. Ce titre designs deja une
fonction chez les Egyptiens, Gen., xxiv, 2; L, 7; chez les
Moabites et les Madianites, Num., xxn, 4, 7, etc.
I. HlSTOIRE DES ANCIEKS DANS L'ANCIEN TESTAMENT.
1 Depuis I'epoque patriarcale jusqu'a I'epoque des
rois. Sous le gouvernement des pharaons, les Hebreux
avaient conserve et developpe leur organisation patriarcale.
136. Dans la terre de Gessen, ils avaient des anciens qui exer-
caient 1'autorite sur le peuple, et aupres desquels le Sei-
ses visions, jusqu'a ceque des trones furent places, et 1'An- gneur envoya Moise, quand il lui imposa sa mission.
cien des jours (chaldeen : 'Atiq yomin, Septante: IlaXaibc Exod., in, 16; iv, 29; xn, 21. La tradition juive croyait
Y)[j.pwv ; Vulgate : Antiquus dierum) s'assit; son vete- que ce corps d'anciens etait officiellement constitue; c'est
ment etait blanc comme la neige et les cheveux de sa pourquoi les Septante emploient dans les deux premiers
tele comme de la laine mondee, c'est-a-dire sans doute passages le mot yepouat'a, senat. Au desert, les anciens
semblables aux cheveux des grands personnages chal- furent comme les representants du peuple et les inter-
deens, qui etaient bien peignes et frises comme de la mediaires entre Moise et la multitude. Ils sont appeles
laine (fig. 136). L'Ancien des jours est nomme encore pour etre temoins des miracles, Exod., xvn, 6, inter-
Dan., vn, 13, 22. Le titre que le prophete donne a Dieu viennent dans certains sacrifices, Levit., iv, 15, et sont
dans cette vision ou il nous montre la fragilite et la cadu- comme un moyen de communication entre Moise et les
cite des plus grands empires du monde, convient parfai- tribus. Exod., xix, 7. Cependant ils ne paraissent point
tement au Maitre eternel qui regne sans commence- exercer une grande autorite, car tous les differends sont
ment ni fin. Assis sur son trone, il assiste a toutes les portes devant Moise, au point de 1'accabler. C'est alors
revolutions qui bouleversent la terre; il confie son pou- que sur le conseil de Jethro, son beau-pere, le legis-
voir au Fils de 1'homme , le Messie, et il prononce lateur etablit des juges a la tete de mille, de cent, de
sans appel des jugements auxquels les plus puissants mo- cinquante et de dix chefs de famille, pour rendre la justice
narques eux-memes doivent se soumettre. Dan., vn, 13-14, dans les cas ordinaires. Beaucoup de ces juges furent natu-
22, 26. La description graphique de Daniel peint si bien rellement choisis parmi les anciens. Ceux-ci subsisterent
le Pere eternel, que 1'art Chretien s'en est empare pour cependant avec leur nom et leurs attributions d'autrefois;
representer la premiere personne de la Sainte Trinite. ainsi, sur le point de remonter au Sinai, Moise ordonne
que soixante-dix anciens accompagnent Aaron et ses fils
2. ANCIENNE (PORTE). Hebreu : sa'ar yesdndh; Sep- sur le flanc de la montagne, et s'y mettent en adoration.
tante : TciiXr) caffavai:; Vulgate iporta Veins, II Esdr., in, 6; Exod., xxiv, 1.
porta Antiqua, II Esdr., xn, 38 (hebreu, 39). Porte de la C'est un peu plus tard seulement que le Seigneur com-
ville de Jerusalem qui fut construite, du temps de Nehe- mande a Moise de rassembler soixante-dix hommes parmi
555 ANGIENS 556
les anciens d'Israel; ils doivent efre des anciens du avaient pas moins une reelle influence, capable d'attenuer
peuple et des maitres , et ils sent destines a recevoir dans bien des cas le mauvais effet des exemples donnes
1'esprit de Moise, pour soutenir avec lui le fardeau du par les rois impies, et c'est pour n'avoir pas toujours
peuple. L'esprit divin leur est en efFet communique, et exerce cette influence salutaire qu'ils sont pris a partie par
ils prophetisent , c'est-a-dire recoivent le pouvoir et la les prophetes. Is., in, 14; Jer., xix, \; Ezech., vii, 26;
grace de parler et d'agir au nom du Seigneur. Num., xi, vm, 12. C'est dans ce dernier passage que le prophets
16, 17, 24-30. Ils deviennent ainsi les organes officiels du montre les anciens du peuple reunis clandestinement dans
gouvernement theocratique. A partir de ce moment, le une salle du temple pour adorer des images idolatriques.
conseil des soixante-dix anciens connait de toutes les Pendant la captivite, les anciens continuezit a 1'etranger
affaires qui interessent 1'ensemble de la nation, Num., leurs fonctions habituelles vis-a-vis de leurs compatriotes,
xvi, 25; Levit., ix, 1, et il commande de concert avec autant du moins que les circonstances le permettent. Jer.,
Moise. Deut., xxvn, 1. Le pouvoir confere aux soixante- xxix, 1; Dan., xm, 5, 41. Au retour, ils president a la
dix etait a vie. Ils continuerent done leurs fonctions sous construction du temple, I Esdr., v, 5; vi, 14, et com-
Josue, Jos., vii, 6; vm, 10, 33, et garderent leur pre- mandent au peuple conjointement avec le scribe Esdras.
seance sur toutes les autres autorites. Jos., xxin, 2; I Esdr., x, 8. Mais 1'organisation reste flottante. Esdras,
xxiv, 1. Ceux qui survecurent au conquerant contri- qui avait tant de choses a restaurer, ne parait pas s'etre
buerent puissamment a maintemr le peuple dans la fide- preoccupe de reconstituer le conseil national des anciens.
lite. Jos., xxiv, 31; Jud., n, 7. II n'y a point trace d'une II etablit seulement la grande Synagogue, dont les mem-
transmission de leur pouvoir theocratique a des succes- bres, de competence exclusivement theologique, n'avaient
seurs. Le role de ce conseil avait ete temporaire, et s'etait aucune attribution administrative ou politique. Encore
exerce seulement pendant que tout le peuple etait reuni 1'existence de cette grande Synagogue est-elle contestee;
pour la marche dans le desert et pour la conquete de la il n'en est fait mention ni dans les livres posterieurs de
Terre Promise. Comme il n'etait point dans les desseins la Dible, ni dans les ecrits de 1'historien Josephe. Les
de Dieu qu'immediatement apres la conquete le pouvoir Talmudistes sont les premiers a en parler, et on peut les
fut centralise dans les memes mains, le conseil des soi- soupconner d'avoir voulu donner plus d'autorite a leurs
xante-dix n'avait plus de raison d'etre. traditions, en imaginant un corps constitue par Esdras
Mais des cette epoque se dessine 1'organisation du corps pour les fixer.
des anciens, telle qu'elle se perpetuera jusqu'au temps du D'Esdras aux Machabees (433-177), 1'histoire biblique
Messie. Cette organisation, suggeree par la nature meme fait defaut. Pendant cette periode, le corps des anciens
des choses, est celle qui se retrouve sous des noms et des prit certainement plus de consistance; car, au rapport de
formes diverses chez tous les peuples sedentaires, et qui Josephe, Ant.jud., XII, in, 3, il y avait une yepouata chez
existe chez nous sous les noms de conseils municipaux, les Juifs sous Antiochus Epiphane (176-163). Le fils de ce
conseils generaux et parlement. Les attributions, le mode persecuteur, Antiochus Eupator (163), ecrivit une lettre
de nomination, la duree des pouvoirs, etc., ont varie T?J yepouaia TWV 'louSafwv, au senat des Juifs, II Mach.,
suivant les temps et les pays; mais ces trois degres de xi, 27. Sous les Seleucides, ce senat ne dut avoir qu'une
pouvoir collectif ont lonctionne presque partout, et en autorite precaire. Les anciens neanmoins coopererent avec
particulier chez les Israelites. II y a un conseil d'anciens les princes asmoneens a I'anranchissement de la nation.
dans les villes. Deut., xix, 12; xxi, 3; xxn, 15, etc.; I Mach., I, 27; xi, 23. Quand Jonathas fut vainqueur, ils
Jos., xx, 4; Jud., vm, 14; Ruth, iv, 2; I Reg., xi, 3; devinrent a ses cotes ?) yepouaca TOU eOvou;, le senat de la
III Reg., xxi, 8; IV Reg., x, 1; Judith, vi, 12; I Esdr., nation, et en cette qualite negocierent des alliances im-
x, 14. Ainsi, les anciens qui sont a la tete des villes sont portantes. I Mach., xn, 6; II Mach., i, 10; iv, 44. Cette
signales a toutes les epoques, meme apres la captivite. yepouai'a n'etait autre que le sanhedrin. Voir SANHEDRIN.
Au temps de Notre-Seigneur, ils sont representes par ces Les anciens qui en faisaient partie etaient pretres ou
dp^iffuvaycoyot, chefs de synagogues qui, au nombre laiques, mais en tout cas de haute competence sur toutes
de trois, president la synagogue jusque dans les moindres les questions qui interessaient les destinees politiques et
villages, par ces npeo-guTepot TWV 'lovSac'wv, anciens des religieuses de la nation.
Juits, que le centurion de Capharnaiim envoie au Sauveur, II. LES ANCIENS DANS LE NotTVEAU TESTAMENT.
pour demander la guerison de son serviteur, Luc., vn, 3, 1 Dans les Evangiles. Quand 1'Idumeen Herode usurpa
et par cet ap^wv, chef, qui en Peree vient interroger le trone des princes asmoneens, la plupart des anciens du
Notre-Seigneur. Luc., xvni, 18. sanhedrin furent mis a mort et remplaces par d'autres
D'autres anciens sont a la tete des tribus, Deut., xxix, 10; plus complaisants. Ceux-ci et leurs successeurs parta-
xxxi, 28; I Reg., xxx, 26, etc., et a 1'epoque meme des gerent les destinees de ce sanhedrin amoindri, tenu en
Machabees, quand les tribus sont depuis longtemps melan- tutelle par les Herodes, puis par les procurateurs remains,
gees geographiquement, on retrouve des TrpEcrSikepcu T/I? et reduit a discuter les subtilites pharisaiques qui avaient
ywpa?, anciens de la region, distincts des princes du remplace pour lui les grandes questions politiques et reli-
peuple. I Mach., xiv, 28. gieuses en vue desquelles il avait ete institue. Les anciens
2 Depuis les rois jusqu'a Jesus-Christ. De Josue dont parle si souvent 1'Evangile composaient la plus grande
a Samuel, il n'y a point trace de conseil succedant a celui partie du sanhedrin, et y siegeaient avec les grands pretres
des soixante-dix anciens de Moise. Mais, des le debut, les et les scribes. Ils etaient recrutes parmi les chefs de
livres de Samuel, ou premiers livres des Rois, mentionnent families riches et influentes. Mais comme leur nomination
des anciens d'Israel , qui ensuite semblent bien cons- dependait pratiquement des grands pretres, ces derniers
tituer un corps jouissant d'un caractere officiel et agissant s'efforQaient de n'introduire dans le sanhedrin que des
au nom de toute la nation. I Reg., iv, 3; xv,30; II Reg., anciens appartenant comme eux a la secte materialiste
n, 17; v, 3; xvn, 4, 15; I Par., xi, 3; xv, 25; II Par., des Sadduceens. Toutes les fois qu'il est question d'anciens
v, 2, etc. Ce sont ces anciens d'Israel qui prennent 1'ini- dans 1'Evangile (sauf un seul passage de saint Luc, vii, 3),
tiative de demander un roi a Samuel. I Reg., vm, 4. il s'agit de membres du sanhedrin, dont il a ete parle
Plus tard, ils forment un conseil aupres du roi, III Reg., plus haut ,1,1. Ils se montrerent opiniatrement hostiles
vm, 1; xii, 6, et il y a dans le palais royal une salle a Notre-Seigneur, et pousserent racharnement jusqu'a le
afiectee a leurs reunions. I Par., xxvi, 15. Les details font condamner a mort, au mepris de toutes les conditions de
absolument deiaut sur leur mode de recrutement et sur fond et de forme requises par le droit naturel et le droit
1'etendue de leurs pouvoirs. Ces pouvoirs ont naturellement positif. Nicodeme et Joseph d'Arimathie, qui s'illustrerent
varie avec les epoques et les circonstances; sous la royaute, par leur courage et leur piete au moment de la sepulture
ils ont du etre singulierement amoindris. Les anciens n'en du Sauveur, faisaient partie du sanhedrin, selon toute
557 ANCIENS ANCRE 558
probability, a titre d'anciens. II est a croire qu'ils ne furent ANCRE (ayxvpa, anchora). On appelle ainsi 1'ins-
convoques ni Tun ni 1'autre a la seance dans laquelle trument de fer, a un ou plusieurs crochets, qu'on laisse
Notre-Seigneur fut condamne a mort. Ils n'auraient pas tomber, a 1'aide d'un cable, au fond de 1'eau, pour retenir
manque de faire entendre une protestation dont 1'Evan- les navires. Les Hebreux ne furent jamais un peuple de
gile eut garde le souvenir. uavigateurs; cependant les choses de la mer occupent
2 Dans les Actes et les Epitres. Le Nouveau Testa- une certaine place dans leur litterature, et si 1'Ancien
ment reservait a la dignite d'ancien des destinees plus Testament ne mentionne nulle part les ancres, c'est moins
glorieuses. L'Eglise, des sa naissance, a des Trpso-guTepou?, peut-etre parce que 1'occasion ne s'en est pas presentee,
seniores ou majores natu. Act., xi, 30; xv, 4, 6; xx, 17, que parce que cet instrument n'etait pas encore invente.
etc. Mais ce sont des chefs spirituels remplissant les fonc- Dans Homere il n'est question que des euvac, c'est-a-
tions sacrees : ils prennent part au concile de Jerusalem et dire de ces pierres qui par leur poids servaient a fixer
promulguent le decret avec les Apotres, Act., xv, 23, 41, les navires. Longtemps aussi les Pheniciens employerent
ils administrent les sacrements, Jac., v, 14, dirigent les de simples objets pesants dans le meme but. L'ancre i
eglises particulieres, Tit., i, 5, etc. En un mot, ce sont une seule dent d'abord, cf. Pollux, i, 9, puis a deux
despretres, par consequent des ministres sacres dont les bras (OC^ICTTOHOC) , parait etre une invention des Grecs.
fonctions sont bien differentes de celles des anciens. Voir Dans 1'hebreu postbiblique, il n'y a pas non plus de nom
PRETRES. semitique pour 1'ancre ; le 'uggin de la Mischna, Babd
3 Dans I'Apocalypse. Vingt-quatre vieillards ou bathra, v, 1, comme le 'uqinos et 'uqind de la version
anciens occupent des trones dans le ciel autour du trone syriaque, ne sont que des transcriptions du grec 6'yxv),
de 1'Agneau, Apoc., iv, 4; xix, 4. Ils se prosternent devant 6'yxtvo;, crochet. Dans le Nouveau Testament il est fait
lui, et offrent dans des coupes d'or les prieres des saints, mention de 1'ancre en deux passages : dans 1'un, au sens
v, 8. L'un d'eux parle a saint Jean pour lui expliquer ce
qu'il a sous les yeux, v, 5; vn, 13. La cite celeste est
concue par 1'ecrivain sacre a 1'image de la cite terrestre.
II est done naturel que le Roi du ciel ait autour de lui
des anciens. Ces anciens sont des Trpeagy-repoe, a la fois
vieillards et pretres, comme Findiquent la place qu'ils
occupent et les fonctions qu'ils remplissent. Ils repre-
sentent en general la totalite des elus, et plus speciale-
ment les douze patriarches, chefs des douze tribus de
1'ancien peuple, et les douze Apotres, chefs du peuple
nouveau. Apoc., xxi, 12-14. H. LESETRE.
4. ANCIEN TESTAMENT, nom donne, par opposition
au Nouveau Testament : 1 a 1'ancienne loi et a 1'histoire
du peuple de Dieu avant la venue du Messie ; 2 aux livres
inspires et canoniques anterieurs a Jesus-Christ. Voir
v
TESTAMENT 1.
1. ANCILLON Jean-Pierre-Frederic, pasteur proles-
tant frangais a Berlin, ne dans cette ville, le 30 avril 1766,
mort le 10 avril 1837. II descendait de David Ancillon
(1617-1692), qui etait pasteur de Metz, d'ou il etait origi-
naire, lors de la revocation de 1'edit de Nantes, et qui se 137. Ancre jet^e de 1'aplustre.
refugia alors a Francfort (1685) et puis a Berlin. Les fils D'apr^s un bas-relief du mus^e du Capitole, Rome.
de David occuperent une place importante parmi les refu-
gies francais en Prusse. Jean-Pierre-Frederic, son arriere- propre , Act., xxvn, 29, 30, 40, et dans 1'autre, au figure,
petit-fils, fut nomme prolesseur a 1'academie militaire de Hebr., vi, 19.
Berlin, apres avoir termine ses etudes theologiques. II iut I. Le passage des Actes nous reporte au moment le
en meme temps predicateur a 1'eglise Irancaise protes- plus critique du naufrage de saint Paul dans son voyage
tante de cette ville. Le succes de ses sermons attira sur de Cesaree a Rome ; on est a la quatorzieme nuit depuis
lui 1'attention du roi de Prusse, qui, en 1806, lui confia que le navire, perdu dans la tempete, va a la derive dans
1'education du prince royal. En 1825, il devint ministre 1'Adria, sans que 1'on puisse se reconnaitre. Tout a coup,
des affaires etrangeres, et conserva cette dignite jusqu'a sans doute avertis par le bruit de quelques brisants,
sa mort, en 1837. II etait aussi membre de 1'academie des qu'une oreille exercee sait distinguer du mugissement
sciences de Berlin. Parmi ses ouvrages, nous n'avons a ordinaire de la tempete, les matelots, vers le milieu de
signaler que son Discours sur la question : Quels sont, la nuit , crurent (-jitsvooyv) qu'ils approchaient de quelque
outre I'inspiration, les caracteres qui assurent aux Livres terre. Ayant jete la sonde, ils trouverent vingt brasses, et
Saints la superiorite sur les livres profanes ? in-8, Ber- un peu plus loin quinze. Alors craignant de donner contre
lin, 1782, ouvrage estime, quoique un peu superficiel. quelque ecueil, ils jeterent de la poupe quatre ancres, et
Voir Haag, La France protestante, t. I, p. 90; Mignet, ils souhaitaient que le jour se fit. Act., xxvn, 27-29. Les
Notice historique sur la vie et les travaux d Ancillon, ancres jetees de la poupe, sans autre explication, voila un
dans les Memoires de I'Academic des sciences morales et des nombreux traits qui dans ce recit decelent le temoin
politiques, 1850, t. vi, p. 59-85. oculaire. Un auteur qui aurait ecrit d'imagination s'ea
serait tenu a la donnee ordinaire : anchora de prorA
2. ANCILLON Louis-Frederic, petit-fils de David et jacitur, Virgile, JEn., Ill, 277 ; il ne s'en ecarterait pas
pere de Jean-Pierre-Frederic, predicateur protestant fran- au moins sans en indiquer la raison. La situation seule
cais a Berlin, ne dans cette ville, le 30 avril 1767, mort justifie cette manoeuvre. La sonde avait montre que le fond
en 1814, a laisse entre autres ecrits : Tentamen in Psalmo se relevait brusquement ; en jetant les ancres de 1'arriere,
sexagesimo octavo denuo vertendo, in-8, Berlin, 1797. on empechait aussitot le vaisseau d'aller plus avant. En.
Voir Barbier, Dictionnaire des anonymes, au titre Tenta- outre, mouiller au moyen des ancres de 1' avant , dit un
men; Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopddie, au homme habitue a la mer, c'eut ete forcer le navire a venir
mot Ancillon. presenter 1'avant au vent, et ce mouvement tournant qu'on
559 ANCRE 560
appelle en marine evitagen'evi pas ete sans danger, car en abandonnant les passagers. On sait comment 1'Apotre
dans son evolution le navire tut reste un temps plus ou dejoua leur complot; mais il faut noter ici le pretexte qu'ils
moins long de travers a la lame. Treves, Une traversee alleguaient pour descendre a la mer dans la chaloupe :
de Cesaree de Palestine a Putheoles au temps de saint ils voulaient, disaient-ils, tendre encore des ancres de
Paul, 1887, p. 36. Enfin, on pensa des lors peut-etre au la proue, Act., xxvii, 30. Au lieu de les Jeter, comme
plan qu'on executa le lendemain : ancre par I'arriere, le on avait fait pour celles de I'arriere (piif/avrs?, ^. 29), on
vaisseau se trouvait dans une position plus favorable pour les aurait portees aussi loin que le permettaient les cables
saisir, des que le jour le permettrait, 1'occasion d'aller tendus, comme pour mieux empecher le mouvement du
atterrir. navire. On a ainsi la clef de cette locution assez obscure:
Du reste, quoique 1'ancre fiit generalement suspendue tendre les ancres.
a 1'avant ou sur le flanc du batiment, comme on le voit Nous n'insisterons pas sur la forme des ancres; 1'an-
dans les bas-reliefs de la colonne Trajane et dans celui de cienne, a une seule dent, n'est pas represented sur les mo-
Narbonne, 1'ancrage par 1'arriere devait etre connu et numents ; mais on y voit frequemment 1'ancre a deux bras,
pratique en certains cas par les anciens; sur un bas-relief quelquefois comme sur le bas-relief de 1'arc de triomphe
du musee du Capitole, 1'ancre est jetee de Vaplustre, d'Orange (fig. 139), avec la barre transversale oujas qui
ornement de la poupe (fig. 137). II en est de meme pour se trouvait a I'extremite opposee au bras; le plus souvent
celle-ci est simplement munie d'un anneau ou Ton pas-
sait le cable qui tenait 1'ancre. Au point de jonction des
deux bras, il n'est pas rare de voir un autre anneau sans
142. Ane broutant. Le scribe TJerchu est assis sur son fine.
II est pre'ce'de' d'un coureur (V" Dynastic). Lepsius, Derikmaler, n, 43.
143, Troipeau d'anes en Egypte. Un scribe en inscrlt le compte. Tombeau de Beni- Hassan Dynastie).
Lepsius, DenTcmaler, n, 132.
Eccli., xxxni, 25 (fig. 144). On 1'employait, du moins du comme nous le voyons en particulier par 1'histoire des
temps de Notre-Seigneur, pour tourner la meule et rnoudre Juges, x, 4; XH, 14, de meme que par les monuments
le ble, comme le prouve Texprossion du texte grec de egyptiens (fig. 142 et 145). Notre-Seigneur lui-meme se
saint Malthieu, xvm, 6; de saint Mure, ]_x, 41, et de saint servit de cette monture pour faire son entree triomphale
144. Anes po'rtant des fardeuux en Egypte. Dans 1'original, la scene se continue sur la m6me ligne.
Peinture du Mus6e Guiinet, & Paris.
Luc, xvn, 2, [j/jXo? 6vr/d;, meule d'ane (voir MEULE) ; a Jerusalem, le dimanche des Rameaux, Matth., xxi, 7;
on 1'utilisait egalement pour labourer les champs, Is., Marc., xi, 7; Luc., xix, 30, non pour nous donner un
xxx, 24; xxxn, 20; cf. Deut., xxu, 10, et aussi, d'apres exemple d'humilite, comme on pourrait le croire d'apres
Josephe, Cont. Apion., n, 7, pour battre le ble. 11 ser- nos idees occidentales, mais pour montrer qu'il etait un
vait certainement a ce dernier u.sage en Egypte. Voir roi pacifique, Fane etant comme Fembleme de la paix, de
fig. 45 et 48, col. 277, 283. meme que le cheval celui de la guerre. Voir ANON.
L'ane de Palestine est capable de faire une bonne jour- De cette maniere differente d'envisager 1'ane en Orient
571 ANE 572
et en Occident, il resulte qu'il n'est pas dans nos Livres Epiphane, en pillant le temple de Jerusalem, y avail
Saints, comme il Test parmi nous, 1'objet de comparai- decouvert une tete d'ane en or. Josephe, Cont. Apion.,
sons desavantageuses et meprisantes. Au contraire, il est n, 7. On retrouve des traces de cette calomnie dans Plu-
considere comme un animal noble, auquel on assimile tarque, Sympos., iv, 5, et dans Tacite, Hist., v, 3-4. On
les personnages dont on veut faire 1'eloge. dans la plus sait que le meme reproche fut fait aux Chretiens. Voir
haute poesic. Ainsi Issachar est appele un ane fort , J. G. Miiller, dans les Theologische Studien und Kriti-
Gen., X L I X , 14, dans la prophetic de Jacob. Voir aussi ken, -1843, p. 906-912, 930-935, et ce que nous avons dit
Jud., v, 10; Is., i , 3 , etc. Cf. lliade, xi, 588. Neanmoins, nous-meme sur ce sujet dans Les Livres Saints et la
apres sa mort, cet animal utile est jete a la voirie. De la critique rationaliste, 4e edit., t. I, p. 99-102.
la prophetic de Jeremie, xxn, 19, centre Joakim, roi de III. Prescriptions legates relatives a I'ane. On voit
Juda : 11 aura la sepulture d'un ane; il sera traine souvent aujourd'hui, en Egypte et en Syrie, des anirnaux
(pourri, dit la Vulgate) et jete hors des porles de Jerusa- d'espece dilferente atteles a la meme charrue. La loi de
lem. Voir JOAKIM. Moise, Deut., xxn, 10, defend d'attacher au meme joug
On ne se servait point primitivement de selle pour le bffiuf et 1'ane, parce qu'on se servait de ces deux especes
monter 1'ane, mais on etendait simplernent sur son dos d'animaux pour labourer les champs. La prescription de
une couverture ou un morceau d'etofle qu'on attachait Moise etait fort humaine en interdisant de faire travailler
145. Ane de la reine de Fount. La reine, remarquable par son embonpoint, vient de dcscendre de son ane pour aller
au-devant des Bgyptiens & qui elle apporte son tribut. Temple de Deir el-Bahari.
pour 1'empecher de tomber. C'est ce quele texte original ensemble des betes de force et de taille tres differentes.
appelle Her autour ou ceindre 1'ane. Gen., xxn, 3; II est probable que cette defense avait aussi une portce
Num., XXH, 21; Jud., xix, 10; II Sam., xvi, 1 ; IV Reg., morale plus haute et qu'elle etait destinee, comme les
iv, 24, etc. Les Apotres etendirent leurs vetements sur ordonnances de Lev., xix, 19, a inspirer aux Israelites
1'ane dont se servit Notre-Seigheur pour faire son entree 1'horreur de tout commerce avec les paiens, pour leur
solennelle a Jerusalem. Matth., xxi, 7. L'anier ou unser- faire mieux conserver la purete de leur foi religieuse.
viteur accompagnait souvent la monture (fig. 142), Jud., Mo'ise avait prescrit aussi de prendre soin de 1'ane de son
xix, 3; IVReg., iv, 24; Erubin, iv, 10, en courant a cote prochain, s'il s'etait egare ou s'il lui etait arrive un acci-
ou en arriere, comme cela se pratique de nos jours en dent. Deut., xxn, 3-4.
Orient. Le mari marchait aussi a pied, a cote de 1'ane qui Chez les Perses et les Tartares, on faisait grand cas de
portait sa femme et ses enfants, Exod., IV, 20; c'est ce la chair de 1'ane sauvage. Chez les peuples chananeens,
qu'on voit encore frequemment, quand on voyage en il ne devait pas en etre de meme. Cf. E/.ech., xxm, 20.
Palestine. L'Evangile ne nous donne point de details sur Us ne paraissent pas avoir fait usage de la viande d'ane.
la maniere dont s'accomplit la fuite en Egypte; mais 1'art Les regies posees par le Levitique, xi, 26 (cf. Deut.,
Chretien, en representant la sainte Vierge et 1'enfant Jesus xiv, 6-8), rangent cet animal dornestique parrni les ani-
sur un ane, et saint Joseph a pied, a reproduit fidelement maux impurs, parce qu'il ne rurnine pas. En cas de
les couturnes orientales. famine, on mangeait cependant les anes, comme bien
On recourait aux services de 1'ane, meme en temps de d'autres especes d'animaux. Pour donner une idee de
guerre, ou il etait charge de porter les bagages. IV Reg., I'extremite a laquelle etait reduite la ville de Samarie,
vii, 7. Chez les Perses, on faisait meme monter cet animal lorsqu'elle fut assiegee, sous Jorarn, par Benadad, roi de
par des soldats, et Isaie nous montre la cavalerie de Cyrus, Syrie, 1'auteur sacre raconte qu'une tete d'ane se vendait
composee non seulernent de chevaux, mais aussi de cha- dans cette ville quatre-vingt's sides d'argent (225 francs
meaux et d'anes. Is., xxi, 7. Cet usage est atteste par environ). IV Reg., vi, 25. Plutarque rapporte un trait
Strabon, xv, 14, edit. Didot, p. 618, qui rapporte que les analogue. II dit qu'Artaxerces ayant fait la guerre en
Caramaniens, peuple qui faisait partie de 1'empire perse, Egypte, ses troupes rnanquerent completement de vivres
combattaient sur des anes, et aussi par Herodote, iv, 129,. dans un desert, de sorte qu'on mangea la plupart des
edit. Teubner, 1874, p. 350, qui nous apprend que Darius, chevaux et qu'on avait peine a trouver une tete d'ane
fils d'Hystaspe, marcha avec des anes centre les Scythes. a acheter au prix de soixante drachmes (52 francs environ).
Chez les Pheniciens et les Syriens, 1'ane etait un animal Artax., xxiv, 1, edit. Didot, t. n , p. 1219.
sacre. Les Juifs furent accuses par les paiens d'adorer une IV. L'dne dans la grotte de Bethlehem. L'art chre-
tete d'ane. Le grammairien Apion pretendait qu'Antiochus tien representa de bonne heure un ane et un boeut a cote
573 ANE ANEMONE 574
de la creche de Notre - Seigneur. Le plus ancien monu- situe a 1'ouest de la plaine d'Esdrelon, non loin de Djenin
ment connu a ce sujet est un petit monument de 1'an 343 (Engannim). Cf. Conder, Handbook to the Bible, Londres,
(fig. 146). Voir de Rossi, Inscriptiones Christians urbis 1887, p. 402; Old and Neiv Testament Map of Palestine,
Romas, t. I, n 73, p. 51. Cette representation n'est guere Londres, 1800, feuille 10. Voir ENGANNIM.
que la mise en scene du passage d'lsaie, 1, 3 : Cognovit A. LEGENDRE.
bos possessorem suum, et osinus pr&sepe domini sui: ANEMONE, genre de la famille des Renonculacees,
Le boeuf a reconnu son maitre, et Fane, la creche de son type de la tribu des Anemonees, dont on compte un tres
Seigneur. De ces paroles du prophete, rapprochees de grand nombre d'especes et de varietes. Pline dit, H. N.,
celles d'Habacuc, in, 2, telles qu'elles sont traduites dans xxi, 23 (94), que son nom vient du grec ave^o?, vent,
les Septante et 1'ancienne Italique : Vous vous mani- parce que cette fleur ne s'ouvre qu'au souffle du vent. La
festerez entre deux animaux, est venu 1'usage de repre- mythologie la fait naitre du melange du sang d'Adonis et
senter 1'ane et le boeuf dans la grotte de la Nativite, quoique des larmes de Venus, flos de sanguine concolor ortus, dit
Ovide, Metam., x, 735. Elle fait par la allusion a la cou-
leur de 1'anemone rouge commune en Syrie. Cette plante
est une herbe vivace, a tige souterraine souvent charnue
et ramifiee. Ses feuilles sont alternes, decoupees, d'un vert
fonce, du milieu desquelles s'eleve une hampe portant
une fleur solitaire. Les anemones croissent dans 1'hemi-
sphere boreal et dans 1'hemisphere austral. L'anemone
rouge abonde en Syrie. Quand on arrive en fevrier ou en
mars en Palestine, des qu'on quitte Jaffa pour se rendre
a Jerusalem, et qu'on entre dans la plaine de Saron, on
est aussitot frappe par la vue de cette petite fleur, dont
la couleur vive attire invinciblement le regard au milieu
de la verdure qui 1'entoure. On la trouve ensuite sur
toute sa route, a Jerusalem, au mont des Oliviers, en
Samarie, en Galilee. Nulle autre fleur n'est aussi com-
mune en Palestine, et c'est presque invariablement la
variete rouge qu'on rencontre; parce que les jaunes, les
bleues et les pourpres fleurissent de tres bonne heure
146. L'dne et le boeuf dans Petable de Bethlehem. ou sont plus rares.
L'eclat de sa couleur (fig. 147) a porte plusieurs natura-
ces textes n'aient pas directement la signification qu'on listes a supposer que cette fleur est celle dont Notre-Sei-
leur a attribuee. Dans Habacuc, in, 2, le texte original gneur dit, dans son sermon sur la montagne : Jetez les
porte, comme le traduit exactement notre Vulgate: Au yeux sur les lis des champs (TOC xpcva TOU aypoO) : ils ne
milieu des annees, c'est-a-dire bientot, sans attendre travaillent point, ils ne tissent point, et cependant Salo-
trop longtemps, et non pas : entre deux animaux. mon dans toute sa gloire n'etait pas vetu comme 1'un
Voir Tillemont, Memoires pour servir d I'histoire eccle- d'eux. Matth., vi, 28-29; cf. Luc, xn, 27. L'anemone
siastique, note v, 2e edit., 1701, t. I, p. 423, et pour la coronaria, dit M. Tristram, est la plus magnifiquement
these contraire Baronius, Annales ecclesiastici, ann. 1, coloree, la plus remarquable au printemps, la plus uni-
n 3, edit, de Lucques, 1738, t. i, p. 2. L'ane et le bceuf versellement repandue de toutes les fleurs que renferme
sont representes dans le mystere de la naissance de Notre- la riche flore de la Terre Sainte. Si une plante peut pre-
Seigneur sur de nornbreux sarcophages, a Rome, a Milan, tendre a la preeminence parmi cette opulence merveil-
a Aries, sur des gemmes et sur des diptyques. Voir F. X. leuse qui couvre la terre dlsrael d'un tapis de fleurs au
Kraus, Real-Encyklopadie der christlichen Alterthumer, printemps, c'est 1'anemone, et c'est done a elle que nous
t. i, 1880, p. 431; J. E. de Uriarte, El buey y el asno, nous arretons comme etant le plus probablement le lis
testigos del nacimiento deNuestroSenor, dans La ciencia des champs du discours de Nolre-Seigneur. H. B. Tris-
Christiana, t. xn, 1879, p. 260-275; t. xm, 1880, tram, The Fauna and Flora of Palestine, 1884, p. 208.
p. 64-87; 167-188. Cette identification n'est pas sans souffrir quelques dif-
Sur 1'ane, voir J. G. Wood, Bible animals, in-8, ficultes, et elle est loin d'etre admise par tout le monde.
Londres, 1869, p. 264-279. Pour 1'ane sauvage, voir Ce qui est du moins certain, c'est qu'elle a des raisons
ONAGRE ; pour 1'anesse de Balaam, voir BALAAM ; pour la a faire valoir en sa faveur et que, sur le mont des Beati-
machoire d'ane de Samson, voir SAMSON et RAMATHLECHI tudes, a 1'endroit meme ou la tradition place la scene
F. VIGOUROUX. du Sermon sur la montagne, le divin Maitre pouvait mon-
ANEITUMESE (VERSION) DE LA BIBLE. La trer a ses auditeurs de nombreuses anemones qui y eta-
langue aneitumese, parlee dans 1'ile d'Aneiteum, la plus laient alors, comme aujourd'hui, leur riche et brillante
meridionale des lies Hebrides, appartient a 1'extreme couleur. Ce qui est egalement certain, c'est que le lis
groupe polynesien et est une branche du papou. Le Nou- des champs n'est pas le lis blanc ordinaire; car on ne
veau Testament a ete traduit en aneitumese par deux le rencontre nulle part dans les champs de la Palestine.
ministres protestants, J. Geddie et J. Inglis; il a paru Une autre raison a faire valoir en faveur de 1'anemone,
en 1863, L'impression de 1'Ancien Testament, traduit par c'est que les traits par lesquels le Cantique des cantiques
J. Inglis, a ete terminee en 1878. caracterise le sosanndh ou lilium convallium lui con-
viennent en general fort bien, tandis qu'ils ne sauraient
AN EM (hebreu : 'Anem; Septante : TT,V 'Atvav), ville s'appliquer a ce que nous appelons le lis. L'anemone se
de la tribu d'Issachar, donnee, avec ses faubourgs, aux voit partout dans les vallees de la Palestine, Cant.
fils de Gerson. I Par., vi, 73 (hebreu, 58). Dans le passage II, 1, et elle etale ses petales rouges au milieu des
parallele, Jos., xxi, 29, et dans la liste generale des villes epines , n, 2, ainsi que dans les prairies ou les bergers
de la meme tribu, Jos., xix, 17-23, elle est omise, et a font paitre leurs troupeaux, n, 16; vi, 2; dans les champs
sa place on trouve Engannim. Aussi la plupart des auteurs ou broutent les gazelles, iv, 5; la oil la rosee feconde
regardent 'Anem comme une contraction de ce dernier la terre. Osee, xiv, 6; cf. Eccli., L, 8. Elle croit aussi
norn, de meme que Cart/tan, Jos., xxi, 32, est mis pour dans les jardins, ou celui qui aime les belles fleurs la
Cariathalm. I Par., vi, 76. Cependant Conder et les explo- cueille volontiers. Cant., vi, 1. Sa forme gracieuse nous
rateurs anglais proposent de 1'identifier avec 'Anin, village explique pourquoi 1'epouse du Cantique dit d'elle-meme :
575 ANEMONE A N G E 576-
Je suis le sosannah des vallees, Cant., n, 1, et sa Ces courriers etaient charges de porter les lettres et les
couleur rouge fournit a 1'epouse la comparaison de Cant., edits des rois de Perse, appeles dans les livres de 1'Ancien
v, 13 : Ses levres sont des sosannim qui distillent la Testament ecrits sous la domination perse, 'iggerot (sin-
myrrhe.
On objecte centre 1'identification de 1'anemone avec le gulier : iggeref ; perse : SjlSsjJ, engare, ecrit. ) Neh.
sosannah que les Septante ont rendu le mot hebreu par (II Esdr.), n, 7, 8, 9; vi, 5,17, 19; II Par., xxx, 1, 6 (Vul-
xpt'vov, et la Vulgate par lilium, lis; ce qui, assure- gate : epistola, epistolse). L'organisation de la poste perse
t-on, ne permet pas de douter que le terme semitique ne a ete decrite en detail par Herodote, vm, 98. Les rois
designe une plante liliacee, quoique tout le monde recon- Achemenides, pour faire transmettre plus rapidement leurs
naisse qu'il ne saurait etre question du lis ordinaire. Mais messages, avaient cree des relais d hommes et de che-
la raison tiree des anciennes versions peut n'etre pas vaux, stationnes de distance en distance. Les courriers,
aussi concluante qu'elle le semble de prime abord. On peut montes sur leurs chevaux, n'etaient arretes ni par le mau-
admettre, en effet, sans difflculte, que le terme sosannah vais temps ni par 1'obscurite, et ils se remettaient de main
s'appliquait en general, chez les Hebreux, aux diverses en main leurs lettres, comme les lampadophores grecs se
especes de lis, et que les traducteurs grecs devaient par remettaient le flambeau allume dans la Xa(xita8r,cpopt'a ou
consequent le traduire naturellement par lis; toutefois il ne course aux flambeaux. Afin de ne pas eprouver de retard,
suit point de la que 1'anemone ne fut pas comprise dans ils avaient le droit d'exiger de vive force les hommes, les
le mot sosannah. Les Hebreux n'avaient point fait, tant chevaux et les barques qui leur etaient necessaires. Ces
s'en faut, dans la flore de la Palestine toutes les distinc- courriers sont nommes dans Esther, vm, 10,14: hard-
tions qu'a etablies la science occidentale; ils rangeaient sim rokbe hdrekes, des coureurs montant des chevaux
sous un meme nom des plantes tres differentes. Aujour- rapides (Vulgate : veredarii celeres). Le mot dyyapeioc
d'hui encore, et c'est une remarque importante dans la devint ainsi synonyme de contrainte et de corvee forcee
question presente, les Arabes comprennent 1'anemone pour le service public.
dans les fleurs qu'ils appellent susan. En Egypte, le sesen La domination perse introduisit le nom et la chose en
designait le lotus. Les anciens Hebreux ont done bien pu Palestine. Le nom se trouve sous la forme 'angaryd' dans
comprendre 1'anemone parmi les plantes qu'ils appelaient le Talmud. Voir Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 131;
sosannim et avoir voulu souvent designer par ce mot, dans Lightfoot, Horse hebraicse, in Matth., v, 41. Entre autres
leurs descriptions poetiques, cette belle fleur, si commune avantages que Demetrius Soter offrit au grand pretre Jona-
en Terre Sainte. Les Septante ayant traduit le sosannah de thas Machabee pour 1'attacher a sa cause, il lui proposa
1'Ancien Testament par y.pt'vov, il est naturel que FEvangile d'affranchir les Juifs de 1'obligation de fournir (dyya-
ait employe le meme mot, quoique xpi'vov fut le nom du pUa-6ac) leurs animaux domestiques pour le service public,
lis veritable chez les Hellenes. On peut observer enfin que d'apres ce que raconte Josephe, Ant.jud., XIII, il, 8. Tous
si le sosannah ne s'applique pas a 1'anemone, il en resulte ces details montrent que 1' 'angaryd" etait odieuse aux
que cette ileur, 1'une des plus belles et les plus communes populations qui avaient a la supporter; mais 1'organisation
en Palestine, n'est jamais nommee dans 1'Ecriture, ce qui perse de la poste etait si avantageuse aux gouvernements,
est difficile a admettre et parait peu vraisemblable. S'il qu'elle avait ete adoptee par les Seleucides apres la ruine
existe quelques difficultes centre 1'identification du lis des de 1'empire de Darius, et qu'elle le fut plus tard par les
champs avec 1'anemone, il faut done convenir du moins Romains, qui latiniserent le rnot sous la forme angario
que 1'on peut apporter aussi, en sa faveur, des raisons qui (cf. Pline, H. N., x, 14, 121, 122), comme les Hellenes
ne sont pas sans force. Voir Lis. F. VIGOUROUX. 1'avaient grecise sous la forme ayyapsyw. Cf. Xenophon,
Cyrop., vm, 6, 17,18; Athenee, m, 91, 122 ; Eschyle,
ANER, hebreu : 'Aner; Septante : Avvav. Agamemnon, 282; Pers., 217 (edit. Dindorf); Plutarque,
De Alexandra, p. 326.
1. ANER, un des trois chefs amorrheens d'Hebron qui Le mot dyyape-jw, angariare, se lit trois fois dans les
avaient fait alliance avec Abraham, et 1'aiderent a pour- Evangiles : une premiere fois dans le Sermon sur la mon-
suivre Chodorlahomor et ses allies, et a reprendre le butin tagne, Matth., v, 41 : Si quelqu'un te force (t'angarie
qu'ils emportaient. Gen., xiv, 13, 24. comme un courrier) a faire avec lui un mille de chemin
(ou mille pas), fais-en deux autres milles. Les deux
2. ANER (hebreu : 'Aner; Septante : r^v 'Avap), ville de autres passages ou se retrouve ce rnot sont les deux pas-
la tribu de Manasse occidental, attribute, avec ses fau- sages paralleles de Matth., xxvn, 32, et Marc, xv, 21, ou
bourgs, aux lils de Caath. I Par., vi, 70 (hebreu, 55). Dans il est rapporte comment ceux qui conduisirent Jesus au
laliste parallele de Jos., xxi, 25, on lit, a sa place, Tha- supplice, ayant rencontre sur leur passage Simon le Cyre-
nach. On peut done admettre ici une corruption de mot neen, 1' angarierent, c'est-a-dire exigerent de lui comme
ou une faute de copiste, nay, 'Aner, pour lavn, Ta'andk, un service public de porter la croix du Sauveur.
par 1'omission du thav initial et la confusion entre le
resch et le caph final. Cependant Conder et les auteurs 1. ANGE. On donne le nom d'anges d'une maniere
de la carte anglaise proposent de 1'identifier avec 'Ellar, generale a des esprits que Dieu a crees sans les destiner,
localite situee sur les collines sud-ouest de la plaine comme nos ames, a etre unis a des corps. Leur vertu
d'Esdrelon , a quelque distance au nord-ouest de Sebas- ayant ete mise a 1'epreuve, plusieurs de ces esprits se
tiyeh (Samarie). Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, revolterent contre Dieu et devinrent ainsi de mauvais anges.
Names and places in the Old and New Testament, En punition, ils furent precipites en enfer. Ce sont les
Londres, 1889, p. 11; Old and New Testament Map of demons. D'autres furent fideles a Dieu, qui les confirma
Palestine, Londres, 1890, feuille 10. Voir TnANACif. en grace et leur donna le bonheur du ciel. Ce sont les
A. LEGENDRE. bons anges, qui sont appeles d'une facon plus particuliere
ANESSE. Voir ANE et ANON. anges tout court. C'est de ces derniers uniquement que
nous nous occuperons dans cet article.
ANETH. Voir AMS. I. Noms des anges. Les anges sont designes dans la
Bible par des noms multiples qui ne leur sorit pas exclu-
ANGARIER ('Ayyapeuw; Vulgate : angariare), terme sivement reserves. Leur nom le plus habituel est celui
vieilli qu'on n'emploie plus en francais. II est d'origine de messager: en hebreu, maVdk; en grec, ayyeXoc, que
perse, et signifie contraindre, forcer , parce que les la Vulgate a presque toujours traduit par angelus, mais
courriers publics des rois de Perse, appeles ayyapoi, obli- qu'elle a aussi rendu parfois par nuncius, legatus, mes-
geaient ceux dont ils avaient besoin a un service force. sager. envoye. C'est ce nam grec ayyeXos, qui a fourni
D i e r . DE LA BIBLE L K T O U Z K Y ET A N E . F.nrr
A X E M () X E
577 ANGE 578
1'etymologie de leur nom latin angelus et de leur nom chez les Juifs avant la captivite; ils la recueillirent parmi
francais ange. Ils sont aussi appeles fils de Dieu, Job, les Babyloniens, et elle devint chez eux une croyance
I, 6; n, 1; saints, Dan., vin, 13 ; habitants du ciel, Matth., populaire; Notre-Seigneur et les evangelistes n'admirei.tt
xvin, 10; armee des cieux, II Esdr., ix, 6; esprits, Ps. pas cette croyance, bien qu'ils y aient accommode leur
CL, 6; Hebr., i, 14. L'Ecriture nous indique, en outre, langage. Voir Oswald, Angelologie, 2e edit., Fribourg-en-
les noms de divers choeurs d'anges. Ce sont les Cherubins, Brisgau, 1889, p. 6. D'autres pensent que les Juifs etaient
Gen., in, 24; Exod., xxv, 22; Ezech., x, 1-20; les Sera- primitivement polytheistes; a mesure qu'ils devinrent mo-
phins, Is., vi, 2, 6; les Principautes, les Puissances, les notheistes, ils regarderent les anges comme d'une nature
Dominations, Eph., i, 21; Col., i, 16; les Vertus, Eph., inferieure a celle de Jehovah; ils en firent, en conse-
i, 21 ; les Trones, Col., i, 6; les Archanges, I Thess., quence, ses messagers et les ministres de ses desseins
iv, 15; Judas, 9. aupres des homines, et Jesus-Christ et les auteurs du Nou-
Les livres inspires ne nous donnent que trois noms veau Testament adopterent cette conception. Haag, Theo-
propres d'anges : Gabriel, Dieu est force, Dan., vm, 16; logie biblique, Paris, 1870, 96, 108, 121, 132, p. 338, 411,
ix, 21; Luc., i, 19, 26; Michel, qui est comme Dieu? 459, 497. Cette maniere de voir est fort en vogue aujour-
Dan., x, 13, 21; xn, 1; Judae, 9; Apoc., xn, 7; Raphael, d'hui.
Dieu guerit, Tob., in, 25. Le quatrieme livre d'Es- III. Doctrine catholique sur I'existence et la nature
dras met en scene les anges Jeremiel, iv, 36, et Uriel, des anges. La doctrine catholique sur I'existence et la
v, 20, et les rabbins croient connaitre les noms d'autres nature des anges a ete formulee par le quatrieme concile
anges encore; mais 1'Ecriture ne nous fournit que les de Latran (1215) et par le concile du Vatican (voir v),
trois noms de Gabriel, de Michel et de Raphael. Aussi les qui affirment I'existence et la complete spiritualite des
autres noms ont-ils ete rejetes par le pape Zacharie au anges, et les distinguent non seulement des creatures
concile de Rome de 745 et par le xvie chapitre du concile corporelles, mais encore des hommes composes de corps
d'Aix-la-Chapelle de 789. Hefele, Histoire des conclles, et d'ame. Les theologiens catholiques admettent que la
traduction Delarc, Paris, 1870, 367, t. iv, p. 446, et 393, connaissance des anges s'est accrue depuis Mo'ise jusqu'a
t. v, p. 87 ; cf. 93. II est clair d'ailleurs que les noms Jesus-Christ par des revelations successives (voir 7);
par lesquels nous designons les anges ne sont pas ceux mais, a leurs yeux, c'est une erreur de penser que la
qu'ils se donnent mutuellement, attendu que leur langage croyance aux anges est la simple transformation d'un
n'a rien de vocal et de sensible. On a remarque aussi que polytheisme primitif, ou qu'elle n'est pas confirmee et
le nom d'aucun ange n'avait ete connu des Juifs avant la demontree par le Nouveau Testament. Montrons que
captivite de Babylone. Cette ignorance contribua sans le temoignage des plus anciens livres de la Bible, comme
doute ales empecher d'adorer les anges, Jud., xm, 18, celui des plus recents, confirment la doctrine catholique
comme ils y auraient ete portes au temps des Juges et et renversent les theories qui lui sont opposees.
des rois. Les anges sont tres souvent en scene dans les recits
II. Erreurs et opinions sur I'existence et la nature des des premiers livres de la Bible, le Pentateuque, Josue,
anges. L'existence des anges a ete niee autrefois par les Juges. Ils y jouent un role qui demontre qu'on les
les Sadduceens, Act., xxm, 8, qui rejetaient egalement regarde comme des etres absolument personnels et qu'ils
la spiritualite de Tame et la resurrection des corps. Tous le sont reellement. Pour ne rien dire des cherubins, dont
les Chretiens ont toujours cru a la realite des esprits ange- il sera question dans un article special, un ange apparait a
liques, dont il est si souvent parle dans le Nouveau Tes- deux reprises, Gen., xvi, 7; xxi, 17, a Agar fugitive dans
tament; mais quelques Peres se sont trompes plus ou le desert et lui parle ; des anges predisent a Abraham,
moins gravement sur leur nature. Origene, De princ., la naissance d'Isaac et vont delivrer Loth de Sodome,
I, vin, 4 ; II, vm, 3, t. xi, col. 180, 222 et passim, xvm, xix; un ange empeche Abraham d'immoler son
entraine par les theories platoniciennes, et imitant en fils, xxii, 11-19; Jacob, endormi, voit des anges qui
cela Philon, De confusione linguarum et De gigantibus, montent au ciel par une echelle et en descendent,
Opera, Geneve, 1613, p. 270, 222, soutint que la nature xxvin, 12; cf. xxxi, 11; xxxn, 1 ; XLVIII, 16; un ange
des anges ne differait pas de celle de nos ames. II pen- apparait a Balaam et lui marque ce qu'il devra faire,
sait, en effet, que celles-ci avaient ete unies a un corps Num., xxn; un ange, 1'epee a la main, promet a Josue
en punition d'une faute. Voir AME. L'opinion d'Origene de combattre avec lui, Jos., v, 13-16; un ange rappelle
sur la communaute de nature des anges et des ames a au peuple les bienfaits et les volontes de Dieu, Jud., n, 1-4;
ete renouvelee par les spirites de nos jours. Un assez un ange donne a Gedeon sa mission, Jud., vi, 11-23 ; un
grand nombre de Peres des premiers siecles, trompes par ange annonce la naissance de Samson, Jud., xm. Ces
1'autorite qu'ils accordaient au livre d'Henoch (voir ce anges sont sans aucun doute des etres doues d'intelli-
mot), penserent que les anges avaient un corps plus ou gence et de volonte, et ils se preseritent dans les autres
moins subtil, voir Klee, Histoire des dogmes, traduct. livres de la Bible avec les memes caracteres. Le Nouveau
Mabire, Paris, 1848, t. I, p. 343, etPetau, De Angelis, Testament raconte des apparitions semblables a Zacharie,
lib. i, c. n , edit. Vives, 1865, t. HI, p. 607. Plusieurs a la sainte Vierge, a saint Joseph, aux bergers de Bethle-
crurent meme que la Genese parle des anges, quand elle hem, aux saintes femmes apres la resurrection. Notre-
rapporte, vi, 2, que les fils de Dieu epouserent les filles Seigneur dit que les anges des petits enfants voient la
des homines et en eurent des enfants. Quelques rab- face de Dieu, Matth., xvm, 10; il parle de ceux qui assis-
bins ont ete jusqu'a penser qu'il y a entre les anges dif- teront au jugement dernier, et separeront les bons des
ference de sexe et qu'ils se multiplient par la generation. mechants, de ceux qui sont au ciel et auxquels les elus
Calmet, Dissertation sur les bans et les mauvais anges, seront semblables. Matth., xxn, 30; Marc., xii, 25. II serait
en tete de son Commentaire sur saint Luc. Ce que Notre- trop long d'enumerer ici toutes ces apparitions et tous ces
Seigneur dit dans FEvangile, Matth., xxn, 30, des anges temoignages ; ce qui precede montre suffisamment que les
de Dieu qui ne se marient point, n'a permis a aucun auteurs des premiers livres de la Bible et ceux du Nou-
auteur chretien d'admettre qu'ils ont un sexe. Cependant veau Testament regardaient les anges comine de veri-
M. Reuss conteste que telle ait ete la pensee de Notre- tables personnages.
Seigneur, Histoire de la theologie chretienne au siecle Quant a la nature de ces personnages, reconnaissons
apostolique, Strasbourg, 1864, t. I, p. 464. qu'elle n'est pas completement expliquee dans les plus
Les exegetes rationalistes ne veulent point reconnaitre anciens livres de la Bible. Cependant le Pentateuque et
I'existence des anges. Ils expliquent done de diverses ma- les livres suivants nous fournissent bien des traits qui la
nieres ce que la Bible rapporte du monde angelique. Les caracterisent de plus en plus. On ne leur attribue point
uns pretendent que notre notion des anges ii'existait pas la nature de 1'homme. Sans doute ils revetent souvent sa
DICT. DE LA BIBLE. I. - 21
579 ANGE 580
forme et, pour ce motif, sont parfois appeles des hommes; tage les anges en trois hierarchies, qui sont elles-memes
mais aussitot qu'on les reconnait pour des anges, on leur partagees en trois ordres. La premiere hierarchie se com-
suppose une nature a part. D'ailleurs la maniere dont ils pose des Seraphins, des Cherubins et des Trones; la
paraissent et disparaissent et tout ce qu'ils font prouvent seconde, des Dominations, des Vertus et des Puissances;
qu'ils n'ont rien d'huinain. L'Ecriture declare du reste enfin la troisieme, des Principautes, des Archanges et des
que rhomme leur est inferieur, Ps. vm, 6; Hebr., Anges. Saint Thomas et les thomistes soutiennent que
II, 7; II Petr., n, 11, et si quelques Peres ont affirme la dans ces ordres chaque ange est d'une espece a part et
superiorite de Thorniue sur eux, c'est en se placant au a sa nature distincte; mais leurs raisons sont plutot
point de vue surnaturel. Voir Klee, Histoire des dogmes, empruntees a la philosophic qu'a la revelation. Les
t. i, p. 347. anges forment une multitude innombrable. Jacob, Gen.,
Mais la nature angelique est-elle purement spirituelle? xxvm, 12, en voit qui montent au ciel et en descendent;
les anges n'ont-ils point de corps ? C'est aujourd'hui une et plus tard il en rencontre une armee. Gen., xxxn, 2.
verite que les definitions invoquees plus haut rendent Daniel, vn, 10, dit qu'un million d'anges servaient 1'An-
certaine; mais nous avons dit que plusieurs Peres en cien des jours et que mille millions se tenaient en sa
avaient doute. Cependant 1'Ecriture s'exprime assez clai- presence. Notre - Seigneur assure a ses apotres, Matth.,
rement a ce sujet. Quoique elle raconte leur apparition xxvi, 53, qu'il pourrait obtenir de son Pere plus de douze
aux hommes sous une forme corporelle, jamais elle ne legions d'anges. L'Epitre aux Hebreux, xn, 22, et 1'Apo-
dit qu'il leur soit naturel d'avoir un corps. Pendant qu'elle calypse, v, 11, nous donnent des chiffres qui expriment
parle de 1'ame ou de 1'esprit de 1'homme, marquant ainsi qu'il y a une quantite incalculable de ces esprits bien-
que nous sommes composes de deux principes, elle ne heureux. Les Livres Saints s'en liennent a cette affirma-
parle jamais de 1'esprit des anges ; elle les appelle simple- tion generate. Plusieurs Peres et ecrivains ecclesiastiques
ment des esprits. Hebr., I, 14; Apoc., i, 4; cf. Matth., ont essaye de determiner ce chiffre en se fondant sur
vm, 16; Luc., x, 20. Job dit qu'ils n'ont point comme diverses conjectures. Ils appliquent, par exemple, aux
nous des corps formes de terre. Job, iv, 18. 19. D'apres anges et aux hommes la parabole du pasteur qui aban-
d'autres textes, ils sont invisibles, Col., i, 16; ce n'est donne quatre-vingt-dix-neuf brebis pour aller a la re-
qu'en apparence qu'ils prennent la nourriture que les cherche d'une centieme egaree dans le desert. Matth.,
hommes leur offrent, Tob., xn, 19; ils n'ont aucun com- XVIH, 12; Luc., xv, 4. Ils en concluent que le nombre des
merce charnel. Matth., xxn, 30. Les enfants de Dieu dont anges est quatre-vingt-dix-neuf fois plus considerable que
la Genese, vi, 2, nous raconte 1'union avec les filles des celui des hommes.
hommes, ne sont done point des anges, mais des des- V. Creation des anges. Les anges ont-ils ete crees,
cendants du vertueux Seth. c'est-a-dire tires du neant? Ont-ils ete crees dans le
Mais les anciens Hebreux faisaient-ils une difference temps ou de toute eternite? Ont-ils ete crees avant le
entre ces esprits si eleves et la Divinite? Ne faut-il pas monde materiel, apres lui ou en meme temps que lui?
considerer la croyance aux anges comme un reste de Le premier verset de la Genese : Au commencement
polytheisme ? Les Livres Saints, particulierement dans la Dieu crea le ciel et la terre, semble repondre a ces
Genese, nous rapportent des apparitions ou un meme per- trois questions. Le ciel, en effet, renferme les anges; et
sonnage est appele tantot ange et tantot dieu. Cette ma- ce texte parait nous dire que les anges ont etc crees de
niere de parler souleve la question de savoir si ce per- Dieu, qu'ils ne 1'ont pas ete de toute eternite, mais dans
sonnage etait Dieu lui-meme ou un ange. Nous revien- le temps et avec la terre. Seulement on peut contester
drons, au xi, sur cette question. En tout cas, quelque cette interpretation, car les anges ne sont pas mentionnes
solution qu'on lui donne, il est certain que les Hebreux nominativement dans ce passage. Mais les Livres Saints
ont toujours regarde les anges comme des etres supe- nous fournissent ailleurs des renseignements sur ces trois
rieurs a Fhomme, mais inferieurs a Dieu. Sans doute ils questions. Ils nous disent, en effet, que tous les etres finis
n'ont pas precise, comme nos theologiens Chretiens, les ont Dieu pour auteur, Eccli., xvm, 1 ; Esther, xm, 10;
differences qui distinguent la nature angelique de la Rom., xi, 36, et ils rangent expressement les anges parmi
nature divine; mais ils presentent sans cesse les anges les creatures. Ps. CXLVIII, 2 etsuiv.; Dan., in, 57; II Esdr.,
comme des ministres de Jehovah, qui agissent en son ix, 6; Col., i, 16. C'est done contrairement a 1'Ecriture
nom et executent ses ordres, jamais comme des etres que les gnostiques Cerinthe, Carpocrate, Saturnin, et que
independants. Jacob fugitif voit une echelle qui relie le les manicheens ont pretendu que les anges procedaient de
ciel a la terre et sur laquelle les anges montent et descen- Dieu par emanation. Klee, Histoire des dogmes, t. i,
dent; mais Jehovah est au haut de 1'echelle, c'est sa pro- p. 340. Suivant la doctrine de quelques philosophes, il ne
tection qui est promise a Jacob. Gen., xxvm, 12-13. Au serait pas absolument impossible que les anges aient ete
commencement du livre de Job, i, 6, les anges sont repre- crees de toute eternite. Origene semble meme avoir admis
sentes autour de Dieu. Les anges sont multiples; Dieu est qu'ils ont ete produits de cette maniere. Klee, ibid.;
unique, et il n'y a que Dieu a qui Ton puisse rendre le Freppel, Origene, Paris, 1868, lee. 16 et 17. Mais 1'Ecri-
culte d'adoration proprement dite. Aussi est-ce a Dieu ture Sainte est positive sur ce point. Elle nous repre-
que 1'ange qui apparait a Manue fait offrir un holocauste. sente 1'eternite comme n'appartenant qu'a Dieu, et elle
Jud., xin, 16. affirme qu'il vivait avant qu'il existat aucun autre etre.
Nous ne dirons rien de la connaissance naturelle des Ps. xcrx, 3; Prov., vm, 22; Eccli., xxiv, 5; Joa., xvn,
anges et de leur langage. Les theologiens ont longue- 5, 24; Eph., i, 4; Col., i, 16. Les anges ne sont done pas
ment etudie ces questions, mais a la lumiere de la philo- eternels.
sophic plutot qu'a celle de 1'Ecriture Sainte et de la reve- S'ils n'ont pas toujours ete, depuis quel temps existent-
lation. ils ? Un assez grand nombre de Peres : saint Basile, saint
IV. Hierarchie et nombre des anges. La Bible ne Gregoire de Nazianze, saint Chrysostome, saint Jean
nous a pas seulement fait connaitre les anges en general; Damascene, saint Ambroise, saint Hilaire, saint Jerome,
elle nous parle aussi de divers ordres entre lesquels ils ont pense que les anges avaient ete crees longtemps ou au
se partagent et nous en donne les noms (voir i); mais moins quelque temps avant la matiere. Ils s'appuient
elle ne s'explique pas sur la nature de chacun de ces sur un texte de Job, xxxvin, 4-7, qui represente les anges
ordres ni sur leur rang respectif dans la hierarchie assistant dans la joie a 1'ceuvre de Dieu, qui posait les
celeste. Aussi les anciens Peres ne sont-ils pas d'accord fondements de la terre. Gennade croyait que la creation
sur ce point. Cependant la division adoptee par le livre des anges avait eu lieu apres celle de la matiere brute,
de la Hierarchie celeste, attribute a saint Denys TAreo- pendant que les tenebres couvraient la terre, et cela plu-
pagite, est devenue corn-ante depuis longtemps. Elle par- sieurs siecles avant la production de la lumiere. Sa raisou,
581 ANGE 582
c'est qu'il fut convenable que Dieu ne restat pas inactif ont ete produites de rien par Dieu dans la totalite de
pendant ce temps. Suarez traite son opinion assez severe- leur substance. II est done de foi, en ce qui concerne les
ment. Le Juif Philon et saint Eucher ont cru que la crea- anges, qu'ils ont ete tires du neant par Dieu, ou, autre-
tion des anges avait suivi celle de 1'homme, parce que les ment dit, crees dans la totalite de leur substance; par
anges sont plus parfaits que 1'homme, et que I'reuvre de consequent, qu'ils ont eu un commencement et ne sont
Dieu a ete en se perfectionnant. Mais le texte de Job que point eternels.
nous avons rapporte est contraire a ce sentiment. Mais ces declarations ont-elles tranche la question de
Aussi plusieurs Peres, parmi lesquels saint Epiphane, savoir a quel moment les anges ont ete crees ? Sur ce
saint Augustin, et a peu pres tous les theologiens du point les theologiens sont loin de s'accorder. Remarquons
moyen age et des derniers siecles ont-ils admis que les d'abord que les assertions des anciens theologiens au
anges ont ete crees en meme temps que le monde ter- sujet du concile de Latran s'appliquent au concile du
restre et avant 1'homme. Le texte de Job cite en faveur Vatican, qui le reproduit textuellement. Or, d'apres saint
de la premiere opinion ne suppose pas, en elfet, que les Thomas (Opusc. xix ou xxm, suivant les editions, In
anges ont ete crees avant la terre, mais seulement qu'ils Decretalem, I, cap. n), 1'erreur que le concile de Latran a
assistaient a I'reuvre des six jours. D'autre part le livre voulu frapper serait celle des origenistes, qui regardaient
des Proverbes, vm, 22, laisse entendre qu'avant la pro- la creation de la matiere comme n'entrant point dans le
duction de la terre il n'existait aucune creature, mais seu- plan que Dieu avait en vue en creant les esprits. Suivant
lement la Sagesse eternelle. La simultaneite de la crea- le meme docteur, Sum. theol., I, q. 61, art. 3, il n'est
tion des habitants du ciel et de la terre est en outre pas certain, mais seulement plus probable, que les anges
affirmee dans ces paroles de 1'Exode, xx, 11 : Le Sei- ont ete crees au meme moment que la matiere. Cajetan,
gneur a fait en six jours le ciel, la terre et la mer et tout Sixte de Sienne, Vasquez et Petau disent avec saint Tho-
ce qu'ils renferment, et dans ces paroles plus succinctes mas que le decret de Latran n'a point transforme en
de 1'Ecclesiastique, xvm, 1 : Dieu a cree toutes les erreur le sentiment des Peres qui placaient la creation
choses ensemble, creomt omnia simul. Mais ce dernier des anges avant celle de la matiere. Sylvestre de Ferrare,
texte a recu un grand nombre d'interpretations. Cornelius In 2 cont. Gent., c. 83 (D. Thonue Opera, Anvers, 1612,
a Lapide en enumere jusqu'a. dix. On peut les ramener t. ix, p. 206), pense, au contraire, que le concile a voulu
a deux classes principalos. Les unes entendent simul d'une definir et qu'il a defini la simultaneite de ces deux crea-
simultaneite de temps, et y voient 1'expression du senti- tions. Suarez, De Angelis, lib. i, c. in, nos 13-15, Paris,
ment que les anges ont ete crees en meme temps que le 1856, t. n, p. 11, estime que le concile ne s'est point pro-
ciel et la terre. Les autres donnent a ce mot un des sens pose de trancher ce point, attendu qu'il s'est contente
du terme grec XOWYJ, qu'il traduit. Ici, selon eux, simul d'y toucher en passant. 11 ajoute que la pensee du decret
voudrait dire en commun, soit qu'il exprime que Dieu a de Latran est que les deux creations ont ete simultanees ;
fait egalement toutes choses, soit qu'il signifie qu'il a fait il conclut qu'a cause de ce decret, il serait temeraire de
toutes choses suivant un plan d'ensemble qui les embrasse nier cette simultaneite. II reconnait cependant qu'on peut
toutes. admettre que le corps de 1'homme n'est pas le seul qui
Cette derniere interpretation avait autrefois assez peu ait ete forme apres la creation des anges; car, si le con-
de partisans, mais elle est plus communement adoptee cile ne parle que de 1'homme, cela peut venir de 1'impos-
aujourd'hui. G'est que la simultaneite temporelle de la sibilite ou il etait de nommer toutes les creatures. Le
production des anges, du monde et de 1'homme n'offrait sentiment de Suarez etait et est reste jusqu'a ces der-
aucune difficulte au temps ou 1'on pensait que Dieu avait niers temps 1'opinion commune des theologiens. Nous le
produit toutes les creatures en six jours de vingt-quatre retrouvons sans aucun correctif dans Mazzella, De Deo
heures; car six de ces jours tont un espace de temps si creatore, 2e edit., Rome, 1880, ns 258 et 259, p. 173, qui
court, que les parties d'une ceuvre considerable accom- 1'appelle certain. Mais d'autres auteurs, comme Hurter,
plie en ce temps seraient appelees simultanees dans notre Theol. dogm., 6e edit., Inspruck, 1886, t. n, ns 425 et 426,
langage courant. Mais il n'en est plus de meme dans la p. 231; Jungmann, De Deo creatore, 4e edit., Ratisbonne,
theorie des jours-periodes suivie aujourd'hui par tant 1883, n 77, p. 63, admettent qu'on peut entendre le mot
d'exegetes; car, d'apres cette theorie, il s'est ecoule de simul employe par les conciles de Latran et du Vatican
longs siecles entre 1'apparition de la premiere creature dans le sens, non d'une simultaneite de temps, mais d'un
et celle de 1'homme; et, cela pose, il parait peu exact de plan unique ou d'une communaute d'origine. Ils font obser-
dire que Dieu a fait toutes choses au meme temps. ver cependant qu'en placant au commencement du temps,
La creation des anges a ete 1'objet de declarations dog- ab initio temporis, la creation des anges et de la matiere,
matiques de 1'Eglise. A la fin du xne siecle et au commen- le texte laisse entendre que les anges n'ont pas ete crees
cement du xine, les Albigeois pretendaient que ce n'etait longtemps avant les corps. A notre avis, le concile de
pas Dieu, mais le demon, qui avait cree la matiere; au Latran visait surtout 1'erreur des Albigeois, voir Hefele,
sujet du demon, ils disaient tantot, avec les manicheens, Hist, des conciles, trad. Delarc, Paris, 1872, t. vm, 645,
qu'il n'avait pas Dieu pour auteur, tantot qu'il avait ete qui plafaient la creation de la matiere apres la chute des
cree bon par Dieu, puis qu'il s'etait perverti. Hefele, His- anges et en dehors du plan primitif de Dieu. Cela ressort
toire des candles, 645, t. vm, p. 62. Le quatrieme con- de la suite du decret, qui justifie la declaration qui nous
cile de Latran, tenu en 1215, condamna leur erreur. Nous occupe par cette autre : En effet, le diable et les autres
avons deja, in, col. 578, parle de son decret. Dieu, demons ont ete crees tous par Dieu; mais, par leur propre
dit-il, par sa vertu toute-puissante a produit du neant fait, ils sont devenus mauvais. Pour 1'homme, il a peche
ensemble, au commencement du temps, les deux classes a la suggestion du diable. Bien que saint Thomas dise
de creatures spirituelles et corporelles, c'est-a-dire les que cette condamnation a ete portee contre les origenistes
anges et le monde; puis ensuite les creatures humaines et non contre les Albigeois, il nous semble done 1'avoir
comme reunissant dans leur constitution 1'esprit et le mieux comprise que personne.
corps. Cap. Firmiter; Denzinger, Enchiridion, n 355. Cependant le concile de Latran et celui du Vatican ont
Le concile du Vatican a reproduit textuellement ce passage aussi marque le temps des diverses creations. Ils affir-
du concile de Latran dans le premier chapitre de la cons- ment nettement que la creation de 1'homme a eu lieu
titution Dei Filius. II a en outre defini, au quatrieme canon apres celle des anges et du monde corporel. Le senti-
de ce chapitre, que les choses finies, soit corporelles, soit ment de Philon et de saint Eucher est done rejete par
spirituelles, ne sont pas des emanations de la substance 1'Eglise. Nos conciles affirrnent encore que les anges et
divine, et, au cinquieme, que le monde et toutes les choses les corps ont ete tires du neant au commencement du
yu'il renfenne, tant les spirituelles que les niaterielles} monde. Ce qui suppose, comme le remarque Hurter, ibid^
583 ANGE 584
que ces deux creations n'ont point ete separees par un VIII. Etat actuel des bons anges. Les bons anges
Ires long intervalle, ou, en d'autres termes, qu'elles ont depuis leur epreuve jouissent du bonheur du ciel. L'Ecri-
ete moralement simultanees. II importe done assez peu ture les appelle non seulement, comme nous 1'avons vu,
qu'on entende le mot simul dans le sens que lui attribue anges de lumiere, fils de Dieu, saints, mais encore anges
saint Thomas, ou dans celui que leur donnent Suarez et elus, II Mach., xi, 6; xv, 23; anges du ciel, Matth.,
Mazzella. II est d'ailleurs indubitable que les Peres du Vati- xxii, 30. Elle dit qu'ils sont en la presence de Dieu, Tob.,
can ne regardaient point leur declaration comme incon- xn, 15; Dan., vu, 10; qu'ils habitent le ciel, Marc., xn, 25;
ciliable avec la theorie des jours-periodes ; car la plupart qu'ils sont citoyens de la Jerusalem celeste, Hebr., xn, 22;
d'entre eux admettaient cette theorie, et tous la conside- qu'ils ont le sort qui sera donne aux elus, Luc., XX, 36;
raient au moins comme soutenable. que ceux meme qui nous gardent sur la terre voient sans
VI. Elevation surnaturelle des anges. Les anges cesse au ciel la face de Dieu. Matth., xvm, 10. Puisque
furent-ils crees dans 1'etat de pure nature, c'est-a-dire les anges du ciel ont le sort que Dieu reserve aux saints
avec les seuls dons auxquels leur nature leur donnait ses elus, ils ne perdront jamais le bonheur dont ils jouis-
droit, ou bien furent-ils eleves des le premier moment sent. Du reste Notre-Seigneur dit expressement qu'ils
de leur existence a 1'etat surnaturel, c'est-a-dire a la par- voient toujours et pour toujours (StaTOXVTO?)la face de
ticipation de la vie divine, a laquelle ils n'avaient aucun Dieu.
droit? Hugues et Richard de Saint - Victor, Pierre Lom- La gloire des anges n'est pas egale. Nous avons deja
bard, saint Bonaventure et beaucoup de leurs contempo- parle de leur hierarchic. L'Ecriture nous apprend en
rains, ont pense que 1'elevation des anges a 1'etat surna- outre qu'il y en a sept d'entre eux qui se tiennent devant
turel ne s'etait produite qu'apres qu'ils eurent ete laisses le trone de Dieu. Tob., xn, 15. Tout ce qui est vrai du
quelque temps a leurs seules ressources naturelles. Saint bonheur des saints dans le ciel, de leur connaissance de
Thomas a soutenu, au contraire, qu'elle avait eu lieu au Dieu, de la maniere dont ils 1'aiment et le louent, de leur
moment meme de leur creation, et cette opinion a ete impeccabilite, de leur connaissance surnaturelle du monde,
adoptee par la grande majorite des theologiens. Les jan- est egalement vrai des anges. Aussi n'en parlerons-nous
senistes 1'outrerent en pretendant que les anges non plus point ici. Mais nous devons nous occuper des fonctions
que 1'homme n'auraient pu vivre dans 1'etat de pure nature. qu'ils exercent vis-a-vis des hommes et qui leur ont fait
Les theologiens ont refute cette erreur; car qui dit etat de donner le nom d'anges ou deputes.
nature, dit un etat dans lequel une creature possede tout IX. Fonctions des anges. Les anges gardiens. Dieu
ce a quoi elle a droit, el par consequent un etat possible. se sert de ses creatures pour accomplir ses desseins. Ce
Mais quoi qu'il en soit de 1'etat dans lequel furent crees n'est point qu'il ait besoin d'elles ; mais, dans sa bonte, il
les anges, il est certain qu'au moment de leur epreuve ils veut leur donner une part a ses ceuvres. C'est pour cela
avaient ete eleves a 1'etat surnaturel. L'Ecriture les appelle, qu'il a accorde a tous les etres une certaine puissance
en effet, anges de lumiere, II Cor., xi, 14; fils de Dieu, naturelle. C'est aussi pour ce motif qu'il se sert du mi-
Job, XXXVIH, 7 ; saints, Dan., vin, 13; Marc., vm, 38. nistere des hommes pour nous instruire des verites reve-
Ces noms indiquent que les anges participent a la vue de lees et pour nous cornmuniquer la grace des sacrements.
Dieu, a sa vie et a la saintete surnaturelle. Ils jouissent II n'y a done rien d'etonnarit qu'il emploie le ministere
aujourd'hui au ciel de la vision intuitive de Dieu. Matth., des anges pour executer les plans de sa providence, soit
xvm, 10. Ils possedent par consequent un bonheur sur- dans Tordre naturel, soit surtout dans 1'ordre surnaturel.
naturel, qui est une recompense pour eux, comme Fenfer II a charge ces esprits bienheureux de proteger le juste,
est un chatiment pour les demons. Or une recompense Ps. xc, 11-13; Hebr., I, 14; d'ecarter de lui les dangers,
surnaturelle suppose des actes de vertu surnaturelle, et ibid., et Judith, xin, 20; de le defendre contre les em-
par consequent une elevation surnaturelle dans ceux qui buches du demon, Tob., vm, 3; de presenter ses prieres
ont accompli ces actes. Parmi les theologiens, les scotistes a Dieu, Tob., xn, 12; de conduire son ame en 1'autre vie,
pensent que la grace fut donnee aux anges en vue des Luc., xvi, 22; il leur reserve aussi le soin de separer les
merites futurs de Jesus-Christ; mais les thomistes com- bons des mechants au jour du jugement general. Matth.,
battent ce sentiment. xni, 49. Un ange est meme depute aupres de chacun de
VII. Epreuve des anges. L'epreuve des anges n'est nous pour nous aider. On 1'appelle pour ce motif ange
pas racontee expressement dans 1'Ecriture; mais son gardien. C'est une doctrine certaine et qu'il serait teme-
existence n'est point douteuse, car la tradition 1'affirme raire de contredire en ce qui regarde les fideles predes-
unanimement. II est en outre certain que les demons ont tines ; elle est communement admise dans TEglise pour
ete crees bons, et qu'ils etaient primitivement comme les les autres hommes. Elle etait deja crue par les premiers
anges. Or saint Pierre nous dit que les demons ont ete Chretiens; car lorsque saint Pierre, tire miraculeusement
precipites en enfer a cause de leur peche, II Petr., n, 4; de la prison, frappait a la porte de Marie, mere de Jean,
cf. Matth., xxv, 41; Judse, 6, d'oii il resulte que les bons les Chretiens stupefaits se disaient les uns aux autres que
anges auraient pu pecher comme eux, et qu'ils ont ete c'etait son ange. Act., xn, 15. Notre-Seigneur avait, du
soumis a une epreuve. reste, confirme cette croyance en disant, Matth., xvm, 10,
En quoi consiste cette epreuve ? Nous pouvons le con- que les anges des petits enfants voient sans cesse la face
clure encore de la nature du premier peche des demons, de Dieu; et elle s'appuyait sur les paroles du patriarche
qui, suivant 1'opinion commune, fut une faute d'orgueil. Jacob, Gen., XLVIII, 16, et de Judith, Judith, xni, 20,
Eccli., x, 15; Tob., iv, 14 ; I Tim., ill, 6. II semble pro- qui affirment que 1'ange de Dieu les avait gardes.
bable que cette epreuve ne fut pas de longue duree, car Chaque peuple a aussi un ange specialement charge de
1'Ecriture ne laisse pas entendre qu'aucun des bons anges lui, suivant un sentiment admis par les saints Peres et
ait peche; elle suppose, au contraire, que les demons furent par les theologiens catholiques. Le livre de Daniel, x,
precipites en enfer des leur premiere faute. II Petr., n, 4. 13, 21, fait en effet mention de 1'ange des Grecs et de celui
Quel fut le nombre des anges qui tomberent et celui des Perses. En outre, la traduction des Septante, Deut.,
des aages qui persevererent ? Nous 1'ignorons. Plusieurs xxxii, 8, porte que Dieu a partage la terre aux nations
auteurs ont cru que les demons sont deux fois moins nom- suivant le nombre de ses anges. Et plusieurs auteurs en
breux que les anges, parce que 1'Apocalypse, xn, 4, nous ont coriclu que chaque nation a son ange gardien. L'ange
represente le dragon entrainant avec sa queue le tiers des du peuple juif etait Michel, Dan., x, 13, 21; xn, 1; Judae, 9,
etoiles du ciel et les precipitant sur la terre ; mais, outre qui est maintenant le protecteur special de 1'Eglise uni-
que ces etoiles du ciel paraissent etre les saints perse- verselle, Apoc., xn, 7, pour laquelle il combat. II etait
cutes, on ne doit pas regarder le chiffre donne ici comme assez naturel de penser que les Eglises particulieres ont
ayant une precision mathematique. aussi leur ange gardien. C'est done un sentiment fort
585 ANGE 586
repandu. II est meme des interpretes qui pensent que X. Culte des anges. II etait naturel que ceux qui
saint Jean s'adresse aux anges des sept Eglises d'Asie au attribuaient aux anges la creation et la redemption leur
debut de 1'Apocalypse; mais ceux qu'il appelle anges en rendissent le culte qui n'est du qu'a 1'Etre supreme. Saint
cet endroit sont les eveques de ces Eglises, comme le Paul met les Colossiens, Col., n, 18; cf. Matth., V, 34, en
prouvent les reproches qu'il leur fait. La croyance aux garde centre ce qu'il appelle la religion des anges. C'est
anges gardiens n'est point particuliere aux Juifs et aux sans doute a cause de ce culte que 1'ange devant qui saint
Chretiens; elle existait chez les Perses, chez les Grecs et Jean voulait se prosterner, dans 1'Apocalypse, lui defendit
chez d'autres peuples; mais ce n'est pas une raison pour de le faire, et lui dit de reserver ses adorations pour Dieu.
la rejeter. Apoc., xxii, 9. Cependant 1'Ecriture ne condamne point
Saint Etienne, Act., vn, 53, et saint Paul, Hebr., n, 2; les honneurs rendus aux anges en tant que ministres de
Gal., in, 19, deelarent que la loi et la revelation mosa'i- Dieu, ni les prieres qu'on leur adresse pour qu'ils les portent
ques avaient ete donnees aux Juifs par le ministere des au pied de son trone. Moise, Exod., m, 5, et Josue, v,
anges. Saint Paul en prend occasion de montrer la supe- 13, 14, otent leur chaussure par respect pour le lieu ou
riorite de la revelation chretienne qui a ete apportee au 1'ange du Seigneur leur apparait. Daniel se prosterne
monde par le Fils de Dieu en personne. Hebr., I. devant un ange qui se presente a lui sur le Tigre, x, 5,6.
Si la participation des anges aux ouvrages de Dieu a Cf. Gen., xvm, 2; xxxn, 36; XLVIII, 16 ; Exod., xxni, 20;
ete considerable, il est cependant des ceuvres que Dieu Ose., XH, 4. Saint Jean, Apoc., v, 8, nous montre ces
s'est reservees a lui seul, savoir : la creation et la redemp- esprits bienheureux occupes a presenter a Dieu les prieres
tion du monde. des saints. Aussi 1'Eglise catholique rend-elle un culte
Cependant Simon le Magicien et apres lui Menandre, aux anges; mais le culte qu'elle leur rend n'est point
Saturnin et en general les gnostiques, attribuaient la crea- celui de latrie, qui est reserve a Dieu, c'est le culte de
tion du monde aux anges (Voir Schwane, Histoire des dulie.
dogmes, trad. Belet, t. i, 31 et 32, p. 251-255). Marcion XI. L'ange de Jehovah. Les apparitions des anges.
et les manichecns attribuaient celle des corps au demon. C'est ici le lieu de nous poser une question qui a ete
Ces opinions furent toujours rejetees par 1'Eglise, qui, dans 1'objet de nombreuses discussions. Les anges ont apparu
ses symboles et ses conciles, proclama Dieu le createur tres souvent aux hommes. Parmi les apparitions rappor-
de toutes choses. Les theologiens se demanderent meme tees dans 1'Ancien Testament, il en est un grand nombre
si Dieu pouvait communiquer, dans une certaine mesure, ou celui qui apparait est nomme I'ange de Jehovah. Gen.,
sa puissance creatrice a des etres finis. Quelques-uns xvi, 7; xxi, 17; xxn, 11, 15; xxiv, 40: xxxi, 11; Num.,
crurent cette communication possible; mais la plupart xx, 17; xxii, 22; Jud., n, 1, 4; vi, 11; xm, 3; II Reg.,
admettent avec saint Thomas, I, q. 45, a. 5, qu'aucune xxiv, 16; III Reg., xix, 5-7; IV Reg., i, 15; xix, 35;
creature ne peut reccvoir le pouvoir de creer. I Par., xxi, 15; Ps. xxxin, 8; Isai., xxxvn, 36, etc. II
Basilides et les autrcs gnostiques faisaient de Jesus- arrive aussi assez souvent que le meme personnage qui
Christ un eon. Us attribuaient, en consequence, notre vient d'etre appele ange est ensuite nomme Dieu. Ainsi
redemption aux anges. Mais la doctrine de saint Paul, par exemple, Gen., xvm, 19, lorsque le Seigneur apparait
Hebr., I et n, des Peres et des theologiens, voir Klee, a Abraham, celui-ci voit trois personnages ; or, dans la
Hist, des dogmes, t. n, p. 4, c'est que 1'homme n'aurait suite du recit, tantot ces personnages sont supposes plu-
pu etre sauve par un ange et qu'il 1'a ete par le Fils sieurs, tantot ils sont supposes un seul; deux d'entre eux
meme de Dieu. On trouvera traitees dans les theologiens vont a Sodome secourir Loth, et sont appeles anges; 1'un
les questions relatives a la maniere dont les anges agis- reste avec Abraham et est appele le Seigneur. De meme
sent sur les corps, se transported d'un lieu dans un autre encore Dieu, ou 1'ange de Dieu suivant 1'hebreu, Exod.,
(voir en particulier Schmid, Qusestiones selectee ex theo- m, 2, apparut a Mo'ise dans le buisson ardent, et saint
logia dogmatica, Paderborn, 1891, q. n, p. 128-145), et Etienne, rappelant cet evenement, nomme celui qui appa-
nous suggerent des pensees. L'Ecriture affirme ces faits rut a Moise tantot un ange, tantot Dieu. Act., vn, 31-35.
sans les expliquer. L'Ecriture ne nous fait pas non plus Or on s'est demande si 1'ange de ces apparitions n'etait
connaitre si Dieu confie des missions sur la terre a tous point Dieu lui-meme, avec lequel il semble se coafondre,
ses anges ou s'il n'en donne qu'aux cinq derniers ordres. ou le Fils de Dieu, qui est nomme ailleurs 1'Ange du Tes-
Un grand nombre de Peres, saint Athanase, saint Chrysos- tament. Malac., m, 1.
tome, saint Jerome, saint Ambroise, saint Bernard, apres On peut ramener a trois classes les opinions diverses
eux Scot, et plus pres de nous Petau, Knoll et d'autres qui ont ete emises a ce sujet. La plupart des Peres ont
auteurs ont pense que tous les anges remplissent des pense que dans toutes ces apparitions ce n'etait point un
ministeres aupres des hommes. L'Epitre aux Hebreux, ange, mais Dieu lui-meme qui se montrait. Leur raison,
i, 14, dit en effet que tous les anges sont les ministres c'est que ce personnage est appele Dieu et agit comme
que Dieu emploie pour le salut des elus. Dieu placa des Dieu, et aussi que ces apparitions etaient des prelimi-
cherubins a 1'entree du paradis pour en defendre 1'acces, naires de 1'Incarnation. Plusieurs ont vu la Trinite dans
et les anges Michel, Gabriel et Raphael, qui accomplirent quelques-unes de ces apparitions, en particulier dans les
plusieurs missions, sont du nombre des anges qui se trois anges qui visiterent Abraham; d'autres ont vu une
tiennent devant le trone de Dieu. Neanmoins, a la suite manifestation du Dieu unique dans cette apparition, qui
de 1'auteur de la Hierarchie celeste, connue sous le norn montre 1'unite de nature des trois personnes divines, et
de saint Denys 1'Areopagite, et de saint Gregoire le Grand, dans celle ou Dieu declare qu'il se nomme Jehovah, qu'il
les principaux theologiens du moyen age, saint Bona- est le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ; mais ordi-
venture, saint Thomas et 1'ecole thomiste ont soutenu nairement on a cru, aux quatre premiers siecles de 1'Eglise,
que les quatre premiers ordres d'anges n'etaient occupes que c'etait le Fils de Dieu qui se manifestait sous la forme
qu'a louer et a adorer Dieu. Suivant cette opinion, lorsque des anges, et preparait ainsi son incarnation. Cette opinion
ces anges superieurs remplissent un ministere parmi les a ete formulee par saint Irenee, saint Justin, Origene, Ter-
hommes, c'est par 1'intermediaire des anges des cinq der- tullien, saint Cyrille d'Alexandrie, Eusebe de Cesaree, saint
niers ordres. D'apres saint Thomas, i, q. 112, a. 2, quand Cyprien, saint Cyrille de Jerusalem, saint Chrysostome,
1'Ecriture nous parle d'un ministere rempli sur la terre par saint Hilaire, saint Epiphane, saint Gregoire de Nysse,
les seraphins, Is., vi, 2-6, ou les cherubins, Gen., in, 24, saint Gregoire de Nazianze, saint Ambroise. Elle a garde
il faut regarder ces termes comme une denomination d'ailleurs jusqu'a nos jours des representants tres autorises.
generate qui ne designe pas un ordre particulier de la Citons Bossuet, Elevations sur les mysteres, 1O semaine,
hierarchie celeste, mais qui s'applique a tous les anges, 6e elevation, qui s'exprime en ces termes : Croyons que
ou qu'explique la forme revetue par les envoyes de Dieu. toutes ces apparitions, ou du Fils de Dieu ou du Pere meme,
587 ANGE 588
etaient aux hommes un gage certain que Dieu ne regar- Certaines couleurs de ces recits ont change, certaines
dait pas la nature humaine comme etrangere a la sienne, parties des croyances se sont developpees, mais le fond
depuis qu'il avait etc resolu que le Fils de Dieu egal a son est reste le meme. La plupart des representants de
Pere se ferait homme comme nous. Toutes ces apparitions 1'exegese rationaliste se sont cependant persuade que la
preparaient et commencaient 1'incarnation du Fils deDieu, croyance aux anges avait ete notablement modifiee depuis
1'incarnation n'etant autre chose qu'une apparition de Dieu, Moi'se jusqu'a Jesus-Christ. Voici quelle serait, suivant
I Tim., in, 16, au milieu des hommes plus reelle et plus plusieurs d'entre eux, les etapes de ce developpement.
authentique que toutes les autres : pour accomplir ce A 1'origine les Hebreux auraient ete polytheistes et auraient
qu'avait vu le saint prophete Baruch, in, 37, 38, que Dieu adore les astres. Le monotheisme, qui prit racine en Israel,
meme, apres avoir enseigne la sagesse a Jacob et a aurait rabaisse les anciens dieux a un rang secondaire et
ses enfants, avait ete vu sur la terre et avait converse les aurait transformes en ces anges, serviteurs de Jehovah,
parmi les hommes. Cf. Vandenbroeck, qui s'applique a qui forment la milice celeste. Ce serait pour ce motif que
etablir cette opinion dans sa Dissertatio theologica de le meme personnage nous est presente dans les premiers
theophaniis sub Veteri Testamento, Louvain, 1851, recits de la Bible, tantot comme un envoye de Dieu, tantot
p. 58-113. comme Dieu lui-meme. Les anges auraient garde le carac-
Cependant saint Jerome, saint Augustin et saint Gre- tere des dieux de 1'Olympe dans Job, ou ils forment le
goire pape s'etaient montres favorables a un sentiment conseil de Dieu, Job, i, 6, et dans les passages nombreux
different, celui qui attribue ces apparitions a des anges. ou ils paraissent en guerriers. Gen., xxxn, 1-2; Jos., v, 14;
Ce sentiment fut suivi par la plupart des theologiens et I Reg., XXH, 19; II Reg., vi, 17, etc. Ensuite ils auraient
des exegetes scolastiques. Citons saint Bonaventure, saint pris de plus en plus le caractere de simples messagers.
Thomas, les theologiens de Salamanque, Sylvius, Estius, Leur spiritualite n'aurait pas ete admise dans les premiers
Suarez, Billuart, Perrone, Tostat, Cornelius a Lapide, temps, mais seulement plus tard. Ainsi s'expliquerait qu'ils
Bonfrere, Calmet, Menochius. Suivant ces auteurs, ce aient bu et mange avec Abraham, Gen., xvin, 8, tandis
sont des anges qui ont apparu aux hommes non seulement qu'ils refuserent de s'asseoir a la table de Manue, pere de
dans les cas ou celui qui apparait est appele tantot Dieu, Samson, Jud., xin, 16, et qu'ils declarerent a Tobie, Tob.,
tantot ange, mais encore dans les apparitions ou il n'est xn, 19, que ce n'etait qu'en apparence qu'ils prenaient la
point parle des anges, et ou Dieu seul semble intervenir. nourriture des hommes. Les Juifs auraient adopte pendant
Ils s'appuient principalement sur divers passages de 1'Ecri- la captivite de Ninive et de Babylone diverses croyances des
ture ou il est affirme tantot que personne n'a jamais vu Chaldeens et des Perses, en particulier la distinction entre
Dieu, Joa., i, 18; Joa., iv, 12, tantot que dans 1'Ancien les bons et les mauvais anges, qui fait le fond du zoroas-
Testament Dieu s'est toujours servi du ministere des trisme. C'est aussi a cette source qu'ils auraient emprunte
anges. Heb., i, 1; n, 2; Gal., in, 19; Act., vu, 53. Voir la division hierarchique des anges, la notion des sept anges
en particulier saint Thomas, Qusest. disp. de Potentia, qui se tiennent devant le trone de Dieu et les noms de
q. 6, art. 8, ad. 3; Suarez, De Angelis, VI, xx, edit. Vives, quelques-uns d'entre eux. Plusieurs autres conceptions con-
185G, t. n, p. 765; Cornelius a Lapide, In Exodum, cap. in, traires aux croyances primitives de I'hebraiisme se seraient
edit. Vives, 1868, t. i, p. 451. introduites a partir de ce moment. Dans Page patriarcal,
Une troisierne maniere d'expliquer les apparitions qui dit M. Haag, Theologie biblique, Paris, 1870, p. 414, Dieu
nous occupent consiste a dire que ce sont des anges qui habitait au milieu des tentes de son peuple et protegeait
ont apparu, rnais que c'est Dieu qui parlait en eux. Elle a directement la famille du patriarche. Pendant la periode
etc adiuiso par le franciscain Frassen. M. Vandenbrreck, de rhebraisrne (avant 1'exil), la Bible nous montre le Dieu
De theophaniis sub Veteri Testamento, p. 59, 1'attribue national des Israelites tronant entre les cherubins dans la
aussi a Wouters et aux Benedictins qui ont edite saint tente-sanctuaire (le tabernacle) et intervenant encore quel-
Hilaire. Cette troisierne opinion merite a peine d'etre signa- quefois dans les affaires de la nation. Depuis 1'exil, retire
lee; car elle est peu en harrnonie avec les textes de 1'Ecri- dans le ciel comme les rois d'Orient dans leur palais,
ture, qui dit que les paroles sont prononcees par le per- d'ou ils ne sortent que rarement pour se montrer a leurs
sonnage qui se montre dans les apparitions. sujets, nous le voyons continuant a gouverner le monde,
M. Vandenbroeck distingue une quatrieme opinion, non pas encore, il est vrai, par des lois physiques et mo-
qu'il attribue a Witasse, et suivant laquclle Dieu aurait rales etablies de toute eternite et immuables comme lui
apparu mediatement et les anges immediaternent. Mais (qu'etait done le Decalogue?), mais par des ministres de
ce sentiment est celui de tous les scolastiques, qui attri- sa volonte, par des anges, et a cet egard les Juifs vont si
buent ces apparitions aux anges; car ils font tous observer loin des la fin de cette periode, que deja les Septante tra-
que ces anges remplissaient une mission de Dieu et par- duisent 'es ddt, Deut., xxxin, 2, qui signifie feu de la loi,
laient en son nom. C'est pourquoi, suivant eux, 1'Ecriture par ayye^ot, les anges, premiere trace d'une croyance que
affirme tantot que c'est un ange, tantot que c'est Dieu qui 1'on trouve enseignee dans le Nouveau Testament, comme
parle et se manifeste. dans le Talmud. (Notre Vulgate traduit 'esddt par lex
Les anges ont apparu sous des formes diverses : sous ignea; mais comment M. Haag n'a-t-il point remarque
forme de cherubins a corps d'animaux, a Ezechiel et que, dans le meme verset et le suivant, le texte original parle
probablement a Adam, sous forme de nuee dans le desert, de qodes, de saints qui accompagnent Dieu par milliers,
sous forme de voyageurs, de guerriers, de pretres en et dans lesquels les rabbins voient les Docteurs qui ont
habit de lin, parfois avec et le plus souvent sans ailes. compose le Talmud, pendant que les exegetes catholiques
On peut se demander s'ils ont pris pour ces apparitions y voient les anges?) Cette croyance qui fait intervenir
des corps veritables. L'opinion commune est qu'ils se sont directement les anges dans la promulgation de la loi sur
formes, ou que Dieu leur a forme des corps veritables le Sinai est aussi etrangere a 1'hebraisme que la doctrine
pour les apparitions que la Bible presente comrae reelles. des anges protecteurs, qui commence seulement a se pro-
II en est autrement dans le cas ou les anges apparaissent duire dans les apocryphes de FAncien Testament. Notre-
en songe, comme cela eut lieu pour la vision de Jacob, Seigneur et ses Apotres auraient accepte les idees cou-
Gen., xxvin, 12, 13, et pour celles de saint Joseph, Matth., rantes parmi les Juifs de leur temps. Voir Haag, Theologie
i, 20; n, 19. biblique, 96,108,121 et!32, p. 338-347, 411-415, 459-460
XII. Developpement de la doctrine des anges. On et 497-502.
peut considerer ce developpement soit dans la Bible, soit Ces vues sont absolument exagerees, et par consequent
dans la theologie catholique. L'angelologie de 1'Ecriture fausses. Sans doute la connaissance des anges, de leur
Sainte s'est precisee peu a peu; mais on en trouve tous caractere personnel et de leur nature s'est precisee de
les elements en germe des les premiers recits bibliques. plus en plus. II en est resulte que la part des anges
589 A N G E ANGE DE ANGELIS 590
dans 1'oeuvrc dc Dieu a paru davantage; mais il n'y a eu essentiellement monotheistes et soumettent a Dieu le
la qu'un eclaircissement des donnees les plus anciennes principe meme du mal.
de la Bible. Au temps des patriarchies, les anges ne se Les divers ordres de la hierarchic des anges n'avaient
distinguent point les uns des autres par des noms parti- pas etc determines avant la captivite ; mais Ieur existence
culiers. On ne prend presque point garde a eux, mais seu- etait deja indiquee d'une facon generale, car des lors les
lement au Dieu dont ils sont les deputes. C'est pourquoi anges etaient compares a une armee, et celui qui apparut
on les appelle tantot anges de Dieu, tantot Dieu. II faut a Josue s'etait nomme le chef de 1'armee du Seigneur.
remarquer cependant que la meme confusion apparente Josue, v, 14.
qui fait donner au meme personnage le nom d'ange et de _ Enfin les exegetes catholiques ne font pas difficulte de
Dieu se retrouve jusque dans les derniers livres du Nou- reconnaitre que les noms des anges et quelques details
veau Testament. Qu'on lise pour s'en convaincre le dis- de 1'angelologie hebraique ont pu etre empruntes aux
eours de saint Etienne, Act., vn, 30, 33, et la fin de FApo- croyances des Perses. Ces croyances n'etaient pas, en
calypse, XXH, 9, 13. II est certain pourtant que les auteurs effet, fausses a tous egards. L'esprit de Dieu a pu reveler
de ces derniers livres distinguaient parfaitement Dieu des et faire discerner aux ecrivains inspires ce qu'elles conte-
anges, et que ieur croyance sur ces derniers n'avait rien naient d'exact. Pour ce qui est des noms donries aux
de polytheiste. Dieu, sur lequel toute 1'attention se porte anges, nous avons deja remarque que ce ne sont pas les
dans les premieres pages de la Bible, semble par suite noms par lesquels ils se designent eux-memes dans Ieur
remplir en personne les ministeres qui seront plus tard langage, puisqu'ils ne se servent pas de mots comme
attribues aux anges qu'il envoie. Cependant, des les temps nous. II importe, du reste, de ne pas oublier que s'il existe
les plus recules, les anges s'acquittcnt, a la sortie du paradis quelque ressemblance entre les croyances des Hebreux
(errestre, pres d'Abraliam, d'Agar, de Loth, de Jacob, de sur les anges et celles des autres peuples, et en particulier
Moise, de ministeres do la meme nature que ceux dont ils des Perses, il y a aussi de notables differences, et que
seront charges aupres de Tobie, de Daniel, de Marie et de 1'angelologie des Juifs s'est developpee sur un fonds tout
Joseph. Du reste, le nom de messager donne aux anges hebraique, ainsi que nous 1'avons montre.
de toute antiquite montre bien qu'on Ieur a toujours attri- Ce fonds s'est encore developpe davantage dans la theo
bue le meme ministere que dans les derniers temps de logie catholique. Deux influences y ont puissamment con-
1'Ancicn Testament. tribue : c'est 1'action de la dogmatique chretienne et les
Les anges n'etant pas distingues indiviuuellement les uns donnees de la philosophic grecque. Nous avons signale
des autres a 1'epoque des patriarches, on ne pouvait arriver les principaux problemes sur lesquels 1'altention des Peres
a la conception d'un ange gardien special, charge de pro- et des theologiens s'est portee et les solutions diverses
teger les individus et les peuples pendant toute Ieur exis- qu'ils ont recues. Ces problemes sont surtout la question
tence. Cependant Agar est sans cesse protegee par un ange; de la nature des anges qui s'eclaircit en meme temps que
Jacob mourant invoque 1'ange qui 1'a delivre de tous les la doctrine de la spiritualite de 1'ame humaine; la question
dangers, Gen., XLVIII, 16, et un ange accompagne ct guide de Faction des anges dans i'Ancien Testament, qui fut envi-
le peuple d'Israel dans le desert, avec la meme vigilance sagce differemment par les Peres et par les scolastiques;
que Raphael mit a accompagner Tobie. Sans etre for- celle de Ieur hierarchic, sur laquelle 1'accord ne se fit qu'au
mulee theoriquement, la notion des anges gardiens des rnoyen age sous 1'inlluence du traite attribue a saint Denys
individus et des peuples a done toujours fait partie des 1'Areopagite ; la question de 1'objet de Ieur science etudiee
croyances hebraiques. Quant a la pensee que les anges deja par les Peres, en particulier par saint Augustin; les
concoururent a la promulgation de la loi qui fut entouree questions plus philosophiques que theologiques qui ont
de tant de prodiges, on voit qu'elle etait conformc aux ete discutees par la scolastique au sujet de Ieur mode de
idees recues du temps de Moise. Du reste, ce n'est pas connaissance, de Ieur langage et de Ieur action sur le
seulement d'apres la version des Septante, mais encore monde et sur nos ames.
d'apres le texte hebreu aussi bien que d'apres la Vulgate, i A consulter : Pierre Lombard, // Sententiarum liber,
que le cantique de Moise rapporte au Deuteronome, D. 3-11, et tous ses commentateurs; S. Thomas d'Aquin,
xxxin, 2, parle de la part que les anges ont eue a la Summa theologica, I p., q. 50-62, 106-108, 111-113, et
promulgation de la loi. | ses commentateurs; Suarez, De Angelis, lib. i-iv; Collegii
Les demons sont mieux conntis et se distinguent mieux 1 Salinanticensis cursus theologlcus, tract, vii, De Angelis;
des anges apres la captivite, mais de la memo maniere I Petau, Dogmata theologica, de Angelis ; D. Calmet, Dis-
que les bons anges sont mieux connus et se distinguent sertation sur les bons ct sur les mauvais anges, avant son
mieux les uns des autres. L'attention etait moins appclee Commentaire sur saint Luc; Albertus (Knoll) a Bulsano,
a Forigine sur la difference de ces etres superieurs a Institutions theologies, theoretical,^ edit., Turin, 1875,
rhomme, mais qui n'agissent que par 1'ordre ou la per- p. 2, cap. in ; Jungmann, De Deo creatore, editio quarta,
mission de Dieu. Cependant la notion de 1'esprit mauvais Ratisbonne, 1883, p. 57-96; Mazzella, De Deo creante,
et mechant est dans les plus anciens livres de la Bible. editio altera, Rome, 1880, disput. 2% p. 169-340; Hurter,
Le serpent qui tente Eve a une personnalite aussi nette- Theologies dogmaticse compendium, 5e edit., Inspruck,
merit dessinee qu'aucun des bons anges qui interviennent 1888, t. n, p. 319-336; Scheeben, La dogmatique, trad.
dans la Genese ; or son role est celui du demon. II en Belet, Paris, 1881, 135-142; Schell, Katholische Dog-
est de meme du role de Satan vis-a-vis de Job, Job, n, matik, Paderborn, 1890, t. n, p. 170-262 ; Oswald, Ange-
et de celui de 1'esprit malin qui agite le roi Saul. I Reg., lologie, 2e edit., Paderborn, 1889; Wetzer etWelte, Kir-
xvi, li. Sans doute ces esprits mauvais nous sont pre- chcnlexicon, 2e edit., Fribourg - en - Brisgau, t. iv, 1886;
sentes, au moins dans ces deux derniers cas, comme agis- article Engel. A. VACANT.
sant par la permission, et d'une certaine maniere par la
volonte de Jehovah, taiulis que dans les livres posterieurs 2. ANGE CELESTIN, mineur observant, ne a Monte-
de la Bible le demon semble avoir plus d'initiative; mais Corvino, ville du Principato, se rendit recommandable
nous avons deja fait une remarque analogue pour les bons par I'enseignement, par la predication et par la publica-
anges. Du reste, il ne faut pas oublier qu'alors meme que tion de beaucoup de bons ouvrages, parmi lesquels Alva
la Bible represente le demon laisse a lui-meme, elle sous- note un Commentaire italien sur le Magnificat, impriine
entend toujours cette permission de Jehovah sur laquelle a Naples en 1609, in-4. P. APOLLINAIRE.
les anciens recits portent notre attention. II y a en effet
toujours eu une difference radicale entre le dualisme des 3. ANGE DE ANGELIS, natif de Feltria, mineur reforme
doctrines zoroastriennes, qui egalent le principe du mal de la province dite de Saint-Antoine-de-Padoue, dans
au principe du bien, et les doctrines de la Bible, qui sont laquelle il fut honore des dignitcs de definiteur et de
59f ANGE DE ANGELIS ANGE (MONT)
cuetode. II mourut au couvent de Venise, en 1694. II a fortes. II emporta d'assaut la ville fameuse de Me'lothi
public : Lux desiderata ad intelligendos Psalmos et Can- (Melite ou Melitene de Cappadoce), et il pilla tous les
tica, in-4, Venise, 1684. P. APOLLINAIRE. habitants de Tharsis (Tarse en Cilicie), etc. Laissant
ainsi au sud FAmanus et le Taurus oriental, Holopherne
4. ANGE DE L'ABIME (6 ayysXoc TV^ do'jfftrou). Un des se dirigea tout de suite vers le centre ou Fouest de FAsie
chefs des demons, appele Abaddon ou Exterminateur. Mineure, Fun des principaux foyers de la revolte. Le mont
Apoc., ix, 11. Voir ABADDON. Ange, qui se trouvait sur sa route, ne peut etre que le
mont Argee des auteurs classiques, F 'ApyaTo; de Strabon,
5. ANGE DEL PAS. Voir PAS (ANGE DEL). xn, p. 533, le pic principal du massif central de la Cappa-
empressement la bonne nouvelle. Les Juifs, au contraire, Les indications des anciens sont dans Strabon, xn, 8;
ne contenant plus leur baine centre les predicateurs, fomen- Pline, H. N., v, 24; Ptolemee, V, v, 4. E. LE CAMUS.
terent une terrible cabale centre eux. Bon nombre de
femmes pieuses et de personnages notables subirent leur 2. ANTIOCHE DE SYRIE ('Avrioxeta) fut la capitale
influence et prirent partie centre Paul et Barnabe, qu'on des rois Seleucides (I Mach., in, 37; iv, 35; vi, 63; x, 68;
expulsa du territoire d'Antioche. Ceux-ci, indignes, par- xi, 13, 44, 56; II Mach., v, 21; vm, 35; xm, 23, 26; xiv, 27),
tirent en secouant la poussiere de leurs pieds centre les comme Alexandrie 1'etait des Ptolemees (fig. 169). C'est
Juifs auteurs de cette odieuse mesure. Act., xm, 46-51. Seleucus qui, apres la victoire d'Ipsus (301 avant J.-C.),
Us repasserent neanmoins a Antioche quelque temps apres la batit non loin d'Antigonie, dans le vallon fertile arrose
pour y consolider le bien qu'ils y avaient commence, Act., par 1'Oronte, entre les dernieres ramifications de TAma-
xiv, 20-22, et y organiser une communaute chrctienne nus au nord et les embranchements du Casius au midi.
sous la direction d'anciens qu'ils designerent. Antioche Rien de plus pittoresque que le site de cette superbe ville
est mentionnee par saint Paul, II Tim., m, 11, cornme (tig. 170), cinquante fois detruite par des tremblements
une des villes ou il avail souffert pour Jesus-Christ. de lerre et cinquante fois rebatie, jusqu'a ce que la bar-
Strabon indique a peu pres la place de cette cite en barie musulmane, plus inexorable que tous les boulever-
disant qu'elle etait au midi de 1'arete montagneuse tra- sements du sol, lui a deh'nitivement interdit de redevenir
677 A N T I O C H E DE STRIE 678
une cite digne de ses vieilles gloires. Susceptible cepen- population d'Antigonie, transplanted par Seleucus dans la
dant de receyoir aujourd : hui comme autrefois par 1'Oronte ville neuve, en remplit bientot 1'enceinte.
Callinicus, un des successeurs de ce roi, dut peu apres
se preoccuper de 1'agrandir. La montagne sur laquelle
etait lopolis ou 1'a'cropole se rapprochant, vers Test, des
bords de 1'Oronte, il jugea qu'au lieu d'arreter la muraille
fortifiee aux Fortes de Fer, comme on 1'avait fait d'abord,
il etait plus naturel d'enfermer le sombre ravin lui-meme
dans 1'enceinte de la ville. Par une ceuvre d'art tres remar-
quable, on inflechit et on releva, a travers la gorge abrupte,
le mur en cre'maillere, pour le faire courir ensuite, avec
169. Monnaie d'Antioche de Syrie.
ses tours rondes ou carrees, sur la montagne voisine, plus
TStede Jupiter.- $j. ANTIOXEQN EII1 OTAPOY [Mon- tard nommee Stauris, jusqu'au point propice d'oii il devait
naie des Antiochiens ], sous [ le legat Quinctilius ] Varus. EK descendre en ligne droite vers 1'Oronte. Dans ce quartier
[1'an] 25 [de 1'ere d'Actium, an 6 avant notre ere]. Femme
representant la viile d'Antioche, tte voilee et tourrelee, assise nouveau s'etablirent surtout des Juifs, dont la nombreuse
sur un rocher, et tenant dans la main droite une branche de colonie devenait aussi puissante a Antioche qu'a Alexandrie.
palmier. Au - dessous, le fleuve de 1'Oronte. Quelque temps apres, 1'espace venant encore a man-
quer, Antiochus III le Grand, ou Antiochus IV Epiphane
canalise et le port de Seleucie, qu'il serait facile de re- (on ne sait pas exactementlequel des deux), crea une qua-
creuser ou de reconstruire, les produits de 1'Occident, trieme cite dans une ile formee par 1'Oronte et le lit d'un
aisement abordable aux caravanes qui viennent de 1'Arabie torrent voisin, qu'il canalisa en y jetant les eaux du fleuve.
170. Vue d'Antioche de Syrie, d'apres une photographic de M. Potton, vice-consul de France.
ou de la Mesopotamie, situee au milieu de terres admi- Ainsi s'explique le nom de Tetrapole donne par les anciens
rablement fertiles, pres d'un grand ileuve, sous un climat a Antioche. On y voyait reellement quatre villes distinctes,
delicieux, qu'assainissent les brises fraiches des mon- separees par des remparts qu'on n'avait pas trouve a pro-
iagnes, il n'est pas interdit de rever pour elle une heureuse pos de detruire, mais ne formant au fond qu'une grande et
resurrection. Si une voie ferree est jamais construite de magnifique cite dans une enceinte generale de murs larges
Souedyeh a I'Euphrate, par la force des choses cette resur- de cinq metres et hauts de vingt-cinq, qui couvraient
rection aura lieu. toute la crete du Silpius, de 1'Orocassiades au Stauris, et
Quand Seleucus la fonda, il 1'etablit en partie sur le descendaient dans la plaine pour terminer, le long de
mont Silpius et en partie sur la rive du fleuve, la ville 1'Oronte, leur pittoresque pourtour de quinze kilometres
haute ou acropole devant proteger la ville basse, qui devint (fig. 171). Les ruines de ces vieux remparts et des tours
la ville du commerce, des monuments publics et des pa- qui les dominaient offrent aujourd'hui encore sur les hau-
lais royaux. Deux torrents, descendant des rochers abrupts teurs le plus grandiose spectacle. De la ville ancienne,
de la montagne, le Phyrminus ou Onopnietes au levant, ou meme d'Antioche des croisades, en dehors de ce fan-
et le Zoiba au couchant, achevaient de former autour tastique ruban de pierres amoncelees, il ne reste rien
d'elle un quadrilatere de fortifications naturelles, puisque de visible. Tout est sous terre, mais la pioche des cher-
1'Oronte et le Silpius la limitaient au nord et au midi. La cheurs aurait peu a faire pour Ten retirer. Nous 1'avons
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constate recemment. Voir Le Camus, Noire voyage aux les ecoles publiques, queJques temples et d'autres edifices,,
pays bibliques, t. ill, p. 34? dont les Turcs ne consentent a exhumer les ruines que-
On sait, d'apres Josephe (Bell, jud., I, xxi, 11; Ant. pour les enfouir aussitot dans les constructions qu'ils
jud., XVI, v, 3), qu'une large rue ornee de portiques, veulent edifier. Dans Tile fut le palais royal, auquel abou-
comme a Palmyre, traversal! la vJlle dans toute sa longueur tissaient de superbes portiques. II est aujourd'hui enterre-
(4 kil.), de 1'occident a 1'orient, et qu'Herode le Grand la sous le limon qu'amassent periodiquement les crues de
fit en partie paver de marbre ou de pierres blanches, pour y 1'Oronte et les eaux de 1'Onopnietes. De riches moissons
supprimer la boue et la poussiere qui la rendaient impra- de ble, d'orge et de reglisse poussent sur la vieille de-
ticable vers le levant, au quartier des Juifs. Les traces meure des Seleucides. Une vaste couche de marbres, in-
de cette vole royale sont aisement reconnaissables de- croyablement fragmentes, n'empeche pas la vegetation
p'jris la ports de Saint-Paul jusqu'a 1'entree d'Antakieh, de s'y epanouir verte et luxuriante. Non loin de la, 1'hip-
la pe'ate ville actuelle. La elles disparaissent sous des podrome et des bains publics sillonnent encore le sol de
constructions elevees sans ordre le long de rues tortueuses. leurs charpentes vigoureuses.
qu'un large ruisseau ou canal profond, destine a recevoir Au bas d'lopolis, et adosses a ses roches gigantesques,
.JL.Thiiillier.Ddi-
les pluies d'orage, divise irivariablement en un double furent des temples nombreux, comme on en voyait autour
trottoir. Les pietons passent a droite et a gauche, les eaux de 1'acropole d'Athenes. Une tete colossale de Charon, le-
au milieu. II est evident que les voitures ne sauraient y nautonnier des enfers, avait ete sculptee, comme preser-
penetrer. On sait que cette rue des Portiques aboutissait vatif de la peste, dans un des pics abruptes qui dominent
a la porte de Daphne, et, en effet, quelques restes de dal- la ville. Sur la partie la plus elevee de 1'Orocassiades,
lages en porphyre, visibles pres de la caserne turque etait le sanctuaire de Jupiter Ceraunus. Les monnaies des
actuelle, en precisent les derniers developpements. Seleucides portent d'ordinaire 1'oiseau de Jupiter arme de
Plus pres de la inontagne, et probablement parallele la foudre. On disait qu'un aigle, enlevant tout a coup les
a cette grande voie, fut la rue de Tibere. Elle allait de la chairs de la victime offerte au roi de 1'Olympe, avait
porte des Cherubins au faubourg d'Agrippa. Ces deux marque lui-meme la place ou devait etre batie Antioche.
arteres longitudinales etaient, ici comme a Alexandrie (les Toutefois le dieu le plus en honneur dans la cite etait
batisseurs de villes a cette epoque suivaient a peu pres Apollon de Daphne, dont le temple fut celebre dans le
les memes inspirations), coupees perpendiculairement par monde entier. Cf. II Mach., iv, 33. Voir ONIAS in. C'est
une large rue, descendant du pied de 1'acropole vers le la, a huit kilometres au couchant de la ville, que les
quai de 1'Oronte, depuis le temple de Mars jusqu'au Nym- theories sacrees, a travers des bois de lauriers et de
pheum. Cette rue, ornee d'arcs de triomphe tels que celui myrtes, par des chemins hordes de rosiers et de jas-
de la Porte du Milieu, rencontrait, a chacune des deux mins, allaient venerer, dans son temple a double por-
grandes voies paralleles qu'elle traversait, des tc'-trapyles tique, la statue du dieu. Elle etait de proportions colos-
decores de statues magnifiques. Apres avoir laisse a gauche sales et atteignait presque le haut de la cella ou elle
le theatre et le temple de Bacchus, a droite Tamphitheatre etait enfermee. C'est Bryaxes d'Athenes qui en etait 1'au-
et le Csesareum, elle abordait 1'agora pour le traveler du teur. Une imprudence du philosophe Asclepiade amena
sud au nord, et cotoyer ensuite vers 1'Oronte le museum, 1'incendie da temple et la porte de la statue. Rien n'etait.
ANTIOGHE DE SYRIE 682
plus suivi que les fe"tes d'Apollon a Daphne, et c'est la que disciples de 1'Evangile, issus de toute nation et de toute
plus tard, mais avec une insistance bien inutile, Julien langue, furent appeles Chretiens, soil par malicieux sobri-
1'Apostat essaya de ressusciter le paganisme frappe a mort. quet , soit par mesure de police, soit par une inspiration
Sous un climat qui porte a la mollesse, et dans un milieu plus haute, en raison de leur union intime et absolue avec
riche et corrompu, les populations syriennes, de mo3urs celui qui etait 1'objet de leur culte. Act., xi, 21, 22, 26.
beaucoup trop faciles, aimaient surtout ces demonstra- Dans cette cite a jamais celebre, fut done baptisee, qua-
tions religieuses, ou, a travers les bosquets odoriferants, lifiee pour la premiere fois et ofticiellement reconnue
dirigeant au bruit des instruments sacres des danses las- 1'Eglise chretienne.
cives, chacun croyait honorer les dieux par d'immorales Mais la nouvelle communaute, tout en ayant pleine
pratiques, lorsque en realite on sacrifiait la vertu aux conscience de sa vie personnelle et de son avenir, n'en
plus honteuses passions. Satisfaire a la fois 1'instinct de la voulut pas moins rester filialement unie, par des liens
religiosite et 1'amour effrene du plaisir qui se trouvent au de charite et de deference, a ] : Eglise-mere de Jerusalem.
fond de tout homme de 1'Orient, etait pour Apollon une Elle avait recu d'elle tantot des evangelistes, tantot meme
bonne fortune. Antioche fut souvent designee sous le qua- des prophetes; elle lui envoya des secours d'argent pour
lilicatif d'Epidaphne. se defendre centre la famine. Act., xi, 30; xn, 25. D'An-
Les Juifs vivaient pourtant tranquilles dans cette ville tioche, comme du centre religieux le plus fortement orga-
turbulente et immorale, grace aux privileges dont les nise et le plus ouvert aux idees universalistes, partirent
piinces macedoniens les avaient combles. Suivant les ins- les premiers missionnaires Paul et Barnabe, pour aller
pirations d'une sage politique, les Seleucides, en les atti- a la conquete du monde paien, Act., xin, 1-3, et c'est
rant vers la Syrie au detriment de 1'Egypte, cherchaient la qu'ils revinrent pour se retremper, comme au centre
a faire echec a leurs adversaires les Ptolemees. Plus d'une primordial de 1'activite apostolique. Act., xiv, 26. Paul,
fois, en effet, ces Juifs leur furent d'un grand secours, du moins, resta fidele a cette pratique dans les divers
meme au point de vue militaire. Le premier livre des voyages qu'il entreprit. Act., xv, 36, et xvm, 22; xvm, 23.
Machabees, xi, 42-51, raconte comment, les habitants C'est a propos de 1'Eglise d'Antioche que le concile de
d'Antioche s'etant revoltes centre leur roi Demetrius II Jerusalem rendit son decret sur les observances legales.
Nicator, ce prince put reprimer la sedition, grace a la Act., xv, 23. Cf. Gal., n, 11-14.
bravoure de trois mille Juifs que lui avait envoyes Jona- Antioche a done ete le berceau veritable de 1'Evangile
thas Machabee. Toutefois et par un cruel caprice, quel- libre et de 1'Eglise chretienne degagee de tous liens avec
ques-uris des Seleucides maltraiterent a Jerusalem ceux le judaisme. C'est une gloire que nulle autre metropole
qu'ils favorisaient a Antioche. Epiphane et ses generaux ne saurait lui disputer. D'apres la tradition, Pierre y
firent regner en Palestine la plus terrible des persecu- sejourna quelque temps et en dirigea la florissante com-
tions qui ait afflige Israel. On sait avec quel patriotisme munaute (S. Jerome, In Gal., \. i, c. n, t. xxvi, col. 341;
les Machabees opposerent ii ses entreprises criminelles la Origene, In Luc., horn, vi, t. xm, col. 1815; Eusebe, H.
plus glorieuse resistance. 1 Mach., in, 37; xi, 20; II Mach., E., m, 36, t. xx, col. 288); mais ce ne fut qu'en passant,
v, 27; vi-ix. Le quatrieme livre des Machabees, dont apres le concile de Jerusalem et avant son apostolat en
I'origine est incertaine, mais qui est attribue par quelques Asie, aux bords de 1'Euphrate, dans les provinces du Pont,
critiques a Josephe (De Machabeeis, nos 4 et 5), fait de de Bithynie et de Cappadoce. De grands eveques devaient,
Jerusalem le theatre du martyre d"Eleazar, des sept freres par leur martyre, leurs vertus et leur science, illustrer
Machabees et de leur mere, II Mach., vi, 18-vn, 41; mais apres lui ce siege incomparable.
plusieurs croient que 1'heroique scene se passa a An- De tout cela, il ne reste plus aujourd'hui que le sou-
tioche, et Ton montrait dans cette ville, au temps de saint venir. Nous n'avons trouve en 1888, a Antioche, que cent
Jerome ct de saint Augustin, le tombeau et 1'eglise des quinze Chretiens catholiques et deux cents schismatiques
glorieux observateurs de la loi. Voir saint Jerome, Liber environ. Comme reliques du passe, nous avons venere
de situ et nom, loc., au mot Modin, t. xxm, col. 911, et deux grottes au pied du Stauris. A 1'une, celle du cime-
saint Augustin, Sermo 1 de Machab., 300, t. xxxvni, tiere latin, se rattache le souvenir de saint Pierre. A 1'autre,
col. 1379. celle du monastere Saint-Paul, s'applique ce qui est raconte
A partir de Pompee, 1'intervention des Romains dans dans Theodoret (H. E., iv, 22, t. LXXXII, col. 1184; Vit.
les affaires de Syrie ne fit qu'accroitre la prosperite de la Pair., n, t. LXXXII, col. 1188,1317) des reunions solennelles
colonie Israelite. Celle-ci commenca meme a faire des tenues au temps de la persecution de Valens par les chre-
proselytes religieux dans cette immense cite de 500,000 tiens catholiques. C'est pres de ces roches creusees en
ames, si etrangement melee de Syriens et de Grecs, de voute ou avait vecu jadis 1'apotre Paul que, sous la pre-
Chaldeens et de Romains, de marchands et de rheteurs, sidence de Flavien et de Diodore, ils allaient chanter
de charlatans et de philosophes, de science et d'igno- les louanges de Dieu. Peut-etre la Tekkeh, dans la ville
rance, de hautes et de basses aspirations, de bien et de moderne, repond-elle a 1'eglise ancienne (rcaXaia) batie
mal. Ainsi nous lisons, Act., vi, 5, qn'un des sept pre- dans la rue du Singon, ou Paul avait donne ses confe-
miers diacres, Nicolas, fut un proselyte d'Antioche. Mais rences publiques (Malala, liv. x, t. xcvu, col. 372). La mos-
c'etait a 1'Evangile que devait revenir 1'honneur d'y faire quee Abib el-Nadjar est-elle le vieux temple de la Fortune
la veritable trouee dans le rnonde paien, en y fondant la d'Antioche, ou furentisolennellement deposes les restes
premiere Eglise chretienne sortie de la gentilite. d'Ignace martyr? Ce n'est pas impossible. Comme cons-
A la suite de la persecution qui sevit a Jerusalem, lors truction, elle remonte a une date tres ancienne. Le dome
du martyre d'Etienne, plusieurs disciples etaient alles an- en etait forme avec des poteries creuses, comme dans
noncer 1'Evangile a Antioche, certains d'y trouver une certains edifices des premiers siecles, au monument de
.grande communaute juive peut-etre curieuse de les en- sainte Helene, par exemple, dans la campagne romaine. II
tendre, et, en tout cas, un pouvoir public assez indifferent y a dans la mosquee d'Abib el-Nadjar une crypte avec
pour les laisser parler. Act., xi, 19. C'est la qu'apres le des tombeaux qu'il ne nous a pas ete permis de visiter et
bapteme du centurion Corneille, et en apprenant le dis- auxquels la tradition arabe attribue la plus grande impor-
cours tenu par Pierre devant ceux de Jerusalem, des tance.
disciples commencerent a mettre en pratique les vues Ottfried Miiller a recueilli dans ses Antiquitaies Antio-
nouvelles du chet des Apotres, et a precher 1'Evangile aux chense, in-4, Goattingue, 1839, a peu pres tout ce que les
paiens eux-memes. La Barnabe vint voir de pres, approu- anciens, Strabon, Libanius, Julien, Ammien Marcellin,
ver et poursuivre, de concert avec Paul, qu'il etait alle saint Jean Chrysostome et surtout Malala ont ecrit sur
chercher a Tarse, une si decisive innovation. C'est a An- Antioche. Il ne lui a manque que d'avoir vu pour mieux
iioche q.ue, cessant d'etre confondus avec les Juifs, les utiliser ses patientes recherches. Voir Notre voyage aux
ANTIOCHE DE SYRIE ANTIOGHE (ECOLE EXEGETIQUE D') 684
pays bibliques, t. m, p. 30-80, et L'CEuvre des Apotres, Must., LXXVII, t. xxin, col. 685. Son esprit et sa methode-
1.1, p. 256-272 et 348. ' E. LE CAMUS. lui survecurent et s'implanterent solidement dans 1'an-
cienne capitale de la Syrie.
3. ANTIOCHE (ECOLE EXEGETIQUE D'). L'ecole II. Periode de maturite et d'eclat de I'ec&le exegetique-
exegetique d'Antioche de Syrie est moins ancienne que d'Antioche (370-430). Flavien, pretre et eveque d'An-
celle d'Alexandrie d'Egypte; de plus, elle ne forma meme tioche (381-404), continua 1'ceuvre de saint Lucien en
pas d'abord une ecole proprement dite, donnant un ensei- s'appliquant a 1'instruction et a 1'enseignement; mais ce-
gnement regulier, comme le Didascalee de la capitale fut surtout son ami Diodore, connu sous le nom de
egyptienne (voir ALEXANDRIE 2); mais elle merita nean- Diodore de Tarse (f 394), parce qu'il devint eveque de
moins ce nom, avant meme d'avoir des professeurs el des cette ville vers 379, qui porta au plus haut point la gloire-
eleves, par un ensemble de doctrines et une methode de 1'ecole d'Antioche. Avec lui commence la seconde pe-
d'etudes et d'exposition que les docteurs formes dans riode historique de cette ecole. Diodore, comme Flavien,
cette ville se transmirent les uns aux autres. Elle doit etait originaire d'Antioche. (Theodoret, H. E., iv, 22,.
sa gloire aux ecrivains ecclesiastiques sortis de son sein, t. LXXXII, col. 1184.) II avait etudie la philosophic a Athenes.
lesquels se sont surtout distingues par 1'explication des (Julien 1'Apostat, dans Facundus, Pro defens. trium
Saintes Ecritures. Leur trait caracteristique, c'est, par capitul., iv, 2, t. LXVII, col. 621.) II avait eu aussi pour
opposition aux tendances allegoriques de 1'ecole d'Alexan- maitre Silvain, eveque de Tarse, soit a Tarse meme, soit a
drie, la recherche du sens litteral, dont ils font leur Antioche. S. Basile, Epist. CCXLIV, 3, t. xxxii, col. 916.
objet principal. Ils etudient la revelation divine a Faide II mena dans cette derniere ville la vie monastique, et avec
de 1'histoire et de la grammaire, et ils s'efforcent de rendre son ami Carterius fut a la tete d'une ecole proprement
cette etude tout a fait pratique. L'historien Socrate peint dite, dans laquelle il crea un veritable enseignement, avec
par ces mots 1'ecole d'Antioche, en la personne d'un de une sorte de cours regulier d'etudes, dont 1'Ecriture
ses principaux maitres : Wi\S> TW ypa^fJ-aTi T&V Oetwv Ttpoa- Sainte faisait le fonds. Les monasteres d'Antioche et des
e'xwv Fpa<pwv, Ta; Qswpta; au-rwv exTpSTtoii.evo;, il s'attache environs devinrent alors autant de centres d'etude. L'his-
au sens simple et litteral des divines Ecritures, laissant de torien Socrate atteste, H. E., vi, 3, t. LXVII, col. 665, que
cote le sens allegorique. H. E., vi, 3, t. LXVII, col. 668. Jean Chrysostome, Theodore de Mopsueste et Maxime,
Cf. Sozomene, H. E., vin, 2, t. LXVII, col. 1516; Photius, depuis eveque de Seleucie, frequentaient les ecoles monas-
BiU., Codex 38, t. cm, col. 72. tiques (i(7XTiTripiov) des deux archimandrites Diodore et
L'histoire de 1'ecole exegetique d'Antioche peut se diviser Carterius, dans 1'ancienne capitale de la Syrie. Saint Jean
en trois periodes : 1 periode de formation, depuis saint Chrysostome lui-meme nous apprend que les monasteres
Lucien jusqu'a Diodore de Tarse (290-370); 2 periode servaient alors d'ecole aux jeunes Chretiens. Adv. oppu-
de maturite et d'eclat, depuis Diodore de Tarse jusqu'a gnat. vitse. monast., in, 18, t. XLVII, col. 380.
Nestorius (370-430); 3 periode de decadence, depuis les L'enseignement de Diodore de Tarse fut, pour les prin-
commencements de 1'heresie nestorienne, vers 430, jusqu'a cipes et la methode, cclui de saint Lucien. On lui reproche
sa ruine complete. a lui - meme des tendances rationalistes, mais cette ac-
I. Periode de formation de 1'ecole exegetique d'An- cusation n'est pas etablie rigoureusement. Quoique son
tioche (290-370). Ses origines remontent au pretre langage ait pu manquer plus d'une fois d'exactitude, il est
Dorothee et au pretre Lucien. Dorothee etait tres verse certain qu'il ne fut pas au moins formellement heretique.
dans la science des Ecritures, au temoignage d'Eusebe, L'orthodoxie de son illustre eleve saint Jean Chrysostome
qui les lui avait entendu expliquer, et qui nous apprend peut etre regardee comme sa justification, et rien n'auto-
de plus que ce docteur avait etudie avec soin la langue rise a lui attribuer les hardiesses de son autre disciple,.
hebraique, pour mieux comprendre la parole de Dieu. Theodore de Mopsueste (f 428), et moins encore les
Eusebe, H. E., vn, 32, t. xx, col. 721. Quant au pretre erreurs de Nestorius, eleve de Theodore. On 1'accuse avec
Lucien, qui, comme Dorothee, scella sa foi de son sang plus de raison, d'apres les fragments de ses commen-
en souffrant le martyre a Nicomedie, en 311 ou 312, il taires qui se sont conserves dans les Chaines, de n'avoir
se distingua aussi par sa science des Ecritures. Eusebe, pas epargne les injures aux allegoristes de 1'ecole d'Alexan-
H. E., ix, 6, t. xx, col. 809. Lucien, originaire de Samo- drie (Dandiran, dans Y Encyclopedic des sciences reli-
sate, avait ete eleve a Edesse, oil il avait eu pour maitre gieuses, t. i, p. 374. Voir les rares debris qui nous sont
un habile exegete appele Macaire; il avait aussi frequente restes de ses commentaires dans Migne, Patr. gr., t. xxxin,
1'ecole de Cesaree de Palestine, fondee par Origene. col. 1561-1628). Nous ne connaissons que par le titre son
Suidas, Lexicon, edit. Bernhardy, t. n, col. 607. Quand ouvrage Sur la difference entre le sens typique et le sens
il alia a Antioche, il y suivit peut-etre aussi les lecons de allegorique, Tc? Ssaqpopa Oswpt'a; xat aXXrjyopi'ac, mais il
Malehion, qui y teriait une ecole (TiouSsuT-rjpiov, Eusebe, n'est pas douteux qu'il n'y preconisat 1'exegese litterale
H. E., vn, 29, t. xx, col. 708), et qui est considere et n'y combattit 1'interpretation allegorique. (Voir Suidas,
par quelques-uns comme le veritable fondateur de 1'ecole Lexicon, edit. Bernhardy, t. I, col. 1379; H. Kihn, Ueber
d'Antioche. W. Smith, Dictionary of Christian Biogra- Gewpea und aXXriyopc'a nach den verlorenen hermeneu-
phy, t. m, p. 748. Quoi qu'il en soit de ce point, Lucien, tischen Schriften der Antiochener, dans la Tubinger
s'il n'en fut pas le fondateur, fut du moins le maitre qui Quartalschift, 1880, p. 531-582.)
forma le plus de disciples, dont quelques-uns malheureu- Diodore eut pour auxiliaire le pretre Evagre, qui fut
sement acquirent une triste celebrite : Eusebe de Nico- aussi 1'ami de saint Jerome. De vir. illust., cxxv, t. xxin,
medie, Maris de Chalcedoine, Leonce d'Antioche, Eudoxe, col. 711. Parmi les eleves du chef de 1'ecole d'Antioche,
Theognide de Nicee, Asterius et Arius, le pere de 1'heresie saint Jean Chrysostome, ne dans cette ville en 3i", le
arienne. A cause de leur maitre, ils se donnaient le nom plus grand peut-etre des exegetes Chretiens, occupe la
de Collucianistes . (Theodoret, H. E., i, 4, t. LXXXII, premiere place. Theodore de Mopsueste, condisciple de
col. 392; A. de Broglie, L'Eylise et I'empire romain au Jean, fut non moins celebre par ses erreurs que par son
iv* siecle, 2e edit., 1857, t. i, p. 375.) De tels eleves ne eloquence et par sa science des Ecritures, qu'il expliqua
firent pas honneur a leur maitre, et montrerent alors, toujours dans le sens litteral, en 1'outrant parfois et en
comme plus tard Theodore de Mopsueste, que 1'interpre- preparant ainsi les voies au nestorianisme. Son frere Poly-
tation litterale peut degenerer en rationalisme, si elle chronius, eveque d'Apamee sur 1'Oronte, de 410 a 430,
n'est pas maintenue dans de justes bornes. Saint Lucien et Theodoret, eveque de Cyr (vers 386-458), son eleve,
evita lui-meme ces exces. II se rend it celebre dans tout Tun et 1'autre exegetes rernarquables, eurent comme Theo-
1'Orient par son edition critique des Septante, qui rendit dore une grande connaissance des Livres Saints, mais
de grands services a 1'Eglise grecque. S. Jerome, De vir. surent eviter ses ecarts. Isidore de Peluse, mort en 434 >
685 A N T I O C H E (ECOLE EXEGETIQUE D') 686
continua dans ses ecrits les traditions de 1'ecole d'Antioche; 1'element surnaturel, mysterieux des Ecritures; mais elle
toutefois il ne fut guere qu'un compilateur et un abre- donnait trop quelquefois a 1'imagination. Celle d'Antioche
viateur de saint Jean Chrysostome, et son ceuvre est insistait da vantage sur le cote rationnel des dogmes chre-
1 annonce de la decadence. tiens, et s'efforcait de prouver que le christianisme est en
III. Periods de decadence de I'ecole exegetique d'An- parfait accord avec les exigences legitimes de la raison ;
tioche, a partir de 430. Les erreiirs de Nestorius, nomme mais si ses docteurs les plus eminents surent eviter 1'ecueil
en 428 archeveque de Constantinople, mort en 440, furent du rationalisme et ne pretendirent nullement contester
fatales a I'ecole d'Antioche. Get heresiarque avait ete dis- le caractere surnaturel des mysteres de notre foi, les
ciple de Theodore de Mopsueste. Ses sectateurs adopterent erreurs graves dans lesquelles tomberent quelques-uns
ses principes d'exegese. Obliges de quitter 1'empire, ils se de ses membres ternirent sa gloire; elles lui devmrent
refugierent dans le royaume de Perse, ou ils furent pro- funestes et finirent par amener sa ruine complete.
teges pour des raisons politiques, et, a partir de 431, date Cependant, quels que soient les reproches qu'on est
de la condamnation du riestorianisme par le concile en droit d'adresser a I'ecole d'Antioche, on ne doit pas
d'Ephese, ils furent les muitres de I'ecole d'Edesse en meconnaitre les grands services qu'elle a rendus a la
Mesopotamie, destinee a former le clerge perse. Quand theologie et aux Livres Saints. Non seulement elle a fait
cette ecole, apres des peripeties diverses, fut detruite par toucher du doigt ce qu'il y avait d'arbitraire et de faux dans
1'empereur Zenon en 489, les professeurs heretiques la 1'allegorisme outre d'Origene, mais elle a pose les principes
transportererit a Nisibe, ou elle se perpetua jusque fort d'une saine exegese, qui demeurent toujours vrais, et
avant dans le moyen age. Voir H. Kihn, Theodor vom qui, appliques avec sagesse, doivent etre les guides du
Mopsuestia, p. 198-212. A Edesse et a Nisibe, ils avaient theologien. Les maitres de cette ecole ont etabli 1'herme-
ecrit en syriaque. Ibas, Cumas et Probus avaient dejatra- neutique sacree sur une base solide, et ils en ont fait une
duit en langue syriaque, dans cette premiere ville, les veritable science, en montrant, en theorie, quelles sont les
ecrits de Diodore de Tarse et de Theodore de Mopsueste. veritables regies de 1 interpretation litterale, c'est-a-dire
Tandis que les Nestoriens continuaient en Perse 1'ensei- de 1'interpretation historique et grammaticale; et en in-
gnement de leur chef, d'apres la methode de Theodore diquant en pratique, par leur exemple, comment il faut
de Mopsueste, I'ecole exegetique d'Antioche declinait dans les appliquer.
cette ville au milieu des luttes des heretiques. Les ecri- Origene, par ses Hexaples et ses Commentaires, avait
vains orthodoxes qui fleurissent alors sont inferieurs a ceux pose, il est vrai, les tondements d'une exegese scientiflque;
qui les avaient precedes par 1'originalite, la profondeur mais il n'avait pas su achever I'cdifice qu'il avait com-
et 1'activite. Tels sont les disciples de saint Jean Chrysos- mence , parce que sa methode etait defectueuse. Les
tome : 1'abbe Marc, moine egyptien (-} vers 410); saint Antiochiens, sans avoir son genie, turent plus heureux
Nil, moine dumont Sinai (-j- vers 450); Victor d'Antioche, que ce grand docteur. En mettant a profit, avec une
auteur d'un commentaire de 1'Evangile de saint Marc; methode sure, les travaux de ceux qui les avaient pre-
Cassien (f 431), qui fonda le monastere de Saint-Victor cedes, ils expliquerent les Ecritures avec le plus grand
a Marseille; saint Proclus, patriarche de Constantinople succes; 1'exegese de saint Jean Chrysostome est encore
(f 447), etc. Tous ces auteurs, a part Cassien, dont les aujourd'hui un modele.
ouvrages sont en latin, ecrivirent en grec; ils ignorerent Les deux ecoles se completerent, du reste, a bien des
ou connurent fort peu 1'hebreu et le syriaque, et ne se egards, en suivant chacune une direction particuliere.
servirent des Hexaples d'Origene que dans un but exege- Les Alexandrins suivaient une tendance speculative et
tique, non comme d'un instrument de critique, cornme mystique; les docteurs d'Antioche se distinguaient surtout
1'avait fait Diodore de Tarse. Voir Diodore, In Gen. par la reflexion, la logique et la sobriete des idees. Tandis
xxiv, 2, t. xxxin, col. 1575, etc. que les premiers s'attachaient de preference a la philo-
Sur les autres ecrivains qui se rattachent a I'ecole d'An- sophic de Platon, surtout dans la forme que lui avait
tioche, voir J. S. Assemani, Bibliotheca orientalis, Rome, donnee Philon, les seconds etaient eclectiques, prenant
1735, t. in, part. I, p. 37 et suiv. quelque chose au stoicisme et beaucoup a Aristote, dont
IV. Influence de I'ecole exegetique d'Antioche en Occi- la dialectique convenait a leur genre d'esprit. Toutetois il
dent, On a vu une attaque centre I'ecole d'Antioche n'y avait pas une opposition absolue entre les uns et les
dans les paroles de saint Jerome condamnant ceux qui autres. Clement et Origene donnaient une place beaucoup
suivent la honte de la lettre et ne savent pas s'elever plus plus grande a 1'allegorisme; Diodore de Tarse et ses eleves,
haut: Si turpitudinem litterx sequatur et non ascen- a 1'interpretation litterale et historique; mais ceux-ci ne
dat ad decorem inteUigentise spiritalis. In Amos, n, 1, rejetaient point entierement le sens mystique, ni surtout
t. xxv, col. 1003. Si 1'illustre docteur a juge, non sans les figures typiques de 1'Ancien Testament, et ceux-la,
raison, que les exegetes qu'il combat poussaient quelque- s'ils sacrifiaient trop souvent le sens litteral et le decla-
fois trop loin les consequences de leurs principes, il n'en raient insuffisant, reconnaissaient neanmoins son exis-
a pas moins reconnu leur merite, et il a contribue plus tence et son utilite. Ils admettaient tous aussi 1'inspiration
que personne a repandre leurs idees en Occident. L'in- des Ecritures, et 1'etendaient a toutes les parties de 1'An-
fluence de I'ecole d'Antioche ne fut pas ainsi bornee a cien et du Nouveau Testament; seulement a Alexandrie
1'Orient seul. Les regies qu'elle avait suivies firent leur on croyait souvent decouvrir dans une expression isolee
chemin dans les monasteres latins. Voir Junilius Africanus, une pensee profonde que le Saint-Esprit aurait eue en vue,
Instituta recjularia divinse. legis, edit. Kihn, in-8, Fri- au lieu qu'a Antioche on faisait ressortir davantage dans
bourg-en-Brisgau, 1880. Si les ecrits de Diodore, de Theo- les livres sacres la part de l'homme, dont Dieu s'etait servi
dore de Mopsueste, de Polychronius et meme de Theo- pour nous communiquer la verite revelee. La foi etait done
doret, trouverent peu de lecteurs dans FEglise occidentale, la meme, quoique dans 1'interpretation de la parole de
les homelies de saint Jean Chrysostome eurent toujours Dieu on donnat d'un cote davantage au sentiment, et de
des admirateurs et conlribuerent a repandre le gout de sa 1'autre a la raison.
maniere d'interpreter la Sainte Ecriture. Les deux tendances subsistent toujours: quelques esprits,
V. Jugement critique sur I'ecole exegetique d'Antioche. aujourd'hui encore, sont portes vers les speculations mys-
Cette ecole, nous 1'avons vu, n'a pas ete sans taclie. tiques des Alexandrins; cependant le plus grand nombre
Nee en partie d'une reaction naturelle et justifiee centre des commentateurs, habitues a une methode scientiflque
les exces de 1'interpretation allegorique d'Origene, elle ne rigoureuse, ne veulent rien admettre sans preuves posi-
sut pas toujours s'arreter a temps en marchant dans la tives, et s'appliquent a etablir les verites chretiennes sur
voie opposee, et eviter tous les precipices qui bordaient 1'interpretalion litterale des Ecritures, appuyee sur la tra-
sa route. L'ecole d'Alexandrie faisait fortement ressortir dition.
687 A N T I O C H E (ECOLE EXEGETIQUE D') A N T I O C H U S III LE G R A N D 688
VI. Bibliographic. Voir Frd. Chr. Munter, Com- le trone, non aux fils de sa premiere femme, mais aux:
mentatio de schola Antiochena, Copenhague, 1811; Id., descendants de Berenice (Polybe, dans Athenee, Deipnos.,
Ueber die Antiochenische Schule, dans YArchiv fur alte n, 45). Antiochus avait fait ce mariage par pure politique
und neue Kirchengeschichte von Staudlin und Tzschirner, et contrairement a ses inclinations, aussi Ptolemee II
t. I, 1813 (Munter a eu le premier le merit e de faire res- Philadelphe etant mort deux ans plus tard (247), le roi
sortir 1'importance de 1'ecole d'Antioche); Dubois, Etudes de Syrie rappela-t-il sa premiere femme Laodice. Cepen-
sur les principaux travaux de 1'ecole d'Antioche, Geneve, dant celle - ci ne put lui pardonner 1'affront qu'elle avait
1858; K. Hornung, Schola Antiochena de Scripturse inter- subi; elle empoisonna son mari, et fit mettre a rnort, a
pretatione quonam modo sit merita, Neustadt am Saal, Daphne, sa rivale Berenice et son fils. C'est ainsi qu'An-
1864; Kuhn, Die antiochenische Schule, Ingolstadt, 1866; tiochus II peril, a 1'age de quarante ans (Porphyre, dans
Ph. Hergenrother, Die antiochenische Schule und ihre Eusebe, Chron. arm., i, t. xix, col. 259). Le frere de
Bedeutung auf exegetischen Gebiete, in-8,Wurzbourg, Berenice, Ptolemee III Evergete, qui avait succede a son
1866; celui qui a le mieux et le plus completement etudie pere Philadelphe sur le trone d'Egypte, marcha avec une
1'ecole d'Antioche est H. Kihn, Die Bedeutung der antio- armee au secours de sa soeur; mais il arriva trop tard, et
chenischen Schule auf dem exegetischen Gebiete, Weis- il ne put que venger sa mort par le supplice de Laodice
senburg, 1867; Id., Theodor von Mopsuestia und Junilius et le pillage de la Syrie. Appien, Syr., 65; Valere Maxime,
Africanus als Exegeten, in-8, Fribourg-en-Brisgau, ix, 14, 1; Justin, xxvn, 1; S. Jerome, In Dan., XI, 6,
1880; F. A. Specht, Der exegetische Standpunkt des t. xxv, col. 560.
Theodor von Mopsuestia und Theodoret von Kyros, Daniel avait prophetise les evenements tragiques qui
Munich, 1871; L. Diestel, Geschichte des Alien Testa- devaient resulter du mariage de Berenice avec Antio-
ments in der christlichen Kirche, in-8, lena, 1869, chus II. A la fin de plusieurs annees [de guerre], ils
p. 126-141; cardinal Hergenrother, Histoire de I'EgUse, [le roi d'Egypte et leroi de Syrie] feront alliance, et [Bere-
trad. Belet, t. n, 1880, p. 131-140. F. VIGOUROUX. nice] la fille du roi du midi [Ptolemee II Philadelphe,
roi d'Egypte] viendra aupres du roi du nord [Antiochus II
ANTIOCHIDE CAv-rio-/?;, forme feminine du nom Theos, roi de Syrie] pour faire 1'union [entre les deux
d' 'AvTto-/oc), femme illegitime d'Antiochus IV Epiphane. rois par son mariage ]; mais elle n'obtiendra pas la force
C'etait la coutume des rois d'Orient de donner aux reines du bras [Laodice 1'emportera sur elle apres la mort de
pour leur entretien des villes ou meme des provinces dont Ptolemee II Philadelphe], et elle ne subsistera pas elle et
elles percevaient les revenus. Gf. Ciceron, In Verrem, sa race [son fils perira avec elle], et elle sera livree [a
act. H, 1. in, 33. Antiochus Epiphane donna pour ce motif ses ennemis] et ceux qui sont venus avec elle [d'Egypte
a Antiochide les villes de Tarse et de Mallo, en Cilicie. en Syrie] et son enfant et celui qui la soutenait en ces
Les habitants de ces deux cites, soit qu'ils fusserit indi- temps. Mais il s'elevera un rejeton de ses racines [Ptole-
gnes de devenir ainsi les tributaires d'une concubine, soit mee III Evergete, frere de Berenice] et il viendra avec
qu'ils craignissent d'etre trop pressures par elle, se revol- une armee et il entrera dans les places fortes du roi du
terent, et le roi fut oblige de marcher centre eux, en nord [en Syrie], et il les prendra et s'en rendra maitre.
personne, pour les remettre sous son obeissance (171 avant Et leurs dieux, avec leurs statues, avec leurs vases precieux
J.-C.). IIMach., iv, 30. d'argent et d'or, il les emmenera captifs en Egypte [il
emportera dans son royaume les richesses du royaume
ANTIOCHUS. 'AvTioyo;, adversaire. Nom de plu- de Syrie apres 1'avoir pille] et pendant des annees il pre-
sieurs rois seleucides et de quelques autres personnages. vaudra contre le roi du nord [Lorsque Ptolemee III Ever-
Pour Ihistoire generale des rois greco-macedoniens de gete eut fait perir Laodice, mcurtriere de sa soeur, le
Syrie, voir SELEUCIDES. fils de Laodice, Seleucus II Callinicus, fut ecarte quelque
temps du trone d'Antioche; les hostilites se prolongerent
1. ANTIOCHUS II THEOS, troisieme roi de Syrie (261- entre les Syrians et les Egyptiens, a 1'avantage de ces
246 avant J.-C.; de 1'ere des Seleucides, 51-66). 11 succeda derniers, et ce ne fut qu'apres la mort de Seleucus II
a son pere, Antiochus Ier Soter, et recut des Milesiens que ses fils menacerent serieusement 1'Egypte]. Dan., xi,
6-9. Pour la suite de 1'histoire de la guerre entre 1'Egypte
et la Syrie, voir SELEUCUS II CALLINICUS , SELEUCUS III
CERAUNUS, ANTIOCHUS III LE GRAND. Antiochus II avait
ete bienveillant pour les Juifs, et il parait leur avoir con-
fere le droit de cite a Ephese. Josephe, Ant. jud., XII,
in, 2. Cf. E. Schurer, Geschichte des judischen Volkes,
2 edit., 1.1, part. 11, 1890, p. 745. F. VIGOUROUX.
2. ANTIOCHUS III LE GRAND, sixieme roi de Syrie
172. Antiochus II Th<5os. (223-187 avant J.-C.; de 1'ere des Seleucides, 90-126).
Tete diade-mee d'Antiochus II.- fy BASIAEQ2 ANTIOXOT. Antiochus III, fils de Seleucus II Callinicus, succeda a son
Pallas, casqute, debout, tenant une Victoire de la main droite frere Seleucus III Ceraunus sur le trone d'Antioche
et une palme de la main gauche. A ses pieds, un bouclier. (fig. 173). II regna trente-six ans (Eusebe, Chron. arm.,
H, 35, t. xix, col. 261), et son regne fut une suite presque
le surnom de Theos ou dieu , parce qu'il les delivra ininterrompue de guerres entreprises au sud, au nord,
de leur tyran Timarque. Appien, Syr., 65 (fig. 172). II a Test et a 1'ouest de ses Etats. Le premier livre des
n'est pas nomme par son nom dans 1'Ecriture, mais il est Machabees, 1,10 (Vulgate, 11); vni, 6-8, nomme ce prince
question de lui dans les propheties de Daniel. Son pere, et fait allusion a ses armees d'elephants, ainsi qu'a 1'echec
Antiochus I" Soter (281-261 avant J.-C.), fils de Seleucus I" que lui inlligerent les Bomains. Daniel, sans le nommer,
Nicator (312-280), fondateur du royaume de Syrie, etait prophetise ses exploits et sa defaite finale. Dan., xi, 10-19.
en guerre au moment de sa mort, en 261, avec Ptolemee II Heritier des haines de sa famille contre les Lagides, il
Philadelphe, roi d'Egypte. Antiochus II continua la lutte. fit surtout la guerre a 1'Egypte. Irrite de ce que Ptole-
Apres huit ans de combats, comme une grande partie mee III Evergete avait arrache la Ccelesyrie, la Phenicie
de ses possessions d'Asie Mineure etaient tombees au pou- et la Palestine a ses predecesseurs, il chercha, apres la
voir des Egyptiens, le roi d'Antioche, pour acheter la paix, mort de ce roi, sous le gouvernement de son faible suc-
consentit, en 249, a repudier sa femme Laodice, afin d'epou- cesseur Ptolemee IV Philopator, a reprendre possession
ser Berenice, fille de son vainqueur, et s'engagea a laisser de ces provinces. Apres de longs preparatifs, il commenca,
89 ANTIOCHUS III L E - G R A N D 690
en '218, la lutte centre 1'Egypte. Polybe, v, 1, 5; 67, 63. et reconquerir les provinces des bovds de la Meditevranee,
Cf. Dan., xi, 10. Ses armes furent d'abord victorieuses. II il s'allia avec Philippe de Macedoine contre les Lagides.
s'empara de Seleucie sur 1'Oronte, prit par trahison Tyr Polybe, in, 2; xv, 20; Tite Live, xxxi, 14. II eut bientot
-et Ptolemaide et s'avanca jusqu'a Dor, au sud du Carmel, repris la Ccelesyrie, la Phenicie et la Palestine. Mais une
guerre avec Attale, roi de Pergame, 1'obligea de porter
alors ses armes en Asie Mineure; et en son absence,
Ptolemee, aide par Scopas, redevint maitre de Jerusalem
(Josephe, Ant. jud., XII, in, 3), et recouvra le territoire
qu'il avait perdu. S. Jerome, In Dan., xi, 14, t. xxv,
col. 563. Ce fut pour peu de temps. Antiochus, ayant
conclu la paix avec Attale, se hata de marcher par la
Cffilesyrie a la rencontre de 1'armee que les Egyptiens
avaient levee contre lui. II la tailla en pieces a Paneas, au
pied de 1'Hermon, en 198, et toute la Palestine retomba
ainsi en son pouvoir. Polybe, xv, 20; Appien, Syr., \;
173. Antiochus III le Grand. Tite Live, xxxin, 19; Josephe, Ant. jud., XII, in, 3.
T6te diad&nee d'Antiochus III. fl. BAS1AEQS Tous ces evenements avaient ete prophetises par Da-
ANTIOXOT. Un 616phant. niel: Le roi du nord [Antiochus III] reviendra, et il
armera une multitude plus nombreuse que la premiere,
sur la Mediterranee. Ptolemee IV lui fit alors demander et a la fin des temps et des annees [apres quelques
line treve et elle fut conclue pour quatre mois, pendant annees], il viendra avec une grande armee et des forces
lesquels les troupes syriennes prirent leurs quartiers nombreuses. Et dans ce temps-la beaucoup [les Mace-
d'hiver. Polybe, v, 51-66. La carnpagne suivante ne fut doniens de Philippe V avec les Syriens] s'armeront contre
pas favorable a Antiochus. Philopator avait profite de 1'ar- le roi du midi [Ptolemee Epiphane] et les fils des pre-
mistice pour se preparer a la resistance; ses troupes bat- varicateurs de ton peuple [une partie des Juifs] se leve-
tirent completement le roi de Syrie, a Raphia, pres de ront [contre le roi d'Egypte] pour accomplir la vision, et
Gaza (217); toutes les conquetes precedentes d'Antiochus ilstomberont. Et le roi du nord [Antiochus III] viendra,
furent perdues, et il dut s'estimer heureux que son vain- et il formera un rempart et il prendra des villes fortifiees,
queur ne le poursuivit point jusqu'a Antioche. Polybe, v, et les bras du midi [des Egyptiens] ne pourront pas resis-
51-87; Strabon, xvi, p. 759; Justin, xxx, 1. ter [a 1'attaque des Syriens apres le retour d'Antiochus III,
Le prophete Daniel avait annonce les premiers succes vainqueur a Paneas], et ses hommes d'elite seront sans
d'Antiochus III et predit qu'ils seraient sans resultat: force. Et il fera en venant contre lui selon son plaisir, et
L'un [des fils de Seleucus II, Antiochus III] viendra personne ne lui resistera, et il s'arretera dans la terre
n hate et se repandra partout [premiere carnpagne], glorieuse [la Judee], qui devait etre detruite par ses
et il reviendra [une seconde fois] et il s'animera et il at- mains. Dan., xi, 13-16. Antiochus III reprit Jerusalem
taquera ses places fortes. Et le roi du midi [Ptolemee IV et s'empara de Scopas et de ses troupes, qui s'etaient
Philopator] sera irrite, et il sortira, et il combattra centre refugiees sur le mont Sion. Les Juifs, qui avaient beau-
le roi du riord [Antiochus III], et il lui opposera une coup souffert pendant tons ces combats, Josephe, Ant.
nombreuse multitude [de soldats] et la multitude [des jud., XII, in, 3, heureux de voir la guerre finie, accueil-
Syriens] sera livree dans ses mains. Et il ruinera la multi- lirent le roi de Syrie comme un liberateur.
tude et son cceur s'elevera, et il fera tomber un tres grand Antiochus le Grand ne put cependarit, malgre tous ses
nombre [de Syriens]. Dan., xi, 10-12. succes, realiser ses projets contre 1'Egypte. Les Remains
Pendant les treize annees suivantes, Antiochus III, avaient deja empeche Philippe V de Macedoine de lui
vaincu, laissa 1'Egypte en paix, mais ne rcsta pas inactif. fournir une aide efficace ; ils 1'arreterent lui-meme au
II fut continuellement en guerre en Asie Mineure et les milieu de ses victoires. La guerre se termina par le ma-
succes qu'il remporta alors lui valurent le surnom de riage de Ptolemee V Epiphane avec une fille d'Antio-
Grand . II soumit d'abord Achaeus, gouverneur d'Asie chus III, appelee Cleopatre; mais ce mariage, que le roi
Mineure, qui s'etait re volte. Polybe, v, 107; vii, 15, de Syrie avait cru tres avantageux pour sa politique, lui
17-23.11 tourna ensuite ses armes a Test contre les Parthes fut plutot nuisible : la nouvelle reine d'Egypte prefera les
et les Bactriens, qui, vers Fan 250, s'etaient affranchis de interets de son epoux a ceux de son pere. Le roi du
la domination des Seleucides. II ne reussit pas a les nord [Antiochus], dit Daniel, se disposera a venir pour
remettre sous le joug, mais sa campagne ne fut pas sans s'emparer de tout son royaume [de Ptolemee]; nvais il
resultat : s'il ne parvint pas a detruire le royaume des s'entendra avec lui, et il lui donnera une fille de ses
Parthes, il en reduisit au moins les frontieres, qui avaient femmes [sa fille Cleopatre] afin de le perdre; mais il ne
ete etendues par les conquetes du roi Arsace, a la Parthie reussira pas, et elle ne sera pas pour lui [et elle soutien-
et a 1'Hyrcanie (Polybe, x, 27-31; Justin, XLI, 5), et il dra les interets de Ptolemee]. Dan., xi, 17. Cleopatre
fit alliance avec le roi de la Bactriane. Polybe, x, 49; xi, avait recu en dot les provinces enlevees par son pere a
-3i. II penetra dans 1'Inde septentrionale, et par ses expe- 1'Egypte, entre autres, la Palestine (198 avant J.-C.). Tile
ditions dans ces contrees lointaines, acquit un grand Live, xxxv, 13; Appien, Syr., 5; Polybe, xxvui, 17;
renom aux Syriens, tout en aguerrissant ses soldats; il Josephe, Ant. jud., XII, iv, 1; S. Jerome, In Dan., xi, 17,
ramena aussi de 1'Inde cent cinquante elephants qui de- t. xxv, col. 56i.
vaient rendre son armee terrible aux habitants de 1'Asie L'annee suivante (197), Antiochus le Grand entreprit
anterieure et de 1'Egypte. par terre et par mer une canipugne contre 1'Asie Mineure.
Antiochus III avait garde au fond de son cceur un pro- Tite Live, xxxni, 19. II soumit la plus grande partie de
fond ressentiment de 1'echec que lui avait inflige Ptole- cette contree, et en 196, il franchit meme 1'Hellespont et
mee IV Philopator; mais, ne voulant pas s'exposer a une penetra en Europe. Tite Live, xxxiu, 38. II marchait a ''
nouvelle defaite, il attendait avec patience le moment pro- sa perte. Pousse par les conseils d'Annibal, qui s'etait
pice de se venger. Les circonstances le lui fournirent, a refugie a sa cour, il entra en guerre avec les Remains.
son retour de 1'Inde. La mort frappa son ennemi, en 201, Ceux-ci avaient battu, en 197, a la bataille de Cynoce-
et il eut pour successeur un enfant de quatre a cinq ans, phale, le roi de Macedoine, Philippe V, 1'allie d'Antio-
Ptolemee V Epiphane. Gf. Justin, xxx, 2. Le roi de Syrie, chus ; ils n'avaient plus aucune raison de mdnager desor-
en apprenant cette nouvelle, ne perdit pas de temps. Afln mais, comme ils 1'avaient fait jusqu'alors, le roi de Syrie.
de pouvoir abattre plus siirement la puissance egyptienne ; II y eut rupture ouverte entre les Remains et Antiochus,
691 A N T I O C H U S III LE GRAND 692
en 192. Tite Live, xxxv, 13; Justin, xxxi, 1. Apres avoir qu'Antiochus IV Epiphane mourut dans des circonstances
essuye plusieurs revers, le roi de Syi'ie fut enfin comple- qui ont une certaine ressemblance avec celles qui sont
tement battu par Scipion 1'Asiatique a la bataille de Magne- rapportees dans la lettre inseree II Mach., I, 13-16, la plu-
sie du Sipyle, en Lydie (190). II dut accepter un traite fort part des commentateurs pensent que 1'Antiochus indeter-
onereux (189), qui nous fournit 1'explication de plusieurs mine de II Mach., i, 13-16, est 1'Antiochus de I Mach. t
evenements historiques, racontes dans les Machabees, et vi, 1-16 et II Mach., ix, 1-28, lequel est incontestablement
qui eurent lieu sous ses successeurs Seleucus IV Philopator Epiphane. Cette identification nous semble fausse, parce
et Antiochus IV Epiphane, sans parler de sa propre mort, que les details contenus dans les deux recits, malgre
qui en fut indirectement la consequence. Cf. Appien, Syr., quelques traits analogues, sont si differents qu'ils ne
33-39; Polybe, xxi, 14; Tite Live, xxxvn, 40,43, 45, 55; peuvent s'appliquer au meme personnage. En effet, 1'An-
Justin, xxxi, 8; Diodore, Fragm., xxvi, 46. tiochus dont parle la lettre des Juifs, voulant piller le
Daniel avait prophetise cette fin honteuse d'un regne temple de Nanee, y fut introduit par les pretres, avec un
.auparavant glorieux : Et [le roi du nord, Antiochus III] petit nombre de compagnons, et y fut tue, II Mach., i,
tournera sa force vers les lies [il penetrera en Europe], et 14-16, tandis que 1'Antiochus dont I Mach., vi, 1-16, et
il en prendra beau coup; mais un chef [le consul Lucius II Mach., ix, 2-28, racontent la mort, fut repousse du
Scipion] fera cesser sa hauteur, et sa hauteur retombera temple qu'il avait entrepris de piller, et ne perit pas de
sur lui. Dan., xi, 18. Le premier livre des Machabees, mort violente dans le temple, mais de maladie, en che-
VIH, 6-8, rappelle quelques-unes des conditions humiliantes min, a son retour en Syrie. A cause de ces differences,
qui furent imposees par les vainqueurs a Antiochus. Ge quelques exegetes ont imagine que 1'Antiochus de II Mach.,
fut d'abord un grand tribut , consistant en la somme I, 13-16, est Antiochus VII Sidetes; mais cette opinion
enorme de quinze mille talents euboiques, c'est-a-dire plus n'est pas fondee. Voir ANTIOCHUS VII. Tout indique que
de quatre-vingt-trois millions : cinq cents talents devaient cet Antiochus est le pere d'Epiphane.
etre payes a la conclusion des negotiations, deux mille On ne voit point d'abord comment on pourrait soutenir
cinq cents a la ratification de la paix, et les douze mille que 1'Antiochus qui est massacre dans le temple de Nanee,
restant pendant les douze annees suivantes (Appien, II Mach., i, 15-16, est le meme que celui qui n'est que
Syr., 38); mais le roi de Syrie fut incapable de payer repousse d'un temple et succombe en route au milieu des
regulierement ce qu'il avait ete oblige de promettre, de montagnes, non a ses blessures, mais a une maladie.
sorte qu'Antiochus IV Epiphane, second successeur d'An- II Mach., ix, 1, 5, 21, 28. Des lors que la lettre des Juifs
tiochus III, avait encore a payer les arrerages, en 173. De ne dit nullement que le roi, dont elle rappelle la mort,.
plus, le malheureux vaincu de Magnesie dut donner aux soit Antiochus IV Epiphane, et puisque celui dont elle
Remains des otages , I Mach., vm, 7, afin de garan- parle a peri d'une autre maniere que ce celebre persecu-
tir ainsi 1'execution des conditions de la paix. Parmi ces teur des Juifs, la conclusion naturelle est qu'il s'agit d'un
otages se trouvait son second fils, celui qui devait devenir autre Antiochus. Comment admettre, en effet, qu'un ecri-
Antiochus IV Epiphane. I Mach., I, 11. On le forca aussi vain, alors meme qu'il ne serait pas inspire, se serait
de ceder a Eumene II, roi de Pergame, fils et successeur contredit si formellement a quelques pages de distance ?
d'Attale Ier, la region des Indiens [il faut lire probable- C'est contraire a toutes les vraisemblances. Quand meme
ment loniens], et les Medes [a lire sans doute Mysiens] nous n'aurions aucun moyen d'expliquer ces recits diffe-
ot les Lydiens, I Mach., vm, 8, c'est-a-dire ses posses- rents par des temoignages extrinseques, a cause de la
sions a 1 ouest du Taurus, la Mysie, la Lydie et la Phrygie. penurie des renseignernents parvenus jusqu'a nous sur ces
Ce fut la recompense du service qu'Eumene avait rendu aux epoques reculees, la.critique nous prescrirait de tirer cette
Romains en combattant en personne, avec son contingent conclusion : le roi que 1'auteur du second livre des Macha-
de troupes, centre les Syrians, a la bataille de Magnesie. bees fait mourir, au commencement de son ouvrage, de
L'auteur du premier livre des Machabees, vm, 7, nous mort violente, dans le temple de Nanee, qu'il est en train
apprend aussi comment Antiochus III avait ete contraint de piller, n'est pas le meme que le roi dont il decrit la
de subir un traite si dur : c'est qu'il avait ete pris vivant fin un peu plus loin, dans des circonstances tout a fait
dans le combat. L'auteur sacre est le seul qui nous fasse diverses. Tous les deux s'appellent Antiochus, mais il y
connaitre ce detail important de la lutte de TOrient grec a eu treize rois de Syrie qui ont porte ce nom; tous les
centre Rome. deux ont voulu piller un temple, mais ce n'etait pas chose
Antiochus HI ne survecut que deux ans a ce desastre. rare dans 1'antiquite. Voir Strabon, xvi, 1, 4, edit. Didot,
L'impossibilite de se procurer, par des levees ordinaires p. 634; Diodore de Sicile, xxvm, 3, t. n, p. 473. II est
d'impots, 1'argent qui lui etait necessaire pour payer les d'ailleurs certain, par les temoignages profanes, rapportes
sommes qu'il avait promises a ses impitoyables vainqueurs, plus haul, qu'Antiochus le Grand trouva la mort dans
le fit recourir a la rapine : il tenta de piller le tresor d'un une tentative de ce genre; il est certain aussi que son
temple d'Elymaide; mais le peuple, irrite, se revolta et fils, Antiochus Epiphane, tenta une entreprise semblable,
massacra le sacrilege avec sa suite (187 avant J.-C.). Stra- mais echappa a la mort et ne perit qu'a son retour, a
bon,xvi, 744; Justin, xxxn, 2; Diodore, Fragm., xxvi, Tabes, en Perse. Voir ANTIOCHUS IV. Pour plus de details
39, 40; Porphyre, dans Eusebe, Chron. arm., I, t. xix, et pour la reponse aux autres objections qu'on peut faire
col. 261; S. Jerome, In Dan., xi, 19, t. xxv, col. 573. Le a cette solution, cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et
prophete Daniel avait annonce ces derniers evenements la critique rationaliste, 4e edit., t. iv, p. 628-641.
en ces termes : II [Antiochus III] tournera sa face vers Antiochus le Grand ne persecuta pas les Juifs, comme
les places fortes de sa terre, et il se heurtera, et il tom- devait le faire son second successeur, son fils Antiochus
Lera, et on ne le trouvera plus. Dan., xi, 19. Epiphane; mais ils eurent neanmoins beaucoup a souffrir,
Le premier livre des Machabees, qui n'a rappele sa surtout pendant la premiere partie de son regne. Pen-
defaite a Magnesie que par voie d'allusion, en decrivant dant que ce prince, dit Josephe, faisait la guerre contre
la puissance des Romains, I Mach., vm, 6-8, ne dit rien Ptolemee Philopator et contre son iils surnomme Epiphane,
de sa mort; mais le second livre des Machabees, i, 13-16, les Juifs avaient a souffrir si Antiochus etait vainqueur,
d'apres plusieurs interpretes, et avec raison, croyons-nous, et ils avaient a souffrir de meme s'il etait vaincu, de
raconte la fin d'Antiochus le Grand. Comme, d'une part, sorte qu'ils ressemblaient a un navire qui, au milieu
1'Antiochus dont parle 1'auteur sacre n'est pas designe d'une tempete, est battu de tous cotes par les Hots, parce
dans son recit, comme nous le faisons aujourd'hui, par un qu'ils se trouvaient au milieu des combattants. Ant.
nombre ordinal ou par une epithete ; comme, d'autre part, jud., XII, in, 3. C'est ce qui nous explique pourquoi
1'auteur du premier livre des Machabees, vi, 1-16, et aussi Daniel parle longueinent du regne d'Antiochus III. Et
1'aulcur du second, II Mach., ix, 1-28, nous apprenncnt parce que c'est lui qui attaque 1'Egypte, la responsabilite
693 A N T I O C H U S III LE GRAND A N T I O C H U S IV E P I P H A N E 694
des soull'rances qu'endurent les Juifs lui est imputable, et de retour dans sa patrie et se trouvait a Athenes, lorsque
le prophete s'eleve, Dan., xi, 14, centre ceux qui pren- Seleucus IV lut empoisonne par Heliodore. Voir HELIO-
nent parti pour lui centre le roi d'Egypte, de meme que DORE. Ce dernier s'empara du trone; mais Antiochus, aide
la lettre conservee dans II Mach.,i, 13-16, adressee a des par Eumene et Attale, le chassa facilement, et profitant
Juifs habitant 1'Egypte, et bien disposes par suite en faveur de 1'eloignement de son neveu Demetrius, heritier legi-
des Ptolemees, leur dit que la mort d'Antiochus III les a time de la couronne, qui 1'avait remplace cornme otage
tous delivres d'un grand peril, parce que, si ce prince a Rome, il le supplanta et obtint le royaume par la
avait reussi a s'emparer du tresor du temple de Nanee, il fraude . Dan., xi, 21; cf. Tite Live, XLI, 20; Jean d'An-
aurait sans doute entrepris de se venger sur 1'Egypte de tioche, fragm. 58, dans Muller, Histor. grsec. fragm.,
tous les affronts qu'il avait recus. Le texte grec de II Mach., t. iv, p. 558.
I, 12, qui est le texte original (rendu avec une nuance Le caractere du nouveau roi de Syrie nous a ete depeint
inexacte dans la Vulgate), parle d'une guerre qui etait par Polybe, son contemporain, dans les termes suivants :
preparee centre les Juifs. Quoi qu'il en soit, dureste, de II aimait a s'echapper de son palais, loin de ses courti-
cette guerre, et quoique Antiochus III, qui avait eu jus- sans, et d'aller errer ca et la dans la ville, accompagne
que-la tout interet a menager les Juifs, afin de les gagner seulement d'un ou deux serviteurs. On le rencontrait sur-
a son parti dans sa lutte centre 1'Egypte, les eut, en tout dans les boutiques des orfevres qui travail!aient 1'ar-
effet, bien traites, au temoignage de Josephe, Ant. jud., gent et Tor, s'entretenant sans fin avec les ciseleurs et les
XII, in, 3, 4, le roi de Syrie aurait difficilement resiste autres ouvriers, et leur temoignant un grand amour pour
a la tentation de les pressurer, pour etre en etat de payer leur art. II se plaisait aussi a se meler familierement
aux Remains les sommes dont il leur etait redevable, de aux gens du peuple, et meme a manger et a boire avec
sorte que la mort de ce prince fut pour les Juifs, comme les hotes qui se trouvaient chez eux. Lorsqu'il apprenait
pour les Egyptiens, une delivrance.Voir Flathe, Geschichte que des jeunes gens se reunissaient quelque part pour se
Macedoniens, t. n, p. 225 et suiv.; Clinton, Fasti helle- regaler, il s'y rendait sans s'etre fait annoncer, accom-
nici, t. in, p. 314 et suiv. F. VIGOUROUX. pagne d'une trompette et d'une cornemuse, de sorte que
la plupart s'enfuyaient, effrayes par son arrivee imprevue.
3. ANTIOCHUS IV EPIPHANE, huitieme roi de Syrie Souvent il se depouillait de ses habits royaux, se revetait
(175-164 avant J.-C.; de 1'ere des Seleucides, 137-149); fils d'une toge, et allait briguer une charge sur la place
et second successeur d'Antiochus III le Grand (fig. 174). publique; il prenait alors les uns par la main, il embras-
I Mach., I, 11; Appien, Syr., 45. C'est de tous les rois sait les autres et les priait de lui donner leur voix, tantot
pour les fonctions d'edile, tantot pour celles de demarque.
Quand il avait obtenu la dignite sollicitee, il s'asseyait a
la maniere romaine sur un siege d'ivoire, il ecoutait atten-
tivement les affaires qui se traitaient sur 1'agora, et il ren-
dait ses sentences avec beaucoup de zele et de soin. De
tout cela il resultait que les gens senses ne savaient que
penser sur son compte : les uns croyaient que c'etait un
homme simple, les autres que c'etait un fou. Dans la dis-
tribution de ses presents, il se conduisait d'une maniere
analogue : a ceux-ci il donnait des osselets, a ceux-la des
dattes, a d'autres de 1'or. S'il rencontrait par hasard des
personnes qu'il n'avait jamais vues, il leur faisait aussi
des dons auxquels elles ne s'attendaient en aucune fagon.
Dans les sacrifices qu'il offrait dans les villes et dans les
174. Antiochus IV ^piphane. honneurs qu'il rendait aux dieux, il surpassait tous les
TSte barbue et lauree du roi Antiochus IV. fy BASIAEQS autres rois. La preuve en est dans le temple de Jupiter
ANTIOXOT EOT EHI<J>ANOYS NIKH*OPO[Y]. Olympien a Athenes, et dans les statues elevees autour de
Jupiter, assis sur son tr6ne, tient dans la main drolte une 1'autel de Delos. II avait coutume de se baigner dans les
Victoire, et s'appuie de la gauche sur son sceptre. bains publics, lorsqu'ils etaient tout remplis de gens du
peuple, etc. Polybe, xxvi, 10. Get ecrivain, comme
seleucides celui dont les Livres Saints parlent le plus lon- plusieurs autres historiens de 1'antiquite, rapporte de lui
guement, Dan., xi, 21-45; I Mach., 1,11-67; n-iii; vi, 1-16; beaucoup d'autres traits semblables. Us s'accordent tous
II Mach., iv, 7 - i x , 29, celui dont la memoire est restee a montrer en lui un prince prodigue, Dan., xi, 24 (voir
la plus odieuse aux Juifs a cause de la persecution qu'il ANTIOCHIDE), vaniteux, ami du faste, de Fostentation, des
fit subir aux serviteurs fideles du vrai Dieu. II s'empara constructions somptueuses, des spectacles pompeux, se
du trone, a la mort de son frere Seleucus IV Philopator, melant aux danseurs et luttant d'adresse avec eux, fre-
au detriment de son neveu, qui regna plus tard sous le quentant la populace, plein de mepris et de dedain pour
nom de Demetrius I er Soter. II est connu dans 1'histoire les grands. Cf. Polybe, xxvm, 18, 3; xxix, 9, 13; xxxi,
sous le surnom d'Epiphane, 'ETucpavr^, illustre, sous 3 et suiv.; Diodore, xxix, 32; xxxi, 16; Tite Live, XLI, 20;
lequel il est designe I Mach., I, 11 (grec, 10); II Mach., Ptolemee VII Evergete II, 1, et Heliodore, 6, dans Muller,
iv, 7; x, 9,13; mais son caractere extravagant lui fit donner, Histor. grsec. fragm., t. in, p. 186; t. iv, p. 425. En tout
par allusion a ce titre, le sobriquet d'Epimane, 'Euifxav^;, il se portait aux extremes et aux exces, et ce sont ses
feu. Athenee, x, 438. Sur ses monnaies, comme pour extravagances qui lui firent donner par Polybe, xxvi, 10,
justifier le reproche d'orgueil que lui font les Ecritures, le surnom d'Epimane, au lieu de celui d'Epiphane. Par
Dan., xi, 36; II Mach., v, 21; IX, 21, non content du titre beaucoup de traits de son caractere, il presageait Neron.
d'Epiphane, il prend aussi celui de 0s6;, dieu, et de Tel etait le roi sous la domination duquel tomberent les
N-.-/-o?6po;, victorieux, qui etait celui de Jupiter Olym- Juifs apres la mort de Seleucus IV Philopator. A toutes
pien. Son pere Antiochus III avait ete oblige de le donner ses autres manies, le nouveau souverain joignait celle de
comme otage aux Remains (188 ans avant J.-C.), pour se poser en reformateur religieux, et d'aimer a intervenir
executer une des conditions du traite de Magnesie. I Mach., dans les questions liturgiques et theologiques, Ses prede-
I, 11 ( 1 0 ) ; Appien, Syr., 45. II demeura a Rome jusqu'en cesseurs avaient laisse a leurs sujets de Palestine pleine
175, oil son frere Seleucus IV, peu de temps avant sa et entiere liberte dans Fexercice de leur culte, mais il
mort, lui fit rendre la liberte, en substituant a sa place n'allait plus en etre de meme sous son gouvernement.
son propre fils Demetrius. Antiochus n'etait pas encore Les relations des enfants d'Abraham avec leurs maitres.
695 ANTIOCHUS IV fiPIPHANE 696
egyptiens et syriens avaient peu a peu altere la foi et les au roi de Syrie, qui assistait a Tyr aux jeux quinquen-
moeurs d'un certain nombre de Juifs, et il s'etait forme naux, trois cents drachmes d'argent destinees a celebrer
insensiblement un parti helleniste, caracterise par son un sacrifice en 1'honneur d'Hercule. II Mach., iv, 18-19.
penchant pour les idees et les coutumes grecques, et Voir JASON. II recut aussi Antiochus avec les plus grands
dont le centre principal etait a Jerusalem. II se composait honneurs a Jerusalem. II Mach., iv, 22. Cependant tant
naturellement des plus remuants et des plus ambitieux, de seryilite et de bassesse furent impuissants a le main-
et comptait dans son sein beaucoup de jeunes gens entre- tenir dans sa charge. Un competiteur n-on moins ambitieux
prenants et hardis. L'avenement d'Antiochus IV au trone que lui, appele Menelas , employa pour le supplanter le
de Syrie leur parut une occasion favorable pour s'emparer moyen dont il s'etait servi lui-meme pour usurper les
du pouvoir dans la Judee, et ce furent ces Hellenisants functions d'Onias III; il offrit a Antiochus IV trois cents
<rai fournirent occasion au nouveau roi de s'immiscer dans talents d'argent de plus; ses propositions furent acceptees,
leurs affaires interieures et religieuses. Us lui envoyerent et Jason oblige de chercher un refuge chez les Ammo-
a Antioche des deputes charges de lui exposer leurs pro- nites (Josephe commet une erreur, Ant. jud., XII, v, 1;
jets et d'obtenir de lui 1'autorisation de les mettre a exe- cf. XV, m, 1; XIX, vi, 2, quand il dit que Menelas etait
cution. Rien ne pouvait lui etre plus agreable; il accorda trere de Jason). Le grand pretre evince ne put se consoler
tout ce qu'on voulait, et Ton vit bientot s'elever dans la de sa disgrace, et il guetta une occasion favorable pour
cite sainte un gymnase pa'ien, et des enfants de Jacob vivre se venger. II crut 1'avoir trouvee, pendant qu'Epiphane
a la facon des Grecs. I Mach., i, 1*2-16. C'est ainsi que etait occupe en Egypte par sa seconde campagne contre
commenca 1'oeuvre de perversion, en attendant que la Ptolemee Philometor (170). Une fausse rumeur s'etant
persecution lui vint en aide pour travailler a deraciner repandue que le roi de Syrie etait mort, Jason, a la tete
le mosa'isme. de mille hommes, s'empara par un coup de main de Jeru-
Encourages par ces premiers succ.es, quelques hommes, salem, et son rival Menelas fut contraint de se refugier
mus par les mobiles les plus interesses et les plus vils, recou- dans la citadelle.
rurent a Antiochus afin de satisfaire leur ambition. Jason, Malheureusement pour Jason, Antiochus IV etait tou-
frere du grand pretre Onias III, entreprit de le depouiller; jours vivant, et de plus vainqueur. II avait remporte les
il brigua pour lui-meme le souverain pontificat, et 1'obtint plus grands succes; a la tete d'une armee formidable,
ou plutot 1'acheta d'Antiochus IV. II gagna ce prince en I Mach., i, 18, il etait entre dans des villes riches et opu-
le prenant par ses deux cotes faibles. Comme Epiphane, lentes , et fait ce que n'avaient pas fait ses peres et les
a cause de ses prodigalites et du lourd tribut qu'il avait a peres de ses peres , Dan., xi, 24, il s'etait empare d'une
payer aux Remains, etait toujours a court d'argent, le pretre grande partie de 1'Egypte, et Ptolemee Philometor lui-
infidele lui offrit des sommes considerables, II Mach., iv, meme etait tombe entre ses mains. I Mach., i, 20 (170 avant
8-9; de plus, comme il savait que le prince etait un ardent J.-C.). La nouvelle de ce qui s'etait passe a Jerusalem
propagateur des moeurs helleniques, il changea son nom irrita profondement Epiphane. Au retour de son expedi-
hebreu de Jesus (Josephe, Ant. jud., XII, v, 1) pour tion, il marcha contre la cite sainte a la tete de son armee
prendre le nom grec de Jason, et sollicita comme une victorieuse, y fit un grand massacre, pilla la ville et le
faveur la permission d' helleniser ses compatriotes de temple, et en emporta les vases sacres et tout ce qu'il ren-
Judee, et specialement de Jerusalem. II Mach., iv, 9-20 fermait de precieux, I Mach., I, 20-29; II Mach., V, 11-21;
(174 ans avant J.-C.). Onias III fut oblige de se retirer a Josephe, Ant. jud., XII, v, 3; Cont. Apion., 11, 7. Menelas
Antioche, ou un officier d'Antiochus le fit perir plus tard lui-meme, altere de vengeance, dirigea le roi dans le pil-
traitreusement, pendant que le roi faisait une guerre en lage de la maison de Dieu. II Mach., v, 15. Les profanations
Cilicie. Ce prince vengea sa mort a son retour, pour donner sacrileges d'Antiochus furent plus douloureuses au coeur
satisfaction a 1'opinion publique. II Mach., iv, 30-38. des Juifs fideles que ses rapines. II Mach., V, 15-17. Ce
Jason, en achetant ainsi le souverain sacerdoce, avait u'etaient la cependant que les premiers presages de la per-
appris a Antiochus IV qu'il pourrait trouver en Palestine secution qui devait eclater plus tard avec tant de violence,
des ressources abondantes pour satisfaire ses gouts de mais Fhorreur qu'inspira la conduite du roi souillant la
depenses; aussi ce prince ne manqua-t-il aucune occasion demeure de Dieu fut le germe de la reaction qui devait
d'arracher de Fargent aux Juifs. Daniel avait predit les arnener la glorieuse revolte des Machabees contre le joug
conquetes d'Epiphane en Egypte. Dan., xi, 25. Ce pays impie des etrangers.
avait toujours excite la cupidite des Seleucides; ils tenaient La troisieme expedition du roi de Syrie contre 1'Egypte
surtout a avoir en leur possession les provinces de Gcele- n'eut aucune consequence particuliere pour la Judee,
syrie, de Phenicie et de Palestine, et les Ptolemees les mais la quatrieme devait lui etre fatale. L'orgueil d'Epi-
desiraient avec non moins d'ardeur. Elles avaient ete phane fut cruellement humilie dans cette derniere cain-
donnees en dot par Antiochus III le Grand a sa fille Cleo- pagne. Cette expedition ne fut pas semblable a la pre-
patre, lorsqu'elle epousa Ptolemee V Epiphane; mais de- miere . Dan., xi, 29. L'Egypte fut d'abord reduite aux
puis la mort de cette princesse les rois de Syrie n'avaient abois. Le Syrien se voyait a la veille de realiser ses reves
cesse de les reclamer. Elles etaient au pouvoir d'Antio- les plus ambitieux, lorsque les Remains intervinrent. Le
chus IV des le commencement de son regne, comme le general Popilius Lrena lui signifia un ordre du senat lui
prouve 1'histoire de Jason, I Mach., I, 11, 14, et les hon- enjoignant de renoncer a ses projets sur le royaume des
neurs avec lesquels ce roi fut re$u a Jerusalem, quelque Ptolemees, s'il ne voulait pas etre 1'ennemi des Romains.
temps apres son avenement au trone, vers 173. II Mach., Antiochus voulut gagner du temps et lui demanda a
iv, 22. Mais pour assurer de plus en plus ces possessions, reflechir. Popilius traca un cercle avec un baton autour
et dans le but de s'emparer de 1'Egypte elle-meme, du roi et le somma de se prononcer avant d'en sortir.
I Mach., I, 17, Epiphane fit quatre campagnes centre ce 'EvraOGa PO-JXE-JOV, Delibere la, lui dit le fier general.
dernier pays: la premiere en 171, la seconde en 170, Le vainqueur des Ptolemees, qui avait vecu plusieurs
II Mach., v, 1; I Mach., I, 17-21, la troisieme en 169 et annees a Rome, en connaissait la puissance; il savait qu'il
la quatrieme en 168. Dans toutes ces expeditions, il eut ne pouvait y resister; il se soumit (168 avant J.-C.). Dan.,
a traverser la Palestine, et ce pays eut souvent a en xi, 29-30; Polybe, XXTX, 11; Diodore de Sicile, xxxi, 2;
souilrir. Tite Live, XLV, 12; Appien, Syr., 66; Justin, xxxiv, 3.
Jason, apres avoir achete le souverain pontificat, en Mais son amour-propre avait ete cruellement blesse. 11
etait reste paisible possesseur pendant trois ans, de 174 s'en vengea sur les Juifs. Les vaisseaux de Kittim [les
a 171. II n'avait rien neglige pour s'assurer les bonnes Romains] viendront contre lui, avait predit Daniel, et il
graces de son protecteur Antiochus; il avait meme pousse sera frappe, et il s'en retournera, et il s'irritera contre
I'infamie, lui grand pretre du vrai Dieu, jusqu'a envoyer 1'alliance sainte, et il fera [du mal]. Dan., xi, 30.
697 A.NTIOCHUS IV fiPIPHANE 69S
Comine nous 1'avons vu, Antiochus IV etait tres devoue violence de la tempete, ils eurent la faiblesse de se sou-
au culte de ses dieux; il poussait pour eux le zele jusqu'au mettre au persecuteur et de pratiquer les rites paiens.
fanatisme; il se croyait meme personnellement un dieu, I Mach., i, 45. Mais d'autres plus genereux prefererent la
et il s'en attribuait le titre sur ses monnaies*(fig. 174). mort a Tapostasie. I Mach., i, 65; cf. II Mach., vi, 18-31;
Oblige de renoncer a tous ses projets de conquete en vii, 1-41. Ceux qui le purent echapperent a la violence-
Egypte, il voulut du moins rendre paienne cette petite en se cachant au fond des cavernes ou en s'enfuyant
terre de Judee qu'il croyait incapable de lui resister, et dans le desert. I Mach., i, 56; II Mach., v, 27; vi, 11. Et
d'oii il resolut d'extirper la religion veritable. En Tan 168 enfin Mathathias et ses fils se leverent, et 1'orgueil et la
ou 167 avant J.-C., il y envoya a la tete d'une armee un puissance d'Antiochus Epiphane vinrent se briser contra
collecteur des impots, I Mach., i, 30 (grec, 29), nomme la foi et 1'heroisme des Machabees.
Apollonius, II Mach., v, 14, avec la mission d' helleniser Les envoyes d'Antiochus IV arriverent un jour a Modinr
completement Jerusalem. Afin d'y reussir, 1'officier syrien pour obliger les Juifs qui y habitaient a immoler aux
devait aneanlir une grande partie de la population juive, idoles. Le vieux pretre Mathathias exhorta ses freres a etre
et la remplacer par des Hellenes ou des Hellenisants. fideles a leur Dieu, mais Tun d'eux s'avanca aux yeux de
Cf. I Mach., i, 38-40; II Mach., v, 24. II arriva a Jerusalem tous pour sacrifier selon 1'ordre du tyran. Le saint vieillard,
en affectant des intentions pacifiques; mais au jour du a ce spectacle, ne put maitriser son indignation; il s'elanca
sabbat, lorsque les Juifs ne se croyaient meme pas le droit contre le coupable et le frappa mortellement; il fit subir
de se defendre, de peur de violer le repos du jour du Sei- le meme sort a 1'emissaire d'Epiphane, et renversa avec
gneur, les soldats syriens se precipiterent sur eux, mas- horreur 1'autel sacrilege. Apres cet eclat, il se retira dans
sacrerent tous les hommes qu'ils rencontrerent, s'empa- le desert avec les siens. Un grand nombre de Juifs fideles
rerent des femmes et des enfants et les vendirent comme ne tarderent pas a le rejoindre, et ainsi se forma le noyau
esclaves. I Mach., I, 30-34; II Mach., v, 24-26. Aucune de 1'armee qui devait delivrer Israel. Mathathias, charge
precaution ne fut negligee pour assurer au roi de Syrie d'ans, rie tarda pas a rendre a Dieu son ame genereuse;
la tranquille possession de la capitale de la Judee, et rendre mais il laissa apres lui de dignes heritiers, ses cinq filsr
ainsi facile la perversion de ses habitants et le triomphe cinq heros, et parmi eux Judas Machabee, le lion
de 1'hellenisme : les murs de la ville furent renverses, de Dieu. I Mach., n , 7-70; in, 4.
aim que le peuple fut sans defense; mais la cite de David, Apollonius ne tarda pas a s'apercevoir que la resistance
ou s'etublirent les soldats d'Apollomus, fut fortifiee avec etait serieuse. II marcha contre les Juifs a la tete d'une
le plus grand soin, entouree d'une muraille solide, flan- forte armee. Judas s'empressa d'aller a sa rencontre, le
que'e de fortes tours, et transformed en une citadelle battit, le tua et s'empara de ses depouilles. I Mach., in,
inexpugnable, I Mach., I, 35, ou la garnison syrienne 10-12. Quand il rerut ces nouvelles, Seron, general en
vecut en securite. Sa position etait si forte, qu'elle y main- chef des forces syriennes, prit la route de la Palestine;
tint la domination des Seleucides meme pendant les succes il fut battu a son tour pres de Bethoron. I Mach., in,
des Machabees, et ce ne fut que vingt-six ans plus tard 13-24. On s'imagine aise'ment quelle dut etre la colere
(142-141 avant J.-C.) que Simon reussit a s'emparer de d'Antiochus Epiphane en apprenantces de'sastres. I Mach.,
cette acropole et a briser ainsi completement le joug des in, 26-27. II resolut d'exterminer les Juifs, et comme il
oppresseurs de son peuple. devait faire lui-meme une campagne contre les Parthes,
Une fois que le lieutenant d'Antiochus Epiphane eut I Mach., in, 31; Tacite, Hist.,^, 8, il chargea Lysias, a
ainsi assure sa position a Jerusalem, la persecution ouverte qui etait confiee 1'education du prince royal, d'envoyer
centre la religion judaique commenca. Le roi ordonna par une armee considerable avec des elephants en Judee,
ecrit de pratiquer sa propre religion. I Mach., i, 43, 46, 53. pour detruire jusqu'au nom d'Israel et repeupler le pays
L'observation de la loi mosaique fut interdite, le culte avec des etrangers. I Mach., in, 32-36. C'etait Tan 147 de
legal aboli, la sanctification du sabbat et la circoncision 1'ere des Seleucides, 166-165 avant J.-C. Lysias envoya
defendues sous peine de mort. I Mach., i, 46-53. Dans contre Judas trois generaux, Ptolemee, Nicanor et Gor-
toutes les villes de Juda, on dut offrir des sacrifices aux gias. Ce dernier, avec ses troupes d'elite, fut completement
dieux paiens. I Mach., i, 54. Le 15 casleu de Tan 145 de battu pres d'Emmaiis. I Mach., iv, 1-22. Une armee nou-
)'ere des Seleucides, c'est-a-dire en decembre 168, un autel velle, conduite 1'annee suivante par Lysias en personne,
paien fut construit sur Fautel juif des holocaustes, dans le essuya egalement une sanglante defaite. I Mach., iv, 28-35.
temple meme de Jerusalem, et dix jours apres, le 25 casleu, L'expedition d'Antiochus Epiphane contre les Parthes
on y immola pour la premiere fois des victimes. I Mach., ne fut pas plus heureuse. Le tyran allait expier tout le mal
I, 54 (texte grec). Antiochus IV Epiphane avait voue un qu'il avait fait au peuple de Dieu. II avait toujours besoin
culte particulier a Jupiter Olympien; il prenait ses titres d'argent pour satisfaire a ses prodigalites et pour payer
sur ses monnaies (voir plus haut, col. 693), et se faisait aux Bomains les contributions qu'ils avaient imposees a
representer avec ses attributs : c'est a cette divinite qu'il son pere Antiochus III, et qui n'etaient pas encore com-
consacra le temple du vrai Dieu. II Mach., vi, 2. II ordonna pletement acquittees. II Mach., vm, 10-11. Sa campagne
aussi qu'on celebrat tous les mois le jour ou il etait ne a Test de son royaume avait pour objet de remplir son
selon les rites paiens, avec des couronnes de lierre en tresor. I Mach., in, 29-31; Josephe, Ant. jud., XII, vn;
Vhonneur de Bacchus. II Mach., vi, 7. Voir ANNIVERSAIRE, Appien, Syr., 45; Tacite, Hist., v, 8. Non seulement il ne
col. 648-649. devait pas atteindre son but, mais il devait y perdre la vie.
Pour assurer 1'execution de ces edits, des emissaires, Les richesses du temple de Nanee, la Diane et la Venus
envoyes par le roi, les publierent dans toutes les villes de elymeenne, tenterent sa cupidite; il voulut piller son sane-
Judee. I Mach., i, 46. Des inspecteurs eurent la charge de tuaire, mais il echoua dans son dessein; les adorateurs de
les faire observer. I Mach., I, 53. Tous les mois, on faisait la deesse se souleverent et 1'obligerent a s'enfuir. I Mach.,
des perquisitions regulieres. I Mach., i, 61. Quiconque etait vi, 1-4; II Mach., ix, 2; Josephe, Ant. jud., XII, ix, 1;
trouve possesseur des Ecritures Saiutes, ou avait garde Polybe, xxxi, 11; Appien, Syr., 66; S. Jerome, In Dan.,
les observances de la loi, etait impitoyablement mis a xi, 44, 45, t. xxv, col. 573. Voir NANEE, ELYMMDE, PER-
mort. I Mach., I, 60. Les femmes memes qui avaient fait SEPOLIS.
circoncire leurs enfants etaient massacrees avec le fruit de II venait de subir cet echec humiliant quand a son rgtour,
leurs entrailles et avec ceux qui les avaient circoncis, aux environs d'Ecbatane, lui arriverent les nouvelles du
d'apres les ordres expres du roi Antiochus. I Mach., i, desastre de ses troupes en Judee. I Mach., vi, 5-7; II Mach.,
63-64; II Mach., vi, 10. Partout la Terre Sainte etait souillee ix, 3. Ce message porta son irritation a son comble. II
par des sacrifices idolatriques. I Mach., i, 49-50, 57-58. voulut precipiter son voyage, mais il ne devait plus revoir
Un certain nombre de Juifs courberent la tete sous la Antioche : il fut pris de violentes douleurs d'eatrailles %
699 A N T I O C H U S IV EPIPHANE A N T I O C H U S V EUPATOR 700
II Mach., ix, 5; un accident de voiture aggrava son etat; meilleurs manuscrits grecs portent: 'Ear\v bi 'E).utiaf6t
il se blessa dans sa chute, les vers et la gangrene se ev -rfj IlepasSi 716X1; svSolo:; II y a en Elyma'ide, en Perse,
mirent a ses plaies. II Mach., ix, 5, 7. II recommit alors, une ville celebre. Cette lecture est la seule vraie, car on
mais trop tard, la main du Dieu qui le frappait; il le pria ne trouve a\icune trace de Fexistence d'une ville appelee
et implora sa misericorde, I Mach., vi, 10-12 ; II Mach., Elymais. L'auteur sacre ne nomme done pas la ville dont
IX, 12-13; il promit d'adorer le vrai Dieu, de reparer le Epiphane voulut piller le temple; il dit seulement qu'elle
mal qu'il avait fait aux Juifs et de les rendre egaux aux etait situee dans la province de FElymaide, dans le royaume
Athenians, dont il avait embelli et enrichi les temples. de Perse, la designant ainsi de la meme maniere que Font
II Mach., ix, 14-17. Cette conversion etait sans doute trop fait Polybe, xxxi, 11, edit. Didot, p. 72, et Appien, Syr., 66,
interessee pour etre sincere; il sentit bientot que tout etait edit. Didot, p. 208. Le second livre des Machabees, dans
fini pour lui, et il chercha a assurer du moins son trone sa forme actuelle, nomme la ville ou etait le temple de
a son fils. La crainte qu'il ne put lui succeder augmenta Nanee Persepolis . II Mach., ix, 2. Get ouvrage a ete
encore les angoisses de ses derniers moments. Son fils compose en grec. On peut supposer avec vraisemblance
n'etait encore qu'un enfant en bas age, incapable de pla- que Persepolis signifie, dans ce passage, non pas la ville
cer lui-meme la couronne sur sa tete. De plus, il n'y avait qu'on appelait de ce nom, mais, en traduisant le nom
point droit : elle appartenait legitimement a son cousin grec, la ville ou la capitale des Perses, c'est-a-dire
Demetrius, sur qui son pere 1'avait usurpee. Epiphane ne probablement Suse, en Elyma'ide, 1'une des principales
pouvait se dissimuler que son neveu mettrait sa mort a residences royales des rois de Perse, et Fune des plus
profit pour essayer de saisir le pouvoir qui lui avait ete connues des Juifs a cause de Fhistoire d'Esther et d'As-
injustement ravi; il s'efforca done d'assurer des partisans suerus.
au jeune Antiochus, et a cette heure supreme, rendant Apres sa tentative infructueuse du pillage du temple,
comme malgre lui hommage a la fidelite des Juifs, dont Antiochus IV apprend le desastre que Judas Machabee a
ses predecesseurs avaient eu plus d'une fois 1'occasion fait subir a ses armes; il Fapprend en Perse ,dit I Mach.,
d'avoir des preuves, ce roi qui les avait si cruellement vi, 5; pres d'Ecbatane, par consequent en Medie, dit
persecutes leur ecrivit une lettre pour leur recommander II Mach., ix, 3. On a voulu decouvrir la encore une con-
son fils. II Mach , ix, 18-27. Peu apres il expirait -dans tradiction , mais les deux textes disent la meme chose en
les montagnes , dit Fauteur sacre, II Mach., ix, 28; a termes differents : le premier entend par la Perse toute
Tabes, en Perse, comme nous 1'apprennent d'une maniere 1'Ariane, qui comprenait la Medie, puisque cette pro-
plus precise Polybe, xxxr, 11, et Porphyre, dans S. Jerome, vince faisait partie du royaume de Perse; le second est
In Dan., xi, 44; t. xxv, col. 573. C'etait Fan 149 de Fere plus precis et indique nommement le lieu ou lui par-
des Seleucides, 164-163 avant J.-C. I Mach., vi, 16. vinrent les nouvelles de Judee. Ce qu'il dit est confirms
Antiochus IV, en mourant, avait nomme Fun des gene- indiroctement par les historiens profanes, qui, comme on
raux qui Favaient accompagne, Philippe le Phrygien, son Fa vu, col. 699, nous apprennent qu'Epiphane mourut a
ami d'enfance, regent du royaume et tuteur de son fils Tabes, entre Ecbatane et Persepolis. Voir J. Chr. C. Hoff-
Antiochus V Eupator; mais Lysias, a qui il avait laisse le mann , De bellis ab Antiocho Epiphane adversus Ptole-
pouvoir a Antioche en partant pour la Perse, ne tint aucun ms&os gestis, Erlangen, 1835; J. Frd. Hoffmann, Antio-
compte de ses dernieres volontes : il garda la personne chus IV Epiphanes, Konig von Syrien, Leipzig, 1873;
du jeune roi pour regner reellement sous son nom, et Gratz, Geschichte der Juden, t. II, 2 (1876), p. 436-443;
Philippe, qui etait revenu en hate, emportant avec lui le Wiederholt, Antiochus IV Epiphanes nach der Weis-
corps du souverain defunt, fut oblige d'aller chercher un sagung Dan. xi, 21-xm, 3, und der Geschichte,, dans
asile a la cour du roi Ptolemee VI Philometor. I Mach., la Theologische Quartalschrift de Tubingue, annee 1874,
vi, 14-17; II Mach., ix, 29; Josephe, Ant. jud., XII, ix, 2. p. 567-631. F. VIGOUROUX.
Yoir PHILIPPE et LYSIAS.
Les circonstances principales de la mort d'Antiochus IV 4. ANTIOCHUS V EUPATOR, neuvieme roi de Syrie
Epiphane, rapportees par les ecrivains sacres, sont confir- (164-162 avant J.-C.; de Fere des Seleucides, 149-151),
mees, comme on Fa vu, par les historiens profanes. Mais fils et successeur d'Antiochus IV Epiphane (fig. 175).
on a pretendu que les auteurs des deux livres des Macha- Eupator signifie qui a un noble pere . II n'avait que
bees n'etaient pas d'accord entre eux, I Mach., vi, 1-16; neuf ans lorsqu'il monta sur le trone, d'apres Appien,
II Mach., ix, 2-28, et que celui du second livre se contre- Syr., 46, 66; douze ans, d'apres Porphyre, dans Eusebe,
disait lui-meme et rapportait cette mort de deux manieres Chron. arm., i, 40, t. xix, col. 261. Son pere avait
tout a fait differentes, II Mach., I, 13-16, et ix, 2-28. Des designe Philippe, un des generaux qui Favaient accom-
critiques catholiques memes ont admis que ces deux der- pagne en Perse, comme regent du royaume et tuteur du
niers recits, qui sont en effet inconciliables, etaient Fun nouveau roi, I Mach., vi, 14-17; II Mach., ix, 29; mais
et Fautre relatifs a la mort d'Epiphane, et ils pretendent Lysias, qui avait tenu la place d'Epiphane en Syrie, pen-
qu'on doit eonsiderer le premier, II Mach., i, 13-16, dant son absence, n'eut garde d'abandonner le pouvoir
comme errone, parce qu'il est contenu dans une lettre qu'il avait entre les mains et de se dessaisir du jeune
non inspiree, inseree simplement dans son livre par 1'his- prince, dont il fit Finstrument de ses volontes. I Mach.,
torien de la persecution d Antiochus. Quelques-uns sou- vi, 14-15; II Mach., ix, 29. Apres avoir ete battu par Judas
tiennent, au contraire, que FAntiochus de II Mach., I, Machabee, il etait retourne a Antioche. I Mach., iv, 34-35;
13-16, est Antiochus VII Sidetes; mais cette opinion ne II Mach., xi, 12. II se preparait a venger son affront et a
saurait etre acceptee. Voir ANTIOCHUS VII. Tout porte a recommencer la campagne centre les Juifs, I Mach., iv, 35,
croire que le roi dont la lettre des Juifs, II Mach., I, 13-16, lorsqu'il apprit la nouvelle de la mort d'Antiochus IV et
raconte la fin violente est Antiochus III le Grand. Voir ses dernieres dispositions. Ces evenements Fobligerent de
ANTIOCHUS III, col. 691-692. II n'existe done aucune con- modifier sa politique envers les Juifs. II fallait d'abord
tradiction entre les deux passages II Mach., i, 13-16, et qu'il assurat la possession du trone a son pupille ; il fallait
ix, 2-28. II n'en existe pas davantage entre I Mach., vi, aussi qu'il maintint lui-meme son pouvoir centre Philippe.
1-16, et II Mach., ix, 2-28. Antiochus IV Epiphane, en mourant, avait tout lieu de
On ignale d'abord une contradiction sur le nom du lieu craindre que sa couronne ne passat point sans difficulte
dont Antiochus IV voulait piller le temple : c'etait Elymais, sur la tete de son jeune fils, parce qu'il Favait usurpee
ville de Perse, d'apres la lecon recue et la traduction de lui-meme sur son neveu Demetrius, et qu'il devait s'at-
la Vulgate de I Mach., vi, 1; c'etait Persepolis, d'apres tendre a ce que ce dernier revendiquat ses d roils a la
II Mach., ix, 2; mais les deux textes sont faciles a eclaircir. premiere occasion favorable. Plusieurs historiens croient,
La lecon : Elymais, ville de Perse, est fautive; les d'apres le recit de Porphyre, dans Eusebe, Chron. arm.,
701 ANTIOCHUS V EUPATOR 702
i, 40, t. xix, col. 261, qu'afin d'assurer sa succession a son I Mach., vi, 18-27. Ce dernier nedemandait pas mieux
heritier naturel, il 1'avait associe au trone, en 166, avant que de recommencer la guerre. I croyait sans doute le
de partir pour la Perse. Mais cette association ne pouvait pouvoir du nouveau roi suffisamrrBnt assis; il ne redou-
empecher les revendications de Demetrius. Lysias put ap- tait plus probablement ni DemeHus ni Philippe, qui
prendre bientot que le fils de Seleucus IV Philopator, n'etaient encore arrives ni 1'un ni hutre. II leva done une
detenu comme otage a Rome, reclamait, en effet, 1'heritage armee formidable de cent mille fartassins, de vingt mille
de son pere. Polybe, xxxi, 12; Appien, Syr.,46. La neces- cavaliers et de trente-deux elephnts. I Mach., vi, 30
site d'etre pret a toute eventualite exigeait qu'il demeurat (II Mach., xni, 2, porte des nombre un peu diflerents, les
a Antioche et qu'il n'entreprit aucune guerre au dehors. chiffres ayant ete alteres ici par le< copistes, comme dans
II devait etre la, soit pour repousser Demetrius, soil aussi plusieurs autres passages de la Bille). Lysias et Eupator
pour resister a Philippe et sauver sa propre situation, si son envahirent la Judee par le sud, en passant par 1'Idumee.
rival, comme cela ne pouvait manquer, venait, a la tete Le chef du parti hellenisarit, Meielas, n'eut pas honte
de 1'armee qu'il ramenait de Perse, demander 1'execution d'aller rejoindre les ennemis de a patrie, dans 1'espoir
des dernieres volontes d'Epiphane. Son propre interet le de recouvrer le souverain pontiiica; mais soit qu'il n'eut
porta done a conclure un traite de paix avec les Juifs et a pas ete veritablement plus fidele i Antiochus qu'a son
leur permettre le libre exercice de leur religion. II Mach., Dieu, soit pour toute autre caue inconnue, il n'eut
XI, 13-26. L'intervention des Remains ne fut pas non plus d'autre recompense de sa trahiscn que la mort, parce
etrangere a la conclusion de la paix. II Mach., xi, 34-38. que Lysias le considera comme la :ause de tous les maux
Lysias ne pouvait rien leur refuser; car il voulait leur faire qui s'etaient produits. II Mach., xu, 3-8.
retenir en Italie le jeune Demetrius, et 1'empecher ainsi Judas Machabee n'hesita pas a enir tete a des forces
de disputer le trone a son si edoutables. II defendit
pupille. d'i>ord Bethsur centre
Cependant, au moment les Syriens, qui ne purent
meme ou Lysias accor- s'ei emparer, et il en
dait aux Juifs ce qu'ils so tit ensuite pour aller
demandaient, II Mach., dnsser son camp a Beth-
xi, 16-21, et se faisait za;hara, vis-a-vis de celui
adresser a lui-meme, par d'uitiochus Eupator. C'est
le roiyenfant, une lettre la que Lysias 1'attaqua.
qui les autorisait a prati- II etait convaincu sans
quer le culte mosa'ique, date qu'avec tous ses
II Mach., xi, 22-26, il faitassins, ses cavaliers
iavorisait ouvertement les etses terribles elephants,
apostats. II ecrivait, au qt'on avait eu soin d'eni-
nom d'Eupator, a la na- 175. Antiochus V Eupator. vnr, il ecraserait la petite
tion juive une lettre qui Tete diademee d'Antiochus V. fy BASIAEQS ANTIOXOY triupe des Machabees ;
lui concedait des privi- ETIIATOPOH. Jupiter, assis sur son tr6ne, tient une Victoire mis il se trompa et il
leges commerciaux, mais dans la main droite, et s'appuie sur son sceptre de la main gauche. pedit six cents hommes.
cette concession etait faite I lach., vi, 32-46 (d'apres
pour relever le prestige des adversaires de Judas Macha- la lecon actuelle de II Mach., a n , 15, quatre mille
bee, et sur la demande formelle, comme I'attestait le hommes). Cependant, malgre le iourage et la bravoure
document royal, du chef du parti helleniste, du pontife de ses soldats, Judas comprit qu'ilne pouvait lutter centre
usurpateur Menelas, qui etait charge en meme temps de de telles masses, et il se retira. I lach., vi, 47; II Mach.,
parler au peuple au nom du roi. II Mach., xi, 27-33. Cette xni, 16. Le roi porta alors son canp a Jerusalem et as-
politique double montre hien que, si la necessite avait siegea la ville. I Mach., vi, 48. L position devenait cri-
impose la paix a Lysias , il n'en conservait pas moins tique. La garnison juive de Bethsir fut obligee dn capi-
1'espoir de venger un jour sa defaite et de reprendre les tuler, reduite par la famine, parceque 1'annee sabbatique
projcts d'Antiochus IV, puisque, loin de decourager le avait oblige de laisser cette anne la terre sans culture.
parti oppose a Judas Machabee et aux Juifs fideles, il I Mach., vi, 49-50; II Mach., xni 18-22. Jerusalem etait
accordait des graces en son nom et s'efforcait de main- mal approvisionnee pour la mene raison, et bientot,
tenir a Jerusalem 1'influence de son chef. L'evenement serree de tres pres par les ennenis, elle fut reduite a la
prouva bientot, en effet, que le traite conclu avec Judas derniere extremite. I Mach., vi, 51-4. Tout semblait perdu,
n'avait ete pour Lysias qu'un moyen de gagner du temps. lorsque la Providence vint au seours de ses fideles ser-
Les Syriens laisserent les Juifs tranquilles pendant 1'annee viteurs. Une diversion inesperee fes sauva.
courante (164), de sorte qu'ils purent cultiver leurs champs Philippe le Phrygien, frere de lait d'Antiochus IV, a-
et recolter leurs moissons. II Mach., XH, 1. Judas profita quice prince mourant avait confiela tutelle de son fils et
de 1'occasion avec ses freres pour combattre les villes et la regence, ne s'etait pas sans doufc immediatement, apres
les tribus voisines dont il avait a se plaindre. I Mach., V, son retour de Perse, senti de foce a arracher a Lysias
1-68; II Mach., xn, 2-36. Mais 1'annee suivante (163), le gouvernement qu'il avait en min, et il s'etait refugie
I Mach., vi, 20; II Mach., xin, 1, la guerre recommenca en Egypte, a la cour de Ptolemee 'U Philometor, II Mach.,
plus terrible que jamais. ix, 29, probablement dans le bu de s'assurer son con-
Les instigateurs de cette nouvelle campagne furent les cours et d'epier 1'occasion favor>le pour s'emparer du
enfants apostats de Jacob qui composaient le parti helle- pouvoir. II crut le moment protiee venu, tandis que
niste. Us n'hesiterent pas, pousses par la cupidite et 1'am- Lysias etait loin d'Antioche et cccupe a combattre les
bition, a trahir leur patrie et a appeler I'etranger. Judas Juifs. II s'empressa done de returner en Syrie et de
avait tente de s'emparer de la citadelle de Jerusalem, rallier 1'armee de Perse et de Mdie, qui lui etait restee
parce que la garnison syrienne qui 1'occupait avait ferrne fidele, et etait revenue vraisembl&lement a petites jour-
les avenues des lieux saints, faisait subir toute sorte de nees. I Mach., vi, 55-56. II put aiisi devenir maitre de la
vexations aux vrais Israelites et soutenait ouvertement capitale de la Syrie. II Mach., xm23; cf. I Mach., vi, 63.
les paiens; le chef Machabee avait de plus repare les On concoit sans peine de quelle injuietude fut saisi Lysias
fortifications de Bethsur. Ce furent les deux principaux en apprenant ces nouvelles. II s hata aussitot de faire
griefs que les emissaires du parti helleniste firent valoir valoir au roi et aux generaux del'armee la grande force
centre lui, a Antioche, aupres d'Eupator et de Lysias. de la situation deJerusalemet la pmurie devivres donton
703 ANTIOCHUS V EUPATOR ANTIOCHUS VII SIDETES 704
souffrait dans ce pays, qui n'avait pas ete cultive; sous ce et oii il etait eleve par Emalchuel, le jeune Antiochus VI.
pretexte il fit conclure la paix avec les Juifs, a qui 1'on pour 1'opposer a Nicator. I Mach., xi, 39-40, 54. Celui-ci
assura de nouveau le libre exercice de leur religion. Les ne put resister a ceux qui s'etaient souleves centre lui, et
Syriens n'etaient pas de bonne foi; ils le prouverent tout Antiochus ceignit la couronne. I Mach., xn, 54-56. Cf,
de suite apres en detruisant les murs de la ville, con- Justin, xxxvi, 1; Appien, Syr., 68; Diodore, dans Muller,
trairement au serment royal. Cependant la crainte que Hist. grxc. frag., t. H, p. xxvn, n. 21.
Philippe ne reussit a s'emparer du pouvoir les obligea a La guerre civile qui avait ainsi eclate en Syrie permit
quitter precipitamment la Palestine, et Jerusalem fut ainsi aux Juifs de s'assurer de nouveaux avantages. Quand
delivree.i Mach., vi, 57-63; II Mach., xin, 23-26. La guerre Demetrius II s'etait vu menace a Antiocho par ses propres
entreprise par Mathathias et ses fils, pour la liberte reli- soldats qu'il avait licencies, il avait promis a Jonathas
gieuse, se termina de la sorte par un glorieux triomphe
pour les Juifs. Le droit de pratiquer leur religion, reconnu
a Israel par Antiochus V Eupator, ne leur fut plus conteste
par aucun roi de Syrie. La folle entreprise d'Epiphane
d' helleniser les serviteurs du vrai Dieu avait comple-
tement echoue. Desormais les Juifs devaient avoir encore
a combattre centre les Seleucides, mais seulement pour
leur independance politique et non plus pour leur inde-
pendance religieuse. Les maux qu'ils avaient endures leur
etaient venus d'un usurpateur, du pere d'Eupator, a qui
le trone n'appartenait pas, et, par une consequence im-
prevue, c'etaient les suites memes de cette usurpation qui,
en introduisant pour longtemps la division dans la famille
des Seleucides, devaient permettre aux Machabees, habiles 176. Antiochus VI Dionysos.
a profiler de la rivalite des rois qui se disputaient la cou- Tete radWe d'Antiochus VI. fy BASIAEQS ANTIOXOTf
ronne, de recouvrer leur autonomie et de s'affranchir Em<t>ANOrS AIONTEOT. Les Dioscures a cheval et la
pleinement du joug etranger. lancj en arr6t. Une 6toile est au-dessus de leur tSte. Dat6e-
Lysias, de retour en Syrie, apres avoir calme a Ptole- SP, ou 169 de 1'ere des Seleucides. A droite, au-dessus de
maide les citoyens de cette ville, qui s'indignaient d'avoir la marque de fabrique, TPY", et au-dessous, STA, probable-
ete soumis a Judas, II Mach., xm, 24-26, ne parait pas ment abrogations de Tryphon et de Staphilos (protecteur).
avoir eu de peine a ecraser son rival Philippe et a garder
ainsi en son pouvoir le jeune roi Antiochus V. I Mach., Machabee de lui remettre la citadelle de Jerusalem et les
vi, 63; cf. II Mach., xm, 23-26. D'apres Josephe, Ant. autres places fortes de la Judee, a la condition de recevoir
jud., XII, ix, 7, Philippe fut non seulement vaincu, mais des troupes auxiliaires. Ces troupes lui avaient ete erivoyees.
mis a mort (163 avant J.-G.). et avaient sauve le roi dans une sedition; mais, le danger
Cependant Eupator et Lysias ne devaient pas rester passe, il n'avait pas tenu ses promesses. I Mach., xi,
longtemps paisibles possesseurs du pouvoir. Un ennemi 38-53. Les Juifs n'avaient done pas lieu d'etre satisfaits
plus redoutable que celui qu'ils venaient d'abattre surgit de lui. Tryphon, apres avoir chasse Demetrius II, s'em-
tout a coup, Demetrius, fils de Seleucus IV Philopator. Les j pressa de mettre a profit le mecontentement de Jonathas
Remains avaient servi les interests du tuteur d'Antiochus V pour le gagner a la cause d'Antiochus VI. Le jeune roi
en retenant Demetrius comme otage en Italie, et en 1'em- lui ecrivit pour lui assurer la tranquille possession de tout
pechant de faire valoir ses droits a la couronne, parce ce que Nicator lui avait accorde, et pour confier a Simon,
qu'ils aimaient mieux voir le trone de Syrie occupe par son frere, le titre de general commandant depuis 1'echelle
un enfant; mais le fils de Seleucus IV parvint a tromper de Tyr jusqu'a la frontiere d'Egypte. I Mach., xi, 57-59.
leur surveillance et a se rendre en Syrie. Les soldats Les Juifs se rangerent d'autant plus volontiers du cote
memes de Lysias se rangerent sous ses ordres. II Mach., d'Antiochus VI, qu'ils avaient conserve une vive recon-
xiv, 1; Eusebe, Chron. arm., I, 40, t. xix, col. 261 ; Syri- naissance pour son pere Alexandre I Rr Balas. I Mach.,
celle, edit. Dmdorf, t. i, p. 150; Justin, xxxiv, 3. Eupa- x, 47. Jonathas et Simon soumirent done par la force au
tor et Lysias furent livres au nouveau roi par leurs pro- nouveau roi tous les pays environnants, I Mach., xi, 60-66,
pres troupes. . Ne me montrez point leur face, dit et repousserent meme une attaque de Demetrius contre
Demetrius, qui voulait venger sur leur personne le mal la Palestine. I Mach., xn, 24-30.
que lui avait fait Antiochus Epiphane. Et 1'armee les fit Cependant la fidelite de Jonathas inquieta celui qu'elle
Hiourir aussitot Tun et 1'autre (162 avant J.-C.). I Mach., aurait du le plus rejouir, c'est-a-dire Tryphon. Get ambi-
VH, 2-4. Cf. II Mach., xiv, 2; Appien, Syr., 46. Antio- i tieux voulait s'emparer du trone, et il se servait d'Antio-
chus V Eupator avait regne deux annees pleines. Josephe, chus VI comme d'un instrument pour realiser ses projets.
Ant. jud., XII, x, 1; Polybe, xxxi, 19. F. VIGOUROUX. Craignant que Jonathas ne devint un obstacle a ses plans,
il chercha a se defaire de sa personne, parvint a s'en
5. ANTIOCHUS VI DlONYSOS, roi de Syrie, en compe- emparer par stratageme , et le fit perir a Ptolema'ide
tition avec Demetrius II Nicator (145-vers 142 avant J.-C.; (143 avant J.-C.). I Mach., xn, 40-48. II retourna alors en
de 1'ere des Seleucides, 167-170. Les dates 167-170 sont Syrie et couronna sa trahison en mettant a mort le mal-
donnees par les monnaies de ce prince). II etait fils heureux jeune roi, I Mach., xm, 31, a 1'aide des mede-
d'Alexandre Ier Balas et de Cleopatre (fig. 176). Son pere, cins, d'apres le recit de Tite Live, Epit. 55. Cf. Diodore,
ayant ete vaincu par Ptolemee VI Philometor, s'etait vu dans Miiller, Histor. graec. fragm., t. n, p. xix, n. 25;
oblige de s'enfuir en Arabie et y avait peri assassine. Appien, Syr., 68; Justin, xxxvi, 1; Josephe, Ant. jud.,.
Antiochus n'etait encore qu'un enfant, I Mach., xi, 54; XIII, vii, 1. F. VIGOUROUX.
Appien, Syr., 68; Tite Live, Epit. 50, et hors d'etat de |
disputer la couronne a Demetrius II Nicator, le rival de j 6. ANTIOCHUS VII SIDETES, le dernier roi de Syrie
son pere, qui se trouva ainsi quelque temps unique maitre i nomme dans les Livres Saints (138-129 ou 128 avant J.-C.;
du royaurne de Syrie. Mais Demetrius II se fit detester de de 1'ere des Seleucides, 174-183). C'etait le second fils de
ses sujets par sa cruaute, et un des officiers d'Alexandre I er i Demetrius Ier Soter (fig. 178). On lui a donne le surnorn
Balas, Diodote, plus connu sous le nom de Tryphon, de Sidetes, parce qu'il etait ne a Sida, en Pamphylie.
mettant a profit ces circonstances favorables, alia chercher Eusebe, Chron. arm., I , 40, t. xix, col. 262. Lorsque
en Arabie, oii il etait reste depuis la mort de son pere, ; son frere Demetrius II Nicator fut lait prisonnier par
705 ANTIOCHUS VII SIDfiTES ANTIPATRIS
er
Mithridate I (Arsace VI), roi des Parthes, I Mach., xiv, ! enfin, sans doute par crainte des Remains, il fit avec
2-3 (138 avant J.-C.), il se trouvait dans 1'ile de Rhodes. ; Hyrcan une paix dent les conditions ne furent pas trop
Appien, Syr.,- 68. II resolut aussitot de ceindre la cou- I onereuses pour les Juifs. Antiochus VII entreprit ensuite
ronne du roi captif, et pour s'assurer des allies centre I une guerre centre les Parthes (129 avant J.-C.). Jean
1'usurpateur Tryphon, qui disputait le trone a Deme- I Hyrcan fut oblige de 1'y accompagner. Le roi de Syrie
trius II, il ecrivit des lies memes, I Mach., xv, 1, | remporta d'abord quelques a vantages ; il fut finalement
j defait par Phraorte II (Arsace VII), et succomba sur le
i champ de bataille. Josephe, Ant. jud., XIII, vm, 4; Justin,
xxxvm, 10; xxxix, 1; Diodore de Sicile, xxxiv, 15-17;
Tite Live, EpiL, 59; Appien, Syr., 68 (128 avant J.-C.).
| On voit, par ce dernier trait, qu'on ne saurait admettre
1'opinion des commentateurs qui pensent que 1'Antio-
' chus dont parle la lettre des Juifs inseree dans II Mach.,
i i, 12-16, est Antiochus Sidetes. Ce dernier peril dans un
combat, tandis que celui dont la lettre des Juifs nous fait
connaitre la fin tragique fut massacre dans un temple
qu'il voulait piller. Voir ANTIOCHUS III. Les historiens
anciens ont reproche a Antiochus VII de s'etre adonne
177. Antiochus VII Sid6tes. avec exces , comme la plupart de ses pr^decesseurs , aux
TSte diad&nfSe d'Antiochus VII. - fy ANTIOXOT BA2IAEQS. plaisirs de la table, Athenee, v, 210; x, 439; xn, 540;
Aigle aux ailes ploy6es ayec une palme. cf Justin, xxxvm, 10; mais ils louent sa bravoure et son
courage. Voir J. F. Tochon, Dissertation sur I'epoque
avant d'avoir debarque sur la cote de Phenicie, a Simon de la mort d'Antiochus Everyele Sidetes , roi de Syrie,
Machabee pour lui confirmer tous les privileges qui lui : sur deux me'dailles de ce prince et sur un passage du ne
avaient ete deja accordes, et pour lui conferer de plus livre des Machabees, in-4, Paris, 1816. F. VIGOUROUX.
le droit de battre monnaie. I Mach., xv, 1-9. C'est done
de cette epoque que datent les premiers sides hebreux. 7. ANTIOCHUS ( Septan te : 'AvT!0-/o?), pere de Nume-
Simon, pour reeonnaitre ses bienfaits, lui envoya deux nius, qui fut un des ambassadeurs envoyes par Jonathas
mille hommes; mais, avant qu'ils fussent arrives, Antio- aux Remains et aux Lacedemoniens. 1 Mach., xn, 16;
chus VII etait devenu maitre de la situation. II avait xiv, 22.
epouse sa belle-soeur Cleopatre, qui lui avait par ce ma-
riage assure le trone. La plupart des soldats de Tryphon 8. ANTIOCHUS (vn e siecle), moine grec, du couvent
1'avaient abandonne, et il avait ete reduit a s'enfuir a Dor, de Saint-Sabas, voisin de Jerusalem , appartient a la pre-
e
sur la cote de Phenicie, ou il ne tarda pas a etre assiege miere moitie du vn siecle , car il est contemporain , lui-
par son vainqueur. I Mach., xv, 10-14. II reussit cepen- meme en temoigne , de la prise de Jerusalem par Chos-
dant a s'echapper de cette place, et se retira en premier roes (614). C est a peu pres tout ce que Ton sait de sa vie.
lieu a Ptolemaide (Charax, dans Miiller, Histor. grsec. On a de lui un ouvrage exegetiquc considerable, intitule
fi-agm., t. in, p. 644, n. 40), puis a Orthosiade, au nord Pandectes Sacrse Scriptures, plusicurs fois imprime depuis
de Tripoli en Phenicie, I Mach., xv, 37, et enfin a Apamee, le xvie siecle, et dernierement par Migne, Pair. Gr.,
ou il fut encore assiege et ou il perit. Josephe, Ant. jud., t. LXXXIX, col. 1415-1855 : traite de morale d'apres la Sainte
XIII, vii, 2; cf. Appien, Syr., 68; Strabon, xiv, 5, 2. Ecriture, et divise en cent trente homelics, dont chacune
Les succes d'Antiochus VII 1'avaient rendu moins conci- a un sujet distinct : Qu'il ne faut pas aimer le monde ;
liant pour les Juifs. Lorsque les troupes envoyees par Qu'il ne faut point se chercher soi-meme ; Du rire ;
Simon etaient arrivees a Dor avec les presents du prince De la psalmodie ; De la delectation en Dieu ; De la
asmoneen, il avait refuse de les recevoir, retire les con- vocation de Dieu, etc. etc. Voir une excellente notice sur
cessions qu'il avait faites, et demande par Athenobius, cet ecrivain dans Fabricius, Bibliot/ieca greca, edit.
un de ses officiers ,. que les places fortes occupees par les Harless, t. x, p. 499-504. P. BATIFFOL.
Juifs en dehors de la Judee lui fussent rendues, ou qu'on
lui payat mille talents. I Mach., xv, 26-31. Simon Machabee ANTIPAS. 'AvTiTia;, contraction d"A'JTiTiaTpoi;,
revendiqua les droits de son peuple aupres d'Athenobius; pater. Cf. Josephe, Ant. jud., XIV, i, 3.
il offrit cependant cent talents pour Joppe et Gadara.
Antiochus VII ne les accepta pas, et, pour soumettre les 1. ANTIPAS, fils d'Herode le Grand et de Malthace la
Juifs a ses volontes, il fit marcher centre eux un de ses Samaritaine, qui lit decapiter saint Jean-Baptiste.;Il n'est
generaux, Cendebee, qui s'etablit dans une forte position designe dans les Evangiles que sous le nom d'Herode.
a Cedron ou Gedor, dans les environs de Jamnia, et Voir HERODE 3.
ravagea de la tout le pays environnant. I Mach., xv,
32-41. Simon etait trop avance en age pour aller combattre 2. ANTIPAS ('AvTtTia;), chretien appele par saint Jean,
en personne Cendebee; il envoya a sa place ses deux fils dans 1'Apocalypse, n, 13, le temoin ou martyr fidele.
Judas et Jean, qui remporterent centre les Syrians une | Le contexte semble indiquer qu'il avait ete eveque de Per-
victoire complete. game avant I'epoque ou saint Jean ecrivait sa proprieties
C'est le dernier evenement de 1'histoire d'Antiochus VII La tradition ecclesiastique le fait en effet eveque de cette
et des guerres des Syriens avec les Juifs que rapportent ville. II consomma son martyre , disent les martyrologes ,
les auteurs sacres. I Mach., xvi, 1-10. Nous savons par sous Domitien, dans les flancs d'un taureau embrase. On
Josephe, Ant. jnd., XIII, vm, 23, et par Eusebe, Chron. celebre sa fete le 11 avril. Voir Ada Sanctorum, aprilis
arm., n, t. xix, col. 511, qu'Antiochus VII tenta plus tard t. n, p. 3-5. E. JACQUIER.
de venger lui-meme la defaite de Cendebee, apres la rnort
de Simon, lorsque le fils de ce dernier, Jean Hyrcan, fut ANTIPATER (Septante: 'AvriTcaTpo;), fils de Jason,
devenu grand pretre, en 135-134 avant J.-C. Simon avait et 1'un des ambassadeurs que Jonathas envoya aux Remains
peri, pres de Jericho, assassine par Ptoleme'e, son gendre, et aux Lacedemoniens pour renouveler 1'alliance avec eux.
ct 1'assassin avait demande du secours a Antiochus VII. I Mach., xn, 16; xiv, 22.
I Mach., xvi, 11-16. Le roi syrien envahit la Judee, ravagea
tout sur son passage, et eniin mit le siege devant Jeru- ANTIPATRBS ('AVTHMCT?-:;), ville de Judee. Saint
salem. II fut sur le point de 1'emporter d'assaut; mais Paul , menace de mort par les Juifs, fut conduit, pendant
I)ICT. DE LA BIBLE. I. - 25
707 ANTIPATRIS A N T O I N E DE LA MERE DE DIEU 70S
la nuit, de Jerusalem a Antipatris. Act., xxm, 31. Le jour En 69, Vespasien passa deux jours a Antipatris. Aux
suivant, les soldats reviurent a leur camp dc Jerusalem, temps de saint Jerome, cette ville etait deja a moitie
Jaissant aller avec 1'Apotre les cavaliers qui le condui- detruite ; c'etait, a cette epoque, le siege d'un eveche. En
sirent a. Cesaree au procurateur Felix. 744, les Arabes massacrerent la plus grande partie de la
Josephe nous apprend qu'Antipatris etait situee dans la communaute chretienne habitant Antipatris. Enfin, au
fertile plaine dc Saron, Bell, jud., I, xxi, 9; qu'elle etait moyen age, le souvenir meme de remplacement de cette
bien arrosee d'eau, entouree d'arbres, Ant. jud., XVI, ville s'etait tellement perdu , que les historiens des croi-
v, 2, et placee dans le voisinage de la montagne. Bell, sades identifiaient Antipatris avec Arsouf, I'ancienne
jud., I, iv, 7. Elle avait ete batie par Herode le Grand Apollonia de Palestine. E. JACQUIER.
sur remplacement de Kapharsaba ou Chabarzaba, et
avait ete appelee Antipatris en souvenir d'Antipater, pere ANTITYPE (avTt'rJTCo:), ce qui repond au type (T-JITO?,
d'Herode. Ant. jud., XIII, xv, 1; xvi, v, 2. p]lle etait a Rom., v, 14; Heb., vin, 5) ou figure. Ce terme grec est
quarante-deux milles remains de Jerusalem et a seize de employe deux fois dans le Nouveau Testament. Heb. , ix,
Cesaree. 24 (Vulgate : exemplaria) ; I Pet., in, 21 (Vulgate : simili?
Robinson et d'autres archeologues ont identifie Antipa- formss). Dans 1'Epitre aux Hebreux, ix, 24, il a le meme
tris avec Kefr-Saba, village de huit cents habitants, sens que type . Le mot type , dans son acception
situe sur une colline peu elevee, sur la route de Jaffa theologique et dans le langage des commentateurs , de-
a Naplouse. On y retrouve quelques debris antiques. Le signe un symbole , une figure d'une personne ou d'une
nom arabe de Kefr-Saba reproduit exactement la forme chose future, un exemple prepare par Dieu et destine par
chananeenne ou hebraique, Kapharsaba, du bourg lui a prefigurer cette personne ou cette chose future. Ainsi
ou village sur lequel avait ete batie Antipatris. II y a Judith, Esther, delivrant leur peuple, sont des types de la
cependant a cette identification quelques difficultes que tres Sainte Vierge, qui est 1'antitype; 1'arche de Noe, dans-
M. Guerin a relevees, Description geographique, histo- laquelle ce patriarche est sauve avec sa famille, est le type
rique et archeologique de la Palestine, Samarie, t. n, de TEglise, 1 Pet., in, 20, et 1'Eglise, dans laquelle sont
p. 357-367, et qui I1 ont engage a placer Antipatris a sauves les ems de Dieu , est 1'antitype de 1'arche.
Medjdel-Yaba.
1 Comment les fatitassins de 1'escorte de saint Paul 1. ANTOINE BACELAR. Voir BACELAR.
auraient-ils pu, entre neuf heures du soir et le lendemain
a la nuit tombante, aller et revenir de Jerusalem a Anti- 2. ANTOINE BARBERINI. Voir BARBERINI.
patris, si on place cette ville a Kefr-Saba? Par la route
la plus courte qui passait par Djifneh (I'ancienne Gofna), 3. ANTOINE BRUICH. Voir BRUICH.
Aboud et Medjdel-Yaba, il y a douze heures de marche
trea penible, surtout a la sortie de Jerusalem, ou Ton doit 4. ANTOINE D'ASSISE, frere mineur, mort en 1466,,
traverser un massif montagneux. Medjdel-Yaba, etant plus avait ecrit pour son utilite personnelle Bibliorum Anace-
pres de Jerusalem, permettrait de repondre a cette obser- phalseosis. II mit ensuite cet ouvrage a la disposition du
vation, qui deja a ete presentee par quelques exegetes public en lui donnant le titre nouveau de Tabula Bibliae.
centre la veracite des Actes. Mais il ne seinble pas que C'etait un dictionnaire alphabetique de la Bible, commen-
cette marche soil exageree pour des soldats remains, habi- cant par le mot Absentia. Les bibliographes franciscains
tue's aux fatigues. 2 L'ltineraire de Bordeaux marque le notent d'apres Possevin et autres plus anciens, sans
entre Lydda et Antipatris un intervalle de dix milles, details plus etendus. P. APOLLIISAIRE.
tandis que Kefr-Saba est a dix-sept milles; a dix milles de
Lydda, on trouve Medjdel-Yaba. 3 Josephe dit que le 5. ANTOINE DE BITONTO.theologien italien, del'ordre
territoire de Kapharsaba est bien arrose; or aucune riviere des freres mineurs, ne dansle royaume de Naples; il pro-
ne coule aux environs de Kefr-Saba, tandis qu'a trois fessa la theologie dans differentes villes d'ltalie : a Fer-
kilometres de Medjdel-Yaba se trouvent des sources abon- rare vers 1440, puis a Bologne en 1448, enfin a Mantoue
dantes, qui forment un petit lleuve, arrosant le pays. en 1449. 11 mourut a Atella (royaume de Naples), le
4 Eusebe et saint Jerome placent a six milles au nord 25 septembre 1459. II a laisse plusieurs ouvrages : Quses-
d'Antipatris un village appele Galgoulis. C'est Djeldjou- tiones scholasticse theologicee in Epistolas et Evangelia
lieh, a six milles et demi de Medjdel-Yaba. Kalkilieh, totius anni, tarn de tempore quam de sanctis , qu'on
avec lequel on pourrait identifier Galgoulis, n'est qu'a un rencontre avec la glose (postilla) litterale et morale de
mille et demi de Kefr-Saba. 5 Alexandre Jannee, pour Nicolas de Lyre ; cet ouvrage mt imprime d'abord en 1500,
arreter la marche des Syriens sur la Judee, avait fait chez Nicolas AVolf, sans autre indication; puis a Lyon,
construire un retranchement, qui s'etendait des mon- en 1569, avec la Postilla de Nicolas de Lyre; Sermones
tagnes qui dominent Kapharsaba, a la mer de Joppe, sur in omnes Epistolas Quadragesimales , Lyon, 1496. On
une longueur de cent cinquante stades. Or, de Kefr-Saba possede en outre de lui plusieurs recueils de sermons et
a la mer, il n'y a que quatre-vingts stades. II est vrai que des ouvrages de theologie dont quelques- uns sont restes-
le fosse a pu rejoindre, au sud de Kefr-Saba, le cours manuscrits. Voir Fabricius, Bibl. lat. med. asv., edit, de
sinueux du Nahr el-Aoudjeh, et se diriger ensuite a 1'ouest 1734, t. I, p. 324, 671-672; Oudin, Script. Eccl, edit, de
vers la mer. On retrouverait ainsi les cent cinquante 1722, t. in, p. 2469-2470; Hain , Repert. Bibliogr., edit.
stades de Josephe. de 1826, t. I, p. 440-442; Wadding, Script, min., edit, de
La nouvelle carte de Palestine, au 1/168,960 publiee par 1650, p. 30. E. BABIN.
le Palestine Exploration Fund, 1890, ainsi que celle de
Hans Fisher au 1/700,000, 1890, Zeitschrift des deut- 6. ANTOINE DELPHINI. Voir DELPHINI.
schen Paldstina-Vereins, xin, 1, placent Antipatris a
Kulat Ras el-'Ain, localite a cinq ou six kilometres de 7. ANTOINE DE GUEVARA. Voir GUEVARA.
Medjdel-Yaba. Mais M. Guerin rejette cette identification.
Les sources qui jaillissent du sol y sont tellement abon- 8. ANTOINE DE LA MERE DE DIEU (Antonius a Matre
dantes, qu'elles forment un marais, ou Ton n'aurait pu Dei), cornmentateur espagnol, carme deehausse, mort
batir une ville. Quant a la colline de Kiilat Ras el-'Ain, en 1679. II fut professeur de theologie a Salamanque, et
elle est trop peu etendue pour servir d'assiette a une ville. occupa les premieres charges de son ordre. II nous reste
En definitive, des fouilles faites sur ces divers emplace- de lui : Prssludia isagogica ad Sacrorum Bibliorum
ments permettront seules de localiser Antipatris avec cer- intelligentiam, in quibus de essentia et existentia S. Scri-
titude. ptures, de libris protocanonicis et deuterocanonicis , deque
709 ANTOINE DE LA MERE DE DIEU ANTOINE DE RAMPEGOLO 710
eorum auctoribus secundariis, de linguis quibus scripti j plupart de ces livres; pour quelques-uns, 1'Interpretatio
et in quas translati et de cujusque translations auctore j ne contient qu'un ou deux versets commentes. Cette col-
et auctorilate agitur. Accessit tractatus appendix de lection a ete faite sans doute par quelque frere mineur,
nolitia et usu eruditionis profanse ubi stabilitur ex Scri- grand admirateur de notre saint. II en est autrement des
ptura et Patribus talem notitiam et usum licitum esse Concordances morales. Dans leur etat actuel, elles sont
ac decentem, in-f, Lyon, 1669; in-4", Mayence, 1670; bien 1'ceuvre de saint Antoine. Elles sont divisees en cinq
Apis Libani, sive commentarius in Proverbia Salomonis, livres : le premier concerne 1'homme deprave par le
3 in-f 0 , 1685-1700. Voir Bibliotheca Hispana nova, t. I, peche; le deuxieme, la conversion; le troisieme, le combat
p. 144; Bibliotheca Carmel., t. I, p. 182. spirituel; le quatrieme, 1'homme perfcctionne par les ver-
B. HEURTEBISE. tus; le cinquieme, les differentes conditions. Dans chacun
9. ANTOINE DE LEBRIJA (en latin Antonius Nebris- de ces livres, les textes de 1'Ecriture qui ont trait aux
sensis), ainsi appele de Lebrija, lieu de sa naissance, en matieres indiquees sont ranges sous de nombreuses subdi-
Andalousie, theologien et orientaliste espagnol, ne en 1444, visions. Ces divisions et subdivisions forment comme le
mort en 1522. Get homme eminent, egalement verse dans canevas d'une Somme morale ou theologie ascetique avec
la theologie, le droit, la medecine, le latin, le grec et des textes d'Ecriture Sainte tout prepares pour chaque
1'hebreu, fut le restaurateur des sciences et des lettres article. Le P. A. Azzoguido a publie a part : S. Antonii
en Espagne. Apres avoir etudie a Salamanque d'abord, Vlyssiponensis cognomento Patavini Sermones in Psal-
puis a Bologne, en Italie, il ouvrit dans sa patrie, en 1473, mos, 2 in-4, Bologne, 1757. Cf. ActaSanctorum, 13 juin;
la premiere ecole d'humanites et de rhetorique. Le car- Puyol, La doctrine de VImitation, in-8, Paris, 1881, p. 380;
dinal Ximenes le nomma professeur d'eloquence latine Dirks, Life of St Anthony of Padua, in-8, New-York,
a Tuniversite d'Alcala de Henares, et le fit travailler a 1866; P. Hilaire, Saint Antoine de Padoue, sa legends
1'edition de la Polyglotte de Complute. II ecrivit la vie de primitive, in-8, Montreuil-sur-Mer, 1890.
Ferdinand le Catholique. Parmi ses nombreux ouvrages, E. LEVESQUE.
le plus remarquable au point de vue exegetique est son 11. ANTOINE DE RAMPEGOLO, religieux augustin
Quinquagena locorum Sacrse Scripturie non vulgariter de la province d'ltalie, naquit a Genes. La seconde partie
enarratorum, in-4, Paris, 1520; in-8, Bale, 1543; in-8, de son nom est ecrite de mameres fort diverses par les
Anvers, 1600, et dans les Critici sacri, Londres, 1660, auteurs qui parlent de lui. Dans ses oeuvres, il est appele
t. xni, p. 1165; ouvrage digne de mention, parce que 1'au- Anthonius de Rampengolis. II fit son noviciat en Lorn-
teur prend pour base de ses explications le texte original. bardie et devint profes du couvent de Genes. En 1390,
Voir AV. H. Frescott, Ferdinand and Isabella of Spain, il etait dans tout 1'eclat de son talent et de sa reputation.
8e edit., t. i, p. 456. Superieur par Fintelligence, savant exegete, habile juriste,
il enseigna avec eclat a Padoue, a Bologne et a Naples. Eri
10. ANTOINE OE PADOUE (Saint), ne a Lisbonne outre, predicateur eloquent et renomme, il edifia 1'Eglise
en 1195, mort en 1231. Issu d'une illustre famille qu'on par sa parole soutenue de ses exemples. II represents
dit etre celle du chef de la premiere croisade, il se nommait la republique de Genes au concile de Constance, et s'y
Fernandez de Bouillon avant d'entrer dans 1'ordre de Saint- fit remarquer par ses controverses avec les Hussites.
Francois. II etait chanoine regulier de Saint-Augustin au On ignore 1'epoque de sa mort; mais, au temoignage
monastere de Sainte-Croix, a Coimbre, lorsque 1'attrait de d'Ossinger, Bibliotheca Angustiniana, Ingolstadt, 1768,
la grace et le desir du martyrc le deciderent, a 1'age de p. 732, il aurait assiste au concile de Bale en 1433. Voici
vingt-cinq ans (1220), a embrasser le genre de vie des la liste des oeuvres exegetiques d'Antoine de Rampegolo :
freres mineurs. II prit le nom d'Antoine, et s'embarqua Figure Biblie (sic) clarissimi viri fratris Anthonii de
pour le Maroc; mais la divine Providence le conduisit en Rampengolis ordinis S. Augustini, in-8, Paris, 1497.
Italie (1221). Ce fut le premier mineur auquel saint Fran- Caractere gothique. Bibliotheque Nationale. Reserve I)
cois confia le soiu d'enseigner a ses freres les sciences 49532. Biblia aurea, in-8, Paris, 1510. Caractere
sacrees. Pour etudier a fond la theologie mystique, il alia gothique. Bibliotheque Nationale. Reserve D 9478.
a Verceil, oil il trouva Thomas Gallo, un des plus cele- Ossinger, loc. cit., cite un troisieme ouvrage : Aureum
bres maitres de cette ecole. Ce grand mystique, comme Bibliorum repertoriurn, continens locos communes de
aussi 1'auteur de 1'Imitation, 1. Ill, ch. XLIII, font de la titulis theologicis, Nuremberg, 1481. Ossinger ajoute que
science de notre saint le plus bel eloge : Quidam amando la bibliotheque du couvent de Munich, oil il ecrivait lui-
me intime, didicit divina et loquebatur mirabilia. Apres meme, possedait un exemplaire de cette edition, dont le
avoir professe la theologie a Bologne, a Toulouse, a Mont- manuscrit se trouvait a la Bibliotheque Ambrosienne.
pellier, a Limoges, saint Antoine se livra exclusivement Possevin, Apparatus sacer, Cologne, 1608, t. i, p. 104.
a la predication. Les succes de son eloquence apostolique, juge tres severement les Figurse Bibliorum. Dans ce livre
appuyee par ses vertus et ses miracles, furent vraiment dit-il, 1'auteur developpe le sens tropologique des faits
prodigieux en France et en Italie. II mourut a Padoue, le racontes dans la Bible et montre leur relation avec une des
13 juin 1231, a 1'age de trente-six ans. Sa science de vertus morales. Au point de vue de 1'orthodoxie, on a de
1'Ecriture le fit appeler par Gregoire IX : Area Testa- graves reproches a lui faire; aussi le pape Clement VIII
menti et divinarum armarium Scripturarum. II faut le rnit-il a I'index les Figures Bibliorum. Cette defense ne
dire cependant, le sens littoral est trop souvent sacrifie par fut levee qu'en 1628, lorsqu'on eut fait disparuitre, dans
lui a des applications mystiques parfois un peu subtiles; les editions nouvelles, les erreurs signalees dans les
c'etait, il est vrai, le gout du siecle. Ses ceuvres seriptu- anciennes. Dans ce livre, dit encore Possevin, 1'auteui
raires sont : \ Interpretalio mystica in Sacram Scriptu- rapporte les faits autrement qu'ils se sont passes suivant
ram, imprimee dans ses CEuvres completes; 2" Concor- le recit biblique; dans ses citations de la Sainte Eeriture,
dantise morales SS. Bibliorum cum annotalionibus, tantot il altere le texte sacre, tantot il le reproduit d'une
imprimees pour la premiere fois, in-4, a Rome, 1623, maniere imparfaite et sans indiquer les endroits de la
et aussi dans les CEuvres completes publiees a Paris, par Bible d'oii il tire les passages allegues. II manque de
les soins de Jean de la Have : Opera omnia S. Antonii critique, citant comme canoniques des pieces ou des
Paduani, in-f, Paris, 16il. LInter-pretatio mystica in fragments de pieces apocryphes. Ses citations des Peres
Sacram Scripturam n'est pas a proprement parler une ont besoin d'un controle soigneux. Enfm, des solecismes,
ceuvre originale de saint Antoine. C'est un recueil d'ex- des barbarismes vicnnent encore de'parer cette osuvre.
traits de ses ecrits. Tous les passages de la Bible expli- Neanmoins, ajoute en terminant le savant critique, Tuti-
ques dans ses sermons out ete recueillis et reunis sous les lite de ce livre serait immense, apres correction. Mais il
titres des difterents Livres Saints. Us se rapportent a la parait plus aise de le refaire que de le corriger. Le
711 A N T O I N E DE RAMPEGOLO A N T O N I A 712
second ouvrage d'Antoine de Rampegolo, Biblia aurea, melicum, quod Canticum canticorum did-
traite le meme sujet que le premier, mais la disposition tur, ad metrum priscum et modos musicos revocatum,
des matieres est plus methodique : il subdivise en divers in-8, Wittenberg et Leipzig, 1800; Carmen alphabeticum
chefs de doctrine 1'enseignement relatif a chaque vertu, integrum operationis in hymnis decantandis vel apud
et range ainsi dans un certain ordre, sous chacun de ces Hebr&os usitatx, in-8, Wittenberg, 1805. II s'etait occupe
points secondaires, les fails correlatifs de la Bible. L'Au- specialement de la poesie hebralque dans Dissertatio de
reum Bibliorum repertorium, sous un titre different, metro Hebraeorum antiquo, in-4, Leipzig, 1770; Vin-
semble etre le meme que la Biblia aurea. Voir Fabricius, diciss Dissertationis de metro Hebraeorum antiquo a du-
BibUotheca latino,, Florence, 1858, t. i, p. 123; Hain, bitationibus virorum doctorum, in-8, Leipzig, 1771-1772.
Repertorium bibliographicum, Paris, 1838, t. n, part. ne, On a aussi de lui: Nova loci I Sam., vi, i9, interpre-
p. 189; Brunei, Manuel du libraire, Paris, 1860, t. i, tandi ratio, 1780; Dissertatio de verisimillima librum
p. 2i6. 0. KEY. Jonse interpretandi ratione, in-4, Leipzig, 1794. Voir
sa biographic publiee par son tils Karl Gottlieb Anton,
12. ANTOINE OE SAINT-MICHEL, theologien francais, dans son Programm zum Andenken an K. G. Anton,
ne a Aries, en Provence, mort le 13 juillet 1650, entra in-4, Gorlitz, 1816; Rosenmiiller, Handbuch fur die
dans 1'ordre des Recollets, dans la province de Saint- Litteralur, biblische Kritik und Exegese, t. IV, p. 146.
178. La citadelle Antonia, & Jerusalem, fitat actuel. D'aprfes une photographic.
Denis, ou il se fit remarquer par son zele et sa piete. II ANTONIA ('AvTwvia), forteresse de Jerusalem occupee
par la garnison romaine au temps de Notre-Seigneur
avait un talent particulier pour expliquer les allegories de
1'Ecriture Sainte. II ecrivit plusieurs ouvrages mystiqueset des Apotres. Elle n'est pas designee par ce nom propre
et une Catechesis theologica in Apocalypsim Joannis, dans le Nouveau Testament, mais elle y est indiquee par
mysticis et tropologicis exculta conceptibus, in-8, Parisle mot rtapefjigo)^ (Vulgate : castra], lieu oil habitent les
et Tours, 1625. E. BABIN. soldats, ou, comme nous dirions aujourd'hui, caserne.
Saint Paul y fut enferme, lorsqu'il fut arrete dans le
13. ANTOINE MARIE DE RIETA. Voir SCHYRLE. temple, avant d'etre conduit a Cesaree. Act., xxi, 34,
37; xxii, 24; xxiii, 10, 16, 32. Cette forteresse datait
14. ANTOINE MEDICIS. Voir MEDICIS. de Tepoque des Machabees. Elle avait ete construite par
Jean Hyrcan, fils de Simon, et avait servi de palais aux
15. ANTOINE SOBRINO. Voir SOBRINO. princes asmoneens. Elle etait connue d'abord sous le nom
de Baris, forteresse. Josephe, Ant. jud., XV, xi, 4;
ANTON Konrad Gottlob, philologue allemand, ne a XVIII, iv, 3. Herode le Grand 1'agrandit et Ternbellit,
Lauban, dans la haute Lusace, le 29 novembre 1745, et lui donna le nom d'Antonia, en 1'honneur de Marc-
mort a Wittenberg, le 4 juillet 1814. II devint, en 1780, Antoine, son protecteur et son ami. Josephe, Ant. jud.,
professeur de langues orientales a Wittenberg. Parrni ses XVIII, iv, 3; Bell, jud., I, xxi, 1; V, v, 8. L'historien
ouvrages, on remarque : Rationem prophetias Messianas juif 1'a decrite tout au long, Bell, jud., V, iv, 2; v, 8 Elle
interpretandi certissimam nostrseque aetati accommoda- etait batie sur un rocher de cinquante coudees de haut
tissimam exponit, Dessau, 1786; Abhandlung von der (environ vingt-sept metres), a Tangle nord-ouest du
alien hebraischen Tonkunst, dissertation publiee dans le temple, a 1'endroit ou est encore aujourd'hui la caserne
\eues Repertorium de Paulus, t. in, p. 36 et suiv., dans turque (fig. 178). Le mur d'Antonia s'elevait dc quaranle
iaquelle il considere les accents comme des notes rnusi- coudees (vingt et un metres) au-dessus de la cour du
cales. 11 developpa davantage cette idee dans Salomonis temple. Elle etait de forme carree et llanquee d'une tour
713 A N T O N I A AOD 714
a chacun de ses quatre angles. Trois de ses tours avaient seine Zeit und seine Pilgerfahrt nach den Morgenlande,
cinquante coudees de haut; la quatrieme, celle du sud-est, in-4, Leipzig, 1864; M. Delpit, Essai sur les anciens
avail soixante et dix coudees (trente-six metres), et domi- pelerinages a Jerusalem, in-8, Paris, 1870.
nait tout le temple avec ses parvis. A 1'interieur, 1'Antonia E. LEVESQUE.
etait un vrai palais, renfermant de nombreux et beaux ANTONIO DE ARANDA, theologien espagnol, dc
appartements, avec des galeries, des bains et de grandes 1'ordre des Freres mineurs (xvi e siecle). II etait originaire
salles qui servaient de logement a la garnison romaine de la petite ville d'Aranda de Duero, dans la Vieille-
etablie a Jerusalem. Elle renfermait tout ce qui etait neces- Castille. D'une tres grande piete, il devint le directeur
saire a la vie, de sorte qu'elle formait comme une petite spirituel de la reine de Hongrie et de 1'infante de Portu-
ville. Au nord, elle etait separee du mont Bezetha par un gal, filles de Charles-Quint. Vers 1530, il fit un sejour a
fosse profond. Elle donnait acces, au sud, dans les cours Jerusalem et quelques voyages dans les lieux les plus
du temple par des escaliers, Act., xxi, 35, qui communi- veneres de la Palestine. Nous trouvons le resultat de ces
quaient avec le portique du nord et de 1'ouest. Les soldats pieuses peregrinations dans son livre intitule : Verdadera
remains pouvaient ainsi penetrer dans le temple, quand descripcion de la Tierra Santa, como estava el ano de'
leurs chefs le jugeaient a propos, et c'est par la que le MDXXX, in-8, Alcala de Henares, 1531. Cette premiere
tribun romain accourut pour tirer saint Paul des mains edition, aujourd'hui fort rare, fut suivie de plusieurs
des Juifs qui s'etaient empares de sa personne dans le autres en 1537 (Tolede), en 1545 (ibid.), en 1563 (Alcala)
temple et voulaient le tuer. Act., xxi, 30-40. L'Apotre et en 1587 (ibid.), avec des titres quelque peu modifies. La
fut ramene par ce meme chemin dans la forteresse, qui Descripcion du P. Antonio d'Aranda est precieuse a con-
lui servit de prison, Act., xxn, 24; xxm, 10; et c'est des suiter pour connaitre 1'etat des Lieux Saints dans la pre-
marches de 1'escalier qu'il montait, Act., xxi, 40, qu'avec miere moitie du xvie siecle. Nous devons aussi au franciscain
la permission du tribun, il adressa un discours au peuple espagnol les deux ouvrages suivants, qui n'offrent pas le
rassemble dans la cour voisine du temple. Act., xxn, meme interet : Tratado sobre las siete palabras que se
1-21. Le Pretoire de Pilate, ou fut conduit Jesus au leen en el Evangelio haber dicho nuestra Senora ou
moment de sa passion, Matth., xxvn, 25, etait aussi dans Loores de laVirgen nuestra Senora, in-8, Alcala, 1557;
la forteresse Antonia. Voir PRETOIUE. Loores del dignissimo lugar del monte Calvario, en,
que se relata todo lo que nuestro Senor Jesu Christo
ANTONIDES Theodore, calviniste beige, mourut au hizoy dixo en el, in-4, Alcala, 1551. Voir Nic. Antonio,
commencement du xvin e siecle. II a laisse des commen- Bibliot. nova, t. i, p. 96; Wadding (continuation), Anna-
taires estimes, malgre quelques singularites, sur divers les ord. Minorum,t. xix, p. 28. M. FEROTIN.
livres de la Sainte Ecriture : Scliristmatige verklaringe
ouer den eersten sendbrief Petri, in-4, Leuwarden, 1693; ANUS. Saint Jerome traduit par ce mot dans la Vul-
Scliristmatige verklaringe ouer den tweenden sendbrief gate, I Beg., vi, 5,11,17, les deux termes hebreux 'ofdlim
van Petrus en de ludas, in-4, Leuwarden, 1697; Schrist- et tehorim. Voir 'OFALIM.
matige verklaringe ouer den algemeenen sendbrief van
denApostelIacobus,\\\-&, Leuwarden, 1699; Bedenkingen AOD, hebreu : 'Ehud, union; Septante : 'Au>8.
voorgestelt ter nader verklaring van't boek lobs, in-4,
Leuwarden, 1700. Get ouvrage fut combattu par Schmi- \. AOD, fils de Balan, descendant de Benjamin. I Par.,
dius, dans une dissertation De mystico historise lobese vu, 10. II ne faut pas le confondre avec le juge d'Israel
sensu, in-4, Leipzig, 1703. Pour Antonides, Job est la Aod, qui etait de la tamille de Gera.
figure de 1'Eglise. B. HEURTEBISE.
2. AOD, fils de Gera, de la tribu de Benjamin, le
ANTONIN de Plaisance, auteur d'un Itineraire des second des juges d'Israel. Jud., in, 15-30. Le titre de
Lieux Saints. Tout ce qu'on sail de ce pelerin, c'est qu'il juge, sofet, qu'on lui donne generalement, ne lui est pas
etait de Plaisance, en Italic, et vivait dans la seconde moitie cependant expressement attribue par I'Ecriture; elle dit
du vie siecle. Quant a la qualiiication de martyr, qu'on lui seulement que le Seigneur suscita aux Israelites un sau-
donne dans les manuscrits, elle parait devoir etre attri- veur, mosi a, du nom d'Aod. Jud., in, 15. Mais par cela
bute a 1'erreur d'un copiste qui a confondu notre pelerin meme il eut une mission a remplir de la part de Dieu,
avec un saint Antonin, martyr, honore a Plaisance. Son comme les autres liberateurs; et, de fait, il jugea ,
voyage en Syrie, en Palestine, au mont Sinai et en Meso- c'est-a-dire sauva ou affranchit Israel au meme sens
potamie, doit se placer vers 570 : c'est le dernier pelerin qu'eux. Apres la mort du premier de tous, Othoniel,
qui ait vu la Terre Sainte soumise encore a la domination qui avait maintenu 1'independance de son pays pendant
des empereurs Chretiens. L'antiquite de cette relation lui quarante ans, les Israelites retomberent dans I'idolatrie.
donne un grand interet; elle contient des indications, trop Le fleau dont Dieu se servit pour les chatier une seconde
rares, il est vrai, mais tres precieuses pour la geographic fois fut Eglon, roi de Moab, qu'il fortifia centre eux ,
de la Palestine. Get itineraire a ete imprirne pour la pre- et auquel il associa les enfants d'Ammon et ceux
miere fois a Angers en 1640, d'apres un manuscrit de d'Amalec . Jud., in, 13.
1'abbaye de Saint-Serge: Itinerarium B.Antonini mar- Les Moabites traverserent le territoire de Ruben, dont
tyris, in-4, Angers, 1640. En 1680, les Bollandistes en les Amorrheens les avaient autrefois chasses en les re-
donnerent une autre edition d'apres un manuscrit de foulant au sud de 1'Arnon. Num., xxi, 26. Puis, ayant passe
Tournay: Acta sanctorum (maii), t. n, p. x-xvm. Cette le Jourdain, ils battirent les Israelites etablis a 1'occident
edition a ete reproduite en 1747 par Ugolini, Thesaurus du fleuve, et s'emparerent de la ville des Palmes ,
antiquitatum sacrarum, t. vu, p. 1207-1224, et en 1849 nom qui designe Jericho, selon le sentiment commun.
par Migne, Pat. lat., t. LXXVJI, col. 898. Ces editions Cette ville avait du se relever, au moins en partie, de ses
imparfaites ont ete surpassees par 1'edition critique du ruines, .malgre 1'anatheme porte par Josue centre ceux
docteur Titus Tobler, De locis sanctis quse perambulavit qui la rebatiraient, Jos., vi, 26, la defense ne se rap-
Antoninus martyr, in-12, Saint-Gall, 1863; publiee de portant probablement qu'a la reconstruction des remparts.
nouveau dans les Itinera et descriptiones Terrse Sanctse Cf. Jos., xvin, 21. Eglon y etablit le siege de son gouver-
de la Societe de 1'Orient latin, in-8, Geneve, 1877, t. i, nement. Cette fois, le chatiment ne consista done pas
p. 91-138. En 1880, Tobler et Molinier ont donne une seulement dans le malheur de la defaite et le payement
relation abregee du meme pelerinage dans les Itinera d'un tribut annuel, qu'on devrait porter au vainqueur
Hierosolymitana de la societe de 1'Orient latin, Itinera rentre dans ses Etats; le tribut fut exige, mais le vainqueur
lalina, I, p. 360-382. Cf. F. Tuch, Antoninus martyr, resta. Eglon avait voulu faire la conquete du territoire sur
715 AOD 716
lequel il avail battu les Israelites, a savoir, la partie de la Barac, qui ne fut que 1'auxiliaire de Debora. Quelle que
tribu de Benjamin qui avoisinait le Jourdain. Un mot de soit d'ailleurs la moralite intrinseque de cet acte, on ne
1'Ecriture, Jud., in, 19, ferait croire qu'il entendait aussi peut le juger equitablement qu'en se conformant a cette
travailler a la conquete religieuse du pays et y faire regner regie elementaire de critique historique, trop souvent me-
ses faux dieux en attirant a leur culte les habitants. connue quand il s'agit de 1'histoire sainte : pour apprecier
Au bout de dix-huit ans de ce regime d'oppression, les un fait quelconque, on doit tenir compte des mceurs et
Israelites se tournerent vers Dieu et le supplierent de les des idees regnantes au temps ou vivait celui qui 1'a ac-
delivrer : il leur suscita un sauveur, Aod, qui devait faire compli. Or les Orientaux ont de tout temps donne la
perir Eglon de sa propre main et mettre ainsi un terme preference a la ruse sur la force, meme quand ils pou-
a 1'asservissement de son peuple. L'ecrivain sacre fait re- vaient recourir a celle-ci avec espoir de succes; a plus
marquer qu'Aod etait ambidextre, c'est-a-dire egalement forte raison doivent-ils employer la ruse, quand elle est
habile a se servir de la main droite et de la main gauche, le seul moyen de reussir : c'etait le cas d'Aod. II ne faut
ce qui devait lui permettre d'executer plus surement et pas d'ailleurs oublier que les Israelites consideraient les
'avec plus de facilite le projet qu'il avait forme de tuer le Moabites comme des ennemis campes sur la portion de
roi de Moab. Get a vantage, si apprecie avant 1'invention des la Terre Promise qu'ils avaient usurpee par la violence;
armes a feu, etait commun dans la tribu de Benjamin : nous leur domination oppressive n'etait done, aux yeux d'Aod
voyons au chapitre xxi, 16, de ce meme livre des Juges, et de ses compatriotes, que la continuation de la guerre
sept cents homines de Gabaa ambidextres comme Aod. sous une autre forme. On concoit des lors que, pour lui,
179. Tributaires apportant le tribut & Sargon, roi d'Assyrie. D'apres Botta, Monument de Ninlve, Architecture, pi. 29.
La dix-huitieme annee de la servitude, il fut charge la mort d'Eglon fiit seulement un episode de cette lutte
par ses compatriotes d'apporter le tribut au roi de Moab, et le prelude de la bataille sanglante qui devait la termi-
avec un certain nombre d'autres Israelites; car, selon les ner. II serait facile de montrer par de nombreux faits
usages de 1'Orient, il y avait un porteur pour chacun des analogues, celui de Mutius Scsevola par exemple, combien
presents offerts. Sur les bas-reliefs des palais assyriens, on les peuples de 1'antiquite admiraient, loin de les blamer,
voit de longues files de personnages venant, a la suite les ces traits de bravoure, dans lesquels ils ne voyaient que
uns des autres, deposer leur offrande aux pieds du puis- 1'audace intrepide au service d'un ardent patriotisme.
sant souverain de Ninive (fig. 179). Les choses durent se Aod, sans prendre le temps de retirer son arme, ferma
passer a peu pres de la meme maniere a la cour d'Eglon. a clef rapidement les portes de 1'appartement, et s'enfuit
Apres la ceremonie, Aod aurait, selon 1'hebreu, laisse partir par la sortie de derriere . Jud., in, 24. Ces dernicrs
ses compagnons et serait reste dans la ville ou meme mots, rapproches de ce qui est dit au f . 20, que le
dans le palais; mais, d'apres la Vulgate, il sortit avec roi etait assis seul dans sa chambre d'ete , nous font
eux de Jericho, et ils allerent ensemble jusqu'a Galgala. comprendre la facilite avec laquelle Aod put reussir dans
La il les quitta, et revint seul a Jericho pour mettre a exe- une entreprise si hardie et s'eehapper sans etre vu de
cution le plan qu'il meditait depuis longtemps. II avait eu personne, parce qu'ils nous mettent en quelque sorte sous
soin de placer sous ses habits, a son cote droit, ou personne les yeux le plan du palais d'Eglon. Les habitations offraient
ne pouvait soupconner la presence d'une arme, une dague souvent, en Orient, une disposition particuliere qu'on y
qu'il avait fait fabriquer expres: elle avait deux tranchants, retrouve encore frequemment de nos jours. Elles se com-
et la garde etait longue d'un gomed. Voir GOMED. posaient de deux maisons : la principale, dar ou bayit,
C'est avec cette arme cachee qu'il se presenta devant et, attenante a celle-la, une autre plus petite, mais ordi-
Eglon. II avait, disait-il, une communication a lui faire. nairement plus elevee d'un etage et qu'on appelle, aujour-
Le roi fit sortir tout le monde pour 1'entendre; Aod lui d'hui comme au temps des Juges, Aaliyah. On y donne
dit alors : J'ai a vous transmettre une parole de Dieu. 1'hospitalite aux etrangers; le maitre y trouve, en tout
A ces mots le roi se leva de son trone par respect; Aod temps, un lieu tranqu'ille pour s'occuper d'affaires ou s'y
profita de ce mouvement pour saisir sa dague de la main reposer et, en ete, un sejour plus frais que la grande
gauche et la lui enfonca dans le ventre avec tant de force, maison. Elle communique avec le baijit par une porte
que la poignee meme disparut dans la plaie et fut recou- interieure et avec le dehors par une autre portc donnant
verte par la graisse, car Eglon etait fort obese. sur un escalier exterieur, qui conduit a 1'entree principale
Cette action d'Aod, si blamable qu'ellc puisse paraitre, ou bien meme directement a la rue. C'est par cct escalier
ne saurait fourair un motif d'attaquer 1'Ecriture, qui se qu'Aod se sauva, apres avoir ferme par dedans la porte
borne a rapporter le fait sans le louer ni le blamer. En de communication et par dehors la portc exterieure du
nous disant qu'Aod avait ete suseite par le Seigneur pour 'aliydh, dans lequel gisait Eglon.
delivrer les enfants d'Israel, elle indique bien qu'il avait Comme il 1'avait prevu, les serviteurs du roi, pensant
recu de Dieu sa mission ; mais lui seul est responsable que leur maitre avait lui-meme ferme la porte, atten-
du moyen qu il a choisi pour 1'inaugurer. C'est meme une dirent longtemps sans chercher a penetrer chez lui; et
chose remarqtiable que la phrase : L'Esprit de Dieu fut lorsque, honteux enfm de cette longue attente, ils ou-
en lui, le remplit, etc., ne se lit pas au sujet d'Aod, vrirent, ils le trouverent etendu mort par terre. Aod etait
tandis que nous la trouvons appliquee a tous les autres deja loin; le trouble dans lequel cet evenement jeta les
juges, sauf Abimelech, que Dieu n'avait pas choisi, et gens d'Eglon servit a assurer encore micux sa fuite. II
717 AOD APAMEE 718
s'en retourna par le me"me chemin jusqu'au point d'ou elevee, en sorte que notre mot signifie palais, cita-
il etait revenu, aux environs de Galgala, et de la il se
dirigea vers Seirath. II fit aussitot retentir la trompette de delle . Le syriaque Lf,^! > ofaden, a la meme signifi-
la delivrance dans les montagnes d'Ephraim, et les en- cation chez les auteurs profanes et Chretiens, et dans
fants d'Israel, repondant a cet appel, vinrent se mettre certains passages de la version biblique; I Par. xv, 1;
sous ses ordres. Suivez-moi, leur dit-il, car le Seigneur Ecch., xxr, 5. Le Targum de Jonathan a rendu par
nous a livre entre les mains nos ennemis les Moabites.
Jud., in, 28. II s'avanca d'abord a la tete de son armee n>;n5N, 'apadneh, le mot safriro, un area!
vers le Jourdain, dont il fit oecuper les gues, afin d'oter c'est-a-dire, qui ne se rencontre qu'une seule fois dans
aux ennemis tout moyen d'eehapper, et marcha ensuite 1'Ecriture, Jer., XLIII, 10. Safriro, dans la phrase du pro-
contre eux. Pris ainsi a revers par les Israelites et deja phete , est certainement en parallelisme avec kis'6, son
demoralises par la mort de leur roi, les Moabites furent trone; mais a-t-il ce sens precis? M. Fabre d'Envieu
tailles en pieces, et ils perirent tous dans le combat, au le croit: Le saprir dont parle Jeremie, dit-il, etait, en
nombre d'environ dix mille. Quatre-vingts ans de paix effet, un trone royal, splendide, que les rois chaldeens
et de securite furent le resultat de l'humiliante defaite emmenaient avec eux, et sur lequel ils s'asseyaient pour
qu'Aod infligea en ce jour aux Moabites. Jud., in, 30. juger les rebelles et pour recevoir les hommages, les
E. PALIS. adorations de leurs sujets, et aussi la soumission des
APADNO (hebreu : 'Apadno) designe, d'apres la Vul- vaincus. Daniel, t. n, part, n, p. 1427. D'autres auteurs
gate, une ville ou Antiochus IV Epiphane devait fixer y voient simplement une annexe ou un ornement du siege
sa tente, entre les mers, sur la montagne celebre et royal, c'est-a-dire le tapis ou les draperies qui le recou-
sainte . Dan., xi, 45. Les versions ont differemment vraient. On explique le mot Safrir par 1'assyrien saparu,
compris ce mot. Les Septante 1'omettent; Aquila et Theo- supar-ruru, etendu, extentum vel expansum, ergo
dotion en font un nom propre : 'E9a8avw ou 'A9aSavw; <7Tpwfxa, stramentum. J. Knabenbauer, Commenlarius
Symmaque traduit 'ohole 'apadno par rac axY)vas TOU in Jeremiam, Paris, 1889, p. 492.
iTtTioaTaaiov auTou, les tentes de sa cavalerie ou de On peut rapprocher du terme hebreu 'apadno le mot
son ecurie ; la Peschito, ne considerant que 1'etymo- apaddna ecrit en caracteres cuneiformes sur des monu-
logie paddan, plaine, pays plat, sans tenir compte ments de Persepolis, et qui semble reunir les deux sens
du suffixe possessif, met simplement: dans la plaine. dont nous venons de parler. II designe, en effet, selon
Les commentateurs sont egalemerit divises. Les uns, plusieurs savants, une salle du trone dans laquelle
voyant dans Apadno une ville, 1'identifient avec une loca- les rois de Perse donnaient leurs audiences solennelles.
lite nommee "AudtSva; par Procope, De sedificiis Justi- Cependant il reste encore des doutes sur cette expression.
niani, n, 4, peut-etre 1' 'AqpaSdcvw de Ptolemee, V, 18, situee, Nous voyons bien, dit M. Perrot, que ce mot se lit sur
en Mesopotamie, au confluent de 1'Euphrate et du Cha- des bases qui ont appartenu a une salle de ce genre; mais
boras. Porphyre, cite et en meme temps refute par saint la seule etymologic qui en ait ete presentee par un lin-
Jerome, Comment, in Danielem, t. xxv, col. 573, la place guiste competent, M. James Darmesteter, Etudes ira-
entre le Tigre et 1'Euphrate. Dom Calrnet, traduisant de niennes, i. n, p. 133, ne suggere pas d'autre idee que celle
meme 1'hebreu : 'Apadno ben yammim par Apadno de batiment eleve sur une hauteur , et c'est avec ce
ou Padan d'entre les deux mers , reconnait ici Padan meme sens de citadelle , de palais , qu'il a passe
d'entre les deux fleuves, ou Padan Aram ou Aram du perse dans les langues semitiques, en hebreu, en
Nahara'im, qui signifient incontestablement la Mesopo- syriaque et en arabe. Histoire de I'art dans I'antiquile,
tamie; les fleuves du Tigre et de 1'Euphrate sont assez Paris, 1890, t. V, p. 664. Nous ne pouvons discuter id
grands pour etre nommes des mers, surtout dans leurs 1'origine du mot apaddna; il nous suffit de retenir que
debordements . Commentaire sur Daniel, Paris, 1715, les differents sens qui viennent d'etre exposes conviennent
p. 735. On suppose encore qu' Apadno entre les deux parfaitement a 'apadno, dont 1'idee generale peut se re-
mers designerait la Paretacene, dans laquelle Quinte- sumer dans celle de pavilion royal .
Curce, v, 13, place la ville de Tabes, ou mourut Antio- A. LEGENDRE.
chus IV. D'autres la cherchent en Palestine, non loin de APAMEE, contree de la Syrie, que traversa Holo-
Jerusalem ou aupres d'Emmaus-Nicopolis. Cf. S. Jerome, pherne dans sa marche contre le peuple d'Israel. Judith,
In Dan., t. xxv, col. 574. Enfin, d'apres M. Fabre d'En- in, 14. Le texte latin seul la mentionne. C'est le terri-
vieu, Le livre du prophete Daniel, Paris, 1891, t. n, part. toire que Strabon, xvi, 10, edit. Didot, p. 640, designe par
n, p. 1426, Gratz a soutenu tout recemment que le mot , r\ 'Aua;j.ewv ^, et qui, outre la capitale de
'apadno designe la ville d'Apfadna en Elymaide.
Avec le texte hebreu, tel que nous le possedons actuel-
lement, il est impossible de faire un nom propre du mot qui
nous occupe. Pour traduire : II fixera sa tente a Apadno,
il faudrait un suffixe possessif a 'ohole, et la preposition
be devant Apadno; d'un aulre cote, 'ohole, etant a 1'etat
construit, indique que 'apadno est son complement. Aussi
la plupart des exegetes anciens et modernes en font un
nom commun. C'est, dit saint Jerome, In Dan., t. xxv,
col. 574, un mot compose qui sigm'fie Opovov a-jToO, son
trone; et le sens est: II fixera sa tente et son trone 180. Monnaie d'Apam^e de Syrie.
entre les mers. D'autres traduisent: II fixera les tentes me lauree de Zeus. - $. AHAMEQ[N] THE IEPAS
de son palais, expression employee par le prophete, KAI A2YAOY. Un elephant.
probablement en souvenir des grandes tentes, semblables
a des palais, en usage chez les rois orientaux. C'est done meme nom, comprenait des villes telles que Larisse (Qala'at
entre ces deux sens que tlotte 'apadno. Pour Gesenius, Seidjar), Megare et Apollonie. Voir en particulier la Geo-
Thesaurus linguae heb., p. 1092, PSN, appeden,riest graphie de Strabon, traduite du grec en francais, Paris,
autre chose que peden avec aleph prosthetlque, et se 1805-1819, t. v, p. 206-208, avec les notes de Letronne. La
ville principale s'appelait Apamee surl'Oronte (fig. 180),
rattache ainsi a la racine pddan, d'ou 1'arabe x.j^j, pour la distinguer de plusieurs cites de ce nom, entre autres
d'Apamee de Phrygie, dans le voisinage de laquelle une
f addon, construire en haut, et / . J x j j fadan, tour tradition fait arreter 1'arche de Noe. Le geographe grcc
719 APAMEE 720
decrit en ces termes Apamee de Syrie : C'est une ville petite cour rectangulaire. Des futs brises et d'une grande
tres forte de presque tous les cotes. En effet, elle consiste variete jonchent le sol. La forteresse ou acropole est situee
en une colline parfaitement bien fortifiee, qui, s'elevant sur une colline isolee, dans la ligne occidentale des mu-
au milieu d'une plaine basse, est entouree presque entie- railles; elle contient un petit hameau dans son enceinte
rement par FOronte et par un grand lac, dont les debor- (fig. 181). Cf. Ed. Sachau, Reise in Syrian und Meso-
dements forment de vastes marais et d'immenses prairies potamien, Leipzig, 1883, p. 71-82.
qivi nourrissent des bceufs et des chevaux : voila ce qui Primitivement appelee Pharnake, celte ville recut de
read la position d'Apamee si forte, et ce qui lui a valu Seleucus Nicator, qui la fortifia et Tagrandit, le nom
le nom de Chersonese (presqu'ile). d'Apamee, en Thonneur de sa femme Apame. Elle recut
Cette description convient bien a Qala'at el-Moudiq, aussi des premiers Macedoniens le nom de Pella, parce
localite regardee generalement comme 1'emplacement de qu'un grand nombre de ceux qui faisaient partie de 1'ex-
1'ancienne Apamee, et situee a quelque distance au nord- pedition s'y fixerent. Strabon, xvi, 10. Seleucus Nicator
ouest de Hamah. Elle occupe le bord occidental de la en fit une sorte d'entrepot de la vallee de I'Oronte, ou
grande plaine qui s'etead entre les pentes meridionales 1'on gardait ses elephants, ses chevaux et les tresors de
du massif moritagneux ou se trouve El-Barah, et les guerre. Tryphon Diodote, competiteur des Seleucides,
hauteurs que domine Qala'at Seuljar. La colline sur assiege par Antiochus dans Dor (aujourd'hui Tantoura,
laquelle elle est assise descend, a 1'ouest, vers la vallee sur la cote palestinienne, entre Cesaree et le Carmel),
de I'Oronte (Nahr el-Aci) ; au sud et a Test, elle est sepa- parvint a s'echapper par mer et a se rendre a Orthosia,
ree du plateau voisin par une tranchee naturelle qui a du port de la Phenicie, entre Tripoli et 1'embouchure de
servir de fosse a la ville; vers le nord, ce fosse est en 1'Eleuthere (Nahr el-Keblr). I Mach., xv, 37. Josephe,
grande partie comble. De la forteresse et de differents completant le recit sacre, nous apprend que de la il gagna
points environnants, la vue embrasse toutes les parties Apamee, sa patrie, ou il fut ensuite pris et mis a mort.
de 1'horizon; mais le plus beau panorama est du cote de Ant. jud., XIII, vn, 2. Pompee, quittant ses quartiers
1'ouest, ou, par-dessus le fleuve, Ton apercoit les flancs d'hiver, probablernent aupres d'Antioche, et se dirigeant
eleves et massifs des monts Ansariyeh. vers Damas, rasa la forteresse d'Apamee. Ant. jud., XIV,
Ce large plateau, eleve de cent metres au-dessus de in, 2. Les habitants de cette ville, comme ceux d'Antioche
I'Oronte, est recouvert de mines, qui rappellent 1'antique et de Sidon, montrerent a 1'egard des Juifs, pendant la
importance d'Apamee. On y voit les restes d'une enceinte guerre, des sentiments d'hurnanite que leur refuserent
presque entierement detruite, sauf la porte du nord, d'autres cites, ou ils furent jetes en prison et massacre's.
enfouie sous les decombres d'une tour. De cette porte Bell, ji'.d., II, xvai, 5. Apamee est YAspamia du Tal-
partait la rue principale, longue d'environ quinze cents mud. Cf. A. Neubauer, La geographic du Talmud, Paris,
metres, et bordee de chaque cote par une colonnade 1868, p. 3l>4. Au temps des croisades, elle portait le nora
corinthienne, qui, de distance en distance, formait une de Fdmieh ou Femie. A. LEGENDRE.
APELLE A P H A R S A C H E E N S 722
APELLE ('ATC&AYIC), Chretien de Rome, salue par Jes noms modernes se raftachent plus souvent aux anciens
saint Paul, Rom., xvi, 10. L'Apotre 1'appelle TOV Soxqiov par le son que par le sens.
EV Xpiorw, c'est-a-dire serviteur fidele du Christ . La colline de Tell el-Farah, dit M. V. Guerin, ouv.
Origene a suppose sans fondement, In Rom., xvi, cite, p. 72, domine d'une centaine de metres la vallee
10, t. xiv, col. 1281, qu'Apelle etait la meme personne au milieu de laquelle elle s'eleve, et elle est elle-meme
qu'Apollo. Act., xvm, 24. Le fameux trait satirique commandee par plusieur's montagnes voisines. Son som-
d'Horace : Credat Judseus Apella, non ego, Sat. I, met, divise en deux parties par une petite depression
v, 100, montre que ce nom juif etait bien connu a Rome. centrale, est convert de menus materiaux appartenant a
D'apres la tradition, Apelle etait un des soixante et douze des habitations completement rasees. Au bas du tell, vers
disciples, et devint eveque de Smyrne ou d'Heraclee. 1'ouest, pres du confluent de 1'Oued Soueinit et de 1'Oued
J. A. Fabricius, Salutaris Lux Evangelii, in-4, Ham- el-Farah, je remarque les debris de plusieurs construc-
bourg, 1731, p. 115. Les Grecs 1'honorent le 31 octobre. tions , entre autres d'un aqueduc, dont je suis les traces
Le martyrologe remain marque sa fete le 22 avril et le jusqu'a son origine, en remontant, 1'espace de quatre
10 septembre. cent soixante pas, a 1'ouest, les bords de 1'Oued el-Farah.
Le lit de ce torrent est rempli de roseaux gigantesques
APHyCREMA ('Acpatpejjia), une des trois toparchies, et de magnifiques touffes d'agnus castus. Bientot j'arrive
vo|ioy?, detachees de la Samarie et ajoutees a la Judee a une source tres abondante, qui tombe en cascade et dont
par les rois de Syrie. I Mach., xi, 34. La Vulgate 1'omet. les eaux etaient autrefois en partie derivees dans le canal
Josephe 1'appelle 'Acpepetpid, Ant.jud., XIII, iv, 9. C'est, de 1'aqueduc que je viens de mentionner. L'oued est, en
selon toute vraisemblance, la forme grecque de 1'hebreu cet endroit, resserre entre deux enormes masses de ro-
'Efrain(Qeri), ^Efron (Ketib), II Par., xm, 19, devenu chers, qui se dressent, presque verticalement, a une tres
plus tard, par un changement presque insensible, 'Ecppaqi, grande hauteur. Les parois sont percees, a differents
Ephrem, 1'endroit ou, peu de temps avant sa passion, etages, d'un certain nombre de grottes artificielles... Rien
Notre-Seigneur se retira, avec ses disciples. Joa., xi, 54. de plus austere et de plus saisissant que cette gorge sau-
D'apres Josephe, cette ville A'Ephraim etait dans le voi- vage, ou Ton n'entend que les cris des oiseaux de proie
sinage de Bethel et tomba, comme elle, au pouvoir de qui ont elu domicile dans ces cavernes, depuis longtemps
Vespasien. Bell, jud., IV, ix, 9. G'est bien celle qu'Eu- abandonnees, et dont la source solitaire est, vers le soir, le
sebe place a vingt milles au nord de Jerusalem ; il la rendez-vous des betes fauves qui hantent les montagnes
nomme egalement 'Ecppaijj. ou 'Ecppaeiji.. Onomasticon, voisines. A. LEGENDRE.
Gcettingue, 1870, p. 254, au mot 'Ecppwv, et S. Jerome,
Ephrsea, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxm, APHARSACHEENS (chaldeen : 'Afarsekdie'; Sep-
col. 894. Elle est identique a YOphera de Benjamin, tante : 'Aqsapaa^cuot; Vulgate : Apharsach&i et Arpha-
Jos., xvm, 23, que Robinson et plusieurs auteurs, apres sachsei], captifs transplantes par les Assyriens dans 1'an-
lui, reconnaissent dans le village actuel de Thayebeh, cien royaume d'Israel, mentionnes dans I Esdr., v, 6;
au nord-est de Beitin (Bethel). Biblical Researches in vi, 6, comme hostiles au retablissement des Juifs dans
Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 447; V. Guerin, Des- leur patrie et a la reconstruction du temple de Jerusalem,
cription de la Palestine, Judee, t. in, p. 47. Pour et signataires d'une lettre adressee dans ce but a Darius.
la description, voir EPHREM et OPHERA, et cf. APHRA, On les confond assez souvent avec les Apharsatacheens
col. 736. A. LEGENDRE. mentionnes I Esdr., iv, 9 : ces deux noms ne differant
que par 1'addition ou la suppression d'un n, thav, et d'un
APHARA (hebreu : Haffdrdh ou Happdrdh, avec patach ou a bref, il est possible que ces signes soient
1'article defini; Septante : <I>apa), ville de la tribu de tombes ou aient ete ajoutes par 1'inadvertance des copistes.
Benjamin, mentionnee une seule fois dans la Sainte Ecri- Glair, Esdras et Nehemie, sur I Esdr., v, 6, dans la
ture. Jos., xvm, 23. Elle appartient au premier groupe, Bible de Lethielleux, 1882, p. 30; Kitto, Biblical Cyclo-
qui, dans 1'enumeration de Josue, represente les parties paedia, t. i, p. 163; Eb. Schrader, dans Riehm, Handwor-
orientale et septentrionale de la tribu. Jos., xvm, 21-24. terbuch des biblischen Altertums, t. I, p. 69. En soi, la
On trouve dans VOnomasticon, Gcettingue, 1870, p. 222, suppression serait plus probable que 1'addition; cependant
une ville nommee 'Acppa, que saint Jerome, completant il faut noter que le mot Apharsatacheens ne se trouve
une lacune d'Eusebe, place a cinq milles a Test de Bethel, qu'une fois dans la Bible, tandis que 1'autre y est repete
et qu'il identifie avec le village d'Efrem ou Effrem. deux fois (et meme dans notre Vulgate, par une faute de
Liber de situ et nominibus loc. heb., t. xxm, col. 872. copiste evidente sous deux formes legerement differentes,
Ces indications conviennent mieux, croyons-nous, a Ophera Arphasacheens dans la lettre a Darius, et Apharsacheens
(hebreu : 'Ofrd/i), qui suit immediatement Aphara, et dans la reponse). Du reste, rien n'oblige a confondre les
que plusieurs auteurs sont portes a reconnaitre dans le deux noms : les circonstances sont differentes, la pre-
village actuel de Thayebeh, a 1'esl-nord-est de Beitin ou miere lettre, signee par les Apharsatacheens, Dineens,
Bethel. Cf. E. Robinson, Biblical Researches in Pales- etc., I Esdr., iv, 10, est adressee a Artaxerxes; celle des
tine, Londres, 1856, t. I, p. 447 ; V. Guerin, Description Apharsacheens Test a Darius.
de la Palestine, Judee, t. in, p. 47. H. Rawlinson, Journal of the Royal Asiatic Society,
Aphara se retrouve aujourd'hui dans Khirbet Tell el- t. xv, p. 239, ayant fait des Apharsatacheens une tribu
Fdrah, pres de 1'Ouadi Farah, qui, au sud-est de Bethel elamite, les Hafar-Sittaceniens, fait de meme des Aphar-
et de Moukhmas, se joint a 1'Ouadi Soueinit pour entrer sacheens les Hafar-Saces; il est suivi par Roediger dans
dans 1'Ouadi el-Kelt. Voir la carte de la tribu de BENJAMIN. le supplement a Gesenius, Thesaurus linguae hebrsese,
L'identite de nom et la position conforme aux donnees Addenda, p. 107. Mais, outre que c'est couper ces deux
de TEcriture peuvent faire regarder comme certaine cette noms bibliques d'une facon arbitraire, les inscriptions
identification, proposee d'abord par Robinson, ouv. cite, cuneiformes contemporaines ne nous presentent jamais'
t. I, p. 439, note 1; acceptee par van de Velde, Memoir les noms ainsi combines, et eux-memes se nomment tou-
to accompany the Map of the Holy Land, 1859, p. 338; jours Aibir dans leurs inscriptions de Mai-amir. Dolitzsch
admise par V. Guerin, ouv. cite, p. 72, et par les auteurs (dans Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions
anglais, G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and and the Old Testament, t. n, p. 64, note) voit avec plus
places in the Old and New Testament, Londres, 1889, de vraisemblance dans ces deux noms les localites medes
p. 141. On ne saurait y opposer la difference de racine et de Partahka et Partukka, sournises toutes deux a 1'Assyrie
de signification entre les deux mots hebreu et arabe sous le regne d'Asarhaddon, dont la situation doit cor-
(Fdrdh, hebreu : genisse; arabe : <<. souris, ) car respondre a la Paretacene des anciens. Voir APHARSATA-
723 APHARSACHEENS APHARSATACHEENS 724
CHEENS. Ccs deux localites voisiries eurent naturellement des Apharsatacheens les Aibir ou Hafar-Sittaceniens
le meme sort; transplantees en Samarie par Asenaphar ou ou de la Sittacene; rnais, outre que c'est pratiquer dans
Asarhaddon, elles se confondirent avec les neo-Samari- le texte une coupure arbitraire, il faut bien reconnaitre
tains et resterent en hostilite avec les Juifs. E. PANNIER. qu'aucune inscription ne permet la jonction de ces deux
noms propres. H. Rawlinson, Journal of the Royal
APHARSATACHEENS (chaldeen : 'Afarsatkdle'; Asiatic Society, t. xv, p. 239; Vigouroux, La Bible et les
Septante : 'Acpap^aOaxa^ot ', Vulgate : Apharsathachsei), decouvertes modernes, 5e edit., t. iv, p. 261; Rcediger
captifs transposes dans le royaume d'Israel lors de la dans Gesenius, Thesaurus linguse hebrsese, supplement,
seconde colonisation operee par Asenaphar, c'est-a-dire p. 107. Voir aussi sur les Habirdip : Fr. Lenorrnant, Les
Asarhaddon, ou, suivant quelques assyriologues, son fils origines de I'histoire, t. H, p. 487 et suiv.; Oppert, Le
et successeur Assurbanipal. (Voir ces noms.) Us tacherent peuple et la langue des Medes, p.. 15, 16 et 236; Sayce,
d'empecher la reconstruction du temple de Jerusalem. dans les Transactions of the Society of Biblical Archseo-
I Esdr., iv, 10. Quelques auteurs les confondent avec logy, t. in, part, n, p. 468 etsuiv.; Amiaud, Cyrus, roi de
les Apharsache'ens mentionnes par I Esdr., v, 6; vi, 6, Perse, p. 253-254, dans la Bibliotheque de I'Ecole des
comme sigriataires d'un rapport adresse a Darius au sujet Hautes Etudes,sect, philol., fascicule 73, Melanges Eenier.
de la meme entreprise; ces deux noms ne differant, en Fr. Delitzsch (Daniel, p. ix, et dans Schrader-White-
effet, que par 1'addition ou remission d'un t/iav et d'un house, The cuneiform Inscriptions and the Old Testa-
vatac/i ou a bref dans les points-voyelles, il est possible ment, t. n, p. 64, note) prefere avec raison y voir des
que ces signes soient tombes ou aient ele ajoutes par tribus medes soumises par Asarhaddon lui-meme : les
1'inadvertance des copistes. Dom Calmet, Commentaire (A)-pharsatacheens seraient les habitants de Partakka,
litteral, sur I Esdr., iv, 10, '1722, p. 32; Glair, Esdras et comme les (A)-pharsacheens et les (A)-pharseens seraient
Nehemie, dans la Bible de Lethielleux, sur I Esdr., iv, 10, ceux de Partukka et ceux du Parsua, autres localites
1882, p. 25; Keil et Delitzsch, JBiblischer Commentar, mediques. Du reste la Medie confmait a 1'Elam, et la
Th. v, Chronik, Esra, sur I Esdr., iv, 10, Leipzig, 1870, langue des inscriptions mediques ne differe que peu de
p. 437; Kitto, Biblical Cyclopaedia, au mot Apharsa- celle des inscriptions elamites. Quant a la transcription
chites, 1.1, p. 163; Eb. Schrader dans Riehm, Handwor- de ces noms en chaldeen, le p du syllabaire cuneiforme
terbuch des biblischen Alterlums, t. i, p. 69, etc. correspond au double emploi du phe hebreu ou chaldeen,
Les Apharsatacheens paraissent originaires de 1'Elam p et f ; 1'addition de Yaleph prosthetique ne peut pas
ou plutot de la Medie. Leur rapprochement des Susane- surprendre, car les Medes se nomment indistinctement
cheens et des Elamites dans le texte d'Esdras a fait pen- aussi dans les inscriptions assyriennes Madd ou Amada,
ser que c'est une tribu clamite (A. H. Sayce, dans les et les geographes anciens nous ont conserve cote a cote
Transactions of the Society of Biblical Archaeology, les deux formes Mapooi et "ApiapSoi, Strabon, xv, 3 et
t. m, part, n, The Language of the cuneiform Inscrip- vin, 8, edit. Didot, p. 619 et 440. Asarhaddon, dans ses
tions of Elam and Media, p. 468); de plus, dans la langue inscriptions, mentionne en effet ses conquetes dans les
elamitique, sur laquelle les inscriptions cuneiformes jettent districts de Partoukka, Partakka et autres circonvoisins.
deja quelque jour, la desinence ak ou (a) -ka se remarque The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. I, pi. 46,
dans les appellations geographiques et sert a la deriva- col. iv, 1. 8-38; Menant, Annales des rois d'Assyrie,
tion des adjectifs : susinak, susunka, Susien ou de Su- p. 244 ; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ir,
siane. A. H. Sayce, ibid., p. 478, 479 et passim; J. Oppert, p. 132; voir aussi Fr. Lenormant, ibid., t. 11, p. I, p. 489-
Les Inscriptions en langue susienne, p. 179, dans les 490; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichlsfor-
Memoires des congres des Orientalistes, Paris, 1873; et schung, p. 175, note. Cette derniere opinion ne differe
du meme, Susian texts, dans les Records of the Past, done pas beaucoup de 1'ancienne, qui faisait des Aphar-
lre serie, t. VH, p. 81. Les inscriptions d'Asarhaddon, satacheens les habitants de la Paretacene ou des Scylho-
que nous ne possedons pas completes d'ailleurs, ne rnen- Medes. Dom Calmet, Comment, litter, in IV Reg., xvn, 2i,
tionnent pas de guerre en Elam; mais Sennacherib, son 1722, p. 193.
predecesseur, fut en lutte avec les Elamites allies aux Asarhaddon nous renseigne aussi sur le sort qu'il reseiv
Babyloniens durant la plus grande partie de son regne; vait a ses prisonniers; il transplanta dans le mat Haiti,
il remporta sur eux de grands succes et leur fit de nom- qui embrassait la Phenicie, Chanaan, la Syrie, dont il
breux prisonniers. Menant, Annales des rois d'Assyrie, avail au prealable enleve les habitants revoltes, les
p. 215, 221-223; Eb. Schrader, KeiUnschriftlicheBiblio- hommes des montagnes conquis par son arc, et ceux de
thek, t. n, p. 102-105, 10(5-111; The cuneiform Inscrip- la mer du Levant, c'est-a-dire les riverains du golfe
tions of Western Asia, t. i, pi. 37, col. 19; pi. 41, col. v, Persique, et les montagnards des diverses chaines du
1. 5-85 et passim. Ces prisonniers de Sennacherib, aux- Zagros qui ferment a Test le bassin du Tigre. Or ces
quels vinrent s'adjoindre ceux que fit a son tour Asar- expressions conviennent aux Elamites et aux Medes; a ce
haddon dans les regions voisines (681-668), auraient forme point que Eb. Schrader, apres avoir revoque en doute
le contingent de cette deuxieme deportation en Israel. cette deuxieme colonisation de la Samarie par Asarhaddon,
Mais la difficulte est de trouver dans le pays d'Elam un dans les Theologische Studien und Kritiken, 1867, p. 497
nom geographique se rapprochant de celui des Apharsa- et suiv., Fadmet sans hesiter des la premiere edition de
tacheens ; en prenant la designation d'Elam au sens large, ses Keilinschriften und das Alte Testament, 1872, p. 244.
c'est-a-dire en y comprenant la Susiane et les provinces Voir aussi Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscrip-
que les textes assyriens y rattachent, parce qu'en effet a tions and the Old Testament, t. n , p. 62 et 63, note;
1'e'poque de leur redaction tous ces pays appartenaient au Menant, Annales des rois d'Assyrie, p. 2il; Eb. Schra-
meme souverain, on reconnait dans les inscriptions su- der, Keilinschriflliche Bibliothek, t. n, p. 126-127; The
siennes un district voisin de )a Medie et nomme Habirdi; cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i,pl. 45, col. I,
les inscriptions cuneiformes trouvees dans cette localite 1. 24-3i.
meme donnent la forme .-1 ibir, le pays des Amardes des La suite de I'histoire des Apharsatacheens nous est
anciens, le plateau de Mal-Arnir actuel; sous ces memes connue par la Bible; melanges aux deportes de la pre-
noms Hapirti', Hapirtip, les inscriptions mediques desi- miere colonisation et aux debris Israelites epargnes par le
gnent meme 1'Elam dans toute son etendue. II se peut vainqueur, ils partagerent leurs sentiments de jalousie
que les victoires des monarques assyriens sur les troupes contre les Juifs, et aussi leur religion oil le culte du vrai
elamites aient mis a leur disposition des prisonniers du Dieu s'alliait avec celui de leurs idoles nationales. Zo-
pays d'Aibir; mais il y a trop de difference entre ce nom robabel ayant repousse leur concours pour la recons-
et celui qu'on trouve dans I Esdras. H. Rawlinson fait truction du temple de Jerusalem, ils la firent interrompre
725 APHARSATACHEENS APHEC 726
par leurs intrigues, de sorte que 1'entreprise ne put s'ache- bon nous a conserve cote a cote les deux noms
ver que sous le regne de Darius. E. PANNIER. et "A(xapS<H, xv, 3 et vm, 8, edit. Didot, p. 619 et 440.
Fr. Lenormant, Les origines de I'histoire, t. n, part, i,
APHARSEENS (chaldeen : 'Afarsdie'; Septante : p. 487, note, prefere voir dans les Apharseens les Habirti
'AqsapffaTot; Vulgate : Apharssei), tribus transplantees ou Hapirtip des inscriptions mediques, elamites et su-
dans le royaume d'Israel, avec les Apharsatacheens, etc., siennes. Mais dans les textes mediques ce mot a une
lors de la seconde colonisation operee par Asenaphar, signification trop etendue, car il est transcrit en babylo-
c'est-a-dire Asarhaddon, ou meme, suivant quelques au- nien dans 1'inscription trilingue de Behistoun (perse,
teurs comme Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 329; mede, babylonien) par le terme Num-a ou 'Elam-a, ou
Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and meme phonetiquement 'E-lam-mat (The cuneiform In-
the Old Testament, t. n , p. 65, par son fils et successeur scriptions of Western Asia, t. in, pi. 39,1. 30 et 41), c'est-
Assurbanipal. Voir ASARHADDON, ASSURBANIPAL. Tous ces a-dire 1'EIam y compris la Susiane. J. Oppert, Le peuple
deportes tacherent d'empecher la reconstruction du temple et la langue des Modes, p. 120-121, et ibid., lexique,
de Jerusalem. I Esdr., iv, 9, 10. La plupart des com- p. 236. Or les Elamites et les Susiens sont precisement
mentateurs, trompes par la ressemblance des noms, ont nommes plus loin dans 1'enumeration de I Esdr., iv, 9;
iait des Apharseens une tribu perse : ainsi dom Calmet, on ne peut pas supposer qu'ils y prennent place deux fois
Comrn. litt. in IV Reg., XVH, 24; Smith, Dictionary of the sous des noms differents. Au sens restreint, il designe une
Bible, Apharsathchites, t. i, p. 78; Roediger, dans le portion de 1'Elam voisine de la Medie, habitee par les
supplement a Gesenius, Thesaurus linguae hebrasse, Ad- Mardes ou Amardes de Strabon, d'Arrien et d'Herodote,
denda, p. 107. II est certain que la patrie de ces tribus la region actuelle de Mai-amir. A la verite, il pouvait y
etait, non pas la Perse, situee au sud de la Medie et au avoir de ces Mardes d'Elam parmi les deportes en Samarie;
sud-est de 1'Elam, mais un district du nord de la Medie car Sennacherib, pere d'Asarhaddon, avait vaincu a plu-
correspondant a 1'Atropatene meridionale et a la Sagartie sieurs reprises les troupes elamites. Voir APHARSATA-
Medique, jusque vers les Champs Niseens, et nomme CHEENS. Mais la forme originale de ce nom, telle qu'elle
Parsua ou Parsuas dans les inscriptions cuneiformes. ressort precisement des inscriptions cuneiformes de Mai-
Fr. Lenormant, Les origines de I'histoire, t. n, p. i, amir, est Aipir ou Aibir, d'ou il parait difficile d'obtenir
p. 526; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichts- la forme chaldeenne d'Esdras 'Afarsdie. 3. Oppert, ibid.,
forschung, p. 173; Fr. Delitzsch, dans Schrader-White- p. 15, 16, 236; A. H. Sayce, The language of the cunei-
house, The cuneiform Inscriptions and the Old Testa- form Inscriptions of Elam and Media, p. 468, 472 et
ment, et note (ou Schrader se rangerait pcut-etre a 1'opi- passim, dans les Transactions of the Society of Biblical
nion de Delitzsch, s'il n'en etait empeche par 1'identi- Archseology, t. vm, part. n.
fication d'Asenaphar avec Assurbanipal; mais de graves Les captifs provenant des regions orientales, telles que
raisons empruntees aux textes soit bibliques, soit assy- 1'Elam et la Medie, furent ensuite deportes en Syrie,
riens, nous paraissent justement etablir qu'Asenaphar est y compris Chanaan et la Phenicie; voir col. 724. The
Asarhaddon, et non Assurbanipal). Les monarques assy- cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. I, pi. 45,
riens, loin d'avoir conquis la Perse, ne la mentionnent col. 1, 1. 21-34; Menant, Annales des rois dAssyrie,
meme pas dans leurs inscriptions. Au contraire, le pays p. 241; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. II,
de Parsoua fut souvent ravage et conquis par les prede- p. 124-127; Vigouroux, La Bible et les decouvertes
eesseurs d'Asarhaddon; Sennacherib, son pere, defitmeme modernes, 5e edit., t. iv, p. 258-261; Schrader-White-
a llaloule (vers 690) toute une armee de Baby Ion iens et house, The cuneiform Inscriptions and the Old Tes-
d'Elamites, auxquels etaient venues se joindre les troupes tament, t. n , p. 61-62. Dans d'autres inscriptions deja
du Parsoua. The cuneiform Inscriptions of Western citees, il mentionne tout specialement des tribus medes,
Asia, t. i, pi. 41, 1. 5-85; pi. 43, 1. 44; pi. 44, 1. 55; comme ayant etc par lui arrachees a leur pays. La suite de
Menant, Annales des rois d'Assijrie, p. 222 et 232; Eb. leur histoire est la meme que celle des Apharsatacheens,
Schrader, Keilinschriftliche Bibliolhek, t. n, p. 106-107. col. 724-725. E. PANNIER.
Dans le peu descriptions qui nous restent de lui, Asar-
haddon ne mentionne pas le Parsoua, mais le Patousarra APHEC, APHECA, hebreu : "Afeq, 'Afeqah, 'Afiq,
et d'autres districts voisins en Medie, dont il deporta les place forte; Septante: 'Aqplx, 'Aipsxa, 'Qyiv., $axoux,
habitants. The cuneiform Inscriptions of Western Asia, nom de plusieurs villes de Palestine, dont les unes sont
t. i, pi. 46, col. iv, 1. 8-37; Menant, Annales des rois rendues dans la Vulgate par Aphec, les autres par Apheca.
d'Assijrie, p. 2ii; Eb. Schrader, Keilinschriflliche Bi-
bliothek, t. n, p. 132-135. II est possible qu'une partie 1. APHEC (hebreu : 'Afeq; Septante : '0?lx T?; 'Apw-x), ,.
des regions environnantes ait eprouve le meme sort sans cite chananeenne, dont le roi fut vaincu par Josue. Jos.,
que les inscriptions en parlent explicitement; ou bien xii, 18. II est difficile d'en determiner exactement la situa-
le roi de Ninive aura joint aux convois de deportes pro- tion, parce que, dans renumeration de 1'auteur sacre,
venant de ses propres conquetes ceux qui provenaient des les villes qui la precedent, Taphua et Opher, aussi bien
campagnes de son pere, pour les faire conduire ensemble que celle qui la suit, Saron, se refusent elles-memes a toute
en Samarie. D'apres Fr. Lenormant, Les origines de identification certaine. Une premiere question se presente
I'hisloire, t. n, p. 527; A. Amiaud, Cyrus, roi de Perse, a nous : Appartenait-elle au midi ou au nord de Chanaan?
p. 255, dans les Melanges Renier, 73e fascicule de la La reponse est dans cette remarque de Keil, basee stir
Bibliotheque de I'Ecole des Hautes Etudes, sect, philol. le contexte, et tres juste, a notre avis : a partir du f . 10,
et histor.; H. H. Howorth dans The Academy, 5 mars 1892, Josue enumere les villes royales dont la conquete est
p. 231, les Parsua, epargnes par les rois assyriens, au- specialement racontee au chap, x, et il y joint, f . 13, 15,
raient commence a emigrer vers le sud et donne aux 16, celles dont il se rendit maitre pendant la guerre contre
regions par eux conquiscs leur appellation nationale, les Chananeens du sud , x, 28-43. Suivant le meme ordre
Parsu des textes achemenides, la Perse. dans la seconde partie de remuneration, il donne en
La transcription du nom assyrienen chaldeen ne souffre premiere ligne, f . 19-20, les villes capitales des rois allies
aucune difficulte, le p des caracteres syllabiques assyriens du nord, conformement au recit du chap, xi; puis il y
correspond au double emploi du phe hebreu (p et f ] ; rattache celles qui furent prises dans cette guerre, et qui
quant a 1'addition de I'alepli prosthetique, les inscrip- ne sont pas expressement nominees. Les deux parties de
tions cuneiformes elles-memes nous donnent pour la remuneration correspondent ainsi au double recit qui
Medie les formes Madd et Aniadd, Eb. Schrader, Keilin- vient d'etre fait dans les chapitres precedents. Nous
schriften und Geschichtsforschung, p. 173, note; Stra- sommes done en droit de conclure que les quatre villes
727 APHEC 728
des }". 17 et 18 sent de celles qui fnrent conquises dans lontiers Amma a Kefr Ammeih, dans le Liban, au Sud
I'expedition centre le roi de Jerusalem et ses allies, et d'Hammana, dans le Djourd, et Rohob a Hub, au nord-
par consequent doivent etre cherchees, non, comme le est de Djebail; mais, outre le caractere tres hypothetique
font plusieurs auteurs, dans le nord, mais bien dans le sud de cette assimilation, ce serait isoler completemenl ces
de Chanaan. Cf. Keil, Biblischer Commentar iiber das villes du reste de la tribu, et les Jeter sans raison en plein
Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 98-99. territoire phenicien.
Poursuivant notre calcul, nous pouvons preciser encore Nous croyons done que si, en droit, c'est-a-dire en vertu
davantage 1'emplacement approximatif d'Aphec, au moyen d'une promesse divine dont rentier accomplissement ne
de Taphua et de Saron, quelle que soit 1'obscurite qui hit que momentane, les frontieres de la Terre Sainte s'e-
les enveloppe elles-memes. Taphua (hebreu: Tappuah) tendirent jusqu'a 1'Afka du Liban, de fait elles n'attei-
doit etre identique a la ville de meme nom qui est men- gnirent pas cette limite. Voila pourquoi nous pensons
tionnee dans la tribu de Juda. Jos., xv, 34. Or cette der- qu'on peut identifier avec cette ville 1'Apheca de Jos., xm,
niere se trouvait dans la plaine , et fait partie d'un 4, mais nous hesitons a y reconnaitre 1'Aphec de la tribu
groupe ou plusieurs noms sont facilement identifies : d'Aser. A. LEGENDRE.
Estaol (Achou'a), Sarea (Sara'a), Zanoe (Zdnou'a),
Jerimoth (Yarmouk), etc. Elle appartenait done a la 3. APHEC (hebreu : 'Afeq; Septante : 'A?-/.), ville ou
region nord-ouest de la tribu, et M. V. Guerin, par une etaient campes les Philistins au moment du fatal combat
conjecture fondee sur 1'ensemble de ces rapprochements, pendant lequel 1'arche d'alliance fut prise et les fils d'Heli
propose de la reconnaitre dans le Khirbet Khreichoum. tues. I Reg., iv, 1. Nous sommes ici en presence d'un
Description de la Palestine, Judee, t. n, p. 28. Une probleme topographique des plus difficiles, parce qu'il
conjecture semblable nous permettrait peut-etre de placer renferme trop d'inconnues.
Aphec aux ruines de Belled el-Foka, que Conder, Hand' Aphec se trouvait aupres d'Eben-Ezer, la Pierre du
book to the Bible, Londres, 1887, p. 403, et les auteurs de' Secours, I Reg., iv, 1, c'est-a-dire pres de 1'endroit ou,
la carte anglaise, feuille 14, donnent comme le site pro- vingt ans plus tard, Samuel eleva une pierre commemo-
bable d'APIi EC 3. Nous nous gardens cependant d'appuyer rative, pour rappeler la victoire miraculeuse qu'il venait
cette hypothese sur le mot Foha; il pourrait sembler rap- de remporter sur les memes ennemis, les Philistins.
peler Aphec, mais c'est un simple adjectif qui, en arabe, I Reg., vir, 12. Ce monument fut place entre Maspha
signiiie superieur ou d'en haut , et qui determine plus et Sen . Sen (hebreu : Ha'ssen, la dent) semble indi-
d'un nom actuel dans la Palestine : par exemple, Beit'Our quer ou un rocher poirttu, ou une localite situee sur une
el-Foka, Bethoron superieur, par opposition a Beit'Our sorte de pic : sa position est incertaine. Maspha est une
et-Tahta, Bethoron inforieur. D'un autre cote, Saron, localite de la tribu de Benjamin. Robinson 1'identifie avec
Jos., xn, 18, pourrait etre le village de Sarona, dans la le village actuel de Neby-Samouil, au nord-ouest de Jeru-
plaine du meme nom, aupres de Jaffa, marquant, vers salem; Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856,
le nord-ouest, la limite des villes enumerees du f . 9 au t. i, p. 460; et M. Guerin avec Cha'fath, situe plus bas,
$. 18. Si Belled el-Foka parait trop eloigne de ce point, directement au nord de la ville sainte. Description de la
nous indiquerons le Khirbet Mertlj el-Fikieh, sur la Palestine, Judee, t. i, p. 395. L'un ou 1'autre de ces
route de Ramleh a Jerusalem, dont le nom et la position deux sites, d'ailleurs tres rapproches, represente 1'un
peuvent egalement convenir a la cite ehananeenne. des extremes; mais, 1'autre restant indetermine, il de-
D'apres ce que nous venons de dire, cette ville ne sau- vient difficile de fixer le point intermediaire, Eben-Ezer.
rait etre confondue avec 1'Apheca de Jos., xv, 53, qui, Les deux principales opinions sur ce sujet sont les sui-
mentionnee entre Beththaphua et Hebron, se trouvait vantes.
dans la montagne de Juda . Jos., xv, 48. Voir APHECA '2. Conder et Clermont-Ganneau placent Eben-Ezer a Deir
Etait-elle identique a 1'Aphec de I Reg., iv, 1? Voir Aban, trois milles (environ cinq kilometres) a Test d'Am
APHEC 3. A. LEGENDRE. Chems, 1'ancienne Bethsames, dans la region nord-ouest
de la tribu de Juda. Deir Aban, le couvent de la Pierre,))
2. APHEC (hebreu: 'Afcq, Jos., xix, 30; 'Afiq, Jud., rappellerait la premiere partie du nom ancien, et la situa-
I, 31; Septante : 'Acpex, Jos., xix, 30; omis, Jud., i, 31), tion serait en conlormite avec 1'ensemble des fails racontes
ville de la tribu d'Aser, Jos., xix, 30, dont les Chananeens I Reg., iv, v, vi, VH. Dans ce cas, Aphec serait probable-
ne furent pas chasses, Jud., i, 31. Citee entre Amma et ment Belled el-Foka, a environ six kilometres au sud-
Rohob, elle est jusqu'ici restee inconnue. Certains auteurs ouest de Deir Aban, et se confondrait ainsi avec la cite
1'assimilent a 1'Apheca de Jos., xin, 4, limite septentrio- chananeenne de Jos., xn, 18. Voir APHEC 1. Le combat
nale de la Terre Sainte, T'A^axa des Grecs, YAfka du aurait done eu lieu sur les confins du pays des Philis-
Liban. Keil, Biblischer Commentar ilber das Alte Testa- tins. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Sta~
ment, Josua, Leipzig, 1874, p. 158; Miihlau, dans Riehm, tement, 1876, p. 149; 1877, p. 154-156. Cette opinion pre-
Handivorterbuch des Biblischen Altertutns, Leipzig, sente plusieurs diflicultes que nous ne pouvons exposer
1884, t. i, p. 69; Gesenius, Thesaurus linguae heb., p. 140. ici; voir EBEN-EZER : une des plus grandes est la distance
Voir APHECA 1. Cette opinion nous semble sujette a plus qui separe Deir AMn de Silo. II n'y a pas moins de qua-
d'une difficulte. Examinons d'abord la place qu'occupe rante-huit kilometres entre les deux endroits, et cepen-
Aphec dans 1'enumeration des villes de la tribu d'Aser. dant le messager qui porta a Heli la nouvelle du desastre
Jos., xix, 24-30. L'auteur sacre, qui suit toujours un ordre arriva le jour meme , c'est-a-dire le soir de la bataille.
methodique, apres avoir successivement parcouru le centre, I Reg., iv, 12. Comme il ne partit pasavant la fin du combat,
le sud et 1'est, se dirige vers le nord par Cana et Sidon; 1.16,17, et qu'il etait a Silo avant la nuit, ^. 13, on peut
puis il redescend vers Tyr jusqu'a Achzib (Ez-Zib), pour regarder le chemin comme trop considerable, meme pour
finir par une ligne qui, partant de Rds en-Naqoura, un bon coureur.
s'etend vers la tribu de Nephthali avec Amma ('Alma La seconde opinion, soutenue par W. F. Birch et
ech-Chaoub, ou meme, si Ton veut, Khirbet 'Animeh; Thomas Chaplin, place le champ de bataille dans la tribu
voir AMMA 1) et Rohob (peut-etre Tell er-Rahib). Voir la de Benjamin. Pour eux, Maspha est Neby-SamouU, et
carte de la tribu d'ASER. C'esl done dans cette derniere Sen est Deir Yesin, cinq kilometres plus bas, vers le sud,
region que devrait se trouver notre ville. nom qui repond exactement au Beth-iasan des versions
Ensuite 1'idenlilication, tantot certaine, tantot probable, syriaque et arabe. Eben-Ezer est, pour le premier, Khirbet
des differents noms, ne nous transporte pas au dela du SamouU, a 1 600 metres ;iu sud de Neby-Samouil, et, pour
Leontes, Nahr el-Qasmiyeh ou fleuve de la separa- le second, Beit Iksa, u n peu plus bas : tous deux recon-
tion . Quelques auteurs, nous le savons, placeraient vo- naissent Aphec dans Kuttiil ou Kastlioul, localite situee
729 APHEC 730
au sud-ouest des precedentes et au nord-ouest de Deir que se passe le combat, la que les Israelites sont vaincus,
Yesin. L'hebreu pss, 'Afeq, signifie forteresse , et et que Saiil, apres avoir vu perir ses fils, blesse et pressc
parl'ennemi, se jette sur son glaive pour se dormer la
1'arabe Jo-mS , kiistul, semble deriver d'un ancien castel- mort. I Reg., xxxi, 1-6. Voir la carte de la tribu d'lssA-
lum construit par les Remains. Le village , compose de CHAR.
quelques maisons seulement, est sur une hauteur d'ou la D'apres cet expose, Aphec devait se trouver dans la
vue est tres etendue et d'ou Ton apercoit distinctement plaine d'Esdrelon, a 1'ouest de Sunam et au nord-ouest
la mer. Le long des llancs de la montagne , on remarque de Jezrael. Or le village qui, par sa position, repond le
encore les traces d'une voie antique, Gi. Palestine Explo- mieux a ces donnees topographiques, est celui d"Afouleh,
ration Fund, Quarterly Statement, 1881, p. 100-101; situe sur une eminence qui domine un peu la plaine.
1882, p. 262-264; 1888, p. 263-265. Certaines traditions du moyen age placaient la les ruines
Cette hypothese evidemment n'est pas exempte de toute de notre ville, et M. V. Guerin donne cette opinion comme
difficulte, mais M. Chaplin, ouv. cite, 1888, p. 2(33-265, vraisemblable. Description de la Palestine, Galilee, t. i,
montre bien comment les dilferents points de cette topo- p. 109-110. Tel est aussi le sentiment de Van de Velde.
graphie s'adaptent d'une facon naturelle au recit biblique. Memoir to accompany the Map of the Holy Land, 1859,
I Reg., iv et vii. De son expose nous ne retenons que ce p. 286. C'est entre ce village et celui de Fouleh, a peu
qui concerne Aphec. Pendant que les Hebreux occupaient de distance vers Test, que, le 16 avril 1799, etait campe
la colline de Beit Iksa, entouree de vallees protondes, les le gros de 1'arraee turque, a la bataille dite du mont
Philistinstrouvaientdans celle deKustul une position sure Thabor. Kleber, avec une poignee d'hommes disposes en
et parfaitement appropriee pour leur servir de point d'at- carres, osa 1'attaquer, et resistait depuis six heures a
taque. Au nord s'etend un large plateau qui, encore envi- toute la furie de nombreux adversaires, lorsque Bona-
ronne par les restes d'un rempart de grandes pierres, parte, debouchant dans la plaine, enveloppa 1'ennemi qui,
semble avoir ete utilise comme camp dans les temps bientot deconcerte , s'enfuit dans toutes les directions,
anciens. De la, ne pouvant se lancer directement sur les laissant sur le terrain d'innombrables cadavres d'hommes
Hebreux defendus par la vallee comme par un iosse na- et de chevaux.
turel, ils pouvaient marcher en toute seeurite vers le nord, Conder, Handbook to the Bible, p. 403, et G. Arm-
passer par le village actual de Beit Sourik, puis, une fois strong, W. Wilson, Names and places in the Old and
arrives a Biddou, taire un mouvement tournant vers la New Testament, p. 11, carte, 1890, feuille 10, placent
droite pour fondre sur Maspha, le centre du gouverne- Aphec a Foukou'a, localite qui, a une altitude de plus
ment a cette epoque, ou sur un ennemi retranche a Beit de 400 metres, occupe, vers le sud-est, Tun des points
Iksa. De ce dernier point, il etait facile a un coureur agile culminants du massif montagneux auquel elle a donne
d'aller, en quatre heures a peu pres, porter a Silo, apres son nom, le Djebel Foukou'a, ancien mont Gelboe. Cette
la defaite et la perte de 1'arche, la triste nouvelle qui identification nous semble en disaccord avec 1'ensemble
devait causer la mort du grand pretre. A. LEGENDRE. du recit biblique, tel que nous 1'avons expose. On se
demande d'abord pourquoi les Philistins seraient venus
4. APHEC (hebreu : 'Afeqdh; Septante : 'A.<?iY.), ville s'embarrasser dans la montagne, quand la plus vulgaire
ou etaient campes les Philistins avant le combat qui tactique leur conseillait de choisir la plaine; puis pour-
occasionna la defaite et la mort de Saul. I Reg., xxix, 1. quoi ce mouvement en arriere de Farmee Israelite, de
Quelques auteurs sont tentes de 1'assimiler a la precedente, Sunam a Foukou'a. Enfin, au lieu de monter d'Aphcc
I Reg., iv, 1; mais comme, au chap, xxvm, 4, le recit a Jezrael, comme le dit formellement le texte sacre, I Reg.,
sacre nous montre les ennemis d'Israel deja etablis a xxix, 11, ils auraient du descendre de Foukou'a a
Sunam, au pied sud-ouest du petit Hermon, il faut voir Zera'in. Plusieurs auteurs pretendent que 1'Aphec dont
alors dans le chap, xxix un episode intercale et racontant nous venous de parlor est identique a celle de 111 Reg.,
des evenements qui se seraient passes pendant la marche xx, 26, 30. Voir APHEC 5. A. LEGENURE.
des Philistins vers la plaine d'Esdrelon. Galmet, Com-
mentaire sur le premier livre des Bois , Paris, 1711, 5. APHEC (hebreu : 'Afeqdh; Septante : 'A<pexdt,
p. 331; Grove, dans Smith's Dictionary of the Bible, III Reg., xx, 26, 30; 'Afeq, 'Acptbc, IV Reg., xm, 17),
Londres, 1861, t. I, p. 78. ville ou Achab remporta sur Benhadad II, roi de Syrie,
Un plus grand nombre d'exegetes la distinguent d'A- une eclatante victoire, III Reg., xx, 26, 30; et ou plus
phec 3. Eusebe et saint Jerome la placent pres d'Endor tard Joas, fils de Joachaz, roi d'Israel, vainquit Benha-
de Jezrael, ou combattit Saul . Onomastica sacra, Gret- dad III. IV Reg., xm, 17, 25. On la trouve dans les inscrip-
tingue, 1870, p. 97, 226. C'est la reproduction de 1'inter- tions assyriennes sous le nom d'Ap-qu. Ct. E. Schrader,
pretation inexacte des Septante, qui, I Reg., xxix, 1, ont Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen,
traduit bd'ain, pres de la fontaine, par 'AevSwp. II 1883, p. 204; Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies?
ne s'agit pas ici de cet endroit. Pour mieux fixer, d'ail- Leipzig, 1881, p. 178, 286, 287. Josephe la nomme egale-
leurs, 1'emplacement que nous cherchons, rappelons les ment 'A9exa. Ant. jud., VIII, xiv, 4.
principaux mouvements des deux armees ennemies. Les Plusieurs auteurs 1'identifient avec la precedente, car
Philistins, rassemblant leurs troupes et se preparant a elle se trouvait dans la plaine . Les Syriens, en effet,
la guerre, viennent camper a Sunam, I Reg., xxvm, battus une premiere fois aupres de Samarie, dans une
1, 4, c'est-a-dire au village actuel de Soulam, sur la pente contree montagneuse, attribuerent leur defaite aux dieux
sud-ouest du Djebel Dahy. Saiil, de son cote, s'etablit, des Israelites, qui devaient etredes dieux de moiitupiios ,
avec les armees d'Israel, sur le mont Gelboe, I Reg., et se promirent un triomphe facile dans la plaine, ou ces
xxvm, 4, d'ou il contemple avec frayeur les forces enne- memes dieux n avaient aucun pouvoir. Ill Reg., xx, '23-25.
mies, J. 5. Les Philistins, retranches d'abord au pied de Voila pourquoi ils revinrent, au bout d'un an, camper
la montagne, reviennent vers la plaine, a Aphec, ou ils a Aphec, ou ils eprouverent un nouvel echec. Telle est
pourront developper plus facilement leur cavalerie et leurs 1'opinion de Keil, Biblisc/ier Commentar uber das Alte
chariots. En meme temps, les Hebreux prennent position Testament, die Bi'icher der Kdiuge, Leipzig, 1876. p. 220;
aupres de la fontaine qui etait a Jezrael, I Reg., xxix, de Fried. Delitzsch, ouv. cite, p. 287; de Miihlau, dans
1, 2, c'est-a-dire YAin el-Maiteh, ou, plus probablement, Riehm, Handworterbuch des Biblischen Altertums, Leip-
V Am -Dj aloud, suivant M. Guerin, Description de la zig, 1884, t. i, p. 69.
Palestine, Samarie , t. I , p. 309. Enfin les Philistins Beaucoup d'autres placent Aphec a 1'est du lac de Tibe-
montent a Jezrael, I Reg., xxix, 11, la Zera'in ac- riade, sur la grande route de Damas en Palestine, au
tuelle, a 1'extremite nord-ouest du mont Gelboe. C'est la village actuel de Fikf dont le nom, u^j ou ,*^j, chcz
731 APHEC APHECA 732
les ecrivains arabes, reproduit exactement I"A feq biblique. 1 L'auteur sacre, decrivant la bataille qui eut lieu sous
Cf. Vuii de Velde, Memoir to accompany the Map of the les murs d'Aphec, nous represente d'une facon saisissante
Holy Land, 1859, p. 286; H. B. Tristram, The Land of les deux armees en presence. En face des Syriens dont
Israel, Londres, 1866, p. 437; Schrader, ouv. cite, p. 204; 1'immense multitude couvre la plaine, les Israelites,
e
Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes, 5 edit., campes sur le penchant des collines, ressemblent, avec
Paris, 1889, t. iv, p. 45, note 1; Stanley, qui pretend que leurs deux divisions, a deux petits troupeaux de chevres .
le mot hebreu hammisor avec 1'article, la plaine, Ill Reg., xx, 27. Pendant sept jours, les adversaires s'ob-
III Reg., xx, 23, 25, designe les hauts plateaux qui servent mutuellement; enfin le combat a lieu; Dieu, pour
s'etendent a Test du Jourdain, Sinai and Palestine, venger sa puissance outragee par les ennemis. donne la
Londres, 1866, p. 484; G. Armstrong, W. Wilson, Conder, victoire a son peuple, y. 29. Les Syriens, qui avaient
Names and places in the Old and New Testament, cherche un abri derriere les remparts de la ville, voient
Londres, 1889, p. 11. Fik est le castellum grande, les murailles s'ecrouler sur eux et en ensevelir un grand
xwpi ;j.yaXr) qu'Eusebe et saint Jerome mentionnent nombre, y-. 30. Enfin Benhadad se presente en suppliant
aupres d'Hippos de la Decapole, Onomasticon, Gcet- devant Achab, qui le renvoie apres avoir conclu avec lui un
tingue, 1870, p. 219; S. Jerome, Liber de situ et nomi- traite d'alliance desapprouve de Dieu. Ill Reg., xx, 31-42.
nibus locorum heb., t. xxm, col. 870. Visite par quelques A. LEGENDRE.
voyageurs modernes, U. J. Seetzen, Reisen durch Syrien, 1. APHECA (hebreu: 'Afeqdh; Septante : 'Aqpsx),
Palcislina, etc., 4 in-8, Berlin, 1854-1859, t. i, p. 352-354, ville situee a la frontiere septentrionale de la Terre Sainte,
Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-4, au dela de Sidon. Jos., xin, 4. L'Ecriture en determine
Londres, 1822, p. 279, 280, il a etc recemment explore et bien la position en la citant entre Maara des Sidoniens ,
decrit par G. Schumacher, Der Dscholan, dans la Zeits- d'ua cote, et, de 1'autre, les confins de 1'Amorrheen et
clirift des deutsclten Palastina-Vereins, Leipzig, 1886, le pays de Gebal. Maara, la caverne est, d'apres cer-
t. ix, p. 319-325; traduction anglaise, The Jauldn, Londres, tains auteurs, le village actuel de Mogheiriyeli, au nord-
1888, p. 136-146. est de Sidon, ou, suivant d'autres, Moughr-Djezzin, les
Situe a peu de distance, a moins d'une heure de marche cavernes de Djezzin, plus bas, a Test, sur les pentes du
du lac de Tiberiade, le village de Fik s'eleve a l'endroit Liban. Voir MAARA. Les Amorrheens dont il est ici ques-
oil cornmencent 1'ouadi et le ruisseau du meme norn. Du tion sont ceux du nord, la tribu qui avail pousse jusque
rocher autour duquel il est bati, la vue s'etend agreable- dans la vallee de 1'Oronte. Voir AMORRHEENS. Enfin Gebal
ment, du cote de 1'ouest, sur la vallee et ses plants d'oli- est 1'ancienne Byblos, aujourd'hui Djebail, au nord de
vicrs, sur Qala'at el-Hosn et sur la mer de Galilee. Vers Beyrouth. II faut, en effet, remarquer que le texte hebreu
le sud est une colline couverte de ruines : chapiteaux et porte ici, y. 5, ha"ares haggibli, la terre ou le pays des
fiits de colonnes basaltiques, vieux linteaux de porte avec Giblites, ce que la Vulgate, lisant gebuld, a traduit par
inscriptions coufiques effacees (fig. 182). Voir Schumacher, ses frontieres . Apheca correspond done bien au village
ouvr. cite. Tout cela prouve que cette localite est une de meme nom, Afka, au nord-est de Beyrouth et au sud-
ancienne place d'une grande importance : par sa situation, est de Djebail, sur le flanc occidental du Djebel Monei-
ses sources d'eau vive et les arbres qui 1'environnent, elle tirah, dans la chaine du Liban. C'est l'"A93oca des Grecs,
ofl'rait aux caravanes et aux armees un lieu de carnpement si celebre par son temple de Venus; cf. Zosime, Hist.,
ties plus avantageux. i, 58, edit. gr. lat., Ciza (Zeitz), 1679, p. 94.
733 APHfiCA
Afka est un des sites les plus merveilleux que Von Abraham. Le nom d'Adonis rappelle les mysteres licen-
puisse rencontrer. Un cirque immense, aussi beau que cieux qui se celebraient dans cet endroit, ou la fraicheur
les plus sauvages des Alpes ou des Pyrenees, deroule a des eaux, la douceur de 1'air, tous les enivrements de la
nos yeux des escarpements a pic, rendus verdoyants ea nature, semblaient inviter 1'homme a donner libre cours
et la par des pins et des chenes qui ont pris racine sur a tous ses reves, a toutes ses passions. Cf. Nicephore Cal-
les corniches suspendues au-dessus de 1'abime... Dans la liste, H. E., vin, 30, t. CXLVI, col. 117. On voit encore,
paroi de Test s'ouvre une grotte immense, dont 1'ouver- vis-a-vis de la source, un peu au sud, les ruines du temple
ture, a peu pres quadrangulaire, a soixante metres dans de Venus Aphaca, dont les soubassements seuls sont restes
tous les sens; une eau limpide et claire comme le cristal a peu pres intacts. Des pans de murs entiers, batis avec
jaillit avec force du fond de cette caverne, s'echappe des pierres de taille de moyennes dimensions, mais regu-
lieres; d'elegants fragments de sculpture gisent sur le sol.
Au milieu des ruines, on apercoit un petit autel et des
troncons de colonnes de syenite d'Egypte. Ce temple a
evidemment subi une destruction violente. II fut, en effet,
renverse par Constantin, a cause des infamies qui s'y
commettaient. Eusebe, De Vita Constantini, in, 55, t. xx,
col. 1120.
A quelques centaines de metres du temple, vers 1'ouest
se trouve le petit village d'Afka, enseveli sous les noyers
et les terebinthes. II consiste en un amas de maisons
assez mal baties, et dont la moitie sont renversees. Au
centre d'un cercle de pierres, servant de lieu de prieres
pour les habitants, qui sont Metoualis, on remarque une
jolie colonne en granit rose, qui provient sans doute de
1'antique temple de Venus. La ville descendait autrefois
plus has et se rapprochait davantage de son sanctuaire,
qu'environnaient des bosquets- sacres. Cf. V. Guorin, La
Terre Sainte, t. n, p. 39-42; Robinson, Biblical Re-
searches in Palestine, Londres, 1856, t. in, p. 603-608;
E. Renan, Mission de Phenicie, Paris, 1864, p. 295-301.
Faut-il voir dans Apheca FAphec de la tribu d'Aser, Jos.,
xix, 30? Ce n'est pas certain. Voir APIIEC 2.
A. LEGENDRE.
2. APHECA (hebreu : 'Afeqdh; Septante : 4>axoya),
ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 53. Comprise dans le
second groupe des villes de la montagne, elle est men-
tionnee entre Rethtaphua et Athmatha. Cette derniere
est inconnue, mais la premiere est generalement iden-
tifiee avec Tefoua/i ou Tu/fuh, village situe a 1'ouest et
non loin d'Hebron. Or plus haul, vers le nord, a 1'ouest
de Bethlehem, on rencontre Vouadi Foukin, dont le nom,
/wOfc.3, rappelle assez bien Aphec. La carte anglaise,
Londres, 1890, feuille 14, ne signale que 1'ouadi; mais
M. Guerin a visite le village du meme nom, qui, a moitie
ruine, ne compte mainlenant qu'un fort petit nombre
d'habitants. II a dii cependant succeder a une localite
antique, car, le long des llancs du monticule au has du-
quel il est bati, on observe plusieurs anciens tombeaux
creuses dans le roc. Description de la Palestine, Judce,
t. in, p. 321. M. Maspero admet volontiers qu'il repond
183. Cascades du Kahr Ibrahim (flenve Adonis). a Apouken, I ^T) V ^ , n66 des listes de Karnak.
1 511 JT AWWV\
ensuite au milieu des gros blocs eboules, et donne nais- II pourrait en etre, selon lui, d'Apoukn[i] comme de
sance a un large torrent qui lombe par une serie de chutes Loud/i[i], ou le wwv\, n, final parait etre 1'ethnique. Ici
ecumantes jusqu'au pont antique d'une seule arche sur pourtant, ajoute-t-il, je pense que le Avwv\,n, existareel-
lequel passe le sentier (fig. 183). Au-dessous du pont, lement dans le nom merne de la bourgade, car on trouve
trois uouvelles cascades superbes forment sur les replats sur la carte moderne un village de Foukin, qui repond
du rocher des bassins si reguliers, qu'on les a crus tallies a Apouken de la merne maniere que Fik repond a Aphec. >
par la main des homines... L'ouverture de la caverne est a Sur les nouns geograp/uques de la Liste de Thoutmos III
1 203 metres d'altitude , et le pont remain a 1150. Tout qu'on peut rapporter d laJudee; extrait des Transactions
a 1'entour poussent des arbrisseaux qui laissent pendre of the Victoria Institute, or philosophical Society of
jusque dans le torrent des grappes blanches odorantes; Great Britain, 1888, p. 4. A la convenance du nom se
c'est le Sorbus trilobata, dont la tleur gracieuse a du etre joint celle de la position. Apouken se trouve, sur le mo-
consacree dans 1'antiquite, ainsi que celles des rosiers nument egyptien, entre Aunau (Ono) et Sauka (Socho);
sauvages, qui forment ici des toulTes adrnirables. Lortet, et Foukin est a quelque distance a 1'est de Khirbet ech-
La Syrie d'aujourd'hui, dans le Tour du monde, t. XLIV, Choueikeh, regarde comme le representant de 1'ancienne
p. 406. Socho. Voir la carte de la tribu de JUDA.
La riviere qui s'echappe de la grotte d'Afka pour se jeter Mariette avait bien, des le debut, rapproche le mot
dans la Mediterranee a six kilometres au sud de Djeba'il hieroglyphique d'une des Aphec de Juda, mais sans savoir
est 1'Adonis des Pheniciens et des Grecs, devenu le NaJir a laquelle il se rapportait au juste. II est bien plus pro-
Ibrahim pour les mahometans et les Juifs, qui ont voulu bable, dit-il, que le n 66 est la ville d'Aphec dont le
substituer a la tradition paienne le souvenir du patriarche roi fut tue par Josue, Jos., xn, 18, et qui fut plus tard
735 APHfiCA A P H R A A T E 736
attribute aux fils de Juda. L'emplacement d'Aphec est regard les trois parties du f . 10, pour faire ressorlir la
jusqu'a present inconnu. Les listes geographiques des pensee du prophete avec toute son energie et la conso-
pytones de Karnak, Leipzig, 1875, p. 33. Nous avons nance qu'il a recherchee dans les mots :
deja distingue la cite chananeenne de Jos., xn, 18, situee Begat 'al-taggidu
dans la plaine , de 1'Apheca situee dans la raon- bdko 'al-tibku
tagne , dont nous parlons ici. Voir APHEC 1. Nous ne bebet le'afrdh 'dfdr hitpalldsi (Qeri)
voyons aucune difficulte a identifier cette derniere avec
Foukin et Apouken. Faut-il y reconnaitre celle qui est Dans Geth ne 1'annoncez pas,
mentionnee I Reg., iv, 1? Nous ne le croyons pas. Voir Dans Accho ne pleurez pas,
APHEC 3. A. LEGENDRE. Dans Beth-Afrah roule-toi dans la poussiere.
Ces jeux de mots sont intraduisibles dans notre langue.
APHIA (hebreu: 'Afiah,ranime; Septante: 'A<p!x), La ville dont parle Michee est ainsi celle que mentionne
Benjamite, ancetre du roi Saiil. I Reg., ix, 1. Eusebe, Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 222: 'Acppi,
xXr}poi) Bsvcaju'v, xat vyv ecru xwfxv] 'A^pvjA arcb..., ce que
APHON1TE (hebreu : Hassifmi, article avec un nom saint Jerome traduit, en comblant la lacune qui existe
de lieu. I Par., xxvn, 27), habitant de Sifmot (Vulgate: dans le texte : Aphra, dans la tribu de Benjamin; c'est
Sephamot), dans le sud, cf. I Reg., xxx, 28, ou de Sefam, encore aujourd'hui le village d'Effrem, a cinq milles de
(Vulgate: Sephama), au nord de la Palestine. Cf. Num., Bethel, vers 1'orient, Liber de situ et nominibus loco-
xxxiv, 10. rum heb., t. xxin, col. 872. C'est YOphera de Jos.r
xviii, 23, YAphserema de I Mach., xi, 34, le village actuel
APHRA (hebreu : Set le'afrdh; Vulgate : domuspul- de Thayebeh, dont la situation a 1'est-nord-est de Beitin
veris, maison de la poussiere ), ville mentionnee dans (Bethel) et la distance repondent exactement aux indica-
un passage remarquable de Michee, i, 10. Apres avoir, tions de saint Jerome. Voir APH^REMA, col. 721. Elle est
au debut de ses oracles, i, 1-8, annonce et pleure la distincte d'Aphara, aujourd'hui Khirbet Tell el-Fdrah,
ruinc de Samarie, le prophete montre le chatiment divin dans la merne tribu. Voir APHARA.
s'etendant jusqu'a Juda et Jerusalem, ^. 9-16. Emprun- Par sa position et quelques debris antiques, Thayebeh
tant a 1'elegie de David sur la mort de Saiil, II Reg., i, 20,doit avoir ete autrefois une ville importante. Du sommet
ces paroles : Ne 1'annoncez pas dans Geth, f . 10, il de la montagne dont elle couvre les pentes, on jouit d'un
engage les Israelites a cacher leurs desastres aux Philis- coup d'ceil imposant. Le regard plonge, a Test, dans la
tins, dont la haine seculaire en concevrait trop de joie, a profonde vallee du Jourdain, et, au dela, il decouvre les
ne pas porter le spectacle de leur detresse meme chez chaines de 1'antique pays de Galaad, embrassant ainsi
des etrangers comme les Chananeens d'Accho (Saint-Jean une partie du bassin septentrional de la mer Morte et des
d'Acre). Puis, pour mieux faire sentir 1'effrayante realite montagnes de Moab. A 1'ouest, au nord et au sud, 1'ho-
des maux qu'il predit, il prend dix villes de Juda, au rizon, quoique moins grandiose, est encore tres remar-
nom desquelles, par une elegante et saisissante parono- quable. Sur le point culminant de la hauteur, on observe
mase, il rallache les calamites futures ou les divers accents les restes d'une belle forteresse, construite en magni-
de sa douleur. Ce ne sont pas la de futiles jeux de mots, fiques blocs, la plupart tailles en bossage. Au centre
mais la promulgation la plus efficace d'un oracle extre- s'eleve une petite tour, qui semble accuser un travail
mement grave, un tableau anime oil chaque nom repre- musulman, mais qui a ete batie avec des materiaux an-
sente un malheur particulier, une terrcur spociale. tiques. Cette forteresse etait elle-meme environnee d'une
Les versions ont differemment rendu ce passage, et, en enceinte beaucoup plus etendue, dont une partie est encore
plus d'un endroit, ont mis le nom commun au lieu du debout. Tres epaisse et construite en talus incline et non
nom propre. C'est ainsi que la Vulgate, au verset qui point par ressauts successifs en retraite les uns sur les
nous occupe, a traduit bdko 'al tibku par lacrymis ne autres, celle-ci est moins bien batie que la forteresse
ploretis, . ne pleurez pas avec des sanglots, c'est-a-dire antique, a laquelle elle semble avoir ete ajoutee a une
pleurez en silence pour ne pas rejouir vos ennemis par epoque posterieure. Quelques-unes des maisons du vil-
vos cris douloureux. Nous avoas montre, a 1'article ACCHO, lage, interieurement voutees, paraissent tres ancienncs.
qu'il vaut mieux, avec bon nombre d'auteurs, voir dans On rencontre en beaucoup d'endroits des citernes et des
bdko une contraction pour be'akko, et traduire ainsi : silos, creuses dans le roc vif, qui da tent tres certaine-
Dans Accho ne pleurez pas. Voir aussi ACHAZIB 2. ment de 1'antiquite, et prouvent avec les debris de la cita-
Nous reconnaissons de meme une ville dans Bet le'afrdh. delle 1'importance primitive de cette localite. Cf. V. Gue-
La Vulgate ne considerant, comme dans la phrase pre- rin, Description de la Palestine, Judee, t. in, p. 45-46.
cedente, que le nom commun, 'dfdr, poussiere, rend Voir la carte de la tribu de BENJAMIN. A. LEGENDRE.
celle-ci de la maniere suivante : in donio pulveris pul-
vere vos conspergite, dans une maison (reduite) en APHRAATE, surnomme le Sage Perse , est chro-
poussiere (le lamed hebreu indiquant alors ou une simple nologiquement le premier des ecrivains de TEglise syriaque
redondance ou le genitif) couvrez-vous de poussiere, dont les ceuvres nous soient parvenues. Elles comprennent
c'est-a-dire, avec la poussiere ou la cendre de vos mai- vingt-trois Demonstrations ou Traites, ecrits entre 336
sons detruites ou brulees formez-vous un vetement de et 345. On possedait d'une partie de ces Demonstrations
deuil. La traduction des Septante s'eloigne bien plus de une version armenienne, oeuvre du ve ou du vie siecle,
Thebreu et s'explique difficilement. Pour nous en tenir au editee sous le nom de saint Jacques de Nisibe, et accom-
seul mot Bet le'afrdh, ils 1'ont rendu par 1% oixov xarx pagnee d'une traduction latine, iriexacte et fautive. La
yiXwTa, de la maison [tombee] en derision. Ils ont lu decouverte de l'original syriaque parmi les manuscrits du
differemment le texte original, ou bien, suivant une con- monastere de Scete a permis de restituer 1'ouvrage a son
jecture de J. F. Schleusner, Novus thesaurus philologico- veritable auteur.
criticus sive Lexicon in LXX, Londres, 1829, t. i, p. 487, La vie d'Aphraate ne nous est pas connue. II ressort
ils auraient d'abord transcrit le nom propre Fespojpa (le F | seulement de la lecture de ses ecrits qu'il fut moine, cons-
representant le 7, am hebreu, comrne dans Fa^a, Gaza, titue en dignite dans 1'Eglise, et vraisemblablement revetu
.hebreu: 'Azzdh), qui, plus tard, par une faute de copiste du caractere episcopal. Les auteurs syriaques posterieurs
plus ou moins admissible, serait devenu FsXwta. La ver- nous le represented comme un docteur verse dans la
sion arabe a suivi les Septante. La Peschito donne le nom connaissance des divines Ecritures, et ayant joui d'un
propre, Ophra, et nous croyons que le contexte et le renom de saintete et de science parmi ses contemporains.
parallelisine 1'exigent. II suffit, en effet, de meltre en | Aphraate habita, selon ces auteurs, le monastere de Mar
737 APHRAATE 738
Matthai, situe" dans la partie syrienne de la Perse, sur la Is., xi, 12; Dem., I, 9. Cependant Aphraate s'eloigne de
rive gauche du Tigre, a cinq lieues a Test de Mossoul. temps en temps du texte de la Peschito, et la divergence,
Les Demonstrations traitent de divers sujets de morale si elle provient quelquefois de ce que 1'ecrivain cite
ct de controverse, et fournissent de precieux temoignages de memoire, Is., LVIII, 6; Dem., in, 8; Ps. LXXXVIII
sur la foi et la discipline de 1'Eglise syriaque au ive siecle. (LXXXVII), 11-12 ; Dem., vm, 10, represente en d'autres
Le dogme de la Trinite, la divinite de Jesus - Christ, la cas une meilleure lecon que celle de la Vulgate syriaque,
maternite divine de la sainte "Vierge, 1'e'tablissement de de telle sorte que les variantes fournies par notre auteur
1'Eglise, fondee sur Pierre, les sacrements, et en particu- pourraient servir a ameliorer le texte de la Peschito, par
lier la penitence et la confession des peches, y sont exposes exemple dans les endroits suivants : Deut., xin, 9; Dem.,
et defendus dans un sens orthodoxe. Mais c'est speciale- in, 4; Jud., vi, 33; Dem., x i , 9 ; Nahum, 11, 14 (13);
ment au point de vue scripturaire qu'Aphraate doit etre ici Dem.,\ix, 4; Malach., n, 7; Dem., xxn, 16.
examine. Or, bien qu'il n'ait pas directement commente II est remarquable que 1'auteur, qui emploie si souvent
1'Ecriture, ses Demonstrations sont neanmoins precieuses les textes de 1'Ecriture, n'ait fait erreur que rarement.
pour 1'exegese, a cause des tres nombreuses citations Nous n'avons a signaler que de le'geres fautes, telles que
qu'elles contiennent. Aphraate, en effet, possedait a fond les suivantes : Aphraate attribue a Zacharie le passage
1'Ecriture Sainte ; il la met perpetuellement a contribution, d'Amos, vm, 9; Dem., i, 11, et a Jeremie le texte d'Eze-
soit qu'il la reproduise textuellement, soit qu'il en prenne chiel, xxn, 30; Dem., xiv, 2, 15. Dans 1'e'numeration des
seulement la pense'e, ou bien encore quelques expres- fils de Jacob, Gen., xxxv, 26, il donne Gad et Aser comme
sions choisies. Nous allons done rechercher les livres les fils de Bala, et Dan et Nephthali comme ceux de
dont il a fait usage et le texte qu'il a suivi, puis examiner Zelpha, Dem., xxm, 43.
sa methode d'exegese. Quant au Nouveau Testament, on voit par 1'ordre et
I. Canon et texte des Livres Saints. Aphraate cite I'enchamement "des textes de 1'Evangile (cf. par exemple
frequemment le Pentateuque, qu'il appelle la Loi Dem., n, 12,13 et 17; xxm, 20), qu'Aphraate se servait
uraita (la Genese est specialement de'nommee le Livre du Diatessaron de Tatien, ouvrage qui jouissait dans les
des Generations ou des Origines Sfar taulddtd, eglises syriennes d'une plus grande popularite que les
Dem., xxm, 44); tous les livres historiques, excepte Evangiles separes . Toutefois il semble avoir employe
Nehemie el Judith ; tous les prophetes, sauf Abdias ; une aussi ces derniers,. car il cite sous le nom de saint Jean
grande partie des Psaumes, pour lesquels il parait suivre la un passage du quatrieme Evangile. Joa., in, 34; Dem.,
division du psautier syriaque : David ecrit au psaume xc : vi, 12. Le texte d'Aphraate reproduit le plus souvent
Mille ans aux yeux du Seigneur sont comme le jour celui de 1'ancienne version dite de Cureton, dont les frag-
d'hier qui est passe. Dem., n, 14 (la numerotation des ments, malheureusement tres incomplets, representent
psaumes dans la Bible syriaque est jusqu'au cxiii6 celle un texte plus ancien que celui de la Peschito. Cependant
du psautier hebraique); les Proverbes, qu'il attribue a Aphraate s'eloigne parfois du texte des fragments susdits
Salomon, Dem., vn, 14; les Lamentations, ulidtd, de pour suivre la Peschito, ou encore il donne un texte dif-
Jeremie, Dem., v, 8, et les Machabees, Dem., v, 15. 11 ferent a la fois de la Peschito et de Cureton, et peut-etre
allegue plusieurs passages d'Esther, Dem., in, 10 et suiv.; plus ancien que ce dernier. C'est ainsi qu'il traduit cons-
un verset du livre de Tobie, Dem., xx, 2; il fait aussi tamment par prier le verbe grec TiapaxaXw, dont le
allusion a quelques versets de 1'Ecclesiastique, et peut- sens biblique est consoler , Matth., v, 4; Luc., vi, 24;
etre de la Sagesse, Dem., xx, 2; xm, 5; xiv, 45. Le Can- xvi, 25, ainsi que 1'expriment les deux versions de Cureton
tique des cantiques n'est pas explicitement cite. Enfin les et de la Peschito. Enfin, dans les parties de 1'Evangile ou
parties deuterocanoniques de Daniel et d'Esther, non plus le texte de Cureton fait defaut, comme aussi dans les
quo la prophetic de Baruch, ne sont pas representees autres livres du Nouveau Testament, Aphraate s'ecarte
dans les Demonstrations. Mais comme Aphraate n'a pas de nouveau de la Peschito, et semble suivre pareillement
pretendu dresser le catalogue complet des Ecritures, son une plus ancienne version.
silence relativement aux livres qu'il n'a pas eu occasion Aphraate fournit quelques citations en dehors des livres
de citer ne prouve rien contre eux. Un passage de la canoniques-: II leur dit : Ne doutez pas, de peur que
Demonstration, vi, 6, offre quelque analogic avec le vous ne soyez submerges dans le monde, comme Simon,
quatrieme livre d'Esdras, vn, 32 etsuiv.; vm, 52 etsuiv.; qui, ayantdoute, commenca a etre submerge dans la mer.
mais la ressemblance n'existe quo dans 1'idee, et n'autorise Dem., i, 17. II est ecrit : Le bien doitarriver; heureux
pas a affirmer que notre auteur se soit servi de cet apo- celui par qui il viendra! Le mal doit se faire aussi; et
cryphe. rnalheur a celui par qui il viendra! Dem., v, 1. Cf.
La plupart des livres du Nouveau Testament sont cites Resch , Agrapha (Aussercanonische Evangelic nfrag-
par Aphraate : les Evangiles, et en particulier les versets tnente], dans les Texte und Untersuchungen de Gebhardt
17 et 18 du dernier chapitre de saint Marc, Dem., i, 17; et Harnack, t. v, fascic. 4, p. 279, 3bO. Comme il
les Actes, qu'il appelle la Predication des Apotres , est ecrit : II demeurera toujours des justes sous les yeux
Dem., xx, 6; douze des Epitres de saint Paul, speciale- du Seigneur, et les bons ne cesseront pas d'exister en ce
ment 1'Epitre aux He'breux, qu'il attribue expressement monde. xxm, 8.
a 1'Apotre, Dem., i, 16, etc. ; il omet 1'Epitre a Philemon II. Exegese d'Aphraate. Aphraate reconnait 1'Ecri-
et la seconde aux Thessaloniciens. Parmi les Epitres catho- ture comme divinement inspiree, ecrite ou dictee par
liques, la premiere de saint Jean est seule alleguee, Dem., Dieu : Sa bouche tres sainte atteste (par ces passages,
iv, 11 ; un passage est cite, il est vrai, de la premiere de Ezech., xx, 11; xxv, 26) que les preceptes de la Loi sont
saint Pierre, iv, 18, mais sous le nom de Salomon, et abolis. Parlant par la bouche du prophete Jeremie,
par consequent d'apres les Proverbes, Dem., vn, 16. Les il a dit : Si je prononce contre un peuple et contre un
cinq autres Epitres font defaut, ainsi que 1'Apocalypse, a royaume... Jer., xvm, 7; Dem., vn, 10. Le Sauveur
laquelle pourtant 1'auteur fait une allusion douteuse en a dit : L'heure viendra ou les morts entendront la voix
parlant a deux reprises de la seconde mort . Dem., du Fils de 1'homme. Joa., xxv; Dem., vm, 3. L'etude
vii, 25; v m , 17. On sail que cette expression n'est pas des Ecritures, et des livres qui se lisent dans 1'Eglise de
particuliere a 1'Apocalypse, et qu'elle se trouve dans les Dieu , Dem., x, 9, est pour lui le fonds de 1'enseigne-
targums d'Onkelos et de Jonathan. ment chretien : Celui qui lit les Ecritures sacrees, an-
Les citations de 1'Ancien Testament donnees par Aphraate ciennes et nouvelles, de 1'un et 1'autre Testament, celui-la
sont gene'ralement conformes a la Peschito, meme en des s'instruira lui-meme et pourra enseigner les autres.
pass-ages oil la version syriaque differe soit do 1'hebreu, Dem., xxn, 26. Quoique 1'Ecriture Sainte puisse etre inter-
Is., LXVI, 16: Dem., I, 12, soit de la version des Septante, pretee de diverses manieres, semblable a une perle quk
PICT. DE LA I3IULE. 1. 26
739 APHRAATE APION 740
rejouit la vue de quelque cote qu'on la considere, i fut institute non pas le soir, mais bien avant dans la nuit
xxn, 26, on doit cependant rechercher la tradition des du 14 nisan, a 1'heure correspondant a celle de la resur-
anciens, et soumettre a cette epreuve les diverses inter- rection, qui eut lieu le surlendemain, c'est-a-dire la nuit
pretations du texte sacre, cornme on fait des pieces de entre le sabbat et le dimanche, de tres grand matin, Luc.,
monnaie, lesquelles sont recues partout si elles portent xxiv, 1; mais lorsque les tenebres regnaient encore. Joa.,
1'effigie royale; autrement elles sont rejetees cornme xx, 1. D'apres lui aussi, le Seigneur se communia lui-
fausses. Dem., xxn, 26. meme, et Judas ne participa point a la reception du sacre-
Vivant au milieu dos Juifs, repandus en grand nombre rnent. Dem., xn, 6. Aphraate emet une interpretation fausse
a cette epoque en Mesopotamie et en Perse, Aphraate relativement a la maniere de cornpter les trois jours que
applique dans sa polemique leur methode d'exegese, pour le Sauveur passa parmi les morts ; il compte trois jours
leur prouver l'accomplissement des proprieties concernant entiers a partir de la Gene : Du moment ou il donna son
le Messie, la reprobation du peuple juif, 1'election des corps et son sang a ses disciples, il devait etre compte
Gentils, et demontrer que les figures contenues dans | parmi les morts. De fait il ne parla point devant ses
1'Ancienne Loi out ete realisees dans la Nouvelle. Quoi- ! juges : A celui qui etait repute pour mort, il etait im-
qu'il s'applique surtout au sens historique ou litteral, il possible de parler. Dem., xn, 6, 7. En somme, reserve
expose aussi le sens mystique de 1'Ecriture, et recherche faite pour un tres petit nombre de passages analogues a
1'allegorie, en suivant la methode des premiers ecrivains celui que nous venous de signaler, nous croyons que la
ecclesiastiques. La femme qui a perdu une de ses dix connaissance de ces Demonstrations sera d'une haute
drachmas, Luc., xv, 8, est la Synagogue, qui a perdu le importance et d'un grand profit pour 1'exegese chretienne,
premier des dix commandements en adorant les idoles et que 1'auteur doit prendre rang parmi les interpretes
(Barnabe, iv, 8); et avec ce premier precepte elle a perdu autorises de 1'Ecriture Sainte.
les neuf autres qui en dependent. Dem., I, 11. Israel Le texte syriaque des oeuvres d'Aphraate a ete publie par
reprouve est la vigne de Sodome, qui ne donne que des le D r W. Wriglil, sous ce titre : The Homilies of Aphraates,
fruits amers. Deut., xxxn, 32; Dem., xix, 4. L'e'chelle the Persian Sage, edited from Syriac manuscripts of the
de Jacob est le Christ, par qui les justes montent du has fifth and sixth centuries, in the British museum, with
jusqu'au sommet. Elle represente aussi la croix du an English translation, by IV. Wright, t. i, the Syriac
Sauveur, qui fut dressee comme une echelle, et au sommet text, Londres, 1869. Le second volume, qui devait contenir
de laquelle le Seigneur se tenait, selon la parole de la traduction anglaise, n'a pas etc edite. Une traduction
1'Apotre : La tele du Christ, c'est Dieu . I Cor., xi, 3; allemande en a ete donnee dans les Texte und Untersu-
Dem., iv, 5. Les pierres que Jacob oignit d'huile figu- chungenderaltchrisllichenLiteraturde Gebhardt et Har-
raient les nations qui devaient croire en Jesus-Christ, selon nack, t. in, fasc. 3 : Aphrahat's des persischen Weisen
la parole de Jean-Baptiste : De ces pierres Dieu peut faire Homilien, aus dem Syrischen ubersetzt und erlautert, von
des fils d'Abraham. Matth., in, 9. Le baton que portait G. Bert, Leipzig, 1888. Huit des traites d'Aphraate avaient
Jacob represente encore la Croix du Grand Prophete. ete traduits en allernand et publics avec une Introduction
Lorsque Jacob leva la pierre qui fermait le puits, et que par le Dr Bickell dans la Bibliot/tek der Kirchenvdler de
plusieurs pasteurs reunis n'avaient pu soulever, il figurait Thalhofer, t. en-cm : Ausgewdhlte Abhandlungen des
le Christ, qui ouvrit seul la fontaine baptismale, que tous Bischofs Aphraates von Mar Mathaus. Einleilung
les prophetes n'avaient pu decouvrir. Dem., iv, 6. II fiber Leben und Schriften des Aphraates, Kempten, 1874.
taut remarquer qu'un meme texte est interprete par 1'au- On peut utilement consulter aussi les ouvrages suivants :
teur tantot au sens historique, tantot au sens spirituel. Prolegomena in Aphraatis Sapientis Persse sermones
Ainsi ce passage de la Genese : Le jour ou tu mangeras homileticos scripsit C. I. Fr. Sasse, Leipzig, 1879; Devita,
de ce fruit tu mourras de mort, n, 17, entendu au sens et scriptis Aphraatis Sapientis Persse Dissertatio theolo-
litteral de la peine de la mort corporelle portee par Dieu gico - historica, quam ad gradum doctoris theologies in
contre Adam et toute sa posterite, Dem., xxn, 2, est universitateLovaniensiconseqiiendum conscripsit 3. For-
explique figurativement de Tetat de mort spirituelle de get, Louvain, 1882. J. PARISOT.
1'ame pecheresse, Dem., vui, 17.
Certaines interpretations d'Aphraate, conformes aux tra- APHSES (hebreu : Happisses, nom avec 1'article,
ditions consignees dans les Targums, le Talmud et les dispersion; Septante : 'Ayzari), chef de la dix-huitieme
auteurs juifs, temoignent clairement que notre auteur famille sacerdotale parmi les vingt-quatre choisies par
subit 1'influence des doctrines rabbiniqucs. Par exemple, David pour le service du temple. I Par., xxiv, 15.
il designe les Remains sous le nom de fils d'Edoin ou
Esau . Voir Le Hir, Le quatrieme livre d'Esdras, dans APHUTEENS (hebreu : Happilti), une des families
\esEtudes bibtiques, t. i, p. 201; Dem., v, 22. II rapporte etablies dans le pays de Cariathiarim. I Par., n, 53.
que Cain fut maudit pendant sept generations, Dem.,
ix, 8, et que le serpent, condamne a ramper et a manger APION (i er siecle), ne a Oasis, en Egypte, etait venu
]a poussiere, perdit les membres qu'il avait possedes jus- de bonne heure s'etablir a Alexandrie, ou, apres avoir ete
que-la. Dem., xi, 9. II fixe a six mille ans la duree du disciple des grammairiens Didyme et Apollonius, il avait
monde, et donne cette opinion comme une tradition recue fonde lui-meme une ecole et recu le droit de cite. Nous
de ses mailres , rabbanin. Dem., n, 14. Un meme roi le retrouvons, a 1'epoque de Jules Cesar, parcourant la
de Tyr regna depuis David jusqu'a Sedecias, soit pen- Grece et y obtenant un tel succes par ses lecons sur
dant 440 ans ; et Phinees exerca le sacerdoce durant Homere, que, au dire de Seneque, toutes les villes le deco-
365 ans, de 1'exode a la fin du temps des Juges, Jud., xx, raient du droit de cite. II vint enseigner a Rome sous
27, 28 ; Dem., xiv, 27; mais on sail que les evenements Tibere, et s'y rendit celebre par son talent et par sa
racontes dans les derniers chapitres du livre des Juges se fatuite : Apion quidem grammaticus, dit Pline TAucien,
rapportent aux temps qui suivirent la mort de Josue. Vi- hie quern Tiberius Ca3sar cymbalum mundi vocabat, cum
gouroux, Manuel biblique, 7e edit., t. n, n 446, p. 45, note. propria? fama? tympanum potius videri posset. H. N.
L'auteur se conforme dans ses supputations chronolo- praef., 25. Revenu a Alexandrie, il fut envoye a Rome en
giques aux chiffres recus par les Juifs, et compte comme ambassade aupres de 1'empereur Caligula, pour lui de-
eux les jours par soir et matin . II cite enfin un celebre mander de sevir contre les Juifs, qui etaient fort nom-
passage de 1'Ecriture d'apres le Targum : Le sceptre ne breux a Alexandrie, pendant que de leur cote les Juifs
sortira point de Juda... jusqu'a ce que vienne celui a qui d'Alexandrie envoyaient leur illustre coreligionnaire Phi-
appartient le royaume. Gen., XLIX, 10; Dem., n, 6; Ion, pour les defendre aupres de 1'empereur. Sous Claude
xvi, 1. Dans le recit de la Gene, il e'tablit que l'Eucharistie (qui regna de 41 a 54 de notre ere), Apion tenait ecole a
APION APOCALYPSE 7-42
Rome, ou PHne 1'Ancien, tout jeune alors puisqu'il etait \ EuayyaXtffrou, ou encore 'ArcoxaX'jtJ't; Twavvou
ne en Tan 23, rapporte avoir suivi ses lecons. Les succes TOV auoffToXou xa\ eOayycXiarov. De meme en latin, le
oratoires d'Apion lui avaient valu le surnom de Tueio-TO- manuscrit de Fulda porte en titre : Apocalypsis sancti
vi'xr);. La reputation d'Apion etait surtout fondee sur Joannis, et le Codex Amiatinus : Apocalypsis sancti
ses commentaires d'Homere et d'Aristophane, commen- Joannis, apostoli et evangelists^.
taires d'une remarquable valeur, au jugement des critiques II. Authenticite. L'auteur de 1'Apocalypse se nomme
.anciens. Mais il nous inleresse surtout pour ses polemiques lui-meme, en tete de son livre, Jean, le serviteur de
retentissantes centre les Juifs. Apion avait compose une Jesus-Christ, i, 1. De toute antiquite on y a reconnu saint
Histoire d'Egypte (Al-pra-iaxa) en cinq livres, dont il Jean, le disciple bien-aime du Christ, apotre et evange-
ne nous reste que quelques courts fragments (1'un, entre liste. C'est ce qu'attestent deja les inscriptions du livre,
autres, fourni par Aulu-Gelle, et qui n'est autre que 1'his- comme nous venons de le voir. Plusieurs Peres des plus
toire du lion d'Androcles). De ces cinq livres, le troisieme anciens rendent le meme temoignage. Un disciple imme-
et le quatrieme etaient consacres aux origines des Juifs diat de 1'apotre saint Jean, saint Polycarpe, nous olTre
et a leur sortie d'Egypte. Apion avait en outre compose dans sa lettre aux Philippiens plusieurs expressions proprcs
un traite special Adversus Judaeos. Josephe, qui en ecrivit a 1'Apocalypse. Ainsi Phil., inscript., t. v, col. 1005, il
une refutation en regie, Adversus Apionem, nous en ecrit: k'XiO? f^jxtv xoi Espi^vr) uapa 0eoO navToxparopo;. Cf.
fait connailre les principales idees. Selon Apion, les Juifs Apoc., 1,4. Le nom de rcavtoxpaTwp, donne a Dieu, sc
etaient d'origine egyptienne, et ils avaient ete ignominieu- rencontre neuf fois dans 1'Apocalypse; en dehors de ce
sement expulses d'Egypte; les Juifs troublaient la paix livre une seule fois, II Cor., vi, 18, encore est-ce dans
d'Alexandrie; les Juifs avaient des rites sanglants et une citation de 1'Ancien Testament. Au chapitre vm de
absurdes, au nombre desquels le culte de la tete d'ane. cette meme lettre, il dit: Mi|r/yra\ ysvwjxsOa T9j; yTtovotAr,;
Ce dernier trait est particulierement curieux : on sait que a'JToO, d'apres Apoc., i, 9. Enfin, au chapitre vi, il y a un
Tacite croyait a la realite de ce culte de la tete d'ane, passage ou 1'Apocalypse est equivalemment citee comme
Hist.,v, 4, et que ce fut une accusation soulevee aussi un ecrit inspire : Servons-le done avec crainte et en toute
contre les Chretiens. Minutius Felix, Oclavius, ix, t. in, reverence, comme il 1'a commande, lui et les Apotres qui
col. '261. Apion figure dans les Homelies Clementines nous ont preche 1'Evangile, et les prophetes qui nous ont
comme faisant partie de la suite de Simon le Magicien : annonce 1 avenement de Notre-Seigneur. Le contexte
Apion Plistonice, d'Alexandrie, grammairien (Homil., rnontre assez clairement que ces prophetes, nomrnes apres
iv, 6. Pair, gr., t. n, col. 161}: c'est le personnage charge le Christ et les Apotres, sont ceux du Nouveau Testament.
de defendre la philosophie et la mythologie helleniques Cf. Apoc., xvin, 20, et Eph., n, 20. Nous n'avons
contre 1'irnpiete judaique que soutient Clement. Les plus les ouvrages de saint Papias, eveque d'Hierapolis,
fragments qui nous restent d'Apion ont ete reunis par autre disciple de saint Jean; mais Andre de Cesaree, qui
C. Miiller, Fragmenta /tistoricorum grsecorum, 1849, vivait vers la fin du ve siecle, declare que saint Papias,
t. n, col. 506-516. Voir Lightfoot, art. Apion, 1877, saint Irenee, saint Methode et saint Hippolyte attestent la
dans le Dictionary of Christian biography. credibilite de ce livre. In Apoc. comment., t. cvi, col. 215
P. BATIFFOL. et suiv. D'oii nous pouvons conclure que ces Peres, non
APIS, taureau sacre de Memphis, adore par les anciens moins que ceux qui les ont suivis, regardaient 1'Apo-
Egyptiens, qui le regardaient comme un symbole d'Osiris calypse comme 1'oeuvre de I'apotre saint Jean. On sait que
(fig. 184). L'adoration du veau d'or dans le desert du Papias fut 1'auteur du millenarisme; or cette doctrine
eut sa source dans 1'interpretation trop litterale d'un pas-
sage de 1'Apocalypse, xx, 4-7. Papias connaissait done
ce livre, et en reconnaissait 1'autorite. Des qu'on a
franchi Fere des Peres apostoliques, on se trouve en pre-
sence des temoignages les plus formels en faveur de 1'ori-
gine apostolique de 1'Apocalypse. Saint Irenee, qui touche
a I'apotre saint Jean par son maitre Polycarpe, ecrit, Hser.,
iv, 20, 11, t. vii., col. 10M): Jean aussi, le disciple du
Seigneur, dit dans 1'Apocalypse, etc. ; v, 26, 1, t. vn,
col. 1192; Jean, le disciple du Seigneur, marqua dans
1'Apocalypse... Saint Justin, le plus ancien des Peres
apres les Peres apostoliques, dit dans son dialogue avec
Tryphon, 81, t. vi, col. 669 : Chez nous, un homme
appele Jean, un des Apotres du Christ, affirme dans la
Revelation (iiroxaXy^Et) qui lui fut donnee, que les fideles
demeureront a Jerusalem pendant mille ans. II est a
remarquer que ce dialogue avec Tryphon eut lieu vers
1'an 140, a Ephese, la meme oil le disciple bien-aime
passa une grande partie de sa vie, et ou il mourut. On
devait y etre parfaitement renseigne sur la provenance de
1'Apocalypse, ecrite moins d'un demi-siecle auparavant.
De nombreuses allusions a divers passages de ce livre se
181. Bceuf Apis. Bronze. Mus^e du Louvre. rencontrent dans les oauvres de saint Justin. Nous
savons par Eusebe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 392, qu'un
Sinai', Exod., XXH, 4-35, et 1'erection des deux veaux d'or contemporain de saint Justin, saint Meliton, eveque de
a Bethel et a Dan par Jeroboam Ier, roi d'Israel, III Reg., Sardes, une des Eglises a laquelle 1'Apocalypse adresse
xii. 28, sont, d'apres 1'opinion commune, un souvenir du ses avertissements, a ecrit un commentaire sur 1'Apo-
culte rendu au bceuf Apis. Voir VEAU D'OR. calypse de Jean . La lettre des Eglises de Lyon et de
Vienne aux Eglises d'Asie, ecrite en 177, est pleine d'al-
APOCALYPSE, 'AnoxaX-j-itc, Apocalypsis. lusions manifestes a 1'Apocalypse. En voici deux exemples :
I. Nom. Dans les manuscrits les plus anciens, le II y est dit du martyr Epagathus : II a ete et il est le
Jivre prophetique du Nouveau Testament porte le nom de vrai disciple du Christ, suivant 1'Agneau partout ou il va.
'ATioxaXyj/t; 'Itodtwou; dans les plus recents, 'Anoxa).y4"S Apoc., xiv, 4. Satan est constarnment nomme le Dragon;
'Juavvou TOV 6oX6you, ou bien 'A7toxdX-j<{/t; 'Iwavvo-j toO et il est dit des confesseurs qu'ils se laissaient volontiers
743 APOCALYPSE 744
appeler ternoins du Christ, TW TTITTW xou a)r)8tvw a ces livres, si cela vous plait. 1'Apocalypse de saint JeanT
xcu npwTOToxw TWV vexpwv. Apoc., I, 5. Voir Migne, Patr. que quelques-uns, comme je 1'ai dit plus haul, comptent
gr., t. xx, col. 413, 434. Deux autres auteurs du ne siecle, parmi les livres recus sans contestation (TOI; 6;xoXoyouf/.-
Theophile d'Antioche et Apollonius, pretre d'Ephese, pro- vot?). H. E.,m, 25, t. xx, col. 268. II regnait done au
duisirent centre les heretiques des temoignages de ive siecle, par rapport a 1'Apocalypse, deux opinions
1'Apocalypse de Jean . C'est ce que nous apprend Eusebe, contraires : les uns la rejetaient absolument, les autres
H. E., iv, 24, et v, 18, t. xx, col. 389 et 480. ALexandrie 1'admettaient sans aucune hesitation. Plus tard, lorsque
nous fournit en faveur de 1'Apocalypse les temoignages de les millenaires eurent cesse de faire parler d'eux, 1'Apo-
Clement et d'Origene. Celui-ci dit expressement que Jean, calypse reconquit peu a peu la place que 1'antiquite lui
le disciple qui reposa sur la poitrine de Jesus, 1'auteur avait assignee parmi les ecrits apostoliques et inspires,
d'un des Evangiles, ecrivit aussi 1'Apocalypse, Eusebe, L'histoire de la controverse suscitee autour de ce livre
H. E., vi, 25, t. xx, col. 584; celui-la se servait de 1'Apo- montre clairement que jamais ses adversaires ne produi-
fcalypse comme d'un livrc inspire, et semble n'avoir soup- sirent contre lui aucun temoignage de la tradition; saint
conne aucune opposition a son authenticate. C'est un fait Denys d'Alexandrie s'efforca seulement d'appuyer son sen-
hautement avoue par Liicke, un des principaux adversaires timent sur le style et sur quelques arguments internes, qui
de ce livre. A Rome, au n siecle, 1'Apocalypse est ont ete repris de nos jours par les rationalistes, et que nous
comptee parmi les Livres Saints dans le Canon de Mura- examinerons bientot. Un critique modcrne, F. Chr. Baur?
tori, et, a la meme epoque, Hippolyte ecrivit un traite sur a pu dire avec raison qu'il n'y a, dans le canon du Nouveau
1'Apocalypse de Jean. S. Jerome, Devir. ill., LXI, t. xxm, Testament, aucun livre dont 1'origine apostolique soit
col. 671. Enfin, en Afrique, Tertullien invoque 1'autorite etablie sur des temoignages plus nombreux et meilleurs
de 1'Apocalypse sans aucune reserve, aussi bien avant que celle de 1'Apocalypse. Kritisclie Untersuchungen fiber-
qu'apres sa chute. 11 ne 1'a done pas recue des Montanistes, die kanonische Evangelien, p. 345.
et ce ne sont pas ces heretiques qui lui en out inspire Les rationalistes modernes sont generalement d'accord
1'estime. pour soutenir que 1'Apocalypse et le quatrieme Evangile ne
II reste ainsi parfaitement demontre que, pendant le peuvent pas provenir d'un meme auteur. Mais ils se divisent
cours des deux premiers siecles, 1'Apocalypse etait recue en deux camps opposes, selon qu'ils rejettent ou acceptent
dans toutes les parties de 1'Eglise comme un ecrit inspire, 1'authenticite de cet Evangile. Ceux qui attribuent celui-ci
1'ceuvre de Jean, le disciple cheri de Jesus. Alors, il est d'une certaine maniere a saint Jean 1'apotre, rapportent
vrai, elle etait rejetee par la secte heretique des Aloges; a un ecrivain ancien homonyme la composition de 1'Apo-
mais cette opposition, ne reposant que sur des raisons calypse; ceux, au contraire, qui ne veulent pas que 1'Evan-
dogmatiques, n'est d'aucune importance au point de vue gile soit une ceuvre apostolique, donnent au disciple bien-
de la critique. II n'en est pas de meme des contradictions aime la paternite du livre prophetique du Nouveau Tes-
qui, au ine siecle, s'eleverent a Alexandrie contre 1'ori- tament. Des lors on concoit d'avance que le debat porteru
gine apostolique de 1'Apocalypse. Le millenarisme comp- en grande partie sur les differences signalees entre les
tait a cette epoque des adherents nombreux et illustres. deux ecrits, et entre 1'Apocalypse et la premiere Epitre
Cette opinion avait son origine dans un passage de 1'Apo- de saint Jean. Saint Denys d'Alexandrie avait le premier
calypse, xx, 4-7, lequel, entendu dans son sens propre, agite cette question, mais avec une grande reserve; les
prornet aux justes non seduits par la Bete une resurrec- rationalistes 1'ont reprise et developpee avec 1'audace qui
tion anticipee, et un regne de mille ans avec le Christ. lour est propre.
Un eveque appele Nepos ayant mis au jour un ecrit en 1 L'Evangeliste et 1'auteur de 1'Epitre ne se nomment
faveur de ce systeme, saint Denys, eveque d'Alexandrie, nulle part dans leurs ecrits, 1'auteur de 1'Apocalypsc met
prit la plume pour le cornbuttre. Dans le cours de la dis- son nom en tete de son livre. En cela saint Jean s'est
cussion, il enonca des soupcons contre 1'autorite aposto- co'nforme a 1'usage constant des prophetes de 1'Ancien
lique de 1'Apocalypse. Un livre renfermant une doctrine Testament: ceux-ci se nomment avant de prononcer leurs
aussi singuliere etait-il vraiment 1'ceuvre d'un Apotre? oracles; au contraire, aucun des auteurs des livres histo-
L'Apocalypse etait, il est vrai, regardee partout comme riques des deux Alliances ne se nomme; et quant a 1'Epitre,
1'ceuvre de Jean; mais, outre Jean, 1'apotre et 1'evange- on s'accorde a la regarder comme une sorte de preface ou
liste, 1'antiquite chretienne connaissait un pretre Jean, d'introduction a 1'Evangile, dont elle accompagnait 1'envoi
&rcpeffgyTEpoc'Iwdcvvr,?, dont parle Papias comme d'un de aux Eglises.
ses maitres. C'est plutot a celui-ci, dit 1'eveque d'Alexan- 2 Un Apotre n'aurait pas parle de lui-meme comme
drie, qu'il faut attribuer la paternite de 1'Apocalypse. Saint 1'auteur de 1'Apocalypse parle du college apostolique,
Denys tient d'ailleurs ce livre en haute estime, a cause de xvin, 20, et xxi, 14. Un Apotre pouvait tres bien ma-
la consideration dont il jouit dans 1'Eglise; il le regarde nifester les privileges du corps des elus du Seigneur, et
comme 1'ceuvre d'un homme saint et inspire de Dieu, surtout il devait rapporter fidelement ce que 1'Esprit-Saint
ayt'ov V,OL\ SEOUVS-JOTO-J; mais il se flatte, par 1'hypothese lui avait revele a ce sujet. La modestie ne lui defendait
qu'il propose, d'enlever aux chiliastes 1'avantage d'appuyer done pas de joindre les Apotres aux saints et aux prophetes
leur systeme sur un texte apostolique. Voir Eusebe, dans la joie causee par la chute de la grande Babylone,
H. E., vu, 2i, t. xx, col. 692 et 693. La solution mise en et il pouvait aussi bien que saint Paul appeler les douze
avant par un si grand prelat fut avidement accueillie par Apotres les fondements de la Jerusalem nouvelle.
les adversaires du millenarisme, et ainsi il se forma bientot 3 La langue du quatrieme Evangile n'est pas celle de
un courant d'opinion defavorable a 1'authenticite de 1'Apo- 1'Apocalypse. Le grec de 1'Evangile est relativement pur et
calypse. Au ive siecle, on constate qu'elle n'est point correct; le grec de 1'Apocalypse est inculte, il n'y manque
comptee parrni les livres inspires du Nouveau Testament ni des barbarismes ni des solecismes. Temoin Apoc., I, 4 :
par saint Cyrille de Jerusalem, par saint Gregoire de sip-^vr) (XTTO 6 wv xoi 6 r,v xat 6 Ip^oftevo?; I, 5: aTtb 'Ii\aou
Nuzianze, par les Canons dits des Apotres, par saint Jean XpujToO, 6 aipry; 6 niffTo;; xx, 2: TOV Spaxovra, 6 091?
Chnsostome, par 1'auteur des lanibes a Seleucus ( o t 6 ap^afo?; iv, 1 : TJ ^WVTI... Asycov, etc. Les hebraismes y
TtXetoO; 3k v60ov XeyoOcriv); mais elle est acceptee par saint sont bien plus frequents que dans 1'Evangile. On repond
Athanase, dans sa lettre festivale, par 1'auteur de la Synopse que la frequence des hebraismes vient en grande partie
qui porte le norn de saint Athanase, par saint Ephrern, de la nature de 1'ouvrage : c'est un livre prophetique sL
et par tous les Peres d'Occident. Eusebe, lorsqu'il passe rempli d'allusions aux visions de Daniel et d'Ezechiel,
en revue les Livres Saints, commence par ranger 1'Apo- qu'on le dirait caique sur ces deux apocalypses de 1'Ancien
calypse parmi les ofAoXoyoufisva; mais, dans 1'enumeration Testament. Quant au barbarisme o wv, o r,v xat o Ipyo-
des livres apocryphes (ev TO;C voOoi;), il ajoute : Joignez IAIVO;, il est certainement iatentionnel de la part de 1'au-
745 APOCALYPSE 746
teur, qui a compose ce nom pour rendre toute la force du 1'Apocalypse est 1'histoire du Verbe incarne regnant glo-
tetragramme divin. Les solecismes eux-memes ne denotent rieusement dans le ciel. Aussi est-il a peine un autre livre
pas chez 1'auteur 1'ignorance des regies de la grammaire du Nouveau Testament ou la divinite du Christ brille d'un
grecque; car en beaucoup d'endroits il observe exactement plus vif eclat.
cos memes regies qu'il se permet de transgresser ailleurs. III. Lieu et epoque de la composition. Saint Jean
Pourquoi a-t-il ainsi voulu ecrire incorrectement? II n'est dit lui-meme qu'il a recu ces revelations lorsqu'il etait
pas possible de repondre a cette question. Mais nous pou- dans File de Patmos, a cause de la parole de Dieu et du
vons opposer a 1'ensemble de 1'objection qui nous occupe les temoignage de Jesus, i, 9, et il n'y a aucune raison de
ressemblances nombreuses et frappantes entre le style de douter qu'il n'ait immediatement mis par ecrit ce qu'il
1'Apocalypse et celui du quatrieme Evangile.Voici quelques avait vu. Done, pour determiner 1'epoque ou fut composee
exemples : 6 aXr,8tvb;, designant le vrai Dieu, Joa., xvn, 3; 1'Apocalypse, il suffit de savoir quand I'Apotre fut exile a
Joa., v, 20; Apoc., in, 7 ; ixaptupia et [AapTupsiv, tres Patmos. Le-temoignage de saint Irenee est ici d'une grande
frequemment dans les trois ecrits; vixav, venant dans le importance : II n'y a pas longtemps que 1'Apocalypse
quatrieme Evangile sept fois, six fois dans la lettre, seize a ete vue; mais presque dans notre siecle, vers la fin du
:fois dans 1'Apocalypse, une fois dans saint Luc, trois fois regne de Domitien. Hser., V, xxx, 3, t. vn, col. 1207.
dans saint Paul; 6'^ic, Apoc., i, 16; Joa., xi, 44; Ttepi- Saint Victorin, martyrise sous Diocletien, en 303, dans
rcaTctv jjLEta TIVOC, Apoc., in, 4; Joa., vi, 66; ffxrjvoOv; ses notes sur 1'Apocalypse, nomme plusieurs fois Domitien
Apoc., vn, 15; xn, 12; xm, 6; Joa., I, 14; crcpdcrrciv, comme le tyran qui relegua I'Apotre a Patmos. In Apoc.,
Apoc., v, 6; vi, 4; Joa., in, 12 : autant depressions qui xvii, 10, t. v, col. 338. Saint Jerome et Eusebe placent
ne se rencontrent chez aucun autre ecrivain du Nouveau aussi 1'exil de saint Jean sous Domitien. S. Jerome, De
Testament. vir. ill., ix, t. xxin, col. 625; Eusebe, H. E., m, 18, t. xx,
4 Les allures de Fecrivain sont tout autres, a ce qu'on col. 252. Lc merne Eusebe, dans sa Chronique, assigne
pretend, dans 1'Evangile et dans 1'Apocalypse. L'apocalyp- a cet exil 1'an 14 de Domitien, t. xxvn, col. 602. Clement
tique est bien plus vif, plus image, plus entrainant que d'Alexandrie et Origene mentionnent 1'exil de I'Apotre,
1'evangeliste. Rien d'ctonnant que 1'Apotre ait adapte mais sans donner le nom du tyran. Tertullien parle en ces
ses conceptions et ses allures aux sujets si differents qu'il termes des gloires de la ville de Rome, De prsescr., xxxvi,
avait a traiter comme evangeliste et comme voyant pro- t. n, col. 49: Combien est heureuse cette Eglise, sur
phetique. laquelle les Apotres out repandu toute leur doctrine avec
5 Autre est la doctrine de 1'apocalyptique, autre celle leur sang , ou Paul recoit la couronne par une mort
de 1'evangeliste. Celui-ci se montre adversaire declare du pareille a celle de Jean (Baptiste), d'oii 1'apotre Jean,
judaisrne, celui-la est un chretien judaisant, constamment apres avoir ete jete dans 1'huile enllammee, sans en souffrir
en lutte centre les Pauliniens. L'Apocalypse respire une de dommage, est relegue dans une ile. C'est bien a tort
haine terrible centre Paul et centre ceux qui se relachaient qu'on allegue ce texte pour faire dire a Tertullien que
dans 1'observance de la loi juive... Les chapitres n et in Jean fut relegue a Patmos sous Neron. Le temoignage de
de 1'Apocalypse sont un cri de haine centre Paul et ses saint Epiphane, qui place 1'exil a Patmos sous le regne
amis. (Renan.) L'eschatologie de 1'Evangile est spirituelle, de Claude, n'a pas plus de valeur centre la tradition com-
celle de 1'Apocalypse est toute materielle et charnelle ; mune. Son assertion est manifestement erronee; car ce
1'evangeliste preche partout la douceur du Christ, 1'apo- Pere donne quatre-vingt-dix ans a I'Apotre lorsque celui-ci
calyptique ne respire que la vengeance a exercer par le ecrivit ses livres inspires. User., LI, 12, 33, t. XLI, col.
Christ centre ses adversaires. On ne rencontre ni dans 909, 949. Ceux des rationalistes qui nient Fauthenticite de
1'Evangile ni dans la lettre de Jean aucun des concepts 1'Apocalypse pretendent que 1'exil de saint Jean a Patmos
enonces Apoc., i, 4; in, 1; v, 6; xn, 7-9; xvi, 13, etc. est une fable, inventee pour expliquer Apoc., i, 9. Us
L'Apocalypse n'est pas plus favorable aux judalsants que n'ont d'autres arguments externes a faire valoir que le
1'Evangile. La Jerusalem nouvelle, dont elle celebre la silence d'Hegesippe, dont Eusebe rapporte la relation de
construction, n'est manifestement point la capitale de la la persecution de Domitien, et le desaccord des Peres qui
Judee; c'est une figure representant 1'Eglise triomphante parlent de cet exil. La verite est qu'Eusebe ne mentionne
du Christ; elle porte inscrits sur ses fondements les noms qu'un seul trait historique d'Hegesippe relatif a cette per-
des douze Apotres de 1'Agneau. Apoc., xxi, 12, 14. La secution, H. E., in, 20, t. xx, col. 252-253, et que les
vocation des Gentils est clairement enseignee Apoc., vn, 9, Peres sont parfaitement d'accord touchant le fait et le lieu
et nulle part il n'est question d'une opposition entre 1'an- de cet exil; quant au tyran qui y condamna I'Apotre, il
cienne synagogue et 1'Eglise du Christ. Pareille opposition n'y a de desaccord que chez le seul Epiphane, dont 1'as-
d'ailleurs n'existe pas dans le quatrieme Evangile. Voir sertion est certainement fausse. Mais il est un argument
Joa., x, 16; xi, 52; xn, 32. L'Evangile parle, aussi bien interne qui a fait douter certains hiterpretes, meme catho-
que 1'Apocalypse, de la resurrection des corps, que le Fils liques (par exemple, Beelen), et qui les a inclines a placer
de Dieu operera au dernier jour, et qui sera suivie du sous Neron 1'exil a Patmos. Apoc _ xi, 1, 2, 8, parle de
jugement. Joa., v, 28, 29; vi, 39, 40; xi, 24; xn, 48. D'un Jerusalem et du temple comme si la ville sainte et son
autre cote, 1'apocalyptique connait tres bien 1'avenement sanctuaire etaient encore debout. Cet argument est faible,
mystique du Christ dans les ames. Apoc., in, 20. II est vrai car la Jerusalem et le temple de 1'Apocalypse sent sym-
que dans 1'Apocalypse le Christ se montre comme le ven- boliques. D'ailleurs les lettres de I'Apotre aux Eglises
geur de sa gloire outragee, dans 1'Evangile, comme le Sau- d'Asie nous montrent ces Eglises dans un etat ou elles
veur qui ne condamne personne, Joa., in, 36; vin, 44, etc.; n'ont pu se trouver que bien des annees apres la lettre
mais les circonstances sont tout autres : tout le Nouveau de saint Jude et la seconde de saint Pierre. Les heresies,
Testament inculque la doctrine du double avenement du dont les germes seuls apparaissent dans ces derniers do-
<Christ: le premier, plein d'humilite et de douceur : c'est cuments, on les trouve toutes developpees dans les lettres
1'avenement du Redempteur du monde; le second, plein apocalyptiques; et certes ce n'est pas deux ou trois ans
de gloire et de sainte terreur: c'est 1'avenement du sou- apres la mort de saint Paul que ces Eglises d'Asie, culti-
verain juge des vivants et des morts. Par ce second ave- vees avec tant de soin par le grand Apotre, auraient eu
nement, le Christ subjuguera tous ses ennemis, et les besoin d'admonestations aussi severes. Enfin le ev r5j
Teduira a etre 1'escabeau de ses pieds. I Cor., xv, 24-28. xuptaiqj v)|J.epa, le dimanche, Apoc., i, 10, n'etait pas-
L'Apocalypse, loin d'etre une sorte d'antithese de 1'Evan- encore sanctifie par les Chretiens avant la destruction de
gile de saint Jean, en est, au contraire, un brillant cou- Jerusalem. Barnabe parle de 1'abolition du sabbat et de la
ronnement. Comme le quatrieme Evangile est 1'histoire celebration du huitieme jour. Epist., xv, t. n, col. 772.
<du Verbe incarne habitant parmi nous, on pcut dire que Ignace d'Antioche est le plus ancien auteur qui appclle
747 APOCALYPSE
ce jour jour du Seigneur . Ad Magnes., ix, t. in, legitimes. Enfin le nom de Neron Qesar ne vaut 666 que-
col. 669. par 1'omission du yod que donne la transcription de Kat-
Plusieurs rationalistes trouvent la clef de toute 1'Apo- crap. En ajoutant cette consonne, on trouve 676. Cette
calypse dans un fait rapporte par Tacite, Hist., n, 8; omission du yod est inadmissible. II est vrai que, pour
I, 2, et par Suetone, Nero, 57. La Grece et 1'Asie con- la justifier, on allegue des inscriptions palmyreniennes du
curent, dit Tacite, de grandes terreurs. On y disait que ine siecle, ou Kafoap est transcril sans yod; mais ces
Neron, fugitif, n'etail pas mort de sa blessure; qu'il allait monuments, ecrits deux cents ans apres 1'Apocalypse, et
bientot reparaitre. Alors, dit Suetone, d'apres une ruraeur dans une region semitique, ne prouvenl nullement que
qui prenait a Rome beaucoup de consistance, Neron acca- saint Jean, en Asie, ait transcril de la meme maniere
blerait de maux ceux qui s'etaient declares centre lui. defectueuse le nom de Cesar. Ce nombre de la Bete a
Plusieurs imposteurs mirent a profit ces vaines terreurs. et exerce de tout temps la sagacite des interpretes Chretiens,
tacherent de se faire passer pour le tyran revenu a la vie. et plusieurs de leurs hypotheses valent mieux que celle
Un d'entre eux eut tant de vogue, qu'il fut puissamment que les rationalistes vantenl de nos jours comme la seule
aide dans son entreprise par les Parthes, alors les plus acceptable.
redoutables ennemis du nom romain. Tel etant 1'elat des Concluons qu'il faut s'en tenir a la tradition commune,
esprits en Asie, les Chretiens, dit-on, appliquerent a Neron et placer la redaction de 1'Apocalypse sous Domilien, vers
ce qui leur avail ete enseigne sur 1'Antechrisl, car celui-ci la fin de son regne, c'esl-a-dire en 1'annee 95.
n'etait autre que le monstre couronne qui venait de dispa- IV. Caractere prophetique de 1'Apocalypse. II est
raitre. L'Antechrist, d'apres les prophelies, devail elre exter- attesle par sainl Jean lui-meme, lorsque cet Apotre nomme
mine par le Christ lui-meme, revenu sur la terre; cela ne son livre une Revelation de Jesus - Christ, qui lui a ele
s'etait pas fait au moment de la chute de Neron : ce tyran communiquee par un ange. Sainl Jean apparait dans son
Jevait done revenir et renouveler la persecution centre Apocalypse comme un envoye du Christ-Dieu, charge par
les fideles jusqu'a ce que le Christ le tuat d'un souffle de lui de communiquer aux hommes les volonles du ciel et
sa bouche. Is., xi, 4; II Thess., n, 8. Cette persuasion des les visions myslerieuses qu'il a vues se derouler devant
Chretiens est, disent ces auteurs, clairement insinuee dans ses yeux. De plus, 1'auteur sacre assure que ces visions se
Apoc., XVH, 9-10. Les sept teles de la Bete sont sept rois; rapportenl a des evenements fulurs, qui doivenl s'accom-
cinq sont tombes, Augusle, Tibere, Caligula, Claude, Neron; plir bientot. Apoc., I, 1. Enfin il donne aux choses renfer-
il y en a un qui est roi a presenl, c'est Galba, le sixieme; mees dans son livre le nom meme de prophetle, i, 3;
un autre, le septieme, n'est pas encore venu, et, quand il xxn, 7. Quiconque admet 1'inspiration divine de 1'Apoca-
sera venu, il doit rester peu de lemps. II faul a 1'auteur lypse ne peut done pas metlre en doute son caraclere
de 1'Apocalypse sept empereurs pour parfaire le nombre rigoureusemenl prophetique, reconnu d'ailleurs par la
sacre; le septieme ne peut rester que peu de temps, parce Iradilion constante de 1'Eglise. II resulte de la que 1'on
qu'il doil avoir disparu lors de la parousie ou seconde doit rejeter, sans examen ullerieur, loule explication qui
venue du Christ, laquelle esl Ires proche. Le huitieme denie ce caractere au conlenu de 1'Apocalypse. Le ralio-
roi, continue le texte apocalyplique, c'est la Bete qui etait nalisme prelend que ce livre n'esl qu'un poeme religieux,
et n'est pas, c'est-a-dire qui elail roi jadis el qui ne Test destine a consoler et a encourager les fideles accables sous;
plus, mais le deviendra, et prendra ainsi la huilieme place le poids des persecutions. Le peu qu'il se hasarde de pre-
dans la serie royale. II esl un des sepl (car il a regne avanl dire par rapporl aux choses futures, il le lire soil de conjee-
Galba), et il s'en va a sa ruine, devant elre lue par le lures probables sur la marche des evenemenls dans 1'em-
souffle de la bouche du Christ revenu glorieux sur la terre. pire romain, soil du ferme espoir qu'il partageait avec tous
Voila done, d'apres cetle ecole incredule, le noyau histo- les disciples du Chrisl touchant le retour prochain el glo-
rique autour duquel se groupent lous les details de 1'Apo- rieux du Sauveur. Persuade qu'alors le Chrisl reduirait
calypse. (II y en a qui comrnencenl la serie des rois a neant tous ses ennemis, 1'apocalyptique, donnant libre
par Jules Cesar. Ceux-la placenl la prelendue vision cours a ses fictions poetiques, decrit en images brillantes.
sous Neron, et la redaction sous Galba, le seplieme roi, et variees la vengeance que le Messie exercera contre les
dont 1'auteur apocalyptique prevoil la chute prochaine.) persecuteurs de ses fideles. Ces visions, du resle, ne sont
L'hypolhese, ajoule-t-on, est confirmee d'une maniere guere autre chose que celles de Daniel el d'Ezechiel,
eclatante par Implication du nombre de la Bete, 6(36. Ce legeremenl modifiees et adaplees aux idees chreliennes.
nombre, comple suivanl la valeur des lellres hebraiques, Tel esl, en resume, le poinl de vue de 1'exegese incre-
n'est autre que celui du nom Neron Qesar, Nepwv KaTvap. dule. II est le meme pour 1'interpretalion de toules les.
En elTet, ce nom vaut, selon la suile des consonnes, prophelies donl elle ne peul pas nier 1'aulhenlicite. Nous
50 + 200 + 6 + 50+100 + 60 + 200, donl la somme est parlerons plus loin des ressemblances qu'offrent les visions-
exactemenl 666. II suivrail de tout cela que 1'Apocalypse apocalyptiques avec celles des prophetes de 1'Ancien Tes-
aurait ete ecrite 1'an 68 ou 69. tament
Toul ce sysleme d'explicalion, inconciliable avec 1'ins- Les interpreles orlhodoxes sont loin d'etre d'accord sur
piralion de 1'Apocalypse, repose sur une base forl fragile. le sens precis dt,s visions prophetiques de 1'Apocalypse.
Les auteurs qui y adherent ne prouvenl en aucune maniere Nous ferons connaitre les principaux systemes d'expli-
que les Chretiens d'Asie aient e'le persuades du relour pro- cation qui ont cours parmi eux. Mais auparavant il nous
chain de Neron au poinl de ne pas hesiler a appuyer desor- faut donner une analyse succincle de loul le livre.
mais sur un fail aussi invraisemblable loutes leurs espe- V. Analyse du texte. 1 Inscription. I, 1-3. Elle
rances messianiques relatives a 1'avenement glorieux du donne le nom de celui qui recut et ecrivit la Revelalion
Sauveur. Ce qui est dil du passage Apoc., xvn, 9, 10, est de Jesus-Chrisl ; 1'argumenl general du livre est le fruit
convaincu de faussete en ce que Ton confond la Bete elle- salutaire qu'il doit produire.
meme (bestia... ipsa octavo, est) avec une de ses sepl 2 Prologue, i, 4-in, 22. Huit communications ou
leles. On repond a celle difficulle que Neron elanl le messages: la premiere a tous les fideles, i, 4-20 : 1'Apotre
dernier empereur legitime nomme par le senat, 1'empire fail savoir qu'il a regu a Palmos 1'ordre d'ecrire ces visions
se resume en sa personne, et qu'ainsi il est a la fois une et d'envoyer son ecrit aux Eglises. Les sepl aulres mes-
des tetes de la Bete et la Bete elle-meme. II faut avouer sages sont adresses chacun a une des sept Eglises d'Asie;
que cette solution est plus ingenieuse que solide. Si les les anges de ces Eglises y recoivent les eloges et les
empereurs romains qui suivirent Neron ne furenl plus reproches merites. et les avis qui leur conviennent.
nommes par le senat, mais par les armees, la plupart ii. 1-ni, 22.
d'entre eux furent confirmes dans leurs pouvoirs par I'au- 3 Les visions a transmeltre aux Eglises. IV, 1-xxn, 5.
guste assemblee, et regardes des lors comme souverains Elles constituent le corps de tout le livre.
APOCALYPSE 750
1. Introduction. Saint Jean raconte ou et comment mont Sion. Les elus chantent ses louanges. xiv, 1-5. Trois
il a recu ces revelations. Ravi au ciel, il voit le trone de anges annoncent successivement la ruine de la grande
Dieu entoure de vingt-quatre vieillards et de quatre ani- Babylone et de tous ceux qui portent la marque de la Bete;
maux qui chantent ses louanges. iv, 1-11. bienheureux, au contraire, sont ceux qui meurent dans
2. Vision des sept sceaux. Celui qui occupe le trone le Seigneur, xiv, 6-13. Quelqu'uri semblable a un fils
tient en mains un livre scelle de sept sceaux; il le donne de 1'homme et un ange s'en vont, armes d'une faux
a TAgneau divin, qui seul peut les ouvrir. v, 1 -14. tranchante, pour couper les rameaux des vignes; ils les
a) Ouverture des quatre premiers sceaux. Le prophete jettent dans le puits de la colere de Dieu. xiv, 14-23.
voit apparaitre successivement quatre chevaux : un blanc, 4. Vision des sept coupes. Sept anges recoivent d'uri
qui va a la victoire, un roux, un noir, un de couleur des quatre animaux sept coupes contenant les sept plaies
pale; les cavaliers des trois derniers recoivent 1'ordre dernieres . xv, 1-8. Ils en repandent le contenu sur la
d'affliger la terre de diverses calamites. vi, 1-8. b) Ou- terre, sur la mer, sur les cours d'eau, sur le soleil, sur
verture du cinquieme sceau. Les martyrs demandent a la demeure de la Bete, sur 1'Euphrate, sur 1'air. De la
Dieu vengeance de leurs persecuteurs. vi, 9-11. c) Ou- des calamites nouvelles. xvi, 1-21.
verture du sixieme sceau. La terre tremble, des prodiges 5. Annonce de la ruine de la grande Babylone.
effrayants apparaissent dans le ciel, et les habitants de la a) Un de ces sept anges montre a 1'Apotre la ruine de la
terre sont frappes de terreur a 1'approche du grand jour grande Babylone. Saint Jean en donne la description :
de la colefe de Dieu et de 1'Agneau. vi, 12-17. Un ange c'est la grande prostituee, assise sur les grandes eaux,
imprime ensuite sur le front des elus le signe du Dieu portee par une bete a sept tetes et a sept cornes; elle est
vivant. vn. d) Ouverture du septieme sceau. Elle est ivre du sang des saints, xvn, 1-18. b) Un second ange
suivie d'une demi-heure de silence dans le ciel, et amene proclame la chute de Babylone, xvm, 1-3; une voix celeste
la vision des sept trompettes. vm, 1-2. avertit les justes d'en sortir. xvm, 4-8. Lamentations sur
3. Vision des sept trompettes. Sept anges recoivent sa ruine. xvm, 9-20. c) Un troisieme ange declare que
de Dieu autant de trompettes, pour annoncer au monde cette ruine sera eternelle. xvm, 21-24. Joie et jubilation
les secrets renfermes sous le septieme sceau. vm, 2. Un dans'le ciel. xix, 1-10.
autre ange offre a Dieu, dans un encensoir d'or, les prieres 6. Lutle derniere du Verbe divin avec le dragon.
des saints; ayant ensuite rempli cet encensoir du feu de a) Le Verbe de Dieu s'avance a la tete d'une armee celeste
1'autel, il repand ce feu sur la terre, et y produit aussitot pour combattre la Bete et son armee. xix, 11-18. La Bete
des phenomenes terrifiants. vm, 3-5. Les sept anges se est vaincue ainsi que son faux prophete; ils sont tous deux
disposent a sonner de la trompette. vm, 6. a) Les jetes dans I'ab3me. xix, 19-21. b) Un ange saisit le
quatre premieres trompettes. Destruction du tiers de la dragon, le precipite dans 1'abime, ou il le tient enchaine
terre, de la mer, des cours d'eau, des etoiles. vm, 6-12. pendant mille ans. xx, 1-3. c) Les justes ressuscitent
b) Un triple cri de : Malheur se fait entendre. II et regnent avec le Christ pendant mille ans. xx, 4-6.
annonce aux habitants de la terre la triple calamite qui d) Cette periode ecoulee, Satan, le dragon, sera delie. II
va fondre sur eux au son des trois dernieres trompettes. seduira les nations et fera par elles la guerre aux saints;
vm, 13. c) La cinquieme trompette. Le puits de 1'abime mais, vaincu de nouveau, il sera precipite avec la Bete et
est ouvert, et il en sort des sauterelles prodigieuses; il le faux prophete dans 1'enfer, pour y subir des tourments
leur est permis de tourmenter pendant cinq mois tous les eternels. xx, 7-10. e) Resurrection generate des morts,
hommes non marques du signe de Dieu. G'est le premier jugement universel : 1'enfer, la mort et quiconque n'est
malheur . ix, 1-12. d) La sixieme trompette. Quatre pas inscrit dans le livre de vie sont jetes dans 1'etang de
anges a la tete d'une troupe nombreuse et formidable de feu. xx, 11-15.
guerriers montes sur des chevaux prodigieux font perir 7. Benouvellement du ciel, de la terre et de la ville
le tiers des hommes; neanmoins ceux qui restent ne font sainte. Saint Jean voit un ciel nouveau et une nouvelle
point penitence, ix, 13-21. Un ange apparait, tenant en terre; du ciel descend la Jerusalem nouvelle, pleine de
main un volume ouvert. A sa voix eclatent sept coups de splendeur; Dieu vient y habiter parmi les hommes. xxi,
tonnerre dont la signification doit rester secrete. Apres 1-8. Un des sept anges la montre au voyant. xxi, 9-xxn, 5.
avoir jure qu'il n'y aura plus de temps , 1'ange ordonne 4 Epilogue. Le Christ lui-meme, par la bouche
au Voyant de devorer le volume, pour qu'il fasse de nou- d'un ange, confirme la verite de toute la prophetic apo-
veau entendre aux Gentils sa voix prophetique. x, 1-11. calyptique; il assure que les choses qui y sont predites
Ensuite celui-ci recoit 1'ordre de mesurer le temple, excepte s'accompliront bientot, et il defend qu'on ajoute ou qu'on
le parvis exterieur, abandonne aux Gentils pour qu'ils le retranche quoi que ce soit a cette prophetic. XXH, 6-20.
foulent aux pieds pendant quarante-deux mois. Durant Le prophete souhaite a tous la grace du Seigneur,
ce temps, les deux temoins du Seigneur precheront et xxii, 21.
feront des prodiges. xi, 1-6. Tues par la Bete sortie de VI. Interpretation de I'Apocalypse. Toute prophetie
1'abime, ils ressusciteront et rnonteront au ciel. xi, 7-12. est difficile a expliquer. Mais la difficulte augmente sin-
Alors un tremblement de terre detruit le dixieme de la gulierement quand les choses qui font 1'objet de la pro-
ville, et fait perir sept mille hommes; les autres, terrifies, phetie sont presentees sous des images symboliques. II
rendent gloire a Dieu. xi, 13. C'est le second malheur . en est ainsi de 1'Apocalypse. Des les premiers siecles de
xi, 14. e) La septieme trompette. Les vingt-quatre 1'ere chretienne, on a tente de determiner le vrai sens de
vieillards celebrent la victoire de Dieu. xi, 15-19. Une ce livre; mais son obscurite a donne lieu aux interpreta-
femme apparait, elle va enfanter un fils qui regnera sur tions les plus diverses. Ce serait un travail aussi long que
les nations; en meme temps se montre un dragon roux, fastidieux de vouloir se rendre compte de tous les sys-
pret a devorer 1'enfant. xii, 1-4. Celui-ci est enleve au temes d'explication qui ont ete proposes. Ces systernes
ciel; sa mere s'enfuit au desert; le dragon, vaincu par peuvent se reduire a trois classes, que nous allons exposer
saint Michel, est precipite du haut du ciel. xii, 5-12. Alors brievement, sans nous arreter aux details de chacun des
le dragon (le troisieme malheur ) poursuit la femme et systemes en particulier.
fait la guerre aux justes qui sont sur la terre. xii, 13-18. La premiere classe rapporte les propheties apocalyp-
Deux betes montent, 1'une de la mer, 1'autre de la terre. tiques aux ages successifs de 1'Eglise, a commencer par
Celle-la se fait adorer avec le dragon, dont elle partage la fage apostolique jusqu'au dernier age, qui se termine a
puissance; 1'autre seduit les hommes par des prestiges, et la venue glorieuse du Christ. La seconde classe met 1'ac-
les amene violemment a adorer 1'image de la premiere bete. complissement de la plupart des predictions du voyant de
Le nombre de la Bete est 666. xm, 1-18. L'Agneau, entoure Patmos dans la chute du judaisme et du polytheisme; les
des elus marques du signe de Dieu, se tient debout sur le derniers chapitres seuls parlent sommairement, de la fin
731 APOCALYPSE 752
du monde. La troisieme classe voit dans toute 1'Apocalypse France; en Allemagne, Hug, Stern, Allioli, Scholz, Aberle.
!a prediction des destinees dernieres de I'Eglise au temps Parmi les protestants, plusieurs adopterent ce genre d'ex-
de 1'Antechrist, tandis que 1'histoire de 1'epoque primitive plication, tels que Grotius et Wetstein. Bossuet partage
de 1'Eglise n'y est touchee que legerement et comme en 1"Apocalypse en trois parties: les avertissements, n. 1-ui, 22;
passant. les predictions, iv, 1-xx, '15; les promesses, xxi, 1 et suiv.
On est assez generalement d'accord pour placer le pro- Les predictions se divisent a leur tour en trois sections.
logue en dehors de la serie des propheties proprement a ) Vengeance de Dieu exercee sur les Juifs. iv, 1-viu, 12.
dites de 1'Apocalypse. Celles-ci, en effet, ne commencent Preparation de cette vengeance dans la vision des sept
qu'a purtir du chapitre iv. On admet aussi communement sceaux. Vengeance exercee sous Trajan et Hadrien, sym-
que ces propheties sont rangees selon 1'ordre chronolo- bolisee par les deux premieres trompettes. Motifs des rnal-
gique des evenements qu'elles predisent, de sorte que les heurs d'Israel manifestos par la troisieme et la quatrieme
faits predits par les sept sceaux precedent ceux qui sont trompette. b) Les heresies judaisantes : ce sont les sau-
annonces par les sept trompettes; viennent ensuite les faits terelles annoncees par la cinquieme trompette. ix, 1-12.
-symbolises par les sept coupes. Quelques prolapses, que c) Ruine de 1'empire remain, ix, 13-xx, 15. La grande
Ton rencontre ca et la, ne portent aucune atteinte a cette defaite de 1'empereur Valerien, proclamee par la sixieme
supposition. Saint Augustin, saint Victorin, Primase, le trompette. L'Apotre declare, dans la vision de la septieme
venerable Bede et, apres eux, quelques modernes sont trompette, quelle est la cause de la ruine de 1'empire : ce
d'avis que les diverses visions sont en partie ou des reca- sont les persecutions exercees centre les Chretiens. La plus
pitulations ou des repetitions visant les memes evenements terrible est celle que suscita Diocletien; cet empereur est
futurs. Contentons-nous d'avoir fait mention de cette hypo- la Bete de FApocalypse, dent le nom vaut 666, c'est-a-dire
these, et montrons brievement les precedes suivis par les DIoCLES AVoVsiVs. Les sept coupes symbolisent la deso-
interpretes, selon qu'ils appartiennent respectivement a lation de 1'empire romain, a partir de Valerien. Puis on
1'une des trois classes indiquees plus haut. parle des sept rois persecuteurs de 1'Eglise, des dix
Premiere classe. L'Apocalypse embrasse toute 1'his- rois barbares, instruments de la colere de Dieu, qui
toire de 1'Eglise et celebre les triomphes que le Christ a viennent tour a tour fondre sur les Romains; enfm la ruine
remportes sur ses ennemis aux diverses epoques de cette de Rome et de sa puissance est consommee sous Alaric.
histoire. La plupart distinguent dans la prophetic sept L'eveque de Meaux n'ose pas entreprendre de percer
visions. Mais ils ne sont plus d'accord quand il s'agit d'en le voile qui couvre la prophetic du chapitre xx, dont
expliquer le symbolisme. Parmi les anciens, 1'abbe Joachim les evenements doivent s'aceomplir dans le temps futur.
(le premier qu'il faut ranger dans cette classe) veut que Allioli explique cette prophetic de la paix dont jouit
les sept visions regardent respectivement les sept etats des 1'Eglise apres la ruine de 1'idolatrie: cette paix est repre-
fideles dans 1'Eglise : les Apotres, qui fonderent 1'Eglise; sentee par le regne millenaire du Christ avec ses saints.
les martyrs, qui la confirmerent de leur sang; les doc- Ce regne doit prendre fin par la venue de 1'Antechrist.
teurs, qui 1'eclairerent de leur enseignement; les anacho- Celui-ci renouvellera les persecutions centre 1'Eglise, mais
retes, qui I'edifierent par leurs vertus; les vierges, qui en il sera vaincu et extermine. Apres cela auront lieu la resur-
furent 1'ornement; les pontifes, qui la gouvernerent; les rection et le jugement universel, et le monde sera renou-
saints, qui travaillerent a la reformer par leur parole et par vele. xx, 7-xxn, 5.
leur exemple. Au xvne siecle, le venerable Holzhauser Troisieme classe. Aucune prediction de 1'Apocalypse
remplace les sept etats par les sept ages de FEglise, deja ne s'est accomplie jusqu'ici; la prophetie apocalyptique
represented, croit-il, quoique en raccourci, par les sept regarde surtout les derniers temps de 1'Eglise et de ce
lettres du prologue. II distingue ainsi 1'age seminal ou monde. Beaucoup de Peres de 1'Eglise sont de cet avis :
apostolique (1'ange d'Ephese); 1'age irrigatif ou des mar- Irenee, Hippolyte, Augustin, Andre de Cesaree, Aretas,
tyrs (Tange de Smyrne); 1'age illuminatif ou des docteurs, Victorin, Primase, Bede. Plus tard, cette opinion se ren-
depuis Constantin jusqu'a Charlemagne (1'ange de Per- contre chez Alcuin, Rupert, Martin de Leon, Ribera,
game); 1'age pacifique ou du regne social du Christ, Pererius, a Lapide, etc. De nos jours, elle est soutenue par
depuis Charlemagne jusqu'a Charles V (1'ange de Thya- Bisping, M9r Krementz, Kaulen, Comely, etc.
tyre); 1'age purgatif ou des epreuves salutaires, commen- Bisping tire toute son explication du parallelisme qu'il
cant a Charles V et durant encore, jusqu'a 1'avenement d'un croit decouvrir entre 1'Apocalypse et la prophetie des
saint pontife et d'un grand empereur (1'ange de Sardes); soixante-dix semaines de Daniel. Selon lui, Daniel annonce
1'age consolatif, preparant les fideles aux tribulations des la venue du Messie apres les sept premieres semaines;
derniers temps (1'ange de Philadelphie); 1'age desolatif, les soixante-deux semaines qui suivent s'occupent de 1'edi-
ou de 1'Antechrist (1'age de Laodicee). Get age se termi- fication de Jerusalem, c'est-a-dire de la fondation et de la
nera par le dernier jugement. Cette explication de Holz- propagation de 1'Eglise. L"Apocalypse s'occupe des memes
hauser est acceptee par Haneberg et louee par Hurter, soixante-deux semaines dans les sept lettres aux Eglises
Nomenclator littemrius, t. i, p. 795. On la trouve deja en d'Asie : ce sont des avis donnes a 1'Eglise pour tous les
germe dans les idees emises par Andre de Cesaree, Bede temps, sans distinction des diverses epoques de son his-
et d'autres auteurs anciens, qui donnaient comme symbole toire. A partir du chapitre iv commencent les predictions
des sept ages de 1'Eglise les sept chevaux apocalyptiques. relatives au temps de 1'Antechrist et de la fin du monde.
vi, 2 et suiv. Elles repondent a la soixante-dixieme semaine de Daniel,
Deuxieme classe. Aucun interprete ancien ne vient laquelle, dit Bisping, symbolise la meme epoque. Dans
s'y ranger. Salmeron fut le premier qui rapporta la pre- ces oracles apocalyptiques, cet auteur distingue trois actes.
miere partie, la plus considerable, de la prophetic apoca- Le premier, iv, 1-xi, 14, apres une introduction, de'crit
Jyptique aux evenements des premiers siecles de 1'Eglise. divers lleaux et les persecutions de cette epoque supreme;
Apres lui, Alcazar developpa davantage 1'explication; puis il annonce le jugement D de Dieu sur les Juifs,
Foreiro y adhera dans son commentaire sur Isaie, xxxiv; lequel a pour resultat la conversion de la plus grande
mais ce fut surtout Bossuet qui donna une grande celebrite partie d'entre eux. Le second acte, xi, 15-xx, 16, predit
a ce systeme d'interpretation, qu'il adopta, modifia et les destinees de 1'Eglise a 1'epoque de 1'Antechrist, les
exposa magistralement dans un ouvrage special, L'Apo- derniers fleaux qui accableront la terre et annonceront
calypse avec une explication, Paris, 1689. L'autorite de le jugement prochain, enfin le jugement de Dieu sur
1'illustre prelat, non moins que les arguments qu'il sut Baljylone et 1'Antechrist. Cet acte est suivi du regne mil-
faire valoir, acquirent a son commentaire un grand nombre lenaire des bienheureux. Le troisieme acte, xx, 7-xxn, 5,
d'adherents, parmi lesquels on compte des exegetes dis- donne la consommalion , c'est-a-dire les derniers
tingues, tels que Dupin, Calmet, Lallemant, Bacuez, en combats de Satan coritre le Christ, le triomphe de celui-
753 APOCALYPSE 754
ci, le renouvellement du ciel, de la terre et de la cite de du livre prophe'tique demeuTeilt done entieres, puisqud
Jerusalem. aucun e venement passe ou present n'est venu les eclairer.
Ma r Krementz, aujourd'hui archeveque de Cologne, L'Apocalypse, dernier ecrit inspire, repondrail ainsi parfai-
s'eloigne de 1'auteur precedent en ce qu'il fait corres- tement au premier des Livres Saints; car, comme la Genese
pondre chacune des sept lettres aux Eglises respeclivement nous revele rorigine de toutes choses, ainsi 1'Apocalypse
a sept ages successifs de 1'Eglise, depuis sa fondation nous en revelerait la consommation. Beaucoup d'inter-
jusqu'a sa consommation a la fin du monde. A ses yeux, pretes modernes se rangent dans cette classe. On leur
lous-les oracles de 1'Apocalypse nous presentent la glo- oppose pourtant 1'accord frappant, meme jusqu'aux menus
rification du Christ, et se partagent en trois visions. La details, entre plusieurs oracles apocalyptiques et lesfaits qui
premiere a pour theatre la terre : c'est la glorification du accompagnerent la chute de 1'empire romain, la ruiae du
Christ docteur. i, 9-m, 22. La seconde a pour theatre le juda'isme et 1'extirpation de 1'idolatrie.
ciel ferme : c'est la glorification du Christ pretre, sym- Le regne millenaire est a peu pres egalemenl difficile
itolise par 1'Agneau divin. L'Eglise, en butte aux perse- a expliquer dans tous les systemes. La meilleure maniere
cutions des derniers temps, parcourt (antitypiquement) de 1'entendre est peul-etre d'y voir 1'annonce de la paix
les diverses phases de la passion du Sauveur; elle ressus- dont jouit 1'Eglise apres les persecutions et les grandes
cite avec lui lors du triomphe final du Christ sur ses heresies, surtout a partir de Charlemagne.
ennemis. iv, 1-xix, 10. La Iroisiemc partie a pour theatre VIII. Difficultes contre I'inspiralion de 1'Apocalypse.
le ciel ouvert: c'est la glorification du Christ prince de Nous n'avons plus a nous occuper des theories ratio-
la paix, vainqueur de ses ennemis. Le Sauveur remporte nalistes relatives a la composition de ce livre: elles ecartent
une victoire definitive sur les puissances infernales; il d'avance toute idee d'inspiration. Mais nous dirons quel-
glorifie son Eglise sur la terre : c'est le regne millenaire; ques mots de deux difficultes que 1'etude de 1'Apocalypse
puis il 1'eleve au ciel. Ainsi 1'Eglise imite son divin peut suggerer aux lecteurs meme orthodoxes.
modele descendant aux enfers, passant sur la terre qua- 1 Ce livre, dit-on, manque absolument d'originalite;
rante jours de sa vie glorieuse, et montant enfin au ciel. il n'a presque aucun concept, presque aucune image qui
xix, 11-xx, 10. Suit comme conclusion le jugement der- ne se retrouvent dans les propheties de FAncien Testa-
nier, xx, 11-15, et le regne pacifique de Dieu sur toutes ment, surtout dans celles de Daniel et d'Ezechiel. Tout
les creatures. Tout y est renouvele, la terre, le ciel, la cite recernment, un ecrivain allemand, M. Eb.Vischer, a sou-
de Jerusalem : c'est le regne du bonheur supreme pour tenu que 1'Apocalypse n'est qu'un livre juif interpole par
les ems, du malheur supreme pour les reprouves. xxi, un Chretien. II suffit d'y faire quelques suppressions
1-xxn, 5. Le tout se termine par un epilogue. XXH, 6-21. (indiquees par cet auleur) pour retrouver, dit-il, 1'Apo-
VII. Critique sommaire de ces systemes d'explication. calypse juive primitive. M. Vischer aurait du nous
Les inlerpreles qui se rangent dans la premiere classe expliquer comment un livre juif ainsi remanie a pu
supposent que Dieu a voulu, dans les oracles de 1'Apoca- etre recu par les fideles et par les disciples des Apotrcs
lypse, donner a son Eglise, dans les conditions par les- comme exprimant les revelations recues par saint Jean, et
quelles elle doit passer successivemenl, les avis, les conso- communiquees par cet Apotre aux Eglises d'Asie. Le
lations et les encouragements qui lui conviennent respec- voyant de Patmos ne serait-il done qu'un habile plagiaire
tivement a chacun de ses ages. Ce dessein serait certai- qui, sans avoir rien vu, aurait simplement presente sous
nement digne de Dieu; mais, s'il fut tel en realite, les une forme chretienne les visions des anciens propheles ?
propheties, a mesure que se deroulent les ages successifs, M. Bacuez, dans son Manuel biblique, t. iv, n951, repond
devraienl s'eclaireir en presence des evenements qui les tres bien a cette allegation (que les incredules font sonner
verifient. Or il n'en est pas ainsi. Pour s'en convaincre, tres haul) liree des ressemblances incontestables entre
il suffit de remarquer que les auteurs de la premiere 1'Apocalypse et les propheties d'Israel : Ce n'est pas au
classe se considerent presque tous comme a peu pres hasard, dit-il, ni a une imitation volontaire ou re'fle'chie
.contemporains de 1'Antechrist, le temps ou ils vivent a qu'on doit attribuer ces ressemblances. Saint Jean ne s'est
pour eux tous les caracteres du dernier age du monde; jamais propose de rivaliser avec les prophetes, ni de repro-
ainsi il se fait que, si Ton suit ces auteurs chronologi- duire leur lilterature; mais, se trouvant dans les merries
quement, ce dernier age recule constamment de siecle conditions qu'eux, il a parle naturellement le meme Ian-
en siecle. D'ou il faut conclure que les predictions de gage. Etant inspire par le meme esprit, ayant a annoncer
TApocalypse ne sont pas devoilees suffisamment par les les memes evenements, a decrire les memes scenes, pour-
fails, au moins pour ce qui concerne les siecles qui sui- quoi n'aurait-il pas employe les memes traits? D'ailleurs,
virent la ruine de 1'empire romain. C'est la un tres fort sans etre savant, il avail lu leurs ecrits avec application
argument contre cette maniere d'expliquer. et assiduite; son espril elail rempli de leurs expressions,
La seconde classe d'interpretes ne sait rien nous dire de leurs figures, de leurs images; n'esl-il pas nalurel que,
-de precis quant aux oracles des derniers chapitres de pour lui reveler ses secrets, Dieu les lui ail presentes sous
1'Apocalypse; mais on ne peut nier, semble-t-il, qu'ils ces images et avec ces figures, de meme que, pour se
.expliquent d'une maniere fort plausible la plus grande communiquer aux autres prophetes, il a adopte leur Ian-
.partie des predictions qui, selon eux, visent rhistoire des gage habituel, leurs locutions et leur style? II ne faut
quatre premiers siecles de 1'Eglise. Ils ne sont pas d'accord, point, du reste, exagerer ces ressemblances. Les avis
il est vrai, sur certains details des visions; mais cela ne adresses aux eveques d'Asie sont un morceau propre a
prouve pas que ces visions ne se soient pas verifiees objec- saint Jean, ayant a peine une analogic eloignee avec la
livement, car des dissentiments pareils n'existent pas mission de Jeremie vers les rois des nations pour leur
moins pour plusieurs propheties messianiques de 1'Ancien presenter la coupe de la colere du Seigneur. Jer., xxv,
Testament. 11 y a accord quant a la substance, divergence 15-38. Les sept sceaux, les sepl trompettes el les sepl
quant aux details. II n'est done pas etonnant que 1'expli- coupes, qui determinenl les grandes divisions du livre, ne
cation de Bossuet, completee par celle d'Allioli, soit encore manquenl pas non plus d'originalile; el si la denomination
acceptee par beaucoup de bons esprits, en France et en de 1'Agneau divin Irouve son origine dans Isaie, LIII , 7,
Allemagne. la description de sa gloire et du culte qui lui est rendu
La troisieme classe a sur les deux autres le grand avan- est presque toul enliere propre a la vision apocalyplique.
'tage de reserver pour le temps futur toutes les visions de C'esl pareillemenl en vain que Ton chercherait dans les
1'Apocalypse, a 1'exception des sept lettres aux Eglises, qui anciens propheles le modele de la lutte engagee entre le
avoifrenl guere de difficulles, si on les suppose adressees dragon el ses anges, d'un cote, saint Michel et les esprits
reellement aux eveques des Eglises d'Asie, en vue de leur celestes, de 1'autre.
.instruction ou de leur correction. Toutes les obseurite's 2 II ne faul pas altacher plus de valeur a 1'objection
755 APOCALYPSE APOCALYPSES APOCRYPHES 756
tiree de 1'obscurite de ce livre prophetique, comme s'il saints. Plus on se penetre de ces verites : qu les elus
ne se composait que d'une serie d'enigmes indechiffrables, sont toujours dans la main de Dieu, que leurs afflictions
qu'il serait indigne de Dieu de proposer a son Eglise, et sont des epreuves destinees a accroitre leurs merites, que
inutile aux homines de vouloir comprendre. C'est le propre la malice de leurs ennemis ne saurait nuire par elle-meme
de toute prophetic d'etre obscure ; d'ordinaire, c'est seu- a leurs vrais interets, et qu'enfin il n'y a pour Tame qu'un
lement 1'evenement accompli qui en fait saisir le sens seul bien a desirer, 1'amour du Sauveur en ce monde et
precis. II y a meme des proprieties tres importantes, dont son royaume eternel dans 1'autre. Bacuez, Manuel
1'accomplissement resterait douteux pour nous, si 1'auto- biblique, t. iv, n 948.
rite du Nouveau Testament ou celle de la tradition de VIII. Commentaires principaux. 1 Commentaires
1'Eglise ne nous en donnait 1'assurance. Telle est, entre anciens. S. Hippolyte. Son explication de 1'Apocalypse
autres, la prophetie de 1'Emmanuel, fils de la Vierge. Dans a peri, mais Andre de Cesaree en a insere dans son
1'Apocalypse, d'ailleurs, il n'y a pas que des predictions eommentaire plusieurs sentences; Andre de Cesaree, In
d'evenements futurs. II y a le prologue, renfermant les Apoc. comment., t. Cvi, col. 215 et suiv.; Aretas de
avis aux sept eveques, les descriptions du ciel, des anges, Cesaree, Coacervatio enarrationum in Apocal., t. cvi,
des martyrs, du Fils de Dieu dans sa gloire, etc. Tout col. 499 et suiv.; (Ecumenius, Comment, in Apoc., en
ccla est suffisamment clair, quoique presente sous des appendicea la Catena grseca in Epist. cath., edit. Cramer,
formes pleines de poesie. Meme dans la partie prophe- Oxford, 1840; S. Victoria de Pettau, Scholia in Apoc.,
tique, il s'en faut bien que tout soit obscur, ou que 1'obs- t. v, col. 317 et suiv.; S. Paterius et Alulfus ont recueilli
curite soit si grande. II est vrai qu'a 1'origine il n'etait pas diverses explications apocalyptiques de saint Gregoire le
facile d'en preciser le sens; mais les evenements ont fait Grand, t. LXXIX, col. 1107 et suiv., 1397 et suiv.; Prima-
le jour, et les interpretes ont explique le texte. Bacuez, sius, Commentariorum libri quinque, t. LXVIII, col. 793
Manuel biblique, t. iv, n 920. Get auteur parle ainsi des et suiv.; V. Bede, Explanatio Apoc., t. xcm, col. 129;
interpretes qui, comme lui, suivent Bossuet. II continue: Cassiodore, Complexiones in Apoc., quelques textes seu-
Pour ce qui reste a accomplir, je le laisse, dit Bossuet, lement, t. LXX, col. 1405 et suiv.; Berengaudus, Expo-
a ceux qui en savent plus que moi, car je tremble en silio super septem visiones libri Apoc., t. xvn, col. 765;
mettant les mains sur 1'avenir; ncanmoins on a une Alcuin, Commentariorum libri quinque, t. c, col. 1087
certaine vue des evenements prevus et de leurs principaux et suiv.; Bruno d'Asti, Expositio in Apoc., t. CLXV,
caracteres. Par exemple, on ne saurait dire au juste quels col. 605 et suiv.; Bupert, Commentarii in Apoc., t. CLXIX,
fails precederont la fin du monde, ce que sera 1'Antechrist, col. 825; Richard de Saint-Victor, Explicatio..., t. cxcvi,
qunnd il viendra, ce que c'est que Gog et Magog, comment col. 683 et suiv.; S. Martin de Leon, Expositio..., t. ccix,
aura lieu la resurrection, etc. Mais on comprend fort bien col. 299 et suiv.
que la resurrection et ie jugement mettront fin a la duree 2 Commentaires modemes. Albert le Grand, Com-
du monde, qu'il y aura auparavant des epreuves terribles, mentarii, dans ses Opera, Lyon, 1651, t. xi; card. Hugues,
ua grand seducteur et un grand persecuteur: n'est-ce pas Opera, Venise, 1754, t. vn, p. 365 el suiv.; Thomas d'An-
assez pour craindre et louer Dieu, pour s'attacher a son gleterre, parmi les Spuria de saint Thomas d'Aquin, edit,
service, se confier a sa providence, se detacher de tout et de Parme, t. xxm, p. 325 et suiv.; 1'abbe Joachim, Expo-
aspirer au ciel? sitio magni prophetae abbatis Joachim in Apocalypsin,
Quant a 1'utilite de ce livre pour les enfants de 1'Eglise, Venise, 1527. Au xvie et au xvn c siecle, il parut plus
on peut dire qu'il n'y en a peut-etre aucun dans la Bible de trente Commentaires sur 1'Apocalypse, sans compter ceux
qui soit aussi fecond en enseignements dogmatiques et qui font partie des Commentaires compiets de la Bible,
moraux. On n'y rencontre presque aucun endroit ou la Les principaux sont : Ribera, Lyon, 1593; Viega, York,
divinite de Jesus-Christ ne nous soit revelee en des termes 1601; Boulenger, Paris, 1597; Pererius, Lyon, 1606;
et sous des images sublimes. II est le premier-ne d'entre Alcazar, Anvers, 1614; Kircher, Cologne, 1676; Bossuet
les morts, le prince des rois de la terre, 1, 5; le premier Paris, 1689; Holzhauser, Bamberg, 1784; Trotti de la
et le dernier, qui fut mort et est vivant, i, 17; il tient les Chetardie, Bourges, 1692; Vitringa, Leucopetra, 1721.
clefs de la mort et des enters, I, 18; il regit les nations 3 Commentaires recents. De Bovet, L'esprit de VApo-
avec un sceptre de fer, xix, 15; il conduit les bienheureux calypse, Paris, 1840; Bisping, Exegetisches Handbuch,
aux sources de la vie, vn, 17. L'Apocalypse tout entiere, Erkldrung der Apocalypse, Miinster, 1876; Krementz,
dit fort bien le P. Comely, Introd., t. in, n 250, p. 34, Die Offenbarung des h. Johannes, Fribourg, 1883; Vers-
qu'est-elie autre chose qu'un chant triomphal, un epitha- chraege, Clarse simplicesque explicationes Apoc., Tournai,
lame du Christ, celebrant, victorieux de tous ses ennemis, 1855; Lafont-Sentenac, Le plan de 1'Apocalypse, Paris,
ses noces divines avec 1'Eglise, son epouse? Nulle part, 1872; Waller, Die Offenbarung des h. Johannes, Rixheim,
dans la sainte Ecriture, 1'angelologie et la demonologie 1882; Bigou, L'avenir, Paris, 1887; Duprat, L'Apoca-
ne sont aussi developpees. Nulle part la gloire et le bon- lypse, 3 in-8, Lyon, 1889. Protestants: Hengstenberg,
heur des elus ne sont depeints sous des images plus Die Offenbarung des h. Johannes, Berlin, 1849-1851 j
magnifiques. La majeste et les attributs de Dieu y brillent Rougemont, La Revelation de saint Jean, Neuchatel,
du plus vif eclat; sa providence surtout, qui veille sur son 1866; Floerke, Die Lehre vom tausendjdhrigen Reiche,
Eglise, la gouverne, la delivre de ses ennemis, la venge Marbourg, 1859; Volkmar, Commentar zur Offenbarung
des injures qui lui sont infligees, la console dans ses tri- Johannes, Zurich, 1862. On consultera avec fruit les
bulations par les plus brillantes esperances. Nulle part introductions au Nouveau Testament de Kaulen, de Val-
les grandes verites morales, 1'importance du salut, la roger, de Comely, d'Aberle, le Manuel biblique de Ba-
vanite des grandeurs du monde, le domaine souverain cuez; et, du cote des protestants, surtout 1'introductiou
de Dieu, la rigueur de ses jugements, la realite de la vie au Nouveau Testament de Hilgenfeld. J. CORLUY.
future, 1'alternative inevitable d'un bonheur ou d'un mal-
heur sans fin, ne sont exprimes d'une maniere plus sai- APOCALYPSES APOCRYPHES. Nous partage-
sissante. Aussi n'est-il pas de lecture plus propre a donner rons cet article en deux sections : la premiere coasacree
a Tame le mepris des choses de la terre, la crainte de aux apocalypses d'origine juive, la seconde aux apoca-
Dieu, le desir du ciel, 1'amour des grandes vertus, du lypses d'origine chretienne.
detachement, de la fermete, de la patience, du sacrifice, I. APOCALYPSES JUIVES. Au contraire des apocalypses
du zele. Plus on s'en nourrit, plus on concoit de respect chretiennes, qui ne sont, pour la plupart, que des pas-
pour la majeste divine, d'horreur pour 1'impiete, de tiches tres tardifs de 1'Apocalypse canonique de saint Jean,
reconnaissance pour Notre - Seigneur, de confiance en sa ] les apocalypses juives sont de tous les apocryphes de
providence, d'admiration pour les martyrs et pour les ! 1'Ancien Testament ceux qui offrent le plus vif interet
757 APOCALYPSES APOCRYPHES 758
historique. L'etude comparee de ces apocryphes date de trieme section (ch. LXXXIII-XCI) : vision historique d'Enoch,
ce siecle, et, on Fa dit bien souvent et non sans raison, la succession des regnes et des semaines d'annees jusqu'a,
nous lui devons la reconstitution d'un chapitre extreme- la realisation des promesses messianiques. Cinquieme
ment iristructif de 1'histoire litteraire et religieuse du section (ch. xcn-cv) : harangue d'Enoch a ses enfants.
peuple juif. Elles sont, en effet, les monuments de la Fin. II y a dans tout ce vaste developpement des lon-
pensee juive, et de la pensee juive orthodoxe, palesti- gueurs, des inegalites et des redites, et nous verrons com-
nienne et non hellenistique, au i er siecle avant notre ere ment on les explique; cependant, dans I'ensemble, le Livre
et au i er siecle depuis ; elles comblent la lacune litteraire d'Enoch est a mettre au-dessus meme du Quatrieme
qui s'etend entre FAncien et le Nouveau Testament; et, livre d'Esdras, pour Finteret du sujet et pour Fetince-
par les esperanees si hautement messianiques qui sont lante poesie de Fexecution.
leur caracteristique commune, elles sont comme une Nous citerons, presque au hasard : La sagesse n'a point
sorte de prolongement et d'epilogue des prophetes cano- trouve sur la terre de demeure ou reposer sa tete; c'est
niques, en meme temps que le prologue de FEvangile. pourquoi elle a fait sa residence dans le ciel. La sagesse
Ainsi, et ainsi seulement, s'explique la faveur qu'elles out est descendue du ciel pour habiter avec les enfants des
rencontree dans 1'Eglise primitive, et comment, negligees hommes, mais elle n'a point trouve de demeure. Alors la
par les Juifs de la tradition talmudique, elles ne nous out sagesse est retournee vers son divin sejour et a pris sa
ete conservees que par des mains chretiennes. J'ajoute, place au milieu des saints anges. Et apres sa retraite rim-
mais avec toutes les reserves que comporte une opinion quite s'est presentee, et elle a trouve une demeure, et
dont certains critiques out tire des consequences auxquelles elle a ete recue par les enfants des hommes, comme la
nous ne saurions souscrire, j'ajoute que cette meme etude pluie est recue par le desert, comme la rosee est recue
comparee des apocalypses juives, lesquelles s'inspirent par une terre dessechee. XLII, 1-2... Le jour du chatiment
visiblement des prophetes canoniques et en particulier de et de la vengeance! En ce jour-la, je placerai mon elu au
Daniel, n'est pas peu propre a nous faire juger de la milieu des saints, et je changerai la face du ciel, et je
methode que les Juifs palestiniens de Fepoque asmoneenne 1'illuminerai pour 1'eternite, et je changerai aussi la face
et du temps des Herodes appliquaient a 1'intelligence des de la terre. XLV, 2-5... Laje vis FAncien des jours, dont
propheties messianiques et eschatologiques canoniques. la tete etait comme de la laine blanche, et avec lui un
M. Ililgenfeld, d'lena, un des rares survivants de 1'ecole autre, qui avait la figure d'un homme. Cette figure etait
de Baur, passe pour avoir inaugure cette etude comparee, pleine de grace, comme celle d'un des saints anges. Alors
dans son livre Die jiidische Apokalyptik in ihrer ge- j'interrogeai un des anges qui etaient avec moi et qui
schichtlichen Entwickelung, ein Beitrag zur Vorge- m'expliquaient tous les rnysteres qui se rapportent au Fils
schichte des Christenthutns, lena , 1857. Mais, depuis de 1'homme. Je lui demandai qui il etait, d'oii il venait
trente ans, ce chapitre d'histoire litteraire s'est sensible- et pourquoi il accompagnait 1'Ancien des jours. II me
ment developpe et enrichi, grace notarnment aux decou- repondit : Celui-la est le Fils de 1'homme, a qui toute
vertes de M. Dillmann et de Fabbe Ceriani; pour s'en justice se rapporte, avec qui elle habite, et qui tient la clef
rendre compte, on n'aura qu'a consulter le livre d'Emile de tous les tresors caches. Car le Seigneur des esprits 1'a
Schiirer, Geschichte des judischen Volkes im Zeitalter choisi de preference, et il lui a donne une gloire au-des-
Jesu Christi, Leipzig, 1886, t. n , p. 575-694, qui resume sus de toutes les creatures. Le Fils de 1'homme arrachera
avec autant de solidite que d'ampleur la litterature et les les rois et les puissants de leur couche voluptueuse; il
conclusions du sujet. mettra un frein aux puissants; il brisera les dents des
1 Livre d'Enoch. II vient le premier dans la serie pecheurs, etc. XLVI, 1-4... J'eus une vision dans mon lit.
des apocalypses palestiniennes, et c'est assurement la Voici un taureau sortant de terre, et ce taureau etait blanc.
plus importante. Cite par 1'auteur du Livre des Jubiles, Puis sortit une genisse, et avec elle deux jeunes veaux,
par 1'auteur du Testament des douze Patriarches, et, dont 1'un etait noir, et 1'autre rouge. Le noir frappa le
d'apres plusieurs, dans 1'Epitre canonique de saint Jude, rouge... Je levai encore les yeux, et je vis le ciel au-dessus
dans 1'Epitre de saint Barnabe, par saint Irenee, Tertul- de ma tete, et voici qu'une etoile tomba du ciel, et elle se
lien, Clement d'Alexandrie, Celse, Origene, Eusebe de dressait au milieu de ces taureaux. LXXXIV-LXXXV... Je
Cesaree, saint Jerome, le Livre d'Enoch est mentionne vis encore une brebis, et que cette brebis se faisait homme.
par le catalogue gelasien ou decret De libris recipiendis Et elle batit au Seigneur une bergerie, et elle y etablit
attribue au pape Gelase (492-496). Georges Syncelle, au les brebis qui etaient egarees. Je vis encore tomber une
ixe siecle, en avail encore le texte grec enlre les mains. brebis qui etait venue au-devant de celle qui etait la con-
Tous ces temoignages out ete reunis par Fabricius, Codex ductrice des autres. Et je vis enfin perir un grand nombre
pseudepigraphus Veteris Testamenti, Hambourg, 1723, d'autres brebis, leurs petits grandir a leur place, entrer
t. i, p. 160-223, et par Schiirer, ouvr. cite, p. 627-629. dans un paturage nouveau. Et la brebis qui les avait con-
L'original hebreu-arameen est perdu. Le texte grec est duites, et qui etait devenue homme, se separa d'elles et
perdu aussi. Mais on en a une version ethiopienne, decou- mourut. Et toutes les brebis la cherchaient et 1'appelaient
verte au siecle dernier en Abyssinie, publiee pour la pre- avec des cris lamentables. LXXXVIII, 60-63.
miere fois en 1821, a Oxford, reeditee depuis excellemment La question de la composition de cette oauvre puissante
par M. Dillmann, Das Buch Henoch ilbersetzt und erklart, a divise les critiques. Voici le resume des conclusions qui
Leipzig, 1853. Au moment ou ces lignes s'impriment on semblent avoir prevalu. Le Livre d'Enoch serait une
signale la decouverte, en Egypte, d'une version copte du ceuvre essentiellement composite et de diverses mains.
Livre d'Enoch. Elle doit etre publiee prochainernent par Tout d'abord un noyau, forme des chapitres xvn-xix,
les membres de 1'ecole franeaise du Caire. xxi - xxxvi, LXXII - LXXIX et LXXXII , et qui serait un livre
Le Livre d'Enoch a ete partage en cent cinq chapitres de physique celeste. En second lieu, une apocalypse pro-
repartis en cinq sections, plus un preambule et un epi- prement dite, formee des chapitres I - xvi, LXXX , LXXXI ,
logue. Premiere section (eh. vi-xxxvi), recit de la chute LXXXIII-CV, et qui serait un livre de vision historique. En
des anges et de 1'origine de la race des geants; recit du troisieme lieu, les trois paraboles des chapitres xxxvii-
ravissement d'Enoch au ciel et description de ce qu'il y I LXIII, LXIX-LXXI, qui constitueraient plus specialement une
voit. Deuxieme section (ch. XXXVII-LXXI) : trois paraboles, apocalypse messianique. Enfin les chapitres LXIV-LXVIII,
preeedees d'un court prologue : visions messianiques et qui forment le livre des visions de Noe . Ce sont la
eschatologiques d'Enoch, interrompues par un intermede les grandes lignes de partage : on ne saurait entrer ici
(ch. LXIV-LXVIII) sur les visions de Noe. Troisieme sec- , dans 1'analyse des interpolations de detail. Le noyau pri-
tion (ch. LXXII-LXXXII) : vision de la physique du monde, | mitif serait d'origine indeterminee ; mais la grande vision
explication du rnouvement des astres, des vents, etc. Qua- j historique, qui s'est adaptee a cet ecrit principal, est,.
759 APOCALYPSES APOCRYPHES 760
grace a la chronologie de ses semaines d'annees et a la latinas -versiones antiquse, Paris, 1743, t. ill, p. 1069-1084;
transparence de ses symboles historiques, aisee a dater. le texte de cette version, qui presentait une lacune grave,
Elle est contemporaine du regne victorieux de Jean Hyr- a ete complete par Bensly, The missing fragment of the
can (135-106 avant J.-C.), et plus precisement de 1'an 110 latin translation of the fourth book of Ezra, Cambridge,
environ. Les trois paraboles seraient plus recentes, et con- 1875. II existe concurremment : une version syriaque
temporaines plutot d'Herode le Grand (40-4 avant J.-C.); publiee en syriaque et en latin par Ceriani, Monumenta
la christologie y est meme assez developpee, pour que sacra et profana, t. i, fasc. 2, p. 99-124; t. v, fasc. 1,
quelques critiques y aient voulu voir une reuvre chre- p. 4-111; une version ethiopienne publiee par Laurence,
tienne, mais c'est une opinion tres controversee. En Quarti Ezrx libri versio xthiopica, Oxford, 1820; une
resume, nous sommes ici en presence d'un monument version arabe publiee par Gildemeister, Esdrse liber
de la theologie palestinienne au siecle qui a immediate- quartus arabice, Bonn, 1877; une version armenienne
ment precede 1'apparition du Christianisme, et d'un livre publiee en latin par Hilgenfeld, ouvr. cite, p. 378-433;
dont nul autre plus que lui n'etait propre a preparer une ancienne version allemande, decouverte par W. Wal-
J'audience de 1'Evangile. On trouvera la bibliographic ther, Die deutsche Bibelubersetzung des Mittelalters,
concernant le Livre d'Enoch enumeree dans Schurer, ouv. Brunswick, 1889. II nous manque une edition critique qui
cite, p. 629-630. Une bonne traduction francaise du livre utilise tous ces textes differents, et surtout les manuscrits
d'Enoch est dans Migne, Dictionnaire des apocryphes, latins, qui sont loin d'avoir ete serieusement exploites.
Paris, 1856, t. I, p. 393-514. Nul doute que le texte que nous possedons et que nous
2 Assomption de Molse. II ne faut pas confondre devoris a la tradition chretienne n'ait ete interpole en
ce livre juif avec ['Apocalypse de Molse, ceuvre chre- plus d'un endroit par une main chretienne.
iienne, dont il sera parle plus loin. L'Assomption de Le livre peut etre divise en sections. Premierement, une
Moise est citee. d'apres quelques exegetes, dans 1'epitre introduction, ch. i-n ; puis sept visions, a) in-v, 20; b) v,
canonique de saint Jude, et par Clement d'Alexandrie, par 2l-vi, 3i; c) vi, 35-ix, 26; d ) ix, 27-x, 60; e) xi-xn;
Origene, par Didyme d'Alexandrie, par Gelase de Cyzique, f) xiii; g) xiv-xvi. Ces visions, ecrit M. Renan, affectent
par Evodius, 1'ami de saint Augustin ; elle est mentionnee pour la plupart la forme d'un dialogue entre Esdras, sup-
dans le catalogue synoptique attribue a saint Athanase, pose exile a Babylone, et 1'ange Uriel; mais il est facile
dans le catalogue stichometrique de Nicephore. Voir Schu- de voir, derriere le personnage legendaire, le Juif ardent
rer, ouvr. cite, p. 636-637. L'origirial etait hebreu-ara- de 1'epoque flavienne, plein de rage encore a cause de la
meen; il est perdu, de meme que la version grecque. On destruction du temple par Titus. Le souvenir de ces jours
n'a qu'un fragment de traduction latine d'apres le grec, sombres de 1'an 70 monte dans son ame comme la fumee
fragment retrouve par Ceriani dans un palimpseste de la de 1'abime et la remplit de saintes fureurs. Un doute pro-
bibliotheque Ambrosienne provenant de 1'abbaye de Bob- fond le dechire : pourquoi Israel, le peuple elu de Dieu,
bio, et public par lui dans ses Monumenta sacra et pro- est-il le plus malheureux des pen pies, et d'autant plus
fana, Milan, 1861, t. I, fasc. I, p. 55-64. Fritzsche en a malheureux qu'il est plus juste? L'ange Uriel repond a
donne une edition manuelle dans ses Libri apocryphi Vete- cette question douloureuse : Les mysteres de Dieu sont
ris Testament!, Leipzig, 1871, p. 700-730, precedee d'une impenetrables et 1'esprit de rhomme borne. Puis le Messie
bonne introduction, ibid., p. xxxn-xxxvi. L'auteur va venir; fils de Dieu et de la race de David, il va paraitre
met en scene Moise, sur le point de quitter son peuple, au-dessus de Sion dans sa gloire, accompagne des person-
s'entretenant pour la derniere fois avec Josue, et lui reve- nages qui ri'ont pas goiite la mort, Moise, Enoch, Elie,
lant le secret de la destinee que Dieu reserve a son peu- Esdras lui-me'me. II livrera de grands combats centre
ple : 1'etablissement dans la Terre Promise jusqu'a la les mechants. Apres les avoir vaincus, il regnera quatre
destruction du royaume d'Israel et de Juda; la ruine de cents ans sur la lerre avec ses elus. Au bout de ce temps
Jerusalem et du temple, la captivite de Babylone; la res- le Messie mourra, et tous les vivants mourront avec lui.
tauration de la ville suinte et le second temple; les ini- Le monde rentrera dans son silence primitif durant sept
quites des Juifs de ces derniers temps, et leur chatiment jours. Puis un monde nouveau apparaitra; la resurrection
par un roi cruel qui ne sera point de leur race, dont les generale aura lieu. Le Tres-Haut paraitra sur son trone
deux fils lui suceederont, mais auront peu de temps a et presidera le jugement defmitif. Une vision spe-
regner, car la fin des temps sera venue. Tel est le theme ciale, chap, xi et xn, est destinee, comme dans presque
de cette ceuvre pale et desolee. II y a quelques diver- toutes les apocalypses, a donner d'une facon enigma-
gences entre les critiques sur la date a assigner a la com- tique la philosophic de 1'histoire contemporaine. Un aigle
position de 1''Assomption de Moise. II parait cependant immense, symbole de 1'empire remain, etend ses ailes
probable que nous avons affaire a une oeuvre palesti- sur toute la terre et la tient dans ses serres. II a six paires
nienne, ecrite par un antipharisien farouche, un zelote de grandes ailes, quatre paires d'ailerons et trois tetes.
intransigeant, et posterieure, mais de tres peu, a la mort Les six paires de grandes ailes sont six empereurs.
d'Herode le Grand (4 avant J.-C.), contemporaine des Le second d'entre eux regne si longtemps, qu'aucun de
premieres annees du gouvernement d'Herode Antipas et ceux qui lui succedent n'arrive a la moitie du nornbre
de Philippe. Consulter Schurer, ouvr. cite, p. 630-638. d'annees qui lui a ete departi. C'est notoirement Auguste;
3 Quatrieme livre d'Esdras, ou, si Ton veut, Apo- et les six empereurs dont il s'agit sont les six empereurs
calypse de 1'an 97. Cette ceuvre si importante a ete de la maison de Jules, Cesar, Auguste, Tibere, Caligula,
longtemps en circulation dans 1'Eglise catholique : elle Claude, Neron. Les quatre ailerons sont les quatre usur-
est citee dans 1'epitre dite de saint Barnabe, par saint pateurs ou anti-cesars, Galba, Othon, Vitellius, Nerva,
Irenee, Tertullien, Clement d'Alexandrie, saint Ambroise, qui, scion 1'auteur, ne doivent pas etre consideres comme
parl'auteur anonyme del'Opus imperfectum inMatthxum de vrais empereurs. Les trois tetes sont les Flaviens, qui
attribue a saint Jean Chrysostome, par saint Jerome, etc. devorent les ailerons. La tete du milieu, la plus grande,
"Voyez Hilgenfeld, Messias Judssorum, Leipzig, 1869, est Vespasien ; elle meurt. Les deux autres, Titus et Domi-
p. LXII-LXX, et Schurer, ouvr. cite, p. 657-658. De ce que tien, regnent; mais la tete de droite devore celle de gauche,
dit Hilgenfeld des traces dudit livre dans le Nouveau Tes- allusion a 1'opinion populaire sur le fratricide de Domi-
tament, il n'y a rien a retenir. Le quatrieme livre d'Es- tien, et elle est tuee a son tour. C'est alors le regne de
dras etait ecriten grec; le texle original est perdu, il n'en la derniere paire d'ailerons, Nerva. Le regne de cet usur-
reste qpe quelques citations fournies par Clement d'Alexan- pateur est court et plein de troubles; c'est moins un
drie. Mais on en possede une ancienne version latine regne qu'un acheminement menage par Dieu pour ame-
publiee, ne prorsus interiret, dans les editions de la Vul- ner la fin des temps. En effet, au bout de quelques ins-
gate, et mieux par dom Sabatier, Bibliorum Sacrorum tants, selon notre visionnaire. le dernier anticesar, Nerva,
APOCALYPSES APOCRYPHES 762
disparait; le corps de 1'aigle prend feu, les Remains sont ne pouvait compter, et TOUS chantaient les louanges du
juges par le Messie et extermines. Le peuple juif respire Seigneur. Et au milieu d'eux il y avait un jeune homme,
enfin. On ne peut guere douter d'apres cela, conclut le plus grand que tous, et qui sur la tete de chacun mettait
meme critique, que 1'auteur n'ait ecrit sous le regne de une couronne. Et je demandai a 1'ange : Qui sont ceux-
Nerva, regne qui parut sans solidite ni avenir, a cause la, Seigneur? Et il me repondit : Ce sont ceux qui ont
de 1'age et de la faiblesse du souverain, jusqu'a 1'adoption echange la tunique mortelle pour la tunique immortelle,
de Trajan (fin 97). Passe le mois de Janvier 98, 1'opinion et qui ont confesse le nom de Dieu; maintenant ils sont.
de 1'auteur sur la prochaine dissolution de 1'empire ne couronnes et ils recoivent des palmes. Et je dis a 1'ange :
se comprendrait plus. Un autre trait remarquable est Qui est ce jeune homme qui leur donne les couronnes et
celui-ci : 1'auteur insiste a plusieurs reprises sur cette qui leur distribue les palmes? Et il me dit : Celui-la est
circonstance qu'Esdras a sa vision trente ans apres la le Fils de Dieu, qu'ils ont confesse dans les siecles !
ruine de Jerusalem. L'auteur veut sans doute signifier Cf. A. Le Hir, Le quatrieme livre d'Esdras, dans ses
par la que trente ans a peu pres s'etaient ecoules depuis Etudes bibliques, Paris, 1869, t. i, p. 139-250, et Kabisch,
la catastrophe de 1'an 70. E. Renan, L'Apocalypse de Das IV Buck Esra auf seine Quellen untersucht, Gottin-
Van 97, dans la Revue des deux mond.es, l er mars 1875. gen, 1889.
II faut dire que 1'opinion precitee, qui fixe a la fin de 4 Apocalypse de Baruch, ou, si Ton veut, Apoca-
1'an 97 la composition du quatrieme livre d'Esdras, et qui lypse de 1'an 117. On n'en possedait jusqu'a ces der-
est celle de Volkmar, n'est point recue sans conteste. nieres annees qu'un fragment (ch. LXXVIII-LXXXVI), a
MM. Dillmann, Reuss et Schiirer font le quatrieme livre savoir : la Lettre de Baruch aux dix tribus, publiee en
d'Esdras un peu plus ancien et le croient contemporain, syriaque dans la Polyglotte de Paris et dans la Polyglotte
non de Nerva (96-98), mais de Domitien (81-96). Schiirer, de Londres. Ceriani a retrouve et public le texte syriaque
ouvr. cite, p. 656-657. complet, Monumenta sacra et prof ana, t. i, fasc. 2,
On a releve maintes fois la rare beaute litteraire du qua- Milan, 1866, p. 73-98. Fritzsche a publie, d'apres Ceriani,
trieme livre d'Esdras, encore qu'il soit esthetiquement la traduction en latin dudit texte syriaque, dans ses Libri
inferieur au livre d'Enoch. Mais, plus repandu que le apocryphi Veteris Testamenti, Leipzig, 1871, p. 654-699.
livre d'Enoch, surtout dans 1'Eglise latine, il a eu une La scene est dite se passer la vingt-cinquieme annee
influence exceptionnelle sur la pensee populaire chre- du regne de Jechonias : Baruch y prophetise la ruine de
tienne du haul moyen age, particulierement sur la con- Jerusalem de 1'an 70, et la revanche messianique du peu-
ception et sur la representation des fins dernieres. La ple de Dieu, revanche deja toute spirituelle, sans cepen-
liturgie romaine lui a emprunte de beaux passages. L'ad- dant aucun soupcon de millenarisrne. Un court passage
mirable intro'it Accipite jucunditatem, de la messe du donnera une idee du ton brillant et melancolique de
mardi de la Penteeote, est tire de IV Esdras, n, 36-37; tout le livre : Et voici, une foret d'arbres (il s'agit de
de meme le verset Crastina die, de la vigile de Noel, 1'empire remain) se dressait dans la plaine, et des mon-
xvi, 53; le repons Lux perpetua lucebit sanctis tuis, du tagnes sublimes, et des rochers inaccessibles 1'entouraient.
Commun des martyrs au temps pascal, n, 35; le Modo Et voici, en face une vigne grandit, et des racines de cette
coronantur, du repons au second nocturne du Commun vigne s'echappait une source tranquille. L'onde s'epan-
des Apotres, n, 45. L'Office des morts, qui dans son chait et gagnait la foret : ses flots grossirent, et ses flots
ensemble est une composition liturgique au plus tard du inonderent la foret, et ils en deracinerent les arbres, et
VHP siecle, lui doit, entre plusieurs autres textes, le ver- ils couvrirent les monts a 1'entour. Les faites des arbres
set Requiem seternam... 'et lux perpetua. n, 34-35. Les furent humilies, et les sommets des monts furent humi-
visions du pseudo-Esdras n'ont pas la puissance de fiction lies, et le flot devint si puissant, qu'il ne resta plus de
de celles du pseudo-Enoch, ni leur originalite saisissante; toute la foret qu'un cedre, un grand cedre, et celui-la
mais le pseudo-Esdras a par endroits une eloquence nieme fut renverse. Plus rien... La place meme n'etait
tend re et comme evangelique, et sa vision du monde des plus reconnaissable... Et la vigne s'avancait, portee sur les
morts a une onction consolatrice qui suffirait a expliquer eaux paisiblement, paisiblement, et elle approcha des
le succes du livre aupres des ames chretiennes. Void ruines du grand cedre. Et voici, elle parla. Est-ce toi,
quelques versets du chapitre n. disait-elle, 6 cedre reste seul de la foret de malice, dans
La mere qui les avait enfantes leur a dit : Allez, mes la main de qui la malice durait, et grandissait chaque
fils, allez-vous-en, car je suis maintenant veuve et abari- annee, et la bonte jamais ? qui t'enorgueillissais de ce qui
donnee. Je vous avais eleves dans la joie; je vous dis n'etait pas tien, et ne t'apitoyais .pas sur ce qui etait tien?...
adieu dans le deuil et dans la douleur, parce que vous et qui exallais ton front toujours plus haut, comme si tu
avez peche devant la face du Seigneur votre Dieu... Que ne pouvais etre jamais deracine ? Le temps s'est preci-
pourrais-je pour vous? Allez, mes fils, allez implorer la pite. Ton heure est venue. Va-t-en maintenant, 6 cedre,
misericorde du Seigneur... Et le Seigneur a dit a Esdras : va-t-en rejoindre la foret qui n'est deja plus. Deviens
Parle a mon peuple; dis-lui que je vais lui donner le poussiere avec elle, et que vos poussieres se confondent.
royaume de Jerusalem,... et les tabernacles eternels... Reposez-vous ensemble dans votre chatiment, en atten-
0 mere, embrasse maintenant tes fils, et eleve-les dans dant le dernier jour, ou tu reviendras pour des chati-
la joie !... 0 bonne nourrice, nourris tes enfants, et pro- ments plus cruels encore. Et voici, je vis le cedre qui
tege leurs premiers pas... Plus de fatigue pour toi, plus llambait. Et cependant la vigne croissait, tout autour
de jours d'angoisse et d'alarmes. D'autres pleureront et d'elle croissait, et la campagne se couvrait de fleurs
seront tristes : toi, tu seras dans la liesse et dans 1'abon- immortelles. ch. XXXVI-XXXVH. L'auteur dit encore :
dance. Les nations te jalouseront, mais elles ne pourront Malheur a nous, qui avons vu les tribulations de Sion et
rien contre toi, dit le Seigneur. Mes mains te couvriront, les mauvais jours de Jerusalem! Laboureurs, ne semez
pour que tes fils ne connaissent point la gehenne. Joie, plus, et tci, 6 terre, pourquoi donner encore des fruits?
joie, joie pour la mere; car ses fils qui dorment, je les Cieux, retenez votre rosee et n'ouvrez plus les tresors de
ramenerai des entrailles de la terre... Voici votre pasteur la pluie! .soleil, garde le feu de tes rayons, et toi, 6 lune,
qui vient, il va vous donner le repos eternel. II est la eteins le laisceau de ta lumiere : pourquoi y a-t-il encore
tout proche celui qui vient a la fin du siecle. Preparez- de la Iv.miere, quand la splendeur de Sion est obscur-
vous au regne, car la lumiere eternelle va briller pour cie?... Et vous, 6 pretres, prenez les clefs du sanctuaire,
vous dans 1'eternite. L'ombre des siecles n'existe plus pour jetez-les vers le ciel, rendez-les au Seigneur et dites-lui :
vous : recevez la joie de la gloire qui est votre..., les Garde ta maison, car voici, nous avons ete des intendants
tuniques splendides du Seigneur... Et moi Esdras, je vis infideles. ch. x. Le calcul des semaines, suggere
sur la montagne de Sion une foule immense que personne par le chapitre xxvin, fait placer par M. Dillmann notre
7G3 APOCALYPSES APOCRYPHES 7G4
Apocalypse sous le regne de Trajan (-j- 117). D'apres Saint. Leur trone a chacun d'eux etait plus splendide sept
M. Renan, tout se reunit pour la rapporter a la der- lois que la lumiere du soleil a son lever. Ils habitaient
niere annee du regne de Trajan, a ce moment ou les le naos du salut. Ils louaient le Dieu ineffable, tres haut.
revers du grand capitaine en Orient firent croire aux Stromat., v, 11, t. ix, col. 116. Le catalogue stichome-
Juifs que la fin de 1'empire, tant de fois attendue, allait trique de Nicephore attribue six cents stiques a 1'Apoca-
enfin venir. II est probable que le texte original etait lypse de Sophonie. Voyez Schiirer, ouvr. cite, p. 676.
grec; 1'auteur pourtant appartenait au judaisme orthodoxe 9 Ascension d'Isaie ou Vision d'Isa'ie. De ce petit
de Palestine. Voir Renan, L'apocalypse de Baruch, dans livre nous possedons actuellement : 1 une version ethio-
le Journal des savants, 1877, p. 222-231; Schiirer, Ge- pienne publiee par Laurence (1819), et dont M. Dillmann
schichte desjiidischen Volkes, t. n, p. 638-645; Hilgenfeld, a donne depuis une edition critique, Ascensio Isaiae sethio-
Die Apokalypse des Baruch, dans la Zeitschrift fur ivis- pice et latine, Leipzig, 1877; 2 trois fragments d'une
senschaftlische Theologie, ISS8, p. 257-278; Kabisch, Die ancienne version latine, retrouves, deux par le cardinal
Quellen der Apokalypse Baruchs, dans les Jahrbiicher Mai (1828), le troisiemc par M. Gieseler (1832), et que
fur pratestantische Theologie, 1891, p. 66-107. M. Dillmann a reedites, ouvr. cite, p. 76-85; 3 enfin uu
5 Paralipomenes de Baruch, ou, si Ton veut, Apo- remaniement grec decouvert par M. von Gebhardt, et
calypse de 1'an 136. Le texte grec, qui est ici comme public par lui dans la Zeitschrift fur wissenschaftlichc
pour 1'Apocalypse de Baruch le texte original, a ete Theologie, 1878, t. xxi, p. 330-353. L1 Ascension d'Isaie est,
retrouve et public par Ceriani, Monumenta sacra et d'apres M. Dillmann, une ceuvre composite dont il expliquc
prof ana, t. v, fasc. 1, Milan, 1868, p. 9-18; et a nouveau ainsi la formation : 1 Un recit du martvre d'Isaie scie en
par Rendel Harris, The rest of the words of Baruch, deux avec une scie de bois, recit d'origine juive, qui date-
Londres, 1889. Une version ethiopienne du meme texte rait de la fin du i er siecle de notre ere, et qui est connu
avail ete publiee par M. Dillmann dans sa Chreslomalhia de saint Justin, de Tertullien, d'Origene et de saint Am-
sethiopica, Leipzig, 1866. Le sujet est celui-ci : Jeremie, broise. 2 L'Ascension d'Isa'ie proprement dite. La sep-
Baruch et leur ami Abimelech ont survecu a la prise de tieme annee du regne d'Ezechias, Isaie est ravi au ciel par
Jerusalem par les Chaldeens; Jeremie a suivi le peuple un ange, il traverse successivement les six ciels et arrive
captif a Babylone ; Baruch, cache dans un tombeau pres de vision en vision jusqu'au septieme, oil la sainte Tri-
de la ville sainte, attend des jours meilleurs; Abimelech, nite se decouvre a lui, et le Fils qui un jour s'incarnera.
sorti de Jerusalem le matin qui a precede la prise de la Ce serait une oeuvre judeo-chretienne et gnosticisante de
ville, s'est endormi sous un arbre et a dormi soixante-dix la premiere moitie du second siecle, et celle-la meme que,
ans. Les soixante-dix ans revolus, il s'est reveille et a sous le nomd'Anabaticoncm Ascension d'Isaie,nous voyons
appris le sort de Jerusalem. Aussitot il se met a la tres en faveur chez les gnostiques valentiniens et archon-
recherche de Baruch; ensemble ils ecrivent a Jeremie, tiques, chez les Hieracites, chez les Ariens meme, plus
au nom du Seigneur, que la captivite est le chatiment tard encore chez les Priscillianistes, les Bogomiles et les
'des iniquites d'Israel, mais que, si Israel consent a en- Cathares. 3 Le recit juif et la vision chretienne auraient
tendre la parole du Seigneur, le Seigneur fera cesser la ete reunis en un seul opuscule par une main chretienne,
captivite. Ordre est donne a Jeremie d'eprouver le peuple d'epoque indeterminee, laquelle aurait ajoute le prologue
dans 1'eau du Jourdain. Mais le peuple, conjure par Jere- et 1'epilogue. 4 Une quatrieme main chretienne, seconde
mie d'abandonner les ceuvres de Babylone, hesite : il n'y moitie du second siecle, aurait interpole le tout et insere
a qu'une moitie du peuple qui passe le Jourdain. Cette les chapitres in, 13-v, 1; xi, 2-22, et quelques autres
portion fidele rentre seule a Jerusalem, oA, avec Baruch moindres morceaux entaches de docetisme. Voir Dill-
et Abimelech, Jeremie monte au temple pour offrir un sacri- mann, ouvr. cite, et, du meme, 1'article Pseudepigraphen,
fice. Jeremie meurt ce faisant, mais trois jours apres il dans la Realencyclopddie fur prolestantische Theologie,
ressuscite et prophetise : Glorifiez Dieu, dit-il, et le fils 2 edit., t. xn, p. 359-360. Voir aussi Schiirer, ouvr. cite,
de Dieu, Jesus-Christ. M. Rendel Harris a vu dans p. 683-687.
cette Apocalypse une osuvre chretienne, le dernier adieu 10 Apocalypse de Daniel. Ce curieux petit livre a
de 1'Eglise a la synagogue . C'est plus surement une ete etudie par M. M u n k , par M. Zotenberg, plus recem-
ceuvre juive interpolee. Ecrite peu avant 1'annee 140 de ment par M. James Darmesteter dans les Melanges llenier,
notre ere, elle est destinee a preparer la restauration de Paris, 1887, p. 405-420. C'est une histoire d'Israel, pro-
Jerusalem par la conversion des Juifs toujours prevari- phetisee par Daniel et qui s'etend du temps de Daniel
cateurs. Voyez Schiirer, Theologische Literaturzeitung, a la venue du Messie. Daniel se lamente de voir le peuple
1890, p. 81-83; Bulletin critique, 1890, p. 261-263. disperse ou captif, et Dieu le console en lui revelant
6 Le livre d'Eldad et de Modad. Sous le nom de Tavenir de ce peuple, la suite des rois futurs jusqu'a
ces deux personnages bibliques, Num., xi, 26-29, a cir- 1'avenement des temps messianiques, Karrivee de Gog et
cule une Apocalypse juive citee par le Pasteur d'Hermas, de Magog, le regne du roi impie Armilos, 1'apparition
Vis., n, 3, edit. Gebhardt-Harnack-Zahn, p. 23, et peut- du premier Messie, fils de Joseph, et sa mort hiofficace,
etre par saint Clement, ibid. Le catalogue stichometrique enfin 1'apparition du Messie, fils de David et liberateur
de Nicephore attribue quatre cents stiques au Livre d'El- d'Israel, son regne terrestre, la resurrection des morts
dad et de Modad. Vqyez Schiirer, ouvr. cite, p. 673. et le triomphe de la justice definitive. Ce livre, une sorte
7 Apocalypse d'Elie. Cette Apocalypse est men- de targum, est en persan ecrit en caracteres hebreux : il
tionnee par Origene, par saint Jerome, par saint Epiphane. a ete compose par un Juif de Perse dans les premieres
C'est a cette Apocalypse apocryphe juive que saint Paul annees du xne siecle, etrange temoin de la persistance
aurait emprunte, s'il faut en croire Origene, le texte celebre, des idees messianiques et de 1'apocalyptisme chez les Juifs
I Cor., n, 9 : Comme il est ecrit: ce que 1'oeil n'a point du moyen age.
vu, ce que 1'oreille n'a point entendu; et, s'il faut en II. APOCALYPSES CHRETIENNES. 1 Apocalypse de
croire saint Epiphane, le texte Eph., v, 54 : C'est pour- Moise. Ce petit livre a etc publie en grec pour la pre-
quoi il dit : Leve-toi, toi qui dors. On n'en a aucune miere fois par Tischendorf, Apocalypses apocryphse,
autre trace, sinon dans le catalogue stichometrique de Leipzig, 1866, p. 1-23, et par Ceriani, Monumenta sacra
Nicephore, qui la mentionne comme un livre de trois et prof ana, t. v, fasc. 1, Milan, 1868. p. 19-21. Le titre que
cent seize stiques. Voyez Schiirer, ouvr. cite, p. 673-676. Tischendorf lui a donne est fort impropre. Le titre dans
8 Apocalypse de Sophonie. Elle est citee par les manuscrits est : Recit de la vie d'Adam et d'Eve
Clement d'Alexandrie seul : Et 1'esprit me saisit et nos premiers parents, revele par Dieu a Moise son servi-
me transporta dans le cinquiemc del: et la jc vis les teur lorsqu'il lui remit les tables de la loi, reveJe par
anges dominateuns. 11s avaient le diaderne de 1'Esprit- 1'archange Michel. Et ce titre lui-meme ne correspond
765 APOCALYPSES APOCRYPHES 766
point a la teneur du livre, ou il n est question ni de Moise Cette Apocalypse gnostique serait le developpement du
ni de revelations. Ce recit, imite, semble-t-il, du Testa- passage, II Cor., xn, 4, ou saint Paul mentionne son ravis-
ment des douze patriarches, est le recit, en partie fait sement au troisieme ciel. Fabricius, Codex apocryphus
par Eve au lit de mort d'Adam, et sur son ordre, de la Novi Testamenti, t. I, p. 913-955.
chute du premier couple, et, a la suile, celui de la mort 5 Seconde Apocalypse de Paul. Elle est distincte de
d'Adam et de sa sepulture par les soins de Seth et des Y Ascension de Paul dont on vient de parler, et men-
anges. Tischendorf y voyait une oauvre juive dui e r siecle. tionnee par saint Augustin, Tract, in Joa.,98, t. xxxiv-
C'est plutot un roman de source juive, comme la Priere xxxv, col. 1885, et par 1'historien Sozomene, H. E., vn, 19,
d'Aseneth, et, comme elle, des environs du \"e siecle. t. LXVII, col. 1479, et condamnee par le catalogue gela-
Voir Le Hir, Etudes bibliques, t. u, p. 111-120, et Schiirer, sien. Le texte grec de cette Apocalypse a ete retrouve ct
ouvr. cite, p. 636. publie par Tischendorf, Apocalypses apocryphsc, p. 3i-69.
2 Apocalypse d'Esdras. Esdras est ravi en pre- On en signale une version syriaque encore inedite. Cette
sence de Dieu et 1'interroge sur les fins dernieres de seconde Apocalypse de saint Paul est, comme la pre-
I'homme. Le texte grec de ce petit ecrit a etc public par miere , le recit de ce que vit 1'Apotre quand il fut ravi au
Tischendorf, Apocalypses apocrypha;, p. 24-33. On n'en troisieme ciel, une Divine comedie de peu d'interet. Elle
connait point de traduction latine, mais une version est posterieure a 1'empereur Theodose (379-395), sous
syriaque publiee par F. Baethgen, dans la Zeitschrift fur le regne de qui, dit la preface, le livre aurait ete trouve
die altestamentliche Wissenschaft, 1886, p. 199-210; dans la propre maison de saint Paul a Tarse; elle ne sau-
et une version arabe, par H. Gottheil, dans les Hebraica, rait etre posterieure aux dernieres annees du ive siecle.
Chicago, 1887, fascicule d'octobre, p. 14-17. C'est une A s'en rapporter a Sozomene, ce serait une oauvre pales-
O3uvre chretienne tres mediocre, inspiree du Quatrieme tinienne. H. E.., vn, 19, t. LXVII, col. 1477. Voyez Ti-
livre d'Esdras, et dont on ne saurait preciser la date, en schendorf, loc.cit.; LeHir, ouvr. cite, p. 122-129; Wright,
toute hypothese tres tardive, v e -vm e siecle. Voyez Fabri- Syriac literature, dans \Encyclopxdia Britannica,
cius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, t. xxn, p. 826.
1719, p. 951-952, et Le Hir, ouvr. cite, p. 120-122. 6 Apocalypse de Thomas, mentionnee par le cata-
3 Apocalypse de Pierre. Ce serait la un document logue gelasien comme apocryphe, probablement gnostique.
d'une tres haute importance, a mettre sur le meme rang Elle est perdue.
que 1'epitre de Barnabe ou que le Pasteur d'Hermas, et 7 Apocalypse d'Etienne, n'est connue que par
qui remonterait a la premiere moitie du second siecle. la mention qu'en fait le catalogue gelasien comme d'un
Le celebre Canon de Muralori cite 1'Apocalypse de saint apocryphe, probablement aussi gnostique. Perdue.
Pierre a cote de celle de saint Jean : Nous recevons 8 Apocalypse apocryphe de Jean, est citee par le sco-
seulement les Apocalypses de Jean et de Pierre que liaste du grammairien grec Denys le Thrace (ix e siecle),
quelques-uns des notres ne veulent pas qu'on lise dans et n'est mentionnee par aucun auteur anterieur a cette
les eglises. Tres recemment le Pasteur, etc., mettant date tardive. Le texte grec de cette Apocalypse, publie
ainsi les deux Apocalypses parmi les antilegomena apos- par A. Birch, en 180i, a ete reedite par Tischendorf dans
toliques. Eusebe de Cesaree, au ive siecle, cite lui aussi une forme plus satisfaisante, Apocalypses apocryphae,
1'Apocalypse de saint Pierre et la place parmi les spuria, p. 70-94. II en existe une version arabe signalee par Asse-
avec les Ada Pauli, le Pasteur d'Hermas, la Didache mani, Bibliotheca orientalis, Rome, 1719, t. in, p. r,
des Apotres et 1'Epitre de saint Barnabe, H. E., in, 25, p. 282, et qui n'a pas ete etudiee. Le sujet de cette Apo-
t. xx, col. 269. Sozomene, au commencement du siecle calypse est une vision de la fin du monde, du jugement
suivant, assure que 1'Apocalypse de saint Pierre, tenue des hommes et de 1'etat des bienheureux dans le ciel.
pour apocryphe par les anciens, n'en etait pas moins C'est une ceuvre monotone et sans couleur, tres pale imi-
lue publiquement, une fois 1'an, dans certaines Eglises tation de 1'Apocalypse canonique de saint Jean. II y est
de Palestine, c'est a savoir le Vendredi saint. H. E., question de la croix et des icones : on ne saurait y voir
vn, 19, t. LXVII, col. 1477. Le catalogue stichometrique qu'une oeuvre de basse epoque, vi e -vni e siecle.
de Nicephore et celui du Codex claromontanus men- 9 Seconde Apocalypse de Pierre. Elle n'existe qu'en
tionnent encore 1'Apocalypse de saint Pierre, et lui arabe et n'est probablement que d'origine arabe. Le texte
attribuent un nombre de stiques qui en font environ le arabe est inedit. Assemani, ubi supra, et Nicoll, Catal.
quart de 1'Apocalypse de saint Jean. Malheureusement codd. mss. orient, bibl. Bodleian, Oxford, 1821, n, 1, 49.
nous n'en possedons plus que quelques fragments. Us C. Tischendorf en a donne 1'arguinent, Apocalypses apo-
ont ete reunis par Hilgenl'eld, Novum Testamenlum cryplne, p. xx-xxiv : c'est un pot-pourri de legendes et
extra canonem receptum, 1884, IV, 71-74. Macarius Magnes, d'extravagances dans le gout arabe sur Adam, sur Noe,
qui ecrivait a la fin du ive siecle, cite de 1'Apocalypse de sur Abraham, sur Jesus, sur saint Pierre, sur les sept
Pierre un court passage concernant le jugement dernier. peches capitaux, sur 1'Antechrist, etc. Cette piece, d'un
Clement d'Alexandrie en cite un autre plus explicite, oil interet tres mediocre, est surernent anterieure au xme
il est question du sort des enfants morts sans bapteme, siecle, car Jacques de Vitry en parle, a la date de 1218.
et ou 1'auteur enseigne qu'ils sont confies dans 1'autre M. Gutschmid, cite par M. Lipsius, y reconnait des allu-
monde a un ange nourrice, dyyeXw Tr^sXou^t.), charge sions a 1'empereur Constantin Copronyme (-j- 775), et a
de les elever et de les amener a 1'age parfait, ou ils bene- 1'avenement d'Aboul-Abbas, le premier des califes Abbas-
ficieront d'une sorte de bapteme posthume. C'est la une sides (750). Ce serait ainsi une ceuvre syrienne du vnie
conception singuliere et un conte de vieille femme, repris siecle. Voyez Lipsius, art. Apocalypses, dans le Dictio-
au commencement du ive siecle par Methodius, mais qui nary of Christian Biography, Londres, 1877, t. I, p. 131.
ne parait pas avoir eu d'autre source que 1'Apocalypse de 10 Apocalypse de Barthelemy, n'existe qu'en copte
saint Pierre. On trouvera ces divers textes dans Hilgen- et est encore inedite. M. Dulaurier, en 1835, en a publie et
feld, ouvr. cite. Le fait d'avoir ete si longtemps en circu- traduit un fragment assez brillant, d'apres un manuscrit
lation dans les eglises orthodoxes prouve que 1'Apoca- sahidique de la Bibliotheque nationale : sa traduction est
lypse de saint Pierre n'etait pas une oeuvre d'origine reproduite par C. Tischendorf; Apocalypses apocryphse,
gnostique, mais catholique. Voir G. Salmon, A historical p. xxiv-xxvu. Ce ne saurait etre qu'une oeuvre de basse
introduction to the study of the books of the New Testa- epoque; mais, actuellement, il n'est pas possible d'en
ment, Londres, 1889, p. 560-564. determiner la date ni 1'origine.
4 Apocalypse ou Ascension de Paul. Saint Epi- 11 Apocalypse de Marie, existe en grec et n'a pas
phane cite ce livre, 'Avagcmxbv Ila-JXoy, comme propre encore ete publiee. On en trouve quelques extraits dans
aux gnostiques-cainites, Haer., xxxvin, 2, t. XLI, col. 656. C. Tischendorf, Apocalypses apocryphae, p. xxvu-xxx.
767 APOCALYPSES APOCRYPHES APOCRYPHES (LIVRES) 7G8
L'archange Michel, archistratege de Dieu, revele a Marie que les Apocalypses palestiniennes nous ont revele le mes-
le lieu oil sont punis les pecheurs et quelles peines ils sianisme des Juifs du premier siecle avant notre ere, de
subissent: Marie intercede en leur faveur aupres de Dieu. 1'epoque asrnoneenne et du temps des Herodes. de meme
Ici encore nous avons affaire a une oeuvre catholique de que les Actes apocryphes des Apotres, 1'ethique des gnos-
basse epoque, mais dont on ne peut actuellement deter- tiques Chretiens de la fin du second siecle. La est 1'inte-
miner la date ni 1'origine. ret theologique et historique de cette litterature pseude-
Un article special sera consacre au TESTAMENT DES DOUZE pigraphe et extracanonique : Origene est seul a 1'avoir
PATRIARCHKS , au livre des JUBILES , aux livres SIBYLLINS, pressentie.
que les critiques classent quelqueiois dans la eategorie Aux yeux de la plupart des ecrivains de 1'ancienne
des Apocalypses apocryphes. Voir a 1'article MELITON deux Eglise, au contraire, toute cette litterature de mensonge
apocryphes qui lui sont attribues, le Transitus Marise et ne pouvait etre que dangereuse et condamnable. Origene
la Dormitio Marias. P. BATIFFOL. lui-meme etait trop clairvoyant pour ne le point mar-
quer : Ces ecrits sont appeles apocryphes, parce qu'on
APOCRYPHES (LIVRES). Ce nom est donne par y trouve beaucoup de choses corrompues et contraires a
les protestants aux livres que nous appelons deutero- la vraie foi. In Cantic., prol., t. xni, col. 83. Apocryphe
canoniques. Les catholiques, d'accord avec la facon de etait synonyme de batard et de faux. S. Augustin, De Civi-
s'exprimer de 1'ancienne Eglise, reservent ce nom aux tate Dei, xv, 23, 4, t. XLI, col. 470; S. Irenee, Contra
livres qui ont figure a tort dans le canon scripturaire de hser., i, 20, t. vu, col. 654; Tertullien, De pudicit., 10,
quelques Eglises orthodoxes ou heretiques de 1'antiquite. t. n, col. 1000. Et ainsi s'explique la proscription dont
Dans ce sens, les livres apocryphes sont les livres pseudo- 1'ancienne Eglise les a frappes. Voir Le Hir, Etudes bibli-
canoniques. On peut cependant elargir encore cette defi- ques, Paris, 1869, t. n, p. 90 et suiv.
nition, et dire que les livres apocryphes sont ceux qui, Si quelqu'un lit, approuve ou defend les fictions im-
par leur titre ou leur teneur, se donnent comme 1'ceuvre pies que les heretiques ont mises, pour confirmer leurs
d'auteurs inspires, sans pouvoir justifier de cette preten- erreurs, sous le nom des patriarches, des prophetes ou
tion. Dans ce sens, Origene les definit justement des des apotres, qu'il soit anatheme. Ainsi s'exprime le dix-
livres qui sont mis sous le nom des saints , entendant septieme canon du concile de Braga, en 563. Mansi, Con-
par saints les personnages bibliques, et qui sont en ciliorum colleclio, t. ix, col. 776. Voyez au contraire 1'apo
dehors des Ecritures canoniques . Voyez le developpe- logie des apocryphes dans le traite nouvellement retrouve
ment de cette definition dans saint Augustin, De Civitate d'un heretique du ive siecle, Priscillien, De fide et apo-
Dei, xviii, 28, t. XLI, col. 598. cryphis, edition Schepss dans le Corpus scriptorum
La mise en circulation et le credit de telles compositions eccl. latin.} t. xvm, Vienne, 1889, p. 44-56.
pseudepigraphes s'explique par la croyance, fort ancienne Les anciens catalogues des livres canoniques seront
dans la societe chretienne, que les Juifs possedaient une etudies a propos de Thistoire du canon. Nous n'avons a
litterature secrete a cote de la Bible qui etait publique. mentionner ici que ceux de ces catalogues qui nous four-
Gette croyance fut etendue plus tard aux sectes hereti- nissent des listes etendues et anciennes des livres apo-
ques. Le mot arcoxpuipo; veut simplement dire cache ; il cryphes, et qui sont la documentation de cette proscrip-
est oppose a xoivo;, qui veut dire public, courant, com- tion dont 1'Eglise entendait frapper ces productions pseu-
mun. Origene, citant 1'Apocalypse apocryphe qui a pour depigraphes. Le plus etendu, le plus important de ces
titre Ascension d'Isale, ecrivait: II est rapporte dans les catalogues nous est fourni par TEglise romaine. C'est le
ecritures non publiques, in scripluris -non manifestis, catalogue des livres canoniques, des livres recommandes
qu'Isa'ie a ete scie. Origene, prevenant une objection et des livres condamnes soi-disant par le pape saint Gelase,
qu'on pourrait lui faire, expose immediatement sa regie dans un concile tenu a Rome en 495-496. En realite, ce
de doctrine touchant ces sortes de livres : Nous n'igno- catalogue est compose de pieces rapportees, en partie plus
rons pas, dit-il, que beaucoup de ces ecritures secretes anciennes que saint Gelase; c'est un catalogue anonyme,
ont ete eomposees par des impies, de ceux qui font le quoique offieiel, dont la compilation definitive a du etre
plus haul sonner leur iniquite, et que les heretiques font fixee au debut du vie siecle. Le voici d'apres Mansi, Con-
grand usage de ces fictions : tels les disciples de Basi- ciliorum colleclio, t. vin, col. 150-151. Cf. Jaffe, Regesta
lide. Nous n'ignorons pas davantage que d'autres de ces pontificum romanorum, 2e edition, t. I, p. 91, n 700;
apocryphes, seer eta, mis sous le nom des saints, quse Maassen, Geschichte der Quellen und det Literatur des
feruntur in nomine sanctorum, ont ete composes par canonischen Rechts in Abendlande, t. I, p. 283. (Les-
les Juifs, peut-etre pour detruire la verite de nos Ecritures chiffres entre crochets renvoient aux paragraphes ci-apres,
et pour etablir de faux dogmes. Mais, en regie generate,, ou chacun de ces apocryphes est individuellement etudie.)
nous ne devons pas rejeter en bloc ce dont nous pouyons
tirer quelque utilite pour 1'eclaircissement de nos Ecri- Notice des livres apocryphes qui ne sont pas rec,us :
tures. C'est la marque d'un esprit sage de comprendre et
... Itineraire au nom de Pierre, apotre, qui est appele de saint
d'appliquer le precepte divin : Eprouvez tout, retenez ce Clement, huit livres, apocryphe [1].
qui est bon. Origene, In Matth. comm. ser., xxvm, Actes au nom d'Andr6, apotre, apocryphe [1].
t. xni, col. 1637. Actes au nom de Thomas, apotre, dix livres, apocryphe [1).
Cette vue si juste et si profonde d'Origene, la theologie Actes au nom de Pierre, apotre, apocryphe [i].
se Test de nos jours appropriee. Elle a compris que, si Actes au nom de Philippe, apotre, apocryphe [1].
cette litterature extracanonique n'ajoute pas un iota a la Evangile au nom de Thaddee, apocryphe [4].
somme des Ecritures inspirees, elle peut en mainte occa- Evangile au nom de Mathias, apocryphe [4].
Evangile au nom de Pierre, apotre, apocryphe [4].
sion, ainsi que 1'exprimait Origene, e'claircir tel ou tel Evangile.au nom de Jacques, apotre, apocryphe [ij.
point obscur de tel ou tel livre canonique. L'histoire, a Evangile au nom de Barnabe, apocryphe [ij.
son tour, y a vu des documents. L'histoire, qui ne connait Evangile au nom de Thomas, dont se servent les Manicheens,.
point seulement des fails historiques, mais encore des apocryphe [i].
etats de conscience, et qui meme cherche 1'explication de Evangile au nom de Barthelemy, apotre, apocryphe [4].
tant de faits dans 1'analyse de ces etats; 1'histoire a dernande Evangile au nom d'Andre, apotre, apocryphe [4].
a ces apocryphes, ou tout est fiction et vision, les elements Evangiles falsifies par Lucien, apocryphes [41.
Livre de 1'enfance du Sauveur, apocryphe [4].
necessaires pour reconstituer la pensee, les souffrances, Evangiles falsifies par Esichius, apocryphes [4].
1'attente, le reve d'epoques et de milieux qu'il nous im- Livre de la nativite du Sauveur et de Marie et de la sage-iemme,.
porte particulierement de connaitre, et dont 1'histoire apocryphe [4].
serait, sans ces apocryphes, obscure et muette. C'est ainsi Livre appele du Pasteur, apocryphe [3].
769 APOCRYPHES (LIVRES) 770
Tous les livres qu'a fails Leucius, disciple du diable, apo- Tout ce qui est apocryphe r
cryphes [1].
Adam [6]. Apocalypse d'Esdras [2].
Livre appele le Fondement, apocryphe [9]. Histoire de Jacques [4].
Enoch [2].
Livre appele le Tresor, apocryphe [9]. Apocalypse de Pierre [2].
Livre des lilies d'Adam ou de la Petite Genese, apocryphe [6]. Lamech [7].
Patriarches [7]. Voyages et Doctrine des Ap6-
Livre appele Actes de Thecle etde Paul, apotre, apocryphe [1]. Priere de Joseph [7]. tres [1 et 3].
Livre appele de Nepos, apocryphe [9]. Eldad et Modad [2] Epitre de Barnabe [1].
Livre des Proverbes, ecrit par les heretiques, et publie sous le Testament de Moise [2]. Actes de Paul [1].
nom de saint Sixte, apocryphe [9]. Assomption de Mo'ise [2]. Apocalypse de Paul [2].
Apocalypse qui porte le nom de Paul, apotre, apocryphe [2]. Psaumes de Salomon [5]. Doctrine de Clement.
Apocalypse qui porte le nom de Thomas, apotre, apocryphe [2]. Apocalypse d'Elie [2]. Doctrine d'Ignace.
Apocalypse qui porte le nom de saint Etienne, apocryphe [2]. Vision d'lsa'ie [2]. Doctrine de Polycarpe.
Livre appele Passage, c'est-a-dire Assomption de sainte Marie, Apocalypse de Sophonie [2]. Evangile de Barnabe [4].
apocryphe [2]. Apocalypse de Zacharie [2]. Evangile de Matthieu [4].
Livre appele Penitence d'Adam, apocryphe [6].
Livre d'Ogias, du nom du g^ant qui est suppose par les hereti- La conformite de disposition du catalogue de Nicephore,
ques avoir combattu avec le dragon apres le deluge, apocryphe [7]. du catalogue du pseudo-Athanase et du catalogue ano-
Livre appele Testament de Job, apocryphe [8].
Livre appele Penitence d'Origene, apocryphe [9]. nyme de Pitra, permet de conjecturer que ces trois listes
Livre appele Penitence de saint Cyprien, apocryphe [9]. dependent d'un meme canon, qui aurait ete a la tradition
Livre appele Penitence de Jamne et de Mambre, apocryphe [8]. grecque ce que le catalogue gelasien etait a la tradition
Livre appele Sorts des saints Ap6tres, apocryphe [9]. latine. Voir sur ces trois catalogues T. Zahn, Geschichte
Livre appele Louange des Apotres, apocryphe [9]. des neutestamentlichen Kanons, t. n , p. 290 et suiv.,
Livre appele Canon des Apotres, apocryphe [3]. Leipzig, 1890.
Lettre de Jesus au roi Abgar, apocryphe [3].
Sur le catalogue syriaque d'Ebedjesu, de peu d'interet
Lettre d'Abgar a Jesus, apocryphe [3]. pour 1'histoire des apocryphes, voir Assernani, Bibliotheca
orientalis, Rome, 1725, t. in, p. 3. A signaler un cata-
Ecrit appele Contradiction de Salomon, apocryphe [3]. logue armenien de quelque interet et apparente aux cata-
logues grecs ci-dessus mentionnes, dans la Chronique
A cote du catalogue gelasien, monument de la littera- de M'Khitar d'A'irivank, redigee vers 1297, edition Pat-
ture ecclesiaslique latine, il faut placer le catalogue sti- kanoff, Saint-Petersbourg, 1867; P. Batiffol, Studia patri-
chornetrique de Nicephore. C'est un catalogue des livres stica, p. 15.
canoniques et non canoniques, avec I'indication du nombre Mettons tout de suite a part quelques titres donnes par
de versets de chacun d'eux. Ce catalogue porte le nom du nos catalogues et qui n'ont rien a voir avec la litterature
patriarche de Constantinople Nicephore (f 828), et il n'y apocryphe : saint Clement de Rome, saint Polycarpe, saint
a pas de raison de douter qu'il ne lui appartiemie. On en Ignace, Hernias. II nous reste une longue suite d'apo-
trouve le texte dans Migne, Pair, gr., t. c, col. 1055-1060, cryphes qui peuvent etre groupes en categories, categories
et mieux dans C. de Boor, Nicephori archiepiscopi CP. auxquelles le Dictionnaire consacre un article special.
opuscula historica, Leipzig, 1880, p. 132-135. 1. Actes apocryphes des Apotres.
Psaumes et cantiques de Salomon, versets 2100 [5]
2. Apocalypses apocryphes.
Apocalypse de Pierre, versets 300 [2]. 3. Epitres, canons et constitutions apocryphes.
Epitre de Barnabe, versets 1360 [3]. 4. Evangiles apocryphes.
Evangile selon les Hebreux, versets 2200 [4]. 5. Psaumes apocryphes.
Enoch, versets 4800 [2]. De telle sorte que nous n'avons plus maintenant qu'a
Les Patriarches, versets 5100 [7]. trailer en quelques mots des apocryphes ne renlrant dans
Priere de Joseph, versets 1100 [7]. aucune de ces cinq grandes categories.
Testament de Moise, versets 1100 [2]. 6. Livres apocryphes sur Adam. C'est tout une litte-
Assomption de Moise, versets 1400 [2].
Abraham, versets 300 [7]. rature, et tres confuse. Le livre intilule Contradiction
Eldad et Modad, versets 400 [2]. d'Adam et d'Eve ou Livre d'Adam n'esl connu que par
Elie le prophete, versets 316 [2]. une version ethiopienne traduile el publiee en allemand
Sophonie le prophete, versets 600 [2]. par M. Dillmann, Das christliche Adambuch, Gottingue,
Zacharie, pere de Jean, versets 500 [2]. 1853; en anglais par M. Malan, The book of Adam and
Baruch, Habacuc, Ezechiel et Daniel, pseude"pigraphes [2]. Eve, Londres, 1882. C'est un roman chretien, ou 1'on a
Itineraire de Pierre, versets 2750 [1]. groupe toutes les fables repandues en Orient sur Adam,
Itineraire de Jean, versets 2600 [1]. le paradis terrestre et les premiers patriarches. II a ete
Itineraire de Thomas, versets 1700 [1].
Evangile selon Thomas, versets 1300 [4]. compose au ye ou au vie siecle de notre ere, vraisembla-
Doctrine des Apotres, versets 200 [3]. blement en Egypte. La Penitence d'Adam ou le Tes-
De Clement, premiere et seconde epitre, versets 2600. tament d'Adam. On en a d'importants fragments syria-
Ignace, Polycarpe, le Pasteur d'Hermas. ques publies avec traduction francaise par M. Renan,
dans le Journal asiatique, 1853, t. 11, p. 427-469. Une
Un second catalogue grec, celui-ci sous le nom de saint Penitence d'Adam et d'Eve, en latin, a ete publiee par
Athanase, figure a la fin de 1'opuscule pseudo - athanasien M. W. Meyer, sous le litre de Vie d'Adam et d'Eve, dans
Synopsis Scripturss Sacrae, t. xxvin, col. 431. II ne con- les Abhandlungen der K. Bayer. Akademie der Wissen-
tient pas d'indications stichometriques. La liste des apo- schaften, xiv, 3, Munich, 1879. 11 y a quelque rapport
cryphes depuis Enoch jusqu'a Clement est exactement entre le texte de Renan, celui de Meyer et la Vie et con-
identique a celle de Nicephore; mais le pseudo-Athanase duite d'Adam revelee a Moise par I'archange Michel,
ne mentionne pas la serie Apocalypse de Pierre, Epitre de publiee par Tischendorf sous le titre d'Apocalypse de
Barnabe, Evangile des Hebreux et Ignace-Polycarpe-Her- Moise, dans ses Apocalypses apocryphse, Leipzig, 1866,
rnas. On peut inferer de cette collation que le catalogue p. 1-23. Enfin ces trois pieces sont apparentees aux Livres
de Nicephore represente un etat plus complet du cata- de Seth gnosliques. Cette question embrouillee d'histoire
logue donne par le pseudo-Athanase. lilteraire a bien besoin d'etre tiree au clair. Voir A. Hort,
Un troisieme catalogue grec, celui-ci anonyme, a ete Books of Adam, dans le Dictionary of Christian biogra-
publie par Moutfaucon, Cotelier, Hody, Pitra, d'apres des phy, t. I, p. 34-39. II faut joindre a cette litterature
manuscrits differents. Voir Pitra, Juris ecclesiastici Grae- apocryphe d'Adam le Livre des filles d'Adam, mentionne
corum historia et monumenta, Rome, 1864, t. I, p. 100. par le catalogue gelasien qui 1'identifie avec le Livre des
DICT. DE LA BIBLE. I. - 27
AP-OCRYPHES (LIVRES) A P O L L I N A I R E DE LAODICEE 772
Jubiles ou Petite Genese. Et aussi le Testament de tionne le catalogue gelasien, a ete publie par le cardinal
nos premiers parents, cite au vne siecle par Anastase le Mai, Scriptorum veterum nova collectio, Rome, 1825-
Sinaite dans son commentaire de I'Hexameron, Patr. gr., 1838, t. vu, p. 180-191. Ce texte grec, ou est racontee,
t. LXXXIX , col. 967, et non identifie, a moins que ce tes- avec 1'histoire de Job, celle de ses trois lilies, est un
tament d'Adam et d'Eve ne soit le meme ouvrage que recit chretien empreint de gnosticisme : il pourrait re-
VApocalypse de Mo'ise citee plus haut. monter au me siecle. II n'a encore ete etudie par personne.
7. Livres apocryphes concernant les patriarches. 9. Livres apocryphes eccle'siasliques. Le Livre de
Saint Epiphane mentionne des Livres de Seth, au nombre Nepos, Liber Nepotis, du catalogue gelasien, est, con-
de sept, circulant parmi les Gnostiques, Contra hser., jecture-t-on, a identifier avec quelque oauvre de cet eveque
xxxix, 5, t. XLI, col. 669. Et 1'auteur anonyme ou pseudo- egyptien du me siecle qui s'appelait Nepos, et dont Eusebe
Chrysostome de VOpus imperfectum in Matth., horn, n, nous apprend qu'il avait compose un recueil de psaumes
t. LVI, col. 637, les mentionne comme circulant parmi Chretiens, lesquels jouirent longtemps d'une grande vogue
les Chretiens de 1'extreme Orient. Saint Augustin, De dans les eglises de 1'Egypte interieure. Nepos etait mille-
Civit. Dei, xvm, 38, t. XLI, col. 598, parle vaguement de nariste. Eusebe, H. E., vn, 24, t. xx, col. 692. Les
livres apocryphes mis sous le nom de Noe : Mais, dit-il, Sorts des Apotres ne sont pas connus autrement que par
la chastete du canon ne les a point recus, non que 1'au- la mention du catalogue gelasien; de meme la Louange des
torite de ces hommes qui plurent a Dieu soit soupconnee, Apotres. Voir Lipsius, Die apokryphen Apostolgeschich-
mais parce que Ton ne croit pas que ces livres soient de ten, t. i, p. 34. Le Livre des Proverbes, cite par le
ces hommes. Nous avons vu, a 1'article des Apocalypses catalogue gelasien, n'est autre que le recueil des sentences
apocryphes, qu'un Livre des visions de Noe avait vraisem- du pythagoricien Sextus. On sait que cet ouvrage fut tra-
blablement servi de source a 1'auteur du Livre d'Enoch. duit au ive siecle par Rufin, cornme etant du celebre pape
Saint Epiphane mentionne et decrit un Livre de Noria martyr Sixte II, erreur grossiere qui fit pour une bonne
comme circulant parmi les Gnostiques sous le nom de part la fortune du livre. On en a une version syriaque,
Noria, femme de Noe, Contra hser., xxxvi, 1, t. XLI, la version latine de Rufin, et le texte original grec publie
col. 332. Clement d'Alexandrie signale un Livre de dernierement, avec le latin en regard, par M. Ant. Elter
Cham, gnostique, Slromat., vi, 6, t. ix, col. 276. Voir la dans 1'Index scholarum de 1'universite de Bonn, 1891-
legende gnostique de Cham mentionnee par saint Epi- 1892. Voir principalement J. Gildemeister, Sexti senten-
phane, Contra hser., xxxix, 3, t. XLI, col. 668. Le Livre tiarum recensiones, Bonn, 173. La Penitence d'Ori-
de Lamech n'est connu que par le catalogue de Pitra. gene du catalogue gelasien est a identifier avec le petit
Une Histoire de Melchisedech, raise des avant le ixe siecle traite intitule Planctus sive lamentum Origenis trans-
sous le nom de saint Athanase, et dont on trouve le texte latum ab Hieronymo presbytero, lequel est aussi peu
dans les Spuria athanasiens, Patr. gr., t. xxvin, col. d'Origene que de saint Jerome. On en trouvera le texte
525-530. Nous croyons cette piece grecque, chretienne, dans 1'edition par Merlin des ceuvres d'Origene, Paris,
el du ve siecle environ. Un Testament d'Abraham 1512; dom Delarue, reproduit par Migne, ne 1'a pas
gnostique est signale chez les Sethiens par saint Epiphane, donne. La Penitence de Cyprien du catalogue gelasien
Contra hser., xxxix, 5, t. XLI, col. 670. Nous en possedons est vraisemblablement cette confession de saint Cyprien
le texte grec. Voyez M. Gaster, The Apocalypse of Abra- le magicien, martyrise avec sainte Justine a Damas, sous
ham, dans les memoires de la Society of biblical Archaeo- Dece, confession qui forme le second des trois livres des
logy, Londres, 1888, t. ix, p. 195 et suiv. Une Ascension Ada Cypriani et Justinse, publics par Martene et Durand,
de Jacob est signalee par saint Epiphane chez les Ebionites, Thesaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. HI,
Contra hser., xxx, 16, t. XLI, col. 432. Mais il se pourrait p. 1629 et suiv. Le livre du Fondement du catalogue
que le heros de cette Ascension fut, non point Jacob le gelasien est, croit-on, un livre manicheen; de meme
patriarche, mais saint Jacques frere du Seigneur. et plus surement le livre du Tresor, lequel est cite comme
Un Testament des trois patriarches, Abraham, Isaac, tel, sous le titre de Tresor de la vie, 6 rjnaupo; TTJC Cwric,
.Jacob, est mentionne, au ive siecle, dans les Constitutions par Timothee de Constantinople. Patr. gr., t. LXXXVI,
apostoliques, vi, 16, Patr. gr., t. I, col. 953, et dans le p. ia, col. 21. Rappelons en effet que les Manickeens
Testament des dome patriarches, xn, 10. II en existe une n'etaient pas rares a Rome a la fin du ve siecle : dans la
version arabe dont on annonce la prochaine publication, notice consacree a saint Gelase par le Liber pontiftcalis,
conjointement avec le texte grec du Testament d'Abraham, il est rapporte que ce pape trouva des Manicheens dans
par M. James, de Cambridge. On conjecture que le la ville de Rome, qu'il les en fit expulser, et qu'il fit
Livre d'Ogias etait 1'histoire du roi de Basan, Og, dont il bruler leurs livres devant les portes de la basilique de
est question dans le Livre des Nombres. Num., xxi, 33-35. Sainte-Marie-Majeure. Liberpontificalis, edit. Duchesne,
Get apocryphe n'est mentionne que par le catalogue gela- t. I, p. 255. Le Fondement et le Tresor seraient de ces
sien , a moins qu'il ne soit le meme que le livre intitule livres.
Geste des geants, r{ TWV y^dtvtwv IIpayfjiaTCta, apocryphe On peut consulter avec fruit 1'article de M. Dillmann,
manicheen mentionne au vie siecle par Timothee de Pseudepigraphen, dans la Realencyclopddie fur pro-
Constantinople, dont il sera question plus loin. Origene testantische Theologie, t. xn, p. 341-367, Leipzig, 1883.
avait en mains un apocryphe gnostique juif intitule Priere M. Dillmann a une grande autorite dans la matiere ; mais
de Joseph, perdu. J'ai resume tout ce qu'on en sait dans sa dissertation commence d'etre ancienne. Le livre de
mes Studia patristica, p. 16-18. La Priere de Joseph M. William Deane, Pseudepigrapha, Edimbourg, 1891,
etait differente de la Priere d'Aseneth que j'ai publice, ne traite que de quelques apocryphes et n'a pas grande
Studia patrislica, p. 1-115, et qui est un apocryphe chre- valeur. Le meilleur livre a signaler est peut-etre celui de
tien du ve siecle, fait d'apres une source juive. Un 0. Zockler, Die Apokryphen des A. T., nebst einem
article special sera consacre au TESTAMENT DES DOUZE Anhang uber die Pseudepigraphenliteratur, Munich,
PATRIARCHES. 1891. Un article special est consacre chaque annee aux
8. Livres apocryphes concernant les prophetes. Ori- publications concernant les apocryphes dans le Theolo-
gene cite un Livre de Balaam dans son Contra Celsum, gischer Jahresbericht que publie, depuis 1880, M. Lip-
I, 60 et xvm, 108, t. xi, col. 769. De meme 1'auteur de sius. Voyez aussi E. Kozak, Bibliographische Uebersicht
YOpus imperfectum in Matlh., 2, Patr. gr., t. LVI, des biblisch-apokryphen Literatur bei den Slaven,
col. 637. La Penitence de Jamne et de Mambre, les dans les Jahrbiicher fur protestantische Theologie, 1891,
deux magiciens egyptiens d'Exod., vu, 11, est citee par p. 127-158; travail important. P. BATIFFOL.
Origene, Comment, ser. in Matth., 117, t. xm, col. 1769;
cf. II Tim., n i j 8. Le Testament de Job, que men- APOLLINAIRE DE LAODICEE (iv siecle). Deux
773 A P O L L I N A I R E DE LAODICEE APOLLO 774
c
ecrivains grecs dti iv siecle, le pereet le fils, portent ce de divers Peres de 1'Eglise, saint Justin, saint Gregoire le
meme nom d'Apollinaire. Thaumaturge, etc., plusieurs des principaux traites theo-
Apollinaire 1'ancien, Alexandrin de naissance, gram- logiques d'Apollinaire le jeune, prepare une edition des
mairien de profession, avait enseigne les belles-lettres Apollinaris opera qux supersunt. P. BATIFFOL.
d'abord a Beryte (aujourd'hui Beyrouth), finalement a Lao-
dicee de Syrie ou Laodicee ad mare, la Ladikiyeh ac- APOLLO ( 'ATtoXXw?) , contraction d'Apollodoros , ou,
tuelle. II y fut fait pretre, et son Ills, Apollinaire le jeune, plus probablement, d'Apollonios, est le nom d'un des per-
lecteur. Ensemble ils enseignerent, le pere la grammaire, sonnages considerables de 1'Eglise apostolique. Act., xvin,
-et le fils la rhetorique : ceci des avant 335. Apollinaire 24-28. Malheureusement celui qui Fa porte , comme
1'ancien vivait encore a 1'epoque du regne de Julien tant d'autres vaillants ouvriers de 1'Evangile, n'a presque
(361-363). On lui a attribue longtemps la tragedie chre- pas d'histoire dans nos Saints Livres. L' auteur des Actes,
tienne qui a pour titre Christus patiens, mais qui est en xvin, 24, nous dit qu'il etait Juif, originaire d'Alexandrie,
realite un centon de 1'ecole de Theodore Prodrome, et aussi remarquable par son erudition que par son elo-
xie siecle. Voir Bulletin critique, 1886, p. 371-373. L'his- quence. Tel est, en effet, le sens qu'il faut donner a 1'ex-
torien Socrate, H. E., in, 15, t. LXVII, col. 417, et apres lui pression avr,p Xoyio?. Dans Herodote, n, 3, Xoyio? veut
Sozomene, R.E., v, 18, t. LXVII, col. 1270, attribuent a dire un homme savant en histoire ; et les pretres d'He-
Apollinaire 1'ancien une adaptation en vers hexametres du liopolis y sont ainsi qualifies parce qu'ils etaient les plus
Pentateuque et des autres livres historiques de 1'Ancien instruits des Egyptiens sur les traditions de leur pays.
Testament jusqu'a Saul , en vingt-quatre chants, adapta- Josephe, Bell, jud., I, v, aussi bien que Philon, Legat. ad
tion a laquelle il avait donne le titre d'Archeologie he- Ca'ium, p. 1026, designe ainsi les historiens de la Grece.
braique. Ce vaste poeme soi-disant homerique est perdu. Aoyio;, c'est 1'homme erudit, mais avec cette nuance par-
Au dire des historiens deja cites, Apollinaire avait tire ticuliere qu'il est eloquent. Ainsi on disait de Mercure
.aussi des Saints Livres des sujets de compositions soit o Xoyto;, le beau parleur, et Philon, De Cherub., p. 127,
lyriques, soit dramatiques, dans la maniere de Pindare et indique par cette meme expression,TOXVJXoy twv, les grands
d'Euripide. II ne nous en est rien reste. D'apres Socrate, orateurs a qui la moindre maladie ferme la bouche. Chez
Julien ayant defendu aux Chretiens 1'usage des auteurs pro- Apollo, 1'eloquence etait le resultat de sa parfaite connais-
fanes, H. .,111,16, t. LXVII, col. 417, Apollinaire et son sance des Ecritures : Ayvatb? wv sv TXI? ypa^at;. Au reste
fils voulurent suppleer au defaut des classiques paiens par Josephe, Antiq.jud.,Xyil,vi, fait une appreciation ana-
Ja confection de classiques sacres. La loi de Julien ayant logue de deux Juifs celebres a la fin du regne d'Herode,
ete bientot abolie, toute 1'ceuvre de ces rheteurs Chretiens Judas, fils de Sariphee, et Mathias, fils de Margalolh :
perit sans retour. 'louSat'wv XoytwtaTot xa\ TWV TiaTpcwv ei;Y|YrlTa' v6|ia)v.
Apollinaire le jeune, disciple et collaborates de son Apollo fut, comme eux, un docteur eloquent, exercant
pere, avait, dans la meme vue que lui, compose des hymnes une profonde influence sur ceux a qui il parlait. Par son
ou cantiques pour etre chantes par les fideles, meme dans genie naturel, autant que par sa formation classique, il se
les reunions liturgiques, ou generalement le psautier davi- rattachait a cette brillante ecole juive d'Alexandrie , qui,
dique seul etait admis. Cette innovation n'eut pas de suc- avec ses tendances plus mystiques que formalistes , mar-
ces, et rien ne nous a ete conserve de ces idylles , comme chait tout droit a 1'Evangile d'un pas autrernent degage
les appelle Sozomene. II ne nous reste rien non plus des que le ritualisme de Jerusalem. Philon en etait alors le
Evangiles et Epitres mis par Apollinaire en forme de dia- plus illustre representant.
logues a la maniere de Platon, adaptation que 1'historien C'est a Ephese qu' Apollo se trouve, quand le livre des
Socrate est seul a mentionner. Par centre, on possede Actes le mentionne pour la premiere ibis. Deja il avait
sur les Psaumes une paraphrase, en vers hexametres, qui ete instruit des voies du Seigneur, c'est-a-dire de la venue
porte le nom d'Apollinaire, le seul ouvrage poetique que du Messie et de sa vie publique, mais par des disciples de
nous aurions de 1'ecole de Laodicee. C'est, dit Tillemont, Jean-Baptiste, qui ne lui avaient donne qu'un enseignement
une traduction fidele, exacte et noble, de tous les tres incomplel au point de vue de la doctrine de Jesus-
Psaumes, et les plus habiles en parlent avec estime. Christ. Ainsi ne connaissait - il pas d'autre bapteme que
Memoires pour servir a I'histoire ecclesiastique, t. vn, celui du precurseur, et peut-etre pouvait-il dire alors ce
p. 613. Mais 1'authenticite de cette Metaphrasispsalmorum que dirent peu apres quelques Ephesiens a saint Paul a
n'est plus admise aujourd'hui, et, depuis Godefroy Her- propos du Saint - Esprit : Nous ne savons pas meme s'il
mann , on est porte a y voir plutot une ceuvre de 1'ecole y en a un. Act., xix, 2. Toutefois ce qu'il connaissait de
de Nonnus, v e -vi e siecle. Le texte, publie depuis 1552, a Jesus-Messie, il 1'exposait avec beaucoup de soin et de zele :
ete reproduit par Migne, Pair, gr., t. xxxm, col. 1313- eXaXst xau eStSacr/Ev axpiow; ta rcspt TO-J 'IrjffoO, prenant
1538. Voir A. Ludwich, Die Psalter-Metaphrase des Apolli- courageusement la parole dans les synagogues. Quelle que
narios, dans Y Hermes, t. xin, 1878, p. 335-350. Saint flit 1'ardeur de son ame, wv TW 7tvTj(j.aTt, et la vigueur
Jerome a paru a quelques critiques donner a entendre de son eloquence, il demeurait insuffisant ou meme dange-
qu'Apollinaire le jeune etait auteur d'une version en prose reux dans son apostolat, la premiere condition, pour bien
de 1'Ancien Testament; mais on est plus autorise a croire instruire, etant de bien savoir. Deux Chretiens militants,
qu'il s'agit d'interpretations toutes personnelles donnees Priscille et Aquila, qui se trouvaient alors a Ephese, virent
par Apollinaire au texte de 1'Ancien Testament, qu'il le parti qu'on pouvait tirer d'un tel homme, et, 1'ayant
.affectait de citer d'apres la recension de Symmaque. S. Je- attire chez eux, ils se chargerent de 1'eclairer pleinement.
rome, Adv. Rufinum, n, 34, t. xxm, col. 456. Ce sont la Le disciple devint aussitet un maitre du premier ordre,
les travaux d'Apollinaire le jeune sur la Sainte Ecriture : ayant la vraie doctrine et le desir autant que le don de
nous n'avons qu'a rappeler ici que 1'oeuvre capitale d'Apol- la propager. Ce qu'on lui dit sans doute de 1'oeuvre de
linaire a ete une oeuvre, non point de poete ni d'exegete, Paul a Corinthe, des esperances et des craintes qu'elle
mais de theologien dogmatique et de dogmatiste plato- donnait , lui inspira le desir de passer immediatement en
nicien ; c'est a ce titre surtout qu'il doit d'etre connu, et Achaie. II voulait maintenir dans la foi ce pays deja acquis
a ce titre seul qu'il doit d'avoir ete condamne a Rome a 1'Evangile, et peut-etre pousser de plus en plus vers 1'Oc-
en 378, a Antioche en 379, a Constantinople en 381. II etait cident la Bonne Nouvelle, deja triomphante en Orient. La
.alors eveque de Laodicee, ou il mourut heretique impe- communaute chretienne d'Ephese 1'y encouragea de tout
nitent peu avant 392. Voir Fabricius, Bibliotheca graeca, son pouvoir, et lui donna des lettres de recommandation
edit. Harless, t. vm, p. 584-594; Tillemont, Memoires pour les freres de 1'Eglise de Corinthe En sorte qu'etant
pour servir d I'histoire ecclesiastique, t. vn, p. 602-637. arrive en Achaie, il rendit les plus grands services a la
M. Draseke, qui a reussi a identifier parmi les apocryphes cause de 1'Evangile, arrosant genereusernent ce que Paul
775 APOLLO APOLLONIUS .776
avait plante. I Cor., in, 6. La grace de Dieu etait avec lui, gile, 1'imagination a pris sur elle d'y suppleer. Voir, pour
Act., xvin, 27 (texte grec), et aussi une eloquence hu- s'en rendre compte, les etudes publiees par Pfizer, Dissert,
maine qui servait utilement ses moyens surnaturels de de Apollone, doct. apost., Altorf, 1718; Hopf, Comment,
succes. C'est avec une grande puissance, EUTOVW; , qu'il de Apollone pseudo-doctore, Hag., 1782; Heymann, Sachs.
refutait les Juifs, non pas seulement dans les synagogues, Stud., 1843, p. 222; Bleek, Der Brief an der Hebrder,
mais en public, 8Y)|Ao<rc'a, ne craignant pas de les prendre Berlin, 1828. E. LE CAMUS.
a parti devant les auditoires paiens qu'il abordait, et leur
prouvait victorieusement, d'apres les Ecritures, que Jesus APOLLONIE ('ArcoXXtovca), ville de la Mygdonie, pro-
est le Christ. Habitue a la parole, il convoquait, selon vince de Macedoine premiere (fig. 185). Elle etait situee
1'usage du temps, autour de sa chaire de rheteur tous ceux pres du lac Bolbe (Betschik-Gol),sur lavoie Egnatienne,
.qui avaient le desir d'entendre exposer des doctrines a quarante-quatre kilometres d'Amphipolis et a cinquante-
religieuses nouvelles. quatre kilometres de Thessalonique. C'est dans leur voyage
L'autorite d'Apollo dans 1'Eglise de Corinthe devint tres
considerable, et nous savons que, parmi ces Grecs toujours
portes a se passionner pour quelqu'un, il se forma un
parti qui le mettait en parallele avec Pierre et avec Paul.
I Cor., i, 12. Au fond, 1'Apotre des Gentils lui rend cette
justice, que, si lui-meme a plante, Apollo a arrose cette
belle Eglise de Corinthe, a laquelle Dieu s'est reserve de
donner Faccroissement. I Cor., in, 6. 11 appelle Apollo
son frere, I Cor., xvi, 12, et nous fait entrevoir, par
quelques mots qu'il ajoute, tout ce qu'il y avait de prudence
et desainte humilite dans Tame dupredicateur alexandrin. 185. Monnaie d'Apollonie de Macedoine.
En effet, pour eviter toute division entre fideles, et decon- Tete d'Apollon, a droice, avec une couronne de laurier.
certer le parti qui, a Corinthe, se reclamait de son nom, y. AIIOAAQNOS. Amphore a deux anses.
il s'etait eloigne de la capitale de 1'Achaie, et refusait d'y
revenir, malgre les instances de Paul, jusqu'a ce qu'il de Philippes a Thessalonique, que saint Paul et Silas tra-
trouvat la situation plus calme et les circonstances plus verserent cette ville. Act., xvn, 1. C'est aujourd'hui Pol-
propices. Est-ce reellement a Apollo que Paul fait allusion, lina. Voir Pline, H. N., iv, 7; Itiner. Anton., p. 320-330;
quand il parle de ceux qui prechent les discours per- Itin. Hieros., p. 605; Tab. de Peutinger, De vise. Egnatise-
suasifs de la sagesse humaine, avec la sublimite du langage parte onentali, p. 7 ; Athenee, vm, 334. II ne faut pas
et les brillantes conceptions, I Cor., i, 17; n, 1-15, au risque confondre Apollonie de Mygdonie avec d'autres villes du
de laisser dans 1'ombre ou meme de supprimer la croix meme nom, et en particulier avec Apollonie d'lllyrie,
de Jesus - Christ ? C'est possible. Ce genre d'exposition qui etait la cite la plus celebre parmi celles qui etaient
savante et suivant les regies de la rhetorique semble consacrees au dieu Apollon. E. JACQUIER.
bien reporidre a tout ce qui est dit d'Apollo et de sa culture
litteraire. Mais de telles appreciations, inspirees par le APOLLONiUS ('ATtoUcovto:, derive d'Apollon). Nom
veritable amour de Dieu, u'amenaient pas entre les ouvriers deplusieurs personnages, officiers des rois de Syrie, men-
evangeliques de reels froissements. On se reprenait publi- tionnes dans le premier et le second livre des Machabees.
queineut, et on ne cessait pas de s'aimer. Tout allait au
profit de 1'Evangile. 1. APOLLONIUS, gouverneur de Coelesyrie. I Mach.t
Apollo est nomine pour la derniere fois a la fin de 1'Epitre x, 69. Josephe, Ant.jud., XIII, iv, 3, lui donne le sur-
a Tite, in, 13, et Paul, en le recommaridant aux soins nom de Aao:, c'est-a-dire le Daen (de Dahse ou Dai,
de ceux qui devaient faciliter son voyage et celui de Zenas, peuple de Sogdiane). Quand Demetrius II Nicator disputa
nous marque 1'affection qu'il lui gardait. L'association le trone de Syrie a Alexandre I er Balas, Apollonius, qui
d'Apollo avec Zenas, un docteur de la loi, indique peut- avait ete place par ce dernier a la tete de la province de
etre le gout nature! qu'avait le predicateur alexandrin pour Crelesyrie, 1'abandonna pour se ranger du cote de Deme-
la societe des homrnes les plus instruits parrni les chre- trius. II est assez probable que cet Apollonius est le frere
tiens. On peut en outre conclure de ce passage qu'Apollo de lait et le confident de Demetrius dont parle Polybe,
evangelisa la Crete. Des traditions populaires ont fait de xxxi, 21, 2; ce qui explique sa trahison envers Alexandre
lui un eveque de Colophon, d'Iconium en Phrygie, ou Balas. Jonathas Machabee etait alors soumis a Alexandre,
meme de Cesaree; mais on ne peut produire aucun argu- et il lui resta fidele. Demetrius chargea Apollonius de
ment serieux a 1'appui de tels dires, et la diversite meme soumettre les Juifs a son obeissance. I Mach., x, 69. Le
des sieges qu'on lui assigne trahit I'insufiisance des motifs general syrien marcha centre eux avec une armee nom-
qu'on a de les lui assigner. L'opinion des critiques mo- breuse (147 avant J.-C.). II alia camper a Jamnia, et ecrivit
dernes qui attribue a cet liomme apostolique 1'Epitre aux a Jonathas pour le defier de descendre dans la plaine de
Hebreux, n'etant soutenue par aucun temoignage dans la Sephela, en lui reprochant de ne pas oser quitter 1'abri
1'antiquite, derneure une conjecture absolument gratuite. de ses montagnes. Le grand pretre quitta aussitot Jeru-
Sans doute le genre oratoire et exegetique de cette admi- salem avec dix mille homines d'elite et son frere Simon
rable lettre s accornmode fort bien avec ce que nous pour se rendre a Joppe. La ville, qui etait occupee par
savons de 1'eloquence, de la culture hellenique et de la les soldats syriens, lui ferma ses portes; mais ses habi-
science scripturaire d'Apollo; mais cela suffit-il pour con- tants, saisis d'effroi lorsqu'ils se virent assieges, ne tarderent
clure qu'elle est de lui ? Tous ceux qui, depuis Luther pas a les lui ouvrir. A cette nouvelle, Apollonius se dirigea
jusqu'a Bleek, Tholuck, Reuss, Rothe et de Wette, 1'ont vers Azot avec trois mille cavaliers et une armee consi-
pense, ont prete aux arguments qu'ils evoquent une con- derable. Jonathas le poursuivit, echappa a ses embuches
sistance qu'ils n'ont pas, et traite trop legerement la grave et briila Azot, apres que son frere Simon eut taille en
objection qui surgit de 1'absence dans 1'Eglise primitive, pieces les troupes syriennes. I Mach., x , 70-85. Nous
et surtout dans la tradition alexandrine, representee par ne savons plus rien d'Apollonius Daos. Josephe, Ant.
Clement et Origene, de toute indication attribuant a Apollo jud., XIII, iv, 3, dit par erreur qu'Apollonius comman-
la paternite de cette belle page de la theologie apostolique, dait les troupes d'Alexandre Balas, quand il fut battu
ceuvre de saint Paul. par les Juifs, et quelques ecrivains protestants, comme
Les donnees scripturaires etant insuflisantes pour fixer .G. \Vernsdori, De fids Ubrorum Machabseoi'um, Breslau,
pleinement la physionornie de cet illustre heraut de 1'Evan- 1747, p. 135, ont essaye d'opposer son temoignage a 1'au-
777 APOLLONIUS APOLOGUE 778
teur du premier livre des Machabees; mais les critiques des troupes d'Antiochus Eupato^, avec Choreas et Timo-
rationalistes eux-memes reconnaissent, d'apres 1'ensemble thee, fut tue dans la forteresse ae Gazara, prise par Judas
des faits, que 1'auteur des Antiquites judaiques s'est Machabee. II Mach., x, 37.
trompe, et que Jonathas soutenait le parti d'Alexandre Ier
Balas, non celui de Demetrius II Nicator. Voir W. Grimm, APOLLYON, nom grec de 1'ange ou demon de 1'a-
Handbuch zudenApocryphen, 3e part., 1853, sur I Mach., bime. appele en hebreu Abaddon. Apoc., ix, 11. Voir
x, 69, p. 164; E. Schurer, Geschichtedesjudischen Volkes, ABADDON.
2* edit., 1890, t. i, p. 181.
APOLOGUE. L'apologue est 1'expose d'une verite
2. APOLLONIUS, fils de Gennee, general d'Antiochus V morale sous une forme allegorique (Littre), ou, ce qui
Eupator, roi de Syrie, vers 163 avant J.-C. II fut laisse revient au meme, un recit allegorique qui contient une
en Judee par Lysias, avec Timothee et quelques autres verite morale facile a saisir sous la transparence du voile
qui continuerent la guerre centre les Juifs. II Mach., dont elle est couverte. Gerusez, Cours de litterature,
xn, 2. ire partie, p. 69. L'apologue ou fable est originaire de
1'Orient. On a trouve des fables dans les tablettes cunei-
3. APOLLONIUS, fils de Mnesthee, ambassadeur du formes de 1'Assyrie et dans les papyrus de 1'Egypte.
roi de Syrie, Antiochus IV Epiphane, a la cour de Pto- G. Smith, The Chaldsean Account of Genesis, in-8,
lemee VI Philometor, roi d'Egypte. II Mach., iv, 21. C'est Londres, 1876, p. 137-152; E. Revillont, Cours de droit
probablement le meme qu'Antiochus IV avait envoye a egyptien, in-8, Paris, 1884, t. I, p. 21-25. Les plus
Rome a la tete d'une ambassade. Tite Live, XLII, 6. En 173, celebres auteurs qui ont cultive ce genre litteraire sont,
Epiphane lui donna la mission d'aller en Egypte, feliciter en dehors de la Bible, 1'Indien Pilpai, ou Bidpay, ou
en son nom Ptolemee VI de son avenement au trone. On Vichnou-Sarma, qui ecrivit des fables en Sanscrit, selon
croit communement que cet Apollonius est le chef des les uns 2000 ans, selon d'autres 250 ans seulement avant
tributs ,apx w v (popo^oyLa?, qui fut charge de lever les J.-C.; 1'Arabe Lokman, qui aurait vecu entre 1'epoque
impots en Judee, I Mach., I, 30 (grec, 29), celui que 1'au- d'Abraham et celle de David; le Phrygien Esope, le fabu-
teur du second livre des Machabees, v, 2i, appelle Fodieux liste latin Phedre, et enfin notre La Fontaine. L'apologue
chef Apollonius , moins sans doute a cause de ses exac- se presente, dans la Bible, sous diverses formes que nous
tions que parce qu'il ne negligea rien pour aneantir la aliens enumerer.
religion mosaique. Antiochus IV Epiphane, a son retour 1 Apologues pretant la raison et la parole aux etres
de sa derniere campagne d'Egypte, vers la fin de 1'an 168 qui ne les ont pas. Le plus ancien apologue connu,
avant J.-C., 1'envoya avec une armee a Jerusalem, pour en dehors des apologues egyptiens et chaldeens, se lit au
helleniser la Palestine. Voir ANTIOCHUS IV, col. 697. livre des Juges, ix, 8-15. Abimelech, fils de Gedeon, vou-
Le fils de Mnesthee dissimula perfidement ses intentions, lant se faire reconnaitre comme seul chef a Sichem, fit
et, profitant du repos du sabbat, pendant lequel les Juifs perir tous ses freres, a 1'exception de Joatham, le plus
ne croyaient pas legitime de prendre les armes et de se jeune, qui reussit a se cacher. Quand le meurtrier eut
defendre, il pilla la cite sainle et lit un grand carnage de ete proclame roi, Joatham se rendit au mont Garizim, et
ses habitants. I Mach., i, 30-34 (grec, 29-32); II Mach., v, de la s'adressa en ces termes aux Sichimites: Ecoutez-moi,
24-26. Le general ennemi assura en meme temps la posi- gens de Sichem, et que Dieu vous ecoute de meme! Les
tion des Syriens a Jerusalem en s'etablissant fortement arbres s'en allerent pour se sacrer un roi, et ils dirent
dans la cite de David. I Mach., i, 35-37 (grec, 33-35). La a 1'olivier : Sois notre chef. L'olivier repondit: Que j'aban-
persecution contre les Juifs fideles eclata alors avec vio- donne mon huile, dont se servent les dieux (princes) et
lence. Mais ces exces firent naitre un grand mecontente- les hommes, et que j'aille me balancer au-dessus des
ment et provoquerent une vive irritation parmi le peuple; arbres? Je ne le puis. Les arbres dirent alors au figuier:
ils amenerent la revolte ouverte de Mathathias et fortifierent Viens et recois le pouvoir de regner sur nous. Le figuier
le parti de Judas Machabee. I Mach., i, 65-67 (grec, 62-64); leur repondit: Que j'abandonne ma douceur et mes fruits
n, 1-48; II Mach., v, 27. Apollonius, voyant que le nombre si suaves pour aller me balancer au-dessus des autres
des hommes qui se reunissaient autour du fils de Matha- arbres? C'est impossible. Les arbres s'adresserent ensuite
thias grossissait tous les jours, resolut de frapper un grand a la vigne : Viens et sois notre chef. Elle leur repondit:
coup; il rassembla une armee composee des peuples paiens Que j'abandonne mon vin, qui rejouit Dieu et les hommes,
du voisinage et des Samaritains, dont il etait gouverneur. pour me balancer au-dessus des autres arbres? Impos-
Josephe, Ant. jud., XII, v, 5; vn, 1. La bravoure des sible. Tous les arbres dirent alors au buisson : Viens et
Juifs triompha de cette multitude; ils se precipiterent regne sur nous. Le buisson leur repondit: S'il est bien
au-devant d'Apollonius, le battirent et le tuerent. Judas vrai que vous m'etablissez votre roi, venez et reposez-
Machabee s'empara de son epee et s'en servit desormais vous a mon ombre. Mais si vous ne le voulez pas, que
dans les combats qu'il continua a livrer pour rindepen- le feu jaillisse du buisson et devore les cedres du Liban.
dance de sa patrie. I Mach., m, 10-12. Joatham tira lui-meme la moralite de son apologue : Les
Sichimites se sont donne pour roi ce qu'il y a de pire ;
4. APOLLONIUS, fils de Tharsee, gouverneur de la mais bientot ils n'en voudront plus, et le feu sorti du
Coelesyrie et de la Phenicie sous Seleucus IV Philopator. buisson les consumera tous. Ayant dit, Joatham s'enfuit.
II Mach., in, 5-7. A 1'instigation de Simon, intendantdu L'evenement ne tarda pas a lui donner raison, Quand
temple de Jerusalem, Apollonius conseilla a Seleucus IV Amasias, roi de Juda, voulut entrer en rapports avec
de s'emparer du tresor du temple. Le roi de Syrie, qui Joas, roi d'Israel, celui-ci lui repondit par cet apologue
avait besoin de grandes sommes d'argent pour payer aux mortifiant: Le chardon du Liban envoya dire au cedre
Rornains le tribut ecrasant impose a son pere Antiochus III du Liban : Donne ta fille en mariage a mon fils. Mai&
le Grand, I Mach., vin, 7, envoya Heliodore a Jerusalem les betes de la foret qui sont sur le Liban passerent et
avec ordre de lui rapporter tout ce qu'il trouverait dans foulerent aux pieds le chardon. Joas ajoutait, en guise
le temple; mais un miracle 1'empecha de remplir sa mis- de morale : Tu as frappe Edom. tu 1'as vaincu, et 1'or-
sion. II Mach., in, 7-40. A la suite de cet evenement, gueil a gonlle ton cceur: contente-toi de ta gloire et reste
Apollonius prit des mesures violentes contre les Juifs, dans ta maison. IV Reg., xiv, 9, 10. Amasias ne s'en
mais 1'auteur sacre ne nous appreni rien de plus de son contenta pas et s'attira le sort du chardon. A ce genre
Jiistoire. II Mach., iv, 4. F. VIGOUROUX. d'apologue se rattache la lamentation d'Ezechiel sur les
princes d'Israel : Ta mere la lionne s'est couchee au
APOLLOPHANES (Septante : 'ArcoXXofavr,;), chef milieu des lions; elle a nourri ses pelits au milieu des
APOLOGUE 780
lionceaux. Elle a fait croitre un de ses lionceaux, et il est 3 Apologues en action. Sur 1'ordre du Seigneur,
devenu lion. II a appris a saisir la proie et a devorer les prophetes font parfois ou racontent qu'ils ont fait
1'homme. Les nations ont entendu parler de lui, 1'ont certaines actions symboliques, qui ne sont que des apo-
capture dans leur fosse et 1'ont emmene enchaine dans logues en acte, destines ensuite a devenir des recits ins-
la terre d'Egypte. A cette vue, elle defaillit, et son espe- tructifs. Ainsi, pour marquer qu'Israel s'est mis a adorer
rance fut ruinee. Elle prit un autre de ses lionceaux et des dieux etrangers, Osee, HI, 1, epouse une femme adul-
en fit un lion. II allait au milieu des lions et devint lion. tere; Ezechiel representera de meme, sous 1'allegoric de
II apprit a saisir la proie et a devorer des homines, a faire deux courtisanes, Oolla et Ooliba, Samarie et Jerusalem,
des veuves et a changer des villes en desert. Le pays et infideles au Seigneur, xxiu, 2-49. Jeremie accomplit
tous ses habitants furent effrayes du bruit de son rugis- un certain nombre de ces actions symboliquos. Doit-il
sement. De toutes les provinces, les nations s'assem- montrer comment 1'orgueil de Juda sera rab. isse et se '
blerent centre lui, tendirent sur lui leurs filets et le cap- changera en pourriture pendant la captivite? II prend une
turerent dans leur fosse. On le mit en cage, et on 1'em- ceinture, la met autour de ses reins, va ensuite la cacher
mena enchaine au roi de Babylone. On 1'enferma dans dans les pierres, au bord de 1'Euphrate, et 1 mgtemps
une citadelle, de sorte qu'on n'entendit plus sa voix sur apres la retrouve toute pourrie. xm, 1-7. Le travail du
les montagnes dlsrael. Ezech., xix, 2-9. Cette lionne potier lui fournit matiere a deux apologues en action,:
est la nation juive; le premier lion est Joachaz, deporte Je descendis dans la maison du potier, et voila qu'il
en Egypte, et le second, Jechonias, deporte a Babylone. travaillait sur sa roue; mais le vase d'argile qu'il faisait
2 Apologues mettant en scene les actes ou les choses avec ses mains fut manque. II reprit son ouvrage et fit
de la vie ordinaire. G'est de cette seconde sorte d'apo- ce vase d'une autre maniere, a sa convenance. xvm,.
logues que Notre-Seigneur s'est si merveilleusement servi 3, 4. Ainsi le Seigneur fera ce qu'il voudra de la maison
sous le nom de paraboles. Voir PARABOLES. Le plus frap- d'Israel. Un autre jour, le prophete prend une jarre de
pant, dans 1'Ancien Testament, est celui que le prophete terre, ceuvre d'un potier, et se fait accompagner par les
Nathan est venu raconter a David, pour le faire rentrer anciens du peuple et du sacerdoce jusqu'a la vallee de
en lui-meme : II y avait dans une ville deux hommes. Ben - Hinnom, pres de la porte du Potier. La il leur
1'un riche et 1'autre pauvre. Le riche possedait des brebis annonce que les Juifs seront brises par les Chaldeens, et
et des bceufs en grand nombre; le pauvre ne possedait a leurs yeux il brise la jarre de terre. xix, 1-10. Deux
rien qu'une petite brebis qu'il avait achetee et nourrie. paniers de figues, les unes bonnes, les autres mauvaises,
Elle avait grandi chez lui, en meme temps que ses enfants, representent les deux portions du peuple, 1'une deja en
mangeant de son pain, buvant a sa coupe et dormant captivite, 1'autre encore a Jerusalem, xxiv, 1-8. Faut-il
sur son sein. Elle etait pour lui comme une fille. Or un engager les rois voisins a se rendre au roi Nabuchodo-
etranger vint chez le riche, et celui-ci se garda bien de nosor? Jeremie se met une chaine au cou et en envoie
toucher a ses brebis et a ses bceufs pour offrir un festin une pareille a ces rois. xxvn, 2-6. Faut-il faire honte a
a 1'etranger qui lui etait arrive; mais il s'empara de la Juda, qui foule aux pieds les preceptes de son Dieu? Le
brebis du pauvre homme, et en prepara des mets pour prophete va trouver les Rechabites et leur offre des coupes
celui qui etait venu chez lui. II Reg., xn, 1-4. A ce de vin. Ceux-ci les refusent, pour ne pas contrevenir aux
recit, le roi fut indigne contre le riche; le prophete lui traditions de leur ancetre. Quel contraste entre la conduite
lancja alors la terrible apostrophe : Get homme, c'est toi! des uns et celle des autres ! Ezechiel raconte aussi plu-
Dans tous les exemples precedents, 1'apologue vise un sieurs actions symboliques, qui deviennent parfois de
fait particulier indique dans le contexte. D'autres fois, vraies paraboles, comme celle du bois de la vigne, qui
1'application de 1'apologue est plus generate. Ainsi en est-il n'est bon qu'a bruler, xv, 2-5; celle des aigles, du cedre
dans cet exemple tire de 1'Ecclesiaste, ix, 14-16: II y et de la vigne. xvn, 3-10. La conduite du prophete qui
avait une petite forteresse. Peu d'hommes 1'occupaient. fait emporter tous ses meubles, comme pour ernigrer, qui
Contre elle s'avanca un grand roi; il 1'investit et dressa perce la muraille de sa maison et se fait emporter de nuit
contre elle de puissantes machines de guerre. Mais il s'y par la breche, xn, 4-7, est un apologue vivant, pour
rencontra un homme pauvre et sage, qui la sauva par sa annoneer la captivite. C'en est un autre, tres pittoresque,
sagesse. Cependant jamais personne n'avait songe a ce que le tableau de cette marmite ou tout cuit a grand feu,
pauvre. Je le declare done, la sagesse vaut mieux que la mais qui ne peut elle-meme se debarrasser de sa rouille.
force; mais on meprise la sagesse du pauvre. Le genie xxiv, 3-12. II faut signaler aussi la peinture d'Assur sous
hebreu cherche toujours 1'image et Faction dans 1'expres- 1'allegorie d'un magnifique cedre du Liban, xx, 3-9, et
sion de la pensee. Aussi, a cote de quelques apologues de- la description du ruisseau qui sort du seuil du temple, et
veloppes dans la Bible, en trouve-t-on beaucoup d'autres fait croitre des arbres nombreux sur ses bords. XLVII, 1-7.
qui ne sont qu'ebauches ou indiques. Telles sont les alle- Ces apologues en action sont comme des tableaux vivants.
gories du festin de la sagesse, Prov., ix, 1-5, et de la Ce qui les caracterise, c'est que parfois ils se rapportent
vigne, Is., v, 1-6; Ezech., xix, 2-9, dont Notre-Seigneur a un avenir inconnu, et sont par la meme moins clairs
fera des paraboles completes. Herder dit avec raison : La que les precedents; c'est qu'ensuite les evenements qu'ils
plupart des sentences des Orientaux... ne sont, pour ainsi representent sont grandioses et depassent de beaucoup le
dire, avec leurs images et leurs allegories resserrees, cadre ordinaire de 1'apologue.
que des fables en abrege. De la poesie des Hebreux, 4 Apologues en vision. Dans certaines visions, Dieu
ne partie, ch. I, 3, trad. Carlowitz, in-8, Paris, 1855, lui-meme deroule devant les yeux de l'homme des tableaux
p. 272. Les livres sapientiaux sont riches en elements de plus ou moins mouvementes, qui sont des revelations de
ce genre. L'exemple de la fourmi, propose au paresseux, 1'avenir. Ce sont de vrais apologues, que Dieu raconte
Prov., vi, G-8, est presque une petite fable. La sentence : a sa maniere, et dans lesquels se melent trois elements
Ne fais pas voler tes yeux apres ce qui n'est rien; car chers aux Orientaux : le drame, 1'enigme et la prophetic.
cette apparence se fera des ailes, comme 1'aigle, et s'en- Purmi ces apologues en vision, il faut ranger les songes
volera vers le ciel, Prov., xxiu, 5, fait penser a plu- de Joseph, qui voit les gerbes de ses freres s'incliner
sieurs apologues de La Fontaine; il en est de meme de devant la sienne, et le soleil, la lune avec onze etoiles
cette autre : Celui qui observe le vent ne seme point, et 1'adorer lui-meme, Gen., xxvii, 7-9; les songes signifi-
celui qui interroge les nuees ne moissonne point. Eccli., catifs des eunuques du pharaon, XL, 5-22, et celui du
xi, 4. Enfin la fable du pot de terre et du pot de fer est pharaon lui-meme, sous les yeux de qui sept vaches
tout entiere dans ce verset : Comment le pot de terre grasses et sept epis pleins sont devores par sept vaches
peut - il s'associer au chaudron ? Quand ils se heurteront, maigres et sept epis vides. XLI, 1-24. Un soldat madianite
il sera brise. Eccli., xm, 3. raconte qu'il a vu en songe un pain d'orge, cuit sous la
781 APOLOGUE A P O T R E 782
cendre, rouler et descendre sur le camp de Madian, puis APOTRE (irroaToXor) s'entend dans la langue grecque
frapper et renverser sa tente. Jud., vn, 13. Ce pain d'orge, d'ou il derive d'un envoye qui a un mandat a remplir.
c'etait Gedeon, qui vint tout renverser la nuit suivante. Herodote, 1, 21; v, 38. Ce mot se lit une fois dans les
Ces sortes de visions ne se retrouvent plus ensuite qu'a Septante, III Reg., xiv, 6; c'est Ahias qui se 1'applique en
1'epoque de la captivite. On a dans Amos, VH, 1-9; vm, parlant a la femme de Jeroboam. Saint Luc, vi, 13,
1, 2, les apologues des sauterelles, du feu, de la truelle nous dit que Jesus, ayant choisi douze de ses disciples,
du macon et du panier a fruits. Daniel explique a Nabu- leur donna le nom d'Apotres, a7to<TTo),o'j? wvofxaaev. Depuis,
chodonosor les deux grandes visions si dramatiques de la ce nom s'est etendu a d'autres hommes participant a 1'acti-
statue dont les materiaux figurent les empires, n, 31 -35, vite des Douze. Ainsi Barnabe est appele apotre, comme
et du grand arbre coupe tout entier, sauf une seule ra- Paul, Act., xiv, 4, 14; Andronique et Junie sont glorieu-
cine, pour representer la decheance temporaire du roi. iv, sement classes parmi les apotres, Bom., xvi, 7; pareille-
2-13. Le prophete lui-meme decrit ensuite les destinees ment Timothee et Silvain. I Thess., n, 7,18. Enfin d'autres
des empires sous 1'allegorie des quatre grands animaux, sont dits apotres, en ce sens qu'ils sont delegues par des
puis du belier et du bouc. VH, 3-7; vm, 3-26. Mardochee Eglises. II Cor., vm, 25, et Phil., n, 25. Neanmoins, et
voit en songe, sous forme de drame allegorique, ses des- d'une maniere generate, il faut reconnaitre que, dans le
tinees et celles de son peuple. Esth., xi, 2-11. Enfin langage biblique, cette designation est reservee aux Douze
Zacharie a de nombreuses visions, qui sont encore des privilegies dont Jesus fit les pierres fondamentales de
apologues vivants, mais beaucoup plus obscurs et parfois son Eglise.
moins dramatiques que les precedents, a raison des objets Pourquoi ce choix de douze hommes parmi les dis-
qu'ils figurent. II laut citer le cavalier au milieu des ciples, et quelle fut leur mission? Saint Marc, qui d'ailleurs,
myrtes, 1, 8; les quatre cornes, 1, 18; 1'homme au cor- comme saint Matthieu, n'emploie qu'une fois le nom
deau, mesurant la surface de Jerusalem, II, 2; le chan- d'Apotres, repond a cette question. Marc., in, 14. Us devaient
delier d'or et les deux oliviers, iv, 2, 3; 1'ecrit volant, etre avec. Jesus dans des relations plus intimes et plus
v, 1; 1'amphore avec une femme assise au milieu, v, 6, 7; suiyies que le reste des disciples, allant precher la Bonne
les quatre chars, vi, 1-8; les brebis de boucherie et les Nouvelle quand ils en recevaient Fordre, et ayant le pou-
deux houlettes, xi, 4-10. Ce sont la plutot des elements voir de guerir les malades et de chasser les demons. Plus
d'apologues, qui auraient pu facilement etre mis en tard, quand il s'agit d'elire un successeur au traitre Judas,
ccuvre, si le prophete 1'avait juge a propos. Pierre precisa une fois de plus, avec le caractere de 1'apos-
H. LESETRE. tolat, le devoir de 1'apotre, qui sera de rendre a Jesus-
APONTE (Laurent de), commentateur italien, de Christ un temoignage autorise. II declara qu'avant tout,
1'ordre des Clercs reguliers mineurs, ne en 1575, au pour etre eligible, il fallait avoir ete aupres de Jesus pen-
royaume de Naples, mort le 26 octobre 1639. II a laisse dant tout le cours de sa vie publique, c'est-a-dire depuis
sur la Sainte Ecriture les ouvrages suivants : Commen- son bapteme jusqu'a son Ascension, aim de pouvoir affir-
tarii in Sapientiarn Salomonis, cum homiliis, diyres- mer les faits que Ton avait vus, et plus particulierement le
sionibus scholasticis et paraphrasi, in-f, Paris, 1629; miracle de la Resurrection. Act., i, 21-22. Les Apotres ont
1640; Commentarii litlerales et morales in Matthseum, ete etablis pour devenir les temoins officiels de 1'Evangile.
2 in-f, Lyon, 1641. L'auteur s'etait propose de publier Saint Jean, qui, ni dans ses Epitres ni dans son Evangile
son commentaire en quatre volumes; la mort 1'empecha (on n'en peut dire autant de 1'Apocalypse, xxi, 14; n, 2;
de terminer son travail, qui n'a du reste qu'un merite xvm, 20), neprononce pas une seule fois le nom d'Apotre,
tres relatif. Voir G. Walch, BMioth. theol., t. IV, p. 641; tout en reconnaissant 1'existence d'un corps constitue par
Dupin, Table des auteurs ecdesiastiques, p. 1793, 2911; Jesus-Christ, qu'il appelle les Douze, contribue particu-
Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 618. lierement a nousdonner, Joa., xiv, 28; xv, 26-27; xvi, 13,
M. FEROTIN. une haute idee des prerogatives spirituelles de ces heu-
APOSTASIE. Ce mot vient du grec drcocrraa-ia, qui reux privilegies.
signifie revolte, defection . II s'entend d'une revolte Ils etaient Douze, parce que ce nombre correspondait
politique ou de la defection religieuse. 11 a communement a celui des tribus d'Israel, vers lesquelles Jesus etait venu
le premier sens dans les auteurs profanes (dans quelques comme vers des brebis sans pasteur. Ils devaient, comme
passages de la version des Septante, Gen., xiv, 4; II Par., autant de patriarches, juger les tribus dans la vie future.
xiii, 6, et Act., v, 37, le verbe onf!.(jTt]\u, d'ou derive le Matth., xix, 28. II y a meme cette singuliere perfection
substantif apostasie , a une signification analogue). Le dans ce symbolisme voulu que, comme la tribu de Joseph
sens de defection religieuse (Vulgate: discessio) est d'ori- se transforme en deux demi-tribus, la place du traitre Judas,
gine biblique : c'est celui que lui attribue le Nouveau Tes- demeuree vide, semble avoir ete occupee simultanement
tament; Act., xxi, 21; II Thess., n, 3 (d'apres les Septante, par Matthias et par Paul. Communement toutefois on
Jer., n, 19; xxix, 32; I Mach., n, 15; cf. I Tim., iv, 1; trouve plus rationnel de voir en celui-ci un treizieme
Heb., in, 12). Les auteurs ecdesiastiques et nos langues apotre et de le mettre hors cadre, comme 1'apostolat spe-
modernes, a la suite de saint Luc et de saint Paul, ont cial dont il fut le promoteur. Voir Le Camus, L'CEuvre des
egalement entendu par apostasie la renonciation a la Apotres, t. i, p. 11. Les Douze, etant comme les premices
religion chretienne. Voir APOSTAT. des douze tribus, representaient done la nation sainte.
Ils furent pris dans la classe populaire, et meme dans ses
APOSTAT, dans notre langue, signifie celui qui elements les plus opposes, puisque nous trouvons parmi
est tombe dans le crime d'apostasie. Ce mot, dans la eux un peager, Matthieu, et un zelote, Simon, les deux
Vulgate, sous sa forme latine apostata, a un sens diffe- extremes en politique, 1'un representant 1'acceptation offi-
rent; il veut dire mechant, homme de rien, et tra- cielle, et 1'autre la haine ardente du joug de 1'etranger.
duit le mot hebreu beliya'al. Job, xxxiv, 18; Prov., Tous, a 1'exception peut-etre de Matthieu le peager, etaient
vi, 12. Voir BELIAL. L'adjectif apostatrix a , dans la absolument illettres. Ils avaient passe leur vie dans des
traduction d'Ezechiel, n, 3, une signification qui se rap- travaux grossiers et penibles. Au moins quatre furent
proche de celle du mot apostasie ; gentes aposta- pecheurs sur le lac de Genezareth. Mais avec leurs natures
trices designe en effet les nations qui se sont revoltees frustes, tous, sauf Judas, avaient le coeur bon, et c'est
centre Dieu. L'Ecclesiastique emploie deux fois le verbe sur leurs coeurs que Jesus entendit graver la nouvelle loi
apostatare : la premiere, x, 14, dans 1'acception de du rnonde.
s'eloigner de Dieu (grec: d?ioTa[jt.evov,'Eccli., x, 12); Le catalogue des Apotres nous a ete conserve par les
la seconde, xix, 2, dans celle de detourner de son devoir trois synoptiques et le livre des Actes. En comparant les
(grec: aTiOTzrjffovffi). qualre listes, on constate qu'elles portent absolument les
783 APOTRE 784
memes noms, excepte pour Jude, frere de Jacques, qui est de taille, soil qu'il fut plus jeune que Jacques, frere de
appele Lebbee par saint Matthieu, et Thaddee par saint Jean. II est a la tete d'hommes moins connus: Jude, son
Marc. Mais Thaddee ou Lebbee, derives 1'un de Sad ou frere; Simon Qananlt, ou le Zele , selon le sens que le
Thad, poitrine, 1'autre de Leb, cceur, signifient, Talmud donne a ce mot, derive de Qanna, et enfin Judas,
en termes analogues, un homme genereux et energique. 1'homme de Kerioth, ou 1'homme a la ceinture de cuir.
II est a croire que cet honorable surnom supprima de bonne Ce n'est pas ici le lieu d'apprecier chacun des Douze
heure le nom de Jude, trop semblable a celui de 1'apotre d'apres ce que nous savons de lui, puisqu'ils doivent avoir
prevaricateur. tous, dans ce Dictionnaire, leur biographic individuelle.
Les Douze ferment regulierement trois groupes, dont Notons cependant la place d'honneur et de reelle primaute
chacun a un chef et des membres qui ne varient pas. que Pierre occupe dans ces listes, place qui repond exacte-
Seul 1'ordre des membres dans le groupe se trouve par- ment a la mission speciale que Jesus devait lui donner,
ibis interverti, mais sans que jamais un membre passe et au role que, sans conteste, il s'est toujours attribue,
d'un groupe a 1'autre. II est probable que ce classement, surtout apres la Pentecote. L'exegese moderne, meme la
dont voici 1'ordre comparatit, repondait a peu pres au plus hostile a la doctrine catholique, ne nie guere plus
degre d'intimite qui, dans les relations quotidiennes de aujourd'hui cette preeminence de Pierre. Seulement elle
la vie, unissaient chaque apotre a Jesus-Christ. declare que ce fut la une prerogative resultant de ses qua-
1 SlMON-PlERRE
5 PHILIPPE
9 J A C Q U E S , FILS D'ALPHEE
Pierre est invariablement le premier dans la liste, np&To; lites personnelles, de sa nature ardente, expansive et toule
St'fxwv, et plus immediatement le chef du premier groupe, d'intuition premiere; or ce qui est personnel ne se trans-
que constituent avec lui trois autres disciples privilegies, met pas. II est facile de prouver que, tout en concordant
Andre, Jacques et Jean. Nous retrouvons la les deux avec ses qualites morales, dont elle fut en partie la recom-
couples de freres que Jesus avait d'abord appeles a etre pense , sa suprematie reposa sur un droit authentiquement
pecheurs d'homrnes. Philippe, qui, lui aussi, s'etait de tres confere par Jesus-Christ, droit qui dut passer a ses suc-
bonne heure, Joa., I, 43, mis a la suite du Seigneur, est cesseurs.
le diet du second groupe, constitue par Barthelemy, le Quant a 1'histoire generale des Apotres, elle a consiste
meme probablement que Nathanael, cet ami conduit a a realiser le but pour lequel ils avaient e'te institues.
Jesus par Philippe et qui, des ce moment, devint son Du vivant du Maitre, ils sont autour de lui, forment sa
compagnon ordinaire, soit sous son nom propre de Natha- societe ordinaire, et s'occupent de lui rendre tous les
nael , que saint Jean emploie toujours, soit sous son nom services matcriels qu'il peut attendre d'eux. Matth., xx,
patronymique de Barthelemy ou fils de Tolmai, que les 17-29; xxvi, 17-20 Luc., ix, 52; Joa., iv, 8. Ils
synoptiques preferent, pour eviter peut-etre le rappro- ecoutent ses enseignements, desireux qu'ils sont d'etre
chement de Nathanael et Matthieu, deux noms signifiant des docteurs instruits pour le royaume des cieux, Matth.,
1'un et 1'autre : Theodore ou don de Dieu; Thomas ou le xin, 52; mais leur intelligence est souvent bien courte,
Jumeau, le Besson, comme on disait dans notre vieille et le Maitre doit plus d'une fois reprendre en particulier,
langue francaise, et Matthieu qui, dans sa propre liste, se avec de nouvelles explications, ce qu'ils n'avaient pas saisi
qualifie de peager, et se place modestement apres Thomas, quand il parlait en public. Matth., xiil, 18, 36, etc. II les
tandis que saint Marc et saint Luc le mettent en avant. forme a la vertu par son exemple et aussi par ses amicales
Matthieu, si Ton compare Luc., v, 27-32, et Marc., n, reprimandes. Matth., vin, 26; xvi, 23; xvin, 1, 21;.Luc.,
13-17, avec Matth., ix, 9-13, est evidemment le meme per- ix, 50, 55; Joa., xin, 12, etc. Ils recoivent de lui le pou-
sonnage que Levi, le nom de Matthieu, don de Dieu, voir de faire des miracles, Marc., in, 14, et ses solennels
etant le nom du nouvel homme, et Levi celui de 1'ancien avis pour precher le royaume de Dieu. Matth., x-xi et
peager. Le chef du troisieme groupe est un cousin de parall. Ils sont institues les porte-clefs du royaume de
Jesus, Jacques, surnomme le Mineur, soit qu'il fiit petit Dieu, Matth., xvin, 18; xix, 28; Luc., xxn, 30, avec 1'as-
785 APGTRE 786
surance de recevoir le Saint - Esprit, sous 1'inspiration inconcevable inaction. L'incendie allume de tous cotes et
duquel ils fonderont 1'Eglise. Joa., xiv, 16, 17, 26; xv, simultanement dans le monde suppose des envoyes, des
26, 27; xvi, 7-15. Ils prennent part aux luttes et aux predicateurs, des temoins, arrivant partout a la fois, et
triomphes du Seigneur en Galilee, en Peree et a Jerusa- la croyance iiniverselle de 1'Eglise primitive declare, en
lem, jusqu'a 1'inoubliable banquet final ou ils sont insti- effet, qu'il en fut ainsi. Qui pourrait affirmer que tout
tues sacrificate.urs de la nouvelle loi. Puis vient la catas- est imaginaire dans les Actes apocryphes qui nous sont
trophe , et la fuite des Onze est aussi douloureusement restes de plusieurs d'entre les Apotres? La fin abrupte du
surprenante que le cynisme avec lequel le douzieme, livre de saint Luc autorise a croire qu'il avail ccrit, ou
Judas, trahit son Maitre et le livre a ses ennemis. qu'il devait ecrire une suite des Actes, com me les Actes
Apres la mort de Jesus, 1'histoire des Apotres devient etaient la suite de son Evangile. A-t-il fini sa trilogie?
1'histoire de 1'Eglise elle-meme. Les apparitions du Res- Son dernier livre a-t-il etc tellement defigure a 1'origine
suscite relevent leur courage, en faisant revivre leurs par les sectes gnostiques, que, tombe en discredit, il ait
esperances. Ils voient de leurs propres yeux que tout ce ete sacrifie par 1'Eglise? C'est possible. En tout cas, nous
que les prophetes et le Maitre avaient annonce s'est sommes unanimes a regretter la desesperante lacune qu'il
accompli. Des lors, le groupe se reconstitue, et, plein de y a dans cette partie si interessante de 1'Eglise primitive,
foi, attend la realisation des promesses du Seigneur. Pour et c'est a la science chretienne de fouiller partout pour
remplacer le traitre, on precede a 1'election de Matthias. essayer de la combler.
Le jour de la Pentecote, le Saint-Esprit descend sur les Les Apotres t'urent representes de bonne heure par les
186. Les douze Ap&tres. D'aprfes B. Le Blant, titudes sur les sarcophages de la ville d'Aries, pi. xrv.
Douze et sur les disciples qui sont au Cenacle, achevant, artistes de la primitive Eglise, dans les Catacombes et
.sous la lorme de langue de feu, leur transformation morale. specialement sur les sarcophages Chretiens (fig. 186). Ils
Desormais ils ne seront plus les memes hommes. Ces sont ordinairement vetus d'uneTongue tunique qui descend
irresolus, ces ignorants, ces timides, se montreront pleins jusqu aux pieds et d'un pallium comme vetement de
d'enthousiasme, d'eloquence, d'iridomptable energie. A dessus. Dans les monuments des huit premiers siecles,
travers des luttes pleines de peril et de gloire, ils fondent en Occident, ils se tiennent debout ou assis, a droite et
1'Eglise de Jerusalem; mais 1'ordre du Maitre est d'aller a gauche de Notre-Seigneur, figure sous sa forme humaine
precher ensuite en Samarie et dans le monde entier. ou sous une forme symbolique; les uns sont barbus, les
L'Esprit les pousse bon gre mal gre a cette evangelisation autres imberbes. Ils portent generalement comme insigne,
de 1'univers entier. L'hellenisme a prepare les voies, Pierre dans la main gauche, un volume ou rouleau, qui rappelle
a officiellement ouvert la marche vers la Gentilite en la parole divine qu'ils ont prechee; quelquefois ils ont a
baptisant Corneille et tous les siens, Paul exploite le vaste la main une couronne, symbole de leur triomphe et de
champ offert a son zele. Tous les Douze finissent par com- la recompense celeste.
prendre qu'il en faut faire autant; mais nous ignorons la Quand les Apotres sont figures par des symboles, ils
part reelle que chacun d'eux a eue dans 1'evangelisation sont representes par douze brebis, se tenant six par six a
du monde d'alors. II y a la une lacune bien regrettable cote du bon Pasteur, assis d'ordinaire sur un rocher d'oii
dans 1'histoire sacree. On la comble par des conjectures tres coulent les quatre fleuves du paradis terrestre, emblemes
plausibles et en partie fondees sur des traditions venerables. des quatre Evangiles. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints
Un resultat aussi grand, aussi universe!, aussi rapide que et la critique rationalists, 4e edit., t. i, p. 232-238.
1'evangelisation du monde dans 1'espace de quelques annees Les deux groupes de brebis sortent le plus souvent de
ne saurait etre 1'oeuvre de Paul tout seul et de ceux qui deux tours qui sont 1'image de Bethlehem et de Jerusalem.
rayonnaient autour de lui, quelle que fut leur vaillance. D'autres symboles mystiques, palmier, vigne, arbres divers,
Les autres Apotres y ont eu leur part. Ainsi, malgre le accompagnent frequemment ces representations (fig. 187).
silence de 1'histoire, nous savons, d'apres certaines indi- Pris individuellement, les Apotres ont pour caracteris-
cations, toutes fortuites d'ailleurs et comme insignin'antes tique : S. Pierre, les clefs; S. Paul, le glaive; S. Andre,
de saint Paul, que saint Pierre a du precher a Corinthe la croix designee sous son nom; S. Jean, un calice d'oii
et dans d'autres contrees que la Palestine, comme il precha sort un serpent; S. Jacques le mineur, un livre et un
a Rome. De ce que d'heureuses allusions ne sont pas baton; S. Philippe, une croix dont le montant a des
venues faire la lumiere sur 1'histoire des autres, on n'en noeuds comme un roseau ; S. Jacques le majeur, un baton
saurait conclure que cette histoire se resume en une de peierin et un grand chapeau avec des coquillages;
787 APOTRE APPEL DES SENTENCES 788
S. Barthelemy, un livre et un coutelas; S. Thomas, une seul jugement proprement dit, quoique tres sommaire,
cquerre; S. Matthieu, une lance; S. Simon, une scie; que signale TEcrilure pour 1'epoque patriarcale, c'est
S. Jude, une massue; S. Matthias, une hache. celui de Thamar; or cette femme, jugee et condamnee,
On trouvera des documents sur les Apotres dans les fut sauvee par une autre voie que celle de 1'appel. Gen.,
di verses Vies de Jesus-Christ, ecrites a un point de vue xxxvm, 24-26.
critique et serieusement savantes; dans les bons eommen- I. L'APPEL DANS LA. LOI MOSAIQUE. 1 Penode tran-
taires sur le livre des Actes. Cave, Antiq. Apostol., Londres, sitoire. Pendant les premiers mois qui suivirent la sortie
1677; Id., Lives of the Apostles, in-f, Londres, 1677; d'Egypte, Moise rendait seul la justice. Jethro, son beau-
nouvelle edit, par Gary, in-8, Oxford, 1840; Perionius, pere, lui fit remarquer que ce fardeau etait insupportable,
Vitas Apostolorum, Paris, 1551; Francfort, 1774; Sandini, et lui conseilla d'etablir des chefs, qui seraient aussi des
Ilistoria apostolica, in-8, Padoue, 1731; G. Erasmus, juges, sur les fractions de mille, de cent, de cinquante
Peregrinaliones Apostolorum, Ratisbonne, 1702; Jacobi, et de dix hommes. Et Jethro ajouta : Que ces chefs soient
Geschichte der Apostel, in-8, Gotha, 1818.; Rosenmiiller, occupes a rendre la justice au peuple en tout temps;
187. Les douze Ap6tres, symbolisms par des brebls. Mosa'ique de i'abslde de i'anclenne baslUque de Saint-Pierre.
D'apres Clamplni, De sacris xdiflclis, t. in, pi. xm.
Die Apostel nach ihrem Leben und Wirken, in-8, Leipzig, mais qu'ils reservent pour vous les plus graves affaires,
1821; Wilhelmi, Chnsti Apostel und erste Bekenner, et qu'ils jugent seulement les plus petites. C'est ce qui
in-8, Heidelberg, 1825; Greenwood, Lives of the Apost- fut execute. Exod., xvm, 13-26. Ainsi les plus graves
les, 3e edit., in-12, Boston, 1846; Allen Giles, Apostolical affaires etaient, par le seul fait, reservees a Moise; mais,
Records, Londres, 1886; Tischendorf, Acta Apostolorum de plus, quand les juges inferieurs trouvaient des diffi-
apocrypha, Leipzig, 1851; R. A. Lipsius, Die apocryphen cultes dans les causes qui leur etaient adressees, ils en
Apostelgeschichten, 2 in-8, Brunswick, 1883-1890, referaient a Moise, suivant 1'ordre expres que celui-ci
donnent des indications sur les traditions primitives. Pour leur avait donne. Deut., I, 9-17. On le voit, dans cette
1'histoire meme de 1'age apostolique, V. Schaff, Hist, of periode, il n'y a pas d'appel proprement dit, mais sim-
Apost. Church, Edimbourg, 1854; Lange, Das Aposto- plement une reserve ou un renvoi a Moise dans les affaires
lische Zeitalter, Brunswick, 1854; Lechler, Das Apost. graves ou difficiles. Remarquons en passant qu'il ne faut
Zeilalter, Stuttgart, 1857; Farrar, The Early Days of pas voir, dans ces soixante et dix anciens, dont parle le
Christianity, Londres, 1884, et notre livre L'CEuvredes livre des Nombres, Num., xi, 14-29, une cour supreme
Apolres, Paris, 1891. E. LE CAMUS. de justice, encore moins, quoi qu'en aient dit plusieurs
auteurs, 1'origine du grand sanhedrin. Ces opinions sont
APPEL DES SENTENCES. L'appel strictement dit, aujourd'hui abandonnees. Cf. Michaelis, Mosaisc/ies Recht,
eo matiere judiciaire, est un recours centre une sentence, L, Francfort-sur-le-Mein, 1793, t. i, p. 278-280; Rosen-
porte, par la partie deboutee ou condamnee, devant un miiller, In Num., xi, 16; Jahn, Archseologia biblica,
tribunal superieur, pour obtenir la reformation du pre- 237, dans Migne, Scripturss Sacrse cursus completus,
mier jugement; dans un sens tres general, 1'appel est un t. n, col. 968-969. Ce senat des soixante et dix avait
recours quelconque a un tribunal superieur. d'autres fonctions que celle de juger; il aidait Moise dans
Nous ne trouvons aucune trace d'appel avant Moise; le le difficile gouvernement d'un peuple de six cent mille
789 790
hommes, groupe comme une armee. On n'en voit plus de dit, sur des raisons de convenance, affirme que cette cour
trace apres la mort de Moise. ; supreme recevait les appels des tribunaux inferieurs. Les
2 Prescriptions de la loi mosalque sur le recours aux \ travaux de M. Maspero sur le Papyrus Abbott, el de M. De-
juges superieurs. Elles sont renfermees dans un passage .' veria sur le Papyrus judiciaire de Turin , ne font pas
du Deuleronome, xvi, 18-xvn, 13. Comme le peuple soupconner, en faveur de la cour de Thebes, 1'existence
Israelite allait bienlol prendre possession de la terre qui de 1'appel. Maspero, Une enquete judiciaire d Thebes au
lui avail ete promise, Moise lui donna des prescriptions . tamps de la xxe dynastie. Etude sur le Papyrus Abbott,
en rapport avec sa situation proehaine : Vous elablirez Paris, 1872; Deveria, Le papyrus judiciaire de Turin,
des juges, sofetim, et des scribes, soterim, a toutes les dans le Journal asiatique, aout-sepl. 1865, ocl.-nov. 1865,
portes des villes que le Seigneur vous aura donnees, afin aoul-sept. 1866, nov.-dec. 1867. M. Deveria signale seu-
qu'ils jugent le peuple selon la justice... S'il se trouve lement un cas de renvoi, pour cause d'incompetence, a
une affaire embrouillee dans laquelle il soit difficile de un Iribunal special. Journal asiatique, nov.-dec. 1867,
prononcer entre sang et sang (c'est- a-dire entre un p. 413. Diodore de Sicile, qui traite avec tant de soin la
meurtre delibere et un homicide involoritaire), entre question de I'organisation et de la procedure judiciaires
cause et cause, entre coup et coup ("Vulgate, inexacle- de 1'ancienne Egypte, ne dit pas un mot de 1'appel pro-
rnent: inter lepram et lepram), et que vous voyiez que prement dit. Diodore, n, 3, Lyon, 1552, p. 91-107. Dans
dans 1'assemblue les avis des juges soient parlages, allez le droit romain lui-meme, 1'appel n'apparait que tardi-
au lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi, et adressez- vemenl. En matiere civile, il ne fut organise que sous
vous aux pretres de la race de Levi, et au Juge de ce Auguste; en maliere criminelle, il apparait plus tot: on
temps-la (hebreu : hassofet, le Juge, par antonomase, en voit les origines, sous les rois, dans des cas excep-
c'est-a-dire le magistral supreme); vous les consulterez , tionnels; mais, comme institution reguliere et perma-
ils vous decouvriront la verite du jugement, et vous nenle, il rie fonctionna que sous 1'empire. Daremberg el
ferez tout ce qu'ils vous auront dit. Deut., XVH, 8-10. Saglio, Dictionnaire des antiquites grecques et romaines,.
Ainsi done Moise present d'elablir des juges dans toutes au mot Appellatio, Paris, 1874, t. i, p. 329-330; Acca-
les villes, puis un tribunal supreme, siegeant dans la ville rias, Precis de droit romain, Paris, 1891, t. n, p. 758.
capitale que Dieu choisira lui-meme, et compose soit des 3 Les recours aux juges superieurs, de Moise d la
pretres, que Dieu a deja designes comme les inlerpreles captivite. A cause des difficultes de la conquete el des,
de sa loi, Lev., x, 10-11, soit du magistral supreme d'ls- guerres sans cesse renaissanles, les prescriplions de Moise
rae'l, en qui doit resider le pouvoir executif. Mais, on le ne furenl execulees que lenlement et partiellement. Ce
voit clairement par le texte cite, le recours au tribunal sonl les juges el les rois qui paraissent seuls remplir les
supreme, permis et meme present en certains cas par fonctions de la cour superieure, et qui renderit la justice,
Moise, n'est pas un appel strictement dit; ce n'est pas soit par suite d'un renvoi a leur tribunal, soit meme en
a 1'accuse ou a la partie interessee que s'adressent les premiere instance. Debora juge sous son palmier, comme
paroles citees de Moise, c'est aux juges eux-memes, ou sainl Louis sous son chene, Jud., iv, 4-5; Samuel par-
plutot a leur chef ou president; ce n'est pas, en effet, court le pays pour rendre la justice, I Reg., vu, 15-17.;
la partie interessee qui peut juger si 1'affaire est difficile lous les Israelites ont un acces facile aupres des rois,
ou embrouillee, si les juges sont d'accord ou non; cette II Reg., xiv, 4-20; xv, 2-6; III Reg., m, 16-28. Tanlol
fonction delicate, qui exige le desinleressemenl le plus les rois ecoutaienl eux - memes les plaideurs, tantot ils
complet, ne peut appartenir qu'au tribunal lui-meme; les faisaient examiner par des delegues. II Reg., xv, 3.
aussi 1'historien Josephe, rapportant ce texte de Moise Puisque David, vers la fin de son regne, dislribua dans
avec son interpretation traditiormelle, s'exprime ainsi : tout Israel six mille levites, pour etre juges el magistrals,
Que si les juges ne savent que prononcer au sujet de I Par., xxm, 4; xxvi, 29, il est probable qu'il en relint
1'affaire qui leur est soumise, ce qui n'arrive que trop un certain nombre a Jerusalem , pour y former la cour
souvent aux hommes, qu'ils renvoient, avanefXTieToxrav, la supreme demandee par Moise; dans tous les cas, ce fut
cause entiere a la ville sainte, oil le grand pretre, le pro- Josaphat, au plus tard, qui, apres avoir renouvele tout
phete et le senat, s'etant reunis, decideront ce qu'il appar- le personnel des tribunaux locaux, II Par., xix, 5-7, fonda
tiendra. Josephe, Ant. jud., IV, vin, 14. Cf. Saalschiitz, la cour supreme de Jerusalem. II la composa de pretres,
Das Mosaische Recht, Berlin, 1853, k. 87, p. 596-598; de levites et de chefs de famille; puis il lui donna deux
Wirier, Riblisches Heahcorterbuch, au mot Gericht, Leip- presidents: 1'un, le grand prelre, devanl surloul s'occuper
zig, 1838, t. i, p. 479. Comme on le voit du reste par des affaires religieuses; 1'autre, chef de la maison de Juda,
plusieurs textes, Moise ne suppose pas d'appel apres la devant s'occuper des affaires civiles. II lui allribua, comme
sentence, ou plutot il suppose clairement qu'il n'y a pas compelence, loules les causes qui viendraienl des Iribu-
d'appel. Deut., xvn, 2-0; xxi, 18-23; xxn, 13-24; xxv, 2. naux locaux, soil dans les affaires criminelles, entre
Bien plus, la sentence est executee le jour meme, imme- sang el sang, soit dans les causes civiles. II Par., xix,
diatement apres le prononce du jugement. Jos., VH, 16-26; 8-11. D'apres le commenlaire quo donne de ce lexle 1'his-
I Reg., xxn, 11- 18; II Reg., i, 13-16; iv, 9-12; III Reg., lorien Josephe, Antiq. jud,, IX, i, 1, on voit que la cour
n, 23-25; 28-35; 41-46; Dan., xm, 41-45; 60-62. Cf. de Jerusalem etait surlout destinee a trailer les affaires
Michaelis, Mosaisches Recht, 307, t. vi, p. 160-167; Jahn, les plus graves qui lui seraient renvoyees; on reconnait
Arc/tseoloyia biblica, 242, dans Migne, Script. S. cursus la la premiere idee de Moise. II est probable aussi que-
compl., t. n, col. 961. cerlaines affaires Ires graves furenl peu a peu reservees,
Ne nous etonnons pas que la legislation mosaique ignore meme en premiere instance, a ce tribunal superieur;
1'appel proprement dit. Cette idee de 1'appel, qui nous mais rien ne nous aulorise a en faire une cour d'appel
parait si simple aujourd'hui, parce qu'elle est universelle, dans le sens stricl du mot.
ne s'est developpee que peu a peu dans la suite des ages. 4 Les recours, apres la captivite; le grand sanhe-
En Egyple, la cour supreme de Thebes, dont Moise avail drin. Apres la caplivile, Esdras recul du roi de Perse,
connu et peut-etre vu le lonctionnemenl, n'elait pas Arlaxerxes Longue-Main, le pouvoir de relever les Iribu-
une cour d'appel propremenl dite; sans doule les affaires naux el le droil expres de porter des peines, de prison,
graves lui etaient reservees, d'autres lui elaienl ren- d'amende, d'exil et meme de mort. I Esdr., vn, 25-26.
voyees, mais pas sous forme d'appel; du moins aucun A cause de 1'obscurite qui enveloppe, a partir de cette
texte, aucun fait jusqu'ici ne le prouvent. C'esl ce qu'a- epoque jusqu'aux Machabees, 1'histoire d'Israel, nous ne
voue Thonissen, Memoire sur I'organisation judiciaire pouvons savoir jusqu'a quel point les intentions d'Esdras
de I'Egypte ancienne, Bruxelles, 1864, p. 21-22, quoique purent etre realisees. Vers le temps des Machabees appa-
neanmoins cet auteur, appuye seulement, comme il le rail le grand sanhedrin. Sur les origines et la composition.
791 APPEL DES SENTENCES 792
de ce tribunal, voir SANHEDRIN. A cette epoque, il y avait subit cinq fois, comme il nous 1'apprend lui-meme, la
des tribunaux dans toutes les villes d'Israel. Josephe, rigueur des penalties judaiques. II Cor., xi, 24. Mais aussi
Antiq. jud,, IV, vm, 14; Mischna, traite Sanhedrin, I, il etait citoyen romain, et, en cette qualite, il etait justi-
edit. Sui-enhusius, t. iv, p. 207-214. Quels etaient les ciable des tribunaux imperiaux, en sorte que, si Tun de
rapports des tribunaux inferieurs avec le grand sanhe- ces tribunaux etait une fois legalement saisi d'une affaire
drin? Deux points les resument: 1 Certaines causes, que criminelle contre sa personne, ce tribunal etait compe-
nous appellerions aujourd'hui causes majeures , etaient tent, et rien ne pouvait le dessaisir, a moins que 1'accuse
reservees, meme en premiere instance, au grand sanhe- lui-meme n'y consentit. Le cas se presenta, pour saint
drin; la Mischna les enumere avec soin, traite Sanhe- Paul, au tribunal romain de Cesaree. Les Juifs, ennemis
drin, I, 5, t. iv, p. 213. Void celles qui concernent la acharnes de saint Paul, qui se trouvait alors a Jerusalem
matiere qui nous occupe, c'est-a-dire les affaires judi- (an 58), avaient complete sa mort: le tribun romain de
ciaires : 1. le jugement d'une tribu, ou meme d'une ville Jerusalem, Claudius Lysias, voulant le soustraire a leur
qui, soil en totalite, soit en grande partie, seraient torn- fureur, le fit enlever pendant la nuit et conduire a Ce-
bees dans 1'idolatrie; 2. le jugement d'un faux prophete saree, ou demeurait le procurateur de la Judee, Felix,
(cf. Luc., xni, 33), ou du grand pretre, ou d'un ancien signifiant en meme temps a ses accusateurs qu'ils eussent
rebelle a 1'autorite des magistrats de sa ville; 3. 1'appre- a porter leurs griefs au tribunal du procurateur. Act.,
ciation pratique des defauts qui empechaient les Israelites xxm, 12-30. En consequence, les accusateurs juifs, etant
de recevoir le sacerdoce. Plusieurs auteurs ont fait des descendus a Cesaree, cornparurent devant Felix, en meme
commentaires de ces cas reserves au grand sanhedrin. temps que Paul, et formulerent contre lui leurs accusa-
Voir, dans la Mischna, t. iv, p. 213, les commentaires de tions. Saint Paul les refuta et les reduisit au silence. Felix
Bartenora, de Maimonide et de Cocceius; cf. Bucher, aurait du le mettre en liberte; mais, sous pretexte de
Synedrium magnum, dans Ugolini, Thesaurus antiijui- nouvelles informations a recueillir, et au fond pour faire
tatum sacrarum, Venise, 1762, t. xxv, p. 1173-1174; plaisir aux Juifs, il retint saint Paul en prison, lui laissant
Witsius, De synedriis Hebrseorum, dans Ugolini, t. xxv, toutefois une certaine liberte. Au bout de deux ans, Felix
p. 1215-1220; Daniel Heinrich, De judiciis Hebrseorum, est remplace, comme procurateur, par Festus. Les Juifs
dans Ugolini, t. xxvi, p. 71-82; Carpzov, Apparatus anti- demandent a celui-ci la condarnnation a mort de Paul.
quitatum sacri codicis, Leipzig, 1748, p. 570-572; et Act., xxv, 15. Le procurateur refuse, alleguant la loi
surtout Selden, qui parait avoir epuise la matiere dans romaine, qui defend de condamner un accuse sans 1'avoir
son ouvrage De synedriis et praefecturis veterum Hebrseo- entendu, et il invite les accusateurs de Paul a se presenter
rum libri tres, Francfort, 1696. 2 Outre ces cas reser- a son tribunal a Cesaree, pour formuler leurs plaintes.
ves, le grand sanhedrin statuait en dernier ressort sur les En effet (vers 1'an 60), les accusateurs juifs, ayant com-
diflicultes judiciaires qui lui etaient renvoyees par les tri- paru avec Paul devant Festus, renouvelerent les memes
bunaux inferieurs; c'est 1'application du texte du Deute- accusations qu'ils avaient deja formulees, deux ans aupa-
renome, xvu, 8-10, que nous avons explique plus haut. ravant, devant Felix ; mais ils ne purent pas davantage les
Rien ne fut change dans la nature de ce recours; c'etaient prouver, et de nouveau Paul les reduisit au silence. Act.,
toujours les juges, et non les parties, qui en referaient au xxv, 6-9. C'est ici que se place son appel a Cesar.
grand sanhedrin. Gf. Witsius, De synedriis, 15, dans Ugo- Les ennemis de saint Paul avaient conjure Festus de
lini, t. xxvi, p. 1201. On le voit done, meme a cette epoque, renvoyer son accuse devant le sanhedrin de Jerusalem,
il n'y avait pas encore d'appel proprement dit; ce n'etait comme pour 1'y faire juger suivant leur loi, mais eu rea-
qu'un recours plus ou moins general. Dans la Mischna, lite pour avoir 1'occasion d'executer, pendant le voyage,
redigee vers 1'an 200 de notre ere, il n'y a pas de traces rinfame complot trame contre sa vie deux ans auparavant.
serieuses d'un veritable appel; en matiere criminelle, les Act., xxv, 3; cf. xxm, 12-15. Festus ignorait sans doute
tribunaux inferieurs pouvaient reformer leur propre sen- cet odieux dessein des Juifs. Quoi qu'il en soit, pour leur
tence, si le condamne, ou meme un assistant quelconque faire plaisir, il forma le projet de leur accorder cette de-
(cf. Dan., xm, 45-62), apportaient a sa decharge des ar- mande, et de renvoyer Paul devant le sanhedrin; il fallait
guments nouveaux, Mischna, traite Sanhedrin, vi, 1, pour cela, comme nous 1'avons dit, son consentement :
t. iv, p. 233; mais on ne voit nulle part que 1'execution Veux-tu, lui dit Festus, aller a Jerusalem, et y etre juge,
du jugement put etre suspendue par le fait d'interjeter devant moi, sur tous ces chefs ? Ces mots devant moi
appel a un tribunal superieur. En matiere civile, il y avait signifiaient que, le sanhedrin ayant porte sa sentence, le
en general plus de liberte; les tribunaux inferieurs pou- procurateur, suivant son droit, la reviserait, et au besoin
vaient reformer leur propre sentence, si les parties appor- la reformerait. Saint Paul ne se laissa pas trornper par
taient des preuves nouvelles, Mischna, traite Sanhedrin, ces paroles insidieuses. Le renvoi a Jerusalem etait pour
in, 8, t. iv, p. 224; cf. la Ghemara de Babylone, traite lui la mort certaine; il n'ignorait pas le complot des Juifs
Sanhedrin, in, dans Ugolini, t. xxv, p. 702-706 (traduc- contre sa vie, Act., xxm, 16; il savait que le sanhedrin
tion latine d'Ugolini); de plus, il etait permis ordinaire- voulait a tout prix le condamner a mort, et que peut-etre
ment a un creancier de reclamer sa dette soit devant le Festus, qui avait deja donne plusieurs marques de lache
tribunal lopal, soit devant un tribunal superieur; et meme. complaisance aux Juifs, n'aurait pas le courage de resister
apres avoir comparu devant un tribunal local, les parties a leur fureur. II declare done qu'il ne veut pas etre ren-
mecontentes de ce premier jugement pouvaient porter voye a Jerusalem : Je suis, dit-il, devant le tribunal de
1'affaire devant un tribunal superieur, mais a condition Cesar (appelant de ce nom le tribunal du procurateur,
(ce qui detruit la notion du veritable appel) d'avoir prea- legat et vicaire de Cesar; cf. D., I, xix, De officio procu-
lablement execute la sentence de la premiere instance. ratoris Csesaris, 1. i ) , c'est ici que je dois etre juge; si
Cf. Saalschutz, Das Mosaische Recht, k. 87, p. 598, note. je suis coupable, je ne refuse pas la mort; mais, puisque
Ainsi 1'influence du droit romain, qui, depuis Auguste, je suis innocent, personne ne peut me sacrifier aux Juifs.
reconnaissait si energiquement le droit d'appel, ne s'etait J'en appelle a Cesar, Kotiaapa sTuxa^oOpiat. Act., xxv, 11.
pas encore fait sentir chez les Juifs, qui vivaient toujours, Sans doute le prccurateur n'avait pas encore porte de
antant que possible, cantonnes dans leurs institutions et sentence definitive; rnais la loi romaine permettait d'ap-
leurs coutumes traditionnelles. peler meme d'une sentence interlocutoire, c'est-a-dire
II. L'APPEL DE SAINT PAUL A CESAR. Saint Paul, d'une decision rendue. au cours de la procedure, sur une
etant Juif, etait justiciable des tribunaux juifs, dans les question incidente, quand cette decision etait manifeste-
limites ou leur pouvoir judiciaire avait ete resserre par ment contraire aux lois i cf. D., XLIX, v, De appellatio-
les Romains ; il reconnait lui - meme, au moins tacite- nibus recipiendis, 1. n ) , et surtout quand cette decision
ment, 1'autorite du grand sanhedrin, Act., xxm, 1-6; il etait de nature a causer a 1'accuse un dommage irrepa-
793 APPEL DES SENTENCES APPIUS (FORUM D') 794
rable. Cf. Voetius, Ad Pandectas, De appellationibus rnartyrologes latins et les menologes grecs au 22 novembre,
et relationibus, XLIX, I, n- 12, Venise, 1828, t. vi, p. 308. avec Philemon, dont elle aurait partage le martyre. Voir
C'etait le cas pour le decret de renvoi au sanhedrin. PHILEMON. E. JACQUIER.
Saint Paul avait done le droit d'en appeler a Cesar. Aussi
Festus, ayant delibere quelque temps avec ses assesseurs, APPIUS (FORUM D')('Airircovq>6pov, Appii Forum),
revint et dit : Tu en as appele a Cesar, tu iras a Cesar. station postale de 1'antique voie Appienne, situee au mi-
L'appel de Paul n'etait que conditionnel , puisque le lieu des marais Pontins, ou les fideles de Rome allerent
decret de renvoi n'etait pas porte, mais seulement pro- a la rencontre de saint Paul, quand il etait conduit captif
pose. Cf. Kuinoel, In Actus Apost., xxv, n 12; Beelen, a la capitale de 1'Empire pour etre juge par Cesar. Act.,
In Actus Apost., xxv, 11, p. 551. Par 1'acceptation de XXVIH, 15.
Festus , 1'appel devint absolu. Des lors il produisit tout Saint Paul, apres avoir fait naufrage a Malte> avait eie
son efFet, c'est-a-dire qu'il suspendit completement la emmene en Italie par un nouveau navire alexandrin, qui
juridiction du procurateur dans cette affaire. En effet, avait debarque a Pouzzoles. De la il avait pris directement
d'apres la loi romaine , 1'appel une fois interjete , le juge la route de Rome. C'est ce qui resulte des expressions de
ne pouvait plus rien centre 1'appelant; s'il faisait quelque saint Luc, qui voyageait avec lui; aussitot apres avoir
acte a son prejudice, cet acte etail repute une violence nomme Pouzzoles, il ajoute : xou O-JTW; ; tv)v PCOJA^V r,X6o-
publique . D., XLVIII, \i,Ad legeni Juliam de vipublica, (iiv, et ainsi nous allames a Rome. Act., xxvm. 14.
1. vii. Cf. Daremberg et Sas,lio,Dictionnaire des antiquites De Pouzzoles, on pouvait se diriger sur Capoue pour
grecques et romaines, au mot Appellatlo. Bien plus, apres prendre directement la voie Appienne, ou bien longer le
1'appel, le juge ne pouvait rien faire meme en faveur de 1 ap- littoral jusqu'a Gaete, et aller de la a Terracine pour re-
pelant. C'est ce qui explique ces paroles d'Agrippa a Festus, joindre la voie Appienne qui menait a Rome. Lee Actes
tous deux convaincus de 1'innocence de Paul : Si cet ne nous font pas connaitre lequel de ces deux chemins fut
homme n'en avait pas appele a Cesar, on aurait pu le ren- suivi par 1'Apotre; mais un ancien apocryphe grec, qui
voyer absous. Act., xxvi, 32. Dans i' affaire de cet appel, decrit le voyage de saint Paul, raconte que de Pouzzoles il
saint Paul n'avait pas ete guide seulement par le desir alia a Baies et de la a Anxur (Terracine). Ce meme ecrit
d'echapper a la mort; il avait des vues plus hautes; des apocryphe nomme une autre station jusqu'ici inconnue
1'an 57, etant a Ephese, il manifesta clairement 1'intention de la via Appia, BixovaapaTU, Bourg de Serapis . Voir
d'aller a Rome, Act., xix, 21; en 58, etant aGorinthe, de Rossi, Bulletino di archeologia crisliana, 1883, p. 87.
il ecrivit aux Remains , et leur temoigna le vif desir qu'il L'Apotre entra ainsi dans les marais Pontins, ou, a la sta-
avait de les voir, pour leur communiquer les dons de tion du Forum d'Appius, il trouva, a sa grande consolation,
Dieu. Rom., i, 10-12. La rneme annee, a Jerusalem, Jesus les freres qui etaient venus a sa rencontre. II eut ensuite
lui apparut et Fassura qu'il lui rendrait temoignage a la meme consolation aux Trois-Tavernes (voir TROIS-
Rome, comme il le faisait a Jerusalem. Act., xxm. 11. TAVERNES ), ou d'autres freres etaient venus egalement
Les Actes racontent comment cet appel fut suivi. Festus au-devant de lui.
envoya Paul a Rome ; c'est ainsi que les procurateurs Le Forum d'Appius fut peut-etre etabli quand Appius
envoyaient a la capitale les citoyens remains de leur pro- Claudius 1'Aveugle construisit la voie Appienne, c'est-
vince qui en avaient appele a Fempereur. Pline, Epist. a-dire en 1'annee 442 de Rome, et c'est de lui qu'il tira
x, 97. Paul, etant arrive a Rome, attendit pendant deux son nom. Ce fut d'abord un lieu de repos, une halte.
ans sa comparution devant Fempereur Neron, ou phi tot Quelques marchands commencerent bientot a s'y rassem-
devant le conseil charge de juger les appels faits a Cesar. bler pour se livrer a leur commerce et tenir un marche
Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire , au mot Appel- (forum), de sorte qu'ils formerent peu a peu un centre
latlo. Du reste, il jouit pendant ce temps d'une assez d'habitation qui, par la suite des temps, se transforma en
grande liberte, habitant dans une maison louee par lui, une grosse bourgade, dont 1'origine ne fut pas differente
accompagne du soldat qui le gardait, mais pouvant rece- de celle de quelques autres villes d'ltalie, telles par exemple
voir tous ceux qui se presentaient. Act., xxvin, 30-31. que ForumLivii (Forli), ForumSempronii (Fossombrone).
G'etait la garde militaire , custodia militaris, prevue La position du Forum Appii peut se determiner exacte-
par les lois romaines. Ct. D., XLVIII, in, De Custodia ment au moyen des Itineraires de 1'epoque imperiale.
reorum, 1. i, xn, xiv. Enfiii Paul comparut devant le (Pour ces Itineraires, voir le Corpus inscriptionum lati-
conseil imperial; d'apres toutes les vraisemblances, c'est narum, t. x, p. 683 et suiv.) D'apres ces documents, elle
de cette comparution qu'il faut entendre les paroles de etait distante de Rome de 43 milles, sur la voie Appienne;
saint Paul a Timothee, II Tim., iv, 16-18; suivant ce mais comme le trace de cette route celebre, dans la par-
texte, personne n'osa assister 1'Apotre dans le pressant tie comprise entre les monts Lepini et la mer, n'etait pas
danger qu'il courait ; mais le Seigneur Jesus lui tint lieu completement connu avant les grands travaux d'assainis-
de tout, le secourut, le fortifia, et il fut delivre de la sement executes sous le pontificat de Pie VI, dans les ma-
gueule du lion . Sur 1'appel de saint Paul a Cesar, rais Pontins, les opinions des savants etaient partagees sur
voir surtout Krebs, De provocations Pauli ad C&sarem, la situation du lieu correspondant a cette ancienne bourgade.
dans ses Opuscula academica, Leipzig, 1783, p. 143; San- Quelques-uns, supposant que 1'antique via Appia, a
toroccius, Dissertatio de Pauli ad Csesarem appellatione, cause des marais situes entre Velletri et Terracine, passait
Marbourg, 1721. S. MANY. sous les monts Lepini par Sulmona, Sezze et Piperno,
croyaient que le Forum d'Appius correspondait a la loca-
APPHAIM (hebreu : \Appaim, narines; Septante : lite ou se trouve aujourd'hui le couvent de Fossa Nuova.
, filsdeNadab, de la tribu de Juda. I Par., n, 30-31. Voir la carte, fig. 188. Cluverius, Italia antiqua, 1. in,
le placait a Maruti, entre Piperno et Terracine; Pierre
APPHUS (Septante: 'AitipaOe), surnom de Jonathas Comestor la cherchait au contraire sur le littoral. In Act.
Machabee. I Mach., n, 5. C'est probablernent le nom Apost., cxix, Migne, Patr. lat., t. cxcvin, col. 1720.
hebreu fyappus, ruse, habile. Mais admettrait - on que 1'ancienne route postale de
Naples par Sezze et Piperno existat deja a 1'epoque ro-
APPIA ('ATtqji'a), chretienne du ier siecle. Dans son maine, il n'en resulterait pas comme consequence qu'il
epitre a Philemon , 2 , saint Paul souhaite grace et paix n'y avait pas de route au milieu des marais Pontins, il
a Appia, sa soeur tres chere. Saint Jean Chrysostome, est meme certain qu'une route les traversait, quelque
Theodoret et d'autres exegetes a leur suite ont cru qu'elle incommode et fatigante qu'elle put etre, parce qu'elle
etait 1'epouse de Philemon. Appia faisait certainement etait presque toujours couverte par les eaux, ce qui fai-
partie de la maison de celui-ci ; elle est nominee dans les sait que beaucoup preferaient aller en barque dans les
795 APPIUS (FORUM D') A Q U A R O 796
canaux. C'est ce que nous appiend Strabon, v, 3, 6, et De tout cela, on peut conclure avec certitude que la sta-
aussi Horace, dans la belle description du voyage qu'il fit tion du Forum d'Appius fut toujours dans les marais, la
a Brindisi, Fan 713 de Rome. Le poete indique le Forum meme ou fut trouvee, avec plusieurs autres, pendant les
Appii sur la voie consulaire, non loin d'Aricie, au milieu travaux d'assainissement, pres du 43e mille de Rome, 1'ins-
cription qui vient d'etre rapportee, et ou Ton decouvrit
A leVelifrae'1j|| epijii Monies.
aussi des restes de constructions antiques. Quand saint
^ ' Cor^m^,. **$ N Paul alia a Rome, en 1'an 60 de notre ere, cette partie de
la route etait done encore dans 1'etat ou la decrivent Stra-
bon et Horace, c'est-a-dire noyee en grande partie dans
les eaux stagnantes; par consequent, il est tres probable
que 1'Apotre, lui aussi, fit ce trajet en barque comme le
poete, et cet etat de choses peut nous expliquer pourquoi
les fideles vinrent a sa rencontre au Forum d'Appius et
n'allerent pas plus loin. H. MARUCCHI.
en partie creuses dans le roc, et en partie construits en server une faible pente. II contourne 1'Ouadi Sahhine au
maconnerie. A cent trente pas du bassin superieur, et tout nord, redescend ensuite au sud de Bethlehem, qu'il ali-
pres de la ligne de partage des eaux entre les versants de mente d'eau, reprend la direction du nord a Test de la
la mer Morte et de la Mediterranee, se trouve la source ville, passe pres du tombeau de Rachel et de Mar Elias,
qui futla premiere a alimenter les etangs. (Test la fontaine atteint Jerusalem pres de la porte de Jaffa, un peu au-
appelee Ras el-Mn (tete de la source), ou Am-Saleh dessus du Birket es-Sultan, redescend brusquement pour
(bonne source). Ce serait la fontaine scellee de contourner 1'ancien mur meridional de Sion, longe la
Salomon. Cant., iv, 12. Guerin, Description de la Judee, pente occidentale de la vallee du Tyropoaon, et enfirr
t. in, p. 112. Souterraine et de difficile acces, elle est penetre dans le Haram par le Bab es-Silseleh (fig. 191 )-
encore a 60 metres au-dessus de 1'ancienne plate-forrne Mais, avant de franchir cette porte, 1'aqueduc alimente la
du temple, qui est elle-meme a 754 metres d'altitude. belle fontaine appelee Ain-Sebil, et, de 1'autre cote de la
II etait done possible d'en conduire les eaux jusqu'a Jeru- rue, celle qui jaillit a 1'interieur du mehkemeh (tribunal
salem. civil). Get aqueduc fournissait autrefois, conjointement
La fontaine se deverse d'abord dans un couloir voute, avec les deux autres, 1'eau necessaire au service du temple,
qui amene ses eaux jusqu'a un reservoir egalement voute, comme il le fait encore pour le Haram ech-Cherif. C'etait
surmonte d'une construction circulaire, pres du vieux vraisemblablement la fontaine intarissable, fans aquie
Qala'at el-Bourak (chateau des bassins), a quelques metres perennis, que Tacite mentionne dans sa description du
au nord de 1'etang superieur. De la les eaux se partagent temple. Hist., V, xn. Bien qu'il soit impossible de deter-
pour etre dirigees les unes vers les etangs, les autres miner quelle part Salomon prit a ce travail, on peut
vers Bethlehem et Jerusalem. Trois aqueducs prenaient admettre qu'il y a mis la main le premier. S'il a cons-
autrefois cette derniere direction, selon Warren, qui n'a truit des piscines destinees a arroser les superbes jardins
pu retrouver les traces que du plus eleve et du plus has. qu'il avait plantes, notamment dans la vallee d'Etham,
L'aqueduc le plus eleve, dont on peut suivre les troncons n"a-t-il pas du en meme temps songer a approvisionner
801 AQUEDUC 802
suffisamment d'eau et sa capitale et le temple? Guerin, d'Etham par un aqueduc tantot taille dans le rocher, et
Description de la Palestine, t. in, p. 114. tantot construit en pierres a bossage. Get aqueduc est
Mais, des le temps de Salomon, il fallut bien pourvoir ancien, mais d'une epoque difficile a determiner. II cotoie
a I'ecoulement du sang des victimes du temple, qui etait a peu pres la route pendant quatre kilometres, puis suit
verse au pied de 1'autel, et de toutes les eaux qui avaient le thalweg de 1'Ouadi Biar (vallee des puits), ainsi nomme
servi aux purifications. L'autel des holocaustes s'elevait a cause des regards pratiques dans 1'aqueduc, et au moyen
probablement au-dessus d'une citerne appartenant a Fan-
cienne aire d'Ornan. Au fond de cette citerne est un canal
LTHuillier.del6
1D1. Aqueducs anciens au sud de Jerusalem.
de deux cents stades (dix lienes). Ant.jud., XVIII, m, 2. le trop-plein du Birket Mamillah. Ce fut aussi aupres de
L'aqueduc, en effet, a raison de ses detours, a pour le moins cet aqueduc, vers la piscine superieure, que les parle-
cinquante kilometres de longueur (fig. 191). C'est un canal mentaires assyriens notifierent aux officiers d'Ezechias
quadrangulaire, de O m 70 de large. Lievin, Guide, t. I, 1'ultimatum de Sennacherib. IV Reg., xvm, 17; Is.,
p. 400; t. n, p. 89-95; Vigouroux, La Bible et les decou- xxxvi, 2.
vertes modernes, t. HI, p. 503; Palestine Exploration 7 Les aqueducs de Siloe. Mais les travaux d'hydrau-
Fund, Quaterly Statement, 1875, p. 71; D r Schick, Die lique les plus curieux sont ceux que les Hebreux execu-
Vasserversorgung Jerusalems, dans la Zeitschrift der terent pour canaliser les eaux de la fontaine Gihon ou de
deutschen Palastina-Vereins, t. i, p. 132 et suiv.; la Vierge, qui emerge sur la pente orientale de la collitie
Badeker. Paldstina und Syrien, 1891, p. 133. d'Ophel. Quand David assiegea Jebus, il promit une re-
6 L'aqueduc de la piscine d'Ezechias. Isaiie fait compense a celui qui frapperait un Jebuseen et attein-
drait 1'aqueduc (sinnor) . II Reg., v, 8. Ce passage a
suggere 1'idee que les Jebuseens avaient anciennement
pratique une conduite a ciel ouvert, pour faire arriver
les eaux de la fontaine jusqu'au sud de la colline, a la
piscine de Siloe. Grace a cette rigole, les eaux restaient
a la disposition des habitants, au lieu de se perdre inuti-
lement dans les pierres de la vallee du Cedron. Voir
Birch, Palestine Exploration Fund, Quaterly Statement,
1884, p. 75, et le trace conjectural de ce canal (fig. 194).
sa largeur ordinaire ne suffirait pas au passage de deux sur la droite. Et au jour de la percee, les mineurs frap-
hommes. La difference de niveau entre le point de depart perent chacun 1'un vers 1'autre, pic centre pic, et les
et le point d'arrivee n'est que de Om 30. La longueur en eaux coulerent de la source jusqu'au reservoir, sur une
ligne droite serait de 335 metres, de la fontaine de la longueur de douze cents coudees. Et de cent coudees
Vierge a celle de Siloe; mais les nombreuses sinuosites etait la hauteur du rocher au-dessus de la tete des mi-
iu parcours la portent a 533 metres. Voir Conder, The Si- neurs (fig. 197). Les mineurs juifs avaient done eu la
loam tunnel, dans Palestine Exploration Fund, Quaterly hardiesse d'attaquer la roche par les deux extremites a
Statement, 1882, p, 122-131. En 1880, on a decouvert dans la fois, comme on 1'a fait de nos jours au mont Cenis
la galerie meme, a quelque distance de I'endroit ou elle et dans d'autres. travaux analogues. Les travailleurs pou-
debouche, une inscription en ancien hebreu (fig. 196), qui vaient utiliser le niveau d'eau pour conserver a peu pres
indiquela maniere dont le travail a ete execute. La pierre la ligne horiz:mtale. Mais pour assurer la direction lon-
qui portait cette inscription a quelque peu souffert; en gitudinale de la galerie Us manquaient dc mcthode, et
1891 on 1'a enlevee. Ph. Berger, Histoire de I'ecriture durent proceder par tatonnements. Aux points d'attaque,
dans I'antiquite, Paris, in-8, 1891, p. 193. Elle est au- en D et en E (fig. 194), les deux equipes se porterent
807 AQUEDUG
trop directement vers le flanc oppose de la colline, et 1'an 740 . Point de raison, par consequent, pour refuser
risquerent ainsi de deboucher 1'une a Test, 1'autre a 1'ouest, de 1'attribuer a Ezechias, qui regna de 727 a 698.
sans s'etre rencontrees. Du cote de Siloe, apres un par- 8a L'aqueduc voisin du Bir Ayoub. Un autre travail
cours de 143 metres, on creusa un puits vertical F pour du meme genre a ete decouvert par Warren, a 1'ouest du
atteindre le sol superieur, qui n'etait a cet endroit qu:a Bir Ayoub. C'est un aqueduc plus spacieux que celui
3ra50 du plafond de la galerie. On s'apercut de la fausse d'Ezechias, car sa largeur moyenne est de lm'15, et sa
direction, et Ton rectifia le trace a angle droit. A 70 metres hauteur de 2 metres. On peut le suivre sur une longueur
plus loin, on tenta d'ouvrir un autre puits en G pour se de 600 metres. II y a sur le parcours plusieurs escaliers
reperer; mais on ne poussa pas loin le travail, a cause permettant de descendre dans le canal. D'un cote, il
de la hauteur de la colline. Du cote de Gihon, on reussit aboutil a un vaste reservoir en forme de grotle, et de
aussi a se remettre dans la bonne voie, en obliquant for- 1'autre il s'arrete brusquement en plein roc. On ignore
tement a gauche. Grace au niveau d'eau, on etait a peu quelle etait la destination de cet aqueduc souterrain. The
pres assure de ne point passer 1'un au-dessus de 1'autre; Recovery, p. 257-264. II est difficile de lui assigner une
mais rien ne garantissait centre le danger de pousser date. Rien cependant n'y sent la main romaine; ces de-
les deux galeries parallelement, sans qu'elles se rencon- gres, ces regards, ces bassins, ces couloirs evides dans
trassent. Ileureusement les travaux des carrieres, auxquels la roche vive, tout cela est plutot dans la tradition et le
les ouvriers juifs etaient bien habitues depuis I'epoque gout des carriers pheniciens et juifs. Perrot, Histoire de
de Salomon, leur avaient appris que le bruit du pic I'art, t. iv, p. 424.
se fait entendre a une grande distance dans une roche 9 Les autres aqueducs de la Palestine. Dans le
dure et homogene. En approchant du point de conver- reste de la Palestine, surtout aux environs des centres de
gence, les mineurs purcnt done se diriger a 1'ouie. La population plus importants, on trouve les traces d'un cer-
partie mediane du tunnel ne s'ecarte pas tres notablement tain nombre d'aqueducs, dans un etat de delabrement
de la direction convenable; plus ou moins avance. Aux environs de Jericho, les ruines
mais il y a encore bien des de ces sortes de travaux d'art sont assez nombreuses.
traces d'hesitation, et de A 1'ouest de cette ville, dans 1'Ouadi el-Kelt, on peut
place en place de petits suivre pendant une dizaine de kilometres un ancien aque-
culs-de-sac indiquant de duc qui conduisait a Kakoun les eaux de I'AIn Fara. Ces
fausses voies abandonnees. eaux se perdent maintenant dans le ravin du Kelt. D'autres
Quand le bruit des coups ruines d'aqueducs se voient plus au nord, dans 1'Ouadi
devint plus distinct, on Fasa'il, pres de 1'ancienne ville a laquelle Herode donna
s'apercut que 1'equipe de le nom de Phasael.
Gihon se portait trop sur la A Naplouse, 1'ancienne Sichem, un aqueduc mainte-
droite (fig. 198); par 1'in- nant ruine amenait les eaux de 1'Ain Askar, qui jaillit a
termediaire de leurs com- trois lieues a 1'ouest de la ville. Une autre source, qui
pagnons echelonnes dans n'est qu'a trois kilometres au sud, Ras el-Ain, fait encore
le tunnel et postes autour aujourd'hui couler dans un aqueduc ses belles eaux, qui
de la colline, les mineurs au passage font tourner plusieurs moulins.
se transmirent les indica- La ville de Bethulie etait alimentee d'eau par diverses
tions necessaires a la rec- sources a portee des murs, et par une source principale,
tification du trace, et la qui etait mise en communication avec la place par un
jonction s'opera enfin en A. aqueduc. Judith, vn,6, 7. Holopherne fit couper 1'aqueduc
On etait sans doute presse et defendre 1'acces des autres sources. L'incertitude qui
ou fatigue du labeur, et, plane sur 1'identification de Bethulie ne permet point d'as-
198. Partie centrale de la sans se preoccuper de par- signer 1'emplacement de cet aqueduc. Mais au pied de
galerie de Silo6. faire le travail, on se tint la montagne qui couronne Belaameh, 1'ancienne Belma,
pour satisfait quand 1'eau Judith, vn, 3, on trouve une caverne maconnee, du fond
put passer. II n'est pas a croire cependant que dans les de laquelle, au dire des habitants, partirait un souterrain
endroits ou la galerie n'a que O ra 45 de hauteur, en M et qui s'eleve jusqu'a 1'ancienne ville, et par lequel les de-
en N (fig. 194), le sol du tunnel soit actuellement dans fenseurs de la place pouvaient venir puiser 1'eau qui se
son etat primitif. Les mineurs ont du y laisser flechir trouve dans la caverne, appelee Bir es-Sedjem. Lievin,
1'horizontale, et, dans la suite des siecles, les depressions Guide, t. in, p. 72.
ont ete comblees, aux depens de la hauteur totale, par Lorsque, sous Herode, Cesaree prit de 1'importance,
les depots calcaires de la source. Ces depots ont forme il. fallut aviser a la pourvoir d'eaux abondantes. On les
au fond des depressions une couche d'autant plus epaisse, ernprunta a la riviere de Zerka, qui se jette dans la mer
que 1'eau y etait plus profonde et plus calme. II y a a cinq kilometres au sud de la ville. L'aqueduc suivait le
dans 1'execution de cette longue galerie, a cote d'inega- bord de la mer. Pres de la riviere, il etait construit en
lites et de malfacons qui sont d'une industrie encore dans pierres de petite dimension, et plus loin reposait sur des
1'enfance, telles dispositions heureuses auxquelles on re- arches en plein cintre, et se composait de pierres d'un
connait que 1'ouvrier juif avait deja une grande habitude plus grand appareil. Un autre aqueduc allait chercher
de cette sorte de travaux. C'est ainsi que, jusqu'a une 1'eau a Sebbarine, a quinze kilometres a 1'ouest de Cesa-
hauteur de pres d'un metre, les parois du canal sont ree. Le tout est maintenant ruine et abandonne. Lievin,
couvertes d'une mince couche d'un ciment rouge tres Guide, t. in, p. 229.
dur, fait en grande partie de terre cuite pulverisee. Par Parfois enfin on se contentait de tracer aux eaux un
endroits, les fissures et les trous du roc ont ete bouches chemin artificiel, en leur creusant un lit en pleine roche.
avec le meme mortier, qui est tout pareil a celui dont C'est le cas de l"Ain el-Tabegah, entre Khan-Minieh et
aujourd'hui encore, en Palestine, on se sert pour enduire Tell-Houm, qui deversait ses eaux dans la fertile plaine
1'interieur des citernes et prevenir les fuites. Perrot et de Genesareth par un canal a ciel ouvert taille dans le
Chipiez, Histoire de I'art dans I'antiquite, t. iv, p. 421. roc, qui sert aujourd'hui de sentier.
Les textes cites plus haut ne permettent pas de faire Qa et la se rencontrent d'autres ruines d'aqueducs. On
remonter 1'execution du travail jusqu'au ternps d'Achaz. ne peut guere assigner de dates precises a ces diflerents
M. Renan, qui incline vers cette supposition, Histoire ouvrages; mais il est certain que les anciens habitants
du peuple d Israel, t. n, p. 509, avoue que 1'inscription du pays n'ont recule devant aucun effort pour mettre a
de Siloe doit etre placee, comme date, bien pres de leur portee les eaux potables, et que leurs successeurs
809 AQUEDUC AQUILA 810
n'ont guere hit qu'utiliser, entretenir, reparer, et le plus saint Luc ni 1'Apotre n'aient dit un mot pour 1'insinuer.
souvent laisser tomber en ruines les travaux executes C'est probablement a Rome, ou nous supposons que Pierre
anterieurement. H. LESETRE. alia precher vers 1'an 45, voir L'CEuvre des Apotres, t. i,
p. 310 et suiv., qu'Aquila et Priscille avaient embrasse la
1. AQUILA ('Ax-JXa;), nom d'origine latine, ainsi que foi chretienne. Leur zele pour 1'Evangile et leur caractere
celui de Priscille, Eptaxa ou npurxiXXa (diminutit plus militant, tels qu'ils nous sont connus d'apres le livre des
familier), que portaient deux Juits, mari et femme, chez Actes et les Epitres de saint Paul, portent a croire qu'ils
qui Paul recut 1'hospitalite a Corinthe, et dont il se plait, se trouverent particuherement en vue dans 1'agitation qui
dans ses lettres, a reconnaitre le devouement a la cause se produisit a Rome, et tout naturellement ils farent des
de I'Evangile. Vivant au milieu des paiens, a Rome ou premiers expulses.
ailleurs, ils avaient change, selon 1'usage du temps, leurs Paul, arrivant d'Athenes a Corinthe, s'etablit done et
noms juifs en noms tout a fait remains. Plusieurs inter- travailla chez eux. Act., xvm, 1-3. 11 y resta, prechant
pretes ont meme suppose qu'Aquila etait un fils d'affranchi Jesus-Christ aux Juifs tous les jours de sabbat, dans la
de ce Pontius Aquila qui se trouve mentionne par Ciceron, synagogue, et aux Grecs quand il en avait 1'occasion. C'est
Ad Famul., x, 33, et par Suetone, Csesar, 78, comme a la suite d'une violente sortie contre la criminelle obsti-
adversaire de Jules Cesar. En ce cas, le copiste aurait nation des Juits, que, pour prouver sa resolution d'aller
mal reproduit le texte, et en ecrivant IIo%mxbv TW ysvet, aux Gentils, en laissant a leur infidelite les fils d'Israel,
il aurait substitue une indication geographique a une il quitta la maison d'Aquila et logea chez Justus. Toute-
indication familiale, et i'ait naitre dans la province du fois il ne brisait pas avec les deux epoux qui 1'avaient si
Pont celui qui, probablement originaire de Rome, se cordialement accueilli, et dont la foi n'avait fait que
rattachait, par 1'affranchissement de Tun des siens, a Til- grandir. Quand il partit pour Ephese, Aquila et Priscille
lustre famille Pontia. La chose est plus ingenieuse que 1'y suivirent. Act., xvm, 19. La, apres que Paul fut parti
probable. Aquila etait ne dans cette province du Pont, pour Jerusalem, ils s'occuperent de gagner a la cause
au sud de la mer Noire, d'ou, rapprochement singulier, de 1'Evangile un predicateur tres eloquent, mais imparfai-
sortit un demi-siecle plus tard un autre Juif du meme tement initie a la doctrine de Jesus-Christ, Apollo. C'est
nom que lui, ne a Sinope, et qui traduisit en grec 1'Ancien a eux que revient le merite d'avoir fait 1'education chre-
Testament, avec un esprit absolument hostile aux idees tienne et peut-etre meme la conquete de cet ernule de
chretiennes. Le Pont comptait de nombreuses colonies saint Paul, ce qui n'est pas sans quelque gloire. Act.,
Israelites, et le nom ft Aquila, aigle, comme celui des xvm, 26.
plus nobles animaux, le lion, par exemple, etait frequem- A partir de ce moment, le livre des Actes ne parle plus
nlent adopte par ceux qui voulaicnt deguiser leur origine d'Aquila et de Priscille; mais dans ses Epitres saint Paul
juive, et avoir ainsi plus de liberte dans leurs rapports leur adresse, toutes les fois qu'il le peut, un arnica! sou-
commerciaux avec les paiens. Priscille ou Prisque, comme venir et de sinceres eloges. Ainsi quand il ecrit a 1'Eglise
on disait indistinctement Domitilla ou Domitia, selon qu'on de Rome : Saluez Prisque et Aquila, dit-il, qui ont tra-
voulait exprimer la tendresse iamiliere ou le respect, pou- vaille avec moi pour le Christ Jesus; ils out expose leur
vait bien etre nee a Rome meme. En tout cas, qu'ils fussent tete pour me sauver la vie; et je ne suis pas seul a leur en
du Pont ou rattaches a la tamille Pontia, ils habitaient la rendre graces, toutes les Eglises des Gentils partagent
capitale de 1'empire. C'est la que, comme juifs ou comme ma reconnaissance; saluez aussi 1'Eglise qui est dans leur
Chretiens, car la police imperiale ne distinguait pas encore maison. Rom., xvi, 3-5. Quand il ecrit sa seconde lettre
les uns des autres, ils furent atteints par 1'edit d'expulsion a Timothee, iv, 19, qui se trouvait sans doute alors a
que porta Claude vers 1'an 50: Juda?os, impulsore Chresto, Ephese: Saluez, ajoute-t-il, Prisque et Aquila.
assidue tumultuantes, Roma expulit. Suetone, Claud., to. Dans sa premiere lettre aux Corinthiens, 1'Apotre, qui
Quoi qu'en disent certains exegetes, 1'occasion des troubles etait alors a Ephese, ne manque pas de leur envoyer le
fut non pas un Chrestus quelconque, mais le Christ ou plus cordial souvenir d'Aquila et de Priscille, chez qui
le Messie. Voir Le Camus, L'CEuvre des Apotres, t. i, il demeure, absolument comme a Corinthe, et de la part
p. 354. Ceux qui commeltaient une pareille meprise pou- de 1'Eglise qui est dans leur maison. I Cor., xvi, 19.
vaient bien confondre et juils et Chretiens sous une meme D'ou 1'on peut conclure que, soit par esprit de proselytisme,
denomination. soit dans 1'interet de leur commerce, Aquila et Priscille
Chasses de Rome, Aquila et Priscille se transporterent se transportaient tour a tour dans les grands centres,
a Corinthe, et c'est la que Paul les trouva fort a propos, Corinthe, Ephese, Rome, amenant avec eux leurs ouvriers
pour s'etablir chez eux et enlreprendre a son aise 1'evan- Chretiens, ou reussissant, avec leur zele intelligent, a
gelisation de cette grande cite. 11 avail appris a Tarse jus- grouper autour d'eux, partout ou ils s'installaient, assez
tement le metier qu'ils exercaient eux-memes, et cela lui de fideles pour que Paul puisse appeler leur entourage
servit a vivre sans etre a charge a personne. Ils fabriquaient de Rome ou d'Ephese une petite Eglise.
des tentes. Cette industrieMes tissus en poil de chevre, si On sait que, pendant bien longtemps, on a designe
commune en Cilicie (voir Le Camus, Notre voyage aux comme la maison d'Aquila et de Priscille la pauvre petite
pays bibliques, t. in, p. 113, et L'CEuvre des Apotres, eglise qui, sur le mont Aventin, porte le nom de Sainte-
t. i, p. 139), etait fort lucrative, et Aquila parait Favoir Prisque. La tradition actuelle a malencontreusement mo-
pratiquee sur une vaste echelle, avec des ouvriers qui par- difie 1'ancienne, en supposant que 1'antique oratoire a
tageaient ses convictions chretiennes, et que Paul appel- ete eleve en 1'honneur d'une vierge martyre posterieure
lera plus tard la petite Eglise qui est dans sa maison . aux temps apostoliques. Une inscription sur plaque de
Est-ce seulement par analogic de metier, ou parce qu'il bronze, decouverte il y a quelque temps, dit que 1'eglise
les savait Chretiens, que Paul se retira chez eux? Peut-etre avait ete batie sur la maison d'un certain Marius Pudens
pour les deux motifs a la fois. Plusieurs supposent que, Cornelianus. Ce nom de Pudens rappelle celui du patricien
quand 1'Apotre arriva a Corinthe, au moins Aquila n'etait fils de Priscille, contemporain des apotres. Des lors on
pas chretien, et ils le concluent de ce qu'il est simplement peut se demander si les. deux epoux juifs dont il s'agit
appele un Juif , 'lo-jSatov, et non pas un disciple; il dans cet article ne furent pas des affranchis de la maison
est, en effet, classe parmi les Juifs expulses, zav-ra; TO-J; de Priscille, mere de Pudens, ayant occupe une de ses
'lo-joaiou;, sans autre distinction. Mais cet argument est maisons sur 1'Aventin, maison devenu plus tard une
loin d'etre concluant, car il est evident que 1'historien n'a eglise et a laquelle se seraient rattaches leur souvenir
qu'une intention en qualifiant Aquila de Juif, c'est d'in- d'abord et puis celui d'une jeune fille morte pour 1'Evan-
diquer sa nationality et non sa religion. D'autre part, il gile et portant aussi le nom de Priscille. M. de Rossi,
serait fort surprenant que, s'il fut convert! par Paul, ni avec son admirable sagacite, a cherche a completer les
811 AQUILA A Q U I L O N 812
elements de cette hypothese. Les Acilii Glabriones, ense- lui reproche d'etre ergoteur, contentiosus, et de chercher
velis au cimetiere de Sainle-Prisoille, se rattachaient a rendre non seulement les mots, mais jusqu'aux tormes
certainement a une famille ou le nom de Priscille etait syntaxiques hebraiques, et d'ecrire, par exemple, o-jv
tres commun. Serait-il impossible que le nom d'Aquila TOV oupavbv xal eniv rr\\ yr,v, ce qui pour etre fidele n'en
flit un derive d'Aquilius ou Acilius, dans lequel le c avait est pas moins incorrect. Epistol., LVII, 11, t. xxn, col. 577.
sa prononciation dure comme il la garda longtemps dans Le <TVV grec, qui n'aurait pas du etre employe ici, est des-
la langue latiae ? Ainsi on se rendrait compte des deux tine a rendre la particule hebraique 'tit, laquelle marque
noms romains que nos deux Juifs portaient, bien que, au 1'accusatif. II pourrait se faire de plus que la version
moins le mari, fiit originaire du Pont. d'Aquila ait ete entreprise avec une arriere-pensee de
Le martyrologe remain honore, le 8 juillet, le souvenir controversiste : c'est ainsi que saint Epiphane la jugeait,
d'Aquila comme eveque d'Heraclee. Mais on ne sait sur nous 1'avons vu, et peut-etre aussi saint Justin. Ce Pere,
quels fondements repose cette indication. Ce qui est sur, qui ecrivait sous le regne d'Antonin (137-161), engage
c'est que Priscille et Aquila furent deux vaillants ouvriers dans la controverse avec les Juifs, parle des interpreta-
de 1'Evangile, et que leur memoire demeurera eternelle- tions nouvelles, contraires a celles des Septante, que
ment benie parmi les Chretiens. E. LE CAMUS. les Juifs opposent maintenant aux chretiens : Je ne suis
pas de 1'avis de vos maitres, qui ne croient pas que les
2. AQUILA, traducteur grec de la Bible hebraique, au Septante ont ete de fideles traducteurs, et qui entre-
lle siecle de 1'ere chretienne. La tradition talmudique prennent de traduire eux-memes; et il ne faut pas que
fournit quelques renseignements historiques sur le tra- vous ignoriez que nombre de textes qui s'appliquaient a
ducteur Aquila, a savoir : qu'il etait un Grec converti au Jesus-Christ ont ete par ces nouveaux traducteurs sup-
juda'isme, un proselyte, originaire de la province du Pont, primes de 1'Ecriture. Et il cite le texte Ecce adolescen-
contemporain et parent de 1'empereur Hadrien (117-138); tula, substitue au texte Ecce virgo. Justin, Dial, cum
qu'il traduisit la Bible hebraique en grec sous la direc- Try phone, c. LXXI, t. vi, col. 644. Or saint Irenee nous
tion de R. Akiba, ou, suivant une autre tradition, sous a appris que cette interpretation nouvelle etait celle d'Aquila
la direction de R. Eliezer et de R. Josue. Onkelos, a qui et de Theodotion: c'etaient done bien vraisemblablement
Ton attribue une paraphrase ou targum du Pentateuque, ces deux maitres que saint Justin traitait de traduc-
Onkelos le proselyte, serait le meme nom qu'Aquila. teurs tendencieux.
Voir Anger, De Onkelo, part. I : De Akila, Leipzig, 1845. Saint Jerome, In Jeremiam, v, 22, et ix, 17, t. xxiv,
La tradition chretienne est plus precise. Saint Irenee col. 719 et 740, mentionne deux editions differentes de la
(j- 203) est le premier Pere qui mentionne explicitement version grecque d'Aquila; mais la question de savoir ce
la version grecque d'Aquila (avant 177). Ayant a inter- qu'il faut entendre par cette editio prima et par cette edi-
preter I'Ecce virgo concipiet d'lsa'ie, vn, 14, il repousse tio secunda n'a pas ete eclaircie encore. Le texte d'Aquila
1'interpretation qui veut traduire 'almdh par adolescen- ne nous est point parvenu, il a disparu avec le judaisme
tula (veavt;), jeune fille, et il ajoute : C'est 1'inter- hellenistique. Mais Origene avait fait figurer dans ses
pretation donnee par Theodotion d'Ephese et par Aquila Hexaples la version d'Aquila, et parmi les restes des
du Pont, tous deux Juifs proselytes, qu'ont suivie les Ebio- Hexaples nous avons des restes d'Aquila. Cf. Patr. gr.,
nites. Contra h&reses, m, 21, t. VH, col. 946. Saint Epi- t. xv et xvi.
phane (-j- 403), dans son traite De mensuris et ponde- Voir le chap. 11, De Aquilx versione, des prolegomenes
ribus, c. xiv, t. XLIII, col. 261, rapporte que 1'empereur de Field a son edition des Hexaples, Origenis Hexa-
Hadrien, voulant restaurer la ville de Jerusalem, demeuree plorum quse- supersunt, Oxford, -1875, t. i, p. XVI-XXVH;
en ruines depuis le siege de Titus, avait confie le soin de E. Schiirer, Geschichte des judischen Volkes, Leipzig,
cette restauration a Aquila, le traducteur grec de I'Ecri- 1886, t. n, p. 704-708. P. BATIFFOL.
ture et son propre beau-frere, lequel etait de Sinope, ville
du Pont. Saint Epiphane poursuit en racontant que, frappe 3. AQUILA (Adler) Johannes Kaspar, theologien luthe-
des miracles qu'operaient les membres de FEglise chre- rien, ne a Augsbourg, le 7 aout 1488, mort le 12 no-
tienne du lieu, Aquila aurait demande etrecu le bapteme; vembre 1560. Aquila est la traduction latine du nom
mais que, mal converti a la foi nouvelle, il aurait etc chasse allemand Adler. Apres avoir fait ses etudes dans le gymnase
de 1'Eglise; alors, de depit, il avait passe au judaisme, de sa ville natale, il voyagea en Italie ct en Suisse. Sa vie
s'etait fait circoncire, et, ayant appris I'hcbreu, avait com- fut tres agitee et tres changeante. Devenu cure de Jenga,
pose une nouvelle version grecque de la Bible, dans le pres d'Augsbourg, en 1516, il se maria bientot apres et fit
but de contredire les Septante et de supprimer des saintes profession ouverte de lutheranisme. En 1524, il professa
lettres les temoignages favorables au Christ. Mais ce 1'hebreu a 1'universite de "Wittenberg, et il aida Luther a
recit, recueilli par saint Epiphane, et auquel rien ne fait traduire 1'Ancien Testament. Si la Bible etait perdue,
echo ni dans la tradition Jtalmudique ni dans la tradition disait Luther, je la retrouverais chez Aquila. Get ardent
chretienne, manque d'autorite. Saint Jerome dit simple- lutherien composa un grand nombre d'ecrits, la plupart
ment, comme le Talmud de Jerusalem, qu'Aquila etait de circonstance et de peu d'etendue. Voir Avenarius, Le-
un disciple de R. Akiba. In Isai., 49, t. xxiv, col. 466. benschreibung Aquila's, in-8, Meiningen, 1719; Schlege,
En resume, on peut tenir pour probable qu'Aquila etait Leben Aquila's, in-4, Leipzig, 1773; Fr. Gensler, Vila
un proselyte, originaire du Pont, forme dans quelque J. C. Aquilx, in-8, lena, 1816i
ecole de rabbins de Palestine, dans la premiere moitie du
Ile siecle. AQUILON (hebreu : sdfon, 1'obscur, le nord ct
La pensee d'Aquila, en entrepreriant une traduction le vent qui en vient; Septante : |3opp3;; Vulgate : aquilo).
nouvelle de la Bible pour la substituer a celle des Septante, Ge mot designe tout d'abord 1'un des quatre points car-
avait ele de donner une version strictement litterale. Ori- dinaux, le septentrion. Le sdfon est, en effet, la partie
gene la caracterisait ainsi : Aquila s'attacha servilement du ciel ou le soleil ne va jamais, le cote le plus inacces-
a la lecon hebraique; ce qui fait croire aux Juifs qu'il a sible du firmament. Is., xiv, 13. Les Hebrcux s'orientaient
traduit 1'Ecriture plus soigneusement, et que mieux que vers le soleil levant, et ils appelaient le midi la droite.
tous les autres il en a saisi le sens; de la 1'usage que font Ps. LXXXVIII, 13; cvi, 3. Mais ils donnaient de preference
de sa version les gens qui savent mal 1'hebreu. Ori- aux points cardinaux le nom concret des quatre vents.
gene, De Susanna, c. 2, t. xi, col. 52. Saint Jerome, qui 1 Par., ix, 2i; Jer., xnx, 36; Ezech., xxxvii, 9; Matth.,
estimait Aquila comme un interprete soigneux et inge- xxiv, 31. Aussi 1'aquilon est-il presque toujours pris pour
nieux, diligens et curiosus interpres, dit-il dans son le nord. Pour les propheles, Soph., n, 13; Judith, xvi, 5,
commentaiie d'Osee, u, 17, t. xxv, col. 839, saint Jerome le pays de 1'aquilon est 1'Assyrie, qui est sensiblemeiit
813 AQUILON AR, AR-MOAB 814
au nord de la Palestine. La Babylonie, quoique situee a plus savants et anciens auteurs hebreux : avec un dis-
Test, est aussi designee sous le nom de terre de 1'aqui- cours du camp des Israelites, et la description des pier-
lon , Jer., i, 13-15; XLVI, 6, 10, 20, 2i; Ezech., xxvi, 7, reries du rational du grand prestre, ajoutes d la fin pour
parce que les envahisseurs qui venaient de Chaldee en la seconde edition, revue par I'auteur. 5 II composa aussi
Palestine y arrivaient par le nord. Quelquefois cependant une version en hebreu du Nouveau Testament avec des
1'aquilon est plus specialement le vent meme du nord. La notes sur les Epitres de saint Paul, propres, dit-il, a
pluie vient, en Palestine, de 1'ouest et du sud-ouest. Quand eclairer les Juifs. Voir Lelong, Dissertation histonque
il y avait saute de vent, Eccle., I, 6, Taquilon dissipait la sur les Ribles polyglottes; Bourgerel, Memoires pour
pluie. Prov., xxv, 23. Cf. Josephe, Ant. jud., XV, ix, 6. servir d I'histoire des Juifs de Provence, dans les Me-
Ce vent avait passe par les sommets toujours neigeux et moires de litter, et d'hist., t. n, p. 11. E. LEVESQUE.
glaces de 1'Hermon. II apportait la fraicheur en ete, et,
en soufflant sur les jardins, aidait les fleurs a exhaler AR, AR-MOAB (hebreu : 'Ar, Num., xxi, 15; Deut.,
leur parfum, Cant., iv, 16; mais il n'etail pas toujours aussi n, 9, 18, 29; 'Ar Mo'db, Num., xxi, 28; Is., xv, 1; Sep-
agreable. Cf. Josephe, Bell, jud., Ill, ix, 3. C'est lui qui lanle : "Hp, Num., xxi, 15; 'Apor'p, Deut., n, 9,18, 29;
amenait les orages, la neige et meme la gelee; il causait TJ Mwa6iit?i Is., xv, 1), capilale du pays de Moab, situee
encore la secheresse, jusqu'a ce que la pluie abattit le a la partie seplenlrionale, au sud de 1'Arnon. Is., xv, 1;
vent. Ezech., i, 4; Eccli., XLIII, 18-23. A Jerusalem, le Num., xxi, 28.
vent du nord souffle environ trente jours par an, celui I. Noms. On regarde generalement 'Ar comme la
du nord-est trente-trois jours, et celui du nord-ouest cent forme moabite de 1'hebreu 'Ir, ville, de meme que,
quatorze jours. Socin, Palestine et Syrie, p. 168. Dans dans 1'inscription de Mesa, Qar repond a Qirydh ayec la
la vallee encaissee du Jourdain, c'est ordinairement un meme signification. C'est pour cela que plusieurs auteurs
contre-courant du nord qui regne en hiver. H. LESETRE. veulent reconnaitre la cite dont nous parlons dans 'Ir
Mo'db de Num., xxn, 36, quoique toutes les versions
1. AQUIN (Louis-Henri d'), auteur juif du xvn siecle, aient rendu ces deux mots d'une maniere indefinie par
fils de Philippe d'Aquin, ne a Avignon, se convertit et se ndXiv MwscS, oppido Moabitarum, une ville de Moab.
fit baptiser avec son pere. 11 etait tres habile dans la C'est a tort que les Septante ont, dans trois endroits, Deut.,
science rabbinique et les langues orientales. On a de lui: il, 9, 18, 29, traduit 'Ar par 'Aporjp, Aroer : ce sont deux
1 Levi Gersonidse. commentaria in quinque priora ca- villes distinctes; la premiere, en effet, fut donnee en
pita libri Jobi, in-4, Paris, 1622; 2 Raschii scholia in heritage aux fils de Loth , c'est-a-dire aux Moabites,
librum Esther in versione latina, cum excerptis quibus- dont les Israelites devaient, par ordre de Dieu, respecter
dam ex Talmude et Jalkut in ewndetn librum, in-4, le territoire, Deut., n, 9, tandis que la seconde, situee
Paris, 1622. Cf. Bourgerel, Memoires pour servir d I'his- au dela de 1'Arnon, faisait partie de la tribu de Ruben.
toire des Juifs de Provence, dans les Memoires de lit- Jos., xin, 9, 16; Deut., n , 36.
terature et d'histoire, t. n, p. 11; Kalkar, Israel und die Au temps d'Eusebe et de saint Jerome, Ar etait connue
Kirche, p. 52. E. LEVESQUE. sous le nom d"Ap07toXi; ou de Rabbath-Moab, c'est-a-
dire Moab la grande . Onomasticon, Goattingue, 1870,
2. AQUIN (Philippe d'), Juif, ne a Carpentras, se nom- p. 276, au mot Mwa6 ; S. Jerome, Liber de situ et nomi-
mait Juda Mordeca'i avant sa conversion a la foi chretienne. nibus locorum heb., t. xxui, col. 909; Comment, in
Comme il se fit baptiser a Aquino, dans le diocese de Isaiam, xv, 1, t. xxiv, col. 167. Dans ce dernier passage,
Naples, il prit le nom d'Aquin. II alia, en 1610, a Paris, le saint docteur explique 'ApsdiroXi? par 1'hebreu 'Ar et
ou il fut nomme professeur d'hebreu au college de France, le grec n<$Xt?, rejetant 1'etymologie adoptee par la plupart
et aida Michel Le Jay dans 1'impression et la correction de ses contemporains, "Apso; uoXt?, ville de Mars. Sans
des textes hebreux et chaldeens de sa Polyglotte. Simeon parler de la philologie, qui pourrait trouver a redire a
de Muis, au psaume xxxv, 14, de son commentaire, le cette explication, M. de Saulcy pretend que la numisma-
loue en ces termes : Vir rarse et exquisitissimse in tique lui donne tort; car, sur differentes monnaies ro-
hebra'icis litteris doctrinse. II mourut en 1650. On a de maines appartenant a cette ville (fig. 199), on voit 1'image
lui : 1 un dictionnaire hebreu, arameen et talmudique, d'une divinite guerriere, casquee et cuirassee, tenant
intitule Ma'arik hamma'ardkot, Celui qui dispose en une epee de la main droite, et, de la gauche, une lance
ordre, et en sous-titre : Dictionarium absolutissimum et un bouclier rond; c'est evidemment Mars ou Ares .
complectens alphabetico ordine et facili methodo omnes Numismatique de la Terre Sainte, Paris, 1874, p. 355.
voces hebrseas, chaldseas, talmudico-rabbinicas, quse in Etienne de Byzance, dans ses Ethniques, Leyde, 169i,
reliquis, quse uspiam sunt, Dictionariis extent, innume- p. 651, nous apprend egalement qu'Areopolis n'est autre
rasque alias quse a nullo lexicographo sive christiano, chose que 'Paoa6[Jia>|jia, probablementcPaga8(j.w6a, comme
sivejudseo, Jiactenus observatse sunt: variorum prseterea sur les monnaies, c'est-a-dire Rabbath-Moab.
legis cseremoniarum, sententiarum ac locorum diffici- Theodoret, dans son Commentaire sur Isa'ie, xv et xxix,
liorum in Rabbinorum et Cabbalistarum libris passim I. LXXXI, col. 341 el 376, dit qu'Ariel, 'Apty|X, aurait ete
occurrentium explicationem, necnon compendia scri- aussi le nom d'Areopolis. Eusebe, Onomasticon, p. 228,
bendi, sen abbreviaturas omnes Hebrseorum, in-f, Paris, rapportant cette meme opinion, ajoute que, de son temps,
1629; 2 Philippi Aquini Primigenise voces seu Radices les habitants de la ville appelaient encore leur divinite
breves linguse sanctse, cum thematum investigandi ra- Ariel, et c'est peut-etre pour defendre son temple qu'ils
tione, in-16, Paris, 1620; 3 Veterum Rabbinorum in expo- monlrerent ce furieux acharnemenl donl parle Sozomene.
nendo Pentateucho Modi tredecim, quorum explicatio H. E., VH, 15, t. LXVII, col. 1457. Enfin Reland, Pal&-
lucem maximum afferet Us, qui legem accurate volunt stina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714,
interpretari, et scripta Rabbinorum intelligere, in-4, t. n, p. 577, pense que de la vient le nom de la contrce
Paris, 1620; 4 Dissertation du Tabernacle et du Camp appelee 'AprnXcTt;, Areilitide ou Arielitide par saint Epi-
des Israelites, recueilly de plusieurs anciens Doctenrs phane, Adv. hser., I, t. XLI, col. 261.
hebreux, in-4, Paris, 1623. Une nouvelle edition amelio- II. Identification. Une tradition, remontant au moins
ree, in-4, Paris, 1624, porte le litre suivant : Explica- jusqu'au / siecle, regarde done comme identiques Ar-
tions litterales, allegoriques et morales du Tabernacle Moab, Areopolis et Rabbath-Moab. C'est pour cela qu'un
que Dieu ordonna d Moise, des habits des prestres et grand nombre d'auteurs ont reconnu cette antique cite
de la facon qu'on consultait le Rational en la loi an- dans les mines actuelles d'Er-Rabbah, a Test de la mer
cienne, ensemble de la forme des sacrifices judaiques ; Morte, a peu pres a moilie route entre Kerak et 1'Arnon.
le tout curieusement recueilli etfidelement traduit des Cf. Seetzen, Reisen durch Syrien, Paldstinat etc., Ber-
AR, AR-MOAB 816
lin, 185i, t. i, p. 411; Robinson, Biblical Researches in non, il est aise de comprendre pourquoi, dans ce passage,
Palestine, Londres, 1856, t. n, p. 166; Van de Velde, Ar est regardee comme etant a la frontiere septentrionale.
Memoir to accompany the Map of the Holy Land, 1859, On 1'assimile ensuite a la ville qui est au milieu du
p. 287; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and torrent , c'est-a-dire de la vallee arrosee par le torrent
places in the Old and New Testament, Londres, 1889, d'Arnon, Jos., xm, 9, 16; Deut., n, 36; mais 1 toutes
p. 12, etc. Suivant Aboulfeda, Geographic, texte arabe les versions ont ici rendu hd'ir (avec 1'article) par le
publie par MM. Reinaud et le baron Mac Guckin de Slane, le nom commun civitas, urbs, oppidum, ville; 2 cette
Paris, 1840, p. 247, Er-Rabbah a suceede a une ville ville de la vallee, citee avec Aroer comme limite meri-
capitale tres ancienne , qu'il nomme Mdb, et dont la dionale des possessions Israelites au dela du Jourdain,
mention est celebre dans 1'histoire des Israelites . Mab semble avoir appartenu, aussi bien qu'Aroer (dont elle
rappelle evidemment 1'hebreu 3x10 et la Mwag de YOno- est distincte d'apres le texte hebreu) aux enfants d'Israel,.
masticon, p. 276, ville de 1'Arabie, qui est maintenant tandis que Dieu avait exclu Ar-Moab de leurs conquetes.
Areopolis; le pays s'appelle aussi Moab, mais la ville a Quant a 'Ir Mo'db, Num., xxn, 36, dans laquelle plusieurs
comme nom propre Rabbath-Moab. auteurs reconnaissent la grande cite moabite, nous dirons
Plusieurs exegetes cependant n'admettent pas 1'identite egalement que toutes les versions ont traduit 'Ir par le
d'Ar ou Areopolis et d'Er-Rabbah. Dietrich 1'a combattue nom commun et que 1'absence de 1'article en hebreu
dans Merx, Archiv fur ivissenschaftliche Erforschung laisse au mot son sens indefini.
des A. T., t. I, p. 320 et suiv. Ses arguments sont ainsi D'un autre cote, Oumm er-Recas, ou Ton voudrait
resumes par Franz Delitzsch, Biblischer Commentar uber voir 1'emplacement d'Ar, se trouve, non pas au sud-est,
das Alte Testament, das Buch Jesaia, Leipzig, 1889, mais bien au nord-estde 1'Arnon, et est ainsi completement
p. 220 : 1 L'Ancien Testament et les versions ne con- a 1'oppose de cette derniere: Aussi quelques-uns pre-
naissent aucune Rabbah moabite; c'est Eusebe qui la ferent Mouhdtel el-Hadj, un peu au-dessous de 1'embou-
mentionne le premier, et elle semble, apres la ruine d'Ar chure de VOuadi Enkeileh dans I'Ouadi Modjib ; 'mais
par le tremblement de terre dont parle saint Jerome, ces ruines paraissent peu importantes pour une ancienne
etre devenue la capitale du pays et avoir recu, avec le capitale de Moab. Nous croyons done devoir maintenir
norn de Rabbath Moab, celui d' 'ApsoitoXt;. 2 Ar etait le site traditionnel d'Er-Rabbah.
situee sur les bords de 1'Arnon, tandis que les ruines de III. Description. Er-Rabbah est situee a 1'est de la
Rabbah se trouvent a six heures au sud du torrent, non mer Morte, en face de la presqu'ile d'El-Licdn, sur la
pas a la frontiere nord, mais au milieu meme de Moab. grande route qui conduit de Kerak vers Dhibdn (Dibon)
Le recit de Num., xxi, 28, rend vraisemblable la posi- et Hesbdn (Hesebon) au nord. Plusieurs monticules, cou-
tion d'Ar au confluent du Ledjoum et du Modjib, peut- verts d'herbe, semblent cacher les debris d'importantes
etre (au moins les fortifications placees sur les hauteurs constructions et payeraient sans doute amplement, par de
de 1'Arnon ) aux ruines actuelles d'Oummer-Recds, au curieuses decouvertes, les recherches de 1'explorateur
sud-est (?) du meme confluent. (Qg. 200). Parmi les ruines on remarque surtout une belle
II sst vrai que 1'Ancien Testament et les versions ne parlent porte romaine qu'un tremblement de terre a disloquee.
L'arcade principale s'est ecroulee; mais, a droite et a
gauche, subsistent encore, parfaitement intactes, de petites
arcatures laterales qui sont murees et n'ont du etre
que des fausses portes. Au-dessus de la petite porte de
droite, les pierres de taille, secouees par le tremblement
de terre, ont glisse les unes sur les autres, de sorte
qu'elles ont 1'air suspendues et pretes a crouler au
rnoindre choc. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer
Morte, Paris, 1852, t. I, p. 347; atlas, planche xx. En
deca, quelques flits de colonnes sont encore debout; mais,
liormis quelques trongons et chapiteaux gisant epars sur
199. Monnaie d'Ar-Moab. le terrain, il semble que cet emplacement n'ait jamais
Tete lauree de Septime-S6vere. A2 SEOYHPQ. ^. PABB A
etc couvert de constructions, et qu'il devait etre une sorte
MQBA. Divinitc guerriere de face, casquee et cuirassee, tenant de place publique. De riches fragments analogues forment
une 6p6e de la main droite, et de la gauche une lance et un une veritable bordure a droite de la route qui conduit a
bouclier. A droite et si gauche, dans le champ, un autel allume ce point.
en forme de colonnette. Un peu au sud de la porte romaine se trouvent deux
citernes carrees : la premiere, a cinquante metres du
d'aucune Rabbath de Moab; mais, bien avant Eusebe chemin, est de dimension ordinaire; la seconde, plus
et saint Jerome, on comiuissait une ville dont les mon- loin et a cent metres sur la droite, est trois fois plus
naies d'Antonin, de Septime-Severe et de Caracalla nous grande. Les decombres qui les "entourent au loin mon-
ont conserve le nom de PABBAfe) MQBA (fig. 199); cf. trent que tout un quartier de la ville a du exister de ce
de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, p. 355-358. cotd.
La Notitia digntlatum imperil, apres avoir mentionne A deux cents metres a gauche est une enceinte carree,
la cohors tertia Alpinorum aupres de 1'Arnon, nous dont les murs ont encore pres de deux metres de hau-
montre la ville d'Areopolis occupee par les Equites Mauri teur, et qui fut tres probablement jadis le parvis d'uu
Illyriciani. Cf. Reland, Palsestina, p. 579. Dire d'ailleurs temple. Cette enceinte, ouverte au nord, est pavee de
que, Ar une fois detruite, Rabbath a herite de son impor- blocs equarris de lave noire. Dans les decombres se ren-
tance comme capitale avec un nom nouveau, est une contrent frequemment des blocs de lave travailles, et qui
assertion gratuite. L'opinion des contradicteurs de saint appartiennent a une civilisation anterieure a la venue
Jerome est basee principalement sur cette croyance que des Romains. L'un d'eux est un fragment de chambranle
Ar etait situee sur les bords de 1'Arnon . Les preuves de porte ou de fenetre, garni de moulures et d'un ileuron
ne sont pas convaincantes. Un chant tire du livre des a Tangle. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte,
Guerres du Seigneur , Num.. xxi, 15, semble placer Ar p. 348, atlas, pi. L. Ce fleuron, dit M. Perrot, rappelle
sur la frontiere de Moab ; mais, outre 1'obscurite du celui d'oii s'elance la plante sacree dans les bas-reliefs
texte, ne peut-on pas dire avec H. B. Tristram, The Land assyriens ; il fait songer aussi a cette espece de fleur qui
of Moab, Londres, 1874, p. 110, que, comme il n'y a surmonte parfois la tiare des genies, Histoire de I'art
pas trace d'une cite importante entre Er-Rabbah et 1'Ar- dans I'antiquite, Paris, 1887, t. iv, p. 397, fig. 209. Lti
817 AR, A R - M O A B ARA 818
fragment, rapporle par M. de Saulcy, est conserve au Aria se rapporte a la grande famille des peuples aryens,
musee du Louvre, salle judai'que; cf. A. Heron deVille- dont le nom Sanscrit drya signifie noble, de bonne
fosse, Not ice des monuments provenantde la Palestine, famille . Cf. MaxMiiller, La science dulangage, Paris,
Paris, 1879, p. 13-14. Les environs de la ville sont eux- 1876, p. 287. Bochard est, comme nous le verrons, plus
memes remplis de ruines et de decombres qui attestent pres de la verile, quandil rapproche /Parade la racine
1'importance de la cite antique. En somme, si Er-Rabbah hebrai'que signifiant montagne, pays montagneux .
porte les marques de 1'epoque romaine, elle renferme Cf. 1'arabe El-Djebdl.
aussi d'abondantes traces d'une periode anterieure. George Rawlinson, dans Smith's Dictionary of the
L'histoire d'Ar, au point de vue biblique, se confond Bible, Londres, 1861,1.1, p. 754, au mot Hara, propose
avec celle du pays de Moab, dont elle est du reste le de 1'identifier avec Haran, la ville de Mesapolamie ou
representant en plus d'un endroil, Deut., n,9; Is.,xv,l; vint Abraham apres avoir quille Ur de Chald6e. Dans
mais, en dehors de cela, elle ne presente aucun fait les Paralipomenes, dit-il, les noms different souvent
saillant. Areopolis fut comprise dans la Iroisieme Pa- deceux que 1'Ecrilure emploie ailleurs. parce qu'ils re-
lestine* (Elienne de Byzance, Ethnic., p. 651), et fut le presentent une forme plus recente; et ainsi Hara pour-
sieged'un eveche. Saint Jerome nous apprend qu'elle fut rait correspondre a Carrhse, qui, comme nous 1'ap-
en partie renverseepar un tremblement deterre, Com- prennent Strabon et Ptolemee, designailchez lesGrecs
ment, in Isaiam, t. xxiv, col. 168; ce qui, d'apres certains la ville de Haran. Nous pouvons supposer alors que,
calculs bases sur les ecrits d'Ammien Marcellin, serait dans la pensee de 1'auteurdes Paralipomenes, une par-
arrive en 365 apres J.-C., ou plutot, suivant d'autres tie des Israelites avail ele transportee a Haran sur le
supputations, 1'an 344. A. LEGEJSDRE. Belik, tandis que le plus grand nombre avail ete envoye
300. Porte romaine d'Er-Rabbah (A.ropolis). D'apres F. de Saulcy, Voyage autour de la Mer-Morte, atlas, pi. xx.
ARA (hebreu : 'Ard' c'est probablement le meme vers le Chabour. Cette opinion, conforme, a larigueur,
mot que 'ari, lion ; Septante : 'Apdt), troisieme fils de au recit biblique, puisque bon nombre d'auteurs placent
Jether, de la tribu d'Aser. I Par., vn, 38. Hala, Habor et Gozan dans celle contree de la Mesapo-
lamie, se heurle a une difficulte philologique, la dif-
ARA (hebreu : Hard'; omis par Jes Septante), contree ference radicale qui existe enlre Hard', Nin, etHdrdn,
T T
oil Theglathphalasar, roi d'Assyrie, deporta les tribus pn, par Paspiralion initiale et la lettre finale.
transjordaniennes de Ruben, de Gad et de Manasse. T T
J Par., v, 26. Le silence des Septante et de la Peschito La solulion la plus juste nous parait etre la suivante.
a fait supposer a quelques auteurs que ce nom aurait L'auleurdes Paralipomenes s'eslsansdouleservi des pas-
ete interpole apres ia composition de ces versions; mais sages paralleles, IVReg., xx, 19, 29, elxvu,6; xvm, 11.
ce silence ne saurail 1'emporter sur 1'autorite des ma- Or le livre des Rois indique comme lieu de deportalion
nuscrits hebreux et de la Vulgate. II n'en est pas moins Hala, Habor, le fleuve de Gozan el les villes de Me'die,
difficile cependant de determiner 1'origine du mot,sa signi- IV Reg., xvn, 6; xvm, 11, landis que celui des Paralipo-
fication, aussi bien que le pays auquel il correspond. Les menes mentionne Hala (Vulgate : Laheia), Habor, Ara,
principales opinions emises a ce sujet sont les suivantes: et le ileuvede Gozan.I Par., v, 26. N'est-on pas, d'apres
Bochard, Phaleg, in, 14, Caen, 1646, p. 220, s'ap- cela,porleacroirequ'il y a e u inlerversiondans le second
puyant, d'un cote, sur les passages paralleles de IV Reg., recit, etqu'^ra correspond aux villes de Medie du pre-
xvn, 6; xvill, 11, dont nous parlerons toutal'heure.et, mier? Mais encore quelle relation y a-t-il enlre les norns"?
de 1'autre. sur la ressemblance onomastique, reconnait On peut trouver la reponse dans cetle conjeclure tres vrai-
dans#ara soil une partie de la Medie, soil la Medie elle- semblable : aulieu de 'Are Mdddi, no -,7, les viller
T T T
meme, que Pausanias apelle 'Apia, et dont les habitants
sonlnommes"Ap'.o'. par Herodote, vn, 62. Ce serail ainsi de Medie , les Septante ont lu, dans les deux endroits,
1'ancienne Ana, l"Ap:ade Ptolemee, vr, 17, etde Stra- IV Reg., xvn, 6; xvm, il, Hare Mdddi, na'nn, les
T T " T
bon, xi. 516, situee entre le pays desParthes et 1'lndus, monlagnes des Medes , 6'pr, M^8wv. Elail-ce la la lecon
et que rappelle aujourd'hui la ville d'Herat, dans leKho- primitive du livre des Rois? c'est possible. Hara des Para-
racan oriental. Cf. G. B. "Winer, Biblisches Reahvorter- lipomenes serait doncsimplemenl la formearameenne de
buch, Leipzig, 1847. t. i, p. 464, au mot Hara. Cette rhebreuflar, et le nom vulgaive des montagnes de Medie,
assimilation ne peut se soutenir, car Aria et Hara ont reproduit par 1'arabeEl-Djebdl, les montagnes , qui
une origine et une signification completement differentes: est plus particulierement employe, dans la geographie
819 ARA ARABAH 820
musulmane, pour designer la partie montagneuse de 1'Irak 6 Bap8KXimv)c, IT Reg., xxm, 31; 6 Tapa^atO', I Par., XI, 32),
persan, 1'ancienne Medie. Ce nom d'Hara peut meme c'est-a-dire natif d'Arabah , s'applique a Abialbon, un
provenir des Juifs exiles dans ce pays, et 1'auteur sacre des heros (gibborim) de David. II Reg., xxm, 31; I Par.,
peut 1'avoir trouve dans les sources particulieres dont il XI, 32. Arabah est une ville de la tribu de Renjamin, Jos.,
s'est servi. Cf. Keil, Biblischer Commentar uber das Alte XVHI, 22, sur la frontiere nord-est de Juda, Jos., xv, 6,
Testament, Chronik, Leipzig, 1870, p. 80. Telle est en appelee Beth Araba, mais nommee aussi simplement
substance 1'opinion de Schrader dans Riehm's Handwor- Arabah. Cf. Jos., xv, 6, et xvm, 18. Voir BETH ARABA.
terbuch des biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, A. LEGENDRE.
p. 570, au mot Hara; de Gesenius, Thesaurus linguae ARABAH (hebreu : hd'Arabah, avec 1'article, Dcut.,
hebrsese, p. 392. n, 8; in, 17; iv, 49; Jos., in, 16; vin, 14; xi, 2, 10;
Le livre de Tobie, i, 16, confirme par les monuments xn, 1, 3; xvm, 18; II Reg., iv, 7; IV Reg., xxv, 4; Jer.,
assyriens, nous apprend aussi qu'un certain nornbre de xxxix, 4; LII, 7; Ezech., XLVII, 8; hd'Ardbdtah, avec he
captifs s'etablirent en Medie. Les Medes, dit M. Vigou- local, Jos., xvin, 18; Septante : "Apa6a, Deut., H, 8;
roux, avaient envahi les pays situes a 1'ouest de Rhagse m, 17; iv, 49; Jos., in, 16; xi, 2; xii, 1, 3; IV Reg.,
et s'y etaient solidement etablis dans les temps qui pre- xxv, 4; Jer., xxxix, '<-.; LII, 7; 'Apa6ta, Ezech., XLVII, 8;
cederent 1'avenement de Theglathphalasar, le vainqueur Bai6apa6a, Jos., xvm, 18; irpb; Sv<T\i.at<;, Jos., xi, 16;
d'Israel. Ce voisinage inquieta les Assyriens. Theglathpha- xrra guanas, II Reg., iv, 7; Vulgate : campestria,
lasar porta ses armes dans la direction du Zagrus des la Deut., n, 8; IV Reg., xxv, 4; Jos., xvm, 18; planities,
seconde annee de son regne; il parcourut victorieuse- Deut., in, 17; iv, 49; Jos., xvm, 18; plana deserti, Ezech.,
ment la Medie dans toute son etendue, et ses succes XLVII, 8; solitudo, Jos., xn, 1, 3; deserttfm, Jos., vm, 14;
furent tels, qu'il n'eut pas besoin d'y recommencer ses II Reg., iv, 7; Jer., xxxix, 4; eremus, Jer., LII, 7 ) , nom
expeditions pendant tout le reste de ses jours. La Bible donne, dans le texte hebreu, a la vallee profonde qui
et les decouvertes modernes, 5e edit., Paris, 1889, t. iv, s'etend du lac de Tiberiade a la mer Horte, et de la mer
p. 154. Ce roi d'Assyrie, qui le premier pratiqua sur une Morle au golfe Elanitique.
large echelle la politique barbare de transplanter dans I. Nom et signification. 1 Dans 1'Ecriture. Ce nom
d'autres contrees les populations vaincues, put done de- ne se trouve, dans la Vulgate, que sous la forme composee
porter dans le pays lointain des Medes les enfants d'Israel, de Beth Araba, hebreu : Bet-hd'Ardbdh, la maison de
comme le fit egalement Sargon, son second successeur, 1'Arabah; Septante : Bou8apa6a, ville de la tribu de Ben-
le vainqueur de Samarie. Voir MEDIE. A. LEGENDRE. jamin, Jos., xvm, 22, sur la frontiere nord-est de Juda,
Jos., xv, 6; mais, dans 1'hebreu, il se rencontre assez fre-
ARAAS (hebreu : Harhas; Septante : 'Apa?), pere de quemment, tantot avec un sens general, tantot avec un
Thecua et ancetre de Sellum, 1'epoux de Hold a, prophe- sens restreint.
tesse du temps de Josias. IV Rois, xxn, 14. Dans II Par., Plusieurs ecrivains sacres de 1'A.ntien Testament, prin-
xxxiv, 22, il est appele HASRA (hebreu : hasrah, indi- cipalement les poetes et Jes prophetes, emploient le mot
gene ). 'ardbdh avec 1'idee generate de region deserte, sterile,
inhabitable . Cf. Job, xxxix, 6; Is., xxxm, 9; xxxv, 1;
ARAB (hebreu: 'Arab; Septante: Atpl[i), Jos., xv, 52; XL, 3; LI, 3; Jer., n, 6; xvn, 6; L, 12; LI, 43. Gesenius,
ville de la tribu de Juda. La Vulgate ecrit Arbi dans II Reg., Thesaurus linguae heb., p. 1066, le rattache a la racine
XXHi, 35. C'est la premiere ville du second groupe appar- 'drdb ou 'dreb, etre sterile, aride. Les Septante le
tenant au district montagneux. Jos., xv, 52-54. Saint rendent de differentes manieres : a6aTO?, inaccessible,
Jerome, Liber de situ et nominibus loconmi heb., t. xxm, Jer., L, 12; LI, 43; sp 7 !^ 0 ?' (< desert, Job, xxxix, 6;
col. 894, signale a propos d ' E r e b , dans la tribu de Is., xxxv, 1; LI, 3; Jer., xvn, 6; eXr), terrain bas,
Juda..., un bourg du Daroma, c'est-a-dire de la region Is., xxxm, 9; ansipo? (yri), (terre) inculte, Jer., n, 6;
meridionale, qui s'appelle Eremiththa , Heromith suivant yrj Sc^ciaa, terre alteree, Is., xxxv, 6. La Vulgate met
d'autres editions, 'EpIjjuvOa dans I'Ononiaslicon, Goet- de meme, tantot desertum, Is., xxxm, 9; XLI, 19; Jer.,
tingue, 1870, p. 254. C. R. Conder ecrivait de Yutta, le xvn, 6; LI, 43; tantot solitudo, Job, xxxix, 6; Is., xxxv, i;
5 novembre 1874 : A Test d'Hebron, un site tres ancien XL, 3; xxxv, 6; tantot inhabitabilis (terra], Jer., n, 6.
a etc decouvert par le caporal Armstrong, et est connu Mais, avec 1'article defini, hd'Ardbdh possede, notam-
sous le nom de Kfiirbet el-'Arabiyeh (la ruine arabe). ment dans les livres historiques, comme le Deuteronome-,
On y remarque plusieurs puits et citernes, et il est situe Josue et les Rois, un sens local bien determine. II indique
pres d'une des routes principales. A cetle identification on une contree parfaitement conniie des habitants de la Pa-
peut objecter que Yaleph hebreu est ici represente par lestine, c'est-a-dire cette depression si remarquable qui
Ya'in arabe ; mais nous avons un exemple notable d'un s'etend des pentes meridionales de l'Hermon au golfe
changement absolument identique dans le nom d'Ascalon d'Akabah, par la vallee du Jourdain, la mer Morte et
(hebreu : 'Asqelon), maintenant 'Askelan, et le change- 1'ouadi Arabah, qui en conserve encore le nom. II suffit,
ment est ici d'autant plus naturel, qu'il donne un sens en effet, d'un coup d'oeil sur les principaux passages des
au mot dans le langage moderne des Arabes. Palestine livres que nous venous de citer, pour constater que ce mot,
Exploration Fund, Quarterly Statement, 1875, p. 14. Plus au temps de la conquete et de la monarchic, s'appliquait
tard cependant le meme explorateur placa Arab un peu a la vallee dans toute sa longueur, aussi bien dans sa partie
plus bas, au village actuel dEr-Rabiyeh, au sud-ouest septentrionale que dans sa partie meridionale. Ainsi: 1 la
d'Hebron. Quarterly Statement, 1881, p. 50, et Handbook region appelee plus specialement aujourd'hui El-Ghor, et
to the Bible, Londres, 1887, p. 403. Les auteurs de la qui va du lac de Genesareth a la mer Morte, est claire-
nouvelle carte anglaise, Londres, 1890, feuille 14, ont ment indiquee dans Deut., iv, 49; Jos., xi, 2; xn, 1, 3.
maintenu cette identification. Cf. Names and places in 2 Dans Jos., vm, 14; xvm, 18; II Reg., n, 29; iv, 7;
the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 12. Elle IV Reg., xxv, 4; Jer., xxxix, 4; LII, 7, il s'agit de la
semble plus conforme a 1'enumeration de Josue, xv, 52, plaine du Jourdain qui se trouve au nord de la mer Morte,
dans laquelle Arab se trouve pres de Ruma, hebreu Du- et, avec ce sens, ces differents passages, embarrassants
mdh, qu'on identifie generalement avec Khirbet Daoumeh. pour certains commentateurs, deviennent facilement intel-
Voir la carte de la tribu de JUDA. Cette ville etait la patrie ligibles. 3 L'Arabah , Jos., xi, 16; xn, 8, compte parmi
d'un des heros de David nomme Pharai. II Reg., xxm, 35. les grandes divisions de la Palestine, et est ainsi distin-
Voir ARBI. A. LEGENDRE. guee de la montagne , har; de la plaine , sefelah;
du midi , hannegeb; de la plaine du Liban ou de
ARABA, ARBATHITE (hebreu: hd'arbdti; Septante: Coeles\rie, biq'af hallebdnon. 4 La mer Morte, occu-
821 ARABAH 822
pant le point le plus profond de la vallee, portait, en d'Esdrelon, Bell, jud., IV, i, 8. Au temps d'Eusebe et de
raison de cette particularity, qui n'avait pu echapper aux saint Jerome, 'AuXwv, Aulon, designait cette grande
ILibreux, le nom de yam h&Arabdh, mer del'Arabah, vallee dont 1'immense longueur se deroule entre deux
Deut., in, 17; iv, 49; Jos., m, 16; XH, 3; IV Reg., xiv, 25, chaines de montagnes paralleles, qui, commencant au
en meme temps que celui de yam hammelah, mer de Liban, vont jusqu'au desert de Pharan. L'Aulon renferme
sel. Jos., in, 16. 5 Enfin le debut du Deuteronome, les villes illustres de Scythopolis, Tiberiade et Jericho.
I, 1; n, 8, nous transporte dans la partie meridionale, Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 214; S. Jerome, Liber
entre le lac Asphaltite et la mer Rouge. Ajoutons a cela de situ et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 866. Au
le pluriel 'Arbot, qui, souvent uni a Mo'db, Num., xxn, 1; mot grec 'Ay)>wv, fosse, depression, correspond le
xxvi, 3. 63; xxxi, 12; xxxm, 48, 49; xxxv, 1; xxxvi, 13; nom d'El-Ghor (gh = r grasseye), donne a la plaine du
Deut., xxxiv, 1, 8; Jos., xni, 32, et a Yeriho, Jericho, Jourdain "par les ecrivains arabes, Edrisi, edit. Jaubert,
Jos., iv, 13; v, 10; IV Reg., xxv, 5; Jer., xxxix, 5; LII, 8, p. 337,338; Aboulfeda, Geographie, texte arabe, publie
designe certainement la plaine qui, d'un cote, vers 1'ouest, par MM. Reinaud et le baron Mac Guckin de Slane, Paris,
avoisine cette derniere ville, et de 1'autre, vers Test, touche 1840, p. 243, 245, etc., et que Freytag, Lexicon arabico-
au pays de Moab. 'Arbot Mo'db est toujours distingue de latinum, 4 in-4, Halle, 1835, t. in, p. 301, rattache a la
Sedch Mo'db, ou les hauls plateaux cultives qui se deroulent racine '(_, avec la signification de terra depressa terre
a 1'orient.
Ce second sens derive du premier. Le fond de cette basse, abaissee . Aboulfeda meme, Tabulae Syrise, edit.
grande vallee, plat et uni entre deux rangees de hauteurs Kohler, Leipzig, 1766, p. 8, 9, suivant Robinson, donne
laterales, ressemble a une plaine etroite, longue et sou- au mot Ghdr toute 1'extension de 1'hebreu 'Ardbdh, et
vent aride. L'ensemble de cette region extraordinaire me- 1'applique a la vallee dans toute sa longueur. Cf. Biblical
rite bien le nom de desert ou solitude , attribue par Researches in Palestine, Londres, 1856, t. n, p. 186.
les Hebreux a toute contree plus ou moins depourvue de Ce mot neanmoins a ete restreint a la partie septentrio-
villes ou d'habitations. La partie inferieure le portait a plus nale, comme 1'antique denomination hebra'ique a la partie
juste titre, et 1'a conserve jusqu'a nos jours; mais la partie meridionale. Pour 1'ensemble et 1'examen de ces donnees
superieure elle - me'me pouvait le recevoir. Tres peu historiques et geographiques, voir Reland, Paliestina ex
de villes se sont formees dans la vallee du Jourdain, monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. I,
que 1'extreme chaleur rend presque inhabitable; et p. 359-366.
aujourd'hui encore a pcine y trouve -1 - on quelques II. Description. 1 L'Arabah dans toute son etendue.
ehetifs villages sur la pente extreme des montagnes qui Outre sa celebrite historique, cette vallee presente un des
la bordent. phenomenes geologiques les plus etonnants. Elle court,
2 Dans les versions. La signification restreinte que dans une longueur d'au moins 440 kilometres, depuis les
nous venons de donner, avec 1'Ecriture, au mot 'Ardbdh, pentes meridionales du grand Hermon, au nord, jusqu'au
semble avoir echappe a plusieurs des anciennes versions golfe d'Akabah, sur la mer Rouge, au sud. Partant, si Ton
et aux commentateurs anciens. La Vulgate, comme on veut, de la source la plus elevee du Jourdain, le Nalir
peut le voir par remuneration des textes cites au com- el-Hasbany, a 563 metres au-dessus de la Mediterranee,
mencement de cet article, le rend indistinctement par elle descend jusqu'a la profondeur de 392 metres au-
campestria, planities, solitudo, deserlum, tous mots qui dessous, a 1'embouchure du fleuve dans la mer Morte.
lui servent de meme pour exprimer les termes hebreux : C'est done une difference de 955 metres entre son point
Misor, Biq'dh, Midbdr, Sefeldh, Yesimon. On peut voir, de depart et son niveau le plus bas; et une pareille de-
pour la distinction de ces termes, Stanley, Sinai and pression est la plus forte qui existe sur la surface du
Palestine, Londres, 1866, Appendix, p. 484-488. Les Tar- globe. De 1'extremite meridionale du lac Asphaltite, elle
gums mettent partout Mesra', correspondant a 1'hebreu se releve insensiblement jusqu'a 240 metres au-dessus de
Mlsor, excepte Jos., xvni, 18, ou le texte est strictement la Mediterranee. C'est, en effet, a 110 kilometres environ
reproduit par Gharabatha. Aquila, meme avec sa litte- au sud de la mer Morte, et a 71 kilometres au nord du
ralite excessive, emploie, au lieu du nom propre, son golfe Elanitique, que se trouve la ligne de partage des
expression favorite /) ojAaVrj, la plaine . Pour les Sep- eaux: tous les torrents se dirigent, vers le nord, dans la
tante, on se demande si c'est avec intention qu'ils ont, mer Morte, et, vers le sud, ils vont se Jeter dans le golfe
dans plusieurs endroits, traduit par "ApaSa et 'Apa6a>6, Elanitique. Ainsi, pendant 250 kilometres, la vallee d'Ara-
ou s'ils n'ont point plutot cede a leur habitude de trans- bah s'abaisse de 955 metres, pour se relevcr ensuite de
crire litteralement les mots qu'ils ne comprenaient point, 632 metres, et s'abaisser de nouveau de 240 metres. Nous
comme IV Reg., n, 14, icpcpw; in, 4, vw/^S; iv, 39, apiwO, ne dirons rien du Ghor ou de la partie superieure, ren-
etc. Cf. Grove, dans Smith's Dictionary of the Bible, voyant pour les details a 1'article JOURDAIN ; rnais nous
Londres, 1861, t. I, p. 87, note e. Nous croyons que les decrirons comme il convient la partie inferieure, qui
traducteurs grecs ont bien saisi la portee de ce mot. En nous a conserve le nom meme employe par 1'Ecriture.
effet, ils ont mis "Apa6a et 'Apa6u>6 dans la plupart des 2 L'Arabah actuel ou Ouadi el-Arabah. Si, de 1'Hermon
passages mentionnes, et au lieu de reproduire, dans les a la mer Morte, la vallee descend, par une ligne directe,
autres, 1'expression generale spr,(xo?, agato? ou eAv), ils du nord au sud, elle flechit du nord-nord-est au sud-sud-
ont toujours traduit par Ttpb; Su<7[xaT?, y.aia Suaiiac, ITII ouest, a partir de la mer Morte jusqu'au golfe d'Akabah.
Sufffxoiv, a 1'occident, ce qui prouve simplement une Elle garde neanmoins la raideur et 1'aspect general du
lecture fautive, ma'ardbdh (de ma'drdb, contree occi- Ghor, encaissee comme lui entre deux rangees de hau-
dentale, avec he local) pour bd'drdbdh, dans 1'Arabah, teurs d'une elevation inegale, trait caracteristique de toute
rien n'etant plus facile que la confusion entre le 3, beth, la region. Les montagnes qui la ferment des deux cotes
et le 3, mem. Dans certains cas meme, ils ont accentue sont la continuation de celles qui bordent la plaine du
1'idee en mettant 1'article, TY)V "Apa6a, Deut., n, 8; iv, Jourdain, mais avec un caractere plus grandiose et plus
49; IV Reg., xxv, 4, ou TT,V y9)v "Apa6i, Jos., xn, 1. La desole. Celles de Test sont beaucoup plus elevees et plus
version syriaque donne 'Araba dans tout le Deuteronome, abruptes que celles de Touest. Voir la carte, fig. 201.
puis le nom general de plaine dans les autres livres. L'escarpernent occidental et le plateau qu'il termine
La version arabe emploie quatre fois le nom special sont de formation calcaire : c'est le prolongement des
$El-Gh6>; ^yj|, Deut., i, 7; in, 17; iv, 49; xi, 30. terrasses de Judee, venant, vers le sud, aboutir au Djebel
3 Dans les histonens et les geographes. Josephe appelle et-Tih, qui couvre 1'entree de la peninsule sina'itique.
la vallee du Jourdain ne'yarceSiov,Ant. jud., IV, vi, 1, Apres les vallees fertiles, les cantons verdoyants et les
etc., denomination qu'il applique egalement a la plaine plaines steriles qui se succedent en descendant d'Hebron,
823 ARABAH 824
on ne trouve plus, dans la partie meridionale et centrale, saison des pluies change en fougueux torrents. Outre ces
que des plaines ondulees, absolument nues, plutot pier- courants temporaires, des sources entretiennent dans
reuses que sablonneuses : tristes solitudes qui ont recu beaucoup d'endroits une fraicheur permanente, et y per-
des Arabes le nom de Tlh ou desert de 1'Egarement , mettent un peu de culture : de la le contraste qui existe
en souvenir des longues peregrinations qu'y firent les avec 1'aridite des deserts entre lesquels cette contree mon-
Hebreux. Ce plateau, qui domiue de cinq ou six cents tagneuse est interposee. A peu pres vers le milieu, cette
chaine d'Edom est couronnee par la cime du mont Hor
ou Djebel Haroun, qui, pareil a un cylindre termine par
un cone surbaisse, commande 1'Ouadi Arabah comme le
creneau isole d'une immense muraille. Ea nous placant
sur son sommet, qui domine la mer d'envirori!328 metres,
rien n'est plus facile que de comprendre la structure
geologique de 1'Arabah. Au premier plan s'etend la terrasse
de gres de Nubie qui forme le sommet du mont Hor;
puis, a droite, les porphyres avec les filons de diverses
varietes qui en sillonnent la masse. Sur ces porphyres
viennent s'adosser les gres de Nubie, composes en grande
partie de leurs elements desagreges. Au centre, la petite
chaine dechiquetoe des poudingues tertiaires, supportee
par les gres de Nubie; puis des ilots de porphyre disse-
mines a travers les terrains cretaces, et reconnaissables
a leurs formes aigue's, ainsi qu'a leur ton sombre; a
gauche, une montagne cretacee. Enfin, dans le fond,
les alluvions et les sables de 1'Ouadi Arabah forment
une bande horizontale, a laquelle viennent se reunir
celles des divers ouadis tributaires , et qui separe le
massif idumeen des collines cretacees qu'on voit for-
mer, a 1'horizon, les plateaux du Tih. Cf. due de Luynes,
Voyage d'exploration a la mer Morte, 3 in-4, Paris,
t. in, p. 323, plancherv; voir aussi une belle carte geolo-
gique de 1'Ouadi el-Arabah, dans Edward Hull, Memoir of
the Geology and Geography of Arabia Petrsea, Palestine
and adjoining districts, Londres, 1889, p. 138. Voir IDU-
MEE.
Entre ce double encaissement, la vallee d'Arabah se
de'roule ainsi comme un vaste sillon, dont la largeur, eri
moyenne de neuf a dix kilometres, atteint presque le
double vers le centre. Montant peu a peu, nous 1'avons
dit, depuis 1'hemicycle qui ferme la Sebkah, jusqu'a la
hauteur de 240 metres, elle descend enstiite au niveau
de la mer, en se retrecissant d'une maniere continue; a
partir de la ligne de partage des eaux, la chaine occiden-
tale se rapproche sensiblement des rnontagnes d'Edom.
Le fond de cette immense tranchee n'est, aux deux extre-
mites, septentrionale et mt s ridionale, que 1'ancien depot
des deux mers qu'elles touchent, de formation recente,
post-pliocene ou pliocene. Dans 1'intervalle se trouvent
des banes de sable, de gravier, de cailloux roules et de
marne, a travers lesquels emergent, de distance en dis-
tance, certaines roches calcaires. Tout le versant nord est
occupe par YOuadi el-Djeib, qui contourne la lisiere occi-
dentale, et recoit les nombreux affluents dont les lits,
descendant des monts de I'ldumee, sillonnent la plaine
dans la direction du sud - est au nord - ouest. Pres de son
L.Thuillier.del* Echelle debouche dans le Ghor, 1'Ouadi el-Djeib est horde de
falaises hautes de dix a quinze metres, laissant entre elles
201. Carte de 1'Ouadi el-Arabah. un lit tres uni d'environ cinq cents metres, ou les courants
qui Font forme ont laisse la trace de leur passage et leur
metres la vallee d'Arabah, donne passage a un systeme boue dessechee. II conserve pendant plusieurs kilometres
d'ouadis incline au nord-est, avec deux issues princi- cet escarpement, resultat de 1'excavation des eaux; puis,
pales, YOuadi Fikreh et YOuadi Djerafeh. Ces torrents au dela de YOuadi Haseb, les (alaises s'abaissent de plus
sont a sec la plus grandfe partie de 1'annee; mais les en plus pourdisparaitre cornpletement. A partir de YOuadi
pluies d'hiver, quand elles sont fortes et prolongees, Gharundel, 1'un des plus iinportants du massif oriental,
donnent par eux une fertilite passagere a quelques coins les torrents, moins etendus, se dirigent vers le sud, arnas-
du desert. sunt dans la plaine, en forme d'eventail, des depots de
La muraille orientale est formee par les rnonts de cailloux roules.
I'ldumee ou de Seir, lisiere longue et etroite, dont le En sornme, 1'Ouadi el-Arabah contraste smgulierement
developpement du nord au sud egale et suit le cours de avec le Ghor. Au lieu d'un fleuve dont les eaux abon-
1'Arabah, et dont la plus grande largeur ne depasse guere dantes et perpetuelles entretiennent une belle ligne de
trente-cinq kilometres. C'est une chaine de gres, de granit verdure, la vallee meridionale ne possede que des cou-
et de porphyre, oil Faction des feux volcaniques a laisse rants temporaires, insuffisants pour feconder le sol.
de nombreuses traces, et que sillonnent d'innombrables Quelques chetives sources, espacees a d'assez grandes
ravins descendant vers 1'Arabah, gorges sinueuses que la distances, nourrissent a peine quelques arbres, et n'oflreut
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meme pas au voyageur les ressources dont il a besoin. par M. le due de Luynes et les membres de son expedi-
En allant du nord au sud, on trouve I'Ain Ghuwireh, tion , reconnut cette ligne de partage des eaux ; mais
d'un demi-metre de diumetre; son eau, fraiche et sensi- M. Vignes en evalue 1'altitude a 240 metres. C'est, dit-il,
blement sulfureuse, sort, au milieu des roseaux, d'un ter- le point le plus bas de la ligne. Vient ensuite une chaine
rain sablonneux, parseme de mimosas. Plus bas, YAin de collines qui se dirige vers le nord-nord-est. La plaine
Gharundel, a deux cents metres environ de 1'Ouadi du formee entre ces collines et les montagnes de Test monte
meme nom, perd ses eaux dans le sable : neanmoins deux vers le nord jusqu'au point (B sur la carte) ou se trouve
grands palmiers et quatre ou cinq petits qui 1'ombragent, une sorte de dos d'ane transversal et a pentes douces, qui
aussi bien que les joncs qui croissent a 1'entour, semblent unit les collines aux derniers contreforts des montagnes
prouver qu'elle ne tarit jamais absolument. Enfin, plus d'Edom. Ce point est eleve de 3iG metres au-dessus de
bas encore, en amont d'un groupe de palmiers, de roseaux la Mediterranee, et semble repondre a la description que
et de tamaris, et au pied d'un gradin calcaire de la donne M. de Bertou du lieu qu'il appelle Es-Sateh (le
chaine idumeenne, est une fontaine dont 1'ouverture est toit)... En resume, la determination de la ligne de par-
carree, d'un metre a peu pres; elle entretient la fraicheur tage des eaux de 1'Arabah ne doit plus laisser aucun doute.
et la vegetation d'un fourre de verdure, et s'appelle Ain C'est une ligne courbe dont la direction generate est du
Thaabeh ou Tdbd. L'hiver, quelques bas-fonds sont trans- sud-ouest au nord-est, et qui est comprise entre 30 08'
formes en lacs par 1'eau des torrents. et 30 14' de latitude nord. A parlir de cette ligne, vers le
3 L'Arabah et le lit du Jourdain. La formation de sud, tous les torrents ont une direction incontestable vers
la mer Morte et le cours du Jourdain ont ete longtemps le golfe d'Akabah, tandis que, dans le nord, ils vont re-
1'objet d'un probleme aussi interessant que difficile. Voir joindre le cours du Ouadi el-Djeib. Due de Luynes,
MER MORTE, VALLEE DE SIDDIM. Lorsque, en 1812, Burck- Voyage d'exploration a la mer Morte, t. n, p. 10-11.
hardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-4, L'enorme depression de la mer Morte d'un cote, et de
Londres, eut signale la grande vallee d'Arabah, que nous 1'autre les deux versants anticlinaux de 1'Arabah, con-
venons de decrire, une hypothese, en apparence tres plau- damnent done 1'hypothese de 1'ancien ecoulement du
sible, fit supposer qu'elle etait 1'ancien chenal par ou le Jourdain dans la mer Rouge, a moins cependant de re-
lleuve celebre allait autrefois deverser ses eaux dans le courir encore a une autre hypothese, celle d'affaissements
golfe Elanitique. M. Leon de Laborde, en 1828, publiant gigantesques. Mais, dit M. Lartet, ces affaissements
son Voyage de I'Arabie Petree, in-f, Paris, y joignit une n'auraient pu se produire sans deranger fortement 1'hori-
carte sur laquelle il n'hesita pas a appeler 1'ouadi Arabah zontalite des sediments du fond de la vallee. C'est ce que
ancien cours du Jourdain. D'apres lui, comme d'apres 1'etude stratigraphique de ces depots ne permet pas d'ad-
beaucoup d'autres savants, les eaux du fleuve, soudaine- mettre... L'etude attentive de la structure du sol aux envi-
ment interrompues par la catastrophe qui bouleversa la rons du partage des eaux de 1'Arabah nous fait considerer
Pentapole, avaient forme le lac Asphaltite. Cependant, cette ligne de faite cornme un barrage cretace, separant
des 1835, des doutes tres serieux furent emis sur cette d'une facon complete les deux versants anticlinaux de ce
hypothese par M. Letronne, Journal des savants, oc- desert. A cette altitude, les terrains cretaces ne sont plus
tobre 1835, p. 596, et par un explorateur, le capitaine recouverts que de leurs propres debris, et n'offrent au-
Callier, Journal des savants, Janvier 1836, p. 46 et suiv. cune trace du passage d'un ancien cours d'euu se diri-
Mais ce qui jeta un jour nouveau sur la question, ce fut geant vers la mer Rouge. Bulletin de la Societe geolo-
la decouverte faite, en 1837, de la grande depression de gique de France, 2e serie, t. xxn, p. 431. Cf. V. Guerin,
la mer Morte au-dessous de la Mediterranee. Cette depres- Description de la Palestine, Samarie, t. i, p. 79-83;
sion, differemment estimee par les voyageurs, Schubert, Ed. Hull, Mount Seir, p. 85.
de Bertou, Russeger, Symonds, Lynch, portee par eux de III. Histoire. La vallee d'Arabah, prise dans toute
435 a 390 metres, a ete fixee en 1864, par M. Vignes, son etendue, est, nous 1'avons dit, unique au monde au
a 392 metres. point de vue geologique; elle occupe aussi une place a
Cette meme annee 1837 vit s'accomplir une autre part dans 1'histoire du peuple de Dieu. Nous ne dirons
decouverte non moins importante. M. de Bertou suivit rien des grands evenements dont le Jourdain fut le te-
dans toute sa longueur, depuis la mer Morte jusqu'au moin, depuis le jour ou ses flots se separerent pour
golfe d'Akabah, cette vallee, qu'aucun voyageur moderne livrer passage aux Israelites marchant a la conquete de
n'avait encore parcourue dans son entier. II constata au la Terre Promise, jusqu'a celui ou ses eaux furent sanc-
milieu de ce desert 1'existence d'un double versant, dont tifiees par le bapteme de Notre - Seigneur Jesus - Christ.
la ligne de faite est evaluee par lui a 160 metres environ Voir JOURDAIN. Nous devons nous borner a rappeler ici
au-dessus de la Mediterranee, Voyage depuis les sources les principaux faits de 1'histoire sainte qui se rattachent
du Jourdain jusqu'd la mer Rouge, extrait du Bulletin a 1'Arabah meridional.
de la Societe de geographie, p. 16 et 53, avec deux cartes. Sur le point de quitter Cades, Moise, ne pouvant atta-
L'exploration, reprise avec un tres grand soin, en 1864, quer le pays de Chanaan par le sud, oblige en conse-
827 A R A B A H ARABE 828
quence de prendre la route de 1'est, envoya des messagers Cambridge, 1871, t. n, p. 429-461, 517-529; due de
au roi d'Edom pour obtenir soit benevolement. soit a prix Luynes, Voyage d' exploration a la mer Morte, 3 in -4
d'argent, la permission de traverser son territoire. En effet, et 1 vol. de planches, Paris, t. i, p. 213-317; Lortet,
plusieurs des grandes vallees qui coupent les monts de La Syrie d'aujourd'hui, 1884, p. 434; E. Hull, Mount
Seir offraient une voie naturelle pour passer dans le pays Seir, Sinai and Western Palestine, in-8, Londres, 1889,
de Moab. Comptant sans doute sur une reponse favorable p. 75-84, 85-107, 178-184, gravures et cartes; Chauvet et
a leur requete, faite au nom de 1'amitie fraternelle, les Isambert, Syrie et Palestine, Paris, 1887, p. 38 et suiv.
chefs de Farmee Israelite traverserent la plaine d'Arabah et Pour la geologie, voir le t. in de 1'ouvrage de M. le due
vinrent camper en face du mont Hor. C'est alors qu'Aaron de Luynes, du a M. L. Lartet; E. Hull, Memoir of the
i'ut, par ordre de Dieu, conduit sur ce sommet desormais Geology and Geography of Arabia Petrsea, Palestine,
celebre, pour y subir le trepas mysterieux qui devait bien- in -4, Londres, 1889; pour 1'histoire naturelle, H. Chi-
tot couronner aussi sur le mont Nebo la vie de Moise lui- chester Hart, A naturalist's journey to Sinai, Petra
meme. Seulement le grand pretre, plus coupable que son and south Palestine, dans Palestine Exploration Fund,
frere, n'eut pas comme lui la consolation de contempler Quarterly Statement, 1885, p. 252 et suiv. M. Vignes,
meme de loin la Terre Promise : ses regards mourants lieutenant devafsstau, aujourd'hui vice - amiral , a dresse
n'eurent pour horizon que le desert sans fin, la longue et une grande carte de 1'Arabah au 2400006, avec les cotes
sterile vallee de 1'Arabah et les montagnes d'Edom. Num., d'altitude, Paris, 1865, une feuille grand -aigle; reduction
xx, 14-17, 22-30. dans 1'ouvrage de M. le due de Luynes. A. LEGEXDRE.
Cependant le roi des Idumeens ne voulut pas ecouter la
priere des enfants de Jacob. A 1'annonce de leur approche, 1. ARABE (hebreu: "Ardbi, Is., xin, 20; Jer., in, 2;
il reunit toutes ses troupes pour leur barrer le passage. 'Arbi, II Esdr. (Neh.), n, 19; vi, 1; pluriel : 'Arbim,
Num., xx, 18-21. Force fut done a ceux-ci de descendre II Par., xvii, 11; xxi, 16; xxn, 1; xxvi, 7; II Esdr.,
vers le sud, afin de contourner les montagnes dont Ten- iv, 1 (LXX et Vulg., 7); Septante : "Apa6e?; dans les
tree leur etait interdite, et de remonter ensuite par le Machabees : "ApaJ/, I Mach., xi, 17; "Apa6sc, v, 39; xi,
nord-est jusqu'au pays de Moab. Mais ce nouveau et diffi- 39; xn, 31; II Mach., v, 8; xn, 10, 11 ; dans le Nou-
cile voyage fit eclater une revolte. Le peuple, fatigue, mur- veau Testament: "Apa6ec, Act., u, 11), nom ethnique des
mura centre Dieu et Moise : Pourquoi, disait-il, nous tribus nomades qui habitaient 1'Arabie. II a, dans I'Ecri-
avoir fait sortir de 1'Egypte, pour que nous trouvions ture, un sens qu'il est necessaire de preciser, et les popu-
la rnort dans un desert ou nous manquons de pain et lations qu'il designe ont avec les Hebreux, au point de
d'eau? Num., xxi, 4-5. Le tableau que nous avons trace vue ethnographique et historique, des rapports dont il est
explique ces plaintes des Hebreux. Dieu, pour les punir, utile d'offrir un apercu.
les livra a la morsure brulante de serpents et reptiles I. Nom. Ce nom, qui n'apparait dans la Bible qu'a
venimeux, qui abondent dans la presqu'ile du Sinai et la 1'epoque d'Isaie, xin, 20, n'a pas 1'extension qu'on lui
plaine d'Arabah. Cf. Dr G. H. von Schubert, Reise in das donne aujourd'hui. II n'indique ni tous les peuples issus
Morgenland, Erlangen, 1840, t. n, p. 406. C'est dans ce de la grande famille arabe, ni tous les habitants de la
desert que Moise eleva le serpent d'airain. Num., xxi, 6-9. peninsule arabique, mais les tribus qui, campees a 1'est
La plupart des critiques supposent que les enfants d'ls- et au sud-est de la Palestine transjordanique, occupaient
rael, arrives vers le sud, prirent, pour eifectuer leur pas- les contrees situees au nord et jusque vers le centre de
sage vers la frontiere orientale, YOuadi el-Itlim, qui 1'Arabie proprement dite. On le trouve avec le meme sens
contourne entitlement le massif de 1'Idumee, en reliant restreint et local dans les inscriptions assyrieimcs, et il
1'Arabah a la route qui monte vers le pays des Moabites. correspond aux Arabes Sxrivitai, vivant sous la tente,
M. le due de Luynes fait des reserves a cette hypothese, que Strabon , XVI, i, 27, place au sud de la Mesopotamie.
Voyage d'exploration a la mer Moi'te, t. i, p. 269. C'est la meme signification que lui attribuent Josephe ,
Apres la conquete de 1'Idurnee par David, II Reg., vm, Ant. jud., I, xn, 4; XIV, i, 4, et le Nouveau Testa-
13-14; I Par., xviu, 12-13, la grande vallee d'Arabah dut ment. Act. n, 11; Gal., i, 17.
servir de route commerciale entre la Palestine et le golfe Dans les textes les plus anciens, Is., xin, 20; Jer., in, 2,
Elanitique, vers Asiongaber, dont Salomon fit une ville il est synonyme d' habitant du desert , suivant 1'etymo-
maritime du premier ordre. C'est dans cette ville que fut logie qu'on lui assigne generalement : 'drab, aride, ste-
preparee la ilotte du grand roi, et de la qu'elle partit rile; d'ou 'drdbdh, plaine deserte. Cf. Gesenius,
pour Ophir, III Reg., ix, 26; la aussi que Josaphat Thesaurus linguse heb., p. 1066. Applique d'abord aux
equipa ses navires pour la merne destination. Ill Reg., nomades des regions qui se deroulent entre 1'Euphrate et
XXH, 49. la mer Morte, le mot 'ardbi a pu s'etendre, dans la suite
II y cut done un temps ou le commerce entretenait au des temps , aux populations de la presqu'ile arabique ,
milieu de ces solitudes le mouvement et la vie. Rome, dont 1'aspect , en beaucoup de points , est bien celui de
maitresse de ces contrees, y porta son" genie grandiose Yarabah ou desert . Dans les monuments litteraires on
et pratique: des postes militaires etaient echelonnes sur trouve tfjj'fit, 'drdb, avec le sens d' Arabes nomades ,
la route de 1'Arabah, pres de I'Ouadi Tlah, qui, au nord,
commande une bifurcation importante vers le pays d'Edom par opposition a &'&, 'arab, qui indique les habi-
et la rner Rouge, pres de YOuadi Haseb, a YAin Meli/teh, tants des villes . Cf. Freytag, Lexicon arabico-latinum,
a YOuadi Gharundel, a YOuadi To-urban. Cf. due de Halle, 1830, t. in, p. 129-130. L'Arabe biblique a done
Luynes, ouvr. cite, p. 252, 254, 256, 259. pour survivant le Bedouin actuel, dont le nom a d'ail-
IV. Bibliographic. L. Burckhardt, Travels in Syria leurs une derivation toute semblable : cgj'^, beddoui ,
and the Holy Land, in-4, Londres, 1822, p. 360-412;
L. de Laborde et Linant, Voyage de I'Arable Petree, vient de ^j, desert, Freytag, Lexicon, t. I, p. 98,
in-f, Paris, 1830, p. 50 et suiv., nombreuses planches et d'ou <solo, bddiet, nom que portent certaines contrees,
cartes; J. de Bertou, Voyage depuis les sources du Jour- comme bddiet es-Sam, desert de Syrie; bddiet et-
dain jusqu'd la mer Rouge, extrait du Bulletin de la Tih, desert de 1'Egarement. Les Egyptiens, distin-
Societe de geographie, 2e serie, t. xn, avec deux cartes; guant les Arabes du sud de ceux du nord, appelaient les
E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 3 in-8, premiers Puntiu , habitants du Punt, et les seconds,
Londres, 1856, t. n, p. 183-187; W. H. Bartlett, Forty c'est-a-dire les nomades, Sasu, les pillards; racine
days in the desert, in-8, Londres, 1862, p. 106 et suiv.;
ncr, sdsdh, piller, exercer le brigandage.
Stanley, Sinai and Palestine, in-8", Londres, 1866, p. 84
et suiv.; E. H. Palmer, The desert of the Exodus, 2 in-8, Avant Isaie, les Arabes etaient designes par 1'expres-
8'29 ARABE 830
sion generate de bene-Qedem, flls de 1'Orient, Jud., vi, et a Demetrius, viola les lois de Fhospitalite, fit decapiter
3, 33; VH, 12; vin, 10; Job, i, 3; III Reg., v, 10; Is., xi, son malheureux hole et envoya sa tete au roi d'Egypte.
14; Jer., XLIX, 28; Ezech., xxv, 4, correspondant au mot I Mach., xi, 16-17. Alexandre laissait un jeune fils, An-
Sawasin, arabe : 3j~, scharqi, oriental. Aussi tiochus, dont 1'education fut confiee a un chef arabe,
Josephe, Ant. jud., V, vi, 3, rend-il par "Apa6a; les nomme Emalchuel, E![i.a),v.o-jai, ou Malchus, suivant cer-
bene-Qedem de Jud., vi, 3. tains textes. I Mach., xi, 39. Voir EMALCHUEL.
II. Histoire. Laissant de cote 1'histoire particuliere Jonathas, apres avoir mis en fuite, dans les environs
de chacun des peuples arabes (voir ISMAELITES , NABA- d'Emath, les troupes de Demetrius, marcha vers les
TEENS , DEDAN , etc.), nous n'avons qu'a indiquer ici les Arabes appeles Zabadeens, et les frappa et prit leurs de-
faits qui se rapportent au nom ethnique, au seul point de pouilles. I Mach., xn, 31. Le nom et le contexts font
vue de 1'Ecriture Sainte. Voir, a 1'article ARABIE, 1'ensemble supposer que ces Zabadeens etaient une tribu qui habi-
des evenements qui se rattachent a 1'histoire generate de tait la contree ou se trouve actuellement Zebdani, gros
ce pays, aux differentes epoques babylonienne, assyrienne, village de 1'Anti-Liban, au nord-ouest de Damas, non loin
perse et greeo-rornaine. de la source du Barada, Tancien Abana.
Les relations des Arabes avec les Israelites sont celles III. Type physique, caraclere, moeurs. A ces don-
d'une perpetuelle hostilite. Tropfaibles pour soutenir seuls nees historiques repondent exactement et la physionomie
la lutte, ils eurent toujours le role d'auxiliaires. Nous les
trouvons, au debut, tributaires de Josaphat en meme
temps que les Philistins; et, tandis que ceux-ci font leurs
presents en argent, ils apportent la contribution du no-
made, c'est-a-dire des troupeaux, sept mille sept cents
beliers et autant de boucs. II Par., xvn, 11. Bientot
apres, revoltes contre Joram , avec les memes allies,
ils entrerent dans la tcrre de Juda, la devasterent, et
s'emparerent de tous les biens qui appartenaient a la
maison du roi, ainsi que de ses fils et de ses femmes, et
il ne lui resta plus que Joachaz, qui etait le plus jeune.
II Par., xxi, 16-17. Ozias cut a coinbattre les rnemes
ennemis; c'etaient des habitants de Gurbaal . II Par.,
xxvi, 7.
Apres la captivite, les Juifs, de retour a Jerusalem,
rencontrerent parmi leurs adversaires les plus acharnes
certaines tribus arabes ayant a leur tete un chef nomme
Gosem, qui s'unit a Sanaballat 1'IIoronite et a Tobie FAm-
monite. Les princes ligues cornmencerent par tourncr en
derision et par accabler de leur mepris Nehemie, qui voulait
relever les murailles de la ville sainte. II Esdr., u, 19. Quand
ils virent les travaux pousses avec activite, et la plaie
du mur cicatrisee , ils passerent du dedain a. la colere,
et se rassemblerent pour combattre contre Jerusalem, en
dressant des embuches. Mais, voyant leurs projets decou-
verts et les dispositions que prenaient les Juifs pour
la resistance , ils renoncerent momentanement a leur
eritreprise. II Esdr., iv, 7-15. Apres avoir juge la violence
inutile, ils employerent la ruse, en proposaut a Nehemie,
a cinq reprises differentes, une entrevue qui n'etait qu'un
guet-apens. Celui-ci, justement defiant, refusa, resistant
meme a la peur que cherchait a lui inspirer un faux 203. Scbeik bddouin. D'apres une photographic.
prophete, Semaias, paye par Sanaballat. Enfin, apprc-
nant que la restauration, objet de leur jalousie et de leur et les coutumes des tribus nomades qui vivent encore
fureur, etait accomplie, ils se prirent a trembler et recon- aujourd'hui a Test du Jourdain et de la rner Morle, dans
nurerit que cette oeuvre avait ete faite par Dieu. II Esdr., le desert de Syrie et 1'Arable centrale.
vi, 1-16. 1 Les deux grandes fractions du peuple arabe, seden-
La grande lutte des Machabees devait reveiller leurs taires et nomades, out un type commun (fig. 203), mais
sentiments d'hostilile. Judas, apres avoir tire vengeance avec des differences qui proviennent naturellement du
des habitants de Joppe et de Jamnia, fut attaque, non loin climat, du genre de vie, du melange de sang. Les habi-
de cette derniere ville, par une troupe d'Arabes, com- tants du desert se vantent avec raison d'etre la race la
posee de cinq mille fantassins et de cinq cents cavaliers. plus pure et la mieux conservee : n'ayant jamais ete
Apres un rude combat, oil Dieu donna la victoire a son conquis, jarnais un element etranger n'a penetre parmi
peuple, les assaillants, que I'Eeriture appelle ici No^aSs?, eux. Les vrais Bedouins sont, pour la plupart, de taille
demanderent a Judas de leur tendrela main, promettant moyenne et bien prise, d'une singuliere niaigreur, ainsi
de 1'indemniser avec les ressources dont ils disposaient, que 1'explique leur genre de vie, mais tres agiles et
c'est-a-dire leurs troupeaux, et de lui preter leur concours. beaucoup plus forts qu'on ne le croirait en voyant leurs
Celui-ci, sachant quel parti il pourrait tirer de ces nou- membres greles. Presque noirs ou d'un gris cendre, ils
veaux allies, acceda a leur demande, et ils s'en retour- ont les traits reguliers, la figure d'un bel ovale, le crane
nerent dans leurs tentes. II Mach., xn, 10-12. Cependant souvent irregulier et pointu, le front haul, des yeux noirs
Judas, combattant contre Timothee, au dela du Jour- et percants; mais 1'habitude de froncer le sourcil et de
dain, trouva encore dans 1'armee ennemie des Arabes cligner des yeux, pour s'abriter du soleil en regardant
salaries comme troupes auxiliaires. I Mach., v, 39-43. au loin vers 1'horizon, donne un eclat inquietanl a leur
Alexandre Balas, vaincu par son beau-pere Ptolemee VI pupille : comme las Peaux-Rouges, ils onti'ceil du loup,
Philometor d'Egypte, alia se refugier chez les Arabes, dit-on frequemment, et Ton est tente de leur attribuer
eroyant trouver aupres d'eux abri et protection; mais leur une ferocite qui n'est point dans leur caractere. Les Be-
dynaste, nomme Zabdiel, pour faire sa cour a Ptolemee douins vieillisseut rapidement; leur peau se ride et sc
831 ARABE 832
raccornit au grand air; a quarante ans, leur barbe gri- derer au meme point de vue que nous ce que nous appe-
sonne; a cinquante ans, ce sont des vieillards : un bien lons le brigandage. La pauvrete du territoire est pour lui
petit nombre d'entre eux atteignent la soixantaine. Du 1'excuse du pillage. Ne distinguant point entre la guerre
moins leur courte vie est-elle rarement interrompue par et le guet-apens, il regarde le vol a main armee comme
la maladie : les plus sobres des hommes, les Bedouins un droit de conquete, et depouiller le voyageur est a ses
sont aussi parmi ceux qui ont la sante la plus robuste, yeux aussi ineritoire, aussi glorieux que prendre une
la tete toujours libre, 1'esprit clair et dispos. Des leur ville d'assaut ou reduire une province. "Voir un curieux
enfance, ils ont appris a coucher sur la dure, a subir la exemple de ghazou ou razzia dans lady Anna Blunt,
chaleur du midi, a se passer de long sommeil et de nour- Pelerinage au Nedjed, berceau de la race arabe,
riture abondante; ils ne boivent point de liqueur forte, 1818-i819,, dans le Tour du monde, t. xnn,.p. 14.
si ce n'est le lebben ou lait aigre, qui stimule legerement Le trait dominant de ce caractere, c'est 1'amour de la
sans jamais enivrer; ils ne mangent qu'une fois par jour, liberte et de 1'independance, et ce sentiment est porte
et la somme de leurs aliments est bien minime, en corn- a un degre dont nous avons peine a nous faire une idee.
paraison des repas journaliers de 1'occidental. E. Reclus, Fixer le nomade est aussi difficile que fixer 1'hirondelle,
L'Asie anterieure, Paris, 1884, p. 878. qui se brise la tete centre les barreaux de sa cage quand
2 Le caractere arabe offre un singulier melange de 1'heure de la migration est arrivee. Le Bedouin n'a qu'un
qualites et de defuuts, dont 1'opposition et les perpetuelles profond dedain pour 1'habitant des villes; pour lui, s'at-
inconsequences s'expliquent par 1'isolement, les neces- tacher a la terre, c'est dire adieu a la liberte, le bien
sites et les dangers de la vie au milieu du desert, par par excellence, et qu'il a su garder intact a travers les
1'ardeur du sang et de Fimagination. D'une patience eton- ages.
nante, le nomade supporte presque toujours, sans pro- Tres adroit a manier la lance, il passe en meme temps
ferer une plainte, la faim et la soif, le froid et la cha- pour excellent cavalier. L'Arabe, en general, a 1'esprit
leur, la fatigue extreme dans les longues marches; mais penetrant, alors meme que son intelligence n'est pas culti-
1'amour-propre froisse, le desir de la vengeance le poussent vee, et il est rare, dit-on, que le nomade ne soil pas
a une colere redoutable. Avide et rapace, il airne les double d'un poete. Superstitieux et exalte, avide de le-
pieces luisantes et sonnantes; mais 1'amour du gain dis- gendes et de fictions, il est capable de grandes choses
parait chez lui devant les devoirs de 1'hospitalite. Violent quand une idee nouvelle le domine. Avec cela cependant,
plutot que sanguinaire, la soif du pillage le porte a des il a le caractere mobile de la femme et de 1'enfant;
actes de cruaute; mais sous sa tente il devient un hole comme eux, n'ayant souvent d'autre guide que 1'instinct
liberal et courtois, meme a 1'egard d'un cnnemi dont il du moment, jugeant d'apres les apparences, se laissant
a cent fois desire la perte. II est loin d'ailleurs de consi- facilernent eblouir par 1'eclat et le bruit.
833 ARABE 834
3 II n'est peut-etre pas de peuple qui ait moins change nomade ne boit que du lait et de 1'eau, se nourrit presque
que les Arabes. Tels nous les voyons decrits dans la exclusivement de dattes et de galettes de farine de ble
Bible, ou represented sur les monuments assyriens, tels ou d'orge. II ne mange guere de viande qu'a 1'occasion
nous les retrouvons aujourd'hui. Les lois et les coutumes de la venue d'un hote : c'est alors ou un chevreau bouilli
qu'ont observees les rares voyageurs modernes qui les ont et coupe en petits morceaux, ou un agneau cuit sous des
visiles remontent aux temps les plus recules, et servent pierres briilantes dans un trou creuse en terre. Le desert
a. eclairer plus d'une page de 1'histoire sainte, principa- serait inhabitable pour lui sans le chameau, qui seul suffit
lement a 1'epoque patriarcale. Voir pour les details PAS- a tous les besoins de ses maitres. Voir CHAMEAU. On sait
TEURS, VETEMENTS, TENTES, etc. combien le cheval est pour 1'Arabe un precieux auxiliaire
Au point de vue social, les Bedouins sont divises par et un objet de predilection, mais c'est une bete de luxe,
tribus, JjUs> gabdtt, qui constituent autant de peuples qu'il n'est pas donne a tous de posseder.
particuliers i et dont chaque subdivision ou rameau s'ap- Les Bedouins s'attribuent la police du desert, devenant
pelle fendeh. Chacune de ces tribus, s'appropriant un meme souvent, paries necessites du sol et du climat,
terrain qui forme son domaine, compose un ou plu- les protecteurs des sedentaires. Ceux-ci, en effet, ont
sieurs camps, repartis sur le pays et transported dans besoin de faire venir des cereales de la vallee de 1'Eu-
les differents cantons, a mesure que les troupeaux les phrate, de tirer des marches des villes syriennes des armes
epuisent. La disposition de ces camps est un cercle assez et des ustensiles de toutes sortes : les nomades sont les
irregulier, douar, forme par une seule ligne de tentes intermediates obliges de ce commerce, et se chargent de
plus ou moins espacees. Cependant, comme le nomade fournir les choses necessaires, moyennant tribut.
n'a point de maitre, il ne depend meme pas de son clan; Les moeurs que nous venons de decrire s'observent
et, s'il lui convient de s'en separer, il peut aller, a ses dans les tribus de Syrie et d'Arable, dont les plus impor-
risques et perils, vivre a part dans le desert. tantes sont: les Taamirah, veritables pirates de la plaine
Chaque tribu a son chef ou scheikh, personnage appar- syriaque, vivant dans des douars gardes par des chiens
tenant a quelque descendance illustre ou tenu, par ses noirs a 1'aspect feroce; les Beni-Sakhr, Nemrods pas-
richesses, de remplir, au nom de tous, les devoirs de sionnes, qui parcourent les solitudes du Hauran et se
1'hospitalite. Elu par ses cgaux, il peut etre depose quand montrent bienveillants a 1'egard des etrangers; les Anazeh,
il a cesse de plaire. Conciliateur et arbitre, il juge les grand peuple que Ton peut considerer comme 1'aristo-
differends, d'accord avec les anciens, mais ses decisions cratie des deserts de Syrie; les Roallah, qui servent de
n'ont pas force de loi : appuyees en general sur le droit transition entre les Bedouins du nord et ceux du midi:
coutumier, soutenues par 1 opinion commune de la tribu, les Schammar, dans le grand Nefoud, dont lady Blunt
elles sont ordinairement obeies; cependarit le condamne a parcouru et etudie la puissante tribu. Voir le Tour du
peut s'y soustraire , soit en quittant la tribu, soit en bra- monde, t. XLIII.
vant la reprobation publique : il devient baouak, un IV. Religion. Des patres, errant dans les plaines
hommeahors 1'honneur . Les inscriptions assyriennes immenses brulees par le soleil, obliges sans cesse de fixer
nous montrent plusieurs reines duns certaines contrees leurs regards sur le ciel pour diriger leur route, devaient
de 1'Arabie. Voir ARABIE. aisement preter aux corps celestes une puissance surna-
Le costume ordinaire de ces enfants du desert, comme turelle et en faire 1'objet de leur culte. Aussi la religion
aux temps hebra'iques, se compose, chez les hommes, d'une primitive des Arabes fut le sabeisme ou adoration des
chemise et d'une longue robe en toile de coton blanc, astres. Bien qurextr6mement confus, les renseignements
d'un veternent de dessus, abah, grand manteau de laine historiques nous permettent de chercher une certaine ana-
le plus souvent blanche a rayures noires et plie en carre logic entre le paganisme anteislamique et les religions
double, avec une echancrure pour laisser passer la tete. du bassin de 1'Euphrate et du Tigre, de la Syrie, de la
La coiffure commune est le kouffieh, forme de bandes Phenicie et de 1'Yemen. Nous nous bornons aux points
de toiles enroulees autour du crane et fixees par une essentiels. Voir ISMAELITES, JECTANIDES, NABATEENS.
corde en poil de charneau. Des pantoufles, en laine Les deux principales divinites chez les Arabes etaient le
ou en maroquin, ou quelquefois des demi-bottes en soleil et la lune. Ils croient, nous dit Herodote, in, 8,
cuir jaune ou rouge completent ce costume pittoresque. qu'il n'y a point d'autres dieux que Bacchus, Aiovu<ro<;,
Pour guider leurs troupeaux et pour rarnasser, sans des- et Uranie... Ils appellent Bacchus OjpoTaX, et Uranie
cendre de cheval, un objet place a terre, ils se servent 'A).da-r. Voir aussi Strabon, xvi, 741; Arrien, vn, 20.
souvent de batons reeourbes a une de leurs extremites. La forme originale d'Ourotal, qui sans doute devait etre
La toilette des femmes, d'une elegante simplicite, com- Our ta'ala, la lumiere supreme, et le rapprochement
prend une robe de coton bleu ou marron et un voile que 1'historien fait entre ce dieu et le Dionysos des Grecs
rouge ou blanc qui forme coiffure, et, s'enroulant au- nous le montrent comme une personnification du soleil. Les
tour du cou, laisse des plis amples retomber par derriere inscriptions assyriennes nous apprennent que 1'astre lui-
(fig. 204). L'anneau suspendu au nez, le nezem (fig. 151, meme, sous le nom de Samas, arabe ^, Sams, etait le
col. 633), et les pendants d'oreille, parfois aussi les
colliers dont les ornements en metal brillant retombent dieu dont les reines de Duma ou Aduma exercaient le su-
sur la poitrine, rappellent les bijoux qu'Eliezer donna preme sacerdoce. Theglathphalasar parle de Sa-am-si, ou
a Rebecca et dont se parait Sara. Samsieh, reine d'Arabie, qui rendait un culte au soleil .
La demeure du Bedouin, c'est la tente. Soutenue par Cf. A. Layard, Inscriptions in the cuneiform character,
des poteaux, elle est couverte d'une grande piece d'etoffe pi. 72; E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte
tissee avec du poil de chameau, ou de peaux de bouc, Testament, Giessen, 1883, p. 262. Nous voyons egale-
d'une couleur noire, Cant., i, 5, cousues ensemble et ment, dans les annales d'Assurbanipal, que la tribu arabe
impenetrates a la pluie. Les courroies qui la fixent sont de Cedar avait pour dieu Adarsamaim ou A-tar-sa-ma-in.
attachees au sol autour de chevilles de bois. Elle est divi- Schrader, ouv. cite, p. 414, explique ce nom par Athar
see en deux parties, dont Tune est reservee ciux hommes, du ciel , et le fait correspondre a n>nwn nsbo, melekef
1'autre est 1'appartement des femmes, renfermant egale- hassdmaim, la reine du ciel, de Jeremie, vn, 8, c'est-
ment les ustensiles du menage. a-dire Athar - Astarte ou la lune. D'autres regardent
La vie de ces peuplades est la vie pastorale. Leurs trou- Adarsamaim comme une divinite solaire. Herodote, I,
peaux se composent de moutons et de chameaux, dont 131, assimile Alitta a la Mylitta des Assyriens; MM. Le-
elles consomment ou vont echanger les produits dans les normant et Babelon en font la divinite feminine, Al-Lat,
localites lirnitrophes du desert, ou dans les oasis, contre dont le sanctuaire etait a Tayf, non loin de la Mecque.
du ble, de 1'orge et des dattes. Tres frugal, en effet, le Histoire ancienne de I'Orient, Paris, 1888, t. vi, p. 432.
DICT. DE LA BIBLE. I. - 29
835 ARABE ARABE ( L A N G U E ) 836
Malgre sa parente avec les religions assyrienne et sy- des pays de Mahrah et d'Oman, furent des descendants de
rienne, le polytheisme arabe devait avoir une forme exte- Cham, Gen., x, 7, peuplades couschites, qui parlaient des
rieure plus grossiere, en rapport avec 1'etat de culture dialectes d'une seule etmeme langue semitique, celle qu'on
des populations qui le pratiquaient. Les divinites avaient a pris 1'habitude d'appeler himyarique, mais qu'il vau-
cependant leurs statues , puisque Assurbanipal mentionne drait mieux designer par le nom plus large de sabeen.
les dieux que son pere avait enleves a Yautah , fils De nombreuses inscriptions, relevees par de ceurageux
d'Hazael, roi de Cedar , et qu'il rendit ensuite, apres explorateurs comme MM. d'Arnaud et Joseph Halevy,
soumission , a la demande des vaincus. Cylindre B , co- nous ont seules conserve ces anciens idiomes et ont-per-
lonne vn; G. Smith, History of Assurbanipal, p. 283-286; mis d'en etablir les principaux lineaments grammaticaux.
Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes, Paris, Cf. Halevy, Rapport sur une mission archeologique dans
1889, 5 edit./t. iv, p. 295. le Yemen, dans le Journal asiatique, Janvier 1872, p. 5-98;
Herodote, in, 8, pour depeindre le caractere religieux Etudes sabeennes, ibid., mai-juin 1873, p. 434-521;
dont les Arabes entouraient leurs serments, nous les octobre 1873, p. 305-365; decembre 1874, p. 497-585;
montre formulant leurs engagements au milieu de sept Corpus inscriptionum semiticarum, pars quarta, t. i,
pierres teintes du sang des contractants. C'etaient peut- Paris, 1889. On distingue quatre dialectes principaux : le
etre des pierres sacrees ou betyles, dont le nombre aurait sabeen, le hadhramite, le mineen, Ye'hkily, encore parle
une certaine liaison avec le cote sideral et planetaire de dans le pays de Mahrah; tous sont apparentes de tres
la religion. II en etait de meme dans le bassin de 1'Eu- pres au ghez ou ethiopien, que les Sabeens passes sur
phrate et dans la Syrie; les Chaldeens d'Uruk avaient eux la cote d'Afrique, en Abyssinie, y naturaliserent avec eux.
aussi leur temple de sept pierres noires , dont nous A ces premiers Sabeens couschites se superposerent les
parlent les inscriptions cuneiformes. Arabes Jectanides, ou les tribus issues de Jectan, fils
V. Bibliographie. Carsten Niebuhr, Beschreibung von d'Heber, Gen., x, 24-30; ce sont les Moutearriba des
Arabien, in-4, Copenhague, 1772; W. G. Palgrave, Cen- traditions nationales ou les premiers Arabes proprement
tral and Eastern Arabia, 2 in-8, Londres et Cambridge, dits. Ayant pour berceau onginaire les regions d'ou sor-
1865; E. Guillaume Key, Voyage dans le Haouran, in-8, tirent egalement les descendants d'Abraham, c'est-a-dire
Paris, 1860, avec atlas in-fol. ; lady Anna Blunt, Pele- la rive droite de 1'Euphrate, ils apportaient comme idiome
rinage au Nedjed, berceaude la race arabe, 1878-1879 national 1'arabe pur, el-arabiyat el-mahdhat des histo-
(trad. Derome), dans le Tour du monde, t. XLIII; Ch. riens indigenes. Apres avoir ete soumis un certain temps
Huber, Voyage dans I' Arable centrale, dans le Bulletin aux peuples au milieu desquels ils vivaient, ils fmirent
de la Societe de geographie, Paris, 1884, 3e et 4e trim., par leur imposer leur suprematie politique, tout en adop-
1885, ler trim. ; J. G. Wetzstein, Reisebericht iiber Hau- tant la civilisation, les mceurs, les institutions, la religion,
ran und die Trachonen, in-8, Berlin, 1860; Nord- Ara- la langue meme de leurs nouveaux sujets. L'arabe, parle
bien und die syrische Wiiste ( Zeitschrift fur allgem. d'abord dans un certain nombre de districts, concurrem-
Erdkunde, 1865, p. 1-47, 241-283, 408-498); H. J. Van ment avec le sabeen, ne conserva sa purete que chez
Lennep, Bible Lands, Londres, 1875, t. n, p. 398-416; quelques tribus de 1'interieur qui continuaient a mener
Caussin de Perceval, Essai sur I'histoire des Arabes avant une vie a demi nomade sur la frontiere du desert.
I'islamisme, 3 in-8, Paris, 1847-1848. A. LEGENDRE. Enfin apparurent les enfants d'Ismael, fils d'Abraham
et d'Agar, Gen., xxv, 12-15, les Moustariba ou devenus
2. ARABE (LANGUE), premier rameau du groupe arabes . Longtemps concentres dans une partie restreinte
meridional des langues semitiques. Nous commencerons du Tihama, ils rayonnerent plus tard sur 1'Hedjaz, le
par expliquer cette sorte de definition, en montrant, au Nedjed et d'autres contrees du nord et du centre de
point de vue historique , comment 1'arabe se rattache aux 1'Arabie, puis fmirent par absorber les tribus Jectanides
idiomes congeneres et quelle est son origine; puis nous anterieures. C'est leur langue qui, illustree et immobi-
exposerons ses particularites grammaticales et lexicogra- lisee par le Goran, repandue par les conquetes de 1'islam
phiques dans leurs rapports avec la philologie biblique; dans toutes les parties du monde, est devenue 1'arabe
enfin nous donnerons ses divisions et ses principaux ca- proprement dit, dont nous avons a parler. Mais par quelles
racteres. Nous terminerons par quelques mots sur 1'ecri- phases a-t-elle passe depuis 1'idiome des marchands ismae-
ture. lites qui acheterent et vendirent Joseph, Gen., xxxvn,
I. AFFINITES ET ORIGINES. La famille des langues 28, depuis celui des bene-Qedem, fils de 1'Orient, dont
improprement appelees semitiques se divise en deux Gedeon surprit et comprit les songes, Jud., vn, 9-14, jus-
groupes : 1'un septentrional, comprenant trois rameaux qu'a la langue si parfaite de Mahomet, aucun monument
avec leurs differents dialectes, c' est- a -dire I'arameen ancien n'est la pour 1'attester. A part les inscriptions du
(chaldeen, syriaque, etc.), Yassyrien et le chananeen Sina'i et quelques-unes de Petra et du Hauran, dans
(hebreu, phenicien, etc.); 1'autre meridional, comprenant lesquelles plusieurs auteurs veulent voir un dialecte arabe
deux rameaux , dont le premier, qualifie d'ismaelite, n'est legerement inflechi vers I'arameen, nous ne savons rien
autre chose que 1'arabe proprement dit, et le second, sur ses origines.
appele parfois yaqtanide ou qahtanide, embrasse les Sans enfance ni vieillesse, 1'arabe se montre soudaine-
langues de 1'Arabie meridionale et de 1'Abyssinie. Voir ment a nous, au vie siecle de notre ere, dans toute sa
SEMITIQUES (LANGUES). perfection, avec sa flexibilite, sa richesse infinie, dans
La division et les qualifications de ce dernier groupe un etat si complet, que depuis ce temps jusqu'a nos jours
repondent aux traditions arabes, basees du reste sur la il n'a subi aucune modification importante. Pour expli-
table ethnographique de la Genese et I'histoire patriar- quer sa richesse de mots et de precedes grammaticaux,
cale. Nous constatons avec elles , entre le nord et le sud les philologues arabes ont imagine une hypothese peu
de 1'Arabie, une difference marquee, au point de vue acceptable, renfermant neanmoins une certaine part de
historique, politique, religieux et linguistique : la dis- verite. S'il fallait en croire Soyouthi, cette langue serait
le resultat de' la fusion de tous les dialectes, operee par
tinction entre le dialecte de 1'Yemen, JL^ *^-) 'ara- les Koreischites autour de la Mecque. Gardant les portes
biyat himyar, arabe himyarite, et celui de 1'Hedjaz, de la Caaba et voyant aflluer dans leur vallee les diverses
tribus attirees par le pelerinage et les institutions centrales
liJ! , el-'arabiyat el-mahdhat, arabe pur, eut de la nation, les Koreischites s'approprierent les finesses
ete decouverte par la science , meme sans le temoignage des dialectes qu'ils entendaient parler autour d'eux; en
des ecrivains musulmans. Les premiers habitants des sorte que toutes les elegances de la langue arabe se trou-
provinces meridionales , de 1'Yemen, de I'Hadhramaut , verent reunies dans leur idiome. Cf. E. Renan, Histuire
337 ARABE ( L A N G U E ) 838
e
-generate des langues semitiques, 5 edit., Paris, 1878, Arabes, aussi bien que les Hebreux, faisaicnt usage, pour
texte de Soyouthi, p. 347-348. On ne voit pas cependant indiquer les voyelles longues et les diphthongues, des
que leur importance litteraire ait ete tres considerable tnatres lectionis : I , N; _j, T; &, . Les voyelles se redui-
avant 1'islamisme, et 1'inlluence de leur dialecte ne fut sent a trois sons primitifs, a, i, u (ou), plus indecis en
decisive que dans la redaction du Goran. II reste etabli arabe qu'en hebreu pour les breves, qui n'ont que les trois
que ce fut au centre de 1'Arabie, dans 1'Hedjaz et le Nedjed, signes suivants :
parmi les tribus demeurees les plus pures ( voir ARABE 1 ) , Fatha, dontle nom et la valeur repondent aupa-
que se forma la langue qui a depuis porte, a 1'exclusion tach hebreu, a ou e;
des autres dialectes, le nom tfarabe. II nous fallait en -T- Kesra, correspondant au chirek qaton, i, ou au
montrer d'abord les affinites et 1'origine, pour en mieux segol, e;
faire saisir les proprietes et les caracteres. Dhamma, representant le kibbouts , u ( o u ) , ou le
II. PARTICULARITES GRAMMATICALES, LEXICOGRAPHIQUES, kamets qatouf , o.
LITTERAIRES. L'arabe a tous les caracteres des langues
rsemitiques , pour le nom , les pronoms independants et L'article defini al posssede , comme la forme primitive
affixes, les verbes avec leurs temps, modes et conjugai- en hebreu bn, un lam qui, s'il ne disparait pas en s'assi-
.sons, etc. La grammaire comparee de ces idiomes, qui milant a la consonne suivante, s'assimile, pour la pro-
ne different pas beaucoup plus entre eux que les langues nonciation, avec les lettres appelees solaires: ainsi Ton
neo-latines, italien, espagnol, francais, ne different entre prononce : j&J] , oJsams ou essams, et non pas al-Sams,
elles, nous rnontre son role presque comparable a celui le soleil , hebreu : o/awn , hassemes.
du Sanscrit dans 1'etude des langues aryennes. En relevant Une des particularites les plus remarquables de 1'arabe
ses particularites les plus remarquables au point de vue est la formation du pluriel brise. Toutes les langues semi-
de la grammaire, du vocabulaire et du style, nous aurons tiques ont la faculte d'exprimer le pluriel par des termi-
occasion de signaler ses rapports de similitude ou de di- naisons qui, en prolongeant le mot, sont comme un
vergence avec les langues sreurs. symbole de 1'extension donnee au sens. Get appendice,
1 Grammaire. Le groupe meridional est plus riche pour le masculin, est une voyelle longue, i en hebreu,
en elements phonetiques que le groupe septentrional. en syriaque et en phenicien; d en ethiopien, suivie d'un
Tandis que le phenicien, 1'hebreu et 1'arameen, n'ont que mem en hebreu et en phenicien, et d'un noun dans les
"vingt-deux lettres ou consonnes, 1'ethiopien en possede autres idiomes. Pour le feminin, il est caracterise par la
vingt-six, 1'arabe vingt-huit et le sabeen vingt-neuf. Voir les terminaison of en hebreu et at dans les autres langues,
alphabets compares du sabeen, de 1'hebreu et de 1'arabe excepte en arameen. L'arabe possede ce pluriel, appele
dans le Journal asiatique, juin 1872, p. 518-519. Cepen- sain ou complet parce qu'il conserve intactes les radi-
dant, au point de vue de la forme, 1'alphabet arabe est cales et leurs voyelles : il se forme , pour les noms mas-
tres simple, car il ne renferme que quatorze caracteres culins, en ajoutant y.j , un au singulier; exemple :
reellement differents les uns des autres : plusieurs, en ^Li., sariq, voleur, pluriel : yy>Li, sariqun; pour
effet, sont repetes, et c'est a 1'aide de points dont le
nombre et la position different, qu'ils expriment les lettres les feminins, il suffit de changer la terminaison ', at en
depourvues de signe special. Ainsi le meme caractere i ^l , at, *SjL, sdriqat, l/, sariqat.
.avec un point au-dessous , j , indique le ba ; avec deux Mais , outre ce procede tres simple , il y en a un aulre
points, j, le ya; avec un point au-dessus, 3, le noun; tres complique , appele pluriel brise ou interne, parce que
avec deux points, i', le ta; avec trois points, S, le lha. De le singulier est brise par une intercalation ou une an-
meme en est-il pour les signes suivants : >>, *, ^, t?, u, nexion de lettres , par un changement de voyelles ou une
, ,^, ^. Nous renvoyons a 1'article ALPHABET, col. 410, elimination de radicales , qui disjoignent 1'ossature primi-
pour la correspondance entre les alphabets hebreu et tive du mot et en alterent la quantite. Ce procede ne se
arabe ; nous ne voulons mentionner ici que les lettres qui retrouve qu'en ethiopien. Les grammairiens arabes ne
se trouvent de plus dans ce dernier, avec leur valeur par- comptent pas moins de cinquante formes de pluriels. La
.ticuliere : classification en est tres difficile. Les plus usitees, pour
Ilia, > = th anglais de thin , le c espagnol de les substantifs et adjectifs derives de racines triliteres ,
cierto, le 6 grec; sont, dans les meilleures grammaires, au nombre de
fla, = j espagnol de jerya , ch allemand ou vingt-neuf. En voici deux exemples :
ch hollandais de schoon; Suppression de I'l initial: ' JL T , ahmar , rouge,
Zal, 3 = th anglais de the, le 8 grec;
J)dd, jo = d prononce avec la langue a plat contre pluriel : J^L, hornr.
le palais; Addition d'un' 1 intercalaire : , radjol, homme,
Za, & = z prononce avec la langue a plat contre
le palais; pluriel : JLL-, , ridjdl.
'Grhaln, = r grasseye. On peut voir, pour les pluriels brises, outre les gram-
maires indiquees plus bas a la bibliographic, une etude
Quatre de ces lettres peuvent etre representees en de M. Hartwig Derenbourg dans le Journal asiatique,
hebreu , d'apres la prononciation de certains Juifs , par juin 1867, p. 425-524.
quatre des lettres begadkefat sans le daguesch leger : Une autre particularite de 1'arabe, c'est qu'il a conserve
e> = n, tandis que ca = P, t; les desinences casuelles primitives des noms. Le nom
declinable, quand il n'est pas determine par 1'article ou
par un genitif, peut avoir trois cas formes par trois ter-
= i, . = a , g dur. minaisons differentes.
Ainsi 1' hebreu n'a pas ces nuances de th ou z pro- Nominatif : , un, ex.: J^T, rat(/oZun,homme (homo).
nonces avec le bout de la langue entre les dents; il n'a
que le zam, T , z ordinaire. Sur cinq lettres emphatiques, Genitif: ~, en, ex.: -J^^radjole-n, de 1'homme
auxquelles un gosier europeen s'accoutume si difficile- ( hominis ) .
ment, ^, sad; Jo, dad; k>, ta; la, zd; $, qdf ' , il n'en Accusatif : , an, ex. : ' ' , radjolan, 1'homme (ho-
possede que trois : ( j5 = s;!o = 'o; 1 3 = p. minem).
Les signes des voyelles ont ete, comme les points En hebreu et en arameen , les flexions casuelles n'exis-
massoretiques , inventes apres coup. Primitivement les tent plus; on ne les retrouve qu'en assyrien.
839 ARABE(LANGUE) 840
La lettre nun ajoutee aux sons w , i, a, a fait donner On voit en somme que 1'arabe est a beaucoup d'egards
a cette desinence le nom de tanwin ou nunnation, qui le resume des langues semitiques. On dirait que toutes
a pour correspondant er; assyrien la mimmation. Le les ressources lexicographiques et grammaticales de la
meme phenomene de la mimmation se retrouve en sabeen. famille se sont donne rendez-vous pour composer ce
Cf. Halevy, Etudes sabeennes, dans le Journal asialique, vaste ensemble. L'hebreu, le syriaque, 1'ethiopien, n'ont
mai-juin"l873, p. 487-488. guere de procedes que 1'arabe ne renferme pareillement,
La conjugaison de 1'imparfait possede egalement ces tandis que 1'arabe possede en propre une serie de meca-
flexions : u pour 1'indicatif, a pour le subjonctif; le con- nismes precieux. II est vrai que plusieurs des proprietes
ditionnel devait avoir primitivement i, desinence tombee caracteristiques de 1'arabe se trouvent d'une facon rudi-
depuis. Ce que nous venons de dire ne s'applique qu'a mentaire dans les autres langues semitiques : ainsi les
1'arabe litteral; voir plus has. formes modales du futur sont en germe dans le futur
Enfin 1'arabe se distingue par une richesse extraordinaire apocope des Hebreux; les flexions finales, dans les ter-
de formes verbales. Les Semites ont un sens tres deli cat mihaisons paragogiques ou emphatiques de 1'hebreu et
pour peindre les mouvements de Fame au point de vue de 1'arameen; presque toutes les formes du verbe regu-
de 1'action. Par la simple modification des voyelles de la lierement employees en arabe existent en hebreu ou en
racine, la reduplication des consonnes, Faddition et 1'in- syriaque a 1'etat de formes rares et anormales; mais ce
tercalation de certaines lettres comme N , I , aleph; :, y, ne sont la que des germes a peine indiques, tandis qu'en
noun; n, ea, thav; v,-<j*, sin, ils expriment non seule- arabe ces mecanismes sont arrives a 1'etat de procedes
ment les formes active, passive, moyenne, mais toutes reguliers, et constituent un des ensembles grammaticaux
les nuances des sens intensitif, causatif, reflectif, etc. les plus imposants que jamais langue soit arrivee a re-
Ce precede montre ainsi une analogie entre le nom et le vetir . E. Renan, Histoire des langues semitiques,
verbe, qui, dans la conception linguistique de ces peuples, p. 384.
devaient etre originairement confondus. Cette delicatesse, 2 Vocabulaire. La richesse lexicographique de
commune aux langues semitiques, n'est nulle part aussi 1'arabe est prodigieuse, mais ellefait du diclionnaire une
developpee qu'en arabe ; c'est la, on peutle dire, qu'elles espece de chaos ou 1'etendue est au detriment de la clarte.
ont leur chef-d'oeuvre. Plus riche que le verbe grec, le Jamais lexique n'a mieux merite ce nom de Qdmoust
verbe arabe.est en meme temps plus concis, et il a une ocean, que les Arabes donnent au leur, et, en voyant
force de peinture qui represente admirablement le double les sens divers et presque contradictoires qui s'y pressent
caractere du peuple qui 1'employait, c'est-a-dire la vi- sous chaque mot, on eprouve une sorte de vertige. Ou-
gueur et 1'imagination poetique. vrons le dictionnaire de Freytag, Lexicon arabico-lati-
Les formes derivees des verbes triliteres sont au nombre num, Halle, 1830, t. m, p. 112, au mot v^, vieillard, >;
de quinze: les quatre dernieres tres peu usitees. Les dix
suivantes permettent d'apprecier la richest des nuances nous y trouverons bien pres d'une centaine d'expressions
dont nous avons parle : comme celles-ci : Tremor, agmen, vitium, vicus, clau-
dicatio, viator, coelum, terra, febris, etc. Les difficultes
I- J.ii> fa'al; ex: JJ^, qatal, tuer. reelles de la langue ont ete ainsi exagerees par les lexi-
II- jJU> fa"al; <IL dAorrafo^frapperfort, cographes orientaux, suivis par les Europeens, qui ont
de 4>l4> dharab, mentionne plus volontiers les significations rares que les
frapper. significations ordinaires des mots, les metaphores, les
III. Jl^lS, fa'al; J^-tjj, qdtal, combattre. epithetes, les explications parfois erronees des commen-
tateurs, et souvent aussi ont admis dans leurs recueils
IV. Juiih afal; tfv?-^> adjra, faire courir, des expressions provinciales, etrangeres ou speciales,
de <la. djara, excessivement rares. II n'est done pas etonnant qu'un
courir. lexicographe arabe ait pretendu avoir trouve dans sa
V. Jiij, tafa"al; ' ^; takabbar, se faire langue 12 305 412 mots. Un autre nous dit qu'il existe au
grand, etre orgueil- moins mille mots pour signifier Yepee. Dans un memoire
special, Das Kamel, extrait des Memoires de VAcademic
leux, de '^f, Aa- de Vienne, classe de phil. et d'hist., t. vn, un savant,
bar, etre grand. M. de Hammer, a enumereles mots relatifs au chameau,
VI- JiaUb) tafa'al; Jo-lij> ta^dto^secombaltre. et en a trouve 5 744. En faisant la part des exagerations,
VII. joLiJl, enfa'al; "* ~ j], enkasar, se casser, 1'arabe n'en reste pas moins un phenomene entre toutes
les langues pour 1'abondance des synonymes. II laut dire
de 'J^$, kasar, cependant que cette abondance se trouve plus ou moins
casser. chez chaque peuple pour les choses quilui sontnaturelles,
VIII. Jib}, efta'al; , eftaraq, se separer, L'hebreu lui-meme, pourtant fort pauvre, possede une
ample moisson de synonymes, qui offrent au poete de
de g , faraq , grandes ressources pour le parallelisme : voir le psaume
separer. cxvin, ou la loi divine est designee par dix synonymes
IX. dxl, efall; ^iJ,e/nan-,devenir rouge. divers.
Entre 1'arabe et 1'hebreu, il existe, au point de vue du
X. JJLJbJLJ, estafal; ybcwij, estag/*>'/ar,demander vocabulaire, une ressemblance frappante, qu'il est facile
pardon, de 'i , de constater en ouvrant un dictionnaire comme le The-
saurus de Gesenius. Suivant certains auteurs, les deux tiers
ghrafar, pardon- des racines hebraiques se retrouvent dans 1'arabe avec les
ner. memes lettres et le meme sens ou un sens approchant.
Nous ne pouvons faire ici de philologie comparee : il En tenant compte de la correspondance des lettres dans
nous suffit d'indiquer le rapprochement entre la ne forme les deux langues ou de leur permutation naturelle, quand
et le Piel hebreu , le Pael arameen et assyrien ; entre la elles appartiennent au meme organe, on peut arriver
ive et YAphel arameen, YHiphil hebreu; entre la xe et meme, dit-on, a retrouver les neuf dixiemes des racines.
YEschtaphal arameen, I'Istaphal assyrien. On peut aussi II faut cependant, sous ce rapport, une critique severe:
rapprocher la vme de I'Hitpael hebreu dans les verbes car, depuis Schultens jusqu'a nos jours, Tabus du diction-
qui commencent par une sifflante : r.z~~~, histabbet, naire arabe pour Teclaircissement des mots semitiques
de rutf, sdbaf. obscurs a eu de grands inconvenients. La philologie com-
841 ARABE ( L A N G U E ) 842
paree, avec ses progres, a fourni des exemples, pose des quelquefois conservee dans toute 1'efendue de la piece de
lois, en un mot trace une route dont Thomme de science vers; quelquefois ellc est allernee, suivant le genre et la
ne doit plus s'ecarter pour se lancer dans des rappro- nature de la composition.
chements plus specieux que fondes. Sur les rapports de III. DIVISIONS ET CARACTERES. 1 Arabe litteral et
1'arabe et de 1'hebreu, voir Fr. Delitzsch, Jesurun, arabe vulgaire ; dialectes. Ce que nous venons de dire
Grimma, 1838, p. 76-89. s'applique principalement a 1'arabe litteral, c'est-a-dire
3 Style L'arabe, en absorbant les autres langues a la langue des monuments ecrits. Mais dans la bouche
semitiques par sa domination universelle en Orient, opera du peuple le langage a revetu une forme plus simple,
dans la litterature et le style une revolution capitale. Aux qu'on appelle 1'arabe vulgaire. Cependant il faut bien se
recits historiques, aux sentences morales, a la poesie libre garder de faire des deux idiomes deux langues separees,
on versifiee, qui constituent en particulier le fond de la en comparant 1'une au latin, 1'autre aux langues neq-
litterature biblique, viennent s'ajouter les domaines nou- latines.
veaux et varies de la pensee abstraite : grammaire, juris- L'arabe vulgaire n'est au fond que Tarabc litteral do-
prudence, philosophie, theologie, sciences physiques et pouille de sa grammaire savante et de son riche entou-
mathematiques, ecrits techniques, bibliographic. Alors le rage de voyelles, II supprime les desinences casuelles et
verset, qui, jusqu'au Goran inclusivement, est la loi du les inflexions finales qui expriment les modes des verbes.
style semitique, est remplace par des formes compliquees Aux mecanismes delicats de la syntaxe litterale, il en
et des delicatesses de syntaxe inconnues a 1'hebreu et a substitue d'autres plus analytiques. Des prefixes et des
1'arameen. Cette ampleur neanmoins et ces progres ne mots isoles marquent les nuances que 1'arabe litteral
vont pas sans quelques defauts. Au lieu des formes sobres exprime par le jeu des voyelles finales; les temps du verbe
et harmonieuses de 1'hebreu, on sent une raideur mono- sont determines par des mots que Ton joint aux aoristes
tone et pedante; au lieu des faciles allures des vieux pour en preciser la signification. Ainsi, dans le dialecte
idiomes, c'est une culture artificielle et savante; au lieu de Syrie, on ajoute souvent la lettre ba a toutes les per-
de la grave beaute du style antique, ce sont des orne- sonnes de 1'indicatif present, imparfait, futur simple et
ments de rheteurs et des finesses de grammairiens. Enfin, anterieur, et du conditionnel present, excepte a b. pre-
quoique aussi continu que celui des langues indo-euro- miere personnc du pluriel, exemple : 'ana b'aktob,
peennes les plus developpees, le style arabe n'arrive pas j'ecris, au lieu dc 'aktob. A la premiere personne
a la nettete, a la limpide precision qui semble le partage du pluriel, le ba se remplace par un mim; exemple :
exclusif des idiomes aryens. manktob, nous ecrivon?, au fieu de naktob. Le futur
4 Metrique. La poesie est aussi plus compliquee en pent etre precede de sa, s'il est prochain, ou de la parti-
arabe qu'en hebreu. Si le parallelisme, auquel il faut cule saouf, s'il est eloigne, etc.
joindre parfois 1'assonance et 1'alliteration, forme le carac- Au point de vue du vocabulaire, 1'arabe vulgaire a
tere particulier de la poesie hebraique et lui donne sa laisse tomber egalement cette surabondance de mots qui
physionomie propre, on sait maintenant que ce n'est pas encombrent 1'arabe litteral. A part quelques mots etran-
son unique element. Elle comprend des strophes dont gers, differents selon les provinces, il ne connait que le
chaque vers est constitue par la quantite prosodique, selon fonds courant des vocables semitiques, parfois legere-
certains auteurs, par le nombre des syllabes, suivant les ment detournes de leur signification ancicnne. Ainsi, des
autres. Voir POESIE HEBRAIQUE. On trouve les caracteres remarques quo nous venons de faire, se degage un fait
generaux du rythme hebraique dans les parties poetiques notable, c'est que Farabc vulgaire est bien plus r?pproche
du Goran; mais deja les poemes anteislamiques etaient que 1'arabe litteral de 1'hebreu et du type essentiel des
bases sur une prosodie des plus savantes. Quelle fut Fori- langues semitiques.
gine de cette metrique, et quelle en est la veritable na- En somme, 1'arabe litteral n'est pac plus un idiome
ture? C'est une question qui n'est pas encore absolument factice ou une invention des grammairiens que 1'arabe
elucidee. Les auteurs arabes ont expose en detail les regies vulgaire n'est une corruption de 1'idiome litteral. II a existe
de cette prosodie, d'apres les exemples qu'ils avaient sous une langue ancienne, plus riche et plus synthetique que
les yeux dans les Moallakdt ou les Kastda; mais ils n'ont 1'idiome vulgaire, moins reglee que 1'idiome savant, et
pas considere 1'essence meme de la poesie. Nos orienta- dont les deux sont sortis par des voies opposees. On
listes modernes, reprenant les materiaux laisses par les peut comparer 1'arabe primitif a ce que devait etre la
grammairiens indigenes, ont etabli diverses theories fon- langue latine avant le travail grammatical qui la regu-
dees, comme pour nos langues classiques, sur la combi- larisa, vers 1'epoque des Scipions ; 1'arabe litteral, a la
naison des longues et des breves. Gf. H. A. Ewald, De langue latine telle que nous la trouvons dans les monu-
metris carminum arabicorum libri II, in-8, Brunswick, ments du siecle d'Auguste; 1'arabe vulgaire, au latin sim-
1825; Freytag, Darstellung der arabischen Verskunst, plifie que 1'on parlait vers le vie siecle, et qui, a bien des
in-8, Bonn, 1830; Silvestre de Sacy, Traite elementaire egards, ressemblait plus au latin archaique qu'a celui de
de la prosodie et de I'art metrique des Arabes, in-8, Virgile ou de Ciceron. E. Renan, Histoire des languor
Paris, 1831; H. Coupry, Traite de la versification arabe, semitiques, p. 406.
in-8, Leipzig, 1874. En 1876, la question a ete reprise L'arabe litteral, comme toutes les langues savantes, n'a
par Stanislas Guyard a un point de vue tres interes- pas de dialectes; mais 1'arabe vulgaire en possede, comme
sant. Se fondant sur les rapports de la musique et de la toutes les langues parlees. On en compte quatre : ceux
prosodie, il applique a la metrique arabe les regies du d'Arabic, de Syrie, d'Egypte, et le maghreby ou dialecte
rythme naturel du langage, dont les elements constitu- de 1'Afrique septentrionale. Les trois premiers sont fort
tifs sont 1'arsis et la thesis, le temps frappe et le temps peu distincts Fun de 1'autre : une certaine quantite de
leve. Gf. Journal asiatique, mai-juin 1876, p. 413-579; locutions propres, des termes particuliers et la prononcia-
aout-septembre 1876, p. 101-252; octobre, 1876, p. 285-315. tion differente de quelques lettres, en constituent toute la
II y aurait peut-etre profit a tirer de ces etudes pour la diversite. Le dialecte d'Arabic est le plus pur de tous. Le
metrique hebraique. maghreby offre plusieurs divergences grammaticales et
Le vers arabe se compose de pieds, qui ont chacun des particularites plus caracterisees, mais qui ne vont
leur individuality et leur nom technique. Ils sont au pas jusqu'a le rendre inintelligible pour les habitants des
nombre de sept, ayant trois, quatre ou cinq syllabes. De autres contrees. .
leurs combinaisons resultent seize metres, dont les noms 2 Caracteres. Les deux principaux caracteres de
sont des adjectifs destines a caracteriser le vers: et-tanuil, 1'arabe sont 1'universalite et 1'invariabilite. Universel dans
le long; el-madid, le prolonge, etc. Chaque les genres de litterature qu'il a embrasses, il ne 1'est pas
metre comprend deux hemistiches. La meme rime est moins daas 1'etenduc des pays qu'il a envahis, dans 1'action
843 ARABE ( L A N G U E )
qu'il a exercee, comme organe d'une pensee politique ou tels que 'ain, & source ; nahr, fleuve ; 'arabahf
religieuse superieure aux diversites de races. Le grec et desert, etc. Cl. Palestine Exploration Fund, 1876r
Ic latin, dont le domaine et I'influence ont ete si consi- p. 132-140; noms propres, comme on peut s'en convaincre-
derables, lui sont inferieurs sous ce rapport. Le grec a par les articles geographiques de ce Dictionnaire; hebreu :
ete parle de la Sidle au Tigre, de la mer Noire a 1'Abys- 'Akko, arabe: Akkd, Accho; hebreu : Ydfo, arabe :
sinie; le latin, de la Campanie aux lies Britanniques, du Ydfd, Jaffa, etc. Les geographes, comme Aboulteda,
Rhin a 1'Atlas; tandis que 1'empire de la langue arabe Edrisi, etc., et les historiens arabes rendent d'eminents
embrasse 1'Espagne, 1'Afrique jusqu'a 1'equateur, 1'Asie services pour 1'orthographe des noms, la position res-
meridionale jusqu'a Java, la Russie jusqu'a Kazan. En pective des differentes villes et leur etat a certaines epoques-
s'iimposant comme langue des livres dans les pays conquis de 1'histoire. On sait quels emprunts le Goran a faits a
par rislamisme, il exerea la plus grande influence sur la Bible. II y a done dans la connaissance de cette langue-
presque tous les idiomes de ces regions. Le persan et le un interet continuel pour la philologie sacree, aussi
turc lui emprunterent son alphabet, et de 1'Inde jusqu'a 1'Eglise l'a-t-elle souvent recommandee. Clement V, en^
1'Europe des mots arabes s'infiltrerent dans le langage. particulier, voulut que des maitres speciaux fussent
Cf. Dozy et W. H. Engelmann, Glossaire des mots espa- charges de 1'enseigner dans les grandes universites de
gnols et portugais derives de I'arabe, in-8, Leyde, 1869; Paris, d'Oxford, de Bologne et de Salamanque. Clement.,
pour le francais, voir E. Littre, Dictionnaire de la langue lib. v, tit. i, de Magistris.
francaise, Paris, 1882, Supplement; Dictionnaire ety- IV. ECRITURE. On peut voir a 1'article ALPHABET
mologique des mots d'origine orientals, par Marcel comment 1'ecriture arabe se rattache a 1'alphabet pheni-
Devic. cien, et quels sont ses points de ressemblance avec les
Malgre cette extension, la langue arabe conserva par- autres caracteres semitiques; nous avons deja parle de ses,
tout et toujours une merveilleuse unite. D'un bout a elements au point de vue des consonnes et des voyelles.
1'autre de ce vaste cordon forme par la conquete musul- II nous suffit d'indiquer en deux mots ses formes et son.
mane, on voit un meme style chez les ecrivains, les origine. L'ecriture cursive habituelle est appelee neskhi.
memes etudes, le meme enseignement grammatical. L'ecriture hieratique, aux formes carrees, lapidaires,
Ghaque auteur apporte dans sa maniere de dire plus ou employee dans les inscriptions monumentales et sur les.
moins d'elegance ou de correction; mais il est impossible monnaies, et, pendant plusieurs siecles, usitee dans les.
de classer ces diversites par age et par pays. Sur les copies du Goran, a recu le nom de koufique, de la ville
levres des Bedouins qui dressent leurs tentes dans les de Koufa, dans 1'Irak-Arabi, ou Ton croit qu'elle tut.
deserts de 1'Arabic, on retrouve encore un grand nombre inventee. On pense generalement que 1'ecriture n'a pas
de formes antiques, et la langue ecrite de nos jours ne ete connue des Arabes de 1'Hedjaz et du Nedjed plus d'urt.
differe pas de la langue de Mahomet. Cf. W. G. Palgrave, siecle avant 1'hegire, et qu'elle leur fut apportee par les.
Narrative of a year's journey through central and Syriens. Les formes de 1'alphabet koufique se rapprochent,
eastern Arabia, Londres, 1865, t. I , p. 463 et suiv. Cette eri effet, beaucoup de celles de 1'alphabet syriaque estran-
espece d'immutabilite, qui forme un des caracteres des ghelo, et 1'ordre primitif des lettres de 1'alphabet arabe
idiomes semitiques, se remarque egalement dans 1'assy- est identique a celui des alphabets hebreu et syriaque.
rien, reste sensiblement le meme pendant une period e Cependant, a la suite de Fr. Lenormant, Inscriptions
de plus de deux mille ans. C'est pour cela qu'on ne sau- sinaitiques, dans le Journal asialique, Janvier 1859, p. 53'
rait la refuser a 1'hebreu, qui a pu aussi sc conserver et suiv., M. Renan, Hist, des langues semitiques, p. 353,.
durant des siecles sans changement : il n'est pas plus admet volontiers une double origine pour 1'ecriture arabe :
etonnant de retrouver la langue du Pentateuque dans les 1'une syrienne (le koufique sorti de 1'estranghelo), 1'autre-
Psaumes et les Prophetes que la langue du Goran dans sinaitique pour le neskhi.
1'arabe moderne. De formes tres ornementales, comme on peut le voir
A ce double caractere de 1'arabe nous ajouterons celui dans certaines inscriptions ou les lettres composent d&
d'une reelle utilile pour les etudes bibliques, ce qui gracieuses arabesques, 1'ecriture arabe est d'une lecturei
ressort d'ailleurs des rapprochements que nous avons eta- difficile. On n'ecrit souvent les voyelles que par exception,,
blis entre cette langue et 1'hebreu. Comme langue parlee, on oublie les points diacritiques, et le dechiffrement des
elle fait revivre pour nous 1'idiome sacre avec sa phone- noms propres serait presque impossible si les ecrivains
tique, ses expressions usuelles, depuis Yessaldm 'aleik, ne prenaient la precaution d'epeler en toutes lettres les.
paix sur toi , qui rappelle le salom lekd, de 1'Ecri- mots rares et importants: tel est 1'usage dans les diction-
ture, Jud., vi, 23, etc., jusqu'aux tournures de phrases naires de geographie. Le neskhi s'est un peu transforme
les plus poetiques. On retrouve aujourd'hui sur les levres avec les siecles et selon les pays : 1'ecriture maghrebine
du fellah de Palestine, et en termes identiques, les pro- (Algerie, Maroc) differe sur certains points de 1'ecriture
verbes usites panni les Juifs au temps des prophetes, orientale ou de Syrie. Voir sur cette question de 1'ecriture
Ezech., xvi, 44; xvm, 2; Jer., xxxi, 29. Cf. Palestine arabe le travail de M. de Sacy, dans les Memoires de
Exploration Fund, Quarterly Statement, 1889, p. 141. VAcademie des inscriptions, t. L, et dans le Journal des
Impossible d'entendre parler un Arabe sans qu'a chaque savants, aout 1825, et dans le Journal asiatique, avril 1827.
instant un mot hebreu ne vous revienne a la memoire, Voir aussi Carsten Niebuhr, Beschreibung von Arabien?
et airisi le peuple ismaehte nous instruit autant par son in-4, Copenhague, 1772, p. 94-104.
langage que par ses mceurs. Comme langue ecrite, 1'arabe V. BIBLIOGRAPHIE. Nous indiquons ici les ouvrages
offre a 1'exegete de nombreux et riches monuments ou il les plus importants pour 1'etude de la langue arabe.
peut, a 1'aide de la critique, chercher 1'explication des 1 Grammaires : arabe litteral, Th. Erpenius, Rudimentd.
mots obscure en hebreu ou des ana? Xeydfteva; ainsi lingux arabicse, l re edit., in-4", Leyde, 1613; edit. Schul-
obis, boles, Amos, VH, 14, s'explique par 1'arabe * K tens, 1733, 1748; Silvestre de Sacy, Grammaire arabe,
ij^J, 2 in-8, Paris, 1810; 2 edit., 2 in-8, Paris, 1831;
balas, figuier ; cba, galas, Cant., iv, 1, par -j^ II. A. Ewald, Grammatica critica linguae arabicse,
djalas, s'asseoir , etc. Cf. Fr. Delitzsch, Jesurun, 2 in-8, Leipzig, 1831; C. P. Caspari, Grammatik der
p. 87-89. Voir un exemple de 1'usage de 1'arabe dans la arabischen Sprache, in-8, Leipzig, 1859; traduite en
discussion sur Y'almah d'Is., vn, 14, dans LeHir, Les trois francais sur la 4e edition allemande, et en partie remaniee
grands prophetes, Paris, 1877, p. 78-80. La geographie par Uricoechea, in-8, Paris, 1881, une des meilleures;
sacree n'est pas moins interessee a cette etude. Les noms H. Zschokke, Institutiones fundamentals linguae ara-
bibliques se sont conserves sous la forme arabe ou sans bicse, in-8, Vienne, 1869; arabe vulgaire: Abougit, Prin-
alteration ou avec de legers changements : noms communs cipes de la grammaire arabe a 1'usage des ecoles de
845 ARABE ( L A N G U E ) - ARABES (VERSIONS) 846
francais en Orient, in-12, Beyrouth, 1862; Caussin de des variantes qui jettent une lumiere inesperee sur la
Perceval, Grammaire arabe vulgaire pour les dialectes version syriaque, et surtout sur la version alexandrine.
d'Orient et de Barbaric, in-4, Paris, 1824; in-8, 1833; En tout cas, elles occupent une place importante dans
in-8, 1858; in-8, 1880; A. Bellemare, Grammaire 1'histoire de la Bible.
arabe (idiome d'Algerie), Paris, Alger, 1850. 2 Dic- I. VERSIONS ARABES DE L'ANCIEN TESTAMENT. Nous
tionnaires: J. Golius, Lexicon arabico-latinum, in-f, les grouperons en cinq categories. Les quatre premieres
Leyde, 1653; Freytag, Lexicon arabico-latinum, 4 in-4, comprendront celles qui sont basees sur 1'hebreu, sur les
Halle, 1830-1837; edition abregee, in-4, Halle, 1857; versions syriaques, sur les Septante, ou sur d'autres
A. Handjeri, Dictionnaire francais, arabe, persan et textes; dans la cinquieme, nous traiterons de quelques
turc, 3 in-4, Moscou, 1840-1841; Kazimirski, Diction- editions que Ton ne peut pas encore classer avec certitude.
naire arabe-francais, 2 gr. in-8, Paris, 1860; Lane, 1 Versions arabes basees sur le texte he'breu.
Arabic-English Dictionary, 5 in-4, Londres, 1863-1875; A) La plus celebre est celle de Saadias Haggaon (891 -941),
Cuche (R. P.), Dictionnaire arabe-francais, gr. in-8, juit originaire du Fayoum, en Egypte, directeur de 1'ecole
Beyrouth, 1862; nouv. edit., 1883, pratique; Vocabulaire talmudique de Sora. Elle se rapproche beaucoup des
francais-arabe, par un missionnaire de la compagnie de Paraphrases Targumiques, en sorte qu'elle est plus utile
Jesus en Syrie, in-8, Beyrouth, 1867; A. Cherbonneau, pour 1'exegese que pour la critique du texte. L'examen
Dictionnaire francais - arabe pour la conversation en des differents manuscrits que nous en avons montre
Algerie, in-12, Paris, 1872. 3 Chrestomathies : Sil- qu'elle a subi de nombreuses et importantes interpolations.
vestre de Sacy, Chrestomathie arabe, Paris, 1806; 2e edit., La question de savoir si cette version s'etendait a toute
3 in-8, Paris, 1826; G. L. Kosegarten, Chrestornathia la Bible est encore fort debattue. II est certain qu'elle
arabica, in-8, Leipzig, 1828; A. Oberleitner, Chre- comprenait le Pentateuque et Isaie; on admet genera-
stomathia arabica una cum glossario arabico - latino, lement que Job, les petits Prophetes et les Psaumes
2 in-8, Vienna; Chrestomathie arabe, publiee par les avaient aussi ete traduits par Saadias.
PP. Jesuites, 2 in-8, Beyrouth, 1879-1881. a) Manuscrits. Parmi les manuscrits qui contiennent
A. LEGENDRE. des parties de la version de Saadias, on peut nommer les
3. ARABES (VERSIONS) des Ecritures. II estdifficile suivants : 1. Le manuscrit arabe de la Bibliotheque natio-
d'etablir a quelle epoque la Bible fut traduite pour la nale. Ce manuscrit avait appartenu au celebre Savari de
premiere fois en langue arabe. On rapporte qu'un certain Breves; il est d'origine egyptienne et date du xive siecle;
Warka Ibn - Naufel avait traduit 1'Ecriture en arabe Pentateuque. 2. Un manuscrit de la bibliotheque Bod-
des le commencement du vne siecle, et que c'est dans leienne a Oxford; il a ete ecrit a Hamath, sur 1'Oronte,
cette version que Mahomet puisa sa connaissance de la en Syrie, et date aussi du xive siecle; Pentateuque. 3. Le
Bible. Cela est assez problematique. En tout cas, il ne manuscrit oriental xxi de la bibliotheque Palatine Medicis,
reste rien de cette pretendue version, non plus que de a Florence, xme siecle; Pentateuque. 4. Manuscrit
celle que Jean, eveque de Seville, avait fait executer en arabe 377, de la bibliotheque de Leyde; ecrit a Mardin,
717. Les versions arabes que nous possedons sorit toutes au xive siecle; Genese et Exode. 5. Un manuscrit
de date relativement recente. De fait, le besoin de ces (Cod. Bodl., XL) de la bibliotheque Bodleienne contient
versions ne dut se faire sentir que lorsque les differentes le livre de Job et les petits Prophetes. 6. Deux autres
eontrees soumises a 1'islamisme eurent abandonne leurs manuscrits de la meme bibliotheque contiennent les
langues respectives pour adopter celle de leurs conque- Psaumes. Gf. Bleek, Einleitung in das alle Testament,
rants, c'est-a-dire entre le vin e et le xe siecle de notre edit, de 1860, p. 795. 7. Le Codex Bodl. CLVI (Pococke,
ere. Les versions arabes furent alors entreprises par les 32) de la meme bibliotheque, ecrit en caraeteres hebreux
juifs et par les Chretiens. Les manuscrits sur lesquels et date de 1244, contient Isaie.
elles furent faites etaient ceux dont on se servait dans les b) Editions. Les principales editions sont les sui-
synagogues et dans les eglises. Us representaient les re- vantes : 1. Le Pentateuque tetraglotte de Constantinople,
censions les plus diverses, et, comme on peut le supposer, 1546. Cette edition contient, en outre du texte original et
ils n'etaient pas toujours des meilleurs. Les traducteurs du Targum d'Onkelos, la version arabe de Saadias et la
se preoccuperent moins de reproduire le texte le plus version persane de Jacob Tiisi, le tout en caracteres
pur que de mettre la Bible a la portee des fideles, en la hebreux. 2. La seconde edition fut t'aite a Paris, par
debarrassant de toutes ses obscurites. Le cardinal Wise- Gabriel Sionite, dans la Polyglotte de Le Jay, d'apres le
man, dans ses Essays (t. I, Miracles of the New Testa- manuscrit arabe 1 de la Bibliotheque nationale, dont nous
ment), a decrit d'une maniere fort ingenieuse la fafon avons parle plus haut. 3. Pococke reimprima cette
dqnt ces traducteurs ont du proceder. Tous les livres de deuxieme edition dans le premier volume de la Polyglotte
1'Ecriture Sainte n'etaient pas egalement lus dans les de Walton, et il publia ensuite, dans le cinquieme volume
synagogues ni dans les eglises. Les Juifs lisaient surtout du meme ouvrage, les variantes de 1'edition de Constan-
la Loi, c'est-a-dire le Pentateuque. Les Chretiens, en tinople et du manuscrit d'Oxford (voir plus haut: Manus-
dehors du Nouveau Testament, qui etait leur principale crits 2). 4. P. de Lagarde a publie la Genese et 1'Exode,
Ecriture, ne lisaient guere, dans leur entier, que le d'apres le manuscrit de la bibliotheque de Leyde, Mate-
Psautier et les Prophetes. On se borna, tout d'abord, a rialien zur Kritik und Gesc/iic/ite des Pentateuchs,
traduire ces livres; quant aux autres, on n'en traduisit Leipzig, 1867. 5. Les propheties d'lsa'ie. avaient ete
que les parties qui etaient disseminees dans les livres publiees des 1790, par Paulus, d'apres le manuscrit d'Ox-
lilurgiques. C'est ainsi qu'aucune des versions arabes les ford, R. Saadise Phiumensis versio Isaise arabica cum
plus anciennes ne s'etend a toute la Bible. Plus tard, aliis speciminibus, in-8, lena, 1790-1791. 6 . Ewald.
quand on voulut avoir 1'ensemble des Saintes Ecritures, dans ses Beitrdge zur Geschichte der alt. Auslegung und
pour 1'usage du clerge, qui lui-meme n'entendait plus Spracherklarung des A. T., Stuttgart, 1844, a donne des
sufiisamment les langues anciennes, on se contenta de extraits du livre de Job d'apres le manuscrit d'Oxford.
reunir les versions deja faites des differents livres ou 7. Schnurrer a publie des fragments de la version des
portions de livres, et on combla les nombreuses lacunes Psaumes, d'apres le manuscrit d'Oxford, Pococke 281, dans
par de nouvelles traductions faites sur les exemplaires YAllgemeine Bibliothek der biblisclien Literalur d'Eich-
complets des anciennes versions copies ou syriaques. II horn, t. in, p. 425. 8. Osee et Joel ont ete edites,
en resulta de veritables mosaiques, dont le fameux ma- d'apres le manuscrit d'Oxtord, par R. Schroter dans Archiv
nuscrit de Breves est un exemple frappant, comme on le fur ii'issensch. Erforschung des A. T., i et n. 9. Enfin,
verra plus bas. Les versions arabes n'ont done pas beau- Adler a donne dans YEinleitung in das A. und N. Tes-
coup d'autorite. Cependant la critique y trouve parfois tament, d'Eichhorn, des variantes du manuscrit de Flo-
847 ARABES (VERSIONS)
rence. P. de Lagarde a aussi publie dans ses Materialien, a) Manuscrits. Voici les principaux: \. Celui de la
n, une version paraphrastique de la Genese, d'apres le bibliotheque Barberini, a Rome. C'est un manuscrit tritaple
manuscrit arabe 230, de la Bibliotheque de Leyde; le ma- (hebreu, version samaritaine et version arabe), ecrit
nuscrit est ecrit en caracteres syriaques, et date de 1'an 1528. tout entier en caracteres samaritains. II est date de 1'hegire
Cette version, dit simplement M. de Lagarde, est a peu pres 624. 2. Le manuscrit Usher a la bibliotheque Bod-
la meme que celle d'un manuscrit d'Oxford dont Paulus I leienne d'Oxford; il est bilingue (version samaritaine et
s'est occupe dans ses Specimina versionum Pentateuchi : version arabe), et fut ecrit en 1'an 1525 de notre ere.
septem arabicarum, 7 et 12. j 3. Le manuscrit Taylor, a la meme bibliotheque; il est
Quelques savants, entre autres Tychsen dans le Reper- J en caracteres arabes. 4. Le manuscrit arabe 5 (ancien
torium d'Eichhorn, t. xi, p. 82 et suiv., avaient conteste fonds 2) de la Bibliotheque nationale, xve siecle. 5. Le
Fidentite de la version de Constantinople et de la version manuscrit arabe 6 (ancien fonds 4), meme Bibliotheque
imprimee dans les Polyglottes de Paris et de Londres. et meme date. 6. Le manuscrit arabe 8 (ancien fonds 12),
Pococke, dans la preface a son Arabica versio, demontra meme Bibliotheque, xvie siecle. Ce manuscrit, qui a appar-
que cette identite est certaine, et Silv. de Sacy, Memoire tenu a Melchisedech Thevenot, a cela de particulier que le
sur la version arabe des Livres de Molse (dans les copiste ayant un exemplaire de Saadias sous les yeux 1'a
Memoires de I'academie des Inscriptions, t. XLIX, 1808, complete par cette version. 7. La Bibliotheque de Leyde
p. 67), s'est rallie a Pococke. possede aussi un manuscrit de celte version, que Sacy
B) Les Juifs possedent encore une autre version arabe appelle Codex Damascenus. Avant d'entrer a la Biblio-
du Pentateuque, faite par un Juif de Mauritania, au theque de Leyde, il avait appartenu successivement a
xine siecle. Elle suit 1'hebreu massoretique de tres pres, Van Tyl et a Schultens. 8. Un autre manuscrit est
servilement quelquefois. On ne lui recommit presque mentionne dans la Ribliotheca Witliana, 1701; on ignore
aucune valeur exegetique ni critique. Walton, Proleg., ce qu'il est devenu. Tous ces manuscrits representent
14, 16, dit pourtant qu'elle offre des exemples d'une une seule et meme version, malgre des variantes assez
rare habilete, d'un esprit judicieux et d'un grand respect nombreuses surtout dans les passages obscure. Ils ont
de la divine Majeste . On n'en connait qu'un manuscrit, ete decrits par Silv. de Sacy, Memoire sur la version
qui appartint a Jos. Scaliger et qui est maintenant a la arabe, p. 105 et suiv.
bibliotheque de Leyde (Cod. arab., 33). II est en carac- b) Editions. La version d'Abou Said n'a jamais ete
teres hebreux. Erpenius 1'a publie, assez imparfaitement, publiee en entier. Voici ce que nous en avons. 1. Hot-
en caracteres arabes, Pentateuchus Mosis arabice, in-4, tinger, dans son Promptuarium, sive bibliotheca orien-
Liege, 1622. On appelle pour cela cette version Arabs lalis, Heidelberg, 1658, a publie Gen., xi, 1-23, d'apres
Erpenii. un fragment qui lui appartenait. 2. Blanchini, dans le
II faut encore citer parmi les versions arabes faites sur t. n de son Evangeliarium quadruplex latinee versionis
1'hebreu : C) Celle du livre de Josue qui a ete im- antiques, 1749, fit graver une page du manuscrit Barbe-
primee, d'apres le manuscrit arabe 1 de la Bibliotheque rini contenant Num., v, 30-vi, 9. 3. Durell, The
nationale, dans la Polyglotte de Paris, et reimprimee dans Hebrew text; of the parallel prophecies of Jacob and
celle de Londres. Nous n'en connaissons ni 1'auteur ni Moses relating to the twelve tribes to which are added
la date. D) La version de III Reg., xn-lV Reg., xn, 1 the Samaritan Arabic version, etc., 1763, publia Gen.,
16, qui, d'apres Rodiger, De origine et indole arabicse XLIX, 6, 28; Deuter., xxxm, 1-29, d'apres le manuscrit
librorum V. T. historicorum interpretations libri II, d'Usher; et Gen., XLIX, 1-4, d'apres le manuscrit de
Halle, 1829, serait d'un Juif de Damas du xie siecle. Elle Taylor. 4. Ch. Hwiid publia a Rome, en 1780, Gen.,
a ete publiee, d'apres le meme manuscrit que la prece- XLIX, d'apres le manuscrit Barberini, dans son Specimen
dente, dans les Polyglottes de Paris et de Londres. ineditse versionis arabico - samaritanse Pentateuchi e
E) La version du passage II Esdr., i-ix, 27; imprimee codice samaritano bibliothecss Barberinse, in - 8.
aussi dans les deux memes Polyglottes, d'apres le meme 5. Adler, Biblisch-kritische Reise, a publie Num., xxiv,
manuscrit que les deux precedentes, ressemble beaucoup 7-9, d'apres le manuscrit Barberini et le manuscrit
a la version du livre de Josue ; mais on croit qu'elle a ete arabe 6 de la Bibliotheque nationale. II a aussi fait con-
interpolee par un Chretien de Syrie. F) Nous avons aussi naitre d'autres passages du manuscrit Barberini dans le
des portions importantes d'une version arabe faite sur Liter. Briefwechsel, de J. D. Michaelis. 6. Paulus,
1'hebreu au xe siecle par un juif Karaite, Yaphethben-Heli. dans sa Commentatio critica exhibens e biblioth. oxon.
Les Psaumes ont ete publics en entier par 1'abbe Barges, Bodlejana specimina verss. Pentateuchi septem arabi-
d'apres le manuscrit de la Bibliotheque nationale, Libri carum nondum editarum, lena, 1789, a donne divers
Psalmorum David, Begis et Prophetss versio aR.Yapheth extraits du livre de la Genese, d'apres le manuscrit de
ben-Heli, Paris, 1861. G) Une version (Genese, Taylor. 7. Van Vloten publia en 1803 quelques frag-
Psaumes et Daniel) contenue dans le manuscrit Harl. ments, d'apres le manuscrit de Leyde, dans son Speci-
5505 du Musee Britannique. \"oir Doderlein, dans le men philologicum continens descriptionem codicis MS.
Repertorium d'Eichhorn, t. n, p. 153. Bibliothecss Lugdun. Ratavorum partemque inde excer-
H) Mais, de toutes les versions arabes faites sur 1'hebreu, ptam versionis samaritano-arabicss Pentateuchi, Leyde,
la plus celebre, apres celle de Saadias, est celle du Pen- 1803. 8. Silv. de Sacy, dans son Memoire, p. 150-196,
tateuque par un Samaritain, Abou Said. II la fit pour en a publie plusieurs fragments. Ils sont pris de differents
1'usage de ses coreligionnaires, qui en etaient reduits a manuscrits, quoique plus generalement du manuscrit
se servir d'exemplaires plus ou moins corrompus de la arabe 6 de la Bibliotheque nationale; les variantes de tous
version de Saadias. L'auteur n'a pas travaille sur la ver- les manuscrits ont ete soigneusement recueillies pour
sion samaritairie, comme on pourrait le supposer, mais chaque passage. 9. En 1851, Abr. Kuenen publia la
bien sur le texte hebreu original, ecrit en caracteres Genese d'apres trois manuscrits et, en 1854, 1'Exode et
samaritains. II montre pourtant que la version de Saadias le Levitique. Cf. Keil, Manual of Itistorico-critical Intro-
lui etait familiere; il s'en est servi plusieurs fois. II a duction, Edimbourg, 1870, t. n, p. 279-80.
aussi fait usage de la version samaritaine, telle qu'elle 2 Versions arabes basees sur la version syriaque.
a ete imprimee plus tard dans la Polyglotte de Paris. La A moins d'indication contraire, il s'agira de la version
date precise de cette version est incertaine. Tout ce que Simple ou Peschito.
1'on peut dire, c'est qu'elle est posterieure au xe siecle et A) Rodiger, De origine et indole arabicse interpreta-
anterieure au xme. D'apres Silv. de Sacy, Memoire sur tionis, donne comme faites sur la Peschito les versions
la version arabe, p. 104, cette version serait fort utile arabes des livres suivants : Juges, Ruth, I et II Rois;
pour la critique du texte samaritain. Voir ABOU-SAID. III Rois, i-xi; IV Rois, xii, 17-xxv; Paralipomenes,
849 ARABES (VERSIONS) 850
Job, qtri ont ete imprimees dans les Polygloltes de Paris ; nationale, et reimprimee dans la Polygloffe de Londres.
et de Londres, d'apres le rnanuscrit arabe 1 de la Biblio- | Elle a ete faite par un pretre d'Alexandrie, comme 1'in-
theque nationale. Ces versions ont ete faites par des | dique une note du copiste placee a la fin des petits Pro-
Chretiens au xme ou au xive siecle. Elles ont peu de phetes. Cornill, qui. dans son Buck des Proph. Ezechiel,
valeur. P. de Lagarde a publie une nouvelle edition du livre Leipzig, 1886, p. 49-57, a etudie en detail cette version
de Job d'apres la Polyglotte de Paris, ainsi qu'une autre pour le livre d'Ezechiel, dit qu'elle a ete faite directement
version du merne livre, mais de recension egyptienne, sur le grec. Le manuscrit dont s'est servi le traducteur
d'apres un manuscritde Berlin, dans son ouvrage intitule : etait en lettres onciales, sans esprits ni accents, et les
Psalterium, Job, Proverbia arabice, Goettingue, 1876. mots n'etaient pas separes. Comme le Codex Alexan-
B) Deux versions des Psaumes faites par des Chretiens drinus, ce manuscrit contenait la recension egyptienne
du mont Liban. L'une a ete editee en 1585 et en 1610, des Septante; on y voit des traces de 1'influence des
au monastere maronite de Saint-Antoine, a Kouzheyya Hexaples, mais moins que dans le Codex Alexandrinus.
(au nord d'Ehden), dans le Bescherreh, mont Liban. Le manuscrit de Paris offrait quelques lacunes auxquelles
Gette edition, dont les exemplaires sont tres rares en les editeurs de la Polyglotte de Londres ont supplee par
Europe, est en carschouni. P. de Lagarde a reimprime les passages correspondants d'un manuscrit d'Oxford de
1'edition de 1610 d'apres 1'exemplaire de la bibliotheque recension syrienne.
de Nuremberg, Psalter., Job, Prov. L'autre est contenue B) Les versions des livres de Tobie, Judith, Esther,
dans le manuscrit 5469, in-12, du Musee Britannique Proverbes, Ecclesiaste, Cantique des cantiques, Sagesse,
(Cureton, Catalogue, n vi). Cf. Doderlein, dans leReper- Ecclesiastique, et des deux livres des Machabees, impri-
torium d'Eichhorn, t. n, p. 156 et suiv. mees dans la Polyglotte de Paris (excepte les deux pre-
C) P. de Lagarde a publie, dans le meme ouvrage, les miers et l'avant-dernier) et dans celle de Londres.
Nombres, le Levitique et le Deuteronome, d'apres le C) La version des Psaumes, imprimee dans les deux
manuscrit arabe 377 de la Bibliotheque de Leyde, dont Polyglottes. Elle est aussi faite sur une recension egyp-
nous avons deja parle a propos de la version de Saadias. tienne des Septante. P. de Lagarde 1'a reimprimee, ainsi
D) En fin plusieurs manuscrits contenant des versions que la version des Proverbes dont nous venons de parler,
arabes faites sur la Peschito se trouvent dans les diffe- Psalterium, Job, Proverbia, etc. Mais nous avons deux
rentes bibliotheques d'Europe, pour la plupart inconnus, autres versions des Psaumes :
ou tout au moins inedits, comme on peut s'en assurer en D) L'une est basee sur une recension syrienne des
parcourant les catalogues de ces bibliotheques. Tels sont, Septante. II y en a deux editions. La premiere a ete
par exemple, les manuscrits arabes 17-21 de la Biblio- publiee en 1516 par Giustiniani, eveque de Nebbio, August.
theque nationale. Paulus, dans sa Commentatio critica, Justiniani Psallerium Octaplum, in-f, Genes, 1516;
a donne quelques specimens de versions du Pentateuque la seconde a ete publiee une premiere fois, en arabe
d'apres des manuscrits de la bibliotheque Bodleienne. seulement, par Gabriel Sionite et Victor Scialak, a Rome,
E) II existe aussi une version arabe faite au xve siecle en 1614, Psalmi arabici ex grseco; une deuxieme fois,
par Hareth ben-Sinan sur la version syro-hexaplaire. avec la traduction latine, meme annee, Liber Psalmorum
Cette derniere ayant ete faite sur le grec des Hexaples Davidis regis, et une troisieme fois en arabe et en latin,
d'Origene, on pourrait compter cette version arabe avec en 1619, Davidis regis et Prophetae Psalmi. Ces deux
celles qui sont basees sur les Septante. On en connait dernieres reimpressions (si tant est que ce soient des
plusieurs manuscrits : deux a la Bibliotheque nationale, reimpressions) ne different que par letitre. P. de Lagarde
manuscrits arabes 13 et 14; deux a la bibliotheque Bod- a reimprime cette version dans son Psalterium, Job,
leienne , a Oxford; un a la bibliotheque V.aticane (Cod. Proverbia. Le manuscrit de Gabriel Sionite, qui a servi
arab., 1); un a la bibliotheque Palatine Medicis, a Flo- aux editions de 1614, est conserve a la bibliotheque Lau-
rence (Cod. palat., or. xvin). Les cinq premiers manus- rentienne a Florence, Biblioth. Palat. Med., cod. x; il
crits contiennent le Pentateuque, le sixieme contient la fut termine en 1612. Voir le catalogue d'Assemani, p. 56.
Sagesse, I'Ecclesiaste, les Proverbes, 1'Ecclesiastique, et E) L'autre est d'apres une recension speciale qui est en
le Cantique des cantiques. D'apres Et. Ev. Assemani, usage chez les grecs Melchites. Son auteur, 'Abdallah
Catalog, codd. arable, biblioth. Vatic., p. 2, dans la 'Ibn-'El-Fadl, vivait au xn e siecle environ. Elle a ete
Scriptorum veterum nova Collectio, de Mai, t. iv, le publiee a Padoue, en 1709, in-8; et aussi a Alep, en
manuscrit du Vatican serait de 1'an 1329 de notre ere. 1706, in-4; au monastere melchite de Saint-Jean-Baptiste
L'auteur de la version serait done anterieur au xve siecle, (Mar yochanna e-souair), dans le Chesrouan, mont
comme Assemani le declare lui-meme, ouvr. cite, bien Liban, en 1735, 1739, 1753 et 1764, in-8. LA Society
que dans son Catalogue de la bibliotheque Laurent, et for promoting Christian knowledge fit imprimer la meme
Palat. Medicis, p. 61, il eut positivement dit que les version a Londres, en 1725, in-8, d'apres un manuscrit
deux Hareth (car il en distingue deux) avaient vecu vers envoye d'Alep; 1'impression fut surveillee par Salomon
la fin du xve siecle. De Slane, Catalogue des manuscrits Negri de Damas. P. de Lagarde, Psalter., Job, Prov., a
arabes de la Bibliotheque nationale, p. 4, dit aussi que fait reimprimer 1'edition de 1706 sur 1'exemplaire de la
1'auteur de notre version vivait vers la fin du xve siecle. bibliotheque de Dresde. La meme version avait encore
Quelques fragments de cette version ont ete seuls publics ete publiee a Vienne avec un commentaire arabe.
dans le t. vi de la Polyglotte de Londres et dans White: 4 Les catholiques ont publie, a 1'usage des Chretiens
Letter to the bishop of London, Oxford, 1779. Plusieurs d'Orient, quelques versions qui sont fondees principa-
savants comptent la version de Hareth avec celles qui ont lement sur la Vulgate. Voici les plus remarquables :
ete traduites directement sur les Septante des Hexaples. A) L'edition de la Propagande, 3 in-f, 1671. Lee et
F) Assemani, Bibliotheca orientalis, t. n, p. 309, cite Mac Bride (aux frais de la soeiete Biblique) 1'ont reim-
un texte de Bar-Hebrceus d'ou il ressort qu'un nestorien primee a Londres en 1822, in-8, apres avoir retranche
nomme Aboul-Faradj ben at-Tayyib avait traduit toute la la Preface, les Livres deuterocanoniques et la traduction
Bible en arabe. Cette version, qui jusqu'ici n'a pas ete latine. B) L'edition de Mgr Tuki, vicaire apostolique
retrouvee, pour 1'Ancien Testament au moins, etait sans de 1'Eglise copte. Une partie seulement a paru : le Pen-
doute faite sur le syriaque. tateuque, Josue, les Juges, Ruth, les Rois, les Paralipo-
3 Versions arabes basees sur les Septante. Parmi menes, Esdras et Tobie. C) L'edition des PP. Domini-
les principales on peut citer : cains deMossoul, 4 gr. in-8, 1875-78. D) L'edition des
A) La version des Prophetes (Daniel excepte, qui est PP. Jesuites de Beyrouth, 3 gr. in-8, 1876-78. E) Les
raduit sur Theodotion), imprimee dans la Polyglotte de protestants ont aussi une version particuliere. En 1856,
'Paris, d'apres le manuscrit arabe 1 de la Bibliotheque la Society for promoting Christian knowledge publiat,
851 ARABES (VERSIONS) 852
par les soins de MM. Lee, Fares et Jarrett, une edition ou tout au moins retouches sur cette version. C) Textes
de la Bible d'apres la Version anglaise autorisee ; mais traduits sur la version copte - memphitique, ou modifies
leur manuscrit fut ensuite revise sur les textes originaux. d'apres elle. D) Textes de recensions eclectiques faites
5 Voici enfin quelques editions qui ne peuvent pas au xme siecle dans le patriarcat d'Alexandrie. E) Textes
encore etre classees avec certitude : se distinguant par leur forme plus specialement litteraire.
A) Edition de toute la Bible faite a Bucharest, 1700, A ces cinq classes nous en ajouterons une sixieme, qui
par les soins du patriarche melehite d'Antioche. B) Le comprendra F) les versions arabes d'origine occidentale.
premier Psaume en copte et en arabe, avec traduction A) Textes traduits directement du grec. C'est au
latine par Petraeus, Leyde, 1663. G) Le Cantique des couvent de Saint-Sabas ou dans ses environs qu'il faut
cantiques en ethiopien et en arabe, avec traduction latine chercher les origines de la litterature arabo-chretienne ;
par Nisselius, a Leyde, 1656. D) Deux editions des car c'est la qu'ont ete trouves les plus anciens manuscrits
Psaumes, par la Propagande, Rome, 1744 et 1749, in-4. se rapportant a cette litterature. On voit par leur con-
E) L'edition faite par Carlyle pour la societe Biblique, tenu que la traduction des Evangiles fut un des premiers
Newcastle, 1811, in-4. F) L'edition protestante de soucis de I'eeole litteraire de Saint-Sabas; on la trouve
Londres, 1831, in-8. G) L'edition protestante de Van dans un grand nombre de manuscrits, dont quelques-uns
Dyck, Beyrouth, 18(55, in-8. (Cf. Journal of the Ame- sont les plus anciens representants de la litterature arabo-
rican oriental Society, t. xi, p. 276-86.) chretienne. La plupart de ces manuscrits sont encore au
Voir Bodiger, De origine et indole arabicae librorum couvent de Saint-Sabas, ou a celui de Sainte-Croix, a
V. T. historicorum interpretations libriII, Halle, 1829; Jerusalem. Plusieurs ont ete transported en Europe, no-
Pococke, Arabica versio Pentateuchi cum R. Saadiss tamment a Leipzig (mss. Tischendorf). Rome en possede
versione tarn quse in codd. mss. quam quan in Bibliis quelques-uns, dont deux (Vatic, arab., 13, vin e siecle, et
constantinopolitanis extat, collata. Prsefatio (dans la mus. Borg., k. n , 31, vme ou ixe siecle) sont les plus
Polygl. de "Walton, t. v ) ; Hottinger, Dissertatio hislorico- anciens que nous connaissions. On n'a pas de donnees
theologica de Heptaplis parisiensibus ex Pentateucho positives sur 1'origine de ces deux manuscrits, mais 1'exa-
instituta, in-4, Zurich, 1649; Schnurrer, De Penta- men de leur texte ne laisse aucun doute sur leur prove-
teucho arabico polyglotto, Tubingue, 1780; Disserta- nance. Le manuscrit du musee Borgia contient absolument
tiones philologico-criticse, Tubingue, 1790; Paulus, Com- le meme texte qu'un fragment (Matth., x, 19-xi, 4; xiv,
menlatio critica exhibens e biblioth. Oxon. Bodlejana 13-xv, 2) de lectionnaire de Leipzig, qui a ete apporte
specimina verss. Pentateuchi septem arabicarum non- de Saint-Sabas (cod. Tischendorf, xxxi, A ; cf. Tischen-
dum editarum, lena, 1789; Durell, The Hebrew text dorf, Anecdola, etc., p. 70, et Fleischer, dans la Zeit-
of the parallel prophecies of Jacob and Moses relating schrift der deutschen morgenldndischen Gesellschaft,
to the twelve tribes,... to which are added 1 the Sama- t. VIH, p. 586); ct le manuscrit du Vatican, pour etre
ritan Arabic version, etc., 1763; Hwiid, Specimen ine- paraphrastique, ne laisse pas que de se ratlacher a la
ditss versionis arabico - samaritanse- Pentateuchi e cod. meme famille. On a dit que ce dernier manuscrit venait
samaritano biblioth. Barberinse, in-8, Borne, 1780; d'Emese, en se fondant sans doute sur une certaine note
Van Vloten, Specimen philologicum continens descri- en vers grecs, inscrite au verso du dernier folio; mais
ptionem codicis ms. Lugduno-Batavse, partemque inde cette note n'est pas du meme copiste que le manuscrit.
excerptam versionis samaritano - arabicx Pentateuchi La version contenue dans les manuscrits provenant de
mosaici, in-4, Liege, 1803; Silv. de Sacy, Memoire sur Saint-Sabas a ete faite sur une version grecque de recen-
la version arabe des livres de Mo'ise, a I'usage des Sama- sion syro-antiochienne ou mixte. Elle est due a 1'initiative
ritains, et sur les manuscrits de cette version, dans les privee, et n'a jamais ete canoniquement approuvee. Le
Memoires de 1'Academic des inscriptions, t. XLIX , 1810; manuscrit Borgia, k. n, 31, dont nous avons deja parle,
White, Letter to the bishop of London, Oxford, 1779 la contient dans sa forme primitive. On la retrouve corrigce
(specialement pour les versions taites sur la version syro- au point de vue de la grammaire dans les manuscrits
hexaplaire); Doderlein, sur les versions des Psaumes, Borgia, k. n, 0, xie ou xn e siecle; Leyd., 2376, A. D. t
dans Eichhorn, Eepertorium, ne part., p. 151 et suiv.; 1179, et Leyd., 2377, A. D., 1331; et, sous le rapport du
ive part., p. 57 et suiv. style, dans les manuscrits Bodl., xv (catal. Nicoll), A. D.,
II. VERSIONS ARABES DU NOUVEAU TESTAMENT. Les 1564, et xxix (catal. Uri), A. D., 1256.
versions arabes des Evangiles nous etant (depuis quelques B) D'autres manuscrits assez anciens offrent des versions
annees surtout) beaucoup mieux connues que celles des qui suivent assez bien la Peschito; elles sont d'epoques
autres livres du Nouveau Testament, nous devrons traiter differentes. 1. La plus ancienne est celle d'un manuscrit
separement : 1 des versions des Evangiles; 2 des ver- Tischendorf, de Leipzig, que Gildemeister place entre 750
sions des Actes, des Epttres et de VApocalypse. et 850. Mais on ne saurait dire si cette version a ete faite
1 Versions arabes des Evangiles. Ce sujet a ete traite directement sur la Peschito, ou si elle a ete simplement
tout recemment dans un memoire de la Reale Accademia revisee sur elle. 2. Le Codex Vaticanus 13, contient
dei Lincei, 1888, par M. Ignace Guidi, Le traduzioni aussi quelques feuillets (1-15, 47-55) dont le texte suit ega-
degli Evangeli in arabo e in etiopico. En voici le resume. lement la Peschito. 3. La version du Diatessaron de
Les Evangiles furent peut-etre traduits en arabe avant Tatien, publiee par le P. Ciasca, a ete faite au xie siecle
Mahomet. Sprenger, Das Leben und die Lehre des Moham- par Ibn-at-Tayyib, dont nous avons parle, col. 849, a propos
mad, 3 in-8, "Berlin, 1861-1865, t. i, p. 131-132; cf. des versions de 1'Aneien Testament basees sur le syriaque;
Gildemeister, De Evang. in arabic., p. 35. D'apres un elle est fort diflerente de la version du manuscrit de
texte de Bar-Hebraus, une autre traduction aurait ete Leipzig. 4. Le merne Ibn-at-Tayyib, dans ses commen-
faite entre 631 et 649 de notre ere. Bar-Hebracus, Chronic, taires sur saint Matthieu, suit une traduction differente des
eccles., edit. Abbeloos et Lamy, t. i, p. 275; Assemani, deux premieres, et de celle meme de son Diatessaron,
Biblioth. orient., t. II, p. 335; cf. Gildemeister, De Evang. comme on peut le voir par 1'examen des deux manus-
in arable., p. 30, note 1. Mais ces premieres traductions crits, qui se trouvent 1'un au musee Borgia (Diatessaron),
ne constituent que des fails isoles et discutables. En 1'autre a Leyde (Comment., 2375). Enfin quelques
revanche, les manuscrits sont la pour nous attester que manuscrits, par exemple, Vatic, syr., 19 (A. D., 1426;
des le viii* siecle les versions arabes des Evangiles etaient cf. Guidi, ouvr. cit., p. 15, n. 2) et 197 (A. D., 1488),
deja assez communes chez les Chretiens de la Syrie. contiennent des versions syriennes d'origine, mais forte-
M. Guidi divise les textes des nombreux manuscrits des ment influencees par la recension alexandrine.
Evangiles en arabe en cinq classes. A) Textes traduits C) De meme que les Syriens accommoderent plusieurs
directement du grec. B) Textes traduits sur la Peschito, fois le texte grec a leur version nationale, ainsi les Copies
853 ARABES (VERSIONS) 854
I'adapterent a la version indigene, qui etait regardee manuscrit de Vienne, 1544). Erpenius croyait que sos
comme officielle dans le patriarcat d'Alexandrie, celle qui Evangiles avaient ete traduits du grec ; la n'est pourtant
etait en dialecte memphitique. Le magnifique Codex Vati- pas la difficulte, car le jugement d'Erpenius sur cette
canus copt., 9, est un representant de cette version copto- matiere est loin de valoir celui de M. Guidi. Mais il faut
arabe. observer que, d'apres Richard Simon, Histoire critique
D) Toutes ces versions etaient privees, aucune n'etait des versions du Nouveau Testament, ch. xvin, Erpenius
canoniquement reconnue; ce qui se comprend quand on transcrit, dans sa preface, une note de son manuscrit ainsi
rellechit qu'a 1'epoque a laquelle elles remontent, les concue : Absoluta est hujus libri descriptio die 16 mensis
langues anciennes etant encore suffisamment comprises Bauna? anni 988 martyrum justorum. Descriptus autem
des gens instruits, on ne voyait pas la necessite de sanc- est ex emendatissimo exemplari cujus descriptor ait se
tionner aucune des traductions que dcs personnes privees id descripsisse ex alio exemplari emendate exarato manu
avaient entreprises. Mais bientot ces traductions devinrent Joannis, episcopi cophtit*, qui Joannes dicit se suum
necessaires; on pensa alors a etablir canoniquement un descripsisse ex exemplari emendatissimo quod ediderat
texte qui devait etre la base de la lilurgie et de toute la D. Nesiulaman, F. Azalkefati. Si cette note est authen-
litterature ecclesiastique. Ge travail commenca d'abord tique , il s'ensuit clairement que le manuscrit Scaliger,
en Egypte, ou 1'arabe se repandit plus rapid ement a cause qu'a public Erpenius, est de 1'an 1272; que la version qu'il
de la disposition topographique du pays. On se basa pour contient est plus ancienne encore (beaucoup plus que
cela non seulement sur la version copte, mais encore sur ne le serait la deuxieme recension alexandrine, suivant
les versions canoniques grecques et syriaques, 1'influence M. Guidi), et enfin que le nom de 1'auteur de la recen-
des Melchites et des Nestoriens etant alors considerable sion vulgate d'Alexandrie est connu. Ces conclusions sont
dans le patriarcat d'Alexandrie. Ce travail fut entrepris acceptees par Assemani, dans son Catalogue de la Biblioth.
par Al-As'ad Abul-Faradj Ibn-al-'Assal, vers 1250. On Laurent. Palat. Medicis, p. 62, sur la foi de la preface
le trouve dans un manuscrit de Milan (Ambros., C. 47. Inf.) d'Erpenius. Scrivener, qui semble avoir ete mieux informe
date de 1280, et avec de legeres variantes dans le Vatic. encore, non seulement sur le livre d'Erpenius, mais aussi
ar., 610, le Vatic, copt., 10, le Leyd., 2374 (Scalig., 223) sur le manuscrit lui-meme, adopte les memes conclusions.
et les deux Bodl. (Uri) xxiv et xxv; mais, tandis que A plain introduction to the Criticism of the New Testa-
quelques-uns ont conserve Yapparatus criticus d'el-'Assal ment, 1883, p. 414. II est vrai que dans le meme ouvrage
(Ambros; et Bodl., xxiv), les autres n'ont que le texte. Tous de R. Simon, et precisement au meme endroit, on lit
sont du xiiie ou du xive siecle. Cette recension cessa une note qui recule presque d'un siecle la date de notre
bientot d'etre en vogue, sans doute parce qu'elle etait trop manuscrit; cette note, tiree du Catal. Biblioth. Lugd.
compliquee. Elle fut remplacee par une autre recension Batav., p. 279, est ainsi concue : Novum Testamentum
alexandrine, que Ton peut nommer la Vulgate. Celle-ci integrum scriptum in deserto sancto in monaster. D. Joan-
est basee sur 1'ancienne version canonique copte, telle quo nis, anno Diocl. 1059, i. e. Christi 1342. In Act., Epist. et
nous 1'avons dans le Cod. vatic, ar., 9. dont nous avons Apoc., accuratissime annotatse sunt (par Raphelenge,
deja parle, sinon sur ce manuscrit lui-meme. Cependant comme le dit Simon) variae lectiones in alio codice ms.
le gret et le syriaque furent aussi mis a profit, tant pour atque ex hoc exemplari suam Nov. Testam. editionem
completer la version copte, ians laquelle des mots avaient expressit Erpenius. Cette note me parait bien sus-
ete omis, que pour 1'eclaircir ou meme lacorriger. Pour pecte; elle est d'ailleurs en disaccord avec tout ce que
le travail de revision sur le syriaque, on se servit des com- j'ai pu recueillir de renseignements sur le manuscrit
mentaires d'Ibn-at-Tayyib. II en resulta un texte clair, d'Erpenius. Est-elle reellement de Rich. Simon? Nous
coulant, tenant suffisamment compte des trois versions nous en remettons a M. Guidi pour une reponse satisfai-
canoniques en usage, et suffisamment correct. Cette edi- sante. Cf. Michaelis, Introduction to the New Testam.,
tion est la seule qui ait ete imprimee. edit. Marsch, notes to chapt. vn, sect. xvi.
a) Manuscrits. Les manuscrits en sont nombreux A cote de 1'edition de 1616, il faut citer celle de Londres,
et de deux differentes origines : les uns, les plus nom- 1829, qui n'en est qu'une reimpression, et les deux edi-
breux , venant d'Egypte, et les autres venant de Syrie. Ces tions de Rome, 1671, et de Londres, 1820, dont nous
derniers ont naturellement de temps en temps quelques- avons deja parle a propos des versions de 1'Ancien Tes-
unes des variantes caracteristiques des versions d'origine tament. A la meme classe appartient aussi 1'edition faite
syrienne. Voici 1'indication des principaux manuscrits par P. de Lagarde, en 1864, d'apres le manuscrit 1544 de
d'origine egyptienne. Oxford, biblioth. Bodl. (catalogue Vienne. Parmi les editions de la meme version faites
d'Uri), codd. 23 [de 1326]; 22; 31 (?); 32 [de 1478]. sur des exemplaires d'origine syrienne, il faut nommer
Brit. Museum, arab., 12 [de 1337]. Vatic, arab., 15 au premier rang : 1. L'edition de Rome de 1591, rcpro-
[de 1328]; copte, 11 et 8. Vienne, 1544 et 1545. Saint- duite plusieurs fois sans modifications dans le texte.
Pttersbourg, Mus. asiat., 3. Leyde, 2370, 2371, 2373, 2. Celle de 1645, dans la Polyglotte de Le Jay, par Gabr.
2379. Paris, Bibliotheque nationale, manuscrit arabe, 51. Sionite. L'editeur s'est servi d'un exemplaire de 1'edition
Ce dernier manuscrit avait ete, semble-t-il, copie sur de Rome, en se contentant d'en purifier le style. Get
un autre manuscrit dont un folio a ete conserve dans la exemplaire appartint d'abord a Seguier, puis a Picques.
copie; ce folio porte la date 1037 des martyrs. Le manus- 3. Celle de Londres, simple reimpression de celle de
crit auquel il appartenait serait done de 1321, ce qui est Le Jay. 4. Celle de Rome, 1703, en carchouni, d'apres
important a noter pour determiner la date de la seconde un manuscrit de Chypre (college des Maronites, a Rome,
recension alexandrine. ParmL les manuscrits d'origine n 49), et celle de 1824, Paris, reimpression de celle
syrienne, M. Guidi mentionne le Vatic, syr., 407 [de 1476]; de 1703. L'edition melchite d'Alep, 1706, a du etre faite
le mus. Borg., k. vm, 2; le n 49 du college des Maro- sur des exemplaires de la meme version; mais je ne sau-
nites. rais dire si elle a ete influencee par les exemplaires ordi-
b) Editions. On les divise en deux classes, suivant naires de Syrie.
qu'elles ont ete faites sur des manuscrits d'origine egyp- E) Parmi les manuscrits qui se distinguent par leur
tienne ou sur des manuscrits de provenance syrienne. forrne plus specialement litteraire, il faut citer celui de
D'apres M. Guidi, il faut compter parmi les editions de la Leyde, 2348, et ceux du Vatican, codd. arab., 17 et!8. Ces
recension alexandrine, origine egyptienne, celle d'Erpe- deux derniers sont de la fin du xe siecle. Tous les trois
nius: Novum Testanienlnm arabice, cura T/tomae Erpenii, contiennent le meme texte. C'est une version en prose
Leyde, 1616, in-4 (d'apres un manuscrit qu'il tenait de rimee. M. Guidi croit que son auteur etait un des mede-
Scaliger, et qui est maintenant a 1'universite de Cam- cins ou philosophes syriens qui fieurirent sous les Califes,
bridge, Gg. v, 33), et celle de P. de Lagarde (d'apres le au ixe ou xe siecle. Une autre version du meme genro
855 ARABES (VERSIONS) ARABIE 856
e
fut faite en Syrie par 'AbhdiSo, metropolitain de Nisibe Je me contenterai de citer ainsi un manuscrit du ix siecle,
({ 1318). Cette version est mentionnee dans le manuscrit conserve a Leipzig. Cf. Tischendorf, Anecdota, Leipzig,
arabe 58 de la Bibliotheque nationale. (Voir de Slane, Cata- 1861, p. 13. Les Actes, les Epitres et 1'Apocalypse se
logue, p. 13.) Elle a servi de base a .une autre version lit- trouvent: 1. dans 1'edition d'Erpenius, Leyde, 1616, que
teraire faite par un Maronite, Ja'qub ad-Dibsi, en 1691. nous avons deja citee plusieurs fois, et dans la reimpres-
Elle se trouve dans le manuscrit arabe 58, dont nous venons sion de Londres, 1829; 2. dans les Polyglottes de Paris
de parler, et, dit-on, aussi dans un manuscrit qui est a et de Londres; 3. dans 1'edition carchouni de Rome.
Alep. Cette derniere version n'est pas rimee. Une autre 1703, et dans sa reimpression, Paris, 1824; 4. dans
version litteraire se trouve dans trois manuscrits, deux 1'edition complete de Rome, 1671, et sa reimpression a
d'Oxford, Bodl., xv et xxix, et un de Milan, Ambros. Londres, 1820. Ont ete publies separement les livres
E. 95, sup. Elle se rapproche de la version des mss. Borg., suivants: 1. Les Actes des Apotres, par D.-J.-H. Callen-
k. n, 6; Leyde, 2376 et 2377; Vatic, ar., 467, dont nous berg, Halle, 1742. 2. L'Epitre aux Romains, par Erpe-
avons deja parle plus haut (A.). Cette version remonte nius, Leyde, 1616. 3. La meme, par Callenberg, Halle,
au moins au xme siecle, le Cod. bodl. xxix etant de 1741. 4. L'Epitre aux Hebreux, par le meme, Halle,
1'an 1256. 1742. (Les editions da Callenberg ne sont que des reim-
F) Nous traiterons ici de deux versions tres differentes pressions de la Pplyglotte de Londres.) 5. L'Epitre aux
de toutes les autres, qui se trouvent dans deux manus- Galates, d'apres un manuscrit d'Heidelberg, Heidelberg,
crits, Londres, Brit. Museum, xm, et Munich, 238. Ce 1583. 6. L'Epitre a Tite, avec traduction latine inter-
dernier a ete copie sur un manuscrit de 1'an 1145. La lineaire par Jean Antonidas, 1612. 7. Les Epitres des
version qu'il contient se trouve aussi dans un manuscrit saints Jacques, Jean et Jude, en arabe, ethiopien et latin,
des archives de la cathedrale de Leon. Une note qui se par Nisselius et Petraus, Leyde, 1654. 8. Les Epitres de
lit dans le manuscrit de Londres et dans celui de Munich saint Jean, par Raphelenge, Leyde, 1612. 9. L'Epitre
dit que cette traduction fut faite, en 9i6, par Isaac de saint Jacques, avec traduction latine par Nicolas Pane-
Velasquez de Cordoue. Ces manuscrits sont ecrits en cius, Wittenberg, 1694. 10. Les Epitres de saint Jean,
caracteres maugrebins; ils contiennent 1'introduction aux par Jonas Hambrseus, in-16, Paris, 1630. It. L'Epitre
Evangiles dite de saint Jerome, les chapitres sont divises de saint Jude, d'apres un ancien manuscrit d'Heidelberg,
plus a 1'occidentale qu'a 1'orientale. Comme le remarque in-f, Breslau, 1630.
M. Guidi, ce groupe de manuscrits fait penser a la ver- Voici erifin quelques autres editions faites par les soins
sion de Jean de Seville, dont nous avons deja parle, et des societes bibliques protestantes. 1. Tout le Nouveau
qui etait, dit-on, traduite de la Vulgate. M. Guidi observe Testament, traduit par Sabat, revu par Thomason, Cal-
que la version des trois manuscrits en question semble cutta, 1816. Reimprime a Londres en 1825, sous la direc-
se rapprocher plus de 1'Italique que de notre Vulgate. tion de Lee, et a Calcutta, 1826, sous celle de Thomason.
Nous devons ici dire un mot des differentes hypotheses 2. Le Nouveau Testament publie par Salomon Negri,
que Ton a emises sur 1'origine de 1'edition princeps des aux frais de la Society for promoting Christian know-
Evangiles, publiee a Rome en 1591. Richard Simon, sans ledge. C'est une reimpression de la Polyglotte de Londres,
la critiquer aussi vivement que 1'edition de 1671, observe avec modifications par 1'editeur; Londres, 1827. Enfin
qu'elle a ete retouchee en quelques endroits sur notre on trouvera encore le Nouveau Testament dans les edi-
edition latine . Davidson, A treatise on biblical criticism, tions completes de la Bible, catholiques ou protestantes,
t. n, p. 222, bannit avec dedain du domaine de la critique dont nous avons parle a propos de FAncien Testament.
cette edition faite sur la Vulgate . II ne fait d'ailleurs Voir Storr, De Evangeliis arabicis, Tubingue, 1775;
pas plus de cas de 1'edition d'Erpenius, qui n'est, dit-il, Gildemeister, De Evangeliis in arabicum e simplici
que la reimpression de la meme version d'apres un ma- syriaca translates, Bonn, 1865; Richard Simon, Histoire
nuscrit de Leyde (!). D'un autre cote, Juynboll, dans sa critique des versions du Nouveau Testament, chap, xvm;
description d'un manuscrit arabe de Franeker (publiee Ilolzmann, Lehrbucli der histor. kritischen Einleit. in
en 1838), a remarque que ce manuscrit suit 1'edition das Neue Testament, Fribourg-en-Brisgau, 1886.
de 1591, et que 1'un et 1'autre etaient conformes a la Vul- H. HYVERNA.T.
gate, en sorte qu'on ne saurait accuser 1'editeur Raimondi ARABIE (hebreu : 317, an?, 'drab, 'drab), pays situe
d'avoir retouche la version arabe sur la Vulgate, le ma- a Test et au sud-est de la Palestine, et compose en grande
nuscrit dont il s'est servi pouvant etre du meme genre partie de deserts parsemes de petites oasis plus ou moins
que celui de Franeker. Juynboll identifie ensuite son
manuscrit et 1'edition princeps avec la version de Jean fertiles. L'etymologic de ce nom est incertaine. On ne sau-
rait guere penser a an?, *dreb, doux, agreable; mais
de Seville. Ce dernier point fut conteste par Gildemeister,
dans ses communications a Tischendorf. (Tischendorf, plutot a "an?, 'ardbdh, pays plat, plaine deserte. Ce
Novum Testamentum grsece, edit, de 1859, Proleg., nom geographique ne figure dans aucun livre biblique
p. ccxxxix.) Quoi qu'il en soit, il ne serait pas impos- anterieur au vine siecle avant J.-C. La premiere mention
sible que le manuscrit de Franeker appartint a la meme en est faite dans Isaie, xxi, 13; celle de 1'adjectif >an?,
famille que ceux de Londres, de Munich et de Leon; et
ces trois derniers prouvent bien qu'il y a eu au moins 'ardbi, Arabe, se trouve pour la premiere fois dans
une version arabe faite en Espagne sur un texte latin. Isaie, xm, 20, avec le sens d' habitant du desert et
2 Versions arabes des Actes, des Epitres et de de nomade . Dans les annales assyriennes, on cons-
I'Apocalypse. On n'a pas encore suffisamment etudie tate le meme sens pour Aribi ou Aribda; un chef arabe
1'histoire des versions de cette partie du Nouveau Tes- du nom de Gindibu a combattu avec beaucoup d'autres
tament, on se contente de dire d'une maniere un peu rois syriens centre Theglathphalasar II a la bataille de
vague qu'elles sont derivees du syriaque. Mais il est bien Qarqar, dans FHamathene.
probable qu'une etude judicieuse des manuscrits conserves I. GEOGRAPHIE. L'Arabie de 1'epoque biblique et
dans les differentes bibliotheques d'Europe conduirait a assyro-babylonienne ne comprenait ni la peninsule sinai-
des resultats analogues a ceux auxquels M. Guidi est arrive tique, appelee plus tard Arable Petree, ni la plus grande
pour les Evangiles. Les Actes des Apotres et les Epitres, partie de la peninsule arabique que les geographes grecs
celles de saint Paul surtout, etaient trop lues dans les ont nommee Arabie heureuse. Cette derniere contree
Eglises d'Egypte et de Syrie pour que des traduclions porte dans la Genese le nom general de pays de Kousch ,
privees ou canoniques n'en aient pas ete faites a plu- c'est-a-dire d'Ethiopie, nom qui s'est transmis aux Grecs,
sieurs reprises. On trouvera 1'indication des manuscrits lesquels appliquent egalement a 1'Arabie heureuse la di'-no-
a utiliser dans les catalogues des grandes bibliotheques. mination d'Ethiopie orientale. L'Arabie biblique, au sens
857 ARABIE 853
le plus vaste, etait done limitee au sud par le Hedjaz acluel, grande partie de 1'annee ; il forme parallele a celui du
a 1'ouest par la Palestine transjordariique, la Damascene Liban (pizb), qui a le meme sens. Jusqu'aux derniers
et 1'Hamathene, a Test par les solitudes du desert syrien, temps, on placait dans cette province I'Alsadamus mons
Arable deserle des geographes classiques; mais il est de Ptolemee; mais, en realite, la forme plus exacte Asal-
impossible d'en fixer les limites du cote du nord et de 1'est, manus , donnee par un manuscrit, repond a 1'hebreu
et de decider d'une part, si elles depassaient 1'Euphrate, fiabsn, qui est une des denominations du mont Hermon.
de 1'autre, si elles englobaient le temtoire de Palmyre.
La ville de Chanath, rup, conquise par les ills de Machir,
Num., xxxu, 42, est la Canatha des Grecs, aujourd'hui
Qanawdt. La paraphrase chalda'ique mentionne la ville
de fins, la Motha de Ptolemee (aujourd'hui Imtan),
qu'elle confond a tort avec le Basan , ftf a , des Hebreux ,
qui est la Bathanee.
Rohob (s'rn, Rehob), largeur. Un chef de cette
contree a fourni une troupe d'auxiliaires aux Ammonites
contre David, II Sam. (II Reg.), x, 6. II se peut que ce
soitl'ancien nom de 1'oasis de Saffa, dans laquelle Ptolemee
semble placer les Paag-^voc , et qui porte le nom de mm
dans les inscriptions que MM. de Vogue et Waddington y
out de'couvertes. La possibilite d'entendre sous ce nom la
ville galileenne de Rohob mentiohnee dans Jos., xix, 28,
parait beaucoup moins vraisemblable.
Tab (siiD, Tob), bon. Les troupes d'un chef de ce
pays (aio W>N) ont pris part a la bataille dont il vient
d'etre question et ont combattu dans les rangs des ennernis
de David. II Sam. (II Reg.), x, 6. A 1'epoque des Juges,
Jephte, chasse par ses freres, se refugie dans le pays de
Tob. Jud., xi, 3, 5. C'est probablement le district dans
lequel se voit actuellement la ruine nommee et-Tdibe, a
peu pres a moitie chemin entre Der'at ou Edre'at (Edrai)
etBopra. Dans I Mach., v, 13, 1'expression pays
de Tob est devenu pays de Tobie ; Vulgate : Tubin.
Sdcha (nsbo, Salkah), ville d'Og, roi de Basan. Deut.,
in, 10. On 1'identifie ordinairement avec la ville de Salchat,
tout pres de laquelle passait, a 1'epoque romaine, la limite
de 1'Auranite et de la Nabatene; et comme les divisions
territoriales changent peu dans ce pays, il y a presomption
que c'etait aussi le cas dans 1'antiquite. Cependarit 1'ortho-
graphe hebraique robo , que 1'aspiration du D semble
caracteriser comme une forme contractee de Sallakliat,
differe considerablement du nom nabateen inbss, qui a
produit la forme arabe irnx, Carkhad. II faut done sup-
poser que la forme nabateenne repose sur une etymologie
populaire, determinee par la forte position de la citadelle,
-tn~b2: = "m-y'"js (= D), rocher pointu (?).
Bostra ou Bosora (sisa), ville considerable et colonie
romaine, situee a moitie chemin entre fayibe (=;TD)
et Salkhat. Elle n'est mentionnee que dans le premier
livre des Machabees, v, 26 (Bosor). Judas Machabee de-
L.ThuiUier, delV truisit la ville et delivra les Israelites qui y etaient assieges
205. Carte d'Arable. par Timothee, chef des Ammonites. L'antiquite de celte
localite est attestee par son nom, qui signifie forteresse
en hebreu, et ne peut pas s'expliquer par 1'arameen.
Au sens plus etroit, 1'Arabic biblique comprenait la pro- Depuis le sud de la Moabitide jusqu'au golfe A'Akaba,
vince actuelle du Hauran, au sud-est de Damas, avec les on ne connait aucun nom de localite. Les stations du
oasis adjacentes, 1'Arabia prima de 1'epoque romaine et desert mentionnees dans les Nombres, xxxm, 41-44,
YArabaya des inscriptions achemenides. L'unite geogra- ne peuvent guere etre determinees, et on ignore meme
phique de cette province remonte a une haute antiquite. si elles se trouvaient a 1'est ou a 1'ouest de 1'Idumee.
A 1'epoque patriarcale (vers 1900 avant J.-C.), les peuplades A partir du golfe d'Akaba , les noms de territoire
ismaelites qui 1'habitaient transportaient en Egypte les deviennent plus frequents dans la Bible. A 1'entree de ce
plantes aromatiques qui croissaient sur les montagnes du golfe, nous rencontrons depuis une haute antiquite deux
Galaad du nord. Gen., xxxvn, 25. villes voisines 1'une de 1'autre : Elath (nbs, 'Elat), et
Des divers territories arabes qui sont mentionnes dans
la Bible, nous ne pouvons identifier avec plus ou moins Asiongaber, > 'Esyion Gdber). La premiere devait
de vraisemblance que les noms suivants, en procedant du son nom a une foret de chenes ou de terebinthes qui
nord au sud : se trouvait dans son voisinage , et qui fournissait le bois
Auran (pin, Havrdn), blanc, c'est la province prin- necessaire a la construction des navires, ce qui donnait
cipale de 1'Arabie biblique. Le nom semble du aux neiges un grand prix a sa possession; la seconde formait un bon
qui couvrent les sommets des montagnes pendant une port abrite contre les tempetes. Elles appai tenaient uomi-
ARABIE 8GO
nalement aux Idumeens, mais paraissent avoir souvent ou Ptolemee, VI, vn, 2, signale une ville du nom de Mo-
joui d'une grande independance et forme une sorte de diana, ville connue aussi des geographes arabes. Dans
territoire libre et ouvert a toutes les tribus du desert. Les ces derniers temps, le capitaine Burton a decouvert dans
Hebreux, n'ayant pu obtenir libre passage a travers le ce territoire d'anciennes mines exploiters par les Remains.
mont Seir ou I'ldumee propre, sortirent de 1'Arabie Jesboc (p3vr>, Ysbdq , 'leo-Seox); ce pays, reste inconnu
Petree, pres des villes que je viens de nommcr, sans avoir pendant longtemps, parait dans les annales de Salma-
ete molestes par les Idumeens. Deut., n, 8. Get etat de nasar II, qui raconte avoir fait prisonnier le chef Bura-
liberte relative du territoire littoral du golfe a 1'egard nate de Yasbouqa, dans la bataille livree au roi de Patin,
du royaume edomite explique en meme temps la facilite pres de 1'Oronte inferieur. Selon toutes les vraisemblances,
avec laquelle certaines tribus de 1'Arabie Petree, comme le territoire de Ysbdq etait situe non loin de 1'Eu-
les Madianites et les Amalecites, quittaient leurs patu- phrate.
rages pour entreprendre des razzias dans la Moabitide et
dans la Palestine transjordanique, et meme devaster la Sue (rw, Suali, Sonl, Sour/^?) est souvent mentionne,
Palestine occidentale, apres avoir traverse le Jourdain. dans les annales assyriennes, sous le nom de Suhu. II
Gen., xxxvi, 35; Jud., vi, 3; vn, 24. etait situe sur 1'Euphrate, pres de 1'embouchure du Balih.
La Genese, xxv, 1-4; 12-16, divise les habitants de La situation si eloignee de 1'habitation de cette tribu vers
ce pays en deux families distinctes, quoique etroitement le nord n'etonne pas, quand on sait que les Itureens, et
apparentees, les Ismaelites et les Cetureens; ces deux plus tard les Nabateens, ont aussi pousse leurs peregrina-
peuples sont d'origine abrahamide , et par consequent tions tres loin au nord. Ces derniers ont meme constitue
issus du meme pere que les Israelites, mais non pas de le royaume d'Edesse, et au commencement des conquetes
la meme mere, et ils se sont melanges avec les autres de 1'islamisme les Ghassanides du Gaulan ont emigre en
races. Asie Mineure. Neanmoins une localite du nom de nw a
Les Cetureens (miiop >J3) doivent leur nom a la femme du exister en Arabie, dans le voisinage de Themd, Job,
libre (rrow) qu'Abraham epousa apres la mort de Sara. n, 11, localite qui formait le point de depart des Suhites
euphratiques.
Les auteurs arabes nomment une tribu Qatura, qui habi- Parmi les peuplades issues de Jecsan, celles que 1'au-
tait avec les Gurhum, dans la contree de la Mecque; mais teur de la genealogie cetureenne nomme Assurim, Latu-
1'exactitude de cette donnee semble bien douteuse. sim et Loomim, nni7N, n^'-isS et n>SNb, ne peuvent
Zommn(pnT, Zojj.6pav, ZejiSpajx) rappelle les Zama-
plus etre identifiees, car les noms analogues que Ton ren-
reni de Pline, H. N., vi, 32, et aussi Za6pa;j(,, la capitale contre dans les legendes musulmanes sont empruntes a
des Cinedocolpites, Ptolemee, VI, vn, 5; mais 1'ortho- la Bible; mais on trouve dans les inscriptions nabateennes
graphe de ce dernier nom est incertaine; on le trouve les noms d'homme TIWN et wiob, dont le premier du
souvent ecrit Zaapajj.. Si le royaume de Zimri (Zambri) moins est sans aucun doute anterieur a 1'epoque perse,
mentionne dans Jeremie, xxv, 25, appartenait a 1'Arabie, pendant laquelle la chuintante s'etait deja changee en n
le rapprochement avec la capitale que je viens de citer dans les dialectes arameens, ou 1'on prononcait mnN pour
gagnerait en vraisemblance. ITON. Le rapprochement des Leummim et des Bendu Ldm
Jecsan (ffpS Yoqsdn, 'Ieav), inconnu. La tribu de arabes est inadmissible.
Ydqis , que les genealogistes arabes placent dans le Yemen, Les deux autres peuplades jecsanites Saba et Dadan,
parait etre d'origine biblique. *cii7 et fn , reviennent dans la liste des peuples de 1'Arabie
Madan (n a > Meddn, MaSaX), Gen., xxv, 2; ce nom meridionale. Gen., x, 7. Cette circonstance fait voir que
ne reparait que dans la Genese , xxxvn , 36 , comme Fauteur admet 1'emigration d'une partie de ces tribus cou-
equivalent a celui de Midydn (Madian); c'etait une schites vers le nord et le melange des Ismaelites avec ces
branche de cette derniere peuplade. Le geographe arabe emigrants. Des faits de cette nature se passent continuelle-
Yaqut mentionne un Ouadi Meddn pres de Deddn, et ment en Arabie : des tribus du sud , poussees par leurs
une idole gurhumite porte aussi le nom de Madan. voisins ou par la famine, se transportent loin au nord,
Madian (jna, Midydn, M8iav) ; c'est le peuple le plus et des tribus septentrionales s'en vont jusqu'a 1'extreme
sud de la peninsule. Les recents voyages de MM. Doughty,
connu des Cetureens, qui fut tres puissant jusqu'a la fin Euting et Huber, nous ont fait connaitre 1'existence d'une
de 1'epoque des Juges. II habilait primitivement, a ce riche colonie sabeo-mineenne etablie a el -'Ola, un peu
qu'il parait, les parages occidentaux du golfe d'Akaba, au sud de la ville nabateenne d'el-Higr ou Egra. Les
non loin du mont Sinai. Exod., n, 15. Des caravanes ma- inscriptions mineennes montrent que la colonie est restee
dianites allaient chercher en Galaad des essences aroma- en rapport avec la mere patrie et sous la dependence de
nques qu'elles transportaient en Egypte. Gen., xxxvn, son gouvernement. Tel a du etre aussi le cas aux epoques
25, 28. Apres la sortie des Israelites <f Egypte, les Madia- plus anciennes. Le Saba septentrional est mentionne dans
nites semblent etre rernontes vers le nord et avoir eu les textes de Theglathphalasar Ier et de Sargon, au milieu
Fintention de s'emparer de I'ldumee, mais sans pouvoir y d'autres territoires arabes conquis par ces rois. Le dernier
reussir. Chasses de ce dernier pays par le roi Adad, ils recut le tribut d'lt'amara le Sabeen , nom qui se ren-
furent poursuivis jusque dans la plaine moabite, et y contre, dans les inscriptions de 1'Arabie meridionale, sous
subirent une grande defaite. Gen., xxxvi, 35. De la ils la forme nrxyn>, comme un nom royal; il est cependant
passerent dans la Moabitide, ou les Israelites les trouverent difficile de faire de ce roi un contemporain de Sargon ,
comme allies de Balac, roi de Moab, leur adversaire, et par cette simple raison que le It'amara auquel fait allu-
leur iniligerent une terrible defaite, dans laquelle les sion le monarque assyrien ne porte pas le litre royal. II
Madianites perdirent plusieurs de leurs chefs. Num., xxn, faut done se contenter de savoir que les textes assyriens,
4; xxxi, 2-12. Au temps des Juges, ils sejournaient sur comme la Genese, attestent 1'existence d'un Saba septen-
les paturages du Hauran, et se sentaient assez forts pour trional , cf. Job, 1 , 15, et par consequent que la reine de
soumettre la Palestine du nord, avec le secours des Ama- Saba qui se rendit aupres de Salomon n'etait pas de ce pays,
lecites et d'autres tribus du desert; mais la vigoureuse mais de la Sabee meridionale, conformement a 1'opinion
resistance de Gedeon brisa definitivement leur force, Jud., generale. Cette derniere contree etait renommee dans
vin, 28, et depuis ce temps on ne les cite que comme de toute 1'antiquite pour sa richesse en essences aromatiques,
riches marchands de betail. Is., LX, 6. A 1'epoque de comme pour ses mines d'or. Quant a la question de savoir
la dynastie perse, les Madianites etaient deja redescendus si le Saba du nord etait un territoire ou seulement une
dans le sud ; mais sur la rive orientale du golfe d'Akaba, ville, elle est resolue par les textes assyriens, qui ecrivent
8G1 ADABIE
tantot er Saba, ville de Saba, tantot mat Saba, pays Nabaloth (hb:, Nebdyot, NaoatwQ) represente la nation
de Saba; la ville de ce nom etait done la capitale d'un considerable des Nabateens, qui, a partir de 1'epoque
territoire assez considerable. II me parait assez vraisem- perse, formerent un puissant royaume dont la capitale
blable que la ville d'el-'Ola, qui a fourni aux voyageurs etait la ville celebre de Petra, 1'ancienne residence des rois
modernes de nombreuses inscriptions appartenant aux idumeens, dont est tiree la denomination d'Arabie Petree.
trafiquants verius du sud, represente sinon la capitale de Jusqu'au temps de Nabuchodonosor, ils habitaient sur les
la Sabee septentrionale elle-meme, du moins une des
villes qui faisaient partie de son territoire. A cette hypo- limites du Hedjaz, et leur ville principale etait i;n ou
these, il n'y a qu'une seule objection serieuse, c'est qu'a Egra. Les voyageurs recents y ont decouvert un grand
1'epoque ou les inscriptions meridionales furent gravees, nombre d'inscriptions fuaeraires, dont quelques-unes sont
la ville d'el-'Ola etait la capitale d'un royaume indigene anterieures a 1'ere chretienne. En 169 avant J.-C., le grand
des Libyan, les Lechieni de Pline. Cependant cette diffi- pretre renegat Jason se refugia aupres d'Aretas ( n n i n ) Ier,
culte peut bien n'etre qu'apparente : d'abord la formation roi des Nabateens, II Mach., v, 8, el deja, en 312, les
du royaume lihyanite peut avoir eu lieu a une epoque Nabateens furent assez forts pour repousser 1'attaque
plus tardive, par exemple apres 1'expedition de Nabucho- d'un detachement grec conduit par Athenee, un general
donosor en Arabic, qui parait avoir amene un grand bou- d'Alexandre, et le succes remporte sur eux par Deme-
leversement dans 1'ancienne situation des tribus a Fegard trius fut peu decisif. Diodore. xix, 94-100; Plutarque,
les unes des autres ; ensuite 1'auleur de la genealogie Demetr., vii.
cetureenne a pu regarder les Libyan eux - memes, en Le nom national des Nabateens est, dans les inscrip-
admettant que cette tribu ait existe de son temps, comme tions et les legendes monetaires des rois de Petra, via:,
un melange de Cetureens et de Sabeens, dans lequel ce avec un 12, t; mais 1'orthographe hebraique est confirmee
dernier element formait la majorite. L'idee que la ville par les textes assyriens, qui ecrivent Nabaydta. On a
d'el-'Ola serait une localite de 1'ancienne Sabee septentrio- longtemps discute la question de savoir si les Nabateens
nale peut done se defendre provisoirement, jusqu'a ce etaient Arabes ou Arameens; la premiere opinion est sou-
que de nouvelles decouvertes viennent nous apporter la tenue par des savants tres competents, je crois cependant
vraie solution du probleme. avoir prouve que la seconde alternative etait beaucoup
Dadan (p^r, Dedan, AaSav, Aeoav, AatSav) est la ruine plus vraisemblable. La langue des inscriptions, loin de
Dalddn, situee dans le Hedjaz septentrional, a Test de montrer une uniformite et une stabilite qui distinguent
Teimd et au sud-est d'A'ila, aux coriiins du royaume edo- les langues litteraires, differe considerablement de 1'ara-
mite. Ezech., xxv, 13. Les Dadan livraient des tapis precieux meen du nord, tel qu'il se presente dans les inscriptions
au marche de Tyr. Ezech., xxvn, 20. Ils etaient originaires de Palmyre, et dont la forme la plus ancienne nous a ele
du sud, et voila pourquoi ils figurent dans la liste des conservee dans 1'inscription de Teima. La masse enorme
peuples couschites dans la Genese, x, 7; et cette donnee de courtes inscriptions ne contenant que des noms propres,
est confirmee par la presence du nom pT dans les ins- et qui ont visiblement pour auteurs les classes les moins
criptions sabeennes. instruites de la nation, serait inexplicable, si Ton y voit
Des peuplades issues de Madian, on peut identifier les 1'usage d'une langue etrangere et savante. Enfin le deve-
suiyantes : loppement de 1'ecriture nabateenne, si different de celui
Epha (nsy, 'Efdh, Fecpap, Fai^a) est mentionne dans que nous constatons chez les autres peuples arameens,
fait bien supposer un usage tres prolonge de cette ecriture,
Isa'ie, LX, 6, comme une tribu commerciale, riche en cha-
et par consequent aussi de la langue qu'elle exprime.
meaux, et transportant de Saba Tor et 1'encens. Les textes
On objecte, il est vrai, qu'un grand nombre de noms
assyriens la mentionnent sous la forme Hayapda, et
propres nabateens sont d'origine arabe; mais cela prou-
Jes inscriptions du Saba presentent nsv comme uri nom
verait seulement que les populations de race arabe exer-
d'homme.
caient deja a cette epoque une puissante influence sur
Opher ("isv, lEfer, 'Acpstp) peut etre la localite de 'Ofr,
leurs voisins arameens; ne voit-on pas les noms propres
que les geographes arabes placent entre la Sarrat ou islarniques portes par des personnes qui ne sont pas de
montagne du Tihdma et Abdn. race arabe ? Mais en realite, quelle que soit leur origine,
Henoch (^in, Hdnok, 'Evw^), assez probablement a les noms propres nabateens se distinguent par la termi-
identifier avec la ville de Hanakia, a trois journees au naison u ( i ) , qui n'existe pas dans les dialectes arabes
nord de Medine. On a fait remarquer que les noms 'Epha, voisins; il y a done ici une formation specialement naba-
'Epher et Hanok, se retrouvent comme noms de famille teenne.
dans les tribus de Juda, de Manasse transjordanique et Cedar (~np, Qeddr, KrjocJp) est mentionne a cote des
de Ruben, et on en a conclu que plusieurs families madia- Nabateens, aussi bien dans la Bible (cf. Is., LX, 7) que
nites se sont jointes aux Hebreux. Cette conclusion est dans les inscriptions assyriennes. Ils habitaient dans des
bien vraisemblable, quand on se rappelle que Moise etait tentes noires, Cant., i, 5, et des villages depourvus de
allie a une famille sacerdotale dq Madian. Exod., in, 1. murailles; ils possedaient de riches troupeaux de betail
II y a meme lieu de penser que le m 317, 'ereb rob, qui et de chameaux, dont ils faisaient un commerce lucratif.
se joignit aux enfants d'Israel a leur sortie d'Egypte n'etait Ezech., xxvii, 21. Ils sont toujours restes les allies fideles
pas simplement une grande cohue mixte (ETU'IAIXTG? rcoXv;, des Nabateens; meme aux derniers temps de 1'existence
vulgus promiscuum innumerabile) , mais une grande du royaume nabateen, les Cedrei etaient inseparables des
multitude d'Arabes , dans laquelle les Madianites etaient Nabatsei. Pline, H. N., v, 12. Cette circonstance donne a
en majorite. Les rapports amicaux entre les Hebreux et penser que dans la formule si frequente dans les inscrip-
les Madianites datent, dans tous les cas, de la premiere ! tions nabateennes, iarcn irnj ann, interdit des Nabateens .
periode du sejour dans le desert; plus tard, les rivalries ! et des Salamiens, le second nom ethnique est un rem-
et les questions d'interet ont provoque une haine impla- ! placant moderne de 1'ancien nom de Qeddr. Etienne de
cable entre ces deux peuples abrahamides. Byzance explique le nom de Sz/a[juoi par hommes de
Les noms ethniques Abida (yp3N, 'Abldd') et Eldaa paix (= xar,?), et ajoute ces mots : On les appelle ainsi
(nT^bs, 'Eldd'dh) sont inconnus. parce qu'ils se sont rallies aux Nabateens (aub toO E'VOTIOV-
oot yeveaeat rote NaSarasoi;). Les Targums rendent
La serie des peuplades ismaelites semble se derouler
1'hebreu >:>p, Num., Qeni, xxiv, 2, par nso'rj, saldm'dh,
dans un ordre plus strict, procedant du sud au nord.
Gen., xxv, 13-15. Salamiens.
863 ARABIE 864
Adbeel (bxsTN, 'Adbe'el, NaSSsy)).); cette tribu est men- Outre les noms cetureens et ismaelites enumeres dans
tionnee dans les inscriptions de Teglathphalasar II, sous la Genese, il y en a un certain nombre qui figurent dans
le nom deldibai'li. Apres leur soumission, le roi assyrien les autres ecrits bibliques, et que les dernieres recherches
leur confia la surveillance des tribus voisines de 1'Egypte. permettent de determiner avec quelque apparence de pro-
Les deux tribus suivantes, Mabsam (atza, Mibsdm, babilite :
Asor (-I'sn, Hdsor); le royaume de ce nom a ete defait
Mastfiu.) et Masma (rzvv, Misma1, Maajju'a), sont in-
par Nabuchodonosor en meme temps que les Cedar. Jer.,
connues; mais ces noms reviennent dans deux families XLIX, 28-33. C'etait probablement la localite nommee
sirneonites. I Par., iv, 25; peut-etre y faut-il voir un aujourd'hui el-Akhdar, presque a moitie chemin entre
indice de la fusion de ces Ismaelites avec la tribu de Teboftk et Teitna.
Simeon. Naama (~C7:, Na'amdh); Sophar, un des amis de
Duma i AoCua, Duma) est generalement identifie avec
1'oasis nominee Doumat el-Djendel, a sept journees de Job, etait originaire de ce lieu. Job, n, 11. Une inscrip-
Damas, a treize de Medine et a quatre journees au nord de tion nabateenne du uie siecle avant J.-C., trouvee par
Teirna. Elle porte de nos jours le nom ftel-Djof, et forme M. Euting au sud d'el-Higr, porte le nom de Ma'nallahi
la ligne de demarcation entre le Schdm (la Syrie) et I"Iraq de Na'ama. Si ce nom de lieu n'est pas celui de 1'endroit
(la Babylonie). II n'y a point de raison suffisante pour voir meme, il prouve du moins 1'existence d'une localite de
une localite differente dans la Dumah d'lsa'ie, xxi, 11. Si ce nom dans 1'ancienne Nabatee. A comparer aussi le
le prophete s'adresse a un gardien du Se'ir pour avoir les moderne Na'ame, designant un mamelon de la chaine
nouvelles de cette oasis, c'est que de son temps la plu- rugueuse nommee Harrat-el- A'werid, a 1'ouest d'el-
part des territoires ismaelites etaient des possessions idu- Akhdar.
meennes. Lament., iv, 21; Abd., 1, 9. II. HISTOIRE. Malgre la nature aride et uniforme du
Massa (xwa, Massa') se trouve dans les inscriptions de desert, les tribus ismaelites et cetureennes qui habitaient
1'Arabie biblique ont une histoire tres ancienne et des
Teglathphalasar II et dans celles d'Assurbanipal, sous la plus tourmentees. Elle forme d'ordinaire le prolongement
forme Mas'a, comme nom de ville et de territoire. Le livre des evenements qui se passaient dans les territoires adja-
des Proverbes, xxxi, 1-9, a consigne quelques dictons cents de la Mesopotamie et de la Syrie, et auxquels les
d'un roi de ce pays nomme Lamuel. Arabes ne manquaient guere de contribuer d'une maniere
Hadar ("Tin, Hadar, XoSSxv, XoSSaS), inconnu. plus ou moins directe. A defaut de la litterature indigene,
Thema (sn'ri, Ternd', @at(ia) est une tres importante qui ne nous est pas parvenue, nous sommes obliges de
oasis, a quatre journees de marche au sud-ouest de Du- la puiser dans les seules sources qui nous restent de
ma, avec laquelle elle est mentionnee dans les annales 1'antiquite semitique : la Bible et les inscriptions assyro-
de Theglathphalasar II. MM. Euting et Huber y ont decou- babyloniennes. Conformement aux derniers resultats de
vert une grande inscription en arameen archa'ique, et 1'epigraphie semitique, nous croyons utile de diviser 1'his-
plusieurs autres inscriptions moins anciennes, qui nous toire ancienne des Arabes, comme celle des autres Semites
font connaitre les noms de plusieurs divinites locales, ainsi septentrionaux, en quatre epoques diflerentes : epoque
que celui du grand pretre. babylonienne, epoque assyrienne suivie du court reveil
Jethur (T,TS>, Yetur, Ilxoup); cette tribu, originaire de Babylone apres la chute de Ninive , epoque perse,
epoque greco-romaine.
du sud, ou elle n'a point laisse de trace, s'est transportee 1 A 1'epoque archaique de la predominance de la civi-
de bonne heure dans le centre du Hauran, ou se trouve lisation babylonienne chez les Semites occidentaux appar-
1'Ituree des geographes classiques. Strabon, XVI, II, 20. De tient rimmigration des Abrahamides en Palestine (vers
la elle s'est repandue jusque dans le Liban et 1'Anti-Liban, 2100 avant J.-C.). La tradition hebraique nous montre les
au nord de Damas. Quelques auteurs confondent Yltunea deux branches abrahamides issues d'Ismael et de Cetura
avec la Trachonitis. Pendant le regne de Saiil, les tribus comme etablies aussitot dans leurs territoires afferents,
hebrai'ques de Ruben et de Gad firent essuyer de graves on ils s'assimilerent des elements egypto-couscliites. Les
defaites aux Itureens et aux tribus apparentees dont nous JIadianites etaient alors le peuple le plus considerable,
aliens parler ci-apres, I Par., v, 10, 19, et le roi Aristo- aussi bien par leurs relations commercial es avec 1'Egypte
bule les forca a se convertir au judaisme. C'etaient des que par 1'organisation fixe de leur sacerdoce, qui parait
montagnards sauvages et pillards; les Druses d'aujourd'hui avoir ete restreint a une seule famille, pareille a celle de
sont peut-etre leurs descendants. Levi chez les Hebreux. Exod., n, 15-18; xvili, 1. Plu-
Naphis (w>sa, Nafis, Nacpe;), tribu jadis alliee avec sieurs mesures legislatives de Mo'ise sont meme attribuees
les Itureens contre les Israelites transjordaniques, I Par., aux conseils d'un pretre madianite. Exod., xvm, 14-26.
V, 19; leur nom a disparu plus tard. Le mouvement des tribus hebraiques vers le nord semble
Cedma (nai^, Qedmdh, KeS^i) rappelle le desert de avoir determine un mouvement parallele chez les Madia-
Qedemot (rnnnp; Vulgate: Cademoth), d'ou Moise en- nites. Irnpuissants a se maintenir sur la plaine moabite
contre les Idumeens limitrophes, Gen., xxxvi, 35, ils
voya des messagers a Sehon, roi amorrheen d'Hesebon. s'etablirent provisoirement dans la Moabitide septentrio-
Deut., ii, 26. Une ville du meme nom appartenait a la nale, mais en furent chasses par les Hebreux. Deut. r
tribu de Ruben, mais on n'en sail pas exactement la situa- xxxi, 2-10. Alors ils remontent dans le Hauran, et, ren-
tion. La denomination de Cedmoneen, Qadmoni, Gen., forces par les Amalecites et quelques autres nomades, ils
xv, 19, peut bien designer la population nomade de ce saccagent a plusieurs reprises la Palestine du nord, jus-
desert, qui va du sud du Hauran jusqu'au golfe d'Akaba. qu'a ce qu'ils soient gravement defaits et poursuivis par
Cette circonstance, qui semble ressortir de ce passage dans Gedeon, ainsi que je 1'ai deja indique plus haut. A partir
lequei le Cedmoneen est nomme conjointement avec les de ce moment les Madianites renoncent aux entreprises
Cineens et les Cenezeens, qui habitaient dans 1'Arabie guerrieres et se conlentent d'etre de paisibles chameliers;
Petree. Dans I Par., v, 19, le nom de Nodab, ;v:, qui leur ancien commerce avec 1'Egypte passe aux tribus plus
suit Jethur et Naphis, doit sans doute etre corrige en meridionales.
cip, Qedem, et celui - ci n'est autre que le Qedrna de la 2 A 1'epoque des conquetes assyriennes en Syrie (du
ixe au vie siecle), 1'Arabie a souvent retenti du bruit des
Genese, c'est-a-dire une tribu ismaelite particuliere, et armes formidables des guerriers ninivites et chaldeens.
non 1'equivalent du terme general Bene-Qedern (=i--':z), Assurnacir-pal (885-860) recut le tribut d'11-Bani, chef
qui s'applique a toutes les populations de 1'Arabie deserte. de Suhi, lequei, ainsi que ses predecesseurs, semble avoir
865 ARABIE A R A C E E N S 800
ete un gouverneur babylonien. Quelque temps apres, le presents et de supplications, obtint la restitution des statues
nouveau gouverneur de Souhi, Schadoudou, ayant recu divines; mais le grand roi y fit graver les louanges des
du secours du roi de Babylonie (nommee alors pays de dieux assyriens, ainsi que son propre nom. La royaute
Kardouniyasch ) , tenta une resistance qui Unit par la reelle de 1'Arabie fut donnee a une princesse nommee Ta-
soumission et la ruine totale du pays. Sous Salmanasar II boua, elevee au palais royal. Hazael mourut peu de temps
(860-845), le chei de Yasbaq (pst?), Bour-Anate, fut apres; le monarque assyrien nomma roi le fils d'Hazael,
Ya'lou, qui fut tenu de payer a I'Assyrie, outre le tribut
fait prisonnier dans une bataille livree a plusieurs rois ordinaire, une surcharge annuelle de deux mines d'or,
de la Syrie septentrionale et de la Cilicie. Plus tard, les
Assyriens, vainqueurs a la bataille de Karkar, en Hama- mille pierres biruti, cinquante chameaux et mille grains (?)
d'encens (?). Asarhaddon se rendit apres cela dans le
thene, enlevent mille chameaux au chet arabe Gmdibou. district eloigne de Bazou, visiblement le Buz des Hebreux,
Le prestige des armes assyriennes rend tributaires de The-
glathphalasar III ( 845-827 ) tous les rois de la Syrie, depuis Gen., xxn, 21; Jer., xxv, 23, peut-etre le Nadjd ou Djebel
1'Euphrate jusqu'a 1'Egypte. Les tribus du desert suivent Schammar actuel. Des nuit chefs ou dynastes qui gouver-
ce mouvement et envoient des presents au monarque naient la contree, un seul puts'enfuir; 1'oasis fut devastee
ninivite, qui comprend tout de suite le parti qu'il peut et ses divinites emportees. Au retour de 1'armee assy-
tirer de ces agiles vassaux centre un retour offensit de rienne, le huitieme chel, qui etait en iuite, vint a Ninive
pour implorer le pardon du vainqueur. Asarhaddon le
1'Egypte. Le passage qui raconte cette soumission est tres
interessant, malgre son etat de mutilation : ...Les hommes nomma roi de Bazou, et lui rendit les statues qu'il avait
prises apres y avoir lait graver son propre nom.
de Mas'a, deTeima, de Sab'a, de Hayapa, de Badana Une tentative pour secouer le joug de I'Assyrie, sous le
(aujourd'hui Beden)..., dont personne ne connaissait le
regne d'Assurbanipal (668-626), amena un terrible desastre
nom et qui demeurent au loin, (ayant entendu [?]) la gloire
sur 1'Arabie. Lors de la revolte de son frere Samas-
de ma royaute, (m'envoyerent) tous ensemble leur tribut
en chameaux, chamelles et plantes aromatiques de diverses soum - oukin ou Samugnes, roi de Babylonie, les Arabes
especes. J'etablis les Idibi'li comme gardiens du pays envoyerent ties troupes auxiliaires a celui-ci, et firent en
d'Egypte, et dans tous les autres pays (dont je fis la con- meme temps des razzias dans les pays syriens, afin d'oc-
quete je placai des tribus arabes pour en laire la garde). cuper les garnisons assyriennes echelonnees le long du
La derniere phrase restituee cadre bien avec le sens desert. Apres avoir pris Babylone et ruine la Susiane, qui
general de la narration, et sera confirmee par un Idit s'etait ralliee a la revolte, Assurbanipal decida de chatier
analogue dont il sera question tout a 1'heure. La prise de les Arabes. Les troupes assyriennes, ayant chasse les
Damas et la transportation des tribus Israelites du nord pillards, envahirent aussitot 1'Arabie. Le roi Ouaite eut
de la Palestine mirent les Assyriens presque en contact peur et s'entait chez les Nabateens; le roi de Cedar,
avec les Arabes du Hauran, qui etaient gouvernes alors Ammouladi, fut pris dans la Moabitide avec Adiya, 1'epouse
par la reine Zabibieh. Le tribut que cette reine envoya a d'Ouaite, et transports" en Assyrie. A la place d'Ouaite,
Theglathphalasar III consistait, outre les chameaux, les Assurbanipal nomma Abyate', fils de Te'ri, un des gene-
chevaux et autres ariimaux domestiques, en or, en ar- raux des auxiliaires arabes de Samughes, qu'il croyait favo-
gent, en plomb, en etofles temtes de pourpre (arga- rable a I'Assyrie; mais celui-ci ne tarda pas a se rallier aux
mannu = pans ) et d'hyacinthe ( takiltu = nbsFi ) , en Nabateens, qui lui envoyerent des secours. Assurbanipal
alia a leur rencontre a travers le terrible desert de Mas',
selles de couleur pourpre (article que les Dedan expor- defit les Isamme (Ismaelites[?]) et les Nabateens, et fit
taient sur le marche de Tyr, Ezech., xxvn, 20), en oiseaux prisonniers les chefs arabes avec leurs families. A son
a plumage eclatant , en peaux de bceufs de montagne retour a Damas, les Arabes prirent de nouveau 1'oflen-
(cf. ftfa n3N, Ps. xxn, 13), en poutres de chene (cf. ui^x sive, esperant que la fatigue empecherait le vainqueur de
recommencer une nouvelle expedition; mais 1'infatigable
pirsn, Is., n, 13, etc.). Apres la mort de Zabibieh, la reine monarque rebroussa chemin et atteignit les Arabes dans
Samsieh, qui lui succeda, s'etant engagee dans une tenta- 1'Auranitide. Ceux-ci furent ecrases dans une grande
tive d'insurrection fomentee par 1'Egypte, fut ramenee a bataille : les fuyards perirent de soil; les autres furent
1'obeissance et obligee de payer une lourde ranfon. transportes en Assyrie avec un butin immense et d'innom-
Sargon II (722-705), qui mit fin au royaume d'Israel brables chameaux. L'Arabie derneura presque aneantie
en 721, remporta une grande victoire sur les tribus meri- pendant un demi-siecle.
dionales de Tamoud (les Thamydeni des geographes clas- 3 A partir de ce moment les textes cuneiformes se taisent
siques, le peuple fabuleux des Themoiid, dans le Koran), sur les evenements de 1'Arabie, mais nous savons par la
d'Ibadid, de Marsiman et de Hayapa , qu'il etablit en partie Bible que Nabuchodonosor, apres avoirdetruitlesroyaumes
en Samarie, evidemment dans le but de surveiller les pays de Juda, d'Ammon, de Moab et d'Edom, devasta egale-
voisins. On ne trouve nulle part la mention de la marche ment les oasis eloignees de Cedar, de Hacor, de Thema et
de Sargon dans 1'extreme sud de 1'Arabie deserte ; la vic- de Dedan. Jer., xxv, 23, 24. Ces ravages amenerent la
toire dont il s'agit parait plutot due a un vassal fidele disparition des peuplades trop reduites et leur fusion-
limitrophe de ces tribus, probablement au roi de 1'Idumee, nement avec des tribus rnoins atteintes. Les Nabateens,
dont les possessions englobaient plusieurs oasis ismaelites. peu entames par les invasions des Assyriens et des Chal-
Les colons arabes disparurent presque aussitot devant les deens, devinrent des lors la nation principale del'Arabic;
colonies plus nombreuses des gens originates des pays les Cedar, reduits desormais au role de satellites, se ral-
de 1'est, II (IV) Reg., xvn, 24; quelques families arabes s'y lierent indissolublement aux Nabateens, sous le nouveau
perpetuerent neanmoins jusqu'a 1'epoque perse, ou nous nom de Salamiens. Ainsi fortifies, les Nabateens remontent
trouvons 1'Arabe Geschem ou Gaschmou faisant cause au nord aussitot apres le depart des Chaldeens, et au com-
commune avec les ennemis des Juifs rapatries. I Esd., mencement de la domination perse on les trouve deja eta-
it , 19 ; iv, 1 ; vi , 1 , 6. Apres cet acte de repression , blis a Petra, 1'ancienne capitale des Idumeens.
Sargon recut le tribut de Samsieh, reine du Hauran, et 4 A 1'epoque greco-romaine, la Nabatee devient un
d'lt'amara, roi de Saba, et la tranquillite de 1'Arabie se royaume puissant, renfermant les territoires de Moab et
maintint pendant le reste de son regne et durant le regne d'Ammon, parfois meme 1'Arabie et la Damascene; mais
de son successeur Sennacherib (705-681 ), qui etouffa sans cette histoire est deja eloignee de 1'epoque biblique.
grand effort la revolte d'Hazael, roi d'Arabie, qui avail J. HALEVY.
succede a Samsieh ; a cette occasion, la ville forte d'Adou- ARACEENS (hebreu : Hd'arqi; Septante : o 'Apou-
mou fut pillee et ses dieux furent transportes a Ninive. A xatb;; Vulgate : Aracaeus). Nom donne a un rameau de
1'avenement d'Asarhaddon (681-668), Hazael, a force de la famille chananeenne qui habitait la ville d'Arca, au
DICT. DE LA BIBLE. I. 30
8G7 ARACEENS ARACH 868
nord de la Phenicie. Les Arace"ens ne sont nommes que i families grecques et musulmanes. Voir Th. Shaw, Tra-
Gen., x, 17 et I Par., i, 15, dans la liste de la descen- i vels or Observations relating to Barbary, in - f, Oxford,
dance de Chanaan. La ville d'Arca n'est jamais designee ! 1738, p. 327-328; Burckhardt, Travels in Syria, in-4,
elle-meme directement dans I'Ecriture, mais de tout I Londres, 1822, p. 162; Ed. Robinson, Later Biblical
Researches, in-8, Londres, 1856, p. 578-582; A. Knobel,
Die Volkertafel der Genesis, in-8, Giessen, 1850, p. 325-
326; Michaud, Histoire des Croisades, 1. in, Se edit.,
4 in-8, Paris, 1853, t. I, p. 203; Poujoulat, Correspon-
dance d'Orient, lettre CLIX, t. vi, p. 422-424.
F. VIGOUROUX.
ARACH (hebreu : 'Erek; Septante : 'Opl-/ ; Strabon :
'Op'/ov;; textes cuneiformes : Euruk et Arku, actuelle-
ment Warka), ville situee sur la rive gauche de 1'Eu-
phrate, a une lieue environ du lit actuel du fleuve, a deux
206. Monnate d'Arca.
cents kilometres au sud-est de Babylone.
La Genese, x, 10, mentionne cette ville comme faisant
T&te lauree d'Antonin le Pieux. ANT KAI TI AIA AAP partie de la tetrapole du Sennaar, gouvernee par Nemrod.
ANTQNEINOS - 3. KAISAPEIAS AIBANOT. An- II n'en reste plus, a 1'heure presente, que des ruines
tonin le Pieux, debout, en costume de legionnaire, tenant un informes et absolument desertes, couvertes la plupart du
vexillum de la main droite et un arc de la main gauche.
Dans le champ, la date BSI* (an 462). temps par les eaux stagnantes du bas Euphrate (fig. 207).
Elles forment un cercle irregulier de pres de trois kilo-
metres de diametre. Le rempart, qui dessine encore autour
temps on a reconnu que c'etait d'elle que les Araceens de la ville une enceinte a peu pres continue, atleint a cer-
tiraient leur nom. Josephe, Ant. jud., I, vi, 2; S. Jerome, tains endroits jusqu'a douze metres de hauteur. Autrefois
Qusest. in Gen., x, 15, t. xxm, col. 954. Area, appelee FEuphrate venait baigner le pied des murs de la ville. On
aussi Arce (Josephe, Ant. jud., I, vi, 2; VIII, n, 3; Pline, voit encore, longeant 1'enceinte de Test au nord, les restes
H. N., v, 16; Ptolemee, v, 15) etait situee au pied occi- d'un canal de trente metres de largeur. L'amas de ruines
dental du Liban, a trente-deux milles romains d'Anta- le plus remarquable se nomme Bowariyeh, c'est-a-dire
radus et a dix-huit milles au nord-est de Tripoli. Les nattes de roseaux, parce que les couches de briques
ruines en subsistent encore et ont conserve leur nom crues dont il se compose sont separes par des lits hori-
antique. A deux heures ou deux heures et demie de zontaux de roseaux entrelaces et noyes dans le bitume.
marche de la mer Mediterranee, a huit kilometres environ Sur ce soubassement s'elevait autrefois une pyramide a
au sud du Nahr el-Kebir, 1'ancien Eleutherus, s'eleve au- etages, ou temple de la deesse Nana, bati par 1'antique
dessus du Nahr-Arka un monticule rocheux appele Tell- souverain de la Chaldee, dont le nom se lit provisoire-
Arka. II a une trentaine de metres de hauteur. La se trou- ment Ur-Gur, ou bien Ur-Bagas. Plus tard, au xxme
vent des debris de murailles et d'habitations anciennes : siecle avant J.-C., le roi elamite Koudour-Nanhoundi
ce sont probablement les restes de 1'ancienne acropole envahit le Sennaar, pilla Arach et son temple, et en
ou citadelle. A Test et au sud du Tell, sur une eleva- emporta la statue veneree. Mais, en 645, Assurbanipal,
tion, les ruines abondent: grands blocs de pierres taillees, ayant a son tour conquis le pays d'Elam, y retrouva 1'an-
debris de murs, fragments de colonnes de granit, qui cienne statue de Nana et la reintegra dans le temple
attestent qu'Arca a ete autrefois une cite importante. d'Ur-Bagas. La deesse Istar, 1'Astaroth de la Bible,
Elle etait celebre dans 1'antiquite par le culte qu'on y identifiee avec la planete Venus, etait aussi particuliere-
rendait a Astarte, la Venus phenicienne. Macrobe, Sat., rnent honoree a Arach, dont elle etait meme regardee
I, 21, 1, edit. Teubner, p. 117. comme la divinite tutelaire. Cette ville fut encore illustree
D'apres Josephe, Ant. jud., VIII, n, 3, Baana, inten- par les exploits d'Isdubar, le Nemrod chaldeen. Voir
dant de la tribu d'Aser, sous le regne de Salomon, NEMROD.
III Reg., iv, 16, etait gouverneur d'Arca et des environs. C'est sans doute a ces souvenirs et aussi a son anti-
Si 1'historien juif etait bien renseigne et si 1'Arca dont quite qu'Arach dut le privilege de devenir la principale
il parle est, comme on le croit communement, la ville necropole de la Chaldee. Le nombre des tombeaux, a 1'in-
de ce nom voisine de Tripoli, il en resulterait que, du terieur et a 1'exterieur de son enceinte, est litteralement
temps de Salomon, les Araceens etaient soumis aux He- incalculable; on les y a accumules durant plus de trois
breux. Le roi d'Assyrie Theglathphalasar II s'empara mille ans, depuis la fondation de cette ville jusqu'a sa
d'Arca dans la campagne qu'il fit centre le royaume chute sous les Parthes. Les inscriptions nombreuses qu'on
d'Israel. Voir E. Schrader, Die Keilinschriften und das y a decouvertes s'echelonnent de meme depuis Ur-Bagas
Alte Testament, 2e edit., p. 104; Keilinschriften und jusqu'a Seleucus IV, Antiochus IV et Demetrius Soter
Geschichtsforschung, p. 116, 450. Cette ville fit plus tard (187-164), depuis le caractere tout a fait archaique jus-
partie du royaume d'Herode Agrippa. Josephe, Bell, jud., qu'au plus moderne.
VII, v, 1. Titus y passa a son retour de la prise de Jeru- Les anciens, tels que 1'auteur du Targum de Jerusalem,,
salem. Josephe, Bell, jud., VII, v, 1. C'est a Area que saint Jerome, saint Ephrem, suivis par quelques modernes,
naquit 1'empereur Alexandre Severe, dans un temple qui y Buttman, Bohlen, Winer, ont cru retrouver 1'Arach de
avail ete eleve a Alexandre le Grand (Lampride, A lexand. Nemrod dans la ville syriaque d'Edesse ou Callirrhoe,
Sev., 5, 12, dans Histoire d'Auguste, collection Nisard, actuellement Orfa, en Mesopotamie septentrionale. Le
p. 454, 457), ce qui fit donner pendant quelque temps nom syriaque d'Edesse, Urhoi, a sans doute ete la cause
a cette cite le nom de Csesarea Libanii (Aurel. Victor, De premiere de cette confusion. Mais rien ne permet d'ac-
Gees., xxiv, edit. Panckoucke, 1846, p. 242; cf. Lampride, corder a Edesse une antiquite si reculee; elle est de
Alexand. Sev., 12, collection Nisard, p. 457), qu'on lit beaucoup trop eloignee du Sennaar pour avoir fait partie
sur ses monnaies (fig. 206). Cf. Eckhel, Doctrina numo- de la tetrapole nemrodienne. L'Arecca de Ptolemee et
rum, t. in, p. 360. Elle ne tarda pas cependant a re- d'Ammien-Marcellin, situee sur les bords du Tigre, pres
prendre son nom primitif. Elle devint le siege d'un eveche des frontieres de la Susiane, malgre les autorites de
et joua un role assez important dans les croisades. Un Bochart, Rosenmiiller, Gesenius, doit etre rejetee pour
tremblement de terre la detruisit completement, en 1202. les memes raisons. Tous les suffrages demeurent main-
II s'est eleve depuis, au milieu des debris de son an- tenant acquis a la Warka chaldeenne. Voir G. Rawlinson,
cienne splendeur, un pauvre village habite par quelgues The five great monarchies, 1.1, p. 18; Fr. Delitzseh, Wo
869 ARACH ARAB 870
lag des Paradies? p. 221; des captifs originaires sur leur ennemi. Dieu les exauca, et ils exterminerent les
d'Arach sont mentionnes I Esd., iv, 9. Chananeens et detruisirent leurs villes. Num., xxi, 2-J.
E. PANNIER. Cependant, comme Moise n'avait point Fintention de com-
ARACHITE (hebreu : 'Arki; Septante : 6 'Apa-/(; mencer la eonquete de la Palestine par le sud, dont IBS
Vulgate : Arachites), habitant d'Archi (Arach ou Erek). montagnes rendaient Faeces fort difficile, le peuple ne
Jos., xvi, 2. Get Arach ne doit pas etre coniondu avec poussa pas alors plus loin. Quelques annees apres, ily
la ville de Babylonie qui portait le meme nom. Gen., x, avait de nouveau un roi a Arad, relevee de sa defaite. 11
10. Dans Josue, Archi designe une localite occupee alors futbattuasontour par Josue, xii, 14. (Dans ce passage,;la
par les Chananeens. Elle se trouvait sur la limite meri- Vulgate appelle la ville d'Arad Hered.) Cette localite n'est
dionale des possessions attributes a Ephraim, vers Bethel plus nommee qu'une fois dans FEcriture, Jud., 1,16, ponr
et Atharoth. "Voir ARCHI. C'est de la qu'etait originaire indiquer que les Cineens habiterent au sud d'Arad, dans
Chusai, surnomme pour ce motif 1'Arachite, et qui fat le desert de Juda, et nous ne savons plus rien de son his-
1'ami et le conseiller intime du roi David. II Reg., xv, toire, si ce n'est qu'elle eut des eveques au vie siecle. Gams,
32; xvi, 16; xvn, 5, 14; I Par., xxvn,33. Lenomd'Ara- Series Episcoporum, 1873, p. 454. Voir E. Robinson,
chite n'est plus mentionne apres David. H. LESETRE. Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. H,
p. 473, 620-622; G. Ritter, Erdkunde, t. xrv, 1848,
1. ARAD (hebreu: 'Ardd; Septante: 'Apa5; dans p. 120-122; W. Thomson, The Land and the Book, South-
Josue, xii, 14, "ASsp ; Vulgate : Arad ; dans Josue, ern Palestine, 1881, p. 286-287; Schubert, Reise in
Hered), ville chananeenne a Fextremite meridionale de das Morgenland, 3 in-8, Erlangen, 1839, t. II, p. 457;
la Palestine, aujourd'hui Tell Arad, a environ vingt-cinq C. W. M. Van de Velde, Narrative of a Journey through
kilometres au sud d'Hebron. Tell Arad est un monticule Palestine, t. n, 2 in-8, Londres, 1854, p. 83-85;
arrondi avec des traces de ruines antiques; il s'eleve au J. B. Roth, Reise durch die Araba, dans Petermann's
milieu de colhnes plus basses, sur le plateau ondule et Mittheilungen aus J. Perthes' geographischer Anstalt,
sans arbres qui s'incline vers le sud-est de la mer Morte, 1857, p. 261 ; G. Geikie, The Holy Land and the Book,
et qui est separe du desert de Pharan par des montagnes 2 in-8, Londres, 1887, t. I, p. 265, 352; Survey of West-
calcaires a pentes escarpees. On voit sur le sommet ern Palestine, Memoirs, t. in, p. 403, 415.
quelques debris de poteries; du cote sud est un reservoir
ruine. 2. ARAD, ARADE, ARADUS (hebreu: 'Arvad, Ezech.,
Arad est nomme dans le Pentateuque. Pendant que les xxvii, 8, 11; Septante : 'ApaStoc, "Apa8o;; Vulgate :
Israelites, a Fepoque de la mort d'Aaron, etaient au pied Aradiij Aradon), aujourd'hui Ruad, petite ile pheni-
du mont Hor, le roi chananeen d'Arad apprit qu'ils s'etaient cienne de la Mediterranee (fig. 208), a moins de trois kilo-
ainsi approches du sud de la terre de Chanaan, par le metres de la cote de Syrie, a peu pres a moitie chemin
chemin des hd'atdrim,i> c'est-a-dire, selon la traduction entre Latakieh (Laodicee) et Tripoli, au nord de Fembou-
de la Vulgate, qui est la plus probable, par le chemin chure du Nahr el-Kebir (Eleutherus). C'est, comme la decrit
des espions, ou par le desert de Sin. Craignant sans Strabon, XVI, n, 13, un ro'cher qui s'eleve au milieu des
doute qu'ils ne voulussent s'emparer de son pays, le roi Hots; il est de forme oblongue et mesure environ 800 metres
d'Arad resolut de les prevenir; il marcha centre eux, les de long sur 500 metres de large. Malgre son peu d'eten-
battit et leur prit un certain nombre de prisonniers. Num., due, Arad jouit dans 1'antiquite d'une grande prosperite
xxi. 1. Les enfants de Jacob, humilies de leur defaite, et ne le ceda en puissance, parmi les Etats pheniciens,
promirent de livrer a 1'anatheme (voir ANATHEME, col. 546,6) qu'a Tyr et a Sidon, avec qui elle fonda, en fournissant son
les villes du vainqueur, si Dieu leur donnait la victoire tiers de colons, la ville de Tripoli. Strabon, XVI, 11,15. La
871 ARAB 872
population s'accumula sur ce rocher isole (Pomponius conquerant, et les Aradiens combattirent au siege de Tyr
Mela, n, 7, 6); et comme il n'etait pas assez grand pour dans les rangs des Macedoniens. Arrien, Exped. Alex.,
contenir tous ses habitants, les Aradiens imaginerent n, 13, 7; 20, 1. Sous les successeurs d'Alexandre, Arad,
de batir, contrairement a 1'usage oriental, des maisons en 320, tomba au pouvoir de Ptolemee Ier Soter avec le
a plusienrs etages, Strabon, XVI, n, 13; ils deborde- reste de la Phenicie et la Ccelesyrie. Elle parait avoir re-
rent aussi sur le continent, dans la Phenicie septen- conquis son independance pendant la guerre qui eut lieu
trionale. On voit encore le long du littoral, sur un espace entre Ptolemee II Philadelphe et Antiochus II Theos; du
continu de plus de quinze kilometres, les ruines des moins son autonomie vers cette epoque est-elle attestee
filles d'Arad , depuis Marathus (Amrit) jusqu'a Anta-
radus (Tortose). Voir Targum Hieros., sur Gen., x, 18.
208. Statere d'Arad, anterieur a Alexandre le Grand. 209. Monnale autonome d'Arad.
Tete lauree du dieu Mclkart. i$. 7 N3 (NS = d'AErad]), Tete de femme voilee et tourelee. fy APAAIQN. Victoire
V marque demission. Galere ph&ucienne, ornee d'une figure debout, tenant dans la main droite une proue et une palme
de pateque. dans la main gauche.
Sa puissance s'etendit au loin, et Ton dit que Tarse fut par ses monnaies (fig. 209). Cf. Eckhel, Doctrina nu-
une de ses colonies. Dion Chrysostome, Orat. xxxin, edit. morum veterum, t. in, p. 303. Elle soutint Seleucus II
Teubner, t. 11, p. 14. Gallinicus contre Antiochus Hierax, et elle en fut recom-
L'ile d'Arad avail Favantage d'etre alimentee, non seu- pensee, en 242, par le droit d'asile que lui accorda le roi
lement par des citernes et par les fontaines du continent, de Syrie, ce qui augmenta beaucoup sa puissance. Stra-
mais aussi par une source d'eau douce que ses habitants bon , XVI, ii, 14. Elle put de la sorte s'allier avec Antio-
avaient decouverte en pleine mer dans le voisinage, et qui chus III le Grand. Polybe, v, 68, 7. Cependant elle perdit
leur fournissait de quoi boire en temps de guerre. Stra- tous ses avantages pendant le regne d'Antiochus IV Epi-
bon, XVI, n, 13; Lucrece, vi, 888; Pline, H. N., n, 103; phane. Ce prince, a son retour d'Egypte, s'en empara,
V, 31; Geoponica, n, 6. Les habitants de Ruad connaissent ainsi que de tout le territoire qui lui appartenait. S. Je-
encore aujourd'hui des sources sous-marines. F. Walpole, rome, In Dan., xi, 44, t. xxv, col. 573. Quand la guerre
The Ansanjii, with Travels in further East, 3 in -8'', eclata entre Antiochus VIII Grypus et Antiochus IX Cyzi-
Londres, 1851, t. in, p. 391. Dans 1'ile meme, on voit les cene, Arad prit parti pour ce dernier, et lorsqu'il eut
nombreuses citernes que Ton avait creusees autrefois dans ete tue par Seleucus VI Epiphane, son fils Antiochus X
le rocher et qui continuent a servir. A 1'ouest et au sud Eusebe se refugia chez les Aradiens, qui soutinrent son
de File subsistent encore des restes d'un double mur phe- parti jusqu'a ce que la Syrie se soumit a Tigrane, roi
nicien. Ils sont composes d'enormes blocs qui reposent d'Armenie. Dans la suite, Rome acquit peu a peu la pre-
sur les arasements naturels des rochers. Ces blocs ont ponderance dans tout le pays. Le premier livre des Ma-
la forme de prismes quadrangulaires de deux metres de chabees, xv, 23, nous apprend que le consul Lucius ecrivit
hauteur sur quatre ou cinq metres de longueur. Ils etaient a Arad (Vulgate: Aradon), de meme qu'aux autres Etats
superposes, sans aucune trace de ciment. Du cote de la allies ou soumis aux Remains, afin de leur recommander
terre, les murailles de la ville formaient un port en demi- de se montrer bienveillants envers les Juifs. II n'est plus
lune, divise en deux bassins par une jetee. E. Renan, question de cette ile dans les Livres Saints; mais, d'apres
Mission de Phenicie, in-f, Paris, 1864, p. 39-40. une tradition, saint Pierre serait alle a Arad pour y admi-
Arad, fonde par les descendants de Chanaan, Gen., rer des colonnes colossales et des tableaux de Phidias.
x, 18; I Par., i, 16 (voir ARADIEN), dut sa prosperite a Recogn., Horn, xn, 12, t. n, col. 312; 1. vn, 26,1.1, col. 1360;
son commerce et a 1'habilete de ses mariris, dont Ezechiel, Pseudo-Abdias, 1,13, edit. Fabricius, p. 425; cf. Nicephore,
xxvii, 8, 11, fait 1'eloge, de meme que les auteurs pro- H. E., H, 35, t. CXLV, col. 848. Ce qui est certain, c'est
fanes. Strabon, XVI, n, 14. Aujourd'hui encore les ma- que le christianisme s'y etablit des les premiers siecles.
telots et les plongeurs de Ruad sont renommes, et les On y trouve des eveques depuis le ine siecle jusqu'au
barques qu'on y construit sont considerees comme les vie inclusivement. La ville antique fut prise et rasee, en
meilleures de la Syrie. Voir G. Ebers et H. Guthe, Palds- 648, sous I'empereur Constans II, par Moaviyah, lieutenant
tina, 2 in-4, Stuttgart, 1883-1884, t. n, p. 42. du calife Omar. Cedrenus, Hist. Comp., edit, de Bonn,
Les habitants d'Arad turent d'abord independants et 1.1, p. 755. La population actuelle de Ruad est d'environ
eurent des rois particuliers, comme les autres cites phe- 2500 ames. Elle n'a guere d'autre Industrie que la peche
niciennes. Les inscriptions cuneiformes nous ont fait con- des eponges et la construction des bateaux.
naitre les noms de plusieurs de ces rois. Voir Eb. Schrader, Voir Mignot, Description geographique de la cote de
Die Keilinschriften und das alte Testament, 2e edit., Phenicie, dans les Memoires de I'Academic des Inscrip-
p. 104-105. La region qui s'etendait depuis Paltus jusqu'a tions, 1770, t. xxxiv, p. 229-235; K. Mannert, Geographic
Simyra parait leur avoir ete soumise. Du temps du pro- der Gnechen und Romer, 10 in-8, t. vi, part, n, 2e edit.,
phete Ezechiel, xxvn, 8, 11, vers 590 avant notre ere, ils Leipzig, 1831, p. 309-311; R. Pococke, Description of
etaient assujettis a Tyr; du moins lui fournissaient - ils the East, 3 in-f, Londres, 1743-1745, t. n, p. 201-202;
des rameurs et des soldats, mais peut-etrea titre d'allies J. S. Buckingham, Travels among the Arab tribes, in-4,
ou de mercenaires. Quand la Phenicie toraba au pouvoir Londres, 1825, p. 509-512, 522-524; C. Niebuhr. Reise-
des rois de Perse, Arad partagea le sort commun. Son roi beschreibung nach Arabien, 3 in-4, Copenhague et
Gerostrate servait dans la llotte perse, a 1'epoque de la Harnbourg, 1774-1837, t. in, p. 92-93; E. F. C. Rosen-
campagne d'Alexandre le Grand. Straton. fils de ce prince, rniiller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde (avec
qui gouvernait a sa place, se souniit volontairement au les citations des voyageurs Mauiidrell, Shaw, Pococke et
873 ARAD ARAIGNfiE 874
Volney), 1826, t. n, part, i, p. 6-9; F. C. Movers, Die de structure ou jettent des fils pour capturer les insectes;
Phonizier, 1849, t. n, part, i, p. 98-103; C. Ritter, Erd- les autres sont vagabondes, courent a la recherche de
kunde, t. xvn, 1854, p. 39, 50-55, 868-879; E. Reclus, leur proie et se retirent ensuite dans des cavites tapissees
L'Asie anterieure, 1884, p. 770-772; F. Walpole, The de leurs fils. Le nombre des unes et des autres est tres
Ansaryii and the Assassins with Travels in further considerable en Palestine : on en compte plusieurs cen-
East, 3 in-8, Londres, 1851, p. 389-399. taines d'especes. Entre les plus communes se placent les
F. VIGOUROUX. Tegenaires de Walckenaer, qui attachent leur toile aux
ARAD A (hebreu : Hardddh; Septante : XapaSaO; Vul- angles des murs dans les appartements, et aussi dans les
gate : Arada). Une des stations des Hebreux au desert, arbres, les haies. Cette toile, a fils tres serres, places par
eatre le mont Sepher et Maceloth. Num., xxxm, 24. La couches et se croisant, est a peu pres horizontale; a 1'un
situation en est inconnue. On conjecture qu'Arada est des coins, d'ordinaire a Tangle du mur, se trouve un tube
peut-etre 1'ouadi el - Kharaizeh, entre la pointe du golfe cylindrique, ou 1'araignee se tient a 1'affiit, attendant
Elanitique et le mont Sepher, represente par le Djebel patiemment qu'un imprudent insecte vienne s'embar-
esch-Schoureif ou le Djebel esch-Scherafeh. Le nom de rasser dans ses filets. La plus repandue est 1'araignee
cette station, comme celui de la plupart des autres, a sans domestique, Tegenaria domestica, noiratre avec deux
doute ete inspire par 1'aspect des lieux, ou par quelque rangees de taches brunes, a 1'abdomen de forme ovale
circonstance que nous ignorons. II n'est rien moins que
certain, d'autre part, que les noms donnes par Mo'ise aux
differentes stations aient ete conserves par la tradition
locale. Dans quelques-uns des endroits ou se sont arretes
les Hebreux, on a retrouve des campements; mais on est
encore loin d'avoir fouille toute la presqu'ile sinaitique,
et, l'eut-on fait, qu'on n'obtiendrait probablement pas
encore des identifications d'une certitude absolue. Le mot
haradah veut dire terreur . Peut-etre les Hebreux
furent-ils temoins, dans cette station, d'un phenomene
qui les effraya. H. LESETRE.
ARAIGNEE (hebreu : 'akkdbis; Septante : apdr/vrj). grace a un coup de vent, une branche opposee, ou par
Petit animal au corps articule, a huit pattes et deux palpes, son propre poids un rameau inferieur. Elle y attache
sans ailes ni antennes. Dans le langage commun, on 1'autre extremite de son fil; alors elle peut circuler faci-
applique ce nom a divers ordres de la classe des arach- lement sur ces premiers fils pour ourdir sa toile (fig. 212).
nides; mais scientifiquement il est reserve a la seconde On sait que les fils d'araignee, surtout des genres Epeire
section des araneides ou arachnides fileuses, section qui et Thomise, s'agglomerent souvent comme en echeveaux :
comprend de nombreux genres et des especes variees. 1'air etle soleilles dessechentet les blanchissent. Emportes
Parmi ces araignees proprement dites, les unes sont par les vents, ils retombent en longs filaments blancs si
sedentaires, construisent des toiles d'une grande variete gracieusement nommes fils de la Vierge.
875 ABAIGNfiE ARAMA 876
De 1'araignee ou plutot de sa toile, les ecrivains sacres 2. ARAM, fils de Camuel et petit-fils de Nachor, frere
ont tire une juste et expressive comparaison; elle se ren- d'Abraham. Au lieu d'Aram, la Vulgate traduit par Syro-
contre deux fois dans le texte hebreu. Les esperances de rum (pere) des Syriens (Septante : S-jpwv). Gen.,
1'impie sont comparees a la maison de 1'araignee, Job, xxii, 21.
VIH, 14, edifice fragile, f . 15. La Vulgate rend par tela
aranearum le bet 'akkdbis, maison de 1'araignee, 3. ARAM (hebreu : 'Oren, . pin ; Septante : 'Apajx),
diii texte original : ce qui revient au meme. Dans Isaie, troisieme fils de Jerameel, qui etait fils aine de Hesron,
de la tribu de Juda. I Par., n, 25.
212. Toile de I'aralgne'e Epeire. 8. ARAM BETH REHOB ('Aram bct-rehob), II Sam.
(Reg.), x, 6. Vulgate : Syrum Rohob. Voir ROHOB.
LIX, 15, le mot toile est employe. Us (les impies) tissent
des toiles d'araignees, qure 'akkdbls, c'est-a-dire ne font 9. ARAM DAMMESEQ ('Aram damme'se'q}, II Sam.
rien de solide, jK 16. (Reg.), vm, 5, 6, appele dans la Vulgate Syria Damasci.
Les versions font mention de 1'araignee dans d'autres Voir SYRIE DE DAMAS.
passages ou le texte original n'en parle nullement. Ainsi
les Septante et la Vulgate, au Psaume xxxvm, 12, rendent 10. ARAM MAACHA ('Aram ma'akdh), I Par., xix, G.
par araignee le mot 'as, qui signifie teigne . Au Vulgate: Syria Maacha. Voir MAACHA.
lieu de : Vous dissolvez (detruisez) sa vie comme la
teigne (qui s'attaque aux vetements et les fait tomber en 11. ARAM NAHARAIM ('Aram naharaim), Gen.,
poussiere, ct. Job, xm, 18), on a : Vous faites que sa xxiv, 10, etc. Vulgate : Mesopotamia. Voir MESOPOTAMIE.
vie s'epuise comme 1'araignee. Les anciens croyaient
que, a force de tirer d'elle-meme sa toile, 1'araignee s'epui- 12. ARAM SOBA ('Aram sobd'), II Sam. (Reg.), x,
sait jusqu'a en perir. De meme au Psaume LXXXIX, 10, 6, 8. Vulgate: Syrus Soba. Voir SOBA.
selon les Septante et la Vulgate, les annees de notre
vie sont comparables a 1'araignee, c'est-a-dire s'epuisent 1. ARAMA (hebreu : Hardmah, la hauteur, avec
comme elle. On lit dans le texte hebreu : Nous consu- 1'article, ce qui fait que plusieurs versions et les inter-
mons nos annees comme un soupir, c'est-a-dire avec pretes modernes appellent simplement cette localite Rama;
la meme rapidite. II est dit dans Osee, vm, 6 (Vulgate), Septante : 'Apon-).; Codex Alexandrinus : Pajxa), ville
que le veau d'or de Samarie sera detruit comme une de la tribu de Nephtali, mentionnee seulement une fois
toile d'araignee, avec la meme facilite. A la place de ara- dans Josue, xix, 36. C'etait une ville forte, situee sur
nearum telas, 1'hebreu a le mot sebdbim, fragments, une hauteur, comme 1'indique son nom, qu'elle conserve
morceaux. Le veau d'or de Samarie sera reduit en toujours sous la forme Rameh. Encore aujourd'hui
morceaux, allusion au veau d'or d'Aaron, mis en pieces Rameh est un village important, bien bati, sur la pente
par Mo'ise. Les Septante ont encore ajoute le mot araignee d'une montagne, a dix kilometres environ au sud-ouest
dans Job, xxvn, 18. Pour montrer que la fortune de rim- de Safed, au nord d'une belle et fertile plaine, dans la
pie est caduque, on dit dans ce passage que sa maison partie septentrionale de la basse Galilee. II possede une
sera comme la maison de la teigne ; les traducteurs source excellente et est entoure de plantations d'oliviers.
grecs ajoutent : et comme la maison de 1'araignee, x au La population actuelle se compose de Druses et de chre-
lieu de ces mots du texte : et comme 1'abri que se fait tiens. On n'y a trouve aucun reste de monuments antiques.
le gardien des vignes. Voir Robinson, Biblical Researches, t. m, p. 79; Thomson,
Quelques auteurs veulent traduire par araignee le mot The Land and the Book, t. I, p. 515.
Semdmit, Prov., xxx, 28; d'autres' pensent qu'il s'agit de
la tarentule. La Vulgate plus justement y a vu une sorte 2. ARAMA. Au premier livre des Rois, xxx, 30, la
de lezard, le stellion vulgaire, que les Grecs appellent Vulgate appelle Arama la ville de Sephaath, situee au sud
encore era^icejvMiy]. Cf. Bochart, Hierozoicon, part. 11, de la Palestine; elle 1'appclle Horma , Num., xxi, 3;
lib. iv, cap. xxm, et part. i. lib. iv, cap. vu. Jud., i, 17; Hernia , Jos., xn, 14; Harma , Jos.,
E. LEVESQUE. xix, 4. Voir HORMA 1.
ARAM (hebreu : 'Aram, haut, eleve ; Septante :
). Nom d'homme (1-6) et de pays (7-12). 3. 'ARAMA Isaac, ben Moseh, ben Meir, Juif erudit,
ne vers 1430, a Zamora, en Espagne, et mort a Naples,
1. ARAM, cinquieme fils de Sem, pere des peuples de ou il s'etait refugie apres la proscription de 1492. II a com-
Syrie ou Aram. Gen., x, 22, 23 ; I Par., I, 17. pose, sous le litre de 'Aqedat Yi$hdq, Sacrifice d'Isaac, a
877 A R A M A ARARAT 878
un commentaire homiletique et philosophique du Penta- nom d'Ur Kasdim; le Targum traduit done a tort: Aran
teuque et des cinq Megilloth. Get ouvrage, imprime a mourut, a la vue de Thare, son pere, dans la fournaise
Salonique, in-f, 1522, obtint un grand succes parmi ses de feu des Chaldeens, au lieu de : Aran mourut a Ur
coreligionnaires et eut de nombreuses editions. S'il y a des Chaldeens. H. LESETRE.
d'heureuses explications, il faut avouer qu'on y trouve
trop de subtilites. Sa philosophic cependant ne 1'egare 2. ARAN (hebreu : ! 'Ardn, chevre sauvage.; Sep-
jamais loin de la voie de 1'orthodoxie; il est du reste tante : 'Apiv), fils de Disan, de la race de Seir. I Par.,
1'ennemi du rationalisme, qu'il combat dans son opus- i, 42; Gen., xxxvi, 38. Dans ce dernier passage, la Vul-
cule intitule : Hdzut qdsdh, Dure vision. Is., xxi, 2. gate 1'appelle ARAM.
On a encore de lui un commentaire des Proverbes de
Salomon, Yad 'Absalom, Stele d'Absalom, II Reg., 3. ARAN (hebreu : Hdrdn, montagnard; Septante :
xvni, 18, in-4, Constantinople, sans date, et un com- 'Aav; Codex Alexandrinus: 'Apdtv), un des ills de Semei.
mentaire sur le livre d'Esther, publie avec le texte, in-4, levite de la famille de Gerson. II fut etabli chantre pa>.
Constantinople, 1518. E. LEVESQUE. David. I Par., xxin, 9.
4. 'ARAMA Meir, ben Isaac, appele aussi Meiri, fils ARANEO Clement, theologien italien, ne a Raguse,
du precedent, ne a Saragosse, suivit son pere dans son en Dalmatie, merite d'etre compte parmi les Dominicains
exil a Naples. Apres la mort de ce dernier, il alia a Salo- les plus eminents du xvie siecle, par son savoir theolo-
nique, oil il finit ses jours en 1556. Outre des ouvrages gique, par sa sobre erudition et aussi par sa rare elo-
talmudistes, il composa des commentaires philosophiques quence. Outre les ouvrages dont nous n'avons pas a nous
sur Isaie et Jeremie, 'Urim vetummim, in-4, Venise, occuper ici, il a ecrit un commentaire de YEpitre aux
1608; sur le Cantique des cantiques, dans la Bible de Romains, destine principalement a retuter les erreurs
Moise Frankfurter, in-f, Amsterdam, 1724-1727; sur Job, de Luther. En voici le titre : Expositio cum resolutio-
avec le texte ponctue, in-f, Salonique, 1517; in-4, Venise, nibus occurrentium dubiorum, etiam Lutheranorum
1567; et sur les Psaumes, in-4, Venise, 1590. errores validissime confutantium, secundum subjectam
E. LEVESQUE. materiam super Epistolam Pauli ad Romanes, in-4,
ARAMAISMES. On donne ce nom, soit a certaines Venise, 1547. Voir Quetif-Echard, Scriptores ord. Prs&-
expressions, soit a des tournures arameennes ou syriaques dicalorum, t. n, p. 131. M. FEROTIN.
qui ont etc employees par quelques ecrivains hebreux,
parce qu'ils affectionnaient les termes etrangers ou exo- ARAPHA. Ce mot se lit quatre fois comme nom
tiques, ou bien parce qu'ils etaient en contact avec des propre. II Reg., xxi, 16, 18, 21, 22. Dans le premier
populations qui parlaient arameen, et auxquelles ils em- livre des Paralipomenes, xx, 6, 7, il est ecrit Rapha.
pruntaient quelque chose de leur langage. Ainsi le mot Cette difference d'orthographe provient de ce que 1'article
arameen 'dtdh est employe dans Job, in, 25, au lieu de hebreu, ha, qui se lit dans le texte original, hdrdfdh, a ete
1'hebreu bd', venir. Les aramaismes se rencontrent conserve dans la version des Rois et ne 1'a pas ete dans
surtout dans les auteurs les moins anciens, comme Jere- celle des Paralipomenes. Les Septante ont toujours sup-
mie, fizechiel, etc. Ils ont une importance reelle pour prime 1'article et transcrit Pacpa. II Reg., xxi, 16, 18;
1'etude critique et Fhistoire litteraire de 1'Ancien Testament 20, 22; I Par., xx, 8. Dans le passage I Par., xx, 6, les
et seront signales dans les articles consacres aux auteurs traducteurs grecs n'ont pas conserve le mot hebreu, mais
sacres qui en ont fait usage. en ont rendu le sens en mettant : aTtdyovoc yiyavTwv,
de la race des geants ou d'une race de geants .
ARAMEEN, langue parlee par les Arameens qui habi- C'est, en effet, ce que signifie le texte hebreu, qui indique
taient le pays d'Aram en Syrie. Dans la Vulgate elle est seulement de plus par le mot rdfah que les quatre geants
appelee syriaque. Cf. IV Reg., xvni, 26; Dan., n , 4 ; de Geth dont parle 1'historien sacre, Jesbibenob, Saph,
I Esd., iv, 7; II Mach., xv, 37. L'arameen biblique est Goliath (different de celui qui fut tue par David), et un
souvent appele chaldeen. Voir CIIALDEENNE (LANGUE) et quatrieme, dont le nom n'a pas ete conserve, etaient
SYRIAQUE (LANGUE). tous de la race des geants qui etait connue sous le nom
de Raphaim. Voir RAPHAIM. La Vulgate a voulu exprimer
1. ARAN (hebreu: Hdrdn,le montagnard; Septante: cette double idee par une repetition qui n'est pas dans
'Ap pav), le troisieme fils de Thare, le second frere d'Abra- 1'original, quand elle a traduit II Reg., xxi, 18 : Saph,
ham, le pere de Lot, de Melcha qui epousa son oncle de stirpe Arapha de genere gigantum. Saph, de la race
Nachor, et de Jescha. Aran mourut avant Thare, son d'Arapha (ou des Raphaim), de la race des geants.
pere, dans son pays natal, Ur de Chaldee. Thare, a partir
de sa soixante - dixieme annee, engendra successivement ARARAT (hebreu : 'Ararat; Septante : 'Apapat,
Abram, Nachor et Aran, puis il mourut a deux cent cinq 'Apapa9, 'Apfxevia). On designe sous ce nom un groupe
ans. Aran naquit done au plus tot quand son pere avait de montagnes, d'origine volcanique, situe en grande partie
soixante-treize ans, et mourut avant qu'il n'en eut deux dans 1'Armenie russe, gouvernement d'Erivan, aux con-
cent cinq, par consequent vecut moins de cent trente- fins meridionaux de la Russie, de la Turquie et de la
deux ans. Comme d'autre part la mort d'Aran est rapportee Perse. L'Ararat presente 1'aspect d'une masse conique
avant le depart d'Abram, et que celui-ci quitta la Chaldee blanche de neige, rayee de noir par les scories et les
a I'age de soixante-quinze ans, on peut en conclure laves. Du cote de Nakhidchevan on dirait un seul pic avec
qu'Aran n'atteignit pas sa soixante-douzieme annee. L'Ecri- collines et plateaux accidentes, s'etendant en plaines a la
ture mentionne d'ailleurs sa mort comme prematuree, et base. Mais d'ailleurs, on distingue parfaitement deux mon-
ce fut parce que Lot etait devenu orphelin qu'Abram tagnes ; elles sent alignees suivant la direction du Cau-
1'emmena avec lui. Gen., xi, 26-xn, 4. Les anciens Juifs case (fig. 213). L'une, qui s'appellele grand Ararat, s'eleve
avaient imagine toute une legende sur la mort d'Aran: au nord-ouest avec double pointe; les calculs hypsome-
il aurait peri par le feu en Chaldee, sur son refus d'adorer triques auxquels on s'est livre pour evaluer la hauteur
le feu, comme les Ghaldeens. S. Jerome, Quaest. in Gene- du grand Ararat varient de cinq mille cent soixante a
sim, t. xxin, col. 956. Cette fable repose uniquement sur cinq mille quatre cents metres. A sa gauche, au sud-est,
une traduction fausse d' Ur Kosdim. Le Targum de Jona- se dresse le petit Ararat, qui a un peu moins de quatre
than, Gen., xi, 28, donne a 'ur le sens de feu , quoique mille metres. La cime en est arrondie, il est separe du
ce mot signifie, en hebreu, lumiere, et qu'il ait le sens grand Ararat par une depression profonde, qui s'etend
de ville c"est-a-dire ville des Chaldeens, dans le a une distance de onze ou douze kilometres. L'ensemble
879 ARARAT 880
des deux montagnes occupe, entre Bayazid et firivan, dans Russ. Archiv, 1851, p. 608; Longuimoff et Abich,
une surface de neuf cent soixante kilometres carres. Si L'ascension de I'Ararat, dans le Bulletin de la Societe de
des pentes douces, assez semblables a celles de 1'Etna, geographic de Paris, rve serie, t. i, 1851, p. 52, 66, 515;
paraissent rendre aisee 1'ascension de 1'Ararat, les coulees Abich, Reise in Armenian, 1860; Id., Ararat in seiner
de laves et, plus haut, des fondrieres de neige ramollie genetischen Bildung, dans le Bulletin de la Societe de
font, au contraire, cette expedition dangereuse et penible; geographie alletnande, 1870; Douglas Freshfield, Tra-
sans compter que la superstition des Armeniens entoure vels in the Central Caucasus, Londres, 18C9; Brice,
la montagne d'une veneration ridicule, et soumet les voya- Transcaucasia und Ararat, in-8, Londres, 1877, p. 242;
geurs qui veulent 1'explorer a toutes sortes de vexations. dans L'Exploration du 9 novembre 1882, le recit de 1'as-
Toutefois les neiges ne commencent, du moins a 1'etat cension d'un voyageur anglais; Mark off et Kowalosky,
persistant, qu'au niveau de quatre mille trois cents metres A:a Gorakh Araratskikh, Moscou, 1889; J. Leclercq,
sur le grand Ararat. Jusqu'a trois mille quatre cents Voyage au mont Ararat, Paris, 1892.
metres, la vegetation est complete et variee ; mais, un Si, dans la nomenclature geographique actuelle, 1'Ararat
pen plus haut, les graminees disparaissent pour ne laisser designe une montagne, cela n'est pas aussi certain pour
que la flore des hautes Alpes. Du reste, memo sur la la geographie bibliqae. Le terme Ararat se lit cinq fois
partie inferieure de la pente, cette vegetation est mise- dans 1'Ecriture, savoir : Gen., vm, 4; IV Reg., xix, 37;
rable et fletrie. Les pentes de 1'Ararat sont, en effet, Tob., i, 21, seulement dans le texte grec; Is., xxxvn; 38;
cxtremement arides, malgre les neiges du sommet. On Jer., LI, 27 (Septante, xxvn, 38). La Genese et le livre de
croit que les eaux s'ecoulent, par des fissures, sous les Tobie parlent des montagnes d'Ararat; le livre des
cendres et les laves, dans 1'interieur de la terre. Aussi les Rois et Isaie de la terre ; Jeremie du royaume
voyageurs signalent-ils 1'Ararat comme un veritable de- d'Ararat. Voila pour les textes originaux; dans les diverses
sert, les indigenes n'y conduisent guere leurs troupeaux; versions, les interpretes ont plutot commente que traduit.
on n'y rencontre que rarement un animal, le bouquetin C'est ainsi que la Vulgate porte successivemenl pour ces
tour, la fouine et une espece de lievre ; peu'ou point divers passages : super montes Armenise, in terrain Ar-
d'oiseaux. Depuis 1'eruption de 1840, qui detruisit le cou- rneniorum, in terram Ararat, regibus Ararat. Les Sep-
vent de Saint-Jacques et le village d'Argouri, la mon- tante ont iiu Ta oprj TDC 'Apapar, ECJ TV 'Apapa6, e!; ta
tagne est de moins en moins habitee. opr, 'Apapa6, d; 'Apiisv-av (deux fois).
Les Turcs donnent a 1'Ararat tantot le nom A'Agri- De 1'ensemble de ces passages, Franz Delitzsch, Com-
dagh (mont escarpe), tantot celui d'Arghi-dagh (mont de mentar iiber die Genesis, l re edit., p. 221, inferait que,
1'Arche); les Persans 1'appellent Koh-i Nouh, c'est-a-dire dans la langue de la Bible, Ararat est plutot le nom
la montagne de Noe. Chez les Armeniens, la seule appel- d'un pays. Si Ton objecte que Gen., vm, 4, et Tob., i, 21,
lation en usage est celle de Masis ou Massis, qui signifie : parlent clairement de montagnes , xa 6'prj, les critiques
eleve, haut. Nicolas de Damas, au temoignage de repondent que si Ton tient compte du pluriel hare,
Josephe, Ant. jud., I, in, 6, designe 1'Ararat par le nom montagnes, et d'un passage similaire, Jud., xn, 7, le
de Baris. On peut consulter pour la geographie physique texte de la Genese et celui de Tobie peuvent se traduire sur
de 1'Ararat les monographies suivantes : K. von Raumer, les montagnes [du pays] d'Ararat . C'est ainsi qu'ont tra-
Der Ararat, der Pison und Jerusalem, dans Hertha, duit MM. Noldeke, L'ntersuchungen zur Kritik des alien
Zeitschrift fur Erdkunde, 1829, t. xin, p. 333 et suiv.; Testaments, chap, i, Der Landungspunkt Noah's, p. 146,
D r Parrot, Authentische Nachrichten von der Besteigung et Guidi, Delia sede primitiva dei popoli semitici, dans
des Ararat, dans SopJironi~on, 1830. t. xn. 4e livr., p. 1; Memoires de ladasse des sciences hist, etphil. de I'Aca-
Id., Reise rum Ararat, Berlin, 1835; Moritz "Wagner, demie royale des Lincei, 3e serie, t. in, p. 50.
Reisc nach dem Ararat, Leipzig, 1845; Monteith, La Quel est le pays que la Bible designe sous le nom,
plaine d'Ararat, dans Annales des voyages, 1850. t. in. d'Ararat? Bochart. Geographia sacra; Westen, Archxo-
p. 159; Khodzko, Besteigung des grossen Ararat in i850, logia, t. xvni, p. 302; Saint-Martin, Memoires historiques
881 A R A R A T ARATUS 882
et geographiques sur I'Armenie, enseignent que la grande possibilite de marcher de Test a Fouest pour aller d'Ar-
majorite des anciens interpretes grecs et latins ont admis menie aux plaines du Sennaar. Or le cours du Mourad
Fidentite de 1'Ararat et de FArmenie. Nous avons deja trace de Fest a Fouest, sur une longueur de plus de trois
cite les Septante et la Vulgate traduisant deux fois Ararat cents kilometres, la route naturelle d'Armenie en Baby-
par 'Apjxevia; la version armenienne de la Bible fait de lonie. De plus, pour trouver une objection dans le cha-
meme, et dans le texte persan de 1'inscription de Behis- pitre xi de la Genese, il faut admettre, contrairement a
toun, Anmaniya, Armina correspond a Fassyrien Urar- de fortes probabilites, que cette emigration vers les plaines
tu,, Arartu. Spiegel, Die altpersischen Keilinschriften, du Sennaar fut le fait du genre humain tout entier, et non
p. 12, 17. Parmi les Peres, on peut citer Theodoret, In pas seulement d'une fraction des Noachides. Quant aux
Jerern., LI, 27, t. LXXXI, col. 751'; Eustathe d'Antioche, legendes aryennes, les mythes du Merou et du Hara-
In Hexameron, t. xvm, col. 753; S. Jean Chrysostome, Berezaiti n'ont plus aucun caractere primitif. Rien n'est
In orat. de perf. carit., edit. Gaume, t. vi, p. 350; Eu- moins defini, ni plus obscur que la geographic des Pou-
sebe, Prsep. evang., ix, 12, t. xxi, col. 699; S. Jerome, ranas et du Boundehesh. II n'y a aucune raison pour faire
Comm. in Is. proph., xr, 27, t. xxiv, col. 389; Liber de de 1'Ararat un vocable aryen, car le pretendu terme
situ etnom. loc. hebr.,t. xxm, col. 859. Ces interpreta- d'Airydratha est fabrique de totites pieces. 3 Si Fan-
tions trouvent surtout leur appui dans Jeremie, LI , 27, ou thropologie conduit a placer en Asie la premiere appari-
le royaume d'Ararat est enumere avec ceux de Minni et tion de Fespece humaine, M. de Quatrefages la declare
dCAscenez. Or ces donnees designent clairement FAr- incompetente pour preciser davantage la solution du
menie. Cf. Nicolas de Damas dans Josephe, Ant. jud., point de depart des Noachides. Enfin 1'archeologie pre-
I, in, 6; Patkanof, Museon, t. i, p. 545; Sayce, Journal historique, en faisant connaitre les premiers foyers de
of the Royal Asiatic Society, t. xiv, part, in, p. 377-496; Findustrie metallique, nous laisse completement libres
Delattre, Le peuple et Vempire des Medes, p. 71; Lenor- d'attribuer les plus anciennes exploitations de 1'etain pour
mant, Lesorigines de I'histoire, t. n, p. 388-395; H. Raw- la fabrication du bronze, soit aux filons metalliferes de
linson, dans Herodotus, t. iv, p. 246; G. Smith, History FIberie caucasique, soit a ceux du Paropamise. Or, en arre-
of Assurbanipal, p. 93. Les documents anciens confir- tant son choix sur les premiers, on se trouve precise-
ment le sentiment des interpretes. Dans les Annales de ment dans les limites tracees par 1'opinion traditionnelle.
Sargon et d'Assurbanipal, F Ararat revient souvent sous Et les plus recents travaux de 1'archeologie autorisent
la forme d'Urartu ou Arartu pour designer le nord-est pleinement ce choix en faveur des regions armeniennes.
de I'Armenie. Mo'ise de Khorene nous dit que les ecri- Cf. E. d'Acy, L'origine du bronze, dans le Compterendu
vains armeniens appliquent a la meme contree Fappella- du Congres scientifique international des catholiques,
tion d'Ararad, Ayrarad. Paris, 1891. Section d'anthropologie, p. 200-206.
II y a pourtant une tradition divergente dans 1'Eglise En resume, si Fon ne peut etablir avec une entiere cer-
orientale, qui semble plutot identifier le pays d'Ararat titude que Farche s'est arretee au sommet du mont Massis,
avec le Kurdistan, au nord de la Mesopotamie et de FAs- le moderne Ararat, il est cependant plus probable que le
syrie. Ainsi pensent Berose, dans Josephe, Ant. jud,, premier sejour des Noachides, sauves du deluge, doit etre
I, in, 6, la Paraphrase chaldaique d'Onkelos, les Tar- place en Armenie. L'hypothese qui fait aborder Noe sur
gums du Pentateuque et des prophetes, dont il reste un les hauteurs de FHindou-Kousch est inadmissible, et les
vestige dans le texte corrompu de saint Ambroise, De Noe essais qui tendent a reculer si considerablement a Fest
et Area., cap. 17 : Sedit area... super montem Qua- le theatre de Fancienne histoire genesiaque doivent etre
drati, t. xiv, col. 390. La Peschito traduit Ararat par rejetes. J. VAN DEN GHEYN.
Qardu. Cf. saint Ephrem, dans Assemani, Bibl. orient.,
t. i, p. 113; t. HI, 2e part., p. 734, et S. Epiphane, Adv. ARARI, ARARITE (hebreu : hardri, ou, avec Farticle,
hxres., i, 18, t. XLI, col. 259. hdhardri), surnom signifiant le montagnard , donne a
D'autres legendes-font des assimilations plus etranges trois guerriers de David : a Semma (Septante : 6 'Apou-
encore. Josephe place 1'Ararat dans le Caucase, les Sama- yaioc; Vulgate: de Arari, II Rois, xxm, 11, et de Orori,
ritains a Ceylan, les livres Sibyllins sur le mont Celene f. 33; a Sage (Septante : 'ApcoSt-rri?; Vulgate : Ararites.
en Phrygie, les Persans sur FElvend, pres d'Ecbatane. I Par., xi, 33; a Sachar, ou plutot a Ahiam, son fils
En ces derniers temps, Fr. Lenormant a rajeuni 1'opinion (Septante : 6 ' A p a p t ; Vulgate: Ararites). IPar.,xi,34. Voir
de Baleigh et Schukfort, Histoire universelle des Anglais, ARORITE 1. Cependant ce nom designe plus vraisembla-
t. i, p. 194, de Fabbe Mignot, Memoires de I'Academie blement le lieu d'origine de ces guerriers, Harar, localite
des inscriptions, t. xxxvi, p. 27, et d'Obry, Du berceau inconnue.
de I'espece humaine selon les Indiens, les Perses et les
Hebreux, Paris, 1858. Pour Fr. Lenormant, Les origines ARATOR, poete chretien, ne au vie siecle dans la
de I'histoire, t. n, p. 1-45, il fuut renoncer a 1'assimila- Ligurie, et officier de la cour de Fempereur, avail quitte
tion traditionnelle de 1'Ararat de Moise avec les regions le monde et etait devenu, en 541, sous-diacre de FEglise
armeniennes, et retrouver dans le massif montueux de romaine, sous le pape Vigile. On a de lui une Historia
1'Hindou-Kousch le lieu ou aborderent Noe et ses fils. On apostolica ex Luca expressa, poeme en vers hexametres,
trouvera une etude complete et une refutation detaillee divise en deux livres. II fut d'abord presente au souverain
de cette opinion dans la Revue des questions scientifiques pontife dans Feglise vaticane, le 6 avril 544, puis lu en
de Bruxelles, 1883. En voici le resume. L'hypothese de lecture publique a Saint-Pierre-aux-Liens, a la demande
Fr. Lenormant repose sur les arguments suivants : 1 Fin- de tous les amis des belles-lettres, tant ecclesiastiques
certitude des donnees traditionnelles et le peu de fixite que laiques, de la ville de Rome. Cette lecture dura quatre
des indications qui assignent I'Armenie comrne second jours, et le poeme fut ensuite envoye, avec une lettre,
berceau de Fhumanite ; 2 les inductions contraires qu'on a un ami dans les Gaules, ou il recut une nouvelle publi-
peut tirer du chapitre xi de la Genese et que confirment cite. Les Actes des Apotres y sont assez bien rendus, et
les plus anciens souvenirs historiques de la race aryenne; Arator y a ajoute quelques circonstances tirees principa-
3 entin les decouvertes recentes de Fanthropologie et de lement du Nouveau Testament. II fait mourir saint Pierre
1'archeologie prehistorique. et saint Paul le meme jour, mais non la meme annee.
On peut repondre : 1 La divergence des traditions ne Ce poeme a etc imprime a Milan, in-8, 1469. Voir
prouve rien, car la Bible disant : hare 'Ararat, les Migne, Pair, lat., t. LXVIII, col. 45-252; Ceillier, His-
montagnes de 1'Ararat, laisse toute liberte pour desi- toire des auteurs ecclesiastiques, l re edit., t. xvn, p. 356.
gner diverses cimes dans les limites du pays d'Ararat. C. RlGAULT.
2 La plus forte de ces inductions contradictoires est 1'im- ARATUS ("Apato;). Poete grec, ne a Soli, en Gilicie.
883 A R A T U S ARBfiLE 884
1
La date de sa naissance est inconnue, mais on sail qu'il d'Hebron. Arbe n'est mentionnee dans 1'Ecriture qu'a
vecutdansla premiere moitie du me siecle (270avant J.-C.); ; 1'occasion de cette ville, Gen., xxm, 2; xxxv, 27 (oil la
il etait medecin a la cour d'Antigone Gonatas, roi de j Vulgate ecrit Arbee ) , Jos., xiv, 15; xv, 13, 54; xxi,
Macedoine. De ses ceuvres il nous reste deux poemes I 11; Jud., I, 10; II Esdr., xi, 25. Dans le livre de Josue,
astronomiques ou deux fragments du meme poeme, Les | xiv, 15, le texte original porte : Hebron etait appelee
Phenomenes (732 vers) et Les Pronostics (422 vers). C'est auparavant Ville d'Arbe, homme tres grand parnii les
au premier de ces poemes (Phenom., 5) qu'est empruntee Enacim . Le mot homme est exprime en hebreu par
textuellement la citation que saint Paul, dans son discours 'dddm. La Vulgate, au lieu de rapporter le mot 'dddm a
sur 1'Areopage, extrait des poetes grecs : ToO yap xat yevo; Arbe, comme le demande le sens, en a fait un nom
Eff[ilv, Nous sommes de sa race. Act., xvn, 28. Voir propre et a traduit : Adam maximus ibi inter Enacim
Schmid, De Arato, lena, 1691; Schaubach, Geschichte situs est, ce qui a fait croire a quelques commentateurs
der griechischen Astronomie, p. 215. E. JACQUIER. ignorants qu'Adam, le premier homme, avait ete enterre
(situs est) a Hebron.
ARAXE, fleuve d'Asie qui sort du voisinage de la
source occidentale de 1'Euphrate et se jette dans la mer 2. ARBE, ARBEE (CARIATH ), (hebreu^ 'arba';
Caspienne. II est identifie par beaucoup de commentateurs Septante: 'Ap66x, 'Apydo), nom primitif d'Hebron. Dans
avec le Gehon du paradis terrestre. Gen., n, 13. Voir Jos., xiv, 15; xv, 13, 54; xxi, 11; Jud., i, 10; II Esd.,
GEHON. xi, 25, la Vulgate ecrit: Cariatharbe. Dans Gen., xxm,,
2 et xxxv, 27, elle traduit le mot cariath (qiryat) par
ARBATES (Septante : ev 'Apoarroi;; Vulgate : in ville d'Arbee . Arbe (Voir ARBE 1), fondateur d'Hebron,
Arbatis), localite de Palestine dont le nom ne se lit que donna sans doute d'abord son nom a la ville qu'il batit;
I Mach., v, 23. L'orthographe meme n'en est pascertaine. c'est du moins ce que semble insinuer Jos., xv, 13;
Au lieu de ev 'ApSa-rToi?, le Codex Alexandrinus porte xxi, 11. Voir HEBRON.
'Apgaxiot?; d'autres manuscrits lisent : 'ASpaSvrroie,
'ApgaTovoi?. Voir W. Grimm, Das erste Buck der Mac- ARBELE (ev 'Ap6yj),oc?), lieu mentionne une seule
cabder, 1853, p. 82. Le syriaque a Ardbot. Comme on ne fois dans 1'Ecriture. I Mach., IX, 2. II sert a determiner
connait en Galilee aucune ville du nom d'Arbates, la plupart la position d'une autre place, qui n'est egalement citee
des commentateurs croient aujourd'hui que cette denomi- qu'en ce seul endroit, Masaloth, prise par Bacchide et
nation designe un district. Ewald, Geschichte desVolkes Alcime au debut de la campagne dans laquelle perit Judas
Israel, 2e edit., 1852, t. iv, p. 359-360, note, s'appuyant Machabee. Ce passage est plein d'obscurites. D'abord
sur la lecon de la version syriaque, conjecture qu'Arbates Masaloth, MaiaaXwB, Mea-aaXwO, est elle-meme inconnue.
est la region appelee aujourd'hui Ard el-Batibah, au Ensuite quelle etait cette Galgala, dont les Syriens prirent
nord du lac de Tiberiade. Reland, Palsestina, 1.1, c. 32, le chemin ? Nous en connaissons trois de ce nom :
t. i, p. 192, a suppose que la lecture actuelle etait une 1 Galgala (Gilgdl), Jos., iv, 19, etc., aujourd'hui Tell
corruption du nom de la toparchie dont parle Josephe, Djeldjoul, au-dessous de Jericho; il ne peut en etre
Bell, jud., Ill, in, 4, 5, 1'Acrabatene, situee entre question pour une expedition de 1'armee syrienne en Judee;
Sichem et Jericho. (Voir plus haut col. 150-151.) Drusius 2 Galgala, IV Reg., n, 1; iv, 38, aujourd'hui Djildjilia,
et beaucoup d'autres pensent qu'Arbates est la transcrip- au nord de Jerusalem, entre Bethel et Sichem; 3 Galgal,
tion du mot hebreu 'arbot ou de la forme arameenne Jos., xn, 23, aujourd'hui Djeldjouliyeh, dans la plaine de
analogue, signifiant ft prairies, paturages , et qu'il de- Saron, au nord-est de Jaffa. Keil pense qu'il s'agit de cette
signe ici par consequent la partie de la vallee du Jourdain derniere, parce que Fexpression 6Sbv r/)v e!? FaXya^a, la
siluee au nord du lac de Tiberiade. Cette region, d'apres route de Galgala, semble indiquer une voie bien connue,
eux, serait souvent appelee dans la Bible hebraique 'Ardbdh une route strategique, telle que celle de Damas en
('Arbot dans quelques-unes de ses parties); mais cette Egypte, sur laquelle se trouvait Galgala; et puis une
derniere affirmation est inexacte. Ni la vallee du Jourdain armee qui voulait marcher vite devait suivre le chemin
ni ses environs, excepte la plaine de Moab en face de Je- battu des caravanes, a travers la plaine, plutot que de
richo, ne sont jamais appeles 'Arbot dans FAncien Testa- s'engager dans le pays montagneux de Sichem a Jeru-
ment. Voir ARABAH, col. 821. Hitzig, Geschichte des salem. Dans ce cas, il faudrait chercher Masaloth entre
Volkes Israel, p. 397, croit qu'Arbates est la toparchie Djeldjouliyeh et la ville sainte, a Fentree des niontagnes.
situee a soixante stades de Cesaree du cote de la Samarie, Cf. C. F. Keil, Commentar uber dieBucher der Makka-
que Josephe, Bell, jud., II, xiv, 15; xvm, 10, appelle bder, Leipzig, 1875, p. 148. Enfm une troisieme diffi-
Narbatha. Que penser de ces opinions diverses ? L'iden- culte vient de ce que le nom d'Arbele s'applique lui-
tification de cette localite reste douteuse, au milieu de ce meme a plusieurs localites. Eusebe en signale trois : 1'une
conilit d'hypotheses dont aucune ne repose sur un argu- a 1'extremite de la Judee vers 1'est; la seconde au dela
ment propre a faire pencher la balance en sa faveur. du Jourdain, non loin de Pella; la troisieme dans la
L'auteur sacre parle d'Arbates en meme temps que de grande plaine d'Esdrelon, a neuf milles de Legio. Ono-
la Galilee, a Foccasion de la campagne que Simon Ma- masticon, Gcettingue, 1870, p. 214. La premiere est
chabee fit dans ce dernier pays, apres les premiers exploits inconnue. L'Arbele orientale est identifiee avec celle des
remportes par Judas sur les armees syriennes. Simon fut Machabees par certains auteurs, sous pretexte que la
charge par son frere de delivrer les Galileens du joug version syriaque et quelques manuscrits donnent Galaad
ennemi; il remporta de brillants succes au nord de la au lieu de Galgala; ce serait alors Irbid',, au sud-est du
Palestine et y fit un grand butin, en particulier a Arbates. lac de Tiberiade. Outre la base fragile de cette opinion,
I Mach., v, 20-23. on ne voit pas bien quel besoin avaient les generaux
syriens d'assieger cette ville avant d'accourir a Jerusalem.
ARBATHITE (hebreu : ha'arbdti; Septante : 6 Fapa- D'autres enfin veulent lire Galilee au lieu de Galgala;
6at9t), natif d'Arabah ou Betharaba dans le desert de Juda. \ XauaAwG, Casaloth, Jos., xix, 18, au lieu de Masaloth,
Abialbon, vaillant guerrier de David, est appele Arbathite I contondant cette derniere avec Iksal, ville de la plaine
parce qu'il etait originaire de Betharaba. II Reg., xxi, \ d'Esdrelon, dans le voisinage de laquelle eiit ete notre
31; I Par., xi, 32. { Arbele, la troisieme d'Eusebe : ce changement de noms
est tout a fait arbitraire. Cf. Keil, Makkabaer, p. 149,
1. ARBE (hebreu: 'arfco,',quatre; Septante: 'Apy66), note 1.
geant de la race des Enacim, qui donna son nom a la 1 Josephe, Ant. jud., XII, xi, 1, rapportant le meme
c ville d'Arbe , Jos., xiv. 15, plus connue sous le nom i fait que 1'auteur sacre, place Arbele en Galilee, ev 'Apgrt-
885 ARBELE ARBI 886
>>oi? TtoXet TTJC FaXO.afa?. Ailleurs il en precise la situation par Salmanasar. Voir BETH-AP.BEL. On peut y reconnoitre
en la montrant pres de Sepphoris, non loin du lac de aussi celle dont parle le Talmud, la patrie du docteur
Genesareth : il signale, dans le voisinage, un grand Nithai ha-Arbeli, qui y fit construire une grande syna-
nombre de grottes maccessibles, remge des voleurs et gogue. Cf. A. Neubauer, La geographic du Talmud,
des insurges, et qui furent le theatre de scenes sanglantes, Paris, 1868, p. 219.
au temps d'Kerode; lui-meme les iortifia plus tard, lors Les ruines de Khirbet Irbid couvrent les pentes d'un
de 1'invasion romaine. Ci. Ant. iud., XIV, xv, 4 , 5 ; Bell, plateau eleve qui domine YOuadi el-Hamdm. Ce sont
jud., I, xvi, 2-4; Vita, 37. Tous ces details topogra- celles d'une petite ville renversee de fond en comble.
phiqucs conviennent bien a Khirbet Irbid ou Arbed, On peut suivre neanmoins encore ca et la. au milieu des
broussailles, les traces d'un mur d'enceinte qui avait
ete bati avec des pierres basaltiques et mesurait quatre-
vingt-dix centimetres d'epaisseur. Au dedans de cette en-
ceinte aux trois quarts rasee, on heurte a chaque pas les
debris confus de maisons ecroulees, construites elles aussi
iadis, pour la plupart, avec des materiaux basaltiques.
Une source abondante, renfermee dans un puits revetu
interieurement de pierres regulieres de moyenne dimen-
sion , fournissait de 1'eau aux habitants. Us avaient, en
outre, creuse dans le roc de nombreuses citernes et deux
bassins, qui avaient ete batis la oil le roc faisait defaut,
et qui sont actuellement a moitie cornbles. Les samedis,
ils se reunissaient dans une synagogue construite avec
de belles pierres de taille calcaires, et qui a malheureu-
sement subi une devastation complete. Elle etait ornee
de colonnes, les unes corinthiennes, les autres ioniques,
d'un moindre module, dont plusieurs gisent encore a
terre avec leurs chapiteaux mutiles. La, on admire les
debris d'une jolie porte decoree de moulures a crossettes.
V. Guerin, Description de la Palestine, Galilee, t. I,
p. 198-199.
Au pied du plateau ou s'eleve Irbid, un ruisseau, forme
par une source assez abondante, qui coule entre des
roseaux, des agnus-castus et des lentisques, serpente dans
une gorge tres profonde, que bordent et resserrent deux
chaines paralleles de hautes collines rocheuses. Les flancs
escarpes de ces collines, semblables sur beaucoup de points
a des murailles gigantesques, sont perces a differents
etages d'innombrables cavernes, creusees jadis par la main
de 1'homme (fig. 214). Les plus remarquables sont de'si-
gnees sous le nom de Qala'at Ibn Ma'dn ou de Qala'at
oued el-Hamdm. Apres trois quarts d'heure d'une gym-
naslique difficile on arrive, par un escalier pratique sur
des flancs presque verticaux, au niveau des premieres
grottes. Une porte basse et un long couloir ogival, voute
en pierres soigneusement appareillees, conduisent dans
rinterieur de la grotte principale, dont 1'entree est fermee
par un veritable rempart, construit en belles assises aller-
nativement blanches et noires. De celte vaste chambre
un escalier conduisait aux etages superieurs. On trouve
ainsi toute une serie de reduits communiquant les uns
avec les autres par des ouvertures, des corridors, des
galeries tantot baties sur les corniches, tantot creusees
en pleine montagne. Un troisieme etage renferme les
memes dispositions. De la terrasse qui termine cet en-
214. Vue des collines rocheuses d'ArbMe. semble de constructions, la vue est splendide sur 1'extre-
mite du lac de Tiberiade, sur les montagnes de Safed et
situee a 1'ouest dCEl-Medjdel, et au pied des collines de sur la plaine de Genesareth. Actuellement inhabitees,
Qoroun Hattin. ces grottes servent d'asile a des milliers de colombes qui
Presque tous les auteurs admettent cette identification. y vivent en securite. C'est de la que vient a la vallee le
La permutation entre I et d se retrouve en bien des nom de Ouadi el-Hamdm, vallee des colombes.
langues : chaldeen, brN, 'dzal; hebreu, ~TN, 'dzad, Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, dans le Tour du
monde, t. XLIII, p. 216-218.
'OSuffaev?, Ulysses. Ensuite le mot Msaa-altoS peut bien Ces cavernes ont joue un role important pendant les
n'etre que 1'hebreu ni^oo, mesillot, degres, etages, guerres dont parle Josephe dans les passages cites plus
et 1'endroit ainsi appele, indique comme se trouvant sur haut. En passant a Arbele, Bacchide en fit le siege et
le territoire d'Arbele, repond probablement aux cavernes s'empara d'un grand nombre-de Juifs qui s'y etaient refu-
jadis iortifiees par Josephe, auxquelles on monte par des gies. Herode fut oblige d'imaginer tout un plan d'attaque
degres. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, pour se rendre maitre des brigands qui s'etaient retran-
Londres, 1856, t. n, p. 398-399. Enfin la route qui va ches dans ces asiles, en apparence inexpugnables. Voir
de Nazareth et du Thabor au lac de Tiberiade avait une le recit tragique de Josephe, Bell, jud., I, xvi, 2-4.
importance que connaissaient les armees syriennes. A. LEGENDRE.
Arbele est peut-etre la ville de Beth-Arbel, citee dans ARBI (hebreu : ha'arbi; Septante : Oypatoep-/-!), patrie
le texte hebreu du prophete Osee, x, 14, et qui fut ravagee de Pharai, 1'un des heros de David, d'apres la Vulgate.
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II Reg., xxin, 35. La version latine a reproduit servilement 1857, sur le chap, vi, jr. 5-6, p. 125; Al. Messmer,
la forme du nom hebreu, qui n'est autre que celui d'une Erkldrung des ersten Korintherbriefs, Inspruck, 1862,
ville de la tribu de Juda, Arab, avec 1'article et la termi- au meme endroit, p. 116; telle est aussi 1'opinion de la
naison i, pour indiquer la relation d'origine ; le sens est plupart des exegetes protestants contemporains. Une autre
done simplement: Pharai 1'Arabite. Voir ARAB. On lit opinion voit, dans ces juges qui devaient terminer les
dans I Par., xi, 37, a propos du meme personnage : ben differends des Chretiens, non pas des arbitres , mais
'Ezbai, fils d'Asbai, au lieu de hd'arbi, ce qui semble des juges proprement dits. Cf. Cornely, Commentarius
une faute facile a expliquer par la confusion entre le 7, in S. Pauli priorem epistolam ad Corinthios, Paris,
zain, et le i, resch. Les Septante ont uni les deux noms 1890, p. 140-141. Voir JUGE. S. MANY.
propres, et, dans le dernier, ont pris le -, beth, pour un
3, caph. A. LEGENDRE. ARBOREUS Jean, de Laon, theologien francais, doc-
teur en theologie de la maison de Sorbonne, n'est connu
ARBITRAGE, ARBITRE. On entend par arbitre que par ses ouvrages. II vivait dans la premiere moitie du
celui qui, dans un differend ou un debat d'interets entre xvie siecle. On a de lui: Theosophise tomi i et //; Expo-
deux parties, est designe, ordinairement par les parties sitio difficillimorum locorum Veteris et Novi Testamenti,
elles-memes, pour dirimer la controverse. Tantot les in-f, Paris, 1540. II y etablit, au moyen des passages
parties recourent d'elles-memes et spontanement a des recueillis avec soin des Peres grecs et latins, diverses pro-
arbitres; tantot, d'apres les prescriptions de la loi ou un positions importantes et curieuses tant sur les dogmes
decret judiciaire, elles sont obligees d'y recourir, quoi- que sur les textes scripturaires. Commentaria in Eccle-
qu'elles restent libres dans le choix des personnes; quel- siasten et Canticum canticorum, in-f, Paris, 1531 et
quefois les personnes memes des arbitres sont imposees 1537 ; In Proverbia, in-f, Paris, 1549; In quatuor Evan-
par la loi ou le tribunal. On entend par arbitrage la gelistas, in-f, Paris, 1529 et 1551; In Epistolas dim
decision rendue par les arbitres. L'arbitrage etant un Pauli, in-f, Paris, 1553. L ; auteur paraphrase le texte,
mode simple et naturel de trancher les discussions d'in- explique le sens litteral et traite les questions qui se pre-
teret, nous ne pouvons douter qu'il n'ait existe chez les sentent de theologie et de controverse. II a souvent recours
Hebreux. La Vulgate emploie le mot arbitres dans le au texte grec. On peut tirer boaucoup de profit des oeuvres
passage suivant, Exod., xxi, 22 : Si des hommes se de cet habile theologien, sage et modere dans ses senti-
querellent, et que, Fun d'eux ayant frappe une femme ments, net et precis dans ses expressions. Voir Du Pin,
enceinte, elle accouche d'un enfant mort, sans qu'elle Bibliotheque des auteurs ecclesiastiques, xvie siecle, t. v,
meure elle-meme, il sera oblige de payer ce que le mari p. 140. C. RIGAULT.
demandera et qui sera regie par des arbitres : quantum
maritus mulieris expetierit, et arbitri judicaverint. 1. ARBRES mentionnes dans la Bible. La seule
D'apres le texte hebreu, il reste quelque obscurite sur le trace d'une sorte de classification populaire du regne
caractere des personnages ici designes; ils sont appeles vegetal, dans la Bible, se rencontre dans le texte, Gen.,
pelilim; ce mot n'est employe que deux autres fois dans i, 11, 12, ou Mo'ise fait le recit de la creation. L'auteur
la Bible, Deut., xxxii, 31 et Job, xxxi, 11. Dans le premier sacre enumere successivement trois categories de vege-
de ces passages, il signifie juges dans un sens general : taux, qu'il appelle ainsi: dese', gazon ; 'eseb, plantes
Que nos ennemis en soient les juges (de la puissance herbacees; 'es peri, arbres fruitiers. Par le mot
de notre Dieu); dans le second passage, Job, xxxi, 11, dese', il faut entendre en general tous cespetits vegetaux
il signifie juges proprement dits : . Un tel acte est un dont la germination n'est pas ou n'est guere apparente,
crime de juges, c'est-a-dire un crime de nature a faire et qui rentrent dans la categorie des plantes que nous
comparaitre son auteur devant les juges, comme nous appelons aujourd'hui acotyledones ou cryptogames .
disons : un fait de police correctionnelle, de cour d'assises. En effet, quand Mo'ise signale les vegetaux de la seconde
Ct. Gesenius, Thesaurus linguse hebrsese, p. 1106. Toute- espece, 'eseb, il ajoute ces mots : (les plantes) semant
fois, comme le mot pelilim n'est pas le mot ordinaire leur semence ; done, puisqu'il distingue les plantes appe-
dont se sert Fauteur du Pentateuque pour designer les lees dese' de celles qu'il appelle 'eseb, c'est que les pre-
juges proprement dits (ce mot est sofet, Exod., n, 14; mieres, aux yeux de Moise et de ses contemporains,
Deut., xvi, 18; xvn, 9, 12; xxv, 2), et comme, dans le n'etaient pas censees semer leur semence , parce que
passage cite de 1'Exode, xxi, 22, il ne s'agit pas preci- leur germination n'etait pas apparente. Telle est du reste
sement d'un jugement a rendre, mais d'un fait a cons- 1'interpretation commune, soit des Juifs, soit des chre-
tater et d'une appreciation a faire, nous devons dire que tiens. Rosenmiiller, In Genesim, i, 11. Le mot 'eseb
la conclusion de 1'affaire, prononcee par ces pelilim, designe les vegetaux herbaces dont la germination est
ressemble bien plus a un arbitrage qu'a une sentence apparente; Moise les distingue de la troisieme categorie,
judiciaire, quoique peut-etre ceux qui devaient decider qui comprend les vegetaux ligneux, 'es, bois, arbre.
ne fussent pas differents des juges memes institues deja On le voit, cette classification populaire, qui n'a aucune
par Mo'ise. Exod., xvm, 13-26. p retention scientifique, est fondee sur des caracteres tout
Ce mode de trancher les discussions d'interet s'est trans- exterieurs, en general tres apparents, et propres a la
mis d'age en age chez les Hebreux, comme chez les autres faire comprendre de ceux auxquels Moise s'adressait. Les
peuples. L' arbitrage est mentionne par la Mischaa. vegetaux herbaces, 'eseb, et les arbres portant des fruits,
Les causes pecuniaires sont jugees par trois hommes; 'es peri, sont encore mentionnes plus loin, Gen., i, 29,
chacune des deux parties en choisit un, et ensuite un ou Dieu les assigne comme nourriture a 1'homme.
troisieme juge est nomine, soit par les parties elles-memes Nous donnons ici la liste de tous les arbres mentionnes
d'un commun consentement, soit, comme disent quelques dans la Bible. Sous le mot arbres , nous comprenons
rabbins, par les deux juges nommes d'abord. Mischna, les arbres, les arbrisseaux et les arbustes, en un mot tous
traite Sanhedrin, HI, 1, edit. Surenhusius, t. iv, p. 218- les vegetaux ligneux ; c'est, du reste, le sens de 1'he-
220. On reconnait la, de la maniere la plus evidente, les breu 'es; sous le mot Herbaces (vegetaux), nous donne-
arbitres , designes ou agrees par les parties. rons la liste de tous les vegetaux non ligneux, compre-
Plusieurs commentateurs voient aussi des arbitres nant les deux premieres categories, dese', et 'eseb, signa-
dans ces juges que 1'apotre saint Paul ordonne aux fideles lees par Mo'ise; et ainsi sera complete la nomenclature de
de Corinthe de designer parmi eux, pour juger leurs la llore biblique.
differends, au lieu de recourir aux magistrals paiens. La liste des arbres est donnee par ordre alphabetique; a
I Cor., vi, 1-6. Ainsi pensent Adalb. Maier, Commentar cote du nom francais de chaque arbre, nous donnons
fiber den ersten Korintherbrief, Fribourg-en-Brisgau, d'abord le mot hebreu qui le designe, puis le mot qui
889 ARBRES M E N T I O N N E S DANS LA BIBLE 890
correspond a 1'hebreu dans les Septante et la Vulgate; Arroche halime. Voir Pourpier de mer.
enfln, s'il y a lieu, le norn grec de 1'arbre, soit dans les Astragale ; hebreu : neko't, Gen., xxxvii, 25; XLIII, 11;
livres grecs de I'Ancien Testament, soit dans le Nouveau nekotoh, IV Reg., xx, 13; Is., xxxix, 2; Septante: Ov^'afxa;
Testament. Des articles speciaux sur chaque arbre com- Vulgate : aromata.
pleteront les renseignements qui le concernent. Balanite, ou Faux-Baumier de Galaad; hebreu : sort,
Abricotier, designe, d'apres quelques auteurs, par le Gen., xxxvn, 25; XLIII, 11, etc.; Septante : pr^vr,; Vul-
mot hebreu tappudh. Voir Pommier. gate : resina.
Acacia seyal; hebreu : sittlm, Exod., xxv, 10, 13, 23; Balsamier; hebreu : bdsdm, besdm, III Reg., x, 2,10;
xxvi, 15, etc.; les Septante ont traduit E-jXov aasntov, Cant., v, 1, etc.; ces mots designent tantot le baume,
bois incorruptible; la Vulgate a conserve ordinaire- tantot 1'arbre d'ou il provient; Septante : Y|Su<7(i,aTa, dpw-
ment le mot hebreu ligna setim, bois de selim. jiaTa; Vulgate : aromata.
Acacia d'Egypte. Voir Mimosa. Balsamier a myrrhe; hebreu : mor, Exod., xxx, 23;
Agalloche. Voir Aloes. Prov., vn, 17; Cant., i, 12, etc.; ce mot designe surtout
Aloes ou aquilaire agalloche; hebreu : 'dhdllni, 'dhd- la myrrhe; Septante : o-jjwpva ; Vulgate : myrrha. Eccli.,
lot, Num., xxiv, 6; Ps., XLIV, 9; Prov., vn, 17; Cant., 'xxiv, 20 : o-piypva; Nouveau Testament : <T[iypva, Matth.,
iv, 14; ces mots designent tantot 1'arbre, d'ou provient n, 11; Joa., xix, 39; Vulgate : myrrha.
la substance resineuse et aromatique appelee aloes, tantot Bananier. Quelques commentateurs ont admis, sans
cette substance elle-meme. Septante : cnt^ou (Num., preuves, que le figuier dont il est question, Gen., in, 7,
xxiv, 6), fftaxTV], dXwr,; Vulgate : tabernacula (Num., est le barianier.
xxiv, 6), gutta, aloe. Nouveau Testament: aXdr,, Joa., Boswellie, arbre d'ou I'on extrait 1'encens. Voir En-
xix, 39; Vulgate : aloe. cens.
Amandier; designe par deux mots hebreux : 1. luz, Bubon galvanifere; le galbanum, gomme-resine pro-
Gen., xxx, 37; Septante : (piooov) xap^ivr,v, baguette venant de cet arbrisseau, est mentionne dans la Bible;
de coudrier; Vulgate : (virgas) amygdalinas; 2. sdqed, hebreu : helbendh, Exod., xxx, 34; Septante : -/aXocivr);
le vigilant, Gen., XLIII, 11; Num., xvn, 8; Seplante : Vulgate : galbanum.
dfjwySaXov, v.apuov; Vulgate : amygdala. Buis; hebreu : te'assur, Is., XLI, 19; LX, 13, etc., ou
Aquilaire. Voir Aloes. 'dsur, Ezech., xxvu, 6; Septante: itu^o;, xeSpoc; Vulgate:
Arbustes epineux, buissons, epines. Un certain nom- buxus.
bre de mots hebreux designent des arbustes epineux, des Buissons. Voir Arbustes epineux.
epines, buissons, broussailles, etc. Quelques-uns de ces Byssus. Voir Lin.
mots, comme hedeq, 'dtdd, sdmir, seelim, seneh, ont Cactus. Voir Arbustes epineux.
e'te, d'une maniere plus ou moins probable, identifies Cannelier. Voir Gassier; Cinnamome.
avec une espece particuliere d'epines ou d'arbustes epi- Caprier; la capre, fruit de cet arbrisseau, est nomme"e
neux; voir Morelle, Lyciet, Paliure, Jujubier lotus, dans la Bible; hebreu : dbiyyondh, Eccl., xn, 5; Sep-
Mimosa. Voici les autres, designant les epines en gene- tante : -/aTnrap'.c; Vulgate : capparis.
ral, sans qu'il soit possible de distinguer s'il s'agit de vege- Caroubier; le caroube, fruit de cet arbre, est signals
taux ligneux ou de vege'taux herbaces : A) 1. barqdnim, dans le Nouveau Testament: xspdmov, Luc., xv, 16; Vul-
Jud., vin, 7,16; Septante : Tpi'goXo;; Vulgate : tribuli; gate : siliqua.
2. dardar, Gen., m, 18; Ose., x, 8; Septante : TptgoXo?; Gassier; la casse, espece de cannelle, provenant de
Vulgate : tribulus; 3. hdrul, Job, xxx, 7; Septante : cet arbre, est mentionnee dans la Bible ; hebreu : qiddah,
cpp'jyavov, broussailles; Vulgate : sentes; 4. fyoahj Exod., xxx, 24; Ps. XLIV, 9; Ezech., xxvn, 19; Septante;
I Reg., xm, 6 (texte hebreu; Vulgate : in abditis); IV Reg., i'pt;, xaat'a; Vulgate : casia.
xiv, 9; Job, xxxi, 40; Cai^t., n, 2; Septante : axav, Cedratier; designe, d'apres quelques auteurs, par le
axavOa, xv!6r) , <i-/-/oy-x; Vulgate : carduus, tribulus, mot hebreu tappuah. Voir Pommier.
paliurus, lappa, bardane; 5. na'asus, Is., vn, 19; Cedre ; hebreu : 'ere'z, Lev., xiv, 4; Num., xxiv, 6;
LV, 13; Septante : a-rotor,, poterium epineux ; Vulgate : Septante : en plus de trente-cinq endroits, y.sSpo?; en
fruteta, saliunca; 6. qlmmos, Is., xxxiv, 13; ou qim- vingt-six endroits (iiXov) xeSptvov; en quelques endroits,
sdnim, Prov., xxiv, 31; qlmos, Ose., ix, 6; Septante: /.unapttjffo; ou /uTiapc'ffcnvov; Vulgate : cedrus ; Nou-
ay.avOiva H-JXa, axavOa ; Vulgate : spinse, lappa; 7. qos, veau Testament : xeSpo? (/stjjiappo? TWV xeopwv, Joa.,
qosim, Gen., HI, 18; Exod., xxn, 6; Jud., vm, 7, etc.; xvin, 1, d'apres le tesctus receptus).
Septante :'xav6a; Vulgate : spinet; 8. sallon, ou sillon, Chalef, ou olivier de Boheme ; hebreu : 'es semen,
Ezech., xxvin, 24; Septante : crx6Xo<];; Vulgate : spina ; arbre a huile, III Reg., vi, 23; II Esdr., vin, 15; Is.,
9. sayit, Is., v, 6; vn, 23, 24, 25 etc.; Septante : axavGa ; XLI, 19; Septante : vXov xuTtapifftrcvov, II Esdr., vm, 15;
une fois -/opTo;, herbe; une fois xaXap], paille; Vulgate : lignum olives, ligna olivarum (sauf II Esdr., oil
Vulgate : spina; 10. sell, silikim, Num., xxxm, 55; elle a traduit lignum pulcherrimum}. D'apres quelques
Septante : o-xoXo^; Vulgate : davus; 11. sinndh, seni- auteurs, le 'es Semen serait 1'olivier sauvage.
nim, $innim, Num., xxxm, 55; Jos., xxm, 13; Job, v, Chene ; designe par cinq mots hebreux : 1. 'el, le
5; Prov., xxn, 5; Septante : -rpi'goXot, chardons; fort, Gen., xiv, 6; Septante : Tep6tv6o<;; Vulgate : cam-
poXt'Se?, traits; xaxdv, mal; Vulgate : sudes, pestria; ce mot, au pluriel, 'elim, Is., i, 29; LVII, 5, a
lancese, arma; 12. sirim, Ps. LVII, 10; Eccl., vn, ete traduit par les Septante et la Vulgate : el'otoXa, idola,
7; Septante : axavOa ; Vulgate : spina. B) Nouveau dii, parce que les idoles etaient souvent installees dans
Testament: 1. axavGa, Matth., vn , 16; Luc., VI, 44; des chenaies. Gesenius, Thesaurus lingux hebreeae, p. 47;
Heb., vi, 8, etc.; Vulgate : spina; 2. PTO?, Luc., 2. "elon, Gen., xm, 18; xiv, 13; xvin, 1, etc.; Sep-
iv, 44; Act., vn, 30, 35, etc.; Vulgate : rubus; tante: 8pO;; Vulgate : convallis ; 3. Ballon, Gen., xxxv,
3. Tpt'goXo?. Matth., vn, 16; Heb., vi, 8; Vulgate : tri- 8; Ezech., xxvu, 6; Septante: piXavo;, ('KTTOI;) sXaTivo;;
bulus; 4. <ppvyavov, Act., xxvm, 3; Vulgate : sar- Vulgate : quercus ; 4. 'alldh, Jos., xxiv, 26; Septante .
menta. Les arbustes ou plantes epineuses connues sous repgw6oc; Vulgate : quercus ; 5. 'ildn (mot chaldaique),
^ nom de cactus ou figuier de Barbarie, d'agave, d'aloes Dan., iv, 7, 8, 11, 18, 20; Septante : SevSpov ; Vulgate :
socotrina, etc., sorit comprises, d'apres certains com- arbor (ne pas confondre avec 'eldh, ordinairement tere-
mentateurs, dans les noms ge'ne'raux enumeres ci-dessus, binthe).
mais leur opinion n'est pas fondee, parce que ces diverses Cinnamome, ou cannelier de Ceylan ; hebreu : qinnd-
plantes ont ete importees en Palestine a une epoque rela- mon, Exod., xxx, 23; Prov., vn, 17; Cant., iv, 14; Sep-
tivemeait recente. tante : xi\v7(j.u>ij.ov ; Vulgate : cinnamomum; Nouveau
891 ARBRES M E N T I O N N E S BARS LA BIBLE 892
Testament: XIVXIJ.WIAOV ou xivvajjiw^ov, Apoc., xvm, 13; 16, 17. D'apres Tristram, le jujubier lotus serait encore'
Vulgate : cinnamomum. signifie par le mot hebreu na'asus. Voir Arbustes epi-
Citronnier, designe, d'apres quelques auteurs, par le neux.
mot hebreu tappuah. Voir Pommier. D'apres la tradition Laurelle ou laurier-rose, designee, d'apres quelques
judaique, le citronnier serait designe par les mots 'es auteurs, par le mot grec p<55ov, Eccli., xxiv, 18; xxxix,
hdddr, Lev., xxm, 40; Septante : ij-jXov wpaTov, beau 17; L, 8; cette identification est tres douteuse. Voir
bois ; Vulgate : arbor pulcherrima. Gesenius, Thesau- Rosier.
rus linguae hebrsses, p. 367. Laurier; hebreu : 'ezrdh,Ps. xxxvi (hebreu, xxxvn),
Cognassier, designe, d'apres quelques auteurs, par le 35, au moins d'apres 1'opinion commune, malgre 1'au-
mot hebreu tappuah. Voir Pommier. torite des Septante et de la Vulgate, qui ont traduit: xs8po;
Cotonnier; hebreu : karpas, Esther, i, 6; Septante : TO-J AiSavoy, cedrus Libani.
xapiMCffwa; Vulgate : (colons) carbasini. Laurier-rose. Voir Laurelle.
Cypres, designe en hebreu par deux mots : 1. beros, Lentisque; ne se trouve que dans 1'histoire de Susanne,
II Reg., vi, 5; III Reg., v, 8; II Par., n, 8, etc.; les Sep- Daniel, xm, 54 : ayiyos', Vulgate : schinus,
tante ont traduit tres diversement : xuraipi<r<7o; (le plus Lierre; II Mach., vi, 7 : XKJ<TO;; Vulgate : hedera.
souvent), nsvxr) ou (<j-JXov) TISVXIVOV, xeSpo; ou (vXov) Lotus. Voir Jujubier lotus.
xeSptvov, apxeuSoi; ou (1-vXov) apxeuOtvov, Xdn r i , 5'jXov Lyciet; hebreu : 'dtdd, Jud., ix, 14; Ps. LVII, 10, d'apres
AtSavou, TUTU? ; Vulgate : presque toujours, abies ou (ligna) une opinion probable. Les Septante traduisent: pdjAvo;, et
abiegna; quelquefois (ligna) arceuthina, fabrefacta; la Vulgate : rhamnus.
2. probablement gofer, Gen., vi, 14, quoique les Sep- Mimosa du Nil, espece de petit acacia, designe peut-
tante et la Vulgate aient traduit: (-JXa) Tetpaywva, (ligna) etre par le mot hebreu seneh, Exod., in., 2, 3, 4; Deut.,
Isevigata. Eccli., xxiv, 17; L, 11 : xuTcaptaao;; Vul- xxxm, 16; Septante : piro?; Vulgate : rubus.
gate : cypressus. Morelle; hebreu, probablement: hedeq ou hedeq, Prov.,
Ebene; hebreu: hobni, Ezech., xxvn, 15; Septante : xv, 19; Mich., vn, 4; les Septante ont traduit: axavOa et
e6svoc; Vulgate : (denies) hebenini. a-r,?, la teigne, et la Vulgate : spines, paliurus. Voir
Encens (Arbre a) ou boswellie; hebreu : lebondh, Lev., Paliure.
n, 1; v, 11; Cant., iv, 6, 14, etc.; Septante : Xt'gavo;, Murier; hebreu, probablement : bekd'im; mais les
une fois Xi6avun<5v, encens ; Vulgate : thus. Nou- Septante et la Vulgate traduisent par poirier . Voir
veau Testament : X(6avo?, Matth., n, 11; Apoc., xvm, Poirier. I Mach., vi, 34 : p.wpov ou [xdpov, mure, fruit du
13; Vulgate : thus. murier; Nouveau Testament: cruxd^tvoc, Luc., xvn, 6;
Epines. Voir Arbustes epineux. Vulgate : rtwrus.
pine du Christ, espece de jujubier, a epines dures, Myrrhe. Voir Balsamier a myrrhe.
longues et acerees : Nouveau Testament: axav6a, Matth., Myrte ; hebreu : hddds, II Esdr., vin, 15; Is., XLI, 9;
xxvii, 29; Joa., xix, 2; Vulgate : spines. Zacharie, I, 8, 10, 11; Septante : (j,up<nvY| (toutefois, dans
Figuier; hebreu : te'endh (designe tantot le figuier, les trois passages de Zacharie, les Septante, ayant proba-
tantot la flgue), Gen., in, 7; Num., xm, 23 (Vulgate, 24), blement sous les yeux une autre lecon, ont traduit :
etc.; Septante: tantot cruxvi, le figuier, tantot GUXOV, 6'poc, montagne ) ; Vulgate : myrtus, myrteta.
la figue, une fois <rvxcov, lieu plante de figuiers; Nerprun : Baruch, vi, 70 : pdfAvo?; Vulgate: spina alba.
Vulgate : ficus, ficulnea. Nouveau Testament: cnjxr,, D'apres quelques auteurs, il serait designe, en hebreu,
Matth., xxi, 19, 21; xxiv, 32; Marc., xi, 13, etc.; CTJXOV, par le mot sdmir. Voir Paliure.
Matth., vii, 16, etc.; Vulgate : ficus, ficulnea. Noyer ; hebreu : 'egoz, Cant., vi, 11 (Vulgate, 10);
Figuier de Barbarie. Quelques commentateurs font Septante : y.ap'Ja; Vulgate : nux.
range a tort parmi les arbustes epineux de la Bible. Voir Olivier; hebreu : zayit (designant a la fois 1'olivier et
Arbustes epineux. 1'olive), Exod., xxvn, 20; Num., xxvm, 5; Deut., vm,
Galbanum. Voir Bubon galvanifere. 8, etc.; Septante : IXou'a, eXatwv, bois d'oliviers; Vul-
Genet; hebreu: rotem, III Reg., xix, 4-5; Job, xxx, 4; gate : olea, oliva, olivetum. Eccli., xxiv, 19; L, 11, etc.:
Ps. cxix, 4; Septante: p<x6|Av, 9UTdv, luXov, av9pai eXata. Nouveau Testament: sXaca, Marc., xiv, 26; Rom.,
rot; epYijiixoT? (en hebreu : charbons ardents du genet ) ; XI, 17, 24; Apoc., XI, 4; xaXXisXaio? (oppose a dypieXatoc),
Vulgate \juniperus, (cum carbonibus) desolatoriis (Ps. Rom., xi, 24; Vulgate : oliva, bona oliva.
cxix, 4). Olivier sauvage, designe, d'apres quelques auteurs,
Genevrier; hebreu, au moins probablement : 'ar'dr, par le mot hebreu 'es semen, arbre a huile; voir
Jer., xvn, 6; XLVIII, 6. Les Septante ont traduit differem- Chalef. Nouveau Testament : aypisXato;, Rom., xi,
ment: dyptojuipexr), ainsi que la Vulgate : myrica. Saint 17, 24; Vulgate : oleaster.
Jerome a traduit par genevrier le mot hebreu rotem, III Olivier de Boheme. Voir Chalef.
Reg. xix, 4-5; Job, xxx, 4. Voir Genet. Granger, designe, d'apres quelques auteurs, par le mot
Gomme (Arbre a). VoirBalsamier, Balsamier amyrrhe, hebreu tappuah. Voir Pommier.
Lentisque. Orme ; hebreu : tidhdr, Is., XLI, 19; LX, 13; cette
Grenadier; hebreu : rimmon (designe tantot le gre- identification est contestee; les Seplante ont traduit: T^S.-
nadier, tantot la grenade), Num., xm, 23 (Vulgate, 24); Xsa, orme, etTCSVXYI, pin; de meme la Vulgate :
xx, 5, etc., Septante : pod ; Vulgate : malogranatum ou ulmus et pinus.
malum punicum. Osier, designe, d'apres quelques auteurs, par le mot
Henne; Lawsonia inermis ou alba, hebreu, tres pro- hebreu 'drdblni. Ce mot designe surtout le saule (voir
bablement : kofer, Cant., I, 13; iv, 13; Septante : x-jrcpo;; Saule); mais il est possible que le meme mot signifie a
Vulgate : Cyprus. la fois le saule et 1'osier, comme ayant beaucoup de traits
Houx; designe, d'apres quelques auteurs, par le mot de ressemblance.
grec upivo;, Daniel, xm, 58 ; Vulgate : prinus. Ce mot Paliure a aiguillon, designe, d'apres la Vulgate, par le
designe plutot 1'yeuse. Voir Yeuse. mot hedeq ; voir Morelle ; d'apres urie meilleure opinion,
Jujubier Epine du Christ. Voir Epine du Christ. il est designe par le mot hebreu sdmir, Is., v, 6; vii, 23,
Jujubier lotus (ne pas confondre avec le lotus, plante 24, 25, etc.; Septante : -/spao;, desert; Septante :
herbacee); hebreu : se'elirn, Job., XL, 21, 22, d'apres spines.
1'opinion aujourd'hui commune. Les Septante traduisent, Palmier; designe par trois mots hebreux : 1. tdmdr,
d'une msniere generate, rcav-oSa^a 8sv6pa, Ssvopa (isydXa, Exo'd., xv, 27; Num., xxxm, 9; Lev., xxm, 40, etc.; Sep-
et la Vulgate : umbrsc, arbres ombreux, Job, XL, tante : 9om; Vulgate : paltna , 2. tomer, qui ne
893 ARBRES M E N T I O N N E S DANS LA BIBLE 894
differe du precedent que par les voyelles, Jud., iv, 5; Septante : cr-raxT^; Vulgate : stacte. Eccli., xxiv, 21 :
Septante : cpotvij; Vulgate : palma; 3. kippdh, Is., ix, araxTr, ; Vulgate : storax ou gulta. D'apres quelques
13 (Vulgate, 14); xix, 15, employe par metaphore: kip- auteurs, le styrax serait designe par le mot hebreu ^ lib-
pdh ve'agmon, le palmier et le jonc; Septante: neh ; ce mot signifie plutot le peuplier. Voir Peuplier.
(j-eyav xal fj.i-x.p6v; ap-/r,v y.ou TE),OC ; Vulgate : caput et Sycomore ; hebreu : siqmdh, ne se trouve qu'au pluriel
cauda. Le mot timmordh, I (III) Reg., vi, 29, etc., dans 1'Ancien Testament, siqmim, III Reg., x, 27; I Par.,
signifie le palmier peint ou sculpte. Eccli., xxiv, 18; L, xxvii, 28; Amos, vn, 14, etc.; une fois siqmot, Ps. LXXVII, 47;
14 : <poi'vtS; Vulgate : palma. Nouveau Testament : Septante : auzajxivo; (mot qui signifie aussi cc murier ) ;
cpoivil, Joa., xii, 13; Apoc., vii, 9; Vulgate : palma. Vulgate : syconiorus, ficeta, morus. Nouveau Testa-
Peuplier; hebreu : libneh, Gen., xxx, 37; Ose., iv, 13; ment : <Tvxo(iopex, Luc., xix, 4; Vulgate : sycomorus.
Septante, (pa6So?) arjpaxtvr], baguette de styrax, Tamaris; 'esel, Gen., xxi, 33; I Reg., xxn, 6; xxxi, 13,
Xs-jxr ( ; Vulgate : ( v i r g a s ) populeas, populus. D'apres malgre la traduction des Septante : apoupa, champ
quelques auteurs, appuyes sur la traduction des Septante, laboure, et de la Vulgate : nemus.
Gen., xxx, 37, le mot libneh designerait le styrax. Voir Terebinthe; hebreu : 'eldh, Gen., xxxv, 4; Jud., vi, 11;
Styrax. I Reg., xvii, 2, etc. Les Septante ont traduit ce rnot, cinq
Pin; hebreu : 'oren, Is., XLIV, 14; Septante : TCI'TV;; fois par Tepe6iv6oc; deux fois par (SaXavoc, gland ; onze
Vulgate : pinus. D'apres quelques auteurs, le pin serait fois par opu;, chene; une fois par -jd/o;, hauteur.
aussi designe par le mot hebreu beros; ce mot designe La Vulgate a suivi a peu pres constamment les Septante.
plutot le cypres. Voir Cypres. D'apres les Septante et la Vulgate, le terebinthe serait
Pistachier; la pistache, fruit de cet arbre, est designee aussi designe par 1'hebreu botnim, qu'ils traduisent par
en hebreu : botnlm, Gen., XLIII , 11; les Septante ont teps'StvOo; et terebinthus; ce mot designe plutot les pis-
traduit: TepsotvOo?, et la Vulgate : (modicum) terebinthi. taches. Voir Pistachier. Eccli., xxiv, 22 : TcpsjJuvQo;;;
Platane ; hebreu : 'armon, Gen., xxx, 37 ; Ezech., xxxi, Vulgate : terebinthus.
8; Septante : TtXaravo? (au premier endroit), eXd-cr), sapin, Thuya; serait designe par 1'hebreu 'algumim, III Reg.,
(au second); Vulgate : plalanus. Eccli., xxiv, 19 : X, 11,12, d'apres la Vulgate, qui traduit ce mot par (ligna)
nXaiavo;; Vulgate : platanus. thyina; cette identification est aujourd'hui abandonnee.
Poirier; hebreu : bekd'im, II Reg., v, 23, 24; I Par., Voir Santal. Nouveau Testament: (S^Xov) 6-j'fvov, Apoc.,
xiv, 14,15; Septante : a'mov (sauf II Reg., ou ils ont tra- xvm, 12; Vulgate : (lignum) thyinum.
duit xXa-j6|jov, lieu des pleurs, qui est le sens du rnot Tremble, designe probablement, en hebreu, par le meme
au singulier, bakd'); Vulgate : pyrus. D'apres 1'opinion mot que le peuplier, avec lequel il a beaucoup de ressem-
plus commune aujourd'hui, le mot bekdlm designerait le blance. Voir Peuplier.
murier. Voir Murier. Vigne; hebreu: herem, Gen., ix, 20; gefen, XL, 9, 10,
Pommier; hebreu : tappuah, Prov., xxv, 11; Cant., u, etc.; quelquefois, quand il faut une grande precision,
3, 5; vn, 8; Joel, i, 12; Septante : [xr ( Xov; Vulgate : malus, comme dans les lois, gefen hayyayin, vigne de vin,
nialum. Gette identification est fort douteuse : cinq autres Num., vi, 4, etc.; Septante : cinquante-deux fois, ajxTiEXo?;
arbres sont proposes comme representants du tappuah, une fois, a^TteXw-;, vignoble ; une fois, o'lA'f3^ <( ver"
1'abricotier, le cognassier, le cedratier, le citronnier et jus ; Vulgate : vitis, vinea. Une espece de vigne plus
1'oranger. estimee est designee par le mot soreq, soreqdh, Gen.,
Pourpier de mer ou arroche halime, designe probable- XLIX, 11 (ou sont mentionnees et distingue'es les deux
ment en hebreu par le mot malluah, Job, xxx, 4; Sep- especes, le gefen et le soreq), Is., v, 2; Jer., n, 21; Sep-
tante : aXt|ia ; Vulgate : herbas et cortices. tante : l'Xi, pampre, ajxTreXo; Swprjx, aja-iiEXo; y.apTio-
Ronce , designee probablement par 1'hebreu barqdnlm, cpopo;^; Vulgate : vitis, vinea electa. Eccli., xxiv, 23:
Jud., vni, 7, 16; Septante : tpi6o>.o?; Vulgate : tribuli; ajj-TTiXoi;; Vulgate : vitis. Nouveau Testament : a[i7ieXo?,
elle peut etre designee aussi par un de ces mots gene- Matth., xxvi, 29 ; Marc., xiv, 25, etc.; Vulgate: vitis, vinea.
riques qui signifient arbuste epineux . Voir Arbustes Vigne de Sodome, designe tres probablement 1'arbris-
epineux. Nouveau Testament: potto;, Marc., xn, 26; seau appele : calotropis gigantea; liebreu : gefen Sedom,
Luc., vi, 44; xx, 37; Act., vn, 30, 35; Vulgate : rubus. Le Deut., xxxn, 32 (d'apres quelques-uns aussi Jer., n,
buisson ardent de Moise, Exod., in, 2, 3, 4, etait, d'apres 21 : gefen nokriydh, vigne etrangere ) ; Septante :
plusieurs, un buisson de mimosa. Voir Mimosa. a(A7TXo; SoodjAwv ; Vulgate : vinea Sodomorum.
Roseau a quenouille, espece de roseau a tige demi- Yeuse, espece de chene vert : hebreu, tres probable-
ligneuse; voir le mot Roseau dans la liste des HERBAGES ment : tirzdh, Is., XLIV, 14; Septante : aypioSaXavo;; Vul-
(VEGETAUX). gate : ilex. Daniel, xm, 58: TipTyo;; Vulgate : prinus.
Rosier: pdoov, Sap., n, 8; Eccli., xxiv, 18; xxxix, 17; Zizyphus Spina Christi. Voir Epine du Christ.
L, 8; Vulgate : rosa. Bibliographic. Levinus Lemnius, De Plantis sacris,
Santal; hebreu: 'almugim ou 'algumim, III Reg., x, in-12, Lyon, 1588 ; Ludovicus Rumetius, Scripturge Saci'ss
11, 12; II Par., n , 7 (8); ix, 10,11; Septante : TrsXcv^Ta, Viridarium, in-12 de 900 pages, Paris, 1628; J. H. Ursi-
arbres coupes avec la hache, III Reg., et (uXa) rceyxtva, nus, Arboretum Biblicum, in-12, Nuremberg, 1663; Mat-
bois de pin, II Par.; Vulgate : thyina. L'interpreta- thasus Hillerus, Hierophylicon, in-4, Utrecht, 1725;
tion des Septante est abandoniiee; le pin est designe par Celsius, Hierobotanicon, 2 in-12, Amsterdam, 1748;
un autre mot hebreu; voir Pin; 1'interpretation de la Forskal, Flora segyptiaco-arabica, in-4, Copenhague,
Vulgate est aussi communement rejete'e. 1775; Calcott, Script. Herbal, in-8, Londres, 1842,
Sapin; les Septante ont traduit une fois, Is., XLI, 19, Osborne, Plants of the Holy Land, in-4, Philadelphie,
par eXa-tY], sapin, le mot beros; la Vulgate a traduit 1860; R. P. Cultrera, Flora Biblica, ovvero Spiegazione
presque toujours le merne mot beros par abies, sapin; delle Piante mentovate nella sacra Scrittura, in-8,
le sapin est peut-etre designe en hebreu par les memes Palerme, 1861; F. Hamilton, La botanique de la Bible,
mots que le cypres et le pin, avec lesquels il a tant d'ana- etude scienti/lque, historique, litteraire et exegetique des
logie. Voir Cypres, Pin. ploMtes mentionnees dans la Sainte Ecriture, in-8, Nice,
Saule; hebreu : 'dtdbim, Lev., xxm, 40; Ps. cxxxvi, 2; 1871; G. Smith, Bible plants, their liistory, etc., in-8",
Is., XLIV, 4; Septante : hsa ; Vulgate : salix. D'apres Londres, 1878; P. Bourdais, Flore de la Bible, in-8, Paris,
plusieurs auteurs, le saule est encore designe par le mot 1879; G. J. von Klinggra'ff, Paldstina und seine Vegeta-
safsdfdh, Ezech., xvn, 5; mais les Septante traduisent: tion, dans rOesterreichische botanische Zeilschrift, 30*
e7UoXE7i6ij.=vov, et la Vulgate : in superftcie. annee, Vienne, 1880; I. Lcew, Aramdische Pflan-enna,-
Styrax; hebreu, tres probablement, ndtdf, Ex., xxx, 34; nien, in-8, Leipzig, 1881. S. MANY.
895 ARBRES DE LA VIE ET DE LA SCIENCE 896
2. ARBRES DE LA VIE ET DE LA SCIENCE DU BIEN arbitrages varient de deux mille a dix mille ans, mais Ton
ET DU MAL, mentionnes specialement, Gen., n, 9, au ne sait rien a ce sujet. La vertu de I'arbre de vie etait-elle
nombre des arbres de toute espece qui ornaient le para- naturelle a ses fruits, ou extraordinadrement attachee par
dis terrestre. Les rationalistes les considerent comme des Dieu a leur manducation ? Assurement il etait au pouvoir
mythes d'importation etrangere. Littre, Du my the de du Createur de leur donner une puissance miraculeuse;
I'arbre de vie, Philosophic positive, t. v, novembre 1869, mais le texte sacre n'insinue pas que Dieu 1'ait fait, et
p. 340-344, pense que 1'auteur de la Genese les a emprun- les theologiens catholiques pensent generalement que la
tes aux livres mazdeens de 1'Iran. M. Reaan les fait deliver vertu de I'arbre de la vie etait naturelle. Voir Bossuet,
des traditions babyloniennes, conservees oralement pen- Elevations sur les mysteres, v e semaine, ive elevation,
dant des siecles dans la memoire des Hebreux. Histoire dans ses OEuvres, edit, de Versailles, t. vui, p. 129.
du peuple d'Israel, Paris, 1887, t. i, c. v, p. 70-79. Le Apres le peche de nos premiers parents, I'arbre de la
souvenir s'en etait transmis avec une assez forte variante. vie ne perit pas. Dieu chassa du paradis les coupables et
Selon une version, I'arbre central du paradis etait I'arbre fit garder 1'entree du jardin, pour qu'Adam ne put manger
de vie; selon une autre, c'etait I'arbre de la distinction du fruit de vie. Gen., in, 22 et 24. En eiit-il mange, Adam
du bien et du mal. Le redacteur jehoviste prend le parti n'eiit pas reconquis le don de Fimmortalite, mais seule-
de les mettre tous deux au milieu; dans la suite du recit, ment prolonge sa vie mortelle. S. Thomas, 2a 2s, q. 164,
les deux arbres se distinguent et se confondent tour a a. 2 ad 6um.
tour. Ibid., t. n, 1889, p. 344. Nous n'avons pas a nous arre'ter aux fables talmudiques
La parente entre les traditions iranienne et babylonienne sur les arbres du Paradis terrestre. Certains rabbins ont
et le recit de la Genese est indeniable; car non seulement donne a I'arbre de la vie une longueur demesuree, telle
les monuments assyro-babyloniens et les livres mazdeens qu'il eut fallu cinq cents ans pour le parcourir, et qu'il
representent ou connaissent un arbre sacre qui donne la representait la soixantieme partie de FEden. R. Juda pre-
vie (voirVigouroux, La Bible et lesdecouvertesmodernes, tendait meme que le tronc seul avait cette longueur, et
5e edit., 1889, 1.1, p. 224-232; Les Livres saints et la cri- que tous les cours d'eau de la creation partaient de ses
tique rationaliste, t. in, 1887, p. 412-416; F. Lenormant, pieds. Talmud de Jerusalem, traite Berakhoth, I, 1; trad,
Histoire ancienne de I Orient, 9e edit., 1881, 1.1, p. 33-35; franc., Paris, 1871, p. 7. Ce sont la des reveries ou 1'Ecri-
Les origines de I'histoire, 2e edit., 1880, t. r, p. 74-98); ture n'est pour rien.
mais toutes les autres traditions paradisiaques le men- . Independamment de sa realite historique, I'arbre de la
tionnent. Les Vedas des Hindous parlent d'un arbre d'oii vie a recu de 1'Ecriture elle-meme et des Peres de 1'Eglise
decoule la seve de vie, le soma, et dont le bois sert a orner une signification symbolique. Dans le livre des Proverbes,
le ciel et la terre. Dans le paradis terrestre des Chinois, 1'expression arbre de vie est devenue synonyme de
il croit des arbres enchanteurs; ce jardin fleuri a produit cause de biens. La sagesse est un arbre de vie pour ceux
la vie. II est le chemin du ciel, et la conservation de la vie qui Fembrassent; elle rend heureux ceux qui s'attachent
de'pendait du fruit d'un arbre. Un ancien commentaire a elle, et leur confere I'immortalite. Prov., in, 18. Les
appelle cet arbre I'arbre de vie. H. Luken, Les traditions actions du juste, qui servent d'exemple et portent au
de I'humanite, trad, franc., t. I, p. 101. Ce souvenir, con- bien, Prov., xi, 30, la realisation d'un desir qui rend la
serve chez tous les peuples, est done des plus antiques, vie, Prov., xm, 12, et la langue pacifique qui apaise et
si meme il n'est originel et primitif. Or, si les Hebreux guerit, Prov., xv, 4, sont des arbres de vie. Dans le paradis
1'avaient emprunte a des etrangers, ce ne serait pas a la celeste, il y a un arbre de vie, dont les fruits sont donnes
population de llran, mais plutot a celle de la Chaldee. par FEsprit au victorieux. Apoc., n, 7. Plante sur les deux
Abraham avait pu 1'apprendre dans sa patrie, ou il ibrmait rives du lleuve qui jaillit du trone de Dieu et de 1'Agneau,
une des croyances les plus vivaces et les plus populaires. il porte douze fruits pour chaque rnois de 1'annee, et ses
Cette tradition patriarcale que Dieu voulait nous faire feuilles guerissent les saints, les dispensent de toute misere
transmettre par Mo'ise resta pure dans la memoire des corporelle, et leur accordent une eternelle jeunesse. Apoc.,
enfants de Jacob. Or le recit biblique distingue toujours xxn, 1, 2 et 14. Les Peres ont developpe cette explication
les deux arbres autant par leurs caracteres que par leurs anagogique; souvent aussi ils ont compare a I'arbre de
effets. Leurs noms sont differents. Seul le fruit de I'arbre la vie I'arbre de la croix, qui nous a rendu la vie perdue
de la science est interdit a nos premiers parents sous peine par la faute d'Adam. Jesus-Christ, qui pend a la croix,
de mort. C'est lui que le serpent montre a Eve, en la est le vrai fruit de vie, et les Chretiens le mangent dans
rassurant centre la crainte de la mort; et quand Adam, TEucharistie, ou il est pour eux un gage d'immortalite.
apres en avoir mange, connait le bien et le mal, Dieu le Voir Bossuet, loc. cit., p. 130.
chasse du paradis et 1'eloigne du fruit de I'arbre de la vie, 2 L'arbre de la science du bien et du mal fut ainsi
dont I'efficacite arreterait les suites de la vengeance divine. appele plutot en raison du precepte dont il fut 1'objet
Ces deux arbres, reels et non mythiques, etaient une qu'en raison de ses proprietes essentielles. Pour eprouver
production du sol, comme tous ceux qui ornaient le pa- la fidelite d'Adam et d'Eve, Dieu leur avait defendu sous
radis terrestre. Gen., n, 9. Leurs noms provenaient de peine de mort de manger des fruits de cet arbre. Gen.,
leur destination providentielle et de leurs effets. The'o- n, 17, et in, 3. Les motifs de cette defense, qui parait a
doret, Qusestiones in Genesim,mt. xxvi-xxvn, t. LXXX, quelques-uns enfantine, ont e'te netlement exposes par
col. 123-126. Bossuet: Discours sur I'histoire universelle, 2e partie,
1 L'arbre de la vie devait conferer a 1'homme 1'immor- ch. ier. Dieu, dit-il, donne un precepte a 1'homme pour
talite. S. Augustin, De Civitate Dei, xm, 20, et xiv, 26, lui faire sentir qu'il a un maitre; un precepte attache a
t. XLI, col. 394 et 434; Opus imperfectum contra Julia- une chose sensible, parce que 1'homme etait fait avec des
num, vi, 30, t. XLV, col. 1580-1581. Suivant saint Thomas, sens; un precepte aise, parce qu'il voulait lui rendre la
la, q. 97, a. 4, il ne la produisait pas absolumerit et sim- vie commode, tant qu'elle serait innocente. Cf. S. Jean
plement, soit en donnant a 1'ame la force de conserver le Chrysostome, Horn, xvr in Gen., 6, t. LUI, col. 133.
corps vivant, soit en rendant le corps humain incorrup- Les fruits de cet arbre, qui etaient beaux d'aspect et
tible. Sa vertu etait limitee; il eut exempte pour un temps paraissaient savoureux, Gen., in, 6, n'avaient pas une
le corps de 1'homme de la corruption; ce temps ecoule, vertu nuisible et pernicieuse. 11s ne devaient pas produire
1'homme eiit passe sans mourir a la via spirituelle et par eux-memes la connaissance du bien et du mal et la
celeste, ou, si sa vie terrestre devait encore se prolonger, mort du corps et de 1'ame; seule la transgression du pre-
il eut mange de nouveau du fruit de vie. Quelques com- cepte divin causa ces deplorables effets. L'un d'eux a vulu
aientateurs ont suppute la duree des effets d'une seule son nom a I'arbre, instrument de la de'sobe'issance et du
^anducation de ce fruit; les resultats de leurs calculs peche. Quant a la science du bien et du mal qu'acquirent
897 A R B R E S DE LA VIE ET DE LA SCIENCE ARC 898
Adam et five en mangeant du fruit defendu, ce n'est pas, xxvn, 3; cf. xxi, 16, 20, et a la guerre. Gen., XLVIII, 22.
comme le pretendent les Juifs et Rosenmiiller, le pre- Aux epoques posterieures, il en est encore question pour
mier discernement du bien et du mal, qui suit 1'usage de la chasse, Is., vn, 24; mais c'est le plus souvent comme
la raison. Nos premiers parents furent crees avec 1'intel- arme de guerre que les ecrivains sacres ont eu occasion
ligence du bien et du mal, Eccli., xvn, 5 et 6, que sup- de la mentionner, a cote des autres armes offensives et
pose d'ailleurs la prohibition divine. Le fruit defendu n'est
pas non plus, comme Font pense quelques rabbins (voir
Eisenmenger, Entdecktes Judenthum, t. i, p. 371 etsuiv.;
Cornelius Agrippa, De originali peccato, et M. Scboebel,
Le mythe de la femme et du serpent, Paris, 1876), le
symbole de 1'acte naturel par lequel la race humaine se
perpetue. Dieu, qui a cree I'homme male et femelle et lui
a donne 1'ordre de se multiplier, Gen., i, 27 et 28, n'a pas
interdit ce qu'il avait commande et ce qu'exige la propa-
gation de I'humanite. Adam et Eve n'ont done pas connu
le bien et le mal en usant du mariage. S. Augustin, De
Genesi ad litteram, 1. xi, c. XLI, t. xxxiv, col. 452. Si
immediatement apres leur desobeissance ils remarquerent
leur nudite. Gen., in, 7 et 11, c'est que les effets desordon-
nes de la concupiscence etaient une suite de leur peche.
Comme le serpent le leur avait astucieusement annonce,
Gen., in, 5, leurs yeux s'ouvrirent, et ils eurent des lors
la connaissance experimentale du mal. S. Augustin, De
peccatorum mentis et remissione, n, 21, t. XLIV, col. 172;
De Genesi ad litteram, 1. vni, c. vi, 12, t. xxxiv, col. 377; 215. Hoi d'Assyrie chassant le lion avec Fare.
De Civitate Dei, xin, 13, t. XLI, col. 386; De nuptiis et
Victor Place, Ninive et VAssyrie, pi. 55.
concupiscentia, I, 6, t. XLIV, col. 417-418; S. Jean Chrysos-
tome, Horn, xvi in Genesim, 5-6, t. LIII, col. 131-133;
S. Hilaire, In Genesim, vm, dans le Spicilegium Soles- defensives: de la fronde, II Par., xxvi, 14; du simple bou-
mense, t. i, p. 162. clier, II Par., xiv,8; xvn, 17; Is., xxn, 3 (hebreu); surtout
On ignore de quelle essence etait 1'arbre de la science de 1'epee, Gen., XLVIII, 22; I Reg., xvin, 4; Os., i, 7;
du bien et du mal. R. Meir a pense a la vigne, par cette Is., xxi, 15, etc. La tribu de Benjamin comptait des archers
raison que le vin est ce que les hommes aiment le plus; celebres, I Par., vin, 40; II Par., xiv, 8; certains meme
R. Nehemie au figuier, 1'arbre qui a provoque la faute
ayant servi a en reparer les effets, Gen., in, 7; R. Juda au
froment, car 1'enfant ne sait pas dire pere, mere , avant
d'en avoir goute. Talmud de Babylone, traite Berakholh,
vi, 2, trad, franc., Paris, 1871, p. 391. Theodoret et Pro-
cope de Gaza, pour la meme raison que R. Nehemie, ont
nomme le figuier; beaucoup, a cause d'une interpretation
inexacte de Cant., vin, 5, ont pense au pommier. La ques-
tion n'est guere plus avancee qu'au premier jour de la dis-
cussion. L'inspection des monuments anciens ou cet arbre
est represente, fournit peu de lumiere sur le sens des tra-
dilions des premiers siecles Chretiens. Martigny, Diction-
naire des antiqultes chretiennes, 2e edit., p. 20-21.
Cet arbre a ete regarde comme la figure de 1'arbre de
la croix, par qui est venue aux hommes la science com-
plete du bien et du mal. La croix nous a fait connaitre
le supreme degre de la vertu dont 1'humanite est devenue
capable en la personne de Jesus - Christ, et 1'enormite du
peche qu'un Dieu seul a pu expier. Le bois vivant du
paradis nous a donne la mort, afin que le bois mort
du Calvaire nous donnat la vie. Aussi 1'Eglise chante-
t-elle qu'au jour de la chute, Dieu marqua le bois
pour qu'il reparat le mal cause par le bois . Jpse lignum
tune notavit, damna lignl ut solveret. Hymne de la
Passion.
Voir Pereira, Comment, in Genesim, Mayence, 1612,
1. in; Malvenda, De paradiso voluptatis, Rome, 1605,
c. LXVII-LXXIV, p. 209-241; Cherubin de Saint-Joseph,
Summa criticae sacrse, t. in, Bordeaux, 1710, disp. i et n,
p. 1-96; Kirchenlexlcon, 2e edit., Fribourg-en-Brisgau, 216. Roi d'Assyrie tenant une coupe de libation dans la main
t. n, p. 60-62; Agnellus Merz, De arbore scientist boni et droite et son arc dans la main gauche.
mali secundum Scripturas et Ecclesise ac S. Augustini Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 12.
doctrinam, 1765; * Ziegra, Dissertatio de arbore scientist
boni et mali, Wittenberg, 1679; * Chemnitius, Dispu- etaient ambidextres, I Par., xn, 2, c'est-a-dire aussi
tatlo de arbore scientise boni et mali, lena, 1683. habiles a tirer 1'arc ou lancer la fronde de la main gauche
E. MAXGENOT. que de la main droite. II y avait aussi des archers dans
ARC, en hebreu : qeset (qas-t, de laracine gas, etre les tribus transjordaniques, I Par., v, 18, et dans celle
recourbe ). Cet instrument destine a lancer des flech.es d'Ephraim. Ps. LXXVII, 9. Les jeunes gens s'exercaient
etait, chez les anciens, la principale arme de jet. Des au tir de 1'arc sur une cible (mattardh}, comme le mon-
1'epoque des patriarchies, on s'en sert a la chasse, Gen,, trentle recit de I Reg., xx, 20-38, et les allusions de La-
DICT. DE LA BIBLE. I. 21
899 ARC 900
ment., m, 12; Job, xvi, i3. L'arc n'etait pas seulement L'Ecriture nous montre 1'usage de "arc, non seulement
1'arme du soldat, mais encore celle des chefs, des princes chez les voisins immediats des Hebreux : les Philistins,
et du roi, comme nous le voyons dans les histoires de I Reg., xxxi, 3; I Par., x, 3; les Syriens, III Reg., xxn, 34;
Jonathan, fils de Saul, I Reg., xvm, 4; II Reg., i, 22, de II Par., xvm, 33; les Arabes de Cedar, Is., xxi, 17; cf.
Jehu, IV Reg., ix, 24, et de Joas d'Israel, IV Reg., xin, Gen., xxi, 20, mais encore chez des peuples eloignes : les
16. Le roi d'Assyrie est aussi arme de Tare a la chasse
(tig. 215) et a la guerre; c'est son arme distinctive, il la
218. Roi e'gyptien sur son char, tirant de 1'arc. Grand temple
de Thebes. D'apres Lepsius, Denkmdler, Abth. in, pi. 13.
220. Roi ethiopien tenant I'arc de la main gauche.
sente avec Tare (fig. 220), et les rois de Perse le tiennent D'apres Lepsius, Denkmdler, Abth. v, pi. 49.
aussi en main dans leurs bas-reliefs (fig. 221). Ces repre-
sentations nous expliquent comment I'arc est pris sou- Is., v, 28, nous reconnaissons aujourd'hui les Assyriens,
vent par les ecrivains hebreux comme symbole de la puis- bien qu'ils ne soient pas nommes.
sance : briser I'arc d'un peuple, c'est abattre sa puissance, Si nous voulons savoir quelle etait la forme de I'arc
Jer., XLIX, 35; LI, 56; Ose., i, 5; Zach., ix, 10; Ezech., chez les Hebreux et de quelle maniere on s'en servait,
xxxix, 3; I Reg., n, 4; Ps. XLV, 10; i.xxv, 4; donner nous n'avons qu'a Jeter un coup d'ceil sur les monuments
vigueur a I'arc de quelqu'un, c'est le rendre puissant. de 1'Egypte et de 1'Assvrie, ou nous trouvons I'arc figure
Gen., XLIX, 24; Zach., ix, 13; Job, xxix, 20. dans des scenes de chasse (fig. 222 et 223), mais sur tout
901 ARC 902
dans des representations militaires. Nous voyons tour a chez les Grecs, et en Italie chez les fitrnsques. Cette sinuo-
tour comment on tient 1'arc au repos (fig. 224), en marche,
pendant 1'action. Chez les Egyptiens, des troupes d'infan-
terie legere (fig. 225) sont armees de 1'arc, comme les
ecuyers montes sur des chars (fig. 226). Les Assyriens tirent
1'arc a pied (fig. 227), a cheval (fig. 228), sur des chars
(fig. 229). Cf. Jer., iv. 29. Les archers fantassins sontparfois
en ligne, plus souvent isoles (fig. 57, col. 303); ils tirent
debout ou agenouilles; dans les sieges, ils sont montes
sur des tours qu'on avance vers les remparts; cf. Jer., L,
14, 29; ils vont ordinairement deux par deux, Fun prote-
geant 1'autre avec un bouclier (fig. 230); en general ils
d'une antilope ou chevre sauvage assemblies par leur tendre 1'arc, a cote des expressions: tirer, mdSak, III Reg.,
base. Tel etait 1'arc de Pandare que decrit Homere, Iliade, xxii, 34; II Par., xvm, 33; Is., LXVI., 19; ou ndsaq,
iv, 105 et suiv. Les Egyptiens et les Assyriens, qui pour I Par., xii, 2 ; II Par., xvn, 17 ; deprimer, nihat, Ps. xvil
leurs grandes expeditions militaires perfectionnerent le (xvm), 35; II Reg., xxn, 35; on se sert bien plus souvent
materiel de guerre, avaient compris 1'avantage d'avoir de la locution fouler 1'arc (avec le pied) . Ps. vn, 13, etc.
des arcs dont le port ne fut pas fatigant, ni le manie- Les auteurs profanes parlent de cet usage, Diodore de
ment trop difficile; aussi, sur leurs monuments, 1'arc
-
227. Archers assyriens coinbattant & pied.
D'apres Layard, Monuments of Nineveh, t. I, pi. 26.
2^6. Cavalerie egyptienne anne'e de 1'arc. Temple de Ramses II, 228. Archers assyriens combattant & cheval.
& Thebes. D'apres Lepsius, DenkmiUer, Abth. m, pi. 160. D'apres Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 26.
dants ne purent bander. Odyssee, xxi, 177; xi, 375, 385. Les auteurs anciens nous disent que les cordes de 1'arc
Dans les recits bibliques qui nous fournissent quelques etaient faites avec des nerfs de boauf ou de chameau,
details, IV Reg., xin, 16-20, nous voyons que Tare, chez Pline, H. N., H, 109, avec des lanieres de cuir ou des
les Hebreux, se tend aisement avec la main; mais a 1'ori- crins de cheval. Ovide, Pont., i, 2, 21. En hebreu, la
eine, il devait avoir eu aussi chez eux des proportions telles, corde est appelee, d'une racine yatar, tendre, tantot
qu'on ne pouvait le bander qu'en posant le pied sur une yeter, Ps. xi, 2 : ils ont pose leurs Heches sur la corde
des extremites (fig. 232); de la, pour designer 1'action de (la Vulgate traduit par pharetra carquois , qui ne peut
905 ARC 906
du reste aller avec le contexte); tantot rnetar, Ps. xxi, esl pris parfois pour les archers, Is., xxi, 17; xxn, 3: Iis
13: sur tes cordes tu as pose centre leur face (Vulgate :
in reliquiis tuis praeparabis vultum eorum).
Sur les monuments, nous voyons parfois 1'arc enve-
loppe dans une gaine, comme celui du cavalier assyrien
de la figure 235; la partie centrale de 1'arc, que tiennent
les soldats egyptiens en marche (fig. 225), est revetue d'une
enveloppe. II devait en etre de meme chez les Hebreux,
235. Chasseur assyrien poursuivant un bufHe, et portant son arc enveloppe1 dans une gaine. Bas-relief de Nimroud.
D'apres Layard, t. I, pi. 32.
archers qui sivaulent la fuite et se retournent pour tirer j Job, vi, 4; Ps. xxxvn, 3. Sur les monuments assyriens,
de 1'arc quand on ne s'y attend pas; aussi 1'arc etait-il le dieu Ilu (fig. 237) et le dieu Sin sont representas
considere par les anciens comme une arme perfide. Iliade, armes de 1'arc. Enfin 1'arc , II Reg., I, 18, est le
vin, 260; ix, 319, etc. G'est probablement ainsi qu'il faut nom de 1'elegie de David sur la mort de Saul et de Jonathas,
909 ARC ARG-EN-CIEL
a cause du f. 22: L'cur de Jonathas n'a jamais recule. C'etait probablement une stele, d'une forme analogue a
celle de Mesa, roi de Moab, et aux nombreuses steles
241. Barque sacr^e porte'e en procession. D'apres Lepsius, Derikmaler, Abth. in, pi. 189.
1'escabeau de ses pieds, Ps. xcvm, 5, parce que Dieu y d'Assyrie. Les Cherubins de 1'arche etaient des personnages
habitait et y prenait sa seance. Elev. sur les myst., probablement debout, comme furent plus tard ceux du
ixe sem., 8. Jusqu'a sa disparition, 1'arche garda cette Saint des saints. II Par., HI, 13. Fr. Lenormant, Origines
haute signification. de I'histoire, t. i, p. 158, pense qu'ils avaient des tetes
II. Description de 1'arche. C'etait un coffre fabrique d'aigles ou de vautours, parce que ces oiseaux sont appeles
selon les prescriptions du Seigneur lui-meme. Exod., xxv, kurub en assyrien. Mais cette idee est inacceptable. De
10-22. II etait en bois de setim, c'est-a-dire d'acacia. Voir grands oiseaux d'or eussent rappele trop vivement les
ACACIA, col. 103. Les dimensions sont indiquees en cou- divinites egyptiennes a tete d'ibis ou d'epervier, tandis
dees: deux et demie pour la longueur, soit de Im30 a 140; que la figure humaine pouvait exprimer le respect et
une et demie pour la largeur et autant pour la hauteur, 1'adoratiori, et, avec les grandes ailes, representer sans
soit de Om 78 a Om 84. Des plaques d'or tres pur la reve- danger d'idolatrie les anges, serviteurs de Jehovah. Ces
taient a 1'interieur et a 1'exterieur, et une bordure saillante figures de Cherubins furent la seule exception apportee
ou guirlande de meme metal regnait tout autour. Aux a la loi qui defendait de faire des images taillees. Mais
quatre angles, et vraisemblablement vers le haut, etaient cette exception ne pouvait creer de difficulte, parce qu'elle
fixes des anneaux d'or sur les deux faces laterales; dans ces etait ordonnee de Dieu meme, et que 1'arche etait tou-
anneaux entraient des perches d'acacia revetues d'or, au jours voilee aux yeux du peuple. Voir CHERUBINS.
moyen desquelles on portait 1'arche. Ces perches restaient Nous donnons ici deux essais de reconstitution di
la a demeure, meme dans le Saint des saints du temple 1'arche d'alliance, d'apres les donnees bibliques et les
de Salomon. Ill Reg., vni, 7, 8. monuments egyptiens. II est evident en effet qu'on ne
Pour couvrir 1'arche, le Seigneur ordonna de fabriquer peut emprunter qu'a ces derniers les elements figures do
un kapporet, mot qui signifie etymologiquernent cou- cette reconstitution. Les ouvriers hebreux du desert
ARCHE D ' A L L I A N G E 918
n'avaient d'autres notions artistiques que celles du peuple intervention directe de Dieu, et ici il n'y a pas de raison
au milieu duquel ils avaient vecu si longtemps, et ils ne suffisante pour la supposer.
connaissaient d'autres precedes d'execution que ceux dont III. Destination de 1'arche. L'arche etait faite tout
eux-memes avaient pratique 1'usage dans les ateliers egyp- d'abord pour contenir le temoignage , c'est-a-dire les
tiens. L'arche pouvait etre a cotes perpendiculaires (fig.243), tables de la loi. Exod., XL, 18; Deut., x, 5. Mo'ise recut
comme le coffre de la figure 241, ou a cotes legerement ensuite 1'ordre de mettre dans le tabernacle, pres de
obliques (fig. 244), comme dans le meuble qui soutient la 1'arche, une urne d'or renfermant de la manne, Exod.,
bari de la figure 242. Elle etait presque certainement sur- xvi, 34, et la verge d'Aaron qui avait fleuri. Num.,
montee de la gorge si nettement accusee qui sert de corniche
a la plupart des ceuvres egyptiennes, meubles ou edifices.
Le texte sacre parle d'une sorte de guirlande ou de bor-
dure decorative en or entourant 1'arche. Gette decoration
devait etre soit la corniche elle-meme, ornee de motifs
en relief, cornme dans la figure 244, soit une frise placee
au-dessous, comme dans la figure 243. Les monuments
de Denys. A 1'epoque ou 1'Apotre vintprecher a Athenes, AREOPOL, AREPOL, ARIPOL Samuel, rabbin
le conseil de I'Areopage occupait encore une place im- de Palestine, fils de R. Isaac, ills de Jom. Tob. Arepol,
portante dans la cite. Les Remains, en effet, avaient laisse vivait au xvie siecle, a Safed, dans la haute Galilee. On a
a Athenes le titre et les prerogatives de ville libre, de lui: 'Imraf 'Eloha, Parole de Dieu, commentaire
c'est-a-dire son ancienne constitution. L'Areopage con- homiletique sur le Pentateuque, in-4,Venise, 157. (sic);
tinua done a etre le premier et le plus respectable corps Mizmor letoddh, Psaume de louange, exposition du
de la republique (TO a[Avd-aTov auveSptov, Corpus In- psaume alphabetique cxvin (cxix) et des quinze psaumes
scriptionum atticarum, in, 57, 714, etc.). Dans les de- graduels, in-4, Venise, 1576; Prague, 1610; Leb hdkdm,
crets rendus au nom de 1'Etat, il est place avant le conseil Prov., xvi, 23; Coeur du sage, commentaire de 1'Ec-
des Six-Cents. D'apres Ciceron, c'etait vraiment lui qui gou- clesiaste, in-4, Constantinople, 1591; Lublin, 1604; Sar
vernait la republique. De Nat. dear., n, 29, 74. II avait con- sdlom, Le prince de la paix, Is., ix, 5, commentaire
serve en particulier d'importantes attributions judiciaires, sur le Cantique des'cantiques, in-4, Safed, 1579; Venise,
et les Komains avaient recours aux Areopagites ut ad 1596, etc. L. GUILLEREA.U.
judices graviores exercitatioresque. Aulu-Gelle, xn, 7.
Son consentement etait necessaire pour 1'erection des ARESI Paul, theologien italien, ne a Cremone, vers
statues elevees par les particuliers et les corporations a 1'an 1574, mort a Tortone, le 16 juin 16i4. 11 prit le nom
leurs bienfaiteurs. Corp. Inscript. attic., in, 731, 734, etc. de Paul en entrant chez les Theatins, a 1'age de seize
II s'occupait aussi de 1'instruction de la jeunesse et de la ans. II enseigna la philosophic et la theologie a Naples,
police de la ville. Les decrets de I'Areopage portaient les puis a Rome. II s'acquit aussi un grand renom comme
noms de Soyfj.a, iirlcpc'(7|j.a, eTcspwrr.tj.a ou {mo(xvYi^.artatj.d;. predicateur. Choisi pour confesseur, a Turin, par Isabelle
Corp. Inscript. attic., in, 331,687, 824 a, 924, etc. II est de Savoie, il fut nomme a 1'eveche de Tortone. Outre
probable qu'un changement se produisit a Fepoque ro- divers ouvrages philosophiques et des traites sur 1'elo-
maine dans le recrutement des Areopagites, qu'ils furent quence de la chaire, on a de lui : Novas qusedam veli-
elus par un mode d'election que nous ignorons, et que tationes de vero sacri Cantici Salomonis cum historico
943 ARESI ARETIUS 944
turn spirituali sensu, m-4, Milan, 1640; Velitationes Numismatique de la Terre Sainte, p. 36. Saint Paul,
sex in Apocalypsim, in-f, Milan, 1647, ouvrage pos- qui venait de se convertir au Christianisme, fut oblige de
thume edite par le P. Paul Sfondrati, qui y joignit une Vie se faire descendre, pendant la nuit, dans une corbeille,
-de 1'auteur. L. GUILLEREAU. le long des remparts, pour echapper aux poursuites de
1'ethnarque ou gouverneur qu'Aretas avait place a la
ARETAS (grec: 'Aplra?; nabateen : Hartat), nom tete de la ville. II Cor., xi, 32-33. Quelques auteurs ont
<de plusieurs rois des Nabateens ou d'Arabie Petree. pense que cet evenement avait eu lieu pendant une occu-
.L'Ecriture n'en mentionne que deux: pation anterieure et temporaire de Damas par Aretas ;
mais cette explication est moins probable. On possede
1. ARETAS ler, contemporain du grand pretre Jason un certain nombre descriptions nabateennes datees des
*t d'Antiochus Epiphane, vers 170 avant J.-C., le plus diverses annees du regne d'Aretas IV. Euting, Naba-
ancien roi connu de ce nom. Ce fut lui qui empecha taische Inschriften, p. 24-61, n. 1 a 20; de Vogue, Syrie
Jason, poursuivi par Antiochus IV, de trouver un refuge cent rale, inscript. semit., p. 113; E. Renan, Journal
dans le pays des Ammonites, qui devait etre par conse- asiatique, 1873, p. 373; Zeitschrift der deutschen mor-
quent sous la domination du roi des Arabes. L'Ecriture genldndischen GescllschafL, 1869, p. 150; 1871, p. 429;
donne a Aretas le titre de t-jpawo;. II Mach., v, 8. R. P. Lagrange, Zeitschrift fur Assy riologie, 1890, p. 290.
Sur les inscriptions et sur les monnaies, Aretas IV est
2. ARETAS JV PHILODEME, contemporain de saint appele Rahem ammeh, d'ou son surnom grec de Philo-
Paul (7 avant J.-C. - 40apres J.-C.). II Cor., xi, 32 (fig. 250). deme qui en est la traduction, qui aime son peuple.
.Aretas porta d'abord le nom d'^Eneas. A la mort d'ObodasII, Ses deux femmes, Halda et Seqailat, sont souvent repre-
sentees au revers. Voir Joh. Gottlob Heyne, De ethnarcha
Aretas, Arabum regis, 1755; Wieseler, Chronologic des
Apostolischen Zeitalters, 1848 ; E. Schurer, Geschichte
des judischen Volkes im Zeitaller Jesu Christi, t. I,
p. 617-619; due de Luynes, Revue numismatique, 1858,
p. 294-296; de Vogue, ibid., 1868, p. 162; Babelon, ibid.,
1887, p. 374-377; de Saulcy, Annuaire de numismatique,
1873, p. 13-17; 1878, p. 461-461; de Vogue, Syrie cen-
trale, inscriptions semitiques, 1868, p. 103-106; Levy,
250. Moimaie d' Aretas IV Philodeme. dans la Numismatische Zeitschrift, de Huber de Kara-
T6te imberbe et laure'e a droitc. fy Femrae debcrat a gauche, bacek, t. in, 1871, p. 445-448; Euting, Nabatdische
levant la main droite. TD33 "]ba nm[n]. ...nrtf (Aretas, Inschriften, in-4, Berlin, 1885, p. 81-87.
roi de Nabat. Ann6e...). E. BEURLIER.
3. ARETAS, commentateur grec, eveque de Cesaree
roi des Nabateens, il changea son nom en celui d' Aretas en Cappadoce. On trouve dans les editions anciennes
et prit possession du trone. Josephe, Ant. jud., XVI, iv, d'OZcumenius, et comme complement de ses commen-
4. II trouva un competiteur en la personne de Syllseus, taires des Actes des Apotres et des Epitres, un commen-
qui 1'accusa aupres d'Auguste d'avoir pris le titre de taire ou edition glosee de 1'Apocalypse qui porte le nom
roi sans la permission irnperiale. Aretas ecrivit a I'em- d'Aretas. Ainsi dans 1'edition d'OZcumenius par J. Henten,
pereur pour se justifier, et accusa Syllsus d'avoir fait Paris, 1630-1631, t. n : Arethse explanaliones in Apoca-
cmpoisonner Obodas. II joignit ii sa lettre 1'envoi d'une lypsin. Cette edition laisse a desirer. Un texte meilleur
couronne d'or du poids de plusieurs talents. Auguste ren- du commentaire dAretas a ete donne par Cramer, dans
voya le present; mais, bientot apres, Nicolas de Damas, ses Catenas grsecorum Patrum in N. T., Oxford, 1840.
venu a Rome pour plaider la cause d'Herode Ier, demas- (Le texte de Cramer est reproduit par Migne, Patr. gr.,
qua Sylkeus, qui fut condamne a mort. Josephe, Ant. t. cvi, col. 493-786.) Le titre exact de 1'oeuvre d'Aretas est:
jud., XV, ix, 4; x, 8 et 9. Auguste, toujours mal dispose Breve explication, tiree des commentaires sur I'Apoca-
pour Aretas, veulait donner ses Etats a Herode Ier, mais il lypse du bienheureux Andre, archeveque de Cesaree de
changea d'avis en apprenant la maniere indigne dont ce Cappadoce, mise en ordre par Arelas, indigne eveque
dernier traitait ses ills; il se contenta de blarner Aretas de Cesaree de Cappadoce. Par ailleurs on possede un
d'avoir pris le titre de roi sans son ordre, accepta ses pre- commentaire sur 1'Apocalypse qui porte le nom d'Andre,
sents et le confirma dans sa royaute. Josephe, Ant. jud., archeveque de Cesaree de Cappadoce; il a ete public en
XVI, ix, 9; Strabon, xvi, p. 782; Nicolas de Damas, dans grec pour la premiere fois par Sylburg, en 1596, et il est
C. Miiller, Fragm. hist, grsec., t. m, p. 351. Devenu reproduit d'apres Sylburg par Migne, Patr. gr., t. cvi,"
1'allie des Remains, en haine d'Herode, Aretas fournit des col. 215-458. Voir ANDRE 4, col. 564. Cet Aretas a ete
troupes auxiliaires au legat de Syrie Varus, dans la guerre considere sans fondement suffisant, par quelques cri-
qu'il fit, 1'an 4 apres J.-C., aux Juifs revoltes. Josephe, tiques, comme ayant ete eveque de Cesaree au v siecle :
Ant. jud., XVII, x, 9; Bell, jud., II, v, 1. Plus tard cepen- en realite il est a identifier avec 1'eveque de ce nom que
dant il donna sa lille en mariage au tetrarque Herode la liste episcopate de Cesaree compte au commencement
Antipas ; mais celui-ci la repudia pour epouser Herodiade, du xe siecle, et dont on a recemment mis en lumiere 1'ac-
femme de son frere Philippe. La fille d'Aretas se refugia tivite lilteraire et philosophique. Voyez 0. von Gebhardt,
aupres de son pere, qui declara la guerre au tetrarque et Der Erzbischof Arethas von Casarea, seine Studien und
le vainquit. Herode invoqua le secours des Remains. Sur seine Bibliothek, dans les Texte und Untersuchungen de
1'ordre de Tibere, Vitellius, legat de Syrie, marcha centre Gebhardt et Harnack, t. I, Leipzig, 1883, p. 36-46. Le
Aretas ; mais , a la nouvelle de la mort de I'empereur, il commentaire de 1'Apocalypse a dti etre compose entre
abandonna la campagne. Josephe, Ant. jud., XVIII, v, 895 et 914. Le commentaire d'Aretas n'est pas une simple
1-3. Ce fut probablement alors que le roi des Nabateens reproduction du texte d'Andre; il 1'abrege, 1'ameliore et le
reprit possession de Damas, qui avait appartenu a son complete de son propre fonds en maint endroit. Toutefois
predecesseur. Deux fails appuient cette hypothese : 1 Cali- la science de I'Ecritui^e a peu a y prendre. Voir Fabricius,
gula apporta de grands changements dans les royaumes edit. Harless, Bibliotheca grseca, t. vm, p. 696-699.
vassaux de Rome ; 2 la serie des monnaies de Damas por- P. BATIFFOL.
tant 1'effigie irnperiale s'interrompt pendant les regnes de ARETIUS Benedict, theologien et botaniste suisse,
Caligula et de Claude. Mionnet, Description des mon- ne a Berne vers 1505, mort le 22 avril 1574. Son veri-
naies, t. v, p. 286; Supplement, t. vm, p. 193; De Saulcy, table nom etait Marti; Aretius est la traduction grecque
945 ARETIUS A R G E N T 946
de ce nom (de "Ap*i;, Mars ). Choisi, en 1548, comme 1'argent surnageait, comme 1'huile sur 1'eau . Pline, xxxm,
professeur de logique a 1'universite de Marbourg, il devint 95, 96. Au rapport de Strabon, III, n, 8, telle mine rappor-
ensuite professeur de langues a Berne, et enseigna plus tait en trois jours a son proprietaire la valeur d'un talent
tard la theologie d'apres les doctrines de Calvin, qu'il eubo'ique (environ 4 400 fr.). Plus tard les Remains s'empa-
avait embrassees avec ardeur. II explique le sens avec rerent du pays iberien et de ses riches gisements. I Mach.,
bonheur dans ses commentaires, mais il faut tenir compte vin, 3. Polybe, d'apres Strabon, loc. cit., rapporte que
de ses tendances. II a compose : Commentarii breves in quarante mille ouvriers etaient employes a 1'exploitation,
Mosis Pentateuchum, in-8, Berne, 1602 et 1611 (ouvrage pres de Carthage la Neuve, et que le rendement quoti-
posthume); Commentarii in Domini Nostri Jesu Christi dien etait de vingt-cinq mille drachmes (24250 francs).
Novum Testamentum, in-f etll in-8, Morsee, 1580-1584; Mais bien auparavant, les Pheniciens, dont les vais-
in-f, Paris,1607. Les editions partielles ensontnombreuses: seaux longeaient sans cesse toutes les cotes de la Medi-
Commentarii in quatuor Evangelia, in-8, Lausanne, terranee, s'etaient apercus de 1'abondance de 1'argent en
1577 ; Commentarii in Actuum Apostolorum historiam, Iberie. Comrne les indigenes n'en appreciaient pas la
1590; Commentarii in omnes Epistolas Pauli et cano-
nicas, ilemque in Apocalypsim Joannis, 1589, etc. Voir
Chr. Saxi, Onomastic. literar., part, in, p. 399; Biblioth.
instit. a Gesnero in Epitom. redact, per J. Simlerum
et Joh. Frisium, Zurich, 1693, p. Ill; G. Walch,
Diblioth. theol. critic., t. iv, passim. Le nom d'Aretius
se trouve parmi ceux des auteurs condamnes par le
concile de Trente. L. GUILLEREAU.
950
n , II Reg., xxn, 43;
Dan., n, 41; Jer.,
ns prix, bonne a
XLI, 21; Sap.,
T
i, 10; Zach.,
est 1'image
'=;. xxi, 10.
E.
"nte :
Les rues sont peu nombreuses et tres sales quand il a plu; sons qu'il en donne dans un travail manuscrit qui nous
les maisons sont enpierre, quelques-unes assez grandes a ete communique. Eusebe identifie Arimathie avec Ra-
et bien baties. Ramleh est actuellement une ville de matha ou Ramathaim-Sophirn, la patrie de Samuel, et la
5000 habitants (Frere Lievin). place dans le voisinage de Lydda. Saint Jerome ajoute
Le couvent latin, situe a 1'ouest de la ville, est vaste qu'elle etait dans le district de Thamna. Ces deux ecrivains
et bien distribue; il a ete fonde en 1240 par Philippe le nous assurent que de leur temps Arimathie etait appelee
Bon, due de Bourgogne, sur 1'emplacement d'un ancien Remphis (Eusebe) ou Remphtis (Jerome). Ou est situee
khan : il est confie aux Peres franciscains, qui y recoi- Remphtis-Arimathie? Ce n'est pas Ramleh, pour les raisons
vent les pelerins. La chapelle du couvent a ete batie, qu'en a presentees Robinson ; ni Beth-Rimah, comme
dit-on, sur I'emplacement de la maison de Joseph d'Ari- 1'avait soutenu van de Velde, Map of holy Land, Gotha,
mathie. D'apres une autre tradition, relatee par Boniface 1865. Rimah, avec 1'article ha-Rimah, est sans doute
de Raguse (xvi e siecle), elle aurait remplace I'atelier ou identique a Ramah, Ramatha et Arimathie; de plus,
Nicodeme travailla le crucifix miraculeux, venere actuel- cette localite est eertainement dans la Thamnitique et dans
lement dans la cathedrale de Lucques, et dont la tete du la montagne d'Ephraim ; mais ce nom semble etre le nom
Christ fut sculptee, dit-on, pendant le sommeil de Nico- ancien: il etait deja connu lore de la redaction du Talmud
deme , par une main celeste. L'enceinte ancienne de la
ville, avec ses douze portes, n'existe plus. En dehors de et en tout cas il existait au temps d'Eusebe et de saint
Jerome; c e n e pre u t done
unu etre
en e laRemnV,
la uempntis
f v
indiquee par eux.
la ville, on va visiter la mosquee Blanche et la tour des II est impossible, ecrit M. Heidet, de ne pas recon-
Quarante Martyrs (fig. 256), du haut de laquelle on a naitre ce nom dans la localite acluelle de Rentis. Le 9,
une vue splendide sur Jaffa et les montagnes de la Judee. ph, est ici pour 1'euphonie, comme dans Be6pajj.<p0a ou
D'apres la tradition citee plus haut, Ramleh aurait Bethromphta de I'Onomasticon, pour Beth-Ramtha. Le
occupe I'emplacement de 1'ancienne Arimathie. Mais si mot vrai est done Remtis. La suppression du t dans le texte
nous en croyons les ecrivains arabes, Aboulfeda en parti- d'Eusebe peut etre le fait des copistes, a moins qu'il n'ait
culier, Tab. Syr., edit. Kohler, p. 79, elle aurait ete fondee ete supprime pour raison d'euphonie. Le changement de
en 716 par Soliman, fils d'Abd el-Melek; Guillaume de m en n est ordinaire chez les Arabes. Rentis est un village
Tyr et Marinus Sanutus confirment ce renseignement. ou se voient de nombreuses mines, des citernes et des
Robinson rejette Fidentification de Ramleh avec Ari- tombes anciennes. On y remarque en particulier les debris
mathie ; les textes anciens, d'apres lui, indiqueraient d'une eglise dans le village meme, et au dehors, a peu
plutot un emplacement au nord-est ou a 1'est qu'au sud de distance, les habitants signalentles restes d'une grande
de Lydda. .Biblical Researches in Palestine, l re edit., et belle mosaique, qu'ils disent etre les restes d'une autre
t. in, p. 40-43. En outre, dit-il : 1 la tradition sur eglise. Le village est sur une hauteur au sommet allonge,
Ramleh-Arimathie ne remonte qu'au ixe siecle; les pele- s'elevant de 220 metres au-dessus de la Mediterranee, et
rins plus anciens ont cite les villes voisines sans en dominant tous les environs et la grande plaine. Rentis est
parler. 2 Ramleh, ainsi que nous 1'avons dit plus haut, a trois lieues au nord-est de Lydda, a deux lieues a 1'ouest
n'aurait pas succede a une ville ancienne, mais aurait ete, de Beth-Rimah. Tous les caracteres specifiques de Ramo-
d'apres les geographes arabes, fondee au vme siecle par thaim lui conviennent. Un document officiel vient attester
Soliman, fils d'Abd el-Melek. 3 Les deux noms Ramah que, pour les croises de Terre Sainte, Rentis etait Ari-
et Ramleh sont, etymologiquement parlant, tout a fait mathie, patrie de Joseph : c'est un chapitre des Assises
differents : Ramleh signifie sable, et Ramah hauteur. de Jerusalem. Le voici en francais moderne : Quels
Cette objection est refutee par M. Guerin, Judee, t. i, v sont les suil'ragants de Saint - Georges de Lydda.
p. 48-55. ... L'abbe de Saint-Joseph d'Arirnathie, laquelle est main-
M. L. Heidet, professeur a YEcole biblique de Jerusalem, tenant appelee Rantis... Les autres documents de cette
identifie Arimathie avec Rentis, localite situee au nord- periode sont rares. On trouve un pelerin anonyme de llL'O,
est de Loudd, 1'ancienne Lydda. Voici en resume les rai- qui indique Arimathie a quatre milles de Lydda. Deux
961 A R I M A T H I E ARIOCH 902
chartes de 1160 citent I'abbe Herbert des Saints-Joseph - il ne peut s'agir evidemment du royaume classique de ce
et-Abacuc (E. deRoziere, Cartulaire du saint Sepulcre, nom, qui n'existait pas encore a cette epoque et que sa
n os 64 et 65). Guillaume de Tyr nomme Amalric, un autre situation geographique ne permet pas de mettre en rela-
abbe de Saint-Abacuc et de Saint-Joseph surnomme tions avec Chodorlahomor, roi d'Elam, au sud-est du
d'Arimathie (Hist., xvn, 26). 11 ne peut etre douteux Sennaar. Les Septante et 1'hebreu lisent d'ailleurs roi
qu'il s'agit de Rentis, et ces documents supposent la d'Ellasar , c'est-a-dire non pasde la ville d'Assur, la pre-
croyance susdite. La situation de Rentis, loin de toutes miere capitale du royaume assyrien, actuellernent Kale'h-
les routes suivies par les pelerins, explique leur silence Schergat, sur le Tigre, dont on ne trouve encore aucune
sur Arimathie et celui des chroniqueurs de la premiere trace a cette epoque reculee, et qui parait d'ailleurs trop
croisade. II n'est pas douteux non plus que les croises eloignee de 1'Elam, mais. par un changement de leltres
expriment la une tradition qu'il ont trouvee existante chez assez frequent, Larsa, actuellernent Senkereh, tres ancienne
les Chretiens du pays, que cette tradition remonte au ville du Sennaar ou pays de Sumer, un peu au nord d'Ur,
ive siecle. Rentis a done, en dehors des litres intrinseques, la patrie d'Abraham. Frd. Delitzsch, TT'o lag das Paradies,
p. 223-224. Nous savons, en effet, qu'a cette epoque
reculee Larsa formait un royaume vassal des conquerants
elamites (appeles Koudourides du nom du premier ele-
ment des noms royaux Chodor-lahornor, Koudour-Laga-
mar, Koudour-Nahoundi, Koudour-Maboug). Arioch parait
etre precisement le dernier roi de Larsa, annexee ensuite
a la Rabylonie a 1'e'poque de Hamrnourabi (ou Hammou-
ragas) (2307 [?]-2252 [?]); les deux groupes cuneiformes
qui composent ordinairement son nom se lisent Rim-Aku
ou Riv-Aku, le syllabaire cuneiforme mesopotamien ne
distinguant pas I'm du v; ils pourraient meme se pro-
noncer, d'apres G. Smith et Eb. Schrader, Eri-Aku. Cet
Arioch, de race elamite, fut vassal de Koudour-Maboug,
roi d'Elam, d'Ur, de Sumer, d'Akkad et de Syrie, et allie
de Chodorlahomor, roi d'Elam. L'echec que lui infligea
Abraham fut bientot suivi de la prise de Larsa par les
rois nationaux de Babylone, qui expulserent les Elamites
de toute la Mesopotamie. Arioch fut done le dernier roi
de Larsa; mais sa capitale ne fut pas detruite, Hammou-
rabi de Babylone y fit meme reparer le temple de Samas,
le soleil, qui y resta en grande veneration jusqu'a la
fin de la monarchie babylonienne. Peut-etre le livre de
Judith, dans les Septante, a-t-il garde le souvenir de la
defaite d'Arioch par les Bubyloniens dans la mention qu'il
fait, I, 6, de la plaine de Ragau, designee ensuite comme
la plaine d'Erioch, roi des Elamites , c'est-a-dire de
la dynastie elamite. (La Vulgate lit : Dans la plaine
d'Erioch, roi des Eliciens. Judith, I, 6). L'Arioch du livre
de Daniel, n, 14, montre que ce nom resta familier aux
Babyloniens.
L'identification d'Arioch et de Rim-Aku, propose'e par
G. Smith, Notes on tlie early history of Assyria and Baby-
lonia, Londres, 1872, p. 10 et 29, acceptee par Eb. Schrader,
Lenormant , etc., regardee comrne tres vraisemblable
par Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 224, a ete corn-
256. Tour des Quarantc Martyrs, & Raml&i. battue parTiele, Babylonisch-Assyrisclie Geschichte, t. I,
p. 124, sous pretexte que les groupes cuneiformes en
le temoignage d'Eusebe, de saint Jerome, de leur epoque question peu vent aussi se lire Arad-Sin, le sens du nom
et de tout le royaume latin de Jerusalem. G'est la vieille propre restant le meme, serviteur du dieu Lune . Mais
et authentique tradition. ( L. Heidet.) une variante dans laquelle ce nom royal est ecrit, non
Enfin, on a aussi identifie Arimathie avecNeby-Samouil, plus ide'ographiquement, mais phonetiquement, affirme
colline au nord-ouest de Jerusalem, ou, d'apres quelques la lecture Rim-Aku, et corrobore 1'identification proposee
topographes, etait bati le bourg de Ramathaim, pafrie par Smith. Lenormant, Choix de textes cuneiformes,
de Samuel. Voir RAMATHAIM. E. JACQUIER. t. in, p. 164; The cuneiform Inscriptions of Western
Asia, t. i, pi. n, n. 3; pi. v, n 16. Voir Schrader-
ARIOCH, hebreu : 'Aryok; babylonien : Eri-aku, Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old
serviteur du(dieu) Lune; Septante: 'Apiw/^;, 'Aptar/ Testament, t. I, p. 120; t. n, p. 296-301; G. Smith,
(et 'Ecptur/, Judith, I, 6). Early History of Babylonia, dans les Records of the
Past; l re serie, t. v, p. 64-70; Sayce,. ibid., 2e serie, t. I,
1. ARIOCH, roi mesopotamien allie de Chodorlaho- p. 10; t. m, p. 19-20; Vigouroux, La Bible et les de'cou-
rnor, dans son expedition en Palestine au temps d'Abraham. vertes modei'iies, 5e edit., t. I, p. 485-487; Lenormant,
Gen., xiv, 1, 9. Chodorlahomor et ses coiifederes, Am- La langue primitive de la Chaldee, p. 374 et suiv.;
raphel, Arioch et Thadal, vainquirent les rois de Sodome Lenormant-Babelon, Histoire ancienne del'Orient, t. iv,
et de la Pentapole; mais, comme ils s'en retournaient p. 94-97 ; Maspero, Histoire ancienne de I'Orient, 1886,
charges de butin, ils furent surpris a 1'improviste et 4 e edit., p. 188; J. M. Price, Literary Remains of Rim-
defaits par Abraham. Gen., xiv, 1-15. Voir AMRAPHEL et Sin (Arioch), King of Larsa, in-4, Chicago, 1904.
CHODORLAHOMOR. E. PANNIER.
Les textes cuneiformes anciens nous mettent sur la trace 2. ARIOCH, officier a la cour de Nabuchodonosor, roi
de cet Arioch. La Vulgate 1'appelle roi de Pont, saint Je- de Babylone. Dan., n, 14, 15, 24, 25. Les rationalistes
rome ayant ici suivi la traduction de Symmaque; mais cherchaient autrefois a ce nom une e'tymologie perse,
DICT. DE LA BIBLE. I. 33
963 ARIOGH ARISTOBULE 964
sanscrite, etc., Gesenius, Thesaurus linguae hebraese, proleg., vi; Montfaucon, Praslimin. in Hexapla Origenis,
1829, p. 148; cf. Keil, Daniel, 1869, p. 78; Hitzig, Daniel, in, 9, Pair, gr., t. xv, col. 62-66, etc. Son authenticite
Leipzig, 1850, p. 26, dans 1'intention plus ou moins a cependant ete soutenue par Usserius, De grseca LXX
avouee de renverser Fautorite et le caractere historique interpretum versione syntagma, Londres, 1655; Isaac
de Daniel; mais presentement on y reconnait un nora Vossius, De LXX interpretibus eorumque translatione,
babylonien, soit Ariku, le long, soit Rim ou Riv-Aku, La Haye, 1661; Appendix ad librum de LXX interpre-
serviteur du dieu Lune, forme analogue a Sidrach, libus, 1663; Responsio ad objecta nuperae critical saci'te,
Sudur-Aku, envoye du dieu Lune, Dan., i, 7. dans Variarum observationum liber, Londres, 1685,
Arioch remplissait a la cour la charge de chef de la p. 301-304; B. Walton, Prolegom., ix, 4; Le Nourry,
milice royale , non pas de chef de Farmee babylonienne, Bibliotheca maxima Patrum, t. xi, p. 225; Simon de
mais de chef des gardes du corps, corame porte le texte Magistris, Daniel secundum LXX, Rome, 1772, p. 309-623;
chaldeen, rab tabbdhayd', chef des satellites; au ^.14, Const. Oikonomos, nep\ TWV 6 epfxvivEUTwv TYJ; TraXaia; 6s:a;
il est charge d'executer les devins , incapables de decou- ypacp?}? p t g X f a , Athenes, 1844; Grinfield, An apology for
vrir le songe du roi ; au v. 24, c'est lui qui introduit the Septuagint., Londres, 1850. On pense generalement
Daniel aupres de Nabuchodonosor. Ces fonctions sont aujourd'hui que cette lettre est Foeuvre d'un Juif pieux,
souvent confie'es, en Orient, aux rnemes officiers. II Reg., qui avoulu, en la composant, dormer de Fautorite a la
iv, 12; i, 15. Les bas-reliefs nous montrent que quelque- version grecque de FAncien Testament, et glorifier son
fois ineme les rois executaient en personne leurs prison- peuplc et sa legislation aux yeux des Grecs. II a pris le
niers. Voir Schrader-Whitehouse, The cuneiform In nom d'Aristee, qui etait celui d'un ecrivain, auteur d'un
sct'iptions and the Old Testament, t. n, p. 127; Lenormant, livre sur les Juifs, que mentionne Alexandre Polyhistor.
La divination chez les Chaldeens , p. 198, ou il propose Voir Eusebe, Pr&par. Ev., ix, 25, t. xxi, col. 728. Cf. Ncel-
1 etymologic A riku , le long , nom propre , certaine- deke, Histoire litteraire de I'Ancien Testament, trad,
ment usite aussi en Assyrie et en Babylonie, mais ren- franc., Paris, 1873, p. 160-169.
dant peut-etre moins bien compte de la presence du vav L'Epistola ad Philocraten a ete editee par Jac. Midden-
et du iod dans la transcription chaldeenne. Cf. Vigou- dorpius, Historia Aristese, Cologne, 1578; par Gar-
roux, La Bible et les decouvertes modernes, 5e edit., bitius, Aristese, historia de legis divinse ex hebrsea lingua
t. iv, p. 456. E. PANNIER. in grsecam translatione, Francfort, 1610; par Hody,
De Bibliorum textibus originalibus, Oxford, 1705; par
ARISAI (hebreu : Mmai'/Septante : to;), hui- Van Dale, Dissertatio super Aristea de LXX interpre-
tieme fils d'Aman. Esth., ix, 9. tibus, Amsterdam, 1705. Une edition critique a ete publiee
par Schmidt, dans Archiv fur ivissenschaftliche Erfor-
AR3STARQUE ( 'ApiVrap-xos, excellent chef ) , schung des A. T. de Merx, Halle, 1868, t. in.
Chretien de Thessalonique , Act., xx, 4, qui accompagna E. MANGENOT.
saint Paul dans son troisieme voyage de missions. Avec 1.'ARISTOBULE ( ' A p i d r d g o u X o s ) , Juif d'Alexan-
Gaius, il fut entraine dans le theatre d'Ephese, par la diie, de famille sacerdotale, 8t8a!ix.d)>o?, maitre ou
foule irritee contre FApotre, Act., xix, 29, et faillit etre conseiller du roi d'Egypte Ptolemee. II Mach., i, 10. Le
massacre. Aristarque suivit saint Paul en Macedoine, peuple de Jerusalem, le conseil et un certain Judas, lui
puis en Grece, et alia avec lui en Judee, Act., xx, 4, par adresserent une lettre, II Mach., I, 10-n, 19, pour Fen-
la Macedoine, la Troade, Milet, la mer Mediterranee, Tyr gager, lui et les Juifs d'Egypte, a rendre graces a Dieu,
et Cesaree. II monta avec FApotre captif sur le navire qui avait delivre la nation de grands dangers par la mort
d'Adrurnete, Act., xxvn, 2, qui les conduisit le long d'Antiochus, II Mach., i, 11-17, et a celebrer, de concert
des cotes de la province d'Asie, d'oii ils partirent pour avec leurs freres de Jerusalem, la fele de la purification
Rome. Dans cette ville, il fut le fidele compagnon de ou fete du feu sacre, de'couvert par Nehemie. II Mach.,
captivite et de travail de saint Paul. Coloss., iv, 10; Phi- n, 15 et i, 36. L'Antiochus dont cette lettre rapporte la
lemon, 2i. On perd ensuite ses traces. D'apres les Grecs, mort parait bien etre Antiochus III le Grand et non Antio-
il fut eveque d'Aparnee, en Phrygie; d'apres le rnarty- chus IV Epiphane, qui perit dans des circonstunces diffe-
rologe romain et Adon, de Thessalonique. II aurait ete rentes. Cf. col. 692. Le recit de cette mort semble avoir
decapite a Rome sous Neron avec saint Paul ; sa fete est ete ecrit peu apres Fevenement (187 avanl J.-C.); la lettre
fixee au 4 aoiit. E. JACQUIER. doit done etre datee de Fan 187 ou 186 avant J.-C., et
non pas de Fan 124 avant J.-C. (188 de Fere des Seleu-
ARISTEE, 'ApiffTato?, auteur pretendu d'une lettre cides), comme le ferait croire la ponctuation defectueuse
relative a Forigine de la version grecque des Septante. du f . 10 de II Mach., i. Cette date se rapporle a la lettre
II se dit Egyptien d'origine, paien de religion, devenu precedente; elle la tennine, comrne c'etait Fusage. II Mach.,
proselyte juif, ^Kzpzamarrt;, c'est- a- dire officier des xi, 21, 33, 38. Le Ptolemee dont Aristobule fut le maitre
gardes de Ptolemee Philadelphe (284-2i7), et tres aime ou conseiller serait done Ptolemee V Epiphane (204-181).
de ce prince. Quand celui-ci, sur le conseil de Demetrius Dans cette hypothese tres vraisemblable, notre Aristobule
de Phalere, voulut faire traduire en grec la loi de Moise, pourrait tres bien etre le meme personnage que le philo-
pour placer cette version dans la bibliotheque qu'il avail sophe peripateticien qui dedia a Ptolemee VI Philornetor
fondee a Alexandrie, Aristee fut un des messagers envoyes (185-146) une exposition allegorique du Pentateuque.
au grand pretre Eleazar, a Jerusalem. Dans sa lettre a son Eusebe, Prsep. Ev., vin, 9, t. xxi, col. 636. Rien ne
frere Philocrate, il raconte les evenements donfe il est s'oppose a ce qu'il ait vecu sous les deux regnes. Le but
cense avoir ete temoin. Voir SEPTANTE. Son recit trouva de son commentaire, intitule 'E^yrjcrsc? TTJ; Mo'jff=w;
creance. Josephe, Ant.jud.,\ll, n, 2 et suiv., le repro- ypa^r,: ou TOO Mo-j<?iu>s vd;j.ou, etait de prouver que les
duit presque mot pour mot. Philon, Vita Mosis, n, 6, Fa anciens poetes et philosophes grecs avaient largement
accepte aussi, mais sans nommer Aristee. Les anciens puise dans les livres de Moise, en sorte que le Pentateuque
admettaient unanirnement la lettre d'Aristee comme au- etait la source de la philosophic et de la sagesse paienne.
thentique. Louis Vives, dans une note sur saint Augustin, Cf. ALEXANDRIE (COLE EXEGETIQUE u'}, col. 360. Manquant
De Civitate Dei, xvm, 42, emit le premier des doutes sur de preuves, il forgea un bon nombre de passages de poetes
son authenticite. II fut suivi par Joseph Scaliger, Ad chro- et d'historiens. Ainsi il en fit sous le nom de Linus, de
nicon Eusebii, Pair, lat., t. xxvn, col. 485. Des lors la Musee, d'Orphee, d'Homere, d'Hesiode, etc., et il le fit
plupart des critiques out tenu cette lettre pour apocryphe. si habilement, qu'il trornpa plusieurs ecrivains profanes et
H. de Valois, In I. v, c. 8 Eusebii H. E.; Leon de Castro, certains Peres de FEglise. Les fragments qui nous restent
In Isaiam, prooem.; Salmeron, Comment, in Evang., d"Aristobule ont ete reunis par Eichhorn, dans YAllye-
965 A R I S T O B U L E ARKEVOLTI 966
meine Bibliothek der biblischen Litteratur, t. v, p. 253- des villes grecques, qui s'allia a Ptolemee Ceraunos contre
259; 1'authenticite en a ete demontree par Walckenaer, Antigone Gonatas, et attaqua, au nom du conseil des
Diatribe de Aristobulo Judaeo, contre les negations de Amphictyons, les Etoliens, qui s'etaient empares du terri-
R. Simon, Hody, Eichhorn, etc. Aristobule avance qu'avant toire sacre de Cirrha; mais ses troupes furent massacrees.
la version des Septante, certaines parties des livres de Justin, xxiv, i , 4 . II etait occupe a une expedition en
Moi'se avaient ete traduites en grec. Eusebe, Pr&p. Ev., Crete, quand Pyrrhus, roi d'Epire, attaqua Sparte en 272.
12, t. xxi, col. 1097. Mais le but que poursuit cet auteur II revint en toute hate, conclut une alliance avec les
dans son commentaire rend son temoignage suspect. On Argiens, et bientot la mort de Pyrrhus ,mit fin a la guerre.
a voulu lui attribuer la composition du livre de la Sagesse, Pausanias, in, 6, 2; Plutarque, Pyrrh., 26-29. En 267,
mais on n'apporte pas de raisons serieuses; et ce n'est Arius s'allia sans succes a Ptolemee Philadelphe pour
pas ainsi qu'aurait parle ce favori des rois d'Egypte. sauver Athenes du joug d'Antigone Gonatas. Pausanias,
Voir L. G. Walckenaer, Diatribe de Aristobulo Judseo, in, 6, 3; Justin, xxvi, 2. II mourut a Corinthe, en 265,
in-4% Leyde, 1806; Gfrorer, Philo, 2e edit., in-8, Stutt- dans une bataille contre les Macedoniens. Plutarque,
gart, 1835, p. 71 et suiv.; Haneberg, Revelation bi- Agis, 3; Justin, xxvi, prol. La ville d'Elis lui eleva deux
blique, 2 in-8, Paris, 1856, t. n, p. 84; F. Vigouroux, statues. Pausanias, vi, 12, 5, et '15, 5. La principale source
Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e edit., de 1'histoire d'Arius est le livre de Phylarque dans lequel
t. iv, p. 625-640. E. LEVESQUE. "! puise Justin. II existe (fig. 257) un superbe tetradrachme
de ce roi, avec 1'effigie d'Alexandre et la legende BASI-
2. ARISTOBULE. Saint Paul, dans son Epitre aux AEOS APEOS, qui se trouve aujourd'hui au Musee de
Remains, xvi, 11, ordonne de saluer les gens (chretiens) Rerlin. Von Sallet, Numismatik Zeitschrift, 11, 1875,
de la maison d'Aristobule. Celui-ci etait-il Remain? p. 126 et285, pi. ix. La lettre d'Arius I er au grand pretre
Etait-il mort ou absent de Rome, lorsque 1'Apotre eerivit Onias Ier. I Mach., xn, 20-23, dit que les Spartiates et
sa lettre, ou meme etait-il chretien, puisque saint Paul les Juifs sont freres et de la race d'Abraham . Sur ce
ordonne de saluer seulement ceux de sa maison ? Toutes sujet, voir SPARTIATES. E. BEURLIER.
questions sur lesquelles on a fait des conjectures, mais
auxquelles on n'a aucune reponse a faire. Les menologes AREZT1ZABAL (Pierre d'), frere mineur de la Regu-
grecs font d'Aristobule un des soixante - dix disciples, le liere Observance, en la province de Gastille, qualifica-
frere de Barnabe, et rapportent qu'il precha 1'Evangile en teur du tribunal supreme de Flnquisition, vivait dans le
Grande - Rretagne; ils fixent sa fete au 15 et 16 mars ou milieu du xvne siecle. II a donne au public : Super can-
au 31 octobre. E. JACQUIER. ticum Habacuc Discursus politico-morales, in-f, Madrid,
1C48, en espagnol; Commentaria lalina in librum Josue,
ARIUS ( ' A p s u ? ) , roi de Sparte. Un roi de ce nom in-f, Madrid, 1652. P. APOLLINAIRE.
eerivit une lettre a un grand pretre du nom d'Onias.
IMach., xn, 7, 22(20). Letexte recu des Septante deforme ARtZZARRA Hyacinthe, de 1'ordre de Saint-Domi-
ce nom; au y. 7, il 1'appelle Aape^oc; au f . 22, 'Ovtdcpyj?. nique, professeur d'Ecriture Sainte et de langues orien-
tales a 1'universite de Modene, a laisse une bonne intro-
duction a Fetude de la Bible sous ce titre : Elementa
sacrsB hermeneuticx, in-4, p. xn-260, Castelnuovo di
Garfagnane (dans la province de Massa), 1790. Hurter,
dans le Nomenclator litterarius, t. n, p. 1031, donne a
tort la date de 1740. L'epitre dedicatoire, adressee a Aloysio
Ruffo, nonce apostolique aupres de la cour de Toscane,
parle de Pie VI (1775-1799) comme du pape regnant.
L'auteur traite avec beaucoup de siirete et de largeur les
questions relatives a 1'inspiration, au canon, a 1'autorite
respective des versions. II est au courant des meilleurs
er travaux parus de son temps, non seulement parmi les
257. Monnaie d'Arius I . catholiques, mais aussi parmi les protestants d'Allemagne,
Tete d'Alexandra imberbe, couverte d'unc peau delion, h droite. qu'il cite avec eloge et utilise la ou ils ont un reel merite.
iij. BASIAE02 APEOD. Jupiter assis, a gauche, tenant On sent qu'il est de 1'ecole de son savant contemporain
1'aigle de la main droite et la main gauche appuyee sur le et compatriote J. B. de Rossi, quand il recommande
sceptre. 1'etude de 1'hebreu dans un diapitre special intitule : De
necessitate studii lingua: sanctss, chap. ix. II n'exige pas
Le texte primitif devait porter 'Apeio;, qui est la forme seulement de 1'interprete la connaissance des langues,
donnee egalernent par Josephe, Ant. jud,, XII, iv; v, 8. mais aussi celle de 1'histoire ancienne, qui doit embrasser
Dans I Mach., xn, 22 (20), le texte recu contient ces mots : 1'etude des faits , des mceurs, des institutions, des
u>v airfoTEiXcv 'Ovtapr,; ^adiXi-j; SnapTtaTtov 'Ovt'x, le texte croyances. II blame ceux qui se mefient des explications
primitif devait etre ONIAAPEIOS, et il faut lire : aue- empruntees a 1'histoire et preferent resoudre les diffi-
<T~S'.XEV 'Ov'y. 'Apsfoc v.. T. ).. Les auteurs profanes et les cultes par des interpretations ingenieuses patronnees par
monnaies donnent a deux rois de Sparte de cette epoque quelque autorite. Ils sont dans 1'illusion, ajoute-t-il,
er
le nom d"ApsO;. Arius I regna quarante-quatre ans, de quand ils croient que les auteurs sacres n'ont pas employe
309 a 265, et Arius II, huit ans, de 264 a 256. G'est evi- les precedes ordinaires de composition parce qu'ils sont
demment du premier qu'il s'agit, car c'est le seul qui ait inspires, et pour cela ils se font scrupule de se servir
ete contemporain d'un grand pretre du nom d'Onias, d'une methode qui est partout reconnue necessaire pour
Onias I er , fils de Jaddus, qui exerca le souverain pontificat entendre les auteurs grecs ou remains, chap, xiv, De
de 323 a 300. La chronologie s'oppose a toutes les autres munere interpretis. Le chapitre sur 1'exegese des Peres
hypotheses, notamment a celle de Josephe, qui suppose comparee a celle des modernes n'est pas moins inte-
les lettres ecrites par Arius II a Onias II, car Onias II ressant. Des travaux, comme celui d'Arizzarra, ont vu
fut grand pretre de 222 a 205. inalheureusement le jour a une heure tres troublee, et
Arius I er appartenait a la famille des Agiades; il etait fils j ils sont demeures trop longteinps sans echo parmi les
d'Acrotatos, qui mourut avant de monter sur.le trone, et catholiques. J. THOMAS.
il succeda a son grand-pere Cleomene II. Diodore de
Sicile, xx, 29. Eu 280, Arius se mit a la tete d'une ligue ARKEVOLTI Samuel ben Elhanan, rabbin qui vivail
967 ARKEVOLTI ARME 968
e
a Padoue, a la fin du xvi siecle et au commencement combat, c'est-a-dire aux armes. C'est ce qu'ont fait souvent
du xvir e . II donna en 1CC2 une grammaire hebraique les ecrivains sacres, soit qu'ils emploient le mot kele tout
assez estimee, 'Arugat habbosem, ((Parterre de plantes seul, Gen., xxvn, 3, soit qu'ils le fassent suivre d'un deter-
aromatiques, Cant., v, 13, in-4, Venise, 1602; in-8, minatif, kele milhdmdh vases ou armes de guerre ,
Amsterdam, 1730. E. LEVESQUE. Jud., XVIH, 11; cf. Jud., xvm, 16; Deut., i, 41; kele mavet,
Ps. vu, 14, armes de mort.
ARLOTTO, de Prato, en Toscane, frere mineur, Les armes dont il est question dans la Bible sont princi-
docteur en theologie, de 1'universite de Paris, provincial palement enurnerees dans les passages suivants : I Reg.,
de Toscane, puis general de son ordre, mort a Paris, en xvii, 5-7, 38-39, 45-47; II Par., xxvi, 14-15; II Esdr.,
1286. Sixte de Sienne et Marcellin de Pise lui attribuent iv, 13, 16; Job, XLI, 17-20; Jerem., XLVI, 3-4; Ezech.,
un ouvrage anonyme intitule Concordantlse utriusque xxxix, 9; Ephes., vi, 13-17. Les lines sont destinees a
Testamenti, qui, apres avoir ete repandu en de nom- 1'attaque, les autres a la defense. En voici Fenumeration.
breuses copies, fut plus tard imprime, toujours sous Fano- Pour la description, 1'usage et 1'histoire de chaque arme en
iiyme. Les bibliographes francfscains en out note nornbre particulier, voir 1'article consacre a chacune d'elles. Pour
d'editions, que malheureusement ils n'ont pas decrites, les armes de siege, voir MACHINES DE GUERRE.
notamment : Nuremberg, 1485: Bologne, 1486; Bale, I. ARMES OFFENSIVES. Les principals sont, pour les
Ii96, avec corrections de Sebastien Brandt; Strasbourg, combats a distance : 1'arc, le javelot et la fronde ; pour
1530, avec plus de corrections encore; Venise, 1549, les combats corps a corps : Fepee et la lance ou pique.
in-4; Anvers, Plantin, 1572 et 1585; Hanovre, 1618; 1 L'arc (hebreu : qe'set), employe aussi pour la chasse,
Francfort, 1620; Anvers, 1625, etc. P. APOLLINAIRE. Gen., xxvii, 3; Is., vn, 24, etait chez les Hebreux, comme
chez les autres peuples, Farme habituelle des rois et des
ARMAGEDON ('ApiiaysSSuv). D'apres 1'Apocalypse, guerriers, soit a pied, soit a cheval.Gen., xxi, 16; II Reg.,
xvi, 14-16, les rois de toute la terre seront rassembles xxn, 35; Job, xx, 24; Is., xm, 18.
pour combutlre le Dieu tout-puissant dans un lieu qui 2 Les fleches (hebreu : hesi), I Reg., xx, 36-38; IVReg.,
est appele en hebreu Armagedon. Aucune localite ne ix, 24, complement de 1'arc, etaient portees dans le car-
porte ce nom d'Armagedon, mais on peut entrevoir com- quois, tel\, Gen., xxvn, 3, de la racine t&ldh, suspendre,
ment saint Jean a forme cette appellation. Armagedon parce qu'il etait suspendu a la ceinture ou a Fepaule.
signifie en hebreu la montagne de Mageddo. Or la ville Quelques interpretes donnent a ce mot le sens d'epee,
de Mageddo, actuellement Ledjoiin, adossee a la mon- mais celui de carquois est communement recu, et il con-
tagne du Carmel, donnait son nom a la partie occiden- j cord e avec le passage de la Genese, xxvn, 3, oil Ton voit
tale de la plaine d'Esdrelon; les environs de Mageddo ont | le teli place a cote de Fare du chasseur. Cf. Is., vn, 24.
ete le champ de bataille le plus celebre de la Palestine, Le carquois est encore exprime par le mot 'aspdh, Is.,
celui ou se sont livres les combats les plus decisifs entre xxn, 6; XLIX, 2; Jer., v, 16; Job, xxxix, 23; Ps. cxxvn
les Israelites et leurs ennemis. Au ternps des Juges, les (cxxvi), 5.
rois chananeens furent battus par les gens de Zabulon et 3 La fronde (hebreu: qela'), I Reg., xvn, 40; xxv, 29,
de Nephtali, pres des eaux de Mageddo. Jud., v, 19. Plus employee par les bergers, I Reg., xvii, 40, et les chasseurs,
tard le roi Josias pent dans une bataiile, livree dans la Job, XLI, 19, mais aussi par les troupes armees a la legere,
plaine de Mageddo contre leroi d'Egypte Nechao. IV Reg., II Par., xxvi, 14, rendait les plus signales services, non
xxin, 29; II Par., xxxv, 22. Mageddo fut aussi le theatre seulement dans les combats en rase campagne, I Reg.,
d'une victoire de Thothmes III sur les Hetheens. En sou- xvii, 49, mais aussi du haut des remparts des forteresses.
venir de la defaite de Josias, le prophete Zacharie, xn, 11, IV Reg., in, 25. Elle etait employee avec le plus grand
pour peindre un grand deuil, rappelle celui de Mageddo. succes par les Benjamites. Jud., xx, 16; I Par., xn, 2.
On comprenS que saint Jean, localisant la grande bataille Les pierres qu'on lancait avec la fronde, 'abne qela',
des rois contre le Tout-Puissant, 1'ait placee dans la mon- II Par., xxvi, 14; Job, xn, 20 (19); Zach., ix, 15, etaient
tagne de Mageddo. Galileen de naissance, il devait en le complement de cette arme d'attaque.
connaitre les grands souvenirs. II est inutile de signaler 4 Le javelot. Voir plus loin lance, 6.
les autres explications d'Armagedon qui ont ete presen- 5 L'epee, designee en hebreu par le mot hereb, est
tees; elles sont peu plausibles. E. JACQUIER. presentee tantot comme une arme tranchante, III Reg.,
in, 24, tantot comme une arme de pointe. I Reg., xxxi, 4 ;
ARME. Hebreu : nese'g; keli. Le mot hebreu ne'seq, II Reg., n, 16; I Par., x, 4; Prov., xn, 18; Is., xiv, 19.
III Reg., x, 25; Ezech., xxxix, 9, 10, qui repond le plus Quelques interpretes donnent le sens d'epee au mot me-
exactement a notre expression generique d'armes, em- kerdh, Gen., XLIX, 5, qu'ils rapprochent du grec [icr/oupa,
brasse de plus les machines de guerre dont on se servait la courte epee des Lacedemoniens. Ce sens est fort dou-
pour assieger les villes fortes, Job, xx, 24; xxxix, 21; teux. Cf. Gesenius, Thesaurus linguae hebrsese, p. 672.
Ps. CXL (Vulgate, cxxxix), 8, ainsi que les objets compo- Les Hebreux ne paraissent pas avoir fait usage de Fepee
sant Fequipement militaire, meme ceux qui n'avaient tres raccourcie ou poignard, qui se repandit en Palestine
aucune utilite directe pourl'attaque ou la defense; et par sous la domination romaine et demeura surtout Farme
extension les arsenaux qui les renfermaient. II Esdr., HI, des sicaires et des brigands. Josephe, Ant. jud., XX,
19. L/hebreu k^H, derive de kdldh, faire, fabriquer, VHI, 10; Bell, jud.., II, xm, 3.
et que la Vulgate rend par ras, vase, dans le sens 6 La lance ou pique, hanlt, II Par., xxin, 9; Is., n, 4;
d'armes guerrieies, signifie dans son acception premiere formee d'une hampe de bois, II Reg., xxi, 19; xxin, 7,
des objets quelconques sans autre determination. Dans un terminee par une pointe de fer forge, lahe'bet, mot a mot,
sens plus restraint, il est employe pour designer certains flamrne, pointe brillante du fer de la lance , I Reg.,
objets determines, comme des rneubles, Gen., xxxi, 37; xvn, 7, etait tres repandue chez les Hebreux des les
XLV, 20; Lev., xv, 4; des vases precieux, Gen., xxiv, 53; \ temps les plus recules. Dans Fattaque a petite distance
Exod., in, 22; xi. 2: xn, 35; xxvn, 19 ; ou meme des vases j on s'en servait quelquefois comme de javelot, I Sam.
ordinaires, Levit.. xi, 33: des vetements, Deut., XXH, 5; \ (I Reg.}, xvm, 10-11; xix, 9-10: xx, 33; a cause de ce
des instruments et en particulier des instruments de mu- ; double ernploi, cette arme, appelee II Par., xxin. 9, pique,
sique, I Par., xv, 16; II Par., v, 13; vn, 6; xxm, 13; 'est designee au verset suivant par se'lah} qui signifie
xxxiv, 12 ; enfin les instruments de la colere divine comrne ( javelot . Cette lance, hunit, se distinguait sans doute
sont les fleaux, guerre, inondations, tempetes, etc. Is., j par ses petites dimensions et sa legerete d'une autre
xni, 5; Jer., L, 25; Ezech., xxxn, 7. II etait logique d'ap- ; lance appelee en hebreu rdmah, Num., xxv. 7; Jud.,
pliquer aussi celte expression vague aux instruments de 1 v, 8; U Par., xi, 12; xiv, 8; xxv, 5; xxvi, 14; II Esdr.,
9G9 ARME 970
iv, 13, 16, 21, probablement plus longue et plus lourde, Ezech., xxm, 24-25, auxquels Jeremie attribue, ainsi
puisque nulle part on ne la voit employee cornme ja- qu'aux Perses, 1'usage de 1'arc et du javelot (kldon). Jer.,
velot. Comme on la trouve souvent citee dans la Bible vi, 23 ; L, 42. Les soldats du roi Gog etaient armes d'arcs,
a cote du grand bouclier, sinndh, I Par., xn, 8, 24; d'epees, de cuirasses, de boucliers et de lances. Ezech.,
II Par., xi, 12; xiv, 7 (8); xxv, 5, on peut penser qu'elle xxxvm, 4; xxxix, 9. II est fait egalement mention de
etait 1'arme des troupes pesamment armees. casques et de boucliers dans 1'armee des Perses, des
L'arme designee par le mot kldon, I Reg., xvn, 6, 7; Lydiens, des Libyens, Ezech., xxvn, 10, et des Ethiopiens,
Jer., vi, 23; L, 42, se rattache certainement a la serie des Ezech., xxxvm, 5, ainsi que d'arcs et de fleches dans
armes de pointe, et bien que les interpretes ne soient pas 1'armee assyrienne. Is., v, 28. L'armement des Syriens ?
d'accord sur son emploi exact, il est certain qu'elle se dis- au temps des Seleucides, etait le casque d'airain et la cui-
tinguait de la pique ordinaire, Job, xxxix, 23; I Reg., rasse en forme de cotte de mailles, avec le bouclier d'ai-
xvn, 6, 7, et qu'elle etait a 1'usage de la cavalerie, Job, rain, ou d'or pour les chefs. I Mach., vi, 35-39. A 1'epoque
xxxix, 23, comme de 1'infanterie, cf. Jer., vi, 23; L, 42. des Rois ils se servaient aussi de Fare. Ill Reg., xxn, 34;
On la regarde generalement comme une lance de moindre II Par., xvm, 33.
dimension ou javelot, ce qui semble conflrme par Job, IV. HlSTOIRE DES ARMES DANS L'ECRITURE. En COmpa-
XLI, 20, oil il est dit qu'on s'en servait en la faisant tour- rant lesli v,,rs passages bibliques relatifs aux armes offen-
noyer. sives et defensives, on obtient une certaine vue d'ensemble
L'Ecriture mentionne encore d'autres armes, mais qui sur les progres de l'armement des Hebreux et les transfor-
n'etaient pas ordinairement employees par les Hebreux. mations qu'il eut a subir suivarit les progres de 1'art, et
D'apres beaucoup d'interpretes, 1'arme appelee segor, Ps. les besoins de 1'attaque et de la defense.
Xxxv, 3, designe la hache universellement employee A Forigine et avant 1'invention des metaux, Gen., iv, 22r
dans 1'ancien Orient pour ouvrir des passages, detruire l'armement du guerrier fut forme de tout ce que la nature
les ouvrages ennemis, sui'tout pour combattre corps a peut offrir de resistant, comme massues et epieux du bois
corps. Le marteau de guerre, mefls, Prov., xxv, 18, appele le plus dur, baches et couteaux de silex, boucliers de
ailleurs mappes, Jer., LI, 20, et peut-etre aussi pattls, bois ou d'osier reconverts de peaux d'animaux. Depuis
Jer., L, 20; la faux ou fauciile de combat, peut-etre desi- lors les armes metalliques remplacerent peu a peu les
gnee par le mot mekemh, Gen., xnx, 6; la massue de armes de pierre et de bois. Cependant, sous les patri-
bois, probablement designee par 1'hebreu sebet, traduit archies, l'armement des Hebreux demeura elementaire.
dans la Vulgate par verge ou baton, II Reg., xxm, 21 ; Quand le serviteur, revetu de ses habits ordinaires, les
I Par., xi, 23; Ez^ch., xxxix, 9, etaient des armes a 1'usage pieds et la tete nus, avait pris en main, pour defendre la
des peuples voisins. cause de son maitre, son arc et ses fleches ou son glaive^
II. ARMES DEFENSIVES. La principale etait le bouclier, Gen., xxvii, 3; XLVIII, 22; XLIX, 23-24, il etait arme. C'est
auquel il faut joindre le casque, la cuirasse et les jairn toute 1'extension qu'il faut donner au rnot hamusim,
bieres. equipes. Exod., xm, 18; Jos., i, 14; iv, 1'2; Jud.,
1 Le bouclier, qui etait de deux especes : le grand VII, 11.
bouclier, sinndh, III Reg., x, 16, couvrant la plus gvande Moise et Josue commencerent a donner au peuple dont
partie du corps, et le petit bouclier, mdgen, Gen., xv, 1; ils avaient la conduite une organisation militaire, sans
III Reg., x, 17, couvrant seulement la poitrine. Cette que le systeme d'armement en fut sensiblement change.
arme, appelee arme de gauche par opposition aux armes A cote de Tepee, de 1'arc et du bouclier deja mentionnes
offensives appelees armes de droite, a cause de la main sous 1'ere patriarcale, nous trouvons alors la pique, em-
qui les maniait, est le plus ancien de tous les instruments ployee quelquefois comme javelot. Num., xxv, 7. Sous les
de protection dans les combats. Elle etait universellement Juges est mentionne le poignard a deux tranchants, Jud.,
en usage longtemps avant que le casque et la cuirasse m, 16, qui d'ailleurs ne parait pas avoir ete tres repandu
fussent employes dans les armees. Le vir armatus, comme arme de combat, et la fronde, Jud., xx, 16, qui
1'homme arme, des Proverbes est dans 1'hebreu 'is devient surtout 1'arme d'attaque dans la tribu de Benjamin.
mdgen, 1'homme protege par le bouclier. Prov., vi, 11; Ce qui est certain, bien que 1'Ecriture n'en parle pas,
xxiv, 34. c'est que la necessite de combattre, non plus seulement
2 Le casque (hebreu : koba'}, I Reg., xvn, 5, et qoba', corps a corps et en rase campagne, mais sous les murs de
I Reg., xvn, 38, et la cuirasse, siryon, I Reg., xvn, 5, 38, villes fortifiees auxquelles il fallait donner 1'assaut, Jos.r
eislrydn, III Reg., xxn, 34, ne faisaient pas partie del'ar- vi, 1, 20; vm, 1, 3; x, 2-5, dut introduire dans 1'arrne-
mement militaire chezles anciens Hebreux. Exod., xin, 18; ment de notables modifications.
Jos., i, 14; iv, 12; cf. Jud., vn, 11. Introduits comme Jusqu'a David chacun des combattants, quand la guerre
armes defensives de distinction et reserves aux chefs, cf. eclatait, se procurait des armes comme il pouvait. A cer-
Ill Reg., xxn, 34; II Par., xvm, 33, on les voit seulement taines epoques, sous les Juges et meme du temps de Saul,
sous Ozias faire partie de l'armement ordinaire du soldat les armes avaient ete rares en Israel, autrement on n'au-
hebreu. II Par., xxvi, 14; cf. II Esdr., iv, 16. rait pas vu Samgar s'armer d'un soc de charrue contre
3Lesjambieres ou guetres de combat (hebreu: mishdh), les Philistins, Jud., in, 31, et Samson les combattre avec
I Reg., xvii, 6, destine'es a garantir la partie inferieure du tout ce qui se trouvait sous sa main, jusqu'a une machoire
corps, comme la cuirasse et le casque garantissaient la d'ane. Jud., xv, 15-16. Si Ton peut raisonnablement inter-
partie superieure, ne sont mentionnees qu'une seule fois preter d'une autre maniere Fallusion du cantique de
dans la Bible, dans la description des armes de Goliath. Debora a 1'absence de lances et de boucliers, Jud., v, 8,
Elles ne paraissent pas avoir ete en usage dans 1'armee des il est dit que dans la guerre de Saiil contre les Philistins
Hebreux, dont les soldats apparaissent le plus souvent il n'y eut dans toute 1'armee d'Israel ni une lance ni
chausses de simples sandales, III Reg., n, 5; cf. Ephes., une epee, excepte celles de Saiil et de son fils, I Reg.,
vi, 15, ou de brodequins de cuii- garnis de clous, se'on, xm, 22, et il est a penser que cette penurie d'armes
Is., ix, 4, expression dont le sens exact est d'ailleurs dif- dura aussi longtemps que la domination tyrannique des
ficile a preciser. Philistins.
III. ARMES ETRANGERES MENTIONNEES DANS LA BIBLE. La periode des Rois, en amenant la formation d'une
Les soldats etrangers dont il est question dans 1'Ecriture armee permanente, produisit dans 1'equipement et 1'arme-
etaient pourvus des memes armes que les Hebreux. Jere- ment des troupes une veritable transformation. II fallut
mie, parlant des troupes egyptiennes, les represente arrnees de plus armer, d'une maniere conforme a leur mode
de boucliers, de lances, de casques et de cuirasses. Jer., de combat, le corps de cavalerie et les chars de guerre
XLVI, 3-4. Get armement etait aussi celui des Chaldeens, crees par Salomon. IH Reg., x, 26; II Par., i, 14. II n'est
971 ARME ARMEE CHEZ LES HEBREUX 972
pas douteux aussi que les relations des rois de Juda et etc., ou sdbd', de sdbd', se rassembler (en troupe orga-
d'Israel avec les Egyptiens, les Syriens, les Assyriens et nisee). II Sam. (Reg.), vm, 16; x, 7; I Par., xix, 8, etc.
les Chaldeens, ainsi que 1'introduction dans 1'armee des Bien que les Hebreux ne fussent pas un peuple conquerant
Juifs de contingents etrangers, cf. II Reg., vnr, 18; I Par., et guerrier, ils eurent besoin des I'origine de recourir aux
xvm, 7, souvent commandes par des chefs eux-memes armes pour se defendre centre leurs ennemis, puis, apres
de nationalite etrangere, II Reg., xv, 19; xvm, 2; xxv, la sortie d'Egypte, pour conquerir le pays de Chanaan et
39, n'aient eu une influence sensible aussi bien sur garantir leur conquete centre I'invasion des peuples voisins.
1'armement que sur la strategic. La necessite de se tenir Sous les rois, il y eut des guerres offensives comme des
a la hauteur des armees etrangeres fit etendre a tous les guorres defensives.
soldats 1'usage d'armes qui jusque-la etaient reservees a I. L'ARMEE AVANT LES ROIS. Du temps des patriarches,
certains corps de troupes ou seulement aux guerriers de il n'existait aucune organisation mililaire. Quand Abra-
distinction, par exemple sous le regne d'Asa le bouclier ham, pour delivrer son neveu Lot fait prisonnier, voulut
et la lance, II Par., xiv, 8, et sous Ozias le casque et la poursuivre Chodorlahomor, roi d'Elam, et ses allies, il
cuirasse, II Par., xxvi, 14, armes dont 1'usage persevera rassembla trois cent dix-huit de ses serviteurs, armes de
apres la captivite. II Esdr., iv, 13, 16-18, 21; I Mach., ce qu'ils purent trouver, et c'est avec cette troupe et le
in, 3. Les frais de 1'armement ainsi organise etaient sup- secours de quelques habitants d'Hebron qu'il surprit les
portes par I'Etat, et comme 1'armee permanente n'etait ennemis et leur enleva leur butin. Gen., xiv, 13-16.
qu'une faible portion des contingents susceptibles d'etre A 1'epoque de la sortie d'Egypte, tous les hommes capables
appeles en temps de guerre, on crea des lors dans les de porter les armes furent soldats. On voit alors appa-
principales villes des arsenaux assez vastes pour contenir raitre une organisation rudimentaire, se rapprochant sans
tout 1'equipement de 1'armee de reserve. Salomon en eta- doute de celle des Egyptiens, que les Israelites avaient
blit pour les chars de guerre, II Par., i, 14; vm, 6; ix, 25, eue si longtemps sous les yeux, mais calquee aussi sur
Roboam pour les lances et les boucliers, II Par., xi, 12; 1'organisation politique des douze tribus. Num., i-iv.
xxvi, 14, ce qui n'empecha pas de continuer a suspendre Chaque tribu fournit comme une sorte de regiment, ayant
aux murailles des villes fortifiees les boucliers de letirs ses chefs, Num., x, 14-27, ses etendards, Num., n , 2.
defenseurs. Cant, iv, 4; Ezech., xxvn, 10. Ozias et Ezechias Tout etait soigneusement regie dans cette armee : la posi-
s'appliquerent aussi a etablir des approvisionnements tion de chaque division dans le camp, Num., n , 2-20;
d'armes considerables. II Par., xxvi, 14; xxxn, 27. On 1'ordre de marche et les signaux, Num., x, 5-6; et 1'ordre
perfectionna a la meme epoque la forme et la matiere qui y regnait etait si remarquable, compare a la confu-
des armes. Le petit bouclier, dont on s'etait generalement sion des rassemblements armes des tribus arabes, qu'il
servi jusque-la, prit a partir de David de plus grandes pro- excitait 1'admiration de Rulaam. Num., xxiv, 6. Les
portions, I Par., xii, 8, 24, 34, et on commenca a le fabri magistrats civils etablis par Moise, d'apres le conseil
qner en airain, I Reg., xvn, 6, 45; III Reg., xiv, 27, sans de Jethro, et presidant a des sections de mille, cent,
que le bouclier de bois reconvert de cuir ait etc aban- cinquante et dix hommes, Exod., xvm, 21-22, semblent
donne, comme n peut le conclure de II Reg., I, 21; Is., avoir ete transformes en chefs militaires, et charges de
xxi, 5; Ezech., xxxix, 9. La tribu de Nephtali en adopta conduire au combat ceux dont ils reglaient les differends.
specialement 1'usage, avec la longue pique, I Par., xn, 34, L'age de vingt ans fut fixe pour le commencement du
tandis qu'une autre pique fut plus particulierement 1'arme service. Num., i,2-3. Jehovah lui-mcmc marque cettelimite
des tribus de Juda et de Gad. I Par., xn, 8, 24. On se servit d'age. Num., i, 1; xxvi, 1-2. Elle fut toujours main-
aussi a cette epoque d'ares d'airain. Ps. xvn, 35; Job, xx, tenue depuis, II Par., xxv, 5; mais les levites et les
24. Pendant la periode agitee des Machabees, 1'armement pretres furent a toutes les epoques dispenses du service
des Juifs, tout en suivant les modifications de detail qui se militaire. Num., I, 47, 49. Ainsi formes, ces contingents
produisaient dans celui des peuples voisins, demeura pour n'avaient aucun service actif en temps de paix. L'Ecriture
1'ensemble ce qu'il etait sous les rois, car les armes men- ne dit rien de la duree reguliere du service; Josephe, qui
tionnees sont les memes, et les cavaliers celestes qui donne comme limite extreme 1'age de cinquante ans,
apparurent pendant quarante jours dans Jerusalem, et s'appuie uniquement sur 1'analogie du service des levites,
dont 1'armement devait etre conforme au type recu alors, qui cessait a cet age. Num., iv, 3. Mais comme, d'apres
portaient la lance, le bouclier, le javelot, le casque et la la loi, un homme de soixante ans etait repute vieillard,
cuirasse. II Mach., v, 2-3. Sous la domination romaine, Lev., xxvii, 3, 7, on est fonde a croire que le service
la courte epee ou poignard des Perses, pen differente de militaire obligatoire n'allait pas au dela. Sous les Juges,
la sica des Remains, s'introduisit en Palestine et demeura les chefs de famille furent, en cas de besoin, les chefs
plutot Farme des fanatiques ou sicaires, auxquels elle a militaires; mais il n'y avait aucun pouvoir central qui put
donne son nom. Josephe, Ant. jud., XX, vm; Bell, jud., commander a toute la nation et lui faire prendre les
II, xm. armes. La veritable organisation militaire en Israel
V. METAPHORES DES AUTEURS SACRES EMPRUNTEES AUX ne commence qu'avec la royaute. Lorsque Abimelech
ARMES GUERRIERES. L'analogie de Femploi des armes tenta, par une revolution politique, de se faire roi, il
avec Fexercice des vertus, au moyen desquelles le chre- s'efforca du meme coup de creer une armee organisee.
tien remporte la victoire sur ses passions, a ainene plu- C'etait la premiere fois peut-etre qu'on voyait en Israel
sieurs fois les auteurs sacres a parler metaphoriquement des soldats se battre pour une cause qui n'etait pas
de celles-ci au moyen de celles-la, par exemple lorsque celle de leur defense personnelle. Jud., ix, 25, 34,
le psalmiste, pour exprimer Fetendue de la protection 35, 43. Cette tentative echoua par suite de la mort d'Abi-
divine sur 1'homme, la compare a la protection dont le rnelech, et 1'organisation militaire demeura imparfaite,
grand bouclier (sinndh) couvre le guerrier. Ps. v, 13; jusqu'au jour ou elle fut transformee par Saul, David et
xci, 4. Saint Paul a developpe cette application, Eph., Salomon.
vi, 13-17, passage dans lequel il fait allusion aux dards II. L'ARMEE SOUS LES ROIS. 1 Son origine.
enduits de poix enflammee que les Rornains avaient L'armee d'Israel, qui jusqu'a 1'epoque des rois n'avait ete
1'habitude de lancer sur leurs ennemis. Cf. Rom., qu'une institution temporaire, repondant a des necessi-
vi, 13; xm, 12; I Thess., v, 8. Voir aussi Sap., v, 18; tes accidentelles, commenca sous Saul a devenirune insti-
Is., LIX, 17. P. RENARD. tution permanente. Ce ne fut d'abord qu'un petit corps
de troupes, compose de trois mille hommes, destines, le
1. ARMEE CHEZ LES HEBREUX. Le nom ordi- cas echeant, a former le noyau d'une armee plus consi-
naire de 1'armee chez les Hebreux est hayil, qui signifie derable, I Reg., xm, 2, et pour cette raison recrutes avec
proprement force , Exod.,xiv,28; II Sam. (Reg.), xxiv,2, soin parmi les plus vaillants. I Reg., xiv, 52; xxiv, 3;
973 ARMEE CHEZ LES HEBREUX 974
xxv, 13; xxvi, 2. Saul apportait lui-meme le plus grand cinquante-trois dans I Par., xi, 10-46. Rien n'indique
soin a ce recrutement; car, aussitot qu'il avait reconnu d'ailleurs que cette enumeration soit complete.
qu'un homme etait vaillantet propre a la guerre, il le pre- 4 L'infanterie. Avant Salomon, tous les Israelites
nait pres de lui. I Reg., xiv, 52. David, qui, avant d'arriver combattaient a pied. Meme apres lui, la plus grande
au trone, avait toujours ete assiste par sa fidele troupe partie des troupes furent des fantassins. L'infanterie,
de quatre cents, I Reg., xxn, 2, puis de six cents hommes, selon la difference des armes, se divisait en deux sec-
I Reg., xxni, 13, continua apres son avenement a avoir tions : 1'infanterie legere, armee du petit bouclier, magen,
pres de lui, meme en temps de paix, cette garde d'elite, III Reg., x, 17, et comprenant elle-meme deux sub-
eprouvee par tant de privations et de combats. I Reg., divisions, dont June combattait avec 1'arc, 1'autre avec la
xxn, 2; xxm, 13; xxv, 13; xxvn, 2-8; xxx, 1-9; II Reg., fronde; et la grosse infanterie, dont les armes etaient
n, 3; v, 6. le grand bouclier, sinndh, III Reg., x, 16, Fepee et le
2 Garde du corps. L'Ecriture dit que les soldats javelot ou la lance. Bien qu'aucune regie n'eut pres-
qui la composaient etaient en partie Philistins d'origine. crit a chacune des tribus d'Israel 1'emploi d'une arme
II Reg., xv, 18. Malgre les divergences des editions des plutot que d'une autre, ce fut pendant longternps un usage
Septante sur ce verset, et le silence du Textus receptus parmi elles d'avoir une specialite d'armes pour ses guer-
grec, en cet endroit, sur les six cents Philistins de Geth riers, ce qui dans 1'ensemble constituait une armee com-
mentionnes dans la Vulgate, cf. Hummelauer,Com?m. in plete de soldats exerces. La tribu de Benjamin, par exemple,
lib. Samuelis, p. 380; malgre aussi la repugnance de dont les guerriers etaient armes a la legere, II Par., xiv, 8,
plusieurs, Tostat et Thenius, par exemple, a admettre s'adonnait avec un rare succes au maniement de la fronde,
que David ait enrole dans son armee reguliere six cents Jud., xx, 16; II Par., xiv, 8; ses frondeurs etaient si
hommes des ennemis seculaires d'Israel, et la correction adroits, qu'ils auraient pu meme frapper un cheveu,
qu'ils croient devoir faire de Gittim (Getheens) en gib- sans que la pierre se fut le moins du monde ecartee.
borim (heros), il semble neanmoins qu'il faille maintenir Jud., xx, 16. Ils lancaient d'ailleurs la pierre avec la
le texte de la "Vulgate, avec la mention des Getheens, main gauche aussi bien qu'avec la droite. I Par., x n , 2.
dont la nationalite est d'ailleurs essentiellement liee a Les hommes de Juda, armes d'ordinaire plus pesamrnent,
celle de leur chef Ethai le Getheen , qualifie expres- I Par., xii, 24; II Par., xiv, 8, donnaient cependant d'im-
sement d' etranger . II Reg., xv, 19. Car autrement portants contingents d'habiles archers. II Par., xvn, 17.
comment des gibborim, ces vaillants d'Israel, eussent- Gad et Nephthali fournissaient avec Juda la grosse infan-
ils accepte d'avoir pour chef un Philistin? La presence terie; Juda et Gad, les lanciers armes de la lourde lance,
de ces etrangers dans la garde ordinaire du roi est romah, I Par., xn, 8, 24; II Par., xiv, 8; Nephthali, les
suffisamment explique'e par les relations d'amitie qui lanciers armes de la courte lance ou javelot, hanit.
avaient urii David et Achis, roi de Geth, I Reg., xxvn, I Par., xn, 34. Ainsi, quand sonnait 1'appel aux armes,
2-12; xxix, 2-11, et les services qu'il avait tires d'eux 1'armee d'Israel se trouvait immediaternent formee sur le
dans les campagnes contre les troupes de Saiil et d'Ab- pied de guerre avec la variete de ses differentes unites,
salom. et chaque tribu etant tenue d'envoyer tous ses hommes
La garde des Getheens etait distincte d'une autre legion disponibles, I Par., xn, 24-37, leur reunion forrnait une
etrangere instituee par David d'une maniere permanente, armee considerable, capable de tenir tete aux armees
et composee de Cerethiens et de Phelethiens, II Reg., etrangeres.
vni, 18; cf. I Reg., xxx, 14; II Reg., xv, 18; xx, 7, 23; 5 Cavalerie. Salomon crea le premier un corps de
III Reg., i, 38, 44; I Par., xvni, 17: soldats probablement cavalerie, a 1'exemple des peuples voisins, surtout des
sortis de deux tribus alliees des Philistins, ou meme fai- Syriens, qui comptaient dans leur armee de nombreux
sant partie de ce peuple, I Reg., xxx, 16; Ezech., xxv, 16, chariots, II Beg., x. 18, des Assyriens et des Chaldeens,
o u , selon 1'hebreu, les Cerethiens sont mentionnes avec IV Reg., vi, 14, et meme des Philistins, ou la cavalerie
les Philistins, comme ailleurs avec les Phelethiens, ce qui formait une legion de six mille hommes au temps de
fait croire que Phelcthi equivaut a Philisthaei. Cf. Soph., Saiil. I Reg., xm, 5; cf. II Reg., i, 6. L'absence des
n , 5. Voir CERETHIENS, PHELETHIENS. Cette legion formait representations de troupes a cheval dans les monuments
la garde du corps du roi. des anciennes dynasties de 1'Egypte donne lieu de penser
C'est par erreur que quelques exegetes, comme Weiss, que pendant longtemps la cavalerie ne fut pas employee
David und seine Zeit, Minister, 1880, p. 173, soutiennent par les Egyptiens pour les operations militaires. Cf.
que les gibborim de David dont il est question II Reg., Fr. Lenormant, Sur I'antiquite de I'ane et du cheval,
xxm, 8-39; I Par., xi, 10-46, sont les six cents Getheens n e partie; Lefebure, Sur I'anciennete du clieval en
de II Reg., xv, 18. Egypte, dans YAnnuaire de la faculte des lettres de
3 Les gibborim de David. Les gibborim ne Lyon, 2e annee, p. 1-11. Cependant ils devancerent cer-
semblent pas avoir forme une cohorte speciale, mais tainement les Hebreux, qui ne realisererit ce progres
plutot un ordre de vaillants soldats que le roi prenait qu'apres tous leurs voisins, retard qu'on s'expliquerait
comme ses aides de camp, et auxquels il donnait des difficilement, si Dieu, pour garantir le caractere the'ocra-
commandements ou des missions de confiance, suivant tique de leur etat politique, ne leur avait maintes fois
la necessite du moment. Quand ils n'avaient ni comman- recommande de ne pas mettre leur confiance dans les
demcnt ni mission a remplir, ils faisaient fonction de chevaux, et de ne pas en multiplier le nombre. Deut.,
gardes du corps, cf. II Reg., xxi, 17, et c'etaient eux qui, xvn, 16. A cette recommandalion la voix des prophetes
,a tour de role, commandaient les sections de vingt-quatre fera echo jusqu'a la fin, alors meme que la necessite des
mille hommes qui chaque mois fournissaient le contin- temps aura amene les rois de Juda et d'Israel a pour-
gent de la garde royale. I Par., xxvn, 1-15. Saiil parait voir leur armee de ce renfort. Surtout lorsqu'ils verront
avoir ete 1'instituteur de cette sorte d'etat-major. I Reg., le peuple oublier 1'appui de Jehovah, et ne penser qu'a
xiv, 52. Amizadab, fils de Banaias, commandait cette garde s'assurer pour la guerre le secours de la cavalerie et des
a la place de son pere, retenu par un autre commande- chars egyptiens, ils feront entendre le meme reproche,
ment. I Par., xxvn, 6. Quatre gibborim, Jesbaam, Elea- y joignant de terribles menaces. Is., n, 8-21; xxxvi, 6,
zar, Semma et Abisa'i, avaient le haut emploi de sdlishn 8-10; Ose., i, 7; Mich., v, 10; cf. Ps. xix, 8. La cavalerie
en chef; deux autres, Banaias, avant d'etre general en instituee par Salomon formait un contingent de douze
chef, et Asael, etaient simples sdlishn, II Reg., xxm, mille hommes. Ill Reg., x, 26; II Par., i, 14; ix, 25.
8, 13, 18, 23, 25, ce qui indique clairement que les gibbo- Elle ne se composait pas de cavaliers montes sur des che-
rim etaient inferieurs aux sdlisim. L'Ecriture nomme plu- vaux, mais de guerriers combattant sur des chars. Des
.sieurs gibborim: trente-sept dans II Reg., xxni, 39; leur entree en Chanaan, les Hebreux avaient appris a
975 A R M E E CHEZ} LES HEBREUX 976
connaitre a leurs depens Futilite des chars de guerre. ce chef, quand il le pouvait, la puissance de ses ennemis;
Jos., XVH, 16; Jud., i, 19. Du temps de David,Tusage ce qu'il fit notamment dans la guerre contre les Syriens,
en etait deja repandu; on s'en servait surtout conime de en coupant aux chevaux de trait le nerf du jarret et en
vehicules dapparat, tellement reserves aux rois et aux brulant les chars. II Reg., vm, 4; I Par., xvm, 4. La
princes, qu'Adonias, rival de Salomon, ne pensa pas pouvoir creation de ce nouveau corps militaire s'imposa surtout
mieux affermir ses pretentious au trone qu'en se montrant lorsque s'etendirent les relations du royaume avec les
sur tin char, comme faisait le fils de David, II Reg., peuples etrangers, dont le territoire etait plus favorable
xv, 1; III Reg., i, 5: mais avant Salomon les chars ne a son fonctionnement. Elle eut lieu sous Salomon. Qua-
furent pas utilises dans les combats. torze cents chars (d'apres II Par., ix, 25, douze mille
Cependant depuis longtemps, et au plus tard du temps chars et cavaliers ) et quatre mille chevaux de trait, lei
des Hyksos, 1'Egypte s'en servait avec succes (fig.258 \ et fut le premier effectif, III Reg., x, 26; II Par., I, 14
Ton voit dans les peintures anciennes que, dans les operations (d'apres III Reg., iv, 26, et II Par., ix, 25, quarante
strategiques, 1'infanterie egyptienne s'avancait appuyee mille chevaux ). II fallait a ce materiel des arsenaux et des
258. Chars de guerre 6gyptiens. Temple de Ramses II, & Thebes. D'apres Lepsius, Denlcmaler, Abth. in, pi. 155.
sur ses flancs et ses derrieres par un cordon de ces chars. magasins, comme il y en avait deja pour l'armement et
Lepsius, Denkmdler aus Aegypten, Abth. in, pi. 155. Les 1'equipement des troupes a pied. Salomon en etablit a
Chananeens et les Philistins, favorises par leurs vastes Jerusalem et dans les principales villes du royaume, ap-
plaines de la Sephela, de Saron et de Jesrael, se servaient pelees pour cela villes de chars , urbes quadrigarum,
aussi de chars dans leurs expeditions guerrieres, Jos., xi, 4; urbes curruum, III Rog., ix, 19, II Par., i, 14; vm, 6;
Jud., i, 19; II Reg., i, 6, et ils etaient reputes pour leurs ix, 25; villes decavalerie, civitates equituin, III Reg.,
chars blindes de fer. Jos., xvn, 16, 18; Jud., I, 19. Les ix, 19; urbes equituin, II Par., vm, 6.
Philistins, sous Saul, rnirent en ligne un nombre conside- A 1'exemple de Salomon, les rois d'Israel s'empres-
rable de ces chars, bien que le chiffre de trente mille serent, apres le schisme des dix tribus, de doter leur
donne dans le texte, I Reg., xin, 5, soit surement une royaume de troupes de cavalerie et de chars de guerre.
faute de transcription, les Chananeens du nord n'en ayant III Reg., xvi, 9; IV Reg., vm, 21; xm, 7. Sous Baasa,
eu que neuf cents, Jud., iv, 3, les Syriens d'Adarezer mille. Zamri, le meurtrier d'Ela, commandait la moitie de la-
I Par., xvm, 4. Les Syriens, II Reg., vm, 4; x, 18; cavalerie. Ill Reg., xvi, 9. Mais comrne le pays d'Israel,
III Reg., xxn, 31; IV Reg., vi, 14, les Assyrians et les aussi bien que celui de Juda, n'etait pas tres abon-
Babyloniens usaient depuis longtemps des chars de guerre, dant en chevaux, souvent les rois appelerent a leur
quand Israel les introduisit dans son armee. Malgre la diffi- secours la cavalerie et les chars de guerre des Egyptiens,
culte resultant du terrain montagneux de la Palestine, IV Reg., xvm, 24; Is., xxxi, 1; xxxyi, 9, ou insere-
David avail deja compris quelle cause d'inferiorite c'etait rent dans leur traite d'alliance avec 1'Egypte une clause-
pour son armee que d'etre depourvue de ce puissant concernant les renforts de ce genre a recevoir en cas de-
moyen d'attaque. Aussi. en attendant la formation d'un guerre.
corps special, il ne manquait pas 1'occasion d'affaiblir de 6 Chefs de I'armee. Quaut a la hierarchie militaire,
977 ARMEE CHEZ LES HEBREUX 978
elle Jemeura pendant toute la periode des rois, I Reg., 7 Les sdlisim . II existait dans 1'armee d'Tsrael T
VHI, 12; xvm, 13; II Reg., xvm, 1; IV Reg., i, 9; xi, 4; au moins depuis David, une autre categorie d'officiers.
II Par., xxv, 5, et jusque sous les Machabees,.I Mach., appeles sdlisim (Septante : tpiGta.-cxi)-, dont le nom se ren-
in, 55, ce que Mo'ise 1'avait faite a la sortie d'Egypte, contre pour la premiere fois dans 1'Ecriture au sujet de
Exod., xvm, 21; cf. Deut., i, 15, en etablissant des sec- 1'armee du pharaon d'Egypte poursuivant les Hebreux :
tions de dix, cinquante, cent et mille hommes, places II (le pharaon) emmena aussi six cents chars d'elite et
sous le commandement de chefs respectifs : decurions, tout ce qui se trouva de chars de guerre dans 1'Egypte,
pentachontarques, centurions et chiliarques, appeles dans avec les chefs de toute 1'armee (hebreu : et les sdlisim
la Vulgate tribuns. Peut-etre avons-nous dans III Reg., sur chacun d'eux). Exod., xiv, 7. Plusieurs exegetes,
ix, 22, la serie des principaux degres de la hierarchie s'appuyant, pour interpreter ce texte, sur la signification
militaire au temps de Salomon : 'anse hammilhdmdh, gramrnaticale du mot sails (troisieme ou un de trois),
simples guerriers; 'abddim, officiers du second rang, ont pense que, dans 1'ordre militaire, il designait Fun des
comme nos lieutenants; sarim, officiers commandants, trois soldats qui se tenaient sur les chars de guerre, le
comme nos capitaines; salisim, officiers superieurs (voir TtapouoaTY",? des Grecs, Iliad., xxxn, 32, Yessedarius
plus bas, 7); enfin sare harekeb, chefs des chariots, et des Remains, Cesar, Bell, gall., iv, 33; Ciceron, Ad
sare happdrdsim, chefs des chevaux. A cote de ces offi- Fam., vn, 6. Cette explication est contredite par les mo-
ciers, il y avait dans 1'armee d'Israe'l d'autres chefs appeles numents de 1'ancienne Egypte, qui ne represented ordi-
sotrmi) dont les fonctions n'avaient probablement pas nairement sur les chars de guerre que deux hommes, le
259. Chars de guerre egyptiens, months par un soldat et un cocher. Ipsainboul. D'apres Champollion,
Monuments d'Egypte et de Nubie, t. i, pi. 33.
pour objet le commandement militaire, car on les distingue conducteur etle combattant (fig. 259). Cf."Wilkinson, Man-
souvent des chefs dont nous venons de parler. Deut., i, 15; ners and customs of the ancient Egyptians, 2e edit., t. i,
xx, 9; I Par., xxvn, 1. L'hebreu soler, scribe (de p. 46. Si quelquefois on en rencontre un troisieme, qui est
sutar, ecrire ), rendu presque partout dans les Septante 1'ecuyer du guerrier ou le serviteur tenant sur sa tete le
par 7pa[A(j.ccTuc, designe par extension tout homme exer- parasol, ce n'est guere que sur le char royal, en Egypte
cant une fonction publique, 1'art d'ecrire ayant ete le plus comme en Assyrie. Mariette, Apercu de I'histoire d'E-
souvent le privilege de ces persormages. II est employe gypte, p. 64; Rirch, Ancient History from the monu-
specialement pour designer les magistrals du peuple hebreu ments, Egypt, p. 127; Wilkinson, The manners and
en Egypte, choisis par lui et ayant mission de rendre customs of the ancient Egyptians, t. i, p. 190-192;
des comptes sur leurs concitoyens aux chefs egyptiens Sharpe, History of Egypt, i, 57. De meme chez les
constitues par le pharaon. Exod., v, 6-19. On les retrouve Hetheens. Brugsch, Geschichte Aegyptens, Leipzig, 1877,
au desert du Sinai, ou ils sont mentionnes a cote des anciens p. 503. Voir CHAR.
du peuple, zeqenlm, Num., xi, 16, comme plus tard a cote Cette interpretation du titre de sdlisim a done trouve
des anciens et des juges, softim, Deut., xvi, 18; Jos., vm, justement de nombreux contradicteurs, qui, niant toute
33; xxm, 2; xxiv, I, plusieurs fois comme etant eux- correlation avec les chars de guerre, expliquent la signi-
memes levites, et distingues des autres levites qui rem- fication gramrnaticale de sdlis (troisieme) en disant que
plissaient les fonctions de juges. I Par., xxm, 4; xxvi, 29; les sdlisim etaient un corps de veterans, comme les triarii
II Par., xxix, 11; xxxiv, 13. Ce sont eux qui, dans le des Remains (Winer, Lexicon hebraicum, t. n, p. 991),
camp des Israelites, proclament au milieu de chaque tribu ou bien des officiers du troisieme ordre, ou qu'ils occu-
les ordres de Josue. Deut., xx, 5, 8, 9; xxix, 9; xxxi, 28; paient le troisieme rang apres le roi (S. Jerome, In Ezech.}.
Jos., i, 10; m, 2. Mais aussi ils sont plusieurs fois desi- xxm, t. xxv, col. 219; Vatable, In IV Reg., xv, 25), ou
gnes comme remplissant des fonctions importantes rela- encore qu'ils appartenaient a la troisieme phalange (cf.
tivement a 1'armee. Deut., xx, 5-11; I Par., xxvn, 1. Elles Gesenius, Thesaurus linguss hebrseae, p. 1429), ou enfia
concernaient vraisemblablement 1'organisation des troupes parce qu'ils avaient sous leurs ordres trente soldats (en
apres 1'appel aux armes, Deut., xx, 11, et, durant la paix, faisant deriver sdlis de selosim, trente ). Ewald,
le maintien de i'ordre dans 1'armee permanente, la repar- Geschichte des Volkes Israel, t. n, p. 601; Weiss, David
tition des services entre les differentes sections de troupes, und seine Zeit, Munster, 1880, p. 173-174. Plusieurs,
et peut-etre aussi I'approvisionnement. Le plus eleve des rejetant la traduction de la Vulgate, princeps inter tres
sotrim de 1'armee d'Ozias etait un certain Maasia, qui est ou princeps trium, II Reg., xxm, 8, 18, 19; I Par., xiv
nomme a cote du scribe (safer) Jehiel et de Hananias, 1'un 20, et avouant la grande difficulte de donner a ce mot
des generaux du roi. II Par., xxvi, 11. L'etendue de leur une interpretation grammaticale exacte, s'en tiennent au
autorite faisait dire a Salomon dans ses Proverbes : La sens general de chefs militaires de haut rang , entre
fourmi n'a ni chef, ni soter, ni maitre, et cependant elle lesquels ils regardent le r'os hassdlisim, I Par., xii, 18r
ainasse pendant 1'ete de quoi se nourrir. Prov., vi, 7. comme superieur aux simples sdlisim. Hummelauer,,
979 A R M E E CHEZ LES H E B R E U X 980
Comment, in lib. Samuelis, Paris, 1886, p. 435, 436. Ces ; transcription. II Par., xvn, 14-19. Cf. Calmet, Com-
chefs ne formaient point, comme quelques-uns Tout mentaire litteral, in h. loc. Les troupes qu'Amasias
pense, une cohorte speciale, comme celle des Cerethiens opposa aux Idumeens se composaient d'une infanterie de
et des Phelethiens. Rien du moins ne 1'indique dans les 300000 hommes, tous armes de la lance et du bouclier,
passages ou il est question d'eux. II Reg., xxm, 3, 8, II Par., xxv, 5, et celles d'Ozias, dans ses guerres centre
18, 23, 25; III Reg., ix, 22; IV Reg., vn, 2; ix, 25; les Philistins, les Arabes et les Ammonites, etaient de
xv, 25, etc. 307 500 hommes de differentes armes, sous le comman-
Quoi qu'il en soit, sous les rois d'Israel, les sdUslm dement de 2600 officiers. II Par., xxvi, 12-14. Au com-
devinrent les premiers de la cour; on les trouve formant mencement de la royaute, le recensement militaire, fait
avec les courriers , cursores, ms'im, la garde d'elite par ordre de David dans les douze tribus, avait donne
de Jehu, IV Reg., x, 25, et leur commandant portait, les chiffres de 1100000 pour Israel, 470000 pour Juda,
comme par excellence, le titre de sdlis. Joram avait un 1570000 soldats au total. II Reg., xxiv, 9; I Par.,
de ces officiers toujours attache a .sa personne, sur la xxi, 5. Ces contingents, qui n'etaient reunis que pour le
main duquel il s'appuyait, IV Reg., vn, 2, 17, 19, et de temps de la guerre, operaient leurs mouvements strate-
meme Jehu, qui avait avec lui, sur son char, son sails giques sous le commandement du general en chef, dont
Badacer. IV Reg., ix, 25. Phaceia. roi d'Israel, fut assas- il a ete question, assiste d'un conseil de guerre compose
sine par son sdlis Phacee, qui devint son successeur. des chefs de tribus. II arrivait aussi que, pour les enga-
IV Reg., xv, 25. La puissance de ces officiers etait telle, gements moins generaux, des officiers inferieurs au gene-
qu'Ezechiel se sert de leur titre pour designer en general ralissime dirigeaient les operations. II Reg., x, 9-13;
les hauts personnages de Rabylone, dont les images xvin, 2.
peintes sur les murailles avaient excite la passion d'Ooliba. 10 Convocation de I'arme'e. Elle se faisait tantot &
Ezech., xxm, 15. son de trompe du haut des montagnes, ou veillaient des
8 General en chef. Enfin au-dessus des sdlisim, des sentinelles placees sur des tours, Jud., m, 27; vi, 34;
sotrim et de tous les autres officiers, etait etabli le prince I Reg., xin, 3; Jer., iv, 5; vi, 1; Amos, in, 6, tantot
de la milice ou generalissime, sar hassdbd', I Reg., xiv, 50, en elevant sur les hauteurs quelque drapeau ou un autre
qui etait, sous Saul, Abner, I Reg., xvn, 55; sous David. signal convenu, auquel tous connaissaient du meme
Joab, IIReg., vui, 16; I Par., xi, 6; sous Salomon, Banaias. coup Fappel aux arrnes et le lieu du rassemblement. Is.,
Ill Reg., iv, 4. C'est par le meme titre que la Sainte xvin, 3. Quelquefois des herauts d'armes allaient par les
Ecriture designe les generaux en chef des armees e'tran- tribus, proclamant le ban de guerre, Jud., vi, 35; vn, 24,
geres, comme Sisara, commandant les troupes de Jabin, en y ajoutant meme des imprecations et des menaces
Jud., iv, 2; I Reg., xn, 9; Sobach, II Reg., x, 16, et Naa- contre ceux qui feraient defaut, I Reg., xi, 7; ou bien
man, IVReg.,v, 1, celles des Syriens; Nabuzardan, celles ils etaient porteurs d'un ordre ecrit redige par un secre-
des Chaldeens. IV Reg., xxv, 11. Le generalissime avait taire , safer, du general en chef. IV Reg., xxv, 19;
sous ses ordres toute 1'armee du roi, excepte la garde cf. II Par., xxvi, 11; Is., xxxin, 18; Jer., xxxvn, 15; ni,
royale, qui ne relevait que de son chef particulier; car 25. Le refus general de se rend re a la convocation etait
il ne parait pas que le commandant des Cerethiens et un delit de lese-patrie, dont le chatiment pouvait aller jus-
des Phelethiens, qui composaient la garde de David et de qu'a 1'exterminalion des recalcitrants, comme il arriva
Salomon, aient ete sous le commandement de Joab et de pour les habitants de Jabes de Galaad. Jud., xxi, 8-10.
Banaias, non plus que les commandants des legions de II y avait pourtant quelques cas d'exemption prevus par
vingt-quatre mille hommes formant chaque mois la garde la loi, et que les officiers, soterim, proclamaient avant le
ordinaire du roi. I Par., xxvn, 2. depart pour la guerre: par exernple, le cas d'avoir construit
9 Force de I'arme'e. L'armee d'Israel ainsi organisee une maison sans 1'avoir encore habitee; avoir plante une
avait une puissance considerable de cohesion et de resis- vigne sans en avoir encore recueilli les fruits; etre fiance
tance. Elle n'etait pas moins remarquable par le nombre ou n'avoir pas encore vecu un an revolu dans le ma-
des soldats qu'elle pouvait mettre en ligne. En reunissant riage. Deut., xx, 5-7; xxiv, 5; I Mach., in, 56. De plus,
plusieurs des unites dont nous avons parle plus haut, on les pusillanimes etaient sommes de se retirer, pour em-
formait quelque chose d'analogue a ce que nous appelons pecher que leur lachete n'eut sur les autres soldats une
aujourd'hui des brigades et des divisions. Plusieurs de ces funeste influence. Deut., xx, 8.
divisions reunies constituaient les corps d'armee, dont le Apres la premiere concentration avait lieu 1'incorpora-
contingent s'elevait quelquefois a un nombre d'hommes tion des combattants dans Tune des divisions rnilitaires;
considerable. A 1'epoque de la sortie d'Egypte, on comptait car en dehors de la repartition naturelle des hommes en
en chiffres ronds 600 000 guerriers dans le camp des douze groupes armes correspondant aux douze tribus, il y
Hebreux, Exod., xn, 37 (ou plus precisement 603 550, avait dans chaque groupe des corps speciaux, selon les diffe-
Exod., xxxvin, 25; Num., i, 46); lors de Fentree en rentes armes dont ils etaient pourvus : infanterie legere,
Chunaan, 601730. Num., xxvi, 51. David, selon II Reg., comprenant les frondeurs, les lanciers et les archers;
xxiv, 9, avait sous ses ordres 1 300 000 soldats, dont grosse infanterie munie d'armes plus pe^antes, le grand
800000 fournis par Israel, et 500000 par Juda; selon bouclier, la lourde lance, plus tard la cuirasse; et, a par-
I Par., xxi, 5, il en avait 1 570000, dont 1100000 d'Israel tir de Salomon, cavalerie et chariots de guerre. Chaque
et 470 000 de Juda, chiilres manifestement denatures et homme, etant a Favance exerce au mar.iement de 1'arme
grossis par les copistes. Le corps de troupes qu'Asa, roi avec laquelle il combattait, etait aussitot incorpore. Cf.
de Juda, opposa aux Ethiopiens etait forme, si les chiffres II Par., xiv, 8. Souvent, pour assurer a 1'armee le secours
n'ont pas ete alteres dans le texte, de 300000 lanciers et de Dieu et donner confiance aux combattants, on portait
de 280000 archers, II Par., xiv, 8-9: c'etait au total au milieu d'eux 1'arche d'alliance , Jos., vi, 6; I Reg.,
580000 hommes fournis par les deux tribus de Juda et de iv, 4; xiv, 18; II Reg., x i , 11; xv, 24, jusqu'a ce
Benjamin, cf. II Par., xin, 3, tandis que 1'armee du que la construction du temple, en donnant a 1'arche
royaume d'Israel a la meme epoque etait de 800000 guer- un asile permanent, eiit mis fin a cette pratique. Les
riers, tous d'elite et tres vaillants. II Par., xin, pretres qui devaient accompagner 1'arche etaient convo-
3. Celle de Josaphat se montait a 1 160 000 hommes. ques par le chef de 1'armee, qui leur donnait, de plus, cer-
repartis en cinq corps d'armee, trois pour la tribu de taines fonctions sacrees a remplir au milieu des troupes,
Juda, formant un effectif de 780000 hommes, et deux comrne de sonner de la trompette pendant le combat,
pour la tribu de Benjamin, donnant 380000 hommes : pour exciter les soldats et appeler sur leurs armes la pro-
chiffres si considerables. que plus d'un interprete les a tection d'en haut. Num., x, 9; xxxi, 6; II Par., xin, 12, 14,
regarde's comme inexacts et grossis par des fautes de ministere qu'ils continuerent de remplir meme apres que
981 ARMEE CHEZ LES HEBREUX ARMEES ETRANGERES (ASSYRIENNE) 982
1'arche eut cesse d'etre portee dans les campagnes mili- Exod., xvin, 21; Deut., i, 15; I Reg., vm, 12; IV Reg.,
taires. On offrait quelquefois des sacrifices avant le I, 9; xi, 4. Ainsi I'armee qu'avait organisee Simon Ma-
commit. I Reg., vn, 9; cf. xin, 9. Au moment ou Ton chabee refut sous sou fils et successeur Jean Hyrcan des
allait livrer la bataille, les pretres, selon la prescription renforts de troupes mercenaires, Josephe, Ant. jud.,
du Deuteronome, xx, 2, devaient adresser la parole XIII, vm, 4, qui s'eleverent du temps d'Alexandre Jannee
aux troupes pour exciter leur courage et leur confiance. au nombre de 6200 soldats, tous guerriers d'elite, qui
II Par., xx, 14-22. n'hesiterent pas a donner leur vie pour la cause a laquelle
11 Entretien de I'armee. Avant la creation d'une ils s'etaierit vendus dans le combat sanglant centre le roi de
armee permanente, chacun pourvoyait d'ordinaire a son Syrie Demetrius Ier Soter. Josephe, Ant. jud., XIII, xin, 5;
equipement personnel et a sa subsistance. Cf. I Reg., xvn, xiv, 1. La reine Alexandra entretint egalement un contin-
17-18. Cependant dans 1'expedition centre les Benjamites, gent dc soldats etrangers, sur lesquels elle aimait a s'ap-
le dixieme des hommes etait specialement employe au puyer dans les luttes de partis si frequentes alors entre
service des vivres. Jud., xx, 10. On recevait parfois des les Juifs, Josephe, An^.jud., XIII, xvi, 2, et enfin dans
offrandes volontaires. II Reg., xvn, 28-29; I Par., xn, I'armee d'Herode il y avait des legions de Thraces, de
39-40. De plus, si la necessite 1'exigeait, on requisitionnait Germains et de Gaulois. Josephe, Ant. jud., XVII, vm, 3.
des habitants du pays qu'on traversait ce qui etait neces- A cette epoque, le mercenariat s'etait tellement gene-
saire aux guerriers et aux betes de somme. Jud., vm, 5-17. ralise, qu'il n'y avait plus d'armee dans laquelle ce genre
Lorsque la guerre avait lieu sur le sol national, les conci- de troupes ne tint une place importante, et les princes
toyens offraient sou vent d'eux-memes, et quelquefois au s'appuyaient sur elles a ce point, qu'on en voyait licencier
prix des plus grands sacrifices, tout ce dont I'armee avait leur armee nationale pour ne garder que les mercenaires,
besoin. II Reg., xvn, 27-29 ; I Par., xn, 39-40. Les parents comme fit Demetrius II Nicator. Josephe, Ant. jud.,
avant tous les autres so faisaient un point d'honneur et XIII, iv, 9. Les Juifs, qui jusque-la n'avaient combattu que
une joie d'envoyer, autant qu'ils le pouvaient, des vivres pour se defendre contre 1'invasion etrangere, se lais-
a leurs enfants soldats. I Reg., xvn, 17-18. En pays serent emporter par ce mouvement, et 1'on en vit s'en-
etranger, Fapprovisionnement se faisait aussi par le pillage roler un grand nombre dans les armees d'Alexandre, de
et les razzias, selon les lois de la guerre alors en usage, Seleucus I er Nicator et des Ptolemee, surtout de Ptole-
et qui persistent encore aujourd'hui parmi les Bedouins mee Ier Soter et de son fils Ptolemee II Philadelphe.
nomades. Le service militaire, etant transitoire et ne depas- Josephe, Ant. jud., XI, vm, 5; XII, n, 5; in, 1. On
sant jamais les necessites de la defense nationale, n'etait en trouve jusqu'a trente mille au service d'Alexandre Ier
pas considere comme un metier susceptible de retribution Balas, roi de Syrie. I Mach., x, 36. Ces mercenaires juifs
reguliere. Aussi ne trouve-t-on aucune trace de solde etaient tres recherches a cause de leur fidelite, et pour
militaire chez les Hebreux jusqu'a I'etablissement d'une se les assurer on leur accordait, malgre les exigences
armee permanente; chaque homme se trouvait suffisam- du service, toutes les exemptions qui leur etaient neces-
ment remunere par la part de butin qu'il faisait dans la saires pour pratiquer leur religion et garder leurs obser-
campagne, apres laquelle, I'armee etant dissoute, chacun vances rituelles, telles que le repos sabbatique. I Mach.,
rentrait chez soi et reprenait sa vie ordinaire. L'institu- x, 34. Voir J.-A. Danz, De Ebreeorum re militari
tion d'une armee permanente amena un changement dans dissertatio, in-4, lena, 1690, et dans Ugolini, Thesau-
cette organisation, car alors les rois prirent a leur charge rus Antiquitatum sacrarum, t. xxvn, col. CCCLXV-
1'equipement des soldats, II Par., xxvi, 14, et leur subsis- cccxcvi; J. Lydius, Syntagma sacrum de re militari,
tance, cf. Ill Reg., iv, 27. Quant a la solde en argent, elle ibid., col. CXXXV-CCCLXIV; J. Jahn, Biblische Archaologie,
parait avoir ete inconnue jusqu'aux Machabees. A cette II Theil, t. n, 1802, p. 379-524; Dissertation sur la
epoque, Antiochus est signale dans 1'Ecriture comme milice des Hebreux, dans la Bible de Vence, t. vi, Paris,
payant une solde a ses troupes, I Mach., in, 28, et Simon 1828, p. 233-300; Frd. Keil, Handbuch der biblischen
Machabee, peut-etre mii par Fexemple des princes etran- Archaologie, 2e edit., in-8, Francfort-sur-le-Mein, 1875,
gers, parait avoir instilue la meme chose pour I'armee des p. 746-760. P. RENARD.
Juifs. I Mach., xiv, 32. Cependant les troupes mercenaires,
qui etaient de veritables ouvriers aux gages, recurent 2. ARMEES ETRANGERES dont il est parle dans la
toujours une solde fixe. II Par., xxv, 0. Jean Hyrcan Bible. L'Ecriture n'a pas seulement occasion de s'oc-
osa ouvrir le tombeau de David et en tirer tcois mille cuper de I'armee des Hebreux, mais aussi des armees
talents d'argent pour payer celles qu'il avait prises a son des peuples etrangers avec lesquels Israel a ete en guerre,
service. Josephe, Ant. Jud., XIII, vm, 4. Assyriens, Chaldeens, Egyptiens, Philistins, Romains,
11 Troupes mercenaires. En dehors des contingents Syriens, pour ne rien dire des tribus ou peuplades voi-
etrangers incorpores regulierement dans I'armee perma- sines, telles que les Ammonites, les Amalecites, les
nente, comme les Getheens, les Cerethiens et les Phele- Moabites, les Idumeens, sur lesquelles nous ne savons
thiens du temps de David, les rois de Juda et d'Israel rien de bien particulier, ou qui n'avaient meme aucune
flrent tres peu usage de ces etrangers, qui se louaient organisation militaire speciale.
pour une campagne, moyennant une solde determinee I. ARMEE ASSYRIENNE. Les Assyriens furent peut-
ou une promesse de butin. L'Ecriture ne mentionne qu'un etre, avant les Romains, le peuple le plus militaire de
fait de ce genre, sous Amasias, roi de Juda, qui projeta 1'antiquite. Pendant la periode de leur histoire que nous
d'adjoindre a son armee cent mille mercenaires Israelites, connaissons en detail par les inscriptions cuneiformes,
pour eombattre les Idurneens qui venaient de secouer le nous les voyons sans cesse en guerre, faisant tous les
joug de Juda. IV Reg., vm, 20-22. Ce projet d'ailleurs ne ans quelque nouvelle campagne, etendant de plus en plus
fut pas cornpleternent execute; car, reprimande par un loin leur puissance, et poussant leurs conquetes jusqu'en
prophete de cet acte anlitheocratique, Amasias les ren- Egypte. Ils detruisirent le royaume d'Israel, et porterent
voya avant de s'etre mis en campagne. La solde totale des coups terribles a celui de Juda, qui fut longtemps
promise par Amasias etait de cent talents d'argent, en- leur tributaire. Leurs soldats, hommes forts et solides,
viron 850000 fr. de not re monnaie, ce qui donne pour etaient braves et intrepides, endurcis a la fatigue, aguerris
chaque homme la faible retribution de 8 fr. 50. II est pro- par des combats continuels. Ils etaient ordinairement com-
bable qu'Amasias avait de plus promis une part de butin. mandes par le roi en personne. IV Reg., xv, 19, 29;
Nous retrouvons plus tard, a 1'epoque des Machabees, xvn, 3; xvin, 9, 13; I Par., v, 26; II Par., xxxn, 1;
des soldats mercenaires incorpores dans I'armee des Juifs, Is., xxxvi, 1; Eccli., XLVIII, 20. Le general en chef, qui
a cote des troupes nationales, recrutees et organisees remplacait quelquefois le roi, portait le titre de tharthan.
selop le mode etabli par Moise. I Mach., in, 55; cf. IV Reg., xvin, 17; Is., xx, 1. D'autres grands officiers
983 AUMEES ETRANGERES (ASSYRIENNE) 984
avaient le litre, les uns de rabsaris ou rabsares (selon j mettre en deroute (fig. 228, col. 904). Ces cavaliers et
1'orthographe diverse de la Vulgate), IV Reg., xvm, 17; ' ces chars etaient particulierement redoutes, comme nous
Jer., xxxix, 3, 13; les autres de rabsaces, IV Reg., ' le voyonsdans Isaie, v, 28, et Nahum, n, 3, 4,13. Cj, Jer.,
260. Le roi d'Assyrie combattant avec 1'arc sur son char de guerre. D'apres Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 13.
xvm, 17; Is., xxxvi, 2, etc. (Voir ces mots). Le roi combat- i iv, 29; Judith, xvi, 5. Mais la partie la plus considerable
tail sur un char (fig. 260); les soldats se battaient a pied des forces assyriennes etait naturellement constitute par
ou a cheval. Tandis que la cavalerie egyptienne se com- les fantassins. Us etaient ordinairement armes de 1'arc
1. Assyrians montant a 1'assaut d'une place forte. D'apres Layard, Monuments of Xineveh, t. n, pi. 31.
posait exclusivement de chariots, 1'armee assyrienne avail, (fig. 227, col. 904), IV Reg., xix, 32, de meme que les
outre des chars (fig. 229, col. 905), IV Reg., xix, 23, cavaliers. Judith, n , 7: Is., v, 28; xxi, 15; xxxvii, 33,
de veritables cavaliers, montes sur de forts chevaux, etc. (fig. 228, col. 904; fig. 229, col. 905). lls se servaient
cf. IV Reg., xvm, 23; Ezech., xxm, 6, 12, 23, qui aussi de la lance, Judith, ix, 9; xi, 2 (fig. 35, col. 227;
poursuivaient 1'ennemi avec vigueur et achevaient de le fig. 57, col. 303; fig. 158, col. 637; fig. 224, col. 902) et
983 ARMEES ETRANGERES (ASSYRIENNE) 986
263. Soldats assyriens, traversant une riviere & la nage, sur des outres gonfldes, dans le registre superieur. Dans le registre
inferieur, d'autres soldats vont les suivre, les premiers tenant sous le bras leurs outres deja gonflees, tandis que les derniers les
preparent en soufflant dedans. Bas-relief de Ninive. D'apres Layard, Monuments of Nineveh, t. n, pi. 41.
Judith, vi, 4; ix, 12; Ezech., xxxir, 23, ainsi que de di- judice des vivres qu'ils se faisaient donner de vive force;
verses autres armes moins importantcs (fig. 227, col. 904). ils etablissaient des sentinelles pour garder leur camp,
Judith, ix, 9; xm, 8. Comme armes defensives, ils avaient Judith, x, 11; ils fabriquaient des machines de guerre
264. Soldats assyriens poursuirant les ennemis en barque, an milieu des marais. Bas-relief de Ninive.
D'apres Layard, Monuments of Nineveh, t. II, p. 25.
le casque (fig. 57, col. 303; fig. 227, 228 et 230, col. 904 (fig. 230, col. 905), et faisaient methodiquement le siege
et 905) et le bouclier (fig. 230, col. 905), IV Reg., xix, 32; des places fortes, les entourant de circonvallations, IV Reg.,
Is., xxxvn, 33; Nahum, n, 3; Judith, ix, 9; quelquefois xix, 32; cf. Nahum, in, 14; Is., xxxvn, 33; et attaquantfes
meme une sorte de cotte de mailles (fig. 57, col. 303). murailles avec une sorte de belier (Voir BELIER 2). ils
Pour les differentes armes, voir les articles speciaux. montaient a 1'assaut des tours et des murailles, a 1'abri de
OSf) A R M F F S K T R A N f i f i R E S (ASSYR IE\NR) TOO
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991 ARMEES E T R A N G E R E S ( A S S Y R I E N N E E G Y P T I E N N E ) 992
e'pines et des buissons , Is., x, 17, des lions devorants . emporte par un orage. Voir Ph.-H. Gosse, Assyria,
Jer., L, 17. Cf. Nahum, in, 19. Voir ASSYRIE. Us ne se her manners and customs, arts and arms, in-8, Londres.
servaient de leur puissance irresistible, Ezech., xxxi, 1, 1852, p. 203-397; G. Rawlinson, The five great Monar-
3-9, que pour piller et ravager. Le butin etait pour eux chies, t. n, 1864, p. 1-97; Lenormant-Babelon, Histoire
le but et la fin de la guerre. Is., x, 6, 13; cf. Nahum, andenne de I'Orient, t. v, 1887, p. 50-67.
li, 9; IV Reg., xv, 19-20; xvi, 8; xvn, 4; xvm, 14; II. ARMEE CHALDEENNE. Nous n'avons point sur
II Par., xxvni, 21. La devastation et la destruction etaient 1'armee chaldeenne des renseignements aussi abondants
les moyens qu'ils employaient pour ernpecher leurs vic- que sur 1'armee assyrienne, mais 1'organisation devait en
times de se relever de leur defaite. Les habitants des pays etre a peu pres semblable, parce que les deux peuples
qu'ils envahissaient s'enfuyaient pour la plupart epouvantes etaient de meme race, et que Baby lone et la Chaldee,
a leur approche, et les Assyrians recueillaient les biens qu'on avant Nabopolassar et Nabuchodonosor, faisaient partie
avail abandonnes comrne un nid d'oiseau ou comme des de 1'cmpire d'Assyrie. L'arme principale des soldats baby-
ceufs delaisses . Is., x, 14. Si on leur resistait, ils detrui- loniens, comme des autres peuples de 1'antiquite, etait
saient tout, briilaient les moissons, coupaient les arbres, 1'arc. Jer., LI, 56 (fig. 217, col. 899). L:Ecriture parle de
Judith, n, 17 (fig. 265), mettaient le feu aux villes et aux la force des guerriers chaldeens, Jer., L, 36, de leurs chars,
villages, renversaient les maisons et les murailles des de leurs chevaux, Jer., L, 37; Ezech., xxin, 23, et aussi de
cites, Judith, in, 12, et imposaient enfin de lourcls tributs leui's barques. Is., XLIII, 14. Comme les Assyriens, ils
aux vaincus. IV Reg., xv, 19-20; xvm, 14. Depuis The- faisaient la guerre pour piller, IV Reg., xxiv, 2, 11-19;
glathphalasar II, ils transporterent en masse, dans des II Par., xxxvi, 7, 10, 17-20; comme eux, ils assiegeaient
regions eloignees, ceux qu'ils avaient defaits, afin de pre- en regie les places fortes, les eutourant d'un cordon de
venir les revokes. IV Reg., xv, 29. Les recits des cam- troupes et executant des travaux d'approche, IV Reg.,
pagnes militaires qui nous ont ete laisse's par les rois xxv, 1-2, 4; Jer., xxi, 4; xxxn, 24; LII, 4; comme eux,
d'Assyrie dans les inscriptions cuneiformes ne sont que ils brulaient et detruisaient tout, et transportaient ensuite
Fenumeration des villes qu'ils ont incendiees, des hommes au loin les peuples vaincus. IV Reg., xxv, 9-11; Jer.,
qu'ils ont tues, des prisonniers qu'ils ont emmenes captifs xxxix, 8-9. Voir G. Rawlinson, The five great Mo-
(fig. 261, col. 983), des chefs ennemis auxquels ils ont inllige narchies, t. in, 1865, p. 440.
les plus affreux supplices (fig. 266), des objets precieux III. ARMEE EGYPTIENNE. Elle nous est bien connue
qui sont devenus leur proie, des tributs enormes qu'ils aujourd'hui par les monuments des pharaons, qui nous
ont imposes aux rois et aux peuples qu'ils ont vaincus. representent souvent les soldats egyptiens en marche
Ils devinrent ainsi les maitres de 1'Asie ante'rieure et (fig. 225, col. 903), ou au milieu meme du combat. Le
meme de 1'Egypte, autant par la terreur qu'ils repandaient roi commande ordinairernent son arrnee, et de son char
partout que par la force de leurs armes, jusqu'a ce que (fig. 218, col. 899), ou rneme a pied (fig. 219, col. 900),
leur empire, etabli sur la violence, disparut soudain comme se bat cornme un simple soldat. La force principale de
993 ARMEES E T R A N G E R E S ( E G Y P T I E N N E R O M A I N E ) 994
e
lEgypte, a partir de la xvm dynastic, celle qui inspire moindre valeur. Exod., xiv, 7. Ces chars ne servaient pas
le plus de confiance a ses allies, IV Reg., xvm, 24; Is., seulement a faire la guerre en Egypte, mais aussi au loin.
xxx, 16; xxxi, 1, 3, etc., et le plus de terreur a ses enne- Sesac alia attaquer Roboam, roi de Juda, avec douze cents
im's, c'est sa cavalerie. Elle consistait en chariots et non en chars, II Par., xn, 3, et les bas-reliefs egyptiens nous
montrent, en effet, la cavalerie egyptienne combattant
dans des pays eloignes, comme a Cades des Hetheens.
Les soldats egyptiens paraissent avoir ete bien disci-
plines. Us etaient armes de 1'arc (fig. 226, col. 903),
II Par., xxxv, 23; de la lance (fig. 267), de la hache
(fig. 268) et de diverses autres armes, en particulier
d'un poignard droit ou d'une harpe (petite epee recour-
bee) (fig. 267). Le glaive ou le poignard leur servait a
transpercer leurs ennemis (fig. 269). II y avait aussi des
frondeurs dans 1'armee egyptienne. Voir FRONDE. L'arrne
defensive des Egyptiens etait le bouclier (fig. 267, 268,
269, 270). Us enrolaient des etrangers dans leur armee,
soit auxiliaires, soil mercenaires. II Par., xn, 3; Jer.,
XLVI , 9. Voir Wilkinson, Manners and Customs of the
Ancient Egyptians, 2e edit., t. I, p. 187-22i; G. Rawlin-
son, The history of Herodotus, 4 in-8, Londres, 1858-
1860, t. in, p. 156; t. iv, p. 78-81.
IV. ARMEE PHILISTINE. Nous savons peu de chose sur
1'armee des Philistins; mais il y a tout lieu dc croire que
ce peuple, d'origine aryenne, etait plus exerce a la guerre
269. Soldat egyptien per?ant un prisonnier de guerre. que lesChananeens, ce qui explique comment les Hebreux
D'apres Wilkinson, Ancient Egyptians, 2e edit., t. i, p. 211.
ne purent se rendre rnaitresde la plaine de la Sephela, dont
les Philistins avaient pris possession avant 1'entree des en-
cavaliers proprement dits. Les soldats combattaient ordi- fants de Jacob dans laTerre Promise. Leur force principale,
nairement deux a deux sur des chars a deux chevaux; un comme celle des Chananeens du nord, Jos., xvu, 18; Jud.,
des hommes lancait des Heches, etl'autre, le cocher, le pro- iv, 3, consistait en chars de guerre, bardes de fer (non
armes de faux, comme traduit en quelques endroils la Vul-
gate); ces chars etaient la terreur des Israelites, Jud., i, 19;
I Reg., xni, 5. Us fabriquaient sans doute des armes cliez
eux, cf. I Reg., xni, 19-20; leurs soldats etaient Lien
armes; la description de I'armure du Philistin Goliath est
la plus complete que nous lisions dans 1'Ecriture. 1 Reg.,
xvii, 5-7. Elle se composait d'un casque (koba') de bronze,
d'une cuirasse ou cotte de mailles en forme d'ecailles
(sireyon qasqasi))i) et de jarnbieres (tnishat) de bronze.
Ses armes offensives etaient Tepee, la lance et le javelot.
I Reg., xvu, 6-7, 45. Ce fut probablement chez les Phi-
listins que David apprit 1'art de la guerre, et qu'il concut
les projets d'organisation militaire qu'il realisa lorsqu'il fut
monte sur le trone. I Reg., xxvn, 2, etc. Voir K. R.
Stark, Gaza und die philistaische Kiisle, in-8, lena,
1852, p. 143-147. F. VIGOUROUX.
V. ARMEE ROMAINE. La puissance des Remains et les
exploits de leurs armees sont mentionnes pour la pre-
miere fois dans le premier livre des Machabees, vm, 1-13.
II est souvent fait allusion a leur organisation militaire
dans le Nouveau Testament. Voici quelle etait 1'organisa-
tion de cette armee : 1 a 1'epoque des Machabees, au
lie siecle avant notre ere, et 2 a 1'epoque imperiale, au
ler siecle de notre ere.
1 L'ARMEE SOJfAlNE A L'EPOQUE DE LA BEPUBLIQUE.
a) La legion. Le noyau de 1'armee romaine etait cons-
titue par la legion. La legion, au temps de la seconde guerre
punique (219-201 avant J.-C.), Polybe, vi, 20; vm, 9;
ii, 24, 13, se composait de quatre categories de soldats,
les hastati (\ 200 hommes), lesprincipes (1 200 hommes),
les triarii (600 hommes) et les velites (1200 homrnes),
en tout 4200 hommes, auxquels s'adjoignaient 300 cava-
liers. Dans des cas speciaux, les forces de la legion pou-
vaient etre portees jusqu'a 5000 et meme 6000 soldats.
L'infanterie des legions se divisait en trente manipuli ou
compagnies, qui a 1'origine se composaient de cent
hommes, et etaient par consequent identiques aux cen-
270. Soldats Egyptians, armes de la lance et du bouclier. turies ; ils prenaient leur nom de 1'enseigne employee pi'i-
Thebes. D'apres Wilkinson, Ancient Egyptians, 2e 6dit., 1.1, p. 194. mitivement (manipulus), laquelle etait une botte de foin
au bout d'une perche. Plus tard, le manipulus, ayant ete
tegeait avec un bouclier (fig. 226, col. 903). A 1'epoque augmente de nombre, fut partage en deux centuries, et
de la sortie d'Egypte, la cavalerie des pharaons etait de six toutes les legions se composerent de trente manipules. La
cents chariots de choix, sans compter d'autres chars de cavalerie, formee par 300 cavaliers, se divisait en dix turmse
DICT. DE LA BIBLE. 1. - 3i
995 ARMEES ETRANGERES (ROMAINE) 996
de 30 hommes. Chaque turma avait trois decuriones, trois pas de recrues aux legions, mais elles etaient tenues
optionee (sorte d'adjudant) et un vexillum ou etendard. de donner un certain nombre de soldats de terre et de
Le commandement des legions fut variable, comme mer, selon leurs conventions speciales avec Rome.
toutes les autres charges republicaines, jusqu'a la fin de L'armee des socii se divisait en ate et en cohortes. Elle
la republique. Les officiers superieurs etaient six tribuni etait composee de quatre legions, commandees par douze
militum; deux d'entre eux commandaient pendant deux chefs appeles prsefecti sociorum. Ceux-ci etaient nommes
mois, un jour chacun alternativement; au-dessous d'eux par les consuls de Rome, et leur, grade correspondait a
etaient les soixante centurions, qui commandaient aux celui des tribuns militaires. II ne faut pas les confondre
soixante centuries. La nomination des tribuns mili- avec les commandants indigenes de ces troupes, qui,
taires etait faite aux temps les plus anciens par les con- d'apres Tite-Liye, xxv, 14, 4, s'appelaient prsstores.
suls, mais dans la suite elle fut faite dans les comitia Les socii se partageaient en ordinaires et en extraordi-
tributa (assemblies des tribus ou desquartiers)au moins naires: les premiers partages en deux ailes de dix cohortes,
pour les premieres legions; quant aux autres, le choix formant un total de 8 400 hommes; les seconds, com-
resta attribue aux consuls. Ceux qui avaient ete elus par prenant quatre cohortes de 400 hommes chacune. La
les cornices s'appelaient tribuni militum a populo; les cavalerie des socii se divisait en alse. et en turmx.
autres prenaient le nom de tribuni rufuli, de Rutilius c) Auxilia. Jusqu'aux guerres puniques, 1'armee
Rufus, qui avait presente la loi en vertu de laquelle ils romaine se composa des deux elements dont nous venons
etaient nommes. Les tribuns n'etaient pas pris parmi les de parler. Mais quand les Romains commencerent a faire
centurions, mais parmi les jeunes gens de famille senato- la guerre hors de 1'Italie, ils prirent dans les pays ou ils
riale ou equestre, qui inauguraient par cette charge leur combattirent d'autres troupes qui constituerent une classe
carriere politique. Tous les tribuns portaient comme speciale et distincte, appelee auxilia (troupes auxiliaires).
marque distinctive Fanneau d'or des chevaliers, et se Cf. I Mach., vm, 25. Le nombre de soldats qu'elle com-
divisaient en laticlavii (d'origine senatoriale) et angusti- prenait n'etait pas fixe relativement aux legions, mais il
clavii (d'origine equestre). variait selon les temps et les circonstances. Plus tard, dans
Les soixante centurions des legions etaient choisis au la periode posterieure, lorsque les socii, ayant recu le
nom des consuls par les tribuns, et portaient pour insigne droit de cite, formerent une partie integrante de 1'armee
un cep de vigne, qui indiquait Fautorite dont ils etaient romaine, il n'y eut plus que deux classes de soldats, c'est-
investis pour punir les soldats. Le premier poste parmi a-dire les romains et les auxiliaires.
les centurions etait celui de primipilus ou commandant d) Cohorte pretorienne. Outre ces differents corps
du premier manipule des triarii. Les centurions n'etaient et en dehors des legions, 11 existait aussi une delecta
pas ordinairement promus a des grades superieurs; mais, manus imperatoris ou cohors prsetoria. Elle fut diver-
leur temps de service termine, ils se retiraient dans la sement organisee selon les temps, mais elle constitua
vie privee, et etaient quelquefois eleves a 1'ordre equestre. toujours la garde d'elite du commandant en chef. A la
Du temps de Polybe, on recrutait ordinairement chaque fin de la republique, chaque commandant avait sa cohorte
annee quatre legions, qui, unies a un contingent corres- pretorienne, composee d'infanterie et de cavalerie.
pondant de socii, formaient deux armees consulaires. 2 L'ARMEE ROMAINE A UX PREMIERS TEMPS DE L'EMPIHE.
Les seuls citoyens romains etaient appeles a servir dans Avec la monarchic, 1'armee romaine (fig. 271), qui
les legions. Pendant la duree de son service militaire, de n'avait ete jusque-la que temporaire et composee de soldats
dix-sept a quarante-six ans, le soldat legionnaire etait leves seulement pour une campagne, se transforrna en
oblige a seize ou tout au plus a vingt campagnes, et le armee permanente, qui subsista meme en temps de paix;
soldat de cavalerie a dix seulement. elle jura fidelite au prince comme imperator, et elle fut
b) Les socii . Aux legions s'adjoignaient les troupes ordinairementcommandee dans les provinces paries legati
des socii. Apres la dissolution de la ligue latine, on Augusti pro pr&tore, et a Rome par les trois prefets du
doit entendre par socii les contingents des villcs confe- pretoire, de la cite et des vigiles. Dans 1'armee impe-
de're'es et des colonies latines. Celles-ci ne fournissaient riale reorganisee par Auguste, on doit distinguer six divi-
ARMEES E T R A N G E R E S (ROMAINE S Y R I E N N E ) 998
sions speciales, savoir: a) les legions; b) les auxiliaires; par un preefectus fabrum, avait la charge de faire manoeu-
c) la garnison de Rome; d) la flotte; e) 1'artillerie et le vrer les machines de guerre, balistes, catapultes, beliers,
genie; /) la milice municipale et provinciale. etde construire les fortifications, les terre-pleins(aggeres),
a) Les legions imperiales. Le nombre des legions de creuser les galeries souterraines (cuniculi), etc. Cf.
etait devenu excessif pendant la guerre sociale. Cesar le Luc., xix, 43.
reduisit un peu. A sa mort, il y en avait plus de quarante. f) Milices provinciales et rnunicipales. Les provinces
Apres la bataille d'Actium, Octave en avait plus de cin- senatoriales et aussi celles des provinces imperiales qui
quante; plusieurs d'entre elles furent transformees en n'avaient point de legions possedaient une milice provin-
colonies romaines. Apres la mort d'Auguste, il restait ciale, formee dans la province et divisee en cohortes. Elle
seulement vingt-cinq legions, trois d'entre elles ayant ete etait souvent insuffisante pour la defense de la province
detruites dans le desastre de Yarns. De nouvelles furent et meme pour le maintien de Fordre. Les milices muni-
formees par Claude, Neron, Galba et Vespasien, et elles cipales etaient destinees a les renforcer. L'existence de
s'eleverent ainsi au nombre de trente, qui pendant long- ces dernieres est connue par 1'importante inscription de-
temps resta invariable. Leurs noms furent quelquefois couverte a Osuna, en Espagne, en 1870. Les troupes
empruntes a des localites, comme Urbana, Sabina, Muti- romaines de Judee, au temps de Notre-Seigneur, avaient
nensis; d'autres fois aux peuples contre lesquels elles leur quartier general a Cesaree. Cf. Act., xxm, 23.
avaient combattu, comme Scylhica, Parthica, ou a une Bibliographie. Juste Lipse, De militia romana
enseigne, comme fulminata. Quant aux noms imperiaux, libri V, in-4, Anvers, 1596; Cl. de Saumaise, De re mili-
elles porterent d'abord le nom du prince qui les avait tari Romanorum, in-4, Leyde, 1657; J. G. Grasvius, The-
formees, comme Flavia Ulpia; mais, depuis Caracalla, saurus antiquitatum romanarum, t. x; F. Haase, Demi-
les legions prirent le nom de Fempereur regnant, comme litarium scriptorum grxcorum et latinorum omnium
Antoniana, Severiana, Alexcmdrina. La legion, pen- editione instituenda narratio, in-8, Berlin, 1847; Fr. W.
dant 1'empire, eut quatre turmse de cavalerie, et fut placee Riickert, Das romische Kriegswesen, in-8, Berlin, 1850;
sous le commandement d'un legatus legionis, personnage Cl. Lamarre, De la milice romaine, in-8, Paris, 1863;
de rang senatorial et ordinairement de la classe des prse.- Br. Renard, Precis de I'histoire militaire de Vantiquite,
torii. Le legat avait sous ses ordres non seulement la in-8, Bruxelles, 1875; J. de La Chauvelays, L'art militaire,
legion, mais aussi le detachemcnt de troupes auxiliaires chez les Romains, in-8, Paris, 1883; J. Marquardt, Hand-
qui etait joint a chaque legion. Au - dessous du legat buck der romischen Alterthiimer, t. n, Leipzig, 1884, tra-
etaient les tribuns militaires, Act., xxi, 31, etc., qui duction frangaise par J. Brissaud, De Vorganisation mili-
commandaient chacun une des dix cohortes dont se com- taire chez les Romains, in-8, Paris, 1891; F. Ivraner,
posait la legion depuis Cesar, et les centurions, Matth., L'armee romaine au temps de Cesar, trad. Baldy et
vin, 5; xxvn, 54; Act., x, 1, 22; xxn, 26, etc. Chaque Larroumet, in-12, Paris, 1884; R. Cagnat, L'armee romaine
camp avait de plus son commandant special, appele prse- au siege de Jerusalem, dans la Revue des etudes juives,
fectus castrorum. t. xxn, 1891, p. XXVIII-LVIII ; J. B. Mispoulet, Des institu-
b) Auxilia. Tandis que, sous la republique, on tions politiques des Romains, t. n, in-8, Paris, 1883,
entendait par auxilia les troupes de soldats non remains, p. 310-379; Bouche-Leclercq, Manuel des institutions ro-
recrutees en partie dans les provinces et fournies en partie maines, in-8, Paris, 1885, p. 206-337; L. Fontaine,
par les rois et les peuples allies, on comprit sous ce nom, L'armee romaine, in-12, Paris, 1883. H. MARUCCHI.
pendant 1'epoque imperiale, tons les corps qui etaient VI. ARMEE SYRIENNE DES SELEUCIDES. Les Seleux
dans les provinces, en dehors des legions, qu'ils fussent cides, qui furent si longtemps en guerre avec les Juifs a
composes de citoyens remains ou etrangers. Dans cette 1'epoque des Machabees, les combattirent avec des res-
categorie, on doit distinguer les subdivisions suivantes : sources et des armes incormues jusqu'a cette epoque dans
1. vexilla veteranorum, ou la reunion de tous ceux qui la terre de Chanaan. Us avaient la science militaire des
avaient deja acheve le temps regulier de leur service mili- Grecs et des Macedoniens, docti ad prsslium, I Mach.,
taire; 2. cohortes italicae civium romanorum voluntario- iv, 7. Leur armee se composait d'elements grecs et d'ele-
rum, composees de ceux qui s'enrolaient volontairement ments indigenes. Cf. Corpus inscriptionum grsecarum,
en Italie, cf. Act., x, 1, dans un but de lucre ou pour 3137; Polybe, v, 79. La phalange en constituait la force
faire leur carriere militaire, lorsqu'on eut cesse de re- principale. Elle etait recrutee en partie parmi les Mace-
cruter les legions en Italie; 3. cohortes auxiliaries, for- doniens , en partie parmi les citoyens des villes grecques
mees dans les provinces et armees en partie selon 1'usage d'Asie, Corpus inscript. gr., 3137, lig. 14. Ce corps etait
remain, en partie selon 1'usage des pays etrangers, d'ou devenu plus mobile depuis Alexandre et etait divise en
les noms de sagittarii archers , de scutarii . porte- (TTtsi'pca equivalant a peu pres aux cohortes romaines;
bouclier , de contarii armes de la longue pique appelee les cnrstpat etaient subdivisees elles-memes en cr/uiou'cu de
contus , de catafracti cavaliers pesamment armes , de quatorze hommes, Polybe, v, 4. A ces troupes se joi-
funditores frondeurs ; 4. alee equitum (corps de cava- gnaient des contingents indigenes leves en temps de
lerie) , appelees quingenarisa ou milliarise selon qu'elles guerre. Josephe, Ant. jud., I, xn, 9. Les Seleucides
comptaient cinq cents ou mille chevaux. Voir AUXILIAIRE. emprunterent de plus a 1'Inde scs terribles elephants, qui
c) Garnison de Rome. La partie principale de Far- jeterent un si grand effroi parmi les Romains eux-memes,
mee qui residait dans les villes capitales se composait des quand ils les virent dans Farmee de Pyrrhus. Tite Live,
cohortes pretoriennes, dont 1'origine remontait a 1'epoque Supplem., x, 6-7, edit. Lemaire, t. m, p. 267. Nousvoyons
de la republique. Elles constituaient primitivement la garde un de ces elephants sur une terre cuite de Myrina
du commandant en chef au milieu du camp. Auguste ras- (fig. 272). Ils sont aussi representes sur les monnaies des
sembla a Rome trois des neuf cohortes pretoriennes, et rois de Syrie (fig. 173, col. 689). Les livres des Machabees
il detacha les six autres en divers lieux de 1'Italie. La gar- en parlent dans plusieurs passages. I Mach., 1,18; in, 34;
nison de Rome se composait encore de divers autres ele- vi, 30-46; vm, 6; II Mach., xi, 4; xm, 2, 15; xiv, 12.
ments qu'il est inutile d'enumerer ici. On les couvrait de cuirasses pour les garantir des traits
d) Flotte. Auguste etablit deux grandes flottes: 1'une, ennemis, I Mach., vi, 43, et on les enivrait pour exciter
pour la garde de la Mediterranee, au cap Misene (classis leur fureur. I Mach., vi, 34. Les Seleucides avaient aussi
Misenatium}; 1'autre, pour la garde de 1'Adriatique, pres de des chariots redoutables, a cause des faux dont ils etaient
Ravenne (classis Ravennatium}. A ces deux llottes princi- armes. L'armee de Lysias, quand elle marcha contre Judas
pales s'en joignirent quelques autres moins importantes, Machabee, en comptait trois cents. II Mach., xm, 2. Les
comme celle d'Alexandrie en Egypte (classis Alexandrina}. soldats syriens etaient divises en differents corps, selon
e) Poliorcetique, Le corps des fabri, commande 1'arme dont ils faisaient usage. Les phalangistes etaient
999 ARMEES ETRANGERES (SYRIENNE) ARMENIE 1000
armes de la sarisse ou longue pique de vingt et un pieds et Bauer, dans Iwan Miiller's Handbuch der classisclien
et de 1'epee. Les corps auxiliaires avaient des armes par- Alterthums Wissenschaft, t. iv, lre part., Nordlingue,
ticulieres, presque toujours celles de leur pays. Le premier 1887, p. 318-329; G. Gilbert, Handbuch der griechischen
livre des Machabees, ix, 11, distingue expressement les Staatsalterthumer, 2 in-8, Leipzig, 1881-1885 _ H. Droy-
archers et les frondeurs, qui etaient places au premier sen, Heerwesen und Kriegfuhrung der Griechen, dans
rang dans le combat. Les cavaliers sont aussi souvent K. F. Hermann's Lehrbuch der griechischen Antiqui-
tdten, t. n, 2e part., in-8, Fribourg-en-Brisgau, 1889.
F. VIGOUROUX.
ARMENIE. I. NOM. L'Armenie est appelee, dans
la Bible, de differents noms, quelques-uns designant
1'ensemble du pays, d'autres ne s'appliquant qu'a Tune ou
1'autre province.
ID NOMS DESI6NANT L'ENSEMBLE DU PAYS. L'appella-
tion Armenie ou son equivalent terre des Armeniens ne se
rencontre que dans deux passages de la Vulgate : Gen.,
vin, 4 et IV Reg., xix, 37. Ailleurs 1'Armenie est designee
par le mot Ararat. Is., xxxvn, 38, et Jer., LI, 27; Tob., I,
21 (texte grec). Dans ces differents passages, le texte
hebreu porte 'Ararat. Les Septante ont 'Apapa-r, Gen.,
vin, 4; IV Reg., xix, 37; e'.? 'Apjieviav, Is., xxxvn, 38,
et, faute manifeste de copiste, apa-ce, Jer., xxvm (hebreu :
LI, 27). Voir aussi Tobie, i, 21. Aquila, Symmaque et Theo-
dotion, comme la Vulgate, ont Armenia dans les deux
premiers passages. Theodoret emploie aussi 'Apjievia pour
le passage que les Septante ont si mal lu. La version
syriaque et 1'arabe ont tantot Qardu, c'est-a-dire Gordyene
(Syriaque: Gen., vin, 4, et Is., xxxvn, 38; Arabe : Gen.,
vin, 4), tantot Ararat (Syriaque : IV Reg., xix, 37; Jer., LI,
27; Arabe: IV Reg., xix, 37) et tantot Armenie. Arabe:
Is., xxxvn, 38. Les deux noms Armenie et Ararat ont
done ete employes a une certaine epoque pour designer,
272. lillephant broyant un Galate. Terre cuite de Myrina. dans son ensemble, un seul et meme pays; nous allons
Mus^e du Louvre. les etudier au point de vue de leur histoire et de leur
Ce groupe a douze centimetres de haut sur autant de large. etymologie. Pour ce qui est de Qardu, ce terme ne desi-
La tour et la housse avaient &t& peintes en rouge, les deux gnait que les montagnes du Kurdistan, et non celles
bossettes placees sur la tour en bleu. L'el^phant appartient a d'Armenie.
la race de 1'Inde. Le soldat qu'il ecrase est un Galate, recon-
naissable en particulier a ses armes. Cette figurine est peut-
A) Armenie. Ce mot ne se rencontre jamais dans les
etre un souvenir de la victoire qu'Antiochus Soter remporta inscriptions cuneiformes d'Assyrie ni dans celles d'Arme-
en 275 avant J.-C. sur les Galates, gr&ce aux seize elephants nie. Les auteurs armeniens n'emploient pas davantage
qu'il avait dans son armee. Voir E. Pettier et S. Reinach, cette appellation pour designer leur pays, qu'ils nomment
PL,uil!cs dans la nccropole de Myrina, dans le Bulletin de Haik. Le document le plus ancien ou nous trouvions le
corrcspondance hellenique, t. ix, 1885, p. 485 a 493. mot Armenie est 1'inscription colossale de Darius a Behis-
toun. Ce monument execute, suivant sir H. Rawlinson, en
mentionnes, ils etaient tres nombreux et ils jouaient un 516, contient plusieurs fois le mot A-r-m-i-n-a. Herodote,
role important dans les batailles. I Mach., I, 18; m, 39; m, 93, emploie aussi le mot 'Ap(j.evta, et, apres lui, tous
iv, 1, 28, 31, etc. Ils commencaient 1'attaque et soute- les historiens et geographies classiques s'en sont servis a
naient les fantassins, I Mach., iv, 7; vi, 38; ils etaient 1'exclusion de tout autre. C'est de la qu'il a passe dans
charges en particulier de proteger les elephants, quand les versions de la Bible. Strabon, xi, 14, et, apres lui,
ces animaux faisaient leur charge. I Mach., vi, 35. La Justin, XLII, 2, font deriver Armenie d'"Ap(xsvoc, Thessa-
cavalerie etait placee avec les corps auxiliaires sur les lien qui faisait partie de 1'expedition des Argonautes. Mo'ise
flancs; la phalange au centre. Tous les soldats des rois de Khorene, Hist., I, 12, dit que c'est du roi Aram, fils
de Syrie etaient d'ailleurs bien fournis de ces nom- d'Harma, et sixieme descendant de Haig, que les Grecs
breuses armes defensives qu'avait imaginees ou perfec- appellent son pays Armen; les Perses et les Syriens,
tionnees 1'esprit inventif des Grecs. Cf. II Mach., v, 3. Armeni. Suivant Bochart, Phaleg., I, 3, 1'etymologie la
L'auteur du premier livre des Machabees, iv, 6-7, signale plus probable serait har-Minni (mont de Minni), que
le contraste entre les trois mille hommes de Juda, qui le Targum de Jonathan porte, Jer., LI, 27, la ou le texte
n'avaient ni armure ni epee, et les soldats ennemis, original a simplement Minni. Calmet, Dictionnaire de la
etablis solidement dans leur camp, converts de leurs Bible, au mot Menni, suggere Aram et Minni, c'est-a-
cuirasses et entoures de cavaliers. Cf. I Mach., vi, 35. direle Syrien de Minni. D'autres, assez nombreux, croient
Plus loin, I Much., vi, 35, 39, il admire leurs casques de que 1'Armenie est ainsi appelee a cause de sa grande
bronze et leurs boucliers d'or et d'airain, qui resplen- elevation, dram, en hebreu, n'etant qu'une variante de la
dissent sur les montagnes et brillent comme des flam- racine rum, etre eleve. Cf. Rosenmiiller, Handbuch der
beaux eclatants . Certains corps etaient en effet armes i bibliscJien Alterthumskunde, t. i, p. 267. L'etymologie
de boucliers d'argent, on les appelait ipyypaairioEc, Tite : qui croyait retrouver 1'element Anja dans le nom de 1'Ar-
Live, xxxvn, 40; Polybe, v, 79; d'autres avaient des ! menie (Saint-Martin, Memoires sur 1'Armenie, 1.1, p. 269;
boucliers d'airain, -/a/y.ia-'.Ss:, Polybe, n, 66. Pour les Spiegel, Beitrage zur vergl. Sprachforschung, 1.1, p. 131,
sieges, les Syriens avaient un grand nombre de machines, , etc.) est aujourd'hui reconnue par les meilleures autorites
anciennes et nouvelles, qui lancaient des traits enflam- cornme a tout le moins douleuse. Fr. Lenormant la tient pour
mes, des Heches et des pierres. I Mach., vi, 51. Les auteurs radicalernent fausse (Les origines de I'ldstoire, t. n, p. 378).
:
des livres des Machabees parlent aussi des vaisseaux des Max Muller, La science du langage, l re serie, traduction
rois d'Antioche. I Mach., i, 18; xv, 3, 14, 37-38; II Mach., j francaise, p. 260, est du meme avis. Moins probable encore
iv, 20; xiv, 1. Voir Rtistow et Kochly, Geschichte der j est 1'opinion de Wahl. Asien, p. 8<J7, Anrnerk. 11, cite
grlechischen Kriegswesens, in-8, Argovie, 1852; G. Busolt I par Rosenmuller, Handb. der biblisch. Alterth., 1.1, p. 267,
ARMENIE 1002
qui fait deriver Armenie du har-Minni du Targum de aussi pour designer FArmenie. On aurait eu d'abord ar-
Jonathan, et 1'explique par liar (hebreu) = montagne, et urtu, puis ur-artu. Mais Fr. Lenormant n'etend cctte
mino (zend) = ciel. Sir H. Rawlinson suggere le dieu etymologie qu'a FArarat des Rois, d'Isaie et de Jeremie;
Armennu, qui, suivant une inscription cuneiforme mytho- celui de la Genese aurait une autre origine. Ce serait
logique, etait adore a Suse (G. Rawlinson, Herodotus, 1'appellation Aryaratha, c'est-a-dire char des Aryas ou
t. iv, essay in). Une autre etymologie a ete recemment des illustres, parce qu'autour du sommet de 1'Aryaratha
proposee par M. Darmesteter, Journal asiatique, jan- etait cense tourner le char des sept Maharschis brahma-
vier-fevrier 1891, p. 140. D'apres ce savant, Fappellation niques, des sept Amescha-cpentas mazdeens, envisages
perse Armina (de laquelle 'Apfxevta est derivee) est un comme les sept etoiles de la Grande-Ourse; appellation
nom artificiel forme par les Perses, dans le but de reunir que les tribus aryennes donnaient au massif montagneux
dans un meme nom les deux Etats principaux de FAr- qu'elles consideraient comme le berceau de Fhumanite.
menie : 1'Ararat et le Minni. Lenormant, Les origines, t. n, p. 36 et suiv. Cf. Obry,
B] Ararat. L'Armenie ni aucune de ses provinces Le berceau de I'cspece humaine, p. 8. Ce point de 1'hypo-
n'est jamais de'signee par ce nom dans les inscriptions these de Fr. Lenormant a ete vivement conteste par le
vanniques. Les rois d'Armenie appellent toujours leur P. van den Gheyn, Le sejour de Vhumanite postdilu-
pays Bialna. En revanche, ce meme pays de Biaina est vienne, dans la Revue des questions scientifiques, 1883,
constamment appele Urartu dans les inscriptions cunei- t. xin, p. 454 et suiv. Quelques auteurs ont cru trouver
formes d'Assyrie. Le nom Urartu se Jit pour la premiere une designation de FArmenie dans Faita^ Aeyo^evov har-
fois dans le recit d'une carnpagne de Salmanasar II (860 mondh. Amos, iv, 3. Plusieurs des anciennes versions,
avant J.-C.). II serait pourtant beaucoup plus ancien encore prenant la premiere syllabe pour le mot har, y ont vu un
suivant quelques savants, tels que Fr. Lenormant, Les nom de montagne. Ainsi les Septante traduisent el; TO
origines, t. n, p. 38, et H. Sayce, Journal of the Royal opo; TO 'Po(ijj.iv (variante: 'Psjji[j.iv). Theodotio"., cite par
Asiatic Society, t. xiv, p. 392, qui identifient 1 Urartu des saint Jerome : mont Mona, et cite par Theodoret: Cxl/^^bv
Annales des rois de Ninive avec FUrtu d'une tablette opoc. Aquila, cite par saint Jerome, avait mont Armona;
bilingue. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. n, Symmaque, cite par saint Jerome et par Theodoret, portuit:
p. 48, recto, 1. 13. M. H. Sayce place ce document au en Armenie. Saint Jerome a opte pour ce dernier sens
xvie ou au xvne siecle avant J.-C. Quelques-uns pensent et traduit : Et projiciemini in monies Armenia? quss
aussi que le nom Urartu doit encore etre identifle avec vocantur Armona. Bochart, Phaleg., 1,3,1.1, col. 20, edit,
I'Arardu (Cuneiform Inscriptions of Western Asia,t. i, de Leyde, 1692, penche pour la lecon mont Mona, et
p. 18, 1. 58) des Annales d'Assurnasirpal (885-860). suggere Identification Mona = Mini = Minyas. Cf. Gese-
D'apres sir H. Rawlinson (dans 1'Herodotus de G. Raw- nius, Thesaurus, p. 390; Rosenmuller, Scholia in Vet.
linson, t. iv, essay in, On tJie Alarodians of Herodotus) Test., Amos, iv, 3; Keil, Die zwolfkleine Propheten, 1888,
et Fr. Lenormant, Les origines, t. n, p. 372 et472, le nom note, p. 193. Voir ARMON.
des Alarodiens d'llerodote, in, 94, ne serait qu'une 2 SONS QUI NE SE RAPPORTENT QU'A UXE PARTIE DE
variante de celui des Urartiens des textes cuneiformes. L'ARMENIE. A) Menni (hebreu : Minni. Jer., LI, 27).
Cette opinion est generalernent admise. Enfin le nom Quelques ecrivains, par exemple Bochart, Phaleg., col. 20,
d1 Ararat se retrouve sans deguisement dans celui d'Ai- 1. 19, avaient cru que le nom de Minni s'etait etendu, au
rarad, que les auteurs armeniens de notre ere donnent au moins a une certaine epoque, a toute FArmenie. Cetle
bassin de FAraxe, depuis Fendroit ou ce fleuve franchit opinion, basee sur le har-Minni = Armenie, dont nous
1'Aghri-Dagh jusqu'a son confluent avec le Kizil-tcha'i, avons deja parle, n'a jamais ete tres repandue. Toutefois
a peu pres a la hauteur du vieux Djoulfa. Moise de il est generalement admis que le pays de Mcnni ou Minni,
Khorene, i, 15, fait deriver le nom d'Airarad du roi Ara associe par Jeremie a ceux d'Ararat et d'Ascenez, etait
le Beau, sans expliquer le second element, arad; car nulle une pj^ovince de FArmenie ; mais on ne s'accorde pas sur
part, ni dans Yhistoire ni dans la geographie de cet auteur, la position de cette province. On Fa d'abord identifiee
je n'ai trouve Fexplication arad =- iletrissure, que donne avec le Minyas, au pied du mont Baris (le Masis des
Gesenius, Thesaurus, p. 155 (probablement d'apres la Armeniens, notre, mont Ararat), dont parle Josephe, Ant.
traduction latine des freres Whiston), et que repete Fr. jud., I, in, 6, d'apres Nicolas Damascene. Mais ou est
Lenormant, Les origines, t. n, p. 36. Cf. Rosenmuller, exactement le Minyas de Nicolas Damascene? Sainl-
Handbuch der bill. Alterth., t. i, p. 260. A peu pres tous Martin, Memoires, t. i, p. 250, pense que c'est la ville
les auteurs contemporains derivent Ararat de 1'assyrien de Manasguerd des historiens d'Armenie ^Mantzikiert ile
Urartu. Quant a Fetymologie du mot Urartu lui-meme, Constantin Porphyrogenete et de Cedrenus), maintenant
les opinions varient. Sir H. Rawlinson (dans G, Rawlinson, Melazguert, dans la vallee du Mourad-Sou (Euphrate orien-
Herodotus, t. iv, essay in) se demande si ce mot ne seiait tal; Arzanias des classiques), Cette opinion, adoptee pur
pas un compose de ur, lune, et aredh, terre; Gesenius, Thesaurus, p. 807, etc., est vieillie. Les textes
Urartu serait alors un synonyme de Chaldee, en sup- cuneiformes ayant revele Fexistence du peuple de Man ou
posant que ce dernier nom vienne de Khaldi, le dieu Mun (Schrader, Keilinscltriften und Alte Testament, 1883,
supreme des Urartiens et que sir H. Rawlinson croit etre p. 423), on s'empressa d'identifier Minni= Minyas avec la
le dieu Lune. Cette hypothese serait en accord avec Fopi- ville acluelle de Van, le m en assyrien s'echangeant faci-
nion de ceux qui croient que les anciens Chaldeens avaient lement centre un v. Voir Fr. Lenormant, Lettres assy-
d'abord habite FArmenie, mais a une epoque fort ancicnne riologiques, t. i, p. 22; Babelon, Histoire ancienne de
(H. Rawlinson, loc. cit.) et non, comme le voulaient Gese- VOrient, t. iv, p. 245; A. Delattre, Esquisse de geographie
nius, Thesaurus, p. 270; Heeren, Politique et commerce assyrienne, dans la Revue des questions scientifiques,
des peuples de I'antiquite, p. 169, et d'autres, jusqu'au t. xiv, 1883, p. 125 et passim. D'apres une vue plus
vin e siecle avant J.-C.; ce dernier point avant ete reconnu recente, le pays de Minni doit etre transporte plus a Fest
comme faux depuis le dechiffrement des inscriptions cunei- encore. M. Sayce, dans le Journal of the Royal Asiatic
formes. G. Rawlinson, The five great monarchies, i, Society, t. xiv, p. 389 et 400, soutient, non sans beaucoup
ch. in; Tiele, Rabylonisch-assyrische Geschicltte, p. 65. de vraisemblance, que le royaume de Minni = Minyas =
M. Sayce, The Cuneiform inscriptions of Van, dans Man se trouvait sur le littoral sud-ouest du lac d'Ourmiah.
le Journal of the Royal Asiatic Society, t. xiv, p. 394, R) Thogormah (hebreu : Tdgar/nd/i; Septante: 0op-
suppose que Urtu est une contraction de Urartu; mais de va[A, opyofjii). On le rencontre quatre fois dans la Bible,
ce dernier il ne donne aucune etymologie. D'apres Fr. a savoir : Gen., x, 3, et I Par., i, 6, ou Thogormah e?t
Lenormant, Urartu se compose de a/% montagne, et urtu, nornme a cote d'Ascenez et de Riphuth. les deux autres fils
pays eleve, appellation dont les Assyriens se servaient de Gomerj et Ezech., xxvn, 14; xxxvui, 6. A part
1003 1004
quelques interpretations extravagantes, qui ont vu dans rite de ses chevaux (ITomere, Iliad., in, 185; Claudien, Laus
Thogormah les Boreades et les Goths (par exemple, le seren., 191), 1'Armenie ne 1'etait pas moins. Strabon, xi,
Chronic. Paschale, 27, t. xcn, col. 120, Patr. gr.), ou 14,9; cf. Herodote, 1,194. D'ailleurs les deux peuples etaierit
bien encore les Turcs et les Hpngrois (Joseph ben-Gorion, apparentes Tun a 1'autre. Les Armeniens etaient une colo-
dans Bochart, Phaleg., t. i, Leyde, 1692, col. 198 et 199), on nie des Phrygiens, 7101x01, Herodote, vu, 73, et ils avaient
pent reduire a deux toutes les identifications proposees garde dans leur langage des traces de leur origine: ivj
jusqu'ici : 1'Asie Mineure (Phrygie et Cappadoce) et 1'ouest <Pwvrj uoXXa ypvyt'^ova-tv. Eudoxe, dans Etienne de Byzance,
de la Grande Armenie. Josephe, Ant. jud., I, vi, 1; au mot 'Ap[xevia. Cependant la grande majorite des geogra-
S. Jerome, Qimst. hebr. in Gen.,*, 3, t. xxm, col. 951, phes, par exemple H. Kiepert, Monatsberichte de 1'acade-
et Zonaras, Ann., i, 5, identifient Thogormah avec la mie de Berlin, 1859, p. 201; des archeologues, notam-
Phrygie. C'est aussi 1'opinion des Targums (Targum de ment Fr. Lenormant, Les origines, p. 402 et suiv., et des
Jerus., Gen., x, 3), car c'est la Phrygie que ceux-ci sem- exegetes modernes se rangent a 1'identification de Tho-
ifio 2ogKiL
Went designer sous le nom de Barbane. Bochart, Phaleg., gormah avec 1'Armenie occidentale, sur la rive gauche de
col. 170; Fr. Lenormant, Les origines, t. n, p. 401 et 1'Euphrate, avant sa reunion avec le Mourad-Sou. Telle
suiv. Eusebe, Chronic, bipart., edition Aucher, n, p. 12; est en particulier 1'opinion de Dillmann, Genesis, 1886,
George le Syncelle, le Scholiaste grec d'Ezechiel, xxxvm, p. 172; du P. Knabenbauer, Ezechiel, p. 274. Smend,
6, dans le manuscrit de la version des Septante de la Ezechiel, 1880, p. 202, accepterait indifferemment la
bibliotheque Vaticane, et peut-etre aussi les docteurs du Phrygie, la Cappadoce ou 1'Armenie. Franz Delitzsch,
Talmud et du Midrasch (voir Lenormant, Origines, n, Genesis, 1887, p. 205, opinerait volontiers pour I1 Armenie
p. 402) identifient Thogormah avec 1'Armenie. Bochart occidentale; mais il est tente d'y substituer la province
penche pour la Cappadoce et se prevaut de la lecon Oopyajxa de Melitene, sur la rive droite du fleuve, et cela parce
des Septante, pour suggerer 1'assimilation des Trocmes ou que son fils Friedrich a propose d'identifier le Thogormah
Trogmes des classiques (Strabon, IV, i, 13; XII, v,l-2, etc.) d'Ezechiel avec la ville de Til-Garimmu, que les textes
au Thogormah de la Bible. Phaleg-, col. 178. Ce dernier assyriens nous disent avoir existe dans cette province.
point n'est pas acceptable, les Trocmes ne s'etant guere Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 246; Dillman,
etablis en Galatie et en Cappadoce qu'au uie siecle avant loc. cit., pensent que cette identification n'est pas suffi-
J.-C. Lenormant, Les origines, t. n, p. 405. II est d'ailleurs samment prouvee. Cf. Schrader, Die Keilinschriften
assez difficile de se prononcer, 1'Armenie et la Cappadoce, und das Alte Testament, 1883, p. 85; Lenormant, Les
ou la Phrygie, donnant egalement satisfaction aux deux origines, t. n. p. 408 et suiv.
passages d'Ezechiel. La Phrygie comme 1'Armenie et la II. GEOGRAPHIE. L'Armenie est un massif montagneux,
Cappadoce sont egalement au nord relativement a la compris entre les 36 et 44 de longitude est Paris, d'une
Palestine. Si la Phrygie etait renommee pour la superio- part, etjes 38 et41 de latitude nord, d'autre part. Cepen-
1005 ARMENIE 1006
dant la surface quadrangulaire, limitee par ces quatre lignes tournee vers le sud. Aux temps prehistoriques. cette chaine
extremes, englobe certains pays qui n'ont jamais ete arme- devait, dans la premiere partie de son cours, separer la
niens, au sens propre du mot, et, en retour, la domina- vallee du Mourad-Tchai de celle du Tigre orienlal, comme
tion et riniluence armeniennes ont frequemment depasse plus loin elle la separe du bassin du Tigre occidental.
ces limites, a 1'ouest de 1'Euphrate surtout. Deja, au temps Une depression survenue a son centre a cree le bassin
des Remains, une partie de 1'Asie Mineure occidentale du lac de Van; en sorte que la chaine semble se bifur-
etait devenue YArme'nie Mineure, le grand massif dont quer, presque des son origine, en deux rameaux qui
nous avons parle ayant pris le nom d'Armenia Majeure. enlourent le lac el se rejoignent au sud-ouest, pour con-
Nous etudierons rapidement : A, la geologic; B, Foro- linuer ensuite vers Fouest sous la forme d'une chaine
graphie; C, Fhydrographie : D, le climat; E, les produc- unique, jusqu'a la profonde crevasse ou coulent les eaux
tions ; F, la population de FArmenie. reumes des deux Euphrates.
A) Geologie. Le massif de FArmenie consiste en On ne saurait dire quels noms les geographes classiques
chaines de montagnes paralleles, reliees par de hauls donnaient a ces deux chaines et a leurs differenles parties.
plateaux au-dessus desquels elles ne s'elevent pas consi- Us les designent parfois sous le nom general de Taurus,
derablemenl. Ces chaines suivent la meme direction que qui s'appliquail aussi el principalement aux montagnes
celles du Caucase, de 1'Asie Mineure et du Kurdistan; de la Cilicie. Toutefois il est a peu pres certain que FAla-
d'ailleurs elles sont dues aux memes causes que celles-ci; Dagh, au nord du lac de Van, est le mont Niphales des
elles remontent a la meme epoque et sont composees des anciens. Aucun des nombreux noms de montagnes qu'on
memes roches. Ces roches sont, en tres grande partie, lit dans les annales des rois d'Assyrie n'a pu etre idcn-
d'origine plutonienne, et dans Fespece le trachyte et le tifie. Voir ARARAT.
porphyre y sont plus communs que le granit et la syenite. C) Hydrographie. Les trois fleuves principaux de
A la fin de 1'epoque tertiaire, 1'Armenie avait deja le relief 1'Armenie sont : FEuphrate, le Tigre et FAraxe. Voir ces
et 1'aspect general qu'elle presente au jourd'hui, et la mots. L'Armenie possede un grand nombre de lacs; en
pe'riode d'activite volcanique avait commence. Celle-ci general ils ne sont pas tres considerables. Les deux prin-
fut de tres courte duree sur les hauls plateaux : elle ne cipaux sont : celui de Sevanga et celui de Van. Le lac
reussit meme pas a y former de vrais crateres d'eruption, du Sevanga (Lychnitis des anciens, Gueuk-Tchai des
sans doute a cause de la Irop grande resistance des assises Turcs) occupe une vaste depression au cenlre de la
plutoniennes. En revanche elle s'exerca libremenl le long chaine de FAnli-Caucase. II se deverse dans FAraxe par
des grandes lignes de dislocation, ou elle crea de gigan- le Zengui-Tchai, au nord-ouest. Le lac de Van (peut-
tesques cones de soulevements : par exemple, sur le elre la mer superieure du Na'iri des texles assyriens,
rebord meridional du haul plateau qui domine la vallee le Thospitis des classiques) est le lac, ou plutot la mer
de 1'A.axe au nord (Ala-Gueuz, 4100 m ), el sur le rebord armenienne par excellence.
septenlrional du haul plaleau qui domine celte meme vallee D) Climat. L'Armenie doit les particulariles de son
au sud : le grand el le pelil Ararat, respectivement 5 160m climal a sa grande elevalion, qui esl de 1 500 a 2000 melres
et4000 m ; le Tandourek, 3300; 1'Ala-Dagh, 3520, et en moyenne, ainsi qu'a la grande mulliplicile de ses lacs
toute la rangee des cones qui jalonnent 1'Aghri-Dagh, a el au voisinage de la mer Noire. L'humidile esl assez
1'ouest de FArarat; de meme encore sur les bords du lac considerable : on evalue a cinquanle centimetres la quan-
de Van : le Seipan-Dagh, 3800 au nord, et le Nimroud- lile moyenne de pluie que recoivenl les hauls plateaux. II
Dagh, 2600 a 1'ouest. Sur ces differents points, Faction n'y a guere que deux saisons : Fhiver el Fe'le; les exlre-
volcanique ful persistante autant qu'energique, et finit par mes observes du jour le plus froid au jour le plus chaud
ouvrir une longue ceinture de craleres d'eruption, d'oii de Fannee sonl de 25 el de + 44 degres, meme et
s'echapperenl de fortes coulees de laves et d'autres roches surtoul dans la plaine de FAraxe.
volcaniques, qui couvrirent comme d'une serie de man- E) Production. Les monlagnes de FArmenie sont
teaux les anciens cones de soulevement. Celle aclivite des completcmenl denudees. On n'y renconlre d'aulres arbres
forces interieures survecut a 1'epoque tertiaire; elle etait que ceux qui ont ete plantes de la main de 1'hornme,
encore puissante a Faurore des lemps hisloriques, et autour des villages. Ces vergers sonl generalemenl d'une
maintenant elle n'esl pas encore completement eteinte. fraicheur et d'une fertilite surprenanles. La vigne esl cul-
S) Orographie. On peut reduire tout le systeme oro- livee avec succes dans les vallees, principalement dans
graphique de FArmenie a deux grandes chaines (lig. 273). celle de FAraxe et tout autour du lac de Van. Dans quel-
L'une part du mont Ararat, d'ou elle se dirige vers 1'ouest ques endrcits tres abrites, Foranger et le citronnier vivent
en decrivant une courbe, dont la convexile esl lournee vers en pleine terre; rnais nulle parl ne croit Folivier. On cul-
lenord, et qui se termine au Bin-gueul-Dagh; puis elle live le fromenl jusqu'a dix-huil cenls melres, el a deux
se continue, toujours vers Fouest, presque en ligne droite, mille cenl melres on trouve encore des orges. Les hauls
s'abaissant graduellement, el s'arrete enfin brusquement plateaux abondent en excellents patui'ages, qui nourris-
pour livrer passage a FEuphrate. Du monl Araral au senl des milliers de moulons a grosse queue. Le gros
Bin-gueul-Dagh, celte imporlante chaine separe les deux gibier, manquant d'abris, est fort rare. Les lacs et les
grandes vallees de FAraxe el du Mourad-Tchai; a parlir du rivieres abondenl en palmipedes. La perdrix pullule par-
Bin-gueul-Dagh, elle divise les bassins du Kara-sou ou lout. Les corneilles sont presque aussi communes, pres
Euphrate occidental (le veritable Euphrate), de celui du des villages, que les passereaux chez nous. Les deux
Mourad-Tchai, ou Euphrate oriental. Sa longueur totale animaux domestiques par excellence sonl le cheval el le
esl d'environ 700 kilometres. Du Bin-gueul-Dagh se de- buflle. Noire vache domeslique y esl rare. Peu de conlrecs
tache, an nord, une ramification puissante, qui s'etend sonl aussi riches que FArmenie en sources mineralcs
jusqu'a la grande chaine du Caucase, formanl le faite de chaudes ou froides. II paraitrait que certains districts
separation entre les vallees de FEuphrale et de FAraxe contiennent d'imporlants gisements de charbon. Nulle
d'abord, puis enlre les bassins de la mer Noire et de la part on ne s'en sert. On brule generalemenl des galelles
mer Caspienne. A peine arrivee au quart de sa course, failes de bouse de buflle avec une faible proportion de
elle pousse deux branches vigoureuses: Fune, a droite, paille hachee. *
qui separe les deux vallees de FAraxe et du Kour; Fautre, F) Population. Elle esl Ires melangee; les Arme-
a gauche, qui, apres avoir divise les eaux de FEuphrate niens el les Kurdes y sonl en nombre a peu pres egal;
de celles de la mer Noire, va se perdre dans les hauls ils formenl ensemble la moilie de la population; Fautre
plateaux de la Cappadoce. La seconde chaine part aussi moilie est turque ou lurcomane. Telle esl au moins la
du monl Ararat, et, de meme que la premiere, commence proportion dans les deux vilayels d'Erzeroum et de Van;
pur de'crire une courbe, dont la convexite toutefois est les Armeniens sont relativement beaucoup plus nombreux
1007 ARMENIE 1008
dans la vallee de I'Araxe. L'Armenien est trapu et vigou- ner sa fortune. Son successeur Ursa, homme aussi diplo-
reux; il s'entend a 1'agriculture, mais plus encore au mate que belliqueux, lutta heroiquement, mais en vain.
commerce, dont il est le roi en Orient. Les centres d'ha- I/Urartu ne fut pas moins maltraite que le royaume d'ls-
bitation sont loin d'avoir 1'importance et la population rael, qui avait succombe quelques annees auparavant
dont ils jouissaient 3'rant les invasions arabes et tartares, sous les coups du conquerant assyrien. Ursa prefera se
qui ont decime ou chasse les habitants. donner la mort que de tomber aux mains du vainqueur.
III. HISTOIRE. II est demontre que, dans les temps Neanmoins, grace a ses montagnes presque inaccessibles
historiques, I'Armenie a ete habitee par deux races diffe- et a son eloignement, 1'Urartu se releva insensiblement
rentes : une race blanche allophyle et une race aryenne. et vecut en assez bons termes avec sa puissante voisine,
A) La race blanche allophyle est celle que la table jusqu'au jour ou la fortune de celle-ci commencant a
ethnographique de la Genese,. x, 2, designe soils le nom decliner, les Medes, entrainant les Urartiens a leur suite,
ethnique de Magog (Lenormant, Les origines,\. n , p. 470 allercnt se joindre aux Chaldeens pour renverser defini-
et suiv.; Histoire ancienne, t. i, p. 295 et 302), second tivement le colosse ninivite, qui les avait tous opprimes
fils de Japhet. Elle correspond aux Alarodiens et aux pendant si lorigtemps.
Saspires d'Herodote. Par les traits physiques elle se rat- Les Urarjicns adoraient le dieu Khaldis, leur dieu
tache incontestablement au type de la race aryenne; national, et d'autres dieux. dont quelques-uns, quarante-
mais elle s'en distingue radicalement par sa langue. Cette six environ, ont chacun leur nom, tandis que d'autres sont
race semble avoir d'abord habite les vallees du Kour et designes par le titre d'en fants de Khaldis, Khaldis est
de I'Araxe, d'ou elle se serait repandue dans les monta- generalement associe aux dieux de 1'Air et du Soleil
gnes et sur les hauts plateaux de I'Armenie, a une epoque (Telsbas et Ardinis, suivant M. Sayce). Cette triade su-
difficile a preciser. La elle etablit un royaume que les preme semble empruntee du Pantheon assyrien; suivant
monuments indigenes nomment Bia'ina, tandis que les M. Sayce, les Urartiens avaient aussi pris des Assyriens le
monuments assyriens 1'appellent Urartu; on peut expli- culte de la deesse Istar, la seule divinite feminine de leur
quer ce disaccord apparent en supposant que le royaume Pantheon. D'ailleurs il est demontre que le syllabaire
d'Urartu designait primitivement la vallee de I'Araxe, vannique est d'origine assyrienne: il fut introduit par Sar-
1'Ararat de Mo'ise de Khorene, et que ce royaume ayant duris I er , et meme les deux inscriptions que nous avons de
ete dans 1'origine le plus puissant de I'Armenie, les Assy- ce roi sont redigees en langue assyrienne. La langue
riens prirent 1'habitude de designer le pays tout entier employee par les successeurs de ce roi n'a rien de semi-
par le nom d'Urartii, meme apres que le royaume de Van, tique ni d'aryen. Fr. Lenormant a ete le premier a mon-
Bia'ina des textes vanniques, lui eut ravi 1'hegemonie dc trer qu'elle eVait etroitement npparentee au georgien, et
TArmenie. cette decouverte a ete confirmee par les etudes des savants
Quant a la capitale, la ville de Van actuelle, elle est qui se sont occupes apres lui de la langue des anciens
appelee D/tuspas par les inscriptions vanniques, et Tur- Armeniens. Les arts industriels de 1'Urartu, tels que
uschpa par les textes assyriens. L'histoire de 1'Urartu = nous les connaissons d'apres les objets de bronze ou autres,
Bia'ina nous est connue par les annales des rois d'Assyrie trouves dans les fouilles de Toprak-Kaleh, pres de Van,
et par les monuments indigenes. Ceux-ci sont en trcs sont egalement empruntes des Assyriens.
grande partie de colossales inscriptions sculptees sur la Le quatrieme livre des Rois et celui d'lsa'ie, xxxvn, 38,
face prealablement aplanie des rochers, ou des inscrip- nous disent qu'Adramelek et Sarasar, apres avoir assas-
tions votives gravees sur des steles, dont quelques-uncs sine leur pere Sennacherib, s'enfuirent en Ararat. D'apres
semblent avoir servi d'autels. On a trouvo aussi quelques Mo'ise de Khorene, qui s'appuie sur le temoignage de
fragments de boucliers avec des inscriptions dedicatoires Mar Apas Catina (Moise de Khorene, i, 32, dans la Collec-
aux dieux nationaux. Perrot, Histoire de I'art dans I'an- tion deshistoriensanciens et modernes del'Annenie, par
tiquite, t. n, p. 756. Langlois), Sarasar ou Sannasar se serait etabli dans la
Voici, d'apres les monuments des deux pays, la lisle montagne de Sim, entre le Murad-Sou et le Tigre occi-
synchronistique des rois d'Urartu et d'Assyria, pour Fepo- dental. Adramelek ou Atramelek, appele aussi Arkamozan,
que qui nous occupe. aurait eu en pai'tage les montagnes au sud du lac de Van.
C'est de ce dernier que descendraient les deux grandes
Rois d'Assyne. Rois d'Armenia. families des Ardzrouniens et des Kenouniens. La famille
des Ardzrouniens acquit une influence considerable en
859-825. Salmanasar II. Arram, vaincu en 857 et 845. Armenie, a 1'epoque des invasions arabes, et fonda un
Lutipris. royaume qui eut Van pour capitale (908-1080). Un de ses
Sarduris I, vaincu en 833. rois les plus fameux, Sennacherib ('1003-1021), fonda le
824-812. Samsi-Ramman III. Ischpuinis. fameux monastere dit maintenant les sept eglises , dans
811-783. Ramman-Nirar III. Menuas. la rnontagne de Varak, a Test, et pres du lac de Van. Cf.
7S2-773. Salmanasar III. Argischtis I. Moise de Khorene, Histoire d'Armenie, passim, dans la
772-755. Assurdan III. Collection de V. Langlois, et aussi Dulaurier, Historiens
754-746. Assur-Xirar II. Sarduris II. armeniens [dans les Historiens des Croisades], Chrono-
745-728. Theglathphalasar II. battu en 74.3. logie annenienne, etc. Le souverain d'Armenie qui
accueillit si bien les deux parricides est probablement
722-705. Sargon. Ursa, vaincu, se suicide en 714. 1'Argischtis II des inscriptions vanniques. Moise de Kho-
Argischtis II intrigue en 708. rene, i, ch. xxin, le nomme Sga'iorti.
704-681. Sennacherib. B) Race anjenne. Cette race est designee dans la table
6S1-669C?) Asarhaddon. Erim^nas. ethnographique de la Genese, x, 3, par I'elhnique Tho-
639-626 (?) Assurbanipal. Rusas. gormah, troisierne fils de Gomer. D'apres Fr. Lenormant,
Sarduris III. les fils de Gomer, apres avoir erre dans les grandes plaines
au nord du Caucase et du Pont-Euxin (plaines ou ils habi-
Les deux rois d'Urartu les plus celebres sont Menuas j talent probablement encore au temps de la redaction de
et son fils Argischtis Ier. Celui-ci porta a son apogee la ' la table ethnographique), continuerent, en descendant sur
gloire militaire de son pays; c'etait a une des periodes i le bassin inferieur du Danube, la migration qu'ils avaient
d'abaissement de 1'Assyrie. Sarduris II ne fut pas moins commencee sur les hauts plateaux de 1'Asie centrale. De
heureux que son pere, pendant les premieres annees de la ils passerent en Thrace; puis, franchissant 1'Hellespont
son regne; mais 1'Assyrie s'etant relevee plus forte que et le Bosphore. ils penetrerent dans 1'Asie Mineure. Les
jamais avec Sargon, le roi d'Urartu vit rapidement decli- uns (Ascenez) s'etablirent dans la partie occidentale,
1009 A R M E N I E A R M E N I E N N E ( V E R S I O N ) DE LA RIBLE 1010
et plus speeialement dans la Phrygie; les autres (Riphath) d'Ararat (en armenien), in-4, Venise (recent); P. Miiller-
s'arreterent en Paphlagonie; les derniers enfin, la race de Simonis et Henri Hyvernat, Du Caucase au golfe Per-
Thogormah, pousserent plus a 1'orient encore, et com- sique a travers 1'Armenie, in-4, Paris, 1892. Pour
mencerent a envahir TArmenie. G'etait environ au vme ou 1'histoire et les antiquites : Fr. Lenormant, Histoire
vne siecle avant J.-C. Get envahissement de 1'Armenie ancienne de VOrient, 6 in-8, Paris, 1881-1888, t. iv,
par les nouveaux venus se fit lenteraent. Ils occuperent p. 241 et suiv.; Tiele, Babylonisch-assyrische Gescliichte,
d'abord la partie occidentale, le Thogormah d'Ezechiel, in-8, Gotha, 1886; Schulz, Inscriptions cuneiformes
sans toucher aux royaumes d'Urartu ou Ararat et de Man copiees d Van et dans les environs, dans le Journal asia-
ou Minni, ou habitaicnt encore les Urarfiens ou Alaro- tique, in6 serie, t. ix, 1840; Hincks, On the Inscriptions
diens. Ce n'est guere, dit Fr. Lenormant, Histoire, t. I, of Van, dans le Journal of the Royal Asiatic Society,
p. 294, qu'a la fin du vu e siecle ou au commencement du t. ix; Fr. Lenormant, Sur I'ethnographie et 1'histoire de
"vie que les Armeniens proprement dits, les fils de Tho- 1'Armenie, dans les Lettres assyriologiques, t. i, p. 117
gormah, firent la conquete de ces contrees, ou plus et suiv.; Mordtmann, Entzifferung und Erklarung der
lard une infiltration lente de nouveaux elements ethni- armenischen Keilinschriften von Van, dans la Zeit-
ques, sous la domination perse, en fit un peuple entiere- schrift der deutsclten morgenldndischen Gesellschaft,
ment iranien de langue et meme de type physique, comme t. xxxi et xxxn; Sayce, The Cuneiform inscriptions of
le sont les Armeniens modernes. Van, dans le Journal of the Royal Asiatic Society, t. xiv
Le defaut de documents authentiques ne nous permet et xx (contient une bibliographie complete des inscrip-
pas de preciser Fepoque a laquelle la race aryenne arriva tions de Van); Tchamitchian, Histoire d''Armenie, 3 in-4,
au gouvernement du pays; ce ne fut probablement pas Venise, 1784-1786 (en armenien); Avdall, History of
avant la chute de Ninive; tandis que le Tigrane Ier de Armenia, 2 in-8, Calcutta, 1827 (traduction abregee du
Moise de Khorene, dont les recits, a dater de ce roi, ont precedent); Indjidjian, Antiquites armeniennes, 3 in-4,
quelque vraisemblance, semble avoir appartenu aux nou- Venise, 1835 (traduit par Cappelletti en italien, 3 vol.,
veaux venus. Quoi qu'il en soit, on ne saurait douter que Turin, 1841); Cappelletti, L'Armenia, in-8, Florence, 1841;
les premiers rois de la nouvelle race, comme les derniers Hamilton, Researches in Asia Minor, Pontus and Arme-
de 1'ancienne, n'aient ete sous la dependance directe des nia, 2 in-8, Londres, 1842; Brosset, Voyage archcolo~
Medes et des Perses. Ils n'y echapperent que pour passer gique dans la Georgie et 1'Armenie, in-8,.avec atlas,
sous la domination d'Alexandre le Grand (328) et des Saint-Petersbourg, 1851; Victor Langlois, Collection des
Seleucides, ses successeurs. L'Armenie fut alors adminis- historiens anciens et modernes de 1'Armenie, 2 in-8,
tree par des gouverneurs indigenes nommes par le suze- Paris, 1869. H. HYVERNAT.
rain. Le dernier de ces gouverneurs, Ardavatz, fut chasse
par Arsace le Grand ou Mithridate, qui etablit son frere A R M E N I E N N E (VERSION) DE LA BIBLE. Nous
Valarce roi d'Armenie (149). C'est ainsi que commenca traiterons : I. de 1'histoire de la version armenienne;
la dynastie armenienne des Arsacides, qui se maintint II. des principales editions; III. de la nature et de 1'im-
tant bien que mal jusqu'en 428 apres J.-C., epoque ou portance de la version armenienne.
elle tomba sous les coups des Sassanides. I. Histoire de la version armenienne. Des que
On a pretendu que les Ilebreux avaient connu 1'Arme- Mesrob cut fixe 1'alphabet armenien (406 apres J.-C.), il
nie par les Pheniciens (Lenormant, Origines, n, 408), et entreprit, sous la direction du patriarche Isaac, et avec
que les textes bibliques montrent clairement la progres- 1'aide de ses principaux disciples, Jean d'Egueghiatz et
sion dans la connaissance de 1'Armenie chez les auteurs Joseph de Baghin, une traduction des vingt-deux livres
sacres. Personrie ne voudrait nier le premier point, pourvu canoniques de 1'Ancien Testament, et du Nouveau Testa-
que les autres sources d'information ne soient pas exclues. ment . Ce travail etait termine en 411. Voyez Gorioun,
Quant au second point, on peut conceder que la connais- Biographie de Mesrob, dans Langlois, Collection des
sance de FArmenie a dti progresser, chez les Hebreux, historiens anciens et modernes de 1'Armenie, 2 in-4",
comme loute autre connaissance; rnuis les textes bibli- Paris, 1869, t. n, p. 10; F. Neve, L'Armenie chretienne
ques ne le montrent pas. Le re'dacteur de la table ethno- et sa lilterature, in-8, Paris, 1886, p. 13, 22. Cf. Moi'se
graphique ne pouvait conriaitre le Thogormah d'Ezechiel, de Khorene, in, 53. Cette premiere version fut faite par
puisque cette race n'avait pas encore acheve sa migra- saint Isaac sur la version syriaque, dit 1'historien Moise,
tion ; mais cela ne prouve nullernent que Moise n'en in, 5't, parce qu'on ne possedait pas le texte grec, et
savait pas autant, sur 1'Armenie de son temps, qu'Eze- parce que, de plus, la langue syriaque avait ete, pour
chiel sur 1'Armenie du sien. didc-rentes raisons, la langue liturgique dans certaines
Voir, pour la geographic : Tournefort, Relation d'un contrees de rAnnenie , jusqu'ii 1'invention de 1'alphabet
voyage du Levant, 2 in-4, Paris, 1717; Morier, Voyage armenien par Mesrob. Voir Gorioun , Biographie de
en Perse, en Armenie, traduit de 1'anglais, 2 in-8, Mesrob, p. 11; Lazare de Pharbe, Histoire, x, dans Lan-
Paris, 1813; Kinneir, Voyage dans I'Asie Mineure, I'Ar- glois, Collection, t. n, p. 226. Cf. Saint-Martin, Memoires
menie, trad, de Fanglais, 2 in-8, Paris, 1818; Saint- historiques et geograpJiiques sur 1'Armenie, 2 in-8,
Martin, Memoires historiques et geographiques sur I'Ar- Paris, 1819, t. i, p. 11; Tchamitchian, History of Ar-
menie, 2 in-8, Paris, 1819; Jaubert, Voyage en Arme- menia translated by Avdall, 2 in-8, Calcutta, 1827,
nie et en Perse, in-8, Paris (sans date); Indjidjian, Des- 1.1, p. 239; R. Simon, Histoire critique des versions du
cription geographique de 1'Armenie ancienne, in-4, Nouveau Testament, chap, xvn, in-4, Rotterdam, 1690,
Yenise, 1832: Smith et Dwight, Missionary researches in p. 196. Ce premier travail, fait a la hate, sur des exem-
Armenia, in-8, Londres, 1834; Bore, L'Armenie, in-8", plaires quelconques, laissait sans doute beuucoup a desirer;
Paris, 1838; Southgate, Narrative of a tour through car, quelques annees plus tard, Isaac et Mesrob envoye-
Armenia,^, in-8, Londres, 1840; Fraser, Travels in Koor- rent a Edesse Joseph de Baghin avec un autre de leurs
distan, Mesopotamia, 2 in-8, Londres, 1840; Chesney, disciples, Eznik, afin qu'ils traduisissent en armenien les
The expedition for the Survey of the rivers Euphrates Saintes Ecritures sur le texte syriaque. Gorioun, Bio-
and Tigris,2 in-8, Londres, 1850; kmsworth,Travels and graphie de Mesrob, p. 11-12., D'Edesse les deux jeunes
Researches in Asia Minor, Mesopotamia, Chaldsea and gens se rendirent a Byzance, ou ils furent rejoints par
Armenia, 2 in-12, Londres, 18i2; Texier, Description d'autres disciples de Mesrob, parmi lesquels se trouvait
de 1'Armenie, 2 in-f, Paris, 1842; Deyrolle, Voyage Gorioun, 1'auteur de la Biographie de Mesrob. Ils pas-
dans le Lazistan et 1'Armenie, dans le Tour du monde, serent plusieurs annees a Byzance, et ils s'y trouvaient
t xxix, xxx et xxxi: Schweiger-Lerchenfeld, Armenien, encore a 1'epoque du concile d'Ephese (431). Leurs tra-
jn-8, lena, 1878; Alishan, Description de la province vaux termines, ils reprirent le chemin de TArmenie,
1011 A R M E N I E N N E ( V E R S I O N ) DE LA BIBLE 1012
ernpoiiant dans leur bagage litteraire les actes du concile Psaumes (Venise, 1587; Lemberg, 1616; Venise, 1642;
et des copies authentiques dcs Saintes Ecritures . Go- Amsterdam, 1661 [edit. Avedis] etl664 [edit. Garabed]),
rioun, ibid. Isaac et Mesrob chercherent immediatement bien que plusieurs imprimeries armeniennes eussent ete
a mettre ces dernieres a profit pour faire remanier 1'an- etablies, notamment a Rome, 1584; a Lemberg, 1616; a
cienne version faite sur le syriaque, en la confrontant Milan, 162i; a Paris, 1633; au nouveau Djoulfa, en Perse,
exactement avec les copies authentiques qu'on leur avait 1640, et a Livourne aussi en 1640. D'ailleurs toutes ces
apportees. Gorioun, ibid. Mais les traducteurs qui tra- imprimeries etaient assez mal montees. En 1656, le pa-
vaillaient sous lours ordres n'avaient pas une connaissance triarche Jacques IV, sincere catholique, envoya en Europe
suffisante de la langue grecque, et leur travail fut juge un de ses diacres, Matthieu de Dsar, pour y fonder un
par trop imparfait. On envoya done d'autres jeunes gens etablissement plus parfait. Matthieu s'etablit a Amsterdam
etudier le grec a Alexandrie. Moise de Khorene etait du en 1660; mais il ne publia rien des Saintes Ecritures, et
nombre de ceux-ci (Moise de Khorene, in, 61). Us rap- mourut presque aussitot. A la suite d'un concile tenu en
porterent sans doule d'Egypte d'autres exemplaires grecs 1662, le patriarche envoya Uscan, eveque d'Ouschovank
de la Bible, dont ils se servirent pour perfectionner le (dans la province d'Erivan; voir le sieur de Moni [Rich.
travail de leurs predecesseurs, en traduisant fidelement Simon], Histoire critique de la creance et des coutumes
sur le texte des Septante, d'apres les Hexaples d'Origene; des nations du Levant, in-12, Francfort, 1693, p. 219),
car les memes signes et asterisques se trouvent dans les pour remplacer Matthieu, et lui fixa comme mission spe-
anciens manuscrits armeniens de la Bible. Cf. P. Zohrab, ciale le soin de publier une edition complete de la Bible.
Bible armenienne, 4in-8, Yenise, 1805, introd., p. 6, 7. II vint d'abord a Rome, oil il sejourna quinze mois. Moreri,
Voyez Gorioun, Biographic de Mesrob, p. 11 et!2; Moise Dictionnaire, edit. de!759, t. x, p. 737, dit qu'il fut fort
de Khorene, in, 61; Tchamitchian, History of Armenia, bien recu du pape Alexandre VII. Plusieurs auteurs (Herbst,
t. i, p. 239. Langlois, Collection, t. n, p. 168, note, dit Histor.-kritische Einleitung, t. i, p. 225; Comely,Histo-
que cette version fut officiellement adoptee par les Peres rica et critica Introductio, t. i, p. 388, etc.) pretendent
du concile d'Aschdischad, en 434. Si le fait et la date sont qu'Uscan voulait d'abord etablir son imprimerie a Rome,
exacts, 1'approbation des Ptrcs ne pouvait guere se rap- mais qu'on ne le lui permit pas. Kaulen, Einleitung,
porter qu'a la premiere redaction de la version faite sur 174, p. 143, ajoute que ce fut parce qu'il avait retouche
le grec. Voir P. Donat-Vernier, Histoire du patriarcat sur la Vulgate 1'ancien manuscrit qu'il avait apporte d'Ar-
armenien calholique, in-8, Paris, 1891, p. 128-129. menie . Cette raison peut etre la vraie; mais il ne faut
Quelques auteurs, s'appuyant sur un passage de Bar- pas oublier que sept ans plus tard la Propagande, pour
Hebrscus, ont avance que la version armenienne avait ete des raisons que nous sommes loin de censurer comme
retouchee sur la Peschito. Mais 1'opinion de Bar-Hebraus Richard Simon, Histoire critique des versions, ch. xvm,
est une pure conjecture, que ne confirme aucun docu- p. 215, faisait imprimer une version arabe retouchee sur la
ment armenien ou syriaque. Pour les paroles de Bar- Vulgate. Nous croirions plutot que la congregation de la
Hebraus, voir Walton, Prolegomena, xm, 16; Wise- Propagande n'avait pas des preuves suffisantes de 1'ortho-
man, Horse syriacse, p. 142. Cf. Rhode, Gregorii Bar doxie d'Uscan; car ce n'est que quelque temps avant de
Hebrsei scholia in Ps. vet xvin, p. 74; Bredenkamp, mourir (1680) que Jacques IV redigea sa profession de foi
Ueberdiearmenische Vebersetzung des Alten Testaments, catholique. Somal, Quadro, p. 156. Michaelis, Introduc-
dans Eichhorn, Allgemeine Bibliothek, t. iv, p. 634 et tion, edit. Marsh, t. n, p. 103, s'appuyant sur Fedilion
suiv. On a aussi pretendu que la version armenienne avait complete de Chardin , affirme qu'Uscan voulut imprimer
ete retouchee sur la Vulgate par le roi Haiton II, a la fin la Bible armenienne en France, mais qu'il ne put en
du xin e siecle. La Croze, Thesaurus epislolicus, HI, 3 et obtenir 1'autorisation; je n'ai pu trouver ce detail dans
suiv., 69; Michaelis, Introduction to the New Testament, 1'edition de Langles, 1811, qui passe pourtant pour 1'edi-
edit. Marsh, 1823, t. n, p. 103. G'est la une affirmation qui tion la plus complete des osuvres de Chardin. Quoi qu'il
n'est rien moins que fondee. Voyez Alter, Philologisch- en soit, Uscan s'etablit a Amsterdam, ou il publia une edi-
kritische Miscell., Vienne, p. 140 et suiv.; Holmes, Prse- tion complete de la Bible, in-4, 1666, et une edition du
fatio in edit. LXX, cap. iv. L'histoire politique (Tcha- Nouveau Testament, in-8, 1668. En 1669, il obtint la per-
mitchian, History of Armenia, t. n, p. 263 et suiv.) et mission de transporter son imprimerie a Marseille, tine
1'histoire litteraire (Somal, Quadro della storia litteraria nouvelle edition du Psautier parut dans cette ville en 1677,
di Armenia, in-8", Venise, 1829, p. 126) ignorent ce sous le nom d'Uscan et C ie , bien qu'Uscan flit deja mort
remaniement de la version armenienne. L'une et 1'autre a cette epoque. J. Townley, Biblical Anecdotes, illus-
se contentent de dire que Haiton avait fait de la Bible son trative of the History of the Sacred Scriptures and of
compagnon favori: qu'il s'en etait fait faire une tres belle the early Translations of them into various languages,
copie, et que, ayant abdique la royaute, il se retira dans in-12, Londres, 1813, p. 136. Toujours est-il qu'apres
un convent, ou il revetit, par esprit d'humilite, 1'habit des la mort d'Uscan, ses successeurs furent en butte a mille
franciscains. II n'en a pas fallu davantage a certains esprits difficultes de la part des autorites ecclesiastiques de Rome
pour 1'accuser d'avoir corrompu la version armenienne. et de Paris, aupres desquelles d'autres Armeniens avaient,
D'ailleurs, parmi les nombreux manuscrits que Ton connait, par pure jalousie, decrie leurs intentions. Voyez R. Simon,
aucun ne justifie cette accusation. Histoire critique des versions du Nouveau Testament,
II. Principales editions. En 1563, Sefer Abgar, d'une p. 196-203. Ces vexations pousserent celui qui des 1'ori-
noble famille armenienne et secretaire du patriarche Mi- gine avait ete le principal collaborateur d'Uscan, Matthieu
chel, fut envoye comme ambassadeur n Rome par celui- de Vanaud, a retourner a Amsterdam, 1683. II y fondit
ci, pour traiter des affaires ecclesiastiques de son pays de nouveaux caracteres, qui furent acquis plus tard
avec le pape Pie IV. II profita de son sejour a Rome pour par les Mechitaristes de Venise. II publia une edition du
faire graver et fondre les premiers caracteres armeniens. Nouveau Testament en 1698, et une des Psaumes en 1714.
11 se transporta ensuite a Venise, et c'est la, et non pas On cite encore (Lelong, Bibliotheca sacra, part, n, t. i,
a Rome, comme on le dit generalement, qu'il publia le Halle, 1781, p. 179) deux editions du Psautier, Amsterdam,
Psautier, 1565. Cette edition princeps de la litterature 1672 et 1677, dont il est difficile de se rendre compte, a
armenienne est enrichie de gravures. Quant a 1'edition de moins de supposer qu'Uscan, tout en s'etablissant a Mar-
1515, dont parle Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, seille, avait laisse une succursale a Amsterdam. D'ailleurs
174, p. 143, d'apres Scholz, sans doute, Einleitung in ces deux editions ne sont pas mentionnees dans la Biblio-
die heilige Schrift, p. 500, elle n'a jamais existe. Pen- graphic armenienne des peres Mechitaristes, Venise, 1883.
dant les cent annees qui suivirent 1'cdition de 1565, rien D'un autre cote, 1'auteur de cet ouvrage place en 1684 un
ne parut de la Bible, sinon quelques autres editions des i Psautier public a Venise, et en 1710 une autre edition du
1013 A R M E N I E N N E ( V E R S I O N ) DE LA BIBLE 1014
meme livre, publiee a Marseille. En 1677, une autre impri- la version de la Bible en armenien sont traitees in ex-
merie fut fondee a Constantinople; elle a publie une seconde tenso. Les societes bibliques protestantes ont egalement
edition de la Bible complete d'Uscan en 1705. publie un certain nombre d'editions de la Bible, ou de
L'edition de la Bible par Uscan passe justement pour parties de la Bible, en langue litteraire. Voici les principales:
inexacte. Tout le monde est d'accord sur ce point, tous 1. Bible complete, Saint-Petersbourg, 1814 (Societe biblique
conviennent aussi qu'elle a ete considerablernent retouchee de Russie); 2. Ancien Testament et Nouveau Testament,
et completee sur la Vulgate. Les eloges qu'en a faits R. Si- separement, Saint-Petersbourg, 1817 (meine societe): ces
mon, Histoire critique des versions du Nouveau Testa- deux editions ont ete surveillees par Jean, archeveque arme-
ment, p. 196, ne sont done pas fondes. Ainsi il est certain nien d'Astrakhan ; 3. toute la Bible, Calcutta, 1817 (par les
qu'Uscan y insera le verset des Trois Temoins, Uoa., v, 7. soins d'Heber, archeveque anglican de Calcutta); 4. Nou-
Le quatrieme livre d'Esdras et 1'Ecclesiastique furent tra- veau Testament complet et Evangiles seulement, Constan-
duils par lui-meme du texte de la Vulgate, et 1'Apoca- tinople, 1823 (British and Foreign Bible Society); 5. Nou-
lypse, quoique publiee d'apres un manuscrit d'un certain veau Testament, Smyrne, 1838 (American Bible Society).
age, n'en est pas moins une traduction de la Vulgate. Enfin, pour completer cet article, nous mentionnerons
Malgre cela, Uscan ne meritait point les censures que quelques-unes des editions qui ont ete publiees, princi-
La Croze et d'autres lui out prodiguees. A 1'epoque ou il palement par les societes protestantes, ou a leurs frais,
vivait, les exemplaires de la Bible etaient excessivement dans les deux dialectes modernes de Constantinople et
rares en Armenie; ils se vendaient au poids de For, bien d'Ararat. Plusieurs de ces editions ont la langue litteraire
qu'ils ne fussenl pas toujours des meilleurs. Imprimer la en regard du dialecte vulgaire. 1. La Bible complete,
Bible sans plus de retard etait de premiere necessite. Cer- Moscou, 1835, editee par Dittrich, de la Societe des mis-
tains livres etaient perdus, ne valait-il pas mieux les tra- sionnaires de Basle, a Schouscha; publiee par la British
duirede la Vulgate que de nepaslespublier?D"ailleurs il ne and Foreign Bible Society (dialecte d'Ararat); 2. le
faut pas oublier qu'Uscan etait 1'eleve du dominicain Paul Psautier, 1844, publie par la Societe des missionnaires
Piromalli, qui enseignait la theologie au couvent d'Et- I de Basle (langue litteraire et dialecte d'Ararat); 3. Nou-
chmiazin. II avail appris a son eeole a recourir a 1'autoritJ veau Testament, prepare a Constantinople, 1860, par la
de 1'Eglise de Rome, toutes les fois qu'il n'etait pas sur de British and Foreign Bible Society (langue litteraire et
la verite; on ne saurait Ten blamer. En somme, on peut dialecte d'Ararat); 4. Nouveau Testament, edite par le
1'accuserd'avoir manque de sens critique, mais non d'avoir P. Zohrab, revise par Saint - Martin, Paris, 1825, publie-
montre de 1'ignorance ou de la superstition, et encore par la British and Foreign Bible Society (langue litte-
moins de la malice, comme 1'insinue Michaelis, ouvr. et raire et dialecte de Constantinople) ; 5. Nouveau Tes-
edit, cites, t. n , p. 104; cf. R. Simon, ouvr. et lieu cites; tament, revise par Adger, Smyrne, 1842, publie par
Scholz, Einleitung, t. i, p. 501. les soins de Y American Bible Society, aux frais de la
L'oeuvre commencee par Uscan fut continuee et perfec- British and Foreign Bible Society (dialecte de Constan-
tionnee par les Mechitaristes, ainsi nommes de Mechitar tinople ) ; 6. Ancien et Nouveau Testaments, separes,
(1676-1749), leur fondateur, et formellement reconnus Constantinople, 1857, par les soins de Y American Bible
comme congregation religieuse par le pape Clement XI, Society, aux frais de la British and Foreign Bible So-
en 1712. En 1717, ils s'etablirent a Venise, dans 1'ile ciety (dialecte de Constantinople). (Le P. Elie Too-
Saint-Lazare. Leurs premieres publications furent impri- madjan, mechitariste de Venise (1777-1848), a traduit
mees chez Antonio Bortoli; de ce nombre est une troi- la Bible armenienne en latin, mais son travail reste ma-
sieme edition de la Bible d'Uscan, revue et corrigee par nuscrit. )
Mechitar lui-meme. Elle parut en 1733, in-folio, avec gra- III. Nature et importance de la version armenienne.
vures. Plus tard, Zobrab, un de leurs hommes les plus La version armenienne suit de tres pres le texte grec
distingues, qui des 1789 avait donne une edition du Nou- recu, pour 1'Ancien comme pour le Nouveau Testament.
veau Testament d'apres un manuscrit de bonne recension, Elle n'appartient a aucune recension connue, ce qui s'ex-
entreprit une edition critique de 1'Ancien et du Nouveau plique peut-etre par le fait mentionne plus haut, que
Testament, d'apres un manuscrit eiliden de 1319, avec des quelques-uns des manuscrits grecs dont se servirent les
variantes tirees de huit manuscrits pour 1'Ancien Testa- traducteurs venaient de Constantinople ou d'Ephese, tan-
ment, et de vingt-cinq pour le Nouveau. 11 relegua dans dis que d'autres venaient d'Alexandrie. Bertholdt, Ein-
un appendice tout ce qui lui parut avoir etc traduit en leiliing, t. 11, p. 560, croit que les premiers appartenaient
armenien posterieurement au reste de la version arme- a la recension de Lucien, et les derniers a celle d'Hesy-
nienne : le livre de 1'Ecclesiastique, le troisieme (quatrieme chius. D'ailleurs la version armenienne est assez peu
de la Vulgate) livre d'Esdras, la priere de Manasse, la connue. La plupart des savants qui se sont occupes de la
lettre des Corintbiens a saint Paul avec la reponse de critique du texte grec de la Bible ne savaient pas 1'arme-
celui-ci, le testament de saint Jean et la priere d'Euthale. nien. Ils ont du travailler sur des variantes en nombre
Voir Scholz, Einleitung, p. 242 et 502. Cette edition insuffisant, qu'ils tenaient des armenisants , et, pour
fut imprirnee chez les Mechitaristes et parut en 1805, in-4. comble de malheur, ces variantes ont souvent ete tirees
Les Mechitaristes decouvrirent plus tard une traduction de 1'edition fort peu critique d'Uscan. Tregelles fut plus
classique du ve siede de 1'Ecclesiastique; elle fut heureux. M. Charles Rieu, chef du departement des ma-
d'abord publiee separement en 1833 et 1853, in-24, et puis ; nuscrits orientaux au British Museum, collationna pour
inseree dans une nou\ elle edition critique de toute la Bible, . lui le texte du Nouveau Testament des editions d'Uscan
qui parut en 1859 en un volume in-4, avec et sans gra- et de Zohrab, et traduisit aussi toutes les variantes que
vures. Dans cette edition, comme dans celle de 1805, le le savant mechitariste avait reunies. Le travail de M. Rieu
verset des Trois Temoins fut omis, comme ne se trouvant a ete publie dans le Greek New Testament, de Tregelles.
dans aucun manuscrit de bonne epoque. j Voir Scrivener, A plain introduction to the criticism of
Nous ne pouvons donner ici le detail de toutes les edi- ; the New Testament, 3e edit., Cambridge, 1883, p. 408.
tions , qui sont fort nombreuses, surtout celles des ! Kaulen a donne, dans son Einleitung in die heilige Schrift,
Psaumes et du Nouveau Testament; nous renvoyons les ! un certain nombre de passages de la version armenienne
amateurs a la nouvelle Bibliographic arme'nienne [en (Ancien et Nouveau Testaments), qui montrent: 1 que
armenien], par P. Karekin, un des ouvrages les plus cette version suit le grec fidelement, quoique non servile-
utiles et les plus interessants qu'ait produits rimprimerie ment, ibid., 176, p. 144; 2 que cette version Concorde
de Saint-Lazare. Voir aussi, du meme auteur, le Cata- avec les textes recus non seulement au point de vue du
logue des anciennes traductions armeniennes, in-8, dogme , mais encore au point de vue de la critique ,.
Venise, 1889, p. 82-2i5. ou toutes les questions relatives a substantiellement au moins, ibid., 177, p. 145,
1015 A R M E N I E N N E (VERSION) DE LA BIBLE A R M O N
Bibliographic. Parmi les ouvrages cites dans le cours Leipzig, 1827, t. n, p. 93. La ponctuation massoretique,
de cet article, on devra consulter plus specialement : d'apres laquelle le verbe n;?:~rn, hislaktendh, est a la
Job. Joach. Schrceder, Thesaurus lingvee armenicse anti-
ques et hodiernse, in-4, Amsterdam, 1711; Lelong, Biblio- forme hiphil, par consequent active, semblerait favoriser
theca sacra, edit, de Masch, 5 in-4, Halle, 1778-1790; cette opinion; mais une double difficulte se rencontre.
D'abord on ne comprend pas comment, pour une chose
Sukias Sonial, Quadra della storia letteraria d'Armenia,
in-8, Venise, 1829; Neumann, Versuch einer Geschichte si souvent mentionnee dans 1'Ancien Testament, le pro-
des armenischen Literatur, nach den Werken der MecJti- phete eiit employe ici un mot qui ne se retrouve pas dans
1'ancien hebreu; c'est la remarque de Keil, Die zivolf
taristen frei bearbeitet, in-8, Leipzig, 1836; P. Karekin,
Bibliographic armenienne: historique et catalogue des kleinen Propheten, Leipzig, 1888, p. 193, n. 1. Ajoutons
ensuite avec Rosenmuller. loc. cit., que. si haharmonah
livres ar.neniens impnm.es du XVIK siecle jusqu'a nos
etait un norn fe'minin. 1'accent serait sur la derniere syl-
jours, avec extraits des prefaces (en armenien modeme),
in-8, Venise, 1883; du meme auteur, Catalogue des an- labe, tandis qu'il est place sur la penultieme: le he final
ciennes traductions armeniennes (iv e -xin e siecle), in-8, est done local; a moins qu'on en fasse un lie paragogique.
Venise, 1889 (en armenien moderne). On trouvera d'inte- Kimchi, pensant que -:"""", liarmonah, est mis pour
ressantes notices sur les editions completes de 1666, 1705 ~:'c-s, 'armondh (avec permutation entre he et aleph),
et 1733, dans Clement, Bibliotheque curieuse, t. in, p. 428
et suiv. H. HYYERNAT. adopte ce sens : Vous vous precipiterez vous-memes
dans le palais ou la citadelle royale, pour fuir de la
ARMON (hebreu: Haharmonah, avec Tarticle; Sep- par une porte derobee, comme fit Sedecias. IV Reg.,
xxv, 4; Jer., xxxix, 4. C'est egalement, avec une legere
tante : To^iv ou Teij-jj-dcv), lieu d'exil ou devaient etre
variante, 1'opinion de Gesenius, Thesaurus linguse heb.,
transported les Israelites. Amos, iv, 3. C'est un nom qu'on
ne lit qu'une fois dans la Bible et qui est une enigme p. 390. Rattachant harmondh a la racine inusitee snn,
pour les interpretes. Les moyens que fournissent la cri- hdram, identique a 2~x, 'dram, etre eleve, il assimile
tique textuelle et 1'exegese n'ont pu jusqu'ici en domier harmon a 'armon, palais, citadelle, et traduit ainsi
une explication satisfaisante. Voici les renseignements que le passage d'Amos : Vous serez jetees, c'est-a-dire cap-
nous pouvons tirer des manuscrits, des versions, des tives, vous serez honteusement emmenees, dans la cita-
interpretes et du contexte. delle ennemie. Afin que ce sens fiit acceptable, il faudrait
Au point de vue des variantes, on trouve: dans seize au mot palais ou citadelle un determinatif quel-
manuscrits, ri:~2~~n, Jiaharmanah ou haharmonah, sans conque.
vav porte cholem; dans trois : nrainn, haharmonah, Pour les exegetes qui admettent ici un nom propre,
avec heth et vav porte cholem ; dans un : n:^ inn, haliar c'est un nom de lieu; pour quelques-uns settlement, un
Monah, en deux mots; enfin, dans un autre : nziaivn, nom de deesse. Bochart, Phaleg., Caen, 16i6, p. 22, 23,
ha'armonah, avec am. Gf. B. Kennicott, Vetus Test-a- se demande si nrs, mondh, ne serait pas identiqvie a
mentum hebraicum cum variis lectionibus, Oxford, 1776-
1780, t. n, p. 264; J.-B. de Rossi, Scholia critica in V. T. >ia, Minnl, dont parle Jeremie, LI, 27, contree qui, jointe
libros, Parme, 1798, p. 85-86. a 'Ararat et 'Askendz, doit correspondre a Mimjas, partie
Les versions anciennes, suivant plus ou moins 1'une ou de 1'Armenie. En effet, dit-il, au lieu de Minni, le chal-
1'autre de ces lecons, ont toutes vu ici un nom compose, deen a Harmem, Armenie; ce qui n'est probablement
dont la premiere partie est inn, hdhdr, la montagne; pas inexact, car le mot Armenie semble venir de jD~n~,
Symmaque seul fait exception. Les Septante semblent Har-Mini, c'est-a-dire montagne de Mini ou de Minyas,
avoir lu fan inn, hdhdr Rimrndn, puisqu'ils traduisent: denomination qui s'etendit plus tard a toute la province.
et? TO 6'po; TO 'Poajirv ou 'PEU.tj.av, vers la montagne Vater, adoptant la lecon rii'D^nn, haharmonah, avec un
de Remman. Aquila donne : el; 'Apjjiava 6'po:, . vers le heth, traduit ainsi: Vous serez chasses vers 1'Hennon,
mont Armana; Theodotion : el; y^r,).bv 6'po;, vers une c'est-a-dire que, pour etre transporles en Assyrie, les
montagne elevee; et la cinquieme version : [s!; 6'po;] Israelites devaient passer au dela du grand Hermon, fron-
Mova, [vers la montagne] de Mona. Pour ces deux tiere septentrionale du royaume d'Israel. Reuss, Les Pro-
dernieres, nous suivons les Hexaples d'Origene, d'apres phetes, Paris, 1876, t. i, p. 106, ne trouvant au texte
1'edition de Montfaucon, Paris, 1713, t. n, p. 356; car saint irnprime aucun sens plausible, admet cette traduction,
Jerome, dans son Commentaire sur Amos, t.'x.'x.v. col. 1024, tout en la regardant comme purement conjecturale. II ne
attribue a Theodotion la traduction de la cinquieme version lui manque, pour etre acceptable, que d'etre appuyee par
et vice versa. Symmaque donne simplement: et; 'Epa^vtav un plus grand nombre de manuscrits.
ou 'Apjjisvtav, vers 1'Armenie. (Test egalement cette pro- Malgre leurs defauts, ces opinions sont encore plus
vince que designent la paraphrase chalda'ique et la version admissibles que certaines conjectures des commentutcurs
syriaque, qui traduisent toutes deux : >:>pin 'irj, turc modernes, rapportees et justement combattues par Keil,
Die kleinen Propheten, p. 193. Hitzig veut decomposer
harmem, les montagnes d'Armenie. Saint Jerome, nrmnn en inn, hdhdr, et na^a, mondh, mis pour n:'ya,
dans la Vulgate, se rapproche d'Aquila en mettant Armon.
En resume, les versions anciennes, a 1'exception d'une me'ondh : vous vous precipiterez dans la montagne
seule, voient dans Haharmonah un nom propre, soit comme dans une place de refuge. A ce sens s'oppose
celui de 1'Armenie, soit celtii d'une montagne particuliere. cette triple raison : 1 que le verbe hislik ne signifie pas
Parmi les interpretes anciens et modernes, les uns, de se precipiter ; 2 que la contraction de me'ondh en
1'ecole juive surtout, reconnaissent ici un nom comrnun; mondh est invraisemblable, puisque Amos, au chapitre
les autres, et c'est le plus grand nombre, y trouvent un precedent, HI, 4, emploie me'ondh; 3 enfin que me'ondh
nom propre. Raschi pretend qu'il faut demander 1'ex- signifie habitation , et non pas place de refuge .
plication de Haharmonah a 1'arameen -:-~, harmo- Ewald lit comme les Septante Hdhdr Rimmondh, et tra-
duit: Vous jetterez dans la montagne la Rimmona,
nah, ou swain, harmdnd', usite aussi dans le Talmud, qu'il tient pour une deesse des Syriens. Mais de cette
et qui signifie pouvoir royal . Le sens de la phrase divinite 1'antiquite ne sait rien, et de 1'existence du dieu
serait alors : Et abjicietis auctoritatem sen potestatern Bimmon, mentionne IV Reg., v, 18, ne suit pas celle
regiam, c'est-a-dire vous perdrez ce faste, cette arro- d'une deesse Rimmona. Encore plus faible est 1'expli-
gance, cette autorite dont vous vous prevalez aujourd'hui>>. catiori donnee par Schlottrnann, Hiob, p. 132, et Paul
Cf. Rosenmuller, Scholia in V. T,, Prophetx minores, i Botticher, Rudimenta mylhologiae semiticse, in-8, Berlin,
1017 ARMON ARMONI 1018
1848, p. 10, d'apres \aquelleHarmondh serait la deesse hophal, et 1'ont traduit par le passif ou 1'e'quivalent du
phenicienne Chusarthis,appelee par les Grecs 'Apjiovta. passif. De Rossi cite un manuscritqui porte cette lecon,
Ce dernier nom vientaussi peu du talmudique Harmdn etlaplupartdescommentateurslatrouventplusconforme
que celui-ci du Sanscrit pramana (Botticher, p.40);bien au contexte. Enfmuneremarquetircede la division meme
plus, Harmdn signifie hauteur , de la racine semitique de la prophetic peut, par une certaine analogic, montrer
hdram, et Ton ne connait pas de divinite Barman ou qu'il s'agit ici d'un nom propre de lieu. G. Hoffman,
Harmonia dans la religion phenicienne. Versuche zu Amos, dans la Zeitschrift fi'tr die alttes-
Le contexte n'apporte que peu de lumiere pour la solu- tamentllche Wissenschaft, Giessen, 1883, p. 102, voit
tion de la difficulte. S'adressant aux femmes de Samarie > dans notre verset la fin du premier oracle centre Israel,
qui, pour satisfaireleur amour du luxe etdes plaisirs,ont le second comprenant iv, 4-v, 27, et le troisieme, vi,
pousse leurs maris aux plus injustesexactions centre les 1-15. Or les deux derniers se terminent par 1'annonce
petits et les pauvres, le prophete leur annonce le chati- des evenementspolitiques quiseront lechatiment de Tin-
ment divin : justice etdel'impiete d'Israel :1 1'exilaudela deDamas,
y. 2. Le Seigneur Dieu 1'a jure par sa saintete : v, 27; 2l'arriveed'unpeuple (les Assyriens) qui brisera
Voici vcnir sur vous des jours la nation infidele, depuisl'entreed'Emathjusqu'au tor-
Ou Ton vous enlevera avec des hamegons, rent du desert, vi, 15.11 est done vraisemblable qu'ici,
Et vos enfants (ou celles qui resteront), avec des harpons iv, '3,Arnwn indique unlieu d'exil. Quel est-il au juste?
y. 3. Et par les breches vous sortirez, [de pecheurs; Peut-etre 1'Armenie; mais les moyens nous font defaut
Chacune devant soi, pour en preciser la situation. A. LEGENDRE.
Et vous serez chassees vers 1'Harmon.
Le texle massoretique, nous 1'avons dit, met a la forme A R M O N I (hebreu: 'Arnwni, palatin, de 'arnwn,
hiphil le verbe qui precede Haharmonah, dont il semble palais : Seplante : 'EpuwvoVj, fils aine de Saiil et de
par la meme faire un nom commun. Mais aux raisons Respha. David le livra aux Gabaonites, qui le crucifierent
que nous avons donnres pour eloigner ce sens, ajoutons avec ses freres sur la montagnepresdeGabaon.ilReg.,
que les anciennes versions ont lu ce verbe a la forme xxi, 8.
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
TOME PREMIER
DEUXIEME PARTIE
A R N A L D BYTHNER
ENCYCLOPEDIE
DES
SCIENCES ECCLESIASTIQUES
1 DIGTIONNAIRE DE LA BIBLE
Publie par F. VIGODROUX, prfitre de Saint-Sulpice
Ancien professeur a 1'Institut catholique de Paris, Secretaire de la Commission bibligue
PUBLIE PAR
F. VJGOUROUX
|4ETRE DE SAINT-SULPICE
AVEC LE C O N G O U R S D ' U N G R A N D N O M R R E DE G O L L A R O R A T E U R S -
DEUXIEME TIRAGE
TOME P R E M I E R
DEUXIEME PARTIE
ARNALD BYTHNER
PARIS
LETOUZEY ET ANE, EDITEURS
76bis, RUE DES S A I N T S - P E R E S , 76bis
1912
278. Collection d'armes e'gyptiennes. Thebes. Abd el-Qottrna. XTIIP dynastle. D'apres Lepsras, Denkm'dler, Abth. m, pi. 64.
1'arsenal ou ils etaient conserves. Le fils de Salomon, probablement chez les ouvriers memes, que les armes
Roboam, marchant sur les traces de son pere, etablit des etaient fabriquees. F. ViGOUROUX.
arsenaux dans les principales villes de son royaume: II
unit dans chaque ville, dit le texte original, des boucliers ARSENE DE SAINT- ROBERT, carme, de la pro-
et des javelots. II Par., xi, 12. (La Vulgate, pour rendre vince wallo-belge, professeur de theologie, mort en 1759.
plus clairement la pensee de I'historien sacre, traduit: II a edite un livre intitule : Antilogies sive contradictiones
In singulis urbibus fecit armamentarium scutorum apparentes S. Scriptures a sanctis Patribus et diversis
et hastarum.) interpretibus expositss in breviorem et facillorem me-
La suite de 1'histoire sainte nous montre que, a 1'exemple thodum collectss, in-8, 1744; 2e edit., 1751.
de David, qui avait offert des armes au tabernacle, ses J. OLIVIER.
successeurs en offrirent aussi au temple. Le grand pretre ART HEBRAi'Q UE. Les beaux-arts ne furent cultives
279. Arsenal egyptien. Distribution des armes. Thebes, MMlnet- Abou. Palais de Ramses IV.
D'apres Champolllon, Monuments d'tigypte, t. m, pi. 218.
Joi'ada s'en servit pour rendre a Joas le trone de son pere. qu'assez tard chez les Hebreux, et ils ne prirent jamais
II Par., xxni, 9. Independamment de ces armes conservees parmi eux un grand developpement, a 1'exception de la
dans les dependances de la maison du Seigneur, les rois de musique. Voir MUSIQUE.
Juda continuerent a etablir des depots dans divers arse- Ce peuple fut pendant de longs siecles exclusivement
naux. Ozias fit fabriquer en grand nombre des boucliers, voue a 1'agriculture. En Egypte, la masse des descen-
des cuirasses, des casques, des lances, des arcs, des dants de Jacob s'occupa d'elevage et de travaux agricoles.
frondes et des machines de siege. II Par., xxvi, 14-15. II en fut de meme dans la terre de Chanaan, jusqu'a
Sous Ezechias, d'apres un passage d'lsa'ie, XXH, 8, le palais 1'epoque des premiers rois. Quelques artistes s'etaient
de la foret du Liban parait avoir servi encore d'arsenal. formes en Egypte, tels que Bezeleel et Ooliab. Exod.,
(Le mot hebreu neseq est traduit par beaucoup d'intei'- xxxi, 1-6. Mais dans la terre de Chanaan, Torganisation
pretes, dans ce passage, comme 1'a fait la-Vulgate, par politique et religieuse de la nation, qui ne reclamait,
arsenal .) Ce roi avait fait de grands approvisionnements avant 1'etablissement de la royaute, ni capitale ni monu-
d'armes, II Par., xxxil, 5, 27, et il montra avec orgueil ments civils ou religieux, n'etait point favorable a la
ses arsenaux (hebreu : bet keldv; Vulgate : domumvaso- culture des arts plastiques; aussi, quand on en eut besoin
rum suorum) aux envoyes de Merodach-Raladan, roi pour la construction du temple et des palais royaux, on
de Babylone. IV Reg., xx, 13. Depuis Ezechias jusqu'apres fut oblige d'emprunter a 1'etranger des artistes et des
la captivite, nous ne lisons rien dans les Ecritures qui ouvriers. Meme sous les rois, 1'art fit peu de progres. II
soit relatif aux depots d'armes. Apres le retour des Juifs ne pouvait se developper, a cause de la defense formelle
dans leur patrie, un arsenal est mentionne accidentelle- de la loi: Tu ne feras aucune figure de ce qui est en
ment par Nehemie, II Esdr., in, 19, dans la description haut dans le ciel, ni de ce qui est en bas sur la terre,
qu'il fait des murs de Jerusalem (nese'q; la Vulgate a ni de ce qui est au-dessous de la terre dans les eaux.
ART HEBRAIQUE A R T A X E R X E S 1038
Tu ne les adoreras pas et tu ne les serviras pas. Art, Edimbourg, 1848; de Saulcy, Histoire de 1'art ju-
Exod., xx, 4, 5. Toutes les representations d'etres vivants dalque, Paris, 1858; Perrot et Chipiez, Histoire de 1'art
.etaient done prohibe"es. Cette loi fut une des mieux obser- dans I'antiquite, t. iv. H. LESETRE.
vees. Les violations, telles que Jud., xvn, 5, sont rares.
Les Hebreux obeirent a la lettre du precepte divin. Aussi, ARTABAN , historien juif. Voir ARTAPAN.
dans la Bible, n'est-il jamais question de peinture exe-
cutee par les Hebreux, ou par d'autres a leur intention. ARTABE (apTagri), mesure de capacite employee par
Les ouvrages de sculpture qui decoraient le temple, les les Perses , et aussi par les Egyptiens et les Arabes. Elle
monuments, les tombeaux, ne comportaient guere que des est mentionnee seulement dans le chapitre xiv, 2, de
motifs empruntes au regne vegetal. C'est tout au plus si, Daniel, que nous n'avons plus qu'en grec. Nous y lisons
le long des murs du sanctuaire, les bas-reliefs represen- que les Babyloniens offraient tous les jours a 1'idole de
taient des cherubins au milieu des coloquintes, des pal- Bel douze artabes de farine . Herodote, I, 192, edit.
miers et des fleurs epanouies. Ill Reg., vr, 23-35; Ezech., Teubner, p. 102, nous apprend que 1'artabe des Perses
XLI, 18. De Vogue, Le temple de Jerusalem, p. 32. Cette valait un medimne attique, plus trois chenices, c'est-a-dire
exception semblait autorisee par la presence des deux environ 55 litres. D'apres Polyen, iv, 3, 32, edit. Teubner,
cherubins d'or qui se dressaient sur 1'arche d'alliance, et p. 141, 1'artabe equivalait au medimne, c'est-a-dire a
des deux autres qui se tenaient debout dans le Saint des 51 litres 79. Comme a 1'epoque ou se passe 1'evenement
'saints. Quelques figures d'animaux, comme par exemple raconte par le livre de Daniel, les Perses etaient maitres
les bffiufs qui soutenaient la mer d'airain, furent aussi de Babylone, c'est certainement de 1'artabe dont ce peuple
introduites dans le mobilier du temple. II Par., iv, 4. faisait usage qu'il est question ici. Les Septante ont
Ces figures apparaissaient d'ailleurs avec 1'attitude res- aussi, employe le mot artabe , dans leur traduction
pectueuse et subalterne qui convient a de simples crea- d'Isaie, v, 10. Le texte original porte un homer (Vul-
tures. Quant a la loi prohibant toute representation d'etres gate : triginta modii); le grec met: six artabes, qui
vivants, elle s'explique d'elle-meme. La peinture et la equivalent , en effet , a peu pres a un homer. Cf. Revue
sculpture, ont ete chez les anciens les auxiliaires et egyptologique , t. n, 1881, p. 197. Voir HOMER,
comme les vehicules de 1'idolatrie. Pour empecher 1'abus
des arts, chez un petit peuple isole au milieu d'un monde ARTAPAN, historien juif, de date incertaine, qui
tout entier idolatre, le Seigneur jugea a propos d'en vivait en Egypte avant notre ere, et qui ecrivit un livre
restreindre 1'usage, et laissa a d'autres le soin de cul- en grec sur les Juifs, Ilepl 'louSat'wv. II n'en reste
tiver la sculpture, la peinture et tous les autres arts qu'un tres petit nombre de fragments qui nous ont ete
representatifs. conserves par Clement d'Alexandrie , Strom., 1 , 23,
Dans ces conditions, il ne pouvait done y avoir, a pro- t. vm, col. 900; la Chronique pascale (an 2 de Mo'ise),
prement parler, d'art hebraique. Ce n'est pas a dire que t. xcn, col. 201; Eusebe, Prsep. Ev., ix, 18, 23, 27,
les Hebreux aient vecu etrangers a tout sentiment artis- t. xxi, col. 709, 719, 728, etc., et une Chronique anonyme,
tique; mais toutes les fois qu'ils ont dti faire appel aux dans J. A. Cramer, Anecdota grseca e codicibus manu-
ressources de 1'art, ils n'ont point su etre originaux, et scriptis Bibliothecse regies Parisiensis, 4 in-8, Oxford,
sont restes tributaires des etrangers. Ainsi au desert, 1839-1841, t. n, p. 176. Josephe avait 1'ouvrage d'Arta-
apres la sortie d'Egypte, leur art est tout egyptien de pan entre les mains, el il s'en est servi dans la composition
conception et d'execution. Voir ARCHE D'ALLIANCE. Quand de ses Antiquitesjudaiques. Voir J. Freudenthal, Alexan-
Salomon veut construire le temple et ses palais royaux, der Polyhistor, in-8, Breslau, 1875, p. 169-171. Par
il s'adresse aux Pheniciens, qui fournissaient alors archi- ce qui nous reste du Ilepl 'Iou8ai'wv, on voit quel'auteur
tectes, artistes et ouvriers aux nations avec lesquelles s'etait propose la glorification des Juifs : c'est a eux,
leur commerce les mettait en rapport, et se faisaient d'apres lui, que les Egyptiens deyaient leur science :
les entrepreneurs de toutes sortes de grands travaux Abraham , lors de son voyage en Egypte , apprit 1'astro-
publics. Ces etrangers etaient en meme temps fabricants nomie au roi de ce pays, Pharethotes; Joseph et Moise
et exportateurs de ceramique, de mobilier artistique, enseignerent 1'agriculture aux habitants des bords du
de bijouterie, etc. Du reste, ils ne visaient pas a 1'origi- Nil, etc., Mo'ise (Eusebe, Prsep. Ev., ix, 27, t. xxi,
nalite; leur art s'inspirait presque exclusivement de 1'art col. 728) leur apprit meme a honorer les dieux, il divisa
des Egyptiens et des Assyriens, et s'accommodait aisement 1'Egypte en trente-six nomes, et donna aux prtres les
aux fantaisies ou aux exigences de ceux qui reclamaient signes de 1'ecriture. Cette defiguration de Thistoire pro-
leurs services. En un mot, les Pheniciens etaient beaucoup fane en favour des Juifs est le trait commun de plusieurs
moins artistes qu'habiles entrepreneurs; le profit leur des ecrivains de cette nation, qui vecurent a Alexandrie-
importait plus que la gloire. En les invitant a travailler Voir ALEXANDRIE (ECOLE EXEGETIQUE D'), col. 359. Cf.
pour leur compte, les Hebreux, si peu artistes eux-memes, C. Miiller, Fragmenta histor. grsec., t. m, p. 207-208;
n'appelaient done a leur aide qu'un art composite et de E. Schurer, Geschichte des judischen Volkes, t. H
seconde main. Voir ARCHITECTURE HEBRAIQUE. Les choses (1886), p. 735-736; Vaillant, De historicis qui ante Jose-
ne se passerent guere autrement a 1'epoque de Zorobabel phum Judaicos res scripsere, in-8, Paris, 1851, p. 74-83.
et a celle d'Herode. Apres la captivite, quelques Israelites
s'adonnerent a la culture des arts; mais ce fut toujours ARTAXERXES. Hebreu : 'Artafysastd', 'Artahsastcf
un art etranger qui fut mis a contribution par les Juifs; et 'Artahsaste' ; Septante : ' Ap^ip^ ; dans Herodote
ils se contenterent de lui imposer les modifications recla- et dans Plutarque :. 'ApTO^ep^v)?. En susien ou medique :
mees par la loi divine ou par les necessites du service
du temple.
Les monuments qui permettraient de se faire quelque n =
A r- tak - sas - sa.
idee de 1'art hebraique sont extremement rares. II n'y a
pas lieu de s'en plaindre outre mesure. Les monuments En assyrien :
egyptiens, assyriens, pheniciens, perses, grecs et remains
fournissent les elements de ce qu'ont ete, suivant les
epoques, les osuvres d'art executees ou commandees par Ar- ta- ak- sa- at- su,
les Hebreux. Voir ARCHITECTURE , PEINTURE , SCULPTURE,
GLYPTIQUE, TEMPLE, TOMBEAUX. Pour les arts meca-
niques, voir ARTISANS. Cf. Gugler, Kunst der Rebraer, K fHM t^
Landshut,1614; Cleghorn, History of ancient and modern Ar- tak- sat- sit.
1040
Voir Oppert, Expedition en Mesopotamie, t. n, p. 14 pays (462). Mais le roi d'Egypte, Inaros, avait profite de
et 194. En perse, le nom se lisait Artakhsatra , ces troubles pour tacher de secouer le joug des Perses.
Les Atheniens, qui ne pouvaient se passer de la bienveil-
lance de 1'Egypte, parce que c'etait de ce pays qu'ils tiraient
A- r- t- kh- s- tr~ a, la plus grande partie du Me necessaire a leur subsistance,
corrompu ensuite en Artakhcasda , d'ou proviennent les se haterent de venir au secours d'Inaros. Grace a leur inter-
formes hebraiques, et en Artakhchaarcha , qui a donne vention, le general Achemenes put aneantir, pres de Mem-
lieu a la transcription grecque. La forme pehlvie Artas- phis, une armee perse de trois cent mille hommes. Ar-
hatra est un retour a 1'ancienne prononciation perse. Voir taxerxes ne voulut pas rester sous le coup de ce desastre;
Oppert, Le peuple et la langue des Medes, Paris, 1879, il leva une riouvelle armee, rassembla une nouvelle flotte,
p. 232. Arta-khsatra signifie le grand guerrier , ou et, cette fois, le general perse, Megabyze, battit les Egyp-
celui qui a uri grand pouvoir . tiens et les Grecs a Prosopitis et mit fin a la guerre (455).
Le nom d'Artaxerxes revient plusieurs fois dans la Bible. Thucydide, i, 109 et suiv. Cette lutte occupa Artaxerxes
1 II se trouve d'abord dans la partie grecque du livre de la quatrieme a la neuvieme annee de son regne. Cepen-
d'Esther, mais uniquement par suite d'une faute de trans- dant la septieme annee (457), alors probablement que ses
cription, les Septante ayant cru a tort que 1'Assuerus d'Es- affaires prenaient meilleure tournure en Egypte, le prince
ther, c'est-a-dire Xerxes Ier, etait Artaxerxes.Voir ASSUERUS. autorisa le scribe Esdras a revenir de Babylone a Jeru-^
2 II se lit ensuite dans les livres d'Esdras. Les anciens salem avec une nombreuse caravane d'exiles. II fournit
commentateurs , ecrivant anterieurement a la decouverte lui-m&ne et permit a ses sujets d'offrir une quantite con-
des inscriptions perses, ont cru que 1'Artaxerxes nomine siderable d'or et d'argent pour le temple, et donna a Esdras
I Esdr., iv, 7, apres un Assuerus qu'ils n'avaient pas les le pouvoir de puiser dans le tresor royal jusqu'a cent
moyens d'identifier surement, etait Cambyse ou le faux talents d'argent (environ 850000 fr.), sans compter les re-
Smerdis (Bardiya). Mais aujourd'hui 1'identification d' As- quisitions en nature. I Esdr., vn, 23. Peut-etre voulait-il,
suerus et de Xerxes Ier est etablie avec toute la certitude par ces largesses et ces mesures bienveillantes, s'assurer
desirable; 1'Artaxerxes du livre d'Esdras est done neces- le devouement et la reconnaissance des Juifs, et faire de
sairement un prince posterieur a Xerxes Ier. D'ailleurs le cette petite nation comme une sentinelle avancee sur le
nom perse d'Artaxerxes est absolument irreductible a ceux chemin de 1'Egypte.
de Cambyse ou du faux Smerdis ou Bardiya. Ce dernier Apres la victoire de Prosopitis, Megabyze avait promis
meme, dont le regne usurpe n'a dure que sept mois, n'a la vie sauve au roi Inaros. Cedant aux instances de sa
pu avoir ni le temps de s'occuper des affaires juives, ni mere, Amestris, et de sa soeur, Amytis, qui exercaient sur
surtout 1'idee de s'aliener les Israelites qui vivaient au lui la plus grande influence, Artaxerxes respecta d'abord
coaur meme de 1' empire , en mettant obstacle a la recon- la parole donnee, mais ensuite fit perir le malheureux
struction de Jerusalem. L'Artaxerxes du livre d'Esdras vaincu (450). Megabyze, indigne, souleva la Syrie. Les
doit en consequence etre cherche parmi les trois rois de ennemis des Juifs mirent cette circonstance a profit pour
ce nom que 1'on compte dans la dynastie des Acheme- faire obstacle a la reconstruction de Jerusalem, com-
nides. Le dernier, Artaxerxes III Ochus (358-337), est mencee par Zorobabel. Us ecrivirent a Artaxerxes que la
beaucoup plus recent que les evenements qui font le sujet ville de Jerusalem sortie de ses ruines etait une cite rebelle
des livres d'Esdras ; nous n'avons done pas a nous occuper et perverse , qu'elle refuserait de payer le tribut, que
de lui. Seuls, Artaxerxes Ier et, selon quelques - uns , d'ailleurs elle avait toujours ete nuisible aux rois et aux
Artaxerxes II , ont ete ine'les a ces evenements et doivent provinces , et que, si on la laissait rebatir, le roi ne pos-
etre mentionnes ici. sederait bientot plus rien au dela de 1'Euphrate. I Esdr.,
iv, 11-16. Artaxerxes prit au serieux la denonciation. Crai-
1. ARTAXERXES I" (464-424 avant J.-G.), surnomme gnant que les Juits ne devinssent un appui pour les Syriens^
Longue-Main, parce qu'il avait une main plus longue revoltes, et plus tard pour les Egyptiens, si ces derniers
que 1'autre, etait fils de Xerxes Ier (fig. 280). La date de tentaient de relever la tete, il ordonna a ses satrapes d'em-
son accession au trone est importante a preciser, parce pecher la reconstruction de la ville. I Esdr., iv, 17-22. Bien-
que d'elle depend celle des decrets qui ont permis la re- tot apres, sur 1'intervention des deux princesses, Megabyze
rentra en grace; plus tard, il leur dut encore de n'etre
qu'exile, quand le roi voulut le faire perir, pour avoir tue
a la chasse un lion que le prince eut desire frapper lui-
meme. D'un autre cote, les Atheniens n'avaient pas pris leur
parti de la defaite essuyee en Egypte. Us ne tarderent pas
a recommencer les hostilites. Mais, en 449, le roi renonca
a toute entreprise contre les pays de la confederation
280. Darique d'Artaxerxes Longue-Main. attique, et la paix fut retablie. Thucydide, I, 112; Plu-
Artaxerxes Ier, agenouilW, portant la couronne' sur la tete, et tarque, Cimon, 19; Pericl., 11; Curtius, Histoire
tenant dans la main droite une javeline, dans la gauche un grecque, trad. Bouche-Leclerq, in-8, Paris, 1882, t. n,
arc. 3?. Un carr6 creux irrtgulier. p. 394 et suiv.
Artaxerxes n'avait plus rien a craindre d'aucun cote,
construction des murs de Jerusalem^ et, dans une certaine quand, la vingtieme annee de son regne (445), le juif
mesure, celle qui sert de point de depart aux soixante et Nehemie, qui remplissait a la cour la fonction d'echanson,,
dix semaines de Daniel. Xerxes fut assassine par Artaban, osa lui demander 1'autorisatipn d'aller rebatir Jerusalem.
la quatrieme annee de la Lxxvin6 olympiade (465 avant Nehemie n'avait probablement pas manque d'interesser
J.-C.). Diodore de Sicile, xi, 69, et le Canon de Ptolemee. la reine a sa cause, et c'est pourquoi il note si soigneu-
-Mais 1'usurpateur garda sept mois le pouvoir. Ces sept sement sa presence aupres du roi, au moment ou il lui
mois sont comptes tantot au regne de Xerxes, tantot a adressa sa requete. II Esdr., 11, 6. II fut autorise a revenir
celui de son successeur. En realite, Artaxerxes ne put en Judee, avec pleins pouvoirs pour reconstruire Jerusa-
monter sur. le trone qu'en 464. C'est en cette anuee-la lem. II Esdr., n, 1-8. II y resta jusqu'a la trente-deuxieme
que Themistocle, arrivant a Suse, le trouva inaugurant annee du regne (433). Cette annee-la, il alia visiter le roi
&on regne. Thucydide, i, 137; Charon de Lampsaque, dans a Suse, II Esdr., v, 14; xni, 6, puis revint pour continuer
PlUtarque, ThemistocL, 27. Le nouveau roi eut d'abord son ceuvre en Judee. L'Ecriture ne fait plus ensuite men-
a lutter centre son frere Hystaspe, qui avait souleve centre tion d'Artaxerxes, qui mourut neuf ans apres.
lui la Bactriane. II remporta deux victoires et soumit le Les fails que racontent les livres d'Esdras trouvent,,
1041 A R T A X E R X E S I** ARTAXERXES II 1042
comme on le voit, leur place naturelle et tres suffisam- en Van 7 d'Artaxerxes II, Gand, 1892. Voir Le Museon,
ment justifiee dans la trame de 1'histoire d'Artaxerxes Ier. Janvier 1892, p. 86. Voici comment les faits rapportes
On a pense pourtant que le recit qui termine le premier I Esdr., vn-x, prendraient place, d'apres lui, dans 1'histoire
livre, vii-x, n'etait peut-etre pas a sa vraie place; 11 a paru d'Artaxerxes II. L'expose de son systeme sera suivi dela
peu naturel qu'Esdras ait ete autorise a recueillir des discussion critique des raisons sur lesquelles il s'appuie.
sonimes considerables et a requisitionner des provisions
dans le pays meme que les troupes royales allaient avoir 2. ARTAXERXES II (fig. 281) (405-358 avant J.-C.)
a traverser. Frappe de ces raisons, M. Van Hoonacker, fut surnomme Mnemon a cause de sa memoire extraor-
professeur a 1'universite de Louvain, a cherche a demon- dinaire. Second fils de Darius II Nothus, il fut investi de
trer que le retour d'Esdras n'avait pas eu lieu treize ans la royaute au detriment de Cyrus, son frere aine. Sa dou-
avant Nehemie, sous Artaxerxes Ier, mais cinquante-neuf ceur et sa generosite le porterent a laisser a ce dernier les
ans plus tard, sous Artaxerxes II. Voici les principales litres de vice-roi et de generalissime des troupes royales.
raisons sur lesquelles il appuie sa these: 1 Nehemie est
envoye a Jerusalem pour rebatir la ville sainte et ses
murs, II Esdr., n, 5; Esdras, au contraire, trouve la ville
rebatie, et s'y occupe surtout de 1'organisation du culte
et de la reforme des mosurs. I Esdr., vn-x. 2 Quand
Nehemie revient, c'est le grand pretre Eliasib qui est en
tonction, II Esdr., ill, 1; sous Esdras, c'est Johanan, fils
d'Eliasib. I Esdr., x, 6. Ce Johanan ne serait autre que Jo-
nathan, nomme dans la liste des grands pretres, II Esdr., 281. Darique d'Artaxerxes Mn&non.
xn, 10-11, comme fils de Joiada et petit-fils d'Eliasib. Artaxerxes II, tenant une javeline de la main droite et un arc de
Josephe, Ant. jud., XI, vn, 1, 2, 1'appelle aussi 'Iwavvvj?. la main gauche. sp. Carr6 creux irregulier.
Bien que petit-fils d'Eliasib, il est presente comme son
fi]s, parce que le pontifical de Joiada ne parait avoir ete Mais Cyrus mit les Grecs dans ses intere'ts, se revolta
ni long ni important. 3 Esdras fait rompre les manages contre son frere, fut defait et perit a la bataille de Cunaxa,
contracted avec les femmes etrangeres, et cette mesure est pres de Babylone (401). Xenophon, Anabas., i, 8, 24 et
si bien acceptee, que Ton fait le denombrement de ceux suiv.; Plutarque, Artaxerx., 10. Les treize mille Grecsi
qui avaient contracte ces unions, et que Ton garde la liste qui 1'avaient soutenu entreprirent alors cette fameuse re-
des pretres qui eurent a repudier les etrangeres. I Esdr., traite dont 1'Athenien Xenophon fut le chef et plus tard
x, 11-44. Sous Nehemie, ces sortes de mariages sont 1'historien. Anabas.,, n, 5, 24 et suiv. La lutte seculaire
fortement blames, mais non rompus; on ne fait aucune entre les Perses et les Grecs se concentra alors en Asie
allusion a la reforme radicale qui aurait ete executee Mineure. Les Spartiates y guerroyerent, avec des peri-
vingt-cinq ans auparavant, et on voit meme un petit-fils peties diverses, contre Tissapherne, satrape des provinces
du grand-pretre Eliasib marie a une etrangere. II Esdr., maritimes, et Pharnabaze, satrape des provinces septen-
xm, 23-28. 4 Si, la septieme annee d'Artaxerxes Ier, trionales de 1'Asie Mineure (Xenophon, Hellenic., in, 1, 3;
Esdras arrive a Jerusalem muni de pleins pouvoirs et Diodore de Sicile, xiv, 35). En 399, ce dernier conclut un
exerce parmi ses compatriotes une autorite incontestee, armistice, Diodore, xiv, 39, qui ne fut rompu qu'en 396,
comment peut-il, treize ans plus tard, n'apparaitre que par Tissapherne. Xenophon, Hellenic., in, 4, 11-15. La
comme simple scribe, lecteur de la loi, aux cotes de lutte se poursuivit jusqu'en 387, ou le traite d'Antalcidas
Nehemie, sans qu'il soil fait allusion au grand role rem- consacra la souverainete d'Artaxerxes II sur les villes et
pli par lui precedemment ? 5 Si, en 1'an 457, Ar- plusieurs iles d'Asie. Xenophon, Hellenic., v, 1, 31; Dto-
taxerxes Ier, malgre les grandes difficultes qui le preoc- dore, xiv, 110; Plutarque, Artaxerx., 21. Voir Curtius,
cupaient, s'est montre si franchement sympathique aux Histoire grecque, t. iv, p. 161 et suiv. Artaxerxes II n'eut
Juifs et si genereux envers leur temple; si, au moment done point a subir de grands revers, comme Artaxerxes I er ;
ou ses armees allaient et venaient a travers la Palestine, apres la bataille de Cunaxa, la paix regna sur le continent
il a constate que Jerusalem merita'it toutes ses faveurs, asiatique, et le theatre de la lutte avec les Grecs resta tres
comment, six ou sept ans plus tard, a-t-on ose lui ecrire eloigne de la Chaldee, de la Judee et des provinces inter-
une lettre de denonciation si calomnieuse contre ses pro- mediaires. Une caravane de Juifs pouvait done se rendre
teges, I Esdr., iv, 11, et comment a-t-il pu 1'accueillir si en toute securite de Babylone a Jerusalem. Bien plus, la
facilement? Voir Van Hoonacker, Nehemie et Esdras, septieme annee de son regne, en 398, Artaxerxes II, dont
in-8, Louvain, 1890, et Le Museon, Janvier 1892, t. xi, le caractere etait bienveillant, n'avait rien a demeler avec
p. 83. Les conclusions qui ressortent de ces remarques les Grecs. Les ressources du tresor royal etaient alors en
sont que les ehapitres vn-x du premier livre d'Esdras partie disponibles. Esdras aurait profite de ces heureuses
traitent de faits posterieurs et non anterieurs a ceux que conjonctures et des dispositions favorables du prince, pour
raconte le second livre, et qu'Esdras, venu une premiere obtenir 1'autorisation de conduire a Jerusalem une nou-
fois a Jerusalem avec Nehemie, comme simple scribe, velle caravane. Age d'une trentaine d'annees quand il
ag'e d'une trentaine d'annees, retourna ensuite en Perse, accompagna Nehemie a Jerusalem, en 445, il en aurait
et revint en Judee, a la tete d'une nouvelle caravane, eu alors environ soixante - quinze. C'etait un age assez
avec 1'autorisation et la faveur d'un autre Artaxerxes. avance, mais qui permettait fort bien a Esdras de remplir
A. Kuenen a combattu ces conclusions dans un memoire le role qu'on lui suppose.
presente a 1'Academie royale des sciences d'Amsterdam, Les arguments invoques en faveur de la these qui place
et intitule De chronologic van hel perzische lijdvak der le retour d'Esdras sous le regne d'Artaxerxes II sont spe-
joodsche geschiedenis, 1890. La principale raison invoquee cieux, parfois m^rne paraissent assez plausibles. Toute-
est la supposition que la reforme des mariages mixtes fois, jusqu'a present du moins, ils ne semblent pas suffi-
entreprise par Esdras aurait avorte. Le celebre rationaliste sants pour autoriser une modification si considerable dans
ajoute d'ailleursque 1'ancienne hypothese maintenait mieux 1'histoire traditionnelle d'Esdras et dans la disposition des
le terrain sur lequel la critique moderne elevait 1'edifice livres qui la racontent. Voici ce qu'on pourrait opposer
de sa theorie sur la formation de 1'Hexateuque . M. Van aux principaux arguments de M. Van Hoonacker, resumes
Hoonacker a repondu en re"futant les objections de Kue- plus haut: 1 II est bien vrai que Nehemie arriva a Jeru-
nen , et en demontrant que la reforme d'Esdras a pleine- salem avec le projet de rebatir la ville, II Esdr., n, 5, et
ment reussi, ce dont le texte sacre ne permet pas de sa qualite de gouverneur le mettait a meme d'executer ce
douter. Nehemie en Van 20 d'Artaxerxes Jer, Esdras dessein. Quant a Esdras, qui n'etait qu'un simple pretre,,
1043 A R T A X E R X E S II ARTISANS CHEZ LES H E B R E U X
sans autorite civile, son role devait se bonier, d'apres la gouvernement de 1'Eglise de Crete. On croit qu'il fut
teneur meme du decret d'Artaxerxes Ier, a la reorganisa- ensuite eveque de Lystres. Voir Acta Sanctorum, xxi juin.
tion du culte dans le temple de Jerusalem, retabli avant H. LESETRE.
la ville elle-meme, Rien, dans les chapitres vn-x du pre- ARTEMIS ("AprsjiK;), nom grec de la deesse des
mier livre, ne suppose la ville deja relevee de ses ruines. Ephesiens, appelee Diane dans la Vulgate. Act., xix, 24,
II n'y est question que d'institutions religieuses et de 27, 28, 34, 35. Voir DIANE. . .
reformes morales. Les evenemenls racontes dans ces cha-
pitres peuvent done parfaitement <Hre anterieurs a 1'ar- ARTIGNY (Antoine Gachat d'), ne a Vienne, en Dau-
rivee de Nehemie. 2 Nehemie accomplit sa mission phine, le 8 novembre 1706, mort le 6 mai 1778. II etait
sous le pontifical d'Eliasib, II Esdr., in, 1, et, de son cote, chanoine et passa sa vie dans les recherches litteraires et
Esdras se retira au temple dans la chambre de Johanan, bibliographiques. Connu principalement par ses travaux
fils d'Eliasib, I Esdr., x, 6. Mais il est loin d'etre de- litteraires, il est neanmoins range parmi les auteurs du
montre que 1'Eliasib, pere de Johanan, soit le meme xvin6 siecle qui ont ecrit sur la Bible, a cause de son
personnage que le grand pretre. Johanan et Jonathan peu- ouvrage intitule : Nouveaux memoires d'histoire, de cri-
-venl sans doute etre deux formes differentes d'un meme tique et de litterature, 4 in-12, Paris, 1749-1751 (Biblio-
nom; mais deux versets consecutifs du second livre, xn, theque nationale. Z 28794). Dans le tome ier de cet ouvrage,
22, 23, autorisent a admettre une distinction entre le grand il traite plusieurs questions se rapportant a la science
pretre Eliasib, qui a pour fils et successeurs Jo'iada, Joha- biblique. Son oeuvre a vieilli; neanmoins il y a encore
nan et Jeddoa, et Eliasib, chef des families levitiques, et d'excellentes choses a glaner parmi ces travaux remplis
qualifie de pere de Jonathan. Quoi qu'il en soit d'ailleurs d'observations judicieuses. Void les litres des articles
de ces deux versets, nous trouvons dans le premier livre du tome ier que visent nos reflexions : De I'etude de la
un Eliasib pere de Johanan, un Eliasib chantre, un Elia- chronologic; Observations sur les antiquites des Egyp-
sib fils de Zelhua, et un Eliasib fils de Bani. I Esdr., x, tiens et des Chaldeens; Particularites rotnanesques de
6, 24, 27, 36. Le Johanan fils d'Eliasib, dans la chambre la vie de Moise, inventees par les anciens rabbins;
duquel se rendit Esdras, peut done fort bien etre contem- Remarques sur I'origine des fables du paganisms';
porain du grand pretre Eliasib. 3 La conduite diffe- Recherches sur I'epoque du regne de Sesostris; De
rente d'Esdras et de Nehemie au sujet des mariages mixtes I'origine de I'idoldtrie; Des prelendus restes de I'arche
n'implique point la necessite de faire agir Nehemie ante- de Noe; De I'existence des geants; Remarques sur
rieurement a Esdras. Ce dernier, en sa qualile de pretre, I'origine et sur les dieux des Philistins; Des richesses
a impose des mesures plus radicales que Nehemie, dont immenses que David laissa a Salomon pour la cons-
1'autorite etait purement civile. La reforme d'Esdras a truction du temple; Description du temple de Salo-
reussi, sans nul doute; mais il n'est pas extraordinaire mon; De la situation du pays d'Ophir; Remarques sur
que Tabus ait reparu par la suite, et que vingt-cinq ans la destruction de I'armee de Sennacherib; Reflexions
plus tard Nehemie se soit contente de jeter la defaveur sur I'histoire de Cyrus; Histoire de la version des Sep-
sur ces unions elrangeres, sans cependant les prohiber. tante; Remarques historiques et critiques sur les sectes
La loi d'ailleurs ne defendait formellement que les ma- des Juifs; De I'origine du grand Herode; Remarque
riages avec les Chananeens, Deut., vn, 3, 4, et ceux des sur le Scilo. 0. KEY.
femmes d'Israel avec des Moabites et des Ammonites,
Deut., xxm, 3. Les autres unions etrangeres pouvaient ARTINGER Johann Petrus, theologien catholique^ ne
6tre tolerees, et la descendance qui en provenait faisait en 1668 alngolstadt, en Baviere, mort le 2 octobre 1729.
partie de la nation apres quelques generations. La con- On a de lui le Plectrum Davidicum, sive Psalmodia
duite de Nehemie s'explique done; pour autoriser la me- practica et explanata, Ingolstadt, 1726; Officium
sure relativement indulgente qu'il prenait, il n'avait pas divinum, sive methodus recitandi horas canonicas,
a s'appuyer sur la prohibition beaucoup plus severe portee 1727. J. OLIVIERI.
anterieurement par le celebre scribe. 4 La septieme
annee d'Artaxerxes Ier, Esdras exerce a Jerusalem une 1. ARTISANS <VALLEE DES) (hebreu : G&hara-
incontestable autorite, mais cette autorite est surtout reli- sim; Septanle, 'AysaSSasc), I Par., IV, 14; II Esd., XI, 35.
gieuse. Treize ans plus tard arrive Nehemie, qui est tirsdtd' Voir JOAB 2 el VALLEE DES ARTISANS.
(voir ATHERSATHA), c'est-a-dire personnage officielmuni de
pleins pouvoirs pour gouverner la province de Judee au 2. ARTISANS CHEZ LES HEBJREUX (hebreu :
nom du roi. Pour la posterite, Esdras, le savant scribe, le hards, celui qui enlame avec un oulil le fer, la pierre
pieux et energique reformaleur, le restaurateur du culte, ou le bois, et hoseh, celui qui combine pour executer
fut un homme bien superieur au firsatd'; mais, aux yeux un travail; Septante : epyaTr)?, TEXTWV, -Texv^rj?; Vulgate:
des contemporains, le gouverneur, revetu de 1'autorite offi- artifex, fdber, operarius, opifex). Les artisans sonl les
cielle, occupait incontestablement le premier rang. II est hommes qui exercenl un art mecanique, et, en general,
done tout naturel qu'Esdras apparaisse seulement a ses ceux qui s'occupent d'un Iravail manuel. L'artisan travaille
cotes pour remplir les fonctions de son ordre, c'est-a-dire soit en son propre nom, soit pour le compte d'un mailre.
faire la lecture de la loi dans une circonstance solennelle. Dansce second cas, il est sdkir, [AiaOwtocj mercenaries,
5 Enfin le changement d'attitude d'Artaxerxes Ier mercenaire.
vis-a-vis des Juifs peut etre aisement explique par les I. DIFFERENTES SORTES D'ARTISANS. La Bible fait
circonstances. En sept annees, bien des idees se modi- allusion assez souvent aux differents metiers des artisans;
fient dans 1'esprit d'un prince circonvenu par une mul- mais elle est loin de les mentionner tous, et ordinaire-
titude de courtisans ou d'intrigants, qui lui presenlent ment elle suppose connus les details qui nous interesse-
les fails conformement a leurs passions ou a leurs inte- raient et les passe sous silence. Les Hebreux, avant la
rHs. Les arguments apportes par le critique beige ne sont captivite et surtoul avant I'epoque des rois, ne s'adonnaient
done pas suffisants pour rejeter la these traditionnelle. pas d'ailleurs a 1'industrie, el les artisans proprement dits
H. LESETRE. etaient chez eux fort rares. Voici les indications generates
ARTEMAS ('Apreixac, contraction d"ApT[ju8wpoc, don fournies sur ce sujet par les Livres Saints. {Pour les delails,
d'rAtemis ou Diane ), disciple que saint Paul, au cours du voir les articles speciaux.)
voyage qu'il fit en Orient, apres sa premiere captivile, se A) ourRiERs DE LA TEBBE, 1. CultivateuT, 'obed
proposait d'envoyer a Tite, en Crete. Tit., in, 12. On ne 'addmdh, serviteur de la terre, comme Cain, Gen.,
sait rien de ce personnage. II avait du moins 1'estime de iv, 2; 'is 'addmdh, homme de la terre, comme Noe,
saint Paul, qui lejugeait capable de suppleer Tite dansle Gen., ix, 20, ou 'is sddeh, homme des champs, comme
1045 1046
Esau. Gen., xxv, 27. Le laboureur proprement dit s'ap- Ezech., XL, 3, 5. Dans Amos, vn, 7, la Vulgate parle
pelle 'ikkdr, eelui qui creuse la terre. Is., LXI, 5; Jer., de truelle; mais le texte hebreu porte 'dndk, plomb.
LI, 23. Cf. Jacob., v, 7; Eccli., xxxvin, 26-27. Ces artisans employaient la chaux, sld, Is., xxxni, 12;
2. Pasteur, ro'eh. Ce metier se rattache au precedent. Am., n, 1, et un enduit, fdfel, pour crepir ou blanchir les
II etait commun en Palestine. Gen., xxxi, 38-40; Am., murailles. Ezech., xm, 10; Matth., xxm, 27. Les macons
VH, 14; Luc., xv, 4, 5; Joa., x, 11, 12. pheniciens furent associes aux macons hebreux pour la
3. Vignerofi, korem, du nom de la vigne, kerem, la construction du temple de Salomon; les uns et les autres
plante excellente. Is., LXI, 5; Jer., LII, 16; Joel, i, 11; etaient en meme temps tailleurs de pierre. Ill Reg., xvii, 18.
IV Reg., xxv, 12; II Par., xxvi, 10; Matth., xx, 1; xxi, E) ouvRiEss DE vALIMENTATION. II est question dans
34-41. Osee d'un 'ofeh, celui qui fait cuire, soit boulanger,
B) OUVRIERSSUB METAUX. 1. Forgeron, hdrdS barzel, soit cuisinier. Ose., vn, 4. Les gens de ce metier ne pou-
ouvrier du fer. Tubalcain fut le premier qui travailla vaient se trouver que dans les villes, parce qu'ailleurs
le bronze et le fer. Gen., iv, 22. Le forgeron a le ma'asdd chaque famille cuisait pour son usage. Jeremie men-
(petite hache); il faconne le fer au brasier avec les tionne a Jerusalem une place ou rue des Boulangers, Ms
maqqdbot (marteaux), il travaille d'un bras robuste, hd'ofim, Jei\, XXXVH, 21 (hebr.). Josephe appelle vallee
souffre la faim jusqu'a epuisement; il ne boit pas et se des Fromagers , Tupoiroi&v, la vallee qui traversait Jeru-
fatigue. Is., XLIV, 12. Cf. Eccli., XXXVIH, 29-31; I Reg., salem du nord au sud. Bell, jud., V, iv, 1. C'est la sans
XHI, 20, 21. doute qu'on travaillait le laitage a 1'epoque des Jebuseens.
2. Ouvrier du bronze, hdras nehoset. On trouve deja F) OUVRIERS DU VETEMENT,D-ES USTENSILES,DE LA TOI-
mention, des le temps du sejour dans le desert du Sinai, LETTE, ETC. 1. Tisserand, "dreg. Ce metier, plus ordi-
de ceux qui travaillent ce metal. Exod., xxvn, 2, 3, etc. nairement exerce par les femmes, 1'etait aussi quelquefois
Leur Industrie etait importante, parce que le bronze fut par les hommes. On y employait le fuseau, kisor ou pelek,
longtemps le plus commun des metaux employes pour Prov., xxxi, 19; 1'ensouple ou rouleau, menor 'orgim,
fabriquer les outils et les ustensiles de menage. Pratique- I Reg., xvn, 7; II Reg., xxi, 19; la broche, ydted, Jud.,
TOent, ils ne se distinguaient pas des forgerons. Ill Reg., xvi, 14; la navette, 'et-eg. Job, vn, 6. Les Hebreux avaient
vn, 14; II Par., xxiv, 12. Us exercaient en meme temps appris en Egypte les arts du tissage, de la broderie et de
1'etat d'armurier, parce que chez les Hebreux, comme -la teinture, et ils s'en servirent pour travailler a 1'orne-
chez les Philistins et les autres peoples de 1'epoque, la mentation du tabernacle et a la confection des vetements
plupart des armes offensives et defensives etaient en bronze, sacres. Exod., xxv, 4, 5; xxxv, 25, 26, 35, etc. II y avait
sauf parfois les pointes de lances. I Reg., xvn, 5-7; II Reg., du resle des families au sein desquelles se transmettaient
xxn, 35. Quand Nabuchodonosor se fut empare de Jeru- les precedes propres au metier. I Par., iv, 21. Dans chaque
salem, il eut soin d'emmener en captivite les ouvriers qui menage on filait et on tissait, Prov., xxxi, 13, et parfois
auraient pu fabriquer des armes a 1'usage de la population le luxe re"clamait un grand raffinement dans les etoffes.
laissee en Palestine, particulieremeat le forgeron et le IV Reg., xxm, 7; Ezech., xvi, 16.
masger, sorte de serrurier ou d'autre ouvrier travaillant 2. Foulon, lidbes, pour 1'appretage des etoffes neuves
le fer et le bronze. I! (IV) Reg., xxiv, 14,16; Jer., xxiv, 1. et le nettoyage des anciennes. Mai., in, 2; Marc., ix, 2. II
3. Orfevre, soref, celui qui liquefie le metal. Jud., y avait un champ du Foulon pres de Jerusalem. Is., vn, 3;
xvn, 4; Is., XL, 19; Prov., xxv,4, etc. Ses principaux instru- xxxvi, 2; IV Reg., xvin, 17.
ments sont nommes dans la Bible: le creuset, mdseref, 3. Tanneurs. II est question de leur travail dans la
Prov., xvn, 3; xxvn, 21; le soufflet, mdpuah, Jer. vi, 29; construction du tabernacle. Exod., xxv, 5; xxvi, 14, etc.
1'enclume, pd'as, et le marteau, pattls, Is., XLI, 7; les Les Actes, ix, 43, parlent d'un corroyeur de Joppe, nomme
pinces, melqahaim, Is., vi, 6; le ciseau ou burin, heret. Simon, chez lequel saint Pierre logea assez longtemps.
Exod., xxxii, 4; Is., vm, 1. L'art de 1'orfevre fut d'un 4. Potier, yoser. Cette Industrie etait tres ancienne chez
grand emploi dans la fabrication des vases sacres et dans les Hebreux, I Par., iv, 23, et elle se perpetua jusqu'aux
la decoration du tabernacle, de 1'arche et du temple. Bese- temps evangeliques. Jer., xvin, 4; xix, 1; Eccli., xxxvm,
leel eut grace d'etat pour executer les pieces d'orfevrerie 32-34; Matth., xxvn, 7, 10.
qui ornerent le tabernacle. Exod., xxxvii, 1. Les orfevres 5. Faiseurs de tentes, <rxy)vo7roi<u. C'etait le metier
furent aussi les grands fabricants d'idoles, depuis 1'ar- exerce par saint Paul. Act., xvm, 3.
gentier qui faconna un dieu a 1'usage de Micha, Jud., 6. Parfumeur, roqeah. Les Hebreux avaient appris cette
xvii, 4, jusqu'a ceux dont les prophetes stigmatiserent Industrie en Egypte, car il est deja questionnle parfumeurs
1'ceuvre impie. Is., XL, 19; XLIV, 11; Sap., xm, 11, etc. au desert. Exod., xxx, 25, 35. Les femmes s'occupaient
Enfin ils etaient fort occupes pour suffire aux exigences aussi de la preparation des parfums. I Reg., vm, 13. Les
de la parure feminine, qui comportait une grande variete parfumeurs composaient leurs produits pour 1'usage des
de bijoux. Is., HI, 18-23. vivants, Eccle., vn, 2; x, 1; Matth., xxvi, 7, et pour 1'en-
C) OUVRIERS SUB BOIS. 1. Charpcntier, fidrd lesim, sevelissement des morts. II Par., xvi, 14; Joa., xix, 40. Ils
ouvrier des bois, travaillant les bois pour la charpente, etaient en meme temps pharmaciens. Eccli., xxxvin, 7.
la menuiserie, la charronnerie, 1'ebenisterie, etc. Le char- 7. Barbier, galldb. Ezechiel, v, 1, en fait seul mention.
pentier a en main le crayon a tracer, sered; la corde a 8. Graveurs. Ceux qui executent la gravure des cachets
mesurer, qdv; le compas, niehugdh; le ciseau, mdqsu'dh, s'occupent a varier leurs figures; ils mettent tout leur coaur
Is., XLIV, 13; la hache, garzen, Is., x, 15, ou qdrdom, a reproduire la peinture et ne songent qu'a parfaire leur
I Reg., xm, 20; la scie, massor, Is., x, 15, et le marteau, ouvrage. Eccli., xxxvin, 28; XLV, 13.
maqqdbdh, III Reg., vi, 7, ou halmut, Jud., v, 26. II. CONDITION DES ARTISANS. 1 Le travail manuel.
2. Sculpteurs sur b'ois. Ils apparaissent surtout a litre Impose a 1'homme innocent comme agreable occupation,
de fabricants d'idoles. Is , XL, 20; XLIV, 13; Sap., xm, Gen., n, 15, il devint penible a la suite du peche. Gen.,
11-16. Ill, 17. Aussi I'ouvrier mercenaire soupire apres la fin
D) OUVRIERS DE CONSTRUCTION. 1. Magous, godrlm, de sa journee , et il est heureux quand elle est ter-
II (IV) Reg., xii, 13 (12). Ils sont aussi appeles gibllm, minee. Job, vn, 2; xiv, 6. Dans les anciens temps, le
gens de Gebal, ville de la cote phenicienne, parce que travail manuel parait avoir ete le lot exclusif des esclaves
les hommes de cette localite etaient habiles magons en et des artisans. Pendant la captivite, chacun dut pourvoir
mme temps qu'excellents marins. I (III Reg.), v, 18; a sa subsistance, a 1'etranger, par le travail de ses mains.
Ezech., xxvn, 9. Les macons se servaient de la scie a Aussi, au retour, devint-il de regie de faire apprendre un
couper les pierres, megerah, II Sam. (II Reg.), xii, 31; metier manuel a chaque enfant. On lit dans le Talmud :
I (III Reg.), vn, 9; et de la perche a mesurer, qdneh, Au pere incombe la tache de circoncire son fils, de lui
1047 ARTISANS CHEZ LES HEBREUX ARTOP^US 1048
apprendre la loi et de lui enseigner un etat. Tosaphot in nourris chez le maitre qui les ernployait, et payes a la fin
Kidduschin, c. 1. Quiconque n'enseigne pas un etat a de leur service. Cf. Is., xvi, 14; xxi, 16. Les artisans libres
son fils, c'est comme s'il lui enseignait le brigandage. recevaient leur salaire a des epoques tres rapprochees.
Talm. de Babyl. Kidduschin, 29 a, 30 b. Voir Stapfer, Quand 1'ouvrier etait pauvre, la loi ordonnait meme de
La Palestine au temps de Notre-Seigneur, p. 142. C'est le payer le soir de la journee, avant le coucher du soleil.
une belle chose que 1'etude de la loi, avec une industrie Lev., xix, 13; Deut., xxiv, 14, 15; Tob., iv, 15; Matth.,
terrestre par laquelle on se procure son entretien. Pirke xx, 2,8. II etait expressement defendu de frauder 1'ou-
Aboth, 2, 2. Le livre ajoute que cette etude et cette indus- vrier. Lev., xix, 13; Eccli., vn, 22. L'injustice a son egard
trie font eviter le peche. C'est pour se conformer a cet pouvait etre assimilee a 1'homicide, Eccli., xxxiv, 27,
usage national, si humblement suivi par Notre-Seigneur puisque la vie de 1'artisan dependait de son sahire. Prov.,
lui-meme, que les Apotres, et particulierement saint xvi, 26. Aussi Dieu devait-il prendre en main la cause de
Paul, travaillerent de leurs mains. Act., xvm, 3; xx, 34; 1'artisan lese dans ses droits. Job, xxxi, 39; Mai., in, 5;
I Cor., iv, 12; I Thess., n, 9; II Thess., in, 8. II y avail Matth., x, 10; Luc., x, 7; I Tim., v, 18; Jacob., v, 4. La
cependant certains metiers moins honores ou plus rudes, Bible ne fournit aucun renseignement sur la quotite du
comme ceux d'anier, de chamelier, de batelier, etc., qu'il salaire. Nous voyons seulement, dans le Nouveau Testa-
etait recommande d'eviter. Kidduschin, 30a, 82 a. ment, qu'un vigneron recevait un denier pour une jour-
2 Groupements d'artisans. La vallee des Arti- nee de travail. Matth., xx, 2. A 1'epoque imperiale, le
sans , I Par., iv, 14; II Esdr., xi, 35, au nord et a proxi- denier valait 1 fr. 07. Si 1'on tient compte de la facilite
mite de Jerusalem, suppose un groupement analogue a de la vie en Palestine au ier siecle, un denier equivalait
celui de la vallee des Fromagers . II est aussi parle largement au salaire que regoit un ouvrier ordinaire de
des families de la maison ou se travaille le byssus , nos jours, surtout a la campagne. Voir SALAIRE.
ce qui permet de croire a 1'existence d'une sorte de fila- "4 Remarques morales sur les artisans. Chaque
ture celebre dans les anciens temps, I Par., iv, 21; il est ouvrier doit s'appliquer a son metier. Eccli., xxxvii, 13,14.
jencore question de potiers habitant a Neta'im (Vulgate : S'il travaille et est econome, il sera heureux, Eccli., XL, 18;
Plantations) et a Gedera (Vulgate: les Haies), I Par., iv, 23, il ne s'enrichira pas, s'il est ivrogne. Eccli., xix, 1. Mal-
ou ils trouvaient 1'argile necessaire.a leur industrie. Sous heureusement les mauvais ouvriers n'ont jamais manque.
les rois apparaissent des groupements plus ou moins con- Phil., in, 2. Voici en quels termes Jesus, fils de Sirach,
siderables d'ouvriers aux ordres du prince. Samuel, qui determine le role social et la dignite morale de 1'artisan.
sait ce qui se passe dans les monarchies, avertit ses compa- Apres avoir montre comment le laboureur, le charpen-
triotes que le roi prendra leurs serviteurs, leurs servantes tier, le constructeur, le graveur, le forgeron, le potier,
et leurs meilleurs jeunes gens, et les fera travailler pour en un mot tous les "artisans, sont trop occupes de leurs
lui; que de leurs fils il fera ses soldats, ses laboureurs, travaux pour avoir le loisir d'acquerir la science du lettre,
ses moissonneurs, ses armuriers et ses charrons; de leurs il ajoute : Tous ceux-la attendent leur vie du travail de
filles ses parfumeuses, ses cuisinieres et ses boulangeres. leurs mains, et chacun d'eux a 1'habilete propre a son
I Reg., vm, 12-16. David avait ses cultivateurs, ses vigne- metier. Sans eux tous, on ne batirait aucune ville, on n'y
rons, ses pasteurs, ses employes de toutes sortes, avec habiterait pas, on n'y voyagerait pas. Toutefois ils ne se
des intendants a leur tete. I Par:, xxvn, 25-31. Les grands font pas remarquer dans 1'assemblee, ils ne prennent point
travaux entrepris par Salomon necessiterent une organi- place sur le siege du juge, ils ne comprennent pas la loi
sation ouvriere habilement combinee. David avait reuni qui preside au jugement, ils n'enseignent pas la doctrine
un tres grand nombre d'artisans, tailleurs de pierres, ni la justice, et on ne les trouve pas la ou sont les paraboles
macons, charpentiers, orfevres, forgerons, etc., I Par., (c'est-a-dire la ou se debitent les propos subtils et sa-
xxn, 15, 16, en vue de la construction du temple. Salo- vants). Mais ils sont les soutiens des choses du temps, et
mon employa 70000 porteurs de fardeaux et 80000 tail- leur priere se' rapporte aux travaux de leur metier. C'est
leurs de pierres, a la tete desquels il placa 3600 contre- a quoi ils appliquent leur ame, en s'efforcant de vivre
maitres. II Par., n, 2, 18. II enrola aussi 30000 charpen- selon la loi du Tres-Haut. Eccli., xxxvm, 35-39. D'apres
tiers pour travailler dans le Liban, conjointement avec les cette theorie sociale, qui est 1'expression meme de la pensee
ouvriers d'Hiram; il les envoyait au Liban tour a tour, de 1'Esprit-Saint, le role de 1'artisan se reduit done a deux
10000 chaque mois, de sorte qu'ils etaient deux mois choses : s'appliquer aux devoirs de son etat, aussi indis-
dans leurs maisons. Ill Reg., v, 13, 14. Un systeme ana- pensable a la societe que la sagesse des esprits superieurs,
logue de service alternatif est en usage aujonrd'hui pour et vivre conformement a la loi divine. Ainsi se prepare
la garde des phares situes en mer. Ces immenses travaux pour 1'artisan la possession de cette vie meilleure, ou il n'y
durerent sept ans. Pendant treize autres annees, Salomon a d'autre distinction que celle des merites acquis ici-bas.
employa de nombreux ouvriers a la construction de son H. LESETRE.
palais.'III Reg., vn, 1. II fit aussi executer de grands tra- 1. ARTOP/EUS Johannes Christopher, nom grecise
vaux d'utilite publique. Ill Reg., ix, 15, 17-19; II Par., de Becker ("apToiroto;, boulanger ) , historien protes-
vm, 2, 4-6. Du temps de Joas, on retrouve des char- tant, ne a Strasbourg, en 1626, mort dans cette ville le
pentiers et des macons travaillant dans la maison du 21 juin 1702. 11 se voua a 1'enseignement avec succes,
Seigneur, sous la direction de leurs chefs. IV Reg., xn, 11; lumen academiee patrise, dit Fabricius, et fut chanoine
II Par., xxiv, 12. Ils sorit encore la du temps de Josias. du chapitre de Saint-Thomas. II prit part a la publication
IV Reg., xxii, 5-6; II Par., xxxiv, 11, 17. Les grands du Compendium historiss ecclesiastics^, in usum gym-
travaux recommencerent sous Zorobabel et sous Herode, nasii gothani, in-8, 1666. Parmi ses theses et dis-
mais 1'Ecriture ne fournit pas d'indications sur 1'enro- sertations , dont Audifreddi donne la liste dans sa Biblio-
lement des ouvriers a ces deux epoques. theca Cassinatensis, on remarque te Meletema historicum,
3 Le salaire des artisans. A 1'origine, le salaire se quod narratio de Judith et Holoferne non historia sit,
payait en nature. Gen., xxx, 32. La loi mosaique exigeait sed epopseia, in-4, Strasbourg, 1694, qui fut refute par
que le salaire fut justement paye a celui qui avait tra- Bernard de Monfaucon dans La verite de Vhistoire de
vaille. Aussi quand, au debut de 1'annee sabbatique, on Judith, in-12, Paris, 1696. Voir lo. Alb. Fabricius, Bi-
rendait la liberte a 1'Hebreu qui s'etait engage comme bliotheca grseca, edit, de 1752,1. in, c. xxix, p. 742.
eselave, on etait oblige de lui compter un salaire pour tout J. OLIVIERI.
le travail qu'il avait fourni. Lev., xxv, 40; Deut., xv, 13,18. 2. ARTOP>EUS Petrus, enallemand Becker, commen-
Meme 1'etranger reduit en esclavage devait etre remunere, tateurx lutherien, ne en 1491, a Coslin, en Pomeranie,
et pouvait se racheter avec le prix de son travail. Lev., mort en 1563. II etudia les langues et la theologie a 1'uni-
xxv, 50. Ceux qui se louaient a 1'annee etaient sans doute versite de Wittemberg, et devint ministre protestant de la
1049 ARTOP^EUS ARVADIEN 1050
principals eglise de Stettin. C'etait un ami d'Osiander. ARUCH (hebreu : 'Aruk, arrange par ordre alpha-
Parmi ses ouvrages on remarque une Biblia Veteris et betique), titre d'un celebre dictionnaire talmudique com-
Novi Testamenti, et histories arlificiasis picturis effi- pose au xne siecle par rabbi Nathan ben Jechiel , sur-
giata , cum explicatione latine et germanice, in-8, nomme pour cette raison par les auteurs juifs Ba'al
Francfort, 1557; Evangelicse condones Dominicarum 'Aruk, 1'auteur d'Aruch. Voir NATHAN BEN JECHIEL.
totius anni, in -8, Francfort, 1537, ouvrage mis a I'ln-
dex par Pie IV. Voir Pantaleon, Prosopographia heroum ARUM (hebreu : Hdrum, haut; Septante :
et illustrium virorum totius Germanise, Bale, 1565 ; Ges- pere d'Aharehel et fils de Cos, descendant de Juda. I Par.,
ner, Bibliotheca Gesneri in epitomen redacta, Zurich, iv, 8.
1863, qui mentionne du meme auteur quelques autres
ouvrages d'erudition Mblique. J. OLIVIERI. ARUMAH ('Arumdh),^ forme hebraique du nom
d'une localite de la tribu d'Ephra'im appelee dans la Vul-
ARUBOTH (hebreu: 'Arubbot; Septante : gate Ruma. Jud., ix, 41. Voir RUMA 2.
F^
282. Aruspice examinant les entrailles d'une victime. Bas-relief remain dii Mus6e du Louvre
la troisieme des circonscriptions territoriales qui, sous ARUSPICES. Chez les Romains, on appelait arus-
Salomon; devaient tour a tour, pendant I'annee, subvenir pices les pretres charges d'examiner a 1'autel les entrailles
a 1'entretien de la table royale. Ill Reg., iv, 10. L'offlcier des victimes, pour en tirer des presages et predire les eve-
qui etait charge d'y lever les impots s'appelait Benhesed, aements futurs (fig. 282). Ce nom etant familier aux Latins,
ayant dans son ressort Socho et toute la terre d'Epher . saint Jerome s'en est servi pour traduire dans Daniel le
De la mention de Socho nous pouvons conclure que ce mot chaldaique gdzerin, qui designe une classe de devins
district appartenait a la tribu de Juda. Mais il existait deux babyloniens, Dan., n, 27; iv, 4; v, 7,11. Comme gdzerin
villes de ce nom : 1'une dans la plaine, citee entre Adul- vient de la racine gezar, couper, mettre en morceaux,
lam et Azeca, Jos., xv, 35, et generalement identifiee avec cette expression a du rappeler naturellement au traduc-
Khirbet Schoueikeh, localite situee au nord-est de Beit- teur de la Vulgate les aruspices qui examinaient les vic-
Djibrin; 1'autre dans la montagne, Jos., xv, 48, et dont times immolees. Voir GAZER!N. Saint Jerome a employe
1'emplacement est egalement connu sous 1'appellation de encore le mot d' aruspices , IV Reg., xxi, 6, pour rendre
Schoueikeh, au sud-ouest d'Hebron. De laquelle des deux 1'hebreu ide'dnim, dont la signification est ceux qui
s'agit-il ici? On ne sait au juste. Nous seriqns plus tente savent [1'avenir] , devins en general; et IV Reg., xxm, 5,
d'y voir la premiere. En effet, la terre d'Epher ne se pour rendre 1'hebreu kemdrim, dont la signification est
rapporte evidemment pas a la Geth-Hepher de Zabulon, pretres [des faux dieux] . L'expression d' aruspices
Jos., xix, 13, mais bien plutot a la ville chananeenne ne doit done pas etre prise dans sa signification propre et
(hebreu : Ifefer; Vulgate : Op her) citee, Jos., xii, 17, rigoureuse dans la traduction de la Vulgate. Voir FOIE, 1.
entre Taphua et Aphec. Or ces deux dernieres apparte-
naient a la region nord-ouest de la tribu de Juda. Voir ARVAD, forme hebraique du nom de 1'ile phenicienne
APHEC 1. Aruboth aurait ainsi fait partie de la grande et connue sous le nom d'Arad. Voir ARAB 2.
fertile plaine de la Sephela, dont les richesses devaient
etre mises a contribution par Salomon. A. LEGENDKE. A'RVADIEN (hebreu : hd-'Arvddi, avec 1'article),
1051 ARVADIEN - ASA 1052
forme hebrai'que du nom ethnique : Aradien, dans Gen., de 580000 guerriers, dont 300000, pris en Juda, portaient
x, 18; I Par., i, 16. Voir ARADIEN. le grand bouclier (sinndh) et la lance, et 280000, pris
en Benjamin, etaient armes du petit bouclier (mdgen).
ARVADITE. Voir ARADIEN. Ill Reg., xv, 23; II Par., xiv, 1-8. Cette paix fut inter-
rompue par 1'invasion du roi d'Egypte et d'Ethiopie Zara,
ARVIVO Isaac ben Moseh, rabbin de Salonique au conduisant une formidable armee d'Ethiopiens (un million
xvie siecle, a laisse un commentaire philosophique sur le d'hommes et trois cents chars de guerre, d'apres le texte
Pentateuque, Tanfyumot 'El, Consolations de Dieu, Job, actuel). II Par., xiv, 9-10; xvi, 8. Asa, mettant toute sa
xv, 11, in-f, Salonique, 1583, et un autre sur 1'Ecclesiaste, confiance en Jehovah, s'avanca resolument a sa rencontre,
in-4, Salonique, 1597. E. LEVESQUE. et, apres 1'avoir defait dans la vallee de Sephata, pres de
la place forte de Maresa, dans la plaine de Juda, Jos., xv, 44,
1. AS (appele aussi assis, assarius; en grec, ao-trapiov), il le poursuivit jusqu'a Gerare, et avec tant de succes, que
nom de 1'unite monetaire de bronze chez les Remains. 1'armee de Zara fut aneantie, laissant aux mains du vain-
Le Nouveau Testament parle deux fois de I'acraapiov, queur un immense butin. II Par., xiv, 13.
Matth., X, 29; Luc., xn, 6. Dans le premier passage, la Asa, soit avant, soit apres cette expedition, s'occupa
Vulgate rend ao-aaptov par as; elle traduit les deux assa- avec zele de la reforme religieuse et de la restauration
rii de saint Luc par dipondium, nom de 1'as double en du culte divin. L'idolatrie, introduite en Juda par ses
ancetres, avait trouve une ardente propagatrice dans la
reine mere Maacha, fille ou bien petite - fille, II Reg.,
xiv, 27, d'Absalom, probablement grand'mere d'Asa et
non sa mere. Ill Reg., xv, 2. Cette femme, qui avait
conserve a la cour d'Asa le rang et les attributions dont
elle jouissait sous le regne precedent, usait de toute son
influence pour propager le culte d'Astarte. II Par., xv, 16.
En 1'honneur de cette deesse, elle avait institue toutes
sortes d'usages et de symboles detestables, dont la nature
n'est pas bien precisee (hebreu: elle avait fait un miflesef,
c'est-a-dire un symbole idolatrique, et, selon quelques-
uns, un symbole honteux, pour Y'aserah ou statue de
283. As de Cn6us Pompe'e. bois d'Astarte); toutes choses qu'Asa fit disparaitre, aussi
T6te Iaur6e de Janus. $. CN. MAG IMP ( Cneus Magnus im- bien que les autres statues et autels de divinites etran-
perator, flls du grand Pompfe). Proue de navire. Devant I, geres, les steles (massebot) et colonnes (hammdnim) en
marque de 1'as. 1'honneur de Baal, le dieu-soleil, III Reg., xiv, 23;
II Par., xiv, 4; cf. Exod , xxxiv, 13; Lev., xxvi, 30, et
Italie. Le poids, la valeur et la forme de 1'as ont beaucoup la plupart des bois sacres et hauts lieux, excepte quelques-
varie, suivant les epoques, chez les Latins. L'as primitif uns, appeles bdmot, qui etaient consacres a Jehovah.
devait peser regulierement une livre romaine (environ III Reg., xv, 14; II Par., xv, 17. Car cet usage, non auto-
327 grammes). Au commencement de 1'empire, du temps rise par la loi, s'etait introduit de multiplier les autels
de Notre-Seigneur, 1'as pesait un tiers d'once, c'est-a-dire en 1'honneur de Dieu, comme on 1'avait fait avant la
9 grammes, et valait par consequent de 6 a 7 centimes. construction du temple, III Reg., in, 2; xxn, 44, et d'y
II portait de face une figure de Janus, et au revers une offrir des sacrifices ou d'y bruler de Tencens. Asa, soit
proue de navire (fig. 283). Notre-Seigneur dit en saint par faiblesse, soit pour eviter un plus grand mal, les laissa
Matthieu, X, 29, que de son temps, en Palestine, deux done subsister; et s'il se montra impitoyable a 1'egard de
passereaux se vendaient un as; et en saint Luc, xn, 6, la statue d'Astarte, qu'il mit en pieces et dont il brula les
que pour deux as on pouvait avoir cinq passereaux. fragments dans le torrent du Cedron, III Reg., xv, 13;
II Par., xv, 16; s'il fut severe a 1'egard de Maacha, qu'il
2. AS... Voir a Az... les noms propres commencant par destituade sa dignite, HI Reg., xv, 13, il semble avoir ete
As qui ne se trouvent pas ici a leurs places respectives, indulgent pour 'quelques hauts lieux meme idolatriques,
les noms en As etant ecrits par Az dans diverses editions puisque Josias, plus energique que lui, est loue pour en
de la Vulgate. avoir detruit plusieurs, que Salomon avait consacres a
Astaroth, a Chamos et a Melchom, sur le mont des Oli-
ASA, hebreu : 'Asa', medecin. Nom d'un roi de viers. IV Reg., xxm, 13.
Juda et d'un levite. Dans ses reformes, Asa etait guide par un profond senti-
ment de sa royaute theocratique et des droits souverains de
1. ASA (Septante : 'A<ra), troisieme roi de Juda xiepuis Jehovah. Et non content d'avoir ecarte ces profanations
la separation des dix tribus, fils et successeur d'Abia^ sacrileges, il restaura avec un coeur parfait , III Reg.,
monta sur le trone la vingtieme annee du regne de Jero- xv, 14, le culte divin, d'abord en enriehissant le tresor du
boam, roi d'Israel, III Reg., xv, 9-10; II Par., xiv, 1; temple, vide depuis 1'invasion de Sesac, III Reg., xiv, 26,
cf. Matth., I, 7-8, et regna pendant quarante et un ans de tout le butin fait par son pere sur Jeroboam, II Par.,
(955-914), pendant lesquels il vit se succeder sur le trone xni, 16-19; xv, 18, et de celui qu'il avait fait lui-meme
d'Israel Jeroboam Ir, Nadab, Baasa, Ela, Zambri, Amri sur les Ethiopiens. Ill Reg., xv, 15; cf. II Par., xiv, 13-15.
et Achab. Pieux autant que son pere avait ete irreligieux, Puis il voulut que Jerusalem redevint le centre religieux
il avait ete donne par Dieu au peuple de Juda, malgre les de Juda, et pour favoriser ce mouvement il retablit ou
impietes des regnes pr-ecedents, III Reg., xiv, 22-24; restaura, devant le portique du temple, 1'autel des holo-
xv, 3; II Par., xn, 14, a cause de David, pour res- caustes, deteriore et peut-etre profane par le culte des
plendir comme un flambeau , III Reg., xv, 4, c'est- idoles. II Par., xv, 8. Les Juifs repondirent a cet appel,
a-dire pour relever la gloire de Jerusalem et du royaume. et meme beaucoup d'Israelites, malheureux dans leur pays
Les trois annees du regne d'Abia avaient ete agitees par et frappes de voir combien le Seigneur etait avec Asa,
une guerre presque sans treve eontre Israel, II Par., xni, 2; II Par., xv, 9, vinrent s'etablir en Juda.
Asa, par sa prudence, sut maintenir pendant dix ans une Tout etait prepare pour une renovation solennelle et
paix dont il profita pour fortifier le pays, en reconstrui- populaire de 1'antique alliance du peuple avec Jehovah.
sant les places fortes que Sesac avait ruinees, II Par,, Jos., xxiv, 14-25. Dieu la provoqua lui-meme en envoyant a
xii, 4, et se constituer vine armee considerable, composee Asa un prophete, uniquement connu par ce passage, II Par.,
1053 ASA ASAEL 1054
xv, 1-8, Azarias, fils d'Oded, qui, abordant le roi, lui rap- cote d'Israel. Ill Reg., xv, 16. La f rente -neuvieme annee
pela que 1'alliance theocratique etait un element consti- de son regne, il fut pris de douleurs de pieds tres vio-
tutif du royaume : Jehovah a ete avec vous parce que lentes, probablement de la goutte, III Reg., xv, 23;
vous avez ete avec lui, II Par., xv, 2, et dans un tableau II Par., xvi, 12, et il mit trop sa confiance dans 1'art des
prophetique lui decouvrit les malheurs reserves a son medeeins, pas assez dans le secours de Dieu. Les paroles
peuple le jour ou il romprait ce pacte. Asa ecouta avec du texte sacre, II Par., xvi, 12, donnent a entendre que
respect, et, encourage par ce message, il s'appliqua plus I'affaiblissement du sentiment religieux deja signale per-
que jamais a la destruction de 1'idolatrie. Bientot il con- sistait dans le cceur du roi, bien qu'il demeurat fidele
voqua le peuple a la renovation de 1'alliance theocratique. au culte divin et fut toujours tres eloigne de 1'idolatrie.
C'etait le troisieme mois de la quinzieme annee du regne Asa mourut apres deux ans de cette maladie, et fut
d'Asa. II Par., xv, 10. Apres un sacrifice solennel de enseveli avec magnificence, II Par., xvi, 14, dans le torn-
sept cents boaufs et sept mille moutons, reserves sans beau que, selon la coutume, il s'etait fait preparer dans
doute de l'immense betail pris sur Zara, II Par., xiv, 15, Jerusalem, aupres de ses peres. Ill Reg., xv, 24; II Par.,
le peuple, a la suite d'Asa, prit I'engagement de cher- xvi, 14. Son fils Josaphat lui succeda. P. RENARD.
cher le Seigneur Dieu de ses peres de tout son coeur et de
toute son ame , II Par., xv, 12-15, tandis que la fanfare 2. ASA (Septante : 'Ooxra; Codex Alexandrinus : 'Asa),
des cors et des trompettes portait au loin Fecho de cette pere ou ancetre de Barachie, levite qui, apres la captivite,
grande manifestation. habitait un des hameaux dependant de Netophah, aux envi-
Pen de temps apres, peut-etre 1'annee suivante, le rons de Bethlehem. I Par., ix, 16.
Jroyaume d'Israel, qui jusque-la avait vecu en paix avec
Juda, entra en hostilites. II y a manifestement une alte- ASAA. Officier du roi Josias, II Par., xxxiv, 20,
ration de chiffres dans le passage du second livre des nomme ailleurs Asaia. "Vbir ASAIA 1.
Paralipomenes qui fixe cette guerre a la trente-sixieme
annee du regne d'Asa, II Par., xv, 19; xvi, 1, puisque ASAEL, hebreu : 'Asah'el, Dieu a fait, cree;
d'apres III Reg., xvi, 8, Baasa, le roi d'Israel qui fit cette Septante : 'Ao-aviX. Nom de cinq Israelites.
guerre, mourut la vingt-sixieme annee du regne d'Asa.
C'est done la quinzieme et la seizieme annee qu'il 1. ASAEL, le plus jeune des trois fils de Sarvia, sosur de
faut lire, au lieu de la trente-cinquieme et de la trente- David. Le seul fait que la Bible raconte de lui est un trait
sixieme . Cette guerre fut poussee avec vigueur par de bravoure qui lui couta la vie. Avant d'en faire le recit,
Baasa, qui, franchissant la frontiere, s'avanfa jusqu'a 1'historien sacre a soin de dire qu'Asael etait extreme-
deux lieues de Jerusalem, s'empara de Rama, clef du ment agile a la course, pareil aux gazelles qui vivent dans
passage de Juda en Israel, la fortifia et coupa ainsi toute les bois . II Reg., n, 18. L'agilite a la course etait, en
communication par le nord avec la capitale de Juda. effet, une des qualites physiques les plus prisees des
Ill Reg., xv, 27; II Par., xvi, 1. Asa n'osa pas, en face anciens, a cause surtout des services qu'elle rendait a la
de 1'armee d'Israel, compter sur Dieu, comme il 1'avait guerre : le principal heros de Ylliade est Achille aux
fait en face de 1'innombrable multitude des Ethiopiens : pieds legers ; le dictateur Papirius fut honore du surnom
ses vues etaient devenues plus humaines, sa foi moins de Cursor, parce que, au rapport de Tite Live, Hist.
ferme. II prefe'ra au secours de Jehovah celui des Syriens, rom., ix, 16, aucun homme de son temps ne pouvait le
dont le royaume, depuis Razon, III Reg., xi, 23-24, vaincre a la course. Cette agilite d'Asael lui fut funeste
avait prospere, tant au point de vue militaire que com- le jour ou, commandee par ses deux freres aines, Joab
mercial. Benadad, lie jusque-la a Israel par un traite, se et Abrsa'i, 1'armee de David battit a Gabaon les troupes
rendit facilement a la demande d'Asa et a ses presents, d'Abner, general d'Isboseth. Au moment de la deroute,
pour lesquels on avait epuise le tresor du temple et celui il s'attacha aux pas d'Abner, et le serra de si pres que
du roi. Ill Reg., xv, 18. II voyait la d'ailleurs une occa- celui-ci, malgre son desir de ne pas encourir la haine de
sion tres favorable de tirer parti de son travail d'organi- Joab en tuant son frere, dut prendre 1'offensive et frapper
sation militaire et d'etendre sa domination. C'est pour- Asae'I. Le jeune guerrier tomba mort sur le coup. II Reg.,
quoi, sans tarder, il entra en campagne en favour d'Asa, n, 19-23. Voir ABNER.
et, se jetant sur Israel, il forca Baasa a lacher Rama, C'est avec une visible sympathie que 1'auteur du second
qu'Asa occupa aussitot. II fit plus que 1'occuper : a 1'aide livre des Rois parle de la bravoure d'Asael , qu'il rapporte
d'une requisition universelle de tous les hommes valides d'abord le trait de courage qu'elle lui fit accomplir, puis sa
de Juda, il la demantela, et avec les materiaux de cons- mort, la compassion de ses compagnons, s'arretant devant
truction fortifia Gabaa de Benjamin et Maspha, deux son cadavre a mesure qu'ils passaient, et enfin la sepulture
places qui des lors devenaient pour Jerusalem un rempart qu'ils lui donnerent dans le tombeau de son pere, a Beth-
assure contre 1'eventualite d'une nouvelle invasion du cote lehem; il a meme soin de le compter a part en faisant le
du nord. Ill Reg., xv, 18-22; II Par., xvi, 2-6. Jeremie recensement des soldats de David tues a Gabaon. II Reg.,
nous apprend qu'Asa avait fait construire a Maspha une n, 30. On sent qu'il etait aime et admire, ce guerrier
grande piscine, afin de 1'approvisionner d'eau. Jer., XLI, 9. qui, malgre sa jeunesse , avait deja pris place parmi les
Le recours d'Asa aux Syriens n'etait pas seulement un officiers designes dans 1'Ecriture sous le nom de salisim,
acte de defiance a 1'egard de Dieu, mais encore une vio- (la Vulgate traduit ce mot par trente , II Reg., xxni, 24),
lation sacrilege de la constitution theocratique de Juda, et se faisait distinguer meme entre les vaillants de 1'armee
que Dieu reprocha severement au roi, par la bouche du de David. I Par., xi, 26. Le soin de venger Asae'I servit de
prophete Hanani, II Par., xvi, 7-9, lui annoncant en meme pretexte a Joab pour se debarrasser d'Abner, qui portait
temps des guerres sanglantes, en punition de son infide- ombrage a son ambition ; il le tua par trahison a Hebron,
lite. Malheureusement le coeur d'Asa s'endurcit, et, rebelle avec la complicite d'Abisa'i, pour venger le sang de son
a 1'avertissement de Dieu, il entra en fureur, fit saisir le frere Asael. II Reg., in, 27, 30. E. PALIS.
prophete, qu'il condamna au cruel supplice des entraves,
II Par., xvi, 10; cf. Jer., xx, 2; xxix, 26, tandis qu'il faisait 2. ASAEL, un des levites que le roi de Juda, Josaphat,
mourir a cette occasion plusieurs de ses sujets. Get acte associa aux prgtres qui devaient parcourir le pays pour
de brutale tyrannic fut une tache sur le regne d'Asa, instruire le peuple de la loi du Seigneur. II Par., xvn, 8.
jusque-la si glorieux. (Ten fut d'ailleurs le dernier trait.
Les guerres predites par le prophete, II Par., xvi, 9, n'eu- 3. ASAEL, un des levites preposes a la garde des dimes
rent pas lieu pendant les dernieres annees d'Asa, bien et des offrandes faites au temple, sous les ordres de Cho-
que la paix ne semble pas avoir ete desormais solide du nenias et de Semei, au temps d'Ezechias. II Par., xxxi, 13.
1055 ASAEL ASAPH 1056
4. ASAtt (Vulgate : Azahel), pere de Jonathan, un qu'ils distinguent d' Asan, dans la tribu de Simeon ,
de ceux qui avec Esdras rechercherent les Israelites qui mentionnent un village appele encore de leur temps
avaient epouse des femmes etrangeres pendant la capti- Bethasan, situe a quinze milles a 1'ouest de Jerusalem.
vite. I Esdr., x, 15. Voir AZAHEL. Cf. Onomasticon, Gcettingue, 1870, p. 221, 222; S. Je-
rome, Liber de situ et nominibus locorum hebr., t. xxin,
5. ASAEL (Septante: 'A<7tv)X; omis dans la Vulgate), col. 871, 872. II est probable que ce village marquait
de la tribu de Nephthali et ancetre de Tobie. Tob., i, 1. plutot 1'emplacement d'Asena. Voir ASENA- 2.
A. LEGENDRE.
ASAIA, hebreu : 'Asdydh, Jehovah a fait, eree; ASAN A (hebreu : Has-senu'dh, le herisse [?],
Septante : 'Ao-ata. Nom de quatre Israelites. nom avec 1'article; Septante: 'Ao-tvov), de la tribu de
Benjamin, ancetre de Salo, un des premiers habitants de
\. ASAIA, officier du roi Josias, un de ceux qui furent Jerusalem apres le retour de la captivite. I Par., ix, 7.
envoyes vers la prophetesse Holda, pour la consulter sur
le livre de la Loi trouve dans le temple. IV Reg., xxii, ASAPH, hebreu : Asdf, collecteur; Septante :
12,14. La Vulgate, II Par., xxxiv, 20, le nomme ASAA. 'Ao-a^. Nom de quatre personnages.
2. ASAIA, chef d'une des families de la tribu de Simeon, 1. ASAPH, un des levites etabli par David chef des
qui sous le regne d'Ezechias chasserent de Gador les pas- chantres et des musiciens sacres, a 1'epoque ou 1'arche
teurs chananeens. I Par., iv, 36, d'alliance fut definitivement fixee a Sion. I Par., vi,
31, 39; xvi, 4, 5, 7 et 37; xxv, 1 et 6; II Esdr., xn, 45.
3. ASAIA, levite, sous le regne de David, chef de la Fils de Barachie, Asaph descendait de Levi par Gersom.
famille de Merari. II prit part a la translation de 1'arche I Par., vi, 39-43; xv, 17. D'abord prefet du second choeur,
de la maison d'Obededom a Jerusalem. I Par., vi, 30; xv, il se tenait a la droite d'Heman, president primitif de tout
6,11. le college des musiciens. I Par., vi, 39. Bientot apres,
Asaph est distingue par le titre de chef , I Par., xvi,
4. ASAIA, de la posterite de Juda et de la branche de 5 et 7, et mentionne avant Heman et Ethan. I Par., xvi,
Sela. II fut des premiers a habiter Jerusalem avec sa 37,41; xxv, 1-4, 6; II Par., v, 12; xxix, 13 et 14; xxxv, 15.
famille au retour de la captivite. I Par., ix, 5. Patrizi, Cent psaumes, trad, franc., p. 24, en conclut que
David substitua Asaph a Heman, et il conjecture que ce
ASALELPHUNI (hebreu: Hasselelponl,1'ombrequi changement cut pour cause la superiorite d'Asaph dans
me regarde, fixe [?]; Septante: 'E<7-/iXe6Swv), sceur des la poesie. II se tenait tout proche du roi et avait ses quatre
fils d'Etham, de la posterite de Juda. I Par., iv, 3. fils sous ses ordres. I Par., xxv, 2. Des 1'institution des
chceurs, il sonnait des cymbales, I Par., xvi, 5, et sa
ASAN (hebreu : 'Asan; Septante : 'A<rocv, Jos., xix, 7; famille reprit cet office apres le retour de la captivite,
I Par., vi, 59 (hebr.: 44); 'Alaap, I Par., iv, 32), ville I Esdr., in, 10. A la dedicace du temple de Salomon,
de la tribu de Juda, mentionnee apres Labana et Ether, Asaph etait place a 1'orient de 1'autel. II Par., v, 12. II
Jos., 15, 42; assignee plus tard a la tribu de Simeon. n'etait pas simple executant des psaumes composes par
Jos., xix, 7; I Par., iv, 32. Elle est donnee comme ville David, I Par., xvi, 7, etc.; il etait lui-meme psalmiste
sacerdotale, I Par., vi, 59; mais il est bon de remarquer et poete; aussi est-il appele voyant , inspire, II Par.,
que, dans ce passage, elle occupe la meme place que 'Ain xxix, 30, prophete, I Par., xxv, 2; II Par., xxxv, 15,
dans la liste de Josue, xxi, 16. On la reconnait genera- et mentionne avec David comme auteur de cantiques.
lenient aussi dans une des villes auxquelles David, revenu II Esdr., xn, 45. Les legendes arabes rapportees par
a Siceleg apres sa victoire sur les Amalecites, envoya des Schegg, Die Psalmen, Munich, 1857, t. i, p. 24, en font
presents. I Reg., xxx, 30. Citee entre Arama et Athach, le grand vizir de Salomon, le premier saL,e et le plus
elle est appelee K6r-fAsdn ( fournaise fumante, d'apres grand musicien de 1'epoque, gouvernant les peuples avec
Gesenius, Thesaurus, p. 672); mais la Vulgate, avec les autant d'habilete qu'il dirigeait les chceurs sacres, 1'ideal
anciennes versions et plusieurs manuscrits hebreux, a lu de tous les vizirs. Cf. d'Herbelot, Bibliotheque orientale,
Bor 'Asdn, la citerne d'Asan. Paris, 1697, au mot Assaf, p. 132.
Son emplacement n'est pas facile a determiner. D'apres Les titres du psautier hebraique lui attribuent la com-
Jos., xv, 42, elle se trouvait dans la troisieme region de position de douze psaumes, le XLixe et les Lxxue-Lxxxne;
la plaine ou de la Sephela. Or, parmi les villes du meme la version syriaque y ajoute le ce. Ce sont des maskll ou
groupe, plusieurs sont bien connues, comme Nesib (Beit- poemes didactiques, superieurs .a ceux de David du meme
Nasib), Ceila (Khirbet Kila), Achzib (Am el-Kezbeh), genre; ils en different pour les pensees et les expressions,
Maresa (Khirbet Me'rach), qui toutes semblent tourner la regularite du plan et la beaute de 1'execution. Asaph
autour de Beit-Djibrin (Eleutheropolis). D'un autre cote, a moins de nature! et de charme que David, mais plus
Asan est citee, Jos., xix, 7, et I Par., iv, 32, apres Am et d'energie et de doctrine; son langage est grave, se-
Remmon, dont la derniere est bien identifiee avec Khirbet vere, quelquefois hardi et obscur. Voir Herder, Histoire
Oumm er-Roumdmin, a trois heures au nord de Bersa- de la poesie des Hebreux, trad. Carlowitz, 1845, ne partie,
bee. Voir AIN 2. Cette proximite la rapproche du sud, et chap, x, p. 502; Schegg, Die Psalmen, t. I, p. 25. Tou-
par la mme des localites mentionnees I Reg., xxx, 27-31, tefois, si Ton en juge d'apres le contenu, la plupart des
Jether (Khirbet 'Attir), Aroer ('Ar'drah), Esthamo (Es- psaumes attribues a Asaph appartiennent a une epoque
Semou'a). Aussi Gonder propose de la placer a 'Aseile/i, posterieure a David et a Salomon. Le Lxxxi6 et le Lxxxu6
site peu distant d'Oumm er-Roumamin, a Test. Cf. Pales- semblent avoir ete composes sous le regne de Josaphat,
tine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1876, le Lxxix6 du temps d'Achaz, les LXXIV, Lxxve et Lxxxe
p. 150. Mais, outre le nom, dont le rapport avec 'Asan. du temps d'Ezechias; le Lxxin6 et le Lxxvni6 se rappor-
est assez eloigne, la position elle-meme offre une certaine teraient a la prise de Jerusalem par Nabuchodonosor. On
difficulte. Aseileh, en effet, se trouve tout pres d'Anab | ne peut guere attribuer avec certitude au premier Asaph
(Khirbet Anab el-Kebir ou Anab es-Serhir) qui faisait que les psaumes XLIX et LXXVII. Les autres, inscrits a son
partie du premier groupe de la montagne . Jos., xv, 50. nom, sont vraisemblablement 1'oeuvre de quelques-uns de
Asan, comptee parmi les villes de la plaine , devrait ses descendants, heritiers de sa charge et de son inspiration.
done etre cherchee plus a Touest, et peut-etre un peu Ses fils, en eflet, se distinguerent sous Josaphat, II Par.,
plus au nord, entre Rimmon et Beit-Djibrin. Eusebe et xx, 14, sous Ezechias, II Par., xxix, 13, et sous Josias,
saint Jerome, parlant d' Asan, dans la tribu de Juda , II Par., xxxv, 15. Au retour de la captivite, ils reprirent
ASAPH ASARHADDON 1058
au nombre de cent vingt-huit (ou de cent quarante-huit, n'a ete ajoutee que par un copiste embarrasse. A ce sen-
II Esdr., VH, 45), dans le nouveau temple, les anciennes timent, Keil, loc. cit., oppose une double objection. Pour-
fonctions de leur famille. I Esdr., n, 41; in, 10; II Esdr., quoi d'abord ce second titre de Simon serait-il donne en
xi 17 et 22. Voir F. Dubois, Essai sur les auteurs des hebreu et non pas en grec comme ap'/teplw?, lorsqu'on
Psaumes, Strasbourg, 1834, p. 25-29; H. LesStre, Le livre le rencontre traduit dans les autres passages, xm, 42;
des Psaumes, Paris, 1883, p. LVI-LVII et 340-341. xiv, 35, 41; xv, 2? Ensuite, si Ton considere la preposi-
E. MANGENOT. tion Iv comme une addition maladroite, il ne faut cepen-
2. ASAPH, pere ou ancetre de Johahe, qui fut 1'anna* dant pas oublier qu'elle se trouve dans tous les manuscrits
liste officiel du royaume de Juda sous le regne d'Ezechias. grecs et latins. Comme on le voit, 1'explication de ce mot
IV Reg,, XVIH, 18, 37; Is., xxxvi, 3, 22. . est encore a 1'etat de probleme. A. LEGENDRE.
3*. ASAPH, levite, ancetre de Mathania, qui fut un des ASARELA (hebreu: 'Asar'eldh, droit devant Dieu;
premiers a se fixer a Jerusalem apres la captiyite, I Par , Septante: 'Epa^X), quatrieme fils d'Asaph 1, chef de la
ix, 15, et devint chef des chanteurs sous Nehemie. II Esdr., septieme classe des chantres du temple sous David. I Par.,
xi, 17. Asaph fut pere de Zechri (hebreu: Zikri), I Par., xxv, 2. II est appele ISR&ELA (hebreu: Yesar'eldh [mSnae
ix, 15, appele par erreur de copiste Zebedee (hebreu : sens]) au t-14.
Zabdi] dans II Esdr., xi, 17.
ASARHADDON (hebreu: "Esar-haddon; Septante :
4. ASAPH, grand maitre des forets royales d'Artaxerxes. 'AtropSav; Canon de Ptolemee : 'Acrapi'Stvoc; textes
Nehemie obtint du roi une lettre pour se faire donner par cuneiformes : J * Tyr >A^- *, A$ur - ah - iddin(a),
cet officier le bois necessaire aux constructions du temple c'est-a-dire [le dieu] Assur a donne un frere ; d'ou
et de la ville. II Esdr., n, 8.
ASARAMEL (Sapa^eX; dans plusieurs manuscrits :
'A<7<xpa|i.)v), place ou se tint 1'assemblee dans laquelle
les Juifs confererent pour toujours a Simon Machabee et
a sa posterite le titre et les fonctions de grand pretre et
de prince de la nation. I Mach., xiv, 27. Precede de la pre-
position sv, in, ce nom semble bien etre un nom propre
de lieu; cependant, comme il n'est mentionne qu'en ce
seul endroit de 1'Ecriture, il a regu diverses interpreta-
tions, dont il suffit d'indiquer les principales.
1 Quelques auteurs croient y voir une corruption du
mot Jerusalem. En effet, la deuxieme et la troisieme
lettre nous donnent la syllabe SA; les trois dernieres
lettres, lues de droite a gauche, nous donnent LEM; et
il nous reste A RA, qui se rapproche assez de IERV.
F. de Saulcy, Histoire des Machabees, Paris, 1880, p. 276,
note. Castalion traduit de meme par Jerusalem . Mais
n'est-il pas inconcevable qu'un nom si connu ait ete
pareillement estropie ?
2 3 Un plus grand nombre d'interpretes y reconnaissent
un nom de lieu, tout en le rapprochant de 1'hebreu de
trois manieres diflerentes : a) xi^n nsn, hdsar Millo',
la cour ou le parvis de Mello, dont il est parle II Reg.,
v, 9; HI Reg., ix, 15, 24. Telle est 1'opinion de Grotius,
Opera theologica, Londres, 1679, t. i, p. 758, et de Gal-
met, Les livres des Machabees, Paris, 1722, p. 225.
b) bx ny nisn, tiasar 'am 'El, la cour du peuple de Dieu,
c'est-a-dire le grand parvis du temple. Ewald, Geschichte
des Volkes Israel, Goettingue, 3e edit., t. iv, p. 438.
c) bN ay nywn, hassa'ar 'am 'El, la porte du peuple
de Dieu. Cf. Winer, Biblisches Realworterbuch, Leipzig,
1848, t. n, p. 382.
3 D'autros commentateurs font deriver ce mot de
bx ay (ou nwn) Tar, sar (ou hassar avec 1'article) 'am 'El,
prince du peuple de Dieu, et appliquent ce titre a
Simon, reconnu en meme temps grand pretre et souve-
rain temporel. Cette explication, proposee pour la premiere
fois par Wernsdorf, Commentatio historico - critica de 284. Asarhaddon.
fide historica librorum Machabseorum, Breslau, 1747, Bas-relief pres de 1'embouchure du Nahr el-Kelb en Syrie.
p. 176, a ete adoptee par Trendelenburg, Gaab, Scholz,
C. L. W. Grimm, Das erste Such der Makkabder, in-8, les transcriptions corrompues : Axerdis, dans les frag-
Leipzig, 1853, p. 214; J. Derenbourg, Essai sur I'histoire ments d'Abydene; Scr/spSovo;, dans le livre deTobie des
et la geographic de la Palestine, in-8, Paris, 1867, p. 451; Septante, i, 21 et 22, et, selon plusieurs commentateurs
cf. Frd. Keil, Commentar uber die Bucher der Makka- I'Asenaphar de I Esdr., iv, 10, roi d'Assyrie de681 a 668,
bder, Leipzig, 1875, p. 230. II est naturel, d'apres cette d'apres le Canon assyrien, fils et successeur de Senna-
opinion, de trouver des le debut du decret officiel les cherib (fig. 284). La Vulgate 1'appelle Asarhaddon, IV Reg.,
deux titres.du heros machabeen, mentionnes plus loin, xix, 37; Is., xxxvn, 38, et Asor-Haddan, I Esdr., iv, 2.
^. 42, 47. La version syriaque porte du reste Rabba Apres le meurtre de Sennacherib, Asarhaddon expulsa
d'Israel, prince ou chef d'Israel, et la preposition ev par les armes ses freres parricides, et monta lui-meme
DICT. DE LA BIBLE. L 36
1059 ASARHADDON ASGALON 1060
sur le trone de son pere. IV Reg., xix, 37. II habita tour mant-Babelon, Histoire ancienne de I'Orient, t. iv, p. 521
a tour Ninive, Calach-Nimroud et Babylone. L'evenement et suiv.; t. n, p. 268-275; Maspero, Histoire ancienne des
principal de son regne fut la conquete de 1'Egypte, qui avail p'euples de I'Orient, 4e edit., p. 449-457; G. Rawlinson,
ose menacer Sennacherib, et qui disputait 1'Asie occiden- The five great Monarchies, t. n, p. 185-200.
tale aux monarques assyriens, en excitant en Palestine, E. PANNIER.
en Phenicie et en Syrie, des revoltes continuelles. Dans le ASA R MOTH (hebreu : Ifasarmavet; Septante : 2ap-
but d'assurer sa securite durarit son absence, Asarhaddon (ico0). C'est le nom du troisieme des treize fils de Jectan,
commenca par saccager la Ghaldee et la Phenicie, ou se descendant de Sem par Arphaxad, Sale et Heber. Gen.,
montraient des velleites d'independance; puis il transplanta x, 26; I Par., i, 20. Les descendants de Jectan, jectanides
en Assyrie les Hatti (ou Pheniciens, Palestiniens et ou qahtanides, peuplerent la peninsule arabique. Les
Syriens), et mit a leur place les Chaldeens prisonniers fils d'Asarmoth descendirent jusqu'a la partie meridionale
et leurs allies, Elamites, etc., dont ses victoires et celles qui est en bordure sur 1'ocean Indien. Us y trouverent
de Sennacherib son pere lui laissaient 1'entiere disposi- deja et&blies des peuplades d'origine chamitique, les tribus
tion. L'Ecriture fait allusion a ces evenements, I Esdr., de Sabatha, Gen., x, 7, avec lesquelles elles se disputerent
IV, 2,9,10 : les Babyloniens et les Erchueens ou habitants la possession du pays. Les Chamites finirent par passer
d'Erech, 1'Arach de la Genese, represented la Chaldee; en Afrique, de 1'autre cote du detroit, ne laissant que
les Elamites et les Dineens appartiennent au pays d'Elam; quelques representants de leur race dans la region primi-
enfin les Dieveens, les Apharseens, les Apharsatacheens, tivement occupee. L'antique territoire des fils de Hasar-
Duua, Parsua et Partakka, dans les textes cunei- mdvet a conserve son nom jusqu'a nos jours; il s'appelle
formes, paraissent 6tre des tribus medes. Quelques en arabe ....j^JLc , Hadramaut. Pline, H. N., vi, 28ven
auteurs, H. Gelzer, E. Schrader, Fr. Delitzsch, etc., attri-
buent exclusivement la transportation de tous ces peu- nomme les habitants les Chatramotites . L'Hadramaut
est borne a 1'ouest par 1'Yemen, au nord par le desert
ples a Assurbanipal, fils d'Asarhaddon; mais c'est peu el-Akhaf, a Test par le pays d'Oman, au sud par la mer
probable, ces dernieres populations n'etant pas mention-
nees dans les inscriptions de cette epoque, tandis qu'on d'Oman et le golfe d'Aden. C'est une region torride et assez
les retrouve dans celles d'Asarhaddon ou de Sennacherib insalubre, qui justiiie jusqu'a un certain point son nom de
vestibule de la mort ; car tel est le sens du mot hebreu
son pere. et du mot arabe correspondant. Le pays est en partie mon-
Pour s'assurer aussi de la fidelite de ceux qui echap- tagneux, et fertile en produits recherches, la gomme, la
paient a la deportation, non moins que pour donner une
autre demonstration prealable de sa puissance, Asarhad- myrrhe et surtout 1'encens. Les habitants faisaient le com-
don convoqua, probablement a 1'entree ou a Tissue d'une merce de ces divers produits, et servaient d'intermediaires
de ses campagnes en Egypte, ses vingt-deux tributaires, entre 1'Egypte, la Syrie, la Mesopotamie, Flnde etl'Afrique.
rois du pays des Jlatti (Syrie, Judee, Philistie, Phenicie, Leurs ports sur 1'ocean Indien etaient des entrepots ouverts
y compris les colonies pheniciennes de la Mediterranee, aux navigateurs etrangers; car eux-memes ne s'aventu-
Ghypre, etc.). Parmi ces tributaires, Asarhaddon men- raient pas loin sur la mer. On ne sait rien de bien precis
tionne Minasie ar ir laudi, Manasse, roi de la ville sur 1'histoire de ce peuple avant la conquete musulmane.
H. LESfiTRE.
juive: nous savons, en effet, par la Bible, qu'a cette
epoque ce prince avait deja remplace sur le trone son pere ASASONTHAMAR (hebreu : Hasason et Haseson
Ezechias. Quant a la captivite de Manasse, elle trouve sa tamar; Septante : 'Affaa-ovOap-ap et 'Ao-a<rav ajxdip), nom
place marquee par 1'assyriologie sous Assurbanipal. primitif, Gen.,xiv, 7, et II Par., xx, 2, de la ville appelee
C'est alors que le roi d'Assyrie envahit 1'Egypte, de- plus tard Engaddi, sur la rive occidentale de la mer
tenue par le conquerant ethiopien Tharaca, celui-la meme Morte. Voir ENGADDI.
qui avait menace Sennacherib pendant son expedition de ASBAI (hebreu : 'Ezbdi; Septante: 'Ao6ou')> pere
Judee. IV Reg., xix, 9. Apres trois ou quatre campagnes de Naarai', un des vaillants guerriers de 1'armee de David,
(675-671) dirigees contre lui par les Assyriens, Tharaca d'apres I Par., xi, 37; mais ce nom parait altere. D'apres
dut lacher pr.ise et se refugier dans sa capitale ethio- le passage parallele, II Reg., xxm, 35, Asbaii est pour7
pienne, nommee Napata, tandis qu'Asarhaddon, maitre Arbi ou plutot Arab, ville de Juda d'ou ce guerrier etait
de la valle'e du Nil jusqu'au dela de Thebes, y placait des originaire (voir ARAB et ARBI), et il faut lire Pharai
garnisons, y retablissait une sorte de feodalite, compre- au lieu de Naarai. *'^
nant une vingtaine de petits Etats, sous I'hegemome de
Nechao Ir de Sa'is (fondateur de la xxvie dynastie), et ASBEA'. Voir ASCHBEA.
prenait pour lui-me'me les titres de sar Musur sar sarrani
Musur Paturisi Kusi, roi d'Egypte, roi des rois d'Egypte, ASBEL (hebreu: 'Asbel; Septante: 'AcrgyjX, 'A<7u6-^p),
de Thebaide et d'Ethiopie. En 668, Asarhaddon remit deuxieme fils de Benjamin. Gen., XLVI, 21; Num., xxvi,38;
le pouvoir a son fils Assurbanipal, et se retira a Baby- I Par., viii, 1.
lone, ou il ne tarda pas a mourir (667); a la meme
epoque, 1'Egypte, travaillee et reconquise par Tharaca, ASBELITES (hebreu : Hd'asbeli (avec 1'article);
se soulevait de nouveau. Septante : 6 'A<rv6Y)pO, les descendants d'Asbel, fils de
Voir Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. i, Benjamin. Num., xxvi, 38.
pi. XLVIII, 5; pi. XLV-XLVII; t. in, pi. xv-xvi; pi. xxix, 2;
1. 6-18; Layard, Inscriptions in the cuneiform character, ASCALON (hebreu : 'Asqeldn; Septante : 'A<rxa-
pi. xx-xxix; LIV-LVIII; Oppert, Les inscriptions des Sar- Xwv), une des cinq prin-
gonides, p. 59 et suiv.; FoxTalbot, Records of the past, cipales villes des Philistins,
t. HI, p. 109 et suiv.; Menant, Annales des rois d'Assyrie, Jos., xin, 3; I Reg., vi, 17,
p. 239 et suiv.; Budge, History of Esarhaddon, in-8, sur la Mediterranee, dans
Londres, 1880; Fr. Harper, Cylinder A of Esarhaddon la plaine de la Sephela,
Inscriptions, in-8, New-Haven, 1888; Eb. Schrader, entre Gaza et Azot (fig. 285).
Keilinschriftliche BiUiothek, t. n, p. 120-152, p. 282-285; C'etait la seule des cites 285> _ Monnale d,Ascalon.
Babylonian Chronicle, dans les Records of t he past, new philistmes
r situeeT^,,
sur ..le ..ri-, ,
, , Tete de femmetourelee.
series, t. i, p. 26-29; edit. Pinches, p. 9 et 17; Schrader- vage de la mer. Elle etait a ^ AS n k
Whitehouse, The cuneiform inscriptions and Old Testa- 520 stades (Josephe, Bell. *
ment, t. ii, p. 17 et suiv.; Vigouroux, La Bible et les jud., HI, n, 1, edit. Didot, t. n , p. 145) ou 53 milles
decouvertes modernes, 5e edit., t. iv, p. 251-261; Lenor- (Table de Peulinger) de Jerusalem (97 kilometres envi-
1061 ASGALON 1062
ron); a 16 milles (Itineraire d'Antonin) de Gaza (23 ki- la ville miserable, que prit Sa Majeste, quand elle se
lometres; cf. Ptolemee, v, 16, edit, d'Amsterdam, 1605, revolta. Les soldats egyptiens montent a 1'assaut des
p. 140); a 200 stades (Strabon, xvi, 29, edit. Didot, murs sur des echelles; les defenseurs de la place pa-
p. 646) de Jamnia (environ 37 kilometres). Son nom raissent etre des Chananeens (fig. 286). Cf. Brugsch,
antique s'est conserve sous la forme arabe moderne Geographische Inschriften altdgypt. Denkmaler, t. i,
d'Askulan. L'origine en est inconnue; elle ne semble pas 1857, p. 61; t. n, 1858, p. 74; Id., Reiseberichten aus
etre semitique. D'apres une vieille tradition (Xanthus et Aegypten, 1855, p. 117; Id., Geschichte Aegyptens,
Nicolas de Damas, dans Miiller, Histor. Graec. Fragm., 11, 1877, p. 516. Les Philistins n'occupaient pas encore la
286. Prise d'Ascalon par Ramses II. Thebes. Grand temple de Karnak. D'apres Lepsius, Denkmaler, Abth. in, pi. 145.
t. i, p. 38; 26, t. m, p. 372), d'ailleurs sans vraisem- ville du temps de Ramses II, mais ils ne tarderent pas
blance (Mignot, Sixieme Memoir e sur les Pheniciens, a en devenir les maitres. Voir PHILISTINS.
dans les Memoires de I'Academie des inscriptions, 1770, Les Egyptiens rencontraient Ascalon sur letir chemin,
t. xxxiv, p. 339; Bochart, Phaleg, n, 12, Opera, Leyde, quand ils se rendaient de la vallee du Nil en Syrie, en lon-
1692, t. i, col. 87-88), elle aurait ete fondee par les Ly- geant la mer Mediterranee; mais comme elle n'etait point
diens. Elle est deja nominee dans les lettres cunei- sur la route qui conduisait de Palestine en Egypte, et qu'elle
formes trouvees a Tell el-Amarna. Zeitschrift fur Assy- se trouvait assez loin et a 1'ecart du pays qu'habiterent
riologie, t. vi, 1891, p. 252. Ramses II la prit, 1'an xi les Hebreux, c'est parmi les cites philistines celle qui
de son regne, et il a fait representer sa conque*te sur est le moins souvent mentionnee dans les Ecritures. Elle
les murs d'un temple de Karnak (Lepsius, Denkmaler, est nommee pour la premiere fois comme nom ethnique
Abth. m, pi. 145 C). On y voit \ dans Josue, xm, 3, dans remuneration des frontieres
, Asqalna, occidentales du territoire occupe par les Israelites; et
1063 ASCALON 1064
quoique la tribu*'de Juda s'en emparat, Jud., i, 18, elle Du temps des Machabees, Jonathas ayant battu les
ne resta pas en ^a possession. L'exploit de Samson est a troupes d'Apollonius, envoye contre lui par le roi de
peu pres le seultenement, relatif a cette ville, rapporte Syrie, Demetrius II Nicator (147 avant J.-C.), Ascalon
4>ar 1'Ecriture avant la captivite de Babylone; ce heros s'y ouvrit ses portes au vainqueur et le regut a deux reprises
rendit de Thamnatha (distant a vol d'oiseau de pres de avec de grands honneurs. IMach., x, 86; xi, 60. Elle resta
39 kilometres) et y tua trente hommes, dont il donna les fidele aux Machabees, sous son gouvernement. I Mach.,
depouilles aux Philistins qui avaient devine son enigme, xii, 33. Dans la suite, elle devint ville libre (oppidum
grace a la perfidie de sa femrae. Jud., xiv, 19. Le premier liberum, Pline, H. N., v, 14), sous le protectorat de Rome.
livre des Rois, vi, 17, mentionne seulement Ascalon avec De I'etablissement de son independance date line ere qui
les quatre autres capitales philistines qui offrirent cha- commence a 1'an 104 avant J.-G.Voir Chron., pasc. ad ann/
cune un tehor (Vulgate : anus) d'or a Jehovah~, lorsque U. C. 655, et la note ibid., Patr. gr., t. xcii, col. 448. Les
les Philistins, frappes par la vengeance divine, renvoyerent, annees sont marquees d'apres cette ere sur un certain
en Israel 1'arche d'alliance dont ils s'etaient empares dans
un combat. David, dans son e"legie sur* la mort de Saul
et de Jonathas, tues a la bataille de Gelboe, recommande
de ne point annoncer a Geth et a Ascalon la nouvelle du
desastre d'Israel, de peur que les filles des Philistins n'en
soient remplies de joie. II Reg., i, 20. Les prophetes
nomment quelquefois Ascalon: Amos, i, 8; Sophonie, n,
4, 7; Jeremie, xxv, 20; XLVII, 5, 7; Zacharie, rx, 5, pre-
disent sa desolation et sa ruine.
Quelques autres traits de son histoire nous sont 287. Monnale d'Ascalon.
connus par des sources profanes. D'apres Justin, xvm, 3, SEBA[S]TOS. Te-te lauree de Ne>on, a droite ; devant, 1'extre"-
la ruine de Sidon aurait ete 1'oeuvre d'un roi d'Ascalon 1
mite superieure d'un candelabre. ^. ASKAAQfN], Le genie
qui, par sa victoire, forca les-habitants de cette ville de la ville, toure!6, debout sur une barque tenant un trident
a chercher un refuge a Tyr un an avant la guerre de et I'acrostolium; a droite une colombe et la date AOP (171,
Troie. Les inscriptions cuneiformes nous ont revele un c'est-a-dire an 67 de notre ere); a gauche, un candelabre.
episode plus certain et encore plus interessant de 1'his-
toire de cette ville: il date de 1'epoque de 1'invasion de nombre de monnaies frappees a Ascalon (fig. 287). L'an-
la Palestine par Sennacherib (701 avant J. -C.). Sidka, cienne cite philistine y est quelquefois representee par un
roi d'Ascalon, ^~ || tr: ^v| E=T-<T T^TJ T| , genie dont la tete est couronnee de tours; il est debout
sur une barque qui indique la situation de la ville sur le
is-qa-al-lu-na, dit Sennacherib dans le cylindre de bord de la mer; a droite est une colombe qui rappelle
Taylor, ne s'etait pas courbe sous mon joug; je pris les le cxilte de la deesse Atergatis ou Derceto, en grande
dieux de la maison de son pere, sa propre personne, sa faveur aupres des Ascalonites. Cf., sur les monnaies d'Asca-
femme, ses fils, ses filles, la famille de la maison de son lon, de Saulcy, Numismatique de le Terre Sainte, p. 178-
pere, et je les emmenai en Assyrie. J'etablis roi des Asca- 208. C'est la, disait-on, que Derceto avait donne le jour a la
lonites Sarludari, fils de Rukibti, leur ancien roi, et je fabuleuse Semiramis. Diodore de Sicile, u, 4,2, edit. Didot,
lui imposai un tribut. Cuneiform Inscriptions of western t. i, p. 83. Cf. Eusebe, Prsep. Ev., vin, 14, t. xxi, col.
Asia, t. i, pi. 37, col. n, lignes 58-63. Voiraussi, ibid., 672-673. Voir ATA.RGATIS. Le temple qu'on avait erige a Der-
1'inscription des taureaux de Koyoundjik, t. in, pi. 12, ceto dans cette ville etait, d'apres Herodote, i, 105, le plus
lignes 20-21. Le roi d'Assyrie y raconte de plus, ligne 29, ancien qui eut ete construit en son honneur. Lorsque les
qu^il donna au roi d'Ascalon une partie des places qu'il prit Scythes, apres la defaite de Cyaxare Ier, roi des Medes,
a Ezechias, roi de Juda. On peut deduire de ce recit que envahirent 1'Asie occidentale, ils pousserent jusqu'en
les habitants d'Ascalon avaient pris parti avec les Juifs Egypte, d'ou Psammetique ne les chassa qu'a force de
contre les Assyriens, dont,ils avaient ete deja tributaires presents; a leur retour, un de leurs detacnements pilla
du temps de Theglathphalasar (Cuneiform Inscriptions, a Ascalon le temple d'Atergatis (625 avant J.-C.). Hero-
t. n, pi. 67, ligne 61), sous leur roi Mitinti. Rukibti etait dote, i, 105.
probablement reste fidele au roi de Niriive, et c'est pour Josephe nous fait connaitre 1'histoire de cette ville
ce motif que Sennacherib donna le trone a son fils Sar- a son epoque. Herode le Grand y etait ne. (Eusebe, H. E.,
ludari. Les Ascalonites cpntinuerent a payer tribut aux i, 6, t. xx, col. 85; S. Justin, Dial, cum Tryph., 52, t. vi,
deux successeurs de Sennacherib, Asarhaddon et Assur- col. 589-592; cf. E. Schiirer, Geschichte desjudischen
banipal: ces deux princes nomment Mitinti ,e roi de la Volkes, t. i, l re part., 1889, p. 233-234.) Quoiqu'elle n'ap-
ville d'Ascalon , parmi les vingt-deux rois de la terre partint pas a son royaume, il y fit batir de magnifiques
d'Occident qui leur etaient soumis. Cuneiform In- portiques, des thermes, des fontaines. (Josephe, Bell, jud.,
scriptions, t. in, pi. 16, Ijgne 5; G. Smith, History of I, xxi, 11, p. 53.) Apres sa mort, sa sceur Salome recut
Assurbanipal, Cylindre C, ligne 7, in-8, Londres, 1871, en don de 1'empereur Auguste le chateau royal d'Ascalon.
p. 30. Plus tard, du temps de la suprematie des Perses, (Josephe, Ant. jud., XVII, xi, 5, p. 688; Bell, jud., II,
Ascalon passa sous la domination des Tyriens (Scylax, vi, 3, p. 94.) Pendant la guerre des Remains contre les
PeripL, 104, dans les Geographi greed minores, edit. Juifs, cette ville eut beaucoup a souffrir et se montra tres
Miiller, t. i, p. 79), puis sous celle d'Alexandre, comme hostile a 1'egard des sectateurs de la loi mosa'ique (Jo-
1'attestent ses monnaies (L. Miiller, Numismatique sephe, Bell, jud., II, xvm, 1, 5; III, n, 1-3, p. 126,128r
d'Alexandre le Grand, 1885, p. 308, pi. n 1472 et suiv.), 145-147; Philo, Legal, ad Caium, 30, edit. Mangey, t. n,
et, apres lui, sous celle de ses successeurs, les Ptolemees p. 576), de mdme que, dans la suite, a 1'egard des chre-
d'Egypte d'abord (Josephe, Ant. jud., XII, iv, 5, t. r, tiens. Elle se signala dans les premiers siecles par son
p. 451], et ensuite les Seleucides de Syrie, d'apres le attachement au paganisme; le culte qu'elle rendait aux
temoignage du premier livre des Machabees, x, 86, et des dieux, les jeux qu'elle celebrait en leur honneur, ont ete
monnaies. frappees a Ascalon au nom d'Antiochus HI, vantes par les anciens et sont mentionnes dans les monu-
d'Antiochus IV, etc. (Voir Mionnet, Description des me- ments epigraphiques. Une antique Descriptio orbis nous
dailles, t. v, p. 25, 38, 72, 525, etc.; Gardner, Catalogue apprend que ses athletes et ses lutteurs etaient les plus
of the Greek coins, Seleucid Kings, 1878, p. 68, 81, etc.; renommes de la Syrie. (Geographi grseci minores, edit.
E. Schiirer, Geschichte desjudischen Volkes, t. n, Leipzig, Miiller, t. n, p. 519. Pour les inscriptions, voir Corpus
"~~3, p. 65-67.) inscr. grsec., n 4472, t. in, p. 237; Le Bas et Waddington,
1065 ASCALON 1066
Inscriptions grecques et latines, t. m, n 1839.) Son zele cet amphitheatre, au milieu de ce magnifique paysage, pour
polytheiste eclata centre les Chretiens, qui y furent cruel- servir de siege a une ville fiorissante. Le pourtour de Fare
lenient persecutes. Chron. pasc., ad ann. 361, t. xcn, avait approximativement 1600 metres. La muraille, qui
col. 741- Elle eut neanmoins un siege episcopal Voir Le etait comme le diametre du demi-cercle, mesurait environ
Quien, Oriens christiamts, t. m, p. 598 et suiv.; Gams, 1200 metres de longueur. "Vers le milieu etait la porte
Series Episcoporum, 1873, p. 453. Le christianisme en appelee de la Mer, parce qu'elle y conduisait. C'est a Tangle
disparut sans doute avec 1'invasion musulraane. Elle joua sud-ouest que le niveau du terrain est le plus has. II y
un grand role pendant les guerres des croises, mais elle
fut enfln completement detruite en 1270 par Bibars Bon-
dokdar, et depuis elle n'a jamais ete relevee. Celle que
3es auteurs arabes appelaient, a cause de sa beaute, la
Fiancee de la Syrie (Ritter, Erdkunde, t. xvi, p. 73);
n'est plus qu'un monceau de ruines, en partie ensevelies
sous les sables. Tous ceux qui les ont visitees s'accordent
a dire qu'elles sont eomme 1'image de la desolation. Ed.
Robinson, Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841,
1. ii, p. 369. Le site est magnifique, mais c'est une soli-
tude, sans un seul habitant. V. Guerin, La Judee, t. n,
p. 149. Si, apres avoir marche au milieu des decombres et
des nombreux debris de colonnes de marbre et de granit,
1'on morite au haul de ce qui reste des murs de 1'an-
tique citadelle, on a sous les yeux Ascalon, ou plutot la
place ou elle fut jadis. De cette elevation, dit Porter,
,a peine peut-on voir quelque ruine isolee\ a part les mu-
railles de la ville. Comme j'etais assis la un matin, je
comptai cinq paires de bceufs qui labouraient (dans 1'en-
ceinte d'Askulan), deux autres qui tiraient 1'eau pour
arroser, et vingt-huit hommes ou femmes occupes aux
travaux des champs. Telle est une partie de la ville.
1,'autre partie est encore plus tristement desolee. Le sable
Wane a franchi le mur du cote du midi, le recouvrant
presque en entier, meme dans ses parties les plus hautes, 286. Plan d'^calon.
<ct il s'etend en larges bandes sur le sol a 1'interieur. La
scene presente un tel aspect de desolation, qu'il est pe- avait la un petit port, dans 1'inlferieur mfime de la ville.
nible de la contempler: d'antiques fondations de maisons, Des deux cotes de 1'entree de ce port, les fortifications
de palais peut-etre, et les jeunes vignes qui ont ete plan- etaient particulierement considerables. Ascalon avait d'ail-
tees par des hommes. encore vivants, sont egalement sub- leurs une rade plutot qu'un veritable port, et cette rade
imergees sous des flots de sable. Et le sable avance toujours, n'etait guere bonne. Dans le cote sud des murailles s'ou-
-de sorte que probablement avant un demi-siecle le site vrait une porte sur la route de Gaza; elle est aujourd'hui
mdme d'Ascalon aura disparu. Que les paroles de Sopho- presque/completement ensablee. A I'est sont les points
Jiie, n, 4, prononcees il y a virigt-cinq siecles sont exactes : les plus eleves et les plus forts de 1'enceinte. On peut
Ascalon sera desolee, ainsi que celles de Zacharie, ix, 5: supposer que la se trouvait la citadelle, au nord de
Ascalon ne sera plus habitee... Un petit village est a cote laquelle etait la porte, flanque,e de deux tours, qui con-
d'Askulan, mais il n'existe pas urie seule habitation humaine duisait en Judee. Au nord etait une quatrieme porte qui
dans 1'interieur de ses murs. Porter, ''Handbook for menait a Jaffa. Les murailles devaient avoir environ dix
Syria, p. 276. metres de hauteur, et en moyenne deux metres de lar-
L'aspect imposant de ses ruines atteste cependant geur. II faut une heure pour faire le tour de 1'enceinte.
encore aujourd'hui son ancienne splendeur. Voir Rosen- Les restes actuels sont ceux de la ville des croises> mais,
imiller, Handbuch der biblischen Alterthumer, t. n, a cause de sa configuration naturelle, elle a du etre a peu
part, n, p. 383L Elles sont, avec celles de Cesaree de Pales- pres la meme a toutes les epoques.
tine , les plus importantes qu'on rencontre sur la cote de A 1'interieur des murs, on est frappe d'un spectacle
Ja Mediterranee entre Gaza et Beyrouth, et elles permettent inattendu. Ce ne sont point seulement des debris et des
de reconstituer encore aujourd'hui fidelement le plan de monceaux de decombres qu'on y rencontre, mais presque
1'antique cite (fig. 288). Quoique Ascalon fut de grandeur partout une vegetation luxuriante. Les chemins sont mar-
mediocre (Strabon, xvi, 29, p. 646), sa position en faisait ques par de petits murs formes de pierres superposees,
une place tres forte. Josephe, Bell, jud., Ill, n, 1, t. n, et semblent correspondre aux rues anciennes. M. V. Gue-
p. 145. Un des historiens contemporains des croisades, rin, La Judee, t. n, p. 144-148, y a remarque les ruines
!
Guillaume, archeveque de Tyr, Hist, rerum transmari- de trois eglises, les restes d'un theatre et un grand nombre
narum, xvn, 22, Patr. ldt.,t.cci, col. 696-697, a decrit de citernes et de puits. Celui qui est marque sur le plan,
Ascalon avec justesse de la maniere suivante: Ascalon, au nord-ouest, est taille dans le roc; il est rond et pro-
dit-il, est situee sur le rivage de la mer. Elle a la forme fond., et 1'eau qu'il renferme est au niveau de la mer.
d'un derni - cercle dont la corde ou le diametre court pa- Comme 1'avait tres bien observe Guillaume de Tyr, Hist.,
Jallelement a la mer, tandis que la circonference ou arc t. cci, col. 697 : On ne trouve aucune source ni a 1'in-
de cercle est tourne a 1'orient du cote de la terre ferme. terieur de la ville ni dans le voisinage, mais les puits
la cite est comme enterree dans une fosse, et s'abaisse abondent au dehors et au dedans, et 1'eau en est bonne
"vers la mer, entouree de remblais faits de mains d'homme, et agreable a boire. On avalt aussi construit, pour plus
sur lesquels s'elevent les remparts, flanques de nombreuses de surete, dans 1'enceinte des murs, quelques citernes
iours et construits avec beaucoup de solidite. Pour etre destinees a recevoir 1'eau de pluie. D'apres une tradi-
tout a fait exact, Guillaume de Tyr aurait du ajouter qu'une tion mentionnee dans Origene, Cont. Gels., IV, 44, t. xi,
grande partie des fortifications n'etait pas artificielle, col. 1100 (ef. S. Jerome et Eusebe, Onomasticon, edit,
mais formee du cote ouest et nord-est par des rochers qui de Lagarde, Gcettingue, 1887, p. 176, 288), quelques-uns
ont de neuf a vingt metres de haut, et qui dessinaient en des puits d'Ascalon auraient ete creuses par Abraham.
ros le plan de la ville. La nature avail prepare elle-meme Cette tradition se retrouve dans la version samaritaine
1067 ASCALON 1068
du Pentateuque, qui a substitue le nom d'Ascalon a celui arabe : el-henna), qui a servi de tout temps aux Orien-
de Gerare, dans laGenese, xx, 1, 2, et xxvi, 1. Die Sama- taux pour teindre en jaune rougeatre les ongles et diverses
ritanische Pentateuch-Version, die Genesis, editee par parties du corps; Dioscoride, De re medico,, I , 124, edit.
M. Heidenheim, in-8, Leipzig, 1884, p. 23 et 31. Sprengel, 1.1, p. 118, etPline, H. N., xn,24, edit. Teubner,
Les vallees qui entourent Askulan ont 4te envahies par t. H, p. 306, disent quele cypre d'Ascalon etait, avec celui
les sables au sud et au sud-est, et sont par consequent de Canope, le meilleur et le plus estime de leur temps.
steriles; mais au nord et au nord-est la fertilite est mer- Quelques essais de fouilles faits a Ascalon ont donne
veilleuse. A cote des ruines de la citadelle, de magni- peu de resultats. En 1815, lady Stanhope y employ a pen-
fiques caroubiers et d'enormes sycomores marquent la dant quinze jours cent cinquante ouvriers indigenes, pour
limite entre le sable et la terre cultivee (fig. 289). De la, des retrouver le temple de Derceto, ou elle croyait qu'un tre-
jardins et des vergers, separes les uns des autres par de sor etait enfoui; mais elle n'y trouva guere qu'un beau
petits murs et par des haies de cactus et d'autres arbustes torse de marbre qui fut mis en pieces. Travels of Lady
epineux, s'etendent au nord jusqu'au village d'el-Djora, Hester Stanhope, narrated by her physician, 3 in-8,
et, comme ceux de 1'interieur d'Ascalon, sont reniplis Londres, 1846, p. 87-94, 152-169. Cf. J. Kinnear, Cairo,
d'oliviers, de figuiers, d'orangers, de citronniers, de gre- Petra and Damascus in 1839, in-8, Londres, 1841,
nadiers, d'amandiers, d'abricotiers, de palmiers. Parmi p. 211-214. Ibrahim-Pacha, en 1832, voulut faire revivre
les legumes que produit ce riche sol, soigneusement Ascalon en creant une ville nouvelle avec les debris de Fan-
arrose, pousse spontanement 1'echalotte, allium ascalo- tique, et ses travaux mirent au jour quelques restes. Voir
nicmn (voir AIL, col. 310-311), qui a tire son nom de Dav. Roberts, Vues et monuments de la Terre Sainte, in-f,
cette ville. Pline, H. N., xix, 6. Cf. Theophraste, De his- Bruxelles, 1845, livr. 8, n 46, Ascalon. En 1866, M. Schick
toria plant., vn, 4; Columelle, De re rustica, xii, 2. On en a releve le plan, qui a ete public en 1879 dans la Zeit-
y voit aussi, a 1'etat sauvage, la vigne et le henne (Laivso- schrift des deutschen Palastina-Vereins, t. n, Tafel v.
nia alba ou inermis), qui rappellent le vin d'Ascalon, Le Survey of the Palestine Exploration Fund a donne
celebre dans 1'antiquite (Alexandre de Tralles , vin, 3; depuis un autre plan plus detaille et plus complet dans
Orbis descriptio, 29, dans Miiller, Geographi minores, ses Memoirs, t. in (1883), vis-a-vis la p. 237. Au mois
edit. Didot, t. n, p. 519; Oribase, (Euvres, traduct. de septembre 1887, on y a trouve deux statues mutilees
Bussemaker et Daremberg, 6 in-8, Paris, t. I, 1851, de la Victoire. Th. Reinach, Les sculptures d'Ascalon,
p. 423, 649), et le cypre (hebreu : Mfer, Cant., i, 13; dans la Revue des etudes juives, Janvier-mars 1888,
1069 ASGALON A S C E N E Z 1070
t. xvi, p. 24-27. On n'y a jamais fait jusqu'ici de fouilles dont le dernier element serait 1'equivalent du grec fi\o<;,
methodiques. latin gens, genus, et dont la signification serait alors :
Voir V. Guerin, Description des mines d'Ascalon, dans race ou nation d'As. C'est la tribu qui de tres bonne
le Bulletin de la Societe de geographic, 4e serie, t. xiu, heure vint s'etablir dans les pays scandinaves et germains,
fevrier 1857, p. 81-95; Id., Description de la Pales- les Ases, opinion que favorise la legende allemande de
tine, Judee, t. n, p. 135-149, 153-171; T. Tobler, Dritte Mannus et de ses trois fils, Iscus (Ask, 'Ao-xavio;), Ingus
Wanderung nach Paldstina im Jahre 1851, in-8, Gotha, et Hermino. On trouve encore de nos jours, dans le Cau-
1859, p. 32-44; Ritter, Erdkunde, t. xvi, 1852, p. 69-89; case, une peuplade que Knobel rapporte a la meme ori-
H. Guthe, Die Ruinen Ascalon's, dans la Zeitschrift des gine. Elle se nomme elle-meme Ir, Iron; mais elle est
deutschen Paldstina-Vereins, t. n, 1879, p, 164-171; appelee par les autres peuples caucasiens Osi, Oss; par
Ebers et Guthe, Paldstina in Bild und Wort, 2 in-4, les Russes lases, et par les anciens vqyageurs As ou Aas.
Stuttgart, 1884, t. n, p. 180-182, 454-455; Stark, Gaza C'est une tribu primitive qui se distingue de toutes les
und die philistaische Kuste, in-8, lena, 1852, p. 23, autres du Caucase, et dans laquelle la physionomie euro-
455, 561; Warren, The Plain of Philistia, dans le Pales- peenne, en particulier les yeux bleus et les cheveux blonds
tine Exploration Fund, Quarterly Statement, avril 1871, ou rouges, merite d'etre remarquee. Sa langue est indo-
p. 87-89; Conder et Kitchener, The Survey of Western germanique, et a beaucoup de mots communs avec 1'alle-
Palestine (avec plan et vues), Memoirs, t. in, 1883, inand; elle a meme quelque chose de germanique dans
p. 237-247; W. Thomson, The Land and the Book, le son et le debit. Crelier, La Genese, Paris, 1889, p. 126.
Southern Palestine, in-8, Londres, 1881, p. 170-178; Nous croyons avec M. A. Maury, Journal des savants,
Conder, Tentwork in Palestine, 1878, t. n, p. 164-166. 1869, p. 224, que Knobel se laisse trop influencer par les
F. VIGOUROUX. identifications arbitraires des Juifs modernes, enclins a faire
ASCALONITE (hebreu: hd - 'Esqeloni; Septante ; rentrer dans le chap, x de la Genese les populations les
'AffxaXwvtTYjs), nom ethnique, habitant d'Ascalon. Jos., plus eloignees. Outre son peu de fondement, cette opinion
xin, 3. Voir ASCALON. est de date trop recente pour <Hre acceptee. Malgre une
racine plus ancienne dans la Chronique d'Eusebe (ver-
ASCENEZ (hebreu: 'Askenaz; Septante: 'A<r/ava, sion latine de saint Jerome, t. XXVH , col. 71), ou le nom
Gen., x, 3; I Par., i, 6; -rot? 'AxocvaSson;, Jer., xxvm est interprete par gentes Gothics^, elle ne se rencontre
(LI), 27), le premier des trois fils de Gomer, fils de pas avant le ixe siecle de notre ere.
Japheth, c'est-a-dire un des peuples de la grande race Un grand nombre de critiques modernes, apres Bochart,
japhetique. Gen., x, 3; I Par., i, 6. Pour savoir quel rameau Phaleg, lib* in, cap. ix, se rattachent a la tradition tal-
ethnographique il represente, il nous faut consulter les mudique, et cherchent Ascenez dans 1'Asie Mineure, ou
traditions anciennes, etudiees a la lumiere de la critique la geographie et I'histoire fournissent des donnees impor-
et des decouvertes modernes. tantes. Elles signalent dans la Bithynie un district d'As-
Aschanaz, dit Josephe, fut le pere des Aschanaziens, cania, habite par des Phrygiens et des Mysiens, Homere,
qui maintenant sont appeles 'Priyivs; par les Grecs. Ant. Ilia., H, 862 et suiv.; Strabon, xn, p. 564; Pline, H. N.,
jud., I, YI, 1. L'historien juif est reproduit par differents v, 40; un lac Ascanien pres de Nicee, Strabon, xn, p. 565;
auteurs, entre autres par saint Jerome, Hebr. Qusest. in Pline, xxxi, 10; et un ileuve Ascanios, Pline, v, 40, 43;
Genes., t. xxm, col. 951. Que signifie ce nom de Bhe- enfin les lies Ascaniennes et le golfe Ascanien sur le
gines, absolument inconnu d'ailleurs? Designe-t-il la littoral de la Troade. Pline, v, 32, 38. C'est ce nom d'As-
Rhagiane, 'PayiavYJ, une des provinces de la Medie, don canie et d'Ascaniens qui suggera la creation du person-
la capitale etait Bhagse, Tayaf, ou le canton de la Baby- nage mythique d'Ascanios ou Ascagne, donne pour fils a
lonie qui renfermait la ville de Rhagsea, Tayoua ? On ne Enee. Quelques savants etablissent aussi un rapproche-
sait. Faut-il le rapporter aux Rugii du nord de la Ger- ment, plus ingenieux peut-etre que fonde, entre Jes noms
manie?Tacite, German.,43; Ptolemee, n,ll,27. Quelques d'Askenaz, Ascanios, et celui de la mer Noire, appelee
savants 1'ont cru. Mais cette double hypothese semble d'abord HOVTO? "A^vo?, Strabon, vn, p. 300; Pline, iv, 24,
inadmissible, car Josephe suit ordinairement avec exacti- ou "Aeivos, et plus tard seulement IIovco; Etff-stvo;, de-
tude le systeme d'assimilation des anciens docteursjuifs, nomination qui, a 1'origine, aurait ete empruntee a 1'un
et tous ces noms nous transporjent bien en dehors des des principaux peuples qui habitaient les bords du Pont-
limites assignees a 'Ascenez par leurs plus vieilles tradi- Euxin. Quoi qu'il en soit de ce dernier point, la geogra-
tions. phie ancienne de 1'Asie Mineure nous montre assez net-
En effet, dans les deux Talmuds, celui de Jerusalem, tement 1'existence et 1'extension d'une province d'Ascanie,
Megillah, i, 1, et celui de Babylone, Yoma, 10 a, de meme qui fut, d'apres certaines traditions, le premier siege des
que dans les Targums, 'Askenaz est explique par Asia. Phrygiens, et a laquelle se rattache assez naturellement
Cf. A. Neubauer, La geographie du Talmud, Paris, 1868, le nom d'Ascenez.
p. 309-310, 423. Et il ne s'agit pas ici, comme 1'a pense Mais ces donnees s'accordent-elles bien avec le passage
HKnobel, Die Volkertafel der Genesis, Giessen, 1850, p. 40, de Jeremie, LI, 27, ou Dieu, ordonnant aux jiations de se
du petit canton de 1'Asie propre en Lydie, Strabon, xm, reunir pour combattre Babylone, convoque contre elle les
p. 627; mais bien de la province romaine de 1'Asie pro- rois d'Ararat, de Menni et d'Ascenez ? Ararat ei Menni,
consulaire, toujours designee dans les Talmuds par ce d'apres 1'opinion generalement re^ue, repi'esentent TAr-
nom A'Asia. La tradition des ecoles juives, aTepoque la menie. Ascenez doit done designer une province voisine
plus reculee ou nous puissions la saisir, placait done dans de ce pays. Cette conclusion ressort egalement de la table
1'Asie Mineure occidentale la patrie du fils aine de Gomer. ethnographique, Gen., x, 3, dans laquelle Ascenez a pour
Et c'est precisement dans cette contree, comme nous le frere Thogorma, qu'on place de meme en Armenie. Enfin
verrons, que se rencontre tout un groupe de noms geo- M. P. de Lagarde, Gesammelte Abhandlungen, Leipzig,
graphiques dont les meilleurs critiques n'hesitent pas a 1866, p. 255, observe que la desinence az sert a former
reconnaitre la parente incontestable avec celui d' 'Aske- les patronymiques en armenien, et que Asken s'y est
naz. Cf. F. Lenormant, Les wigines de I'histoire, Paris, conserve dans 1'usage comme nom propre; c'est la un
1880-1884, t. n, p. 389. vestige de la descendance askenazienne des Armeniens.
Cependant les commentateurs juifs du moyen age II est vrai,'repondrons-nous avec F. Lenormant, Ori-
croient que les Germains sont les descendants d'Ascenez. gines de I'histoire, t. n, p. 393-394, que 1'Ascenez de
(Les Juifs allemands s'appellent encore aujourd'hui Aske- Jeremie ne saurait etre le canton de 1'Ascanie bithynienne,
ndzi.) Knobel, ouvr. cit., adopte cette opinion. II regarde ni meme 1'ancienne province d'Ascanie; elle est beaucoup
le mot Askenaz comme un nom compose, As-kenaz, trop reculee dans 1'ouest, et elle ne dependail pas de la
1071 ASGENEZ ASCENSION 1072
Medie, mais, a ce moment, du royaume de Lydie. C'est a la droite de Dieu. Marc., xvi, 19. Quand nous disons
un pays vassal de la monarchic medique, c'est-a-dire qu'il monta au ciel, nous entendons qu'il y est monte
situe a Test du fleuve Halys, qui forma la froritiere entre comme homme. Comme Dieu, etant present partout par
les Medes et les Lydiens, a la suite de la grande guerre son immensite, il etait deja au ciel et n'avait pas besoin
entre Alyatte d'une part, Cyaxarej, puis Astyage de d'y monter. Ce fut I'humanite de Jesus, toujours unie a la
1'autre; c'est en meme temps un pays contigu a ceux divinite, qui monta au ciel, c'est-a-dire son corps et son
d'Ararat et de Menni, dont la reunion forme 1'Armenie ame, qui n'y etaient pas encore. Quand nous disons
majeure ou orientale. II n'y a done pas moyen de douter que Jesus est assis a la droite de Dieu, nous prenoris ces
qu'Ascenez ne designe ici 1'Armenie propre ou occidentale, mots dans un sens metaphorique. Parmi les homines, etre
1'Armenie au sens primitif du nom. place a la droite d'un personnage est regarde comme un
Mais il faut remarquer que 'A<7-xavto? semble, par sa honneur. C'est par allusion a cet usage et en applicant
composition meme, avoir un caractere plutot ethnique aux choses du ciel le langage de la terre, que 1'on dit de
que geographique, designer une tribu ou une nation plu- Jesus qu'il est a la droite de Dieu. On veut faire entendre
tot qu'un pays. Le nom d"Askenaz, explique de la facon qu'il participe a la puissance de son Pere. Les mots est
la plus vraisemblable par celui d'Ascaniens, indique, dans assis ne doivent pas non plus se prendre dans le sens
1'ethnographie biblique, non pas la province speciale d'As- d'une attitude corporelle, mais dans le sens de la per-
canie, mais 1'ensemble de la nation phrygienne, auquel petuelle possession du souverain pouvoir qu'il a recu d6
il appartient en dehors meme de son premier sejour, plus son Pere.
specialement qualifie d'Aseanie, car elle 1'a transporte Nous ne croyons pas que les Apotres furent les seuls
avec elle dans la Phrygie. Le passage de4eremie nous temoins de 1'Ascension. Les evangelistes ont garde le
fournit done une date de Ja plus haute valeur pour de- silence sur ce point. II parait cependant tres probable que
terminer 1'epoque ou les Armeniens d'origine phrygienne cette faveur fut accordee au moins a tous ceux qui, etant
etaient deja limitrophes des pays d'Ararat et de Menni, entres au cenacle avec les Apotres, priaient avec eux.
ou ils allaient bientot penetrer Les elements linguistiques C'est le sentiment de Benoit XIV, De festis D. N. J. C.,
que nous avons signales tout a Theure avec P. de Lagarde vi, 46 et 47. II est certain qu'au livre des Actes, saint Luc,
font croire que le pays ou le peuple armenien avait ete apres avoir raconte I'ascension, le retour du mont des
nomme d'apres Ascenez avant de 1'etre d'apres Thogorma. Oliviers a Jerusalem et 1'entree des Apotres au cenacle,
On a rapproche 1'hebreu 'Askenaz de 1'assyrien (mat) ajoute : Tous ceux-ci perseveraient unanimement dans
As-gu-za, nom d'un pays mentionne dans un cylindre la priere, avec les femmes, et avec Marie, mere de Jesus,
d'Asarhaddon. Ce prince fit deux expeditions centre les et avec ses freres. En ces jours - la, Pierre, se levant au
gens de Manna et d'Askhouz. Cf. Maspero, Histoire an- milieu des freres (or le nombre des homines reunis etait
cienne des peuples de I'Orient, Paris, 1886, p. 450. Nous d'environ cent vingt), leur parla. Act., i, 14-15.
retrouvons ici deux des noms cites dans Jeremie, LI , 27, 2 Lieu de I'Ascension. L'endroit precis d'ou Notre-
et M. Sayce, Journal of the Eoyal Asiatic Society, t. xix, Seigneur s'eleva au ciel est le sommet central du mont
2" part., p. 397, propose meme de corriger en Askhouz des Oliviers. Voir OLIVIERS (MONT DES). Saint Matlhieu,
1'Askenaz du prophete. II est plus simple d'admettre que saint Marc et saint Jean ne nous renseignent pas sur le
le mot primitif Asgunza, ASkunza = Tasw* , est devenu lieu de 1'Ascension; mais saint Luc nous aide a le fixer
peii a peu, par rassimilation du nun, Asguzza, et finale- d'une maniere certaine. Dans son Evangile, xxiv, 50, il
ment Asguza. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und nous montre Jesus conduisant ses Apotres a Bethanie, et,
das Alte Testament, Giessen, 1883, Nachtrdge von Dr Paul apres les avoir benis, s'elevant vers le ciel. xxiv, 51. II ne
Haupt, p. 610. A. LEGENDRE. faut pas en conclure que Bethanie fut Je theatre de 1'As-
cension. En effet, saint Luc, dans les Actes, i, 12, nous
ASCENSION. Ce mot signifie 1'elevation miraculeuse apprend que les Apotres, apres avoir ete temoins de cette
de Notre-Seigneur au ciel, quand il y monta en corps et' merveille, retournerent a Jerusalem de la montagne des
en ame, par sa propre puissance, en presence de ses Oliviers, et n'eurent a parcourir que le chemin que Ton
disciples, le quarantieme jour apres sa resurrection. peut faire le jour du sabbat. On sait que le chemin d'un
Act., i, 3. jour de sabbat etait la distance qu'un Juif pouvait fran-
1 Circonstances de cet evenement. Quand fut venu chir sans violer le repos sabbatique; cette distance est eva-
pour Jesus le moment de retourner a son Pere, il appa- luee, d'apres les rabbins, a 1392 metres environ. Bacuez
rut une derniere fois a ses disciples a Jerusalem, et il les et Yigouroux, Manuel biblique, 8e edit., t. i, n 187,
conduisit sur le mont des Oliviers. Apres leur avoir renou- p. 311. Or Bethanie est a trois ou quatre kilometres de
vele la promesse de 1'Esprit-Saint, et leur avoir declare Jerusalem, c'est-a-dire a la distance de deux mesures
qu'ils seraient ses temoins a Jerusalem, dans toute la Judee sabbatiques. Les Apotres n'etaient done pas a Bethanie
etda Samarie et jusqu'aux extremites de la terre, il leva .meme quand ils furent temoins de 1'Ascension, mais sur
les mains au ciel et il les'benit. Act., I, 8; Luc., xxiv, 51. le sommet du mont des Oliviers, qui est a la distance
Ainsi le dernier acte de Jesus sur la terre fut une bene- d'une mesure sabbatique de Jerusalem. Le passage de
diction. Au moment ou il les benissait, il s'eleva au ciel. 1'Evangile de saint Luc, xxiv, 51, qui donne Bethanie
Luc., xxiv, 51. Le texte sacre semble indiquer qu'il ne comme le theatre de ce mystere, s'accorde avec le pas-
disparut pas Subitement, comme il 1'avait fait pour les sage des Actes, i, 12, du meme saint Luc, soit en supposant,
disciples d'Emmaus; mais qu'il s'eleva vers le ciel gra- comme le fait Benoit XIV, De festis D. N. J. C., vi, 46-47,
duellement et avec une majestueuse lenteur. Comme les que Jesus conduisit d'abord ses Apotres a Bethanie, et les
temoins de cette scene tenaient leurs yeux fixes sur leur ramena ensuite au sommet du mont des Oliviers, d'ou il
divin Maitre, une nuee resplendissante le deroba a leurs s'eleva au ciel; soit en supposant, comme le fait M. V. Gue-
regards, Act., I, 9, et voici que deux anges sous une forme rin, Jerusalem, p. 343, que le territoire de Bethanie com-
humaine, vetus de blanc, se presentment devant eux^et mencait au sommet meme de la montagne des Oliviers,
leur dirent: Hommes de Galilee, pourquoi vous tenez- et que le lieu ou Jesus s'eleva au ciel faisait partie de
vous la, regardant au ciel? Ce Jesus, qui du milieu de ee territoire. Voir aussi Lamy, Comm. in harm., 1. v,
vous a ete enleve au ciel, viendra de la meme mariiere c. XLVI, 19. Ajoutons que la lecon des manuscrits B, C,
que vous 1'avez vu allant au ciel. Act., i, 11. A ces mots, D, L, Sinaiticus, Bedx, porte 'ius po; Br)6avt'av au lieu
les disciples se prosternent et adorent Jesus comme le vrai de EW? et? By|6avtav. D'apres cette lecon, le f . 50 du
Fils de Dieu, Luc., xxiv, 52; puis ils quittent le mont des chapitre xxiv de saint Luc signifie : Jesus mena les
Oliviers et reviennent a Jerusalem avec une grande joie. Apotres vers Bethanie, du cote de Bethanie, et non a
Luc,, xxiv, 52. Ainsi Jesus monta au ciel, ou il est assis Bethanie.
1073 ASCENSION ASCHERA 1074
Aussi bien toutes les traditions des premiers sieeles xiv, 15, 23; I I ( I V ) Reg., xvn, 10; xxm, 14; II Par.,
placent sur le sommet central du mont des Oliviers le xiv, 2 (3); xvn, 6; xxiv, 18; xxxi, 1; xxxm, 19; xxxiv,
theatre de 1'Ascension. Sainte Helene, en y elevant une 3 , 4 , 7 ; Is., xvn, 8; xxvn, 9; Jer., xvn, 2; Mich., v, 13. II
basilique, ne fit que consacrer par un monument la designe tantot une deesse, qui n'est autre sans doute qu'As-
croyance de tous les Chretiens. Cette basilique, detruite tarlhe, tantot la stele ou pieu de bois symbolique qui la
en 614 par les Persans, et relevee de ses ruines au representait ou lui etait consacre. D'apres son sens etymo-
viie siecle, fut renversee par 1'ordre de Hallem, et plus logique, etre droit, etre heureux, ce nom peut convenir
tard reconstruite par les croises. La troisienie basilique aussi bien a la deesse du plaisir qu'a la colonne dressee
fut demolie par les musulmans redevenus maitres de la en son honneur. Les anciens traducteurs ont meconnu
Terre Sainte. Us laisserent cependant subsister 1'edicule le sens propre de ce mot, que les Septante rendent
octogonal qui renfermait, selon la tradition, les vestiges presque partout par aXo-o?, et la Vulgate, d'apres eux,
des pieds de Notre-Seigneur. Get edicule fut mure par par lucus ou nemus', bois, bosquet. Dans plusieurs
eux et transforme en un petit oratoire musnlman^ au passages, cette traduction est insoutenable : par exemple,
milieu duquel ils ont respecte la pierre qui garde encore la ou il est question de 'Aserdh place sur un autel, Jud.,
les vestiges, aujourd'hui tres degrades, d'un pied qui vi, 25, ou eleve sous tout arbre vert. Ill Reg., xiv, 23;
passe pour etre le pied gauche de Notre - Seigneur. Voir IV Reg., xvii, 10. Dans Deut., xvi, 21, le verbe planter
V. <*uerin, Jerusalem, p. 345-346; Mislin, Les Saints a pu donner lieu a cette traduction; mais le passage ne la
Lieux, t. n, p. 468. Cf. Eusebe, Vita Constantini, in, 43, justifie nullement, si on Texamine sur 1'hebreu : Tu ne
t. xx, col. 1104; Dem. evang., vi, 18, t. xxn, col. 460; planteras en 'aserdh aucun arbre pres de Tautel de Je-
Pseudo-Jerome, Liber nom. loc. ex Actis, au mot Mons hovah ton Dieu. On remarquera en outre la suite de la
Oliveti, t. xxm, col. 1301-1302. prescription au f . 22; Dieu ne veut pres de son autel ni
Le mot Ascension signifie aussi la fete qui est cele- 'aserdh ni massebdh (pierre levee, stele). Enfin partout
bree, le quarantieme jour apres la resurrection et dix ou se rencontre ailleurs le nom 'aserdh, 1'une des deux
jours avant la Pentecote, en memoire de 1'ascension du significations proposees cadre parfaitement avec le con-
Sauveur. Elle est d'origine tres ancienne. Voir S. Augus- texte.
tin, Epist. CXVIH, 1, t. xxxm, col. 200; Semi. CLXXIV 1 Nous citerons d'abord les passages ou 'Aserdh figure
de tempore, t. xxxvni, col. 1209; Constit. Apost., vm, comme une divinite etrangere, a laquelle on rend un culte
t. I, col. 1136; Suarez, De praeceptis affirmativis ad a cote de Raal et de toute 1'armee du ciel. IV RegT,
Dei cultum, 1. n, De Sacrorum sen festorum dierum xxm, 4; cf. xxi, 3; II Par., xxxm, 3. Elle a une image
observatione et prsecepto, c. vn, 1; Duchesne, Origine taillee, pesel, IV Reg., xxi, 7; une idole. Ill Reg. xv, 13;
du culte chretien, in-8, Paris, 1889. G. MARTIN. II Par., xv, 16. II y a des prophetes de 'Aserdh comme
des prophetes de Baal. Ill Reg., xvm, 19. Elle est le plus
2. ASCENSION D'ISAlE, livre a'pocryphe. Voir APOCA- souvent associee a Baal, ce qui nous autorise a voir en
LYPSES APOCRYPHES, 9, COl. 764. elle 1'inseparable compagne de ce dieu, qui est ailleurs
nommee Astarthe. La maniere meme dont les deux noms
ASCHBEA (hebreu : 'Asbea'; Septante : 'Euoga), sont echanges dans Jud., n, 13, et m, 7, confirme cette
nom propre que la Vulgate a traduit, d'apres sa signifi- identification. (La Vulgate a traduit dans les deux endroits
cation, I Par., iv, 21, par Jurement . 11 n'est pas pos- Astaroth, tandis que, si nous avons dans 1'hebreu pour le
sible de savoir s'il designe dans ce passage une personne premier 'Asldrot, nous avons pour le deuxieme 'Aserot.)
ou une localite. Certains commentateurs croient que c'est Nous pouvons done, pour la nature de cette deesse et
le nom d'un chef de famille descendant de Juda, fils de 1'histoire deson culte chez les Hebreux, renvoyer a 1'article
Jacob, par Sela, lequel s'appelait Aschbea, et faisait tra- ASTARTHE. Une inscription phenicienne place dans un
vailler le lin dans sa maison. D'autres pensent que le mot rapport etroit les noms 'aserdh et 'astoret, en qualifiant
aschbea doit se joindre au mot Bet ( maison ), qui pre- ainsi une deesse : 'Astoret en 'dserat de 'El Mamrnan.
cede dans le texte original, et se lire par consequent pn bx nnwK3 nnnury. Corpus inscriptionum semiticarum,
Beth-Aschbea} nom d'une localite inconnue, ou auraient t. i, p. 331. Mais en dehors de la Bible, on n'avait, jus-
habite les descendants de Juda qui travaillaient le lin. Le qu'a ces derniers temps, aucune indication permettant
laconisme du recit sacre he permet pas de decider laquelle de considerer Aschera cornme le nom propre d'une deesse.
de ces deux opinions est la plus vraisemblable. On pouvait penser que les Hebreux avaicnt applique a
Astarte un vocable commun, la bonne, 1'heureuse,
ASCHDOTH HAP-PISGAH ('Asdot hap-Pisgdh; ou qu'ils 1'avaient designee par le nom de sa represen-
Septante : 'Aav^SwO rr|v ^ao-yd, Deut., in, 17; *A<7r,8a>6 TYJV tation symbolique. Sur une des tablettes cuneiformes
XaJUoTY)v, DeuK, iv, 49; 'A<rr|u>6, Jos., x, 40; XH, 8; trouvees en Egypte, a Tell-Amarna, un officier chananeen
'AdrjSwG ^aa-ya, Jos., xii, 3; Vulgate: ad radices montis porte un nom dans lequel Aschera figure comme celui
Phasga, Deut., m, 17; iv, 49; Asedoth, Jos., x, 40; xn, 8; d'une divinite : Abdasirti ou Abdasrati, c'est-a-dire
Asedoth Phasga (il ne faut point, entre Asedoth et Phasga, serviteur d'Aserat , de meme qu'Astarthe dans le nom
la virgule que portent les editions de la Vulgate; car phenicien Abdasteret, serviteur d'Astarthe. Cf. Halevy,
ces deux mots ne forment qu'un seul et meme nom), Jos., j Revue des etudes juives, 1890, t. xxi, p. 57.
xii, 3. Voir ASEDOTH. I 2 La ou 'aserdh designe 1'embleme de la deesse, il s'agit
toujours, dans la Bible, d'un pieu de bois que les Israe-
ASCHER ben Josef, rabbin de Cracovie, qui vecut j lites fideles coupent et brulent. Exod., xxxiv, 13; Jud.,
dans la premiere moitie du xvie siecle. II laissa un com- i vi, 25, 26, 28, 30; IV Reg., xxm, 6, etc. De meme que
mentaire sur les Lamentations de Jeremie, in-4, Cra- ' les Chananeens joignaient ce pieu a Fautel de Baal, la
covie, 1585. E. LEVESQUE. divinite male, de meme les Hebreux auraient pu etre
tentes d'en elever pres de 1'autel de Jehovah. Le Deu*
ASCHERA est un nom hebreu, 'Aserdh, qui se lit teronome, xvi, 21, interdit cette profanation. Cf. Mich.,
dans le texte original dix-huit fois au singulier, Deut., v, 13; Is., xvn, 8; xxvn, 9. Dans ces deux derniers
xvi, 21; Jud., vi, 25, 26, 28, 30; I (III) Reg., xv, 13; passages, les 'dserim figurent a cote des hammdnim,
TCVI, 33; xvm, 19; II (IV) Reg., xm, 6; XVH, 16; representations solaires de Baal. On leur rendait un culte
xvm, 4; xxi, 3, 7; xxm, 4, 6, 7, 15; II Par., xv, 16; comme aux autres idoles : Ils servirent les 'dserim et
trois fois au feminin pluriel, 'aserot: Jud., m, 7; II Par., les idoles . II Par., xxrv, 8. La colonne symbolique se
Xix, 3; xxxin, 3, et dix-neuf fois au masculin pluriel, trouve associee au culte d'Astarte la ou, honoree comme
'tierim: Exod., xxxiv, 13; Deut, vii, 5; xii, 3; I (III) Reg., deesse du plaisir, on 1'assimile, a 1'epoque greco-romaine>
1075 ASCHfiRA ASfiDOTH 1076
a Aphrodite ou Venus. Une representation du temple de les gazelles; Septante: 'Ao-eSwetfi, SaSaffx. La Vul-
Paphos, sur une monnaie chypriote du temps de Septime- gate porte Asebaim, comme les Septante, I Esdr,, n, 57^
Severe, nous permet de voir le cippe qui etait 1'embleme de et Sabaim, II Esdr., vii, 59. Pour les traducteurs grecs,
la deesse (fig. 290). Cf. F. Lajard, Recherches sur le culte 'A<re6wt(j. ou Sa6as(A est un nom de personne : viol
de Venus, 1837, pi. i, nos 10-12. A 1'occasion de la visite 3>a;(pa9, ulot 'AcreSweiji,, ou v ' 0<t ^axapaO, uiol Sa6ou[ju
de Titus au temple de Paphos, Tacite decrit ainsi la sin- Le traducteur latin en fait un nom de lieu; peut-etre
guliere image : L'idole de la deesse n'a pas la forme parce qu'il a rapproche ce nom du nom a peu pres sem-
humaine; c'est une colonne ronde dont la base est plus bable de deux autres localites : Sebo 'im, ville de la vallee
large que le sommet, a la facon d'une borne; on en ignore de Siddim, Gen., x, 19; Deut., xxix, 23, ou Sebo'im, cite
d'ailleurs inconnue, situee sur le territoire de Benjamin.
I Reg., XHI, 18. La Vulgate a ete suivie par un certain
nombre de commentateurs. Cependant il parait difficile
de voir dans ha?sebdim un nom de lieu. D'abord on ne
connait aucune localite de ce nom. De plus, dans la longue
liste de Nathineens et de descendants des esclaves de Sa-
lomon , donnee dans les deux passages cites, il n'est pas
fait mention du lieu d'origine pour les autres personnes.
Enfin le texte original, conserve sans variante, Pokeref
hassebaim, ne peut se traduire regulierement Phoclid- .
reth de Sabaim; il faudrait avant has$ebdim une preposi-
tion , p, min, indiquant le lieu d'origine. Nous avons la
290. Temple de Paphos. simplement, avec 1'article, le nom ?ebdim, qui veut dire
AYTOK. KAIS. A. SEIIT. SEOYHPOS. Tete lauree de gazelles . Ce mot depend du precedent, pokeret, de
1'empereur Septime - Severe. %. KOINON KYHPIQN. la racine pdkar, prendre, capturer. Ces deux mots
Temple d'Aphrodite-Astarthe' a Paphos. Au fond, au milieu, forment ainsi un nom compose, le preneur de gazelles :
le cippe de la deesse et, a droite et a gauche, une 6toile. De c'est un surnom qui vraisemblablement supplanta dans
chaque c6t6, un candelabre. Au haut, le croissant et une 6toile.
Sur le toit plat du temple, a droite et a gauche, une colombe, 1'usage le vrai nom de cet individu. II faut neanmoins
1'oiseau consacre' a Astarthe. remarquer que la version des Septante suppose que le
texte hebreu qu'ils ont traduit portait, non pas bene
la raison. Hist., n, 3. Les colonnes qu'Herodote, n, 106, Pokeret hassebdim, comme notre texte actuel, rnais bene
avait vues dans la Palestine de Syrie, et qu'il attribue au Pokeret, bene ha$$ebaim, les fils de Pokeret, les fils de
conquerant legendaire Sesostris, n'etaient peut-etre que Seba'im, et cette legon pourrait bien etre la lecon primi-
tive. E. LEVESQUE.
des 'Aserim chananeens. Voir G. W. Collins, 'Astho-
reth and the 'Ashera, dans les Proceedings of the ASEDOTH (hebreu:'Asdot;Septante: 'Aa^Swe), nom
Society of Biblical Archaeology, juin 1889, p. 291-303. d'une localite voisine du mont Phasga, d'apres la Vulgate
L'auteur a reuni un grand nombre de documents, mais, et les Septante; mais peut-etre aussi nom commun signi-
contrairement a 1'opinion commune, il n'identifie point iiant, d'une facon generale, le pied d'une montagne, ra-
Aschera et Astarthe; il soutient meme qu'Aschera etait dices montis, comme la version latine a traduit elle-meine
exclusivement un symbole impur. J. THOMAS. deux fois, Deut., in, 17; iv, 49, ou bien sources . Ce doit
etre un mot tres ancien, puisqu'on ne le trouve que dans
ASCHI ben Sima'i, appele aussi Asche et Asser, un des le Deuteronorne, m, 17; iv, 49, et dans le livre de Josue,
derniers et des plus celebres Amoraim, ne en 352, devint x, 40; xii, 3, 8; xm, 20. II se rattache a la racine inusitee
chef de 1'imporlante ecole de Sora, en Babylonie, ou il 'dsdd, repandre, et a 1'expression 'esed hannehdlim
mourut (427), apres 1'avoir dirigee cinquante - deux ans. (Vulgate : scopuli torrentium, rochers des torrents ),
Son autorite fut tres considerable parmi ses contempo- Num., xxi, 15, que Gesenius, Thesaurus, p. 158, explique
rains, et il recut le titre de Rabbana, notre maitre. ainsi: lieux has ou se deversent les torrents descendant
L'elaboration du Talmud de Babylone fut commencee des montagnes. On peut diviser en deux categories les
grace a son initiative. II consacra sa longue carriere a cette passages dans lesquels il se rencontre. Dans la premiere,
ceuvre colossale, rassemblant, coordonnant 1'enorme quan- il est employe seul avec Tarticle, hd'asedot, Jos., x, 40;
tite d'explications , de deductions, de developpements bd'asedot, Jos., xn, 8; il fait partie d'une enumeration
ajoutes a la Mischna, aceumules pendant trois genera- comprenant les divisions naturelles d'un pays : hahdr,
tions d'Amoraim, et confies a la seule memoire. II ne la montagne; hannegeb, le midi; hassefeldh,
se borna pas a une simple compilation, car il ajouta de la plaine; hd'ardbdh, le desert. II semble done
lui-meme de nombreuses et importantes rectifications, conforme au contexte de lui laisser sa signification com-
decisions, solutions de questions obscures, etc. Son travail mune de feminin pluriel, designant les vallees arrosees
fut complete par son fils Mar, par son successeur imme- par les torrents. Dans la seconde, il est uni au mot Phasga,
diat Maremar, et surtout par R. Abina. E. LEVESQUE. Deut., in, 17; iv, 49; Jos., xn, 3; xm, 20. II s'agit, dans
ces divers endroits, des regions situees au dela du Jour-
ASCHKENASI Eliezer ben Elias, d'abord rabbin a dain et conquises par les Israelites. L'expression 'aMof
Cremone, alia s'etablir a Constantinople, puis a Posen, hap-Pisgdh parait destinee a determiner le massif mon-
enfin a Cracovie, ou il mourut en 1586. II a donne un tagneux qui enferme la mer Morte a 1'est, et dans lequel
commentaire sur lelivre d'Esther, Yosif leqah, ( Ilcroitra se trouve le mont Phasga. On peut done encore ici y voir
en science , Prov., i, 5), in-4% Cremone, 1576. II en a ete le sens general que nous avons indique, le pied du
donne plusieurs editions, la derniere, in-4, Varsovie, mont Phasga. Cependant les explorateurs anglais du
1838. On a aussi de lui une explication de la partie histo- Palestine Exploration Fund, prenant le mot 'asdot dans
rique du Pentateuque, in-f, Venise, 1583; in f, Cra- son sens etymologique, ecoulement, le traduisent par
covie, 1584; in-4, la Haye, 1777, et in-4, Zolkiew, 1802. sources , et 1'identifient avec 'Ayun Musa, les remar-
E. LEVESQUE. quables sources de Moise (fig. 291) qui se trouvent
ASDOD, forme hebraique ('Asdod) du nom de la au bas du mont Ncbo. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et
ville philistine appelee Azot dans la Vulgate. Voir Azox. Conder, Names and places in the Old and New Testa-
ment, Londres, 1889, p. 17; Old and New Testament
. ASEBAIM (hebreu: hassebdim, nom avec 1'article, Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 15. Cette opf-
4077 ASfiDOTH ASEM 1078
nion ne manque pas de vraisemblance. En effet, la rarete petites chutes. Cf. de Luynes, Voyage d'exploration a la
et 1'importance des eaux en Orient expliquent assez com- mer Morte, 3 in-i, Paris, t. i, p. 153; H. B. Tristram,
ment une source considerable a pu etre 1'objet d'une men- The Land ofMoab, Londres, 1874, p. 335-336; Conder,
tion particuliere. Ensuite le sens etymologique de 'asddt Heth and Moab, Londres, 1889, p. 131-132. Eusebe
s'applique mieux a des sources, quand elles sont surtout et saint Jerome font d'Asedoth une ville des Amorrheens,
comme celles de Moise. Enfin les Septante ont toujours qui echut a la tribu de Ruben ; ils expliquent 'AffY)Sw6
rendu le mot par un nom propre, et la Vulgate elle-meme ^ao-ya comme 1'ont fait une fois les Septante, Deut., rv, 49,
a etc obligee de 1'employer comme tel, Jos., x, 40; xn, traduisant le dernier terme par XaSevrr), taillee. Ils dis-
3, 8; xm, 20. tinguent une autre ville de meme nom, assiegee et prise
Situees au pied du pic fameux qui fut temoin de la par Josue, XH, 8. Cf. Onomasticon, Gcettingue, 1870,
mort mysterieuse de Moise, et au-dessous d'un sommet p. 216, 217; S. Jerome, Liber de situ et nominibus loco-
voisin, identifie avec le Phasga, les sources de Moise rum heb., t. XXHI, col. 867, 868. A. LEGENDRE.
offrent une oasis de fraicheur et de verdure au milieu de ASEL (heb.: 'A?el, & noble ; Sept.: 'Eo-^X), Benjamite,
cette contree aride. Elles forment deux groupes princi- filsd'Elasa, de la posterite deCis, pere de Saul. I Par.,
paux. Le premier se compose de plusieurs petites sources vin, 37-38; ix, 43-44. Pour Asel, ville, voir BETH-ESEL^
contigues, qui sortent de la base d'un rocher tres pitto-
resque ou sont creusees des grottes naturelles ou artifi- ASEM (hebreu: *Aem [a la pause], Jos., xv, 29;
cielles. Leurs eaux, se reunissent bientot sur une large xix, 3; lEem, I Par., iv, 29; Septante : 'AaojA; Jos., xv, 2i);
chaussee, eboulement d'un bane de calcaire, pour se 'lacrov, Jos., xix, 3; 'Aioijj,, I Par., iv, 29; Vulgate : Asem,
precipiter de la en une belle cascade, haute de sept a Jos., xix, 3; Esem, Jos., xv, 29; Asoni, I Par., iv, 29),
huit metres. Cette plate-forme est comme le toit d'une ville de la tribu de Juda, appartenant a 1'extremite me-
grotte hunlide et sombre qui s'etend assez loin en arriere ridionale de la Palestine, Jos., xv, 29, et attribuee plus
sous ce plafond de roches. Les eaux s'epanchent sur de tard a la tribu de Simeon. Jos., xix, 3; I Par., iv, 29. Son
longues guirlandes vertes formees de mousses et de emplacement est inconnu jusqu'a present, la plupart des
plantes a feuillage fin et chevelu. En baignant continuel- villes qui composent ce premier groupe, Jos., xv, 21-32,
lement ces vegetaux, elles ont produit des incrustations n'ayant pas ete identifiees. Dans les trois passages que
dout 1'epaississement continue! a fini par creer une gigan- nous venons de citer, elle occupe une place reguliere
tesque stalactite qui semble une colonne conique, in- entreBaala ouBala, etEltholad ou Tholad. Cette derniere
clinee suivant la pente de la chute. Un peu plus loin, le est rebelle a toute assimilation, et Baala est, pour certains
second groupe sort des profondeurs de la montagne : le auteurs, placee d'une maniere tres problematique a Deir
courant, clair comme le cristal, fuit sur un lit compost el-Belah, au sud-ouest de Gaza, non loin de la mer..
dp pierres et de cailloux, couverts par des coquillages Parmi les noms qui precedent, les plus connus sont Ber-
dun noir luisant; il rejoint le premier par une serie de sabee (Sir es-Sebd) et Molada (Khirbet Tell
1079 ASEM ASENAPHAR
parmi ceux qui suivent, Remmon, qui termine la liste, de Yam initial, quoique la permutation entre le scMn
correspond bien a Khirbet Oumm er-Roumamin. Cf. Gue- hebreu et le sin arabe, entre le nun et le lam, soit facile a
rin, Description de la Palestine, Judee, t. n, p. 277-284, comprendre. 2 Kefr Hasan, situe un peu plus au riord-
352-354; t. m, p. 184-188. C'est done dans ces parages ouest. Cl. G. Armstrong, W. Wilson etConder, Names and
qu'il faudrait chercher Asem, d'autant plus que, en com- places in the Old and New Testament, Londres, 1889,
parant les trois enumerations, Jos., xv, 21-32; xix, 2-7; p. 18. Get endroit ne s'ecarte pas non plus de la ligne
I Par., iv, 28-32, elle ne parait eloignee ni de Bersabee determinee par le contexte. 3 Beit .Schenna, bien au-
ni de Molada. On a voulu 1'identifier avec Eboda, aujour- dessus, au nord d'Amouas, Cf. Palestine Exploration
d'hui Abdeh, localite situee a huit heures au sud d'Elusa Fund, Quarterly Statement, 1876, p. 151; 1877, p. 22.
(Khalasah). Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 126. La Cette localite, au contraire, s'eloigne beaucoup trop des
raison etymologique sur laquelle on s'appuie n'a pas de limites voulues, et se trouve plutot renfermee dans la
fondement, et la situation d'Asem serait beaucoup trop tribu de Dan. Eusebe et saint Jerome mentionnent une
au sud. A. LEGENDRE. Asna, de la tribu de Juda , mais sans en indiquer la
position. Cf. Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 220;
ASEMONA (hebreu: 'Asmondh [avec he local], Num., S. Jerome, Liber de situ et nominibus locorum heb.,
xxxiv, 4; Jos., xv, 4; 'Asmon, Num.,xxxiv, 5; Septante: t. xxm, col. 871. Le village de Bethasan dont parlent ces
'AffcfwovS, Num., xxxiv, 4, 5; SeXfAwva, Jos., xv, 4), Peres quelques lignes plus loin, a propos d' Asan, de la
ville frontiere, situee a 1'extremite meridionale de la Terre tribu de Juda , semble, a raison de sa distance de Jeru-
Sainte, Num., xxxiv, 4, 5, et appartenant a la tribu de salem, convenir plutot a notre Asena. Voir ASAN.
Juda. Jos., xv, 4. Dans la ligne tracee par les auteurs A. LEGENDRE.
sacres, formant 1'arc de cercle depuis la pointe sud de la 3. ASENA (nom omis par les Septante ; Vulgate :
mer Morte jusqu'a la Mediterranee, en passant par Cades- Esna). Jos., xv, 43. Voir ESNA.
barne, elle se trouve la plus eloignee vers 1'ouest : c'est
tout ce que nous savons de certain. On a cependant pro- ASENAPHAR (chaldeen : 'Osnappar; dans quelques
pose quelques identifications. Wetzstein, s'appuyant sur la manuscrits : 'Asnappar; Septante: 'Ao-oreva^ap), nom
raeine du mot 'dsam, etre fort, 'esem, ossements, d'un personnage qualifie de grand et de glorieux, men-
pense qu'il s'agit de la longue chaine du Djebel Yelek, tionne dans la lettre que les ennemis des Juifs ecri-
dont le pied occidental est baigne par le Torrent virent contre eux au roi de Perse Artaxerxes, I Esdr.,
d'Egypte , Ouadi el-Arisch, ou des deux chaines paral- iv, 10. II est dit dans cette lettre, dont le texte est repro-
leles du Djebel Heidi et du Djebel Yelek. Cf. Keil, Josua, duit en chaldeen bu arameen, que divers peuples, au
Leipzig, 1874, p. 118. Sur la position respective des deux nom desquels la lettre est redigee, Dineens, Apharsatha-
montagnes, voir Robinson, Biblical Researches in Pales- cheens, Babyloniens, Susiens, etc., ont ete deportes en
tine, Londres, 1856,1.1, p. 185, et la carte. Le fondement Samarie par Asenaphar. Get aete d'autorite, de meme
de cette opinion semble bien fragile. Trumbull, Kadesh- que les litres de grand et de glorieux qui lui sont don-
Barnea, New-York, 1884, p. 117, 289-291, propose de nes, indiquent que cet Asenaphar est un roi. Or, comme
reconnaitre Asemona dans Qaseimeh, groupe de sources la Samarie fut repeuplee par les rofe d'Assyrie, ce roi est
ou de bassins, situe a Test du Djebel Muweileh, pres de certainement un roi de Ninive. Mais son nom a du etre defi-
la grande route des caravanes entre FEgypte et la Syrie. gure par les copistes, comme tant d'autres noms propres,
Son sentiment s'appuie sur ce fait que le Targuin du car aucun des monarques qui ont.regne a Ninive"n'est
pseudo-Jonathan, Num., xxxiv, 4, a rendu 'Asmon par ainsi appele. Plusieurs commeritateurs ont cru a tort
cop, Qesdm, et celui de Jerusalem par no>p, Qesam, ce qu'Asehaphar etait une alteration du nom de Salmanasar
qui repond exactement a 1'arabe xv*w.j, Qaseimeh. La ou de Sennacherib, les inscriptions assyriennes prouvent
difference entre les lettres initiales, 'am et qof, vient desqu'il ne peut etre question de ces deux rois dans la lettre
diverses manieres d'ecrire, Q, K, G, ou les aspirees A, 'A, des ennemis des Juifs. Asarhaddon et Assurbanipal, le
representant les variations d'un son guttural. C'est ainsi fils et le petit-fils de Sennacherib, sont les seuls princes
qu'il identifie une des villes precedentes, Adar, avec Qadei-qui aient pu deporter en Samarie les peuples mentionnes
rah, ou Am Qoudeirah, un peu plus a Test. En placant I Esdr., iv, 9. Plusieurs exegetes pensent qu'Asarhaddon
Cadesbarne a Am-Qadis, comme le veulent bon nombre doit etre prefere a Assurbanipal, parce que c'est lui qui
d'auteurs, il est certain que VOuadi et YAln Qaseimeh est nomme expressement I Esdr., iv, 2 (Asor Haddan)
rentrent parfaitement dans la ligne de la frontiere meri- comme 1'auteur d'une transportation en Samarie, et que
dionale, telle qu'elle est decrite par les Livres Saints. les annales de ce roi nous apprennent qu'il fit deporter
Voir CADES. A. LEGENDRE. dans la terre de flatti, qui comprenait la Palestine, divers
peuples de 1'est de son empire qu'il ne nomme pas.
1. ASENA (hebreu : 'Asndh, epine, ou, selon Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 45,
d'autres, grenier [?]; Septante : 'Acreva), chef de fa- col. I, lig. 24-34. Neanmoins, comme les Susiens sont
mille nathineenne, dont les descendants revinrent de 1'exil nommes parmi les deportes, I Esdr., iv, 9, et qu'Assurba-
avec Zorobabel. I Esdr., n, 50. nipal est le premier roi d'Assyrie qui, d'apres ce qu'on
sait maintenant, ait penetre au cosur de 1'Elam et se soit
2. ASENA (hebreu: 'Asndh,' Septante J "Ao-aa), ville empare de Suse (Annales, col. v, lig. 128-129; Alden
de la tribu de Juda. Citee apres Estaol et Sarea, Jos.,,; Smith, Die Keilschriftexte Assurbanipals, in-8, Leipzig,
xv, 33, elle appartenait au premier groupe des villes ,de 1887-1889, Heft i, p. 46-47), il est plus probable qu'Ase-
la plaine , et se trouvait sur la frontiere des deux naphar est Assurbanipal. Asarhaddon n'a fait aucune
tribus de Juda et de Dan. Jos., xix, 41, Si son em placement campagne contre 1'Elam. Assurbanipal, au contraire, lui fit
certain nous est inconnu, les noms qui precedent nous une guerre acharnee, dont il a reproduit une foule d'epi-
permettent de le fixer d'une maniere approximative. sodes dans son palais (fig. 292); non seulement il s'empara
Estaol est bien identifiee avec Achou'a, et Sarea avec de Suse, la capitale de ce pays, mai&il nous apprend, dans
Sara'a, toutes deux voisines 1'une del'autre, et situees* ses inscriptions, qu'il en deporta les habitants et les dis-
en droite ligne a 1'ouest de Jerusalem. De meme Zanoe, persa dans toute 1'etendue de son royaume . (Voir les
qui suit, est bien Kkirbet Zdnou'a. Plusieurs localites textes dans G. Smith, History of Assurbanipal, p. 224-233,
ont etc proposees ponr 1'identification de cette premiere 247, et dans H. Gelzer, Die Colonie des Osnappar, dans
Asena: 1 'Aslin, village formant triangle, vers le la Zeitschrift fur dgyptische Sprache, 1875, t. xin, p. 81.)
nord, avec Achou'a et Sara'a. La position con vient par- Assurbanipal fit aussi la guerre aux Babyloniens, qui
faitement; mais le nom laisse un peu a desirer a cause figurent dans la liste I Esdr., iv, 9; ils s'etaient revoltes
1081 ASfiNAPHAR ASENETH 1082
centre lui, et il les en punit durement. L'alteration du nom ou au fils leur translation a Samarie, soit a Asarhaddon,
d'Assurbanipal en Asenaphar s'explique d'ailleurs plus parce que c'est lui sans doute qui en avait fait transporter
facilement que celle d'Asarhaddon : nsuox venant par un plus grand nombre, soit a Asgarbanipal, son fils, parce
contraction de Ss3[3T]DK = L )3-jn-nDs*. Le changement que son regne avait ete plus glorieux et qu'il etait demeure
de la syllabe finale phal ou pal en phar ou par n'a rien plus celebre que celui de son predecesseur.
qui puisse surprendre : Phul est devenu POT, dans le F. VIGOUROUX.
Canon de Ptolemee. Aussi cette identification est-elle ASENETH (he"breu : 'Asenat; Septante : 'AueveO,
acceptee par Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, in-12, 'A(rsvv0), fille de Putiphar (hebreu : Potifera'), pr6tre
Leipzig, 1881, p. 329; ainsi que par Eb. Schrader, qui, d'Heliopolis (hebreu : 'On). Le Pharaon la donna pour
apres avoir admis 1'identification d'Asarhaddon dans la epouse a Joseph, qui en eut deux fils, Manasse et Ephraim.
premiere edition de ses Keilinschriften und das Alte Gen., XLI, 45-50; XLVI, 20. C'est pour relever 1'autorite de
Testament, 1872, p. 246, se prononce pour celle d'As- son premier ministre que ce roi 1'unit a la fille du grand
surbanipal dans la seconde, 1883, p. 376. Les textes pr^tre d'un des sacerdoces les plus renommes de 1'Egypte.
cuneiformes leur semblent decisifs en faveur d'Assur- Aseneth, d'apres quelques commentateurs, ne serait pas
banipal. le nom que portait la fille de Putiphar avant son mariage,
II faut observer cependant que, si Assurbanipal seul a mais le nom hebraique que Joseph lui aurait donne. Dans
pu deporter les Susiens en Samarie, c'est Asarhaddon qui cette hypothese, on le compare au nom d'homme 'Asndh,
a du y transporter les Apharsatacheens et les Apharseens, I Esdr., n, 50, signifiant grenier; on y voit une allusion
car c'est Asarhaddon qui s'est empare des villes mediques a 1'histoire de Joseph et au nom d'Ephraiim. Cette etymo-
de Partakka, Partukka. Cuneiform Inscriptions of western logic n'est guere satisfaisante. Du reste, tout dans ce recit
Asia, 1.1, pi.46, col. iv, lignes 19-20; Budge, History of nous porte a voir dans Aseneth le nom egyptien de la fille
Esarhaddon,in-8, Londres, 1880, p. 68; cf. Frd. Delitzsch, de Putiphar. II est cependant difficile de determiner d'une
dans Baer et Frz. Delitzsch, Libri Danielis, Ezras et Nehe- faeon certaine son etymologic. C'est un mot compose pro-
miae, in-8, Leipzig, p. ix. D'ou il faut conclure que les peu- as <(
ples enumeres, LEsdr., iv, 10, ont ete deportes, les uns, et bablement de BrI' > demeure, siege, et du nom
c'est probablement le plus grand nombre, par Asarhaddon, de la deesse
^flBv A
J, Nit ou Net: ce qui donne I A
.1 r^^B^ A
J,
etles autres, tels que les Susiens, par Assurbanipal. Les
choses etant ainsi, il est difficile de dire avec certitude, Asneth, demeure (ou siege) de Neith. Sans doute ce
en s'en tenant aux renseignements fournis par les inscrip- nom n'a pas encore ete trouye sur les monuments, mais
tions cuneiformes, quel est le nom de roi cache sous la il en existe de tout a fait semblables : ainsi As-Ptah,
forme Asenaphar: les deportes ont pu attribuer au pere demeure de Ptah; As-Menti, demeure de Menti
1083 ASENETH ASER (TR1BU) 1084
(cf. Lieblein, Dictionnaire des noms hieroglyphiques , mourant lui donnaGen., XLIX, 20, s'accomplit a la lettre
nos 193, 241) ; As-Hathor, la demeure d'Hathor, qui est dans la tribu dont il fut le pere. Voir ASER 3.
le nom de deux femmes de la xme dynastic. Lieblein, A. LEGENDRE.
ibid., n 508. De plus cette expression est employee dans le 2. ASER (hebreu: 'Assir; Septante : 'Atrei'p), fils aine"
Papyrus magique du British Museum, pi. 16, 3. Cf. Birch, de Core et arriere-petit-fils de Caath, de la tribu de Levi.
Revue archeologique, novembre 1863, t. vm, p. 435 : la Exod., vi, 24. II est appele Asir dans la Vulgate (Septante:
chapelle du siege (ou de- 'A<7Y)p), I Par., vi, 22. Voir Asm 2.
meure) de Neith. D'autres
explications ont ete pro- 3. ASER, une des douze tribus dlsrael. I. GEOGRA-
posees, moins heureuses PHIE. La tribu d'Aser occupait la parlie nord-ouest de
peut-etre. Aseneth pour- la Palestine, depuis le Carmel jusqu'aux confins de la Phe-
nicie, c'est-a-dire le versant occidental des montagnes qui
rait venirde -f _ f, s'etendent, comme un prolongement affaibli, du pied du
-M
-\ 4fcV Jl
Nesnet, qui appartient Liban a la plaine d'Esdrelon. Les principales villes soni
aNeith. On sait que cette enumerees dans le livre de Josue, xix, 24-31, et dans celui
preposition nes , qui entre des Juges, i, 31-32; mais la delimitation exacte du terri-
dans la composition de toire presente de tres grandes difficultes. Nous ne savons,
beaucoup de noms pro- en effet, sur quelles bases eut lieu le partage de la Terre
pres, a ete rendue en grec Promise, et 1'identification de certains noms est encore a
par un , a 1'epoque pto- 1'etat de probleme. Cependant les travaux modernes, en
lema'ique. Ainsi Nes-ba- particulier ceux de E. Robinson, de V. Guerin et des explo-
en-dad a donne ZSsvSeTV)?. rateurs anglais de VExploration Fund, ont jete une lu-
Nesnet aurait fait alors miere nouvelle sur beaucoup de points obscurs, et per-
snet dans la transcription mettent de tracer d'une maniere satisfaisante les limites
hebra'ique, et 'asnet avec de chaque tribu, ou au moins de reformer les indications
un aleph prosthetique. On fantaisistes de certains auteurs. La carte que nous avons
pourrait encore proposer dressee pour cet article presente le resultat actuel de nos
connaissances : les identifications ou certaines, ou pro-
I\R , Ausennet, bables, ou douteuses que nous adoptons sont basees
elle est a Neith, qui d'abord sur les donnees de la Bible, ensuite sur les regies
se rapproche de la forme de Ponomastique, enfin sur les traditions anciennes.
grecque 'Ao-evvsO. On 1 VILLES PRINCIPALES. Voici, dans 1'ordre meme
trouve des noms compo- suivi par Josue, xix, 24-31, les principales villes d'Aser.
ses de la meme maniere, Nous renvoyons, pour les developpements, aux articles
par exemple : Ausenmu- qui concernent chacune d'elles en particulier :
tes, Ausna. Cf. Lieblein, 1. Halcath (hebreu: Ifelqat; Septante : 'Ee),x6, Jos.,
Dictionnaire des noms xix, 25; XeXxaO, Jos., xxi, 31), appelee Hucac, Jfuqoq,
hieroglyphiques, nos 343, 'Axax, dans la liste des villes levitiques, I Par.,'vi, 75
201, 361, etc. Neith, qui (hebreu, 59). C'est tres probablement aujourd'hui le
entre certainement dans village de Yerka, au nord-est d'Accho (Saint-Jean-d'Acre).
la composition du nom V. Guerin, Galilee, t. n, p. 16-17. J'f
d'Aseneth, etait une des 2. Chali (hebreu: If all; Septante:' PC),i$; Codex Alexan-
293. La deesse Neith. deesses du premier ordre drinus: 'OtAet), probablement Khirbet 'Alia, au nord de
Thfebes. xixe dynastie. - D'aprte dans le293Pantheon egyptien la precedente. V. Guerin, Galilee, p. 62.
Lepsius. Denkmaler, Abth. m, ( " )- Emanation 3. Beten (hebreu : Beten; Septante: BatSox; Codex
pi. 123. d'Ammon, elle etait asso- Alexandrinus : Batve), probablement El Baneh, au sud-
ciee a ce dieu comme prin- est de Yerka. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names
cipe femelle dans la production de 1'univers; elle pre- and places in the Old and New Testament, Londres,
sidait a la sagesse et a 1'art de la guerre, comme Minerve. 1889, p. 27.
Veneree specialement a Sais, on 1'honorait dans toute 4. Axaph, Achsaph (hebreu : 'Aksdf; Septante : KEC^,
1'Egypte comme la mere du soleil. Aussi il etait naturel Jos., xix, 25; 'A^i'9, Jos., xi, 1; xn, 20; Vulgate : Achsaph,
qu'un pretre d'Heliopolis donnat a sa fille un nom ou Jos., xi, 1; xii, 20); c'est Khirbet Ksdf ou Iksdf, ruines
entrait celui de la mere de ce dieu. Des legendes se sont situees au sud de Tangle forme par le Leontes, suivant
formees sur Aseneth : Priere d'Aseneth, voir APO- Bobinson, Biblical Researches in Palestine, Londres,
CRYPHES, col. 771, et Legende d'Asnath, dans la Revue des 1856, t. in, p. 55, et V. Guerin, Galilee, p. 269; mais, plus
etudes juives , 1891, t. xxn, p. 87. E. LEVESQUE. probablement, pour nous, c'est Kefr Yasif, village situe
a quelque distance au nord-est de Saint-Jean-d'Acre.
ASER (hebreu: 'Aser; Septante : 'Ao-yjp), nom d'un Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1876, p. 76.
fils de Jacob (et d'un fils de Core, dans la Vulgate), d'une C'est 1'Aksaphou des Listes de Thotmes III, n 40.
des douze tribus d'lsrael, d'une ville de Manasse (et enfln 5. Elmelech (hebreu: 'Allammelek; Septante: 'E).t-
d'une ville de Nephthali dans le texte grec de Tobie). (xsXlx), inconnue; peut-etre cependant YOuadi el-Malek,
qui se jette dans le Cison (Nahr el-Mougatta), en con-
1. ASER, huitieme fils de Jacob, le second qu'il cut de serve-t-il le nom. Van de Velde, Memoir to accom-
Zelpha, servante de Lia. Gen., xxx, 13. Ce nom veut dire pany the Map of the Holy Land, 1858, p. 283.
heureux , et, a la naissance de 1'enfant, il se trouve 6. Amaad (hebreu: 'Am'dd; Septante : 'AjAt^X), Khir-
par trois fois sur les levres de Lia, qui, dans 1'exces de bet el-'Amoud, au sud-est d'Ez-Zib, suivant G-. Arm-
sa joie, s'ecrie : be'osri, dans mon bonheur, c'est-a-dire strong,Wilson et Conder, Names and places, p. 9; Oumm
heureuse que je suis; 'isseruni, bienheureuse me pro- el-'Amed, village situe entre Beit-Lahm (Bethlehem de
clament les femmes ; c'est pourquoi elle 1'appela 'Aser. Zabulon) et Khirbet el-Beidha (Abes d'Issachar), au
Aser, comme son frere aine Gad, naquit en Mesopotamie, sud de YOuadi el-Malek, selon Van de Velde, Memoir,
hebreu : Paddan Aram. Gen., xxxv, 26. II eut quatre fils p. 284.
et une fille, nominee Sara, Gen., XLVI, 17; ses descendants 7. Messal (hebreu : Mis'dl, Jos., xix, 26; xxi, 30;
sont enumeres I Par., vir, 30-40. La benediction que Jacob Masai, I Par.,Tri, 74; Septante: Maao-a, Jos., xix, 26,
Dictioimaire de la Bible LetouzeyetAne, E
TRIBU D'ASER
Twms d'apres la. Vulgate
en> carcLcteres droi&f rouff&r. _
l&r jwms bibUques qiu, je tro?went> sur
les moTUunente egyptiesis ei> assyrienj
en, caracter&? peTicTi&r bl&us
qu< ne- SOTI& pas bib&uej &v caractires
droits
des Seleucides sont appeles rois d'Asie. G'est le nom par xxxni, 38. II conquit egalement la Coelesyrie, la Phenicie
lequel est designe Antiochus III le Grand. I Mach., vm, 6. et la Palestine, dont s'etait empare Ptolemee III Evergete;
De meme quand Ptolemee VI Philometor s'empara d'An- mais, en 217, il ceda ces provinces a Ptolemee IV Philo-
tioche, apres sa victoire sur Alexandre Balas (voir ALEXANDRE pator, apres la defaite qu'il essuya a Raphia. Polybe, v,
BALAS), et quand Tryphon, apres avoir assassine le jeune 51-87; Justin, xxx, 1. (Voir ANTIOCHUS HI, PTOLEMEE III
roi Antiochus VI (voir TRYPHON et ANTIOCHUS VI), voulut et PTOLEMEE IV.) II essay a egalement de reprendre la
regner a sa place, 1'Ecriture dit qu'ils mirent sur leur Bactriane et la Parthie; mais il ne reussit qu'a reculer
tete le diademe d'Asie. I Mach., xi, 13; xn, 39; xm, 32. un peu les frontieres de la Parthie, agrandie par les con-
Enfin Seleucus VI (voir SELEUCUS VI) est encore appele quetes d'Arsace Ier. Polybe, x, 27-31; Justin, XLI, 5. Enfin
roi d'Asie. II Mach., in, 3. il fut oblige de ceder a Eumene II, roi de Pergame, 1'Ionie,
Dans le partage que les generaux d'Alexandre firent la Mysie, la Lydie et la Phrygie. I Mach., vin, 8. (Voir,
entre eux de son heritage, Seleucus, apres la bataille pour la correction du texte, ANTIOCHUS III, col. 691.)
d'Ipsus, recut, nous dit Appien, la souverainete de la Tite Live, xxxvn, 55; xxxvin, 39; Justin, xxxi, 6; Polybe,
Syrie en deca de 1'Euphrate jusqu'a la mer, et celle de la xxi, 13. Au temps d'Alexandre Balas et de Ptolemee VI Phi-
Phrygie jusqu'au milieu du pays;... il obtint aussi la sou- lometor, et, plus tard, au temps de Tryphon, le royaume
verainete de la Mesopotamie, de 1'Armenie et de toutes les des Seleucides resta ce qu'il etait a la mort d'Antiochus III.
parties de la Cappadoce qui portent le nom de Seleucide, Le titre de roi d'Asie n'indique done pas que les Seleucides
celle des Perses, des Parthes, des Bactriens, des Arabes, aient jamais regne sur 1'Asie entiere.
des Tapuriens, de la Sogdiane, de 1'Arachosie et de 1'Hyr- II. Asie, province romaine. Dans le Nouveau Testa-
canie, ainsi que de tous les peuples qu'Alexandre avait ment, le mot Asie designe la province romaine de ce
sounds jusqu'a 1'Indus. Appien, Syr., 55. Mais tous ces nom, c'est-a-dire 1'ancien royaume de Pergame, ou 1'Asie
pays n'etaient pas soumis immediatement au roi de Syrie. Mineure, conquise et organisee en province. Appien,
Un certain nombre d'entre eux etaient gouvernes par des Mithr., LXI, LXII; Tacite, Ann., in, 62. Voir la carte,
Princes vassaux. Tels dtaient 1'Armenie et la Cappadoce. fig. 297. Parmi les etrangers qui etaient presents a Jeru-
1095 ASIE 1096
salem, le jour de la Pentecote, figurent des habitants de organisa la nouvelle province. En 82, Cibyra, et, en 62,
1'Asie. Act., n, 9. Les Juifs d'Asie habitant Jerusalem sont Apamee et Synnada, qui toutes trois appartienrient a la
egalement nommes parmi ceux qui entrent en discussion Phrygie, furent reunies a 1'Asie. Strabon, xin, p. 631;
avec le diacre saint Etienne, Act., vi, 9, et ce sont eux Ciceron, Pro Flacco, 27. Sur ce point, voir Bergmann,
qui reconnaissent saint Paul dans le temple et le font Philologus, t. n, p. 644, 670-678. Reunis a la Cilicie, de
arreter comme perturbateur par le tribun qui comman- 56 a 50, ces trois districts firent de nouveau partie de la
dait a la tour Antonia. Act., xxi, 27-30. Dans son premier province d'Asie a partir de 49. Ciceron, Ad famil., xin, 67.
voyage apostolique (45-50); saint Paul, accompagne de Voir Bergmann, Philologus. t. n, p. 681, 684. L'attribution
saint Barnabe, passa par 1'Asie Mineure; mais il ne put des diverses parties de la Phrygie a des provinces diffe-
que faire un court sejour a Antioche de Pisidie. Act., Xin, rentes explique pourquoi saint Luc la nomme separement
14, 50. II y passa de nouveau a son retour. Act., xiv, 18. de 1'Asie. Act., n, 9; xvi, 6. Dans ce dernier passage des
A son second voyage, 1'Apotre voulait encore evangeliser Actes, saint Luc mentionne egalement la Mysie et la Troade,
qui faisaient partie de la province d'Asie : c'est pour mar-
quer plus nettement les endroits par ou passa saint Paul.
Act., xvi, 6.
Lors du partage des provinces entre le senat et 1'empe-
reur, en 1'an 27 avant J.-C., 1'Asie fut laissee au senat et
pour les vaisseaux qui n'offre pas toute surety, qui devient sidere Asiongaber simplement comme le port d'Elath.
meme dangereux sous 1'influence de certaine direction du' Nouvelle geographic universelle, t. ix, 1884, p. 823.
vent, puisque les vaisseaux se brisent sur sa cote herissee H. Ewald 1'avait deja fait avant lui, Geschichte des Volkes
de rochers. Tout ici convient encore a Pile de Graie et a Israel, 2e edit., t. in (1853), p. 77; mais cette explication
la position de PAzioum des Arabes, ou des caravanes nom- parait peu d'accord avec le texte biblique, qui semble
breuses et armees deposaient les materiaux de construc- bien faire d' Asiongaber une ville comme Elath. Quant
tion et les marchandises precieuses, qui, une fois trans- au sentiment de d'Anville, qui avait resolu la difficult4,
ported dans Pile, etaient, les uns transformed en vaisseaux, Memoire sur le pays d'Ophir, dans les Memoires de
les autres mises en magasin ou a Pabri des peuplades I'Academie des inscriptions, t. xxx, 1764, p. 91 (carte,
environnantes, dont il eut ete difficile autrement que par vis-a-vis la p. 87), en supposant que le golfe d'Akabah
Pisolement de contenir longtemps Paviditc. Les vaisseaux, avait deux pointes, a 1'extremite desquelles se trouvaient,
une fois construits, etaient amarres a Pile et tenus au large d'un cote" Elath, et de Pautre Asiongaber, elle n'a plus un
par des ancres. Us etaient a Pabri, par Pelevation du ro- seul partisan , parce que ces deux pointes n'ont jamais
cher, du vent de nord-est et de nord-nord-est, qui regne existe. Voir Ritter, Erdkunde, t. xiv, p. 227-230.
presque toute Pannee et souffle avec violence dans ce F. VIGOUROUX.
golfe. Mais un changement subit au sud-ouest ou au nord- ASIR) hebreu : 'Assir, captif ; Septante : 'Aaetp, '
ouest portait les vaisseaux sur Pile et les brisait centre
les rochers. L. de Laborde, Comment, geograph. sur 1. ASIR, fils de Jechonias, dernier roi de Juda. I Par.,
VExode, p. 126-127. in , 17. L' existence de cet Asir est problematique, car on
Cette opinion, sans etre certaine, surtout dans le role peut traduire ainsi le texte hebreu : Les fils de Jecho-
attribue a Pile de Djezirat Pharaoun, et parce qu'elle nias captif [a Babylone] furent Salathiel, etc. ; au lieu
place Asiongaber un peu bas au sud, ne manque pas de : Les fils de Jechonias furent Asir, Salathiel , etc.
1103 ASIR ASNAA 1104
2. ASIR, fils de Core, de la tribu de Levi. I Par., vi, 22 il deracine un arbre et renverse une maison, et quand
(dans 1'hebreu, vr, 7). 11 est nomme Aser, Exod., vi, 24. il s'empara de Salomon, il le traina avec fureur pendant
Voir ASER 2. 1'espace de quatre cents parasanges. 5 II est le demon
de la luxure, des unions coupables (cf. Pesakhim, 110 a).
3. ASIR, fils d'Abiasaph, des fils de Caath, arriere- La principale question relative a Asmodee est celle de
petit-fils d'Asir 2. I Par., vi, 23, 37. son origine. Bon nombre d'auteurs n'hesitent point a ad-
mettre ici un emprnnt fait par la Bible a la doctrine de Zo-
ASLAC Conrad, theologien lutherien, ne le 28juin!564, roastre. Voir Benfey, Monatsnamen, p. 201; Windisch-
a Bergen, en Norvege, mort le 7 fevrier 1624, profes- mann, Zoroastrische Studien, p. 138-147; Michel Breal,.
seur a I'universite de Copenhague. Parmi les ecrits qu'il Melanges de linguistique et de mythologie comparee?
a laisses, on peut citer comme se rapportant a 1'Ecriture p. 123; Kohut, Judische Angelologie, p. 72-80. II suffira de
Sainte : 1 Physica et Ethica MosoAca ex tribus capitibus citer M. Breal pour voir dans quel esprit on fait ces rappro-
prioribus Geneseos, in-8, Copenhague, 1602; Vf DeCrea- chements. Le livre de Tobie, dit-il, contient des traces
tione disputationes tres, in-4, 1607rl612; 3 Grammatical evidentes de la demonologie iranienne. Asmodee, ce
hebraicse libri duo, in-8, Copenhague, 1606; 4 Theses mauvais esprit qui aime Sara, fille de Raguel, et tue suc-
theologies^ de Sacrse Scriptune perfectione, traditionibus cessivement sept hommes qui lui sont donnes en mariage,.
non scriptis, in-4, Copenhague, 1607; 5 Disputationes appartient a la Perse par son role comme par son nom.
de Sacra Scriptura et Dei cognitione, in-4, Copenhague, G'est Aeshma daeva (en parsi: Eshemdev), c'est-a-dire
1607. On mentionne encore de lui un commentaire sur le demon de la concupiscence, une sorte de Cupidon,
1'Exode, reste manuscrit. G. LEGEAY. plusieurs fois nomme dans 1'Avesta comme le plus dan-
gereux de tous les devs (demons).
ASLIA (hebreu: 'Asalydhu, Jehovah reserve; Sep- Sans doute, au premier abord, 1'identite philologique-
tante : 'E^sXiac, 'Eo-eXfa;), pere de Saphan, le scribe, de Aeshma daeva avec Esmadai, 'Aa fioSafo?, parait bien
sous le regne de Josias. IV Reg., xxn, 3. Dans la Vulgate, seduisante. Pourtant, rien de moins certain. II faut d'abord
II Par., xxxiv, 8, il est appele ESELIAS. observer que Aeshma daeva, sous cette forme complete, est
une creation de fantaisie. Dans tout 1'Avesta, on ne ren-
\ ASMODEE ('Ao-fAoSouo?; rabbinique : Esmadai, de contre que Aeshma. Si, dans le Bimdehesh, xxvin, 15r
1'hebreu sdmad, celui qui perd ) est le nom du demon le pehlvi fournit Aeshmsheda, qui suppose une forme
qui, d'apres le livre de Tobie, in, 8; cf. vi, 14, avait mis avestique Aeshma-daeva, et qui, d'apres la theorie des-
a mort les sept epoux donnes successivement a Sara, fille ideogrammes pehlvis, pourrait se prononcer Aeshmdev,
de Raguel. Ses malefices ayant ete dejoues en faveur du il faut observer que 1'histoire de Tobie est de plusieurs.
jeune Tobie, par Fintervention de 1'archange Raphael, siecles anterieure a tous les livres pehlvis. Du reste,
Tob., vi, 5, 8, 19, Asmodee fut relegue dans le desert de M9r de Harlez, dans La Controverse, 16 decembre 1881r
1'Egypte superieure, Tob., vm,3. Cetterelegation, d'apres p. 722, fait justement observer que 1'iranien daeva n'au-
1'interpretation de la plupart des commentateurs, veut rait pu devenir dai en hebreu. Kohut lui-meme, favo-
dire simplement qu'Asmodee fut eloigne et mis dans 1'im- rable pourtant a 1'identite, admet cette impossibilite^
possibilite de nuire a Tobie. ouvr. cit., p. 75, 76.
Voila ce que la Bible nous apprend de ce demon. Les Mais il y a bien davantage qu'une difficulte philolo-
traditions juives ont singulierement amplifie et altere ces gique pour nier le rapprochement d"Afffj.o8ato?, Esma~
donnees. Les kabbalistes en particulier ont invente la dai, avec rAeshma avestique : il y a la complete diver-
genealogie suivante. D'apres Rabbi Bechaya, dans son gence du role des deux personnages dans la Bible et dans
explication du Pentateuque (traite Bereschith), le demon 1'Avesta. Asmodee est le demon de la concupiscence, mais-
Sammael eut quatre femmes: Lilith, Naamah, Agrath et Aeshma, dit Msr de Harlez, ouvr. cit., n'est nullement
Machlat. Or, s'il faut en croire Menachem Ziuni (edit, de le demon de la concupiscence, encore moins une sorte
Gremone, 1559, p. 14 6), Naamah fut la mere d'Esch- de Cupidon; nous pourrions dire qu'il en est 1'oppose.
madai. La meme tradition est rapportee par Menachem Aeshma, dans toute la litterature mazdeenne, tant ancienne
Recanat dans.son interpretation du Pentateuque (edit, de que moderne, est partout et toujours le deva de la vio-
Venise, 1560, p. 33 c). Toutefois Kohut a justement re- lence, de la colere. Son nom, comme substantif commun,
marque (Ueber die judische Angelologie und Damono- signifie violence, attaque injuste et cruelle. Neriosengh
logie in ihrer Abhdngigkeit vom Parsismus, p. 95) que le traduit kopa deva, le deva de la colere. Son attri-
ces fantaisies genealogiques sur Eschmadai ne se trouvent but principal est une lance sanglante, khrvidru. Jamais
pas dans les anciens hagadas; il pense pourtant qu'elles Aeshma, jamais deva meme n'eut aime une femme.
proviennent de traditions populaires. L'Asmodee du livre de Tobie n'est done pas emprunte
Quant au caractere d'Asmodee, les details suivants, a la mythologie iranienne. D'ailleurs, meme en supposant
fournis par le Talmud, en esquissent les principaux traits. que le nom d'Asmodee fut identique dans la Bible et dans-
1 II est un roi de demons (Talmud, tr. Gitin, p. 68 b; 1'Avesta, on n'aurait pas le droit de conclure que la de-
Pesakhim, p. 110; Tar gum Koheleth, 1, 13). 2 II monologie juive est d'origine iranienne. Ce ne serait pasr
connait 1'avenir. A preuve les anecdotes rapportees par la seule fois qu'on aurait applique des noms etrangers-
le Talmud. Asmodee, ayant rencontre un aveugle et un a des concepts deja connus. Sur les moyens qu'emploie
ivrogne, les remet tous deux sur le droit chemin. II se le jeune Tobie, d'apres le conseil de 1'ange, pour chasser
met a pleurer a la vue d'une noce qui passe; mais, en Asmodee, voir RAPHAEL. J. VAN DEN GHEYN.
entendant demander par quelqu'un une paire de souliers
qui doit durer sept ans, et en voyant un magicien faire ASMONEENS, nom donne a la famille des Machabees,,
ses tours de prestidigitation, il eclate de rire. Interroge qui affranchit la Judee de la domination des rois de Syrie..
sur ces diverses actions, il repond que 1'aveugle est un Voir MACHABEES 1.
homme pieux, Tivrogne un scelerat; que la mariee doit
mourir dans trente jours, que celui qui demandait des ASNAA (hebreu : Hassend'dh, 1'epineuse; Sep~
souliers pour sept ans avait encore sept jours a vivre, et tante : 'Aaava). Les fils d'Asnaa, apres la captivite, cons-
que le magicien ignorait qu'il foulait aux pieds un tresor truisirent la porte des Poissons, au nord de la ville.
royal. 3 Asmodee est lui-meme un grand magicien, II Esdr., in, 3. La terminaison semble indiquer un nom-
comme le montre 1'histoire rapportee par Lightfoot, Horse de ville plutot qu'un nom d'homme, la ville de Senaa,
hebraicss et talmudicse, p. 703. 4 II est le demon de dont le nom est precede de 1'arlicle ha. Cf. I Esdr., n, 35;
la colere. Le Talmud, loc. cit., raconte que dans sa rage II Esdr., vii, 38. Voir SENAA.
1105 ASOM ASOR DE N E P H T H A L I 1106
ASOM, hebreu : 'Osem, valide [?]; Septante : Londres, 1866, p. 391, 397. La similitude des noms les A
, 'A<rav. Nom d'homme. trompes. Robinson, Biblical Researches in Palestine,
Londres, 1856, 3 in-8, t. m, p. 402, combat justement
1. ASOM, sixieme fils d'Isai, le pere du roi David. cette opinion, en faisant remarquer qu'il y n'a la que des
I Par., n, 15. ruines insignifiantes. Nous ajouterons qu'elle est en oppo-
sition formelle avec les textes de Josue, xix, 36, 37,
2. ASOM, fils de Jerameel, de la posterite de Juda. de I Machabees, xi, 63-74, et de Josephe, comme nous
I Par., ii, 25. le verrons plus loin.
M. de Saulcy crut avoir retrouve Asor au nord de
3. ASOM (hebreu: 'Asem}, nom, dans la Vulgate, I Par., YArdh el-Houleh, dans un site qu'il appelle El-Khan
iv, 29, de la ville appelee Asem, Jos., xix, 3. Voir ASEM. ( caravanserail ou espece d'hotellerie), pres du village
d'Ez-Zouk ou Es-Souq. La d'enormes murailles cyclo-
ASOR, hebreu: Hdsor ; Septante : 'Aawp, nom de peennes seraient, d'apres lui, les vestiges de la vieille cite
plusieurs villes de Palestine. II se rattache a la racine de Jabin. Cf. Voyage autour de la mer Morte, 2 in-8,
inusitee Hdsar, entourer, d'ou Hdser, etat construit Paris, 1853, t. n, p. 533-542; Dictionnaire des antiquites
Hdsar, lieu entoure de clotures, qui se retrouve dans bibliques, in-4, Paris, 1859, col. 347-353. Le savant voya-
Asergadda, Hasersual, etc. Voir ces mots et HASEROTH. II geur s'est ici, comme en plusieurs circonstances, laisse
s'est conserve, sous les formes Hazireh, Hazur, Huzzur, seduire par son imagination. II veut parler sans doute
dans plusieurs localites actuelles, qui ne repondent pas des mines des deux villages de Khan ez-Zouk el-Fokani
toujours pour cela a 1'urie des cites bibliques. II entre aussi et Khan ez-Zouk et-Tahtani, et surtout de la longue
dans la composition de certains noms comme Baal-Hazor, chaine de monticules volcaniques qui s'etend un peu plus
Enhasor. loin vers le sud, 1'espace de deux kilometres au moins.
Or M. V. Guerin, qui a deux reprises differentes a visite
1. ASOR (hebreu : Hdsor; Septante : 'A<rwp, partout, cet endroit, resume ainsi son impression : Un peu plus
excepte III Reg., ix, 15, ou on lit 'Ealp; c'est probable- au sud [du premier village], d'enormes blocs basaltiques
ment aussi l"A<TY)p du texte grec de Tobie, I, 2; Na<7<ip offrent de loin 1'apparence d'assises gigantesques placees
de I Machabees, xi, 67, est une faute due a la repetition de par la main de 1'homme le long de 1'Oued Derdara, comme
la derniere lettre du mot precedent, usSi'ov ; Vulgate : Asor, pour en fortifier la rive orientale; mais, en m'approchant
Jud., iv, 2, 17; Hasor, I Reg., xn, 9; Heser, III Reg., de plus pres, je m'apercois que ces roches ont ete dispo-
ix, 15), ville royale chananeenne, Jos., xi, 1; xn, 19, qui sees ainsi par la nature, et qu'elles simulent seulement
tenait le premier rang parmi les cites du nord et fut en- des assises factices. Description de la Palestine, Ga-
levee a Jabin par Josue, xi, 'iO. Elle fut assignee a la tribu lilee, t. 11, p. 351. Apres un nouvel examen de la chaine
de Nephthali. Jos., xix, 36. Comme les autres places fortes volcanique, le me"me auteur aioute: v Je me convaincs,
de ce pays, elle etait batie sur une hauteur (hebreu : en la .parcourant tout entiere et en suivant avec attention
tel; arabe : tell}, et etait defendue par de puissantes mu- le plateau etroit et mamelonne qui la couronne, que les
railles. Jos., xi, 13. Elle devait dominer une plaine propre enormes blocs basaltiques qui la couvrent confusement
aux manoeuvres des nombreux chariots qui constituaient d'un bout a 1'autre ont ete deposes la par la nature, et ne
la principale force du roi et de ses allies. Jos., xi, 4, 6, 9; sont pas les restes desagreges et entasses pele - mele de
Jud., iv, 3. Mentionnee avec Madon (Khirbet Madm [?]), constructions antiques. . Galilee, t. n, p. 534. En dehors
Semeron et Achsaph (Kefr Yasif) dans deux passages, de cela me"me, le site propose par M. de Saulcy, tout en se
Jos., xi, 1; xii, 19, 20, elle est placee entre Arama (Er- rapprochant de 1'emplacement le plus probable, ne repond
Rameh) et Cedes (Qades).dms F enumeration des villes pas avec une complete exactitude aux donnees bibliques.
de Nephthali. Jos., xix, 36, 37. D'apres le recit de I Mach., J. L. Porter, Five years in Damascus, 2 in-8, Londres,
xi, 63-74, elle devait certainement se trouver entre le lac 1855, t. I, p. 304, place Asor dans les memes parages.
de Genesareth et Cades. Enfin Josephe, Ant.jud., V, v, 1, Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the
ajoute un detail important en nous apprenant qu'elle etait Holy Land, in-8, 1859, p. 318-319, distingue la ville
situee au-dessus du lac Semechonitis ou de Merom, auxr, chananeenne de Josue, xi, 1; xn, 19, de celle qui est men-
8'uTrlpy.EiTac TYJ? SejAe^wviTiSoc XSJAVY)?. Voir la carte de la tionnee au livre des Juges, iv, 2, 17. Celle-ci aurait ete
tribu de Nephthali. Elle fait partie des Listes de Thout- batie, apres la destruction de la premiere, sur un empla-
cement different, et se retrouverait, d'apres lui, a Hazur
mes III , n 32 , sous la forme Huzar, 1 Ik . , (ou plutot Hazireh}, village situe au centre de 1'ancienne
Galilee des nations, environ deux heures a 1'ouest de Bint-
dont les consonnes repondent bien a 1'hebreu Djeheil; de plus, elle serait identique avec Enhasor de
Cf. A. Mariette , Les listes geographiques des pylones de Nephthali. Jos., xix, 37. Quant a 1'Asor de Josue, xix, 36,
Karnak, Leipzig, 1875, p. 23; E. de Rouge, Etude sur il la place a Tell Hazur, au sud-est d'Er-Rameh (Arama).
divers monuments du regne de Thoutmes III, dans la Si nous admettons volontiers 1'identification d'Enhasor
Revue archeologique , Paris, 1861, p. 361; G. Maspero, avec Hazireh, nous ne voyons aucune raison pour assigner
Sur les noms geographiques de la Lists de Thoutmes III aux deux rois du nom de Jabin deux villes differentes, la
qu'onpeut rapporter a la Galilee, extrait des Transactions premiere ayant du se relever promptement de ses ruines,
of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great comme nous le disons plus loin. II n'y a pas plus de motif
Britain, 1886, p. 5. pour distinguer 1'Asor de Josue, xix, 36, de la cite royale,
I. Identification. Tels sont les renseignements qui et 1'assimiler a Tell Hazur nous parait impossible. Malgre
doivent nous guider dans la recherche de 1'emplacement 1'identite complete du nom, il suffit de faire valoir, avec
d'Asor. Plusieurs auteurs se sont egares pour avoir ne- Robinson, Biblical Researches, t. m, p. 81, les difficultes
glige les details les plus importants de cet ensemble , ou suivantes : 1'eloignement du lac Houleh; I'absence de
pour s'etre trop appuyes sur 1'onomastique seule. C. Ritter, ruines anciennes et importantes; nulle trace meme sur
The comparative geography of Palestine and the Sinaitic la colline de fortifications ou de constructions. Voir aussi
Peninsula, 4 in-8, Edimbourg , 1866 , t. n, p. 221-225, V. Guerin, Galilee, t. n, p. 458. Hazireh, proposee par
s'applique a prouver par de nombreux arguments que la W. M. Thomson, The Land and the Book, in-8, Londres,
cite chananeenne est represented par les ruines actuelles 1890, p. 285, ne s'adapte pas mieux aux indications que
d'Hazuri, a Test du lac Merom et du Jourdain, au nord- nous ont laissees 1'Ecriture et Josephe.
est de Banias, 1'ancienne Cesaree de Philippe. Tel est Le choix nous reste maintenant entre deux opinions,
aussi le sentiment de Stanley, Sinai and Palestine, in-8, soutenues par deux auteurs egalement competents, ap-
1107 ASOR DE NEPHTHALI 1108
puyees en somme sur les rn&nes raisons, differant seu- chardons gigantesques, entremeles de caroubiers, de tere-
lement en quelques points. Pour Robinson, Biblical binthes et de chenes verts, croissent partout sur 1'empla-
Researches, t. HI, p. 365-366, il faut chercher Asor a Tell cement qu'occupaient jadis des maisons et quelques edi-
Khureibeh, colline elevee, qui se trouve juste a 1'ouest et fices publics. La ville parait avoir ete detruite des I'antiquile
non loin du lac Ilouleh, et un peu au sud de Qades. Pour elle-meme, car rien n'y atteste des reedifications modernes,
V. Guerin, Galilee, t. n, p. 363-368, on doit plutot la recon- et tout, au contraire, y porte la trace des ages les plus
naitre a Tell el-Harraoui ou Harraoueh (Harrah dans recules, notamment 1'appareil polygonal des blocs em-
la grande carte anglaise, Londres, 1890, feuille 6), eminence ployes et Fabsence de ciment. V. Guerin, Galilee, t. n,
situee a une heure etau nord-est de la premiere, plus rap- p. 363-364.
prochee du lac. Les arguments peuvent se resumer ainsi: Le Tell el-Khureibeh, colline des ruines, se trouve
1 Jabin, roi d'Asor, voulant s'opposer a la conquete a une heure vers le sud-ouest. Le plateau superieur de
de Josue, rassemble son armee et celle des princes, ses cette colline est environne d'un mur epais a gros blocs a
allies, pres des Eaux de Merom, Jos., xi, 5, ce qui sup peine tailles et dont quelques assises sont encore debout.
pose la capitale peu eloignee du champ de bataille. Josephe, Au dedans de cette enceinte oblongue, qui s'etend de
Ant. jud.,~V, i, 18, raconte le meme combat comme ayant 1'ouest a Test, gisent les debris de nombreuses petites
ete livre pres de la ville de Berotha, dans la haute Galilee, maisons baties en pierres seches et d'apparence arabe;
non loin de Qades. 2 Cans I'enumeration des villes for- elles avaient succede a d'autres plus anciennes, dont il
tifiees de Nephthali, Josue, allant du sud au nord, la subsiste encore un certain nombre de citernes creusees
mentionne entre Arama (Er-Rameh) et Cedes (Qades), dans le roc. Vers le nord principalement, les flancs de la
ce qui la place au-dessous de cette derniere. Jos., xix, colline sont soutenus d'etage en etage par plusieurs gros
35-39. Citee dans un ordre inverse parmi les villes qui murs d'appui. Au milieu de 1'une de ces plates-formes
tomberent aux mains de Teglathphalasar, roi d'Assyrie, artificielles, on avait pratique" sur une surface aplanie
c'est-a-dire A'ion (Tell Dibbin), Abel-Beth-Maacha (Abil trois belles cuves sepulcrales, paralleles et contigues.
el-Kamh), Janoe (Yanouh) et Cedes (Qades), elle re- V. Guerin, Galilee, t. n, p. 368-369. Le meme savant
trouve la meme situation. 3 Le passage le plus pre- explorateur fait remarquer que les ruines du Tell el-
cieux pour fixer le site d'Asor est celui de I Mach., xi, Khureibeh sont moins importantes et moins etendues que
63-74. Les generaux de Demetrius sont a Cades avec une celles du Tell el-Harraoui, ce qui, ajoute a la distance du
puissante armee. Jonathas vient camper pendant la nuit lac Merom, lui fait preferer cette derniere colline comme
pres des eaux de Genesar , c'est-a-dire pres du lac de site d'Asor. D'apres les auteurs anglais, G. Armstrong,
Tiberiade, et le lendemain, avant le jour, il arrive dans W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and
la plaine d'Asor, ou il rencontre les troupes ennemies. New Testament, in-8, Londres, 1889, p. 83, le nom
Ses soldats, surpris" par une embuscade placee dans les d'Hazor survit encore dans le Djebel Hadireh, situe un
montagnes qui bordent la plaine vers 1'ouest, sont d'abord peu au sud-ouest des deux localites que nous venons de
en proie a une telle panique, qu'ils prennent la fuite; decrire.
mais, a la vue de Jonathas combattant intrepidement avec III. Histoire. A 1'entree des Israelites dans la Terre
quelques hommes, ils reviennent a la charge et pour- Promise, Asor etait la plus importante des cites du nord,
suivent leurs adversaires jusqu'a leur camp de Cades. De et la capitale du roi Jabin. Aussi est-ce dans ses environs,
ce temoignage, confirme par le recit analogue de Josephe, non loin de ses puissantes murailles, qu'a la voix de
Ant. jud., XIII, v, 7, il resulte que la plaine d'Asor, situee celui-ci se rassemblerent tous les princes de la contree,
tres probablement au pied de la ville de ce nom, qui, pour opposer une barriere a la conquete de Josue. Apres
comme la plupart des cites fortes d'alors, devait etre les avoir mis en deroute et poursuivis jusqu'a Sidon, le chef
placee sur une hauteur, se trouvait entre le lac de Gene- du peuple hebreu revint sur ses pas, frappa du glaive le
sareth au sud et la ville de Cades au nord, et non loin des roi et les habitants et reduisit la ville en cendres. Jos.,
deux, puisque Jonathas, parti des rives du lac, arrive dans la xi, 1-13. Elle ne tarda sans doute pas a se relever de ses
plaine avant le lever de 1'aurore, et poursuit Fennemi jus- ruines; ce qui du reste n'a rien d'invraisemblable, car,
qu'a son camp de Cades. Les deux sites proposes repondent dans ces temps-la, une fois le vainqueur parti, on s'em-
egalement bien a ces donnees du texte sacre. 4 Enfin pressait de reconstruire les cites detruites, comme le
Josephe, dans un endroit, Ant. jud., IX, xi, 1, mentionne temoignent les inscriptions assyriennes, sans parler des
Asor, "Aorwpa, a cote de Cades, Kv8t'<ra, et, dans un autre, recits bibliques. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les decou-
V, v, 1, la place au-dessus du lac Semechonitis. Sous ce vertes modernes, 5e edit., Paris, 1889, t. in, p. 281,
dernier rapport, 1'opiniori de V. Guerin semble prevaloir, note 1. Cent cinquante ans plus tard, un des descendants
car Tell el-Harraoui est plus rapproche du lac Merom. de Jabin, portant le meme nom, et comme lui habitant
II. Description. La hauteur dite Djebel el-Harraoui Asor, etait, comme lui aussi, a la tete des Chananeens,
est couronnee par un sommet oblong, qui constitue une qui avaient eu le temps de reparer leur defaite et de
plate-forme inegale, longue de cent douze pas du nord au retrouver leurs forces. Pendant vingt ans, il soumit les
sud, sur vingt-cinq pas de large vers le nord, cinquante Hebreux du nord a un dur tribut, sans qu'ils cherchassent
vers le centre et quarante vers le sud. Une puissante a secouer le joug, n'osant se mesurer avec les terribles
enceinte environne ce tell. Aux trois quarts renversee, chariots de fer que conduisait Sisara, son general ou roi
elle etait flanquee de plusieurs tours earrees, construites, vassal. Debora et Barac mirent fin a 1'oppression par la
comme la muraille elle-meme, avec de gros blocs plus ou victoire remportee dans la plaine d'Esdrelon. Jud., iv.
moins bien equarris et reposant sans ciment les uns au- Nous devons, a propos de ce dernier episode, repondre
dessus des autres. Au dedans, et principalement vers le a une objection de Keil, Josua, Richter und Ruth,
sud-est, on distingue les arasements de plusieurs cons- Leipzig, 1874, p. 90, tendant a prouver qu'Asor ne pou-
tructions importantes, baties avec des blocs polygonaux. vait etre dans le voisinage immediat de Cades, parce
Un certain nombre de citernes creusees dans le roc, par- qu'alors Barac n'aurait pas pu rassembler son armee dans
ticulierement sous les tours, sont ou intactes ou a moitie cette derniere ville, sous les yeux de Jabin, ni la conduire
comblees. Des sycomores et des terebinthes ont pris ca de la, c'est-a-dire des portes d'Asor, a la montagne du
et la racine au milieu des ruines. La ville dont cette for- Thabor. Nous ferons simplement remarquer le plan de
teresse formait 1'acropole s'etendait au-dessous, vers Test, bataille, si admirablement inspire. Debora et Barac se ren-
sur plusieurs terrasses successives. Bouleversee de fond dirent a Cades, et la firent appel au palriotisme des He-
en comble, elle n'est plus parcourue que par de pauvres breux, en les prevenant secretement du projet qu'ils medi-
bergers, qui promenent leurs troupeaux sur ces debris taient. Les hommes de bonne volonte se rendirent, chacun
solitaires. Des herbes sauvages, des broussailles et des de leur cote, en evitant les villes chananeennes, au lieu
1109 ASOR DE NEPHTHALI ASOR EN ARABIE 1110
du rendez-vous. Le rassemblement des troupes Israelites baties sur une colline, sont construites comme celles de
se fit done silencieusement et sans eveiller les soupcons la plupart des villages de la plaine, c'est-a-dire avec des
de 1'ennemi. Cf. Vigouroux , La Bible et les decouvertes briques sechees seulement au soleil. Des plantations de
modernes, t. in, p. 286, 289. tabac et des bouquets d'oliviers les precedent.
Salomon la fortifla en mme temps que Mageddo et Robinson, Biblical Researches, t. n, p. 34, note 2,
Gazer. Ill Reg., ix, 15. Mageddo commandait la grande admet aussi que Yazour correspond bien a I'Asor de 1'Ono-
plaine d'Esdrelon, champ de bataille celebre a toutes les masticon. Cependant, ajoute-t-il, si c'est le meme nom,
epoques de 1'histoire ; Gazer commandait la route de nous avons la un changement inusite de la gutturale he-
Jerusalem et la Sephela. Asor avait done dans le nord braiique, Heth, en 1'arabe Ya avec une voyelle longue. En
une egale importance strategique. Aussi le roi d'Assyrie tout cas, Eusebe a tort de prendre cette localite pour une
Teglathphalasar s'en empara-t-il comme des autres places des Asor du sud de Juda. Placer si haut et si loin notre
fortes de la contree. IV Reg., xv, 29. Enfln nous avons vu ville nous parait egalement tout a fait contraire a la marche
comment elle fut temoin de la victoire de Jonathas sur methodique suivie par Josue dans ses enumerations, prin-
les generaux de Demetrius. I Mach., xi, 63-74. cipalement en ce qui concerne la tribu de Juda. L'auteur
A. LEGENDRE. sacre precede par groupes bien determines: Asor la Neuve
2. ASOR (Septante : 'Affoptwvatv), ville de la tribu de appartient a l'extrme sud de la tribu, pres des frontieres
Juda. Jos., xv, 23. Elle fait partie du premier groupe, d'Edom , Jos., xv, 21, tandis que Yazour, par sa position
comprenant les villes de 1'extremite meridionale , ou elle au nord-ouest et par les villes qui 1'entourent, rentre plu-
est citee entre Cades et Jethnam. C'est sans doute ce der- tot dans le premier ou le second groupe des villes de la
nier nom, he'breu : If nan, que les Septante ont uni a plaine . Jos., xv, 33-41. II est bien plus clair pour nous~
Asor dans 'Aeroptwvatv. Leur autorite ne sufflt pas pour que Yazour repond a YA-zu-ru prise par Sennacherib
nous y faire reconnaitre un seul nom, tant cette partie dans sa campagne contre Ezechias, suivant le recit qu'il
des listes est corrompue dans le texte grec. Le texte he- en fait lui-meme dans le prisme de Taylor, col. n, 66.
breu distingue nettement Asor et Jethnam , le nom de Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testa~
cette derniere etant precede de la conjonction ve, et . ment, in-8, Giessen, 1883, p. 289; F. Vigouroux, La Bible
Cf. Reland , Palsestina ex monumentibus veteribus illus- et les decouvertes modernes, 5e edit., t. iv, p. 207. Elle
trata, Utrecht, 1714, t. I, p. 143-144; t. n, p. 709. Cette vient tout naturellement, en effet, apres Bit-Da-gan-na,
Asor est jusqu'ici completement inconnue. Peut-etre cepen- Beth-Dagon (aujourd'hui Beit-Dedjan), Jos., xv, 41; Ja-
dant le souvenir de ces villes meridionales, Asor ou Hes- ap-pu-u, Joppe (Yafa), et Ba-na-ai-bar-ka, Bane-Barach
ron, s'est-il conserve dans le Djebel Hadireh, au nord- (Ibn-Ibrak, suivant les uns; Barka, plus au sud, suivant
est d'Am-Qadis (Cadesbarne, suivant plusieurs auteurs). les autres). Jos., xix, 45. Elle occupait ainsi une place
A. LEGENDRE. importante sur la route de 1'Egypte a travers la plaine des
3. ASOR (hebreu : Jfdsor hadattdh, Asor la neuve; Philistins. A. LEGENDRE.
omise par les Septante; Vulgate : Asor nova), autre ville
de la tribu de Juda, comprise dans le me"me groupe que 4. ASOR, ville de Juda, a 1'extremite meridionale de
la precedente. Jos. xv, 25. II y en a, dit E. F. C. Rosen- la Palestine, identique a Hesron, hebreu : Hesron hi'
muller, qui prennent Hadattah pour un nom de ville. Hasor; Septante: 'Aaepwv, aO'tr) 'Aatop; Vulgate : Hesron,
Mais, comme dans toute cette liste les noms des diffe- hsec est Asor, Jos., xv, 25. Le texte veut-il dire que Hesron
rentes localites sont distingues par le vav qui les pre- s'appelait primitivement Asor, ou qu'elle n'est autre que
cede , il n'est pas croyable que la conjonction ait ete 1'une des deux villes de ce nom, precedemment indi-
omise dans ce seul endroit. II est vrai que les traducteurs quees? Impossible de trancher la question. D'autres diffi-
syriaque et arabe mettent cette particule ; mais on ne cultes du reste se rattachent a Carioth et a Hesron, pour
sait s'ils 1'ont trouvee dans leurs manuscrits ou s'ils 1'ont savoir s'il faut faire du premier mot un nom propre ou
ajoutee d'apres leur conjecture. Cette derniere supposi- un nom commun. Voir CARIOTH, HESRON.
tion est la plus vraisemblable , puisque le chaldeen et A. LEGENDRE.
saint Jerome n'ont remarque aucun signe copulatif, et 5. ASOR, royaumes contre lesquels prophetisa
qu'on n'en rencontre pas non plus dans les manuscrits Jeremie, XLIX, 28, 30, 33. La Vulgate a fait un nom propre
actuels. Ensuite les deux noms sont unis par 1'accent con- de Ifasor dans tout ce passage, ou il s'agit de predictions
jonctif Mahpach comme 1'adjectii au substantif. Scholia contre Cedar, peuple arabe. Les Septante, lisant nsn,
in Vetus Testamentum, Josua, Leipzig, 1833, p. 302-303. hdser, ont, au contraire, regulierement traduit par aul^,
Asor est appelee nouvelle pour la distinguer d'une cour, et bon nombre d'auteurs admettent ici le nom
autre, peut-etre la precedente, plus ancienne. L'Ono- commun, comme si 1'on disait les royaumes du douari>.
masticon, Gcettingue, 1870, p. 217, apres avoir mentionne Cedar, en effet, represente, comme dans Isaie, xxi, 16,
la cite chananeenne de Jabin , ajoute : II y a jusqu'ici toute 1'Arabie, ou au moins une portion de ce pays, dans
un autre village d'Asor sur les frontieres d'Ascalon, vers lequel nous ne trouvons aucune contree du nom d'Asor.
Forient, qui echut a la tribu de Juda, et dont 1'Ecriture D'un autre cote, il ne saurait etre question des differentes
parle en 1'appelant Asor la neuve, 'A<rwp TYJV xaivrjv, villes de la Palestine occidentale, dont nous avons parle,
pour 1# distinguer de 1'ancienne. Gf. S. Jerome, Liber puisque 1'objet meme de la prophetic nous reporte neces-
de situ et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 868. sairement vers les bene-Qedem, ou les fils de 1'Orient,
M. V. Guerin, s'appuyant sur le texte d'Eusebe, croit expression generate qui designe les Arabes, et surtout les
reconnaitre cette ville dans une localite actuelle, nominee tribus nomades du nord. Voir ARAHE 1. II est done pro-
Yazour, 5$Xb , par les uns, j)_j^wb , Yasour, par les bable que le prophete a employe le mot Hdsor pour desi-
gner les Arabes qui habitent dans des nnsn, haserim,
autres, et situee dans la plaine de la Sephela. Le village
d'Yazour, il est vrai, dit-il, n'est point a Test d'Ascalon, ((villages ou cours , et les distinguer ainsi des Nomades,
mais au nord -nord -est; ce qui n'est point un argument qui vivent sous la tente. Isaie, XLII, 11, se sert de ce terme
decisif contre 1'identification que je propose, attendu que pour caracteriser Cedar, de meme que la Genese, xxv, 16,
les indications d'Eusebe ne sont pas toujours tres precises, pour les enfants d'Ismael. Aujourd'hui encore les Arabes
et peut-etre, au lieu des mots : sur les frontieres d'Asca- sedentaires sont appeles Hadariyeh, j*=>\jJl. J&\ (ahl al-
lon, faut-il lire : sur les frontieres d'Azot, a Test. haoudder', les gens de la demeure fixe ), par opposi-
Judee, t. n, p. 67. Aucun debris antique n'attire 1'atten-
tion en cet endroit, sinon, ores d'un puits, un fut de tion avec les Ouabariyeh, -jjJl Ju^l ('ahl al-ouabar, les
colonne mutilee, de marbre gris blanc. Les maisons, gens du poil ), qui habitent dans des tentes (faites avec
1111 ASOR EN ARABIE ASPALATHE
du poll de chameau ou de chevre). Les royaumes d'Asor parfum qu'on en tirait et de 1'usage qu'on en faisait comme
sont done ainsi les regions habitees par les tribus seden- remede. II est cependant possible qu'ils aient designe
taires. Cf. E. F. C. Rosenmuller, Scholia in Vetus Testa- sous le nom d'aspalathos, a cause de certaines ressem-
mentum, Jeremias, Leipzig, 1827, t. n, p. 368; G. F. Keil, blances, des plantes en realite tres differentes. Theognide,
Biblischer Commentar uber den Propheten Jeremia, 1193, edit. Siztler, in-8, Heidelberg, 1880, p. 127; Theo-
Leipzig, 1872, p. 490; J. Knabenbauer, Commentarius crite, Idyll., iv, 57; xxiv, 88, edit. Didot, p. 9,49, et Scho-
in Jeremiam, Paris, 1889, p. 554; Trochon, La Sainte lia in Theocrit., edit. Didot, p. 36; Hippocrate, (Euvres,
Bible, Jeremie, Paris, 1878, p. 303. -* 10 in-8, trad. Littre, t. vm, 1853, p. 446; Theophraste,
II faut dire cependant que la paraphrase chaldaique et Hist, plant., ix, 7; Fragm. iy de odor., 25, 33, edit.
la version syriaque ont, comme la Vulgate, traduit par Teubner, t. I, p. 237; t. in, p. 80, 83; Galien, Opera, edit.
Asor, rendant exactement 1'hebreu Hdsor. Aussi d'autres Kiihn, dans les Medicorum grsecorum Opera, t. xit p. 840;
auteurs ont vu la un nom propre. M. J. Halevy dit que ce t. xix, p. 725, etc.
royaume, defait par Nabuchodonosor en meme temps que L'aspalathe etait particulierement estime en Orient.
les Cedar, etait probablement la localite nommee aujour- Cette plante... [est] mentionnee dans la plupart des
d'hui el-Akhdar, presque a moitie chemin entre Tebouk recettes de parfumerie egyptienne que nous connaissons.
et Teima. Voir ARABIE, col. 864, et la carte, col. 857. On
ne saurait neanmoins souscrire a 1'opinion de Marc von
Niebuhr, qui identifie Hdsor avec le Hadjar actuel, pays
situe au nord-est du Nedjed. Si 1'hebreu Tisn repond a
Farabe y^^ , hasar, ou ,^>>-^, hadar, il differe com-
pletement de -^, hadjar, ou *^"> hadjar. Cf. Keil,
Jeremia, p. 490, note. 1. A. LEGENDRE.
6. ASOR, ville habitee par les Benjamites apres leur
retour de la captivite. II Esdr., xi, 33. Les noms qui la
precedent et la suivent sont bien connus, et nous aident
a determiner sa position. Elle est mentionnee entre Ana-
nia, aujourd'hui Beit-Hanina, village situe a une faible
distance au nord de Jerusalem, et Rama, Er-Ram, au
nord-est du precedent. Voir la carte de la tribu de BEN-
JAMIN. Robinson, Biblical Researches in Palestine, t. n,
p. 264, note 1, et V. Guerin, Samarie, t. i, p. 209, se
demandent si Ton ne pourrait pas la reconnaitre dans
Tell Azour (Robinson ecrit ^Aac, 'Asour, avec am et
sad, edit. 1841, t. m, p. 232; Guerin, ^\t, 'Azour,
avec aleph et zd), colline elevee, au nord-est de Bethel,
d'oii Ton embrasse un magnifique horizon, depuis la vallee
du Jourdain jusqu'a la Mediterranee. Ce site nous parait
s'eloigner trop des villes parmi lesquelles est nommee
Asor : il convient plutot a Baalhazor de II Reg., xin, 23.
Nous preferons, avec les auteurs anglais, l'emplacement
de Khirbet Hazzur, village cache parmi les oliviers au
pied des hauteurs de Neby Samom'l, vers Test, et tout pres
de Beit-Hanina; c'est exactement la place qu'occupe la
cite benjamite dans la liste donnee par le texte sacre.
Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places
in the Old and New Testament, in-8, Londres, 1889,
p. 83; C. R. Conder, Tent Work in Palestine, in-8, 301. Myrica sapida mdle.
Londres, 1889, p. 259. Tobler, Topogr., t. n, p. 400,
avait deja propose un site identique ou tres voisin, qu'il V. Loret, La flore pharaonique, in-8, Paris, 1887, n 61,
appelle Khirbet Arsur (ou Asur), et qu'il place huit mi- p. 26. Elle entrait comme ingredient dans la composition
nutes a Test et au-dessous de Bir Nebala et non loin de du celebre parfum egyptien appele par les Grecs kyphi;
Rama. Cf. Van de Velde, Memoir to accompany the map c'est ce qu'attestent les trois ecrivains grecs qui Font
of the Holy Land, in-8, 1859, p. 319. A, LEGENDRE. decrit : Dioscoride, De mater, med., i, 24, edit. Sprengel,
t. i, p. 38-39; Plutarque, De Is. et Osir., 80, edit. Par-
ASORHADDAN, ASOR HAODAN, en un ou deux they, in-8, Berlin, 1850, p. 143 (cf. les notes de Parthey,
mots, selon les divers exemplaires de la Vulgate. Forme p. 278-280); Galien, De antidot., edit. Kiihn, t. xiv, p. 118.
particuliere du nom d'Asarhaddon, roi de Ninive, dans II etait done tout naturel que 1'aspalathe eut une place
la version latine de I Esdras, iv, 2. Le texte original d'Esdras dans 1'enumeration de parfurns faite par 1'auteur de 1'Ec-
"porte en deux mots: 'Esar haddon, commeII (IV) Reg., clesiastique, xxiv, 20-21. La difficulte consiste a savoir
xix, 37, et Is., xxxvn, 38. Voir ASARHADDON. quelle en etait la nature. Nous en avons deux descrip-
tions, 1'une par Dioscoride, 1'autre par Pline. ft L'aspa-
ASOTH (hebreu : 'Asvat; Septante : 'Ao-i'9), fils de lathe, dit Dioscoride, est un arbuste epineux qui pousse
Jephlat, de la tribu d'Aser. I Par., vu, 33. a Istrus, a Nisyre, en Syrie et a Rhodes; les parfumeurs
s'en servent pour donner de la consistance a leurs par-
ASPALATHE (ao-TtaXaOos), parfum mentionne une fums. Le meilleur est lourd, et, quand il est depouille
seule fois dans 1'Ecriture. Eccli., xxiv, 15 (texte grec). de son ecorce, il est rouge, tirant sur le pourpre, dur,
La Vulgate traduit ce mot par balsamum, .baume, d'odeur agreable et d'un gout amer. II en existe une autre
Eccli., xxiv, 20; mais il est certain qu'il designe un aro- espece qui est blanche, ligneuse, inodore. De re me-
mate particulier, dont il est souvent question dans les dica, i, 19, edit. Sprengel, t. i, 1829, p. 35-36. Cf. la note
auteurs grecs et dans Pline : ils parlent de la plante, du de 1'editeur, t. u, p. 359. Pline a son tour le decrit ainsi:
1113 ASPALATHE 1114
Dans la mme contree [en Cypre] croit 1'aspalathe, a 1'Inde. Les auteurs arabes, tels qu'Avicenne (Avicennse
epines blanches, de la taille d'un arbuste, a fleurs de rosier. libri in re medica, 1. n, tr. 2, c. 211, in-f, Venise, 1564.,,
La racine est recherchee par la parfumerie... La bonne p. 295), disent que dar-sisaan est le nom qui correspond
qualite [de cet aromatej se feconnait a une couleur rousse en leur langue a aspalathe, et, d'apres quelques-uns
ou semblable au feu, a son grain compact et a son odeur qui d'entre eux, cet aromate vient de 1'Inde. Or, dans 1'Inde,
est celle du castoreum. H. N., xn, 52. Au livre xxiv, 68, on appelle dar-sisan 1'ecorce d'un arbre qui porte Fe
Pline dit qu'on le trouve aussi dans 1'ile de Rhodes. nom de kaiful ou kyful. II croit a 1'etat sauvage sur
Ces descriptions des anciens sont malheureusement l'Himalay, depuis le Nepaul jusqu'au Setledge. On le
trop vagues pour qu'il soit possible de determiner avec cultive aussi dans les jardins. N. Wallich, Tentamen
certitude quelle etait la plante d'ou Ton tirait 1'aspalathe. Florae Nepalensis illmlratse, in-f, Calcutta, 1824-1826,
Dioscoride et Pline s'expriment avec si peu de precision, p. 59, cf. pi. 45, 1'a decrit sous le nom de Myriea sa-
qu'on s'est demande slls avaient parle autrement que par
oui-dire. Le seul point certain qu'on puisse deduire des
passages des auteurs anciens, c'est que ce parfum etait
produit par un arbuste epineux : tous ceux qui en ont
tiques : "Apav-re? daaov TtapsX^YOVTO T/IV Kp^r/iv, On leva le roi lion. L'Ecriture parle de trois Assuerus : celui
Fancre et on longea de pres la Crete; a<r<iov n'est pas du premier livre d'Esdras et d'Esther, qui est Xerxes Ier;
un nom de ville, mais 'un adverbe, plus pres de.
(*A7<j-ov est le comparatif de 1'adverbe ay^i, pres de. )
7
Aa<7ov d'ailleurs, etant gouverne par apavre?, ne pour-
rait e"tre un nom de ville qu'a la condition de le supposer
a 1'accusatif de direction, sans preposition. Mais apav-rs?
n'indique pas la direction. Enfln, cette forme est poetique
et etrangere au Nouveau Testament. E. JACQUIER.
ASSU^RUS. Hebreu : 'Ahasveros; Septante : 'Atrdour)-
po;. C'est le nom de Xerxes, appele par les inscriptions
perses :
Kh- sa- y- a- r- s- a
La transcription hebra'ique se rapproche davantage de
la forme que le nom a prise en susien :
Kh- s-
310. Vase de Xerx6s.
Voir Vigouroux, La Bible et les decouvertes
modernes , 5e edit., t. i, p. 140-143. En grec celui du texte grec de Tobie, xiv, 15, et celui de Daniel,
classique , Khsayarsa est devenu Sip^?. ix, 1, qui peu* etre identique avec le second.
ASSUERUS 1142
er
1. ASSUERUS ou Xerxes I (485 - 465 avant J. - C.) qui avait conquis lui-me'me son trone. H avait grandi
(Fig. 311). Dans le premier livre d'Esdras, iv, 6, Assuerus, dans le luxe du palais, et n'avait point personnellement
roi de Perse, est nommeentre Darius et Artaxerxes.Voir la d'envie belliqueuse qui le poussat a quitter les jardins de
liste des rois achemenides, au mot PERSE. Les anciens corn- Suse. Curtius, p. 272. II se laissa neanmoins determiner
men tateurs ont pense que cet Assuerus et cet Artaxerxes, par les conseils de sa mere et de son entourage, et con-
qui paraissent peu bienveillants pour les Juifs, etaient les sacra les deux premieres annees de son regne a la guerre
successeurs immediats de Cyrus, et que c'est sous Darius contre 1'Egypte. C'est pendant cette periode, au com-
mencement de son regne, que les ennemis des Juifs
lui ecrivirent une accusation contre les habitants de la
Judee et de Jerusalem . I Esdr., iv, 6. II etait permis aux
accusateurs de croire que le prince accueillerait facilement
la denonciation portee contre un peuple si voisin des
Egyptiens. Xerxes, renseigne par ses officiers, ne parait
pas avoir ajoute foi a la calomnie. Du moins il n'est ques-
tion d'aucune mesure prise contre les Juifs.
Cette premiere guerre menee a bonne fin, Xerxes
311. Dariqne qu'on pent attribuer a. Xerxes Ier. songea aux Grecs. On reprit les preparatifs commences
Le roi Xerxes Ir, a deml agenouille, tenant un arc de la main par Darius, mais sur une plus grande echelle, et meme
gauche et de la main droite une javeline orn^e d'un pommeau ; dans un tout autre esprit. Ce ne devait plus etre une
sur son dos est un carquois rempli de fleches. II est coifC6 de campagne ordinaire, mais bien une marche triomphale,
la cldaris cr6nelee et ve~tu de la candy s. fy Carre creux une exhibition des inepuisables ressources de 1'Asie. L'ex-
allonge^ Poids de la dariqiie : 8 gr. 42. cessif etait precisement ce qui souriait a 1'esprit de Xerxes;
il voulait reunir une armee comme le monde n'en avait
seulement qu'un meilleur etat de choses commenca. jamais vu. Curtius, p. 274. Herodote, vn, 8, rapporte
I Esdr., iv, 24. Mais de nouvelles lumieres ont depuis qu'il appela a sa cour tous les grands de son empire, afin
eclaire la question. Un des premiers resultats de la lec- de .s'entendre avec eux. C'est a cette occasion qu'eurent
ture des inscriptions perses fut 1'identification d' Assuerus lieu les longues fetes racontees par le livre d'Esther, i, _
a Xerxes. Gette conquete de la science ne fait plus 1' ombre 3-8, et dans lesquelles on deploya, pendant cent quatre-
d'un doute. Oppert, Commentaire historique et phi- vingts jours, tout le luxe asiatique. On etait alors a la
lologique du livre d' Esther, dans les Annales de phi- troisieme annee du regne. Esth., I, 3. Invitee a se pre-
losophic chretienne, Janvier 1864. Cf. Theologische Stu- senter devant Xerxes, la reine Vasthi refusa, et fut en
dien und Kritiken, 1867, p. 467 et suiv. Assuerus ne consequence solennellement repudiee et eleignee du trone.
saurait done etre ]e meme que Cambyse. Tout en eclai- Esth., I, 9-22. On se mit alors a la recherche d'une jeune
rant la question d'Assuerus , les inscriptions perses ont fille capable de remplacer dignement Vasthi dans le harem
amene a une meilleure exegese de ce chapitre iv d'Esdras. royal. La jeune Esther, presentee par Mardochee, fut
Des versets 1 a 5, 1'historien parle des obstacles que les agreee par le chef des eunuques, pour faire partie de celles
ennemis des Juifs susciterent a la construction du temple ; qui, apres des soins luxueux, devaient etre amenees au
puis, soit qu'il ait voulu grouper dans un meme passage roi. Esth., n, 1-11. Cet incident domestique n'avait pas
le recit de toutes les vexations infligees aux Juifs, soit interrompu le cours des preoccupations belliqueuses de
que le morceau ait ete transporte d'ailleurs, il rappelle Xerxes. Sur le rapport des gouverneurs, les messagers
les menees hostiles qui porterent plus tard Artaxerxes royaux partirent de Suse a toute vitesse dans toutes les
a interdire le relevement de la ville. I Esdr., iv, 6-23. directions, vers le Danube comme vers 1'Indus, vers
Apres cette digression, il revient a Darius, pour dire que 1'Iaxarte comme vers le haut Nil. Les manufactures
la construction du temple fut suspendue jusqu'a la seconde d'armes et les chantiers maritimes furent mis en activite;
annee de son regne. Le passage I Esdr., iv, 6-23, doit les preparatifs prirent deux annees. Curtius, p. 274. La
done etre detache du contexte. Voir Glair, Esdras et Nehe- troisieme annee, les combattants se reunirent en Cappa-
mias, p. 28; Comely, Introd. in libr. sacr., t. 11, p. 354. doce, lieu du rendez-vous general. L'armee, d'apres la sup-
Assuerus est ici Xerxes , et cela d'autant plus surement , putation de Ctesias, De Rebus persicis, 54, qui est la
que son nom est suivi du nom d' Artaxerxes , comme plus moderee, comptait 800000 hommes, 80000 chevaux,
dans la liste des Achemenides. et une flotte de 1200 triremes. A 1'automne de 481, Xerxes
L' Assuerus du livre d'Esther est ce meme Xerxes Ier, vint prendre ses quartiers d'hiver pres de Sardes, pen-
et les details donnes par 1'historien sacre sont en concor- dant qu'on preparait les approvisionnements, qu'on jetait
dance exacte avec ceux que nous ont transmis les chro- un pont sur 1'Hellespont, et qu'on pergait 1'isthme d'Athos.
niqueurs grecs. Xerxes, quatrieme successeur de Cyrus, Une tempete detruisit en quelques heures le pont construit
etait 1'aine des quatre fils que Darius Ter eut d'Atossa, a grand effort. Cette nouvelle mit le roi hors de lui-
fille de Cyrus. Sa mere lui fit attribuer 1'empire au detri- meme. II n'entendait pas qu'il y eut chose au monde
ment de trois autres fils que Darius avait eus de la fille capable de traverser ses plans. Dans chaque insucces, il
de Gobryas. Darius avait recule les frontieres de 1'em- voyait une rebellion crirninelle contre sa toute-puissance,
pire perse jusqu'a 1'Indus et 1'Iaxarte; il avait porte ses une faute qui meritait un chatiment epouvantable. Les
armes au nord jusqu'au Caucase , en Afrique jusqu'aux architectes furent decapites, et les elements eux-memes
Syrtes, et de 1'autre cote de 1'Hellespont jusqu'a 1'Ister . durent porter la peine de leur indocilite. Curtius, p. 278.
Curtius, Histoire grecque, traduct. Bouche-Leclercq, t. n, Herodote, vu, 35, dit que Xerxes fit fouetter 1'Hellespont
p. 268. Xerxes se trouva ainsi regner des Indes jusqu'a et jeter des chaines dans ses eaux, comme pour le re-
1'Ethiopie . Esth., I, 1. Son empire etait divise en cent duire en esclavage. On fit un autre pont, sur lequel passa
vingt-sept medinot ou provinces, distributes en vingt- 1'immense armee; mais, au lieu des victoires attendues,
neuf satrapies. Herodote, vn, 9, 97, 98; vm, 65, 69. A la ce fut d'abord la journee des Thermopyles, et, deux mois
fin de sa vie, Darius allait partif en guerre contre les apres, la defaite de Salamine (480). Herodote, vm, 1-94.
Grecs, apres trois ans d'enormes preparatifs fails contre Humilie, et craignant de trouver coupe le pont de 1'Hel-
eux, quand il fut arrete soudain, d'abord par la nouvelle lespont, Xerxes laissa so_n armee aux ordres de Mardo-
de 1'insurrection qui venait d'eclater en Egypte, et presque nius, et s'enfuit en toute hate. Cette armee fut aneantie
aussitot apres par la mort. Xerxes a son avenemenl se a la bataille de Platee (479). Plutarque, Aristld., 19, 20.
trouvait done avec une double guerre sur les bras. II A son retour, le prince trouva les Babyloniens en revolte,
a avait point passe par les memes epreuves que son pere, et a leur tete un usurpateur, Samas-Irib, avec le titre de
1143 ASSU^RUS ASSURBANIPAL 1144
roi. II le defit, devasta la ville et detruisit ses temples. 2. ASSUR (hebreu: 'ASsur; Septante : 'Aoreroup; en
Strassmaier, dans les Comptes rendus de I'Academie des
assyrien : -^4 wqjr jjE^f [ mat , terre , pays ]
inscriptions, 19 juin 1891. Ce Sa'mas-Irib est sans doute le
Zopire dont parle Ctesias, 53. La cause de cette revolte 'Assur}, 1'Assyrie. La Vulgate n'appelle jamais 1'Assyrie
semble avoir ete un outrage commis par Xerxes envers le Assyria; elle lui donne toujours le nom assyrien et hebreu
dieu Bel. En Grece, il ne s'etait pas montre plus respec- d' Assur, ou bien, s'il s'agit des habitants de ce pays, elle
tueux envers FApollon de Delphes, dont il tenta de piller traduit souvent par Assyrius, Assyrien. Voir ASSYRIE
l temple. et ASSYRIEN.
,- Quand le roi fut revenu a Suse, on lui presenta Esther,
le dixieme mois de la septieme annee de son regne (478), 3. ASSUR (hebreu: 'Assur; Septante: 'Ac-aoug). Eze-
Esth., ii, 16, et il la choisit pour remplacer Vasthi. Peu chiel, xxvn, 23, enumerant les pays ou les villes avec
apres, Mardoohee fit connaitre le complot trame centre lesquelles Tyr trafiquait, nomme Assur apres Saba. On
la vie du roi par les deux eunuques Bagathan et Thares, entend par la communement 1'Assyrie. Movers, Die Pho-
qui voulaient peut-etre exploiter le mecontentement cause nizier, t. n, part, m (1856)> p. 252, et, a sa suite, Keil,
par les recents desastres. Esth., n, 21-23. La douzieme Ezechiel, 1868, p. 245; Trochon, Ezechiel , 1880, p. 496,
annee du regne (473), Aman, devenu premier ministre, etc., ont suppose qu'il n'etait pas question ici du royaume
fit decreter le massacre des Juifs; mais la reine Esther, de ce nom, mais de la ville de Sura, 1'Essurieh actuelle,
qui jouissait des bonnes graces de Xerxes, devoila la per- dans le district de Palmyre. Elle etait situee sur la rive
fidiedu ministre, et Aman fut pendu, pendant que Mardo- droite de 1'Euphrate, au-dessus de Thapsaque, sur la route
chee prenait sa place a la cour. J. Gilmore, Ctesias Persica, de cara vanes qui va de Palmyre par Rusapha (Reseph,
37, conjecture que Mardochee (en hebreu Mordecai) est Is., xxxvn, 12; IV Reg., xix, 12) a Nicephorium ou Rakka,
probablement ce Matacas que Ctesias appelle le plus puis au nord vers Haran , et par un embranchement au
grand des eunuques . Un nouvel edit attenua ensuite dans sud, le long de la rive du lleuve, dans la direction de
la mesure du possible celui qui avail prescrit le massacre Chelmad, en supposant, comme le font les partisans de
des Juifs, et qui etait irrevocable, d'apres la loi du royaume. cette opinion, que Chelmad est Charmandi. Voir CHEL-
Esth., in, 1-x, 3. MAD. Cf. Ritter, Erdkunde, t. xl, p. 1081 ; Chesney, Expe-
Xerxes fut incapable de relever son prestige militaire, dition for the Survey of Euphrates, 4 in -8, Londres,
* a la suite de ses desastres en Grece. Ceux qu'il avait atta- 1850, t. I, p. 416; W. Smith, Dictionary of Greek and
ques ne le laisserent jamais en repos. La derniere defaite Roman Geography, 1857, t. n, p. 1048. L'opinipn com-
qu'eut a enregistrer 1'orgueilleux monarque fut celle de mune , qui voit 1'Assyrie dans le passage d'Ezechiel ,
1'Eurymedon, ou Cimon battit successivement la flotte et xxvn, 23, est la plus probable.
1'armee des Perses, et ensuite la flotte phenicienne (465).
Thucydide, I, 100; Diodore de Sicile, XT, 61; Plutarque, ASSURBANIPAL (textes cuneiformes:
Cimon, 12. Xerxes vecut assez longtemps pour assister T *->T ^di ^ 1HF, Asur-ban-apal,
a cette honte; mais il fut impuissant a la venger, ou plutot
il la sen tit a peine... Toutes les horreurs, tous les crimes c'est-a-dire [le dieu] Assur a donne un fils ; d'ou
et toutes les hontes s'accumulerent dans les dernieres Sardanapallos , pour (A)sarbanapallos, dans les histo-
annees de 1'existence de Xerxes. Impuissant et meprise riographes grecs; nomme dans la Bible simplement rex
dans sa propre cour, il fut enfin assassine par le com- Assy riorum, 1 1 Par., xxxm, 9-13, ou meme probablement
mandant de ses gardes du corps, 1'Hyrcanien Artabane. Nabuchodonosor, Judith, I, 5, etc.; suivant plusieurs
Curtius, p. 392. L'Ecriture ne presente pas Xerxes sous auteurs, c'est aussi YAsenaphar de I Esdr., iv, 10; le
son plus mauvais jour. Elle fait mention de son luxe, de Kandalanou des textes babyloniens, et le KtvviXaSav du
ses mo3urs asiatiques, de sa puissance, qui survecut a ses Canon de Ptolemee), roi d'Assyrie, de 668 a 625 [?] , fils
desastres. Esth., x, 1, 2. Elle se tait sur ses defaites et sur et successeur d'Asarhaddon (iig. 312). Bien que la Bible
ses debauches, parce qu'elles etaient etrangeres a son ne le mentionne pas expressement par son nom, il est
sujet et que c'etait la reconnaissance pour un grand ser- certain, par les inscriptions que ce prince a laissees a
vice rendu aux Juifs qui inspirait 1'historien sacre. Notons Ninive, sa residence , qu'il fut souvent en rapport avec le
cependant que la trame de la narration biblique trouve royaume de Juda, pendant les regnes de Manasse, d'Amon,
sa place sans difficulte dans 1'histoire de Xerxes, telle et les premieres annees de Josias. Manasse fut mele a
que nous 1'ont transmise les ecrivains grecs. Voir ESTHER, deux des principaux evenements du regne d'Assurbanipal :
et, pour le palais d'Assuerus, voir PALAIS. la conquete de 1'Egypte et la repression d'une revolte de
H. LESETRE. Babylone et de ses allies.
2. ASSUERUS. Le texte grec du livre de Tobie, xiv, 15, L'Egypte, deja soumise par Asarhaddon, n'avait pas
nomme un Assuerus ('Ao-uYjpoc) comme conquerant de attendu la mort de ce prince pour secouer le joug. Tha-
Ninive. La forme greeque semble corrompue, et etre une raca, puis son beau -fils Ourd-Amen, deux princes ethio-
alteration du nom de Cyaxare (perse : Uvaksatra), le roi piens, en avaient repris possession depuis Thebes jusqu'a
mede qui detruisit 1'empire d'Assyrie avec Nabopolassar, Memphis ; Nechao de Sals , a qui les Assyriens avaient
roi de Babylone, pere de Nabuchodonosor. Voir CYAXARE. confie le soin de maintenir les differents chefs egyptiens
Cf. F. Fritzsche, Die Bucher Tobi und Judith, in-8, dans le devoir, s'etait lui - meme revolte : fait prisonnier
Leipzig, 1853, p. 69; C. Gutberlet, Das Buck Tobias, et conduit a Ninive par les generaux assyriens, il y avait
in-8, Minister, 1877, p. 355. trouve grace et recouvre son trone, comme plus tard
Manasse de Juda , mais pour perir bientot par le fait de
3. ASSUERUS, pere de Darius le Mede. Dan., ix, 1. II 1'Ethiopien Ourd-Amen.
est confondu avec 1'Assuerus de Tobie xiv, 15 (grec), par Assurbanipal fit deux grandes campagnes centre 1'Egypte
un certain nombre de commentateurs, et regarde par eux (668 et 663 [?]); la premiere contre Tharaca, la seconde
comme etant Cyaxare, roi des Medes; mais cette iden- contre Ourd-Amen; au cours de cette derniere, il prit
tification est loin d'etre certaine et universellement accep- et saccagea Thebes , la demeure du dieu Amon , la Nih
tee. Pour la solution de ce probleme historique, voir des textes cuneiformes, la No'-' Amon du texte hebreu de-
DARIUS LE MEDE. Nahum, in, 7-10, qui fait allusion a cet evenement; il
emporta a Ninive les tresors qu'il y trouva, et retablit
1. ASSUR, pere de Thecua, I Par., iv, 5, dans la encore pour quelques annees la domination assyrienne
Vulgate, qui 1'appelle plus exactement I Par., n, 24, dans la vallee du Nil, sous 1'hegemonie de Psammetiqua
Ashur. Voir ASHUR. de Sais, qui avait supplante Paqrour de Pasoupti. Duranfe
1145 ASSURBANIPAL 1146
ces campagnes centre 1'figypte, les vingt-deux rois du Assurbanipal, apres avoir vaincu et mis a mort son frere
pays de Haiti (Syrie, Judee, Philistie, Phenicie, etc., y revolte, s'etait empare de cette ville, ou il resida quelque
compris les colonies pheniciennes de la Mediterranee, temps. Alors, nous apprend la Bible, Manasse se tourna
Chypre, etc.), deja tributaires de son pere Asarhaddon, vers Dieu, dont il obtint sa delivrance: rentre en grace
durent egalement baiser ses pieds , c'est-a-dire se recon- devant son vainqueur, il se vit tire de prison, reconduit
naitre ses vassaux : parmi eux, Minsie sar mat laudi, a Jerusalem et reintegre sur le trone. Les annales d'Assur-
Manasse, roi de Juda , vient en seconde ligne, imme- banipal nous le montrent, en effet, sujet a ces revirements
diatement apres Baal, roi de Tyr. subits : Nechao de Sais, d abord vassal comme le roi juif,
L'autre evenement auquel fut mele Manasse eut son s'etait pareillement revolte contre le monarque ninivite;
denouement environ quinze annees plus tard (647). Assur- aussitot il fut, comme lui encore, charge de chaines et
banipal avait confie la vice-royaute de Babylone a son frere conduit a la capitale : la, au lieu de recevoir un juste
Sammughes, Sao<r8ouxtvo> n assyrien, Samas-Sum- chatiment comme les autres revoltes, il trouva grace, se
ukin. Celui-ci voulut se rendre independant, et dans ce but vit comble de presents et renvoye en Egypte pour en
fornenta contre son aine un soulevement general, depuis reprendre le gouvernement. Abiatheh, prince arabe,
la Lydie et son roi Gugu ou Gyges jusqu'a Psammetique eprouva un sort a peu pres analogue; de sorte que 1'his-
(i'Egypte, y compris mat Aram, mat A harri, mat tihamti, toire de Manasse, loin d'etre en contradiction avec le
c'est-a-dire la Syrie, la Judee et la Phenicie, avec la Phi- caractere d'Assurbanipal, concorde merveilleusement avec
listie le long de la Mediterranee. Manasse n'est pas desi- les faits que les textes assyriens $ous apprennent sur ce
gne par son nom, pas plus que les autres Hatti revoltes; prince.
mais il ne tarda pas a expier sa rebellion : car, continue II semble qu'il faut intercaler a cette epoque les recits
Assurbanipal, confirmant ainsi le texte biblique, II Par., du livre de Judith : du moins ils cadrent bien avec la
xxxin, 11 -13, tous ces peuples je les soumis, leur im- suite des annales d'Assurbanipal. En.comparant le recit
posai le joug du dieu Assur, avec des gouverneurs et des d'Assurbanipal avec la Bible, il ne faut pas oublier que le
prefets etablis par mes mains . The cuneiform Inscri- texte original de Judith est perdu, et que les versions qui
ptions of Western Asia, t. in, pi. xxi, col. v, 1. 38-39. en restent presentent des differences notables, surtout
Manasse, remplace par un gouverneur assyrien, se vit done dans les noms propres; quelques - uns, devenus mecon-
charge de chaines et conduit prisonnier, non pas a Ninive, naissables a la suite d'erreurs de transcription, semblent
capitale de 1'Assyrie, mais a Babylone : c'est qu'en effet avoir etc remplaces par d'autres, sans doute lus fami-
1147 ASSURBANIPAL ASSYRIE 1148
liers aux copistes. Assurbanipal nous apprend done, dans cienne de V Orient, i. iv, p. 333-378; Maspero, Histoire an~
ses annales, qu'apres la defaite de Samas-sum-ukin oienne des peuples del' Orient, 4e edit., 1886, p. 458-471;
de Babylone, il chatia tous les allies de ce prince : les G. Bawlinson, The five great Monarchies, t. n, p. 200-230.
Ciliciens et les Lydiens ayant deja eprouve 1'effet de Sur la bibliotheque d' Assurbanipal , voir aussi Menant,
ses armes (cf. Judith, n, 12,15), vint le tour des Aribi, La bibliotheque du palais de Ninive, Paris, 1880;
Nabahati, Udumi, Ammani, Haurina, Kidri, nomades G. Smith -Delitzsch, Chalddische Genesis, 1-37; Vigou-
Arabes, Nabateens, Idumeens, Ammonites, du Hauran et roux, La Bible et les decouvertes, 1. 1, p. 175-188 ; Lenor-
de Cedar (cf. Judith, n, 16, 17; in, 12, 14, 15); tout leur mant-Babelon, ouvr. cit., t. v, p. 160-169, 140-148.
pays fut envahi et pille. Sans nul doute la Palestine, cou- E. PANNIER.
pable de la meme faute et voisine de ces memes peuples, ASSURIM (hebreu : 'Assurim; Septante : 'Aaaou-
eprouva un sort analogue : un bon nombre de ses cites pid[x) , tribu arabe , descendant d' Abraham et de Cetura
furent prises et ravagees, comme 1'aurait ete Bethulie par Jecsan, leur second fils, et par Dadan, second fils de
sans le secpurs de Judith. Le texte sacre appelle le roi Jecsan. Elle est nommee deux fois dans 1'Ecriture, Gen.,
ninivite Nabuchodonosor; nous ne saurions dire s'il y a xxv, 3, et I Par., i , 32, avec les Latusim et les Laomim.
la une meprise du transcripteur, ou si Assurbanipal n'a Us devaient habiter dans la partie sud-ouest du Hauran,
pas reellement aussi porte ce nom: les textes cuneiformes mais ils n'ont pu etre jusqu'ici identifies (voir ARABIE,
semblent, en effet, le designer sous plusieurs noms diffe- col. 860). Cf. A. Knobel, Die Volkertafel der Genesis,
rents. in -8% Giessen, 1850, p. 269.
Malgre les nombreuses inscriptions laissees par Assur- Le nom ethnique 'Asuri (Septante : 'Aaspt) se lit aussi
banipal, nous ignorons comment il employa ses dernieres II Sam. (II Beg.), H, 9, dans le texte original. La Vul-
annees; nous savons seulernent qu'il renonca a entre- gate, de me'me que le syriaque et 1'arabe, porte en cet
prendre une nouvelle campagne centre 1'Egypte, pro- endroit Gessuri. Voir GESSUR 1. Quel que soit le pays qu'il
bablement apres Tissue peu satisfaisante de la cam- faille entendre par la, il ne s'agit pas, en tout cas, de celui
pagne de Judee; mais, au prix de nombreux combats, des Assurim. Le mot 'asurim se trouve aussi dansEze-
il avait etabli ou maintenu sa domination sur les Haiti, chiel, xxvii, 6 (Vulgate : prseteriola, chambres, cabines ),
1'Elam, la Babylonie et la Chaldee, la Medie, 1'Armenie, mais c'est par erreur que quelques interpretes ont pens4
la Cilicie et jusqu'a la Lydie. Partout ou il rencontrait de que c'etait un nom propre: dans ce passage, il ne peut
la resistance, il employait sur une large echelle le sys- designer qu'une espece de bois, probablement le buis.
teme de la deportation en masse. Aussi plusieurs auteurs, Voir Buis.
comme H. Gelzer, Eb. Schrader, Fr. Delitzsch, croient-ils
le retrouver designe encore dans la Bible sous le nom ASSYRIE (hebreu : 'Assur, eres 'Assur; Septante :
d'Asenaphar, pour Asenapal ou As [ar-ba]ne-pal. I Esdr., 'Aucroup; ehez les ecrivains grecs, on trouve 'Ao-o-upia,
iv, 2,10. Mais le texte sacre, ainsi que les noms des peuples 'Aroup^a, cette derniere forme correspondant au perse
transported, semblent plutot designer Asarhaddon; peut- Athurd , et au chaldeen 'Athur et 'athur; Vulgate:
etre, d'ailleurs, les deux monarques eurent-ils 1'un apres Assur, terra Assyriorum, mais jamais Assyria; textes
1'autre leur part dans ces evenemerits. "Voir ASENAPHAR. cuneiformes : mat Ausar, et plus frequemment mat
Assurbanipal s'etait fait construire a Ninive un ma-
gnifique palais, explore principalement par 1'Anglais
A. H. Layard (1841-1845), 1'indigene Hormuzd Bassam I. GEOGRAPHIE. Ces expressions sont employees par
(1852-1854) et 1'Anglais George Smith (1873-1876), qui les anciens, et me'me quelquefois par la Bible, en deux
en ont tire de riches bas-reliefs, et surtout d'innombrables sens bien distincts : au sens large, elles comprennent
fragments de tablettes d'argile ou livres assyriens. Ce toute la Mesopotamia, c'est-a-dire tout le bassin du Tigre
monarque avait, en effet, rassemble dans son palais une et de lEuphrate, 1'Armenie exceptee; la Chaldee et la
bibliotheque celebre, ou se trouvaient aceumulees toutes Babylonie en font alors partie geographiquement, comme
les sciences du temps: theologie, histoire, chronologic, elles en ont dependu politiquement, sous les derniers rois
geographic, droit, sciences naturelles, astrologie et magie, de Ninive. Voir Is., xxni, 13; Jer., n, 18; Lament., v, 6;
linguistique, litterature, etc. Pour enrichir cette precieuse IV Beg., xxni, 29; Judith, i, 5; u, 1 ; I Esdr., vr, 22; Zach.,
collection, il avait fait transcrire les anciens ouvrages de x, 10 ; Mich,, v, 6 ; Strabon, xvi, 184 ; Ptolernee, vi, 1 ; Hero-
la Chaldee et de la Babylonie. C'est de la qu'on a extrait dote, i, 106, 192; m,92; Pline, H. N.,vi, 26. Mais au sens
les recits assyriens de la creation, du deluge, et bien strict, qui est le plus frequent dans la Bible, les limites
d'autres textes fort utiles aux etudes bibliques. On peut de 1'Assyrie etaient beaucoup plus restreintes. Le Tigre
evaluer a trente mille environ les tablettes ou fragments et 1'Euphrate, a leur sortie des montagnes d'Armenie,
que la bibliotheque d'Assurbanipal a fournis au British laissent entre eux un triangle irregulier dont ces mon'
Museum de Londres. Assurbanipal mourut probablement tagnes forment la base, et au sommet duquel vient se
en 625, ou, suivant quelques auteurs, en 646, laissant greffei- une sorte de losange. Ce losange appartenait a la
a son fils Asur-etil-ilani un empire etendu, dont la duree Babylonie et a la Chaldee; le triangle renfermait TAs-
et la puissance semblaient assurc-es pour longtemps. Ce- syrie propre. Elle comprenait a la verite les deux rives
pendant Ninive et TAssyrie etaient alors bien pres de leur du Tigre ; mais, de 1'Euphrate, la rive droite ne lui appar-
ruine totale. tenait pas, non plus que la portion septentrionale de la
Voir, pour les inscriptions, transcriptions ou traduc- rive gauche, situee au nord du Chabour : la commenca,jjt
tions : The cuneiform inscriptions of Western Asia, t. in, la Mesopotamie arameenne, ou les points de rencontre
pi. xvi-xxxvm; t. iv, pi. LII-LIV; t. v,'pi. i-x; G. Smith, des empires hetheen , mosque et assyrien , formaient une
History of Assurbanipal, translated from the cuneiform ligne flottante et indecise. Au sud-ouest, 1'Assyrie ejiait
inscriptions, Londres, 1871; Samuel Alden Smith, Die bornee par 1'Euphrate , qui la separait du desert de S^'rie
Keilschrifttexte Asurbanipals, Leipzig, 1887; Menant, et d' Arabic; au sud, par la frontiere babylonienne e| la
Annales des rois d'Assyrie, p. 250-294; Records of the forteresse du Dour-Kourigalzou, un peu au nord de Bag-
past, t. i, p. 55; t. ix, p. 37; Eb. Schrader,Keilinschrift- dad; du sud- est jusqu'au nord, les chaines du Zagros,
liche Bibliotek, t. n, p. 152-269; Schrader-Whitehouse, les monts actuels du Kurdistan, la separaient de la Medie j
The cuneiform inscriptions and the Old Testament, t. n, au nord, les diverses ramifications du Masias et du Nipha-
p. 10, 18, 40, 56; F. Vigouroux, La Bible et les decou- tes, prolongements du Taurus actuel, la separaient de
vertes modernes, 5 edit., t. iv, p. 263-316; Id., Les 1'Armenie et de la Commagene. L'aire renfermee entre
Livres Saints et la critique rationaliste, 4e edit., t. iv, ces limites (36 50' a 33 30' de latitude septentrionale, et
p. 512-515', 570-573; Lenormant-Babelon, Histoire an- 38 a 42 de longitude est de Paris) comprend a peu pres
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la superflcie de la Grande-Bretagne, repartie, a largeur I'antimoine, 1'argent, le soufre, 1'alun, le bitume, le naphte
variable, sur environ 330 kilometres de longueur. (Voir et le sel.
la carte, fig. 313). Les villes les plus celebres etaient Assur, entre les deux
Cette contree est arrosee et presque entouree par le Zab, maintenant Kaleh-Sergat; Halah, aujourd'hui Nim-
Tigre et 1'Euphrate; le nom grec de Mesopotamie, au roud, au confluent du Zab superieur; enfin, a la jonction
milieu des fleuves et le nom arabe de Djezireh, ile, du Chauser et du Tigre, Ninive, dont les ruines, situees
font allusion a cette situation. En allant du nord au sud, en face de la Mossoul actuelle, forment les tells de Koyund-
1'Euphrate recoil sur sa rive gauche le Belikh, puis le jick et de Nebi -Younous: ces trois villes furent tour a
Chabour ou Chaboras; son cours inferieur ne recoit guere tour les capitales de 1'Assyrie. Mentionnons encore Dour-
d'affluents, la contree qu'il traverse est tour a tour deserte Sargani, actuellement Khorsabad, residence du roi Sar-
et marecageuse. Le Tigre, au contraire, recoit sur sa rive gon, a quatre lieues environ au nord de Ninive; Arbeles
gauche de nombreux et puissants tributaires : le Chabour ou Arbil, a soixante kilometres est de Nimroud; Singar,
au nord de 1'Assyrie, qu'il ne faut pas confondre avec au pied de la chaine de montagnes du meme nom, aTouest
1'affluent de 1'Euphrate du meme nom; le Chauser, qui du Tigre; Nisibe, pres du Chabour, residence de Tigrane
baigne les ruines de Ninive; le Zab grand ou superieur et citadelle des Remains contre les Parthes; Haran, pres
(anciennement Zabu elu ou Auxo?)> le Zab petit ou du Belikh, 1'ancienne Charra, ou sejourna Abraham,
inferieur (Zabu supalu ou KaTrpoc), 1'Adhem (Radd- Gen., xi, 31, et Orfa, 1'antique Edesse. Voir El. Reclus,
nu ou Ityffxos); les affluents meridionaux, le Schirvan, Geographic universelle, t. ix, p. 377-461; Frd. Delitzsch,
le Tornadotus, le Kerkhan et le Karoun n'appartiennent Wo lag dasParadies, p. 182-192, 252-262; G. Rawlinson,
pas a 1'Assyrie, non plus que les nombreux canaux, The five great monarchies, t. i, p. 181-236; Lenormant-
combles presque entierement aujourd'hui, qui unissaient Babelon, Histoire ancienne de I'Orient, t. iv, p. 120;
autrefois le Tigre et 1'Euphrate dans leur bassin infe- Perrot, Histoire de I'art dans I'antiquite, t. n, p. 1-14;
rieur. Layard, Nineveh and Babylon, passim; Nineveh and its
La partie nord-est de 1'Assyrie est couverte de chaines remains, t. i, passim; M. von Niebuhr, Geschichte
de montagnes dont la direction generate est parallele au Assur's und Babel's, p. 378-428, etc.
Zagros, devant lequel elles semblent former une sorte II. ETHNOGRAPHIE. L'Ecriture nous apprend que les
de gradin, les premieres assises n'ayant que quelques Assyriens etaient Semites: la table ethnographique, Gen.,
centaines de metres, les dernieres atteignant jusqu'a X, 22, les mentionne, sous le nom hebra'ique d"Assur,
2600 metres, dominees elles-memes par les sommets du parmi les descendants de Sem. Le jL 11 du meme cha-
Zagros, qui atteignent jusqu'a 4300 metres, la region des pitre signifie de plus, au dire d'un bon nombre de com-
neiges eternelles. Quant a la portion sud-ouest, elle ne mentateurs anciens et modernes, non pds que Nemrod
presente que de legeres ondulations; il faut cependant partit en Assyrie pour y fonder Ninive, Resen et Chale;
mentionner sur la rive droite du Tigre la rangee de col- mais que les Assyriens etaient une colonie originaire du
lines nommee Singar, a la hauteur de Mossoul. Enfin on Sennaar, ou vivaient cote a cote des races differentes,
trouve souvent des collines ou tells artificiels, qui ne sont issues de Sem et de Cham. D'apres 1'interpretation con-
que d'anciennes cites en ruines. traire, ce verset indiquerait au moins une action tres mar-
Le climat des diverses parties de 1'Assyrie ne peut natu- quee de Nemrod et de la civilisation babylonienne sur les
rellement pas etre le meme. Dans Test, 1'ete est tempere origines du royaume assyrien.
par la brise descendant des montagnes; mais bien que la Ces deux assertions, maintenant pleinement justifiees
chaleur y soit moins etouffante que sur la rive occiden- par les decouvertes assyriologiques, ont ete assez gene-
tale du Tigre, elle est cependant encore assez forte pour ralement contredites jusqu'au milieu de ce siecle. D'apres
etre nuisible aux Europeens. La pluie tombe tres large- M. Renan, dans son Histoire des lanyues semitiques,
ment durant 1'hiver et le printemps, le reste du temps 1858, p. 61-68, des cinq fils de Sem, Elam, Assur, Ar-
une rosee abondante entretient un peu de fraicheur dans phaxad, Lud et Aram, ce dernier seul aurait ete Semite;
1'attnosphere et de vegetation dans la plaine. Plusieurs des 1'Assyrie se montrait tout 1'oppose de la race semitique
fleuves d'Assyrie ont aussi leur periode de debordement par son caractere sedentaire, sa civilisation materielle
pendant la fonte des neiges, d'avril a juillet, aux endroits avancee, son architecture colossale, ses aptitudes mili-
ou leurs rives ne sont pas trop elevees. Au nord, 1'hiver taires, sa religion presque iranienne, sa tendance a envi-
est assez rigoureux, a cause de 1'altitude du pays et du sager ses rois comme des divinites, son esprit de cen-
voisinage de 1'Armenia, avec ses neiges eternelles et ses tralisation et de domination; les noms memes de ces rois
six mois de froid. Mais la chaleur de Fete y est assez in- n'auraient rien eu de semite, et il aurait fallu, avec Lors-
tense : a Orfa et a Haran, le thermometre atteint souvent bach, Gesenius et Bohlen, les faire deriver du persan, etc.
48 centigrade. Au sud, le. climat se rapproche beaucoup Le meme auteur fait pourtant une legere concession a la
de celui de la Babylonie, les chaleurs y sont veritablement Bible, ouvr. cit,, p. 69, en reconnaissant que le fond de
etouffantes. Autrefois une canalisation savante et une luxu- la population aurait bien pu etre semitique, mais entre-
riante vegetation procuraient sans doute a 1'Assyrie un mele d'elemerits couschites; il pense neanmoins qiie la
peu plus de fraicheur. Le palmier, 1'olivier, le citronnier, puissance de Ninive etait d'origine aryenne.
la vigne et quelques arbustes ou plantes aromatiques, les L'assyriologie a tranche la question : Ninive est etran-
cereales surtout, avaient rendu celebre la fertilite de 1'As- gere aux Aryens, et les Assyriens sont des Semites. Leur
syrie. On y rencontre aussi le myrte, le laurier rose, le langue, comme les idiomes arameens, palestiniens, arabes
sycomore, le platane, le chene, le peuplier, le sumac et et ethiopiens, est trilittere, c'est-a-dire que la generalite
le noyer; parmi les arbres fruitiers, 1'oranger, le grena- des racines y est formee exclusivement de trois consonnes;
dier, Fabricotier, le flguier, le pistachier et le murier; mais c'est avec 1'hebreu qu'elle offre les affinites les plus
enfin on y a introduit le tabac, le riz, le coton, Je mais. frappantes, tant pour le vocabulaire que pour la gram-
La faune du pays est egalement riche : les monuments maire, phonologic, morphologie et syntaxe, prose ou
semblent indiquer qu'on y trouvait le lion, le tigre, le poesie; un bon nombre d'idiotismes hebraiques, long^
leopard, 1'hyene, Tours, la gazelle, le chacal, le pore- temps demeures sans explication, se sont eclaircis par
epic, 1'ane sauvage, le buffle, 1'autruche, etc. Aciuellement une simple comparaison avec 1'assyrien. Voir ASSY-
plusieurs especes ont disparu de la contree, notamment RIENNE (LANGUE).
le buffle et 1'autruche. Enfin le sol ou les rochers du Masius Les caracteres physiologiques confirment 1'induction
et du Zagros offraient aux architectes assyriens 1'argile, tiree du langage. Sur les bas-reliefs, qu'on possede en
le calcaire, les gres, le basalte, 1'albatre et plusieurs sortes tres grand nombre, tous les Assyriens, rois ou sujets,
de marbre; ils recelaient aussi le fer, le cuivre, le plomb, out le type semite fort accentue, particulierement celui
1151 ASSYRIE 1152
du Juif meridional : trom droit peu eleve, nez aquilin 1'Ecriture, qui nous represente la civilisation assyrienne,
souvent un peu epais et recourbe par le bas, bouche assez sinon la population de 1'Assyrie elle-meme, comme origi-
forte aux levres epaisses, menton plein et rond, chevelure naire de la Babylonie ou du Sennaar, ou vivaient, melan-
et barbe generalement abondantes, et toujours tres soi- ges plus ou moins intimement, des descendants de Cham
gnees chez les Assyriens. Leur taille est moyenne; leurs et des Semites. II est certain que la langue assyrienne
formes trapues et leurs muscles tres accuses indiquent etait la langue vulgaire de la Babylonie, avec un peu de
une grande force physique (fig. 314). Us paraissent done rudesse en plus. L'ecriture, les arts, les sciences, les lois,
differer assez riotablement des Babyloniens, que les cy- la religion, etaient de provenance babylonienne; 1'emprunt
lindres sculptes representent communement grands et etait surtout frappant pour 1'architecture. Dans 1'Assyrie,
maigres (fig. 31E), particularites qui, a la verite, semblent, pays eleve et montagneux, ou le bois et la pierre se trou-
dans bien des cas, exagerees par 1'inexperience des gra- vaient en abondance, dont les ressources et les exigences
veurs. Les deux peuples se distinguaient da vantage par etaient tout autres que celles des plaines d'alluvion de la
le cote intellectuel et moral; les Assyriens ormaient un basse Mesopotamie, on avait conserve par routine les pro-
peuple de soldats, moins livre aux etudes et au commerce, cedes babyloniens, Tusage des tertres artificiels, 1'usage
mais plus porte a la rapine et a la violence, ami de la restreint de la pierre, les murs epais d'argile crue ou
guerre et des expeditions lointaines, qu'ils renouvelaient cuite, les pyramides ou tours etagees, les motifs d'orne-
presque chaque annee; d'une energie perseverante, sau- mentation empruntes aux legendes chaldeennes. Ajoutons
vage et cruelle, mutilant, detruisant, ravageant et brulant enfin qu'il suffit d'etudier la marche de la civilisation
tout; empalant, aveuglant ou mettant en pieces les rebelles; assyrienne pour arriver a la m&me conclusion : la capi-
pratiquant sur une large echelle le systeme de la depor- tale fut Assour, puis Calach, en dernier lieu Ninive et
tation en masse, auquel les inscriptions cuneiformes et Khorsabad; eette marche ascendante du sud au nord
1'Ecriture font de frequentes allusions. Au retour, les rois montre clairement quel en fut le point de depart.
faisaient consigner dans leurs inscriptions et representer Cette civilisation finit toutefois par prendre, a la longue,
sur les bas-reliefs de leurs palais toutes ces scenes de une physionomie un peu particuliere : 1'architeeture apprit
carnage. Yoir J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, a faire un usage moins rare de la pierre; au lieu de 1'en-
p. 70, 71, 72 et passim. duit et des moulures geometriques de Babylone, les palais
C'est bien avec ce caractere que les prophetes nous ont assyriens se revetaient de plaques d'albatre, travaillees e&
depeint le peuple assyrien : Is., x, 7-14; xxvn, 24-28; bas-reliefs, et representant des scenes religieuses, mili-
xxvm, 2; xxxin, 8-19; Nah., m, 1; Ezech., xxxi, 1-11. taires, des chasses, etc., ou couvertes d'inscriptions cunei-
Quant aux recits des historiens grecs, principalement de formes, veritables annales qui conservaient I'histoire de
Ctesias, qui lui attribuent les mceurs effeminees de Ninyas chaque regne. Jusqu'aujourd'hui la Babylonie n'a rien
et de Sardanapale, ils sont infirmes par les resultats des fourni de semblable. Les arts industriels presentent
decouvertes assyriologiques. egalement, en Assyrie, un cachet a part, qui trahit sou-
La science confirme egalement la seconde assertion de vent au premier coup d'ceil la provenance des objets :
1153 ASSYRIE 1154
statuettes, Vases de bronze, plaques metalliques gravee humain, nomme souvent Bel labaru, Bel 1'Ancien
ou repoussees, ceramique, meubles, bijoux, cachets ou pour le distinguer de Bel-Marduk,le seigneur Mardouk,
amulettes. Aussi Ninive devint-elle a son tour un centre belu ou bilu ayant en assyrien, comme 1'hebreu ba'al
important de commerce: Nahum nous dit que ses nego- le sens de seigneur , outre son emploi comme nom
ciants etaient nombreux comme les etoiles, et ses richesses propre; il avait pour epouse la deesse Belit, et pour fils
infinies. Nah., n, 19; in, 13.
Sin, le dieu-lune, nomme aussi Nannar, le brillant,
Voir Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsfor- fortyenere, principalement a cause des indications astro-
schung, p. 523-527; F. Vigouroux, La Bible et les decou- nomiques qu'il fournissait; ses principaux sanctuaires
vertes modernes, 5e edit., t. i, p. 308-312, 422-453;
Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and
the Old Testament, t. i, p. 76-85; Victor Place, Ninive
et I'Assyrie, t. i, p. 214-217; G. Rawlinson, The five great
Monarchies, t. I, chap, n-vii; second monarchy,
p. 210-ad fin.; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne
de I'Orient, t. v, p. 1-125; Perrot et Chipiez, Histoire de
I'art dans I'antiquite, t. n, p. 14-33, 91-112, etc. Voir
aussi Fr. Hommel, Geschichte Babyloniens und AssiJ-
riens, Berlin, 1885.
III. RELIGION. La religion assyrienne, qui semble
320. Sacrifice offert par un roi assyrien. Obelisque de Nimroud. Autel charg6 d'offlrandes; chandelier surmonte' d'une flammc
grand vase d'eau; roi versant une libation; taureau pret a Stre immole' en sacrifice.
oublier que leur interpretation est des plus difficiles, tant 1.1, p. 493-531, 580-589; t. n, p. 7-9 et suiv.; Lenormant-
par la nature meme du sujet que par le soin pris par les Babelon, Histoire ancienne de I'Orient, t. v, p. 191-312;
pretres assyriens et babyloniens de ne pas vulgariser leurs J. Menant, La bibliotheque du palais deNinive, p. 102-158;
connaissances theologiques; aussi, dans ces matieres, ils G. Smith-Delitzsch, Chaldaische Genesis, p. 268-285,
emploient generalement les caracteres d'ecriture plutot 306-307, 196-204 et suiv.; T. Pinches, Guide to the
avec la valeur ideographique qu'avec la valeur phonetique; Kouyunjik Gallery, British Museum, Londres, 1884,
cela explique pourquoi le nom exact de certains dieux ou p. 42-47; Perrot, Histoire de I'art dans I'antiquite, t. n,
321. Roi d'Assyrie offrant aux dieux les lions tu6s a la chasse. Bas-relief de Koyoundjik. D'apres Place, pi. 37.
esprits nous est encore inconnu : nous savons a quelle idee p. 56-91, 347-378, 378-414 et suiv. En outre, la plupart
correspond tel caractere ideographique, tout en ignorant des textes religieux sont publies dans les cinq volumes
quelle en etait, dans tel cas particulier, la veritable pronon- des Cuneiform Inscriptions of Western Asia, et beau-
ciation. Autant Ton est certain de 1'interpretation des textes coup sont traduits dans les Records of the Past, lre et
historiques, autant les textes mythologiques donnent lieu 2e series, et dans les Proceedings et Transactions of the
a hesitation, surtout des qu'on pretend arriver aux details. Society of Biblical Archseology, publies a Londres.
Nous avons eiague de cette etude tous les points sur les- IV. HISTOIRE. L'histoire de I'Assyrie est une des
quels on n'a pas encore de lumieres suffisantes. mieux documentees de toute I'antiquite. A la verite, les
Voir Fr. Lenormant, Les dieux de Babylone et de renseignements fournis par Herodote, Ctesias et Diodore
I'Assyrie, Paris, 1877; Tiele, Die Assyriologie und ihre de Sicile sont generalement suspects; ceux qui nous
Ergebnisse fur die vergleichende Religionsgeschichte, viennent par Berose, pretre babylonien contemporain des
Leipzig; Histoire comparee des anciennes religions de premiers Seleucides, sont malheureusement dans un etat
VEgypte et des peuples semitiques, Paris, 1882; Manuel tres fragmentaire. Mais d'abord on trouve dans la Bible
de I'histoire des religions, Paris, 1880; Sayce, Lectures on une source precieuse d'imformations. Nous avons vu que
1161 ASSYRIE 1162
les Prophetes nous ont laisse une peinture fidele du desolation du pays, mais 1'insucces final du monarque
caractere des Assyriens. Les Livres Saints nous ont trace assyrien devant Jerusalem, xxviii-xxxin; XXXVI-XXXVHI ;
aussi un tableau non moins exact de leurs conquetes, x, 5-11; xiv, 24-27. Les Assyriens se chargerent aussi
principalement en ce qui regardait Israel, Juda et les de realiser bon nombre des Massd (dans la Vulgate Onus,
peuples avoisinants, tableau soit historique, soit prophe- prophetic de menaces) contre les nations, telles que les
tique. Les deux derniers livres des Rois et le second livre Philistins, Is., xiv, 28-32, les Arabes, Is., xxi, 13-17. Mais
des Paralipomenes contiennent 1'histoire des conquetes Ninive et la puissance assyrienne tornbent bientot a leur
assyriennes ; les prophetes les predisent generalement tour sans pouvoir se relever. Nahum 1'annonce, i, 3, au
comme punition des crimes d'Israel et de Juda. Deja moment meme ou 1'Assyrie, immediatement apres la
Balaam avait annonce que la domination d'Assur s'eten- conquete de 1'Egypte et le sac de Thebes ou No-Ammon,
drait jusque sur les Cineens, les Kenites, qu'ils emme- est a son apogee sous le roi Assurbanipal Enfin, au
neraient en captivite. Num., xxiv, 22-24. Ces Cineens,
322. Objets de eulte. temps ou ces menaces commencent a recevoir leur accom-
Fortes de bronze de Balawat. Musee Britannique. plissement et ou Ninive est deja bien dechue de son
ancienne splendeur, Sophonie, n, 13-15, annonce que la
mentionnes ici avec Amalec, paraissent distincts de la devastation ira jusqu'au bout, que 1'Assyrie sera detruite
tribu qui se fusionna avec les Hebreux, et habitaient au et que sa capitale deviendra une solitude et un desert.
sud de la Palestine. Balaam termine son oracle en disant Outre les renseignements donnes par la Bible, nous
en termes generaux qu'Assur a son tour aura a souffrir avons une source inesperee de renseignements dans les
desvaisseaux de Eittim, c'est-a-dire venus de la Medi-
terranee, proprement de Chypre, et, dans le sens large,
de 1'Occident en general. Jer., n, 10; Dan., xi, 30.
Des le commencement de 1'epoque prophetique, Amos, bas-reliefs (fig. 326) et les oeuvres d'art qui font revivre
v-vi. annonce la ruine d'Israel et sa transplantation plus sous nos yeux leur civilisation et leurs coutumes et sur-
loin que Damas, des le temps de Jeroboam II, c'est-a-dire tout dans les textes cuneiformes eux-memes, textes
a 1'epoque de la plus grande prosperite d'Israel, vers le authentiques, contemporains des evenements, emanant
temps ou Jonas menacait Ninive. Plus tard, Osee blame de presque tous les rois assyriens, et dont le seul defaut
Israel de s'appuyer sur 1'Assyrie et FEgypte, vn, 11-12; est celui de former une histoire officielle, par consequent
vm, 8-10; il annonce la chute de Samarie et des dix suspecte quelquefois de partialite. La partie chronolo-
tribus, vm, 10; ix, 3; xm, 15-16; il ajoute que 1'Assy- gique, outre les indications abondamment contenues dans
rien sera leur roi, xi, 5-7; xm, 11; mais il laisse aussi les textes soit d'histoire publique, soit d'interet prive, nous
entrevoir que la captivite aura un terme, xi, 1-11. Isa'ie est fournie par la liste ou Canon des limu. Ces limu,
rassure Achaz en lui annoncant que Samarie, vn, 7-9; sorte de consuls eponymes, donnaient leur nom a 1'annee
vm, 4; xxvm, 1-4, et la Syrie de Damas, vm, 4; xvn, ou ils etaient en fonction; aux listes ainsi formees on joi-
1-16, tomberont bientot sous les coups des Assyriens; il gnait les indications relatives aux changements de regne,
prophetise le meme sort a 1'Egypte et a 1'Ethiopie, xx, ou meme souvent 1'evenement principal de 1'annee. Nous
1 - 6 ; xix, 1-17, aupres de qui les rois juifs cherchaient possedons le Canon sans interruption depuis le xe siecle
sans cesse un appui contre 1'Assyrie; il annonce enfin jusqu'au vne avant J.-C.; mais nous savons, par des textes
I'invasion de la Judee elle-meme par Sennacherib, la plus anciens, que 1'institution des limu fonctionnait deja
ASSYRIE
au XIV*, sans qu'on puisse encore assigner de date cer- echappe. Quand commence la periode des inscriptions
taihe a son origine. C'est cette liste des limu qui nous historiques, e'est-a-dire des le xvme siecle, les Assyriens
guMe pour la chronologic assyrienne. II faut remarquer sont deja constitues en monarchie absolue: le titre depatesi
qtte toils les mois de regne precedant celui de Nisan, ou issakkU; porte alors par les rois d'Assyrie, parait indi-
qui commencait 1'annee assyrienne, sont adjuges non quer, selon plusieurs, une sorte de vassalite de Babylone;
pas au souverain regnant, mais a son predecesseur, de mais c'est plutot un titre religieux, signifiant que le mo-
que 1'accession au trone tombe generalement dans narque tient la place des dieux, et particulierernent du
Le rol Asstirbanipal tuant un lion. Bas-relief, avec inscription cun^iforme, de son palais & NMve. Mus6e du Louvre.
i'anhee qui precede celle que nous indiquons d'apres les dieu Assur, ou bien est leur grand pretre. Au-dessous
limu comme premiere annee de chaque regne. Une du roi, les textes cuneiformes, ^a la verite d'epoque poste-
eclipse de soleil en 763 et la prise de Samarie en 722, rieure, mentionnent le Rab-Ekal ou Nir-kalf chef
meniionnes dans les textes assyriens, donnent des points du palais, le Rab-bilub (?), le Tukultu, sans doute une
de repere assures a cette serie chronologique. espece de vizir, le Rab-sak, chef des grands ou offi-
Les textes cuneiformes ne donnent aucune indication ciers; le Rob-saris, chef des princes (Comptes
directe ni sur la naissance ni sur la chute de 1'empire rendus de I'Academic des inscriptions et belles-lettres,
assyrien (Voir cependant, Academy, 16 juillet 1892, p. 53, 1886, p. 201); le Turtanu, general en chef; la dignite
un texte qui parait relatif a la colonisation de 1'Assyrie par de limu ou consul eponyme est portee tour a tour par le
les Babyloniens). L'ethnographic nous apprend que le roi, les officiers de sa cour et les gonverneurs des villes
peuple d'Assur quitta la Chaldee pour remonter le long principales. La premiere residence royale fut Assur, ville
des rives du Tigre, a une epoque dont 1'antiquite nous situee sur le Tigre, au sud de Ninive. Deja les patesi
1165 ASSYRIE 1166
- Dagan et SamSi - Ramman y avaient eleve un dan-ili (771-753) et ASur-nirar (753-743), tout en por-
temple a leur dieu tutelaire Asur, vers la fin du xixe sieele tant le principal de leurs efforts contre I'Armenie et les
ou le commencement du xvme. districts du nord, n'oublierent pas non plus de surveiller
Plus tard, 1'Assyrie fut conquise par les rois egyptiens et au besoin de chatier Damas et la Syrie. Mais Theglath-
3
de la xvnr dynastie, particulierement par Thothmes III, phalasar, qui est sans doute aussi le Phul de 1'Ecriture,
qui soumit les villes de Nini (qu'on a cru etre Ninive, mais IV Reg., xv, 19-20; I Par., v, 26, et le Pulu des textes
qui en est probablement differente), Assur et Senkara ou babyloniens (743-727), agit avec plus de vigueur : la
Singar (Annals of Thothmes III, p. 24, 25, 49, 61, 62, coalition des princes syriens s'etant organisee de nouveau
dans les Records of the past, lre ser., t. n; 2e ser., t. v, sous la conduite du roi d'Emath et avec le concours
p. 29; Maspero, Histoire ancienne des peuples de d'Azarias, roi de Juda, Theglathphalasar survint, battit a
VOrient, 1886, p. 190, 198 et suiv.), et Amen-hotep II, plusieurs reprises les confederes, annexa a 1'Assyrie le
qui s'empara encore de la ville de Nini; on a retrouve pays d' 'Amatti, 1'Emath biblique, en transplanta les habi-
effectivement les cartouches de ces deux eonquerants tants vers les sources du Tigre, et soumit au tribut les
graves en Assyrie, a Arban, sur le Chabour. Layard, autres rois, y compris Rasin de Damas, Manahem d'Israel
Nineveh and Babylon, p. 280-282; G. Rawlinson, History et Azarias de Juda. Achaz de Juda aggrava encore la
'of ancient Egypt, 1881, L n, p. 229 et suiv.; 234-236. situation : menace a la fois par Phacee d'Israel et Rasin
Le temps de 1'exode, qui para^t correspondre a une de Damas, IV Reg., xv, 37; Is., vn, 1, il sollicita 1'appui
periode d amoindrissement pour 1'Egypte (fin de la de son suzerain. Theglathphalasar se hata, en effet, d'in-
xixe dynastie), correspond a une periode d'extension pour tervenir; il en couta la vie a Rasin, avec le pillage
1'Assyrie. Le joug de 1'Egypte une fois brise, 1'Assyrie et la destruction de son royaume; la vie aussi a Phacee,
commence par profiler de 1'oecupation de Babylone par avec la deportation en Assyrie d'un grand nombre d'Israe-
les monarques KasSi pour traiter avec eux sur le pied lites ; a Achaz enfin d'ecrasantes contributions de guerre.
d'egalite, et prendre, au lieu du titre d'issakku, la qua- IV Reg., xv, 29; xvi, 7-10.
lification plus relevee de sarru, roi. G'est ainsi que Theglathphalasar avait fait ailleurs une conquete plus
vers la fin du xve siecle et le commencement du xive, riche et plus dangereuse a la fois, en s'emparant de la
Asur - bel - nisisu, Pusur-Asnr et Asur-uballit firenj Babylonie : mecontent de plusieurs vice-rois qu'il y avait
alliance avec Kara-indas, Burna-Burias et leurs suc- etablis ou reconnus, il avait fini par prendre lui-meme
cesseurs, Le xme siecle et les suivants voient succeder le titre de roi de Babylone, roi de Soumir et d'Akkad .
a ces bons rapports une lutte acharnee entre la mere Mais la Babylonie etait riche et puissante, bien peuplee
patrie et la colonie, avec des alternatives pour chacune et jalouse de son independance, aussi essaya-t-elle sou-
de succes et de revers, et un commun affaiblissement; vent de secouer le joug de son ancienne colonie; les
cela permet aux Hebreux de s'organiser a loisir en Pales- efforts continuels que diirent faire les successeurs de
tine, et meme, sous David et Salomon, d'etendre leur Theglathphalasar pour garder cette conquete finirent par
influence jusqu'a 1'Euphrate, sans se heurter centre la affaiblir a la longue la monarchie assyrienne, et il arriva
puissance assyrienne. Durant cette periode, un seul roi un jour ou celle-ci succomba sous les coups des Babylo-
d'Assyrie, Theglathphalasar, vers le milieu du xne siecle, niens re voltes.
se rendit redoutable a ses voisins, les Mosques, la Com- De Salmanasar (727-722) nous n'avons jusqu'a pre-
magene, 1'Afmenie et 1'Aram; il s'empara de Charcamis, sent aucune inscription historique; nous savons seule-
la capitale de 1'empire hetheen, et se vante meme dans ses ment, par le Canon des limu et une Chronique babylo-
inscriptions d'avoir porte" sa domination jusqu'a la Medi- nienne, qu'il regna cinq ans sur 1'Assyrie et la Babylonie.
terranee. Cette extension, bien que passagere, etait une L'Ecriture, IV Reg., xvm, 9-12, semble lui attribuer la
menace pour Favenir de 1'Asie occidentale. prise de Samarie, la destruction du royaume d'Israel et
Asur-nasir-apal (883-858), 1'un des rois d'Assyrie la deportation des Israelites, comme chatiment de leur
les plus belliqueux et les plus cruels, se chargea d'y alliance avec 1'Egypte et 1'Ethiopie. Dans les inscriptions
doimer suite. II se choisit une nouvelle capitale, Halah, assyriennes, ces exploits sont revendiques, au moins en
laChale de la Bible, Gen., x, 11, actuellement Nimrud, bonne partie, par son successeur Sargon (722-705). Voir
ville ancienne, situee au nord d'Assur, sur la rive gauche SALMANASAR, SARGON. Quoi qu'il en soit, la Bible, Is.,
du Tigre, par consequent moins exposee aux attaques vii, 18, etc., et les inscriptions cuneiformes se rencon-
venant de Babylone ou de la Syrie. Ayant recouvre toutes trent pour mettre aux prises a cette epoque 1'Egypte et
les provinces septentrionales autrefois occupees par The- 1'Assyrie, d'abord sourdement, puis a force ouverte; cette
glathphalasar, il prit la route de la Phenicie, et soumit lutte, d'une duree d'un demi-siecle, qui eut d'abord la
le pays jusqu'au mont Liban; les villes pheniciennes de Palestine, et ensuite la vallee du Nil pour theatre, fut
Tyr, Sidon, Gebal, Arvad (Arad), etc., lui envoyerent fatale a 1'Egypte : elle succomba et resta aux mains des
alors leurs tributs, pour s'eviter 1'invasion. La Palestine Assyriens, puis des Babyloniens leurs heritiers, pour
avait ete respectee; mais sous Salmanasar (858-823), fils passer de la aux Perses et enfin aux Grecs; fatale aussi
du precedent, le royaume d'Israel se vit attaque, tant aux peuples circonvoisins, particulierement aux Juifs, qui
comme etant plus proche que celui de Juda de la route ne savaient ni ne pouvaient rester neutres; desastreuse
suivie par les Assyriens, que comme particulierement meme pour 1'Assyrie, que ces expeditions lointaines et
compromis par 1'imprudence d'Achab. Ce prince etait entre souvent repetees finirent par epuiser, malgre toutes ses
dans une ligue formee centre Salmanasar, entre tous les victoires.
chefs syriens, par les soins de Benadad, roi de Damas; Sargon avait ajoute a 1'empire assyrien une grande
les confederes furent battus a Karkar et a Kirzau [?]. Non partie de la Syrie, de la Palestine et de la Medie. Cf. Is.,
contents de les ecraser en masse, quand 1'occasion s'en xx, 1. Sennacherib (705-681) dnt elargir encore ce cercle
presentait, Sahnanasar et ses successeurs chercherent a d'action : la Babylonie se revottant frequemment, a 1'ins-
detacher de la confederation ainsi formee 1'un ou 1'autre tigation et avec 1'appui des Elamites, il fallut entreprendre
royaume, auquel ils accordaient une protection largement la conquete du pays d'Elam. A 1'autre extremite de 1'em-
payee d'abord, et que le moindre pretexte changeait bien- pire, 1'Egypte poussait a la revolte la Syrie et la Palestine,
tot en oppression et en asservissement. Jehu paya tribut et leur promettait son secours : Sennacherib dut venir
a Salmanasar pour se faire proteger contre Hazael de rayager le royaume de Juda, ranconner Ezechias, battre
Bamas; et bien que les textes n'en disent rien, il est les Egyptiens a Allakou, menacer Jerusalem. IV Reg.,
croyable que Joachaz, Joas et Jeroboam H firent de meme. xvill, 13-xix, 36. A la suite du desastre inattendu qu'il
Durant cette periode, Samsi-Ramman (823-810), Ram- essuya en Palestine, il quitta preeipitamment le pays, sans
man-nirar (810-781), Salmcmu-asir (781-771), Asur- poursuivre plus loin sa vengeance contre Juda et 1'Egypte,
1167 ASSYRIE 1168
et alia se consoler de son echec en guerroyant sur les autres cette epoque (625 [?]), Ninive etait menacee, assiegee meme
frontieres de son empire, et en se construisant un magni- par un tributaire revolte, Cyaxare ou Uvahsatara, chef
fique palais a Ninive, qui devint desormais, jusqu'a la fin des Medes. L'arrivee des Scythes obligea Cyaxare a lever
de la monarchic, le sejour prefere des monarques assy- le siege, pour aller defendre ses propres Etats; mais les
riens. Sennacherib ayant ete assassine par deux de ses envahisseurs, grace a leur nombre plutot qu'a leur force,
enfants, Adrammelech et Sarasar, IV Reg., xix, 37, Asar- ne purent etre arretes, et se repandirent dans la Medie
haddon (681-668) succeda a son pere, apres avoir expulse et surtout dans toute 1'Assyrie, plus riche et plus capable
les parricides : tout en maintenant les conquetes de ses d'exciter leurs convoitises : Ninive echappa au pillage
predecesseurs, il envahit et pilla 1'Egypte, vainement de- derriere ses fortes murailles; mais les autres cites assy-
fendue par. Tharaca, prince ethiopien de la xxve dynastic, riennes, Assur et Chale, furent totalement devastees; les
et etablit des garnisons assyriennes dans les principales Scythes deborderent meme sur le reste de 1'Asie occiden-
villes. II tenta aussi de s'annexer 1'Arabic, mais les deserts tale, et ne s'arreterent qu'aux confins de 1'Egypte, grace
et le climat 1'empecherent d'y asseoir sa puissance d'une aux prieres et aux riches presents de Psammetique Ier.
maniere durable. Parmi les rois ses tributaires, il men- Mais Cyaxare, leur ayant laisse le temps de s'affaiblir,
tionne Manasse, roi de Juda, fils d'Ezechias. Une revolte recouvra son independance en joignant a la force la trar
ayant eelate en Egypte en 668, Asarhaddon remit le pou- hison. Quant a Assur-etil-ilani, il essayait aussi de relever
voir a son fils Assurbanipal (668-625 [?]), se contentant 1'Assyrie de ses ruinej, lorsqu'il mourut, laissant le trone
de la Babylonie, qu'il gouverna jusqu'a sa mort, arrivee a Sin - sar - iskun, apres lequel aurait regne encore
un an plus tard. Durant son long regne, Assurbanipal dut Asur-ahi-iddin II, suivant Sayce, Schrader et Lenormant.
recommencer presque toutes les conquetes de ses pyede- Les historiographes grecs nous ont laisse pour les derniers
cesseurs : 1'Egypte, soulevee successivement par Tharaca, rois de Ninive les noms'de Saracus et Sardanapale. Ce qui
Nechao et Ourd-Amen, fut reprise de nouveau et seve- parait certain, c'est que Cyaxare revint a la charge, aide
rement chatiee; 1'Elam fut ecrasee, et ses principales du vice-roi revolte de Babylone Nabopolassar, peut-etre
villes, la capitale surtout, Suse, furent ravagees de fond encore des Cimmeriens; et, cette fois, Ninive finit par
en comble. La Babylonie cut le mme sort. Apres la mort succomber sous leurs coups ([?] 606), entrainant dans
d'Asarhaddon, Assurbanipal lui avait. donne pour roi sa chute 1'empire assyrien, que les deux vainqueurs se
Samas-sum-ukin, son propre frere. Celui-ci, ayant partagerent entre eux: Schrader-Whitehouse, The Cunei-
suscite centre son aine une formidable coalition de tous form Inscriptions and the Old Testament, t. n, p. 443-471,
les royaumes tributaires de 1'Assyrie, vit ses allies battus qui renverse 1'opinion de M. de Saulcy, Chronologic des
les uns apres les autres, ne put se defendre en Babylonie, empires de Ninive, de Babylone et d'Ecbatane, p. 79-80,
fut pris et brule vif. Manasse de Juda, qui avait trempe lequel placait la chute de 1'empire assyrien en 625;
dans le complot, eut son royaume ravage, fut lui-meme A. H. Sayce, Records of the past, 2e ser., t. iv, p. VH-
pris et charge de chaines, conduit a Babylone; puis, xiii; voir aussi Delattre, Le Penple et Vempire des Medes,
contre toute attente, reintegre sur le trone. II Par,, xxxiu, p. 122-125. L'Assyrie et ses conquetes septentrionales
11-13. Grace a cette energie indomptable, soutenue par echurent a Cyaxare; tandis que celles du sud, 1'Elam, la
quelques actes d'utile clemence, Assurbanipal maintint vallee de 1'Euphrate et la Syrie firent partie de la monar-
presque partout son autorite. Mais ce qui le rendit surtout chic babylonienne, dont elles subirent desormais toutes
celebre, ce furent ses constructions magniliques a Ninive les vicissitudes; quant a Ninive, les menaces des pro-
et ses travaux litteraires; il profita de ses conquetes en phetes, Tobie, xiv, 6; Nah., n-m; Sophon., n, 13, recu-
Babylonie pour y rechercher et faire transcrire les textes rent un accomplissement si litteral, que, deux cents aus
anciens, et il deposa toutes ces copies dans la bibliotheque plus tard, on ne connaissait deja plus d'une maniere cer-
de son palais, a Ninive. taine son emplacement.
II eut pour successeur son fils Asur-etil-ilani (625 [?] - [?]) C'est seulement en ce siecle qu'on decouvrit ses ruines,
Ce prince, au lieu d'une succession brillante, recevait sous les tells ou collines artificielles, formes par Febou-
en realite un empire epuise, qui succombait sous le poids lement de ses palais et de leurs epais murs de brique
de toutes ces conquetes; les Assyriens ne savaient pas tirer crue. Sur les indications du secretaire de la Societe asia-
parti de leurs victoires pour fonder d'etablissement durable, tique de Paris, J. Mohl, qu'avaient vivement frappe
et il fallait recommencer la guerre a chaque regne nouveau, quelques poteries et inscriptions cuneiformes rapportees
sur toutes les frontieres de 1'empire. Vainement changeait- anterieurement de Mesopotamie par 1'Anglais Rich, Ernile
on les dynasties regnantes pour investir de 1'autorite les Botta, agent consulaire francais a Mossoul, pratiqua des
creatures des Assyriens, comme Osee d'Israel; les exigences fouilles a Koyundjik et a Khorsabad (1842-1845); ces der-
du suzerain rendaient toujours frequentes les revoltes nieres mirent au jour le palais du roi Sargon et 1'ancienne
des vassaux. Le systeme de la deportation en masse, si ville de Dour-Sargani (Khorsabad), dont V. Place acheva
largement pratique, ne donna pas de meilleurs resultats : 1'exploration (1851-1855); 1'Anglais Austin Layard, ayant
les transported restaient toujours des rebelles, prets a faire repris les fouilles de Koyundjik, que Botta avait laissees
cause commune avec les ennemis de 1'Assyrie; et ceux interrompues, decouvrait Ninive et ses nombreux palais;
qui echappaient a la deportation, et qui formaient natu- d'autres excavations pratiquees par le meme explorateur
rellement le grand nombre, n'en devenaient pas des vas- a Nimroud et a Kaleh-Sergat rendaient a la lumiere
saux plus attaches ni plus fideles. Ce grand empire, forme 1'ancienne Malah, la Chale biblique, et Assur, la pre-
de nationalites si diverses et si depourvues de cohesion, miere capitale de 1'Assyrie (1845-1847, 1849-1851). Les
devait bientot s'ecrouler. II est impossible de dire avec Anglais W. K. Loftus (1852-1853) et George Smith
certitude quel ennemi donna le coup decisif, car les ins- (1873, 1874, 1876), ainsi que 1'indigene Hormuz Rassam
criptions assyriennes nous font ici defaut, et 1'Ecriture ne (1852-1854, 1878), acheverent ces importantes decou-
nous donne que des indications trop vagues : quant aux vertes. Le musee du Louvre a tire ses principales anti-
ecrivains grecs, les decouvertes assyriologiques nous ont quites assyriennes de Khorsabad, tandis que les riches
appris a nous defier de leurs recits. Les Cimmeriens, galeries du Musee Britannique de Londres doivent surtout
chasses d'Europe par les Scythes, envahirent 1'Assyrie leurs tresors a Ninive.
sous un roi nomine Asarhaddon, que Lenormant, Sayce Pour juger equitablement 1'Assyrie, il ne faut pas la
et Schrader croient posterieur a Assurbanipal. Deja Asar- separer de la Babylonie, sa mere patrie, a laquelle elle
haddon Ier, le pere de celui-ci, avait battu les Cimmeriens, se rattache par une communaute d'origine, de develop-
la quatrieme annee de son regne, si la restitution proposee pements et d'action exterieure. Sans doute on peut accuser
par Winckler a la Chronique babylonienne est exacte (677); les Assyriens d'avoir trop aime la guerre, et de s'y etre
uais les Scythes les suivirent un demi-siecle plus tard. A laisse entrainer a des actes de cruaute; mais ce reproche
1-JC9 ASSYRIE ASSYRIENNE ( L A N G U E ) 1170
retombe a peu pres egalement sur tous les peuples de la On a distingue en assyrien deux dialectes: le dialecte
haute antiquite. Au point de vue politique, 1'Assyrie joua ninivite et le dialecte babylonien, qui presentent entre
un role preponderant dans la formation des grands em- eux certaines differences : par exemple, la confusion en
pires asiatiques, dans lesquels la force armee servait, babylonien des consonnes fortes et des consonnes douces
volontairement ou a son insu, a etendre les relations de b et p, d et f, s et z, k et g. Ainsi qu'on le voit, le terme
peuple a peuple et a propager la civilisation. Au point de langue assyrienne est impropre, 1'Assyrie n'ayant
de vue commercial, industriel ou artistique, elle entretint jamais servi a designer, dans 1'histoire, que le royaume
d'etroites relations avec la Syrie, la Phenicie, les colonies qui eut pour capitale Ninive. Le terme de langue assyro-
grecques de 1'Asie Mineure, les Hetheens et 1'Armenie, de babylonienne conviendrait mieux. Cette denomination
sorte que son influence se fit sentir jusqu'en Europe; aurait le double avantage de repondre a la fois a la sepa-
directement ou indirectement, elle marqua de son em- ration des dialectes et a leur distribution geographique
preinte les origines de 1'art grec. L'art assyrien, sans elle-mme.
etre parfait, produisit des O3uvres remarquables. C'est I. EXTENSION. La langue assyro-babylonienne etait
aussi de la Mesopotamie que vinrent aux Grecs les rudi- parlee a Ninive et a Babylone, tout le long des rives du
ments de presque toutes les sciences, non seulement a Tigre et de 1'Euphrate, depuis le golfe Persique jusqu'aux
1'epoque de la conquete de Babylone par Alexandre, mais montagnes d'Armenie.
des leurs premiers etablissements en Asie Mineure. Enfin II. DUREE. Cette langue nous offre 1'exemple d'une
il ne faut pas oublier que c'est surtout grace aux scribes vitalite prodigieuse. Sans doute 1'etat actuel de nos con-
assyriens et a leurs tablettes d'argile que la litterature naissances ne nous permet pas de marquer d'une facon
si considerable et si interessante de cette epoque, tant precise ses lointaines origines; mais du moment ou nous
babylonienrie qu'assyrienne, nous a ete conservee; comme pouvons la saisir, c'est-a-dire environ 4000 ans avant
c'est aux sculpteurs de Ninive, de Khorsabad, de Chale J.-C., elle nous apparait comme entierement constitute.
et d'Assur, bien plus ,qu'a ceiix de Babylone, que nous Historiquement, elle a persiste pendant quarante siecles,
devons des tresors archeologiques incomparables : et Ton presque sans subir de variations. Quand elle eut cesse
se sentira porte a se montrer moins severe pour 1'empire d'etre la langue officielle et ne fut plus employee dans les
des Assyriens. inscriptions royales, elle demeura longtemps encore la
Voir, outre les auteurs indiques pour chaque regne ou langue courante et servit pour la redaction des contrats
chaque evenement particulier : H. Rawlinson, Outlines prives. Nous possedons les inscriptions de Sargon d'Agade,
of Assyrian History from the inscriptions of Nineveh, qui, d'apres certains documents, remontent peut-etre a
Londres, 1852; G. Rawlinson, The five great Monarchies 3800 ans avant J.-C., et nous trouvons des contrats prives
of the ancient Eastern world, Londres, 1879, t. i et n: jusque sous les Arsacides, vers la fin du ier siecle de 1'ere
Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and chretienne.
the Old Testament, Excursus on chronology, t. n, III. ECRITURE. Les signes qui ont servi a 1'expres-
p. 160-175; J. Oppert, Histoire des empires de Chaldee sion de la langue assyro-babylonienne se rattachent a un
et d'Assyrie, d'apres les monuments, Paris, 1866; Sayce, systeme d'ecriture absolument different de celui des autres
Synchronous history of Assyria and Babylonia, Londres, langues semitiques. Tout d'abord leur origine est diverse.
1873; J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, traduiles L'ecriture phenicienne et, par son intermediate, la plu-
et mises en ordre sur le texte assyrien, Paris, 1874; part des ecritures semitiques, derivent du systeme hiero-
G. Smith, The Assyrian Eponym Canon, Londres, 1876; glyphique des Egyptiens. Voir ALPHABET. L'ecriture assyro-
Assyria, from the earliest times to the fall of Nineveh, babylonienne, au contraire, precede directement du sys-
Londres, 1877; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne teme hieroglyphique des Chaldeens. De cette diversite
des peuples de I'Orient, Paris, 1885-1887 ; Fr. Hommel, d'origine decoulent des differences multiples, soit dang
Geschichte Babyloniens und Assyriens, 1885; Tiele, la direction de 1'ecriture, soit dans la forme exterieure
Babylonisch- assyrische Geschichte, Gotha, 1886-1888; et la structure intirne des signes. D'abord 1'ecriture assyro-
Maspero, Histoire ancienne des peuples de I'Orient, Paris, babylonienne se lit non plus de droite a gauche, mais
1886. Voir les textes, transcriptions, traductions, dans The de gauche a droite. En outre, les caracteres qui la com-
Cuneiform Inscriptions of Western Asia; Transactions posent ne sont pas formes de traits et de ligatures diver-
and proceedings of the Society of Biblical Archaeology, sement combines, mais d'un element unique, le clou ou
Londres; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, coin, J , , produisant, suivant la disposition et le
Berlin, et dans les autres collections indiquees ci-dessus.
E. PANNIER. nombre meme des elements, des assemblages plus ou.
ASSYRIEN, habitant de 1'Assyrie. La Vulgate em- moins complexes : d'ou le nom de cuneiformes, donne
ploie tres souvent ce mot, mais il n'a pas d'equivalent aux ecritures de ce type. Enfin ces signes sont syllabiques,
direct dans le texte original. L'hebreu emploie sans excep- c'est-a-dire qu'ils expriment un groupe de lettres, une
tion le mot 'Assur, pour designer soit 1'Assyrie, Gen., n, voyelle avec une ou plusieurs consonnes, a la difference
14, etc., soit collectivement ceuxqui 1'habitent. Is., xix, 23, des signes alphabetiques, qui expriment une seule lettre,
etc. Notre version latine a emprunte le mot ethnique une consonne ou une voyelle. Quelquefois ils sont pure-
Assyrie aux Septante, qui ont aussi frequemment tra- ment ideographiques, c'est-a-dire qu'ils reproduisent
duit 1'hebreu 'Assur par 'Aaaupjo;. Gen., n, 14; xxv, 18, 1'objet lui - meme, soit directement, soit indirectement
etc. Voir ASSYRIE. au moyen d'un symbole. Par suite, le syllabaire assyro-
babylonien est bien autrement complique que 1'alphabet
ASSYRIENNE (LANGUE). L'assyrien fait partie phenicien. II ne comprend pas seulement vingt-deux
de la famille des langues semitiques. Cette famille de consonnes, mais bien plusieurs centaines de signes,
langues, ainsi designees parce que la plupart des peuples representant des syllabes ou des ideogrammes, le plus
qui les parlaient sont issus de Sem, Gen., x, 21-31, se souvent 1'un et 1'autre a la fois. Comment s'est pro-
partage en deux groupes : le groupe semitique du nord duite une telle complication, il est aise de 1'expliquer.
et le groupe semitique du sud. L'assyrien appartient au En effet, a chaque hieroglyphe repondait primitivement
groupe du nord. II a sa place marquee entre 1'hebreu et un mot unique; mais, par un besoin de simplification, (i
1'arameen; plus voisin cependant de 1'hebreu que de 1'ara- le meme signe ne tarda pas a designer plusieurs mots
meen, qui deja, par la dentalisation des sifflantes, se rap- synonymes ou de sens voisin. De ces valeurs ideogra-
proche davantage de 1'arabe, et peut etre regarde comme phiques elles-memes deriverent des valeurs syllabiques
la transition entre les idiomes du nord et les idiomes du simples (une consonne precedee ou suivie d'une voyelle :
jsud. ab, ki, ru) ou complexes (une voyelle comprise entre
1171 ASSYRIENNE ( L A N G U E ) 1172
deux consonnes : bat, mit, turn). Soit, par exemple, le tiques ordinaires be, le, par les prepositions originates:
signe forme de plusieurs traits entre-croises, represen- ina, dans; ana, vers.
V. DEVELOPPEMENT LITTERAIRE. La litterature assy-
tant une etoile, >*&f A ce signe correspondent les rienne avait produit des oauvres importantes et nom-
valeurs ideographiques: kakkabu, etoile; Samu, sarnie, breuses, si Ton en juge par les fragments considerables
ciel; Anu, le dieu supreme; ilu, dieu; et la valeur que nous ont reveles, en moins d'un demi-siecle, de
syllabique simple an (derivee visiblement de Anu). Autre Botta a M. de Sarzec, les fouilles operees a Ninive, a
exemple : soit le signe figurant un triangle, une surface Babylone et dans la basse. Chaldee. Les inscriptions qui
limitee et terminee par un sommet, "^4. A ce signe cor- nous ont ete conservees sur ces fragments, bas-reliefs,
prismes ou cylindres, tablettes, sont de nature fort diverse.
respondent les valeurs ideographiques : matu, pays; Elles comprennent: 1 des documents historiques qui ont
kuru, kurtu, region; sadu, montagne; kasadu, permis de reconstituer, sauf les lacunes, les annales des
posseder, conquerir; kisittu, propriete; napahu, rois de Babylone et d'Assyrie, depuis Sargon d'Agade et
s'elever; niphu, lever (en parlant du soleil), et les Naram-Sin (vers 3800 avant J.-C.) jusqu'a Nabonide
valeurs syllabiques complexes mat, kur, sat (abregees (538 avant J.-C.); 2 des contrats d'interet prive qui
de matu, kuru, kurtu, sadu), lat, mat (dont 1'origine est nous renseignent exactement sur les institutions, mceurs
inconnue). Qu'on ajoute a cette polyphonic la polymor- et coutumes; 3 des grammaires et lexiques, des re-
phic, car chaqtie signe a subi, au cours des temps, de cueils de litterature, mythologie, magie, statistique et droit
nombreuses modifications, qui souvent, d'une inscription civil, des traites de sciences naturelles et mathematiques,
a I'autre, le rendent meconnaissable, et Ton aura une des livres d'astronomic et d'astrologie, enfin des pieces
idee des difficultes de la lecture et du dechiffrement de d'archives (tout cela constituant le fond meme de la biblio-
I'assyrien. theque d'Assurbanipal); 4 toute une litterature epis-
IV. CARACTERES. AFFINITES ET DIFFERENCES AVEC LES tolaire inscrite sur de nombreuses tablettes, dont les plus
A.UTRES LANGUES SEMITIQUES. La langue assyro-baby- importantes, decouvertes a Tell el-Amarna , en 1887,
lonienne offre les principaux traits caracteristiques des contiennent la" correspondance des rois et satrapes orien-
langues semitiques: trilitteralite des racines, riche grada- taux avec Amenophis III et Amenophis IV.
tion des lettres gutturales, role preponderant des con- Ces documents ont ete disperses, au hasard des decou-
sonnes dans la constitution des mots, nuances de sens vertes et des acquisitions, dans les divers musees d'Eu-
amenees par le deplacement des voyelles, pauvrete des rope. Dans ce partage des antiquites assyro-babyloniennes,
temps du verbe, dualite des genres, addition de prefixes un lot important est echu au musee du Louvre; mais au
et suffixes, absence de composes, simplicite de la syn- British Museum est devolue sans contredit la meilleure
taxe. part. C'est la que se trouvent reunis les debris de la
Outre ces caracteres, communs a tous les idiomes semi- fameuse bibliotheque d'Assurbanipal, qui a eux seuls
tiques, elle presente eertaines particularites remarquables, forment une masse de plus de cent metres cubes, et dont
qui constituent son originalite et lui font une place a part le contenu represente environ cinq cents volumes de cinq
dans ce groupe de langues. Nous noterons seulement les cents pages in-quarto.
principales : 1 Chute des lettres emphatiques, ', h, h, '. VI. UTILITE DE LA LANGUE ASSYRO-BABYLONIENNE POUR
Exemples : hebreu, 'ah; assyrien, ahu, frere; heb., LES ETUDES BiBLiQUES. Elle est d'un precieux secours
hdlak; ass., alaku, 'alter; heb., rdhoq; ass., ruqu, pour 1'interpretation litterale et critique de la Bible. Voici
lointain; heb., 'drab ; ass., erebu, entrer. quelques exemples :
2 Suppression des diphtongues. Ex.: heb., bait; ass., 1 Pour 1'interpretation litterale. 1 Dans le recit
bitu, maison. 3 Changement de s en I devant les du deluge, la plupart des interpretes ont donne au terme
dentales d, t, t, et en s apres ces me'mes lettres. Ex.: sohar, Gen., vi, 16, le sens de fenetre , et y ont vu un
altur (pour astur), j'ecrivis; lubultu (pour lu- synoriyme de halon. Gen., vm, 6. Quelques-uns cepen-
bustu), vetement; belutsu (pour belutsu), sa sei- dant, s'appuyant sur 1'arabe zahr, lui attribuaient la signi-
gneurie. 4 Dans les noms, substantifs ou adjectifs, fication de dos, toit , et le rapprochaient de mikseh.
la terminaison en u souvent completee par 1'addition de Gen., vm, 13. L'assyro-babylonien siru, dos, plaine, est
la lettre finale m ou mimmation (la mimmation se venu confirmer cette derniere interpretation, qui d'ailleurs
retrouve en sabeeri dans les noms propres, et devient s'accorde parfaitement avec le contexte. 2 Avant le
en arabe la nunnation) : sarru, roi; sarrum-ma, dechiffrement des textes assyro-babyloniens, on n'avait
le roi aussi; les cas obliques marques par les desi- pas bien compris le mot 'oren, qui se trouve une seule fois
nences i au genitif et a a 1'accusatif (on les rencontre dans Isa'ie, XLIV, 14. Les Septante avaient traduit m-ruc,
aussi en arabe) : sarri, du roi; sarra, le roi; Fetat et la Vulgate pinus. On savait done seulement que ce mot
construit (il n'existe que dans les langues semitiques designait une sorte de pin . Or rien de plus frequent,
du nord, hebreu et arameen) : sar (mat) Assur, roi en assyro - babylonien, que le terme erinu, avec le sens
d'Assyrie; la terminaison du pluriel en dni ou e: Hani, de cedre . 'Oren doit etre entendu de mdme. C'est un
les dieux; sarnie, les cieux. 5 Dans le pronom synonyme de 'erez, qui, en hebreu, est le terme ordinaire
personnel, la forme anaku, pour la premiere personne pour exprimer 1'idee de cedre . 3 Le passage sui-
{elle s'est conservee dans 1'hebreu 'dnoki, et est tombee vant, I Esdr., iv, 13: Minddh belo vahdldk Id' intenun
dans les autres langues gemitiques), et, pour la troisieme ve'aptdm malkim tehanziq, avait ete jusqu'ici mal rendu
personne, les formes su, si, au lieu de hu', hi' (elles ont par les interpretes. Dans ce seul membre de phrase, ils
persiste dans le dialecte mineen). 6 Dans le verbe, le n'avaient pas pu rendre compte de la vraie signification
preterit caracterise par des preformantes, iskun, taskun, des mots minddh, belo et ve'aptom. Us attribuaient a
etc. (a la difference des autres langues semitiques, ou le minddh le sens de mesure , en rattachant ce mot a la
preterit est caracterise par des adformantes; hebreu : racine mddad, mesurer. En nous fondant sur les formes
qdfal, qdtldh, etc.); le temps du permansif (il ne se assyro-babyloniennes correspondantes madatu, mandatu
retrouve pas ailleurs) sakin, saknat, etc.; le schaphel, (pour mandantu}., se rattachant a la racine naddnu,
conjugaison de sens causatif, usdskin, tusdskin, etc.; les donner, nous arrivons pour minddh au sens de con-
formes verbales derivees obtenues par Finsertion des deux tributions . Quant au terme belo, on le derivait de bdldh,
consonnes t et n, eomme Yiphtanaal, Yuphtanaal, etc. vieillir, perir, consumer; puis, en rapprochant d'une
7 La formation ordinaire des adverbes par 1'accession maniere forcee les mots consumer, consommer, en
de la finale is : rob-is, grandement; agg-is, forte- faisant un veritable calembour, on lui decouvrait la signi-
ment. 8 Le remplacement des prepositions semi- fication de redevances en nature . Or belo designe tout
1173 A S S Y R I E N N E ( L A N G U E ) ASTAROTH 1174
simplement un tribut, un impot , ainsi que 1'assyro- VII. BIBLIOGRAPHIE. 1 Syllables. Schrifttafel,
babylonien biltu, derive de la racine abalu, apporter. dans Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestncke, in-4, Leipzig,
Mais, entre ces divers mots, le dernier, ve'aptom, a eu i edit., 1876; 2 edit., 1878; 3e edit., 1885; Schrifttafel
re
sans contredit la fortune la plus singuliere. II est curieux et Zeichensammlung, dans P. Haupt, Accadische und
de noter les vicissitudes qu'il a subies, au cours des temps, Sumerische Keilschriftexte, in-4, Leipzig, 1881-1882;
dans 1'ceuvre des traducteurs et eornmentateurs, depuis Amiaud et Mechineau, Tableau compare des ecritures
les plus anciens (Septante, Vulgate, syriaque), qui se babylonienne et assyrienne archa/iques et modernes,
tiraient de la difficulte en sautant le mot, pour n'avoir pas in-8, Paris, 1887; Briinnow, A classified list of all
a le traduire, jusqu'a Gesenius lui - m6me, qui lui trouve simple and compound cuneiform ideographs, in-4,
un equivalent dans le pehlvi afdom, fin; avdom, der- Leyde, 1889.
nier, et le perse fd'm. Voir Gesenius, Thesaurus linguse 2 Grammaires. Sayce, Assyrian grammar, in-4,
hebrsese, p. 143. Or ce terme doit etre rapproche de 1'as- Londres, lr edit., 1875; 2<> edit., 1883; Frd. Delitzsch,
syrien anapiti-ma, contracte en apitima (cf. ammini, Assyrische Grammatik, in-12, Berlin, 1889.
pourquoi, contracte de ana mini) et de 1'hebreupif om. 3 Dictionnaires. Norris, Assyrian, Dictionary
II derive de la racine semitique pdta', pdtah, pdtafy, (inacheve), 3 in4, Londres, 1868-1872; P. Strassmaier,
pdta' (elle existe sous ces diverses formes), qui exprime Alphabetisches Verzeichniss der assyrischen und aeca-
1'idee d'ouvrir, de commencer . 'Aptom doit se tra- dischen Worter, in-4, Leipzig, 1882-1886; Frd. Delitzsch,
duire des 1'abord, aussitot . D'apres ces indications, le Assyrisches Worterbuch (en voie de publication), in-4",
sens de la phrase est celui-ci: S'ils ne payent pas les Leipzig, 1887-1888.
redevances, le tribut et les droits commerciaux, ce sera 4 Textes. Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestucke
d'abord, pour les rois, un reel dommage. (1876, 1878, 1885); Layard, Inscriptions in the cuneiform
'2 Pour Interpretation critique. Certains exegetes, character, in-f, Londres, 1851; H. Rawlinson, The Cunei-
frappes de la similitude qui existe entre la langue du Penta- form Inscriptions of Western Asia, in-f, Londres, 1861,
teuque et celle des Psaumes et des Prophetes, pretendent 1866, 1870, 1875, 1880-1884; F. Lenormant, Choix de
tirer de la une confirmation en faveur de la these qui assigne textes cuneiformes inedits ou incompletement publies
une date relativement recente a la composition de ce livre. jusqu'a ce jour, 3 fasc. in-49, Paris, 1873-1875; P. Haupt,
Us ne peuvent comprendre que la langue hebraique, de Accadische und Sumerische Keilschrif texte (1881-1882);
Moise a Jeremie, ait subi si peu de variations. Get argu- Pinches, Texts in the babylonian Wedge-writing, in-8,
ment doit etre definitivement abandonne. En effet, la fixite Londres, 1882; P. Haupt, Das Babylonische Nimrodepos,
de 1'hebreu n'est pas un phenomene isole dans 1'histoire in-4, Leipzig, 1884-1891; Mittheilungen aus den Orien-
des langues semitiques. L'assyrien, comme nous 1'avons talischen Sammlungen. Heft i, n, in : Der Thontafel-
dit plus haut, est reste sensiblement le meme durant qua- fund von El Amarna, par Winckler et Abel, 3 fasc.
rante siecles. La comparaison d'Horace, Ars poet., 60-62 : in-f<>, Berlin, 1889-1890. J. SAUVEPLANE.
Ut silvse foliis pronos mutantur in annos, 1. ASTAROTH (hebreu : 'Atdrdt, feminin pluriel de
Prima cadunt; ita verborum vetus interit aetas,
Et juvenum ritu florent modo nata vigentque, 'Astoret, deesse des Pheniciens). La Vulgate a employe
quelquefois ce norn comme un pluriel, pour designer en
ne peut etre appliquee qu'a nos langues occidentales; general les deesses adorees par les Pheniciens, en com-
elle ne saurait etre etendue aux langues semitiques. pagnie de Baal, Jud.-, m, 17 (hebreu : 'aserot); x, 6;
L'emploi de tel ou tel mot, moms encore, de telle ou I Reg., "VH, 3, 4; xn, 10; d'autres fois, elle 1'a employe
telle forme orthographique, peut nous renseigner sur la comme substantif singulier, IV Reg., xxin, 13 (hebreu :
provenance d'un morceau, sur son caractere d'antiquite 'Asforet) et aussi, d'apres plusieurs commentateurs,
ou de modernite. Voici deux exemples empruntes a Jud., n, 13, et I Reg., xxxi, 10; dans ces deux passages,
M. J. Halevy : 1 Dans une etude sur Noe, le deluge et le texte original porte 'Asfarof, comme la Vulgate, ce
les Noahides (Recherches bibliques, 13e fasc., xxiv), ce qui doit s'entendre d'une seule idole, d'apres les uns,
savant a cru decouvrir une preuve de Forigine babylo- et de plusieurs, selon les autres. C'est la, d'ailleurs, une
' nienne du recit biblique dans I'exacte correspondance des question sans importance. Astoreth ou Astaroth est la
mots hebreux gofer, tebah, kofer, avec les mots babylo- deesse qui est appelee Astarthe dans la Vulgate, III Reg.>
niens giparu, espece de roseau; tebitu, sorte de xi, 5, 33. Voir ASTARTHE.
vaisseau; kupru, bitume (ce dernier mot est ici par-
ticulierement significatif: il designe d'une facon speciale 2. ASTAROTH (hebreu : 'Astdrot; Septante: 'Aora-
le bitume babylonien, par opposition au mot hemar, Gen., pw6), ville de Basan, residence du roi Og, Deut., i, 4;
xiv, 10; Exod., n, 3, qui sert a designer le bitume pales- Jos., ix, 10; xn, 4; xm, 12; plus tard assignee a la tribu
tinien ou egyptien). 2 Ailleurs, dans ses Notes sur de Manasse, Jos., xm, 31, enfin mentionnee comme ville
, quelques textes arameens du Corpus inscriptionum semi- levitique, dans I Par., vi, 56 (et dans Jos. xxi, 27, sous
ticarum (Recherches bibliques,llefasc.), ce me"me savant la forme Bosra; Septante : Beeo-eepa; hebreu: be'esterdh,
a releve minutieusement, d'apres des inscriptions remon- peut-etre pour Bet'esferdh, maison d'Astarte. Voir
tant au ixe siecle avant notre ere, comme date inferieure, BOSRA).
les formes orthographiques anciennes pour des mots tels Nous lisons en outre, Gen., xiv, 5, que Chodorlahomor
que frs, demi-mine (n 10); sqln, side (n 13, et ses. allies defirent les Repha'ites a Astaroth - Garnaim
passim); *st, femme (n 15), et constate que la trans- (hebreu : 'Asterof Qarnaim; Septante : 'AfrtapwQ Kap-
formation de la chuintante primitive en sifflante (frs au vai'v; Codex Vaticanus : 'A<TTapw9 xal Kapvatv). Garnaim
lieu de frs) ne s'est effectuee que lentement. Or une telle seul (grec : Kapvouv) est mentionne I Mach., v, 26,
remarque est immediatement verifiable dans les livres du 43, 44; II Mach., xn, 21, 26 (Camion, Kapvtov), et Jo-
recueil biblique. Nous avons de cela un exemple frappant sephe, Ant. jud., XII, vin, 4, comme une ville fortifiee
pour le mot shd (ce mot a ete heureusement conserve et d'un acces difficile. Judas Machabee neanmoins s'en
sur un texte entierement fruste, n 35), orthographie rendit maitre. Un temple, qui paralt avoir eu une certaine
avec s, comme le sahaduta' du passage arameen de la celebrite, fut briile a cette occasion. Astaroth, Astaroth-
Genese, xxxi, 47; cf. Job, xvi, 19, et non avec un s (shd), Carnaim et Carnion sont-ils une seule et meme ville ou
forme usuelle de 1'arameen posterieur. Voir F. Vigouroux, des villes differentes? La question est controversee.
La Bible et les decouvertes modernes, 5e edit., t. i, p. 402; L'Onomasticon d'Eusebe, traduit par saint Jerome, dis-
Frd. Delitzsch, The Hebrew language viewed in the light tingue Astaroth, residence d'Og, d'Astaroth-Camaim. La
of Assyrian research, in-12, Londres, 1883. premiere ville y est mentionnee comme etant a six milles
1175 1176
(neuf kilometres) d'Adraa (Edrei, aujourd'hui Der'at); un moulin, tombe par jolies cascades dans 1'ouadi, ou
la derniere, par une erreur assez singuliere, y est placee il continue a couler el ou il est grossi, a quelque distance
dans les environs de la mer Morte, in supercilio Sodo- du marais (toujours vers le midi), par une source, le
morum. Cependant le meme article mentionne deux 'Ain el-Modja'ibe : ces eaux, arrosant un sol admirable-
villages du meme nom d'Astaroth, en Batanee, situes a ment fertile, expliquent a merveille pourquoi Fhomme
neuf milles 1'un de 1'autre, entre Adara et Abila. Ailleurs s'est etabli tres anciennement dans ce lieu. A Test de la
le meme livre nous apprend que Carna'im-Astaroth etait colline et a tres peu de distance, on remarque un mon-
alors (iv e siecle) un grand village , appele Carnaea, la, ceau considerable de pierres, restes informes d'un edifice
ajoutent-ils, d'apres la tradition, on montre la maison de dont la tradition du pays fait des thermes et un mausolee;
Job. Et c'est pour venerer le tombeau de ce saint pa- la credulite populaire croit meme que les tresors des califes
triarche que sainte Sylvie, vers 387, fit le pelerinage de ommyades y sont enfouis.
Carneas. (Peregrinatio, edit, Gamurrini, p. 56 et suiv.) En partant d'ici vers le nord-est, pour traverser 1'Ouadi
Malheureusement le seul manuscrit que nous ayons de el-Ehreir sur le djisr (ponl) du meme nom, on suit jus-
cet interessant Pelerinage presente ici une regrettable qu'a la Route des Pelerins le trace d'une belle voie ro-
lacune. maine. Pour arriver a Tell 'Astara, il fautj de nouveau
Le Talmud babylonien (Soukka, 2 a; voir Neubauer, quitter le grand chemin, car le tell se trouve directement
Geographie du Talmud, p. 246) met Astaroth-Carnaim au nord du precedent, a une distance d'environ sept kilo-
entre deux hautes montagnes qui y repandaient beaucoup metres. II doit avoir a peu pres la meme hauteur et la
d'ombre : interpretation fantastique du mot Qarnaim = meme etendue. Sa plus grande dimension est du nord au
deux cornes (voir Buxtorf, Lexicon, au mot 'Asta- sud. Ici une depression bien marquee court dans la meme
rot). Dans un autre traite talmudique (Pesikta rabbatha, direction, sur toute la longueur du plateau. Les ruines
ch. xvii, dans Neubauer, Geographie., p. 258, 276), un aussi ont le meme aspect general, mais les pierres, dont
Kefar-Qarnaim est mis en relation avec 1'histoire de Job. on a bati quelques enclos pour le betail, m'ont semble
Ajoutons que d'apres Trochon (Introd., t. n, p. 273 ) , plus anciennes : c'est peut-etre parce que les pierres
les celebres listes geographiques de Thothmes HI men- tailless y etaient plus rares. On remarque des arasements
tionnent une ville d'Astartu. de murs si larges, qu'on pourrait les prendre pour des
Des savants eminents, recemment encore R. von Riess, ruelles. A 1'extremite meridionale du plateau se voient
e
Bibel-Atlas, 2 edit., p. 3, ont pense que tous ces ren- des restes qui paraissent etre ceux d'une porte. En bas on
seignements n'ont trait qu'a une seule ville, qu'ils placent apercoit de ce cote des traces de fortifications, nomme-
soit a Tell el-As'ari, soit a Tell 'Astara : deux anciennes ment d'une sorte de tour, batie de blocs basaltiques qu'on
ruines dans le Hauran occidental, a peu de distance pourrait appeler cyclopeens. II est vrai qu'au pied de cette
a 1'ouest du chemin des Pelerins (de la Mecque), colline les debris anciens ne cpuvrent qu'un espace bien
entre Naoua au nord et El-Mozeirlb au sud. (Pour les restreint, en comparaison de ce que nous avons vu a Tell
noms nous suivons 1'orthographe de Schumacher, qui el-A'ari.
d'ordinaire est tres exact; notons neanmoins que sur Ici encore le tell est presque entierement entoure d'eau.
les lieux j'ai entendu prononcer El-'Asari pour El-As'ari. A Test, c'est un ruisseau large, mais peu profond et peu
Cependant la derniere forme est aussi donnee par Wetz- rapide, sortant d'une petite source situee au nord du tell,
stein.) le 'A'in 'Astara ou 'Ain Abou-'1 -Hammam (source du
Le Tell el-Ag'ari est une colline artificielle qui s'eleve pere du bain). _A 1'ouest, la colline est longee par le
a 25 ou 30 metres sur la plaine environnante, et a Moyet en-Nebi Eyoub (eau du prophete Job), dont nous
470 metres au-dessus du niveau de la mer. Sur le som- trouverons la source a Seih Sa'd.
met, on remarque une depression de terrain qui court Car on s'approche ici du pays traditionnel de Job. En
du centre a 1'extremite meridionale, et c'est dans les se dirigeant vers le nord-nord-est, on franchit apres vingt
deux pointes ainsi formees des deux cotes que Schuma- minutes un petit cours d'eau; cinq minutes apres, on
cher a voulu voir les deux cornes qui auraient donne a trouve une petite source, et apres vingt autres minutes,
Astarolh le surnom de Carnaim, Astaroth aux deux on arrive a la partie meridionale du Seih Sa'd, le Merkez
cornes. La colline est occupee par un petit village de (centre) ou siege du Motasarrif (gouverneur) du Hauran
negres : en 1885, Schumacher y comptait une cinquan- (fig. 327). C'est un groupe d'edifices modernes, batis
taine de huttes; mais, en 1890, on ne me parlait plus que en belles pierres taillees, autour d'une place carree d'en-
de vingt families. C'est le seul village de Syrie ou les habi- viron cent metres de cote : le serdya (hotel du gouver-
tants m'aient dit qu'ils n'avaient pas de betail. D'apres nement) au sud, le bureau telegraphique a l'est> une
leur temoignage, cet endroit n'est habile que depuis dix caserne au nord, et la residence privee du Motasarrif a
ans. Les gens y sont venus de Seih Sa'd. (Voir ci-des- 1'ouest. Plus loin, vers Test, on voit les maisons des divers
sous.) employes et un petit bazar.
Les ruines anciennes, dispersees sur le reste du plateau, C'est ici que se trouvait le celebre couvent de Job ,
ne sont que des pierres informes de nature basaltique. peut-etre le plus ancien couvent du monde, bati, selon
On y decouvre neanmoins les restes d'un mur qui semble des auteurs arabes, par le roi jefnide 'Amr Ier, probable-
avoir entoure le sommet, a 1'exception peut-etre du cote ment vers le milieu du me .siecle apres J.-C. Wetzstein ,
ouest et nord-ouest, ou il etait protege naturellement par en 1860, en trouva encore des restes considerables, qui
le profond Ouadi el-Ehreir, aux flancs presque perpen- ont du faire place au Merkez. II n'y reste maintenant que
dieulaires. M. Schumacher a trouve les traces d'un second deux pieces anciennes : 1'une est dans Tangle nord-ouest
et meme d'un troisieme mur de defense au pied meri- et fait partie de la caserne; 1'interieur, tout badigeonne
dional de la colline; et de nombreux vestiges d'anciennes en blanc, n'a rien de remarquable; a 1'exterieur, sur le
habitations, dispersees de ce cote dans la plaine, le font linteau de la porte, une croix avec A et Q en atteste
ineliner a chercher la 1'ancienne ville, dont le tell n'au- encore 1'origine chretienne. L'autre piece ancienne se
rait etc que 1'acropole. Maintenant ce terrain est couvert trouve a 1'ouest de la place carree, et porte le nom de
de petite jardins et de vignes, ou les anciens debris fini- Maqdm Eyoub, Place de Job; c'est la que les musul-
ront bientot par disparaitre. J'y ai cherche en vain une mans viennent venerer les tombeaux du saint patriarche
pierre basaltique avee une inscription arabe, mentionnee et de sa femme. Malheureusement ces tombeaux sont de
par le meme explorateur. date tres recente. On montrait encore a Wetzstein le
Plus loin, vers le midi, se trouve le Bahret el-As'ari, tombeau de Job la ou nous allons trouver celui de Seih
espece de petit lac ou plutot de marais, d'ou sort un ruis- Sa'd, c'est-a-dire a un. bon kilometre plus loin vers le
seau qui ne tarit jamais, el qui, apres avoir fait tourner nord.
1177 ASTAROTH 1178
La se trouve, adosse a une colline oblongue qui n'a (est-ouest), surmonle a I'extremite meridionale d'une
guere qu'une douzaine de metres de hauteur, le village petite tour couronnee d'un dome blanc. Le toil est fait
de Seih Sa'd ou Es-Sa'diyeh, habite par deux ou trois de grandes plaques de basalte, et soutenu par six colonnes
cents negres, dont les ancetres auraient ete emmenes ici carrees et dix pilastres adosses aux murs, reunis ensemble
du Soudan par le scheich (seih) meme qui a donne son par des arcs pointus. Dans le fond meridional, on re-
nom au pays. Le pauvre hanieau n'a rien d'interessant, marque un joli mihrab (niche de pierre), flanque de
si ce n'est un bon nombre de chambres soirterraines deux petites colonnes de marbre. Malheureusement 1'edi-
qui en attestent la haute antiquite. Au pied meridional fice tombe en ruines; une immense breche s'est deja faite
de la colline s'elevent deux sanctuaires, moitie anciens, dans le mur oriental, et tout le pave est couvert de debris.
moitie modernes, et surmontes Tun et 1'autre d'un large Mais 1'objet principal de la veneration des musulmans
dome. Le premier, auquel on arrive en venant du Mer- est la Pierre de Job , bloc de basalte d'environ deux
kez, est le maqdm ou oueli de Seih Sa'd, ou se trouve metres de haut et de plus d'un metre de large, place a
le tombeau de ce personnage avec un oratoire. Pour y peu pres entre les premieres colonnes, en face du mihrab.
entrer, il faut traverser une grande cour plante'e de C'est la pierre, dit-on, qui servait d'appui au saint
beaux saules et ayant un bassin au milieu. C'est bien patriarche, au jour ou il etait visite par Dieu. En rea-
1'ancien sanctuaire de Job, le Maqdm Eyoub de Wetz- lite, c'est un monument egyptien representant le roi
stein, ou le tombeau du patriarche de 1'Ancien Testa- Ramses II dans 1'acte de sacrifice ou d'adoration devant
ment se venerait alors, a cote de celui du seih sou- nn dieu portant la double couronne. Nous ne saurions
danais. Mais celui-ci, en abusant de 1'hospitalite recue, douter que c'est la meme pierre qui est mentionnee deja
a fini par chasser* Job de son propre oueli, pour se 1'ap- par sainte Sylvie, et qu'on disait alors avoir ete trouvee
proprier tout seul. Cependant 1'autre sancluaire, situe tout sur le tombeau du saint patriarche. C'est pourquoi nous
pres ve'rs Test, porte encore son nom : c'est le Hammdm pensons que ce sanctuaire-ci doit etre le plus ancien,
Eyoub, bain de Jb. La, dit-on, le grand patriarche d'autant plus que, selon Wetzstein, il est venere aussi
venait se baigner. L'eau y vient d'une source abondante, par les rares Chretiens du Hauran. La mosquee actuelle
situee a peu de distance, egalement au pied de la colline. neanmoins nous parait etre d'origine musulmane. Du
Cette source de Job fournit aussi 1'eau necessaire au reste tous ces souvenirs de Job, le couvent, le bain, la
village, arrose les jardins bien cultives qui se trouvent source, la mosquee et la pierre, sont mentionnes par les
au midi et a 1'ouest, et donne encore naissance au ruisseau auteurs arabes des le xe siecle. Aux temoignages connus
que nous avons rencontre pres de Tell 'Astara, sous le de Mas'oudi,Yaqout, Qazouini, Moqaddasi, nous pourrions
nom de Moyet (en-nebi) Eyoub. ajouter celui de Mohammed el-Halebi, dans son livre
Enfin, au-dessus du village, a Textremite sud-est de la Sur les beautes de la Syrie, ne partie, ch. vi (Bibl. de
colline, on apercoit de bien loin la mosquee du Sahret Leyde, Cod. Arab., 1466, fol. 140 verso}. Une allusion a
Eyoub (Pierre de Job), edifice rectangulaire de plus de la source se trouve encore dans le Coran, xxxvin, 41, ou
treize metres de long (nord-sud) et dix metres de large Dieu dit a Job de frapper la terre du pied, et il jaillit une
1179 ASTAROTH ASTARTHE 1180
source puriflante, rafraichissante et etan chant la soif t. s'appliquer aux environs immediats de Seih Sa'd, ce vil-
La localite de 'Astara est nominee dans Boha ed-dm, lage se trouvant adosse a une basse colline, au milieu
Vita Saladini, Liege, 1732, p. 66 et suiv. d'une plaine. Mais il n'est peut-etre pas necessaire de le
Les auteurs Chretiens du moyen age n'ont guere connu restreindre aux environs immediats; le plateau du Hau-
ces localites. Neanmoins _un catalogue de reliques du ran occidental, quoique n'offrant a 1'ceil qu'une plaine
xiii6 siecle, public par M. Battifol, dans la Revue biblique, aussi unie qu'immense, est en realite, surtout dans la
1892, p, 202, nous informe qu'alors le tombeau (piramus) partie meridionale, coupe par un reseau complique d'oua-
de Job etait en veneration chez les Chretiens orientaux dis aussi raides que profonds, et parfaitement invisibles
aussi bien que chez les musulmans. (Voir, sur tous les a distance : ce qui en fait un pays bien traitre pour une
lieux mentionnes : Wetzstein, .Das lobskloster, dans De- armee etrangere. Les croises en ont fait de tristes expe-
litzsch, Das Buch lob, p. 507 et suiv.; Schumacher, riences. Si cette conformation du pays ne suffit pas
Across the Jordan, p. 187-209; et, dans la Zeitschrift pour justifier les expressions du texte sacre, on sera
des deutschen Palastina - Vereins, divers articles de oblige de chercher ailleurs le Carnaim ou Carnion des
Schumacher, t. xiv, p. Ii2 et suiv.; comte de Schack- Machabees. Rien du reste ne s'y oppose.
Schackenberg, t. xx, p. 193 et suiv.; Erman, p. 205 et Ainsi au lieu d'une seule ville (Astaroth-Carnaim) nous
suiv., et Van Kasteren, t. xiv, p. 213 et suiv., et t. xv, en aurons au moins deux, tres rapprochees 1'une de
p. 196 et suiv.) 1'autre, assez probablement trois; et meme 1'hypothese
Reste a traiter la question de 1'emplacement d'Astaroth d'une quatrieme, le Carnaim des Machabees, ne peut
et de Carnaim (peut-etre des Astaroth et des Carnaim) etre definitivement rejetee. J. VAN KASTEREN.
de la Bible. D'abord 1'existence des traditions de Job a
Seih Sa'd ne nous laisse aucun doute sur 1'identite de 3. ASTAROTH-CARNAIM, ville a 1'est du Jourdain.
cet endroit avec le Carnaaa de YOnomasticon et le Carneas Gen., xiv, 5. Voir ASTAROTH 2.
de sainte Sylvie; 1'Astaroth (pres de) Carnaim d'Eusebe
et saint Jerome devra done etre le Tell 'AStara; rien ASTARTHI;, divinite chananeenne dont le culte s'in-
n'empeche d'y trouver aussi 1'Astaroth de Genese, xiv, 5, troduisit chez les Hebreux a diverses epoques; a ce titre
meme en preferant la lecon du Codex Vaticanus: Asta- seulement elle "est plusieurs fois mentionnee dans la
roth et Carnaim. Bible. Astarte est la forme grecque du nom : Septante,
Cette lecon etant admise, il n'y a rien dans la Bible 'AorapT^; en hebreu, il se prononce au singulier 'ASto-
qui nous empeche d'identifier encore le meme Astaroth ret, au pluriel 'Astdrot; de la, dans la Vulgate, Astarthe,
avec la residence d'Og. II nous reste cependant bien des III Reg., xi, 5, 33, et Astaroth. Jud., n, 13; in, 7, etc.
doutes si celle-ci ne doit pas etre placee a Tell el-As'arl: L'emploi du pluriel pour le nom de la deesse doit s'ex-
d'abord la lecon citee reste au moins bien douteuse; pliquer, comme pour le nom du dieu, Baalim: ou bien
les deux villages du meme nom, connus par Eusebe; parce qu'il se rapporte a la pluralite des images (Gese-
1'existence enfin d'un nom assez semblable, attache a nius, Thesaurus, p. 1082, et deja S. Augustin, Lib. qusest.
des ruines importantes, jusqu'ioi sans nom ancien : tout in Jud., n, 13, t. xxxiv, col. 797), ou bien parce que Fhe-
cela nous fait incliner de ce cote. La distinction entre breu emploie souvent la forme du pluriel pour un sin-
les deux Astaroth a ete. admise aussi par Wetzstein, gulier abstrait; la signification primitive de ces noms de
Sepp et d'autres, qui ont cherche la residence d'Og dieux serait abstraite. Schlottmann, Zeitschrift der deut-
dans la ville celebre de Bosra, au pied des montagnes schen morgenldndisches Gesellschaft, t. xxiv, p. 649-650.
du Hauran. Avouons cependant que le nom actuel, El- Notons qu'en assyrien le pluriel istarati est pris parfois
As'arl, differe sensiblement d''Astaroth, et meme du. dans le sens de deesses en general : Les dieux (Hi) et
mot plus ou moins synonyme d'ASera, et. que les dis- les istarati qui habitent le pays d'Assur. Schrader, Kei-
tances d'Edrei et de 1'autre Astaroth (dix-huit et sept linschriften und A. T., 2 edit., 1883, p. 180. L'etymo-
kilometres) ne repondent pas exactement aux chiffres de logie du nom reste encore problematique. Les uns, s'ap-
YOnomasticon. puyant sur le caractere sideral de la divinite, 1'ont rattache
D'autres autorites recentes (Buhl et Furrer, dans la a la racine qui a donne en zend actar, en grec <mf)p,
Zeitschrift des deutschen Palastina - Vereins, t. .xiii, et qui est passee chez les Hebreux sous la forme du nom
p. 42, 198), tout en laissant Astaroth a Tell 'Astara, le judeopersan Esther. Gesenius, Thesaurus, p. 1083; Schra-
separent completement de Carnaim. Selon Buhl, Car- der, Keilinschriften, p. 179, et Frd. Delitzsch, Smith's
naim est encore inconnu; Furrer dit: Karnaim (Gen., chalddische Genesis, in-8, Leipzig, 1876, p. 273, pen-
xiv, 5), Karnain (Septante, loc. cit., et I Mach., v, 26, sent aussi que ce nom n'est pas d'origine semitique, mais
43, 44), Karnion (II Mach., xii, 21), Agrsena, Grsena dans appartient plutot au sumero-accadieri, dont 1'existence
les inscriptions (voir Le Bas et Wao'dington, in, 561), est est aujourd'hui contestee, D'autres, au contraire, le ratta-
le Kren actuel (d'autres ecrivent Dschren, Dschuren), chent a une racine semitique qui donne en arabe le verbe
l
dans le Ledjah. De cette localite, il est dit tres exacte- asara, unir; il conviendrait ainsi a la deesse de
ment, II Mach., xii, 21, qu'elle est d'un siege difficile et 1'amour et de la fecondite, comme le nom de la deesse
d'un acces difficile, a cause de 1'etroitesse de tous les lieux babylonienne Mylitta, de la racine ydlad, celle qui fait
(8ca-TY)v TiavTwv TWV TOTCWV o"rVOTr)Ta). Pour le Carnaim concevoir, enfanter; ou bien ce nom laisserait encore
de Genese, xiv. 5, cette opinion ne nous parait pas admis- entendre, d'apres Schlottmann, qu'Astarthe forme le lien
sible; quelque lecon qu'on admette, Carnaim y reste trop d'union de plusieurs tribus ou cites, comme le Baalberith
intimement lie a Astaroth pour ne pas I'identifier avec Car- ou Baal de 1'alliance; en fait, elle etait devenue, en Chypre
naim - Astaroth de YOnomasticon, pays de Job. Peut-etre et en Sicile, une Aphrodite Pandemos. En faveur de 1'ori-
1'hypothese de Furrer est-elle applicable au Carnaim des gine semitique du nom, contentons - nous de remarquer
Machabees. Les noms composes, Carnaim-Astaroth = Car- que lastdrdt se rencontre comme nom commun dans
naim (pres) d'Astaroth, et Astaroth - Carnaim = Astaroth Deut., vii, 13; xxvin, 4, 18, 51, partout dans une meme
(pres) de Carnaim, ne semblent devoir leur origine qu'au formule ou il se rapporte a la fecondite des femelles du
besoin de les distinguer 1'un et 1'autre d'autres localites troupeau. Dieu doit benir ou maudire les portees des
homonymes. C'est ainsi qu'on dit maintenant : Safed (de bcfiufs et les 'astdrot du troupeau . Le nom peut done
= pres de) Qatamoun, Busr (de = pres de) el-Hariri, repondre a 1'idee d'un dedoublement feminin de la divi-
Yafa (de = pres de) en-Nasira (Nazareth), etc. Ces noms nite : idee qui a ete, chez les peuples anciens, une source
supposeraient done 1'existence d'un autre Carnaim, aussi de tant de reveries mythologiques, et un principe de
bien que celle d'un autre Astaroth. II faut avouer aussi corruption dans les croyances et le sentiment religieux.
que le texte cite par Furrer (II Mach., xii, 21) ne saurait Cette idee est absolument opposee a la conception reli-
1181 ASTARTH&
gieuse de la Bible, qui ne nous parle d'Astarthe que pour d'Astarthe avant celui ae roi, comme le montre 1'inscription
nous dire en quelles circonstances les Hebreux se lais- d'un sarcophage royal trouve a Saida; elle commence ainsi:
serent entrainer a son culte, interdit comme celui de C'est moi, Tabnit, prdtre d'Astarthe, roi des Sidoniens,
toutes les divinites etrangeres. (Nous mettons entre cro- fils d'Eschmunazar, pretre d'Astarthe, roi des Sidoniens,
chets les passages ou la deesse est appelee Aschera, car qui suis coucbe dans cette arche. Acad. des inscript.
la Bible designe aussi sous ce nom tantot la deesse elle- et belles-lettres, 1887, 4<* serie, t. xv, p. 183, 340. Apres
meme et tantot sa representation symbolique. Voir AS- la mort de Tabnit, le sacerdoce d'Astarthe passa a sa veuve
CHERA.) A peine etablis au milieu des populations Amastart, appelee pretresse (kohenet) d'Astarthe sur
chananeennes, apres la eonquete, les Hebreux se melerent le sarcophage d'Eschmunazar II, conserve au Louvre.
aax cultes locaux de Baal et d'Astarthe. Jud., n, 13; [m, 10] Corp. inscript., 1.1, n. 3, 1. 14-15. Bien avant Tabnit, le
x, 6; cf. I Reg., xn, 10. Le prophete Samuel parvint a pere de Jezabel devait aussi reunir en sa personne les digni-
les en detourner. I Reg. vn, 3, 4. Dans les dernieres tes sacerdotale et royale; d'apres III Reg., xvi, 31, Ethbaal
annees de Salomon, parmi les divinites qui eurent des
sanctuaires royaux, figure Astarthe, dieu [deesse] des
Sidoniens . HI Reg., xi, 5, 33. Ce ne fut que sous le
troisieme successeur de Salomon, Asa, que ces cultes im-
purs furent deracines a Jerusalem, III Reg., xv, 12, et
en particulier celui d'Aschera, f . 13. Chasse du royaume
de Juda, il s'introduisait quelque temps apres dans celui
d'Israel, a la suite de I'alliance de la maison d'Amri avec
celle' des rois de Sidon. Jezabel, mariee a Achab, ramena
avec elle dans le royaume d'Israel le culte de Baal et
celui d'Astarthe. [Ill Reg., xvi, 31-33; xvm, 19.] Avec
Athalie, la fille de Jezabel, ces cultes penetrerent aussi
en Juda. [IV Reg., xi, 18; cf. II Par., xxiv, 7,18.] Dieu S29. Arche d'Astarthe.
suscita les prophetes Elie et Elisee centre 1'invasion de IULIA PAULA. AUG. TSte de Julia Paula. $. COL AYR
ces divinites en Israel, et aussi la reaction violente de Jehu. PIA MBTR SID. Embleme d'Astarthe, place sur un char sur-
Sous Achaz et surtout sous Manasse, 1'embleme de la mont6 d'un dais a quatre colonnettes.
deesse reparut a Jerusalem. [IV Reg., xvm, 4; xxi, 7;
XXIM, 4 ] Malgre les reformes successives d'Ezechias et est roi des Sidoniens, et, d'apres Josephe, pretre d'Astarthe.
de Josias, elle eut encore des devots, que les derniers Des medailles frappees a Sidon, a 1'epoque romaine,
malheurs du royaume de Juda ne parvinrent pas a cor- representent tantot le char ou 1'arche roulante d'Astarthe
riger; car c'est elle sans doute que s'obstinaient a adorer (fig. 329), tantot le vaisseau qui porte la deesse (fig. 330).
comme la reine du ciel ces egares dont nous parle Les Pheniciens repandirent le nom et le culte d'Astarthe
Jeremie, XLIV, 17, 18, 19, 25; dans leurs colonies, et on le retrouve sur leurs inscriptions
cf. viz, 18. Nous n'avons
guere, dans tous ces passages,
que le nom de la deesse, et,
en passant, quelques donnees
incompletes sur 1'extension de
son culte, sur ses attributs, sur
la nature meme de ce culte,
donnees qu'il importe d'eclairer
par des renseignements puises
330. Astarthe maritime de Sidon.
aux monuments profanes.
I. Extension de son culte. SIA. Tete de femme tourelee. fy SIAQNIQN. AstartM
La Bible la donne en particu- debout sur une galere tenant de la main droite le gouyernail
et de la gauche la stylis cruciforme.
lier comme la divinite des
Sidoniens . Ill Reg., xi^ 5, 33;
IV Reg,, xxm, 13. On a re- a Citium et Idalium, en Chypre; a Malte, en Sicile, a Car-^
trouve en Phenicie de nom- thage, en Sardaigne. A 1'epoque greco-romaine, beaucoup
breuses representations de la de ces sanctuaires prirent le nom d'Aphrodite-Venus;
deesse. Une figurine conservee mais son origine et son vrai nom n'echappaient pas aux
maintenant au Louvre nous la gens instruits. Cf. Ciceron, De nat. deor., in, 23: La
represente debout, vetue d'une quatrieme (Venus) est la Syrienne, concue a Tyr; elle
longue tunique et tenant une est appelee Astarthe, et 1'on dit qu'elle epousa Adonis.
colombe de la main gauche Dans la region syro-palestinienne, on trouve partout des
(fig. 328). Nous connaissions traces de son culte : a Hierapolis dans la Syrie du nord,
aussi, par les auteurs grecs et a Heliopolis dans la Syrie centrale, des temples lui sont
remains, les attaches pheni- consacres. Chez les Philistins, il y avait un temple d'As-
ciennes d'Astarthe. Les inscrip- tarthe, ou furent deposees les armes de Saul. I Reg.,
tions pheniciennes nous ont xxxi, 10. A Test du Jourdain, une ville, celebre des le
surtout montre 1'importance de temps d'Abraham, Gen., xiv, 5, porte le nom de la deesse,
son culte a Sidon; elles nous Astaroth-Carnaim; ailleurs, dans le Hauran, pres de Qana-
328. Astarthe. parlent du temple de la deesse, ouat (autrefois Canath, I Par., n, 23), on a trouve parmi
Terre cuite phenicienne. con tenant des ex-voto. Les me- les ruines d'un temple une figure colossale d'Astarthe,
Musee du Louvre. dailles la representent comme executee en haut relief. II ne reste qu'une partie du visage
la divinite tutelaire. Dans les de la de"esse. j. L. Porter, Handbook for Syria and Pa-
noms propres pheniciens, le nom d'Astarthe entre sou- Iestine,l815, p. 480. Id., Five years in Damascus, 1856,
vent en composition : Abdastart, Bodostart, Ger(?)astart, t. H, p. 106; S. Merril, East of the Jordan, 1881,
Astaryathan, pour les hommes; Amastart, pour les femmes. p. 40-42. Un autre bas-relief, mieux conserve, trouve
Corpus inscript. Semitic., t. I, p. 13, 21, 264, 269, 340, au meme lieu, nous represente la deesse sur le cote d'un
341, etc. Les rois de Sidon placent mme le titre de pretre autel. Des rayons sont au-dessus de sa tete. A gauche, on
1183 ASTARTHfi 1184
voit les restes du croissant dans lequel elle etait placee de Tanit, on lit sur les ex-voto : A la grande Tanit face
(fig. 331). Voir J. Pollard, On the Baal and Ashtoreth de Baal et au seigneur Baal. Corp. inscript., 1.1, nos 180
altar discovered at Kanawat in Syria, dans les Pro- et suiv. Des etrangers pouvaient demeurer incertains sur
ceedings of the Society of Biblical Archaeology, avril 1891, le genre de la divinite de Carthage, comme le montre la
t. xin, p. 293. La stele de Mesa, Jigne 17, nomme Astor- formule d'imprecation que nous a laissee Macrobe, Satur-
Kamos, divinite a laquelle le roi moabite voua les prison- naL, in, 9 : Si c'est un dieu, si c'est une deesse, sous
niers. Enfin, avec les inscriptions cuneiformes, nous voyons la tutelle de qui est le peuple et la ville de Carthage.
s'etendre bien au dela, vers 1'Orient, le domaine de la Parfois le nom de la deesse ne forme qu'un tout avec
deesse. On retrouve, en effet, 1'Astarthe ehananeo - phe- celui d'une divinite masculine : Eschmun-Astoret, Molok-
ATAROTH (hebreu : 'Atdrot, couronnes, une fois 2. ATAROTH. Le texte hebreu mentionne dans le pays
avec le cholem defectif, Num., xxxn, 34; Septante : de Moab une autre Ataroth, ' Atrot-Sofdn ; Septante : T^V
'ArapwO), nom de plusieurs villes situees des deux cotes So^ap. Num., xxxir, 35. Elle est appelee dans la Vul-
du Jourdain. II se retrouve, a J'etat construit, dans les gate Etroth et Sopham. Voir ETROTH.
composes suivants : 1 'Atrot-Sofdn, Num., xxxu, 35; A. LEGENDRE.
2 'Atrot-'Adddr, Jos., xvi, 5; xvm, 13; 3 'Alrot-bet- 3. ATAROTH (Septante : 'A^atapwGt, corruption des
Yo'db, I Par., n, 54. II s'est conserve, sous la forme 'Atdra, deux mots 'Ap^t 'AtapwO, qu'on distingue generalement,
dans plusieurs localites actuelles de la Palestine, sans avec les principales versions), ville frontiere meridionale
qu'elles correspondent toujours pour cela aux cites bi- de la tribu d'Ephra'im [?]. Jos., xvi, 2. Son emplacement
bliques. est tres difficile a determiner. Suivons pour cela bien
exactement la delimitation tracee par le texte sacre. Le
1. ATAROTH, une des villes du pays de Jazer et du lot echu aux enfants de Joseph part du Jourdain, aupres
pays de Galaad , Num., xxxn, 1, 3, enlevee a Sehon, de Jericho et de ses eaux (Am es-Soulthdn), vers 1'orient :
roi des Amorrheens, Num., xxxn, 33, et rebatie ou for- [suit] le desert qui monte de Jericho a la colline de Bethel
tifiee par les fils de Gad, Num., xxxn, 34. Les cites parmi (Beitin). Et il sort de Bethel Luza et passe vers les fron-
lesquelles elle est mentionnee suffiraient a elles seules tieres de 1'Archite, vers Ataroth ; et il descend a 1'occident
pour nous indiquer son emplacement d'une facon gene- vers la trontiere du Japhletite jusqu'aux confins de Betho-
rale : Dibon (Dhibdn) et Aroer (Ar'dir), un peu au- ron inferieure et jusqu'a Gazer, et il aboutit a la mer
dessus de 1'Arnon; Hesebon (Hesbdn), vis-a-vis de la (Mediterranee). Jos., xvi, 1-3. Deux villages appeles
pointe septentrionale de la mer Morte; Eleale (El 'Al) 'Athdra, , et 'Atdra, I U f r , sont assez rap-
au nord-est, et Nebo (Neba) au sud-ouest d'Hesebon.
Elle se trouvait done bien dans la region qui s'etend a proches de la ligne decrite depuis Bethel jusqu'a Betho-
Test du lac Asphaltite. Son nom s'est conserve a peu pres ron. Le premier, situe au nord-ouest de Beitin et au
intact dans le Djebel Attarus et le Khirbet Attarus, sud-ouest de Djildjilia, s'eleve sur une hauteur, avec une
(jwjijIjC* ou ,j*jJC, situes a quelque distance au nord- population d' environ trois cents habitants. Robinson , Bi-
blical Researches in Palestine, 3 in -8, Londres, 1856,
ouest de Dibon. Voir la carte de la tribu de RUBEN. t. 11, p. 265, et V. Guerin, Description de la Palestine,
A cette identification on a oppose 1'objection suivante : Samarie, t. n, p. 169, pensent qu'on peut probablement
Ataroth ne pouvait etre placee si bas, puisque 1'extreme 1'identifier avec la ville dont nous parlons. Et, en effet,
limite meridionale de la tribu de Gad ne descendait.pas par sa position, Athara pouvait etre choisie comme un
au-dessous d'Hesebon. Jos., xm,26. Cf. Grove, dans des points de la frontiere sud d'Ephraim : de la on des-
Smith's Dictionary of the Bible, Londres, 1861,1.1, p. 134. cend a 1'occident jusqu'aux confins de Bethoron infe-
Nous repondrons d'abord que la difficulte est la meme rieure . Jos., xvi, 3. Le second, situe entre El-Bireh
pour Dibon et Aroer, situees plus au sud encore, et dont (Beroth) au nord et Er-Ram (Rama) au sud -est, rentre
la position neanmoins ne peut souffrir aucun doute. En- evidemment dans la tribu de Benjamin; c'est 1'Ataroth
suite les villes de celte premiere contree conquise par les mentionnee par YOnomasticon, Goettingue, 1870, p. 222,
Israelites, apres avoir ete restaurees indistinctement par comme appartenant a cette tribu, une des deux Ataroth
les enfants de Ruben et de Gad, furent plus tard reparties indiquees dans le voismage de Jerusalem. Cf. S. Jerome,
entre eux d'une maniere speciale, en sorte que Dibon, Ata- Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxin, col. 872.
roth et Aroer, quoique rebaties par Gad, Num., xxxn, 34, Placee au-dessous de Bethel, et, sous le rapport de 1' al-
furent, d'apres le partage, attributes a Ruben. Jos., xni, titude, au-dessus de Bethoron inferieure, cette localite,
16,17. sans faire partie du territoire d'Ephraim , pouvait cepen-
Les ruines connues sous le nom de Khirbet Attarus dant servir aussi, comme direction generale, au trace des
consistent en une masse de pierres brutes, des rangees limites. Voir EPHRAIM, tribu et carte, ou BENJAMIN. Cette
de murs demon's, des lignes de fondations eparses sur ville est -elle distincte d' Ataroth Addar? Voir ATAROTH
un long sommet, de larges cavernes et des citernes circu- ADDAR. A. LEGENDRE.
laires. Parmi ces debris s'elevent quelques figuiers et de
vieux terebinthes au tronc noueux. De ce point la vue est 4. ATAROTH ADDAR ( 'Atrot -'Adddr; Septante:
tres etendue: par un ciel clair on apercoit Bethlehem 'AiaptiO xat 'Epwx, Jos., xvi, 5; MaatapwS 'Opd^, Jos.,
et Jerusalem, le Garizim et le Gelboe. Le Tell Chihan xvm, 13), ville situee sur la frontiere des deux tribus
domine la plaine au sud, tandis qu'a Test de petits points, dlEphraim et de Benjamin. Jos., xvi, 5; xvm, 13. La
1205 ATAROTH ADDAR ATHAIAS 1206
lecon des Septante, outre les fautes de copistes glissees dominent la vallee du Jourdain. C'est une pure hypo-
dans le texte grec, suppose une lecture primitive diffe- these.
rente : pour la derniere partie du mot, les traducteurs On trouve bien,.du cote de la frontiere nord d'Ephraim,
ont lu -JIN, avec resch et caph final, au lieu de TTS. un village appele 'Atdra. II repond certainement a I'Ata-
Nous sommes ici encore en presence de difficultes presque roth signalee par Eusebe, dans YOnomasticon, Gcettingue,
insolubles. Le premier passage ou il est question de cette 1870, p. 221, comme etant a quatre miiles (environ six
ville, Jos., xvi, 5, n'est qu'un resume des versets pre- kilometres) de Sebaste (Samarie). Saint Jerome, Liber de
cedents, dans lesquels est decrite la limite meridionale situ et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 871, ajoute
d'Ephraim et de Manasse. Voir ATAROTH 2. Arrivant au que cette bourgade etait situee au nord de la meme ville.
trace special des frontieres d'Ephraim, 1'auteur sacre re- Or c'est exactement la position qu'occupe 'Atara , a la
prend la ligne du sud d'une facon generale, de Forient difference d'un mille en plus. Cf. V. Guerin , Samarie,
a 1'occident, en ne signalant que deux points principaux: t. n, p. 214-215. Mais cet emplacement ne rentre pas
La frontiere des enfants d'Ephraim selon leurs families dans la ligne de la frontiere orientate, telle qu'elle est
et la frontiere de leurs possessions est, a 1'orient, Ataroth tracee par 1'Ecriture Sainte. Voir EPHRA'IM , tribu et
Addar jusqu'a Bethoron superieure, et ses confins se ter- carte. A. LEGENDRE.
minent a la mer. La mention de Bethoron superieure
au lieu de Bethoron inferieure ne change rien, car les 6. ATAROTH (hebreu : ' A trot -bet- Yd' db; Septante:
deux villes si rapprochees se confondent dans 1'etendue 'Atapw6 oixou 'Iwa6 ; Vulgate : Corona domus Joab,
du plan. Ce qui semble resulter de ce texte, c'est qu'Ata- Couronne de la maison de Jacob, nom qui, dans les
roth Addar est identique a 1'Ataroth du f . 2. Cependant listes genealogiques de la maison de Juda, I Par., n , 54,
que signifie 1'expression a 1'orient ? Ataroth, par sa indique probablement une localite , comme les mots pre-
position meme entre Bethel et Bethoron, appartient au cedents, Bethlehem et Netopha. Elle est inconnue.
midi plutot qu'a Test de la tribu. N'y a-t-il point quelque A. LEGENDRE.
lacune dans ce passage? ATBACH , terme cabalistique. Voir ATHBASCH.
Nous trouvons le meme nom dans un autre endroit de
1'Ecriture, Jos., xvm, 13. II s'agit ici de la frontiere nord ATER, ATHER, hebreu : Ater, lie, muet; Sep-
de Benjamin, qui devait evidemment se confondre avec tante : 'AtTYjp. Nom de trois Israelites.
la irontiere sud d'Ephraim; aussi le texte est-il a peu pres
le meme que Jos., xvi, 1-3. Et leur limite est, vers le 1. ATER, chef de famille descendant d'Ezechias ou
nord, depuis le Jourdain, et elle monte au cote septen- Hezecia. Ses fils revinrent de la captivite au nomfire de
trional de Jericho, et elle monte vers 1'occident sur la quatre -vingt-dix-huit. 1 Esdr., n, 16 (Ather); II Esdr.,
montagne, puis vient jusqu'au desert de Bethaven. Elle vn, 21; x, 17.
passe de la pres de Luza, la meme que Bethel, vers le
midi, et elle descend a Ataroth Addar, sur la montagne 2. ATER, chef de famille dont les fils, revenus de 1'exil
qui est au midi de Bethoron inferieure. Jos., xvm, avec Zorobabel, furent portiers du temple. I Esdr., n, 42;
12-13. Voir la carte de BENJAMIN. Ataroth Addar, placee II Esdr., vii, 46.
ici au-dessous de Bethel, en descendant, semblerait
devoir s'identifier avec Y'Atdra, situee entre Er-Ram et 3. ATER, un des chefs du peuple qui signerent avec
El-Bireh; mais la suite du texte, precisant sa position, Nehemie le renouvellement de 1'alliance. II Esdr., x, 17.
nous reporte plus loin, au sud de Bethofon inferieure. C'est peut-etre le representant de la famille d'Ater 1.
Aucun nom correspondant au premier element du mot
compose ne se rencontre dans cette region, mais au bas ATERGATIS, ATERGATEION. Voir ATARGATIS.
et au sud-ouest de la colline que domine Beit-'Our-et-
Tahta (Bethoron inferieure), une localite, Khirbet ed- ATH A , mot syriaque qui veut dire vient , employe
Ddrieh, semble rappeler le second, Addar. Cf. G. Arm- par saint Paul, en parlant de Notre-Seigneur (Maran),
strong, W. Wilson et Conder, Names and places in the I Cor., xvi, 22. Voir MARANATHA..
Old and New Testament, Londres, 1889, p. 19, et la
grande carte, Londres, 1890, feuille 14. Nous ne savons. 1. ATHACH (hebreu : Hatak ; Septante: '
en somme, s'il y a dans ces deux noms deux villes dis- un des eunuques de la cour d'Assuerus, au service d'Es-
tinctes. Neanmoins la ligne generale ou il faut chercher ther. La reine Fenvoya a Mardochee pour lui demander
ces Ataroth est assez bien definie. A. LEGENDRE. la cause de son affliction. Esth., iv, 5, 6, 9, 10.
5. ATAROTH, ville frontiere de la tribu d'Ephraim, 2. ATHACH (hebreu : 'Atdk; omis par les Septante),
vers Test, Jos., xvi, 7. Les limites, de ce cote, sont ainsi une des villes auxquelles David, revenu a Siceleg apres
decrites : Machmethath au nord, et la frontiere contourne sa victoire sur les Amalecites, envoya des presents. I Reg.,
a 1'orient vers Thanathselo, .et passe de 1'orient jusqu'a xxx, 30. Elle n'est citee qu'en ce seul endroit de 1'Ecri-
Janoe; et elle descend de Janoe a Ataroth et a Naaratha, ture et est completement inconnue. Gomme elle est pre-
et parvient a Jericho et se termine au Jourdain. Jos., cedee d'Asan, ville de la tribu de Juda, et qu'Asan est
xvi, 6-7. Sur ces noms, deux, en dehors de Jericho, sont generalement accompagnee d'Ether ou Athar (hebreu :
identifies d'une facon presque certaine : Thanathselo, 'Eter), Jos., xv, 42; xix, 7, on suppose, peut-dtre avec
aujourd'hui Tana, a Test de Naplouse, cf. G. Armstrong, raison, qu'il y a eu changement dans la derniere lettre,
W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and et qu'au lieu de ijny, 'Atdk, il faut lire iny, 'Eter ou
Neiv Testament, Londres, 1889, p. 171; et Janoe, Khirbet 'Atar. Les Septante cependant ont traduit une fois 'Eter
Yanoun, un peu plus bas, cf. V. Guerin, Description de par 'I6ax, Jos., xv, 42, et dans I Par., iv, 32, on trouve
la Palestine, Samarie, t. n, p. 6. Naaratha, suivant les avant Asan ph, Tdken, Septante: oxxa, qui se rap-
auteurs anglais, Names and places, p. 133, se retrouve
a Khirbet el-Audjeh et-Tahtdni, au nord de Jericho; ou, proche de 'Atdk. On peut done hesiter entre les deux
un peu plus au nord-ouest, Khirbet Samieh, suivant formes. Quelques auteurs regardent comme plus probable
V. Guerin, Samarie, t. i, p. 212. G'est done entre Tun la forme 'Eter ou 'Atar. Voir ETHER. A. LEGENDRE.
de ces deux derniers points et Yanoun qu'il faudrait
chercher Ataroth. Conder, Handbook to the Bible, in-8, ATHAIAS (hebreu: 'Atdydh; Septante: 'AOafa), fils
Londres, 1887, p. 264, propose Tell et-Truny, a 1'ouest d'Aziam, de la tribu de Juda, demeura a Jerusalem apres
de Khirbet el-Aujeh et-Tahtdni, au pied des collines qui le retour de la captivite. II Esdr., xi, 4.
1207 ATHALAI ATHANASE (SAINT) 1208
ATHALAI (hebreu : *Atlal, abreviation de ^Atalyah, pretre, rester en dehors de la cour. Entrant seule sous
Jehovah est [ma] force; Septante : aXi)? un des fils le portique, Athalie fut stupefaite en voyant assis sur
de Beba'i, qui renvoya une femme etrangere qu'il avait 1'estrade qu'on elevait ordinairement pour presenter au
epousee dans 1'exil. I Esdr., x, 28. peuple le roi apres son sacre, IV Reg., xi, 14; II Par.,
xxm, 13; cf. IV Reg., xxm, 3; II Par., xxiv, 31, un enfant
ATHALIA (hebreu: 'Atalydh; Septante: 'A6eXia), de sept ans, entoure des sarim ou chefs soit des soldats,
un des descendants d'Elam ou Alam, dont le fils Isaie soil des families, et recevant les acclamations de la foule,
revint de Babylone avec Esdras, a la tete de soixante- dix tandis que les fyasosrot ou trompettes sacrees faisaient
hommes de sa famille. I Esdr., vm, 7. retentir les airs de joyeuses fanfares. IV Reg., xi,.14;
II Par., xxm, 13; cf. I Par., xm, 8; xv, 24. Ce spectacle
ATHALIE (hebreu -.'Atalydh, Jehovah est[ma] force; lui revela la verite, et, selon Josephe, elle aurait d'abord
ailleurs: 'Afalydhu, IV Reg., vm, 26; xi, 2; Septante : ordonne de mettre a mort le jeune roi, Ant. jud., IX, vn;
Po9o).sa), fille d'Achab, roi d'Israel, appelee aussi fille , mais bientot, passant de 1'arrogance au desespoir, elle
IV Reg., vm, 26; II Par., xxn, 2, mais en realite petite- dechira ses vetements et cria au secours. L'heure de la
fille d'Amri, epouse de Joram, roi de Juda. IV Reg., justice etait arrivee : sur 1'ordre de Joiada, on 1'emmena
vm, 18; II Par., xxi, 6. Elle etait par sa mere Jezabel entre deux rangs de soldats hors de 1'enceinte du temple,
petite-fille d'Ethbaal, III Reg., xvi, 31, probablement le pour que ce sol sacre ne fut pas souille par son sang, et
meme dont parle Josephe, Contra Apionem, I, xvm, la foule, s'ecartant pour lui livrer passage, vit sans pitie
d'apres 1'historien Menandre, et qui avait ete grand pretre passer la superbe Athalie conduite au supplice. On 1'en-
d'Astarthe et de Baal avant qu'il devint par usurpation roi traina dans le chemin qui conduisait aux ecuries royales,
de Tyr et de Sidon. Josephe, Ant. jud., VIII, vn. Fidele pres de son palais, IV Reg., xi, 15-16; II Par., xxm,
a son education, qui 1'avait formee a marcher dans les 14-15; a la porte des chevaux du roi, qui est au sud-est
voies des rois d'Israel , c'est-a-dire dans 1'idolatrie, elle de Jerusalem, Ant. jud., IX, vii; cf. II Esdr., m, 28, et
exerca la plus pernicieuse influence sur son epoux et sur la elle perit par 1'epee, sans qu'aucune tentative en sa
son fils Ochozias, II Par., xxn, 3, apres qu'il eutsuccede faveur ait ete faite soit par le peuple, qui la detestait,
a Joram sur le trone de Juda, et merita 1'epithete que lui IV Reg., xi, 20; II Par., xxm, 21, soit par ceux qui
donne le Saint-Esprit: la tres impie Athalie. II Par., avaient interet a sa conservation. P. RENA.RD.
xxiv, 7. Ochozias ayant peri de mort violente apres un an
de regne, IV Reg., vm, 24-26; II Par., xxn, 1, 9, Athalie ATHANAI (hebreu : 'Etni, liberal; Septanfe :
voulut regner apres lui, et, cruelle autant qu'elle etait 'A0avi), levite de la famille de Gerson, aricetre d'Asaph.
ambitieuse, elle ne recula devant aucun forfait pour s'em- II chantait devant 1'arche du Seigneur. I Par., vi, 41
parer du trone, jusqu'a faire mettre a mort tous ceux (hebreu, 26).
qui, apres les sauvages executions de Jehu, IV Reg., x,
12-14; II Par., xxn, 7-8, et des Arabes, II Par., xxi, 17, 1. ATHANASE (Saint\ docteur de 1'Eglise, ne vers 296
pouvaient par leur origine pretendre a la succession a Alexandrie, diacre des avant 319, eveque d'Alexandrie
d'Ochozias. IV Reg., xi, I j II Par., xxn, 10. Elle put en 328, mort dans cette ville en 373. Au rapport de saint
ainsi regner en paix. Mais cette paix fut plus funeste a Gregoire de Nazianze, son panegyriste, il avait ete instruit
Juda que la guerre la plus sanglante, car le regne des son'enfance dans les sciences divines, et s'etait appli-
d'Athalie ne fut qu'une serie d'actes criminels : emploi que a une profonde etude de 1'Ancien et du Nouveau
sacrilege des materiaux du temple et des objets du culte Testament, dont il possedait, dit-il, tous les livres avec
au service de Baal, profanations et devastations du sanc- plus de perfection que les autres n'en savent un seul en
tuaire, IV Reg., xn, 5-12; II Par., xxiv, 7, qui attirerent particulier. Orat. xxi, 6, t. xxxv, col. 1088. Voir les
la malediction de Dieu sur le royaume. belles paroles qu'il dit de 1'Ecriture Sainte, a la fin de
Se croyant sans rival, Athalie abusait depuis six ans, son traite De I'Incarnation, t. xxv, col. 193-196. II prit
IV Reg., xi, 3; II Par., xxn, 12 (883-877), de son pou- part comme diacre de son eveque au concile de Nicee
voir usurpe, offensant a la Ms Dieu et ses sujets, IV Reg., (325) et a la definition de la consubstantialite. Eveque,
xi, 18, 20; II Par., xxm, 21, lorsqu'un jour son repos fut sa vie entiere fut consacree a la defendre contre le ratio-
trouble par les cris de : Vive le roi! IV Reg., xi, 12-13; nalisme hellenique, que represente 1'arianisme. Depose
II Par., xxm, 11, que de son palais elle entendait retentir par le concile arien de Tyr (335), cinq fois exile, il defen-
du cote du temple. Ce roi etait Joas, 1'un des plus jeunes dit toujours la vraie doctrine, et s'opposa soit sur son siege,
fils d'Ochozias, et age d'un an settlement lors du massacre soit en exil, a la secularisation de 1'Eglise par le parti
de ses freres. II avait ete arrache a la mort comrne par arien. Par la il a merite le nom de jurisconsulte, que lui
miracle et eleve secretement dans le temple sous les yeux donne Sulpice Severe, et plus encore de pere de la foi
du grand pretre. C'etait lui que Jo'iada, apres avoir pris orthodoxe, que lui donne saint Epiphane.
les mesures les plus sages, II Par., xxm, 1-11, seconde De ses O3uvres exegetiques, il ne nous reste que divers
par des chefs et des soldats fideles (peut-etre pourrait-on fragments de commentaires-, soit de Job, soit du Cantique
entendre ces expressions de pretres et de levites armes), des cantiques, soit de saint Matthieu et de saint Luc, soit
produisait au grand jour, le diademe en tete, devant le de saint Paul. Ces fragments se trouvent dans les Chaines.
peuple enthousiasme, apres lui avoir confere 1'onction Montfaucon les a reunis dans son edition des ceuvres
royale. IV Reg., xi, 4-14; It Par., xxm, 1-11. Voir JOAS. completes d'Athanase, reproduite par Migne, Patr. gr.f
Telle etait, sous le gouvernement antitheocratique d'Atha- t. xxvn, col. 1344-1408. Leur attribution a saint Athanase
lie , 1'influence de 1'ordre sacerdotal, qu'il etait en etat ne repose que sur 1'autorite des compilateurs des dites
d'organiser une revolution avec 1'appui de 1'armee et du Chaines. Le fragment sur le Cantique des cantiques est
peuple, et de renverser le pouvoir; et en agissant de la d'un auteur qui a visite Jerusalem et les Saints Lieux
sorte il ne pensait pas sortir de ses attributions, tant la (col. 1353): or aucun texte ne nous apprend d'ailleurs que
cause de Jehovah etait liee au changement de politique saint Athanase ait janaais fait ce pelerinage. Le fragment
dans 1'Etat. de commentaire de saint Matthieu, developpement du
Athalie, habituee a voir tout plier devant elle, crut ou texte: Quicumque dixerit verbum contra Filium hominis>
tpie c'etait un jeu, ou que sa seule presence suffirait a tout Matth., xn, 32, est important par la mention qui y est
faire rentrer dans 1'ordre. Elle se rendit en toute hate faite de Novatien, d'Origene, de Photin, mais, par les
de son palais, situe au sud du temple, au temple meme, formules theologiques dont il se sert, il parait etre con-
accompagnee, selon Josephe, de.ses gardes du corps, temporain du concile de Chalcedoine ou des querelles ori-
Ant. jud., IX, vii,.qui durent, sur 1'ordre du grand genistes du commencement du ve siecle (col. 1381-1385).
1209 ATHANASE (SAINT) ATHBASCH 1210
Parmi les oeuvres apocryphes de saint Athanase figure in-8, Mayence, 1827; traduct. francaise, 2in-8, Bruxelles,
une Synopsis Scriptures Sacrse, Pair, gr., t. xxvm, 1841; E. Fialon, Saint Athanase, in-8, Paris, 1877.
col. 283-437, donnant la liste, Yincipit et 1'analyse som- P. BATIFFOL.
maire des livres de FAncien et du Nouveau Testament, 2. ATHANASE le Jeune, surnomme Celetes (xrjX^Tr,?)
et, a la fin, une liste des livres non canoniques. Au juge- ou Herniosus, eveque d'Alexandrie, vers 490, mort vers
ment de MM. Zahn et James, cette Synopsis aurait ete 497. Sa foietait suspecte; il adopta 1'henotique de 1'em-
composee aux environs de 1'an 500. Elle a ete publiee pereur Zenon, et, d'apres plusieurs auteurs anciens,
par Montfaucon, d'apres un manuscrit unique aujourd'hui il mourut meme dans 1'heresie.. Liberatus, Brevia-
disparu, mais dont on a recemment signale une repetition rium, 18, Patr. lat., t. LXVIII, col. 1029. Euthalius, qui
du xiv e -xv e siecle. Voir Robinson, Texts and Studies, lui a dedie plusieurs de ses commentaires sur le
t. n, n 2, p. 7, Cambridge, 1892; Zahn, Geschichte des Nouveau Testament, dit qu'il avait un gout particulier
neutestam. Kanons, Leipzig, 1890, t. n, p. 290-318. pour les Livres Saints, et qu'il les meditait jour etnuit.
On signale un Athanasii Commentarius in Psalmos, Edit. Act., Prol., Patr. gr., t. LXXXV, col. 627. Certains
inedit, dont le texte grec existe a Venise et a Milan, et critiques lui attribuent la Synopsis Scriptures Sacrse,
une version slave, a Bologne. Montfaucon, qui avait etudie travail remarquable par la clarte et 1'erudition, qui
ce commentaire, le tient pour posterieur au patriarche correspond a ce qu'on appelle aujourd'hui 1'Introduc-
de Constantinople Germain (f 733), qui s'y trouve cite. tion a 1'Ecriture Sainle. (Dans les (Euvres de saint
Voir Pair, gr., t. xxvn, col. 602 et606. Plus importante Athanase le Grand, t. xxvm, col. 283-438.) Quelques-
est 1'Interpretatio Psalmorum, publiee sous le nom de uns pensent aussi qu'il est 1'auteur des Qusestiones ad
saint Athanase par Antonelli, Rome, 1747, reproduite par Antiochum Patr. gr., t. xxvm, col. 597-710.
Migne, Pair, gr., t. xxvn, col. 649-1344. C'est un psautier
grec, dont chaque psaume est divise en stiques, excellente 1. ATHAR (hebreu : 'Eter; Septante : 'Mip), ville de
methode pour degager le parallelisme de la composition; la tribu de Simeon. Jos., xix, 7. Elle fut, comme les autres,
chaque stique est accompagne d'une courte glose qui en detachee de la tribu de Juda. Elle est appelee Ether dans
marque le sens allegorique, chaque titre, explique selon Josue, xv, 42. Voir ETHER.
le meme systeme d'allegories. Nous ne voyons pas que
ce commentaire ait d'attestation plus ancienne que le 2. ATHAR (Chayim ibn 'Athar), ne a Sala, dans le
manuscrit qui nous 1'a conserve et qui est du ixe siecle Maroc, se retira a Jerusalem en 1742; il y mourut Fannee
(897), le Vaticanus palatinus gr., 44. L'auteur y marque suivante. On a de lui un commentaire sur le Pentateuque,
une estime eminente de la vie monastique au desert 'Or hahayyim, Lumiere de vie (Ps. LVI, 14), in-4,
(col. 1250), le dedain de la science humaine (col. 1054, Venise, 17- (sic); on compte quatre autres editions, la
1287), son eloignement pour toute dignite ecclesiastique derniere in-4, Lemberg, 18- (sic). E. LEVESQUE.
(col. 1247), et la conviction plusieurs fois repetee que
le monde, cree en six jours, ne durera que six mille ans ATHAROTH ADDAR, voir ATAROTH 4, col. 1204.
(col. 686, 794,1010). Ce commentaire est vraisemblable-
ment de quelque moine egyptien ou sinaitique du ve siecle. ATHBASCH (tfsiw, 'atbas), terme cabalistique,
Montfaucon a public le texte grec d'une Expositio in compose artificiellement pour indiquer le precede d'apres
Psalmos, t. xxvn, col. 55-546, attribute a saint Athanase par lequel la premiere lettre de 1'alphabet hebreu, K , aleph,
les manuscrits et par la Chronique pascals, au vne siecle, est remplacee dans Tecriture par la derniere, n, thav; la
Pair, gr., t. XCH, col, 544. Comme la precedente, c'est seconde, 3, beth, par 1'avant-derniere, w, schin, et ainsi
une edition glosee du Psautier; mais, plus developpee, de suite. L'usage de cette ecrij;ure cryptographique est
elle est aussi plus grave et plus relevee. L'auteur entend tres ancien. Saint Jerome, In Jer., l.v, t.xxiv, col. 838-839,
les Psaumes comme des propheties concernant le Christ et en parle (sans lui donner toutefois son nom cabalistique),
1'Eglise, et il applique ce principe d'interpretation historique et croit meme qu'elle est employee par Jeremie, xxv, 26.
a tout le Psautier. Contrairement a 1'auteur de Y Interpre- Dans ce passage, le prophete dit que le roi de Sesach
tatio publiee par Antonelli, il s'applique a ne jamais pro- (hebreu : tj^ur, sesak) boira, a la suite des rois voisins
noncer le nom des heretiques, et il evite les interpretations
theologiques proprement dites : ce qui est surtout sensible de la Palestine, a la coupe de la colere de Dieu. D'apres
dans le commentaire du psaume Dwelt Dominus, ou, ayant les regies de Yathbasch, Sesak doit se lire bm, Babel
a parler de la ((generation du Seigneur , il 1'entend de ou Babylone. Cette explication se trouve aussi dans le
la generation selon la chair , et detourne le verset Ante Targum, et elle devait avoir ete donnee a saint Jerome
luciferum genui le de son interpretation commune. Voir par ses maitres juifs. Mais il est au moins fort douteux
t. xxvn, col. 462 et col. 1146. II a utilise Origene et Eusebe que Yathbasch flit deja usite du temps de Jeremie et qu'il
(cf. col. 54), ce dernier notamment. Enfin il a trayaille, en ait fait usage. Le traducteur de la Vulgate suppose que
le texte des Hexaples sous les yeux (cf. col. 71 et 470). Ce le prophete a dissimule prudemment , par cet ana-
sont la autant de raisons de douter que ce commentaire gramme, le nom de Babylone, pour ne pas exciter centre
soit d'Athanase. On possede enfin un court et elegant lui la fureur des Ghaldeens, qui assiegeaient Jerusalem et
traite intitule Epistula ad Marcellinum in interpreta- etaient sur le point de s'en emparer, In Jer., t. xxiv,
tionem Psalmorum, t. xxvii, col. 11-46. Get opuscule col. 839; mais cette raison, peu concluante pour le pas-
figure deja dans le Codex Alexandrinus de la Bible grecque sage de Jeremie, xxv, 26, ou le contexte indique assez
(v e siecle), sous le nom d'Athanase, et Cassiodore le clairement Babylone, est tout a. fait inapplicable a un
connaissait egalement et le donne comme d'Athanase. De autre endroit, Jer., LI, 41, ou Sesak est mis en paralle-
institut. divin. litt., L, t. LXX, col. 1115. Ce petit livre, lisme , comme synonyme, avec Babylone, qui est expres-
adresse a un solitaire nomme Marcellin, est un eloge du sement nommee. II est certain d'ailleurs que le roi de
Psautier, eloge mis dans la bouche d'un saint vieillard Sesach est le roi de Babylone. Cf. Proceedings of the
dont on ne dit pas le nom. II groupe les Psaumes par Society of Biblical Archseology, mai 1884, t. vi, p. 194,
affinites aux divers sentiments de 1'ame chretienne (peni- 195. Quant a la signification reelle de ce mot, voir SESACH.
tence, compassion, action de grace, confiance, etc.), et Le Targum (ainsi que les Septante, qui ont omis les
il les partage entre les divers jours de la semaine et les passages sur Sesach, Jer., xxv, 26, et LI, 41) a vu une autre
diverses circonstances de la vie. Quelques critiques iden- application de Yathbasch dans Jeremie, LI, 1: J'exciterai
tifient ce traite avec le De titulis Psalmorum, oeuvre de centre Babylone et centre les habitants op zk, leb qamai,
saint Athanase que connaissait saint Jerome, De vir. ill., 87, dit Dieu par son prophete, un vent qui les perdra. Leb
t. xxin, col. 731. Voir Mohler, Athanasius der Grosse, qamai signifie le cceur de ceux qui se soulevent centre
1211 ATHBASCH ATHENES 1212
moi , et saint Jerome a bien traduit ici dans notre Vul- pche de conserver fa lecon du texte original, qui est confir-
gate : les habitants de Babylone, qui ont eleve leur cceur mee par tous les manuscrits grecs, par la version syriaque,
contre moi; mais comme la tournure est un peu irregu- par Theodoret, In Dan., xi, 31, t. LXXXI , col. 1521; par
liere, les anciens Juifs y ont vu une designation cachee le Syncelle, Chronogr., edit. Dindorf, t. i, p 531, etc.
des Chaldeens, dont il est en effet question, et ils y ont Parmi ceux qui adoptent la lecture du texte grec, la plu-
trouve le mot hebreu Kasdim, Chaldeens, en rempla- part entendent le mot 'A6y)vatoc dans le sens d'originaire
cant le lamed par caph,Ye beth par single qoph par daleth, d'Athenes, mais quelques-uns croient que le vieillard a qui
le mem par yod et le yod par mem, conformement aux le roi de Syrie confia la mission de detruire le juda'isme en
regies de Yathbasch. Le resultat obtenu est certainement Palestine s'appelait Athenee. II est certain que ce nom
singulier, mais il ne prouve nullement qu'il ait ete prevu etait frdquemment employe comme nom propre chez les
par Jeremie, dont le texte s'explique en realite facilement Grecs. Voir W. Pape, qui en enumere quatorze dans son
sans recourir a ce precede aussi arbitraire que bizarre. Worterbuch der griechischen Eigennamen, 3e edit.,
Sur Yathbasch, voir J. Buxtorf, De abbreviaturis hebraicis, 2 in-8, Brunswick, 1863-1870, p. 24. Diodore de Sicile,
in-12, Bale, 1613, p. 37-38; Id., Lexicon chaldaicum et xxxiv, 17, 2, edit. Didot, t. n, p. 543, mentionne un
talmudicum, edit. Fischer, 1.1, p. 131,137-138; Gesenius, Athenee a la cour d'Antiochus VII Sidetes. Mais il est a
Thesaurus linguee hebreeae, p. 1486. croire que si 1'auteur sacre avait voulu diesigner le vieil-
Les eabbalistes emploient aussi, pour expliquer 1'Ecri- lard par son nom, il se serait exprim^ autrement, et qu'au
ture, un autre precede analogue, mais plus complique, lieu de dire; yspovra 'A0y)vaoov, il aurait dit par exemple:
Yatbach (naioN, 'afbah), qui consiste, comme le nom yspovra Ttva, 'Aftyjvatov ovd^art, pour eviter 1'equivoque.
L'histoire arabe des Machabees nomme ce vieillard Phil-
1'indique, a substituer a Yaleph, K, le teth, 12; au beth, a,
le cheth, n, etc. L'alphabet hebreu est divise en trois kos, .jwjJikx*. II Mach. arab., 3, dans la Polyglotte de
series, comprenant chacune quatre groupes de lettres; Walton, t. iv, p. 114. Josippon ben Gorion le confond sans
chacune des lettres de chaque paire se met a la place raison avec le Philippe dont il est question II Mach.,
1'une de 1'autre; les groupes de la premiere serie font v, 22. Josephus Gorionides sive Josephus hebraicus, e"dit.
chacun dix, d'apres leur valeur numerique ordinaire; Breithaupt, in, 4, in-i, Gotha, 1707, p. 179. II n'y a rien
ceux de la seconde, cent, et ceux de la troisieme, mille : d'etonnant d'ailleurs qu'Antiochus IV eut a sa cour un
1 VT, TI, m, TON = 10; 2 on, yb, S3, s> = 100; Athenien. Ce roi avait une grande affection pour Athenes
3 an, ;w, TI,yp = 1000. On voit que des cinq lettres qui (voir ANTIOCHUS IV, col. 694), et un officier originaire de
ont une forme particuliere comme finales, quatre, le mem, cette ville avait pu lui sembler particulierement propre
le nun, le phe et le tsade, entrent dans ce tableau; le caph a implanter le paganisme a Jerusalem. F. VIGOUROUX.
final, le nun dans sa forme ordinaire et le he n'y figurent
pas, parce qu'il n'y a point de lettre autre qu'elles-memes ATHENES ('A9-/ivou)> primitivement Cecropia, du nom
avec laquelle ils puissent se combiner pour former les de son fondateur Cecrops, et Athenes depuis Erecthe,
nombres dix, cent ou mille, nn doubles equivalant, en qui la voua au culte d'Athene (Minerve), hit la capitale
effet, a dix; a; a cent, et Tjij a mille. Ces trois groupes, de 1'Attique et la ville la plus celebre de la Grece (tig. 346).
ne pouvant fournir aucun echange, sqnt supprimes. On
suppose cependant le groupe ru existant, et Ton met ces
deux lettres a la place 1'une de 1'autre, de sorte que le
1} final reste seul solitaire et veuf . Voici un exemple
de 1'application de Yatbach. Le mot jiao ne se lit qu'une
fois dans I'Ecriture, Prov., xxix, 21, et le sens en est
assez difficile a determiner avec precision. Pour 1'expli-
quer, les Talmudistes, tr. Succa, f. 52 b, ont eu recours 346. Drachme d'Athfenes.
a Yatbach et, au moyen des regies ci-dessus exposees, ils T6te casqu^e de Minerve (Athene), & droite. fy AE [des
le transforment en mno, sdhaddh, temoignage, Attxeniens]. AAMQ. SQSIKPATHS. KAE1... [noms de
magistrats ]. Chouette debout sur I'amphore renversee. Dans
cf. Gen. xxxi, 47; de sorte que le sens de la maxime est: le champ, & droite, un arc et un carquois. Lettre d'amphore,
Celui qui nourrit delicatement son esclave, la fin sera A. Couronne de laurier au pourtour. Monnaie frappee vers
un temoignage, c'est-a-dire lui montrera qu'une edu- 1'an 100 avant notre ere.
cation molle ou une conduite faible rend 1'esclave re-
veche. Le mem est change en samech, d'apres la combi- On ne pent redire ici son histoire et le role incomparable
naison DO; nun en he, d'apres la combinaison supple- qu'elle a joue dans le developpement de la civilisation
mentaire an; vav en daleth, d'apres la combinaison n, et antique, en philosophic, en litterature, dans les sciences
nun de nouveau en he, comme pour la seconde lettre. et dans les arts. Elle ne se rapproche du cadre des etudes
Voir J. Buxtorf, De abbreviaturis hebraicis, p. '24-26; bibliques que parce que saint Paul, a la suite de son pre-
Id., Lexicon chaldaicum, edit. Fischer, t. i, p. 36,135. mier voyage en Macedoine, y precha et y sejourna quelque
Quelques rabbins ont fait aussi usage, dans 1'interpre- temps. Act., xvn, 15-34; I Thessal., m, 1. A ce point
tation de la Bible, d'une autre sorte d'anagramme, non de vue, il peut paraitre interessant de savoir ce qu'etait
moins arbitraire, appele albam (oaStf), parce qu'on met alors cette grande cite, dont la vue excita chez lui un
le lamed a la place de Yaleph, le mem a la place du beth, saint fremissement de compassion, par les cultes idola-
et ainsi de suite, vice versa, en suivant 1'ordre de 1'al- triques auxquels elle se livrait. Petrone a dit tres mali-
phabet hebreu. Cf. J. Buxtorf, De abbreviaturis, p. 27-28; cieusement, mais avec raison, qu'il etait plus aise d'y
Id., Lexicon chaldaicum, p. 136. F. VIGOUROUX. trouver des dieux que des hommes.
Apres les desastres mal repares de la guerre du Pelo-
ATHENEE ('AQrivaTo;). C'est, d'apres quelques com- ponese, Athenes etait passee de la domination macedo-
mentateurs, le nom d'un vieillard, conseiller ou officier nienne sous le joug des Bomains. Plus recemment, Sylla
d'Antiochus IV Epiphane, qui Penvoya a Jerusalem pour 1'avait saccagee. II n'etaitpas jusqu'au courant de vie intel-
obliger les Juifs a abandonner leur religion et a embrasser lectuelle, seul reste de ses anciennes gloires, que des
les rites du paganisme. II Mach.,vi, 1 (texte grec). LaVulgate rivales comme Alexandrie et Tarse ne lui eussent ravi.
lit Antiochenum, d'Antioche , au lieu d"AOr)vaioc, et la Sa decadence etait d'autant plus navraate, que la plupart
lecon de la Vulgate est adoptee par un certain nombre de de ses^ superbes monuments, toujours debout, ragpelaient
critiques. Voir Grotius, Opera, 1679, p. 771. Mais rien n'en> au visiteur son incomparable pa^e; Paasanias, qui la visita
ATHENES
pres d'un siecle apres Paul, nous en a laisse une longue, aux promeneurs Kail, les oignons, 1'encens, les e"pices, les
mais malheureusement assez confuse description. herbes fralches, dont on etait tres friand, en meme temps
Des trois ports, Phaleres, Munychie et le Piree, par que des articles de toilette et le produit des industries les
lesquels Athenes jiboutissait a la mer, le Piree etait reste plus diverses. Une serie de portiques, avoisinant 1'Agora
a peu pres le seul frequente des marrns, Les Longs et ornes des chefs-d'oeuvre de la statuaire et de la peinture
Murs termines par Pericles, detruits par les Lacedemoniens, antiques, servaient d'asile aux oisifs et conservaient encore
et releves par Conon apres la victoire de Guide, etaient leurs destinations d'autrefois. Au portique Royal on rendait
definitivement tombes en ruines, obstruant 1'ancienne la justice; a celui des Douze-Dieux, les Atheniens, si
route qu'ils devaient proteger, et une nouvelle voie (Ha- curieux de nouvelles, venaient faire ou ecouter la chro-
maxitos), qui les longeait au nord, etait devenue le chemin nique du jour; au Pecile, les successeurs de Zenon ensei-
ordinaire par lequel le.s hommes et les marchandises gnaient toujours, mais sans eclat, cette philosophie stoi-
debarques au Piree arrivaient a la ville. C'est sur cette cienne qui, mediocrement appreciee des Atheniens amollis,
route qu'a cote de cippes funeraires, de statues de heros etait pourtant la consolation des am.es fortes chez les
ou de dieux et de monuments de toute sorte, se trouvaient Remains, et, par quelques cotes, demeurait 1'honneur
348. Le Parthenon.
de loin en loin, si nous en croyons les anciens (Pausa- de 1'humanite livree a ses seules forces. De ce centre de
nias, I, i, 4; Philostrate, Vit. Apollon., vi, 2), des autels la vie publique, autour duquel se groupaient les temples
dedies au Dieu inconnu : 'AFNOSTQ E$. Ces autels d'Apollon Patrous et de la Mere des dieux, quelques edi-
attirerent 1'attention de 1'Apotre. II sentit aussitot, et tres fices destines aux magistrats de la cite, le Bouleuterion
douloureusement, tout ce qu'il y avait d'effrene dans cette pour les reunions du senat, le Tholus, ou les prytanes
idolatrie qui, ayant epuise le repertoire des dieux connus, prenaient leurs repas, et des ecoles publiques pour la jeu-
dressait d'avance des autels a ceux que Ton inventerait nesse, telles que le portique d'Attale, dont on a recem-
encore. On sait 1'heureux parti qu'il tira de cette inscrip- ment retrouve les ruines, partaient deux rues principales,
tion pour entrer en matiere devant 1'Areopage. Act, xvn, 23. contournant en sens inverse 1'Acropole et passant devant
Ayant aborde la ville par la porte Sacree, pres du Dipy- les nombreux monuments edifies a ses pieds. L'une cotoyait
lon, dont les ruines ont ete retrouvees recemment entre la colline de 1'Areopage. C'est peut-etre celle qui etait
la gare du chemin de fer et Teglise de la Sainte-Trinite, il dut bordee de ces hermes de marbre, sorte de gaines a tete
suivre la grande rue du Ceramique, ornee de statues de de Mercure, que 1'on avait ornes d'inscriptions choisies,
bronze et de marbre, pour atteindre 1'Agora, qu'il faut aphorismes pour la plupart empruntes a la sagesse an-
chercher au nord-ouest et non au sud-ouest de TAero- tique , et propres a exciter les passants a la vertu. A cette
pole. Sur cette place publique ou Pericles, Socrate, Alci- artere principale se soudaient d'autres rues conduisant
biade, Dernosthene, etaient remplaces par des Atheniens aux collines des Nymphes, du Pnyx et des Muses, quar-
sans elevation dans la pensee et sans ardeur dans le tiers ou les maisons des petils bourgeois etaient, comme
patriotisme, a 1'ombre des platanes ou sous des tentes on peut en juger par les arasements qu'on y voit encore,
provisoires, des marchands, classes par groupes, offraienl echelonnees les unes a cote des autres, dans des propor-
1215 ATHfiNES 1216
tions si mesquines, qu'aucune d'elles ne suffirait aujour- par le soleil, et belles jusque dans leurs derniers frag-
d'hui au plus modeste de nos artisans. Mais 1'Athenien ments, permettent encore aujourd'hui au voyageur de
n'elait jamais chez lui, et c'est a 1'Agora, chez les mar- reconstituer les Propylees, cet incomparable chef-d'oeuvre
chands de vin, dans les temples, chez le barbier, sous tie Mnesicles. Sur les degres qu'on y voit, et dont le der-
les portiques, dans les jardins publics, au theatre, qu'il nier est en marbre noir, Paul est certainement passe.
fallait aller le chercher. L'autre voie s'appelait la rue des La plate-forme de 1'Aeropole etait peuplee de statues
Trepieds. Elle partait de cette tour d'Andronicus qui sub- celebres, que dominait celle de Minerve Promachos,
siste encore, et a 1'horloge de laquelle Paul, trois cent cin- coulee en bronze par Phidias, haute de vingt-cinq metres,
quante ans apres Socrate, regarda peut-etre plus d'une fois et dont le casque, scintillant aux rayons du soleil, etait
1'heure des jours que son zele impuissant trouvait Men visible du cap Sunium. Appuyee fierement sur sa lance et
longs. C'est la que les chefs d'orchestre, vainqueurs au con- le bouclier au bras, la deesse semblait garder le Parthenon
cours du theatre, aimaient a dresser, sur des monuments (fig. 348), qui, a quelques pas de la, s'elevait splendide,
du gout le plus exquis, les trepieds qu'ils avaient obtenus comme 1'expression sublime, beaucoup moins de la foi d'un
en temoignage de leur talent. Celui de Lysicrate subsiste peuple a sa puissante protection, que du triomphe de
encore. La grande rue tournait au midi pour atteindre ce 1'art dans le temple meme de celle qui en etait 1'inspira-
fameux theatre de Bacchus ou Eschyle, Sophocle, Ans- trice. Sur une largeur de cent pieds (30 metres), rappelant
tophane, Menandre, Euripide, avaient fait representer ainsi 1'Hecatompedon de Pisistrate, auquel il succedait,
leurs chefs-d'o3uvre. Elle rejoignait de la la rue des Her- et sur une profondeur de deux cent vingt pieds (67 metres),
mes, a une sorte de rond-point d'ou Ton montait a I'Acro- Fharmonieux rectangle avait un peristyle de huit colonnes
pole. Voir le plan d'Athenes, fig. 347. sur les facades et de dix-sept sur les cotes. La construction
M. Beule a retrouve dans un mur de marbre blanc la interieure se divisait en deux salles d'inegale grandeur,
porte dorique, defendue a droite et a gauche par une tour dont la plus importante, vers 1'orient, etait le sanctuaire
carree, qui fut la veritable entree de I'Acropole. Elle etait de Minerve, et 1'autre, a 1'occident, J'Opisthodomos, ou la
dans 1'axe meme de la porte centrale des Propylees, et le niaison du tresor public. L'une et 1'autre etaient precedes
coup d'ceil sur le large escalier qui conduisait au celebre a leur entree par un portique de six colonnes paralleles a
portique devait 6tre saisissant. En le gravissant, on lais- celles des deux facades. Ictinus et Callicrates, en edifiant
sait a droite le gracieux sanctuaire de la Victoire sans ce monument, le chef-d'oeuvre inconteste de Tarchitectuve
ailes, a gauche la statue colossale d'Agrippa, ami d'Au- antique, avaient voulu prouver aux batisseurs de tous les
guste, et 1'on penetrait sous le peristyle des Propylees, siecles que la beaute ideale est, non pas dans la recherche,
forme de six colonnes- doriques surmontees d'un entable- mais dans la simplicite des lignes et dans 1'exquise
ment avec fronton encadre par deux portiques paralleles. harmonic de leurs combinaisons. Phidias et un groupe
A travers un vestibule divise en trois travees par un double d'artistes, dont les uns etaient ses eleves et les autres
rang de trois colonnes ioniques, et un escalier atteignant ses rivaux, avaient ete charges de decorer 1'edifice. L'enr
cinq portes, dont celle du milieu etait la plus grande, on tablement, supporte par des colonnes de dix-sept metres
debouchait, par un second portique de six colonnes do- de haut, avait une frise dont les triglyphes, peints en
riques, sur la plate-forme de I'Acropole. Des mines dorees bleu, s'harmonisaient heureusement avec la blancheur du
.Diclioimaire 3e la Bible ATHENES COMPAREE LetouzeyetAne. id
Ietombeau3rde "Mullen et dft Lenormant
fut fondee par Attale II, roi de Pergame. Etienne de qu'au temps de Strabon il en etait ainsi, et la separation
Byzance, au mot 'Arra^eta; Strabon, xiv, 4,1. Les savants a ete faite par les depots calcaires, qui sont tres conside-
ont beaucoup discute sur la situation exacte d'Attalie. rables. II faut done, avec le colonel Leake, Journal of a,
Strabon, en effet, parait la placer a Test du Cataractes. Tour in Asia Minor, 1824, p. 192 et suiv.; Eug. Petersen.
Ptolemee, Geographic, v, 5, 2, et le Stadiasmos, n. 215, Reisen in Lykien, 1889, t. n, p. 178, et H. Kiepert, Special
1251 ATTALIE AUERBAGH 1232
Karte vom westliches Kleinasien, pi. xv, placer 1'an- a Fellbach, pres de Stuttgart, le 19 novembre 1824, mort
cienne Attalie a 1'endroit ou est aujourd'hui Adalie. II le 2 mai 1864. II fit ses etudes a Blaubeuren et a Tubingue.
faut, au contraire, rejeter 1'opinion de Beaufort, Kara- Dans I'universite de cette derniere ville, il fut entraine
mania, p. 135, de d'Anville et des autres, qui identi- un instant vers le rationalisme pantheiste, qui y dominait
fient 1'Adalie moderne avec Olbia, et placent Attalie plus a cette epoque sous 1'influence de Baur; mais la foi reprit
a Test, a 1'emplacement actuel de Laara. Toutes les bientot le dessus. Apres avoir exerce pendant quelque
mines qui restent aujourd'hui d'Attalie, les monnaies de temps le ministere pastoral comme vicaire, il devint, en
la ville (fig. 360), Mionnet, Description des medailles 1849, repetiteur au college (Stift) theologique de Tu-
antiques, t. m, p. 449; Supplement, t. vn, p. 30, et les bingue et en 1851, professeur de theologie a Bale. Son
inscriptions trouvees sur son emplacement, appartiennent ceuvre biblique la plus importante est Der Prophet Daniel
a 1'epoque romaine, Cf. E. Petersen, Reisen, t. 11, p. 178. und die Offenbarung Johannis, in-8, Bale, 1854; 2e edit.,
Olbia est placee par Leake sur une elevation voisine 1857. Elle a ete traduite en francais par H. de Rougemont,
d'Adalie, ou existent encore aujourd'hui des ruines an- Le prophete Daniel et I'Apocalypse de saint Jean, con-
tiques, ce qui correspond bien avec le texte de Strabon, sideres dans leur rapport reciproque et etudies dans
qui en parlecomme d'une citadelle. Les environs d'Attalie leurs principaux passages, in-8 (Lausanne), 1880. Ce
sont des rochers steriles. E. BEURLIER. n'est pas un commentaire de Daniel et de 1'Apocalypse,
mais une etude comparee des images symboliques qu'ils
ATTAVANTI ou ATTACANtl Paolo, religieux ita- renferment. La mort empecha Auberlen d'achever un-
lien, appele communement frere Paul de Florence, ne autre ouvrage dans lequel il defendait 1'Ecriture centre les
dans cette ville en 1419, mort le 6 aout 1499. II entra attaques de 1'ecole de Tubingue, Die gottliche Offen-
dans 1'ordre des Servites. Par ses talents et son merite, il barung, ein apologetischer Versuch, 2 in-8, Bale, t. i,
se trouva lie avec tous les savants que protegeait Laurent 1861; t. il (posthume), 1864. La premiere partie expose
de Medicis, et Marcile Ficin, apres avoir entendu un de les raisons en faveur de 1'authenticity des Livres Saints;
ses*sermons, comparait son eloquence a celle d'Orphee. la seconde est une histoire succincte de la lutte entre la
Parmi ses ouvrages, nous remarquons : Spiegazione foi et le rationalisme en Allemagne; la troisieme, qui est
de' sette Salmi Penitenziali, in-4, Milan, 1479; Com- restee incomplete, contient une etude dogmatique sur la
mentaria in duodecim Prophetas minores et Apoca- revelation. Auberlen a aussi public, dans le Theologisch-
lypsum Joannis, in-4, Milan, 1479. Voir G. Negri, homiletisches Bibelwerk de Lange, en collaboration avec
Istoria degli scrittori fiorentini, in-f, Ferrare, 1722, C. J. Riggenbach, Die beiden BriefePauli an die Thessalo-
p. 445; Mazzuchelli, Scrittori d'Italia, t. i, part. 2, nicher, in-8, Bielefeld, 1864; 2* edit., 1867; 3 edit., 1884.
p. 1209; Tiraboschi, Stories della Letteratura italiana, Auberlen avait un veritable talent d'ecrivain. Son style
t. vi, part. 3 (Milan, 1824), p. 1674. B. HEURTEBIZE. est clair, simple et plein de chaleur. Voir un abrege de
sa vie en tete du second volume de la Gottliche Offenba-
ATTERSOLL William, theologien puritain, mort rung ;F. Fabri, dans Herzog, Real-Encyklopadie, 2e edit.,
en 1640, fut probablement quelque temps membre de t. i, p. 757-759; F. Lichtenberger, Histoire des ideesreli-
Jesus College, a Cambridge, et devint ministre a Isfield, gieuses en Allemagne, 3 in-8, Paris, 1873, t. in, p. 235.
dans le eomte de Sussex, ou il demeura plus de quarante
ans, et ou il fut enterre le 16 mai 1640. Sa vie est peu AUBERT Marius, theologien francais, ne dans le
connue, malgre ses nombreux ouvrages. The Pathway midi de la France vers 1800, mort en 1858. II precha
to Canaan, in-4, 1609; The Historic of Balak the king beaucoup en qualite de missionnaire, et publia dans les
and Balaam the false prophet, in-4, 1610; New Covenant, dernieres annees de sa vie une quarantaine de volumes,
1614; A Commentarie upon the Epistle of Saint Paule parmi lesquels un Traite de Vauthenticite des Livres
to Philemon, 2e edit., 1633; Conversion of Nineveh, 1632. Saints avec des traits historiques, 2e edit., in-18, Lyon,
Ces ouvrages sont devenus extremement rares. Us se dis- 1844. Ce petit livre de 176 pages n'a pas de valeur scien-
tinguent par 1'erudition et des applications ingenieuses tifique, mais il renferme des citations de grands ecrivains
aux evenements contemporains de 1'auteur; mais ils sont et des traits interessants.
diffus et mal digeres. Voir L. Stephen, Dictionary of
national Biography, t. n, p. 239. AUDIFFRET ^e.rcule, predicateur francais, ne a
Carpentras le 15 mltf 1603, mort le 6 avril 1659. II devint
ATTON, appele aussi Hatto et Acton, eveque de Ver- general de la congregation de la Doctrine chretienne, et
ceil, en Piemont, mort vers 960. II fut, au xe siecle, 1'un fut 1'un des bons orateurs de son temps. Flechier, eveque
des hommes les plus remarquables d'ltalie par son zele de Nimes, etait son neveu et son eleve. On a imprime
pour la discipline ecclesiastique, et aussi par ses connais- apres la mort de 1'auteur des ouvrages peu soignes, parmi
sances. Ses ceuvres se trouvent en manuscrit a la biblio- lesquels sont des Questions spirituelles et curieuses sur
theque Vaticane, a Rome, et dans les archives de Verceil. les Psaumes, in-12, 1668. Voir Memoires de Trevoux,
D'Achery en a public une partie dans le tome vin de son novembre 1711, art. CLXI, p. 1948-1952.
Spicilegium, et C Buronti del Signore a edite tout ce
qui reste de lui en deux volumes in-f, 1768. Parmi ses 1. AUERBACH Salomon Heymann ou Salomon ben
ceuvres, on remarque une Expositio Epistolarum sancti Michael Cha'im, commentateur juif, mort a Posen en 1836.
Pauli (Patr. lat., t. cxxxiv, col. 125-834), d'apres saint II a laisse : Habaqquq, traduction allemande et commen-
Jerome et les autres Peres de 1'Eglise. A la fin de son taire avec le texte hebreu, in-8, Breslau, 1821; Sefer
Expositio, col. 832, il dit en s'adressant a Dieu : Vous Qohelet, le livre de 1'Ecclesiaste traduit et commente,
m'avez mis dans le cceur d'abandonner ma nation et ma in-8, Breslau, 1837.
patrie, a cause du gout et de la suavite de... la Sainte
Ecriture, afin que je puisse gouter un peu cette suavite 2. AUERBACH Samuel ben David, rabbin polonais de
et vous connaitre ainsi; car votre parole a ete veritable- Lublin, vers le milieu du xvne siecle. II a compose un
ment un flambeau pour mes pieds et une lumiere pour commentaire cabalistique sur quelques passages de la
mes sentiers. II etait done ne hors du Piemont. C'est Genese, intitule Hesed Semu'el, Piete de Samuel.
tout ce qu'on sait de son origine. Voir Herzog, Real- Dans la preface, il dit qu'il mit la main a cet ouvrage en
Encyklopadie t 2e edit., t. I, p. 756; Hergenrother, His- reconnaissance de la protection que Dieu lui accorda dans
toire de 1'Eglise, trad. Belet, t. m (1886), p. 348. un massacre des Juifs a Lublin, en 1657. II fut publie
apres sa mort par R. Eliacim ben Jacob, in-8, Amster-
AUBERLEN Karl August, theologien protestant, ne dam, 1699. E. LEVESQUE.
1233 AUGIENSIS (CODEX) A U G U R E S 1234
AUGIENSIS (CODEX). Nous possedons quelques M. Corssen. Voir Theologische Literaturzeitung, 1890,
tnanuscrits des Epitres de saint Paul, qui donnent paral- p. 59-62. La question en est la. Quoi qu'il en puisse e"tre,
lelement le texte en grec et le texte en latin. Le plus ce- on tient que le texte latin de 1''Augiensis est d'un interel
lebre et le plus important est le Codex Claromontanus (D), mediocre, etant un texte mixte, et plus dependant de la
du vie siecle, a Paris. Parmi les autres, il faut citer le Vulgate hieronymienne que d'aucune version latine pre-
Codex Sangermanensis (E), du ixe siecle, a Saint-Peters- hieronymienne; le texte grec, au contraire, est avec le
bourg, lequel est de peu de valeur, n'etant qu'une copie Claromontanus et le Boernerianus un interessant repre-
et une copie mal faite du Claromontanus. II en est deux sentant de la tradition textuelle que 1'on appelle occiden-
autres de plus de valeur: le Codex Boernerianus (G), du tale. Voir Gregory, Prolegomena, p. 424-429, au No-
ixe siecle, a Dresde, et le Codex Augiensis ( F ) , de la vum Testamentum grsece, edit, vm crit. maj., de Tischen*
meme epoque, a Cambridge. Ce dernier apparlient a la dorf, Leipzig, 1884; W. Sanday, Appendices ad Novum
bibliotheque de Trinity College, ou il est cote B. 17.1. Testamentum Stephanicum, Oxford, 1889, p. 141-167.
L'ecriture, soit grecque, soit latine, est onciale, d'une main P. BATIFFOL.
de la fin du ixe siecle. Le parchemin est reparti en cahiers AUGURES. On donnait ce nom, chez les Remains,
de huit feuillets; chaque page a deux colonnes, chaque aux pretres qui annoncaient 1'avenir d'apres les observa-
colonne vingt-huit lignes; le texte latin est toujours dans
la colonne exterieure. Les initiales, tant grecques que
latines, sont ecrites au minium, quand elles annoncent
le commencement d'un chapitre ou d'une Epitre; partout
ailleurs rien ne releve les majuscules. Ni accents, ni esprits
dans le grec. Tous les mots sont separes par un point.
Hauteur de chaque feuillet : 228 millimetres. Largeur :
190 millimetres. Le manuscrit compte 136 feuillets. II ren-
ferme tout saint Paul, a 1'exception du texte grec de
Rom., i, 1-m, 19; I Cor., m, 8-16; vi, 7-14; Col., n,
1-n, 8; Philem., 21-25; enfm de toute 1'Epitre aux He-
breux. II manque egalement le texte latin de Rom., i,
1-m, 19.
Ce manuscru, on 1'a dit, a ete ecrit a la fin du ixe siecle,
et tout porte a croire qu'il a ete ecrit par un scribe de
langue germanique, probablement dans quelque, monas-
tere de la haute vallee du Rhin. II a appartenu a 1'abbaye de
Reichenau, dans une ile du Rhin, proche de Constance :
le nom latin de Reichenau est Augia dives, d'ou la deno-
mination A'Augiensis. En 1718, il fut achete par le celebre
critique anglais Bentley, au prix de deux cent cinquante
florins; il appartenait alors a L. C. Mieg de Heidelberg,
entre les mains duquel il fut collationne par Wetstein,
en 1717. Un ex libris, qui se lit encore sur la garde du
manuscrit, indique un certain G. M.Wepfer, de Schaffouse,
comme 1'ayant possede precedemment. En 1786, il fut
donne par le neveu de Bentley a la bibliotheque de Tri-
nity College. Wetstein en 1717, Tischendorf en 1842,
Tregelles en 1845, ont collationne le Codex Augiensis.
M. Scrivener en a publie le texte integralement: An exact
transcript of the Codex Augiensis, Cambridge, 1859.
Frappe des etroites ressemblances paleographiques ou 361. Augure remain, tenant, -lans la main droite le lituus (baton
textuelles qui existent entre le Codex Augiensis, le Codex recourb6 qui servait a la divination ). A ses pieds est un poulet
Bcernerianus et le Codex Claromontanus, M. Corssen sacre. Bas-relief du musee de Florence.
a emis 1'hypothese que les deux premiers, c'est a savoir
Augiensis et le Boernerianus, dependaient d'un commun tions faites sur le vol et le chant des oiseaux. Tite Live,
archetype, tant pour le grec que pour le latin; que cet i, 36; Ciceron, De divin., i, 17 (fig. 361). Ce mot etant
archetype n'etait point le Claromontanus, mais que le tres familier aux Latins, saint Jerome 1'a employe Deut.,
Claromontanus et 1'archetype de 1'Augiensis et du Bcer- xvm, 14; Is., n, 6; XLVII, 13; Jer., xxvn, 9. Le feminin
nerianus derivaient ensemble d'une meme edition bilingue auguratrix, devineresse, se lit Is., LVII, 3. Le traduc-
des epitres pauliniennes, edition qui ne serait point ante- teur de la Vulgate s'est servi du verbe auguror, augu-
rieure au commencement du ve siecle, et qui serait pro- rer, Gen., XLIV, 5, 15 (hebreu : nihes); Lev. , xix, 26
bablement d'origine italienne. Voyez P. Corssen, Epistu- (hebreu : nihes), et plus frequeminent encore du subs-
larum paulinarum codices grsece et latine scriptos Aug. tantif augurium, augure, presage. Num., xxin, 23;
Bcern. Clarom, examinavit, inter se comparavit, ad com- xxiv, 1; Deut., xvm, 10; IV Reg., xvn, 17; xxi, 6; II Par.,
munem originem revocavit, Kiel, 1887-1889. M. Hort xxxm, 6; Eccli., xxxiv, 5. Comme les expressions augur,
pensait que le texte grec de 1'Augiensis avait ete copie auguror, augurium, etaient devenues en latin, dans bien
sur un manuscrit grec des Epitres, que le texte latin des cas, de simples synonymes de devin, deviner, divi-
etait celui de la Vulgate hieronymienne, adapte au texte nation ou presage , notre version les emploie dans ce
.grec qui 1'accompagne au moyen du texte latin du Bcer- sens general: Gen., XLIV, 5, 15, ou il s'agit de la divina-
nerianus. Voir Westcott et Hort, The New Testament in tion par la coupe et non par les oiseaux; Lev., xix, 26
the original Greek, Cambridge, 1881, t. n, p. 203. De son (divination en general ou par la magie); Num., xxm, 23
cote, M. Fr. Zimmer, dont Corssen n'a pas discute les (nahas, enchantement ); xxiv, 1 (nehdsim, divina-
conclusions, avait pretendu demontrer que 1''Augiensis tion, presage obtenu par des enchantements ) ; Deut.,
etait une copie directe du Bcernerianus. Voir Zeitschrift xvm, 10 (menahes, devin, enchanteur ) ; xvm, 14
fur wissenschaftliche Theologie, t. xxx, p. 76 et suiv. Et (melonenim, devins ); IV Reg., xvn, 17 (nihes);
M. Zimmer a eu 1'occasion de montrer depuis qu'il main- xxi, 6 (nihes); II Par., xxxm, 6 (nihes); Is., n, 6
Jenait son opinion et tenait pour inacceptable celle de ('onenim, devins ); XLVII, 13 (hobre sa.ma.lm, par-
1235 A U G U R E S AUGUSTE
tageant, divisant le ciel, les astrologues de Babylone); y trouve joint le nom de 1'empereur regnant. Enfin on
tvn, 3 ('onendh, devineresse ) ; Jer., xxvn, 9 ('one- ajoutait aussi quelqueiois une denomination honorifique,
nim). Dans FEcclesiaslique, xxxiv, 5, le mot auguria, | telle que -Victrix, Veterana, Pia, Fidelis, Augusta. Le
augures, presages, rend exacteraent le mot grec nom de cohorte Augusta que nous lisons dans les Actes
o:wvt<7[j.oi-, Eccli., xxxi, 5, qui signifie, en effet, divi- des Apotres, xxvn, 1, est done un titre honorifique donne
nation par le moyen des oiseaux; mais, le texte origi- a cette cohorte auxiliaire pour quelque merite special.
nal etant perdu, nous ignorons quelle etait 1'expression Diverses cohortes auxiliaires porterent le titre $ Augusta,
hebra'ique que le traducteur a ainsi interpretee. Pour le sens comme nous le lisons dans les diplomes militaires re-
des mots hebreux que la Vulgate a rendus par augures et cueillis dans le tome in, part, n, du Corpus inscriptionum
ses derives, voir DEVINS , DIVINATION.
On peut conclure de ce qui precede que les mots au-
gure, augurer , de la Vulgate, ne doivent pas etre pris
dans le sens strict, mais dans le sens large. Les anciens
traducteurs semblent bien avoir cru cependant qu'il etait
reellement question d'ornithomancie dans certains pas-
sages, comme Deut., xvm, 10, ou les Septante traduisent
menaces par otwvi^ojjLsvoi;, dans le meme sens que la
Vulgate, qui observat auguria; les versions syriaque et
arabe font de meme. II n'est pas impossible du reste qu'il
soit fait allusion dans 1'Ecriture a la divination par les
oiseaux, car elle etait pratiquee en Chaldee et dans les
pays voisins. Diodore de Sicile, n, 29; Fr. Lenormant,
Lg, divination chez les Chaldeens, in-8, Paris, 1875,
p.' 35, 52-55; L. Hopf, Thierorakel, in-8, Stuttgart,
1888, p. 4. Les rabbins et quelques commentaleurs ont
cru reconnaitre en particulier Fornithomancie dans cette
sentence de FEcelesiaste, x, 20: Ne dis point de mal
du roi, meme dans ta pensee; ne dis point de mal du
riche, meme dans Finterieur de ta chambre; car Foiseau
du ciel porterait ta voix, et 1'animal aile revelerait tes
paroles. Mais rien ne prouve qu'il soit ici question de
divination. Le sens de ce passage est le meme que celui
de notre proverbe : Les murs ont des oreilles et parlent ;
Salomon veut dire que les rois et les riches ont des moyens
dc savoir tous les secrets. F. VIGOUROUX.