Valentin Sketches 55acc0e1bda76

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sketches

DU MÊME AUTEUR
AUX ÉDITIONS THÉÂTRALES

LE BASTRINGUE ET AUTRES SKETCHES


Le Théâtre obligatoire • Lettre à un directeur de théâtre.
Le Bastringue • Le Génie du calcul mental • Le Solliciteur
Le Vieux Cartable en cuir • Les Pupitres ensorcelés • Le Cycliste

VOLS EN PIQUÉ DANS LA SALLE


Le Pied de l’arbre de Noël • Dans le magasin de disques • Le Photographe
Le Relieur Wanninger • Scène à la gare • Renseignement difficile
Le Marchand d’oiseaux • Chez le chapelier • Chez Schaja • Amitié véritable
La Souris • Saleté de raboteuse • Bruits • Distraits

LA SORTIE AU THÉÂTRE
Le Projecteur réparé • L’Aquarium • Quo vadis • La Lettre d’amour
La Femme du haut fonctionnaire • Lettre à sa fille Bertl • Gifles
Elle ne sait pas ce qu’elle veut • L’annonce matrimoniale • J’ai fait un rêve
Chez le docteur • À la pharmacie • Difficultés de transport • L’Achat du cirque
Conversation à la fontaine au jet d’eau • Le Rôti de lapin • Mauvaises habitudes
Le Nouveau comptable • Soucis de famille • Sisselberger au tribunal
Où sont mes lunettes ? • Père et fils au sujet de la guerre

LE GRAND FEU D’ARTIFICE


Dans l’atelier de photographie • Au studio de radiodiffusion • À bord.
Le Communiant • Le Déménagement • La Sérénade de minuit • Non • Iora
La Fin du monde • Jacob la brocante • Au théâtre de jardin d’hiver
Le Professeur d’histoire naturelle • Guigne de cycliste • Un orage approche
Optimiste pessimiste • Dispute avec des mots aimables • Loufoqueville
Le Petit Chien • Conversation intéressante • L’Héritage • Le Journal d’hier

LES CHEVALIERS PILLARDS DEVANT MUNICH


ET AUTRES TEXTES
Les Chevaliers pillards devant Munich • Le Chevalier Unkenstein
L’Exécution du chevalier Lenz • Conseil de révision dans l’ancien temps
Une visite au chevalier Unkenstein • Au château, y’a pas de mal à ça
Un funeste solo de violon • Un funeste solo de violon (version de 1936)
L’Ange de la paix • Reportage radiophonique • Dans l’au-delà.
Karl Valentin

sketches

Traduit de l’allemand
par Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil

éditions THEATRALES ❙❙ JEUNESSE


THEATRALES ❙❙ JEUNESSE

Des langages, des histoires, des délires,


cent façons de raconter le monde.
Des textes à lire, à dire, à écouter, à jouer.

UNE COLLECTION DIRIGÉE PAR FRANÇOISE DU CHAXEL

La représentation des pièces de théâtre est soumise à l’autori-


sation de l’auteur ou de ses ayants droit. Avant le début des
répétitions, une demande d’autorisation devra être déposée
auprès de la SACD.

Couverture : Temps d’Espace


© R. Piper and C°, Munich, 1961, 1969, 1974, pour la version originale
© 2002, Éditions Théâtrales pour l’édition française
38, rue du Faubourg Saint-Jacques 75 014 Paris

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation
collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque
procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite
et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

ISBN : 2-84260-107-6
Où sont mes lunettes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
À la pharmacie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Lettre à sa fille Bertl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Chez le docteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Le Rôti de lapin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Le Cycliste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Gifles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Bruits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Un pur hasard… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
La Vente de la maison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
L’Ange de la paix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Non . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Le Petit Chien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
La Souris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

Karl Valentin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Un génial bricoleur de mots, . . . . . . . . . . . . . . . . 62
par Jean-Louis Besson
OÙ SONT MES LUNETTES ? (1937)

LE MARI .– Klara ! Je ne trouve pas mes lunettes. Tu

sais où sont mes lunettes ?

LA FEMME .– Hier je les ai vues dans la cuisine.

LE MARI .– Comment ça, hier ! Il y a une heure j’étais

encore en train de lire avec.

LA FEMME .– C’est bien possible, mais hier tes

lunettes étaient dans la cuisine.

LE MARI .– Mais ne raconte donc pas des insanités

pareilles, à quoi est-ce que ça m’avance que mes


lunettes aient été hier dans la cuisine !

LA FEMME .– Si je te le dis, c’est simplement parce

que tu les as laissées plusieurs fois dans la cuisine.

LE MARI .– Plusieurs fois ! – Je les laissées souvent –

mais où sont-elles maintenant, c’est ça que je veux


savoir !

LA FEMME .– Eh ben, où elles sont maintenant, ça je

ne le sais pas non plus ; elles sont sûrement


quelque part.

LE MARI .– Quelque part ! Pour sûr qu’elles sont

quelque part – mais où – où est-ce ce quelque part ?

LA FEMME .– Quelque part ? Ça je ne le sais pas non

plus – alors c’est qu’elles sont ailleurs !

7
À LA PHARMACIE (1937)

VALENTIN .– Bonjour, monsieur le pharmacien.

KARLSTADT.– Bonjour, monsieur, vous désirez ?

VALENTIN .– Ben, c’est difficile à dire.

KARLSTADT.– Aha, sûrement un mot latin ?

VALENTIN .– Non, non, je l’ai oublié.

KARLSTADT.– Bon, on va bien le retrouver, vous


n’avez pas d’ordonnance ?

VALENTIN .– Non !

KARLSTADT.– Qu’est-ce que vous avez ?

VALENTIN .– Eh bien, c’est l’ordonnance, c’est l’or-

donnance que je n’ai pas.

KARLSTADT.– Non, je veux dire, vous êtes malade ?

VALENTIN .– D’où vous vient cette idée. Est-ce que

j’ai l’air malade ?

KARLSTADT.–Non, je veux dire, le médicament est-il


pour vous ou pour une autre personne ?

VALENTIN .– Non, pour mon enfant.

KARLSTADT.– Ah bon, pour votre enfant. C’est votre


enfant qui est malade. Qu’est-ce qu’il a, cet enfant ?

11
LETTRE À SA FILLE BERTL

Munich, le 3 février 32

Très honorée mademoiselle ma fille !


Suite à notre dernière rencontre à Munich, le 5 août
1931, je me permets d’avoir maintenant l’obligeance
de te faire parvenir la facture de ton existence, et
j’espère que tu seras d’accord sur les prix.
Mk.
Frais de sage-femme,
payés le 21 septembre 1910 20,–
Une petite baignoire en fer blanc 6,–
Eau tiède, pendant 6 ans,
10 pfennigs par jour 219,–
Utilisation de l’éponge, pendant 6 ans,
5 pfennigs par jour 108,50
Des langes et un nécessaire pour bébé 100,–
1 litre de lait par jour pendant environ 6 ans,
avec de la bouillie, etc. 438,–
Indemnités pour l’accouchement,
calculées au plus juste par ta mère 100,–

Scolarité :
Frais d’inscription 2,20
Vêtements scolaires 500,–
Livres scolaires 90,–

15
CHEZ LE DOCTEUR (vers 1940)

KARLSTADT.– S’il vous plaît, au suivant.

VALENTIN .– Bonjour, docteur.

KARLSTADT.– Bonjour, monsieur Meier. Alors qu’est-


ce qui ne va pas ?

VALENTIN .– Oh là là, docteur, c’est mon estomac qui


ne marche plus très bien. Chaque fois que j’ai
mangé j’ai l’estomac qui est plein.

KARLSTADT.– Voyons, mais ça n’est pas une maladie,


c’est tout à fait logique, si vous vous mettez quelque
chose dans l’estomac, pour sûr, il est plein. – Qu’est-
ce qui se passe quand vous ne mangez rien ?

VALENTIN .– Juste le contraire, là je sens comme un


vide dans mon estomac.

KARLSTADT.– Ah ! Vous voyez, c’est que votre


estomac fonctionne bien.

VALENTIN .– Oui, mais alors, comment se fait-il que je


souffle comme ça quand j’escalade l’escalier ?

KARLSTADT.– Ah, mon brave, un autre aussi ça le


ferait souffler, mais ça n’a rien à voir avec l’estomac,
ça vient du poumon.

18
LE RÔTI DE LAPIN (1936)

LE MARI .– Elisabeth ! – J’ai faim voyons, il arrive ou

non ce rôti de lapin ?


LA FEMME .–Il n’est pas encore tout à fait prêt, mais
la soupe est déjà sur la table.
LE MARI .– (avale bruyamment) Ah, aujourd’hui la

soupe est encore immangeable.


LA FEMME .– Comment ça ? Aujourd’hui, c’est juste-

ment une très bonne soupe.


LE MARI .– Personne ne dit que la soupe n’est pas

bonne, je veux simplement dire qu’elle est imman-


geable parce qu’elle est trop chaude.
LA FEMME .– Une soupe doit être chaude.
LE MARI .– Sans doute ! Mais pas trop chaude !
LA FEMME .– Aïe-aïe-aïe – tous les jours, tous les jours

la même chanson, ou bien il trouve la soupe trop


chaude, ou bien il la trouve trop froide ; mais main-
tenant je vais te dire une bonne chose : si je ne
cuisine pas assez bien pour toi, tu n’as qu’à aller
manger au restaurant.
LE MARI .– C’est pas du tout nécessaire, la soupe,

elle est bonne, seulement trop chaude.


LA FEMME .– Eh bien, tu n’as qu’à attendre qu’elle soit
froide.

22
LE CYCLISTE (1928)

AGENT DE POLICE .– Halte !

Valentin regarde l’agent de police en faisant des


clins d’œil.

AGENT DE POLICE .– Pourquoi faites-vous des clins


d’œil comme ça ?

VALENTIN .– Vos lumières m’aveuglent, il faut que je

mette mes lunettes de soleil.

AGENT DE POLICE .–Mais vous avez là un klaxon, et un


cycliste doit avoir une sonnette. Seules les autos
peuvent avoir un klaxon, parce qu’elles n’ont pas le
droit de klaxonner.

(appuie sur la poire en caoutchouc) Le


VALENTIN .–

mien ne klaxonne pas.

AGENT DE POLICE .– Si le klaxon ne klaxonne pas, alors

c’est qu’il ne sert à rien.

VALENTIN .– Si – parce qu’en même temps je parle !

Écoutez bien, chaque fois que je dois signaler


quelque chose je dis : attention !

AGENT DE POLICE .– Et puis vous n’avez pas de raie

blanche à l’arrière du vélo !

VALENTIN .– Si !

27
GIFLES (1937)

VALENTIN .–Ah vous voilà, sale type ! Voilà des mois


que je cherche l’enfant de salaud qui se permet
d’envoyer en secret des lettres d’amour à ma
femme ! Enfin je vous tiens ! – Voilà ce que vous
méritez – et encore une – fripouille ! – Et encore une,
et une de plus encore – Flibustier ! – Voilà, mainte-
nant vous avez la rançon de votre grossièreté –
monsieur Otto Keilhauer !

KARLSTADT.– Mais qu’est-ce qui vous prend de me


souffleter comme ça ici ? Primo, je ne connais pas
du tout votre femme, et deuzio, je ne m’appelle pas
Otto Keilhauer, mais Alois Freiberger.

VALENTIN .– Quoooi ? Vous n’êtes pas monsieur Otto

Keilhauer ? Mais ça n’est pas possible ! Vous n’êtes


vraiment pas Otto Keilhauer ? Oh, je suis désolé –
une ressemblance aussi frappante ! Mille excuses !

KARLSTADT.– Tout doux, tout doux ! Comment ça,


des excuses – ce serait trop simple ! Vous m’avez
offensé et giflé !

Bon ! Je retire les offenses, avec tous


VALENTIN .–

mes regrets.

KARLSTADT.– Et les gifles ?

30
BRUITS (1941)

Valentin est assis au restaurant et mange une


soupe bruyamment.

MONSIEUR ZISSBIDELDIP.– Ah là là là, c’est incroyable ; si

vous n’êtes pas capable de manger en faisant


moins de bruit, à l’avenir bouffez chez vous, pas au
restaurant.

VALENTIN .– Je ne demanderais pas mieux mais ma

femme ne supporte pas la mastication, la dégluti-


tion et tous les autres bruits du repas.

MONSIEUR ZISSBIDELDIP.– Ah bon, votre femme ne

supporte pas ; mais les étrangers, au restaurant,


qui sont assis à côté de vous, eux sont obligés de
supporter !

Ils ne sont pas obligés – ils n’ont qu’à ne


VALENTIN .–

pas s’asseoir autour de moi.

MONSIEUR ZISSBIDELDIP.– Mais s’il n’y a plus de place


ailleurs ?

VALENTIN .–Alors oui ! – Vous êtes vraiment un


homme susceptible ! Vous allez tout de même bien
dans la rue ; là, vous entendez le bruit de la rue, les
autos pétaradent, là-haut dans les airs vrombissent
les avions…

34
UN PUR HASARD… 1

VALENTIN .– Anderl vous l’a déjà raconté ?

LE CHEF D ’ ORCHESTRE .– Pourquoi, qu’est-ce qu’il veut


encore ?

VALENTIN .– Rendez-vous compte, hier on a vécu un


hasard. Moi et Anderl, on marchait hier dans la
Kaufingerstrasse et on parlait juste comme ça d’un
cycliste – au moment même où on parle du cycliste
– il y en a juste un qui vient par hasard.

LE CHEF.– Oui – et après ?

VALENTIN .– Quoi après ?

LE CHEF.– Mais où est-ce qu’il est là-dedans le


hasard ?

VALENTIN .– Je dis qu’on a parlé d’un cycliste – et au

moment même où on a parlé du cycliste il y en a


juste un qui est venu !

LE CHEF.– Oui – et qu’est-ce qui s’est passé alors


avec le cycliste ? Qu’est-ce qu’il a fait ?

VALENTIN .– Rien ! – Il est passé.

LE CHEF.– Mais où est-ce qu’il est là-dedans le


hasard ?
1. extrait du Bastringue.

38
LA VENTE DE LA MAISON (1940)

VALENTIN .– Bonjour, vous désirez ?


KARLSTADT.– Je viens à cause de la maison.
VALENTIN .– Vous voulez dire à cause de la maison-
nette ?
KARLSTADT.– Dans le journal c’est écrit maison.
Non, c’est une petite maison, une
VALENTIN .–

maisonnette, une petite maisonnette.


KARLSTADT.–Est-ce qu’elle est en plein air, la
maisonnette ?
VALENTIN .– Ben, elle est là !
KARLSTADT.– Je viens à la suite de l’annonce du
journal ; elle est bien à vendre, la maison ; c’est ça,
la maison ?
VALENTIN .– Oui ! Je ne la vends pas de bon cœur,

mais je serai bien content d’en être débarrassé.


KARLSTADT.– Combien d’étages est-ce qu’elle a, la
maison ?
VALENTIN .– Aucun, rez-de-chaussée seulement.
KARLSTADT.– Elle est habitée ?
VALENTIN .– Pas pour le moment puisque je suis
dehors.

41
L’ANGE DE LA PAIX (1943)

LE MARI .–(met ses lunettes – lit le journal) La guerre,


la guerre – ils ne parlent que de ça – ah, si au moins
une fois on pouvait lire – la paix, la paix.

LA FEMME .– Oui, tu as raison – il se fait attendre cette


fois, l’ange de la paix. – Dis-moi, je peux te poser
une question idiote ?

LE MARI .– Tu poses toujours des questions idiotes.

Il est de quel sexe au fait l’ange de la


LA FEMME .–

paix, masculin ou féminin ? À mon avis, c’est un


homme puisqu’on dit un ange de la paix.

LE MARI .–Bien sûr qu’il est masculin, puisqu’on dit


un ange de la paix ; quand l’ange de la paix était
jeune, c’était un angelot de la paix, de sexe indé-
terminé.

LA FEMME .– Et comment il s’appelle, l’ange de la


paix ?

LE MARI .– Un ange, ça n’a pas de nom.

LA Mais si ! L’ange avec son glaive, le


FEMME .–

portier qui surveillait le paradis, il s’appelait bien


Gabriel.

LE MARI .– Oui, c’est vrai.

45
NON (1946)

V.– Vous connaissez mon beau-frère ?


B .– Non.
V.– Vous ne le connaissez pas ?
B .– Non.
V.– Ah bon. Je croyais que vous le connaissiez ?
B .– Non.
V.– Pas du tout ?
B .– Non.
V.– Et vous ne l’avez pas vu non plus ?
B .– Non.
V.– Mais pourtant vous savez que j’ai un beau-

frère ?
B .– Non.
V.– Comment ça ?
B .– Non.
V.– Quoi, non – vous aimeriez connaître mon beau-
frère ?
B .– Non.
V.– Ma belle-sœur non plus ?

50
LE PETIT CHIEN (1937)

LA DAME .– Oh, quel gentil petit chien ! Ça fait long-

temps que vous l’avez ?

LE MONSIEUR .– Oui, oui, déjà dix ans.

LA DAME .– Ah bon, en tout ?

LE MONSIEUR .– Ça va de soi !

LA DAME .– Pourquoi est-ce qu’il n’a pas le droit de

courir en liberté ?

LE MONSIEUR .– Il n’a pas de muselière.

LA DAME .– Ah, il mord ?

LE MONSIEUR .– Comment ça, pas le moins du


monde !

LA DAME .– Mais dans ce cas, il n’a pas besoin de


muselière.

LE MONSIEUR .–Si, sans muselière, il n’a pas le droit


de prendre le tramway.

LA DAME .– Mais là, maintenant, il n’est pas dans le


tramway.

LE MONSIEUR .– Maintenant non, d’ailleurs il n’y a pas


de tramway.

LA DAME .– Mais il en vient un à chaque instant.

54
LA SOURIS (1943)

Tu sais la dernière ? Dans notre chambre à


ELLE .–

coucher, depuis hier, il y a une souris.

LUI .– Ah, pourquoi est-ce que tu laisses entrer une

souris dans notre chambre à coucher ?

ELLE .– Balivernes, personne ne l’a laissée entrer,


elle s’y sera glissée d’elle-même.

LUI .– Glissée ?

ELLE .– Eh ben oui, elle n’y sera pas venue en volant.

LUI .– S’il s’agit d’une chauve-souris, elle vole ; pour


être exact, une chauve-souris volante volette –
mais si, dans notre cas, il s’agit d’une vulgaire
souris, pas chauve, alors la souris sera entrée à
pied dans notre chambre à coucher ; ainsi donc,
souris ou chauve-souris, voilà ce qu’il faut déter-
miner en premier lieu, pour savoir comment
l’attraper, ainsi donc qu’est-ce que c’était comme
souris ?

ELLE .– Mais moi, je ne le sais pas, je ne l’ai pas vue,

la souris.

LUI .– Ah, alors comment peux-tu affirmer qu’il y a

une souris dans notre chambre à coucher ?

ELLE .– Ben, parce que je l’ai entendue.

58

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