L'humilité, La Beauté de La Sainteté°andrew MURRAY°64

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L'humilité, la beauté de la sainteté

Andrew Murray
Préface

L'humilité se justifie à un triple point de vue. Elle nous convient en tant


que créatures, ensuite comme pécheurs, enfin parce que nous sommes
appelés à la sainteté. Nous voyons la preuve du premier point de vue dans
les armées célestes, chez le premier homme, innocent en Éden, et chez
Jésus, le créateur de l'humanité nouvelle. Le second point de vue, en nous
rappelant notre état de déchéance, nous montre que c'est par l'humilité
seule que l'homme pourra réoccuper sa place légitime et normale dans le
rang des créatures de Dieu. Enfin, lorsque nous marchons dans la voie de
la sainteté, il nous est donné de contempler le mystère de l'amour
rédempteur, et l'humilité devient alors en nous l'ornement et la condition
de toutes les bénédictions spirituelles.
Dans notre enseignement religieux habituel, le second point de vue a été
trop exclusivement mis au premier plan, de sorte que quelques personnes
ont même été jusqu'à dire que nous devons conserver du péché si nous
voulons réellement rester humbles. D'autres encore ont pensé que la force
de se condamner soi-même est le secret de l'humilité. C'est une erreur. La
vie chrétienne a diminué là où les croyants n'ont pas été distinctement
conduits à voir que, même dans nos relations entre créatures, il n'y a rien
de plus naturel, ni de plus magnifique, ni qui apporte à l'âme plus de
bonheur, que de n'être rien afin que Dieu puisse être tout. La vie spirituelle
ne peut grandir là où l'on n'a pas clairement enseigné et compris que ce
n'est pas le péché qui humilie le plus, mais la grâce, et que c'est l'âme
amenée à travers sa culpabilité à se détourner d'elle-même pour ne
s'occuper que de Dieu, dans sa gloire merveilleuse comme Dieu, comme
Créateur et Rédempteur, qui prendra véritablement la place la plus basse
devant Lui. Dans ces méditations j'ai, pour plusieurs raisons, presque
exclusivement appelé l'attention sur l'humilité qui nous convient comme
créatures. Je l'ai fait non seulement parce que le rapport qui existe entre
l'humilité et le péché est abondamment mis en relief dans tout notre
enseignement religieux, mais surtout parce que l'autre face de la vérité
concernant l'humilité est beaucoup plus importante. Nous ne pouvons, en
effet, posséder la vie spirituelle avec abondance sans comprendre et
mesurer l'importance de l'humilité. Si le Sauveur doit vraiment être notre
modèle dans son abaissement, nous avons besoin de posséder
l'intelligence des principes dans lesquels cet état d'abaissement avait ses
racines. Nous trouverons là le terrain sur lequel nous pourrons tenir ferme
pour arriver à une ressemblance de plus en plus grande avec Jésus. S'il
nous convient d'être humbles, non seulement devant Dieu, mais aussi
envers nos semblables, si l'humilité doit être notre joie, il importe que
nous comprenions bien qu'elle n'est pas la conséquence de notre état de
déchéance, mais notre gloire, puisqu'elle est la beauté et la félicité du ciel,
des anges et de Jésus.
Imitons notre Maître. Jésus trouva sa gloire en prenant la forme d'un
serviteur. Quand il nous dit : « Quiconque voudra être le premier parmi
vous, qu'il soit votre serviteur », il nous enseigne simplement la vérité
bénie qu'il n'y a rien de si divin et de si céleste que de servir les autres. Le
fidèle serviteur, qui comprend ce qu'est sa vraie place, trouve un réel plaisir
à pourvoir à tous les besoins de son maître ou de ses invités. Quand nous
verrons que l'humilité est quelque chose d'infiniment plus profond que la
contrition, et que nous nous en revêtirons pour pénétrer toujours plus
avant dans la vie de Jésus, nous commencerons à apprendre qu'elle est
notre vraie noblesse et nous le prouverons en servant, ce qui est la
réalisation la plus parfaite de notre destinée de créatures faites à l'image
de Dieu.
Quand je regarde en arrière, à mes propres expériences religieuses ou à
celles de l'Église de Christ dans le monde, je suis étonné de voir à quel
point l'humilité est peu recherchée comme le trait distinctif du disciple de
Jésus. Dans la prédication, dans la vie ordinaire, dans la vie familiale ou
dans la vie sociale, dans nos relations spirituelles avec nos frères et nos
sœurs dans le travail d'évangélisation, combien n'avons-nous pas de
preuves, hélas ! que l'humilité n'est pas regardée comme la vertu cardinale.
Pourtant elle est l'unique racine sur laquelle les grâces peuvent se
développer, et la condition indispensable de la vraie communion avec
Jésus. Il est fâcheux d'entendre des mondains affirmer que ceux qui font
profession de marcher dans la sainteté ne marchent malheureusement pas
dans l'humilité. Quelle que soit la part de vérité renfermée dans cette
accusation, elle est un appel sérieux à tous les chrétiens de prouver que la
douceur et l'humilité de cœur sont les principaux traits de caractère
auxquels on reconnaît ceux qui suivent l'Agneau doux et humble de cœur.
Chapitre premier
L'humilité : la gloire de la créature

Ils jetaient leurs couronnes devant le trône, en disant : Tu es


digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et
l'honneur et la puissance ; car tu as créé toutes choses, et c'est
par ta volonté qu'elles existent et qu'elles ont été créées
Apocalypse 4.10-11

Lorsque Dieu créa l'univers, ce fut avec l'unique intention de faire


participer Ses créatures à Ses perfections et à Sa fidélité, et de montrer
ainsi la gloire de Son amour, de Sa Sagesse et de Sa puissance. Dieu
voulait se révéler en nous et par nous en nous communiquant autant de Sa
propre bonté et de Sa gloire que nous étions capables d'en recevoir. Mais
cette communication de vie divine ne nous fut pas faite comme quelque
chose que nous pouvions posséder d'une façon indépendante, pour en
disposer à notre gré. De même que Dieu est l'éternel vivant, qu'il est
présent partout et qu'il agit sans cesse, qu'il soutient toutes choses par la
parole de Sa puissance, ainsi la relation de la créature avec Dieu ne pouvait
être qu'une relation de dépendance incessante, absolue et universelle.
Aussi réellement que Dieu nous a créés une fois par Sa puissance, il faut
que, par cette même puissance, Il nous maintienne la vie, La créature n'a
pas seulement à regarder en arrière à l'origine de l'existence pour
reconnaître qu'elle doit tout à Dieu ; son principal souci, sa plus haute
vertu, son unique bonheur, maintenant et à travers toute l'éternité, est de
se présenter comme un vase vide dans lequel Dieu puisse habiter et
manifester Sa puissance et Sa bonté.
La vie que Dieu nous accorde n'est donc pas un don fait une fois pour
toutes, mais c'est une grâce qu'il nous maintient à chaque instant, par
l'opération incessante de Sa parfaite puissance. Par conséquent, l'humilité,
qui est le sentiment de notre absolue dépendance de Dieu, est, par la
nature même des choses, le premier devoir, la plus haute vertu de la
créature et la racine de toute vertu.
Et de même l'orgueil, ou la perte de cette humilité, est la racine de tout
péché et de tout mal. Ce fut quand les anges maintenant déchus
commencèrent à se regarder avec complaisance qu'ils furent conduits à
désobéir et qu'ils furent chassés de la lumière du ciel dans les ténèbres du
dehors. C'est encore ce qui arriva quand le serpent fit pénétrer le poison de
son orgueil dans le cœur de nos premiers parents en leur inspirant le désir
d'être comme Dieu ; ils tombèrent de leur état de pureté dans toute la
détresse dans laquelle les créatures sont maintenant plongées. Dans les
cieux et sur la terre, l'orgueil, l'exaltation du moi a fait naître l'enfer ; il en
est la porte et la malédiction [1].
Par conséquent, notre rédemption ne peut être que le rétablissement, dans
nos cœurs, de l'humilité perdue. Tant que cette grâce ne remplit pas nos
cœurs, nos relations avec Dieu sont fausses. C'est pourquoi Jésus est venu
personnifier sur la terre l'humilité perdue, afin de nous en rendre
participants et de nous sauver par ce moyen. Dans les cieux, il s'est
humilié lui-même pour devenir homme. L'humilité que nous voyons en lui,
il la possédait dans le ciel ; il l'apporta du ciel. Ici sur la terre « il s'humilia
lui-même, et devint obéissant jusqu'à la mort » ; son humilité donna à sa
mort sa valeur et devint ainsi notre rédemption. Maintenant, le salut qu'il
nous donne n'est rien de moins et rien d'autre qu'une communication de
sa propre vie, de sa mort, de son esprit, de son humilité personnelle, qui
est la racine de ses relations avec Dieu et de son œuvre rédemptrice. Jésus-
Christ a pris notre place et réalisé notre destinée par sa vie de parfaite
humilité.
Notre salut a sa source dans l'humilité de Christ ; le salut qu'il nous
apporte consiste à être humbles comme lui.
Ainsi la vie des sauvés, des saints, doit nécessairement porter ce sceau de
délivrance du péché et de plein rétablissement dans l'état originel ; toutes
nos relations avec Dieu et les hommes doivent porter la marque d'une
profonde humilité. Sans elle, on ne peut demeurer en la présence de Dieu,
ni expérimenter son amour et la puissance de Son Esprit ; sans elle, la foi
ne peut habiter dans nos cœurs, ni l'amour, ni la joie, ni la force. L'humilité
est le seul terrain dans lequel les grâces s'enracinent ; l'absence d'humilité
est l'explication suffisante de toute défaite et de tout échec. L'humilité n'est
pas une grâce parmi d'autres grâces ; c'est la racine de toutes les grâces,
parce qu'elle seule prend devant Dieu une attitude vraie, qui permet à
notre Père céleste d'être tout en nous et d'agir par nous.
En tant que créatures raisonnables, Dieu nous a constitués de telle sorte
que notre obéissance est d'autant plus prompte et complète que nous
voyons clairement la nature réelle ou le besoin absolu d'un
commandement. Aussi l'invitation à devenir humble a-t-elle été trop peu
écoutée dans l'Église, parce que la vraie nature et l'importance de
l'humilité ont été trop peu comprises. Ce n'est pas quelque chose que
nous apportons à Dieu : c'est simplement le sentiment de notre absolu néant,
qui s'empare de nous quand nous voyons combien il est vrai que Dieu est tout.
Alors nous avons soif de disparaître pour que Dieu soit tout.
Quand la créature sent que c'est là sa vraie noblesse, et qu'elle consent à
être, avec sa volonté, son esprit et ses affections, la forme, le vase dans
lequel la vie et la gloire de Dieu doivent agir et se manifester, elle voit que
l’humilité consiste simplement à reconnaître la vérité de sa position
comme créature et à rendre à Dieu la place qui Lui est due.
Dans la vie des chrétiens sérieux, de ceux qui recherchent et professent la
sainteté, l'humilité doit être la principale marque de leur authenticité. Il
n'en est malheureusement pas toujours ainsi. Pourquoi ? Ne serait-ce pas
parce que, dans l'enseignement et l'exemple de l'Église, l'humilité n'a pas
occupé la place d'honneur qui lui appartient ? Cette vérité a été tellement
négligée et si peu comprise qu'on considère généralement notre état de
péché comme la grande influence qu'il faut faire agir pour nous pousser à
devenir humbles. Mais il existe un motif plus grand, et plus puissant, le
motif qui donne aux anges, au Seigneur Jésus, au plus saint parmi les
saints dans le ciel, leur parfaite humilité : c'est que la première et
essentielle marque des relations de la créature avec son Créateur, le secret
de toute bénédiction, est l'humilité et la conviction de notre néant qui
laissent à Dieu la gloire d'être tout.
Beaucoup de chrétiens confesseront, j'en suis sûr, que leur expérience a
été fort semblable à la mienne en ceci, que nous avons longtemps connu le
Seigneur sans éprouver que la douceur et l'humilité de cœur doivent être
les traits distinctifs du disciple comme ils étaient ceux du Maître. Cette
humilité n'est pas une chose qui viendra naturellement, mais il faut la
rechercher ardemment et avec persévérance, prière et foi. En étudiant la
Parole de Dieu, nous verrons quelles instructions très claires et fréquentes
Jésus donne à ses disciples sur ce point particulier, quelle importance il y
attache et combien ils furent lents à comprendre. Reconnaissons donc, dès
le début de nos méditations sur l'humilité, qu'il n'y a rien de si insidieux,
de si caché à nos yeux, de si difficile à vaincre et de si dangereux que
l'orgueil. Comprenons que la seule confiance persévérante et très ferme en
Dieu et en Jésus-Christ nous fera voir combien nous manquons de la grâce
de l'humilité, et combien nous sommes impuissants à l'obtenir autrement
que par la foi. Étudions le caractère de Christ jusqu'à ce que nos âmes
soient remplies d'amour et d'admiration à la vue de son humilité. Croyons
que, quand nous serons brisés par la douleur de notre orgueil et de notre
impuissance à nous en débarrasser, Jésus-Christ nous communiquera lui-
même cette grâce, comme une partie de sa vie merveilleuse.
Chapitre II
L'humilité : le secret de la
rédemption

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel,


existant en forme de Dieu, n'a point regardé cette égalité avec
Dieu comme une richesse à garder pour lui, mais s'est dépouillé
lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant
semblable aux hommes, et en se montrant comme un simple
homme ; il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à
la mort, même jusqu'à la mort de la croix. C'est pourquoi Dieu
l'a souverainement élevé
Philippiens 2.5-9

Aucun arbre ne peut croître que par les racines qui lui ont donné
naissance. A travers toute son existence, il ne peut vivre qu'avec la vie qui
était renfermée dans la semence d'où il est sorti. La pleine intelligence de
cette vérité dans son application au premier et au second Adam, nous
aidera fortement à comprendre le besoin et la nature de rédemption que
nous avons en Jésus.
Quand le serpent ancien, qui avait été chassé du ciel à cause de son
orgueil, parla à Eve dans le jardin d’Éden, ses paroles renfermaient le
poison même de l'enfer. Et quand notre malheureuse mère prêta une
oreille complaisante à la voix de Satan lui disant qu'elle serait comme
Dieu, qu'elle connaîtrait le bien et le mal, le poison entra dans son âme,
dans son sang, dans sa vie, détruisant pour toujours cette humilité bénie
et cette dépendance de Dieu qui devaient être notre bonheur éternel.
Désormais la vie d'Eve et celle de sa postérité étaient corrompues à leur
racine même par le plus terrible de tous les péchés et de tous les fléaux : le
poison de Satan. Toutes les détresses humaines ont là leur unique source :
fleuves de larmes et de sang, guerres entre peuples, égoïsme, iniquités,
souffrances corporelles et morales, ambitions, jalousies, cœurs brisés, vies
pleines d'amertume et de désespoir, esclavage, alcoolisme, impureté,
créatures écrasées par leurs semblables, tout sort de l'orgueil. C'est
l'orgueil qui a rendu nécessaire la rédemption ; c'est de notre orgueil que
nous avons besoin par-dessus tout d'être délivrés. La connaissance du
besoin que nous avons de la rédemption dépendra dans une grande
mesure de notre connaissance de la nature terrible de cette puissance
infernale qui a pénétré notre être tout entier.
Aucun arbre ne peut croître que par les racines qui lui ont donné
naissance. La puissance maudite que Satan apporta de l'enfer et jeta dans
la vie humaine travaille sans cesse avec une force extraordinaire dans le
monde. Les hommes en souffrent ; ils la craignent, ils la combattent et la
fuient ; mais ils ne savent d'où elle vient, ni d'où elle reçoit sa terrible
suprématie. Il n'est donc pas étonnant qu'ils ne sachent si elle peut être
vaincue et de quelle manière. L'orgueil a sa racine et sa force dans une
terrible puissance spirituelle, qui existe en nous aussi bien qu'en dehors de
nous. C'est pourquoi il est aussi nécessaire de le confesser et de nous en
humilier, que de le connaître dans son origine satanique. Alors seulement
nous serons amenés à désespérer complètement de pouvoir le vaincre et
le chasser ; et cette constatation de notre impuissance nous poussera
promptement vers cette puissance surnaturelle dans laquelle seule se
trouve notre délivrance : la rédemption de l'Agneau de Dieu. La lutte
désespérée contre les œuvres du moi et de l'orgueil au-dedans de nous
peut réellement devenir encore plus désespérée quand nous pensons à la
puissance de ténèbres qui nous enveloppe. Puisque l'ennemi n'est pas
seulement en nous, mais hors de nous, qu'il rôde comme un lion
rugissant, cherchant qui il pourra dévorer, c'est en réalisant notre
impuissance à le vaincre que nous serons amenés à accepter avec foi une
puissance et une vie qui se trouvent aussi en dehors de nous : cette
humilité céleste que l'Agneau de Dieu nous a apportée pour qu'elle prenne
en nous la place de Satan et de son orgueil.
Aucun arbre ne peut croître que par les racines qui lui ont donné
naissance. Pareillement, nous avons besoin de regarder au premier Adam
et à sa chute pour connaître le second Adam et sa puissance, afin de lui
demander avec foi de mettre en nous une vie d'humilité aussi réelle et
aussi puissante qu'a été celle de l'orgueil. Nous recevons notre vie de
Jésus-Christ aussi réellement, même plus réellement, que d'Adam, et de
même que nous vivons en Adam dans notre état naturel, nous pouvons
tout aussi véritablement vivre en Christ, demeurer en Christ, par le Saint-
Esprit. Nous pouvons marcher « enracinés en Lui » (Colossiens 2.7 ), « en
nous attachant au Chef, dont tout le corps tire l'accroissement que Dieu
donne » (Colossiens 2.19 ). La vie de Dieu qui entra par l'incarnation dans
la nature humaine est la racine d'où nous tirons notre vie spirituelle et
notre croissance journalière. Notre unique besoin c'est d'apprendre à
connaître et à croire que la vie qui nous a été révélée en Christ est à nous
maintenant, et qu'elle attend tout simplement notre consentement pour
prendre possession de nous et remplir tout notre être.
Sous ce rapport, il est d'une suprême importance que nous ayons des
pensées tout à fait justes sur ce que Christ est, ce qui fait de lui réellement
le Christ, et spécialement ce qui doit être regardé comme le trait principal,
la racine et l'essence de tout son caractère de Rédempteur. A cela, il ne
peut y avoir qu'une réponse : c'est son humilité. Qu'est-ce que l'incarnation,
si ce n'est son humilité céleste qui le fait s'anéantir pour devenir homme ?
Sa vie sur la terre n'est-elle pas une vie d'humilité ? « Je suis au milieu de
vous comme celui qui sert », dit-il à ses disciples (Luc 22.27 ; Jean 13.14-
15). Sa mort sur la croix n'est-elle pas la suprême manifestation de son
humilité ? « Il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort
» (Philippiens 2.8). Qu'est-ce que son ascension glorieuse, si ce n'est son
humilité exaltée jusqu'au trône de Dieu et couronnée de gloire ? « Il s'est
humilié lui-même, c'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé »
(Philippiens 2.9). Dans les cieux où il vivait avec son Père, dans sa
naissance à Bethléem, dans sa vie, dans sa mort, dans sa présence sur le
trône de Dieu, nous contemplons toujours et partout son humilité. Il est
l'humilité divine incarnée dans la nature humaine ; il est l'amour éternel
s'humiliant, s'enveloppant du vêtement de la douceur et de la bonté pour
gagner nos cœurs, nous servir et nous sauver. Il était ici-bas l'humilité
incarnée et il est encore au milieu du trône l'Agneau de Dieu, doux et
humble de cœur.
Si l'humilité est la racine de l'arbre, sa nature sera nécessairement vue
dans chaque branche, dans chaque feuille et dans chaque fruit. Si
l'humilité est la grâce suprême de la vie de Jésus qui renferme toutes les
autres grâces, — si l'humilité est le secret de son œuvre expiatoire, —
alors la santé et la force de notre vie spirituelle dépendront complètement
de la mesure dans laquelle nous posséderons cette grâce. Il faut que
l'humilité ait à nos yeux une telle importance que ce soit la chose
essentielle que nous admirions en Jésus, la grâce suprême que nous lui
demandions de nous accorder et pour laquelle nous soyons prêts à tous
les sacrifices.
Est-il étonnant que la vie chrétienne soit si souvent faible et stérile, quand
la racine même de la vie de Christ est négligée et inconnue ? Peut-on
s'étonner que la joie du salut soit si peu connue et sentie, quand la grâce,
dans laquelle Christ l'a trouvée et nous l'a apportée, est si peu cherchée ?
Jusqu'à ce qu'une humilité qui reposera uniquement sur la fin et la mort du
moi ; qui abandonnera toute gloire humaine, comme fit Jésus, pour ne
chercher que la gloire qui vient de Dieu ; qui renoncera à elle-même en
regardant toutes choses comme une perte, comme de la boue (Philippiens
3.7-10), afin que Dieu soit tout et que Christ seul soit exalté, — jusqu'à ce
qu'une semblable humilité devienne le désir suprême de nos cœurs,
jusqu'à ce que ce soit là ce que nous cherchions en Christ par-dessus tout
comme notre principale joie, jusqu'à ce que nous soyons décidés à obtenir
cette grâce à tout prix, nous ne pourrons être réellement vainqueurs du
monde.
Je ne puis insister trop sérieusement auprès de mes lecteurs pour les
rendre attentifs au besoin qu'ils ont de rechercher l'humilité de Jésus.
Arrêtez-vous, réfléchissez et demandez-vous s'il y a abondamment en vous
et autour de vous, dans ceux qui se disent chrétiens, l'Esprit de l'Agneau
de Dieu, doux et humble de cœur. Considérez que tout manque d'amour,
toute indifférence aux besoins, aux sentiments, aux faiblesses des autres,
tout jugement téméraire et tranchant, toute parole dure, dont on s'excuse
si souvent sous prétexte qu'on est franc et honnête, toute manifestation de
mauvaise humeur et d'irritation, tout sentiment d'amertume, ont leurs
racines uniquement dans l'orgueil et vos yeux seront ouverts pour voir
combien l'orgueil rampe presque partout, même dans les assemblées
chrétiennes. Commencez à vous demander ce qui se produirait si les
croyants étaient, dans tous leurs rapports avec leurs semblables,
réellement et d'une manière permanente, guidés par l'humilité de Jésus ; et
dites si le cri de votre cœur tout entier, nuit et jour, ne devrait pas être : Oh
! Seigneur Jésus, revêts-moi de ton humilité et revêts-en ceux qui
m'entourent ! Que votre cœur réfléchisse à tout ce qui vous manque pour
que votre vie ressemble à celle du Sauveur, et vous commencerez à sentir
que vous n'avez encore jamais réellement connu tout ce que Christ veut
être pour vous.
Croyant, étudie l'humilité de Jésus. C'est le secret et la racine cachée de ta
rédemption. Humilie-toi chaque jour plus profondément. Crois de tout ton
cœur que Christ entrera en toi pour y habiter, y travailler et te rendre tel
que le Père veut que tu sois ; Dieu te l'a donné afin que sa divine humilité
accomplisse l'œuvre de ton salut.
Chapitre III
L'humilité de Jésus

Je suis au milieu de vous comme celui qui sert


Luc 22.27

Dans l’Évangile de Jean, la vie intérieure de Jésus nous est pleinement


dévoilée. Jésus parle fréquemment de ses rapports avec le Père, des
mobiles qui l'animent, du sentiment qu'il a de la puissance et de l'esprit
qui le font agir. Il est vrai que le mot « humble » ne se trouve pas dans
l’Évangile de Jean, mais nulle part dans les Écritures nous ne voyons si
clairement en quoi consiste son humilité. Nous avons déjà dit ce qu'est
cette grâce : c'est le simple consentement de la créature à laisser Dieu être
tout, en nous soumettant à sa seule volonté. Dans la personne de Jésus,
nous voyons à la fois comment, en tant que Fils de Dieu dans le ciel et en
tant qu'homme sur la terre il prit vis-à-vis de son Père une attitude
d'absolue dépendance, pour donner à Dieu l'honneur et la gloire qui lui
sont dûs. Ce qu'il enseigne si fréquemment, il le montre réalisé dans sa
personne : « Il s'est humilié, c'est pourquoi Dieu Ta souverainement élevé
».
Écoutez de quelle façon notre Seigneur parle de ses rapports avec son Père
et vous verrez comme il emploie sans cesse les mots ne pas et rien, en
parlant de lui-même. Le pas moi, par lequel Paul exprime sa relation avec
Christ, est l'esprit même de ce que dit le Sauveur de sa relation avec son
Père.
« Le Fils ne peut rien faire de lui-même » (Jean 5.19).
« Je ne puis rien faire de moi-même ; mon jugement est juste, parce que je
ne cherche pas ma volonté » (Jean 5.30).
« Je ne tire pas ma gloire des hommes » (Jean 5.41).
« Je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de
Celui qui m'a envoyé » (Jean 6.38).
Ma doctrine n'est pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé » (Jean 7.16).
« Je ne suis pas venu de moi-même » (Jean 7.28).
« Je ne fais rien de moi-même, mais je parle selon ce que le Père m'a
enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi ; il ne m'a pas laissé seul,
parce que je fais toujours ce qui lui est agréable » (Jean 8.29).
« Je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé » (Jean
8.42).
« Je ne cherche pas ma gloire » (Jean 8.50).
« Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; et le Père qui
demeure en moi, c'est lui qui fait les œuvres » (Jean 14.10).
« La parole que vous entendez n'est pas de moi, mais du Père qui m'a
envoyé » (Jean 14.24).
Toutes ces paroles nous révèlent les racines les plus profondes de la vie et
de l'œuvre de Christ. Elles nous disent pourquoi le Dieu tout-puissant a pu
accomplir Sa grande œuvre de rédemption par son moyen. Elles nous
montrent quels étaient les sentiments du Fils de Dieu. Elles nous
enseignent que la nature essentielle de cette rédemption accomplie par
Christ consiste en ceci : Jésus n'était rien afin que Dieu pût être tout. Il
s'abandonna entièrement à la volonté de son Père pour être un instrument
de salut en notre faveur. De sa propre puissance, de sa propre volonté, de
sa propre gloire, de toute sa mission avec toutes ses œuvres et son
enseignement, de toutes ses paroles pleines de grâce et de vérité, — de
tout cela il dit : Ce n'est pas moi ; je ne puis rien faire de moi-même ; je me
suis donné au Père pour qu'il travaille en moi et par moi ; je ne puis rien, le
Père est tout.
Dans cette vie de complet oubli de lui-même d'absolue abnégation, de
parfaite soumission à la volonté de son Père, de dépendance
ininterrompue, Christ trouva une paix et une joie parfaites : en donnant
tout à Dieu, il ne perdit rien. Dieu honora sa confiance, Il fut tout pour lui.
Il l'éleva à sa droite dans sa gloire. Parce que Jésus-Christ s'était ainsi
humilié devant Dieu et que Dieu était toujours devant ses yeux, il lui fut
facile de s'humilier aussi devant les hommes et d'être le serviteur de tous.
Son humilité était simplement l'abandon de lui-même à Dieu, pour
permettre à son Père de faire en lui ce qui Lui était agréable, sans
s'inquiéter de ce que diraient les hommes qui l'entouraient ou de ce qu'ils
lui feraient.
C'est dans cet état d'esprit, dans cette disposition, que la rédemption de
Christ exerce sa vertu et son efficacité. C'est pour nous amener à ces
mêmes sentiments que nous sommes faits participants de Christ. Cela est
le vrai renoncement à nous-mêmes, auquel notre Sauveur nous appelle,
l'aveu que notre moi n'est bon qu'à mourir, qu'il ne faut pas l'écouter
quand il veut être ou faire quelque chose, que nous devons être comme un
vase vide que Dieu doit remplir. Par-dessus tout et avant tout, c'est en ceci
que consiste la conformité avec notre Sauveur : n'être rien et ne rien faire
de nous-mêmes afin que Dieu puisse être tout.
Voilà la racine et la nature de la vraie humilité. Si notre humilité est si
superficielle et si faible, c'est parce que cette vérité n'est ni comprise, ni
aimée. Apprenons de Jésus le secret d'être doux et humble de cœur
comme lui. Il nous enseignera où la vraie humilité prend sa source et
trouve sa force : dans la connaissance que c'est Dieu qui accomplit tout en
tous et que, par conséquent, notre devoir est de nous abandonner à Lui
avec un renoncement absolu, pour consentir à n'être rien et à ne rien faire
de nous-mêmes. Pourquoi Jésus est-il venu vivre ici-bas et mourir sur la
croix, si ce n'est pour nous révéler cette vie de dépendance et nous
permettre de la posséder quand nous consentons à mourir à nous-mêmes
? Si nous sentons que cette vie est trop élevée pour nous, que nous ne
pouvons la réaliser par nos efforts, cherchons-la auprès de Jésus, en
demeurant en lui. Il nous conduira sur le rocher que nous ne pouvons
atteindre (Ps. 61.3). C'est le Christ intérieur qui réalisera en nous cette vie
de douceur et d'humilité. Si nous soupirons réellement après une telle vie,
cherchons, avant tout, à connaître le saint secret de la nature de Dieu. Par-
dessus tout chaque enfant de Dieu doit être un témoin montrant que nous
ne sommes que des vases, des canaux à travers lesquels le Dieu vivant
peut manifester les richesses de Sa sagesse, de Sa puissance et de Sa
bonté. La racine de toute vertu et de toute grâce, de toute foi et de toute
adoration acceptable, c'est de reconnaître que nous n'avons rien. Nous
recevons tout de Dieu et devons nous courber devant Lui dans l'humilité la
plus profonde pour attendre tout de Sa grâce.
C'est parce que cette humilité n'était pas seulement chez le Sauveur un
sentiment intermittent, mais l'esprit de toute sa vie, qu'il fut aussi humble
dans ses relations avec les hommes qu'avec Dieu. Il se sentait le serviteur
de Dieu pour les hommes que Dieu a créés et aimés ; et, comme
conséquence naturelle, il se regardait comme le serviteur des hommes,
afin que Dieu puisse accomplir son œuvre d'amour au travers de lui.
Jamais il ne songea un seul instant à chercher sa propre gloire ou à se
servir de sa puissance pour se défendre. L'esprit qui l'animait était celui
d'un être parfaitement abandonné à Dieu pour être son instrument au
milieu des hommes. Tant que les chrétiens n'étudieront pas l'humilité de
Jésus pour arriver à comprendre que c'est l'essence même de sa puissance
rédemptrice, la bénédiction même de sa vie de Fils de Dieu, l'unique
source de sa vraie relation avec le Père, et par conséquent ce que Jésus doit
nous communiquer si nous voulons participer un jour à sa gloire, ils
seront faibles et tristes. Il faut renoncer à notre religion si pauvre et tout
sacrifier pour posséder cette humilité céleste qui est la marque première et
essentielle de Jésus-Christ en nous.
Frères, êtes-vous revêtus d'humilité ? Demandez-le à votre vie journalière.
Demandez-le à Jésus. Demandez-le à vos amis. Demandez-le au monde. Et
commencez à louer Dieu de ce qu'il nous a ouvert en Jésus l'accès à une
humilité céleste que vous avez à peine connue jusqu'à présent et à travers
laquelle une bénédiction céleste, que vous n'avez encore jamais goûtée,
peut venir habiter en vous.
Chapitre IV
L'humilité enseignée par Jésus

Apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur


Matthieu 11.29

Quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre


esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour
être servi, mais pour servir
Matthieu 20.27-28

Nous avons vu l'humilité dans la vie du Sauveur quand il nous a ouvert


son cœur ; maintenant écoutons son enseignement. Nous entendrons ce
qu'il dit de l'humilité et à quel point il s'attend à ce que ses disciples soient
humbles comme il l'était. Étudions soigneusement les passages que je me
contente de citer ; nous aurons alors une idée de la place capitale qu'elle
occupe dans son enseignement. Cela nous aidera à mieux comprendre ce
qu'il demande de nous.
Jetons un coup d'œil sur le commencement de son ministère. Dans les
béatitudes qui ouvrent le Sermon sur la Montagne, il dit : « Heureux les
pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. Heureux ceux qui sont
doux, car ils hériteront la terre. » Ces premières paroles sont une révélation
des conditions à remplir pour pouvoir entrer dans le royaume des cieux. Le
royaume est donné aux pauvres qui n'ont rien, qui se reconnaissent
pauvres ; la terre appartiendra aux doux, qui ne cherchent rien en eux-
mêmes. Les bénédictions des cieux et de la terre sont pour les humbles,
car l'humilité est le secret de toute bénédiction sur la terre et dans le ciel.
« Recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez du repos pour vos âmes » (Matthieu 11.29). Jésus vient à nous
comme professeur, comme docteur, pour nous enseigner. Et il nous dit en
même temps ce que nous trouverons en lui en tant que docteur, dans quel
esprit il nous enseignera et ce que nous apprendrons et recevrons de lui, si
nous entrons à son école. La douceur et l'humilité sont les seules choses
qu'il nous offre ; en les -recevant, nous trouverons le repos parfait de
l'âme. L'humilité sera notre salut.
Les disciples avaient discuté entre eux pour savoir lequel était le plus grand
dans le royaume des cieux, et ils s'étaient accordés pour le demander au
Maître (Matthieu 18.3 : Marc 9.33-34 ; Luc 9.46) « Jésus, ayant appelé un
petit enfant le plaça au milieu d'eux et dit : « Quiconque se fera humble
comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux. Car celui
qui est te plus petit parmi vous tous, c'est celui-là qui est grand ». Qui est le
plus grand dans le royaume des cieux ? La question est réellement d'une
immense portée. Quelle sera la principale distinction dans le royaume des
cieux ? Jésus seul pouvait donner la réponse. La principale gloire du ciel, le
véritable esprit céleste, la couronne de toutes les grâces est l'humilité. «
Celui qui est le plus petit parmi vous tous, c'est celui-là qui est grand » (Luc
9.48).
La mère des fils de Zébédée fit un jour une demande à Jésus. « Ordonne,
lui dit-elle, que mes deux fils, que voici, soient assis dans ton royaume, l'un
à ta droite et l'autre à ta gauche. » Jésus répondit : « Cela ne dépend pas
de moi, et ne sera donné qu'à ceux à qui mon Père l'a réservé ». Il leur
parle d'une coupe de souffrance à boire et d'un baptême d'humiliation à
recevoir, puis il ajoute : « Quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit
votre serviteur, et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit
votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être
servi, mais pour servir » (Matthieu 20.26-27). L'humilité est le trait
distinctif de Christ, l'homme céleste ; elle sera la seule bannière glorieuse
dans le ciel ; le plus humble est le plus près de Dieu. La primauté dans
l'Église est promise au plus petit.
En parlant à la foule et à ses disciples, des pharisiens et de leur amour
pour les premières places, Christ répète encore : Celui qui est le plus grand
parmi vous sera votre serviteur » (Matthieu 23.11). L'humiliation est le seul
escalier d'honneur dans le royaume de Dieu.
Une autre fois, dans la maison d'un pharisien, il raconte la parabole de
l'hôte qui est invité à monter plus haut (Luc 14.7-11), et il ajoute : « Car
quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé ». Il y a là
une loi absolue.
Après avoir raconté la parabole du pharisien et du péager, Jésus dit de
nouveau : « Celui qui s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé »
(Luc 18.14). Aller dans le temple pour se présenter devant Dieu dans
l'adoration est un acte indigne s'il n'est pas accompli dans un sentiment
vrai de profonde humilité envers Dieu et envers les hommes.
Lorsqu'il eut lavé les pieds de ses disciples, Jésus leur dit : « Si donc je
vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous
laver les pieds les uns aux autres » (Jean 13.14). La nécessité de donner à
l'humilité la première place dans nos cœurs et dans nos vies nous est
montrée encore ici avec une grande force par l'exemple et la parole du
Sauveur.
Quand le Seigneur institua la sainte Cène, dans le dernier repas avec ses
disciples, ceux-ci étaient en contestation pour savoir lequel d'entre eux
devait être estimé le plus grand (Luc 22.26). Jésus leur dit : « Que le plus
grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme
celui qui sert… Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc
22.26-27). Le sentier dans lequel Jésus marcha et dans lequel il nous invite
à marcher, la puissance et l'esprit dans lesquels il nous a sauvés, c'est
toujours l'humilité qui fait de nous les serviteurs de tous nos semblables.
Hélas ! Cette vérité est insuffisamment enseignée et pratiquée. On la laisse
dans l'ombre. Son absence est trop peu sentie et confessée. Je ne dis pas
combien peu de chrétiens arrivent à ressembler à Jésus dans son humilité,
mais combien peu sont même préoccupés du besoin de la rechercher et de
la posséder. Le monde, hélas ! la voit très peu en nous.
« Quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre serviteur. »
Oh ! que Dieu nous fasse comprendre et croire par le Saint-Esprit ce que
Jésus nous dit ici. Nous savons tous ce que doit être le caractère d'un
fidèle serviteur. Son devoir est de se consacrer aux intérêts de son maître,
de chercher à lui plaire, de prendre son plaisir à l'honorer et à travailler à
son bonheur. Il y a sur la terre des serviteurs qui possèdent ces sentiments
et qui mettent leur gloire à bien servir. Sont-ce là nos dispositions à l'égard
de Dieu ? Notre but est-il de faire toujours ce qui lui est agréable ? Faisons-
nous l'expérience que nous trouvons notre plus haute liberté dans le
service de Dieu ? Si oui, nous avons besoin maintenant d'apprendre une
autre leçon : c'est que Jésus nous appelle à être les serviteurs les uns des
autres et que nous trouvons aussi dans ce service, quand nous
l'accomplissons de bon cœur et avec humilité, une grande bénédiction,
une nouvelle et plus complète liberté à l'égard du péché et du moi. A cause
de notre orgueil qui nous pousse à vouloir être quelque chose, nous
trouverons dur tout d'abord de servir. Mais, si nous apprenons que n'être
rien devant Dieu, c'est la gloire de la créature, l'esprit de Jésus, la joie du
ciel, nous serons heureux de servir même ceux qui nous éprouvent et nous
vexent. Quand tout notre cœur aura soif de sainteté, nous étudierons
chaque parole de Jésus sur l'abaissement du moi avec un nouveau zèle, et
aucune place ne sera trop petite, aucune humiliation trop profonde, aucun
service à rendre trop insignifiant ou trop difficile, si nous pouvons
seulement participer à la communion de celui qui dit : « Je suis au milieu
de vous comme celui qui sert ».
Frères, c'est ici le chemin de la vie la plus noble. Il faut descendre,
descendre toujours plus bas ! C'est la leçon que Jésus ne se lasse pas de
répéter à ses disciples, qui voulaient être grands dans le royaume et
s'asseoir l'un à sa droite et l'autre à sa gauche. Ne cherchez pas, ne
demandez pas à monter ; cela, c'est l'affaire de Dieu. Cherchez, au
contraire à vous abaisser et à vous humilier, et ne prenez aucune autre
place devant Dieu ou devant les hommes que celle de serviteurs ; c'est là
ce que Dieu attend de vous ; que ce soit votre seule ambition et votre
prière. Dieu est fidèle. De même que l'eau cherche toujours, pour les
remplir, les endroits les plus bas, ainsi, au moment où Dieu trouve une
créature humaine humiliée et vide d'elle-même, il fait couler en elle sa
gloire et sa puissance, pour l'élever et la bénir. Celui qui s'humilie — que
ce soit là notre unique préoccupation — sera élevé ; cela est la
préoccupation de Dieu. Par sa force toute puissante et dans son grand
amour, il le fera.
Les hommes parlent quelquefois comme si l'humilité et la douceur nous
privaient de ce qui est noble et humain. Oh ! puissions-nous croire, avec
une foi inébranlable, que nous posséderons seulement la vraie noblesse du
royaume des cieux, l'esprit royal du Fils de Dieu, la ressemblance avec
Dieu, quand nous nous humilierons pour devenir les serviteurs des autres.
Voilà le sentier de la joie et de la gloire, de la présence permanente de
Christ en nous, de sa puissance reposant toujours sur nous.
Jésus, le Sauveur doux et humble, nous invite tous à apprendre de lui le
chemin qui conduit à la plénitude de Dieu. Étudions les paroles que nous
avons lues, jusqu'à ce que notre cœur soit rempli de cette pensée : mon
unique besoin, c'est d'être humble. Croyons que cette vie humble qu'il
nous montre réalisée en lui, il veut nous la donner ; ce qu'il est, il nous le
communique. Regardons à lui de tout notre cœur dans un esprit de foi et
de prière, et il entrera chez nous et il habitera en nous avec sa douceur et
son humilité.
Chapitre V
L'humilité et les disciples de Jésus

Que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui
qui gouverne comme celui qui sert
Luc 22.26

Nous avons étudié l'humilité dans la personne et renseignement de Jésus ;


cherchons-la maintenant dans le perde de ses douze apôtres. Si nous ne la
trouvons pas en eux, le contraste qu'ils présentent avec leur Maître nous
aidera à apprécier le merveilleux changement que la Pentecôte accomplit
dans leurs cœurs et nous donnera la preuve de la victoire que l'humilité de
Christ peut remporter en nous sur l'orgueil de Satan.
Dans les enseignements de Jésus que nous avons lus ensemble, nous
avons déjà vu combien nombreuses sont les occasions dans lesquelles les
disciples avaient montré leur manque d'humilité.
Une fois, ils avaient discuté en chemin pour savoir lequel d'entre eux était
le plus grand. Une autre fois, les fils de Zébédée avec leur mère avaient
demandé les premières places à la droite et à la gauche du Sauveur, dans
son royaume. Et plus tard, au dernier souper, il y eut de nouveau une
dispute pour savoir lequel d'entre eux était le plus grand. Sans doute, à
certains moments ils s'humilièrent devant leur Sauveur. C'est ce que fit
Pierre quand il s'écria : « Retire-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme
pécheur ». C'est encore ce qui arriva pour les disciples, quand ils se
prosternèrent devant Jésus et qu'ils l'adorèrent, après qu'il eut apaisé la
tempête. Mais ces manifestations exceptionnelles d'humilité ne font que
donner un relief plus fort à leur orgueil habituel et à la puissance de leur
vie propre. Il y a là pour nous d'importantes leçons.
Combien, tout d'abord, il peut y avoir dans une vie chrétienne de religion
sérieuse et active sans humilité. Voyez les disciples. Certes, il y avait dans
leur cœur un véritable attachement à Jésus. Ils avaient tout abandonné
pour le suivre. Le Père leur avait révélé qu'il était le Fils de Dieu. Ils
croyaient en lui, ils l'aimaient, ils obéissaient à ses commandements.
Quand d'autres l'abandonnèrent, ils s'attachèrent d'autant plus à lui. Ils
étaient prêts à mourir avec lui. Mais, sous toute cette consécration, il y
avait dans les profondeurs de leur être une puissance ténébreuse, dont ils
soupçonnaient à peine l'existence et la laideur, qui devait être mise à mort
et chassée, avant qu'ils pussent devenir les témoins de la puissance de
Jésus pour sauver. Il en est de même encore maintenant. Nous pouvons
trouver facilement des professeurs et des pasteurs, des évangélistes et des
travailleurs chrétiens, des missionnaires et des docteurs, en qui les dons
de l'Esprit sont nombreux et évidents, et qui sont les canaux de grandes
bénédictions pour des multitudes. Mais quand vient pour eux le temps de
l'épreuve, ou quand on les observe de près, on s'aperçoit avec tristesse que
la grâce de l'humilité est très faible dans leur cœur. Tout tend à confirmer
la leçon que l'humilité est une des plus grandes grâces, mais une des plus
difficiles à atteindre. C'est une grâce, en effet, qui réclame nos plus grands
efforts, une grâce que nous ne posséderons pleinement que lorsque la
plénitude de l'Esprit nous rendra participants de la nature de Christ et qu'il
habitera en nous.
Une seconde leçon non moins importante à recevoir, c'est de constater
combien tous les enseignements extérieurs et tous les efforts personnels sont
impuissants pour vaincre l’orgueil et nous donner un cœur doux et humble.
Pendant trois ans, les disciples avaient été instruits à l'école de Jésus. Il
leur avait dit fréquemment qu'elle était la principale leçon qu'il voulait leur
enseigner ; « Apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur ». Que
de fois il leur avait parlé de l'humilité comme du seul sentier qui conduit à
la gloire de Dieu. Il n'avait pas seulement vécu en leur présence dans sa
divine humilité, il leur avait encore plus d'une fois dévoilé le secret
intérieur de sa vie : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi,
mais pour servir ». « Je suis parmi vous comme celui qui sert. » Il leur
avait lavé les pieds et leur avait dit qu'ils devaient suivre son exemple.
Cependant ils avaient peu profité de ses leçons. Pendant l'heure sacrée de
l'institution de la sainte Cène, leur Maître avait eu la douleur de les
entendre discuter pour savoir lequel d'entre eux était le plus grand. Ils
avaient sans doute souvent essayé d'apprendre ses leçons et pris la ferme
résolution de ne plus l'affliger, mais en vain. Pour leur enseigner, et à nous
aussi, la leçon si importante qu'aucune instruction extérieure, pas même
celle de Jésus, qu'aucun argument convaincant, qu'aucun sentiment
profond de la beauté de l'humilité, qu'aucune résolution personnelle,
qu'aucun effort sérieux et sincère ne peut chasser le démon de l'orgueil, il
fallait ces expériences douloureuses. Quand Satan chasse Satan, c'est
seulement pour entrer de nouveau avec une puissance plus forte, quoique
plus cachée. Il n'y a qu'un moyen d'être délivré : c'est que la nouvelle
nature — celle du Christ glorifié — nous soit communiquée dans sa divine
humilité pour prendre la place de l'ancienne, et pour devenir aussi
réellement notre nature même que si nous l'avions toujours possédée.
De là une troisième leçon à recevoir : C'est seulement par l'habitation de
Christ en nous, dans sa divine humilité, que nous devenons vraiment humbles.
Nous avons reçu notre orgueil d'Adam ; nous devons recevoir notre
humilité de Christ L'orgueil est à nous et nous gouverne avec une terrible
puissance ; il nous possède, c'est nous-mêmes, c'est notre nature même.
L'humilité doit nous appartenir, nous posséder de la même manière ; elle
doit pénétrer notre âme et notre esprit, elle doit être notre nature même. Il
doit nous être aussi facile d'être humble qu'il nous était naturel et facile
d'être orgueilleux. Les promesses de Dieu ne nous appartiennent-elles pas
? Ne nous est-il pas dit que « là où — même dans le cœur — le péché a
abondé, la grâce a surabondé » ? Tout l'enseignement de Christ à ses
disciples et tous leurs vains efforts étaient la préparation nécessaire pour
qu'il pût venir habiter en eux par l'Esprit, et ainsi non seulement leur
donner, mais être lui-même en eux ce qu'il leur avait appris à désirer. Dans
sa mort, il détruisit la puissance du démon, il ôta le péché et nous acquit
une rédemption éternelle. Dans sa résurrection, il reçut du Père une vie
entièrement nouvelle, la vie de l'homme revêtu de la puissance de Dieu
(Matthieu 28.18), capable d'être communiquée aux hommes, en entrant
dans leur vie pour les renouveler et les remplir de sa divine puissance.
Après son ascension, il reçut l'Esprit du Père, par lequel il peut faire ce qu'il
ne pouvait pas, quand il était ici-bas : il s'unit intimement à ceux qu'il
aime, il devient avec eux un même esprit et un même cœur, de sorte que
Paul peut dire : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi ».
C'est pourquoi, à partir de la Pentecôte, quand il vint et prit possession de
ses disciples en les baptisant du Saint-Esprit, ils vécurent devant Dieu dans
une humilité semblable à la sienne, parce que c'était lui, Jésus, qui vivait et
respirait en eux. L'œuvre de préparation et de conviction, de soupirs et
d'espérance, que son enseignement avait produite, fut rendue parfaite par
le puissant changement que la Pentecôte produisit. Les vies et les épîtres
de Jacques, de Pierre et de Jean rendent témoignage que tout était changé
en eux, et que l'Esprit du Christ doux et humble de cœur avait réellement
pris possession d'eux.
Que dirons-nous à l'égard de ces choses ? Parmi mes lecteurs, il y a
certainement plus d'une catégorie. Il y en a sans doute quelques-uns qui
n'ont encore jamais pensé très spécialement à cette question ; ils ne
peuvent immédiatement se rendre compte de son immense importance et
comprendre qu'il s'agit, pour l'Église et pour chacun de ses membres,
d'une question de vie ou de mort. Il y en a d'autres qui ont été repris dans
leur conscience et qui ont fait de sérieux efforts pour revêtir des sentiments
d'humilité, mais ils ont échoué et se sont découragés. D'autres ont fait un
pas de plus : ils peuvent rendre un vrai et joyeux témoignage à la grâce de
Dieu qui a brisé en eux bien des chaînes et leur a accordé de grandes
bénédictions spirituelles, cependant il n'y a jamais eu en eux la conviction
de ce qui leur manque sous le rapport de l'humilité. Autour d'eux, on le
voit, et eux sont aveugles. D'autres encore peuvent rendre témoignage que
le Seigneur les a revêtus d'humilité en leur accordant des délivrances et en
leur faisant remporter des victoires, mais il leur a aussi montré tout ce qui
leur manque et combien ils ont à recevoir de la plénitude de Jésus. A
laquelle de ces classes appartenons-nous ? Oh ! puissions-nous
comprendre le besoin d'acquérir une conviction plus profonde de la place
de l'humilité dans la religion de Christ et de la complète impossibilité pour
l'Église d'être ce que Dieu veut aussi longtemps que l’humilité de Christ
n'est pas reconnue comme étant sa principale gloire, son premier
commandement et notre plus haute bénédiction. Considérons avec sérieux
combien les apôtres étaient déjà instruits à l'école de Jésus, tandis que
cette grâce leur manquait d'une manière effrayante, et demandons à Dieu
que nous ne puissions pas être satisfaits avec d'autres dons, tant que cette
grâce nous manque encore. Son absence chez les chrétiens est la raison
secrète de l'impuissance de Dieu à accomplir toute Son œuvre sur la terre.
Quand nous connaîtrons et comprendrons, comme le Fils, que nous ne
pouvons rien faire de nous-mêmes, alors seulement Dieu fera tout et
travaillera puissamment en nous.
Lorsque la vérité de l'habitation de Christ en nous prendra la place qu'elle
doit avoir dans l'expérience des croyants, alors l'Église revêtira ses
vêtements magnifiques, et l'humilité éclatera dans tous ses membres
comme la beauté de la sainteté.
Chapitre VI
L'humilité dans la vie journalière

Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer
Dieu qu'il ne voit pas ?
Jean 4.20

C'est une pensée bien solennelle de savoir que notre amour pour Dieu sera
mesuré à l'amour que nous manifestons aux hommes dans nos rapports
de chaque jour, et qu'il est une pure illusion s'il ne se prouve pas par un
amour réel et constant pour nos semblables. Notre humilité doit subir la
même épreuve. Il nous est facile de penser que nous sommes humbles
devant Dieu. Mais, la seule preuve suffisante de notre humilité devant Dieu
sera notre humilité vis-à-vis de notre prochain.
C'est à cela qu'on verra si l'humilité a établi sa demeure en nous et si elle
est devenue notre nature même. Quand nos sentiments d'humilité sont,
non pas une attitude que nous revêtons à certains moments, quand nous
pensons à Dieu, ou que nous prions, mais qu'ils sont l'esprit même de
notre vie, cela se voit dans toutes nos relations avec nos frères. Il y a une
leçon de profonde importance dans le fait que la seule humilité qui est
réellement nôtre n'est pas celle que nous essayons de montrer à Dieu en
priant, mais celle dont nous témoignons par notre conduite habituelle. Les
détails insignifiants de la vie journalière sont les faits révélateurs de notre
caractère et en sont les épreuves en vue de l'éternité, parce qu'ils donnent
le témoignage de ce qu'est réellement l'esprit qui nous possède. C'est dans
nos moments d'abandon, de détente, que nous montrons aux autres et
que nous voyons nous-mêmes ce que nous sommes. Pour connaître
l'homme humble, et voir comment il se conduit, il nous faut le suivre dans
sa vie de tous les jours.
N'est-ce pas justement ce que Jésus nous enseigne ? C'est lorsqu'il entend
ses disciples discuter entre eux pour savoir lequel d'entre eux est le plus
grand, ou bien quand il voit combien les pharisiens aiment les premières
places dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, ou
encore quand il donne à ses disciples un exemple en leur lavant les pieds,
qu'il leur enseigne l'humilité. L'humilité devant Dieu n'est rien, s'il n'y a
pas d'humilité devant les hommes.
Paul donne le même enseignement. Aux chrétiens de Rome, il écrit : « Par
honneur usez de prévenances réciproques » (Romains 12.10). « N'aspirez
pas à ce qui est élevé, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne
vous regardez pas comme sages » (Romains 12.16). Dans sa première
épître aux Corinthiens (1 Corinthiens 13.4-5), il dit : « L'amour ne se vante
pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite
pas. » Or, il n'y a pas d'amour qui n'ait pour racine l'humilité. Aux
Éphésiens, immédiatement après les trois merveilleux chapitres sur la vie
céleste, il ajoute : « Je vous exhorte donc à marcher en toute humilité et
douceur, vous supportant les uns les autres avec charité » (Éphésiens 4.1-
2). Aux Philippiens (Philippiens 2.3 -5) : « Ne faites rien par esprit de
dispute ou par vaine gloire, mais que l'humilité vous fasse regarder les
autres comme plus excellents que vous-mêmes. Ayez en vous les
sentiments qui étaient en Jésus-Christ. Il s'est humilié lui-même jusqu'à la
mort ». Aux Colossiens (Colossiens 3.12): « Revêtez-vous d'entrailles de
miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-
vous les uns les autres, et, si l'un a sujet de se plaindre de l'autre,
pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné,
pardonnez-vous aussi ». C'est dans nos relations les uns avec les autres
que la vraie humilité se montre. Notre humilité devant Dieu n'a aucune
valeur, si elle ne nous prépare pas à révéler à nos semblables l'humilité de
Jésus. Étudions à la lumière de ces paroles ce que doit être notre humilité
dans la vie de chaque jour.
L'homme humble cherche en tout temps à servir les autres et à les
regarder comme étant plus excellents que lui-même. On pose quelquefois
cette question : Comment ces sentiments d'humilité à l'égard de nos
semblables peuvent-ils exister dans nos cœurs ? Comment pouvons-nous
les regarder comme meilleurs que nous-mêmes, quand nous constatons
qu'ils sont bien au-dessous de nous en sagesse et en sainteté, en dons
naturels ou en grâce ? Cette question montre une fois de plus combien
nous comprenons peu ce qu'est le réel esprit d'humilité. La vraie humilité
prend possession de nous quand, dans la lumière de Dieu, nous avons vu
notre impuissance et constaté notre néant, et que dans le double
sentiment de notre indignité et de notre néant, nous avons consenti à nous
séparer de nous-mêmes en chassant notre moi, afin de laisser Dieu être
tout en nous. L'âme qui a fait cela et qui peut dire : « Je me suis perdue
pour Te trouver », ne se compare plus aux autres. Elle a abandonné pour
toujours toute pensée personnelle et égoïste. L'homme humble se
souvient sans cesse qu'il n'est rien qu'un serviteur de Dieu et de ses
semblables. Un fidèle serviteur peut être plus sage que son maître, et
pourtant garder le véritable esprit et l'attitude d'un serviteur. L'homme
humble estime chaque enfant de Dieu, même le plus faible et le plus
indigne, et l'honore en voyant en lui le fils d'un Roi. L'esprit de celui qui a
lavé les pieds de ses disciples le rend capable de se réjouir d'être serviteur
des autres.
L'homme humble n'éprouve aucune jalousie, aucune envie. Il peut louer
Dieu quand d'autres lui sont préférés. Il se réjouît en entendant faire la
louange d'autres personnes, alors que lui-même est oublié, car il a appris à
dire avec Paul : « Je ne suis rien ». Il a l'esprit de Jésus et il ne cherche pas
sa propre gloire.
Quand les maladresses et les péchés de nos semblables sont pour nous
des tentations à l'impatience, aux pensées dures et aux paroles
tranchantes, l'homme humble pense à l'exemple et aux recommandations
du Sauveur. Il sait qu'en revêtant le Seigneur Jésus, il a reçu de lui un cœur
plein de compassion, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Jésus
ayant pris en lui la place du moi, il peut pardonner comme son Sauveur lui
a pardonné. Son humilité ne consiste pas simplement à se condamner en
pensées ou en paroles, mais à se revêtir d'entrailles de miséricorde, de
bonté, d'humilité, de douceur, comme Paul le recommande.
En s'efforçant d'atteindre les plus hauts sommets de la vie chrétienne, le
croyant est souvent en danger de chercher avant tout à posséder les vertus
les plus humaines, telles que la hardiesse, la joie, le mépris du monde, le
zèle, le sacrifice de soi-même, — les anciens stoïciens enseignaient et
pratiquaient ces vertus, — tandis que les grâces plus profondes, plus
aimables, plus divines, plus célestes, celles que Jésus enseigna d'abord ici-
bas, parce qu'il les apporta du ciel, celles qui font partie de sa croix et de la
mort du moi, — pauvreté en esprit, douceur, humilité, — le préoccupent à
peine et sont peu estimées. C'est pourquoi revêtons les sentiments de
Jésus-Christ et montrons que nous lui ressemblons, non seulement par
notre zèle pour sauver les perdus, mais avant tout dans nos relations avec
nos frères, en les supportant, en leur pardonnant comme Dieu nous a
pardonné par Jésus.
Frères, étudions dans la Bible le portrait de l'homme humble. Demandons
à nos amis, demandons au monde s'ils reconnaissent en nous une
certaine ressemblance avec l'original. Ne soyons pas facilement satisfaits,
mais prenons chacun des textes qui nous parlent de l'humilité comme une
promesse de Dieu qui se réalisera en nous, comme une révélation en
paroles de ce que l'Esprit de Jésus nous donnera .Que chaque échec, au
lieu de nous décourager, nous pousse simplement et humblement vers
l'Agneau de Dieu doux et humble de cœur, dans la certitude que s'il règne
dans notre cœur, son humilité et sa douceur seront comme un fleuve
d'eau vive qui coulera de lui en nous [1].
[1] « Je connaissais Jésus, et il était très précieux à mon âme ; mais je
trouvais en moi quelque chose qui ne voulait pas demeurer dans la
douceur, la patience et la bonté. Je fis ce que je pus pour le chasser, mais
inutilement. Alors je suppliai Jésus de me délivrer, et quand je lui
abandonnai ma volonté, il vint habiter dans mon cœur et il en ôta tout ce
qui n'était pas doux, bon, patient, puis il ferma la porte. » Georges Fox.
Une fois de plus, je répète ce que j'ai déjà dit. J'ai la profonde conviction
que nous ne comprenons pas combien l'Église souffre et reste faible, parce
qu'elle manque de cette divine humilité qui permettrait à Dieu de
manifester sa puissance. Un chrétien, plein de zèle, d'humilité et d'amour,
exprima dernièrement sa tristesse d'avoir constaté à quel point l'esprit
d'amour et de support manque entre ouvriers du Seigneur dans les
champs missionnaires. Des hommes et des femmes, qui pouvaient en
Europe choisir leur propre cercle d'amis, trouvent dur, en mission, de
supporter leurs collègues, de les aimer et de conserver l'unité de l'Esprit
par le lien de la paix. Et c'est ainsi que ceux qui devraient être pour leurs
compagnons de travaux une source de joie et de force, deviennent des
instruments de faiblesse et de découragement. L'unique raison de ces vies
stériles, c'est l'absence d'humilité. Comme tout changerait si ces
missionnaires se réjouissaient de n'être rien et cherchaient uniquement,
comme Jésus, à être les serviteurs et les soutiens des autres, même des
moins doués et des plus indignes.
D'où vient donc que des hommes, qui ont joyeusement tout quitté pour
suivre Christ, trouvent si dur d'avoir, vis-à-vis de leurs frères, des
sentiments de véritable et profonde humilité ? L'Église n'est-elle pas
responsable d'un pareil état d'esprit et de cœur ? N'est-ce pas parce qu'elle
a trop peu enseigné à ses enfants que l'humilité de Christ est la première
des vertus, la meilleure de toutes les grâces et de toutes les puissances de
l'Esprit ? Elle a trop peu montré qu'une humilité semblable à celle du
Christ est le but à poursuivre et à atteindre. Son importance n'a pas été
comprise et les prédicateurs n'en parlent pas. Que la découverte de
l'absence de cette grâce nous pousse à regarder à Dieu et à l'attendre de
Lui. Considérons chaque frère qui nous éprouve ou nous vexe, comme un
moyen de grâce, un instrument de Dieu destiné à notre purification, afin
que Jésus puisse nous remplir de son humilité. Mettons toute notre
confiance dans la puissance de Dieu, convaincus que nous ne sommes
rien. Alors, n'étant rien à nos propres yeux, nous pourrons, par le Saint-
Esprit, nous servir l'un l’autre dans l'amour.
Chapitre VII
L'humilité et la sainteté

J'ai tendu les mains tous les jours vers un peuple rebelle, qui
marche dans une voie mauvaise, au gré de ses pensées… qui dit
: Retire-toi, ne m'approche pas, car je suis saint
Ésaïe 65.2-5

Nous avons à bénir Dieu pour tous les besoins de sainteté qu'il a créés
dans le cœur de ses enfants. Les réunions de sanctification sont de plus en
plus nombreuses et fréquentées ; des multitudes de chrétiens rendent
témoignage du bien qu'ils y ont reçu. Jamais on n'a davantage mis en
lumière les précieuses vérités de la sanctification par la foi en Christ.
Comment pouvons-nous reconnaître que Dieu nous a visités en nous
sanctifiant ? Ne sera-ce pas en constatant en nous une humilité toujours
plus grande ? L'humilité est la condition indispensable pour permettre à la
sainteté de Dieu d'habiter dans la créature et de briller par nous. L'humilité
est le secret de la vraie sainteté. En Jésus, le Saint de Dieu qui nous rend
saints, une divine humilité fut le secret de sa vie, de sa mort et de son
ascension glorieuse. La seule preuve réelle de notre sainteté sera notre
humilité devant Dieu et devant les hommes. L'humilité est la fleur et la
beauté de la sainteté.
La sainteté apparente se reconnaît surtout à son absence d'humilité. Tout
croyant qui a soif de sainteté a besoin d'être vigilant, de peur
qu'inconsciemment ce qui avait été commencé dans l'Esprit ne se
continue dans la chair. L'orgueil se glisse si facilement là où on s'attendrait
le moins à le trouver. Nous connaissons tous la parabole des deux
hommes qui montèrent au temple pour prier. Il n'y a pas de lieu sacré
dans lequel le pharisien ne puisse entrer. L'orgueil peut se manifester
même dans le temple de Dieu et mettre la créature à la place du Créateur.
En ayant l'air d'adorer Dieu, le pharisien s'adorait lui-même.
Depuis l'époque où Jésus a mis à nu l'orgueil du pharisien, celui-ci a revêtu
le manteau du péager ; il sait confesser sa grande culpabilité, en même
temps qu'il fait profession d'expérimenter la délivrance du péché. C'est
justement quand nous aurons le plus soif d'avoir un cœur dans lequel
Dieu seul habite, que nous reconnaîtrons en nous les deux hommes en
train de monter au temple pour prier. Le péager fera l'expérience que le
danger de chute ne vient pas du pharisien qui se trouve à côté de lui et qui
le méprise, mais du pharisien intérieur qui le complimente et l'enorgueillit.
Dans le temple de Dieu, quand nous croyons être à l'abri des tentations,
dans la seule présence du Saint des saints, prenons garde à l'orgueil.
Souvenons-nous « qu'un jour les fils de Dieu vinrent se présenter devant
l'Éternel et que Satan vint aussi au milieu d'eux » (Job 2.1). « Ô Dieu, je te
rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, ou
même comme ce péager ».
Le moi peut trouver de quoi se nourrir et se développer dans des
expressions de reconnaissance. Oui, même dans le temple, même en
parlant le langage de la pénitence et de la confiance en la seule grâce de
Dieu, le pharisien peut entonner un chant de louanges et se féliciter lui-
même tout en ayant l'air de remercier Dieu. L’orgueil se revêt facilement
des vêtement de la louange ou de la pénitence. Même quand nous rejetons
avec dégoût ces paroles : « Je ne suis pas comme le reste des hommes »,
nous pouvons garder leur esprit dans nos sentiments et même dans notre
langage vis-à-vis de nos frères. Que sont toutes les médisances qui sortent
de bouches pieuses, sinon l'esprit du pharisien ? On oublie si facilement
de regarder les autres comme plus excellents que soi-même. N'y a-t-il pas
des Églises ou des assemblées de saints, des missions ou des
conventions, des sociétés, des comités, même des missions en pays
païens, dans lesquels l'harmonie a été troublée et l'œuvre de Dieu rendue
stérile, parce que des hommes qui font profession de ne plus s'appartenir
ont, par leur susceptibilité, leur impatience, leurs jugements sévères, leurs
paroles dures, donné la preuve qu'ils étaient loin de considérer les autres
comme meilleurs qu'eux-mêmes et que leur sainteté manquait de douceur
et d'humilité ? Nous pouvons avoir eu, dans notre histoire spirituelle, des
temps de grande humiliation et de brisement de cœur, et pourtant
demeurer orgueilleux. Être revêtu d'humilité, avoir un esprit humble, se
regarder comme le serviteur des autres, et ainsi manifester l'esprit même
qui était en Jésus-Christ, c'est tout autre chose.
« Retire-toi, ne m'approche pas, car je suis plus saint que toi ! » Quelle
parodie de la sainteté ! Jésus, le Saint de Dieu, est l'homme parfaitement
humble : le plus saint sera toujours le plus humble. Dieu seul est saint.
Nous n'avons de sainteté que ce que nous avons de Dieu en nous. Et, par
conséquent, notre humilité réelle se mesure aussi à ce que nous avons de
Dieu en nous, car l'humilité n'est rien que la disparition du moi, quand
Dieu se révèle à nous comme étant tout. Le plus saint sera le plus humble.
Hélas ! si le Juif orgueilleux des jours d'Ésaïe ne se montre plus autant à
découvert aujourd'hui — nous sommes trop bien élevés pour tenir son
langage — son esprit se voit encore fréquemment dans la façon dont nous
agissons avec les chrétiens ou avec les mondains. Il y a dans l'esprit qui
anime de nombreux croyants quelque chose qui révèle que si le vêtement
est celui du péager, la voix est encore celle du pharisien : « Ô Dieu, je te
rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes ».
Peut-on donc posséder une telle mesure d'humilité, qu'on s'estimera
moins que le moindre des saints (Éphésiens 3.8) et le serviteur de tous ?
Certainement. « L'amour ne se vante point, ne s'enfle point d'orgueil, ne
cherche pas son intérêt. » Dans le cœur où l'esprit d'amour est répandu,
où le Christ, le doux et humble Agneau de Dieu, est vraiment formé, habite
la puissance d'un amour parfait qui s'oublie et trouve son bonheur à faire
du bien aux autres en les supportant et en les honorant, quelque faibles
qu'ils soient. Quand cet amour entre dans un cœur, Dieu y entre. Là où
Dieu entre et se révèle comme étant Tout, la créature reconnaît son néant
et éprouve le besoin de s'anéantir. Lorsque la créature a pris ainsi sa vraie
place devant Dieu, il lui est facile de la prendre devant les hommes en se
faisant la servante des autres. La présence de Dieu devient permanente, et
l’âme, profondément courbée devant Dieu, devient le lieu saint de sa
présence.
Puissions-nous apprendre de Dieu que nos pensées, nos paroles et nos
sentiments concernant nos semblables sont pour Lui la révélation de notre
humilité envers Lui. Notre humilité devant Lui est la seule puissance qui
puisse nous rendre capables d'être toujours humbles dans nos rapports
avec les hommes. La seule vraie humilité n'est pas autre chose que la vie
de Christ, l'Agneau de Dieu, en nous.
Je me sens pressé de dire à tous les prédicateurs qui proclament la
nécessité et la possibilité de la sainteté et à tous ceux qui ont soif de
sainteté et qui la recherchent dans le secret de leur cœur ou dans les
conventions : Prenez garde, veillez, car il n'y a pas d'orgueil si dangereux,
parce qu'il n'y en a pas de si subtil et de si insidieux, que l'orgueil de la
sainteté. Ce n'est pas qu'un homme dise toujours, ou même pense : «
Retire-toi, ne m'approche pas, car je suis saint. » Certes, non ; une telle
pensée serait regardée avec horreur. Mais, inconsciemment, on pense à
soi avec complaisance, on se compare aux autres, et quelquefois on ne
s'en rend pas compte. Cet orgueil se révèle, non seulement en paroles ou
en pensées, mais dans un son de voix, dans une certaine manière de parler
des autres, dans laquelle ceux qui ont le don du discernement spirituel ne
peuvent que reconnaître la puissance du moi. Le monde même, avec ses
yeux perçants, le remarque et y voit une preuve que la profession d'une vie
céleste ne porte pas des fruits particulièrement célestes. Oh ! frères,
prenons garde. Si nous ne faisons pas notre étude de la nécessité de
croître dans l'humilité, nous pouvons vivre d'illusions en croyant grandir
en sainteté. Il est facile de trouver sa joie dans de belles pensées et dans
des sentiments pieux, dans des actes solennels de consécration et de foi,
tandis que la plus sûre marque de la présence de Dieu, la disparition du
moi, est toujours absente. Venez et fuyons vers Jésus ; cachons-nous en
lui, jusqu'à ce que nous soyons revêtus de son humilité. Demandons à
Dieu de se révéler à nous. Alors il y aura dans notre âme ce dégoût de
nous-mêmes, cette haine de notre vie propre qui est justement la marque
de l'âme qui a vu la gloire de Dieu (Job 42.5-6 ; Ésaïe 6.5). Cette humilité-là
est notre sainteté.
Chapitre VIII
L'humilité et le péché

Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs,


dont je suis le premier
1 Timothée 1.15

L'humilité est souvent identifiée avec la pénitence et la contrition. Comme


conséquence, il semblerait que le seul moyen d'entretenir l'humilité, c'est
de garder l'âme occupée de son péché. Nous avons appris, je pense, que
l'humilité est quelque chose d'autre et quelque chose de plus. Nous avons
vu par l'enseignement de notre Sauveur et par les épîtres combien souvent
cette vertu est recommandée sans qu'on fasse appel à notre état de
culpabilité. Dans la nature même des choses, dans toute la relation de la
créature avec son Créateur, dans la vie de Jésus telle qu'il Ta vécue et qu'il
nous la communique, l'humilité est l'essence même de la sainteté, comme
de la félicité. C'est le moi chassé et Dieu prenant sa place. Or où Dieu est
tout, le moi n'est plus rien.
Pourtant, si j'ai éprouvé spécialement le besoin de mettre en lumière ce
côté de la vérité, j'ai à peine besoin de dire quelle nouvelle profondeur et
quelle intensité le péché de l'homme et la grâce de Dieu donnent à
l'humilité des saints. Il suffit de considérer un homme comme l'apôtre
Paul pour voir comment à travers sa vie d'homme racheté et sanctifié, le
profond sentiment d'avoir été un pécheur se perpétue d'une façon
indélébile. Nous connaissons tous les passages dans lesquels il fait
allusion à sa vie de persécuteur et de blasphémateur. « Je suis le moindre
des apôtres, je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai
persécuté l'Église de Dieu… J'ai travaillé plus qu'eux tous, non pas moi
pourtant, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » (1 Corinthiens 15.9-10).
« A moi qui suis le moindre de tous les saints, cette grâce a été donnée de
prêcher aux païens » (Éphésiens 3.8). « Moi, qui étais auparavant un
blasphémateur, un persécuteur, un homme violent, j'ai obtenu
miséricorde, parce que j'agissais par ignorance, dans l'incrédulité… Jésus-
Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le
premier » (1Tim 1.13-15). La grâce de Dieu l'avait sauvé ; Dieu ne se
souviendrait plus jamais de ses péchés ; mais lui, Paul, jamais, non jamais,
il ne pourrait oublier de quelle épouvantable manière il avait péché. Plus il
se réjouissait dans le salut de Dieu, plus son expérience le remplissait
d'une joie inexprimable, plus grandissait en lui le sentiment qu'il était un
pécheur sauvé. Son salut n'aurait eu pour lui aucune signification, ni
aucune douceur, si le sentiment d'être un pécheur ne le lui eût rendu si
précieux et si réel. Jamais il n'a pu oublier qu'il était un pécheur que Dieu
avait pris dans ses bras pour le serrer sur son cœur paternel et le
couronner de son amour.
Les textes que nous venons de citer sont souvent appelés la confession de
péchés habituelle de Paul. Mais on n'a qu'à les lire soigneusement dans
leur contexte pour voir que cette façon de penser n'est pas exacte. Ils ont
une signification bien plus profonde. Dans ces passages, l'apôtre envisage
l'humilité avec laquelle le racheté se courbera devant le trône en
compagnie de ceux qui ont été lavés de leurs péchés dans le sang de
l'Agneau. Jamais, jamais, même dans la gloire, les sauvés ne pourront être
que des pécheurs rachetés ; jamais, pendant un seul moment de cette vie,
l'enfant de Dieu ne pourra vivre dans la pleine lumière de Son amour sans
le sentiment que le péché, dont il a été sauvé, est son seul titre à la grâce
de Dieu. L'humilité, avec laquelle il est d'abord venu à Jésus comme
pécheur, acquiert une nouvelle signification quand il apprend à quel point
elle lui convient en tant que créature. Et alors de nouveau l'humilité, dans
laquelle il vit, a ses tons les plus profonds et les plus riches d'adoration,
dans le souvenir qu'il est un monument de l'amour merveilleux du Dieu
rédempteur.
La vraie portée de ce que nous enseignent ces expressions de Paul devient
très claire quand nous prenons garde au fait remarquable que nous ne
trouvons jamais sous sa plume, même dans les épîtres où nous avons ses
confidences les plus intimes, quelque chose qui ressemble à une
confession de péchés. Il n'y a nulle part une seule mention de négligence
ou de défaite, ni une allusion quelconque à ce qu'il n'ait pas accompli tout
son devoir, ou qu'il ait péché contre la loi de l'amour parfait. Il y a, au
contraire, quelques passages de ses lettres dans lesquels il se défend, dans
un langage qui ne signifie rien, s'il n'en appelle pas à sa vie irréprochable
devant Dieu et devant les hommes. « Vous êtes témoins, et Dieu l'est
aussi, que nous avons eu envers vous qui croyez une conduite sainte, juste
et irréprochable » (1 Thessaloniciens 2.10). « Ce qui fait notre gloire, c'est
ce témoignage de notre conscience, que nous nous sommes conduits
dans le monde, et surtout à votre égard, avec pureté et sainteté devant
Dieu » (2 Corinthiens 2.12) [2]. Il ne s'agit pas ici d'un idéal ou d'une
aspiration ; c'est un témoignage que Paul rend à sa vie de tous les jours.
De quelque façon que nous considérons cette absence de confession de
péchés, chacun doit reconnaître qu'elle est l'indice d'une vie vécue dans la
puissance du Saint-Esprit, comme nous en voyons fort peu à notre époque.
Le point sur lequel je désire insister est celui-ci : le fait même de l'absence
d'une confession de péchés donne une très grande force à la vérité que
nous avons mise en lumière. Ce n'est pas dans l'état de péché journalier
que se révèle le secret d'une humilité plus profonde, mais dans le souvenir
permanent et d'autant plus vivant en nous que la grâce y abondera
davantage, que Tunique place où nous puissions être bénis, la seule
attitude vraie et permanente devant Dieu, c'est de confesser avec une joie
inexprimable que nous sommes des pécheurs sauvés par grâce.
Avec le profond souvenir que Paul gardait d'avoir péché si terriblement
dans le passé avant de connaître la grâce de Dieu, et le sentiment d'être
gardé actuellement du péché, il avait constamment en lui le souvenir de la
sombre puissance du péché toujours prête à revenir et dont il n'était gardé
que par la présence et la puissance de Christ en lui. « En moi, c'est-à-dire
dans ma chair, ce qui est bon, je le sais, n'y habite pas. » Ces paroles de
Romains 7.18 nous disent ce que sera la chair jusqu'à la fin. Quant à la
glorieuse délivrance de Romains 8 : « La loi de l'Esprit, telle qu'elle est
vivante en Jésus-Christ, m'a affranchi de la loi du péché et de la mort », ce
n'est ni l'anéantissement, ni la sanctification de la chair, mais une
continuelle victoire remportée en nous par l'Esprit, qui fait mourir les
œuvres du corps. Comme la santé expulse la maladie, comme la lumière
fait disparaître les ténèbres, comme la vie est victorieuse de la mort, ainsi
l'habitation de Christ en nous par l'Esprit est la santé, la lumière et la vie
de l'âme.
Les trois passages que nous avons cités montrent clairement ce qu'était la
merveilleuse grâce accordée à Paul, cette grâce dont il sent à chaque
instant un tel besoin et qui l'humilie si profondément. La grâce de Dieu qui
était en lui le rendait capable de travailler plus abondamment que tous les
autres apôtres. Cette grâce de prêcher aux païens les richesses insondables
de Christ, cette grâce qui abondait excessivement avec la foi et l'amour qui
est en Jésus-Christ, — ce fut elle qui conserva en Paul le souvenir si
intensément vivant d'avoir autrefois péché et d'être encore capable de
pécher. « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. » Ce passage
révèle comment l'essence même de la grâce est de travailler à ôter le
péché. Plus l'expérience de la grâce abonde dans un cœur, plus le
sentiment d'être un pécheur devient intense. Ce n'est pas le péché, mais la
grâce de Dieu montrant à un homme et lui rappelant sans cesse quel
pécheur il était, qui le gardera vraiment humble. Ce n'est pas le péché,
mais la grâce, qui m'a réellement rendu capable de me connaître comme
pécheur, et m'a donné de moi-même une telle horreur que je n'ai plus
jamais quitté cette attitude de renoncement à ma vie propre.
Je crains qu'il n'y ait de nombreuses personnes qui aient cherché à
s'humilier elles-mêmes en se condamnant et en se grondant, et qui aient
dû confesser avec tristesse qu'un esprit humble et un cœur rempli
d'humilité, avec ses fruits de bonté et de compassion, de douceur et de
patience, leur restait encore aussi étranger que jamais. Comme elles sont
occupées de leur moi, tout en ayant la plus profonde horreur, elles n'en
peuvent être délivrées. C'est la révélation de Dieu, non seulement par la loi
condamnant le péché, mais par sa grâce délivrant du péché, qui nous
rendra humbles. La loi peut briser le cœur par la crainte, mais la grâce
seule met en nous cette douce humilité qui devient notre seconde nature
et qui nous apporte la joie. Ce fut la révélation de Dieu dans Sa sainteté,
s'approchant pour se faire connaître comme le Dieu de grâce, qui fit
d'Abraham et de Jacob, de Job et d’Ésaïe, des hommes qui se sont courbés
si bas. C'est l'âme dans laquelle Dieu, le Créateur, comme le Tout de la
créature dans son néant, Dieu, le Rédempteur dans Sa grâce, comme le
Tout du pécheur dans sa culpabilité, est attendu avec confiance et
adoration ; c'est cette âme qui se trouvera si remplie de Sa présence, qu'il
n'y aura plus de place pour le moi. Ainsi seulement peut être accomplie la
promesse : « L'homme orgueilleux sera humilié, et le hautain sera abaissé :
l'Éternel seul sera élevé ce jour-là » (Ésaïe 2.17).
Le pécheur qui habite dans la pleine lumière de la sainteté de Dieu et de
l'amour rédempteur, qui fait l'expérience de cette pleine habitation en nous
de l'amour divin, que l'on reçoit par Christ et le Saint-Esprit, ce pécheur-là
sera nécessairement humble. Ne sois pas occupé de tes péchés, mais sois
occupé de Dieu, et tu trouveras la délivrance de ton moi.
Chapitre IX
L'humilité et la foi

Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les


uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu
seul ?
Jean 5.44

J'entendais dernièrement un prédicateur dire que les bénédictions de la vie


chrétienne la plus élevée sont souvent comme les objets exposés à
l'intérieur de la devanture d'un magasin, — on peut les voir clairement,
mais on ne peut les toucher, ni les prendre. Si Ton disait à un homme
d'étendre la main pour les saisir, il répondrait : « Je ne puis, il y a une vitre
épaisse entre eux et moi ». C'est ainsi que les chrétiens peuvent voir
clairement les précieuses promesses de paix parfaite et de repos, d'amour
débordant de joie, de communion permanente et pleine de fruits, et
cependant sentir qu'il y a quelque chose entre eux et ces promesses qui les
empêche d'en prendre réellement possession. Quel est l'obstacle ? Rien
que l’orgueil. Les promesses faites à la foi sont si généreuses et si sûres ;
les invitations et les encouragements si forts ; la grande puissance de Dieu
sur laquelle nous pouvons compter est si proche et si gratuite, qu'il ne
peut y avoir qu'un seul obstacle à la prise de possession de la bénédiction ;
cet obstacle, c'est simplement ce qui nous empêche de croire. Dans notre
texte, Jésus nous révèle que c'est l'orgueil qui nous rend la foi impossible.
« Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des
autres ? » Quand nous verrons combien, dans leur nature même, l'orgueil
et la foi sont irréconciliablement contraires, nous apprendrons que la foi et
l'humilité ont la même racine, et que nous ne pourrons jamais avoir plus
de vraie foi que nous n'aurons de vraie humilité. Tout en ayant une forte
conviction intellectuelle et une grande assurance de la vérité, nous verrons
qu'en même temps l'orgueil habite dans notre cœur et nous rend
impossible la foi vivante qui tire sa puissance de la communion avec Dieu.
Réfléchissons un moment à ce qu'est la foi. N'est-elle pas la confession de
notre néant et de notre impuissance, l'abandon entre les mains de Dieu et
l'attente qui le laisse être tout et faire tout. N'est-elle pas en elle-même la
chose la plus humble qu'il puisse y avoir, — l'acceptation de notre vraie
place, comme étant celle d'une absolue dépendance de Dieu, de telle sorte
que nous ne pouvons rien réclamer, ou obtenir, ou faire, que ce que la
grâce accorde ? L'humilité est simplement la disposition qui prépare l'âme
à vivre de foi. Et tout ce qui n'est pas esprit d'humilité, — la recherche de
soi, la volonté propre, la confiance en soi, même le plus secret souffle
d'orgueil, — est justement la force de ce moi charnel qui ne peut entrer
dans le royaume ou posséder les choses du royaume, parce qu'il refuse de
laisser Dieu être ce qu'il est et doit être en tous.
La foi est l'organe ou le sens qui comprend ce qu'est le monde céleste avec
ses bénédictions et qui s'en empare. La foi cherche la gloire qui vient de
Dieu, qui vient seulement là où Dieu est tout. Aussi longtemps que nous
recevons de la gloire les uns des autres, et que nous cherchons, aimons et
conservons jalousement la gloire de cette vie, l'honneur et la réputation qui
viennent des hommes, nous ne cherchons pas et nous ne pouvons pas
recevoir la gloire qui/vient de Dieu. L'orgueil rend la foi impossible. Le
salut nous est donné à travers une croix ; il nous est donné en Christ
crucifié. Le salut est la communion avec le Christ crucifié, dans l'esprit de
la croix. Le salut est l'union joyeuse avec l'humilité de Jésus, il est une
participation à cette humilité bénie qui rend l'âme heureuse. Est-il
étonnant que notre foi soit si faible quand l'orgueil règne encore avec tant
de force ? Nous avons à peine appris à désirer l'humilité et à prier pour la
recevoir. Elle est la part la plus nécessaire et la plus bénie du salut.
L'humilité et la foi sont beaucoup plus unies dans les Écritures qu'on ne le
pense généralement. Voyez-en la preuve dans la vie de Jésus-Christ. Dans
deux circonstances, il parle d'une grande foi. Après avoir entendu le
centenier, Jésus fut dans l'étonnement, et il dit à ceux qui le suivaient : « Je
vous dis en vérité, même en Israël, je n'ai pas trouvé une aussi grande foi.
» Comment s'était manifestée cette foi du centenier ? Écoutez : « je ne suis
pas digne que tu entres sous mon toit » (Matthieu 8.5-13). Quand le
Sauveur admire la foi de la Cananéenne et qu'il lui dit : « Femme, ta foi est
grande ; qu'il te soit fait comme tu désires », n'est-ce pas parce que cette
païenne avait dit : « Oui, Seigneur, mais les petits chiens mangent les
miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ? » (Matthieu 15.21-28).
C'est l'humilité qui amène l'âme à n'être rien devant Dieu, c'est elle qui
éloigne tout empêchement à la foi, qui nous fait croître dans la grâce et
met dans le cœur la seule crainte de déshonorer Dieu en lui refusant notre
confiance entière.
Frères et sœurs, n'avons-nous pas ici la cause de notre échec dans la
recherche de la sainteté ? N'est-ce pas, sans que nous nous en doutions,
ce qui rend notre foi et notre consécration si superficielles et si
insuffisantes ? Nous n'avions aucune idée à quel point l'orgueil et le moi
étaient encore secrètement à l'œuvre en nous, et comment Dieu seul peut
les chasser par sa puissance, en venant habiter en nous. Nous n'avions
pas compris que la nature divine seule peut nous rendre réellement
humbles en prenant entièrement la place du vieux moi. Nous ne savions
pas qu'une humilité absolue, ininterrompue, universelle, doit être la racine
de chaque prière, de chaque regard vers Dieu, aussi bien que de tous nos
rapports avec nos semblables ; et que nous pourrions tout aussi bien
essayer de voir sans yeux, ou de vivre sans respirer, que de croire en Dieu,
ou de nous approcher de lui, ou de demeurer dans Son amour, sans être
tout pénétrés d'humilité.
Frères et sœurs, n'avons-nous pas commis une erreur en prenant tant de
peine pour croire, pendant qu'il y avait tout le temps en nous le vieux moi
avec son orgueil cherchant à prendre possession pour lui-même de la
bénédiction et des richesses de Dieu ? Ne soyons pas étonnés de n'avoir
pas pu croire. Changeons de route. Cherchons avant tout à nous humilier
sous la puissante main de Dieu, et Il nous élèvera. La croix, la mort et la
tombe, dans lesquelles Jésus s'est humilié pour nous sauver, étaient son
chemin pour arriver à la gloire de Dieu. Nous devons suivre le même
sentier. Que notre seul désir et notre fervente prière soient de nous
humilier avec lui et comme lui. Acceptons joyeusement tout ce qui peut
nous rendre humbles devant Dieu et devant les hommes. C'est !e seul
chemin qui conduise à la gloire de Dieu.
Vous éprouvez peut-être le besoin de formuler une question. J'ai parlé de
quelques hommes qui font de précieuses expériences spirituelles, ou qui
sont des instruments pour communiquer à d'autres les bénédictions
célestes, et qui, pourtant, manquent encore d'humilité. Vous vous étonnez
et vous vous demandez si ces expériences ne sont pas la preuve qu'ils ont
une foi réelle et même puissante, malgré leur recherche de l'honneur qui
vient des hommes. On peut faire à cette question plus d'une réponse.
Mais la principale réponse à donner, la voici : ces serviteurs de Dieu ont
vraiment une certaine mesure de foi, en proportion de laquelle ils sont en
bénédiction à d'autres, avec les dons spéciaux que Dieu leur a accordés.
Mais, dans cette bénédiction même, le travail de leur foi est affaibli à cause
de l'absence d'humilité. La bénédiction est souvent superficielle ou
momentanée, parce que Dieu n'est pas tout dans leur œuvre. Une humilité
plus profonde apporterait certainement une bénédiction plus abondante.
Le Saint-Esprit, ne travaillant pas seulement en eux comme un Esprit de
puissance, mais habitant aussi en eux dans la plénitude de sa grâce, et
spécialement dans la plénitude de l'humilité, aurait communiqué aux
nouveaux convertis, par le moyen de ces évangélistes, une vie de
puissance, de sainteté et de fidélité trop peu connue de nos jours.
« Comment pouvez-vous croire, vous qui cherchez la gloire qui vient des
hommes ? » Frères et sœurs, rien ne peut vous guérir du désir de recevoir
la gloire qui vient des hommes ; rien ne peut non plus vous guérir du
sentiment pénible de la douleur et de la colère que vous éprouvez quand
elle ne vous est pas donnée. Mais Dieu vous guérira, si vous cherchez
sincèrement la gloire qui vient de Lui seul. Que cette gloire de Dieu
devienne votre unique ambition. Alors vous serez délivrés de la recherche
de la gloire des hommes et du moi, et vous serez heureux de n'être rien.
N'étant plus rien à vos propres yeux et ne voulant plus rien être, vous
deviendrez forts en la foi, vous donnerez gloire à Dieu, et vous trouverez
que plus vous vous courbez humblement devant Lui, plus Il s'approche de
vous pour vous accorder la réalisation de tous les désirs de votre cœur.
Chapitre X
L'humilité et la mort du moi

Il s'est humilié, s'étant rendu obéissant jusqu'à la mort


Philippiens 2.8

L'humilité est le chemin de la mort, parce que dans la mort elle donne la
plus haute preuve de sa perfection. L'humilité est la fleur de laquelle la
mort du moi est le fruit parfait. Jésus s'est humilié jusqu'à la mort et a
ouvert le sentier dans lequel nous devons aussi marcher. De même qu'il
n'y avait pas pour lui d'autre chemin pour prouver sa parfaite soumission à
Dieu, que de se livrer à lui en passant par la mort afin de s'élever de la
faible nature humaine à la gloire du Père, il en est de même pour nous.
L'humilité doit nous conduire à mourir à nous-mêmes. Nous donnerons
ainsi la preuve que nous avons tout abandonné pour Dieu. La mort au moi
est le moyen d'être délivrés de notre nature déchue et de trouver le sentier
qui conduit à la vie en Dieu.
Nous avons dit ce que fit Jésus pour ses disciples quand il leur
communiqua sa vie de résurrection, le jour de la Pentecôte, en descendant
lui-même du ciel pour venir habiter en eux. Il reçut la puissance d'agir ainsi
en donnant sa vie. La vie qu'il communiqua était une vie sortant de la mort
et gagnée par la mort. Celui qui vint habiter en eux était lui-même
quelqu'un qui avait été mort, mais qui maintenant vivait pour toujours. Sa
vie, sa personne, sa présence, portent les marques de la mort, les marques
d'une vie sortie, issue de la mort. Dans ses disciples, cette vie porte
toujours aussi les marques de la mort. C'est seulement quand l'Esprit de
mort, l'Esprit du Mort habite et travaille dans l'âme, que la puissance de sa
vie peut être connue. La première et principale marque de la mort du
Seigneur Jésus, que montre le vrai disciple du Sauveur, c'est l'humilité.
L'humilité seule conduit à une mort complète ; la mort seule rend parfaite
l'humilité. L'humilité et la mort sont, dans leur nature, une seule et même
chose. L'humilité est le bouton ; dans la mort le fruit mûrit et devient
parfait.

L'humilité conduit à une mort parfaite


L’humilité signifie le renoncement à nous-mêmes pour nous anéantir
devant Dieu en reconnaissant que nous ne sommes rien. Jésus s'est
humilié et est devenu obéissant jusqu'à la mort. Dans la mort, il a donné la
preuve la plus grande, la preuve parfaite qu'il avait abandonné sa volonté
pour faire la volonté de Dieu. Dans la mort, il renonça à lui-même, à sa
répugnance naturelle à boire la coupe ; il renonça à la vie qu'il avait revêtue
en prenant notre nature ; il mourut à lui-même et fut vainqueur des
tentations qui l'assaillaient. C'est ainsi qu'il put entrer comme homme
dans la vie parfaite de Dieu. Si son humilité n'avait pas été sans bornes, s'il
ne s'était pas compté uniquement comme un serviteur venu ici-bas pour
faire la volonté de Dieu, il n'aurait jamais donné sa vie sur la croix.
Cela nous donne la réponse à la question si souvent posée : Comment
pouvons-nous mourir à nous-mêmes ? La mort à vous-mêmes n'est pas
votre œuvre, c'est l'œuvre de Dieu. En Christ, vous êtes morts au péché ; la
vie que vous possédez a passé par la mort et la résurrection ; vous pouvez
être sûrs que vous êtes vraiment morts au péché. Mais la pleine
manifestation de la puissance de cette mort dans vos sentiments et dans
votre vie dépend de la mesure dans laquelle le Saint-Esprit vous
communiquera la puissance de la mort de Christ. Ici vous avez besoin
d'apprendre que si vous voulez entrer en pleine communion avec Christ
dans sa mort, et connaître la pleine délivrance de votre vie propre, il faut
vous humilier. C'est votre devoir par excellence. Placez-vous devant Dieu
dans le sentiment de votre complète impuissance ; reconnaissez
sincèrement que vous ne pouvez vous faire mourir ou vous donner la vie ;
courbez-vous en reconnaissant votre propre néant dans l'esprit de
douceur, de patience et de fidèle soumission à Dieu. Acceptez chaque
humiliation, regardez chaque créature, qui pour vous est un sujet
d'épreuves ou de difficultés, comme un moyen de grâce pour vous rendre
humbles. Employez chaque occasion de vous humilier devant vos
semblables comme un secours d'en haut pour demeurer humbles devant
Dieu. Dieu acceptera une telle humiliation de vous-mêmes comme la
preuve que votre cœur tout entier la désire, comme la meilleure prière pour
l'obtenir, comme votre préparation pour Son œuvre de grâce, quand, par la
puissante force de Son Saint-Esprit, Il révélera pleinement Christ en vous,
de telle sorte que lui, Jésus, dans sa forme de serviteur, sera vraiment
formé en vous et habitera dans vos cœurs. C'est le sentier de l'humilité qui
conduit à la mort parfaite, à la pleine et complète expérience que nous
sommes morts en Christ.
Maintenant nous arrivons à cette conclusion : c'est que cette mort seule
conduit à l'humilité parfaite. Oh ! ici, prenons garde à Terreur si souvent
commise et qui consiste à bien vouloir être humble, mais à avoir peur
d'être trop humble. Bien des gens font beaucoup de raisonnements et
posent de nombreuses questions pour savoir ce que la vraie humilité doit
être et ce qu'elle doit faire, tellement qu'ils ne consentent jamais à
renoncer à eux-mêmes sans faire des réserves. Prenez garde. Humiliez-
vous jusqu'à la mort. C'est dans la mort à nous-mêmes que l'humilité est
rendue parfaite. Soyez sûrs qu'à la racine de toute réelle expérience d'une
mesure de grâce plus abondante, de tout vrai progrès dans la
consécration, de toute conformité croissante à la ressemblance de Jésus, il
doit y avoir une mort à nous-mêmes dont nous donnons la preuve à Dieu
et aux hommes par nos dispositions et nos habitudes. Il est
malheureusement possible de parler de la vie qui est le fruit de la mort, et
de la marche selon l'Esprit, tandis que l'amour — même le plus tendre —
ne peut pas ne pas voir combien il y a en nous de vie propre. La mort à
nous-mêmes n'a pas de preuve plus évidente qu'une humilité qui ne songe
plus à sa réputation, qui s'anéantit et prend la forme de serviteur. Il est
possible de parler beaucoup de porter notre croix, de vivre en communion
avec le Christ méprisé et rejeté, sans connaître l'humilité aimable et bonne
de l'Agneau de Dieu, et sans éprouver le besoin de la posséder. Le titre
d'Agneau de Dieu a deux significations : douceur et mort. Cherchons à le
recevoir sous ses deux formes. En lui, elles sont inséparables ; elles doivent
l'être aussi en nous.
Quelle tâche désespérante si nous devions nous-mêmes faire mourir en
nous l'orgueil ! La nature ne peut jamais vaincre la nature, pas même avec
l'aide de la grâce. Le moi ne peut jamais chasser le moi, même dans
l'homme régénéré. Dieu soit loué ! l'œuvre a été faite, et achevée et rendue
parfaite pour toujours. La mort de Jésus, une fois pour toutes, est notre
mort à nous-mêmes. L'ascension de Jésus, son entrée une fois pour toutes
dans le lieu très saint, nous a acquis le don et la puissance du Saint-Esprit,
la puissance de la vie par la mort.
Lorsque l'âme, dans la poursuite et la pratique de l'humilité, marche sur
les traces de son Sauveur, son sentiment du besoin de quelque chose de
plus est éveillé, son désir et son espérance sont vivifiés, sa foi est fortifiée,
et elle apprend à regarder en haut, à réclamer et à recevoir cette vraie
plénitude de l'Esprit de Jésus, qui peut journellement maintenir notre mort
au moi et au péché dans sa pleine puissance et faire de l'humilité l'esprit
qui pénétrera toute notre vie [3].
« Ignorez-vous que nous tous, qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c'est
dans sa mort que nous avons été baptisés ?… Mettez-vous bien dans
l'esprit que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-
Christ… Donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants, de morts
que vous étiez » (Romains 6). Toute l'individualité du chrétien doit être
pénétrée et caractérisée par l'esprit de la mort de Christ. Il doit toujours se
présenter à Dieu comme quelqu'un qui est mort avec Christ et qui, en
Christ, est vivant, de mort qu'il était, portant partout, dans son corps, la
mort du Seigneur
Jésus. Sa vie porte toujours une double empreinte : les racines de cette vie
vraiment humble plongent dans la tombe de Jésus, ainsi que dans la mort
au péché et au moi ; la tête s'élève, dans la puissance de la résurrection de
Christ, jusqu'au ciel où le Sauveur habite.
Croyant, réclame avec foi la mort et la vie de Jésus comme t’appartenant.
Entre dans sa tombe, dans le repos de Jésus et de son œuvre. Avec Christ,
qui a remis son esprit entre les mains de son Père, humilie-toi, efforce-toi
de descendre et replace-toi chaque jour dans cette parfaite dépendance de
Dieu. Dieu te ressuscitera et t'élèvera. Plonge-toi chaque matin dans un
anéantissement toujours plus profond dans la tombe de Jésus, et chaque
jour, la vie de Jésus sera manifestée en toi. Qu'une humilité voulue,
constamment cherchée, soit l'empreinte que tu as vraiment réclamée
comme ton héritage, en te faisant baptiser dans la mort de Christ. « Par
une seule offrande, il a amené à la perfection pour toujours ceux qui sont
sanctifiés », dit l'épître aux Hébreux. Les âmes qui entrent dans son
humiliation trouveront en lui la puissance de se voir et de se compter
comme mortes à elles-mêmes, et comme elles ont appris de lui à marcher
en toute humilité et douceur, elles se supporteront les unes les autres dans
l'amour. La vie qui sort de la mort porte l'empreinte d'une douceur et
d'une humilité semblables à celle de Christ.
Chapitre XI
L'humilité et la joie

Pour que je ne sois pas enflé d'orgueil à cause de l'excellence de


ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un
ange de Satan pour me souffleter, afin que je ne
m'enorgueillisse pas. Trois fois j'ai prié le Seigneur de l'éloigner
de moi, et il m'a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance
devient parfaite dans la faiblesse
2 Corinthiens 12.7-10

Paul a reçu de merveilleuses révélations ; elles risquent de lui être un piège


en l'enorgueillissant ; c'est pourquoi le Seigneur lui envoie une écharde
dans la chair pour le garder dans l'humilité. Le premier désir de Paul fut de
voir disparaître l'écharde, et par trois fois il supplia le Seigneur de l'en
délivrer. La réponse de Dieu dut l'étonner tout d'abord ; il lui fut répondu
que l'épreuve était une bénédiction, parce que, dans la faiblesse et
l'humiliation qu'elle devait produire, la grâce et la force du Seigneur
pouvaient être mieux manifestées. Immédiatement, Paul envisagea son
épreuve sous un jour tout nouveau : au lieu de se borner à la supporter, il
se glorifia en elle joyeusement ; au lieu d'en demander la délivrance, il mit
sa joie dans les souffrances qu'elle lui apportait. Il avait appris une
nouvelle et très précieuse leçon : c'est que l'humiliation est une source de
bénédiction, de puissance et de joie.
Dans sa recherche de l'humilité, tout chrétien fait ces deux expériences.
Tout d'abord, il a peur de tout ce qui doit l'humilier ; il s'en éloigne le plus
possible, il en cherche ardemment la délivrance, car il n'a pas encore appris
à chercher l’humilité à tout prix. Certes, il a pris au sérieux les invitations du
Sauveur à l'humilité, il cherche à y être fidèle, mais plus il s'y applique, plus
semble-t-il, il va d'échec en échec. Il demande à Dieu l'humilité, parfois
avec un profond sérieux ; mais dans son cœur, en secret, il prie davantage
encore, au moins en désirs si ce n'est en paroles, pour être gardé de tout
ce qui le rendrait humble. Il n'est pas encore assez épris de l'humilité
comme étant la beauté de l'Agneau de Dieu et la joie du ciel, pour vendre
tout ce qu'il a afin de se le procurer. Dans sa recherche de l'humilité et
dans ses prières pour l'obtenir, il y a encore comme un sentiment de
fardeau et d'esclavage ; s'humilier soi-même n'est pas encore devenu
l'expression spontanée d'une vie et d'une nature essentiellement humbles.
Il ne prend pas encore, à cette grâce, sa joie et son unique plaisir. Il ne
peut pas encore dire : « Je me plais dans les faiblesses et les outrages ».
Mais pouvons-nous espérer atteindre un tel état d'âme et d'esprit ?
Certainement. Et qu'est-ce qui nous y amènera ? Exactement ce qui y a
amené Paul : une nouvelle révélation du Seigneur Jésus. La présence de Dieu
seule peut révéler et expulser le moi. Il dut être donné à Paul une vision
plus nette de cette profonde vérité, à savoir que la présence de Jésus nous
débarrasse de tout désir de chercher quelque chose en nous-mêmes et
qu'elle nous fait prendre plaisir dans chaque humiliation, ce qui nous
prépare à une plus complète manifestation de Christ. Dans l'expérience de
la présence et de la puissance de Jésus, nos humiliations nous conduisent
à envisager l'humilité comme notre plus haute bénédiction. Apprenons
donc les leçons que l'histoire de Paul nous enseigne.
Il peut arriver que des chrétiens avancés, des docteurs éminents, des
hommes ayant fait des célestes expériences n'aient pas encore pleinement
appris la leçon de l'humilité parfaite, qui se glorifie joyeusement dans la
faiblesse. Paul en était là quand il demandait à Dieu de lui ôter son
écharde. Il courait le danger de s'élever. Il ne savait pas encore
suffisamment qu'il n'était rien. Il a dû apprendre à mourir, afin que Christ
seul pût vivre en lui, et il a aussi appris à trouver son plaisir dans tout ce
qui l'humiliait. C'était, semble-t-il, la leçon la plus nécessaire, la plus utile
et la plus difficile qu'il eût à apprendre pour ressembler le plus possible à
son Sauveur, de telle sorte que Dieu pût être tout dans sa vie.
La plus grande leçon qu'un croyant doive apprendre, c'est l'humilité. Que
chaque chrétien qui cherche à progresser dans la sainteté veuille bien s'en
souvenir. Il peut y avoir une intense consécration au Seigneur, un zèle
fervent, de célestes expériences et, avec tout cela, une recherche
inconsciente du moi. Apprenons donc que nous n'avons jamais plus de
sainteté réelle que l'humilité, et souvenons-nous que cette grâce de
l'humilité est un don que Dieu accorde au cœur qui la recherche
sincèrement.
Examinons nos vies à la lumière de cette expérience et voyons si nous
nous glorifions joyeusement dans les faiblesses, si nous nous plaisons,
comme Paul le fit, dans les injures, dans les calamités, dans les outrages.
Oui, demandons-nous si nous avons appris à considérer une réprimande,
juste ou injuste, un reproche d'ami ou d'ennemi, une injure, ou des peines
ou des difficultés dans lesquelles nous sommes amenés par d'autres,
comme étant, avant tout, autant d'occasions de montrer que Jésus est tout
pour nous, que notre propre plaisir et notre réputation ne sont rien pour
nous et que nous sommes heureux dans les humiliations. C'est vraiment
une grande grâce, c'est même la joie la plus profonde du ciel d'être délivré
de soi-même, de telle sorte que tout ce qu'on dit de nous ou tout ce qu'on
nous fait nous devient indifférent, dans la pensée que Jésus est tout et qu'il
nous suffit.
Confions-nous en celui qui s’est chargé de l'éducation de Paul et qui veut
faire aussi la nôtre. Paul avait besoin d'une discipline spéciale et d'une
instruction particulière pour apprendre — et cela était plus précieux que
les choses mêmes les plus inexprimables qu'il avait entendues dans le ciel
— à se glorifier dans la faiblesse et l'humiliation. Nous en avons aussi
nous-mêmes un si grand besoin ! Celui qui a pris soin de Paul prendra
aussi soin de nous. L'école dans laquelle Jésus donna ses leçons à Paul est
aussi notre école. Jésus veille sur nous avec une vigilance pleine d'amour,
de peur que nous ne nous enorgueillissions. Quand nous succombons à
cette tentation, il s'efforce de nous le montrer et de nous en délivrer. A
travers les épreuves, les faiblesses et les souffrances, il cherche à nous
amener à une connaissance plus grande de nous-mêmes et de lui, à une
humiliation plus réelle, jusqu'à ce que nous apprenions que vraiment sa
grâce est tout et que nous mettions notre joie précisément dans les choses
qui nous jettent dans la poussière. Sa force devenant parfaite dans notre
faiblesse, sa présence, prenant la place de notre moi et nous suffisant
pleinement, devient le secret d'une humilité qui peut être permanente, tout
en continuant à croître. On peut même, comme Paul, dans la pleine
lumière de ce que Dieu accomplit en nous et par nous, dire toujours : « Je
n'ai été inférieur en rien aux apôtres par excellence, quoique je ne sois rien
» (2 Corinthiens 12.11). Ses humiliations l'avaient conduit à une véritable
humilité ; aussi acceptait-il joyeusement tout ce qui l'abaissait.
« Je me glorifierai volontiers dans mes faiblesses, afin que la puissance du
Christ repose sur moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses. »
L'homme humble a appris le secret de la joie permanente. Plus il sent sa
faiblesse, plus il succombe dans le sentiment de son néant, plus ses
humiliations grandissent en nombre et en force, plus aussi la puissance et
la présence de Christ sont sa part. Et quand il dit : « Je ne suis rien », le
Seigneur lui apporte une joie toujours plus profonde par ces paroles : « Ma
grâce te suffit ».
Je sens que je dois une fois de plus insister sur les deux grandes leçons
que nous avons besoin d'apprendre : 1° le danger de l'orgueil est plus
grand et plus proche de nous que nous ne le pensons ; 2° la grâce de
l'humilité est aussi très proche de nous, elle est toujours à notre
disposition.
Le danger de l'orgueil est plus grand et plus près de nous que nous ne le
pensons, et cela très spécialement au moment de nos plus grandes expériences
spirituelles. Le prédicateur de la vérité qui tient suspendue à ses lèvres une
congrégation qui l'admire, l'orateur éloquent qui, du haut d'une estrade,
expose les secrets de la vie céleste, le chrétien rendant témoignage à la
puissance de la grâce de Dieu, l’évangéliste porté en triomphe par les
multitudes qui ont été bénies par son moyen, ah ! nous ne savons pas
combien est grand, inconscient et caché le danger auquel tous ces
hommes sont exposés. Paul courait un grand danger sans le savoir. Ce que
Jésus fit pour lui nous a été conservé pour notre instruction, afin que nous
connaissions à la fois le danger et notre unique sûreté. Si l'on a pu dire
d'un prédicateur ou d'un pasteur de la sanctification qu'il était plein de lui-
même, ou qu'il ne mettait pas en pratique ce qu'il prêchait, ou que les
grâces et les dons qu'il avait reçus ne l'avaient pas rendu plus humble et
plus aimable, qu'on ne puisse plus le dire à l'avenir ! Jésus, en qui nous
mettons notre confiance, peut nous rendre et nous garder humbles.
Oui, la grâce de l’humilité est aussi plus grande et plus près de nous que nous
ne te pensons. L'humilité de Jésus est notre salut : Jésus lui-même est notre
humilité. Notre humilité est son souci et son œuvre. Sa grâce est
pleinement suffisante pour nous rendre vainqueurs dans chaque tentation
d'orgueil. Sa force deviendra parfaite dans notre faiblesse. Désirons être
faibles, être petits, n'être rien. Que l'humilité nous soit une profonde joie.
Glorifions-nous volontiers en elle et prenons notre plaisir dans les
faiblesses, dans les opprobres, dans tout ce qui peut nous humilier et nous
garder petits ; alors la puissance de Christ reposera sur nous. Christ s'est
humilié, c'est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé. Christ nous
humiliera et nous gardera humbles. Désirons de tout notre cœur et
acceptons fidèlement et joyeusement tout ce qui humilie ; la puissance de
Christ reposera sur nous. Nous expérimenterons alors que l'humilité la
plus profonde est le secret du bonheur le plus vrai, d'une joie que rien ne
peut ni amoindrir, ni détruire.
Chapitre XII
L'humilité et l'élévation

Quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera


élevé
Luc 14.11 ; 18.14

Dieu fait grâce aux humbles. Humiliez-vous devant le Seigneur,


et il vous élèvera
Jacques 4.6-10

Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu'il


vous élève au temps convenable
1 Pierre 5.6

On me posait naguère cette question : Comment vaincre mon orgueil ? Je


répondis tout simplement : deux choses sont nécessaires. Tout d'abord,
faire ce que Dieu dit être notre œuvre : « Humiliez-vous. » Puis se confier
en Dieu, pour qu'il fasse ce qu'il dit Lui-même être son œuvre : Il nous
élèvera.
Le commandement est clair : « Humiliez-vous ». Cela ne veut pas dire que
c'est votre œuvre de vaincre et de chasser l'orgueil de votre nature, et de
former en vous l'humilité de Jésus. Non, c'est l'œuvre de Dieu : Lui seul
peut créer en vous cette soif de n'être rien qui est l'essence même de
l'élévation par laquelle il vous rendra réellement semblables à son Fils
bien-aimé. Ce que Tordre de Dieu signifie, c'est qu'il faut saisir chaque
occasion de vous humilier devant Dieu et devant les hommes. Dans la foi
et dans la grâce qui travaillent déjà en vous, dans l'assurance d'une grâce
plus abondante pour la victoire qui vient, conformément à la lumière qui
darde ses rayons sur l'orgueil du cœur et sur ses œuvres, malgré tout ce
qu'il peut y avoir d'échecs et de chutes, obéissez inébranlablement au
commandement du Seigneur : « Humiliez-vous ». Acceptez avec
reconnaissance tout ce que Dieu permet, intérieurement et extérieurement,
de la part d'amis ou d'ennemis, dans la nature ou dans la grâce, pour vous
rappeler votre besoin de vous humilier et pour vous aider à le réaliser.
Regardez l'humilité comme la vertu-mère, comme votre premier devoir
devant Dieu, comme la perpétuelle sauvegarde de l'âme, et mettez tout
votre cœur en elle, comme dans la source de toute bénédiction. La
promesse est divine et sûre : celui qui s'humilie sera exalté. Veillez à faire
la seule chose que Dieu demande : « Humiliez-vous ». Dieu sera fidèle
pour faire ce qu'il a promis. Il vous augmentera Sa grâce ; Il vous élèvera
au temps convenable.
Dans toute Sa façon d'agir envers nous, Dieu emploie deux moyens, ou
plutôt il nous fait passer par deux classes : il y a un temps de préparation,
quand nous luttons pour obéir aux commandements et pour voir se
réaliser les promesses. Nos expériences sont alors un mélange d'efforts et
d'impuissance, d'échecs et de succès partiels, qui éveillent en nous le
besoin toujours plus grand d'une vie de victoire. Ensuite vient le temps de
l'accomplissement, quand la foi entre en possession des grâces qu'elle a si
longtemps cherché à obtenir. L'attente d'abord, l'accomplissement ensuite
: nous voyons invariablement cette loi à l'œuvre dans la vie chrétienne
prise dans son ensemble comme aussi dans la recherche de chaque vertu
envisagée séparément. Cette loi est nécessaire, elle est fondée sur la nature
même des choses. Dans tout ce qui concerne notre rédemption, Dieu doit
nécessairement prendre l'initiative ; ensuite, il faut que l'homme agisse. En
s'efforçant d'être agréable à Dieu, il apprend à connaître son impuissance,
à désespérer de lui-même, à mourir à tout ce qui est charnel, et ainsi il se
place volontairement et intelligemment dans les conditions voulues pour
recevoir de Dieu cette plénitude de grâce qu'il ne pouvait recevoir tant qu'il
n'avait pas appris à désespérer de lui-même. C'est ainsi que Dieu, qui avait
été le commencement avant que l'homme le connût convenablement ou
comprît pleinement quel était Son but, se trouve être maintenant désiré
avec ardeur comme Celui qui doit être Tout en tous.
Il en est ainsi dans la poursuite de l'humilité. A chaque chrétien, l'ordre de
s'humilier se fait entendre du trône même de Dieu. Si nous nous efforçons
sérieusement d'écouter et d'obéir, nous serons récompensés — oui,
récompensés — par une double et pénible découverte : nous découvrirons
d'abord quelle profondeur d'orgueil il y a en nous et combien nous avons
peu le désir de nous compter et d'être comptés comme n'étant rien pour
nous soumettre absolument à Dieu. Ce sera une découverte très
douloureuse, car nous sommes loin de soupçonner tout ce que nos cœurs
; renferment d'orgueil La seconde découverte que nous ferons est celle de
l'impuissance de tous nos efforts et de toutes nos prières, encore
chapelles, à obtenir le secours de Dieu, qui détruira le monstre hideux.
Heureux l'homme qui apprend alors à mettre son espérance en Dieu et à
persévérer dans des actes d'humiliation devant Dieu et devant les
hommes, en dépit de toutes les puissances d'orgueil qui sont en lui. Nous
savons que la loi de la nature humaine, c'est que les actions produisent
des habitudes, les habitudes engendrent les dispositions, les dispositions
créent la volonté, et la volonté convenablement formée donne à l'individu
son caractère. Il n'en est pas autrement dans l'œuvre de la grâce. Comme
les actes, répétés avec persévérance, engendrent des habitudes et des
dispositions et que celles-ci fortifient la volonté, ainsi la foi ferme du
croyant permet à Celui qui produit en nous le vouloir et le faire (Philippiens
2:13) de manifester en nous Sa force toute-puissante.
L'humiliation du cœur orgueilleux, avec laquelle le saint pénitent s'est si
souvent jeté aux pieds de Dieu, est récompensée par le don d'un cœur
humble, dans lequel l'Esprit de Jésus est vainqueur ; désormais, le Christ
doux et humble de cœur habite en nous pour toujours.
« Humiliez-vous devant le Seigneur et Il vous élèvera. » En quoi l'élévation
consiste-t-elle ? La plus haute gloire de la créature est d'être uniquement
un vase pour recevoir, posséder et manifester la gloire de Dieu. Elle ne
peut réaliser cela que pour autant qu'elle est fermement décidée à n'être
rien en elle-même, afin que Dieu soit tout. L'eau remplit toujours les lieux
les plus bas. Plus une créature a un cœur humilié et vide devant Dieu, plus
elle sera promptement et abondamment remplie de la gloire divine.
L'élévation glorieuse que Dieu promet n'est pas et ne peut pas être une
grâce extérieure, séparée de Lui-même : tout ce qu'il a à donner ou tout ce
qu'il peut donner, c'est seulement une mesure plus grande de Lui-même.
La gloire n'est pas, comme une récompense terrestre, quelque chose
d'arbitraire, sans aucun rapport avec la conduite qui doit être
récompensée. Non, elle est, dans sa nature même, l'effet et le résultat de
l'humiliation de nous-mêmes ; elle est le don que Dieu nous fait de
l'humilité céleste et d'une telle conformité avec l'Agneau de Dieu que nous
sommes rendus capables de recevoir en nous la plénitude de Dieu.
« Celui qui s'humilie sera élevé. » Jésus n'est-il pas la preuve de la vérité de
ces paroles ? N'est-il pas le gage de la certitude qu'elles s'accompliront
pour nous ? Prenons son joug sur nous et apprenons de lui, car il est doux
et humble de cœur. Si seulement nous voulons nous donner à Lui, comme
il s'est donné pour nous et à nous, nous serons un même esprit et un
même cœur avec lui et nous nous trouverons sous le même joug. Quand
nous entrerons plus profondément dans la communion de son
humiliation, soit en nous humiliant nous-mêmes, soit en prenant sur nous
les péchés de nos semblables pour nous en humilier, nous aurons alors la
pleine assurance que l'Esprit de son élévation, l'Esprit de gloire, reposera
sur nous. La présence et la puissance du Christ glorifié descendront dans
les croyants qui ont l'esprit humble. Lorsque Dieu pourra de nouveau avoir
en nous Sa place légitime, Il nous élèvera. Recherche Sa gloire en
t'humiliant, et Il te conduira à la gloire en te remplissant d'humilité. Quand
la vie de Dieu aura pris pleine possession de toi, rien ne te sera aussi
naturel et aussi doux que de n'être rien ; tu n'auras plus une pensée ou un
désir pour le moi, car tout sera occupé par Celui qui remplit tout. « C'est
pourquoi je me glorifierai bien plus volontiers dans mes faiblesses, afin
que la puissance du Christ repose sur moi ».
Frères, n'avons-nous pas ici la raison pour laquelle notre consécration et
notre foi nous ont si peu aidés dans la recherche de la sainteté ? Nous
pensions travailler par la foi à notre sanctification mais c'était notre moi et
sa force qui agissaient ; c'était pour notre moi et pour son bonheur que
nous cherchions Dieu ; c'était, inconsciemment sans doute, mais
cependant réellement, dans le moi et dans sa sainteté que notre âme se
réjouissait. Nous n'avions jamais compris que l'humilité, l'humilité
absolue, intérieure, qui nous rend semblable à Jésus-Christ et qui fait
disparaître notre moi, l'humilité qui nous pénètre de part en part et qui
met sur toute notre vie l'empreinte de la vie de Christ, nous n'avions
jamais compris que cette humilité-là était l'élément capital de la vie sainte
après laquelle nous soupirions.
C'est seulement quand je trouve Dieu que je me perds, quand je possède
Dieu que je renonce véritablement à moi-même. Comme c'est dans la
hauteur et la largeur de la gloire du soleil que se révèle la petitesse de
l'atome jouant dans ses rayons, ainsi l'humilité consiste à prendre notre
place en la présence de Dieu, pour n'être rien qu'un atome habitant dans la
lumière de Son amour.
Puisse Dieu nous enseigner à croire qu'être humble, n'être rien en Sa
présence, c'est la gloire la plus élevée, la bénédiction la plus abondante de
la vie chrétienne. Il nous dit : « J'habite dans les lieux élevés et dans la
sainteté, mais je suis avec l'homme contrit et humilié » (Ésaïe 57.15).
« Revêtez-vous d'humilité, car Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il fait
grâce aux humbles » (1 Pierre 5.5).
Le souhait de mon cœur, mes chers lecteurs, c'est que cette grâce
suprême soit la part de chacun de vous.
Notes

Note A
Tout ceci fera connaître à travers l'éternité que l'orgueil dégrade les anges
les plus élevés et en fait des démons, tandis que l'humilité élève jusqu'aux
trônes des anges la créature humaine tombée. Tirer une nouvelle création
du royaume mis en ruines par les anges déchus, c'est le grand but de Dieu.
Pour atteindre ce but, il y a une lutte permanente entre l'orgueil des
démons et l'humilité de l'Agneau de Dieu, afin que la dernière trompette
puisse faire entendre à travers les profondeurs de l'éternité cette grande
vérité: le mal ne peut avoir d'autre commencement que l'orgueil et d'autre
fin que l'humilité. Voici donc la vérité : l’orgueil doit mourir en nous, ou rien
de céleste ne peut y vivre. Sous la bannière de la vérité, abandonnez-vous à
l'esprit doux et humble du saint Fils de Dieu. Si l'humilité ne sème pas la
semence, il ne peut y avoir de moisson céleste. Ne considérez pas l'orgueil
seulement comme une disposition fâcheuse, ni l'humilité seulement
comme une vertu agréable : car l'une est la mort et l’autre la vie ; l'une est
l’essence de l'enfer, l'autre l'essence du ciel. Vous avez donc en vous autant
de l'esprit du démon que vous avez d'orgueil ; et autant de l'esprit de
l'Agneau de Dieu que de vraie humilité. Si vous pouviez voir ce que chaque
sentiment d'orgueil produit dans votre âme, vous supplieriez tous ceux
que vous rencontrez de vous délivrer à tout prix de cette vipère, dussiez-
vous perdre une main ou un œil pour obtenir la délivrance. Et si vous
pouviez vous rendre compte de la puissance douce et divine qu'est
l'humilité, voir comment elle transforme tout dans le cœur et la vie,
comment elle expulse le poison de votre nature pour faire place à l'Esprit
de Dieu, afin qu'il habite en vous, vous aimeriez mieux être le marchepied
du monde entier que de perdre la moindre parcelle d'humilité (L'esprit de
prière).

Note B
Nous avons besoin d'apprendre deux choses : tout d'abord, que notre
salut consiste entièrement à être sauvés de nous-mêmes, c'est-à-dire de ce
que nous sommes par nature ; et ensuite, que rien ne peut être notre salut
excepté l'humilité de Dieu. De là cette première parole si absolue du
Sauveur à la créature déchue : « Si quelqu'un ne renonce à lui-même, il ne
peut être mon disciple. » Le moi est tout le mal et le malheur de notre
nature déchue ; le renoncement à nous-mêmes est notre unique moyen de
salut ; l'humilité est notre salut… Le moi est la racine, l'arbre, les branches
de tout ce qu'il y a de pervers dans notre état de chute. Tous les maux des
anges tombés et des hommes ont leur naissance dans l'orgueil du moi.
D'autre part, toutes les vertus de la vie céleste sont les vertus de l'humilité.
C'est l'humilité seule qui rend l'abîme impossible à franchir entre le ciel et
l'enfer. Quelle est donc la grande lutte pour arriver à saisir la vie éternelle ?
C'est la lutte entre l'orgueil et l'humilité. qui se disputent nos cœurs :
l'orgueil et l'humilité sont les deux puissances maîtresses, les deux
royaumes en lutte pour la possession éternelle de la créature humaine. Il
n'y a jamais eu et il n'y aura jamais d'autre humilité que celle de Jésus-
Christ. L'orgueil et le moi nous possèdent jusqu'à ce que nous ayons
trouvé la délivrance en Jésus. C'est pourquoi celui-là seulement qui lutte
sérieusement selon les lois spirituelles pour être délivré de la vie propre
reçue d'Adam, peut être amené à mourir à lui-même par l'humilité
surnaturelle de Christ qui lui apporte la vie. W. Law.

Note C
Par nos forces naturelles, nous sommes incapables de mourir à nous-
mêmes. Nous luttons vainement et désespérément en faisant l'expérience
de Romains 7 : « Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je
ne veux pas… Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps
de mort ? » La réponse, c'est : Jésus-Christ. En regardant à Lui avec
confiance, j'entre dans le vrai chemin de la mort à moi-même : dans le
chemin de la patience, de la douceur, de l'humilité, de l'abandon à Dieu.
C'est ainsi que se réalise dans toute sa vérité et sa perfection la mort au
moi… Si je vous demande, en effet, ce qu'est l'Agneau de Dieu, ne me
direz-vous pas qu'il est la perfection de la patience, de la douceur, de
l'humilité, de la soumission à Dieu ? Ne me direz-vous pas que désirer ces
vertus et en prendre possession par la foi, c'est se donner à Christ avec
confiance ? Et alors, parce que ce penchant de votre cœur à vivre une vie
de patience, de douceur, d'humilité, de pleine soumission à Dieu est
réellement un acte de renoncement à tout ce que vous êtes et à tout ce que
vous avez reçu par la chute d'Adam, il est donc un acte de parfait
renoncement à vous-mêmes pour suivre Christ ; c'est votre acte suprême
de foi en lui. Christ n'est que dans ces vertus et il n'est nulle part ailleurs.
Quand elles existent en nous, son royaume est établi au-dedans de nous.
Suivons donc avec foi le Christ patient, doux, humble, fidèle à Dieu.
L'esprit d'amour divin ne peut naître dans une créature déchue jusqu'à ce
que celle-ci ait choisi de mourir à elle-même, en voulant s'abandonner à la
puissance et à la grâce de Dieu pour revêtir Jésus-Christ.
Je me confie pour tout mon salut aux mérites et à l'intercession de
l'Agneau de Dieu. Il a donné sa vie pour moi afin que j'aie la vie. Lui seul
peut reproduire en moi ce qu'il est lui-même. S'il ne naît dans nos âmes, et
s'il n'y apporte ses vertus, sa douceur, sa patience, son humilité, nous
demeurons dans la mort. Mais, lorsqu'il plaît à Dieu de révéler en nous
son Fils, en nous faisant naître à la vie de l'Esprit, alors une vie nouvelle de
paix, de joie, d'humilité commence. Jésus-Christ fait briller en nous sa
lumière, il y établit son royaume et il nous remplit de son amour et de son
humilité (Tout entier à Dieu, par W. Law).

Note D
Le secret des secrets : l'humilité est l'âme de la vraie prière. — Jusqu'à ce que
l'esprit de notre cœur soit renouvelé, jusqu'à ce que notre cœur soit vide
de tous ses désirs terrestres et vive dans une faim et une soif continuelles
de Dieu, — ce qui est le véritable esprit de prière — jusque-là, toutes nos
prières seront, plus ou moins, comme des devoirs faits par des écoliers :
ils les font, parce qu'ils n'osent les négliger. Mais ne nous décourageons
pas. Si vous voulez suivre le conseil que je vais vous donner, vous pourrez
aller à l'église sans être en danger de prier seulement des lèvres ou
hypocritement, même si le langage dont vous vous servirez est plus élevé
que celui de votre cœur. Faites donc ceci : allez à l'église comme le péager
alla au temple ; restez intérieurement dans l'esprit des pensées qu'il
exprimait, quand il n'osait pas même lever les yeux au ciel et qu'il se
frappait la poitrine en disant : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur.
Demeurez invariablement dans ces sentiments, et chaque demande qui
sortira de votre bouche en sera sanctifiée. Alors, quand vous serez amené
à chanter ou à demander quelque chose qui dépasse l'expérience de votre
cœur, vous en ferez une occasion de vous humilier dans l'esprit du péager,
et vous serez certainement secouru et puissamment béni par ces prières et
ces louanges que des cœurs meilleurs que le vôtre, semble-t-il, auraient
seuls dû prononcer.
Ceci, mon ami, est le secret des secrets qui vous aidera à moissonner où
vous n'avez pas semé, et ce sera une source continuelle de grâce dans
votre âme ; car tout ce qui s'agite en vous, ou tout ce qui vous arrive
extérieurement, vous devient un bien réel, si ces choses trouvent ou
excitent en vous cette attitude humble que nous admirons chez le péager.
Quand l'âme est humble, tout lui profite, elle ne cesse de croître, tout ce
qui lui arrive est comme une rosée du ciel qui la fait prospérer. C'est
pourquoi revêtez-vous d'humilité ; toutes les bénédictions y sont
contenues. C'est l'eau du ciel qui change le feu de l'âme tombée, en
douceur de vie divine et crée cette huile qui donnera une flamme ardente à
notre amour pour Dieu et pour nos semblables. Demeurez donc toujours
dans ces sentiments d'humilité ; qu'ils soient comme le vêtement que
vous porterez sans cesse, comme une ceinture autour de vos reins ; ne
vivez que dans cet esprit ; ne voyez qu'avec ses yeux ; n'écoutez qu'avec
ses oreilles ; et alors, que vous soyez dans l'église ou hors de l'église,
écoutant les louanges de Dieu ou recevant les injures des hommes et du
monde, tout tournera à votre bien et vous fera croître dans la vie céleste
(L'esprit de prière).
Une prière pour l'humilité

Je veux vous donner ici un moyen infaillible de savoir si vous voulez


réellement devenir humble. Le voici : retirez-vous du monde et de toute
conversation pendant un mois ; n'écrivez pas, ne lisez pas, ne vous agitez
pas ; laissez votre cœur et votre esprit en repos, et demeurez tout ce mois,
aussi fermement que possible, dans l'esprit et la forme de la prière
suivante. Faites-la fréquemment à genoux ; mais que vous soyez assis,
debout ou en marche, soyez toujours intérieurement rempli de cette
unique prière à Dieu : « Ô Dieu, veuille, dans ton grand amour, te faire
connaître à moi et ôter de mon cœur toute espèce et toute forme d'orgueil,
que cet orgueil vienne des démons ou qu'il soit un fruit de ma nature
corrompue. Veuille éveiller en moi très profondément le besoin de cette
humilité qui me rendra capable de vivre à ta lumière et par ton Saint-Esprit.
Apprends-moi à rejeter toute pensée autre que celle de l'attente de
l'humilité et à te prier du fond du cœur avec fidélité et sérieux comme
quelqu'un qui veut être à tout prix délivré de tout orgueil ».
Si vous pouvez et voulez vous abandonner en toute fidélité et sincérité à
cet esprit de prière, je crois pouvoir vous affirmer que, lors même qu'il y
aurait en vous deux fois autant de démons qu'il y en a eu en Marie-
Magdeleine, ils seront tous chassés, et vous serez contraint avec elle de
verser des larmes d'amour aux pieds du Seigneur Jésus…
[1] Voir note A
[2] Relire le discours de Paul aux anciens de l'église d’Éphèse réunis à Milet
(Actes 20.17-38).
[3] Voir note C
Édition S. Delattre Privas. Ardèche 1935
Édition Numérique Yves Petrakian – France 2011 –
Diffusion gratuite uniquement en indiquant la source : http://456-bible.123-
bible.com/
Revu, corrigé, augmenté et mis en page par Thomas Mathey pour
spibook.fr

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