Meyssonnier
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Site : http://www.univ-nantes.fr/iemn-iae/recherche/jecgn
5 ème
journée : « Le pilotage de la performance des processus opérationnels »
1er Février 2013 – IEMN-IAE – Université de Nantes
François MEYSSONNIER
Professeur des Universités
IEMN – IAE
LEMNA (Université de Nantes)
Courriel : [email protected]
Résumé : Abstract:
Le contrôle de gestion ne peut plus être appréhendé Management control cannot be understood any
uniquement dans sa dimension financière classique. more only in its traditional financial dimension. A
Une approche refondée et élargie est nécessaire new refunded and enlarged approach, which
faisant sa place aux dispositifs de contrôle qui includes control mechanisms that guarantee the
garantissent la mise en œuvre du modèle d’affaires implementation of the company business model at
de l’entreprise au niveau des processus the level of business processes, is necessary. A
opérationnels. Une présentation de cette nouvelle presentation of this new approach is made in the
approche est effectuée dans le cas des activités de case of service activities.
service. Keys Words:
Mots Clés : Service industry, business models, operational
Services, modèles d’affaires, processus processes, front-line employee - customer relation,
opérationnels, relation personnel en contact - client, service industry management control.
contrôle de gestion des services.
Introduction
Le contrôle de gestion est une discipline du champ des sciences de gestion traversée par de
multiples questionnements tant sur ses aspects théoriques (conceptuels) que sur ses aspects
pratiques (professionnels). La prise en compte de la dimension opérationnelle du contrôle
dans la déclinaison au plus près du terrain des caractéristiques du business model est
susceptible d’ouvrir une perspective nouvelle à la discipline. Une telle démarche,
contextualisée par nature, sera présentée dans le secteur des services.
Les activités de service ont été pendant longtemps éclipsées par le développement des
activités industrielles. L’évolution de la structure des économies des pays développés depuis
une trentaine d’années, où la part des services se déploie considérablement, a déclenché un
intérêt pour les spécificités du management de ce type de production de biens immatériels,
non stockables, hétérogènes et co-produits dans une phase d’interaction entre le personnel en
contact et le client (Van Looy, Gemmel et Van Dierdonck, 2003 ; Eiglier, 2004 ; Fitzsimmons
et Fitzsimmons, 2008 ; Lovelock, Wirtz, Lapert et Munos, 2008). Le management des
activités de service a donc été abordé à partir de ces spécificités liées aux processus de
« servuction ». Mais ces particularités fondatrices des activités de service ne sont pas toujours
toutes simultanément présentes. Les formes des activités de service se modifient et également
celles des activités industrielles. Ceci amène les universitaires à essayer de trouver un
nouveau cadre de référence. Pour certains chercheurs, venant plutôt du marketing, les services
sont des activités qui permettent de créer de la valeur sans cession de droits de propriété et la
définition des services devrait pouvoir être envisagée autour des notions de « location » ou de
« droits d’accès » (Lovelock et Gummesson, 2004). Pour d’autres chercheurs, venant eux de
la gestion des opérations, une théorie unifiante des services est possible autour de la place
centrale du client dans la « co-construction de la prestation » (Sampson et Froehle, 2006).
Plus récemment, tout un courant s’est développé prônant une approche « Service Dominant –
Logic (SD-L) » qui propose de dépasser la distinction entre industrie et services. Les auteurs
estiment que les services n’ont plus à se définir par opposition aux biens matériels mais
qu’une vision plus large fondée sur la logique de service est possible, englobant à la fois la
production industrielle classique, les offres combinées de biens et services et les services purs
aux organisations ou aux particuliers. Cette approche, promue par Vargo et Lusch (2008),
considère que le service est la base de tout échange, que le consommateur n’est plus un « co-
producteur de service » mais est un « co-créateur de valeur », que les entreprises ne délivrent
pas de la valeur mais uniquement des offres de valeur et que cette valeur est toujours
déterminée phénoménologiquement par son bénéficiaire. Pensée au départ comme une
nouvelle vision du marketing, cette approche est vue dorénavant par ses promoteurs comme
une nouvelle théorie générale du marché. Beaucoup de ses apports sont très stimulants mais il
s’agit là plus d’une vision générale des relations économiques que d’un paradigme
directement utilisable dans la conception et l’utilisation des systèmes de contrôle de gestion
des entreprises du secteur des services. Or un cadre conceptuel ne vaut que par les usages
qu’on peut en faire.
Si l’on s’intéresse au contrôle des processus serviciels mis en œuvre, les références utiles
seront plutôt à rechercher du côté de la gestion des opérations (Heineke et Davis, 2007 ;
Baranger et al., 2009) en privilégiant comme élément structurant le rôle du client comme co-
producteur du service (Edvardsson et al. ; 2005). Ceci permet de développer une vision
élargie du contrôle de gestion des services par delà les outils financiers classiques de la
fonction déjà examinés par Gervais (2009).
Le contrôle de gestion est actuellement l’objet de débats portant autant sur sa nature (section
1.1.) que sur ses conditions de mise en œuvre et son avenir (section 1.2.). L’approche du
contrôle de gestion gagnerait à prendre en compte la déclinaison du business model jusqu’au
niveau opérationnel (section 1.3.) mais ceci ne peut se faire que de façon contingente (section
1.4.).
3
1.1. La nature du contrôle de gestion
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consubstantiellement liée au contrôle de gestion. Le contrôle de gestion utilise à cet effet des
outils d’optimisation des décisions et des techniques d’orientation des comportements.
Le contrôle de gestion étant ainsi défini, qu’en est-il de ses pratiques et de ses perspectives ?
Bouquin et Fiol (2006) indiquaient que : « Le contrôle de gestion se trouve écartelé entre sa
composante qui sert la direction générale (une approche financière) et celle qui régule « le
terrain » et ses processus. Il est clair que c’est à ce deuxième niveau que se perçoit la valeur
ajoutée du contrôle, l’autre niveau le réduisant à un simple reporting. ». En matière de
régulation du « terrain », pour ces auteurs : « L’approche par les processus est devenue une
référence. Elle donne une méthodologie au contrôle de gestion. Elle constitue le chaînon
manquant entre la stratégie et les centres de responsabilité. ». Même si Bouquin et Fiol
abordaient d’autres pistes et ne tranchaient pas sur les perspectives en matière de contrôle de
gestion, leur papier étant plus interrogatif que normatif, cette vision des processus
opérationnels se situant au cœur du contrôle de gestion rejoint le point de vue d’Otley (1999,
p. 364) qui critique la vision étroite du contrôle de gestion développée depuis Anthony (1965)
et souligne la nécessité de s’intéresser au contrôle opérationnel trop longtemps négligé.
Cette conception est d’ailleurs de plus en plus partagée par nombre de professionnels comme
de chercheurs. Les prix académique de la recherche en management attribués tous les ans par
5
la FNEGE et l’association des cabinets de conseil en organisation (Syntec) aux meilleurs
articles de recherche en gestion sont décomposés en catégories et le contrôle y est regroupé
avec la gestion des opérations et des systèmes d’information plutôt qu’avec la comptabilité et
la finance. Certaines équipes universitaires de recherche en gestion choisissent aussi de se
structurer de la même façon. La dimension opérationnelle du contrôle, sa capacité à créer des
régularités dans la mise en œuvre des processus et à les relier à la création de valeur pour le
client et pour l’actionnaire est donc centrale.
La notion de business model est apparue assez récemment. Le business model (Zott et al.,
2011), décrit la façon dont une entreprise crée de la valeur et se l’approprie en mettant en
œuvre un ensemble de processus et de partenariats, de ressources et de compétences. On a
affaire là à quelque chose d’incarné, de délimité et tourné vers la gestion interne sur lequel le
contrôle de gestion va s’articuler et se déployer pour garantir sa réalisation effective sur le
terrain. Comme le remarquent Demil et Lecocq (2008), par sa capacité à lier stratégie et
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opérations, le business model est une construction de niveau « méso » congruente avec le
cadre journalier d’action des managers. Le business model est composé de quatre éléments
principaux : la proposition de valeur ; l’architecture de valeur ; les ressources et les
compétences ; l’équation économique. La « proposition de valeur » comprend une description
de l’offre, l’identification des segments de marché cibles et les modes d’accès à ces clients
cibles. L’ « architecture de valeur » permet de voir comment la valeur est délivrée au travers
de la chaine de valeur interne et du réseau externe de l’entreprise étendue. Les « ressources et
compétences » font référence aux modes d’articulation et d’exploitation des actifs matériels et
immatériels décisifs de l’organisation. Enfin l’ « équation économique » présente les éléments
de profitabilité (les revenus et les coûts) et la dynamique des mouvements de cash (les
encaissements et les décaissements) de l’entreprise.
7
1.4. Approche contingente de la dimension opérationnelle du contrôle
Le contrôle de gestion peut donc retrouver ses repères et reconquérir des espaces en dépassant
le seul champ des outils universels que sont la comptabilité de gestion et le contrôle
budgétaire pour s’approprier les outils et méthodes dédiés à certains contextes du contrôle
opérationnel de terrain. Mais ceci n’est possible que de façon contingente par rapport au
métier de l’entreprise. Nous proposons de tester cette démarche en prenant un champ
d’activités particulier dans lequel nous étudierons comment les business models des
entreprises peuvent être mis en œuvre et le contrôle de gestion peut se déployer jusqu’au
niveau opérationnel. Le secteur des services va être le champ de notre investigation, suivant
en cela les recommandations de Chenhall (2003).
Les services ont donc des caractéristiques propres. Ils sont immatériels (Intangibility),
hétérogènes (Heterogeneity), produits et consommés simultanément (Inseparibility) et non
stockables (Perishability). La définition des services à partir de ces quatre attributs, identifiés
dans l’acronyme anglo-saxon IHIP (que l’on pourrait reprendre en français par les termes :
immatérialité, diversité, inter-activité et immédiateté), est au centre des approches en
management des services depuis que ce champ de recherche a émergé (Zeithaml et al., 1985).
8
La gestion des activités de service est confrontée à ces particularités par rapport à la plupart
des activités manufacturières traditionnelles. L’activité de service ne consiste pas à réaliser un
bien physique mais à exécuter une prestation intangible en collaboration avec le client-
bénéficiaire. La phase de contact entre le prestataire de service et l’utilisateur du service est
cruciale et la satisfaction du client dépend des opérations réalisées (l’utile) mais aussi des
modalités de la relation (l’agréable) qui est nouée à cette occasion. L’activité de service étant
plus orientée vers les gens que vers les choses, les services sont moins standardisés que les
biens et doivent être adaptés à la variété des situations, des acteurs et des contextes de la
prestation de service. La prestation de service est coréalisée par le personnel en contact et le
client sous des modalités diverses (services low contact ou services high contact). La
socialisation organisationnelle du client est très importante dans les activités de service. Les
services devant s’adapter aux variations de la demande, la gestion des temps et des délais est
aussi centrale dans les activités de service. Le problème des pointes d’activités (« coups de
feu ») et des files d’attentes (« queues ») est donc un élément très important de la gestion
opérationnelle des services. Si dans l’industrie la diminution des stocks de biens focalise les
préoccupations des managers, dans les services, c’est le stockage des gens (dans les files
d’attente) qui doit absolument être réduit ou rendu plus supportable pour les clients.
Ces caractéristiques sont à l’origine des six principaux domaines d’action du contrôle de
gestion des activités de service mis en évidence par Meyssonnier (2012) : (1) l’identification
des unités les plus efficientes dans un réseau d’unités comparables maillant un territoire ; (2)
la détection et la généralisation des meilleures pratiques avec des standards très précis ; (3) la
gestion de la temporalité qui est un élément crucial de la prestation de service, que ce soit du
temps actif ou du temps perdu pour le consommateur ; (4) le déplacement de la demande,
l’optimisation des prix, le calibrage et l’optimisation des capacités de production ; (5) la
mesure de la qualité de service perçue par le client et l’articulation des coûts et de la valeur
dans l’offre de service ; (6) la mise sous tension de l’organisation de service par l’usage
d’indicateurs articulés dans des relations de cause à effet à l’intérieur d’un tableau de bord
global.
Dans le tableau 1, ci-dessous, nous reprenons les six champ d’action du contrôle de gestion
que nous venons d’évoquer, nous leur associons un outil de pilotage de la performance
opérationnelle emblématique que nous caractérisons (outils d’aide à la décision ou outils
d’orientation des comportements), nous expliquons les facteurs de contingence qui motivent
9
plus particulièrement son usage et nous indiquons sur quelle caractéristique des activités de
service ils agissent (immatérialité, diversité, inter-activité ou immédiateté).
Tableau 1 :
L’instrumentation du contrôle opérationnel des services
1) Identification des unités DEA Aide à la décision Forte densité des agences Diversité
d’excellence dans un réseau de et service complexe
prestation de services
outils souvent
utilisés
conjointement
3) Gestion et contrôle des temps TD-ABC Orientation des Importance du temps Inter-activité
et des délais dans la relation et comportements pour le client
avec le client Gestion des files
d’attente
4) Actions sur la demande Yield Management Aide à la décision Forte fluctuation de la Immédiateté
et sur l’appareil productif et demande, coûts fixes élevés
Gestion des et coûts variables faibles
capacités
outils souvent
utilisés
conjointement
6) Mise sous tension de l’organisation Balanced Orientation Services high contact Inter-activité
pour garantir la qualité de service Scorecard des comportements
de façon efficiente
outils souvent
utilisés
conjointement
10
Mais, comme cela a été indiqué précédemment, la mise en œuvre de l’instrumentation du
contrôle des processus opérationnels doit être articulée au business model de l’entreprise de
service dans un système global et cohérent de contrôle de gestion.
La distinction que l’on peut faire entre les business models sur l’axe « inter-activité » pour
aboutir à des « modes de réalisation différents du service » et sur l’axe « diversité » pour
aboutir à une plus ou moins grande « personnalisation du service », peut être effectuée
également sur les autres axes caractérisant les services comme nous le montrons dans le
tableau 2, ci-dessous. Dans ce tableau, nous reprenons les caractéristiques centrales des
activités de service, nous présentons les business models alternatifs et nous en déduisons les
dimensions clés de gestion à piloter. Aux quatre caractéristiques liés au front office et à l’aval
(immatérialité, immédiateté, inter-activité et diversité), on pourrait d’ailleurs rajouter deux
caractéristiques liées au back office et à l’amont : la profondeur (avec une l’importance plus
11
ou moins grande du back-office) et le degré de responsabilité directe (production propre du
service ou coordination d’une offre de partenaires).
Tableau 2 :
Des processus opérationnels aux business models
service + ou – intangible :
offre généraliste
Diversité modulée en fonction des segments de clientèle Personnalisation
versus du service
offre ciblée
homogène et standardisée
Ceci amène bien entendu à des préconisations en matière de contrôle de gestion. Plusieurs
études récentes se sont penchées sur les possibilités d’action en fonction des dimensions
opérationnelles perçues comme décisives. Une étude de Goureaux et Meyssonnier (2011) sur
les modalités du contrôle de gestion dans la restauration commerciale montre comment les
choses peuvent s’articuler très différemment en fonction du degré de personnalisation du
service. Un travail de Goullet et Meyssonnier (2011) explique comment les modes de
réalisation de la prestation sont normés et les processus opérationnels sont contrôlés par le
franchiseur dans les réseaux de franchise de services. Une recherche de Meyssonnier et Tahar
(2011) sur la gestion des temps et le contrôle des délais dans les services publics communaux
12
décrit comment les fluctuations de la demande des usagers sont maîtrisées et la qualité de
service assurée et contrôlée.
Le rôle du client comme « acteur » de la co-production de la prestation est essentiel dans les
services. Plusieurs éléments sont à prendre en compte comme le soulignent Plé, Lecocq et
Angot (2010) :
- quelle est la nature de la production dans laquelle s’implique le client ?
- à quel moment intervient-il dans le processus ?
- quels sont les interlocuteurs du client dans la phase de contact ?
- quelle est la nature de la contribution du client ?
Pour piloter les activités de service, on doit maîtriser et contrôler ces différents éléments qui
sont au cœur de la performance et qui recoupent largement les dimensions clés de pilotage
énoncés dans le tableau 2 : la matérialisation du service, les fluctuations de la demande, les
modes de réalisation de la prestation et la personnalisation du service.
Une grande partie de la satisfaction perçue du client (de la valeur de l’offre de service à ses
yeux) provient autant des conditions de l’expérience commune lors de la prestation que du
résultat intrinsèque des opérations de délivrance de la prestation. Le contrôle de gestion des
services ne peut donc se concevoir sans une focalisation sur la relation personnel en contact -
client dans la phase de co-production du service avec le déploiement d’outils ad hoc (guide
des valeurs et des procédures ou « bible » de l’entreprise de service ; blueprints adaptés à
respecter par le personnel en contact, recours aux nouvelles technologies panoptiques de
contrôle à distance ; suivi et analyse des réclamations des clients ; clients « mystère » envoyés
sur le terrain ; audits « surprise » internes et externes ; etc.), surtout si cette phase est
développée et intense. La gestion des déviances des clients (Suquet, 2011) relève aussi de
cette problématique. Le contrôle de gestion des services doit donc être tourné vers le terrain et
accorder autant d’importance au contrôle de la relation avec le client qu’au contrôle des
opérations. La clé du succès réside fondamentalement dans le respect des facteurs clés de
succès du business model et le contrôle de gestion est primordial, spécialement dans les
entreprises qui privilégient la standardisation des prestations (services normés ou
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industrialisés de masse) auprès d’une clientèle choisie (peu de diversité de la clientèle) avec
une coproduction très encadrée (peu de latitudes accordées au client « acteur »).
Nous avons présenté précédemment (cf. section 1.3.) les composantes du business model : la
proposition de valeur ; l’architecture de valeur ; les ressources et les compétences ; l’équation
économique. Le contrôle de gestion des services peut articuler les composantes du business
model à la dimension clé de la gestion opérationnelle dans un balanced scorecard
synthétique. Le terme de balanced scorecard recouvre des réalités très différentes et est perçu
de façon très diverse dans la communauté scientifique, parmi les professionnels et même par
ses concepteurs qui ont varié dans leur approche au fil du temps ! Pour nous sa qualité
principale n’est pas son côté « équilibré » ou multi dimensionnel (par opposition à une
logique financière dont la prépondérance serait critiquable). C’est la cohérence de sa
construction au service de la mise en œuvre de la stratégie, par les relation structurantes de
cause à effet depuis les indicateurs avancés et locaux du niveau opérationnel jusqu’aux
indicateurs de réalisation de la performance financière globale, qui est décisive. La force du
balanced scorecard réside dans la pertinence de la chaîne des causalités reliant les divers
indicateurs du contrôle de gestion, évitant le cloisonnement des champs de responsabilité et
assurant la convergence des comportements. Ceci permet d’en faire un outil de cohésion et de
travail collectif des managers au service de la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise par
delà leurs responsabilités de terrain ou leurs spécialités fonctionnelles.
Si nous revenons aux dimensions clés de la gestion opérationnelle que nous avons identifiées
précédemment, on peut comprendre alors les diverses composantes du business model qui
sont activées de façon privilégiée et la nature du balanced scorecard dans le cas des activités
de service (cf. tableau 3 ci-dessous).
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Tableau 3 :
L’instrumentation du contrôle stratégique des services*
* Toutes les composantes du business model doivent être présentes dans le balanced scorecard mais nous
mettons en exergue ici celles qui nous semblent particulièrement importantes dans chacun des cas considérés.
Si on prend les business models qui se focalisent sur la matérialisation du service, on peut
avoir soit un modèle « riche » qui assure une proposition de valeur fondée sur l’existence
d’attributs nombreux, variés et visibles pour des consommateurs exigeants et qui permet de
dégager une marge unitaire importante, soit un modèle « dépouillé » qui lui s’appuie une
architecture de valeur efficiente et un « appareil productif » low cost qui vise une profitabilité
totale significative malgré des marges unitaires réduites.
Les business models polarisés sur la fluctuation de la demande peuvent être du type « service
assuré dans toutes les circonstances » et garantir une prestation dans la plupart des situations
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(par exemple 24h sur 24) en jouant sur la composante « ressources et compétences » par une
disponibilité des hommes et un sur dimensionnement des moyens matériels mobilisés (avec
une marge unitaire en rapport avec cette capacité) ou bien être du type « service assuré dans
certaines circonstances » par une architecture de valeur qui permet une optimisation
temporelle avec un lean management de l’appareil productif (et des prix de vente unitaires
plus réduits).
Les business models centrés sur les modes de réalisation de la prestation peuvent être du type
« high contact » avec une proposition de valeur fondée sur le rôle de co-créateur de valeur du
client dans la phase de contact et de façon symétrique, pour ce qui concerne la composante
« ressources et compétences », une formation poussée dans les aspects relationnels d’un
personnel en contact très autonome. A l’inverse, les business models peuvent être du type
« low contact » avec alors une proposition de valeur fondée sur le fait que le client est un
créateur de valeur relativement autonome qui doit avoir en face de lui une architecture de
valeur de l’entreprise fondée sur l’automatisation et les technologies de self-service.
Enfin les business models qui jouent sur la personnalisation du service peuvent avoir une
« offre généraliste » qui nécessite une proposition de valeur développant des prestations
polyvalentes et adaptées et, en matière de « ressources et compétences », une formation
technique poussée aussi bien du personnel en contact que du personnel de back office. Ils
peuvent, a contrario, être du type « offre ciblée » et développer une proposition de valeur
fondée sur des prestations dédiées et spécialisées et une architecture de valeur focalisée sur
l’organisation et des opérations standardisées.
Ainsi on voit comment, en fonction du business model, le contrôle de gestion global pourra
développer un tableau de bord stratégique fondé prioritairement (en dehors de la composante
« équation économique » toujours présente dans les démarches de contrôle de gestion) sur une
ou deux composantes articulées que ce soit l’offre de valeur, l’architecture de valeur ou les
ressources et les compétences.
16
Conclusion
Le contrôle de gestion doit être appréhendé aujourd’hui non seulement dans sa dimension
financière traditionnelle et universelle (calcul, analyse et gestion des coûts ; budgets et
tableaux de bord ; etc.) mais aussi dans ses articulations stratégiques avec le business model et
dans sa déclinaison contextualisée au niveau des processus opérationnels de terrain. Parce
qu’elle s’incarne dans les particularités du métier de l’entreprise, une telle approche est
forcément contingente.
Nous avons donc alors étudié le contrôle de gestion des entreprises de service. Les outils de
contrôle opérationnels emblématiques des services ont été présentés et une typologie
indicative des systèmes de contrôle pouvant être déployés en fonction des business models
mis en œuvre a été esquissée. L’importance du contrôle de la relation entre le personnel en
contact et le client lors de la phase de coproduction de la prestation a été mise en évidence.
Nous avons montré aussi comment, dans les activités de service par delà les outils classiques
du contrôle de gestion et notamment son budget, on peut développer un système de pilotage
de la performance faisant le lien entre le business model et les processus opérationnels. La
dimension opérationnelle clé pour l’entreprise pourra ainsi être pilotée dans le cadre d’un
balanced scorecard en s’appuyant sur des indicateurs relevant de l’équation économique de
l’entreprise et suivant les cas, de façon plus ou moins importante et plus ou moins combinée,
de l’offre de valeur, de l’architecture de valeur ou des ressources et des compétences.
L’analyse du contrôle de gestion que nous avons développée, de façon d’abord conceptuelle
puis appliquée au cas des activités de service, montre comment on peut repenser et élargir
l’approche traditionnelle du contrôle aussi bien dans la pratique (au niveau de la fonction
contrôle de gestion ou dans les actions de contrôle des managers de terrain) que dans la
réflexion plus théorique (en dépassant définitivement la vision fondatrice mais datée
d’Anthony et en proposant une alternative aux visions sociologique critiques aujourd’hui
dominantes dans la communauté universitaire).
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