Le Mythe Sur La Mort

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L’origine de la mort selon les Lobi


Louis-Vincent Thomas et René Luneau, traitant de la
question de la mort en Afrique,
affirment ceci : «
L’origine première de la mort demeure de même mysté
rieuse. Très souvent,
les mythes font allusion à une faute de l’homme qui
expliquerait également l’éloignement du
ciel de la terre ; ou bien encore à une sorte de fa
talité, d’engrenage maudit où l’animal
porteur du message de mort arrive, auprès des homme
s, juste avant l’animal porteur du
message de vie. Dans les deux cas, Dieu reste la ra
ison permissive fondamentale, les causes
magico-religieuses plus encore que les causes natur
elles, seulement conditionnantes
(vieillesse, maladie, accident, vengeance), expliqu
ant le décès de telle ou telle personne
.
10
»
Cela est bien vrai en ce qui concerne la société de
s Lobi. Pour les Lobi, la mort n’existait pas.
Un mythe nous donne l’origine de la mort dans la so
ciété des hommes. Nous retrouvons ce
mythe dans beaucoup de sociétés africaines
11
.
Aux temps anciens, quand Thâgba
Dieu vivait au milieu des hommes, la société des
hommes, la nature et le cosmos vivaient en harmonie
. Les fils des hommes pouvaient même
s’amuser avec les fils de Dieu, jusqu’au jour où la
femme-là brisa l’interdit originel. Ce qui
éloigna Dieu de la terre pour toujours. Après que T
hâgba
Dieu ait pris congé de la terre, il
envoya un émissaire aux hommes pour choisir entre l
a mort éternelle et la vie après la mort
sur terre : a wù khi wùù yinè et a wù khi wa
n yî ga
12
. La mort était devenue fatale pour les
hommes. Mais ils pouvaient encore choisir entre une
mort sans retour sur cette terre et une
mort avec retour sur la terre. Les hommes se réunir
ent sur la place du marché et discutèrent
longuement sans parvenir à un consensus, l’harmonie
ayant déserté de leur sein. Ils
choisirent pour finir deux animaux emblématiques av
ec les deux messages contraires. La
majorité choisit le chien en se disant que ce fidèl
e compagnon des hommes est alerte en
course et pourra rapporter à Thâgba
Dieu que les hommes désirent revenir vivre sur cet
te
terre après leur mort. Le bouc devait rapporter le
message contraire de la minorité : à quoi
bon revenir sur cette terre où la souffrance est dé
sormais installée pour de bon. Si on meurt,
mieux vaut ne plus revenir ici
13
. Les deux messagers prirent la route vers le pays
lointain de
Thâgba
Dieu. En cours de route, le bouc céda à la tentati
on des tendres herbes qui jalonnent
la route menant chez Thâgba
Dieu. Le chien profita pour prendre une bonne long
ueur
d’avance sur son concurrent. Mais au point d’attein
dre le but, il succomba à la tentation des
os en découvrant au passage une soupe en préparatio
n chez une parturiente. Confiant de
l’avance considérable qu’il avait prise, il décida
de patienter jusqu’au repas de la femme
pour espérer se régaler des os de la viande contenu
e dans la soupe. Entre temps, le bouc
repus, reprit sa course, difficile mais tenace. Il
s’était rendu compte de son retard. Déterminé
qu’il était, il ne faisait point attention aux chèv
res qui l’interpellaient sur son passage. Il
traversa le village où le chien attendait patiemmen
t ses os. C’est ainsi qu’il parvint le premier
devant Thâgba
Dieu et lâcha le message funeste : les hommes, aprè
s leur mort, ne veulent
pas revenir sur cette terre. Et Dieu prit note de l
a décision des hommes. Pendant que
l’émissaire des hommes était accueilli avec faste d
ans la maison de Thâgba
Dieu, le chien
arriva devant l’Eternel après avoir calmé sa faim e
t sa passion. Il se mit à crier le message de
la majorité des hommes désirant revenir sur cette t
erre pour une autre vie après l’inéluctable
mort, mais il se vit rabroué car le véritable émiss
aire des hommes était déjà arrivé et avait
révélé le désir des hommes. Voilà pourquoi quand le
s hommes meurent, ils meurent pour de
bon et ne reviennent plus vivre sur cette terre. C
’est ainsi que la mort éternelle entra dans la
race des hommes,
dit le mythe.
Le mythe a pour but de nous expliquer pourquoi la m
ort est fatale et comment elle est
un chemin de non retour sur cette terre
14
. Elle est la conséquence de la faute originelle et
du
désordre entre les hommes. L’harmonie originelle br
isée, rien de salutaire ne peut se
concevoir entre tous les hommes. La mort elle-même
symbolise ce désordre dans la vie des
hommes. Les funérailles traditionnelles seront d’ai
lleurs une dramatisation ou une
théâtralisation de cet état de désordre dans lequel
la mort plonge la race des hommes. En
même temps, seule la mort ouvre la perspective du v
oyage de l’homme vers l’harmonie
originelle.

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