Texte Et Cours Bossuet Oraison Funèbre
Texte Et Cours Bossuet Oraison Funèbre
Texte Et Cours Bossuet Oraison Funèbre
Objet d'étude 1 : la littérature d'idées. La Bruyère Les Caractères Livre XI Belin Gallimard Classico
Lycée (à acheter très vite)
Parcours : peindre l'Homme, examiner la nature humaine.
Considérez messieurs, ces grandes puissances (1) que nous regardons de si bas. Pendant que nous
tremblons sous leur main, Dieu les frappe, pour nous avertir. Leur élévation en est la cause; et il les épargne
si peu ,qu'il ne craint pas de les sacrifier à l'instruction du reste des hommes. Chrétiens, ne murmurez pas (2) si
Madame(3), a été choisie pour nous donner une telle instruction. Il n'y a rien ici de rude pour elle, puisque,
comme vous le verrez dans la suite, Dieu la sauve par le même coup qui nous instruit. Nous devrions être
assez convaincus de notre néant: mais s'il faut des coups de surprise à nos coeurs enchantés (4) de l'amour du
monde, celui-ci est assez grand et assez terrible. O nuit désastreuse! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup,
comme un éclat de tonnerre, cette étonnante (5) nouvelle :MADAME se meurt, MADAME est morte! Qui de nous
ne se sentit frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille? Au premier bruit
d'un mal si étrange, on accourut à Saint-Cloud de toutes parts; on trouve tout consterné, excepté le cœur de
cette princesse. Partout on entend des cris, partout on voit la douleur et le désespoir, et l'image de la mort. Le
roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré, et il me semble que je
vois l'accomplissement de cette parole du prophète : Le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains
tomberont au peuple, de douleur et d'étonnement. (6)
Mais et les princes et les peuples gémissaient en vain. En vain Monsieur, en vain le roi même tenait
MADAME serrée par de si étroits embrassements. Alors ils pouvaient dire l'un et l'autre, avec saint Ambroise
(7): Stringebam brachia, sed jam amiseram quam tenebam; « je serrais les bras, mais j'avais déjà perdu ce
que je tenais2.» La princesse leur échappait parmi des embrassements si tendres, et la mort plus puissante
nous l'enlevait entre ces royales mains. Quoi donc, elle devait périr si tôt! Dans la plupart des hommes, les
changements se font peu à peu, et la mort les prépare ordinairement à son dernier coup. MADAME cependant a
passé(8) du matin au soir, ainsi que l'herbe des champs. Le matin elle fleurissait; avec quelles grâces, vous le
savez : le soir, nous la vîmes séchée, et ces fortes expressions, par lesquelles l'Écriture sainte exagère (9)
l'inconstance des choses humaines, devaient être pour cette princesse si précises et si littérales.
DONC La douleur humaine est entourée, contenue par une réflexion religieuse, métaphysique. La finalité
de l'oraison n'est donc pas la déploration mais la méditation et la conversion.
• C'est une des oraisons funèbres où l'émotion de Bossuet transparaît. Il prend part à la douleur. Il était le
directeur de conscience de Henriette d'Angleterre. C'est une ample déploration (: plutôt que de s'exalter au
souvenir de la vie du défunt,) Bossuet se lamente sur sa mort. Le registre est pathétique avec les
exclamatives et l'anaphore « ô nuit »( = 2 vocatifs)
• L'annonce de sa mort a surpris tout le monde. La brutalité du sort est perçue dans les allitérations en [t] et
[k] qui marquent l'effroi. L 8 9 10.
• La stupeur s'entend aussi dans les 2 cris de douleur : « madame se meurt madame est morte » l 8 .
L'asyndète souligne la mort foudroyante.
• Le lexique de la douleur émaille le texte. « consterné douleur désespoir, abattu, désespéré pleurer ».
• L 10 l'utilisation du présent de narration invite l'auditeur à vivre les derniers instants de la princesse.
Bossuet crée une hypotypose.
• Dans cette scène pathétique, l'orateur insiste sur la contamination rapide du deuil. L'énumération
croissante l 12 « le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple » donne une impression de
catastrophe historique, universelle, comme le résultat d'un fléau. (L'événement qui se rapproche de celui
d'une tragédie on a le drame, personnages (haut rang), décor de Saint-Clou (= le palais royal ),
atmosphère et la langue sublime.
• Bossuet distingue les têtes couronnées mais l'usage du « on » pro personnel indéfini montre que sa mort
désespère tout un royaume.
• Changement de rythme avec « et les princes et les... » la polysyndète (figure qui consiste à multiplier les
conjonctions de coordination) et l'anadiplose « en vain » ralentissent le rythme.
• Présence de citations bibliques qui donnent une autre dimension aux événements évoqués. La voix des
hommes se mêle à la voix des pères de l'Eglise pour reconnaître la dérisoire vanité de l'existence
humaine. La leçon est un « Memento mori » la mort survient à tout moment, sans prévenir. Il faut s'y
préparer. On n'est plus dans l'anecdotique. B en tirer une leçon chrétienne.
• l 18 et l 21 forte présence de l'allitération en [s] qui efface la dureté des dentales du mouvement 2.
• l 21 « madame cependant a passé du matin au soir » et L 22. « Elle fleurissait »/ « séchée ». Les
antithèses soulignent la finitude de la nature humaine. Mais les images végétales rendent la mort
particulièrement douce et acceptable : la poésie et les euphémismes neutralisent l'effet tragique.
.
conclusion:
Si La Rochefoucauld affirme que : « ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. », Bossuet a choisi
justement de montrer aux hommes ce qu'ils ne veulent pas voir : leur contingence. L'éloge funèbre d'une femme
exceptionnelle et très admirée sert alors l'édification des fidèles. Tombé en désuétude, l'oraison retrouve parfois
une actualité comme le montrent l'oraison funèbre prononcé par Malraux lors de la mort de Jean Moulin ou celles
des chefs d'état lors de cérémonie d'hommage aux grands personnages (E.Macron pour Simone Veil au Panthéon)
Info sup :
Henriette d'Angleterre (1644 1670) était l'épouse de Monsieur, frère du roi donc belle soeur de louis XIV, fille de
Charles Ier d'Angleterrre et d'Henriette de France. Femme exceptionnelle et très admirée pour sa beauté et son
esprit. Elle fut courtisée par de nombreux hommes (louis XIV avait été amoureux d'elle). Femme aussi de
littérature qui apporte son soutien à Molière et qui meurt subitement en juin 1670. Il glisse de l'éloge d'une
femme à l'apologie de la religion chrétienne.