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LE TÉLÉTRAVAIL : LES RISQUES D'UN OUTIL DE GESTION DES

FRONTIÈRES ENTRE VIE PERSONNELLE ET VIE PROFESSIONNELLE ?

Marc Dumas, Caroline Ruiller

Management Prospective Ed. | « Management & Avenir »

2014/8 N° 74 | pages 71 à 95
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.074.0071
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2014-8-page-71.htm
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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des
frontières entre vie personnelle et vie professionnelle ?
Marc DUMAS1
Caroline RUILLER 2

Résumé
L’objet de l’article est de s’intéresser aux effets positifs du télétravail
sur la conciliation vie personnelle et vie professionnelle ainsi qu’à ses
effets négatifs sur le brouillage des frontières.
La recherche a porté sur deux entreprises nommées Telecom et
Administration. Cinquante-quatre entretiens auprès de télétravailleurs,
de cadres et membres de la direction ont été réalisés. Deux types
d’organisation du télétravail sont étudiés : d’une part, le télécentre et
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d’autre part, le télétravail à domicile. Les résultats s’articulent autour
de trois axes : motivations au télétravail et qualité de vie, télétravail
et gestion des frontières entre vie professionnelle et vie personnelle
et l’organisation du télétravail, les leviers d’actions pour réduire les
risques pour les salariés du brouillage des frontières spatio-temporelles.

Abstract
The purpose of this article is to consider on the one hand, the
positive effects of teleworking on the personal and the professional
life balance and on the other hand, the negative effects and
especially, the blurring of boundaries between work and private life.

1 Marc DUMAS : Maître de conférences Habilité à Diriger des Recherches en Sciences de Gestion
à l’Institut de Management de Bretagne Sud de l’Université de Bretagne Sud (laboratoire IREA EA 4251).
Ses travaux portent sur la qualité de vie au travail, la relation travail hors travail et l’implication des per-
sonnes. Il est l’auteur de plusieurs articles sur le thème de l’articulation vie personnelle et vie professionnelle
dans des revues classées, ainsi que de nombreux chapitres d’ouvrages. Il a également publié deux ouvrages :
Vie personnelle et vie professionnelle : Vers un nouvel équilibre dans l ’entreprise ? aux Editions EMS en 2008
et Risques et souffrance au travail. Nouveaux risques, nouveaux remèdes (avec D. Alis, G. Poilpot-Rocaboy),
aux éditions Dunod, en 2009 - [email protected]
2 Caroline RU ILLER : Maître de conférences en Sciences de Gestion à l ’Institut de Ges-
tion de Rennes / IAE de Rennes, Université de Rennes 1 (laboratoire CREM, CNRS, UMR 6211).
Ses travaux portent sur les comportements et les rôles organisationnels, la qualité de vie au travail
et son organisation. Elle est l ’auteur de plusieurs articles sur ces thèmes dans des revues classées -
[email protected]

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N°74 - Décembre 2014

The study focused on two companies named Telecom and Administration


and led to fifty four interviews with teleworkers, managers and executives.
Two major forms of teleworking – telecenter and telework at home -
are practiced and were studied. The results are organized in three
categories : motivations to telework and quality of life, teleworking and
self-management of professional and private life and the organization of
teleworking, the action levers for reduced risks for employees interference
spatio-temporal boundaries.
Le télétravail est d’actualité, en s’inscrivant dans les politiques de soutien organisation-
nel (Alis et Dumas, 2003), de qualité de vie et de bien-être au travail. L’accord national
de 2013 le positionne comme levier de conciliation vie professionnelle / vie familiale et
113 accords d’entreprise intégrant un volet télétravail seraient ainsi conclus en 20143,
faisant montre d’un engouement fort du monde des praticiens. Au niveau académique,
les écrits sur le télétravail et le télé-management ne sont pas récents. En 2001, Cocula et
Fredy-Planchot resituaient l’histoire du télétravail par la mise en évidence d’un nouveau
paradigme d’organisation du travail. Dans cette perspective, le télétravail propose un
nouveau contrat psychologique basé sur le soutien organisationnel au salarié et vise une
réciprocité dans l’échange salarial avec une recherche de conciliation entre les exigences
de performance pour l’entreprise et un mieux-être au travail, pour le salarié (Craipeau,
2010).

Le télétravail – étymologiquement « travail à distance » (Metzger et Cléach, 2004) – se


caractérise par une dispersion spatiale et/ou temporelle, la fréquence de l’arrangement
et l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) (Taskin, 2006 ;
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Morel-a-Lhuissier, 2006). Il ne peut concerner tous les emplois. Seules les activités « dont
le résultat peut être facilement mesuré, ou celles dont l’exercice ne nécessite pas une rela-
tion de proximité avec les collègues, avec le public ou avec le management » sont à même
d’utiliser le télétravail (De Mazenod, 2011, p. 2).

Le télétravail est rentré dans le code du travail avec la loi du 29 février 2012. Selon l’ar-
ticle 46 de la loi de simplification du droit du 22 mars 20124, « le télétravail est une forme
d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans
les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière
et volontaire en utilisant les TIC dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à
celui-ci ». La loi précise des droits nouveaux aux salariés télétravailleurs (l’employeur
fournit, installe et entretient les équipements). En pratique, le télétravail prend deux formes
principales se différenciant par le lieu d’exercice du travail : travailler à son domicile ou
d’un bureau satellite ou télécentre. Cette distanciation de l’équipe d’appartenance et du
manager, qui perd son pouvoir de contrôle direct, est compensée par l’usage d’outils de
communication, permettant aux télétravailleurs d’accéder aux systèmes d’informations
comme au bureau.

De nombreux rapports mentionnent un retard de la France dans le développement du


télétravail. Il n’existe toutefois pas de chiffre officiel du pourcentage de télétravailleurs dans
la population active en France. D’après l’ANACT (2014), 79,2 % des salariés travailleraient

3 Étude DATAR : deux accords étaient signés en 2005.


4 Qui reprend la déf inition de l’Accord National Interprofessionnel signé en 2005.

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

à domicile dont deux tiers hors du cadre réglementaire et 7,9 % en télécentre. Le Centre
d’Analyse Stratégique (Frenhenbach et Dufort, 2009) estime que le télétravail a un fort
potentiel de développement qui pourrait concerner jusqu’à 50 % de la population active
en 2015. Toutefois le télétravail en France est encore très peu formalisé et se fait suivant
des pratiques discrétionnaires. L’enjeu serait de sortir de cette zone grise, informelle.

Comme toute innovation en matière d’organisation du travail, le télétravail demeure


porteur d’opportunités mais aussi de risques et d’abus (Vendramin, 2005). Les avantages
reconnus5 du télétravail pour le salarié et pour l’entreprise sont nombreux : autonomie,
gain de temps, liberté d’organisation, réduction du temps de transport, de la fatigue et
des coûts liés aux trajets domicile-travail, meilleure concentration, gain de productivité,
diffusion de nouvelles technologies, baisse de l’absentéisme, meilleur équilibre entre travail
et vie personnelle, image de l’entreprise. Le télétravail participerait ainsi à l’enchantement
du travail, n’offrant que des effets vertueux. Toutefois, les challenges managériaux et la
criticité des risques pour la santé des salariés constituent deux thèmes centraux dans la
revue de littérature, dont l’état des connaissances mérite des approfondissements (Pyoria,
2011). Ainsi d’un point de vue managérial, il s’agit de penser et d’organiser la relation
« managers – collaborateurs » et la confiance interpersonnelle dans les équipes de travail
distantes quand du point de vue du télétravailleur, il s’agit de sécuriser les risques et
particulièrement, le risque d’isolement, la difficulté à séparer les vies professionnelle et
personnelle6, la perte d’esprit d’équipe, les difficultés d’organisation personnelle en cas
de travail à domicile, la complexité à mesurer le travail effectif lorsque celui n’est pas
traditionnellement mesuré. Nous nous intéressons spécifiquement aux risques afférents
à l’organisation de vie du télétravailleur.
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L’affaiblissement des frontières entre vie professionnelle et vie privée est un phénomène
en développement depuis plusieurs années. De nombreuses enquêtes alertent sur le
brouillage des frontières et la fatigue de salariés, en particulier de cadres contraints
de ramener du travail chez eux (Greenan, Hamon-Cholet, Moatty, Rosanvallon, 2012 ;
Klein et Ratier, 2012). Les NTIC sont « complices » de ce brouillage des frontières. Le
télétravail est en effet un environnement de travail (TIC, domicile, distance de l’équipe
et du management) propice à l’intégration du travail dans la vie personnelle (Matthews,
Bernes-Farrek et Bulger, 2010). Ainsi, tandis que les salariés connaissent de plus en plus
un débordement du travail dans leur vie privée grâce aux multiples fonctionnalités des
TIC (cf. dissymétrie des intrusions selon de Coninck (2006), reprenant les travaux de
Weick), le but du télétravail n’est pas de faire perdre toute notion spatio-temporelle au
télétravailleur, mais au contraire de trouver un certain équilibre entre sa vie personnelle
et sa vie professionnelle. En effet pour Taskin (2006, p. 12) « l’espace privé constitue

5 - 2011 - « Etat des lieux des pratiques de négociation sur le télétravail dans les entreprises en
France », Document de l’ORSE (Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des entreprises) - 2011 -
(téléchargeable sur http ://www.orse.org/). 2011 - « Travailler, se sociabiliser et collaborer « à distance »
- Rapport rédigé par Telecom ParisTech qui a assuré la direction scientif ique de l’étude - Résultats pré-
liminaires de l’étude WITE 2.0 qualitative réalisée par entretiens semi-directifs - 2011 - (téléchargeable
sur http ://www.telecentres.fr/wp-content/uploads/2011/10/Rapport-etude-qualitative-WITE20-oct-2011.
pdf ) 2012 – Greenworking - 2012 – « Les conditions de réussite du télétravail » - Yves Lasfargue et Sylvie
Fauconnier - 2012 - Ce rapport présente les résultats de l’enquête OBERGO 2011/2012 sur les conditions
de vie au travail et hors travail des télétravailleuses et télétravailleurs.
6 « Nouvelles organisations, les temps changent », Travail et Changement, Anact, n° 335, janvier-fé-
vrier 2011, p. 3.

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N°74 - Décembre 2014

assurément un autre espace de re-régulation important lors de l’adoption du télétravail


à domicile ». Si a priori les changements sont moins importants pour des travailleurs
en télécentre, à notre connaissance aucune étude (autre que l’enquête Obergo) ne les a
abordés et ne s’est intéressée aux bénéfices et risques perçus de cette nouvelle forme
d’organisation du travail.

L’analyse proposée dans l’article, porte sur la gestion des frontières entre la vie person-
nelle et la vie professionnelle avec une focale « paradoxale » : si le télétravail peut réduire
un conflit « vie professionnelle / vie familiale », il peut faire déborder le travail au-delà
de la frontière que le salarié souhaite édifier entre son travail et sa vie hors du milieu
ordinaire de travail. L’identification de leviers actionnables pour prévenir le brouillage
des frontières et créer les conditions du bien-être, mérite d’être réfléchie. Notre intérêt
réside ici dans l’étude du temps de travail formel et la présentation et la discussion des
résultats qualitatifs issus de deux études de cas approfondies – une administration ter-
ritoriale et une grande entreprise des télécoms – sont présentés.

La première partie expose la revue de littérature. La méthodologie de recherche fait l’objet


de la deuxième partie et ouvre sur les résultats en troisième partie. En conclusion, nous
insistons sur l’apport de notre travail avec notamment les implications managériales,
les limites et les perspectives de recherche.

1. Le cadre conceptuel

Trois interrogations théoriques sont traitées dans la première partie et permettent de


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structurer les propositions de recherche. Quelles sont les relations entretenues entre le
télétravail et l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle dans un contexte marqué
par la porosité des frontières ? Quels sont les effets du télétravail sur la gestion des
frontières entre les deux sphères ? Quels sont les leviers organisationnels pour éviter le
brouillage de la frontière entre les deux sphères ?

1.1. Les relations entre le télétravail et l’équilibre vie personnelle / vie


professionnelle dans un contexte d’organisation du travail marqué par la
porosité entre les sphères de vie 
L’envahissement du travail dans la vie personnelle est un phénomène jugé préoccupant
par de nombreux spécialistes en raison de la généralisation des TIC et des exigences de
disponibilité qu’elles génèrent pour le salarié (Génin, 2009 ; Ray, 2010). Les TIC permettent
d’être toujours connecté, de rester en contact avec l’environnement professionnel et
d’être joignable 24h sur 24h. Elles facilitent le travail hors mur et notamment après la
journée de travail. Les TIC peuvent notamment permettre de gérer l’imprévu et l’urgent.
Ceci aurait des effets néfastes sur la santé physique et mentale des individus (stress,
fatigue, burnout). De nombreux auteurs analysent ce phénomène comme la résultante
des politiques d’entreprise qui reposent sur la flexibilité des salariés et la culture de
l’urgence (Génin, 2006 ; Aubert, 2003).

Les TIC favorisent également l’incursion de la vie personnelle au travail. Le Douarin


(2007) montre qu’au sein des couples bi-actifs, plus le compagnon participe aux tâches

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

ménagères et plus le rythme des incursions personnelles au travail augmente pour chacun
des partenaires : « Tour à tour, on s’envoie des mails pour dire ce que l’on a fait, ce qu’il
reste à faire ou pour rappeler à l’ordre » (Le Douarin, 2007, p. 122). Dans le prolongement
de ces incursions et des pratiques ordinaires, l’usage des TIC à des fins personnelles au
bureau s’est développé.

Il faut noter que les incursions du travail dans la vie personnelle sont plus nombreuses
que celles de la vie personnelle au travail (de Coninck, 2006). « Depuis les travaux de
Weick, il est reconnu qu’il existe bien une dissymétrie des intrusions, la vie privée étant
davantage bouleversée par ce brouillage des frontières » (Klein et Ratier, 2012, p. 183).

Par ailleurs l’usage des TIC est différent selon les personnes, notamment le genre et le
niveau de formation. Comme l’indique le Douarin (2007, p. 105), « les salariés issus des
Télécoms ou de l’informatique érigent les technologies comme des outils devant faciliter
leur existence, tant au travail qu’au domicile. Vitrine de leurs savoir-faire, les TIC sont des
outils avec lesquelles ils excellent pour articuler les différentes sphères sociales ».

L’étude de Lupu et Le Theule (2012) auprès de femmes experts-comptables montre


que les TIC introduisent de la flexibilité mais la proximité symbolique ne résout pas la
distance physique. « Cette organisation nécessite un investissement important en termes
d’organisation et d’énergie qu’elles n’hésitent pas à mettre » (p. 11) mais qui ne les rendent
pas visibles et « ne peuvent investir dans le relationnel auprès des clients et des collabo-
rateurs » (p. 16).

Les TIC peuvent offrir « de nouvelles possibilités d’émancipation aux personnes désireuses
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de travailler là où elles veulent, quand elles veulent » (Génin, 2009, p. 128). Les TIC peuvent
apporter un certain nombre de marges de manœuvre et permettre aux télétravailleurs
à domicile d’organiser leur activité de manière à desserrer ces contraintes et à retirer
des bénéfices. Ainsi le télétravail a souvent été associé à une amélioration de l’équilibre
travail-famille (Jenson, 1994 ; Madsen, 2003) et serait favorable à la famille.

L’équilibre travail-famille peut être facilité quand les personnes ont suffisamment de
temps pour remplir des activités dans les contextes professionnels et familiaux ou bé-
néficient d’une flexibilité du temps et du lieu de travail. Le modèle de Karasek (1979)
peut en être une illustration : quand le contrôle sur une exigence du travail augmente,
le conflit entre le travail et la famille diminue et l’équilibre devient négatif.

Brey (1999) montre ainsi que le télétravail accroît l’autonomie des personnes. En effet,
la capacité à contrôler le temps de travail est essentielle dans la gestion de multiples exi-
gences / rôles, tandis que l’opportunité de travailler au domicile permet aux personnes
d’exercer ces prescriptions familiales avec un meilleur état d’esprit (Hill, Hawkins, Ferris
et Weitzman, 2001). Golden, Veiga et Simsek (2006) ont par ailleurs montré que l’auto-
nomie dans l’emploi et la flexibilité des horaires de travail ont un effet modérateur du
télétravail sur le conflit travail-famille.

Les avantages du télétravail pour l’équilibre entre les vies personnelle et professionnelle
ont été mis en évidence par une méta-analyse, recensant 46 études de la littérature
couvrant 12 883 employés (Gajendran et Harrison, 2007). Un des facteurs explicatifs
majeurs résiderait dans la flexibilité temporelle (Tremblay, Chevrier et Di Loreto, 2006)

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autorisant notamment la prise de rendez-vous dans la journée, une source de diminution


du stress relatif à la gestion de rôles multiples (professionnels et parentaux).

Les télétravailleurs réguliers à domicile interrogés par l’Obergo (Lasfargue et Fauconnier,


2010) estiment dans leur majorité que la qualité de vie familiale est meilleure qu’avec une
configuration de travail classique. Les résultats sont cités dans le rapport sur l’Impact des
TIC sur les CDT (p. 184) qui note en référence à l’étude que « la plupart des télétravail-
leurs considèrent également que la répartition des différents temps sociaux (professionnel,
familial, personnel) s’est améliorée et que le temps consacré à leur famille est plus long ».

Proposition 1 : Le télétravail a un effet globalement positif sur l’équilibre vie per-
sonnelle et vie professionnelle.

1.2. Comment se gèrent les frontières entre vie personnelle et vie


professionnelle en situation de télétravail ?
Comme le résume Klein et Ratier (2012, p. 184), « bien qu’un certain nombre de travaux
voient dans ce brouillage des frontières privées et professionnelles une fluidification et
une convergence harmonieuse des usages, la plupart des études mettent l’accent sur les
risques que ce brouillage représente pour le bien-être des salariés, à la fois dans leur vie au
travail et hors travail » (Jones, 1997). Il apparaît cependant qu’au niveau individuel les
frontières demeurent solides pour la majorité des salariés non télétravailleurs (Belton,
2009). Qu’en est-il pour les télétravailleurs ?
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Les frontières sont des limites physiques, temporelles, émotionnelles, cognitives et re-
lationnelles qui définissent une entité comme séparée d’une autre. Les frontières sont
doubles, au travail et dans le hors travail. Une frontière marque le point où les comporte-
ments relatifs à un domaine commencent et s’achèvent. La frontière définit un périmètre
qui délimite un rôle. Ces frontières ne sont pas étanches, mais perméables et flexibles.
La perméabilité est fonction du différentiel de résistance des frontières du travail et du
hors travail. Les recherches ont montré que la sphère du hors travail est plus perméable
que la sphère du travail ; que le contrôle par les individus des frontières du travail peut
être plus faible que le contrôle des frontières du hors travail ; que la faiblesse des fron-
tières à la fois du travail et du foyer est associée à un fort conflit inter-rôle qui contribue
à augmenter l’absentéisme au travail. Cette question de la maîtrise des frontières en
particulier temporelle et émotionnelle apparaît fondamentale pour réguler les conflits
et tensions (Alis, Dumas, 2010).

L’instauration d’une frontière entre la vie professionnelle et la vie privée se construit


comme une véritable compétence. Si cette frontière n’est pas mise en place, le télétravail
à domicile apparaît comme un mode d’organisation impossible et impensable (Rey et
Sitnikoff, 2006). Un des facteurs critiques pour le succès du télétravail est alors l’établis-
sement de frontières claires entre le travail et la famille. Kowalski et Swanson (2005)
suggèrent que pour maintenir une frontière entre le travail et la famille, le télétravailleur
peut adopter des stratégies comme définir un espace spécifique au travail au domicile,
établir des rituels matinaux au foyer afin de marquer la journée de travail (par exemple,
s’habiller comme au bureau), informer ses enfants et amis qu’il télétravaille et qu’il ne
peut être dérangé durant les heures de travail. Kossek et al. (2006) établissent aussi

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

que les salariés doivent avoir une gestion des frontières formelles, à partir de principes
pour organiser et séparer les exigences du travail et les attentes spécifiques provenant
du domaine familial.

Le risque peut venir de la famille qui peut solliciter le télétravailleur durant ces heures
de travail à domicile. Ainsi Mustafa (2012) constate que les télétravailleurs à domicile
peuvent vivre un sentiment de déséquilibre en tentant de gérer les exigences de leur
travail à côté des attentes de leur famille. Des répondants signalent que du fait de leur
présence au domicile, leur famille a de très fortes attentes à leur égard et les trois quarts
des répondants se plaignent que des membres de la famille ne perçoivent pas leur travail
comme un véritable travail.

Selon Tremblay, Chevrier et Di Loreto (2006, p. 4), « les membres de l’entourage ne com-
prennent pas toujours les limites du télétravailleur et se permettent de formuler des demandes
de disponibilités qu’ils ne formuleraient pas si la personne ne travaillait pas à la maison ».
A l’inverse « pour l’entourage, les parents, les amis, le fait de voir le télétravailleur travail-
ler quelques heures le week-end peut les inciter à dire que celui-ci est toujours en train de
travailler ». Ainsi, le télétravail peut être source de conflits familiaux (Haddon et Lewis,
1994 confirmant les résultats de Christensen, 1987). Cependant, Tremblay (2001) ou
encore Felstead et Jewson (2000) ne font état que de problèmes mineurs d’adaptation
au début de l’installation à la maison. Les télétravailleurs établiraient des règles de fonc-
tionnement avec les membres de leur famille et cela ne créerait pas de frictions au sein
de la famille (Tremblay, Chevrier et Di Loreto, 2006). Une étude récente de Bourhis et
Mekkaoui (2010) modère ces derniers résultats signalant que le télétravail est davantage
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perçu comme une pratique favorisant la flexibilité des frontières spatiales et temporelles
plutôt qu’une pratique d’intégration (Rau et Hyland, 2002). Aussi, le télétravail n’étant
que de quelques jours et jamais à temps plein (Golden et Veiga, 2005 ; Schweitzer et
Duxbury, 2006), les salariés en télétravail occasionnel ne modifient pas leur mode de
garde d’enfants, par exemple. Par ailleurs, l’employeur définit souvent des règles aux
salariés pour que leur vie privée n’interfère pas avec le travail.

La gestion de la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle se révèle donc


plus complexe pour le télétravailleur. En configuration de télétravail, la frontière est en
effet poreuse : interférences, interruptions, et intrusions rapides entraînent des ruptures
de tâches, des pertes de concentration. Les TIC (le smartphone par exemple) seraient un
frein puissant au maintien d’une frontière satisfaisante entre les deux sphères (Higgins
et Duxbury, 2005). Ils peuvent être générateurs de culpabilité en cas de non disponibilité
par rapport à l’entreprise pour les salariés ou encore générateurs de pression forte à
l’acception de réponses à un appel professionnel sur le temps hors travail, durant les
loisirs par exemple (Davis, 2002). Le fait même d’être équipé conduit à un accroissement
de la pression perçue et l’incapacité de se séparer ou de se distancer du travail (Jarvenpaa
et Lang, 2005). En outre, l’équipement professionnel en TIC est facteur significatif de
l’allongement du temps de travail (Middleton, 2007).

Si le télétravail est associé à une augmentation de la productivité, il peut - si le rythme


de télétravail n’est pas adapté - produire l’effet inverse sur le long terme. L’autonomie
de gestion du temps de travail peut être associée à un décalage des heures de travail
(travail le soir) et à un prolongement de l’exposition à la demande de travail (heures
supplémentaires). En conséquence, l’irrégularité du rythme ou la surcharge de travail

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peuvent influencer positivement le manque de récupération, les troubles du sommeil et


la fatigue (Van Hoof, Geurts, Kompier, Taris, 2006). Aussi est-il important de considérer
que certains salariés risquent de présenter des addictions par manque de séparation entre
le travail et la vie privée (Baines et Gelder, 2002). Des émotions négatives (irritabilité,
solitude, anxiété, culpabilité) (Mann et Holdsworth, 2003) peuvent se développer pour
certaines personnes et sont associées à un travail sans fin ou à une difficulté à stopper
le travail (Baines et Gelder, 2002 ; Derks et Bakker, 2010) par l’absence de repères tem-
porels. L’isolement est certainement l’effet le plus cité et étudié.

Proposition 2 : Le télétravail – par l’équipement personnel en outils de gestion


(smartphone etc.) – favorise un brouillage des frontières.

1.3. Les leviers d’actions pour réduire les risques pour les salariés du
brouillage des frontières spatio-temporelles
Klein et Ratier (2012) avancent trois axes de réflexion pouvant guider les leviers d’ac-
tion visant à réduire les risques pour les salariés du brouillage des frontières spatio-­
temporelles, qui sont applicables à la situation de télétravail : les TIC et la clarification
des règles du jeu de la part des directions des ressources humaines ; l’autorégulation
en phase d’apprentissage des nouveaux usages du temps et de l’espace liés aux TIC ;
l’organisation des activités télétravaillées pour mieux organiser son temps de travail.

En situation de télétravail les TIC « équipent » pleinement les activités de travail qui ne
s’opèrent plus seulement sur un mode individuel mais également collaboratif accompagné
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d’une dynamique de collaboration virtuelle (Fernandez et Marrauld, 2012, p. 15). Ils
permettent ainsi de garder le contact avec l’équipe et le manager et d’éviter l’isolement.
Des habitudes ou rituels tels que dire « bonjour » et « au revoir » aux collègues borne
généralement une journée de travail alors qu’elle n’est pas « contrôlée par une pointeuse
ou par la présence physique d’un chef, lorsque les collègues ne sont pas là pour définir une
norme temporelle collective ? » (Rey et Sitnikoff, 2006, p. 4).

Echanger un document partagé, communiquer en conférence téléphonique autour d’un


document partagé, communiquer via un outil professionnel similaire à MSN sont autant
d’outils indispensables au maintien d’une communication efficace et ces outils permettent
également de faire face à des imprévus comme des réunions non planifiées.

A l’inverse, comme le mentionnent Klein et Ratier (2012, p. 190), « si l’une des conditions
de réussite du travail à distance tient à la capacité d’autonomie du salarié, l’équipement
en mobilité suscite également la crainte d’un contrôle accru ».

Outre les outils, les règles et les modalités d’organisation du télétravail ont un rôle majeur
dans le succès du télétravail. Le risque d’isolement social des travailleurs paraît partiel-
lement contourné par la préférence accordée à des formules de télétravail alternant,
principalement entre le domicile et l’entreprise (Schampheleire et Martinez, 2006). Il
est souvent relevé que plus le télétravail se fait de manière continue, régulière, plus il
peut avoir des effets négatifs sur le sentiment d’appartenance du salarié au collectif
mais aussi sur les marques de reconnaissance du collectif envers ce travailleur (Klein
et Ratier, 2012, p. 193).

78
Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

Il est recommandé aux télétravailleurs à domicile de se fixer des normes, des repères,
des règles de début et de fin journée. En l’absence de régulation formelle, c’est souvent
l’entourage qui impose des limites de temps (Metzger et Cléach, 2004). La famille a alors
un rôle de garde-fou contre le surtravail et plus largement pour définir des frontières
entre travail et hors travail.

La grande majorité des télétravailleurs à domicile interrogés par l’Obergo déclarent qu’ils
disposent de meilleures marges de liberté dans la gestion de leur temps, notamment pour
organiser leur journée de travail (capacités d’autonomie et d’organisation). Le télétravail
prend souvent place dans des structures pratiquant le management par objectifs et donc
laissant une grande autonomie aux salariés (Klein et Ratier, 2012, p. 195).

Proposition 3 : Les risques de brouillage peuvent être diminués par des outils
et modalités d’organisation (de management) du télétravail spécifiques (leviers
d’actions).

2. Méthodologie

2.1. Les terrains


Si la recherche de terrains dans l’Ouest de la France a été ponctuée par de nombreux refus,
elle a permis de mener des entretiens en phase de prospection conduisant à relever trois
facteurs explicatifs de ces refus : (1) des pratiques de télétravail à domicile embryon-
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naires, peu présentes ou « invisibles » ; (2) une attente forte des entreprises contactées
par rapport à la future loi annoncée pour renégocier un accord sur le télétravail ; (3) des
pratiques officieuses dans les PME ne souhaitant pas participer.

Le terrain de la recherche est ainsi composé de deux grandes organisations : une ad-
ministration territoriale et une entreprise du secteur des télécoms. Deux organisations
caractérisées par des différences notables sur de très nombreux points, mais qui ont
comme points communs d’être des innovateurs en matière de télétravail.

Chez Administration, 25 personnes ont été interrogées, au cours de 24 entretiens me-


nés entre mai 2012 et juillet 2012, dont 20 télétravailleurs (directeurs, cadres, agents),
soit 14 femmes et 6 hommes. Parmi les vingt télétravailleurs d’Administration, cinq ont
expérimenté le télétravail, c’est-à-dire qu’ils télétravaillent depuis octobre 2009. Nous
avons également rencontré dix managers de télétravailleurs dont 5 télétravaillent.

Chez Telecom, 30 entretiens (16 femmes et 14 hommes) ont été conduits sur la période
de janvier à juillet 2013, soit 6 télémanagers et 24 télétravailleurs dont 3 en télécentre
(responsables de département pour les télémanagers et essentiellement conseillers client
ou soutien au grand public pour les télétravailleurs) ont été interrogés.

Après un cours récit de vie professionnelle, trois thèmes principaux ont été abordés
non directivement ou semi-directivement : (1) la situation de télétravail objectif et sa
représentation par le salarié (organisation, règles), (2) les motivations de passage au
télétravail et l’articulation perçue entre vie professionnelle et vie « hors travail » et (3)
les difficultés et risques perçus et les TIC utilisés.

79
N°74 - Décembre 2014

Les entretiens d’une durée variable 40 à 130 minutes ont été entièrement retranscrits et
ont fait l’objet d’une analyse de contenu manuelle par thématique, structurée en fonction
des trois thèmes du guide.

2.2. La pratique du télétravail et les formes étudiées

Dans cette collectivité territoriale de 4 000 agents, le télétravail répond à des objectifs
environnementaux et humains. Il a démarré à titre expérimental en octobre 2009 avec
27 agents. L’expérimentation a été étendue à 9 directions volontaires en septembre
2010. La généralisation aux autres directions s’est faite à partir de janvier 2012. Le
télétravail constitue une modalité de l’organisation du temps de travail pour les agents
administratifs (1 700 personnes). Parmi les 20 télétravailleurs interviewés d’Adminis-
tration, 17 pratiquent le télétravail à leur domicile et 3 sont en télécentre (dont un dans
un télécentre partenaire).

Le télétravail au sein de Telecom fait l’objet d’un accord groupe et s’inscrit dans les actions
en faveur de l’égalité entre hommes/femmes, de l’accès et du maintien dans l’emploi des
travailleurs handicapés et de la parentalité. Nous avons étudié 3 formes de télétravail chez
Telecom. La première, le télétravail à domicile (5 entretiens). Les formes de télétravail à
domicile sont variées, allant d’une demi-journée à deux jours. Nous avons pu tacitement
comprendre que le télétravail à domicile n’est pas culturellement ancré dans les représen-
tations de l’organisation du travail. La seconde, le télétravail en équipe distante (équipe
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restreinte) (5 dont 2 managers). Nous avons rencontré trois salariés d’une petite équipe
de 7 personnes ainsi que le manager actuel, qui ne sera prochainement plus présent sur
site. Le télémanagement d’équipes restreintes répond à une volonté de la direction de
Telecom de stopper les fermetures de petits sites et de permettre aux personnes d’y
rester en aménageant leurs conditions de travail avec un souci accordé à l’ergonomie des
lieux (positionnement du mobilier et aménagement de l’espace de travail). Les personnes
seront télémanagées par un manager, qui suivra plusieurs équipes et qui se rendra un
jour par semaine sur site. La troisième, le télétravail en télécentre (5 entretiens dont 2
managers). Un dispositif expérimental est en cours : un open space sur site accueillant
9 personnes. Il met en relation des salariés qui en contexte de travail ordinaire, ne sont
pas réunis sur le même lieu et ne travaillent pas ensemble. Les 9 salariés du télécentre
ont donc 7 « télé-managers » différents.

Notons que les entretiens avec des cadres nous ont révélé l’importance du télétravail
informel que nous n’évoquerons pas.

3. Résultats

Les résultats sont structurés autour des propositions de recherche qui se dégagent de la
revue de littérature et hiérarchisés en fonction de leur significativité suite à l’analyse de
contenu. Nous reprendrons en résultats des verbatim qui nous semblent les plus illustratifs.

80
Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

3.1. Télétravail et équilibre vie familiale et vie professionnelle


Temps de trajet long et coût de transport, travailler autrement, plus au calme, mieux
concilier sa vie personnelle et sa vie professionnelle sont supposés constituer les raisons
principales au télétravail.

3.1.1. Motivation à choisir le télétravail

Administration : des conditions de travail au bureau à questionner

Peu d’agents ont exprimé des difficultés d’ordre familial ou de contraintes personnelles
pour motiver leur candidature au télétravail. Si elles existent, elles sont également asso-
ciées à un temps de trajet long. Une femme divorcée avec deux adolescents cumule charge
familiale et un temps de trajet de 40 km aller en voiture. Une autre cumule un trajet aller
de 60 km, un bébé qu’elle élève seule (conjoint en déplacement) et une préconisation
médicale de télétravailler pour raison de santé.

Les contraintes professionnelles relatées par les personnes (autant les cadres que les
télétravailleurs eux-mêmes) sont : l’environnement de travail, la relation managériale ou
les difficultés dans le service. L’espace de travail est souvent critiqué. Il ne permettrait
pas par exemple de se concentrer. En télétravail, les personnes reconnaissent travailler
plus au calme, plus confortablement, ce qui rejaillit sur la qualité de vie personnelle.

Pour au moins trois télétravailleurs, le télétravail permet une prise de distance vis-à-vis
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du travail ou du supérieur hiérarchique. Ainsi pour un informaticien, c’est une façon de
sortir de la routine et ça lui permet de mieux jongler entre son travail, ses activités d’élu
municipal (congé le vendredi après-midi) et sa vie de famille. Notons que c’est aussi dans
ce service que l’on retrouve le plus de télétravailleurs.

En résumé, l’attrait du télétravail est davantage déterminé par des difficultés vécues au
travail que par des difficultés d’ordre familial.

Telecom : l’espace de travail plus agréable en télécentre et moins de temps de


transport

Les contraintes professionnelles comme la relation managériale ou les difficultés dans


le service n’ont pas été évoquées par les personnes interrogées. En revanche, l’environ-
nement de travail et plus précisément l’espace de travail ont été notés comme facteur
de motivation de passage en télécentre par une personne. « Comparer le site de travail
de N. et le télécentre de C., c’est comme si c’était travailler au stade de France ou dans une
petite salle concert du coin. Moi, je préfère la petite salle ».

Les motivations de passage au travail en télécentre sont principalement caractérisées


par l’envie ou le besoin de diminuer les temps de transport. Les embouteillages aux
heures de pointe dans les agglomérations hébergeant les sites de travail sont également
mis en évidence.

Les raisons de santé sont également un facteur expliquant les motivations à changer
d’organisation de travail. « Le télétravail à C., parce que j’habite C., s’est fait en avril 2011,

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N°74 - Décembre 2014

suite à des évènements personnels. 2010, j’ai été en arrêt de travail toute l’année, quasiment,
j’ai fait une grosse dépression ».

Le télécentre se particularise par une meilleure qualité de vie au travail en termes d’agen-
cement de l’espace de travail et par ailleurs, la dynamique de groupe restreint apparaît
être un facteur d’attractivité.

Quatre des cinq télétravailleurs à domicile travaillent dans un open space et disent travailler
« plus au calme », alors qu’il est difficile de réfléchir en open space, de se concentrer. Le
télétravail répond à un besoin de s’isoler pour mener un travail de fond. Les principaux
motifs au télétravail à domicile sont l’économie de temps et financière à réduire les tra-
jets domicile-travail. Ceux qui télétravaillent une demi-journée apprécient de cumuler
la demi-journée non travaillée pour s’occuper des enfants (« temps convenu » à 90 %) et
le télétravail la même journée. Ils disent tous que le télétravail apporte un grand confort
de vie.

3.1.2. Le télétravail et changement de mode de vie : pour une meilleure qualité


de vie

Le télétravail rend possible des changements dans l’organisation de sa vie personnelle,


qui contribuent à un équilibre et à une amélioration de la qualité de vie.

Administration : vers un meilleur équilibre de vie !


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La souplesse temporelle du télétravail a pu entraîner des changements variés dans la
vie des personnes et pour des raisons différentes (matériel et financier, par exemple).

Le télétravail a permis à un jeune informaticien de gagner en souplesse et de changer


de mode de transport en commun. Il prend désormais le bus. « C’est moins cher que le
train. Il y a un aspect coût financier. Je sais qu’en étant télétravailleur, si j’ai des coups de
bourre je peux continuer chez moi ».

Une assistante a été jugée apte au travail sous condition de télétravailler (trajet domi-
cile-travail 60 km). C’était une condition pour travailler, de plus elle lui permet de suivre
ses séances de kinésithérapie. Pour un autre agent le télétravail lui permet de se rendre
à des rendez-vous médicaux : « Cela m’évitait de prendre une demi-journée de RTT ».

Le télétravail est apprécié pour sa souplesse associée à une économie de temps et aux
horaires variables. Il permet une meilleure gestion du temps.

Telecom : temps de transport réduit et convivialité

Le télécentre permet d’une part, d’alléger le temps de transport et d’autre part, il dé-
termine un investissement dans le travail sans impression de sacrifice : « J’embauche
plus tôt le matin […]. Officieusement, je fais plus ici que j’en fais à N. ». Le télécentre peut
garantir dans cette perspective, le maintien dans l’emploi. C’est particulièrement le cas
d’un salarié suite à une dépression, qui en l’absence de cette organisation alternative,
n’aurait pu continuer à pratiquer son activité professionnelle sur site traditionnel du fait
des 150 km quotidiens de transport.

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

En termes de qualité de vie, la convivialité du télécentre est appréciée. L’intégration dans


une petite équipe change les repères spatio-temporels des salariés, autorisant d’un côté
une prise de distance, une relativisation par rapport au site de travail et d’un autre côté,
aide à trouver le temps de travail moins long. 

Pour les télétravailleurs à domicile, le télétravail a permis aux parents de consacrer et


partager plus de temps avec leurs enfants : déjeuner avec l’enfant, sortie d’école, accom-
pagner pour les devoirs. Un père a demandé à télétravailler pour s’occuper de son jeune
fils adoptif. Le télétravail permet de trouver une organisation personnelle et familiale,
qui apporte du bien-être et de la sérénité, moins de stress et de fatigue.

Les entretiens nous conduisent à valider certaines relations entre le télétravail et la


conciliation vie personnelle et vie professionnelle. Si la motivation n’est pas toujours
la conciliation, le télétravail permet une meilleure qualité de vie du fait de la souplesse
offerte aux salariés dans la gestion de leur temps de travail.

3.2. Le télétravail et la gestion des frontières entre vie personnelle et vie


professionnelle
Si le télétravail améliore la qualité de vie des personnes souvent confrontées à des diffi-
cultés personnelles couplées à un long temps de trajet, il peut induire une intrusion dans
leur vie, complexifiant la gestion des frontières entre le travail et la vie privée.

3.2.1. Le temps de travail à domicile : comment « borner » sa journée de travail ?


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Administration : le travail à distance, un temps à organiser

Les télétravailleurs disent unanimement que le télétravail ne s’improvise pas, qu’il faut
s’organiser et préparer sa journée de télétravail, pour qu’elle soit une journée comme
une autre.

Les horaires sont globalement identiques et sur ce point les agents se sont fixés des
règles. Ainsi cette cadre, explique qu’elle a adopté « un principe : en étant sur B je ne pars
pas plus tard. J’en profite pour prendre les RDV médecin coiffeur banque faire mes courses,
des choses personnelles. Je termine à 17h. Je ne vais pas travailler plus tard au prétexte que
je n’ai pas la route à faire ».

A l’inverse un directeur adjoint s’est fixé un principe de partage et de gagnant-gagnant :


« le temps de trajet que j’économise, je donne une moitié pour l’institution et une pour moi.
En cela c’est du gagnant-gagnant ».

Ce jeune informaticien père de deux enfants qui apprécie la souplesse du télétravail au


risque de brouiller les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle, a également
défini des règles : « Il faut définir des règles. Ne pas avoir les enfants à la maison pour se
concentrer à fond sur le boulot. On a défini qu’à une certaine heure on coupe. Je coupe vers
18h30, sauf cas particulier ».

Pour une autre personne, l’arrivée de sa fille du collège marque la fin de sa journée de
travail.

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N°74 - Décembre 2014

Telecom : temps de travail en télécentre et chez soi

L’intérêt du télécentre réside dans la réduction des risques de débordement du travail sur
la vie « hors travail » en « bornant » les horaires entre 8h et 18h. Toutefois, cela n’empêche
pas les techniciens de réaliser du travail à domicile (tâches de maintenance) et ce, ponc-
tuellement. Les salariés du télécentre seraient donc plus enclins à faire des compromis
d’horaires en cas de pics d’activité, ce qu’ils accepteraient moins sur le lieu de travail.
« Quand je suis à N., je respecte plus les horaires pour ne pas rester dans les bouchons ».

A domicile, les personnes évoquent très précisément et en toute transparence leur orga-
nisation personnelle qui semble bien définie avec un respect des horaires et une parfaite
séparation des frontières imposée par des contraintes d’ordre familiale (chercher les
enfants à l’école ou à la garderie). Seule une personne sans enfant qui télétravaille le
vendredi après-midi à son domicile dit « ne pas avoir d’horaires pour finir ».

3.2.2. Le brouillage des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle :


quels risques ?

Administration : une frontière à contrôler

Avec le télétravail à domicile, le lieu de travail reste un lieu privé et familial. Plusieurs
personnes évoquent la présence de membres de la famille au déjeuner et des interrup-
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tions pour préparer le repas. Ainsi un des risques du télétravail en particulier à domicile
est d’être mis plus facilement à contribution par leur famille, comme l’illustre ce père qui
a pu s’occuper de ses deux enfants durant la grève des cantines dans sa ville.

Certains ont semble-t-il des interruptions plus nombreuses au domicile : « S’il y a un


moment de libre on s’occupe à autres choses, puisque je n’ai pas mes dossiers. Le téléphone
sonne, je reprends le travail à ce moment-là. Ca dépend de l’humeur du jour, bureau ou
salle. Je fais une pause de 12h à 13h30 ».

Autre risque évoqué par un directeur, le travail sans fin et donc une vigilance renforcée
de l’institution sur la santé des travailleurs, comme le prévoit le code du travail. Ce
risque est également évoqué par un chef de service en faisant référence à un agent de
son service : « Il disait, qu’il s’est vu certains jours avec un mal de tête le soir car il n’avait
pas décroché, « le fait d’être en télétravail je n’ai pas su m’arrêter » ».

Un chef de service estime que le sentiment de culpabilité peut déclencher des émotions
négatives néfastes pour la santé du télétravailleur. Ce sentiment semble présent au début
puis s’atténue par la suite, avec le renforcement de la relation de confiance avec le manager.

Par ailleurs certains télétravailleurs à domicile évoquent l’isolement. Ainsi cette assistante
sociale qui organise sa semaine entre télétravail à domicile et rendez-vous à l’extérieur
et deux jours au bureau, reconnaît un manque relationnel.

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

Telecom : les avantages du télécentre

En télécentre, il n’y a aucun risque de brouillage des frontières pour les techniciens, lui
conférant un avantage certain. Néanmoins, les risques d’isolement voir d’invisibilité aux
yeux de la hiérarchie seraient importants voire même un frein à l’avancement de carrière.

A domicile, les personnes séparent la vie privée et la vie professionnelle durant le temps
de télétravail. Toutes évoquent un bureau isolé. La mise à disposition de TIC identiques
à ceux du bureau, recrée un espace de travail de bureau habituel.

3.3. L’organisation du travail en télétravail (formules, règles, lieu, outils)


Le télétravail suppose d’être organisé pour limiter les nombreux risques. Plusieurs règles
sont à respecter. Le choix du télétravail en télécentre limite les risques.

3.3.1. Les règles d’organisation du télétravail

Administration : des règles définies au niveau du collectif

Le temps télétravaillé est de deux jours maximum pour ne pas isoler du collectif de tra-
vail. Plus précisément la règle fixée par l’institution est de ne pas dépasser 50 % de son
temps de travail. Chaque direction a prévu un nombre de jours, en général sur un rythme
hebdomadaire au départ. Le chef de service décide de la durée en fonction des contraintes
de service. La décision d’un jour par semaine au lieu de deux peut également se faire au
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cas par cas et être rediscuté ultérieurement. Le rythme hebdomadaire ne semble pas
convenir à un directeur ou chef de service dont le rythme d’activité n’est justement pas
hebdomadaire. La souplesse du jour (pas de fixité) pour les cadres interrogés semble être
acquise. La règle est dans ce cas la transparence et le suivi par le calendrier Outloock.

La règle de réversibilité et de flexibilité (« pas de droit », « être présent aux réunions », « on
peut lever le télétravail en période de budget, en période d’absence ») conduit souvent les
télétravailleurs à revenir au bureau (périodes de congés scolaires, réunions…). Certains
agents ont cherché à négocier un décalage ou report des jours de télétravail « non réalisés »,
qui a été refusé par leur chef de service.

Ces règles ont été adoptées au niveau du service dans un cadre collectif. Une des principales
règles est de définir les périodes non télétravaillées. Ainsi un chef de service rencontré
ne permet pas « de cumuler télétravail et congés, ni RTT », qui « pose problème lorsque
l’agent part avec les dossiers ». Ces règles sont variables selon les services. Notons que le
télétravail n’a pas fait l’objet d’un accord collectif.

Telecom : un développement des formes de mise à distance

Le temps télétravaillé en télécentre est de 3 jours maximum – sauf dérogation express


ou médicale – et la règle fixée correspond à 40 % en temps télétravaillé conformément
à l’accord du groupe. La décision du nombre de jours télétravaillés par semaine peut
également se faire au cas par cas. Le rythme hebdomadaire, s’il est fixé dans le planning
proposé par le manager, peut faire l’objet de souplesse managériale et par ailleurs, les
salariés ont une certaine autonomie dans la fixation des jours en fonction de l’activité.

85
N°74 - Décembre 2014

3.3.2. Les TIC : un apprentissage de l’usage

Les deux cas sont très différents dans l’usage des TIC. Le manque de maturité dans l’usage
des TIC favorise un certain nombre de risques de nature diverse (informationnelle, in-
trusion vie personnelle…).

Administration : un ordinateur portable professionnel et une connexion adsl


« personnelle »

Une des conditions matérielles pour télétravailler est de posséder une box avec une
connexion haut débit. Outre la formation de deux heures à l’outil informatique dispen-
sée aux futurs télétravailleurs et l’assistance pour aider les télétravailleurs confrontés à
des problèmes de réseaux ou d’outils particuliers, Administration met à disposition des
télétravailleurs l’équipement nécessaire à la réalisation de son travail à son domicile en
fournissant un ordinateur portable.

Certaines personnes confient utiliser du matériel informatique personnel. Une secrétaire


travaille à partir de deux ordinateurs dont son PC personnel.

Le téléphone est l’outil qui pose le plus de problème en termes de relation travail et hors
travail. Les appels sur la ligne personnelle sont mal ressentis par les télétravailleurs.
Les critiques sur le téléphone concernent : le n° apparent, la ligne bloquée et le fait de
tomber sur le répondeur familial.
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Certains télétravailleurs ont trouvé des parades en recourant à l’usage du numéro ADSL
(09) pour le renvoi des appels professionnels. D’autres ont fait le choix d’un téléphone
portable personnel dédié pour la réception d’appels.

Pour recevoir les appels qui leurs sont adressés en toute transparence, il est demandé
aux télétravailleurs de procéder au transfert des appels la veille ou le matin. Si la veille
était recommandé, car il est de la responsabilité du télétravailleur de le faire, le cas le
plus fréquent est celui du transfert fait le matin par un collègue et qui est retiré le soir
après qu’un message de rappel ait été adressé par le télétravailleur.

Le filtrage d’appels par un collègue ou une assistante peut être pratiqué comme au bureau.
Les personnes qui sont sur des dossiers et ne souhaitent pas être dérangées « peuvent
demander à quelqu’un de prendre les appels, même en télétravail ».

Telecom : de gros utilisateurs des TIC

L’activité de l’entreprise caractérise par nature une maturité d’usage des TIC. Ainsi, tous
les salariés rencontrés disposent d’un téléphone fixe et d’un téléphone mobile personnel,
d’une messagerie mail, utilisent quotidiennement un outil de messagerie instantanée
« Communicator » avec usage approprié de la vidéo instantanée et usent fréquemment
des conférences multi-pont.

Si le mail est le sujet principal de débordement pour certaines personnes interrogées,


il n’est pas un problème pour les personnes maîtrisant l’ensemble des outils en mode
« multi-usages ».

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

A domicile les outils sont identiques. Tous évoquent la grande performance des moyens
de communication et l’habitude à utiliser ces outils, qui fait que « être chez soi ou au
bureau, c’est pareil ».

4. Discussion

La présente recherche fait état de deux organisations adoptant dans des logiques diffé-
renciées le télétravail, comme nouvelle organisation spatio-temporelle. Elle se concrétise
par le nombre important de télétravailleurs à domicile chez Administration.

Pour Administration, le télétravail s’inscrit dans une logique de bien-être, d’innovation


institutionnelle (impliquer d’autres acteurs, publics et privés dans la démarche) et ma-
nagériale (responsabiliser les managers et passer au management par objectifs). Pour
Telecom, la logique de virtualisation des équipes et de déproximisation managériale est
organisationnelle. Les formes de mise à distance sont donc plurielles.

4.1. Le télétravail et bien-être : un levier de motivation


Le télétravail est stratégique et répond à des attentes fortes de la part des entreprises
et des administrations (faire évoluer les formes d’organisation du travail par rapport
aux contraintes d’activité et de mobilité) et des salariés, dont les effets positifs restent à
mesurer (absentéisme, indicateurs de bien-être au travail, ergonomie perçue par rapport
à la gestion des temps sociaux etc.). Il est vu par Administration comme un vecteur de
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changement culturel et managérial et pour Telecom comme un moyen de gérer l’activité
face à des contraintes de mobilité des salariés (apporter de l’activité aux personnes) et
rompre avec la politique antérieure de mobilité imposée. Pour les salariés la motivation
est de limiter les temps de transport en voiture en particulier (embouteillage) avec les
conséquences en termes de coût, fatigue mais également de rapport au temps travaillé
(plaisir de travailler sur deux sites dans le cas du télécentre, avec les effets vertueux as-
sociés : sentiment d’appartenance à deux équipes, « le sentiment que le temps en général,
passe plus vite », par exemple).

Dans les deux cas étudiés, le télétravail a été utilisé comme un levier de motivation et
a incontestablement permis aux personnes de vivre mieux : économie financière, de temps
et de transport. Alors que le télétravail est souvent présenté comme un moyen de mieux
articuler vie personnelle et vie professionnelle, il nous semble qu’il a permis de s’éloigner
de conditions de travail parfois difficiles, particulièrement dans le cas Administration
(dérangements des collègues) et l’espace de travail (très grands plateaux et open space)
chez Telecom. Dans le cas du télécentre chez Telecom, c’est la double-identification à
deux équipes de travail ainsi que le rapport au temps travaillé qui constituent la réelle
plus-value de la situation de télétravail. Egalement, le télétravail à domicile a permis
aux salariés parents de mieux gérer, contrôler leur temps et de dégager du temps pour
être avec leurs enfants.

Nos résultats convergent en partie avec ceux de Tremblay (2001). Dans une recherche
réalisée au Canada, elle trouve que « les deux tiers des répondants font du travail à do-
micile en raison des exigences de leur travail, alors qu’un pourcentage réduit le font pour
des motifs de conciliation ». « Les autres motifs de travail à domicile recoupent des énoncés

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N°74 - Décembre 2014

comme le fait de rechercher de meilleures conditions de travail, de gagner du temps et


d’économiser de l’argent ». Le télétravail constitue un moyen d’améliorer l’organisation
du temps de travail, de manière à être plus productif. Par ailleurs le télétravail offre
aux salariés d’Administration une souplesse des horaires de travail, sans avoir à poser
de RTT ou à solliciter une autorisation d’absence de son manager. Le télétravail est ici
associé à une plus grande liberté de gestion du temps de travail. Le télétravail « souple »
(liberté du rythme, du jour) conjugué aux horaires flexibles constitue un avantage dont
profitent en particulier les cadres d’Administration. Pour Telecom, le télécentre offre une
rationalisation perçue du temps de travail sur site (8h-18h) couplée à une diminution
du temps de transport, conférant un sentiment d’optimisation du temps hors travail aux
salariés bénéficiaires. Les salariés du siège régional de Telecom télétravailleurs à domi-
cile bénéficient d’une souplesse dans la gestion de leur temps. La variété des formules
de télétravail et la possibilité de prendre des journées de télétravail pour contraintes
personnelles en attestent.

Le télétravail dans les deux cas étudiés est une organisation perçue comme « ergonomique »
pour des personnes en difficultés (famille monoparentale ou conjoint souvent absent,
parent divorcé, suivi médical etc.) en apportant une souplesse dans l’organisation des
déplacements nécessaires et en redéfinissant les frontières entre le travail et le « hors
travail ». Un manager nous a confié qu’un salarié de son site, dont l’épouse était malade,
télétravaillait à son domicile.

4.2. La gestion des frontières : gérer le sentiment d’intrusion


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Le rythme de télétravail est un facteur clé de succès ou d’échec. La durée maximum de
deux jours de télétravail et la règle de la réversibilité ont limité l’effet intégrateur de cette
forme d’organisation dans la vie privée des personnes. En effet, les règles qui encadrent
le télétravail limitent les changements qui pourraient survenir dans la sphère familiale
(mode de garde). Si l’organisation familiale peut parfois reposer sur le télétravailleur
à domicile jugé plus disponible, la réversibilité du télétravail limite ces changements à
des arrangements, à de la souplesse (moins de temps passé par les enfants à la garderie
par exemple). En revanche, le télétravail permet de mieux gérer son temps et de passer
plus de temps en famille. Un directeur adjoint a fait le choix de télétravailler pour des
raisons familiales. « Je me suis rendu compte que j’étais rarement avec les enfants. Je suis
présent pour des moments clés et essentiels pour la vie de mes enfants ». Néanmoins, il sent
une difficulté à maintenir cette journée de télétravail par semaine.

Au-delà de l’analyse des tâches à réaliser, le manager doit s’assurer que l’agent dispose
des compétences requises et des conditions de travail pour travailler à domicile (il n’y
a pas de visite ou d’installation de matériel au domicile du salarié chez Administration).
Il convient de mettre l’agent face aux difficultés susceptibles d’engendrer une intrusion
du travail dans la vie privée et à l’empiètement de la famille sur le travail du fait de la
présence de la famille aux horaires de travail pouvant induire des interruptions qui per-
turbent le travail. Il est probable que la flexibilité offerte par le télétravail réduise l’impact
de tensions ou d’un stress mais puisse aussi en introduire de nouveaux : difficulté à se
concentrer, à ne pas s’éparpiller, sentiment de devoir envers la maison ou la famille…
En conséquence, il est important que le télétravailleur à domicile définisse des règles au
sein de sa famille (horaires de travail, appels passés durant le travail). Plusieurs salariés

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

d’Administration ont expliqué que l’arrivée des enfants de l’école ou les horaires d’activité
bornait la journée de travail. Nos résultats sont cohérents avec ceux de Metzger et Cléach
(2004, p. 443), « pour résister, il faut avoir appris à se fixer des objectifs, mais également
à s’imposer des bornes. Savoir « quand arrêter le travail » devient une compétence à part
entière ». Des conjoints n’ont peut-être pas nécessairement envie d’être confrontés, chez
eux à l’intrusion de la sphère professionnelle (Mezger et Créach, 2004), surtout qu’ils
peuvent être éloignés du milieu professionnel (cas des conjoints retraités). Ils peuvent
par ailleurs contribuer à la limitation de cette confusion en rappelant les devoirs familiaux
(goûter des enfants, devoirs, bains…). Comme l’indique Mezger et Créach (2004, p. 448),
« le contrôle social dévolu à l’entreprise est transféré vers l’environnement familial, acti-
vité pour laquelle les intéressés ne sont ni légitimes, ni reconnus et encore moins rémuné-
rés […]. Finalement une part importante des télétravailleurs parvient avec l’appui de leurs
proches, à développer des stratégies d’endiguement leur permettant de limiter la confusion
des genres entre sphères privée et publique ». Ce décentrage du contrôle social contribue
à importer au sein de la sphère familiale un risque jusqu’ici supporté par l’entreprise,
ajoutant une responsabilité / une compétence d’auto-organisation au télétravailleur.
Dans le cas du télécentre, bien que managé à distance, le salarié supporte seul ce risque
d’auto-contrôle social suggérant que la détection des personnes « en capacités » d’exercer
le télétravail est importante.

Au-delà du rythme et de la capacité à gérer le décentrage du contrôle social, le télétravail


pose un certain nombre de difficultés liées à l’usage des TIC. Le principal problème est
celui du téléphone. Dans l’absolu cette difficulté n’est pas insurmontable car des solutions
sont mises en œuvre par certains : utilisation de la ligne 09, un portable dédié (même si
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cela peut avoir un coût à déterminer). Il est fort probable que la question du téléphone
rebute les personnes qui veulent segmenter leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

Le télétravailleur à domicile devra s’approprier le domicile comme un espace de travail.


Le télétravail alternant conduit les personnes à préférer s’installer dans une pièce à vivre
jugée plus agréable que dans un bureau qui parfois existe. Les télétravailleurs à domicile
de Telecom s’isolent dans un bureau personnel équipé des moyens de communication
qu’ils utilisent comme au bureau et permet de rester au contact et à la disposition des
collègues.

4.3. Des leviers d’actions pour éviter le brouillage des frontières


L’étude est porteuse de préconisations en termes de leviers d’actions pour éviter le
brouillage des frontières. Le télétravail est un projet organisationnel et d’un collectif,
qui permet une régulation des pratiques organisationnelles et individuelles pouvant
permettre une amélioration globale.

Des leviers d’actions organisationnels

Les règles devraient idéalement garantir le respect du salarié hors temps de travail par
une politique d’organisation socialement responsable envers les télétravailleurs. A titre
évaluatif, l’entreprise pourrait en premier lieu s’assurer que le télétravail correspond aux
personnes par la mise en place d’un auto-diagnostic. Il conviendrait ainsi de s’assurer
que les salariés maîtrisent leur temps (le télétravail ne remplace pas un temps partiel).
Inversement, si le télétravail autorise une certaine souplesse du temps pour permettre

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N°74 - Décembre 2014

une adaptation personnelle, aucune improvisation n’est possible. Une bonne gestion
des temps impose du temps de travail fixé, conseillé par l’entreprise pour borner les
journées de travail dans la perspective d’éviter le débordement et la surcharge de tra-
vail. L’entreprise pourrait règlementer ou interdire l’accès et surtout l’envoi de mails
en dehors des horaires habituels de travail, le télétravail étant un levier de gestion des
temps et des usages des TIC.

Le télétravail est un levier important pour faire évoluer la culture d’entreprise. Une culture
d’entreprise « Work-Life » favorisant l’expression de pratiques d’égalité professionnelle, de
prise en compte de la parentalité est en effet un levier fort d’implication (Ollier-Malaterre,
2010). Il convient alors de construire une politique d’organisation évitant la dissymétrie
des intrusions selon de Coninck, (2006), reprenant les travaux de Weick. Les organisa-
tions doivent prendre conscience que si le télétravail est vecteur de productivité et de
performance sur le court-terme, les risques associés sur le long terme sont l’irrégularité
du rythme ou la surcharge de travail, qui peuvent influencer positivement le manque de
récupération, les troubles du sommeil et la fatigue (Van Hoof, Geurts, Kompier, Taris,
2006). Le déni organisationnel et l’absence de soutien aux problématiques personnelles
ou parentales dans l’organisation du travail et de son temps, est un risque majeur partagé
par l’employeur et par le salarié.

L’évaluation est un levier d’actions qui peut être menée par un suivi d’indicateurs de
performance organisationnelle (taux d’absentéisme des télétravailleurs, mesure des
risques psychosociaux, questionnaire de satisfaction, entretiens professionnels spécia-
lisés etc.), ainsi que par un suivi des télétravailleurs à l’aide d’entretiens (les évolutions
professionnelles, changement de service, mobilité ; télétravailleurs cadres et dirigeants…
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En étant attentif aux équipes qui sont composées de nombreux télétravailleurs).

Ces règles d’organisation sont à la fois cruciales et complexes. Elles devraient être basée
sur les singularités de chaque entreprise (histoire, culture, normes, métiers etc.). On peut
s’interroger s’il est pertinent de définir des règles générales d’organisation (« Empêcher
l’accès aux e-mails professionnels entre 21h et 7h ») si l’on admet d’une part l’existence
d’une dichotomie « individus intégrateurs » / « individus séparateurs » et d’autre part
un usage des TIC différent selon les personnes, notamment du fait du genre et du niveau
de formation (Douarin, 2007) ?

Des leviers d’actions managériaux = le développement des compétences du


« télé-manager »

Le télétravail est un levier pour améliorer le travail : « travailler mieux, ni moins, ni plus ».
L’intérêt du télétravail est de travailler autrement qu’au bureau : concentration, tâches
de rédaction et donc de mieux organiser son temps de travail.

Le télétravail est également un levier pour sortir du modèle classique du présentéisme


facteur d’inégalité, de stress et de burnout. Cette organisation du travail nécessite des
relations de confiance et surtout la capacité des managers à détecter les personnes aptes
à gérer la situation de télétravail.

Le manager socialement « responsable » ne devrait pas appeler les salariés hors du temps
de travail, le week-end etc. Nos résultats montrent que la confiance du manager doit être
acquise rapidement, sinon les appels répétés pour contrôler le salarié seront mal vécus.

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Le télétravail : les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie
personnelle et vie professionnelle ?

Les managers peuvent également agir sur la déculpabilisation en apprenant aux collabo-
rateurs à se distancier et se séparer des objectifs performatifs hors des heures de travail
(Jarvenpaa et Lang, 2005). Le risque de la culpabilisation est pour le salarié d’allonger
ses heures de travail sous le prétexte du télétravail (Middleton, 2007).

Le manager devrait analyser les difficultés organisationnelles du télétravail, potentielle-


ment révélatrices de coûts cachés. A titre d’exemple, évaluer les causes de non effectivité
du télétravail par le calcul des écarts entre le nombre de jours prévus et le nombre de
jours réalisés, peut-être un bon indicateur de performance organisationnelle et d’analyse
des effets négatifs induits. L’étude chez Administration a montré par exemple que les
réunions empêchent le télétravail en application de la règle de réversibilité.

Une perspective de recherche concerne les règles managériales et d’équipe. Comment


elles se créent, se travaillent, se définissent et se gèrent pour gérer les frontières tempo-
relles et émotionnelles et pour réguler les conflits et les tensions (Alis, Dumas, 2010) ?
Comment médiatiser la responsabilité managériale et individuelle ? A titre d’exemple,
recevoir un message négatif ou dévalorisant sur le temps de vie personnelle : est-ce une
question de partage de normes collégiales ou une question d’auto-régulation ?

Conclusion

Face à une nouveauté ou une innovation, les avantages et les inconvénients sont souvent
mis en question. Si les avantages sont supérieurs aux inconvénients, soit on minimise ces
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derniers, soit on régule. Bien que le télétravail soit un outil de qualité de vie performant,
les risques identifiés par cette recherche sont l’empiètement d’une sphère par l’autre
(professionnelle → privée ou privée → professionnelle), l’addiction ou le travail sans fin et
l’isolement. Toutefois ces risques sont limités par le rythme, les règles et le management
de proximité définis par l’entreprise.

Le télétravail a été analysé à travers ses effets sur les frontières que le salarié désire
construire entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. En premier lieu, les personnes
segmentent en se fixant des règles établies dans le cadre familial ou liées à une activité
personnelle. Les horaires de travail sont fortement déterminés par l’organisation person-
nelle et familiale et non plus organisationnelle. En second lieu, les intrusions sont vécues
comme des violations de la frontière particularisées par les outils de communication. A
titre d’exemple, le brouillage des frontières ou l’intégration des sphères se caractérise par
l’utilisation d’outils informatiques personnels à des fins professionnelles ou encore l’usage
de l’ordinateur par les informaticiens exerçant une activité de maintenance ­réalisables
de chez eux. Le télétravail a ainsi permis l’accès (permanent) – par l’outil – à la sphère
professionnelle, flexibilisant le salarié et donc l’organisation du travail avec le risque de
le rendre corvéable si le rythme, les règles et le management de proximité ne sont pas
clairs. En conséquence, si les télétravailleurs à domicile de Telecom sont à la maison
comme au bureau, les outils collaboratifs sont peu utilisés chez Administration. En l’ab-
sence d’outils de communication adaptés aux usages, chaque personne va développer
un usage très personnel des outils professionnels et personnels dont elle dispose, ce qui
pose un problème de sécurité des données mais également un problème d’équilibre vie
personnelle et professionnelle.

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N°74 - Décembre 2014

Le défi organisationnel du télétravail résiderait donc dans la capacité des entreprises


et de leur ligne managériale, à trouver un juste équilibre entre la flexibilité du travail, la
sécurité des télétravailleurs, un management soucieux de gérer ces risques et un travail
collégial.

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