Dossier Paludisme IA 205

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Le paludisme : petite introduction

Dans un monde parfait, quiconque se trouvant dans des zones où sévit le


paludisme pourrait utiliser tout un arsenal thérapeutique, afin de lutter contre
les moustiques, les parasites et de prévenir toutes infections
malencontreuses. Mais le monde n’est pas parfait et malgré les
recommandations de l’OMS et les mesures de prévention prises pour
éradiquer le paludisme, cette maladie est responsable de 300 à 500 millions
de malades et de 1.5 à 2.7 millions de décès par an. Le paludisme est un réel
problème de santé publique mondial et demeure la parasitose tropicale la
plus importante. Plus de 90 pays habités par un total de 2.4 milliards de
personnes, représentant environ 40% de la population mondiale, sont
concernés. 80% des cas sont enregistrés en Afrique subsaharienne, où ils
concernent majoritairement les enfants de moins de cinq ans et les femmes
enceintes. Le paludisme se répartit aussi entre le continent indien, le sud−est
asiatique, l’Océanie, et le continent américain.

Provoquée par des parasites hématozoaires, les Plasmodium, cette maladie


est transmise par la piqûre de certains moustiques, les anophèles. Des
quatre espèces de Plasmodium infectant l'être humain, P. falciparum est la
plus répandue et est responsable des complications mortelles ; Plasmodium
vivax est la seconde espèce importante en terme de morbidité. Elle pourrait
causer plus de 80 millions de cas par an.

Il existe une dimension sociale et économique forte de l’infection à


Plasmodium. Les personnes à haut risque sont des personnes pauvres et
marginalisées. L'accès facilité aux structures de soins et un traitement
précoce sont des éléments majeurs dans la lutte contre le paludisme.
Les observations de ces dernières années pointent sur une situation qui ira
en s’aggravant si des actions efficaces ne sont pas prises. Ces tendances
sont :

* une épidémie de paludisme en augmentation,


* une mortalité galopante ces trente dernières années en Afrique
sub−saharienne,
* une augmentation de la résistance de P. falciparum aux drogues,
* un problème croissant de résistance des Anophèles aux insecticides,

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* une ré−émergence de P.vivax dans des zones où il avait été éradiqué


(Asie centrale),
* une augmentation des cas de paludisme dans les pays dits développés.

Rappel du cycle du Plasmodium

Les Plasmodium ont un cycle de vie complexe qui implique plusieurs phases
et habitats distincts. Le moustique−vecteur injecte le parasite à son hôte lors
d’un repas de sang nocturne. Seules les femelles de cet insecte piquent
l'homme. Le parasite injecté se présente sous la forme d'un sporozoïte. Il
circule dans le sang pour pénétrer dans le foie où il s'y multiplie par divisions
cellulaires (schizogonie) pendant dix à quinze jours. Pour certaine espèce
(n’incluant pas P. falciparum), l’infection hépatique peut devenir latente et
permettre au parasite de survivre longtemps dans l'organisme, alors qu'il aura
disparu du sang. C'est ce qui explique les rechutes à longue échéance pour
deux des espèces infectant l'homme P. vivax et P. ovale. Quand ils se
libèrent du foie, les sporozoïtes ont changé de forme et sont devenus des
mérozoïtes. Ceux−ci circulent dans le sang et vont infecter les globules
rouges, où ils se reproduisent par multiplication asexuée (schizogonie
intra−érythrocytaire). Les globules rouges parasités finissent par éclater,
libèrent leurs parasites qui peuvent gagner d'autres globules rouges et y
continuer leur prolifération. Ce sont ces éclatements brutaux et synchrones
qui sont à l'origine des accès de fièvre. La destruction des hématies provoque
une anémie et, dans le cas du paludisme cérébral, la mort intervient à la suite
d'une obstruction des vaisseaux sanguins du cerveau par les globules rouges
infectés. Les mérozoïtes libérés vont parasiter d'autres globules rouges et le
cycle asexué continue. L'évolution de tous les Plasmodium devient
rapidement synchrone : ce cycle sanguin (cf. schéma ci−dessous) explique la
périodicité des accès de paludisme. Après plusieurs cycles, les Plasmodium
présents dans le sang donnent naissance à des formes sexuées, les
gamétocytes, qui restent dans le sang périphérique. Pour poursuivre leur
évolution, ces cellules sexuées doivent être transmises de l'hôte vertébré au
moustique−vecteur ; ainsi si un anophèle pique une personne malade, elle
absorbe les gamétocytes contenus dans le sang. En prélevant ces
micro−quantités de sang, les anophèles aspirent aussi des Plasmodium qui
achèvent leur cycle sexué dans le moustique, et, après quelques semaines,
produisent des formes infestantes (sporozoïtes) qui se localisent dans les
glandes salivaires du moustique. La transmission à un autre sujet s'effectue à
l'occasion d'un nouveau repas de sang.

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Pour être transmis à un hôte vertébré et ainsi assurer leur cycle, les parasites
du paludisme doivent se reproduire efficacement. La fécondation des
parasites a lieu chez le moustique tandis que le passage du stade asexué au
stade sexué (gamétocytes) se fait chez l'hôte vertébré (homme ou animal). Le
sexe des parasites du paludisme est déterminé, au moins en partie, par les
signaux hormonaux de l'hôte vertébré. Les parasites utilisent ces signaux
pour déterminer leur sexe ratio optimal afin de préserver les conditions les
plus favorables à leur reproduction et à leur transmission.

Combattre le moustique, véritable seringue volante

Il existe plusieurs moyens de prévention qui s'avèrent efficaces s'ils sont bien
mis en œuvre. Ils visent d'une part à protéger les populations contre les
piqûres de moustique et, d'autre part, à éliminer ces derniers par la mise en
place de moyens divers. Le but principal de cette prophylaxie est de limiter la
population de moustiques vecteurs de la maladie et ainsi de tenter
d'éradiquer ce fléau.
Dans les années 1960, la principale méthode utilisée pour éradiquer les
anophèles femelles était l'utilisation massive d'insecticides, le plus utilisé
étant le DDT (Dichloro−Diphényl−Trichloréthane). Cette méthode a porté ses
fruits dans de nombreuses régions où le paludisme a été totalement
éradiqué. Cependant, l'utilisation intensive du DDT a favorisé l'apparition
d'espèces de moustiques résistants. Cette résistance a été nommée KDR
(Knock Down Resistance : résistance à l'effet de choc). En outre, le DDT peut
engendrer intoxications et maladies dans la population.

Pour remplacer le DDT, dangereux et de moins en moins efficace, des


moyens alternatifs ont été déployés :

• mesures d'assainissement : assèchement des marais, drainage des eaux


stagnantes où se développent les larves des anophèles ;
• lutte anti−larvaire par épandage de pétrole et utilisation d'insecticides

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solubles répandus à la surface des eaux stagnantes, pour tenter de limiter les
naissances d'anophèles, ensemencement des eaux avec des prédateurs des
anophèles (poissons, mollusques) ;
• utilisation d'insecticides à petite échelle par pulvérisation dans les
habitations ;
• dispersion de mâles anophèles stériles dans la nature ;
• interventions génétiques sur les espèces vectrices.
Ces mesures ne sont efficaces que sur un territoire limité. Il est très difficile
de les appliquer à l'échelle d'un continent tel que l'Afrique par exemple.

Combattre le parasite

On peut combattre le parasite en appliquant différentes molécules soit en


traitements curatifs soit en prophylaxie. Pendant longtemps, les traitements
ont fait appel à des molécules très efficaces à faible coût et sans effets
secondaires, comme la chloroquine et la sulfadoxine−pyriméthamine mais
leur prescription sans contrôle a favorisé l'émergence de souches résistantes.
Aujourd'hui, les soins à base de chloroquine échouent à plus de 25% dans la
plupart des pays africains touchés par le paludisme.
Là où la chloroquine n'a plus eu d'effet, on a utilisé un médicament appelé «
médicament de deuxième intention » : la sulfadoxine−pyriméthamine ou
Fansidar. Des souches résistantes sont apparues en moins de cinq ans.

Aujourd’hui, il existe un seul traitement véritablement efficace, les ACT


(Artemisinin−based combination therapy : combinaisons à base
d'artémisinine), traitement que recommande l'OMS : aucune résistance
répertoriée et une efficacité prouvée sans effet secondaire. L’inconvénient
reste son prix, inaccessible pour de nombreux pays en développement.
En mars 2007, un nouveau médicament, l’ASAQ (artésunate et amodiaquine)
est mis sur le marché. Simple d’utilisation, non protégé par un brevet et moins
cher que les ACT, l’ASAQ représente une grande avancée dans la lutte
contre le paludisme. Ce médicament est issu de la recherche menée en
partenariat par Sanofi−Aventis et la DNDi (Drugs for Neglected Diseases
initiative, organisation dont l’objectif est de développer de nouveaux
médicaments pour les maladies négligées, comme le paludisme, la
leishmaniose, la trypanosomiase africaine et la maladie de Chagas).

En mars 2006, des chercheurs du Centre d'études et de Recherche des


Médecins d'Afrique en collaboration avec le Centre Hospitalier Universitaire et
le Laboratoire de Chimie de la Coordination (CNRS) de Toulouse ont montré
l'efficacité du Quassia, une plante utilisée par des populations locales de
Guyane contre le paludisme. A la même date, des chercheurs de l'Unité
Inserm 547, Université de Lille ont annoncé avoir développé une nouvelle
molécule, la ferroquinine ; en associant la chloroquinine à du fer qui attire le
parasite, cette nouvelle molécule serait jusqu'à 30 fois plus efficace que la
chloroquinine. Si la pharmacologie spécifique de la ferroquine est très
avancée, il reste des inconnues concernant son mécanisme d'action et les

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mécanismes éventuels de la résistance.


Mi septembre 2006, une équipe associant l'Université Paul Sabatier de
Toulouse, CNRS, l'IRD, et le Muséum National d'Histoire Naturelle, annonce
avoir isolé un des principes actifs antipaludiques de la tisane de Quassia.

Et le vaccin

Au vu de l'augmentation inquiétante de la résistance aux insecticides et de la


résistance des parasites à la plupart des antipaludéens, le développement
d’un vaccin reste une voie de recherche majeure. Différents essais de
vaccinations sont conduits dans plusieurs laboratoires spécialisés. Ces
recherches sont difficiles et, à plusieurs reprises, des résultats préliminaires,
qui semblaient prometteurs, n'ont pas été confirmés. On peut envisager de
disposer un jour d'un ou plusieurs vaccins contre le paludisme. En revanche,
personne ne peut dire sérieusement quand ces vaccins seront disponibles,
quelles seront leur efficacité et la durée de la protection qu'ils entraîneront et,
surtout, quel sera leur impact dans la lutte contre le paludisme dans les zones
d'endémie.

En décembre 2006, l'Académie des Sciences des Etats−Unis recevait une


communication sur un nouveau type de vaccin. Cette stratégie vaccinale dite
de « transmission−blocking » consiste à immuniser l’hôte vertébré contre des
protéines parasitaires requises par le parasite pour la complétion de son
cycle sexué dans le moustique. Ces vaccins ne protégeraient pas la
personne vaccinée contre le paludisme (car les formes sexuées du parasite
ne causent aucune pathologie), mais la rendraient incapable de transmettre
le parasite au vecteur. Cette stratégie est envisageable également dans le
cadre de drogues ciblant le développement sexué. L’un des avantages
principaux de cette approche est que l’on préviendrait ainsi la transmission de
parasites résistants à des anti−paludiques « classiques ».

Etat des recherches à l’Inserm

Le Ministère de la Recherche soutient depuis 1999 des actions comme l’ACI


Paludisme et maladies transmissibles associées pour les pays en
développement, en partenariat avec notamment l’IRD, les Instituts Pasteur,
l’ANRS et l’Inserm. En 2001, l’appel d’offre a évolué vers le programme PAL+
pour lequel 22 projets ont été retenus pour un montant de 24 MF, dont 3
projets issus d’équipes Inserm (tous conduits par un coordinateur français et
un coordinateur « du Sud »).

L’engagement de l’Inserm correspond à un total en dotation des structures de


4,47 M€ hors taxe sur les maladies infectieuses et microbiologie (hors Sida et
hépatites).
La création d'une unité de recherche orientée vers les maladies parasitaires à
l'Inserm remonte à 1987, avec l'unité 313 "Bioclinique sur les protozooses

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humaines, en particulier le paludisme" dirigée par Marc Gentilini (cf. inserm


actualités n°53 de juin 1987, pages 3 et 4).

Voici un tour d’horizon des travaux menés à l’Inserm avec un focus sur
quelques équipes de recherche à la pointe dans leur domaine.

• Le paludisme
• Les interactions hôte−parasite
• Contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires chez P.
falciparum
• Identification de cibles vaccinales et thérapeutiques
• Mécanismes fondamentaux du développement du parasite chez
l’insecte
• Le neuropaludisme

Historique

Le paludisme (du latin palus, paludis, marais), appelé aussi malaria (de
l'italien mal'aria, mauvais air), est une parasitose due à un protozoaire
transmis par la piqûre d'un moustique, l'anophèle, provoquant des fièvres
intermittentes.
La cause de la maladie a été découverte en novembre 1880 à l'hôpital
militaire de Constantine (Algérie) par un médecin de l'armée française,
Alphonse Laveran, qui reçut le Prix Nobel de médecine et de physiologie en
1907. A l'occasion du centenaire de ce prix, le Musée Pasteur présente
l'exposition "Alphonse Laveran et le paludisme" (Grande Galerie − Entrée
libre − du 4 juin au 30 septembre 2007).
C'est en 1897 que le médecin anglais Ronald Ross prouva que les
moustiques étaient les vecteurs de la malaria.

Le moustique−vecteur

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Globalement, le paludisme sévit dans les diverses zones intertropicales, à


l'exception des zones désertiques ou des hautes montagnes. L'intensité de la
transmission et la fréquence de la maladie sont essentiellement réglées par
les caractéristiques de l'espèce ou de la population de moustique vecteur,
elles−mêmes dépendantes de facteurs géographiques ou climatiques. Les
anophèles pondent leurs oeufs dans l'eau et prolifèrent plutôt en milieu chaud
et humide, mais on trouve des espèces à des latitudes très élevées ou dans
des oasis. Le temps nécessaire au développement complet du parasite dans
le vecteur, dépend de plusieurs facteurs :
− de l'espèce d'hématozoaire,
− de l'espèce et de la population du moustique, car il y a une adaptation des
espèces à leur environnement,
− de la température ; à 28°C, le développement se fait en 8 à 14 jours selon
l'espèce plasmodiale,
− par ailleurs la survie et la fertilité de l'anophèle contaminé vont
elles−mêmes dépendre de la température et de l'humidité ambiante. La
longévité de l'anophèle doit être suffisamment grande pour qu'il devienne
infectant.

Prophylaxie des expatriés et touristes

La prévention du risque paludéen s'organise en 3 niveaux, classés selon le


niveau de chimio−résistance. Le choix du traitement est basé sur la
fréquence de ces résistances dans la zone considérée et sur l'importance
d'éventuels effets indésirables provoqués par certains antipaludiques, mais
les prescriptions de prophylaxie adaptées ne sont pas toujours respectées.
Selon un rapport français du Centre national de référence pour
l'épidémiologie du paludisme d'importation et autochtone, fondé sur une
étude auprès de Français ayant contracté la maladie en l'an 2000, près de la
moitié n'avait eu recours à aucune prophylaxie. Les autres personnes ont
attrapé des parasites sous prophylaxie car il y avait résistance. A titre
d’exemple, en 2002, seuls 10 % des voyageurs français, en déplacement
dans une zone à risque, ont suivi un schéma thérapeutique correct.

Pour en savoir plus : consulter le numéro thématique du Bulletin


épidémiologique hebdomadaire « Santé des voyageurs et recommandations
sanitaires » N°23−24 de 2006.

Et en France

Le paludisme n’a disparu que relativement récemment de France


métropolitaine. Il était encore présent dans les années 1930 dans le Marais
poitevin, le golfe du Morbihan et en Camargue. Il a été éradiqué grâce à
l'assainissement des terres humides et des marais. La Corse est restée une
zone d’endémie de paludisme jusqu’en 1953 et de 1965 à 1972, elle a connu
deux épidémies à Plasmodium vivax. En août 2006, un cas d’infection à P.

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vivax a été diagnostiqué. C’est le premier cas de transmission de paludisme


autochtone rapporté dans la région depuis 1972.
Chaque année, 6 000 cas de paludisme importé sont observés en France
métropolitaine et en Corse ; la plupart de ces personnes reviennent d’Afrique.
Les cas de paludisme rencontrés au pourtour de l’Europe, en Turquie, en
Russie actuellement, un peu en Algérie, sont essentiellement liés à une
déficience dans le traitement des cas.

Un Anopheles OGM

Une nouvelle méthode de contrôle du paludisme émerge : elle est basée sur
l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés. Plusieurs équipes de
chercheurs ont déjà créé des moustiques transgéniques, équipés d’un gène
qui les protège contre Plasmodium, et ce gène protecteur est transmissible à
la descendance. Ces expériences ont été réalisées sur le modèle murin du
paludisme.

Un prédateur spécialisé

Une première étude expérimentale publiée l'année passée dans PLoS ONE,
montre que Evarcha culicivora, une araignée sauteuse d'Afrique de l'Est, se
nourrit indirectement de sang de vertébrés en choisissant préférentiellement
les moustiques femelles Anopheles. Quand E. Culicivora a le choix entre des
moustiques mâles et femelles des genre Culex et Anopheles, l’araignée
choisit à plus de 80% une femelle Anopheles, venant de se nourrir du sang
de vertébrés.

Ces travaux suggèrent que certains prédateurs spécialisés comme E.


Culicivora, pourraient jouer un rôle dans le contrôle des vecteurs de maladies
parasitaires.

Nelson X.J. and Jackson R.R. A Predator from East Africa that Chooses
Malaria Vectors as Preferred Prey. PLoS ONE December 2006, issue 1,
e132.
Jackson R.R., Nelson X.J. and Sune G.O. A spider that feeds indirectly on
vertebrate blood by choosing female mosquitoes as prey. Proc Natl Acad Sci
U S A. 2005 Oct 18 ; 102 (42) : 15155−60.

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Jamal Khalife
Les interactions hôte−parasite

Jamal Khalife est Chargé de recherche à l’Unité Inserm 547 "Schistosomiase,


paludisme et inflammation", dirigée par Monique Capron, à l’Institut Pasteur
de Lille − Université de Lille 2.

« Plasmodium est un parasite très complexe. Je ne suis pas impliqué


directement dans la recherche de vaccins mais plus en amont, car nous
avons besoin d’élargir et d’approfondir nos connaissances d’une part sur les
réponses de l’hôte infecté et d’autre part sur la biologie du parasite.» explique
Jamal Khalife. Ses travaux de recherche portent depuis sept ans sur le
paludisme en suivant deux axes majeurs : l'immunologie moléculaire et
cellulaire de l'infection par Plasmodium berghei en fonction de l'âge de l'hôte
infecté et l’étude des protéines régulatrices chez Plasmodium.

Chez l'homme, l'issue de l'infection à Plasmodium dépend de l'espèce du


parasite infectant, de ses caractéristiques phénotypiques et génotypiques,
ainsi que de la susceptibilité génétique et du statut immunitaire de l'hôte. Les
adultes vivant en région endémique acquièrent une protection contre
l'exposition chronique au parasite, de fortes morbidité et mortalité sont
observées chez les enfants âgés de moins de 5 ans. De plus, une étude
menée sur des individus récemment infectés par Plasmodium a montré que
les adultes développent une immunité protectrice plus rapidement que les
enfants, ceci étant lié à des réponses immunes différentes entre adultes et
enfants. Plus récemment, il a été observé une relation entre l'apparition de la
puberté et la résistance à Plasmodium falciparum. Ainsi, pendant ou juste
après la puberté (15 à 20 ans), une diminution âge−dépendante de la
fréquence et de l'intensité de l'infection est observée. Cette relation n'est
cependant pas observée juste avant la puberté (12 à 14 ans).

Après plusieurs années d'infections répétées, l'hôte de Plasmodium peut

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acquérir une immunité. « Je préfère le dire bien sûr dans un Français correct !
« but there is still a heat debate about how infected individuals control
parasite growth » insiste Jamal Khalife. On constate d’ailleurs une grande
variabilité des réponses à l'infection palustre entre des individus vivant dans
les mêmes zones d'endémie. La résistance au paludisme est innée ou
acquise de façon non spécifique.

Analyse de la réponse immune et ses conséquences chez le rat au


cours de l’infection par Plasmodium berghei : impact de l’âge.

Pour rappel, il existe deux phases dans le développement de l'immunité : une


première phase qui correspond à l'acquisition d'une immunité clinique et qui
protège les individus contre les symptômes plus ou moins sévères de la
maladie. Cette première phase semble peu affecter les niveaux de
parasitémie circulante. Dans un deuxième temps, se développe l'immunité
antiparasite, qui est responsable du maintien de la parasitémie à un faible
niveau. Malheureusement, cette immunité n'est pas sans faille : elle disparaît
après 12 à 24 mois si le sujet quitte la zone d'endémie et chez la femme
enceinte. « La première chose qui m’a frappé, explique Jamal Khalife, c’est
qu’un jeune va développer une maladie, voire mourir alors qu’un adulte
développe une résistance voire une protection totale, d’où l’idée de
développer un modèle âge−dépendant, qui mime la situation humaine aux
niveaux structural et fonctionnel pour certains éléments de la réponse
immune. »

Dans le but d’analyser ces mécanismes de protection âge−dépendants, les


chercheurs de l’Unité 547 ont développé un modèle expérimental d’infection
chez le rat, dans lequel les jeunes rats sont susceptibles à Plasmodium
berghei et les sujets adultes contrôlent l’infection et survivent. « Nous avons
entrepris l’étude de l’infection par Plasmodium berghei chez le rat plutôt que
chez la souris, car l’environnement immunologique du rat semble plus proche
de celui de l’homme » précise J. Khalife. « Le rat est souvent utilisé comme
modèle dans les maladies auto−immunes et en neurologie. En immunologie
jusque−là, les scientifiques se sont plutôt intéressés à des vieux rats de plus
d’un an pour comprendre comment on peut perdre son répertoire
immunologique avec l’âge. » De plus, ce modèle expérimental permet de
contrôler les paramètres génétiques et les co−infections par rapport à
l’homme.
« Je me suis vite rendu compte que ce modèle est effectivement intéressant
dans la mesure où des rats de 4 semaines (n’ayant pas atteint la puberté et
qui n’ont pas développé un système immunitaire important) montrent une
susceptibilité importante alors que des rats adultes de 8 semaines sont
résistants. » J. Khalife et son équipe ont réussi à protéger les jeunes rats à
partir d’un transfert de cellules hépatiques de rats adultes protégés. « Nous
avons compris comment chez le rat on protège par transfert de cellules
spléniques mais cela est irréalisable chez l’homme ! Nous tentons de
comprendre maintenant pourquoi les rats jeunes meurent, et surtout
d’identifier les signes avant−coureurs. L’objectif est de retarder l’échéance

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pour qu’ils deviennent un peu plus « costauds » et suffisamment âgés pour


se débarrasser eux−mêmes du parasite, en bloquant des voies métaboliques
ou de la réponse immune. Alors, ce sera gagné ! ». J. Khalife va travailler sur
des rats à la naissance (moins d’une semaine) pour comprendre si ce défaut
est dû à un manque structural ou un manque fonctionnel. Et si effectivement
le chercheur obtient une réponse, il faudra essayer de booster cette réponse
dans le bon sens pour passer les 10−15 jours critiques et permettre d’arriver
au stade où l’animal va survivre. « L’important est donc de couvrir cette
période de susceptibilité en fonction de l’âge ».

L’analyse du transcriptome des cellules du foie, qui confèrent cette immunité,


a permis de mettre certains gènes en évidence en montrant une
sur−expression de gènes principalement exprimés par les éosinophiles et les
neutrophiles. La neutrophil protein−1 defensin a été caractérisée et pourrait
médier cet effet anti−parasitaire. Les résultats des travaux des chercheurs
obtenus in vivo et in vitro suggèrent que le fait que les enfants ne contrôlent
pas l’infection à P. falciparum n’est pas seulement la conséquence de
l’immaturité de leur système immunitaire mais aussi une absence de réponse
immune adaptée « et c’est probablement ce qui explique les échecs sur le
vaccin, les enfants devant être la première cible d’un futur vaccin. » précise J.
Khalife. « Un adulte qui reste sur place, dans une zone d’endémie, garde une
certaine parasitémie dans le sang pour maintenir sa réponse immunitaire, car
on a une mauvaise mémoire contre l’infection à Plasmodium. Un adulte qui
sort quelques années de cette zone et qui revient, peut mourir d’une crise de
paludisme.»
S'il apparaît que les réponses cellulaires suffisent par elles−mêmes à
l'établissement d'une immunité protectrice chez l'homme primo−infecté ainsi
que chez le rat jeune, les chercheurs vont focaliser leurs futures études sur
les facteurs et les mécanismes cellulaires impliqués dans la résistance
acquise avec l'âge.
« On a un manque évident de connaissance pas seulement sur les réponses
immunes contre Plasmodium mais en immunologie fondamentale de base.
On n’arrive pas encore à manipuler les réponses immunes c’est−à−dire à
aller les booster (dans le cas des infections parasitaires) ou les inhiber à
volonté (cas des maladies auto−immunes ou des cancers). Puisque la mise
en place du vaccin s’avère difficile, on peut tenter une autre approche qui
serait d’améliorer précisément la qualité de la réponse immune des enfants et
des adolescents. On est là aussi impuissant que pour le vaccin
malheureusement. »

Etude des protéines régulatrices chez Plasmodium

Un deuxième centre d'intérêt pour l'équipe de Jamal Khalife est représenté


par la biologie moléculaire et fonctionnelle de Plasmodium falciparum. «
Quand on a séquencé le génome entier du parasite, on a un peu crié victoire
en pensant caractériser des cibles facilement ; il y a plus de 60% du génome
de Plasmodium dont on ne connait pas la fonction. On fait du sur place ! »

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Jamal Khalife travaille aussi sur l’interactome, c’est−à−dire les interactions


protéines−protéines spécifiques du parasite. « En jouant sur cette interaction
par un moyen ou un autre, on peut certainement affaiblir le parasite en lui
conférant un pouvoir infectieux moins fort ! Et quand on sait que les
symptômes sont liés au taux de parasites présents dans le sang …». Pour
rappel, Plasmodium touche chez l’homme les transporteurs de l’oxygène (les
globules rouges), l’anémie est sévère ; « sans oxygène aucun autre élément
ne peut fonctionner correctement. C’est un parasite très gourmand et
paresseux : il a besoin de glucose pour son énergie mais malheureusement,
il ne sait pas faire plus de trois molécules d’ATP à partir d’une molécule de
glucose. Nos cellules par exemple en produisent seize. Donc, un homme
infecté est toujours en hypoglycémie. Ainsi une réponse immune faible, une
hypoglycémie avec anémie associée à une sous−alimentation, aux
co−infections avec d’autres parasites ou le virus du Sida, on imagine assez
bien « les dégâts ! »

Une nouvelle famille de protéines (14 protéines au total) impliquées dans les
interactions protéine−protéine a été identifiée par l’équipe de J. Khalife. Cette
découverte contribue à la compréhension de la biologie parasitaire et devrait
faciliter la sélection de protéines et/ou de leurs partenaires pour la
modélisation moléculaire en vue de concevoir de nouveaux agents
thérapeutiques.
Jamal Khalife a donc caractérisé une nouvelle protéine de Plasmodium
falciparum, nommée Pf sds22−like appartenant à la famille LRR (leucine−rich
repeat protein family). Par analogie avec son orthologue chez la levure
(sds22, « suppressor of the dis2 mutant »), la Pf sds22−like présente toutes
les caractéristiques suggérant sa participation dans le cycle cellulaire de P.
falciparum.

« En fait, je travaille aussi sur les co−infections schistosome−paludisme,


explique J. Khalife. Dans notre modèle expérimental de co−infection chez le
rat, il existe des antigènes qui sont communs mais dont la réponse immune
peut être cross−réactive. Cela a été fait chez la souris où on trouve tout et
son contraire ! Chez l’homme, il y a un impact, c’est certain. Nous sommes
partis d’une observation immunologique d’abord pour les problèmes de
cross−réactivité (entre schistosome et paludisme) et nous avons découvert la
famille des protéines LLR. C’est comme cela que l’histoire a commencé ! On
tente actuellement d’exploiter cette nouvelle famille de protéines au
maximum. »

Basés sur les résultats obtenus et afin d'étudier le rôle des protéines LRR
dans la biologie du parasite, les objectifs de l’équipe de J. Khalife sont
maintenant de :

1) Poursuivre la caractérisation de Pf sds22−like et déterminer les bases


moléculaires de sa potentielle implication dans la division cellulaire, la
croissance et la survie du parasite par une stratégie anti−messager.
2) Rechercher par analyse in silico la présence éventuelle d'autres protéines
LRR dans le génome de P. falciparum, et caractériser ces protéines, tant aux
niveaux moléculaire que fonctionnel.

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Inserm−Actualités

• Le paludisme
• Les interactions hôte−parasite
• Contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires chez P.
falciparum
• Identification de cibles vaccinales et thérapeutiques
• Mécanismes fondamentaux du développement du parasite chez
l’insecte
• Le neuropaludisme

Phénomènes d'adaptation chez Plasmodium

Les travaux menés par Daniel Dive et Jamal Khalife de l’Unité 547 sur la
recherche de nouveaux antipaludéens visent à l’étude de nouveaux dérivés
d'antipaludéens classiques, en particulier des dérivés ferrocéniques. Le
laboratoire est actuellement impliqué par l’intermédiaire de Daniel Dive dans
un essai clinique (la ferroquine, molécule développée par Sanofi−Aventis, est
en phase IIb) ainsi que l’étude des mécanismes impliqués dans l'acquisition
de la résistance à la ferroquine.

Immunologie moléculaire et cellulaire dans les infections simples et mixtes :


S. mansoni−Plasmodium

Les chercheurs de l’Unité 547 travaillent aussi sur l'immuno−épidémiologie


des infections parasitaires, essentiellement la schistosomiase et le paludisme
en Afrique. Sur la base des relations hôte−parasite, ils s’intéressent plus
spécifiquement à la régulation réciproque des réponses immunes
développées dans la schistosomiase et la malaria dans des populations
d'individus doublement infectés.

Publications de l’équipe

− Christine Pierrot, Estelle Adam, David Hot, Sophia Lafitte, Monique Capron,
James D. George and Jamal Khalife. Contribution of T Cells and Neutrophils
in Protection of Young Susceptible Rats from Fatal Experimental Malaria. J
Immunol 2007,178 :1713−1722.

− Wassim Daher, Edith Browaeys, Hélène Jouin, Christine Pierrot, Daniel


Dive, Colette Dissous, Monique Capron, Christian Doerig, Katia Cailliau and
Jamal Khalife. Regulation of protein phosphatase type 1 and cell cycle
progression by PfLRR1, a novel Leucine−Rich Repeat protein of the human
malaria parasite Plasmodium falciparum. Molecular Microbiology 2006, 60 :
578−590.

18
Inserm−Actualités

− Wassim Daher, Katia Cailliau, Kojiro Takeda, Christine Pierrot, Naji


Khayath, Colette Dissous, Monique Capron, Mitsuhiro Yanagida, Edith
Browaeys and Jamal Khalife. Characterization of Schistosoma mansoni Sds
homolog, a Leucine Rich Repeat protein, that interacts with protein
phosphatase type 1 and interrupts a G2/M cell−cycle checkpoint. Biochemical
Journal 2006, 395 : 433−441.

− Christine Pierrot, Shona Wilson, Hélène Lallet, Sophia Lafitte, Frances M.


Jones, Wassim Daher , Monique Capron, David W. Dunne and Jamal Khalife.
Identification of a novel antigen of Schistosoma mansoni shared with
Plasmodium falciparum: different crossreactive antibody subclasses induced
by human schistosomiasis and malaria. Infection and Immunity 2006, 74 :
3347−3354.

− Daher W, Pelinski L, Klieber S, Sadoun F, Meunier V, Bourrié M, Biot C,


Guillou F, Fabre G, Brocard J, Fraisse J, Maffrand JP, Khalife J, Dive D. In
vitro metabolism of ferroquine (SSR97193) in animal and human hepatic
models and antimalarial activity of major metabolites on Plasmodium
falciparum. Drug Met Disp 2006, 34 : 667−682.

− Daher W, Biot C, Fandeur T, Jouin H, Pelinski L, Viscogliosi E, Fraisse L,


Pradines B, Brocard J, Khalife J, Dive D. Assessment of Plasmodium
falciparum resistance to ferroquine (SSR97193) in field isolates and in W2
strain under pressure. Malaria Journal 2006, 7 ; 5 : 11.

− Christine Pierrot, Sophia Lafitte, Daniel Dive, Laurent Fraisse, Jacques


Brocard and Jamal Khalife. Analysis of immune response patterns in naïve
and Plasmodium berghei−infected young rats following a ferroquine
treatment. International Journal for Parasitology 2005, 35 : 1601−1610.

19
Inserm−Actualités

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Christian Doerig et son


équipe
Contrôle de la prolifération et de la différenciation
cellulaires chez Plasmodium falciparum

Les activités de recherche fondamentale menées dans l’Unité de Christian


Doerig au Wellcome Centre for Molecular Parasitology, Université de
Glasgow, sont ciblées sur les processus moléculaires impliqués dans la
prolifération et le développement du parasite Plasmodium falciparum ; les
résultats obtenus sont interprétés et utilisés avec comme objectif appliqué le
développement de nouveaux médicaments. Ce travail est réalisé en
collaboration avec divers laboratoires académiques et privés.

Les parasites causant le paludisme ont été, ces dernières années, aux
premières lignes des approches génomiques. Les chercheurs disposent
actuellement d’une richesse incomparable d’informations en génomique
comparative de Plasmodium − genre eucaryote le plus intensivement
séquencé −, avec des génomes complets ou partiels de 7 espèces
différentes. Les approches de manipulation de gènes cibles ont été utilisées
dans plusieurs de ces espèces séquencées, incluant des parasites de
rongeurs et de singes qui peuvent être étudiés dans des modèles d’infection
in vivo, ainsi que l’un des parasites humains les plus importants en santé
publique globale, Plasmodium falciparum.

Identifier des inhibiteurs des protéines kinases parasitaires

La manipulation génétique de Plasmodium falciparum est presque devenue


une routine dans le laboratoire de C. Doerig ; ceci a permis d’accumuler des
données très intéressantes sur le rôle de certaines enzymes, les protéines
kinases (les kinases sont des protéines qui phosphorylent d’autres protéines),
tout au long du cycle du parasite. L’équipe de C. Doerig a démontré que
certaines de ces enzymes sont essentielles pour la multiplication asexuée du
parasite dans les globules rouges (− étape qui est responsable de la
pathogenèse du paludisme −), ce qui a permis de valider ces enzymes
comme cibles pour la chimiothérapie. « Nous avons obtenu des parasites

20
Inserm−Actualités

dont on peut montrer qu’ils ne peuvent pas proliférer en absence d’une


certaine kinase ; des inhibiteurs spécifiques de cette enzyme devraient tuer le
parasite. » explique C. Doerig. « Nous avons maintenant une collection
d’enzymes essentielles pour le cycle asexué, qui représentent donc des
cibles potentielles pour des drogues curatives. Et cette liste s’agrandit au fur
et à mesure de l’avancement des projets. Nous avons d’autre part réussi à
inactiver d’autres gènes de kinases dans le parasite, sans que le cycle
asexué en soit affecté. Par contre, plusieurs de ces enzymes «
non−essentielles » pour la multiplication asexuée s’avèrent indispensables
pour le cycle sexué, et donc pour la transmission au moustique vecteur »
Pour cet aspect des travaux, l’équipe bénéficie grandement de la proximité
immédiate du laboratoire de Lisa Ranford−Cartwright (également situé à
l'Université de Glasgow), qui est l’un des quelques laboratoires au monde
capables d’infecter expérimentalement des moustiques avec P. falciparum.

C. Doerig concentre ses activités sur P. falciparum car les données de


génétique inverse obtenues avec ce parasite s’avèrent dans certains cas être
différentes de celles obtenues avec le parasite du rongeur P. berghei : la
délétion de gènes orthologues dans les deux espèces peut donner des
phénotypes différents au niveau du cycle parasitaire. « Ce qui pose quelques
questions quant à la validité du modèle P. berghei/souris pour certains
aspects de son utilisation » ajoute C. Doerig.

Criblage des protéines kinases, cibles pour la chimiothérapie

L’équipe de C. Doerig travaille sur l’expression dans des bactéries, E. coli,


des protéines kinases du parasite. Les résultats obtenus ont des applications
aussi bien en fondamental qu’en recherche appliquée. « C’est utile pour nous
en recherche fondamentale, car quand on peut exprimer une enzyme active
dans des bactéries, on peut mener des études d’enzymologie et de
biochimie, ce qui ouvre un large champ d’activité. Mais l’avantage essentiel
est que lorsqu'on a une enzyme active, on peut ensuite l’utiliser pour du
criblage. » Le criblage sur les enzymes recombinantes n’est pas fait au
laboratoire de Glasgow : C. Doerig a des liens avec l’industrie
pharmaceutique soit dans le cadre de projets européens soit dans le cadre de
collaborations individuelles. « Les industriels sont capables de faire du
criblage à haut débit et cela est en cours pour plusieurs de nos kinases. »
précise C. Doerig.

Un bel exemple de collaboration sur un criblage en cours, − dans le cadre du


projet européen SIGMAL coordonné par l’équipe de Glasgow −, est celui
mené avec Laurent Meijer (CNRS, Roscoff), qui est un spécialiste de
l’inhibition des protéines kinases. « Deux de nos kinases ont été testées avec
le support de l’OMS ; il a été réalisé un criblage de 12 000 composés qui a
permis d’identifier quelques molécules inhibitrices. Certaines de ces
molécules sont intéressantes car elles possèdent le même noyau
moléculaire. Notre rôle ensuite est de reprendre les molécules qui ont été
identifiées comme positives dans le criblage et de tester leurs effets sur la

21
Inserm−Actualités

prolifération des parasites en culture, ou sur le développement sexué si la


cible est une kinase qui est impliquée dans le développement des formes
sexuées. Nous faisons également des études de sélectivité car nous
commençons à avoir un certain nombre de kinases actives : sélectivité pour
une enzyme de départ en testant l’effet de l’inhibiteur sur tout le panel, et sur
un panel de kinase humaines ». C. Doerig mentionne l’identification, dans le
laboratoire de Roscoff, de molécules qui ont un effet inhibiteur très marqué
sur une kinase du parasite et qui n’ont aucun effet détectable sur la kinase
homologue trouvé chez l’hôte, dans les cellules humaines : « c’est ce qu’on
veut comme point de départ pour un développement de molécules
anti−parasitaires ! »

Structure tridimensionnelle et Rational drug design

Les données obtenues à Glasgow montrent que l’inhibition sélective des


protéines kinases parasitaires est tout−à−fait possible. En outre, comme
indiqué ci−dessus, plusieurs kinases ont été validées par manipulation
génétique comme cibles potentielles à divers stades du cycle parasitaire. Il
existe un dernier aspect qui a aussi un grand intérêt tant en recherche
fondamentale, qu’en recherche appliquée, c’est le Rational Drug Design.
Deux kinases parasitaires PfPK7 et PfPK5 du laboratoire de C. Doerig ont
déjà été cristallisées dans le cadre d’une collaboration avec le laboratoire de
Jane Endicott, Université d’Oxford, − la première publiée en 2005, et la
seconde faisant l'objet d'un manuscrit en révision à PNAS −, ce qui fournit
des indications très intéressantes sur les particularités structurales de
certaines de ces enzymes parasitaires. « En collaborant avec des personnes
compétentes en biochimie structurale et en chimie médicinale, on peut
espérer utiliser ces données structurales pour synthétiser des inhibiteurs,
dont on peut prédire à l’avance qu’ils devraient être actifs contre les enzymes
parasitaires, et même sélectifs » explique C. Doerig. Le chercheur mène une
collaboration avec Oxford et le MRC−T (la branche technologique du Medical
Research Council, « l’équivalent d’Inserm−transfert à la seule différence que
le MRC−T a son propre laboratoire pour le développement et la valorisation »,
précise−t−il). Le MRC−T va faire de la chimie combinatoire et du Rational
Drug Design basé sur les deux enzymes dont la structure tridimensionnelle
est connue.

« Pour nous qui testons une famille d’enzymes comme les kinases, si on veut
avoir une chance d’arriver d’ici au−moins plusieurs années à avoir des
molécules considérées pour un vrai Drug Development, il faut partir du plus
grand nombre possible d’opérations de criblage. Ma stratégie est de ne
jamais protéger les cibles par des brevets, de sorte que toutes les
compagnies puissent être intéressées à les cribler. »

C. Doerig a commencé à travailler sur les protéines kinases de P. falciparum


il y a une douzaine d’années, sujet quasi vierge à l’époque. Il s’était déjà
rendu compte de l’importance de la phosphorylation pour toutes les activités

22
Inserm−Actualités

cellulaires ; « L’importance de la phosphorylation des protéines dans toutes


les cellules eucaryotes se traduit par une recherche volumineuse ces
dernières années sur les protéines kinases dans les domaines du cancer et
de la maladie d’Alzheimer. Je pense que les protéines kinases humaines sont
actuellement les cibles les plus fréquentes dans les grosses firmes
pharmaceutiques. Cette activité énorme a généré de nombreuses librairies
d’inhibiteurs ciblant les protéines kinases. Même s’il existe des divergences
significatives entre les PK humaines et celles du parasite (divergences qui
s’avèrent très utiles en ce qui concerne la sélectivité de l’inhibition par des
petites molécules !), ces protéines font partie de la même famille d’enzymes
et gardent la structure globale des PK ; on doit pouvoir augmenter nos
chances de trouver des inhibiteurs en utilisant des collections « orientées »
contre des kinases. C’est la beauté de la chimie combinatoire où on peut
générer un très grand nombre de variants d’une molécule donnée ». Dans le
génome humain, il y a près de 520 PK. C. Doerig est persuadé qu’une bonne
fraction de ces enzymes pourrait être des cibles pour diverses maladies.
L’industrie pharmaceutique commence ainsi à s’intéresser beaucoup aux
protéines kinases ; la stratégie de l’équipe est de « surfer » sur cette vague et
de faire ainsi bénéficier de ces développements (issus de la recherche sur le
cancer et autres maladies affectant les pays du Nord) la recherche sur le
paludisme, qui a longtemps été laissée pour compte par l’industrie
pharmaceutique.

Les perspectives

L’Unité de Christian Doerig reste en première ligne sur la thématique du


paludisme, avec une bonne visibilité internationale. Au niveau fondamental,
elle est considérée comme l’un des leaders dans le domaine de la
phosphorylation et de la signalisation chez Plasmodium. Ses collaborations
avec des laboratoires industriels, indispensables pour mener une recherche
appliquée d’envergure, ont connu récemment un développement favorable,
incluant des liens avec le Novartis Institute for Tropical Diseases (Singapour),
Merck−Serono (Genève) dans le contexte du Projet Intégré Européen
ANTIMAL du FP6, et le MRC−T à Londres.

De quoi encourager l’équipe de Glasgow pour un second mandat ;


l’évaluation quadriennale de l’unité pour le renouvellement est actuellement
en cours.

• Le paludisme
• Les interactions hôte−parasite

23
Inserm−Actualités

• Contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires chez P.


falciparum
• Identification de cibles vaccinales et thérapeutiques
• Mécanismes fondamentaux du développement du parasite chez
l’insecte
• Le neuropaludisme

Unités Inserm en Europe

L'Inserm s'est engagé dans la création de laboratoires mixtes aux niveaux


européen et international, afin d'élargir et de renforcer les relations entre les
communautés scientifiques et de contribuer au développement de la
recherche. Deux Unités Inserm ont été créées en Europe : l’Unité 609 de
Christian Doerig à l’Université de Glasgow et l’Unité 701 de Jean
Rommelaere au DKFZ.

Unité de C. Doerig

« Une des raisons pour lesquelles j’avais décidé d’établir une unité à
Glasgow au Wellcome Centre for Molecular Parasitology (celui des 6 centres
d’excellence du Wellcome Trust en Grande Bretagne consacré à la
parasitologie), c’est, qu’ici, se trouvent le labo de Jeremy Mottram, qui
travaille depuis plusieurs années sur les protéines kinases de trypanosomes,
ainsi que les équipes de Sylke Muller et Lisa Ranford−Cartwright qui
travaillent sur d’autres aspects de la biologie de P. falciparum. Nous
travaillons dans un excellent et dynamisant environnement scientifique. C’est
une expérience très positive, tant pour nous que pour nos hôtes écossais ».
C. Doerig.

Arrivée à Glasgow avec un effectif de quatre personnes en 2002, l’Unité


compte aujourd’hui une dizaine de personnes, dont trois chercheurs
britanniques recrutés sur place. L’équipe encadre 4 étudiants en thèse dont
deux sont financés par le Wellcome Trust, un par la DGA (Ministère de la
Défense), et un par le projet européen ANTIMAL.

Pour en savoir plus

Pour une revue récente décrivant les travaux et les collaborations de l’U609,
voir :

Doerig C and Meijer L. Antimalarial drug discovery: targeting protein kinases.


Exp Opin Ther Targets 2007, 11 : 279−290.

24
Inserm−Actualités

Rangarajan R, Bei A, Henry N, Madamet M, Parzy D, Nivez MP, Doerig C


and Sultan A. Pbcrk−1, the Plasmodium berghei orthologue of P. falciparum
cdc−2 related kinase−1 (Pfcrk−1), is essential for completion of the
intraerythrocytic asexual cycle. Exp Parasitol 2006, 112 : 202−207.

Dorin D, Semblat J P, Poullet P, Alano P, Goldring D, Whittle C, Patterson S,


Whittle C, Chakrabarti D and Doerig C. PfPK7, an atypical MEK−related
protein kinase, reflects the absence of typical three−component MAP kinase
pathways in the human malaria parasite Plasmodium falciparum. Mol
Microbiol 2005, 55 : 184−196.

Rangarajan R, Bei A K, Jethwaney D, Maldonado P, Dorin D, Sultan A A and


Doerig C. A mitogen−activated protein kinase regulates male gametogenesis
and transmission of the malaria parasite Plasmodium berghei. EMBO Rep
2005, 6 : 464−469.

Reininger L, Billker O, Tewari R, Mukhopadhyay A, Fennell C, Dorin−Semblat


D, Doerig C, Goldring D, Harmse L, Ranford−Cartwright L, et al. A
nima−related protein kinase is essential for completion of the sexual cycle of
malaria parasites. J Biol Chem 2005.

Ward P, Equinet L, Packer J, and Doerig C. Protein kinases of the human


malaria parasite Plasmodium falciparum: the kinome of a divergent
eukaryote. BMC Genomics 2004, 5 : 79.

25
Inserm−Actualités

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Dominique Mazier
Identification de cibles vaccinales et thérapeutiques

Dominique Mazier dirige l'unité Inserm 511 « Immunobiologie Cellulaire et


Moléculaire des Infections Parasitaires » à la Faculté de Médecine Pierre et
Marie Curie, Centre Hospitalier Universitaire de la Pitié−Salpêtrière à Paris.
D. Mazier travaille sur le paludisme depuis 1981 et les travaux qu’elle mène à
présent avec son équipe « Identification de cibles vaccinales et
thérapeutiques » portent d’une part sur la compréhension des étapes du
développement des Plasmodium, de l'interaction avec son hôte et des
modifications physiopathologiques qu'ils induisent et d’autre part sur
l’identification et la validation de nouvelles cibles vaccinales,
immuno−thérapeutiques ou médicamenteuses.

Quatre approches sont poursuivies par l’équipe de D. Mazier : 1) identification


et caractérisation des éléments participant à la régulation du développement
de Plasmodium, et les réseaux de régulation au sein desquels ils
fonctionnent, 2) analyse des phénomènes de pénétration du sporozoïte dans
l'hépatocyte, 3) étude des mécanismes impliqués dans le développement du
neuropaludisme et 4) étude de la régulation de l'expression des gènes
impliqués dans le développement de Plasmodium lors de ses différentes
phases de développement (hépatique et érythrocytaires). Les applications
thérapeutiques potentielles (vaccin ou médicament), en découlent.

Recherche sur le stade pré−érythrocytaire

Pour rappel, le stade pré−érythrocytaire succède immédiatement à la piqûre


du moustique infecté.

1. Rôle du CD81 au cours de l'infection des hépatocytes par les sporozoïtes


de Plasmodium

26
Inserm−Actualités

L'équipe de D. Mazier, en collaboration avec l’équipe Inserm d’Eric


Rubinstein à Villejuif, a montré que la tétraspanine CD81 est une molécule
indispensable à la formation de la vacuole parasitaire et donc au
développement hépatique du parasite. Le CD81 est la première molécule
hépatocytaire dont le rôle clé est démontré. Si cette tétraspanine est
nécessaire, elle n'est cependant pas suffisante pour expliquer la susceptibilité
d'une cellule à P. falciparum. « Nous sommes actuellement en train
d’identifier les autres facteurs indispensables pour P. falciparum.»

Les résultats obtenus par l’équipe de D. Mazier suggèrent que le CD81 ne


jouerait pas un rôle de récepteur pour le parasite mais interviendrait de
manière indirecte, notamment via l'association à un récepteur pour le parasite
au sein du réseau des tétraspanines. L'objectif des travaux de l'équipe de D.
Mazier est d'identifier un tel récepteur et son ligand parasitaire : tout d’abord,
caractériser les molécules associées à CD81 à la surface des hépatocytes
(techniques biochimiques, spectrométrie de masse), puis étudier le rôle
fonctionnel des molécules identifiées en particulier par une approche de
siRNA, technique déjà adaptée aux hépatocytes humains en primo−culture.

2. Analyse des antigènes exprimés spécifiquement par le sporozoïte de P.


falciparum lors de son changement de température

L'équipe de D. Mazier travaille également à l’identification, par bio−puce, des


antigènes exprimés spécifiquement par le sporozoïte de P. falciparum lors de
son passage de 20°C (température de la glande salivaire du moustique) à
37°C au contact de l'hépatocyte humain. « Nous avons identifié des gènes
‘up’−régulés sur lesquels nous sommes en train de travailler. La production
de protéines correspondant à ces gènes, a permis d’immuniser des souris.
Les anticorps obtenus préviennent significativement la pénétration des
sporozoïtes dans des primo−cultures d’hépatocytes humains, soulignant
l’intérêt vaccinant potentiel de ces antigènes. Des études sont en cours pour
valider in vivo cette hypothèse.»

Recherche au stade hépatique

1. Etude de nouvelles molécules

D. Mazier a utilisé une approche totalement nouvelle : tenter de caractériser


des molécules actives spécifiquement au niveau hépatique. A ce stade, il y a
peu de parasites et ceux−ci se multiplient pendant un laps de temps court,
ainsi la probabilité d’induire des parasites résistants est faible.

Ce travail fait suite à une importante étude éthnobotanique faite sur le terrain
à Madagascar qui a abouti à l’identification de 229 plantes endémiques
estimées jouer un rôle contre le paludisme par la population locale. A partir
de ces plantes identifiées par les guérisseurs et utilisées sous forme de
décoction par les patients, les scientifiques malgaches qui collaborent avec
D. Mazier ont fait un screening sur le stade érythrocytaire, et ont identifié un

27
Inserm−Actualités

certain nombre de molécules capables de tuer le parasite à ce stade. « Ce


qui m’a intéressée, ce sont les plantes écartées car inactives au stade
érythrocytaire, explique D. Mazier. Ces plantes pouvaient présenter une
activité inhibitrice des stades hépatiques. La première plante caractérisée a
été Strychnopsis thouarsii.» Le composant actif a été purifié et sa structure
moléculaire résolue. La molécule, nommée tazopsine, représente un nouveau
morphinane. Un des dérivés de cette molécule, le NCP−tazopsine, de
moindre toxicité, permet une inhibition totale aussi bien in vitro qu'in vivo.
« Cette molécule a été testée jusqu’à présent in vitro sur des hépatocytes
humains, et in vivo nous avons montré son efficacité à protéger parfaitement
des souris infectées par un Plasmodium de rongeurs. L’idée maintenant est
d’aller chez le chimpanzé infecté par P. falciparum.»

« Grâce à un financement ANR "Emergence et maturation de projets de


biotechnologie à fort potentiel de valorisation", nous entreprenons des études
sur la biodisponibilité et la pharmacocinétique de la NCP−tazopsine, afin de
mener une étude ponctuelle de son efficacité contre une inoculation
d’épreuve par des sporozoïtes de P. falciparum chez le chimpanzé. »
Il existe pour P. vivax et P. ovale des formes dormantes, les hypnozoïtes, qui
peuvent rester pendant des années dans l’hépatocyte avant de se réveiller.
Avoir une molécule capable de tuer ce parasite dans le foie est très
important. En Inde ou en Amérique du Sud, beaucoup de gens hébergent P.
vivax. Le seul médicament actif contre les hypnozoïtes de P. vivax et P. ovale
est la primaquine, mais qui est potentiellement très toxique en particulier chez
les personnes déficientes en G6PD (or environ 30% des Africains qui eux
sont infectés par P. ovale sont déficients en G6PD !).
Dominique Mazier ouvre ici une parenthèse intéressante : un hépatocyte
humain vit un an environ et on ne comprend pas comment Plasmodium arrive
à transformer l’hépatocyte humain qui survit ainsi plusieurs années. « Ce
mécanisme d’échappement, de "cancérisation" de l’hépatocyte induit par
Plasmodium est absolument fascinant à étudier mais très compliqué ! On n’a
pas vraiment de modèles d’études de l'hypnozoite.»
Et de refermer cette parenthèse en poursuivant : « La capacité de la
NCP−tazopsine à détruire les hypnozoïtes et donc prévenir les rechutes de P.
vivax, sera analysée dans le modèle rhésus inoculé par des sporozoïtes de
P. cynomolgi. Une efficacité in vivo de la NCP−tazopsine contre les formes
hépatiques des deux espèces majeures parasitant l'homme confirmerait le
potentiel de cette nouvelle tête de série, et soutiendrait le lancement d'un
programme de valorisation. »

Cette étude sur la tazopsine a valu à Maëlle Carraz d’être un des lauréats
récompensés lors de la séance publique de l'Académie des sciences le 12
juin dernier, séance consacrée à six avancées majeures en biologie
(2006−2007).

Parallèlement à l’étude de la tazopsine, d’autres molécules sont à l’étude,


issues de techniques complémentaires : criblages à haut débit par la
technique ODYSSEY et approches QSAR (Quantitative Structure−Activity
Relationship).

28
Inserm−Actualités

2. Développement d’une lignée cellulaire hépatocytaire susceptible à


l’infection par P. falciparum

Un des obstacles au développement d’un vaccin ou de médicaments contre


les stades hépatiques de P. falciparum est l’absence de modèle expérimental
simple. Les sporozoïtes de P. falciparum n’infectent que les hépatocytes
primaires humains in vitro. Une lignée cellulaire représenterait un outil de
choix pour l’évaluation de vaccins et de molécules anti−plasmodiales, mais
toutes les lignées testées jusqu’à présent sont réfractaires au développement
de P. falciparum. Dominique Mazier va focaliser ses travaux sur le
développement d’une lignée hépatocytaire permettant le développement de
P. falciparum.

Les analyses de transcriptome différentiel réalisées par J.F. Franetich


(hépatocytes primaires humains sensibles à l’infection versus
hépatocarcinome HepG2 réfractaire), couplées à une validation fonctionnelle
par siRNA, devraient lui permettre d’identifier les facteurs de l’hôte essentiels
à l’infection par P. falciparum. « Via le transfert génique dans une lignée
hépatocytaire de ces facteurs, nous espérons produire une lignée permissive
à l’infection par P. falciparum. Dans le cadre d’essais vaccinaux, une telle
lignée constituerait un outil majeur pour l’évaluation des réponses T des
volontaires immunisés ». Elle permettrait aussi le criblage de molécules
potentiellement actives sur P. falciparum. Enfin, une lignée permissive au
développement hépatique de P. falciparum représenterait une avancée
majeure pour l’étude de la biologie de ce parasite, et plus généralement
pourrait servir à d’autres types d’études reposant sur l’utilisation de cellules
hépatocytaires.

Travaux sur le neuropaludisme

Le neuropaludisme est, avec l'anémie, la grande complication d'un accès à P.


falciparum. Malgré de nombreux travaux, sa physiopathologie n'est pas
encore comprise, en particulier l'intrication et le rôle respectif joué par
différents mécanismes identifiés. L’équipe de Dominique Mazier focalise son
travail sur la compréhension de la pathologie cérébrale avec différentes
approches : 1) l'identification, par spectrométrie de masse, de "molécules"
possiblement induites au niveau cérébral et 2) la compréhension des
phénomènes consécutifs à l'adhésion des globules rouges parasités par P.
falciparum. Nous ne développerons que ce second point.

L’adhérence des GR parasités a pour conséquence un ralentissement du flux


sanguin dans les micro−vaisseaux et l’induction de cytokines qui jouent un
rôle délétère. Les chercheurs s’intéressent à la conséquence de cette
cytoadhérence : « Nous avons mis au point et développé différents modèles
de co−culture "cellules endothéliales − P. falciparum" afin d’étudier les
conséquences de la signalisation. Nous avons en particulier pu montrer le
rôle central joué par la protéine Rho−kinase dans l’induction des réponses
délétères. Un inhibiteur de Rho−kinase, le Fasudil, actuellement en essais

29
Inserm−Actualités

cliniques de phase 3 dans les maladies neuro et cardio−vasculaires a été


testé dans notre modèle et a montré une excellente capacité à
prévenir/reverser les dysfonctionnements endothéliaux (activation, apoptose,
perméabilisation) ».

Le projet consiste à établir le potentiel de valorisation du Fasudil dans deux


modèles :
1) un modèle de type "organe isolé perfusé" (œil), l’œil étant considéré
comme un "prolongement" du cerveau. Similaire au modèle "rate" (Buffet et
al., Blood 2006), il permettra d’apprécier l’effet de la drogue sur les
modifications cellulaires et tissulaires consécutives à une injection de P.
falciparum.
2) Un modèle in vivo (modèle ‘P. coatneyi/ rhésus’). Ce modèle est jugé
pertinent pour l’étude du neuropaludisme humain. En effet, les singes rhésus
infectés par P. coatneyi développent certains symptômes observés chez
l’Homme et les études histologiques post−mortem montrent une
séquestration des globules rouges parasités dans plusieurs organes vitaux. Il
a été préféré au modèlel murin P. berghei ANKA dans lequel le phénomène
de cytoadhérence des globules rouges parasités n’est quasiment pas
retrouvé. Ce modèle devrait permettre d’obtenir : 1) des données de
biodisponibilité et de pharmacocinétique, 2) des données sur la protection
des tissus siège des phénomènes de séquestration des globules rouges
parasités et 3) des données sur le devenir clinique de ces singes traités avec
le Fasudil en association ou non avec un antipaludique. La validation, dans
ces deux modèles de l’effet observés in vitro permettra de proposer le Fasudil
dans les cas de paludisme sévère à P. falciparum comme adjuvant
thérapeutique aux drogues antiplasmodiales.

Une étude réalisée au Gabon, avec des isolats « frais » prélevés sur des
enfants impaludés a montré que si tous les isolats de P. falciparum
cytoadhèrent, seuls certains entraînent l’apoptose de la cellule endothéliale. Il
a de plus été trouvé une corrélation entre tableau « cérébral » et capacité de
l’isolat à induire ou non la mort de la cellule endothéliale. « Ces résultats nous
ont amenés à l’identification, par transcriptome différentiel d’isolats
"apoptotiques" versus "non apoptotiques", à l’identification d’un certain
nombre de gènes plasmodiaux potentiellement impliqués dans la
pathogenèse cérébrale ». En effet, l’utilisation d’ARN interférent pour
diminuer l’expression de ces gènes a montré un impact significatif sur la
diminution de l’apoptose endothéliale (Siau et al., in press). « Nous essayons
maintenant de valider le rôle de ces gènes plasmodiaux dans la pathogénèse
cérébrale, en fabriquant par exemple des parasites KO pour ces gènes ».
Des essais fonctionnels avec les parasites KO seront réalisés in vitro.

Et D. Mazier de poursuivre sur le problème des modèles animaux : « Nous


manquons de modèles pour étudier in vivo la pathologie cérébrale. P.
falciparum, la seule espèce pathogène pour l’homme, infecte le chimpanzé
mais ne le rend pas malade. Alicia Moreno a montré que des souris NOD
SCID, immunodéprimées sont infectables avec P. falciparum. Elles ne
développent cependant pas de neuropaludisme, les parasites humains étant
incapables d’adhérer aux cellules endothéliales murines ». A. Moreno

30
Inserm−Actualités

développe dans l’équipe de D. Mazier, un modèle de souris NOD SCID


transgéniques pour la molécule ICAM1 (molécule d’adhésion importante pour
l’adhésion du parasite), ou pour d’autres molécules d’adhésion humaines,
pour voir si la pathologie cérébrale peut être reproduite chez ces souris.

• Le paludisme
• Les interactions hôte−parasite
• Contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires chez P.
falciparum
• Identification de cibles vaccinales et thérapeutiques
• Mécanismes fondamentaux du développement du parasite chez
l’insecte
• Le neuropaludisme

Unité Inserm 511

L’unité 511 est constituée de 45 personnes, regroupées en cinq équipes


autour des thématiques portant sur la régulation de l'expression de gènes
plasmodiaux, la génomique analytique, la pharmacologie expérimentale et
clinique de la biologie du stress oxydant, des recherches épidémiologiques,
cliniques et thérapeutiques et l’identification de cibles vaccinales et
thérapeutiques. Un des atouts majeurs de cette unité est la possibilité pour
les équipes de recherche fondamentale, d'agir en liaison étroite avec des
équipes en charge des études épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques,
tant sur les sites hospitaliers qu'en zone tropicale, et de développer avec des
partenaires industriels des nouvelles molécules thérapeutiques. C'est ainsi
qu'une recherche translationnelle se met en place, et concerne l’application
des techniques de protéomique au diagnostic parasitaire.

En collaboration avec l'unité Inserm 567

L’équipe de Laurent Rénia, Equipe 37 "Immunobiologie du paludisme" de


l'unité Inserm 567 / ICG5, s’intéresse à deux voies de
recherche susceptibles de conduire à l’identification de nouveaux candidats
vaccins.

La première voie de recherche concerne l’étude des mécanismes


immunitaires contre la phase pré−érythrocytaire du paludisme. De nouveaux
modèles de développement parasitaire dans le foie, pour P. falciparum et
d’études de la protection contre la phase pé−érythrocytaire ont été
développés ou sont en cours de développement. Laurent Rénia étudie aussi
le rôle d’antigènes dans la biologie et l’immunité du stade pré−érythrocytaire,
pour caractériser des marqueurs associés à la protection et ce pour faciliter le

31
Inserm−Actualités

développement vaccinal.

La seconde voie de recherche concerne les mécanismes


immunopathologiques impliqués dans le neuropaludisme : identification et
caractérisation de(s) antigène(s) reconnu par les cellules T, cellules
responsables de l’atteinte cérébrale et les mecanismes immunologiques qui
gouvernent l’ induction et la migration des cellules T vers le cerveau.

Laurent Renia va rejoindre prochainement le Singapore Immunological


Network, Biopolis, à Singapour. Il va y déveloper un projet sur l’ identification
de marqueurs immunologiques dans la protection anti−palustre. Ce projet est
mené en collaboration avec Dominique Mazier, dans le cadre d’un laboratoire
international associé à l'unité Inserm 511.

Publications de l’équipe

Renia, L., D. Grillot, M. Marussig, G. Corradin, F. Miltgen, P.H. Lambert, D.


Mazier, and G. Del Giudice. 1993. Effector functions of circumsporozoite
peptide−primed CD4+ T cell clones against Plasmodium yoelii liver stages. J
Immunol 150: 1471−1478.

Renia, L., M.S. Marussig, D. Grillot, S. Pied, G. Corradin, F. Miltgen, G. Del


Giudice, and D. Mazier. 1991. In vitro activity of CD4+ and CD8+ T
lymphocytes from mice immunized with a synthetic malaria peptide. Proc Natl
Acad Sci U S A 88: 7963−7967.

Renia, L., F. Miltgen, Y. Charoenvit, T. Ponnudurai, J.P. Verhave, W.E.


Collins, and D. Mazier. 1988. Malaria sporozoite penetration. A new approach
by double staining. J Immunol Methods 112: 201−205.

Silvie, O., C. Greco, J.F. Franetich, A. Dubart−Kupperschmitt, L. Hannoun,


G.J. Van Gemert, R.W. Sauerwein, S. Levy, C. Boucheix, E. Rubinstein, and
D. Mazier.. Expression of human CD81 differently affects host cell
susceptibility to malaria sporozoites depending on the Plasmodium species.
Cell Microbiol. 8: 1134−1146.

Silvie, O., E. Rubinstein, J.F. Franetich, M. Prenant, E. Belnoue, L. Renia, L.


Hannoun, W. Eling, S. Levy, C. Boucheix, and D. Mazier. 2003. Hepatocyte
CD81 is required for Plasmodium falciparum and Plasmodium yoelii
sporozoite infectivity. Nat Med 9: 93−96.

Siau A., Touré F. S., Ouwe−Missi−Oukem−Boye O. N., Ciceron L., Mahmoudi


N., Vaquero C., Froissard P., Bisvigou U., Bisser S., Coppée J.Y., Bischoff E.,
Peter H. David and Mazier D. 2007. Whole transcriptome analysis of
Plasmodium falciparum field isolates: identification of new pathogenicity
factors. Journal of Infectious Diseases In press.

32
Inserm−Actualités

33
Inserm−Actualités

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Elena Levashina et son


équipe
Mécanismes fondamentaux du développement du
parasite chez l’insecte

La question fondamentale qui est à la base des travaux d’Elena Levashina,


du groupe Avenir « Réponse Immunitaire et Développement chez les
Insectes », IBMC à Strasbourg peut se résumer de la façon suivante : la forte
diminution du nombre de parasites Plasmodium falciparum qui se produit au
cours du développement chez l’anophèle étant attribuée à l’efficacité du
système immunitaire de cet insecte, à quelle étape du cycle de
développement et par quels mécanismes les parasites sont−ils tués ?

Les interactions entre le moustique et le parasite représentent une phase


critique de la transmission de la maladie et peuvent constituer une cible pour
le contrôle du paludisme. Le parasite doit réaliser une série de transitions
développementales dans le vecteur pour devenir infectieux pour l'hôte.
Durant le cycle de différentiation dans le moustique, le parasite rencontre
trois goulots d'étranglement pendant lesquels son développement peut être
réprimé : les stades de transition entre gamétocytes et oocinètes, entre
oocinètes et ookystes matures, et entre ookystes et sporozoïtes destinés à
envahir les glandes salivaires (cf. Figure ci−dessous)

34
Inserm−Actualités

Cliquez sur l'image pour agrandir

Figure : Déroulement du cycle de Plasmodium dans l’anophèle. L'anophèle


ingère des gamétocytes mâles et femelles lors d'un repas sanguin. La
fécondation a lieu dans l'intestin du moustique et les zygotes formés se
transforment en oocinètes. Les oocinètes envahissent et traversent
l'épithélium de l'intestin et atteignent le coté basal où ils forment les ookystes.
Durant les dix jours suivants, à l'intérieur de chaque ookyste, un cycle
méïotique suivi de plusieurs séries de mitoses produit des milliers de
sporozoïtes haploïdes. A maturité, les sporozoïtes sont libérés dans
l'hémolymphe, migrent et envahissent les glandes salivaires. Le cycle
parasitaire dans le moustique se termine avec la piqûre infectieuse du
moustique sur un nouvel hôte humain. Durant cette différentiation dans le
moustique susceptible, le parasite rencontre trois goulots d'étranglement où
son développement peut être réprimé: (1) les stades de transition entre
gamétocytes et oocinètes, (2) entre oocinètes et ookystes matures, et (3)
entre les ookystes et les sporozoïtes destinés à envahir les glandes
salivaires.

Dans plusieurs systèmes vecteur/parasite, ces barrières sont spécifiques au


développement de l’espèce parasitaire et peuvent rendre le moustique
totalement réfractaire à la transmission.

Elena A. Levashina et son équipe utilisent le modèle murin d’infection A.


gambiae /P. berghei (cf. encadré 1) pour étudier les mécanismes
moléculaires et cellulaires qui permettent à l’anophèle d’éliminer le parasite
au niveau de l’invasion intestinale. E. Levashina a montré le rôle de TEP1,
une protéine membre de la famille des « thioester containing proteins »
(TEPs), dans l'élimination du parasite. Cette protéine est sécrétée par les
cellules sanguines d’anophèle dans l’hémolymphe. Comme les autres
protéines de type complément chez les vertébrés, TEP1 reconnaît et se lie
aux surfaces des pathogènes, liaison qui conduit à la phagocytose des
bactéries et à l’élimination des parasites qui ont traversé la paroi du tube
digestif du moustique. Cependant, les mécanismes moléculaires de
l’élimination TEP1−dépendante des parasites ne sont pas connus à ce jour.
Les résultats obtenus par la chercheuse et ses étudiants indiquent deux types
cellulaires impliqués dans cette réponse antiparasitaire : d’une part les
cellules sanguines (par la production de facteurs de reconnaissance des
parasites) et d’autre part, les cellules épithéliales du tube digestif (par leurs
réactions vis−à−vis des parasites marqués par TEP1).

Mécanismes moléculaires de l'élimination TEP1−dépendante de


parasites

E. Levashina travaille à l’identification des gènes corégulés avec TEP1


pendant l'infection parasitaire, et en particulier, l’identification des gènes qui
agissent en amont de TEP1 et sont responsables de la reconnaissance du
parasite. L’analyse des profils de transcription est en cours (puces à ADN «

35
Inserm−Actualités

Affymetrix ») chez des anophèles transgéniques soit gain, soit perte de


fonction pour TEP1. « Nous avons choisi les gènes qui sont corégulés avec
TEP1 après l’infection par P. berghei. La majorité de ces gènes n’a pas de
fonction connue. Nous étudions les fonctions de ces gènes candidats par leur
invalidation suivie par l’analyse de survie de parasites dans le tube digestif
d’anophèle. Les gènes impliqués dans le développement des parasites seront
retenus pour l’analyse plus détaillée de leur fonction afin d’élucider les
mécanismes responsables de la mort des parasites. Notre analyse a déjà
abouti à la caractérisation d’un régulateur positif de fixation de TEP1 à la
surface de parasite, le gène DUF. » explique E. Levashina.

La suite de ce travail sera l’analyse des mécanismes responsables de la mort


TEP1−dépendante des parasites. E. Levashina a programmé d’effectuer des
invalidations simultanées de TEP1 et des gènes candidats, afin de placer les
protéines dans la cascade de régulation en amont ou en aval de TEP1. La
chercheuse prévoit d’utiliser la microscopie confocale et les anophèles
transgéniques exprimant TEP1 fluorescente pour suivre la liaison de TEP1
sur la surface des parasites dans le contexte d’invalidation des gènes
susceptibles d’être impliqués dans l’activation de TEP1. « Finalement, nous
établirons des lignées d’anophèles transgéniques gain et de perte de fonction
pour les gènes les plus intéressants afin de comprendre comment l’anophèle
contrôle le développement des parasites et pour établir des anophèles
réfractaires au Plasmodium. » poursuit E. Levashina.

Un autre axe de recherche pour l’équipe est la caractérisation ultrastructurale


du développement de P. berghei chez A. gambiae et l’établissement des
outils biologiques pour une analyse in vivo des interactions hôte/parasite.

Analyse génomique des interactions hôte−parasite A. gambiae / P.


berghei par les puces à ADN et l'analyse protéomique

La caractérisation aux plans transcriptionnel et post−transcriptionnel des


interactions entre l’anophèle et le parasite est un travail mené par E.
Levashina en collaboration avec A. Waters, Leiden University Medical Centre
et H. Stunnenberg, Nijmegen University Medical Centre, aux Pays−Bas dans
le cadre du 6ème PCRDT « Networks of Excellence – BioMalPar ». La partie
post−transcriptionnelle de ce projet est basée sur l’analyse comparative du
protéome des moustiques infectés et non−infectés. « Nous mettons
actuellement au point la méthode d’incorporation d’acides aminés marqués à
l’15N par nourriture exclusive des anophèles sur cultures de levures
elles−mêmes marquées par cet isotope. Pour augmenter la résolution de
cette approche, nous ne nous limiterons pas à comparer les profils
protéomiques entre les anophèles infectés et non−infectés, mais nous ferons
appel à la collection de lignées de parasites invalidées pour les gènes qui
permettent le développement normal du parasite chez l’anophèle (la
collaboration avec A. Waters) ». Toutes les protéines exprimées de façon
différentielle identifiées dans cette étude seront ensuite soumises à une

36
Inserm−Actualités

analyse fonctionnelle. « Nous espérons également pouvoir identifier


l’incorporation du matériel protéique d’anophèle (reconnaissable par le
marquage à l’15N dans ces séries) chez le parasite, ce qui devrait nous
permettre de cerner la dépendance du parasite, et à terme de cibler des
molécules (ou leurs voies de biosynthèse) qui pourraient bloquer le
développement de parasite chez le moustique. Les résultats que nous
obtiendrons devraient pouvoir servir de bases rationnelles pour le
développement de drogues antipaludiques. »

Cette analyse protéomique est complétée par une étude du transcriptome


(puces à ADN).

Mutagenèse chimique chez Anopheles gambiae – analyse génétique de


la compétence du vecteur vis−à−vis du Plasmodium

Actuellement, l’analyse fonctionnelle du système immunitaire du moustique


se fonde sur des méthodes d’analyse génétique inverse. Néanmoins, ces
approches sont limitées par le nombre de gènes testables et elles requièrent
des connaissances à priori sur la fonction présumée de ces gènes. L’objectif
d’Elena Levashina est de mettre en œuvre une méthode d’analyse génétique
directe afin de comprendre intégralement la réponse immunitaire de
l’anophèle vis−à−vis du parasite et, en particuliers, les facettes non
soupçonnées de cette réponse. Ce travail est développé au sein de l’équipe
de E. Levashina par Stéphanie Blandin qui vient d’être recrutée sur un poste
de CR par l’Inserm.

« Nous avons décidé d’utiliser la mutagenèse chimique, un outil très puissant


permettant d’identifier des gènes impliqués dans un processus biologique.
Cette méthode n’a jamais été employée de façon systématique chez le
moustique. Notre projet repose sur trois objectifs principaux : le
développement d’une méthode de mutagenèse chimique chez l’anophèle,
l’identification par criblage des mutations qui affectent le développement du
parasite chez le moustique et la localisation et l’identification des mutations
isolées. »

Les résultats de ce crible devraient permettre de comprendre comment le


moustique se défend contre le parasite, ce qui est essentiel pour la
conception de nouvelles stratégies de contrôle du paludisme.

• Le paludisme
• Les interactions hôte−parasite
• Contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires chez P.
falciparum

37
Inserm−Actualités

• Identification de cibles vaccinales et thérapeutiques


• Mécanismes fondamentaux du développement du parasite chez
l’insecte
• Le neuropaludisme

le modèle murin de l’infection

Le modèle d’infection utilisé par l’équipe d’E. Levashina, A. gambiae/P.


berghei permet d’étudier les mécanismes fondamentaux du développement
du parasite chez l’insecte. Pour ce modèle, il existe des souches réfractaires
qui éliminent totalement le parasite, suite à une mélanisation des oocinètes
dans la paroi intestinale du moustique. Ces souches ne transmettent pas la
maladie. D’autres souches, dites susceptibles, éliminent une fraction
seulement des parasites infectants et restent ainsi capables de transmettre la
maladie.

Programme Avenir

Elena Levashina est lauréat Avenir promotion 2003/2004. Installée à UPR


9022 CNRS, Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire (IBMC) en octobre
2002, elle dirige une équipe de 12 personnes, dont quatre étudiants en thèse.

Une de ses étudiantes, Cécile Frolet a présenté son travail lors de la séance
publique de l'Académie des sciences le 12 juin dernier, séance consacrée à
six avancées majeures en biologie (2006−2007).

Publications

Shiao SH, Whitten MM, Zachary D, Hoffmann JA, Levashina EA. Fz2 and
cdc42 mediate melanization and actin polymerization but are dispensable for
Plasmodium killing in the mosquito midgut. PLoS Pathog 2006, 2 (12) : e133.

Frolet C, Thoma M, Blandin S, Hoffmann JA, Levashina EA. Boosting


NF−kappaB−dependent basal immunity of Anopheles gambiae aborts
development of Plasmodium berghei. Immunity 2006, 25 : 677−685.

38
Inserm−Actualités

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Le neuropaludisme

Sandrine Marquet est coordinatrice de l’équipe « Immunogénétique des


infections à Plasmodium falciparum » à l’unité Inserm 399 « Immunologie et
génétique des maladies parasitaires », dirigée par Alain Dessein à la Faculté
de Médecine secteur Timone, Marseille. Cette jeune chercheuse consacre
ses travaux de recherche au neuropaludisme. Depuis plusieurs années, les
chercheurs du laboratoire d’A. Dessein travaillent en immunogénétique des
maladies parasitaires ; leurs travaux ont montré qu’il existe une composante
génétique dans le développement des formes cliniques de ces pathologies
parasitaires.

Le neuropaludisme (NP) est une complication grave de l'infection, souvent


létale chez le jeune enfant. Cette pathologie est complexe et ses mécanismes
sont encore mal connus ; certaines observations suggèrent qu'une réponse
immune inadaptée pourrait être responsable de certaines formes de
neuropaludisme. L’objectif de l’équipe de Sandrine Marquet, est d'identifier
des marqueurs immunologiques et génétiques qui permettront de repérer les
enfants prédisposés au neuropaludisme. « Nous pensons qu’en découvrant
ces gènes de susceptibilité, nous pourrons mieux comprendre les
mécanismes physiopathologiques et proposer éventuellement de nouvelles
thérapies ou envisager de nouvelles approches vaccinales » précise
Sandrine Marquet. Un second axe de recherche est développé à l’unité
Inserm 399 avec pour but de démontrer le rôle protecteur de la voie Th1 dans
le neuropaludisme.

Identifier par cartographie par homozygotie des gènes de susceptibilité


au NP

Pour identifier les loci de susceptibilité au neuropaludisme, la stratégie


originale développée par Sandrine Marquet est une recherche sur l'ensemble
du génome humain chez des familles consanguines présentant des cas
multiples de neuropaludisme (cartographie par homozygotie), dont le
phénotype clinique a été bien caractérisé. Les régions génétiques recensées
par cette approche feront l'objet d'une étude de déséquilibre de liaison.
L'étude de l'expression différentielle − pendant et à distance de la crise de

39
Inserm−Actualités

NP, en général un mois après complet rétablissement −, des gènes permettra


de sélectionner des gènes candidats qui seront des pistes d'analyse pour les
cliniciens, les immunologistes, les physiologistes qui tentent également de
déterminer les causes moléculaires du neuropaludisme.

Les travaux sont menés en collaboration avec des chercheurs des pays du
sud, au Soudan (Adil Merghani) et au Mali en particulier avec le groupe
coordonné par le Pr. Doumbo. « Ce dernier a mis en place une équipe de
cliniciens et de biologistes au service de pédiatrie de l’hôpital Gabriel Touré
de Bamako (dirigée par le Pr. Keita) pour recruter des enfants atteints de
neuropaludisme. Pour réaliser des études génétiques complètes, des
prélèvements d’échantillons sont faits chez ces enfants atteints de paludisme
grave au moment de la crise et en dehors de la crise elle−même, ainsi que
chez leurs parents. Ce recrutement prospectif est poursuivi chaque année de
juin à décembre. Le consentement des parents a été obtenu avant
prélèvement et l’étude a été approuvée par le comité d’éthique de la Faculté
de Médecine de Bamako. » explique Sandrine Marquet. « Ce projet a été
initié en 2000 ».

Les premiers résultats de Sandrine Marquet et son équipe sur les facteurs
familiaux de prédisposition au paludisme grave ont été obtenus sur une
cohorte de 240 familles nucléaires avec un enfant atteint de NP, de 72
enfants ayant une anémie palustre grave (AS) et une autre de 180 enfants
avec une forme simple de paludisme (PS), recrutées au Mali. Les critères
utilisés par Sandrine Marquet pour définir les phénotypes cliniques sont les
suivants :
a) NP : coma profond (score de Blantyre <3 ) et une parasitémie positive à P.
falciparum,
b) AS : hématocrite <15% et une parasitémie positive à P. falciparum
c) PS : parasitémie positive à P. falciparum, score de Blantyre >4,
hématocrite >21% pas d’antécédents de NP.

Une étude épidémiologique faite par Stéphane Ranque et Innocent Safeukui


de l’équipe a évalué les facteurs qui pourraient affecter le risque de
paludisme grave ainsi que la fréquence des cas familiaux de NP et AS.
L’analyse de régression logistique multiple conditionnelle des facteurs
mesurés a indiqué que les facteurs maternels jouent un rôle prépondérant
dans le paludisme grave de l’enfant. En préliminaire aux études d’association
familiales visant à identifier les gènes de susceptibilité, S. Marquet a montré
l’existence d’une agrégation des phénotypes au sein des familles dans
l’existence des formes graves de paludisme. En effet cette étude montre un
fort effet de facteurs familiaux de prédisposition au NP et AS. Cette
observation indique que des approches familiales pourraient être fructueuses
dans la recherche des gènes de prédisposition au NP.

L’approche utilisée par S. Marquet de recruter enfants et parents c’est−à−dire


de recruter toute la famille pour faire des études d’association familiale est
originale ; "en effet, la plupart des travaux déjà publiés font état d’études
d’associations cas/témoins, qui peuvent présenter certains inconvénients, en
particulier dans la sélection de bons groupes témoins" précise S. Marquet.

40
Inserm−Actualités

Etude du rôle protecteur de la voie Th1

Sandrine Marquet et Sandrine Cabantous ont fait l’hypothèse que la mise en


place de la réponse immune devait être importante dans le développement
du neuropaludisme, et ainsi ont testé des gènes de l’immunologie qu’elles
avaient au préalable sélectionnés. Avec cette stratégie, elles ont montré que
le gène de l’interféron gamma était impliqué dans le développement du
neuropaludisme et en particulier elles ont montré un polymorphisme localisé
dans le promoteur. « Ce polymorphisme, quand on regarde dans la littérature
au plan fonctionnel, a pour effet d’augmenter la transcription du gène et
l’allèle associé à cette augmentation est associé à une résistance. Chez les
patients, nous avons réalisé des dosages de l’interféron gamma et avons
montré que les patients qui développent un NP ont des taux d’interferon
gamma dans le plasma qui sont plus bas que ceux qui ont une infection
simple à P. falciparum mais qui ne développent pas de forme clinique grave.
» explique Sandrine Marquet. L’interferon gamma serait protecteur dans le
développement du NP. Cette équipe a été une des premières à obtenir ces
résultats, confirmés depuis par des travaux d’autres équipes.

Plusieurs publications ont montré que le TNF pouvait être impliqué dans le
développement du NP ; S. Marquet et S. Cabantous ont regardé les taux de
TNF dans la population malienne et a observé des taux très bas de TNF et
ce, quelque soit le phénotype − infection au parasite sans forme clinique
grave et NP −. Quand elles regardent des polymorphismes du TNF et
essaient de faire une étude d’association sur les familles, elles ne retrouvent
pas l’association entre ces polymorphismes décrits dans la littérature et le
développement du NP. Un des membres de son équipe, Stéphane Ranque
développe des essais thérapeutiques, en particulier en utilisant la
pentoxifylline qui est un inhibiteur du TNF chez les enfants atteints de
neuropaludisme.

Les résultats obtenus par l’équipe de Sandrine Marquet suggèrent qu’une


réponse Th1 est protectrice contre le NP. Ce résultat est cohérent avec ceux
obtenus dans d’autres études : l’injection d’IFN gamma inhibe la réplication
de Plasmodium dans le foie de souris ou de rat ; l’injection d’un anticorps
neutralisant l’IFN gamma bloque le développement d’une réponse protectrice
chez la souris. Des études du même type ont montré le rôle protecteur de
l’IL−12 contre l’infection. Le transfert des clones de cellules T CD4+ Th1 à
des souris naïves confère une protection contre une infection avec les stades
érythrocytaires. Les taux d’IFN gamma et d’IL−12 sont moins élevés chez les
enfants PG que chez les enfants PS, des taux élevés d’IFN gamma ont été
associés à une meilleure immunité contre une réinfection. Ces résultats
suggèrent que la voie Th1 pourrait contrôler la réplication du parasite et ainsi
diminuer le risque de PG.

41
Inserm−Actualités

Identification de nouveaux gènes de prédisposition au neuropaludisme


par criblage du génome

Un grand nombre de gènes, non impliqués directement dans la réponse


inflammatoire ou immunologique, pourraient jouer un rôle crucial dans le NP.
L’approche utilisée par Sandrine Marquet sur les familles maliennes ne
concerne que des gènes candidats dont la chercheuse a ciblé la voie ou
l’intérêt au préalable. Pour lever cette contrainte, la jeune chercheuse met en
place un programme de recherche au Soudan, sur des grandes familles
consanguines avec plusieurs cas de NP. « Nous allons utiliser une stratégie
qui s’appelle l’homozygotie mapping, et rechercher des gènes de
prédisposition sur l’ensemble du génome (genome scan) ; c’est une approche
complémentaire de celle utilisée au Mali et qui présente 2 avantages ; c’est
une approche systématique et elle ne nécessite aucune hypothèse sur la
fonction des gènes impliqués dans les mécanismes pathogéniques », précise
Sandrine Marquet. « Nous avons sélectionné une large famille consanguine
très intéressante de 36 membres, dans laquelle sept enfants ont eu un NP. »
L’échantillonnage est terminé, et l’ADN génomique des 36 individus répartis
sur 3 générations (comprenant les 7 enfants atteints de NP, 19 enfants sans
NP et 10 parents) a été obtenu. Une collaboration avec Laurent Abel de
l’unité Inserm 550, a permis de réaliser des analyses statistiques complexes :
une simulation basée sur une cartographie par homozygotie a démontré que
cette famille permettrait d’atteindre une puissance statistique suffisante pour
détecter un gène de prédisposition au NP (Lod score théorique compris entre
4,20 et 9,1 selon la fréquence allélique du marqueur étudié et le nombre de
recombinaison introduit).

Etape suivante de ce projet de recherche : réaliser un génotypage de


marqueurs SNP à haute densité et répartis sur l’ensemble du génome.
Sandrine Marquet a fait le choix d’une cartographie en utilisant un grand
nombre de SNP, méthode plus puissante qu’une recherche avec des
marqueurs microsatellites. Cette stratégie de génotypage de marqueurs SNP
à haute densité s’est révélée efficace dans l’identification des régions
chromosomiques comprenant des gènes à transmission récessive
autosomique rare. Elle a permis d’identifier par exemple le gène causant le
syndrome de « Bardet−Biedl » en utilisant une petite famille. Par le fait que le
NP est une pathologie rare comparé au grand nombre d’enfants infectés par
P. falciparum, il est probable que les loci qui déterminent le neuropaludisme
pourraient être transmis de manière homozygote par descendance aux
enfants atteints et pourraient ainsi être identifiés par cette approche.

S. Marquet a ainsi prévu de génotyper les individus de la famille consanguine


soudanaise avec des marqueurs SNP et de rechercher des régions
homozygotes présentes uniquement chez les enfants atteints de NP. S.
Marquet a déposé une demande au CNG. La région homozygote définie sera
analysée afin de répertorier les gènes existants dans cet intervalle pour
ensuite déterminer les potentiels gènes candidats. Ces gènes seront étudiés
selon un ordre de priorité basé sur la fonction possible de la protéine codée
en fonction des résultats d’expériences précédentes ou d’études in silico. Les

42
Inserm−Actualités

gènes sélectionnés seront séquencés selon l’ordre de priorité défini


précédemment. Cette approche devrait permettre d’identifier un variant
présent à l’état homozygote chez les 7 enfants atteints de NP et responsable
de la pathologie. Les parents devraient être hétérozygotes pour cette
mutation alors que les enfants n’ayant pas développé de NP devraient être
soit hétérozygotes pour ce variant soit homozygotes pour l’allèle normal.
Ce travail sera poursuivi par la recherche de cette mutation d’une part dans
de nouvelles familles consanguines sélectionnées au Soudan et d’autre part
dans les trios sélectionnés au Mali. « Nous pourrons ainsi effectuer de
nouvelles analyses de liaison et analyses d’association familiales afin
d’évaluer l’importance de ce polymorphisme dans le développement du NP.
Huit autres familles consanguines plus petites avec de 2 à 4 cas de NP ont
déjà été sélectionnées au Soudan » poursuit S. Marquet.

Nous suivrons dans Inserm Actualités les travaux de l’équipe de S. Marquet,


dont les premiers résultats devraient voir le jour cette année.

Sandrine Marquet, coordinatrice de l’équipe « Immunogénétique des


infections à Plasmodium falciparum » à l’unité Inserm 399

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui se sont impliquées dans la


préparation et la relecture de ce dossier. A.Marie Drieux

• Le paludisme
• Les interactions hôte−parasite
• Contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires chez P.
falciparum
• Identification de cibles vaccinales et thérapeutiques
• Mécanismes fondamentaux du développement du parasite chez
l’insecte
• Le neuropaludisme

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Le paludisme grave

P. falciparum peut causer des infections asymptomatiques, des accès


simples (fièvre, maux de tête) et des accès graves. Le paludisme grave (PG)
englobe au−moins trois formes cliniques, le neuropaludisme (NP), les
anémies sévères (AS) et les détresses respiratoires, ces formes peuvent être
intriquées chez un même patient.
Il est admis que c’est le stade érythrocytaire qui est à l’origine des
manifestations cliniques. La séquestration des globules rouges parasités
dans les micro−vaisseaux est l’un des facteurs causant le paludisme grave.
Cette séquestration est la conséquence de l’adhérence des globules rouges
infectés qui expriment, à leur surface, des knobs contenant l’antigène
spécifique du parasite (PfEMP−1). Ces knobs facilitent, ainsi, la
cyto−adhérence à la fois à l’endothélium, via des récepteurs spécifiques
(ICAM−1, E−selectine), et aux globules rouges non infectés. Ce phénomène
de séquestration associé et la réponse inflammatoire se produisant dans les
micro−vaisseaux sont impliqués dans l’hypoxie tissulaire qui est à l’origine du
paludisme grave. Le TNF aurait un rôle crucial mais non prouvé dans cette
inflammation.

Physiopathologie du neuropaludisme

• Quelques hypothèses : trouble de la perméabilité vasculaire, mécanisme


immuno−pathologique, coagulation intra−vasculaire et obstruction mécanique
des microvaisseaux, effets métaboliques. L'hypothèse qui est actuellement
considérée comme la plus probable envisage un rôle central pour la
séquestration intracapillaire des érythrocytes infectés par cyto−adhérence à
différentes molécules endothéliales.

• Les diverses souches de P. falciparum sont plus ou moins cyto−adhérentes


à une gamme de récepteurs différents, mais il parait évident que, si la
capacité d'adhésion est effectivement une caractéristique nécessaire, elle
n'est pas suffisante pour expliquer à elle seule l'évolution de l'infection vers
un neuropaludisme. Les effets du TNF dans la régulation et l'augmentation
des récepteurs d'adhérence des cellules endothéliales est un autre facteur
contribuant à la pathogénèse du neuropaludisme chez des sujets
susceptibles. L'état immunitaire est aussi important que les facteurs
génétiques.

• La description de la physiopathologie du NP est basée sur des observations


faites chez des adultes en Thailande et plus récemment chez des enfants en
Afrique : ces donnnées suggère que le neuropaludisme correspond à une
gamme d'entités cliniques différentes.

• Le coma est probablement dû à un défaut d'oxygénation cérébrale, causé


soit par une réduction du flux sanguin et une obstruction mécanique partielle,
soit par une réduction de l'utilisation d'oxygène par le tissu cérébral résultant
d'une inhibition des fonctions mitochondriales par le processus inflammatoire.

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Dans les deux cas, l'hypoxie locale est le facteur déterminant du coma.

• Les complications neurologiques du NP sont réversibles et moins de 10%


des enfants africains présentent des séquelles neurologiques. L'augmentation
de la pression intracranienne est une cause majeure de complications ; de
telles complications se rencontrent dans les formes graves et sont de
mauvais pronostic.

Déterminants génétiques dans le paludisme grave

Plusieurs polymorphismes ont été associés au paludisme grave ; certains tels


que HBS ou HBC, anomalies du globule rouge, ont un effet protecteur contre
le PG. L’étude du locus HLA−TNF, indique que les haplotypes HLA−B53
classe I et HLA classe II protégent contre le PG. Des gènes, codant pour
certaines cytokines ont été associés au PG. Ainsi l’allèle TNF−376A, qui
permet la fixation d’un facteur de transcription OCT−1, a été associé au NP,
et les enfants homozygotes TNF−308A/A ont un risque accru de décéder de
NP. Des polymorphismes dans d’autres gènes (ICAM−1, NOS2 et MBL) ont
été étudiés, mais les résultats restent à ce jour contradictoires.

Publications de l'équipe

Ranque S, Poudiougou B, Traoré A, Keita M, Oumar AA, Safeukui I, Marquet


S, Cabantous S, Diakité M, Mintha D, Cissé MB, Keita MM, Dessein AJ,
Doumbo OK. Life−threatening malaria in African children a prospective study
in a mesoendemic urban setting. Pediatrics Infectious Diseases Immunology
(sous presse).

Cabantous S, Doumbo O, Ranque S, Poudiougou B, Traore A, Hou X, Keita


MM, Cisse MB, Dessein AJ, Marquet S. Alleles 308A and 238A in the tumor
necrosis factor alpha gene promoter do not increase the risk of severe
malaria in children with Plasmodium falciparum infection in Mali. Infect Immun
2006 Dec ; 74 (12) : 7040−2.

Cabantous S, Poudiougou B, Traore A, Keita M, Cisse MB, Doumbo O,


Dessein AJ, Marquet S. Evidence that interferon−gamma plays a protective
role during cerebral malaria. J Infect Dis 2005 Sep 1 ; 192 (5) : 854−60.

Ranque S, Safeukui I, Poudiougou B, Traore A, Keita M, Traore D, Diakite M,


Cisse MB, Keita MM, Doumbo OK, Dessein AJ. Familial aggregation of
cerebral malaria and severe malarial anemia. J Infect Dis 2005 Mar 1 ; 191
(5) : 799−804.

Safeukui−Noubissi I, Ranque S, Poudiougou B, Keita M, Traore A, Traore D,


Diakite M, Cisse MB, Keita MM, Dessein A, Doumbo OK. Risk factors for
severe malaria in Bamako, Mali: a matched case−control study. Microbes

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Infect 2004 May ; 6 (6) : 572−8.

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