J Ivanoff Question Macedonienne
J Ivanoff Question Macedonienne
J Ivanoff Question Macedonienne
macédonienne
au point de vue historique, ethnographique
et statistique
PAR
J. IVANOFF
MEM5RE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES BULGARE
PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE SOFIA
PARIS
En vente à la
LIBRAIRIE J. GAMBER
7, RUE DANTON (Vie)
1920
La Question
macédonienne
au point de vue historique, ethnographique
et statistique
PAR
J. IVANOFF
MEM5RE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES BULGARE
PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE SOFIA
PARIS
En vente è In
LIBRAIRIE J. GAMBER
7, RUE DANTON (VI»)
1920
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U- ^
Préface.
Carte de la Macédoine.
Carte ethnographique de la Macédoine.
I.
rabant) 3 ).
A l'époque romaine et dans les premiers siècles de
l'empire byzantin, la Macédoine faisait partie d'une nou-
velle répartition administrative, mais en général elle con-
tinuait à conserver par intermittence son nom traditionnel.
Au moyen âge, après la grande migration des peuples
et l'établissement des Slaves dans les Balkans, il se pro-
duisit de grands changements politiques et administratifs.
Les traditions de l'antiquité furent interrompues et le nom
de Macédoine, presqu'oublié, ne se conserva que dans la
littérature.
C'est durant la longue domination des Turcs dans les
Balkans que le nom de la Macédoine sort peu à peu de
l'oubli médiéval pour reprendre enfin son sens réel de terme
l
) De rébus turcicis. Ed. Bonnœ, II, 60.
a
) Extraits de son itinéraire, publiés dans le Rad (travaux) de l'Aca-
démie yougo-slave, Zagreb, vol. XLIX. Cf. lretchek, Revue périodique,
vol. IV, p. 73 (en bulgare).
) Cf. Recueil de voyages et de documents pour servir à l'histoire de la
3
l
) MsÀerîou, rewy pacpia TzaXacd re xaî véa. 'Ev Bevezîa 1724,
p. 414.
a
) Ibidem, p. 394.
— 5 —
devait confier à un successeur inconnu qui comblera un
jour le monde opprimé de liberté et de bienfaits.
Sous l'influence de telles réminiscences populaires et
légendes littéraires, la Macédoine, patrie du héros favori,
apparaît de nouveau, cette fois élargie dans ses frontières,
englobant presque toute la péninsule balkanique. Les
écrivains sud-slaves rivalisent pour incorporer leur pays
natal dans « la glorieuse contrée » qu'est la Macédoine,
patrie de leur tsar vénéré. La région d'Andrinople en
Thrace se trouve déjà en Macédoine; la grande bataille de
Tchirmen, en 1371, entre Turcs et chrétiens, fut livrée non
pas en Thrace, mais en « Macédoine »; Nicopol sur le Danube
est une ville de Macédoine, etc. Ecrivains et imprimeurs de
livres de Sofia, Kustendil, Samokov (en Bulgarie), Pod-
goritsa (en Monténégro) se déclarent depuis le XVI e s.
fièrement être natifs des régions macédoniennes.
Vers la fin du XVIII e s. et pendant la première moitié
du XIX e s., l'Eglise même de Constantinople permettra
aux évêchés de ressusciter le nom de Macédoine dans leurs
titres épiscopaux. Ainsi le métropolite de Monastir (Byto-
lia) est appelé « Exarque de toute la Macédoine bulgare »;
lyrie 2
» ). Le naturaliste allemand
Grisebach ne diffère
pas de l'opinion des savants français en ce qui concerne la
délimitation de la Macédoine du nord. Dans la moitié sep-
tentrionale de ce pays (« die nôrdliche Hàlfte von Maze-
donien »), il place les villes et les districts suivants Scopié, :
x
) Voyage militaire dans l'empire ottoman. Paris 1829, p. 208.
2
) Voyage en Morée, à Constantinople, en Albanie pendant les années
1798, 1800 et 1801. Paris 1805, vol. III, p. 241.
3
) Reise durch Rumelien und nach Brussa im Jalire 1839. Gôttingen
1841, vol. 65 à 66.
II, p.
4
) La Turquie d'Europe. Paris 1840, vol. I, p. 177 à 198.
s
) Ibidem, vol. II, p. 339.
Ryla monts Borax, Pétrina, Spyri-
et Char; à l'ouest, les
dion, etc.; au sud, les monts Cambouniens, l'Olympe et
la mer Egée 1 ). Le savant grec M. G. Dimitsas rattachait
en 1870 à la Macédoine ainsi délimitée et l'Illyrie, jusqu'à
la mer Adriatique dans ce cas, il suit les frontières données
;
1
) Les Turcs et
la Turquie contemporaine. Paris 1859, vol. I, p. 17.
2
'Apyaia yscjfpacpca ttjç Maxedovîaç. Mépoç Tipœzov
) Xcopo- :
J
) Archives du Musée ethnographique de Sofia, document n° 5080.
2
) J. Ivanoff,Les Bulgares en Macédoine, p. 269.
3
) Ibidem, p. 282.
*) Ibidem, p. 296.
— 9 —
Vardar et la Bystritsa déversent leurs eaux. Dans la même
mer, se déversent aussi les lacs et les marais du pays, ceux
de Pravichta, de Zirnovo, de Tachynos, de Boutkovo, de
Doïran, de Lagadina, de Bechik, d'Ardjan, d'Amatovo,
d'Enidjé-Vardar, d'Ostrovo, de Pétersko, de Castoria, de
Katlanovo près Scopié, etc. Les eaux du lac de Prespa se
perdent dans des gouffres souterrains, et le lac d'Okhrida
seul verse ses eaux par le Drin dans la mer Adriatique.
A cet ensemble géographique de la Macédoine corres-
pond une unité économique bien définie. Depuis les temps
les plus reculés, le golfe de Salonique a été le débouché
principal, sinon unique, du commerce de cette vaste pro-
vince. La ville de Cavalla qui n'est pas encore reliée par
chemin de fer à son arrière-pays, d'ailleurs peu étendu, ne
pourrait guère jouer le rôle d'un port comme Salonique, que
la nature elle-même a favorisé. Ce n'est pas en vain que les
anciens saluaient la ville de Salonique comme « mère de la
Macédoine ».
Donc, si l'on voulait tracer la frontière de la Macédoine
suivant la ligne de partage des eaux, elle devrait passer, en
commençant par le Ryla, par le Moussallah, le défilé de
Beltchine, la Véryla, la Vitocha, le Luline, le Visker, le
Stréchère, la Patéritsa, la Bélianitsa, le Rouène (de Kou-
manovo), la stationde Préchovo, la crête de la Forêt-Noire
près Scopié, Férizovo, la Nérodimska-Planina, la crête de
Tsernolévo vers le sud, le Prévalets, la crête du Char et de
la Roudoka, la Bystra, la Yama, le Stog, le Slivovsky-
Préval, le Pétrino, la Galitchista, la Zvezda, le Gramos, le
Pinde, la ligne de partage des eaux de la Bystritsa, l'O-
lympe, le littoral égéen, l'embouchure de la Mesta jusqu'à
la station d'Oktchilar, le Rouyan-Planina, le Kouchlar-
Dag, le Dospat, les Dospatsky-Hanové, le Belmekène, le
Ryla.
Pour des raisons politiques, économiques ou culturelles,
certaine confins de cette Macédoine géographique ont dû
subir quelques modifications. Tel fut le cas pour le district
— 10-
de Kustendil, comprenant le bassin supérieur de la Strouma.
Lors de la constitution de la principauté de Bulgarie en
1878, ce district lui fut annexé. Depuis ce temps, la fron-
tière septentrionale de la Macédoine est restée la ligne
— —
Ryla Ossogovo au lieu de Ryla Vitocha Ossogovo. —
Quant à la région d'Okhrida et du Haut Dèbre, quoique
appartenant géographiquement au bassin du Drin, elle a
été depuis longtemps considérée comme faisant partie de
la Macédoine. Les raisons d'ordre économique et ethno-
graphique décidaient. C'est la crête de la montagne, à
l'ouest d'Okhrida, qui constitue la limite des deux races,
bulgare et albanaise; elle sert également de limite principale
entre les agglomérations chrétiennes et musulmanes. De
plus, le manque de communications avec l'Albanie, peu
accessible, et les relations économiques d'Okhrida et Dèbre
avec le grand centre de commerce intérieur qu'est Monastir,
ont dicté de tout temps le rattachement de ces confins
à la Macédoine.
De nos jours, c'est dans ces limites notamment qu'est
comprise la Macédoine par les hommes d'Etat, publicistes
et par tous les savants qui se sont occupés des questions
balkaniques, tels: C. Iretchek, Louis Léger, V. Bérard,
Léon Lamouche, G. Weigand, P. Milukoff, N. P. Konda-
koff, Arthur Evans, Lubor Niederle, T. D. Florinsky, R. von
Mach, A. Jensen, etc. Parmi les peuples balkaniques, les
Bulgares et les Roumains ont admis ces mêmes limites
naturelles de la Macédoine, soit dans les travaux de leurs
savants et publicistes, soit dans la terminologie politique et
dans les dénominations des subdivisions des provinces bal-
kaniques. Les populations macédoniennes elles-mêmes, les
Turcs exceptés, désignaient du même nom de Macédoine
le pays qu'ils habitaient.
1
) Le célèbre ethnographe serbe, Vouk Karadjitch, considérait le Char
comme frontière nord de la Macédoine et la ville de Scopié comme ville
macédonienne. Cf. son dictionnaire classique, s. v. Scoplié.
2
) Remarques sur l'ethnographie de la Macédoine, par J.C vijié, 2 e édition
augmentée d'une carte de la Vieille Serbie. Paris 1907.
3
Carte ethnographique serbe avec les limites méridionales de la Vieille
)
2
) G. Chassiotis, L'instruction publique chez les Grecs. Paris 1881.
c
a
) 7/ Maxedovia xal aï jUETappudfiyaeeç. Ï7rôjui<iç/ia roû èv
\46fjvacç Maxeoovcxou Z'Môyou. Adrjvqat 1903.
— 13 —
grecs les vilayets de Salonique et de Monastir qui consti-
tuent la vraie Macédoine 1 ). »
Les Grecs.
av. J.-C, elle imposa son nom aux autres tribus annexées
du nord-est, notamment aux Péoniens, aux Illyriens, aux
Agrianes et aux Mèdes.
Au VII e s. av. J.-C. apparaissent les premières colonies
grecques dans la Macédoine méridionale. Les guerres civiles
à Athènes et à Sparte entraînèrent une expansion colo-
niale. Les partis vaincus furent obligés de s'expatrier. C'est
à cette époque que la presqu'île de Chalcidique, au sud-est
de Salonique, fut colonisée par les Grecs. Ils y fondèrent
quelques villes dont les plus importantes étaient Olynthe,
:
a
) Historia Arcana. Ed. Bonnae, p. 108.
2
) Migne, Patrologia grœca, t. CXXVII, col. 189.
— 18 —
barbare L'hellénisme implanté depuis des siècles en
x
» ).
J
) Cedrenus. Ed. Bonnse, II, p. 460.
2
) ^Hfielç ai Ttdvreç ix (PdŒTzoùnoXeœç bpficbfieda, xadapol zb
yévoç ^Pœfiatoc. G. Acropolita. Ed. Bonnse, p. 82. Cette assertion est à
moitié vraie, parce que dix ans plus tard, en 1255, à Melnik, éclata une
insurrection bulgare sous la conduite du voïvode Dragota.
— 20 —
qu'ils ont coutume d'employer. L'ancienne colonie grecque
du Pangée se vit ainsi renforcée par le voisinage de nou-
veaux conationaux. Sous le Paléologues, au XIII e et au
XIV e s., on restaura les murs et les tours de Salonique, ainsi
que toute la citadelle. On y bâtit de nouvelles églises et on
restaura les anciennes.
gare de telle sorte qu'on ne sait pas qui est Grec et qui Bul-
gare. On y parle le grec et le bulgare et surtout le turc») 1 ).
Par le Hatti-Houmaïoun de 1856, le sultan consacra le
droit de nationalité dans ses Etats. C'est depuis lors qu'à
Salonique aussi le sentiment national bulgare se ressaisit.
La constitution d'une communauté religieuse bulgare, l'ou-
verture d'écoles et d'églises bulgares formèrent un obstacle
sérieux à la grécisation ultérieure. L'hellénisme ne pouvait
donc plus songer à de nouvelles recrues; il dût se borner à
consolider les positions acquises et à raffermir la conscience
grecque d'une population hésitante encore dans son senti-
ment national.
a
) Vie de Ghérassime Zélitch. Belgrade 1897, vol. I, p. 111 (en serbe).
- 23 —
La propagande grecque intensifia ses efforts surtout
autonome bulgare
après la constitution, en 1870, d'une Eglise
et la formation, en 1878, d'une principauté bulgare. A part
les huit écoles primaires, les Grecs possédaient à Salonique,
avant les guerres balkaniques, deux gymnases, l'un de
garçons et l'autre de jeunes filles, et une école de com-
merce, celle de Marasli (un Bulgare grécisé), fréquentées
par 2000 élèves. La ville est entourée de villages bul-
gares qui, près de Galik, descendent vers les rivages de la
mer. Dans ce cercle bulgare, la culture grecque et le voi-
sinage de la ville implantèrent fortement le grécisme seule-
ment dans les quelques villages suivants Kolakia, Kapou-
:
x
) M. reoeœv, "Eyypayo. Tiarpeap^uà xat a'jvodcxà Tzepl zoiï
BouXyaptxdb ÇyTïjjuaroç. "Ev KœvazavrtvouTzblzt 1908, p. 484, 488, 507,
508, etc. — Les rapports de A. Saktouris, consul de Grèce, à Serrés, au
Ministre des Affaires étrangères à Athènes, de 1909. — La liste des villages
bulgares du diocèse de Serrés en 1915 envoyée au ministère des Affaires
étrangères à Athènes par le métropolite de Serrés, Apostolos. Cf. Ghéorghieff
et Chichkoff, Les Bulgares dans la plaine de Serrés, passim. — J. Ivanoff,
La région de Cavalla. Berne 1918, p. 32 à 34, 70 à 76.
- 29 —
Voltchichta, Kormichta, Vitatchichta, Mochtian, Pravichta,
Tchista, etc.
Cavalla comptait à la veille de la guerre balkanique
9000 personnes de population grecque. Le reste, plus de la
moitié, était composé de Turcs, Israélites et Bulgares. Dans
le district de Cavalla il n'y a aucun village grec. Ces villages
sont principalement turcs et quelques-uns bulgares-maho-
métans. Il y a cent ans, Cavalla était une petite ville de 3000
habitants presque tous turcs, comme l'atteste le consul fran-
çais de Salonique, Félix de Beaujour 1). Dans un rapport du
vice-consul de Grèce à Cavalla, du 2 avril 1906, au Ministre
des Affaires étrangères à Athènes, on lit: «La population
compacte et florissante de Cavalla qui s'élève à plus de
10,000 personnes 2 ) .... Toutefois, les Bulgares s'opiniâ-
trent indubitablement à préparer le terrain pour leur œuvre
nationale à Cavalla. D'après les renseignements puisés
à bonne source, les Bulgares demeurant ici sont au nombre
de 1000 environ. Cette évaluation est aussi reconnue
comme exacte par le vicaire général qui a surveillé de près
le dernier recensement des habitants et avec le concours
1
) J. Ivanoff, Les Bulgares devant le Congrès de la paix, 2 e édit., p. 228.
2
) Ibidem, p. 230, 231.
3
) Ibidem, p. 235.
*) V. plus haut, p. 19.
— 31 —
gare. Ils habitent la bourgade de Melnik, au nombre de
x
) J. Ivanoff, Les Bulgares devant le Congrès de la paix, 2 e édit., p. 255.
— 32 -
lieu . . . Nous devons nous rendre compte que l'Angleterre
s'indispose de jour en jour davantage contre nous, à cause
des actes que les nôtres commettent dans le rayon de
Drama » ). Par une dépêche secrète, reçue le 21 novembre
1
4
) Ibidem, p. 237.
— 33 —
rompue de l'élément grec de la Thessalie. Aux XIV e et
XV e s.,l'élément bulgare peu nombreux de la Thessalie se
maintenait encore. Pendant la domination turque il dut
céder devant l'invasion de l'hellénisme. Ce dernier couvrit
encore la vallée de Bystritsa. Les vieilles colonies grecques
des villes de Verria et de Castoria contribuèrent à ce succès,
de même que le petit groupe rural du Roumlouk, aux en-
virons de Ghida et Klidi.
L'hellénisme envahissant reçut un coup sensible en
1821, au temps de l'insurrection grecque. Entre autres, la
ville florissante de Négouch (Niagousta), entre Vodéna et
Verria, souffrit particulièrement: la ville fut incendiée et
ses habitants dispersés. Un autre obstacle à la poussée
grecque vers le nord fut le grand groupement turc de Sary-
Gheul qui tenait depuis le lac d'Ostrovo jusqu'à la Bys-
tritsa moyenne. Un troisième obstacle furent les villages-
fermes bulgares au nord-est de Verria dont la terre appar-
tenait aux beys turcs. Ces beys défendaient les paysans
contre la propagande grecque. La région bulgare de Cas-
toria se montra particulièrement tenace. En dépit de l'in-
fluence du clergé et des écoles grecs et malgré la colonie
grecque de la ville de Castoria, la population rurale est
restée jusqu'à nos jours fidèle à ses traditions et à sa langue
maternelle, représentant un des dialectes les plus anciens de
la langue bulgare.
La frontière nord de l'élément grec, entre Salonique
et Castoria, avant la guerre balkanique de 1912, était la
suivante: De l'embouchure du Vardar elle suivait son af-
fluent Kara-Azmak jusqu'au grand marais de Enidjé- Var-
dar, puis elle tournait au sud vers la ville de Verria. Toute
cette région entre le marais de Enidjé- Vardar et la Bys-
tritsa, est connue sous le nom de « Roumlouk » c'est-à-dire
pays peuplé de Grecs (Ouroum). Au nord du Roumlouk,
est située la région des agglomérations bulgares, connue
sous le nom de « Voulgarokhor », c'est-à-dire pays peuplé de
Bulgares. La ville de Négouch avait déjà une population
3
„__ 34 —
bilingue gréco-bulgare. En quittant la ville de Verria, dont
la population chrétienne était grecque et koutso-valaque,
la ligne suivait au sud le cours d'eau de la Bystritsa, puis
quittait la rivière pour se diriger à l'ouest vers la ville de
Kojani et au nord jusqu'au lac de Castoria. A partir de ce
point, prenant une direction sud-ouest, elle aboutit au
Mont Gramos où se touchent quatre éléments: Bulgares,
Albanais, Grecs et Koutso-Valaques.
Au nord de cette ligne l'élément grec n'existe pas. Les
soi-disant «Hellènes» des villes de Vodéna et de Florina
sont Bulgares de race et de langue maternelle. A l'é-
poque turque, une partie de leurs habitants se trouvaient
encore sous la dépendance ecclésiastique grecque et étaient
obligés de fréquenter les écoles grecques. Les Grecs les
faisaient passer officiellement pour des « Hellènes ». A
Monastir (Bytolia) même, il n'y a que sept familles purement
grecques, toutes immigrées de la Grèce et de l'Epire. x) Tous
les autres «Hellènes» de Monastir sont des Koutso-Valaques
et des Bulgares reconnaissant la juridiction spirituelle du
Patriarcat grec. Avant le schisme religieux gréco-bulgare, les
Grecs ne cachaient pas la vérité sur Monastir. Dans le très
consciencieux ouvrage historico-géographique de P. Ara-
van tinos, on lit ce qui suit: « Pélagonie, ancienne ville et
région en Macédoine. Dans cette contrée, est située la ville
nouvelle de Bytolia, appelée encore Monastir et peuplée de
20,000 habitants . . . Ses habitants chrétiens parlent princi-
palement la langue bulgare. » (oî ^pcanavol xàxoaoi zyç
2
Démétrios Epaminondas, médecin; Georges Apostolidès, médecin;
)
*) Documents pour
l'étude de la Bulgarie. Bucarest 1877 (en russe).
a
Esquisse topographique et ethnographique de la Macédoine. Pétro-
)
Les Bulgares,
x
) De 578 à 582.
x
Johannes von Ephesus, Kirchengeschichte. Aus dem Syrischen von
)
a
) Thcoph. Simocatta. Ed. Bonnse, p. 323.
2
) . . . 2/Àaflrjvol xal "Avzac, o? ôxep norafibv "forpov où fiaxpov
rrjÇ èxdvTj O^Oyç ïdpvvzat. Procopio di Cesarea, La guerra gotica. Ed.
D. Comparetti, vol. I, p. 187.
3
) "EOvï] zà 'Avzcov àpLerpa ïdpuvrcu. Idem, ibidem, vol. III, p. 23.
— 43 —
cultivaient la terre (tous àypoùç) 1 ). En outre, ils étaient
organisés en tribus et avaient leurs princes. Au cours du
VI e s., ils commencèrent, en vue de pillage, leurs incursions
dans les provinces byzantines, au sud du Danube; mais
aussitôt qu'ils avaient ramassé du butin et pris des esclaves,
ils rentraient chez eux.
C'est Byzance elle-même qui, la première, permit aux
Slaves daciens de s'installer dans les terres au sud du Da-
nube. Afin d'obvier aux inconvénients d'attaques inces-
santes, les Byzantins eurent recours, entre autres, au
moyen bien connu à Rome et à Byzance de se faire des
alliés (fœderati) même des barbares qui menaçaient l'em-
suppose que Turris est la ville actuelle de Pirot, à l'ouest de Sofia. Cepen-
dant, la note de Procope: elç Tiàhv àp%acav, Toùppcv ôvojua. 9] xûvat
fûv D7tep Kozapbv "Iavpov (La guerra gotica, II, 295) indique la position
de cette ville quelque part au delà du Danube.
— 44 —
des nouveaux venus, les Arabes, grossirent le nombre des
ennemis de l'empire. C'est alors que la Byzance d'Europe,
occupée en Perse, Syrie et Egypte, devint l'arène de puis-
santes attaques et de pillages de la part des Slaves, Avares
et autres, attaques qui se portèrent jusqu'aux portes même
de Constantinople et en Péloponèse. C'est alors également,
c'est-à-dire dans la première moitié du VII e s., que s'effec-
tua la plus grande colonisation définitive des Slaves au sud
du Danube. Tous les documents contemporains en témoi-
gnent; tels, par exemple, la chronique d'Isidore de Séville
et de son continuateur, la géographie arménienne, dite de
Pseudo-Moïse de Khoréné, les actes de St-Démétrius de
Salonique, etc.
l
) Une unité linguistique slave n'existait pas non plus à l'époque de la
patrie commune des Slaves. Le connaisseur le plus attitré en matière de philo-
logie paléoslave, le professeur Jagié, conclut ainsi ses recherches sur cette ques-
tion: «Il est plus que vraisemblable, on peut même dire qu'il est certain, qu'à
l'époque préhistorique de la langue slave, alors qu'on pourrait supposer une
prélangue slave, existaient déjà pas mal de différences de dialecte. Il n'y eut
pas unité de langue paléoslave sans dialectes. » (Einige Streitfragen. 3. Eine
einheitliche slavische Ursprache? Dans l'Archiv fur slavische Philologie,
XXII, p. 38).
- 45 -
Danube et les Karpathes, y restèrent. En revanche, ceux
qui habitaient entre les Karpathes et la mer Noire traver-
sèrent le Danube pour uns en Mésie et en
s'établir, les
Thrace, les autres en Macédoine, Thessalie, Péloponèse et les
îles égéennes. La colonisation s'effectuait par tribus; ces
x
) du peuple serbe. Belgrade 1910, 2 e édit., p. 32 (en serbe).
Histoire
2
) Dans
Géographie arménienne, la Thrace englobait aussi la Mésie.
la
Cf. Géographie arménienne du VII e s. Texte et traduction. Publié par K. Pat-
kanoff. Pétrograde 1877, p. 18 à 22.
5° —
Lorsque le prince Asparoukh passa au sud du bas
Danube, en 679, et fonda l'Etat bulgare dans la Mésie infé-
rieure, il trouva sept tribus slaves qui y étaient déjà ins-
tallées {SxXaocvœv idvcov ràç hfofièvaç Itctù. yevedfg); une autre
tribu slave, les Sévères, s'était établie plus au sud, dans
les cols du Balkan oriental ).
3
6° — Les Slaves
dans leur nouvelle patrie en Mé-
établis
sie, en Thrace et en Macédoine, conservèrent pour long-
x
) Dans une charte du bulgare Constantin Assen de 1277, on lit:
roi
« Dans de la ville de Scopié».
la Terre inférieure, sur la colline Virpino, vis-à-vis
— (G. A. Ilinsky, Chartes des rois bulgares. Moscou 1911, p. 15, 112, en
russe.) L'appellation « Terre inférieure » est conservée de nos jours encore
chez les Bulgares de Macédoine pour désigner la contrée s'étendant depuis
Ostrovo et Vodéna jusqu'à Salonique.
2
) Recueil du ministère de l'Instruction publique, vol. VI, p. 328 (en
bulgare). — J. Ivanoff, Antiquités bulgares en Macédoine, p. 145.
)
3
Theophanes, Chronographia. Ed. de Boor, p. 358, 359. — Nicephori
Breviarium. Ed. Bonnae, p. 40.
— 48 —
Ainsi le nom de la tribu russe « les Sévères » rappelle
celui des Sévères {Zèftspecç) établis avant 679 sur les cols
orientaux du Balkan. La tribu russe des Smolianes nous
rappelle la tribu du même nom, installée en Macédoine
orientale et en Thrace de sud-ouest. Les Drégovitchs russes
(dans Constantin Porphyrogénète Apoufoopizac) portent
:
qui, au VI e et X
e s., habitaient au nord-ouest de Saloninbe,
h (y) i
i\i (cht) é
mn (jd) dj
S (dz) z
Voici quelques exemples, dont la plupart sont tirés des
documents grecs concernant les noms de localités et de
x
) Pour plus de Die slavischen Elemente im Ma-
détails, Cf. Miklosich,
gyarischen. Wien (Denkschriften der Akademie der Wissenschaften,
1872.
XXI). —
Miklosich, Die slavischen Elemente im Rumànischen. Wien
1868. (Denkschriften der Akademie der Wissenschaften, XII). — O. Asbot,
Quelques notes, etc. (Bulletin de la section linguistique et littéraire de l'Aca-
démie des sciences à Pétrograde, vol. VII [1903], livre IV, p. 246 et suiv.).
— A. Byhan, Die alten Nasalvokale in den slavischen Elementen des Ru-
mànischen (Fùnfter Jahresbericht des Instituts fur rumànische Sprache zu
Leipzig. Leipzig 1898, p. 298 et suiv. —
A. I. Yatsimirsky, Les emprunts
slaves dans le roumain (Recueil d'études dédié à Lamansky, vol. II, p. 792,
819, en russe). — A. 1. Recueil dédié à A. I. Sobo-
Yatsimirsky, dans le
levsky par ses élèves et ses admirateurs. Pétrograde 1905 (en russe).
) Cf. « Glas » de l'Académie des sciences de Belgrade, vol. LUI, 14.
a
— 51 —
personnes en Macédoine slave: Le prince de la tribu
slave des Rynchiniens, à l'est de Salonique, est nommé
nspfioùvdoç (Ilp-kÔAHt, sh ou n ) dans les Actes de St-Dé- =
métrios de Salonique du VII e s. 1). Dans une charte de
982, relative à l'achat de terres en Chalcidique, les témoins
slaves portent les noms: Nicolas Tou Aedvxou (J]/btko,
-b =
eâ), Antoine Pw^xd^va (PAiKaBHHa, x* = o n ),
Basile, Stoïmir, Vlassi Vladko ). La charte de l'empereur
2
d'Okhrida, de la fin du XI e s.
Bpayal-qviz^a (Ep'ferajibHHiia,
:
•fc = â, b = i)
5
). La grande ville macédonienne de
Monastir, qui porte le nom slave de Bytolia (BbiTOJiia),
x
) Tougard, De 148 et passim.
l'histoire profane, p.
2
) Macédoine, p. 22.
J. Ivanoff, Antiquités bulgares en
Moscou 1871, p. 259 et suiv. (en russe), et plus tard par H. Gelzer dans By-
zantinische Zeitschrift, vol. II (1893), p. 42 à 46.
*) Dans G. Cedrenus, Hist. Compendium, passim.
5
) Historia martyrii XV t. CXXVI, col. 201.
martyrum. Patr. graeca,
6
) Tomaschek, Zur Kunde
der Hâmus-Halbinsel. Wien 1887, Teil II, 73.
7
) Historia rerum in partibus transmarinis gestarum. Patr. latina,
t. CCII, col. 783.
— 52 —
-fe = eâ), Mnpsaovix (Bp È3HHKT>,
,
'fe = eâ), BedXrjv (E-ejihh'L,
£ = eâ) ). Démétrios Chomatiane, au commencement
1
x
) En Dalmatie, à l'est de la ville de Spliet (Spalato).
2
) De Thematibus, 30, 32.
- 55 —
dans l'intérieur du pays, un peu loin du Danube et de la
mer, dans les vallées des fleuves Lim, Ibar et Morava oc-
cidentale. » Ou encore « Le pays des Serbes proprement
:
) C. Jirecek, Geschichte der Serben. Gotha 1911. Vol. I, 9, 10, 120. (Le
x
x
) Tougard, p. 118 et suiv. — Theophanes, Chrono-
De l'histoire profane,
graphia. Ed. De
Boor, p. 347, 364, 430. —
Joannes Cameniata, De excidio
Thessalonicensi. Ed. Bonnse, p. 495, 496, 514.
— 57 —
fusion des vainqueurs et des vaincus, la horde relativement
petite des « Prébulgares » d'Asparoukh fut engloutie par
les Slaves, et à la place des appellations locales des tribus,
les Slaves adoptèrent le terme politique unifié des vain-
queurs «Bulgares», tout en conservant leurs particularités
ethniques et la langue slave, à l'instar de la fusion des
Francs en Gaule, des Variagues (« Russes ») en Russie, etc.
Tant que dura le processus d'assimilation, les Slaves se dé-
nommèrent souvent différemment des Prébulgares » leur << ;
c
I(7Topecov -fj SaujuaoTT], xal Çsvœv poazoypdcfoç'
e
'Odev xal yapiOT-qpca, Tidvzoiv BooÀydpœv Idvq,
loi âià KùpdXov zbv obv, abv xaatfvqzœ 6ùec.
— 62 —
Dans le même ordre d'idées, les tsars bulgares considé-
raient comme un devoir sacré de veiller à la sécurité du nou-
veau culte, de fonder des monastères, de bâtir des églises et
d'accorder leur protection aux pères de l'Eglise et aux écri-
vains religieux. Déjà le premier souverain bulgare chrétien,
x
) L'œuvre apostolique et littéraire de Clément parmi les Bul-
gares de Macédoine est décrite magistralement par un Grec, l'archevêque
Théophylacte Bioç xac noforsia, etc. (édit. de Fr. Miklosich, de Migne, etc.).
:
2
) Cf. «La vie de Naoum», du X e
s., découverte au Mont Athos par l'au-
teur de ce livre: J. Ivanoff, Antiquités bulgares en Macédoine, p. 50 et suiv.
— 63 —
Au moment même où, en 1018, Byzance fit main basse
sur la Macédoine, le bulgarisme y au point de
était si fort
vue ethnique et moral, que le vainqueur fut obligé de main-
tenir l'autonomie intérieure du pays et ses droits ecclésias-
tiques. A cet effet, la ville de Scopié fut désignée par les
Byzantins comme capitale des ducs de Bulgarie et Okhrida
comme siège de l'« Archevêché de toute la Bulgarie »; l'exis-
tence de cet archevêché s'est prolongée durant sept siècles
et demi, depuis 1018 jusqu'en 1767, et a fait de la ville
d'Okhrida le sanctuaire le plus vénéré de la patrie bulgare.
L'archevêché bulgare d'Okhrida avait sous sa juridiction
une trentaine d'évêchés, entre autres ceux de Monastir,
Castoria, Scopié, Vélès, Vodéna, Stroumitsa. Les arche-
vêques, quoique Grecs pour la plupart, maintenaient l'au-
tonomie de l'Eglise bulgare et respectaient les privilèges
qui lui avaient été octroyés par l'empereur Basile II. Ils
reconnaissaient tous le caractère bulgare du pays et por-
taient avec une certaine fierté le titre d'« archevêques bul-
gares». Théophylacte, à la fin du XI e s., protesta énergique-
ment contre le Patriarcat grec de Constantinople qui avait
tenté de s'immiscer dans les questions d'ordre religieux en
Macédoine: «Il n'a rien à faire avec les Bulgares,» disait-il.
«Il n'a pas le droit d'ordination dans ce pays, qui possède son
190, 272.
2
) dans G. Cedrenus, Historiarum compendium. Ed. Bonnse,.
J. Skyîitzes
II, 527. —
B. Prokié, Die Zusâtze in der Handschrift des Johannes Skyîitzes,
codex Vindob. hist. Graec. LXXIV. Mùnchen 1906, p. 35 à 36.
— 65 —
Bulgares, fut libérée du joug byzantin. Grâce aux troupes
mercenaires normandes,l'insurrection fut étouffée; le chef
des Normands, Haraldus, est glorifié plus tard dans les
chansons Scandinaves sous le titre de « Bolgara brennir »
x
) V. Makoucheff, Les archives italiennes (Cf. le supplément au vol. XIX e
des Mémoires de l'Académie des sciences russe. Pétrograde 1871, n° 4, p. 13,
en russe).
2
) Monumenta slavorum meridionalium. Zagrabise 1870, vol. II, p. 278.
— S. Novakovitch, Le code de Stéphan Douchan. Belgrade 1898, p. 3 (en
serbe). — S. Novakovitch, Monuments juridiques. Belgrade 1912, p. 708 (en
serbe). — Miklosich, Monumenta serbica, p. 124, etc.
— 70 —
noïévitch, professeur d'histoire serbe à l'Université de Bel-
grade, décrit ainsi la situation dans la Serbie d'alors: « Du
vivant de Douchan, le pouvoir central et l'autorité du sou-
verain étaient solides; il était donc possible d'y maintenir
l'ordre et d'obliger les partis centrifuges et les éléments
séparatistes d'associer leurs intérêts et leurs tendances à
ceux de l'Etat. Il y en avait assez, de ces intérêts et de ces
tendances, vu que le royaume de Douchan était composé
d'éléments différents par leur nationalité, religion, tradi-
tions, culture et tendances politiques. Le roi Douchan
n'avait ni le temps, ni le talent, ni la force de niveler ces
éléments. Sa personnalité seule maintenait cette hétérogé-
néité et empêchait la décadence. Après sa mort, sous le
—
règne de Ouroch (1355 1371), prince faible, sans volonté,
ni énergie, sans talent, ni autorité, la dislocation com-
mença son œuvre .... Certaines parties n'étaient pas
encore solidement inféodées au centre créateur du royaume
de Douchan; les différentes provinces de ce grand Etat
n'avaient pas pu s'amalgamer en si peu de temps, s'adap-
ter aux mêmes intérêts, tendances et idéaux. Dans cer-
taines de ces provinces, on n'avait pas encore pu effacer
les traces d'autres groupements politiques, d'autres sphères,
d'autres influences culturelles, politiques et religieuses, et,
1
) L. Stoïanovitch, Inscriptions et notes vieilles serbes, Belgrade, n° 645,
751, 806, 843, 1202, 1749. — « Spoménik » de l'Académie des sciences serbe,
LI, p. 106, 110.
2
) 1. S. Yastréboff, Contributions à l'histoire de l'Eglise serbe. Belgrade
1879, p. 83 (en serbe).
3
) « Spoménik », XXXVIII, 73.
La domination turque.
à Elbassan l'albanais,
à Tikvech 1) le bulgare.
Le plus grand nombre des Pomaks embrassèrent l'is-
lamisme au XVI e s., au temps où, aux fins de consolider
l'empire, les sultans avaient turcisé systématiquement.
La turcisation fut très puissante encore au XVII e s. et vers
le début du XIXe s. elle disparut. Dans
Annales bul- les
gares relatives aux événements des XVI e et XVII e s.,
on lit
entre autres « Le sultan envoya en Macédoine son Grand
:
x
) Région de la Macédoine centrale, peuplée de Pomaks.
— 77 —
Il y a en Macédoine environ 300 villages pomaks, dont la
La renaissance bulgare.
Les champions macédoniens.
Exposé aux vexations des Turcs, tenu dans l'ignorance
par le clergé grec, leBulgare ne put songer à son réveil
national qu'au XIX e s. seulement. Quoique venu le dernier
sur l'arène du progrès moderne, grâce à son goût au travail
et à la ténacité de race, il a su réaliser des progrès et devan-
cer même l'élément dominant. Le Bulgare inaugura sa
renaissance par la diffusion de l'instruction du peuple en
langue populaire et par l'affermissement du sentiment na-
tional. L'étape suivante était marquée par une lutte contre
le clergé grec pour l'indépendance religieuse bulgare. De
cette lutte de 40 ans, le Bulgare sortit vainqueur: en 1870,
l'Eglise nationale bulgare fut constituée. Les décades sui-
vantes furent consacrées à l'émancipation politique du ré-
gime turc. Cette ère de révoltes et les insurrections en masse
de l'élément bulgare ne prirent fin qu'avec l'écroulement du
pouvoir turc en Macédoine, en 1912. Et dans toutes ces
trois manifestations nationales: instruction, luttes reli-
gieuses et luttes politiques, le cœur du Bulgare macédonien
battait à l'unisson et simultanément avec celui de ses con-
génères de Thrace et de la Bulgarie danubienne. Le plus
souvent même, l'initiative partait de la Macédoine bulgare
dont les fils éclairés devinrent les vrais précurseurs de la
renaissance bulgare.
Bien des circonstances contribuèrent au réveil national
des Bulgares en Macédoine, entre autres: les guerres de
la Russie et de l'Autriche contre la Turquie, le déclin rapide
de la Turquie, les insurrections serbe et grecque, la pros-
— 79 —
périté économique de la population bulgare du XIXe s.
l
) Païssi, Histoire slavo-bulgare, écrite en 1762. Publiée d'après l'ori-
ginal découvert au Mont Athos par J. Ivanoff. Sofia 1914.
— 84 —
christianisme et ont occupé de vastes territoires. Les pre-
miers saints slaves, d'autre part, sont sortis du peuple bul-
gare. Mais pourquoi, ô insensé, as-tu honte de ta race et
te laisses-tu traîner après une langue étrangère ? Ou bien r
direz-vous, les Grecs sont plus ingénieux et plus civilisés que
les Bulgares simples et n'ont pas des mots habiles
sots, qu'ils
à belle enseigne, qu'il vaut mieux suivre les Grecs. Regarde
donc, ô insensé, il y a beaucoup de peuples plus subtils et
plus glorieux que les Grecs; est-ce que pour cela quelque
Grec abandonne sa race, sa langue et son enseignement
comme tu le fais, ô insensé, sans en tirer un profit quel-
conque? Bulgare! ne te trompe pas, aie conscience de
ta race et de ta langue, fais ton enseignement en bulgare:
la simplicité et la bonne foi bulgares dépassent la finesse
grecque .... »
L'appel de Païssi retentit dans tous les coins du pays
bulgare et surtout en Macédoine. En effet, c'est la Macé-
doine qui vit naître les premiers fervents disciples du moine
du Mont Athos, les disciples rejetèrent la langue grecque
imposée jusqu'alors et commencèrent les premiers en pays
bulgare à imprimer des livres dans le dialecte populaire.
Tel, Hadji Yakim Kirtchovsky de Kitchévo, maître d'école
dans différentes localités de la Macédoine et premier écri-
vain bulgare, qui se servit du bulgare moderne dans ses
publications de 1814, 1817, 1819. Son premier livre, paru
à Budapest en 1814, porte le titre: «Nouvelle du terrible
et second avènement du Christ, tirée de divers écrits saints
et traduite dans la plus simple langue bulgare, à l'usage des
gens simples et des incultes ». Tous ses ouvrages, consacrés
à des sujets religieux et didactiques, étaient édités aux frais
des Bulgares de Macédoine, des districts de Kratovo, Chtip,
Palanka, Scopié, Koumanovo, Radovich, Stroumitsa, Vélès,
Monastir, Dèbre, etc.
Son plus jeune contemporain, Cyrille Peytchinovitch
de Tétovo (Macédoine septentrionale), fit imprimer ses
livres de 1816 — 1840, les uns à Budapest, les autres à l'im-
— 85 —
primerie bulgare de Salonique, nouvellement créée. Son
activité de moine et de maître d'école se déploya dans les
régions de Scopié et de Tétovo et son premier ouvrage porte
le titre : « Livre dénommé Miroir, écrit pour les besoins et
l'usage des lecteurs dans la plus simple langue populaire
bulgare, etc. » Dans la préface d'un autre de ses ouvrages,
« Consolation aux pécheurs », il est dit que la matière est
2
c'en est assez de la profonde torpeur de notre Bulgarie » ).
l
) le titre: « Evangile de notre Seigneur et Dieu
Cette traduction porte
Jésus-Christ, imprimé maintenant à nouveau en langue bulgare, pour chaque
dimanche successivement, du commencement à la fin de l'année. Transcrit
et corrigé par moi, Paul, le moine, protocyncelle du Saint Sépulcre, né dans
le diocèse de Vodéna, au village de Konikovo, Salonique, Typographie de
Kyriak-Derjilen, 1852. » Le traducteur Paul (ou Pavel) Bojigrobsky est un
pionnier connu du réveil national des Bulgares macédoniens.
J
) Grammaire bulgare. Krngouévats 1835, p. 70—71.
— 87 —
Scopié et Jordan Const. Djinote de Vélès en outre, les pre- ;
— 88 —
qui ébranlèrent fortement l'hellénisme envahissant dans
les pays bulgares et contribuèrent à son écroulement, étaient
Djinote de Vélès, agitateur exalté et maître d'école, et le
poète Parlitcheff d'Okhrida, dont la chanson retentissante
contre le clergé grec faisait fureur en Macédoine:
Jusques à quand, ô mes chers frères Bulgares,
Jusques à quand les Grecs vont-ils nous opprimer ? . .
x
) « Revue périodique » de Sofia, XXX, p. 670.
— 89 —
à KustendilY église de Notre-Dame sur les ruines médiévales.
—
En 1817 1818, grâce au zèle de l'écrivain bulgare Cyrille
Peytchinovitch, couvent de Léchok, près Tétovo, fut res-
le
— 97 —
t
l
) Cf. V. Teploff, La question religieuse
gréco-bulgare d'après les sources
inédites. Pétrograde 1889 (en russe). —
A. d'Avril, La Bulgarie chrétienne.
Etude historique. 2 e édition. Paris 1898. — Th. Bourmoff, Le litige religieux
gréco-bulgare. Sofia 1902 (en bulgare). — R. von Mach, Der Machtbereich
des bulgarischen Exarchats in der Tùrkei. Leipzig — Neuchâtel 1906. —
y
M. redecov, Eyypa<sa xarptapyr/.à /.ai auvodaà nepl zo~j ttouÀyaptxoî)
^rjryjjuaroç.
J
Ev KcovoTavrtvour.ôXst 1908. — A. Ischirkoff, La Macédoine et
la constitution de l'Exarchat bulgare. Lausanne 1918. — S. Radeff, La Macé-
doine et la renaissance bulgare au XIX e s. Sofia 1918.
— 99 —
Avant 1829, le siège de métropolite de Scopié était
occupé par un Grec, Ananie. Les notables bulgares de la
ville, mécontents de l'apathie du prélat, étranger à leurs
x
) La requête a été publiée in extenso dans le journal de Constantinople
« La
Bulgarie», n° 25 de 1859. Cf. J. Ivanoff, Les Bulgares devant le Congrès
de la paix. 2 e édition. Berne 1919, p. 150 à 151.
- 102 —
spiritueldu peuple bulgare. En outre, deux délégués com-
muniquèrent à la Porte le fait accompli. Les villes bulgares
de la province, dûment averties, se hâtèrent de donner leur
assentiment complet et leur aide. Dans ce but, une as-
semblée nationale, composée des représentants des diocèses
bulgares, fut convoquée à Constantinople à la fin de l'année.
Ainsi, de la province, la lutte passa dans la capitale
de l'empire ottoman. Dorénavant, elle allait être dirigée
par des représentants du peuple bulgare se trouvant
à Constantinople.
Le Patriarcat grec comprit enfin la gravité de la « Ques-
tion bulgare ». Il comprit que les quelques concessions ano-
dines grecques ne satisfaisaient plus les Bulgares. Le 15
mai 1860, les Bulgares du diocèse de Kustendil, qui com-
prenait aussi les villes de Chtip, Kratovo, Kotchani, adres-
sèrent une requête à Constantinople pour se plaindre des
méfaits de l'évêque grec. La commission d'enquête chargée
par le Grand vizir d'informer sur ces plaintes, constataque
l'évêque Dionysios avait frauduleusement escamoté 1200
livres turques à ses ouailles de Chtip et de Kratovo. Par
ordre du Grand vizir du 3 décembre 1860, l'évêque fut, de
ce chef, relevé de son poste. La même année, le 3 septembre,
les Bulgares de Scopié signèrent une résolution de ne plus
permettre l'emploi du grec dans leurs églises et l'année sui-
vante, enlevèrent solennellement les livres grecs de la cathé-
drale. Le 9 avril 1861, les Bulgares d'Okhrida, à leur tour,
réclamèrent, par l'entremise de leurs représentants à Cons-
tantinople, la restauration de l'archevêché autonome bul-
gare d'Okhrida supprimé par les Grecs en 1767. Le mouve-
ment d'émancipation fut suivi par les autres villes macédo-
niennes ainsi, en 1863, le service divin à Nevrokop est célébré
:
J
L'art. 1 er de cette sentence d'excommunication du peuple bulgare
)
Luttes révolutionnaires 1 ).
l
) Cf. Le livre jaune. Affaires de Macédoine, 1902, 1903, 1905. -
Blue Book. Turkey for the period of March-September 1903. — Documenti
diplomatici presentati al Parlamento italiano dal ministro degli affari esteri.
Macedonia. Roma 1906. — R. Pinon, L'Europe et l'empire ottoman. 7 e éd.
Paris 1913. — La Macédoine et la région d'Andrinople (1893 — 1903). Avec
deux cartes. Mémoire de l'Organisation intérieure, 1904 (en bulgare). —
A. Tomoff et G. Bajdaroff, La lutte révolutionnaire en Macédoine. Avec
33 portraits. Scopié-Sofia 1917 (en bulgare). — G. Strézoff, Les luttes
politiques des Bulgares macédoniens. Genève 1918. — Le Mémoire présenté
à la Conférence de Paris par le Comité exécutif des sociétés de l'émigration
macédonienne en Bulgarie. Sofia, février 1919.
— 109 —
Grecs se dessinaient déjà, les agitations politiques contre
la tyrannie turque devinrent plus fréquentes en Bulgarie
danubienne et thracienne. Le grand soulèvement de Thrace
de 1876, les centaines de villages détruits, les milliers de
Bulgares massacrés provoquèrent l'intervention des Grandes
Puissances, les décisions de la Conférence de Constantinople
de 1876 —1877 et, enfin, la guerre russo-turque de 1877 à
1878 qui libéra une partie du peuple bulgare. Parallèlement
à l'insurrection thracienne, éclata en Macédoine du nord
ce qu'on a appelé « la révolte de Maléchévo ».
— 113 —
échapper à la vigilance du gouvernement turc. C'est pour
cela que les rencontres entre les bandes et la troupe devin-
rent toujours plus fréquentes. Lorsque les bandes se glissaient
entre les mains de la troupe, la population était maltraitée,
enfermée et massacrée. Les représailles turques furent plus
violentes surtout après les attentats de Salonique, les der-
niers jours d'avril 1903, lorsqu'on mit le feu au bateau
français « Guadalquivir » portant des munitions pour l'ar-
mée turque, lorsque les conduites de gaz à Salonique furent
coupées et lorsque l'usine à gas et la Banque ottomane
furent sautées en l'air. Ces attentats étaient perpétrés par
un courageux groupe semi-indépendant de l'organisation
de Vélès. La plupart de ses auteurs périrent sur place et
250 personnes de la paisible population bulgare furent
égorgées par les Turcs, 1000 furent enfermées dans les pri-
sons de Salonique, tandis que d'autres étaient envoyées en
exil en Asie Mineure et en Fezzan, dans le Tripolis du sud.
La flotte européenne jeta l'ancre devant le port de Salo-
nique. Au mois de mai suivant les représailles turques se-
mèrent la panique à Monastir et à Smerdech (district de
Castoria). A Monastir 14 Bulgares furent massacrés et
eurent 40 blessés; d'autres périrent en prison. A Smerdech,
on massacra 87 habitants; 50 furent blessés, 167 maisons,
incendiées, etc. En un seul mois, le nombre des Bulgares
de Macédoine et de Thrace, enfermés dans les prisons
turques, s'éleva à 20,000 personnes!
Pour ne pas disperser ses forces dans les combats sé-
parés, l'Organisation décida le soulèvement en masse. Et,
afin de masquer le centre de l'insurrection qui se trouvait
dans la région de Monastir, elle simula un mouvement aussi
dans les autres provinces, à Salonique, Scopié, Serrés, etc.
L'insurrection fut proclamée le jour de la St-Elie, le 20 juil-
—
let 2 août 1913, et à sa tête furent placés les dirigeants;
Damian Groueff, Boris Sarafoff et Anastase Lozantcheff
Les insurgés détruisirent d'abord les communications
télégraphiques, les ponts sur les lignes de chemin de fer,
8
— 114 —
occupèrent les passages et les points de croisements
des routes, ensuite ils attaquèrent et anéantirent les
petites garnisons turques disséminées et incendièrent les
tours beylicales, tout cela rapidement afin de provoquer la
panique.
Au début, les grandes garnisons turques ne purent
s'orienter, parce que les insurgés menaient une guerre de
partisans et évitaient les combats réguliers avec la troupe.
Ils conquirent plusieurs villes et bourgs, comme: Krou-
chévo, Neveska, Klissoura, gardèrent quelques
etc., les
jours, puis les abandonnèrent pour se transporter ailleurs.
La population bulgare se retira dans les montagnes où l'on
établit des camps gardés par les bandes. A la fin d'août, les
renforts turcs arrivèrent de Salonique et de Scopié; une
armée de 80,000 hommes sous le commandement de Orner
Roujdi Pacha, d'abord, de Nazir-Pacha ensuite, commença
l'assaut méthodique contre les insurgés de tous les côtés.
A la fin de ce même mois commencèrent les rencontres sang-
lantes, pendant lesquelles les insurgés eurent à combattre
contre de nombreuses armées turques, pourvues d'artillerie
et de la cavallerie. Les groupes les plus forts d'insurgés comp-
taient environ 400 hommes, devant tenir tête à des déta-
chements armés de 2 à 10,000 hommes et plus, de longues
heures durant, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à se frayer un
chemin et se transporter dans un autre rayon.
De grands combats eurent ainsi lieu près des villages
suivants de Monastir: Smilévo, Boïchta, Tsapari, Boudi-
mirtsi, Sloévichta, Elha, Roudari; à Bélovoditsa, district
de Prilep; à Douchégoubets, Siklé, district de Florina;
à Tourié, Staro-Véléisko, Kouratitsa, Svinichta, district
d'Okhrida; à Zagoritchani, Aposkep, district de Cas-
toria; à Lopouchnik, district de Kitchévo, ainsi que dans
beaucoup d'autres localités montagneuses de la Macédoine
occidentale. Les combats continuèrent jusqu'en novembre,
parce que les froids et les neiges empêchaient les insurgés —
les uns dispersés, les autres tués — de les continuer. Rien
— 115 —
que dans le département de Monastir, 150 combats furent
livrés, avec la participation de 14,000 insurgés.
L'insurrection se termina par une dévastation générale :
Art. 5. —
Toute personne, déportée par arrêté de la préfecture, qui
rentrerait à son domicile primitif sans l'autorisation du Ministre de l'In-
térieur, sera punie de trois ans de prison.
Art. 6. —
maintien de la sécurité dans une commune ou dans
Si le
un arrondissement exige l'envoi de troupes, l'entretien de celles-ci sera
à la charge de la commune ou de l'arrondissement. Avis en sera donné
au préfet . . .
Art. 8. —
Toute personne qui ferait usage de matières explosives,
quelles qu'elles fussent, sachant que l'emploi en est dangereux pour la vie
ou les biens d'autrui, sera frappée de vingt ans de travaux forcés.
Art. 10. —
Toute personne qui, sans mauvais dessein, fait usage
d'une matière explosive, sera punie de cinq ans de travaux forcés.
Art. 12. —
Toute personne qui endommagerait délibérément les rues,
routes ou places de façon à créer un danger pour la vie ou la santé publique
sera punie de quinze ans de travaux forcés. Si le délit a été commis sans
intention, la peine sera de cinq ans . . .
a
) Dotation Carnegie pour la paix internationale. Enquête dans les
Balkans. Paris 1914, p. 321 à 324.
— 124 —
serbe et grecque désertaient tous les jours; ceux de Chtip,
emmenés à Kragouévats pour prêter serment, protestèrent
en masse, en entonnant des chansons bulgares. Le journal
serbe « Radnitchké Noviné », du 14 avril 1914, dit à ce
propos:
« Le cri: « Nous ne voulons pas jurer » retentit soudain
au loin. Tout comme un seul homme, refusait
le bataillon,
— 127 —
dans sa patrie. C'est toujours par les écoles d'Athènes
que passèrent toute une pléiade de jeunes gens macédo-
bulgares, qui ont consacré leur vie au service de la nation
bulgare à une époque où il n'y avait ni Eglise autonome
bulgare, ni Etat bulgare. Tels furent: l'évêque Panarète
de Pâtélé, caza de Florina son frère C. Michaïkof f médecin
; ,
x
Spomenik » de l'Académie royale des sciences serbe, XLII, 104,
) «
118. — Rouvarats, Description des monastères serbes de Frouehka-Gora
de 1753. Karlovtsi 1905, p. 22, 42-43, 98, 99, 321, 322.
) Correspondance de Vouk Karadjic, vol. III, 91 (en serbe).
2
— 129 —
donienne, les études finies, rentra dans son pays natal et
se voua à sa propre cause nationale, la cause bulgare:
Damian Groueff, de Smilévo, par exemple, devint le fon-
dateur de l'organisation révolutionnaire des Bulgares ma-
cédoniens et trouva la mort dans une rencontre avec les
Turcs; Pope Arsoff, de Scopié, et Chr. P. Kotseff, de
Chtip, maîtres d'école et membres de la même organisa-
tion, durent expier leur sentiment national bulgare dans
lescachots de Salonique et dans ceux de l'Asie Mineure;
N. Naoumoff de Chtip, devint le rédacteur de la « Revue
macédo-andrinopolitaine »; K. Missirkoff se fit un nom
parmi par ses études philologiques et folk-
les slavistes
loristes sur la population bulgaro-macédonienne; D.Mir-
tcheff, de Prilep, se fit connaître par son étude des dia-
lectes bulgares de Prilep et de Vodéna, ainsi que par une série
de manuels scolaires bulgares; Cl. Karaguleff, d'Okhrida,
devint un des premiers grammairiens néo- bulgares;
N. Blagoeff, du caza de Kaïlar, professeur à l'Université
de Sofia, s'est adonné à l'étude de l'histoire du vieux droit
bulgare, etc.
Les Macédo-Bulgares émigrés en Russie ne font pas
exception. Nous avons à ce sujet le témoignage des re-
gistres de la colonie grecque de Niéjine du XVIII e s., où
on lit: « Siméon Théodoroff, Bulgare de Turquie, de la
ville d'Okhrida, installé à Niéjine depuis 1740; Ivan Dimi-
trieff Stalevsky, Bulgare de la province de Macédoine, de
— 130 —
sites de Russie sont fréquentées par plusieurs Macédo-Bul-
gares qui y déploient une vive activité littéraire et politique,
entrent en contact avec les représentants du panslavisme
et préparent les dirigeants russes à la défense de la cause
bulgare au point de vue de l'autonomie tant religieuse que
politique. Parmi ces Bulgares macédoniens dont quelques-
uns sont restés en Russie jusqu'à la fin de leur vie, nous
citerons les plus actifs: Nathanaïl de Scopié, écrivain et
plus tard métropolite d'Okhrida; C.Petkovitch, deBachino-
Sélo, près Vélès, investigateur des manuscrits vieux-bulgares
et consul de Russie; C. Miladinoff, de Strouga, auteur du
célèbre recueil de folklore bulgare le poète R. Jinzif off
;
de Vélès, etc.
Tandis que l'émigration des Macédo-Bulgares dans
les pays ci-dessus énumérés était plutôt partielle, celle qui
se poursuit en Bulgarie se fait en masse. Aussitôt que la
principauté de Bulgarie fut constituée en 1878, les Bul-
gares de Macédoine, restés sous le joug turc, commencèrent
à quitter en grand nombre leurs foyers pour chercher for-
tune et consolation auprès de leurs conationaux. Bientôt,
les villes les plus proches de la frontière macédonienne
furent inondées d'émigrés. Ces derniers allaient remplacer
les Turcs qui s'expatriaient définitivement, ne pouvant
tolérer la domination des Bulgares, leurs esclaves depuis
cinq siècles. La ville de Kustendil qui n'avait pas plus de
350 maisons bulgares avant 1878, compte aujourd'hui,
grâce à l'immigration macédonienne, une population de
15,000 habitants, presque tous Bulgares. Les émigrés de
Kustendil proviennent des régions macédoniennes de
Pianets, Maléchévo, des villes de Kratovo, Vélès, etc. Il
a
) Nous lisons dans ces lettres grecques: a) Par ordre du roi, nous
mettons le feu à tous les villages bulgares ... b) Nous avons brûlé les
villages, comme nous en avons reçu l'ordre .... c) Sur les 1200 prison-
niers que nous avons faits à Nigrita, 41 seulement sont restés dans les
prisons et partout où nous avons passé, nous n'avons laissé aucune
racine de cette race. ... d) On m'a donné 16 prisonniers pour les remettre
à la division et je n'en ai amené que deux seulement. Les autres ont péri
dans les ténèbres, massacrés par moi. ... e) Ici à Brodi j'ai pris 5 Bulgares
avec une fille de Serrés. Nous les avons enfermés dans un poste de police
et retenus. La fille a été tuée. Ce que les Bulgares, de leur côté, ont aussi
souffert! Nous leur avons, vivants encore, crevé les yeux. ... f) Dans tous
les endroits que nous avons occupés, il n'est pas resté un seul Bulgare. Ils
se sont enfuis en Bulgarie, et nous avons massacré ceux qui sont restés. Nous
avons, en outre, incendié les villages. Il n'est pas resté un seul Bulgare.
Mais Dieu sait ce qu'il en adviendra. ... g) Et de Serrés jusqu'à la frontière
nous avons incendié tous les villages des Bulgares. ... h) Nous incendions
tous les villages bulgares que nous occupons et nous tuons tous les Bulgares
qui nous tombent entre les mains. ... i) Partout où nous passons, pas un
chat ne peut s'échapper. Nous avons incendié tous les villages bulgares que
nous avons traversés .... /fj Tu ne saurais t'imaginer comment nous nous
tirons d'affaire à la guerre. On brûle les villages et aussi les hommes. Mais,
nous autres aussi nous incendions et nous en faisons pire que les Bulgares. . . .
I) Quelle guerre cruelle se fait contre les Bulgares. Nous leur avons tout
hommes, c'est-à-dire nous massacrons les Bulgares.
brûlé, les villages et les
Grande cruauté. m) Ces choses qui se passent n'ont jamais eu lieu, même
. . .
D. Blagoeff.
Le coup d'Etat qui, en 1885, unit la Roumélie Orien-
tale à la Bulgarie doit beaucoup au Macédonien D. Rizoff,
de Monastir, qui fut un des principaux conjurés. Cet
événement fit éveiller la jalousie de la Serbie dont les
troupes ne tardèrent pas à envahir la Bulgarie. Animée
— 136
albanais et koutso-valaques.
Du côté nord-est, la population bulgare de la Macé-
doine se confond avec ses congénères de la Bulgarie et de
la Thrace, à Ossogovo, à Ryla et au Rhodope. L'ancien
voisinage de l'élément serbe du nord-ouest fut échangé pen-
dant la domination turque avec l'albanais, de sorte que
les Bulgares macédoniens, à l'heure actuelle, n'ont presque
nulle part un contact direct avec les Serbes. Dans ces
parages, les Albanais ont non seulement déplacé les Serbes,
mais ont aussi pénétré dans les localités antérieurement
bulgares, notamment les contreforts orientaux du Char
et de la Tcherna-Gora (Forêt-Noire) de Scopié. La ligne
brisée, allant depuis le Char jusqu'au Gramos, constitue
la frontière entre les deux races, bulgare et albanaise.
— 139 —
Toute la région de Gora située au nord-ouest de la crête du
Char est occupée par l'élément bulgare mahométan, les ainsi
dénommés « Torbeches de Gora », répartis dans une tren-
taine de villages. Par contre, les Albanais occupent les
flancs sud-est du Char depuis Tétovo jusqu'à Gostivar où
ils sont mêlés à des Bulgares. La ligne de démarcation
entre les deux éléments tourne ensuite vers l'ouest jusqu'à
Mavrovski Hanové (Auberges de Mavrovo), côte 1550, point
de la ligne de partage des eaux du Vardar et du Drin. De là,
la ligne se dirige vers l'ouest, vers le mont Korab (2050 m.),
en laissant du côté bulgare la vallée de Réka. Du Korab,
la ligne descend au sud, traverse le Drin un peu au nord de
la ville de Dèbre pour atteindre la montagne Yablanitsa
dont elle longe la crête et aboutit au promontoire de Line
sur le lac d'Okhrida, en laissant toute la vallée du Drin
depuis Dèbre jusqu'à Strouga, dans la zone bulgare. Puis,
partant du couvent St-Naoum, sur la rive sud du lac
d'Okhrida, la frontière se dirige vers le sud, passe par le
défilé de Zvezda, au sud du lac de Prespa, suit le partage
des eaux des cours supérieurs de Dévol et de Bystritsa,
entre Castoria et Kortcha (Korytsa) et aboutit au Gramos
(Pinde septentrional).
La frontière sud de la population bulgare suit les
points d'appui suivants: du Gramos à l'est, le gué de
Smiksi sur la Bystritsa, la montagne Snejnik (2068 m.),
le lac d'Ostrovo, la montagne Dourla, le marais d'Enidjé-
Vardar, Kara-Azmak, l'embouchure du Vardar, le golfe
de Salonique, le lac de Lagadina jusqu'au commencement du
lac deBechik-Gueul, le lac de Tachyno, la rivière Anghista,
Drama, Bouk sur la Mesta. Au nord de cette ligne, le terri-
toire est occupé par l'élément bulgare, au sud, parles Grecs
et par quelques groupements turcs. Par ci par là, des vil-
lages isolés grecs et bulgares pénètrent dans la zone opposée.
Au point de vue linguistique, les Bulgares macédo-
niens appartiennent dans leur majorité au groupe occidental
bulgare qui englobe les régions à l'ouest d'une ligne allant
— 140 —
de l'endroit où la rivière Vid se jette dans le Danube
jusqu'à Salonique. Seule la population des confins sud-est
notamment dans les districts de
parle le dialecte oriental,
Salonique (en partie), Lagadina, Démir-Hissar, Serrés,
Nevrokop, Drama, Zikhna. Nous reviendrons sur la
question du dialecte macédo-bulgare.
Suivant groupement, le parler, le costume et les
le
traditions, les Bulgares macédoniens ont des dénominations
locales différentes. La population qui occupe le centre de
la Macédoine occidentale, dans les régions de Vélès, Prilep,
Monastir, Kitchévo, porte encore la dénomination histo-
rique de Brsiaks (Brsiatsi). Au moyen âge, les Brsiaks
étaient une des tribus les plus grandes et les plus guerrières
de la Macédoine slave. Aujourd'hui leur nom s'est conservé
le mieux dans le district de Kitchévo. La population de la
région Mala-Réka, dans la Macédoine occidentale, forme
un groupement de 28 villages au surnom de Miaks. Sont
encore Miaks les habitants du village Smilévo, près Mo-
nastir, ainsi qu'un quartier des habitants de Krouchévo, etc.
A l'ouest des Miaks, dans la région de Dèbre, on distingue
les groupements des Poliani dans la plaine de Dèbre, les
Oulioufs, les Obialas. Dans la région de Castoria ce sont
les Kékovtsi, les Esti ou Estéovtsi; dans la région du bas
Vardar, près Salonique, les Kambarbatsi; les Marvatsi
occupent la région du Pirin du sud, dans la Macédoine
sud-est. La région de Morihovo, sur la Tcherna moyenne,
est peuplée de Torlatsi (Chopes) et de Douiki. Dans la
Macédoine du nord, notamment dans une partie des dis-
tricts de Chtip, Kratovo, Palanka, Koumanovo, de Malé-
chévo x ) la population est appelée Chopes. Le pays des
Chopes ne s'arrête pas là; il embrasse aussi une partie du
département de Kustendil, les départements de Sofia,
de Vratsa et de Vidin en Bulgarie, ainsi que le département
de Pirot et en partie celui de Vrania en Serbie. Les Chopes
*) Voir p. 76.
— 142 —
Quant au nombre des Bulgares de Macédoine, les
statistiques désintéressées se tiennent au chiffre d'un peu
plus d'un million. Le Russe Youri Iv. Vénéline fut le
premier à donner en 1838 le nombre des Bulgares en Macé-
1
doine; il les évaluait ). Les troubles
à plus de 1*000,000
dans Balkans pendant les années 1875 et 1876 et la
les
guerre russo-turque de 1877 à 1878 ravivèrent l'intérêt
pour la Turquie d'Europe et pour ses populations chré-
tiennes. Les Russes qui étaient en guerre avec la Turquie
s'intéressèrent particulièrement à connaître, entre autres,
le nombre et la répartition des nationalités de la péninsule
balkanique. Dans les matériaux de 1877, recueillis à cet
effet sous la directiondu prince Tcherkasky, le nombre
des Bulgares de Macédoine est évalué à 872,700 personnes 2 ).
— E. G. Ravenstein, dans le « Journal de la Société de
Statistique », à Londres, de la même année, affirme que
les Bulgares constituent la nationalité prépondérante dans
les deux vilayets de Macédoine, Scopié et Monastir et les
Grecs dans celui de Salonique, savoir: 364,000 Bulgares
contre 159,000 Grecs 3 ). —
L'année suivante (1878) parut
à Constantinople une statistique basée sur le recensement
turc qui ne comptait que la population mâle (nofous).
D'après cette statistique, il y avait dans la Macédoine
méridionale (sandjaks de Salonique, de Monastir et de
Serrés) 369,429 Bulgares (population mâle) contre
25,366 Grecs 4 ). —
N. Skriabine, vice-consul de Russie à
Monastir, dans son rapport au gouvernement russe, évalue
le nombre des Bulgares dans le vilayet de Monastir pour
Bulgares ). 3 —
En 1905 fut publié un des ouvrages les plus
J
) La Macédoine et les puissances. Paris 1904, p. 268.
2
) R. Pinon, L'Europe et l'Empire ottoman. Paris 1913, p. 143 à 144.
3
) Pour ces auteurs, voir p. 37.
— 145 —
importants sur la Macédoine, celui de D. M. Brankoff
(= D. Micheff), secrétaire de l'Exarchat bulgare 1). Les
listes statistiques détaillées qui y sont jointes, relatives aux
Bulgares, sont empruntées aux registres des paroisses bul-
gares de 1899; pour les districts grecs l'auteur s'est servi
des registres turcs publiés dans les « Salnamehs », almanachs
officiels.D'après ces statistiques, les Bulgares chrétiens sont
au nombre de 1,172,136, dont 897,160 exarchistes, 269,641
patriarchistes, 2432 orthodoxes unis et 2388 protestants.
Par rapport aux autres groupes ethniques chrétiens (Grecs
190,047, Koutso-Valaques 63,895 et Albanais 12,000), les
Bulgares constituent 81,5 %
du total de la population
chrétienne. —
Const. Noé, secrétaire de la société Macédo-
Roumaine de Bucarest, a publié en 1913 une statistique de
la population des deux vilayets de la Macédoine, Salonique
et Monastir. Il évalue les Bulgares de ces deux vilayets
à 512,000 personnes, contre 193,000 Grecs 2). — Le Tchèque
Vladimir Sis qui a fait de fréquents voyages en Macé-
doine et étudié ses populations, compte 1,047,012 Bulgares
dans ce pays dont 896,982 chrétiens et 150,032 mahomé-
tans pour l'année 1912, et 996,890 Bulgares pour l'année
1917, réduits en nombre par suite des guerres balkaniques 3 ).
Ci-dessous nous donnons la statistique de la population
bulgare de Macédoine à la veille des guerres balkaniques
de 1912, basée sur les registres paroissiaux bulgares et com-
plétée d'après les statistiques électorales turques et les
vérifications faites par nous lors de nos multiples voyages
dans le pays. Elle comprend la Macédoine dans ses limites
naturelles (p. 8 et suiv.), divisée en vilayets (gouverne-
ments), sandjaks (départements) et cazas (districts). Les
sièges des vilayets sont imprimés en majuscules et ceux
10
.
146
Bulgares Bulgares
CAZAS (Districts)
chrétiens
mahométans TOTAL
(pomaks)
Les Turcs.
p. 144.
— 154 —
de Salonique, Serrés, Drama, Monastir, Serfidjé, Dèbre,
Scopié, la statistique de Hilmi-Pacha y compte 477,278
de population mâle musulmane. Le Tchèque VI. Sis évalue
les Turcs de Macédoine en 1912 à 520,845 personnes et
notre statistique pour la même année les estime à 548,225
âmes. Après les guerres balkaniques, ce nombre a diminué
considérablement.
V.
sont bilingues et sur le point de s'assimiler. En 1888, ils avaient ouvert une
école bulgare avec 40 élèves et un maître d'école, mais à la suite des dé-
marches du Patriarcat grec, l'école fut fermée.
— 158 —
Numériquement, les Albanais de Macédoine for-
maient jusqu'en 1912 un contingent important: ils étaient
194,195 personnes, la plupart mahométans. Dans les
districts de Préchovo et de Dèbre ils formaient la majorité
de la population. Leur nombre était également assez con-
sidérable dans les districts suivants: Scopié, Koumanovo,
Tétovo, Gostivar, Monastir, Kitchévo, Castoria, le nahié
de Bilichta, etc.
Les guerres balkaniques et la révolte albanaise contre
le régime serbe en 1913 amenèrent une diminution con-
sidérable de l'élément albanais. Un certain nombre de vil-
lages furent incendiés, les populations massacrées, les maisons
saccagées, le bétail emporté. Ces atrocités peuvent être
considérées comme la manifestation de la vengeance des
Serbes contre les méfaits séculaires commis par les Alba-
nais mahométans sur la population serbe et chrétienne en
général. En effet, d'après notre propre enquête, ont été
détruits entièrement ou en partie dans les vilayets de
Monastir et de Scopié les villages suivants et leur popula-
tion massacrée ou contrainte à émigrer: Mourgach, Sou-
hodol, Pribiltsi, Obednik, Tsernéets, Gradichté, Kajani,
Ramna, Dolentsi, Sop, Zaïass, Toursko-Rétchani, Vroutok,
Zdounié, Raven, Gorno-Elovtsi, Ortchouch, Simnitsa, Ghio-
novitsa, Dobri-Dol, Kalichta, Tchégrané, Forino, Tchaïlé,
Groumtchin, Tchiflik, Lomnitsa, Tsérovo, Sénokoss, Novo-
Sélo, Dobertsa, Kopatchine-Dol, etc. Sur la dévastation
des districts de Dèbre et de Liouma par les Serbes on
possède le rapport officiel présenté aux Grandes Puissances
et publié dans le « Corriere délie Puglie » du 21 décembre
1913. Nous avons, sur ce sujet, des témoignages serbes. Le
député socialiste serbe, Katslérovitch, déclarait: «L'in-
surrection albanaise a été étouffée par la Serbie dans le sang.
L'armée serbe a incendié 35 villages albanais sans per-
mettre à leurs habitants de les quitter. Je ne veux pas par-
ler des atrocités anciennement commises sur les Albanais.
L'armée serbe, d'ordre de son gouvernement, a massacré
— 159 —
120,000 Albanais Le correspondant (un militaire) du
»
1
).
x
) D. Micheff, Les Koutso-Valaques en Macédoine. Sofia 1913, p. 12
à 31 (en bulgare).
11
— 162 —
Scopié. Une partie des Juifs de Salonique ont embrassé
l'islam, les ainsi nommés «Deunmés» (convertis, tournés);
ilsont joué un rôle considérable dans la vie politique de la
Turquie moderne, notamment dans le mouvement jeune-
turc.
VI.
Tableaux statistiques
de la population macédonienne.
1. La Macédoine.
Statistique russe du prince Tcherkasky, 1877.
Musulmans 349,000
Grecs 438,000
Bulgares 337,000
Valaques 70,000
Divers 100,000
Sujets étrangers 35,000
Total 1,329,000
3. La Macédoine méridionale.
Statistique officielle turque, 1878.
— 165
4. La Macédoine.
Statistique turque.
Vilayel de Salonique.
Population mâle.
5. Le vilayet de Monastir.
Statistique russe du vice-consul N. Skriabine, 1885.
Monastir 169 6 12 46
Prilep 114 — — 21
Kitchévo 87 — — 16
Okhrida 80 2 3 8
Florina 40 3 1 12
Prespa 7,600
Okhrida 42,760 2 2,450
Florina 41,400 3,250
7. La Macédoine géographique.
Statistique serbe de Verkovitch, 1889.
171
8. La Macédoine méridionale.
Statistique grecque de Nicolaïdès, 1899,
Latins (ca-
CAZAS (districts) Grecs Musnlmans Bulgares Serties
tholiques)
Juifs Tsiganes
— 172 —
Vilayei de Monasîir.
a) Sandjak de Monastir.
b) Sandjak de Serfidjé-Kojani.
Musulmans
Cazas Grecs
(Turcs)
Valaques Juifs Tsiganes
14,545 2,650
2. Koiani 9,325 17,055
3. Grébéna 21,830 4,800 1,275
4. Elassona 25,530 2,970 21 180
Vilayei de Salonique
a) Sandjak de Salonique.
173
b) Sandjak de Serrés.
c) Sandjak de Drama.
Vilayet de Kossovo.
Musulmans 752,534
Patriarchistes 13,452
Valaques et Serbes 169,601
Bulgares 170,005
Total 1,105,592
Vilayet de Monastir.
Musulmans 260,418
Patriarchistes 291,283
Valaques et Serbes 30,116
Bulgares 188,412
Total 770,229
Musulmans 1,500,507
Patriarchistes 627,962
Bulgares 575,734
Valaques et Serbes 199,717
Total 2,903,920
Musulmans 1,700,507
Patriarchistes 627,962
Bulgares 575,734
Valaques et Serbes 199,717
Total 3, 103,902
Musulmans 55 %
Patriarchistes 20,20 %
Bulgares 18,80 %
Valaques et Serbes 6 %
Total 100 %»
Patriarchistes 164,476
Exarchistes 184,912
A reporter 349,388
A
) Nous omettons les chiffres se rapportant aux provinces hors de
la Macédoine.
12
. .
— 178 —
Report 349,388
Patriarchiste et exarchistes
du sandjak de Prizrend
(Les exarchistes sont
principalement à Kalkan-
delen, c.-à-d. Tétovo) . . 8,108
Catholiques 3,300
Israélites 2,639
Musulmans 420,388
Total 783,824
Vilayet de Monastir.
Patriarchistes grecs 272,586
Auxquels il faut ajouter (comp-
tés d'après l'ancien recen-
sement) 37, 173
Patriarchistes roumanisants . 11,301
Patriarchistes serbes 8,461
Exarchistes 178,527
Incertains entre exarchistes et
patriarchistes, dont la plupart
sont des Serbes 11,722
Israélites 7,692
Musulmans 509,307
Total 1,036,769
Vilayet de Salonique.
Patriarchistes 311,982
Patriarchistes valaques 22,377
Exarchistes 244,723
Arméniens 639
Arméniens catholiques 55
Catholiques (latins) 113
Catholiques grecs 2,000
A reporter 581,889
— 179 —
Report 581,889
Catholiques bulgares 845
Israélites (surtout dans la ville
de Salonique) 52,645
Musulmans 531,645
Total 1,166,830
14. La Macédoine.
Statistique allemande de R. von Mach, 1906.
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181
Musulmans 618,147
Grecs orthodoxes 660,915
Bulgares schismatiques 313,270
Roumanisants 8,500
Serbisants 4,000
Catholiques 2,400
Juifs 88,000
Russes (au Mont Athos) 3,615
Divers 6,052
Total 1,704,899
J
) La transcription est donnée d'après la prononciation du pays.
— 183 —
26. Zaxdupzaa 26. Siakavtché*
27. Ilèpau KapazÇâ Kcoï 27. Dolno-Karadjovo*
1915.
'0 2èpp(hu ^AnbaroXoç. Apostolos,
métropolite de Serrés.
*) Les villages marqués d'un astérisque sont situés à l'ouest de la
Strouma.
— 184 —
*
Voici ses chiffres pour les années 1912 et 1917 (p. 87 à ^):
— 185 —
Pour Tannée 1912:
Turcs 520,845
Grecs 204,367
Albanais 184,300
Valaques 67,865
Tsiganes 43,100
Divers (Juifs, Circassiens, etc.) 106,360
Bulgares 996,890
Turcs 480,900
Grecs 333,360
Albanais 130,000
Valaques 58,000
Tsiganes 43,370
Divers 106,360
Bulgares 1,103,111
Turcs 548,225
Grecs 267,862
Valaques 79,401
Albanais 194,195
Tsiganes 43,370
Divers 106,360
187
Cazas (Districts) Bulgares Turcs Grecs Valapes Albanais Tsiganes Divers TOTAL
64,000 Juifs. — Dont 4042 Russes, 80 Géorgiens, 18 Serbes. — Dont 820 Juifs,
—DontJuifs.
1 2
plupart Juifs. —
*
Bosniaques. — u Bos-
'
9 10
La thèse grecque.
albanaise et koutso-valaque.
La littérature ethnographique et les statistiques grecques
de nos jours adoptèrent le même point de vue. Bulgares,
Koutso-Valaques, Albanais et Gagaouzes de Macédoine
et de Thrace, se trouvant sous l'autorité spirituelle grecque,
sont classés comme « Hellènes » et rangés à côté de la race
grecque dans les statistiques. Alors que ces allogènes
étaient appelés par les voyageurs de l'Europe occidentale
« Patriarchistes », chez des Grecs, ils passent pour « Hel-
J
) Tougard, De l'histoire profane. Paris 1874, p. 148, 150 et passim.
13
.
— 194 —
conquirent la Macédoine. Enfin, ils vinrent à la sainte
montagne d'Athos avec leurs familles, n'ayant rencontré
aucune résistance. Quelque temps après, on leur enseigna
l'Evangile, ils y crurent et devinrent chrétiens fer-
vents » 1 ). Jean Cameniate, Salonicien, en sa qualité de
contemporain, en 904, affirme qu'à cette époque la Macé-
doine du sud, depuis Verria jusqu'à la Strouma, était
peuplée de tribus slavo-bulgares, les Sagoudates, les Drou-
gouvites, Strymoniens 2 ). Théophylacte, archevêque
les
d'Okhrida et écrivain grec de la fin du XI e s., relate comme
suit l'établissement des Bulgares dans la péninsule bal-
kanique: «Les Bulgares vinrent des confins de la Scytie. . . .
1
) V. plus haut, p. 40.
2
) J.Cameniata, De excidio Thessalonicensi : Ed. Bonnae, p. 495,
496, 514.
3
) V. plus haut, p. 46.
4
) Voyage en Macédoine. Paris 1831, vol. I, p. 6t.
6
) Ibidem, p. 77.
— 195 —
Et, de la plaine de Serrés: «A compter du X e s. presque
toute la plaine que parcourt le Strymon et toute la côte
du mont Cercine furent occupées, comme elles le sont
1
encore aujourd'hui, par des Bulgares » ).
2° —
Bulgares d'origine, les Bulgares patriarchistes
appartiennent à la nationalité bulgare par leur langue,
leurs traditions, leur folklore, leurs costumes et leurs senti-
ments. Les écrivains grecs contemporains, la presse
grecque en témoignent aussi tant qu'ils ne partagent pas
la manière de voir générale grecque sur la question; ces
témoignages sont particulièrement précieux si l'on s'adresse
aux documents secrets grecs qui, ces derniers temps, ont
été livrés à la publicité. Dans cet ordre d'idées, nous
donnerons, en premier lieu, quelques extraits des témoi-
gnages de l'historien grec P. Aravantinos sur quelques-
unes des villes macédonniennes et leurs provinces « Péla- :
*) Ibidem, p. 53.
2
) V. plus haut, p. 34.
— 196 —
Dans l'ouvrage de M. Gédéon, secrétaire du Patriarcat
grec, sur le différend gréco-bulgare 1 ), il est affirmé que la
majorité de la population chrétienne des diocèses de Serrés,
Drama et Melnik est bulgare. Au sujet des élèves du cou-
vent de St-Jean le Précurseur à Serrés, en 1872, il est
dit: « Ils sont pour la plupart des Bulgares provenant des
villages des trois diocèses susmentionnés, notamment de
Drama, de Serrés et de Melnik ». Les pères du couvent
« eux aussi », y est-il ajouté, « sont des Bulgares, un quart
507, 508.
— 197
est moins dense que dans les villages du nord, qui sont de
x
langue slave » ).
Lors des élections de 1915, les Vénizélistes comblaient
de promesses et de complaisances les électeurs bulgaro-
phones. Ils s'adressaient à ces « Hellènes » en ces termes :
l
) V. plus haut, p. 35.
a
) Cf. le journal grec «T6 0côç» du 24 mai 1915.
3
) V. plus haut, p. 181 et suiv.
.
— 198 —
Ministère des affaires étrangères d'Athènes, le consul de
a
) La question bulgare et les Etats balkaniques. Edition du Minis-
tères des Affaires Etrangères. Sofia 1919, p. 83-84, et fac-similé n° 9.
— 200 —
Ce plébiscite historique eut lieu en avril 1872 dans les
deux diocèses macédoniens, Scopié et Okhrida; ses résultats
furent écrasants pour l'hellénisme: les habitants de 880
villes et villages des deux diocèses se proclamèrent de
nationalité bulgare et affirmèrent leur ferme volonté d'être
incorporés à l'Eglise bulgare 1 ).
Lorsque en 1870, on accorda à la population macé-
donienne bulgare le droit d'autodisposition, elle commença
petit à petit à s'affranchir du clergé grec, de ses écoles
et de ses églises. En 1912, à la veille de la guerre bal-
kanique, au moment où prit fin le joug cinq fois sécu-
laire des Turcs en Macédoine, les Bulgares y avaient gagné
les sept éparchies suivantes avec des métropolites et des
prêtres bulgares, des écoles et des églises nationales Vélès, :
1
) M. Gandolphe, La crise macédonienne. Enquête dans les vilayets
insurgés. Paris 1904, p. 31.
— 203 —
fermées sous régime hamidien qui protégeait la pro-
le
sens qu'elle ne porte aucun village qui n'ait pas été brûlé.
Mais elle est loin d'être complète, sauf en ce qui concerne
les régions de Koukouch et de Stroumitsa. Beaucoup
d'autres villages ont été incendiés, principalement dans
les districts de Serrés et de Drama. Souvent, nous ne som-
mes pas parvenus à savoir le nombre exact des maisons
d'un village. On remarquera que cette liste comprend
quelques villages turcs brûlés par les Grecs en territoire
bulgare, et quelques villages brûlés par les Serbes. L'im-
mense majorité, toutefois, est faite des villages bulgares
brûlés par l'armée grecque dans sa marche vers le nord.
Le nombre des villages détruits figurant sur cette
«
La thèse serbe.
2° —
« La masse des Slaves macédoniens n'a pas de senti-
a
) Remarques, etc., p. 7.
— 219 —
Ne pouvant cependant tolérer un joug étranger, les Macé-
doniens se sont révoltés à plusieurs reprises, comme étant
Bulgares. «En 1040, raconte un contemporain
Jean grec,
Skylitsès, après une servitude et soumission de 21 ans, les
Bulgares se révoltèrent. Pierre Délian (petit-fils du roi bul-
gare Samuel) incita à la révolte le peuple bulgare qui était
tombé récemment dans la servitude mais gardait bonne sou-
venance de son antique liberté. Les insurgés se soulevèrent
en masse à Nich et à Scopié, ancienne métropole bulgare,
proclamèrent Délian roi des Bulgares aux ovations enthou-
siastes de la foule et massacrèrent sans pitié tout Grec qu'ils
— 222 —
profond sentiment national, le Bulgare macédonien a fait
davantage pour le progrès bulgare, en général, que tout autre
peuple, ayant à vivre dans les mêmes conditions.
>) Glasnik zemaljskog muzeja, XXIII (de 1911), XXIV, 265 à 274-
2
) Ibidem, XXIV (1912), 396.
3
) Cedrenus, II, 470 à 471.
*) Questions balkaniques, p. 53.
— 225 —
et XIII e ne pouvait léguer à la postérité que des
siècles,
monuments en nombre restreint: le temps, l'animosité des
Grecs envers tout ce qui est bulgare et l'intolérance turco-
musulmane ont anéanti la plupart des monuments histo-
riques et nationaux du peuple bulgare. A ce propos, nous
pouvons nous référer aux témoignages historiques émanant
des Byzantins Jean Skylitsès et Théophylacte Lors de la :
5
Les résultats des
) fouilles que nous avons pratiquées à Klutch vont
paraître prochainement.
— 227 —
vallée de la Chkoumli supérieure. — Les tours et les ruines
situées sur la colline dominant laville de Stroumitsa sont
connues dans les traditions orales du pays sous le nom de
« Maisons du tsar Samuel ». — A Okhrida sont conservés
les fondements et une partie des murs de la forteresse de
ce même roi. — Sur les hauteurs escarpées qui forment
le défilé de Démir-Kapou, sur le Vardar moyen, on re-
vertures, etc. Par leur style, par l'exécution, par leur colo-
ris, ces broderies rappellent fort l'ornementation des
manuscrits bulgares et trahissent la communauté des pro-
cédés de l'ancien scribe bulgare et de la femme bulgare.
Sous l'influence orientale, romane et, plus tard, sa-
xonne, l'orfèvrerie de la Bulgarie médiévale et moderne,
prend un essor considérable, surtout dans la spécialité
de l'encadrement des icônes, dans celle de la confection
de châsses pour les reliques de saints, de chasubles, de
coupes, de croix, de plateaux, de reliures de manuscrits*
— 231 —
etc. Les foyers principaux de cet art se trouvaient à
Sofia, Kratovo, Kiprovtsi, Bytolia, etc. Les travaux en
filigrane des maîtres de cet art forcent notre admiration
par leur beauté, leur variété et le fini de l'exécution des
motifs sur or et argent. Les savants et les profanes s'exta-
sient à la vue des églises d'Okhrida, des monastères de
Ryla et de Batchkovo, avec leurs objets d'orfèvrerie, vrais
chefs-d'œuvre.
La thèse bulgare.
Le point de vue bulgare est basé sur le principe des
nationalités, tel qu'il a été établi par la sociologie et la
science politique. En vertu de ce principe, la nationalité
est une collectivité de citoyens ayant une individualité
physique et morale, des traditions et des aspirations com-
munes. Les éléments qui constituent et maintiennent l'in-
dividualité nationale sont: l'unité de race, l'unité de terri-
toire, la langue, la religion, l'unité politique, l'histoire et
mœurs et les manifestations
les traditions, la littérature, les
de la civilisation commune. Plus ces éléments sont mani-
festes chez telle nationalité, plus ses organes sont unis, et
plus le sentiment national qui les anime est ardent et vivace.
Basée sur cette vérité primordiale, la thèse bulgare,
relative à la population slave en Macédoine, peut être
soutenue par les arguments suivants qui la résument:
) Cf.
l r
D
S. Wateff, Contribution à l'étude anthropologique des Bul-
gares (Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, 1904,
p. 438 et suiv.). —
J.Deniker, Les races et les peuples de la terre. Paris 1900,
v. lesAppendices. — R. Martin, Lehrbuch der Anthropologie. Jena 1914.
— E. Pittard, Les peuples des Balkans. Recherches anthropologiques dans
la Péninsule des Balkans, spécialement dans la Dobroudja. Genève et Lyon
1920. — Nous avons consulté aussi l'étude importante de K. Drontchiloff,
assistant de géographie à l'Université de Sofia: «Anthropologie des Bul-
gares macédoniens », qui paraîtra prochainement.
Les Bulgares de la Macédoine occidentale, ceux d'Okhrida, Monastir,
a
)
1
) Ta, art. déf. pour le féminin.
2
) Na, ot, prépositions à, de.
) L'emploi de l'article défini, même dans le parler de l'extrême nord
3
gares et macédoniens.
I) Alors que le serbe vocalise la consonne 1 en o,quand
elle termine une syllabe, les parlers bulgares et macédo-
niens la conservent.
m) La langue bulgare et les parlers macédoniens ont
une unité lexique beaucoup plus grande que le serbe et
ces mêmes parlers.
n) La toponymie macédonienne reflète la manière
de prononcer bulgare.
Toponymie macédonienne La prononciation serbe
à prononciation bulgare: aurait été:
Scopié Scoplié
Chtip Chtiplié
Dèbre Dabar
Sâmbotsko Subotsko
Lâgadina Lugadina
Blatets Blatats
Gradets Gradats
Dambovo Dubovo
Dâmbéni Dubéni
Glâmbotchani Dubotchani
Râmbets Rubats
Kândrevo Kudrevo
Rojden Rogjen
Grajdino Gragjino
Radojda Radogja
Bârjdani Brgjani
Mejdourek Megjourek
Ograjden Ogragjen
Krivogachtani Krivogacani
Pechtnik Peénik
Pechtani Pecani
Païak Paouk, etc.
— 239 —
5° — La Macédoine et la Bulgarie du nord ont partagé,
pendant des siècles, la même destinée politique.
Depuis le milieu du IX e
s. jusqu'en 1018, la Macédoine
16
— 242 —
Clément, Hrabre, le prêtre Jean, etc., pour ne nous arrêter
qu'à l'époque moderne, nous devons faire ressortir que les
premiers écrivains bulgares et les promoteurs du réveil natio-
nal bulgare, viennent de la Macédoine. Le mouvement lit-
téraire et national ne se propagea que plus tard en Bul-
garie danubienne et en Thrace. Le père de cette renais-
sance est le macédonien Païssi qui, en 1762, lançait par
son « Histoire des Bulgares » cet avertissement si profon-
dément national « Bulgare ne te trompe pas, aie cons-
: !
9° —
Le caractère bulgare de la population slave en
Macédoine a été, à maintes reprises, consacré par la science.
A ce sujet, voir le chapitre suivant.
p. 348).
Karadjitch est le premier qui, en 1815 et 1822, publie
des chansons populaires de la Macédoine, chansons qu'il
a « chansons
intitulés bulgares », notamment dans son
recueil de chansons « Pesnaritsa » de 1815 et dans le sup-
plément aux dictionnaires comparés de St-Pétersbourg,
1822. C'est toujours lui, le premier, qui dans son « Supplé-
ment » a publié des notes sur la grammaire bulgare et des
textes en langue bulgare. Cette première contribution
scientifique du « Grand » Serbe, sur la langue bulgare a
été basée sur le dialecte macédonien.
En 1859, Karadjitch écrivait à Naïden Ghéroff, vice-
consul de Russie à Philippopoli une lettre pour lui demander
quelques renseignements aux terres bulgares alors
relatifs
sous la domination turque. La Macédoine entre autres
y était comprise, comme on peut en juger par la missive
suivante :
Villes en Bulgarie:
Artchar-Palanka, Lom-Palanka, Drénovets,
Vidin,
Metkovets, Tchiprovets, Pirot, Berkovitsa, Nich, Rahovo,
Vratsa, Sopot, Nikopol, Svichtov, Pleven, Lovetch, Sév-
liévo, Rousse, Tirnovo, Osman-Pazar, Toutrakan, Silistra,
Razgrad, Djoumaïa, Choumen, Rassovo, Kutchouk-
Kaïnardji, Kustendja (Constantsa), Mangalia, Pazardjik,
Raltchik, Provat, Varna, Vrania, Katchanik, Babadagh,
Hirsovo, Kozloudja, Djoumaïa, Tikvech, Tétéven, Dria-
novo, Radomir, Kaménopolé, Bélogradchik, Koumanovo 1 ),
Scopié, Sofia, Doupnitsa, Kratovo, Etropol, Zlatitsa, Sa-
mokov, Tatar-Pazardjik, Grabovo, Kalofer, Plovdiv, Ka-
zanlyk, Klissoura, Yambol, Sliven, Zagar ou Zagra, Kotel,
Karnavad, Aïtos, Missivria, Bourgas, Chtip, Vélès, Kava-
dartsi, Prilep, Radovitch, Stroumitsa, Petritch, Doliani,
Nevrokop, Melnik, Souchitsa, Stanimaka, Ouzoundjovo,
Issaktcha, Matchine, Toultcha, Ikhtiman, Novi-Han, Trn,
Béla-Palanka, Djezaïr, Tchirpan, Sozopoli, Enidjéli, An-
hialo.
Cours d'eau en Bulgarie:
Lom, Ogoust, Isker, Vit, Rossitsa, Drista, Taban,
lac Devno, Kamtchik, Sitnitsa, Lépènitsa, Vardar, Strouma,
l
) Les noms en italique sont en Macédoine.
— 248 —
Strema, Maritsa, Toundja, Tcherna-Réka, Brégalnitsa,
M esta, Téka, Stroumitsa.
b = bulgare, s = serbe.
Eh bien, d'après ces cartes, la frontière ethnographique
serbo-bulgare longe la rivière la Morava bulgare et va
jusqu'à la ville de Prizrend. Au sud-est de cette ligne
habitent les Bulgares, au nord-ouest les Serbes et les Al-
banais. La population à Kourchoumly, Prokouplié, entre
Prokouplié et Nich est serbe (Reise von Belgrad nach Salo-
nik, pages 22, 136, 137), tandis que Kourvin-Grad, Les-
kovets, Vrania sont peuplés de Bulgares (Ibidem, 28, 45, 144,
145, etc.). Ghilani, sur la haute Morava bulgare a une
population mixte, des Albanais et un peu de Bulgares. Au
nord du mont Char, la population est serbe et albanaise,
sauf à Prizrend où l'auteur signale des Bulgares.
En ce qui concerne l'intérieur de la Macédoine, Hahn
et Zach reconnaissent que sa population slave est bulgare
de langue et de nationalité. Hahn est arrivé aux mêmes
résultats après le second de ses voyages en 1863, accompli
sur l'invitation de l'Académie Impériale des Sciences à
Vienne et décrit dans le « Reise durch die Gebiete des Drin
und Wardar unternommen im Jahr 1863 » (paru en 1867
dans les Mémoires de la même Académie).
— 253 —
Nous au
laissons de côté les passages se rapportant
centre macédonien bulgare et mentionnerons seulement
les notes de l'auteur relatives à la périphérie de la Macé-
doine:
Koumanovo. Ville de 650 maisons, dont 300 maho-
«
les plus experts des Balkans, qui s'est illustré par ses « An-
tiquarian Researches in Illyricum », « Illyrian Letters »,
« Through Bosnia and the Herzégovine », etc. Il voyagea
macédoniens comme
incontestablement bulgares. Dans
la première de ses études précitées, il classe dans le do-
maine de la langue bulgare tous les parlers macédoniens,
267 —
ceux de Salonique, Koukouch, Serrés, Démir-Hissar,
Nevrokop, Melnik, Razlog, Vodéna, Castoria, Okhrida,
Monastir, Prilep, Florina, Dèbre, Vélès, Koumanovo,
Chtip, Kratovo, etc.
Dans la seconde de ses études précitées, V. Oblak
fait des investigations détaillées sur le système des voyelles
et des consonnes des dialectes macédoniens. Il constate
que ce système, différent du serbe, est conforme à la pho-
nologie des autres dialectes bulgares. Il constate de même
que, par la perte de la déclinaison et par l'emploi des ar-
ticles définis, les dialectes macédoniens et ceux de la Bul-
garie proprement dite font un ensemble différent de toutes
les autres langues slaves, et avant tout du serbo-croate.
D'un autre côté, il constate (p. 102) que la langue bulgare,
et spécialement ses dialectes macédoniens, par la richesse
de ses formes verbales, par l'emploi surtout de l'aoriste
et de l'imparfait, tient la première place entre toutes les
autres langues slaves.
Comme conclusion de ses études sur la langue des
Slaves macédoniens, on peut citer le passage suivant
(Archiv fur slavische Philologie, XVI, p. 313): «A com-
mencer par Grigorovitch pour finir avec Kalina et
et
Lavroff, les dialectes macédoniens, dans leur ensemble et
jusqu'à quelques exceptions près, ont été rangés dans la
famille de la langue bulgare et, d'après notre connaissance
actuelle de ceux-ci, il ne se trouvera presque pas un seul
linguiste sérieux pour contester cette liaison ».
15. —
G. Weigand, professeur à l'Université de Leip-
zig, maître des séminaires roumain et bulgare à la même
université, a voyagé plusieurs fois dans les Balkans et
a publié des ouvrages importants sur les langues et l'ethno-
graphie des peuples balkaniques. Dans son travail « Die
nationalen Bestrebungen der Balkanvôlker », Leipzig 1898,
nous lisons, entre autres:
« Interrogés au sujet de leur nationalité, les Slaves de
la Macédoine se considèrent comme Bulgares . . . La langue
— 268 —
de population de la Macédoine du sud et celle du nord
la
est sûrement bulgare Quant à l'emploi de la langue
. . .
—
A, Leskien, professeur de philologie slave et
20.
indo-européenne à l'Université de Leipzig, le représentant
le plus éminent en matière de slavistique en Allemagne.
Il affirme que l'ancienne slave liturgique du IX e s. est un
(p. 21).
26. — N. S. Derjavine:
« Les rapports bulgaro-serbes
« Excellence,
C'est un fait bien notoire que, pendant une période
de plus de cinquante ans, des missionnaires américains
protestants se sont consacrés à une œuvre religieuse et
civilisatrice dans diverses parties de la péninsule balka-
nique. Ils s'acquittaient de cette mission sans viser des
buts et sans avoir des attaches d'ordre politique ayant,
par principe, constamment évité toute immixtion dans les
affaires politiques. En considération de ces faits, un exposé
succint des pays où s'est accomplie cette tâche peut pré-
senter quelque valeur, en ce moment où se résoud le sort
de grandes portions de la péninsule balkanique. Vers le
milieu du siècle dernier, l'attention des missionnaires amé-
ricains était attirée par les Bulgares établis à Constantinople
et dans le voisinage de cette ville. L'impression qu'ils en
recueillirent fut si favorable que la mission décida d'étudier
les pays d'origine de ces Bulgares . . .
Le 5 août 1913.
Signé:
J. F. Clarke, D. D., missionnaire dans la Turquie d'Eu-
rope depuis 54 ans.
J. W. Baird, missionnaire dans la Turquie d'Europe
depuis 40 ans.
R. Thomson, d'Edimbourg, missionnaire depuis 30 ans
à Constantinople et dans la Turquie
d'Europe.
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Les déclarations faites au sujet de la Macédoine par un
autre missionnaire américain, le D Edward
r
B. Haskell,
ont le même poids. Elles ont paru dans un des journaux
de la propagande, la « Zornitsa », du 19 juillet 1917, sous
le titre « La nationalité de la population macédonienne ».
LEGENDE
Frontière géographique
de la Macédoine
Frontière politique
Yougoslave
Frontière grecque
albanaise
„ bulgare
Arghyrocastro