Rhsee 09, 1932 1

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Janvier-mars 1932.

1X-eme annee, N-os 1-3.

REVUE HISTORIQUE
DU

SUD-EST EUROPEEN

_
,

(Continuation du Bulletin de l'Institut pour l'itude


de l'Europe sud/orientale")
PUBLICATION TRIMESTRIELLE
dirigie par

N. IORGA
Projesseur a l'Universite de Bucarest, Agree a la
Sorbonne, Correspondant de l'Institut de France.

-- PARIS
LIBRAIRIE J. GAMBER

BUCAREST
LIBRAIRIE PAVEL SURD

7, Rue Danton.

73, Ca lea Victor lei.

www.dacoromanica.ro

DIRECTEUR :

N. 1 0 R 0 A_
BUCAREST, 6, SOSEAUA BONAPARTE

SECRETAIRE DE REDACTION :

C. MARINESCU
Professeur a l'Universite de Cluj.

!moms im summon no MD mimeos a, 'mourns um. map miaow assaosnes 11111101, /1111110.0 MINIM Mal

s SOMMAIRE:
1
2

I
a

N. lorga: Deux siecles d'his- 1


toire de Venise.
Du nouveau sur la pre- I
ARTICLES.

tendant Jean Bogdan.

Quelques voyageurs occidentaux en Orient. I


1
Les Tatars et le Saint Siege d'apres un Iivre recent.
i
COMP1 ES-RENDUS sur: Steven Runciman, Gennaro M-a Monti,
I

Paolo Terruzzi, Edmond Pottier, Leon Savadjian, Vernon John e


Puryear, Andre Veress, T. \V. Riker, Ernst Gerland, Andre Gra- i
bar, S. P. Lampros, Antoine Sands, Giselher Wirsing, Franco
V ellani-Dionisi, Luigi M. Ugolini, F. W. Hasluck.

I6

CHRONIQUE par N. lorga.

.!

:111 .1. MOHO am Imam w11111111146111111111191111 MP WINO

1101.1110, MOON MIMI OMIIIPM 1111.10111111 0

Imprimerie Datina Romfineasci


Valenti -de-Munte

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REVUE HISTORIQUE
DU

SUD-EST EUROPEEN

PIIBLIEE PAR N, _TORGA, PROFESSEUR A L'UNiviaRsis'il DE BII0A.ILEST

JANVIER-MARS 1932,

IX-E ANNEE, NOS. 1-3.

DEUX SIECLES D'HISTOIRE DE VENISE

- Conferences donnees en Sorbonne I.

Venise d'Empire.
On peut affirmer, apres avoir etudie encore un siecle de Phis.toire de Venise, que le point de vue fixe au commencement de
cette exposition reste, c'est --a --dire que Venise ne peut pas etre
presentee des le commencement sous le rapport occidental, sous
le rapport italien peninsulaire.
Venise s'est form& d'une communaute rurale, de ce que rap-,

pelle une Romania du moyen-age" 1, c'est-a-dire une organisation libre, non dominee par les barbares, n'etant pas encore
arrivee a la conscience d'un Etat, se gouvernant par des Con.seils, ayant a sa tete des chefs qui, au debut, etaient elus et qui
ont conserve toujours quelque chose de leur caractere primitif.
D'abord, cette communaute rurale, cette Romania", est sur le
rivage de l'Adriatique ; puis, avec une Italie barbare derriere
elle, a laquelle elle ne tient pas et, pendant longtemps, elle
n'y tiendra pas , i1 y a cette tendance naturelle de s'associer
les autres Romanies" qui se trouvent sur la rive occidentale de
la peninsule des Balcans. Elle est la, non pas en tant que conquerante et organisatrice d'une conquete, mais en tant qu'orga-,
nisme similaire a ces autres organismes de Romanies" qui se
trouvent sur l'autre rive de l'Adriatique. De sorte que le role
de Venise en Dalmatie, apres la conquete du doge Pierre Orseolo,

a la fin du X-e siecle, n'est pas celui d'un Etat qui domine

c'est le role d'une presidence sur des autonomies. Parce que ce


qui etait autonomie auparavant conserve son caractere, et Venise
s'installe, ressemblant, comme organisation, a ce qui se trouve de
I jean le Diacre parle de ,Romains" et de ,Slaves* sur le littoral, ,Non
modo cives, verum omnes de finitimis, sacramentis ab omnibus pactis, sub
illius principis potestate manere decreverunt".

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l'autre cote du Mare nostrum", pour garder des formes d'or.


ganisation qui Jul appartiennent, qu'elle a aussi, et de la meme
fawn que les vines ranges sur le littoral oriental de l'Adriatique
et les Iles qui bordent ce littoral t.
j'ai essayd de prouver aussi autre chose: que, non-seulement
Venise a des attaches avec Byzance, mais que c'est une chose
byzantine. Elle represerite la bourgeoisie extrinseque de l'Empire
d'Orient ; au lieu que cette bourgeoisie existe dans l'Empire, elle
est, geographiquement, au point de vue territorial, en dehors de
l'Empire. Chez lui, l'Empire n'a pas une bourgeoisie, et Venise est
la pour remplacer cette bourgeoisie que l'Empire d'Orient n'a
jamais pu creer.
Comme on le verra au cours de cette exposition, jusqu'a une
date de la plus grande importance pour le developpement de la
politique venitienne, jusqu'au moment oil les croisades lui attribuent une autre mission, qui finira par rompre ce lien naturel
organique avec l'Empire grec, les Venitiens ne sont pas des
hates de Byzance : ce sont des gens de labas ; pour employer

le terme meme qui a pass du grec byzantin dans le langage


des diplOmes latins, ce sont des dull imperatoris", ce sont ses
esclaves".
,,Esclave" n'avait pas, Bien entendu, le sens d'aujourd'hui. Au
sens byzantin, c'etait une chose tout -- afait acceptable, surtout
si on avait certains privileges de commerce qui pouvaient racheter ce que nous considerons comme une humiliation. C'etalent done des duli", des esclaves", et le detachement de
l'Empire n'arrivera
tout en devant continuer encore la serie
des privileges et les affaires avec Constantinople, qu'au moment
oil la croisade introduit l'el6ment latin et oia Venise cherche a se
former, en Orient, une autre situation que celle des anciens dull".
De sorte que la participation de Venise aux premieres croisades
signifie l'abandon de la situation constitutionnelle anterieure, qui
sera remplacee par une autre : c'est, maintenant, Venise qui s'in
static pour ellememe, qui prend place a cote de Byzance, et, s'il
' Romanin l'avait dj saisi. Voy. Storia documentata di Venezia, I. p.
277: ,Non 8 a prendersi in un senso assoluto, ma a considerarsi soltanto

come un atto per cui quelle popolazioni si mettevano sotto la protezione yeneziana, entrando tutt' at pift in una condizione di vassallaggio e pagando...
un tributog.

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Venise d'Empire

est necessaire, par dessus tous les souvenirs, tous les interets et
les bienfaits, mime contre Byzance.
On aura ainsi, au XII-e siecle, la Venise rebelle, la Venise qui,
essayant de conserver une situation capable de lui procurer de
grands avantages, veut, avant tout, avoir ses etabli.ssements a
elle. C'est Venise creatrice, apres l'autre Venise qui a subi tout
ce que l'Empire grec, jusqu'a ce moment, pouvait lui imposer
en echange pour les facilites de commerce accordees depuis long.temps a la Republique.
En attendant, telle est la vraie situation de Venise pour tout
le XI-e siecle, qui forme, non-seulement sous le rapport chro-'
nologique, mais sous le rapport du contenu, du developpement
organique, une unite depassant les limites ordinaires chronologiques ou celles du regne des doges, qu'on impose un peu trop
a l'histoire de Venise.
Car combien est lourde l'erreur qui range l'histoire de Venise
par ces refines de doges I 11 y a eu, sans doute, parmi ceux -ci,
des personnages hautement clouds, ayant des conceptions qui
leur etaient personnelles ; it y a eu des ambitieux, it y a eu des

conquerants par temperament; il y a eu de grands organisa-.


terns ; it y a eu des chefs d'8tat qui ont contribue a accroitre
l'importance de la Republique, mais jamais on ne trouve, d'un
regne a l'autre, un changement dO a des motifs personnels. Si
on le croit, on ne se rend pas compte combien, A Venise, ce
qui dominait c'etaient encore les Conseils, la classe represent&
par ces Conseils, ces optimates" ; je ne dirai pas: ces Grands
de Venise, puisque c'est une chose de tres tard, mais ces chefs
naturels de la communaute venitienne 1.

Venise ne se gouverne pas par les hommes qu'elle ellt ; ce


sont ces hommes qui se gouvernent d'apres des traditions; ces
traditions dominent d'un bout a l'autre. De sorte qu'on ne peut
pas parler de dynasties de doges et on ne peut pas attribuer au
remplacement d'une famille par une autre un role que jamais
un doge, une succession de doges, ce qu'on appelle une dynas-,
tie de doges, n'a pu s'arroger a Venise.
11 y a aussi une autre erreur, que l'on commet ordinairement,
1 En 998 quatre-vingt dix nobles promettent d'8tre loyaux au doge; Ro-'
main, loc. cit., pp. 385-387.

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et qui consiste a placer, autour de l'histoire de Venise, tout le


developpement de la royaute germanique dans la Peninsule, a
relier Venise a ces choses qui lui sont exterieures, qui l'interessent sous un certain point et dans certaines limites. Mais ceci ne
permet pas de rattacher tout le developpement de Venise a ces
descentes germaniques, a ces visites d'empereurs.
Dans la description par Domenico Tino de l'election, en 1071,
du doge Domenico Silvio on voit se rassembler a Olivolo les eveques, le clerge et les moines de S. Nicolas du Lido. Its s'ecrient,
comme le faisait le corps electoral populaire des princes de Valachie au XVII-e siecle encore : Dominicum Silvium volumus
et laudamus". On porte l'elu, dechausse, a S. Marc pour lui
faire entendre le traditionnel Te Deum byzantin, le Kyrie eleisonl.

juges et bons hommes" les prudentes viri, les archontes" se


conservent pendant longtemps a cote du chef conditionnel de
1'tat et les chefs des contrade (comme a Sienne), soumis aux
chefs des sestieri, sont prets, apres la conjuration de Baiamonte
Tiepolo, a descendre au premier son de cloche vers la place de
S. Marc 2.

II y a eu deux empereurs qui ont visite Venise : Othon III,


qui a passe a Venise d'une facon plutot furtive, qu'on connait
insuffisament par les sources, et plus tard Henri IV, qui y a fait
un sejour public en 10943. Or, pour Venise, ce n'est pas un evenement. Beaucoup de personnalites politiques pouvaient traverser
la place de Saint-Marc, mais ce n'est pas de la que dependra
quelque chose dans le developpement de la cite.

La royaute germanique est a tel point etrangere au developpement organique de la Republique que I'empereur Conrad, a
un certain moment, exprime cette opinion que les Venitiens
ont ete toujours les ennemis de ('Empire. II suffit de cette declaration imperiale pour comprendre quels ont ete les rapports entre
ces dominateurs de la Peninsule, descendus, pour quelque temps,
des Alpes, et la ville.

Voici le texte lui-meme, contenu dans une lettre du 8 mars


A Ibid., I, pp. 309-310.
Commemoriall, I, p. 101, no. 439. Cf. Kretschmayr, Geschichle von Venedig, I, p. 195.
a Romantn, loc. cit., p. 331 et suiv.

'

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Venise d'Empire

1034: Les Venitiens, qui ont die toujours, a Pegard de notre


Empire, des rebelles 1".

Donc, a l'egard de Byzance, ce sont des duli" ; ce sont des


amis, ce sont les bourgeois de l'Empire d'Orient, ce sont les gens

de la-bas, ce que l'Empire accepte, non-seulement parce que


c'est un avantage pour Venise, mais parce que c'est une ne..cessite de l'Empire lui-meme.

Par consequent, it y a un lien organique entre Byzance et


l'Empire d'Orient, tandis que, pour les empereurs germaniques
qui descendent en Italie, non-seulement it n'y pas le lien organique, mais it y a une opposition de principe entre ce qui domine dans la vie politique de Venise et ce que representent les
envahisseurs de l'Italie, dont l'histoire, a mon avis, ne devrait
jamais etre trop melee a celle de la formation et du develop-,
pement de la nation italienne elle-meme, qui est tout autre chose.
Ce qui concerne ces envahisseurs, c'est une chose d'a cote ; si
on a beaucoup de place, on peut accorder a ces choses d'a cote

ce qu'on veut, mais, lorsqu'il s'agit d'une exposition un peu


serree, it faut parler du developpement du principe generateur, de
ce qui forme I'essence intime d'une organisation politique '.
Meme en ce qui concerne les interets de commerce et l'extension territoriale, la Venise du X1-e siecle a tres peu a faire

avec ]'Occident. On s'imagine trop que Venise, a ses commen


cements, a eu des raports tres &rolls avec l'Istrie, avec cette
ville de Justinopolis qui est Capo d'Istria. Or, lorqu'on examine
un peu de pres tout cela, on se rend compte que Venise se tour.nait presqu'exclusivement vers l'Orient.
' Venetici vero cum semper imperio nostro rebelles extiterunt et Gradum
plebem per vim tenueruntu ; voy. aussi Kretschmayr, loc. cit., p. 443. On
salt le role de Venise pendant la guerre entre Frederic Barberousse et le
Pape Alexandre (la version venitienne dans la chronique de Dandolo, pp. 302303). En 1227 Rodolphe leur demandera d'aider la croisade qu'il prepare ;
Commemorlali, III, p. 4, no. 5. En 1311, comme le roi des Romains Henri
emploie un langage de commandement, on lui repond que jadis ses predecesseurs avaient ,un plus beau style*: ,quod ipsi reges tenebant pulchriorem
stilum in scribendo domino duci quam faciat apse rex Henricus qui intravit in
Lombardiam ; ibid., pp. 72 -73, no. 313. Cf. ibid., p. 102, nos. 441 -442; pp.
106-107, nos. 466, 469, 471; p. 112, no. 498.
I Voy. mon ouvrage roumain sur le developement de l'histoire des Italiens,
Bucarest 1930.

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N. lorga

Et 11 faut bien que nous nous tournions aussi, en examinant


Phistoire d'un Etat, du cote ou l'Etat lui-merne, par ses necessites organiques, se tourne. Il ne faut pas que Venise regarde du
cote de l'Orient et que nous ecrivions son histoire en restant,
d'une facon opiniatre, diriges vers l'Occident, oil elle n'a encore,
que des interets secondaires.

Vers la moitie du XII -e siecle, les villes de l'Istrie pendant


longtemps des abris de pirates 1, a Pegard de Venise, ainsi que
nous l'avons dj indique, avaient des devoirs d'un caractere
tout-a-fait simple, derivant de ce qui a forme, au commencement, l'autonomie populaire de ces centres urbains. Elles devaient

a Venise un hommage ; elles payaient tin certain nombre de


romanati, la monnaie byzantine que Venise a employee pendant
longtemps, et envoyaient un contingent militaire 9.

A Pegard de Parenzo it est dit qu'elle donnera a Venise ce


que les autres habitants de l'Istrie avaient promis de faire et
gulls sont contents de remplir" 3.
Pour une ville voisine, l'obligation est de donner a l'eglise de
Saint-Marc quarante livres d'huile, et tout cet istricus populus",
toute cette population de l'Istrie ne devait pas plus que cela 4.
Lorsqu'il s'agit de formations politiques plus lointaines, comme
Trieste, par exemple, avec ses gastaldi, ses juges' 6, les rapports
ont ete, pendant longtemps, tout-a-fait superficiels. Venise avait
des conflits avec le Patriarche d'Aquilde 6, a certains moments,
avec le comte de Gorizia, avec ces gens de Trieste, mais jamais
elle n'a considere comme son premier devoir de se creer dans
ces regions, qui sont italiennes ou voisines de l'Italie, sa vraie
base. La vraie base &all, par-dessus la mer, de l'autre cote, en
i Marinis latrociniis deditae ; Dandolo, p. 284.
2 Pour les Iles, vers 1150, voy. Dandolo, p. 281.

5 Duos romanatos singulis annis duci dare et reliqua omnia quae caeteri
Istrienses facere promiserant et ipsi adimplere contenti sent; Ibid.; cf. ibid.,
p. 285.
4 Ibid.
5 Mentionnes dans un acte de1202; Tafel et Thomas, Urkunden, dans les
Fontes rerum austriacarum, I, p. 386 et suiv. Pour Muggia, Ibid., p. 336 et
suiv. Cf. aussi ibid., 11, p. 317 et suiv.
Enferme avec 700 nobles, it devra promettre au doge de donner une fois
par an douze gros pores" et douze pains; Dandolo, p. 288.

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Venise d'Empire

Dalmatie, et aller vers le Nord, aller vers ]'Occident ce sont des


directions qui sont venues ensuite et que le gouvernement ye,nitien ne considerait pas comme formant les premiers points d'une
expansion naturelle.
Lorsqu'il s'agit de

gagner des ports dans les environs, par


exemple a Settimo, et on s'adresse pour cela a l'eveque de
Ceneda ou un autre point d'appui sur la cote italienne, comme
Villano, it faut demander, vers le commencement de ce XI-e
siecle, l'assentirnent du chef religieux. Dans ces cas, on voit des
negociations entre la communaute de caractere populaire, pa.triarcal de Venise et entre ces eveques'. II est question de fondaques a gagner, de sel marin a vendre, de pensions, de livres
d'huile en guise de recompense 2.
Et ce qu'on trouve en terre italienne pour le role des eveques
comme representants de la population, comme ceux qui ont le
droit de patter au nom des autres habitants et de conclure les
traites, on le trouve aussi en Dalmatie. La Dalmatie, villes du
littoral et Iles, est toujours a la disposition des eveques. Celui de

Farra et Brazza conclura le traite avec Venise comme syndic


des Iles ", des les qui dependent de l'eveche de Farra" 3.
11 arrivera dons que Zara, la capitale de la region, se revolte
contre Venise, parce que l'eveque ne veut pas admettre qu'il
soft sous les ordres du Patriarche de Grado, situation qu'il finira
pourtant par accepter en 1247. Selon le conventum" l'archeveque
sera un Venitien ; on lui donnera 1.500 peaux de lapin par an
et deux fois on chaAtera ses laudes ; le doge, un orerus dominus"
et senior noster", atra trois mille peaux et cent cinquante per.peres ; un comte veniien presidera deux conseillers envoyes par

une garnison venitienne gardera le chateau; tous les


habitants a partir de qtatorze ans preteront serment de fidelite ;
le doge sera, a son arrvee, bien accueilli et conduit jusque dans
les eaux de Raguse ; ure flotte venitienne de trente galeres recevra un contingent dalnate d'un tiers ; quarante &ages garanVenise ;

tiront la convention.
1 Romanin, ouvr. cite, I, p. 22 et suiv. (annee 997); p. 273 (pour l'eveque
de Trevise).
2 Ibid.
Cum aliis instills quae depentent de episcopato Farrae ; ab incolis illarum
insularum syndicus constitutus ; Landolo, p. 395 et note 6.

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C'est le type du statut que la Republique impose a ses vassaux. En dehors de cela, ifs conservent toutes leurs anciennes

institutions. II y aura a Zara un tribun et un juge, meme un


spathario-candidatus de creation byzantine; a Spalato un prieur-

merne un jeune" et un vieux" - et un tribun ; a Trail un tribun ; a Biograde un prieur ; a Arbe trois juges dont depend le
comte, elu sur quatre designes au Venitien ; a Osero des juges
pour six mois ; a Veglia des juges, un Grand Conseil : quand les
comtes visitent file, chaque terre lui fournit un ane et un guide ;
ils ont le droit d'acheter une vache a Noel ; ils nomment le
dvornic (dornico) et les juges des chateaux, mais doivent confirmer seulement le septenico voulu par les habitants 11 Venise va si

loin qu'elle propose, au commencement du XIV-e siecle, a un


Giorgio (Zorzi) de prendre pour lui Curzola, s'il le vent.
II ne s'agit done pas de ce que nous appelons la politique it
s'agit d'une population qui vit, comme les anciennes Romaniae"
du commencement du moyen-age, sous l'autoritt de l'eveque,
chef et representant de la communaute, et c'est par un engagement libre, pris par cet eveque, au nom de la population, que
ces centres a demi ruraux arrivent a avoir ceitains liens avec
Venise, des liens qui ne sont jamais pareils a Qeux qui relient, a
notre poque, une population conquise avec Its conquerants.
1 Commemoriali, I, 5, no. 10; p. 13, no. 41 ; pp. 74-75, no. 315; p. 87, no.
371 (pour Giorgio); p. 90, no. 386 ; p. 151, no. 665 ; y. 219, no. 228; pp. 220,
230-231; Tafel et Thomas, loc. cit., 1, pp. 41-43, no. xxt; p. 63, no. xxvi ;

pp. 63-64, no. XXVI (Spalato offre, en 1097, a Voise, pour be stolus de la
croisade, deux galeres ou une sagina ; on y corrote encore en romanats);
p. 170, no. 3; III, pp. 110-111, no. 487; pp. 138-. 39, no. 612; p.281 at suiv.
(,, capitulaire" de 1278); Dandolo, pp. 250, 273, wrre 4, glosse (pour Giorgio),
309 et suiv.
Pour Raguse cf. notre etude sur cette Ville, Itaris 1930, et Commemoriall,
1, p. 14, no. 46; p. 47, no. 218; Tafel et Thom4 ouvr. cite, III, pp. 165, 220,
229-230, 247, 307 et suiv. (privilege de mai 1212), 328 et suiv. (celui de 1236),
463 et suiv. (celui de 1251); Dandolo, p. 391 (attaque serbe en 1275-1276).

Le verus dominus" Dandolo, p. 272.


Le pacte pour Almissa, 1301, Commemoridi, 1, p. 16, no. 60. On se rassemblait pour des actes importants dans des corirents, comme celui de S. Georges

a Segna (Sinj), ibid. p. 143, no. 627. Venise y avait un consul; ibid., p. 86,
no. 368 Telle ville, Zara, a le droit de corwoquer, vocare tine autre, comme
Pago; ibid., III, p. 133, no. 589.

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L'idee meme de conquete doit etre totalement elaguee en ce


qui concerne le developpement de Venise.
Il n'y a pas de p're chose, dans l'etude de l'histoire, que de
juger des choses qui appartiennent a un autre monde, a un

monde ayant d'autres conceptions, d'apres nos hides a nous.


Toute l'histoire en arrive a etre faussee. Au lieu de cet effort,
qui n'est pas si difficile qu'on se l'imagine, de se detacher de
soi-meme, de son epoque, des conceptions courantes, pour lire
attentivement les documents premiers, et non pas les etudes faites
sur des dissertations plus ou moans scolaires et Crudites compildes

sur les documents, et se faire un etat d'ame correspondant a


Petat d'ame de celui qui a donne la note contemporaine, au
lieu de cela, on s'avise de contemporaniser", on pourrait dire,
toute l'histoire, et c'est, sans doute, la raison pour laquelle on se
dispense parfois de lire avec attention des choses qui ressemblent
tellement a celles au milieu desquelles nous vivons que cela ne
vaut plus la peine de s'y initier.
Tandis que, si on se rend compte des profondes differences
entre les differentes epoques, cet interet existe, et en s'y attache
avec toute la puissance de cette belle et noble chose qui est la
curiosite humaine a la recherche du nouveau.
Apres avoir mieux fixe ce caractere de la domination de Ve.nise, nous voudrions noter dans quelques details quel &ail le Caractere des rapports avec Byzance, d'un cote, et, de l'autre cote,
de quelle fawn ces rapports avec Byzance ont ete toujo"rs meles
aux interets que Venise avait en Dalmatie, a cette presidence
sur les autonomies de l'Adriatique dont it a ete question au
commencement de cette etude.
D'abord, it faut affirmer cette chose que, dans les moindres
details de la vie venitienne au X[-e siecle, en rherchant un peu,
on retrouve Byzance. On a analyse L le developpement des monnaies; on trouvera, sur ces monnaies, a cote de celles qui sont

frappees pour les rapports avec l'Occident parce qu'il y a des


monnaies de Venise qui sont occidentales, pour des raisons d'in
teret, car, a cette epoque, on ne frappait pas la monnaie pour

affirmer l'independance d'un Etat, mais, pour des raisons de


commerce ; on choisissait celle qui pouvait avoir le meilleur
1 Molmenti, Vita privata dei Veneziani, derniere edition, I, p. Z48 et suiv.

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N. Iorga

10

cours, et Venise, qui avait des interets occidentaux et orientaux,


flottait toujours entre la necessite de faire passer sa monnaie du
cote de l'Occident germanique et celle de la faire accepter par
le monde oriental,d'autres qui portent, au commencement (X-e
siecle), cette inscription : Hpe (Christe) salve Venecias".

En latin, cette invocation au Christ, qui dolt conserver Venise", correspond parfaitement au texte grec qu'on trouve sur les
monnaies de Byzance. C'est une traduction et, meme, je me demande si, plus tard, la presentation par le doge du drapeau a
St. Marc n'est pas une contrefacon des deux figures, interpretees de differentes facons a differentes poques, qui se trouvent sur les monnaies byzantines.

De l'autre cote, au moins a partir d'une certaine epoque, on


a, sur les monnaies venitiennes, le Christ tronant, le Christ qui
preside, et la ressemblance avec les monnaies byzantines est tel,lement forte que les personnes qui ne sont pas habitudes a ma,vier les monnaies de Venise, les matapani", les grossi argentei"
une des plus belles et des plus loyales monnaies du moyenage par leur argent si pur et si brillant s'imaginent avoir entre
les mains la monnaie d'un empereur byzantin quelconque.
Sous Pierre Ziani (mais, a cette epoque, Venise etait dj do-.
minatrice a Constantinople), on a meme Jesus-Christ" en lettres
grecques sur la monnaie de Venise.

A cote, dans des actes du XI-e sicle, malheureusement,


ces actes sont tres peu nombreux, mais, si le nombre en &all
plus grand, on pourrait constater, a chaque moment, que cette
regle est observee , on date d'apres l'empereur byzantin. II est
cense etre le maitre, dans le sens le plus eleve du mot, de Venise. Telle convention de 1031, pour Chioggia, est &tee done :
Imperante domno Romano magno et pacifico Imperatore anno
autem imperil ejus secundo" ; Sous le regne de l'empereur Ro,main, grand et pacifique empereur, pendant la seconde armee
de son regne" 1. Les vieilles coutumes byzantines subsistent : tel
Patriarche, Orso Orseolo, est en meme temps vice-:loge (1031)

et il envoie des ambassadeurs a Constantinople 2. On volt un


autre Patriarche envoye par le doge a Constantinople, avec qua,1 Romanin, loc. cit., p. 505.
' Dandolo, p. 246.

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Venise d'Empire

11

torze galeres, pour amener des secours 1. On peut voir des doges
chasses pour avoir mat gouverne leur flotte Q. Lin autre avait ete
depose et envoye a Constantinople en habit de moine 3. Comme
plus tard chez les Ottomans pendant l'interregne, le pillage, la
derobatio est toleree 4.

En meme temps, tout ce qui se passe a Constantinople, toute


cette vie byzantine pleine de revolutions, de changements d'empereur, d'assassinats, de revoltes, tout cela appartient et est considere par les Venitiens comme appartenant a leur histoire.
On n'a qu'a chercher, dans cette compilation si interessante
du doge Dandolo, qui emploie, sans doute, des renseignements
beaucoup plus anciens, pris un peu de tous cotes, dans des sources

de Dalmatie, dans des sources grecques (Graecorum historiae),


dans des sources occidentales, dans des sources locales, dans les
documents inedits 5, on n'a qu'a y chercher les passages qui concement Byzance. Les Venitiens en parlent comme de leur Etat,
comme de quelque chose qui se passe chez eux et meme, parfois, on trouve des renseignements qui n'existent pas dans les
chroniques byzantines, des surnoms qui n'ont pas ete recueillis
par les historiens de Constantinople et que Dandolo a introduits
dans son recit :
Apres la mort du frere de Constantin, it gouverna seul
a Constantinople l'an de Notre Seigneur Jesus-Christ 1023.
Il donna sa fille Zoe pour femme a un certain Romain
de Heliopolis et, n'ayant pas d'heritier masculin, apres trois
ans de regne, it decida, a sa mort, qu'elle soit son heritiere,
avec son marl " s.
1 Ibid., p. 265.
2 Ibid., p. 249.
3 Ibid., p. 239.
4 Ibid., p. 310.
5 ',Ex his namque quae dicentur quaedam vidi et audivi, quaedam vero ex
lectione annalium mihi innotuere` ; horum autem legatorum commissiones
bulla ducali plumbea communitas vidi et leg(' ; p. 293. Pour les ,histoires
grecques`, p. 273.
6 Constantinus post obitum fratris solus imperavit in Constantinopoli anno
Domini nostri jhesu Christi millesimo vigesimo tertio. Hic filiam suam ZoE in
conjugem dedit cuidam nomine Romano Heliopolitano, quam, cum non baberet heredes masculos, post tres annos imperil sui moriens heredem suam cum
viro ejus esse decrevit s p. 238.

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N. lorga

12

C'est absolument le ton des annales byzantines. Lorsqu'il s'agit


de ces empereurs, de ces imperatrices de Constantinople, on em-,
ploie le terme officiel : Augustus et Augusta.
L'Auguste Zoe est donc repudiee par Michel, et sa soeur Theo-,
dora le fit arreter et aveugler. Puis Zoe revient 1.
Plus loin on lit :

L'Auguste Michel est fait moine par Isaac. Et it regna


Puis Constantin Ducas eut l'empire. Et, a pres sa
mort, sa femme, Eudocie, regna avec ses fils, jusqu'a ce
qu'elle epousa Romain Diogenes, qui eut l'empire."
Ce West qu'apres ces lignes breves que l'histoire de Byzance
s'entremele aux exploits des Normands et le recit prend un tout
ensuite 2.

autre tour.
Venise se considere donc comme une partie de ce vaste Ern-,

pire auquel elle &aft mil& par tant de liens et, surtout, par un
lien essentiel : celui de la conception meme de l'Etat.
II y a une difference dans les rapports crees entre des formations politiques qui ont une autre essence et ce fait qu'une
formation politique reconnait que son principe est equivalent
au principe d'une autre formation, plus importante, a laquelle
elle doit, sinon sa creation, au moires sa permanence, le maintien et le developpement de tons ses interets.
n arrive parfois que des doges du XI-e siecle suivent l'exemple de leurs predecesseurs du siecle precedent, en se faisant at-,
tribuer par Constantinople des titres d'honneur dont ids etaient
tr es fiers.

En 1076, les Bens de Spalato, qui sont des vassaux de Venise,


des associes plutot, dans un rang inferieur, de Venise, appellent
le doge Dominique Selvo 1 protoproedre imperial", et le terme
grec: protoproddros" correspond a celui de patrice 3.

Line autre forme, qu'on rencontre en 1049, est le titre de


1 Zoe Augusta a Michaele repuliatur, quern Theodora, soror, cepit et excoecavIt. Zoe redilt posteo. Michael Bricas (le Phrygien) imperium tenuity
p. 245.

2 Michael Augustus .... ab Isachio monachatur. Ille postea imperavit. Post


hunc Constantinus Ducas imperium tenutt. Et illico moriens Eudochia conjux
cum ((Ills imperavit, quae postea Romano Diogeni nupsit, at hic imperium
tenuit; pp. 243-246.
Dans le Code diplomatique" de Rani, no. 102.

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Venise d'Empire

13

protosebaste" ' Ce titre est dti, parfois aussi a des rapports de


parente avec l'empereur byzantin.
Le doge de 1075 avait epouse une fille de Constantin Ducas
ou de son successeur, Nicephore Botaniate 2, et it y a tin passage

qu'on a trop accepte, dans un livre de moralisation, of la conduite de cette princesse etrangere est severement critiquee. Or, si
on veut moraliser par l'histoire, Phistoire en souffre parfois et,
en tous cas, ce n'est pas dans des moralistes qu'il faut chercher
la verite historique la plus sure. Dans cet ouvrage de Pierre Damien, it est question d'une princesse de Constantinople marl& a
Venise, et le sermonneur religieux insiste sur les differences d'habi-

tudes entre les dames de Venise et cette Grecque qui etait aux
cotes du doge. II dit qu'elle se lavait chaque matin d'eau recueillie sur la rosee des fleurs, ce qui signifie tout simplement qu'a
Byzance on se lavait un peu plus que dans le monde moyen de
Venise; elle se lavait d'eau fraiche, au lieu d'employer celle qui
se trouvait dans ses appartements.
Line autre des accusations de Pierre Damien est celle-ci: qu'elle
se coupait les mets en employant des fourchettes: furcinulis aureis
atque bidentibus.

Manger en employant des fourchettes d'or, ce n'etait pas une


peccadille serieuse, sauf si on est, en fait de morale, trop pre-,
tentieux.

Dans sa chambre, on etait habitue a repandre des parfums.


Dans tout l'Orient, on a repandu, a n'importe quelle poque, des
parfums dans les chambres habitees.
Et, pour montrer combien Dieu etait indigne de cette corruption par le luxe, l'ecrivain expose les souffrances au milieu desquelles la dogaresse est morte, probablement du cancer, mais,
sans doute, pas parce qu'elle se faisait apporter de l'eau fraiche
pour se laver, ni parce qu'elle employait des fourchettes, quelle
que flit la qualite du metal dont elles etaient faites, ni parce que,

dans sa chambre, it y avait une odeur inaccoutumde dans les


petites chambres des maisons primitives de la banlieue de Venise 3.

' Romanin, ouvr. cite, I, p. 305.


2 Ibid., pp. 310-311.
2 Institutio monialis; aussi dans Kretschmayr, ouvr. cite, 1, pp. 452-451

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N. lorga

14

Mais, s'il est evident que Venise, oil se trouvaient tant de marchands
ayant habite, pendant de longues annees, en Orient, connaissait par-,

faitement, non-seulement les habitudes, mais les modes de l'Orient, le recit de Pierre Damien, bien que certifie comme provenant de la meilleure source, ne repose pas sur un temoignage
venitien.

Au milieu de ses rapports excellents avec Byzance, it ya eu,


des le XI-e siecle, une question : Byzance voulait avoir une
bourgeoisie italienne, s'en servir pour ses interets, en faire
la base meme de son commerce ; cependant, elle n'avait pas

de preference speciale pour Venise. On prenait les Venitiens


parce qu'ils etaient IA, parce qu'ils avaient certaines qualites ;

mais, si quelqu'un, plus attache a l'Empire et ayant, en meme


temps, moins de moyens que les Venitiens, une force de beau-,
coup inferieure, done capable d'etre domine d'une facon plus
etroite par I'Empire, se presentait dans Bette qualite, l'on etait
dispose a accepter ce concurrent, ce rival de Venise. Et it y en
avait deux.

La tragedie des rapports de Venise avec Byzance au XI-e


siecle est constitude par l'existence de ces deux rivaux naturels.
D'abord, it y en avait un qui etait ancien : les gens d'Amalfi,
qui appartenaient a l'Italie Meridionale, et, si Venise s'etait de,tachee, sous le rapport politique, de Byzance, s'il n'y avait pas
l'appartenance byzantine pour le territoire meme de Venise, l'I-,
talie Meridionale et la Sidle sont restees, pendant longtemps,
terres byzantines.

De plus, on pouvait imposer n'importe quoi aux Amalfitains,


qui n'etaient pas gens a pouvoir resister, tandis que Byzance s'apercevait de plus en plus que Venise acceptait certaines choses,
mais que, si on voulait lui en imposer d'autres, elle etait capable
de faire ce que nous verrons pour l'epoque de jean Comnene
et de Manuel Comnene, c'est-a-dire entrer en guerre contre
l'Empire : oublier tout le pass, fouler aux pieds tous les devoirs,
s'insurger contre l' Augustus", contre la maitre naturel de la cite.
Void pourquoi les Amalfitains, jusqu'a la fin du XI-e siecle,
ont conserve une situation privilegiee.
A cold des gens d'Amalfi it y avait les Ancemitains. Anceine,
placee plus bas sur la cote orientale de l'Adriatique, etait, et est

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Venise d'Empire

15

rest& toujours, une petite ville, dont on pouvait disposer a son


gre. Au commencement, les Anconitains etaient des pirates, et
Venise combattait contre les Anconitais parce qu'ils empechaient
un commerce assure dans les eaux de la Mer Adriatique. Elle

employait un moyen qu'elle a retenu jusque bien tard :

elle

fermait les voles de la mer", ce qui s'appelle, en latin : claudere


vias marls; c'est--dire que le port d'Ancone &all totalement
ferme au commerce de l'Orient.
Au debut, Ancone se prevalut, dans son opposition contre
Venise, du fait que la ville restait toujours soumise a l'Empire; les Anconitains etaient obedientes impede 1. S'appuyant sur cette permanence des relations de soumission parfaite
a regard de l'Empire, les habitants d'Ancone cherchaient a faire
a Venise une concurrence qu'ils ont continuee meme au XIII-e
siecle, et Venise, reunie, un moment, a Rimini, s'est adressee,
contre les Anconitains, meme aux Pisans ; les Pisans ont eu ce
sens de la communaute du commerce oriental qu'il fallait pour
refuser aux Anconitains, complices des pirates d'Almissa s, l'aide
contre les Venitiens 3.

Pendant tout le XI-e et le XII siecles, it y eu cette opposition entre Ancone et entre

Venise, et, pour l'Empire by-

zantin, la possibilite d'un choix entre les vassaux plus anciens,


disposant d'une flotte formidable et capables de se soulever en
armes, et entre les Anconitains, qui etaient, dans le vrai sens du
mot, des dull", des esclaves de l'Empire.

Seulement, a la fin du XI-e siecle, it y a eu une chose qui a


decide de la situation des Venitiens a Constantinople, detruisant
une base qui, sans cela, serait rest& pendant longtemps inebran
lable.

Aussiteit apres avoir gagne cette situation privilegiee a Cons-,


tantinople, apres avoir fait partir les Amalfitains, apres avoir
obtenu ce qui formait, auparavant, le domaine de ces concurrents,
la premiere croisade est venue poser un nouveau probleme.
1 Dandolo, pp. 285 et note a, 293, 299, 397-398.
2 Ibid., p. 397.
3 Ibid., pp. 311, 312 (annee 1150). Au X111-e siecle le Pape intervint sans
effet en faveur d'AncOne, qui fut assidgee par les Venitiens; ibid., pp, 350,
387-388, 393 -394.

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16

N. lorga

N'y aurait-il pas des possibilites de commei ce et de domination, de domination independante et pas sujette, done d'un
caractere beaucoup plus eleve et beaucoup plus solide, en soutenant ces croises, consideres comme des intrus desagreables et
dangereux par Byzance, qui ne les avait pas appeles ? Car c'est
une chose absolument sure que Byzance n'a pas fait le geste
humiliant d'appeler a son secours contre les Tures les Occidentaux:
ils se sont presentes d'eux-memes, sans avoir discute stir ,les
conditions et se comportant d'une facon que n'importe quel tat
organise n'aurait jamais admise.
Le concours militaire des croises pour reconquerir sur les Turcs
certaines places de Syrie etait rend a tin tel bouleversement de
tout l'ordre dans l'Empire et it coupait d'une facon si nette toute
possibilite de reconquete byzantine en Asie, que l'Empire a du,
des rarrivee des premiers transports, considerer ces hates mal
venus comme des ennemis.
Or les Venitiens avaient tout interet a gagner autre chose que des
asiles toleres, a la place des anciens duli", pour continuer a etre
eux-memes les duli" de l'Empire. Alors, comme on le verra, ils
ont fait leur choix abandonnant Byzance pour quelque chose qui
leur etait plus utile.
Mais, comme it est bien naturel dans des calculs de marchands,
la Republique aurait voulu conserver ce qu'elle avait de Byzance et
gagner, en meme temps, ce qui etait au-dela. Or, pour Byzance, ce
n'etait pas une chose acceptable. On verra que c'est l'origine des
conflits acharnes entre Venise et l'Empire au XII-e siecle, et, au
fond, c'est la raison pour laquelle, plus tard, Venise est arrive a
considerer Constantinople comme elle aurait considers n'importe
quelle place gagnee par les croises en Syrie.
Ce qu'elle avait obtenu sous les croises etait autre chose que
l'ancienne situation de Constantinople. Et, lorsqu'on. a deux

choses de caractere different et d'origine diverse, et l'une est


plus commode que l'autre, on fait tous les efforts pour croire
que c'est la meme chose et pour imposer cette conception a
ceux qui ne voudraient pas l'accorder, parce que leurs interets
en seraient froisses.
Le traits conclu avec l'empereur Alexis Comnene est del a des
services rendus contre les Normands, et le crissobolium", devenu

la base meme de la situation de Venise a Constantinople, sert a

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Venise &Empire

17

arranger, en meme temps, deux questions: la question de l'etablissement des Venitiens a Constantinople et la question du droit
de Venise en Da lmatie.
Les Normands, que l'Empire devait considerer comme des en-,
nemis, ces usurpateurs de la province grecque dans l'Italie Me-

ridionale, ces gens venus de l'Occident pour remplacer l'ordre


imperial par un ordre de conquete qui devait etre, pour Byzance,
une vraie abomination, s'etaat cree une flotte, pour avoir employe l'experience des Arabes, qui eux-memes l'avaient des Byzantins, parurent, a un certain moment, pretendre a la possession
de l'autre rivage de l'Adriatique. II y eut l'attaque contre les
Iles Ioniennes et contre Durazzo.

Si Byzance avait une flotte a cette epoque, elle ne disposait


pas des moyens necessaires pour soutenir ces possessions attaquees. On a demande alors le concours de Venise. Ce concours
a ete largement accorde. Venise a participe trois fois, a cote des
Byzantins, a la defense contre les Normands, les nouveaux bar-,
bares". Il faut lire Anne Comnene pour voir la facon dont les
Byzantins concevaient les Normands, leurs droits, leurs preten-,
Lions, leur maniere d'etre. On avait horreur, a Byzance, de ces
gens de taille elevee, de manieres rudes, d'une ambition Inassouvie.

L'une des raisons pour lesquelles l'Empire n'est Iamais arrive


a pouvoir s'entendre avec les croises, c'est que, parmi eux, it y
avait les descendants de Robert Guiscard, it y avait Bohemond et
Tancrede. Aussitot qu'on voyait ces gens-la, on se mefit de
toute alliance avec une armee du Christ dont its faisaient partie.
Les Amalfitains ont trahi. Lin Amalfitain a ouvert les portes
de la ville aux Normands. C'etait encore un argument pour earl,buer aux Venitiens la place des Amalfitains. D'un cote, les Venitiens accourent, mettent toute leur flotte, trente-six vaisseaux du

transport, quatorze triremes, neuf galeres 1, a la disposition de


l'Empire, aident a la defense de Durazzo, de cette cle de la Dal-,
matie les details abondent dans le chronique de Dandolo sur le
pretendant byzantin Michel, un, Michael Augustus", sur le role
personnel d'Alexis Comnene, sur la prise de Durazzo par les
Normands et l'avenement du nouvel empereur , et, de l'autre cote,
1 Note marginate a la chronique de Dandolo p. 44, note 1.
9

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N. lorga

18

ces vilains Amalfitains qui, malgre leurs privileges, dont ils ont
joui pendant si longtemps, se mettent du cote des ennemis de
l'empereur.

Dans la grande bataille de Kassopos ou de Butrinto, les Venitiens out vaincu les Normands ; pour la troisieme fois, les Normands sont venus dans les eaux byzantines, et la victoire remport& contre eux scelle le triomphe de l'Empire par le concours
de Venise 1,

La chrysobulle" arrive donc, cet acte solennel dont on a mis


vainement en doute l'authenticite 2, qui est absolument indiscutable. Car it n'y avait aucun motif pour Venise, plus tard, de se
creer des droits par un acte inexistant. Tout ce qui est contenu

dans l'acte d'Alexis Comnene correspond tellement a la 'tate


historique incontestable, qu'il faut l'admettre comme absolument
authentique.

D'abord, l'Empire reconnait le doge de Venise, ainsi qu'il en


avait etd requis formellement 8, comme maitre de la Dalmatie et
de la Croatie ; it sera, dorenavant, protosebaste a titre hereditaire.

Lorsqu'on s'adressera au Patriarche de Venise, on emploiera le


terme tres honorable de 157ciptqlog et it recevra, de la part de

l'Empire, un subside, une roga" 4. On fera des dons, de vingt


livres chaque armee 5, a l'eglise de Saint Marc et aux autres eglises venitiennes. En meme temps, les boutiques des Amalfitains
seront soumises a l'autorite du saint patron de Venise. Donner
quelque chose a Saint Marc, c'etait donner, d'une facon plus elegante, la meme chose a Venise ; le patron etait considers comme
la realite sacree de la ville, c'etait la forme la plus solennelle
d'une attribution. On donnait aux marchands de Venise, en dehors de certaines proprietes a Durazzo, avec l'eglise de S. Andre,
' Dandolo, p. 44 et suiv. ; Anne Comnene.
' Kretschmayr, ouvr. cite, 1, pp. 447-448.
' Il avait envoys des ambassadeurs a Constantinople ,ut jurisdictions Dal-

matiae et Croatiae, sibl ab Incolis traditas, obtineret, quas constantinopoNano Imperio pertinere noverat... Euntes autem legati ab Alexio, alacriter
vist, crusobolium Dalmatiae et Croatiae et imperialis protosevastos obtinuerunt. Quibus postea reversis, dux suo addidit titulo ; Dalmatiae atque Croatiae
et imperialis protosevastus ; Dandolo, p. 150.
In embolo peramatis (a Pere), Id est transitus', dit une des formes, celle
cage par Vanden historien allemand de Venise, Lebret.
11 In tempore rogae.

'

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Venise d'Emplre

19

un territoire bien delimite, oit ils avaient le droit d'exercer le

commerce libre : de l'ancienne echelle des juifs" a la Vigla,


au Phare, le Phanari de plus tard 1, et du cote de l'eglise des SS.
Acyndines 2. Ce sera un etablissement complet, avec le mankipium" , le pesage, les moulins, les tabernae et le four a pain S.
Its donneront en echange trois perperes par an a St. Marc. On
leur permet d'aller aussi sur la cote d'Albanie, dans les Iles voisines, dans les ports de toute la Grece, sur le rivage de la Mer
Noire, a Andrinople, a Laodicee, a Antiochette, a Mamistra, a
Tarse, en terre d'Armenie nouvelle.
Les eparques du rivage" et les autres fonctionnaires byzantins
n'auront jamais le droit de se meler du commerce venitien. Les
Venitiens sont intitulds a cette occasion: thalattocopes", terme
traduit par eux en in marl laborantes. Ce seront dorenavant les
recti et veri duli, les vrais serviteurs, les vrais esclaves, car ils
ont bien servi contre les ennemis de l'Empire (contra inimicos adjutores).

On voit encore la conception de Venise comme partie integrante de l'Empire byzantin. On ne peut pas parley du privilege
d'Alexis Comnene comme d'un traite conclu entre deux tats. Mais

on accorde a Venise tout ce qu'elle veut ; it y a toute la geo.graphie de l'Empire, avec toutes les localites oit ils ont le droit
de pratiquer le commerce.
Cet acte de mai 1082 (6590, indiction 5) 4 est tout a fait important pour l'histoire de Venise. On y volt que Pancienne theorie
rested et, pour se rendre compte combien elle dtait enracinee et
combien elle correspond aussi a la pensee permanente de I'Orient,
je feral remarquer un cas appartenant a l'histoire contemporaine.
Les Tures n'ont pas cree un Etat : its n'ont fait que prendre,
morceau par morceau, les provinces de l'Empire byzantin, et,
' Anne Comnene.
2 C'est l'Archidanue des traducteurs latins ; ibid., pp. 67-68.
3 Un privilege de juillet 1093, accorde au monastere de St. Georges par Vidal
Faller, qui s'intitule doge de Venise et de Dalmatie et protosebaste", avec
,ses juges et autres bons hommes, ses fidelee, a cette delimitation a cornprehenso Sacro (Pharo 7) de Vigla,.. ad portam Perame usque ad judecam* ; ibid.,

p. 57; cf. ibid., pp. 43, 67-68. If donne quelques noms de Venitiens etablis a
Constantinople.
4 Presentation du texte, conserve en partie dans les confirmations posterieureS

dans Tafel et Thomas, ouvr. cite, I, p. 50 et suiv.

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N. Iorga

20

plus ils prenaient de provinces, plus ils devenaient eux-memes


des Byzantins, bien que des Byzantins d'une autre origine qui,
du reste, n'a rien d'ethnographique, et, en meme temps, ils s'habituaient, conservant leur religion, a tout ce qui forme le fond
de la pens& politique des Byzantins.
Lorsque Mahomet II est entre a Constantinople, it l'a fait
comme conquerant, mais, a ce moment meme, it est devenu
empereur byzantin comme tous ses predecesseurs : Constantin le
Grand, justinien, tout en venant d'ailleurs et croyant en Dieu
d'une autre fawn et lui rendant les honneurs d'un autre culte.
Le plus grand hommage qu'on put faire a Mahomet II etait
de le considerer, non seulement comme Pheritier legitime des
empereurs byzantins, mais, en meme temps, comme ayant des
liens de genealogie legendaire avec les Cesars de jadis.
Le nouvel Empire ottoman, qui est un Etat international, en tant
que continuateur de ]'Empire byzantin, comme ]'Empire byzantin
lui-meme etait le continuateur de ]'Empire romain d'Orient, a eu
des provinces qui, apres quelque temps, ont voulu se detacher
du corps de l'Etat. Or, il etait de toute evidence qu'a ce
moment ?Empire ne retirait aucun profit de ces provinces. La
Serbie etait devenue autonome ; plus tard, lorsque les deux principautes roumaines, Moldavie et Valachie, se sont reunies et ont
forme un Etat plus puissant, en 1859, it y avait une tendance
naturelle a se &fake des obligations, meme de vassalite, envers
'Empire Ottoman.
Ces obligations etaient minimes : on env oyait un tribut, si on
voulait I'envoyer, et ce tribut representait tres peu. je parte
surtout du cas des Roumains; pour la Serbie, la situation etait un
peu differente : it n'y a pas eu, du cote des Serbes, la meme
insistance de chaque moment pour que l'independance de l'Etat
soit reconnue et pour que le Sultan abandonne ses droits.
Mais, tout en voyant que ]'Empire ne perdrait rien en renon.cant a ce tribut, qui ne representait qu'une somme risible, et tout
en se rendant compte des avantages qu'on avait a se creer des
voisins amis, des soutiens au moment du danger, car it y avait
la vieille querelle entre Russes et Turcs, ]'Empire ottoman s'obstinait a qualifier toujours la Roumanie de partie integrante" de
ses possessions.

A la veille de la guerre de 1877, le conflit s'est produit donc


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Venise d'Ernplre

21

entre Roumains et entre Tures, et les portes de l'Etat roumain

ont ete ouvertes a l'armee russe aussi parce que, dans la nouvelle Constitution turque, il y avait cette mention de partie
integrante".

Or, a l'egard des Venitiens, Alexis Comnene, a la fin du XI-e


siecle, suivait absolument la meme politique: il donnait tout ce
qu'on voulait : commerce libre, boutiques a Peru, titres, subsides
pour le doge et le patriarche, mais, avant tout, il faut que les
Venitiens restent les dull", les serviteurs de l'Empire.
Venise n'aura jamais le droit de se detacher, comme organisme
independant, de ses liens avec l'Empire. La reside la raison du
conflit qui se produisit a trois ou quatre reprises au XII-e siecle.
II.

Venise de Croisade.
Apres avoir vu que sur le littoral de la Mer Adriatique il y
avait d'anciennes Romaniae", datant du commencement du moyen-

age, s'administrant par elles-memes et que Venise, guere conquerante, n'etait, sur ce littoral de l'Adriatique, que la presidente
d'un ordre de choses autonome, les anciennes institutions n'ayant
ete remplacees nulle part, et que, de I'autre cold, Venise avait
penetre en Orient et &all entre en relations avec l'Empire d'Orient, reussissant a se gagner, en 1092, un privilege d'Alexis
Comnene qui forme, dorenavant, non-seulement la base des
relations entre les Venitiens et l'Empire, mais celle pour toutes
relations entre Italiens et cet Empire, it faut passer au moment
de crise que signale la fin du XI-e siecle.
A la fin du XI--e siecle et au commencement du XII-e, il y a,
dans le developpement organique de Venise, un grand changement, un double changement auquel s'ajoute, ensuite, une
politique qui appartient exclusivement au developpement de l'Empire byzantin.
D'abord, un Etat descend du Nord vers la rive de l'Adriatique.

Cet Etat c'est l'Etat hongrois, et il s'agit d'abord, de montrer, en


quelques mots, quel est son vrai caractere.
On s'imagine que, lors de la descente du royaume de Hon-www.dacoromanica.ro

22

It lorga

grie vers le littoral de la Mer de Occident, it y a eu des combats, une guerre, et que le resultat de ces combats, de cette
guerre, a ete l'occupation de cette bande de territoire par la
royaute hongroise. Or, pour pouvoir redresser cette opinion, qui
est fausse, it faut, d'abord, tenir compte de l'Etat qui fut remplace, sur ce ravage, par le roi de Hongrie 1.
II y avait, au moment oil le doge Pierre Orseolo faisait la
conquete de la Dalmatie, une certaine organisation croate. Or,
les Croates, les Slaves de l'Adriatique, etaient groupes par petites
formations, par loupes". II n'y avait pas encore de royaume
croate. Donc, a ce moment, Venise pouvait etendre son autorite

sur ces autonomies romanes qui bordaient toute la rive de


la Mer.
Plus tard, la royaute croate s'est formee. Cette royaute, comme

toutes celles de ce cote-la, n'est que la continuation de l'ancienne marche carolingiene, et les rois croates sont les continuateurs de Charlemagne: de Carolus on a pass au kcal -roi.

Or, ces rois de Croatie, ces continuateurs des anciens ducs


francs sur le bords de l'Adriatique, sont arrives euxmemes a
etre remplacs, a un certain moment, par la royaute hongroise.
Cette royaute aussi est la continuation de l'ordre carolingien. Pen

sons au nom meme que porte le roi de Hongrie; kiraly. Le


kral" des Slaves, avait transmis au Voevode enfin baptise des
Magyars Pheritage de cette grande id& royale et imperiale de
Charlemagne. II n'y a donc pas de distinction entre le roi croate
et le roi hongrois.
Comme l'Etat slave qui l'avait precedee, cette royaute hongroise
n'entend nullement violer les autonomies locales. El les restent les

memes qu'auparavant; seulement, a la domination de l'un se


substitue la domination de I'autre.
De sorte qu'il ne faut jamais accepter cette opinion, tres repandue, qu'il y a eu comme un antagonisme politique entre Venise

et la royaute de Hongrie. On constate, sans doute, une rivalite


entre ces deux puissances; seulement, la royaute hongroise n'a
fait, a Pegard de ces villes qui se trouvent sur le littoral occidental de la Peninsule des Balcans, autre chose que succeder a
1 Sur Crechimir Pierre (1052-1073) attaquant Zara et les cites dalmates, les
eveques de Veglia, d'Arbe, etc., qui lui promettent tribut, Dandolo, pp. 236-237.

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Venise de Croisade

23

la presidence venitienne; les anciennes institutions restent intactes.


jamais it n'y a eu de vrai gouvernement hongrois a Zara, a

Spalato, a Trait, dans les iles qui bordent la cote i.


La situation de la royaute hongroise a regard de ces autonomies 'Raft done absolument la meme que celle qu'ont eue, tour
a tour, les rois des Deux-Siciles, les rois de Bosnie, les rois de
Serbie, Venise elle-meme a regard de Raguse 2.
Les rois de Hongrie ont pu conserver pendant Iongtemps, bien
que seulemeut avec interruption, la Dalmatie, mais a ce seul titre
de garants de cette independance locale.
Cependant, on peut bien s'imaginer que Venise, qui avait des
interets de commerce aussi importants dans la Mer Adriatique,
ne pouvait pas s'accomoder de ce regime. Alors, elle a essaye
d'arracher a la suprematie hongroise ces villes de l'Adriatique
orientale.

Il y a un document interessant qui montre la facon dont les


rois de Hongrie, de leur cote, entendaient considerer cet effort
de Venise pour revenir elle-meme a la presidence qu'un moment
elle avait perdue.
Ces rois etaient pour les Venitiens d'anciennes connaissances.

Un fils de Pierre Orseolo, portant le nom de rempereur Otto,


avait epouse Marie, soeur du premier roi de Hongrie, St. Etienne 3.

En 1050, lors de la premiere revolte de la Dalmatie, le roi de


Hongrie n'est pas encore de taille a intervenir.
En 1101, Coloman, roi des Hongrois par la grace de Dieu"
(divina favente gratia Ungarorum rex), s'entend avec le doge, le
meme Vidal Michiel qui s'intitule le strenuissimus Venetorum
dux", et avec les nobles de Venise, les optimates". Mais il le
fait seutement en declarant qu'il ne peut pas accepter la posses.sion legitime de Venise sur les eaux de la Mer Adriatique. Et,
alors, it dit, en toute forme, qu'il ne sait pas s'il doit appeler le
doge duc de Croatie et de Dalmatie" 4. C'etait une &negation
1 Une opinion differente dans le dernier no. (ddcembre 1931) des Ungarische
Jahrbilcher (article de M. Joseph Dee).
2 Voy. notre ouvrage cite ci-dessus.
Dandolo, p. 235.
4 In principibus meis et senioribus dubium videtur utrum to ducem Croatiae et Dalmatiae nominaverim2; Tafel et Thomas, ouvr. cite, I, pp. 6546,
no. max.

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24

N, lorga

absolue de la possibilite d'une domination legitime de Venise sur


cette cote opposee de la Mer Adriatique.
Et, aussitot que, en 1115, Zara veut regagner son autonomie
pleniere, elle s'adresse au roi de Hongrie, contre lequel, en 1112,
quatorze galeres venitiennes, commandoes par le Patriarche de
Venise, venaient de secourir I'empereur byzantin. Biograde en
agit de meme, et la revanche venitienne, reprenant, avec Spalato
et Trait, l'ancien domaine, aussi avec un contingent imperial, se
depense cruellement par la destruction de Sebenico (aofit 1115)1.

On voit bien qu'ici it n'y a pas, en premiere ligne, les Etats


conquerants, mais seulement des autonomies qui se dirigent d'un
cote ou de l'autre cote, selon les circonstances. Ce n'est pas une
affaire venitienne, a un certain moment, ou une affaire hongroise,
a un autre ; c'est, avant tout, une affaire de l'autonomie dalmate.
Cette autonomie dalmate joue le premier role, les autres n'etant
la que comme ceux auxquels on s'adresse par opportunisme, au
moment du danger. C'est une situation qui se conservera sans
aucune atteinte jusqu'au XV-e siecle.

Apres cette intervention du roi de Hongrie, it y a la periode


byzantine en Dalmatie, oil Manuel Comnene a paru en maitre.
Puts Venise, retablie dans ses droits, devra combattre, en 1170,
une autre revolte de Zara. Le roi voisin, reste indifferent en apparence. Il y a un repit de hungarica rabies". Des relations de
famille venaient de se nouer entre Venitiens et Hongrois : le roi
avait donne au fils du doge Michiel, cred comte d'Osero, la fille

du duc d'Edesse" et au comte d'Arbe, Marie, fille du prince


Ladislas 2. Mais le meme roi s'installe bientOt a Spalato, a Trait,
a Sebenico ; it accepte, eu 1186, la capitale dalmate, de nouveau rebelle 3.

De sorte que, au tours du XII-e siecle, it y a eu deux

fois

un conflit entre Venise et le roi de Hongrie. Nous reviendrons


i Dandolo, a ces dates.
2 Kretschmayr, ouvr. cite, I, p. 466. C'est l'epoque oft Manuel, lui-meme
as d'une princesse hongroise, se mete activement aux querelles de la dynastie de Hongrie 3 son neveu Isaac avait epouse la fille du roi ; auss
Dandolo, p. 309.
I Ibid., pp. 244, 292, 309-312, 314. Voy. aussi la Chronique de Dalmatie
dans les Commemorlali, I, p. 165.

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Deux inscriptions grecques inedites de Silistrie.


(Voy. cette Revue, annee 1931, op. 226-7.)

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Venise de Croisade

25

sur ce sujet au moment oil it s'agira de montrer comment la


question de Zara s'est posee, en 1202, au moment de la deviation
de la quatrieme croisade.

Dans ce cas aussi, si on tient compte du fait de l'autonomie


dalmate, ii faut interpreter tout autrement ]'intervention des croises et, surtout, les buts que se proposait Venise, au moment ou
elle demandait et obtenait cette intervention des barons.

Voila d'abord un empechement pour le developpement de


Venise, mais it y en aura aussitot un autre.
En meme temps que Venise, des candidats italiens a la suprematie de commerce se presentent dans ces eaux de ]'Orient byzantin ' D'abord, les Pisans, qui participeront parmi les premiers
a la croisade, par ]'expedition de l'archeveque Daimbert (1099),
et qui se gagnent, en Orient franc une grande situation.
Puis it y a ceux qui deviendront les adversaires permanents,
les rivaux les plus acharnes de Venise, les Genois, les Bros marchands qui sont de l'autre cote de la Peninsule et qui, apres avoir
cherche et reussi a obtenir une suprematie dans les eaux de la
Mediterranee occidentale, dans celle de l'Espagne, dans les eaux
de Tunis 2, du cote ou sont les premiers rapports entre les Genois
et leurs voisins chretiens et musulmans, echappant un peu a la
suprematie de l'autre Empire, celui d'Occident, mais profitant du
fait qu'ils ont des attaches avec cet Empire, se dirigeront vers les
memes eaux d'Orient.
De sorte que, entre Venise et Genes, des le commencement, it
y a cette grande difference, qui exerce une influence considerable, decisive, sur le developpement des deux politiques : d'un cote
Venise tourne le dos a ]'Empire d'Occident, elle n'a rien a faire avec
la descente des rois germaniques, &ant caracterisee, comme nous le
disions dans la premiere etude, comme l'ennemie permanente

de la royaute allemande, laquelle ne se fie jamais a Venise ; de


l'autre Genes, soutenue par le meme Empire et qui n'a pas a se
defendre str le continent italien, Cu elle trouve, au contraire, un
appui, de sorte que toute son attention peut se tourner vets les
' Voy. sur les premiers contacts Dandolo, pp. 317, 319-320.
' Les Vdnitiens n'auront qu'en 1231 un traite avec les Tunisiens (Tafel et
Thomas, ouvr. cite, II, p. 299 et suiv.). Il sera renouveld en 1271; ibid., III, p.
118 et suiv.

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26

N. lorga

mers orientates sans etre inquietee par ce qui se passe sur cette
partie interieure de la Peninsule oil elle a de si grands interets.
Voici donc qu'apres Alexis Comnene, les Genois gagnent du
terrain et arrivent a conclure eux-memes de traites avec Byzance.
Il y a, a un certain moment, aussit3t apres le commencement
du XII-e siecle, deux formes de privileges pour les Italiens, alors
qu'auparavant it n'y en avait eu qu'une, celle qui etait accord&
a Venise : liberte complete de commerce, sans rien payer ; droit
d'avoir tin quartier, d'y tenir des boutiques, un moulin, tin four
a grain, tout ce qu'i1 faut pour entretenir et servir la colonie, et,
bien entendu, une eglise, qui est le centre de cet etablissement.
Entre parentheses, it parait que cette coutume d'accorder a des
marchands un quartier, sans leur faire donation du territoire lui,meme, qui reste sujet a l'autorite du monarque l'ayant possede
jusque la, de le rendre absolument autonome, est, sans doute, tine
chose byzantine, comme elle sera aussi tine chose de croisade
(nous la retrouverons bientot dans les etablissements des croises
en Syrie), mais c'est, avant tout, tine chose d'Orient.
Sans compter les conditions auxquelles les marchands d'Italie
s'entendaient avec le roi de Tunis, avec le Sultan d'Alep

(1207-1208), qui accorde aux Venitiens bagno et fontigo et


glexia" 1, ou avec le Soudan apres l'acte de 1251, conclu pour
la fourniture du ble, celui de 1254, conclu par les Venitiens, leur
assure deux fondaques, avec des fondicaires", avec l'eglise de
St. Michel, a Alexandrie, le privilege du cabaret, l'exemption de
taxes, le droit de se plaindre directement au souverain 2 -, on n'a
qu'a penser, pour en venir a des choses tout a fait modernes, aux
etablissements des Hollandais au japon, au XVII-e, siecle aux
etablissements, anterieurs, de differentes Puissances chretiermes
aux Indes ; on n'a, surtout, qu'a penser a quelque chose qui appartient au moyen-age : a Petablissement des Genois en Crimee.

En Crimee, it y a l'empereur des Tatars. Cet empereur ne


donne rien, ne cede rien aux Genois ; seulement, ii les accepte
sur son territoire et, la oil ils sont, ils ont leur eglise, leur loge
de justice, leurs fonctionnaires de police ; ils peuvent avoir meme
2 Tafel et Thomas, ouvr. citd, II, p. 62 et suiv.
2 Ibid., pp. 450 et suiv., 483 et suiv. Cf. ibid., a la date de 1264.

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Venice de Croisade

27

c'est le privilege le plus etendu , des soldats


qu'ils font venir tin peu de partout, et qui ont un nom tatar,
les orguxii". Avec ces orguxii", avec les massari, avec le juge,
avec le consul, avec l'eveque et son clerge, les Genois y sont
maitres, mais ceci ne signifie nullement que la souverainete du
Khan a cesse. A chaque moment, it peut faire partir ceux auxquels il n'a accorde qu'un simple privil4e.
Fermant Bette parenthese, on volt mieux quelle etait la vraie
situation des Venitiens a Constantinople, auxquels Byzance ne
leurs soldats,

cedait rien, ne faisant, au fond, qu'abriter des gens qui lui etaient
tres utiles, se conservant, ce qu'on n'apercoit pas assez, le
droit de les chasser a chaque moment pour transporter ce droit
de location d'une nation a tine autre.
Les Venitiens y ont pris la place des Amalfitains et des Provencaux ; puis, plus tard, a la fin du XII-e siecle, un autre empereur byzantin leur donnera des possessions prises a ce qu'on

appelle dans le document les Francais et les Allemands". Car


it y avait, alors, un certain etablissement allemand et francais
qu'on ne petit pas definir, mais qui devait consister en proprietes
privees, garanties par des conventions perdues maintenant.
Telle etait la situation qu'avaient les Venitiens a Constantinople.
Lorsque les Pisans arrivent, ils sont soumis a un autre regime,
et la force de Byzance residait dans ce fait qu'on n'accordait
jamais, pour provoquer et entretenir les rivalites, tine situation

de tous points semblables aux uns et aux autres. II y avait un


type pour les Venitiens, un autre type pour les Pisans, un troisieme type sera cree ou adopte pour les Genois. Et it etait toujours possible, plus tard, d'introduire des changements, c'est --a-

dire de rendre plus large ou plus &roil le type qu'on avait accora au commencement.
Dans le type des Pisans, accorde en 1112, it y a la promesse
d'un present a faire au chef de l'Eglise pisane, tin droit de
douane de quatre pour cent. En dehors de cela, les marchands
de Pise ont un quartier. Et aussi tin droit que les Venitiens
n'ont jamais gagne et qu'on ne peut pas s'expliquer autrement
que par le desk de l'empereur de montrer que la situation des
Venitiens n'est pas definitive. Les Pisans ont droit a une place
a Sainte Sophie et a une autre a l'Hippodrome : on dirait
des billets pour l'eglise et des billets pour le theatre. Les Willwww.dacoromanica.ro

28

N. lorga

Liens devaient rester devant la porte de la grande eglise et s'anreter, an loin, devant l'Hippodrome, ou leurs adversaires etaient
admisi.

Bien entendu, cela a dil susciter les premiers de ces tristes


tristes au point de vue italien et au point de vue de
la civilisation du moyen age entre ces Puissances italiennes,
dont chacune voula:t avoir le monopole, ce monopole que Venise avait eu et qui etait sur le point de disparaitre ou qui lui
etait accorde sous certaines reserves, ayant toujours devant elle
le spectacle des possibilita de privileges accordes a d'autres.
Plus tard, vers 1142, it y aura le privilege genois, un privilege
qui n'est pas aussi large (it fixe les droits de douane de dix pour
cent)2. Et du temps se passera jusqu'au moment oil, vers la moitie du XII-e siecle, Genes arrivera a avoir une situation tant soit
peu ressemblante a celle des Venitiens.
Mais, aussitOt qu'elle se rend compte que son monopole lui
echappe, Venise, calculant a la fawn marchande qui a ete toujours la sienne, abandonne, de son ate, quelque chose des sentiments qu'elle avait eus jusqu'ici pour l'empereur.
Avant de passer a un autre motif de mesentente, de discorde
entre Venise et ]'Empire byzantin, signalons ce changement de
ton qu'on apercoit dans la chronique meme de Dandolo, qui,
comme it a ete dit, ne fait autre chose que resumer des renseiconflits,

gnements d'annalistes anterieurs.

Auparavant, l'empereur &all toujours l'Augustus"; it n'etait


pas question de lui disputer ce litre; c'est l'empereur legitime,
l'empereur sans aucune definition, l'imperator orbis. Mais, aussitot

que cet empereur regarde d'un oeil les Venitiens et de l'autre


oeil, et d'une fawn plus favorable, les Pisans, en attendant le
moment oii les deux yeux de l'empereur seront seulement pour
les Pisans et pour les Genois, on change de ton : l'empereur est
tout simplement l'imperator constantinopolitanus", l'empereur de
Constantinople". Plus tard, ii sera meme question de l'empereur,
national, des Grecs". On voit l'echelle de cette decheance dans
les titres diplomatiques : l'Auguste, l'empereur de Constantinople,
puis l'empereur des Grecs.
1 Miklosich et Muller, Acta et diplomata graeca, III, pp. 9t5.
2 Heyd, Histoire du commerce du Levant, I, p. 29. Cf. ibid., p. 35 et
sulv. (privilege de 1155, qui assimile les Genois aux Pisans).

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Venise de Croisade

20

La chronique ajoute que l'empereur avait de mauvaises intentions A I'dgard des Venitiens, ad damna intendant Venetorum'. Or,

l'empereur n'avait aucune mauvaise intention" a regard de


personne ; seulement, it voulait tenir en echec ces aspirations de
domination economique qui lui etaient utiles jusqu'a un certain

point et qui, a partir de ce point, pouvaient etre dangereuses


pour la vie dconomique, pour la soliditd meme de l'Empire.
Mais Venise a provoque le conflit avec jean Comnene, le
premier conflit avec l'Empire byzantin dont it sera question
bientest, par une autre de ses actions. Nous avons dj dit que
les Venitiens dtaient, a Constantinople, presque des maitres deonomiques : ils dominaient la situation au point de vue de I'dchange
des marchandises, un peu au point de vue des finances ; mais ils
n'etaient pas les maitres sous le rapport politique, pas meme sur
ce petit territoire qui leur dtait confid d'une fawn provisoire. Its

dtaient les serviteurs", les esclaves", les dull" du maitre. Des


hotes de l'Empire, au meme titre que d'autres habitants, et, en
plus, avec ce qui rdsultait du privilege qu'on leur avait accorde.
Ce qu'on appelait a Byzance, et le terme a dte conserve plus
tard dans le monde grec jusqu'au moment ou des Phanariotes
ont doming a Jassy et a Bucarest , des chrysobullites".
Or, dans les milieux phanariotes des deux principautes roumai-

nes, un chrysobullite" est un marchand comme un autre 1 seulement 11 jouit d'une situation particuliere, plus favorable, qui
est comprise, definie et fixde par un privilege. Mais it n'en est
pas moins un sujet du prince roumain au XVIII-e siecle.
Le Vdnitien, ou le Genols, ou le Pisan n'en restent done pas
moins, au XII-e siecle et au XIII-e siecles, sujets de l'empereur.
Mais, comme nous l'avons dj suggerd, Venise oksirait avoir
quelque chose de plus: vivre quelque part, avec son quartier,
avec son juge, son clerge, avec tout ce qui tient a cette autonomie,
mais sans avoir un maitre ; elle revait d'une cession beaucoup

plus large que toutes celles que pouvait lui accorder l'Empire
byzantin. Mais l'Empire ne pouvait pas passer outre : c'dtait une
tres ancienne puissance, et elle se serait dcroulde si elle avait cede
quelque chose de la thdorie meme sur laquelle elle reposait et
dont l'esprit l'animait.
Mais, si Venise rdussirait a crder elle-meme quelque chose en
1 Dandolo, p. 271.

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N. Iorga

go

Orient, elle serait, en meme temps que I'armee qui combattrait


pour creer cette nouvelle puissance, co-fondatrice : elle aurait les
droits premiers, elle jouirait presque de la souverainete.
Bien entendu, on ne pouvait pas improviser a une epoque oii
on s'appuyait toujours sur le pass, oil on cherchait toujours un
type legitime par le temps, mais, ce type une fois accepte, on
pouvait lui donner une autre interpretation, de beaucoup plus
utile aux interets et plus flatteuse pour l'orgueil, bien nature], des
Venitiens.

Lorsque les croises se sont presentes, Venise n'a pas eu l'occasion d'offrir a une partie de ces croises les moyens necessaires pour les transporter en Orient, mats, lorsqu'il y a eu une
domination franque, une quasi-souverainete de croisade en Orient, lorsqu'il y a eu un roi de Jerusalem, roi de Jerusalem latin
(c'est son titre : Rex Hierusalem latinus), lorsqu'il y a eu un comte

d'Edesse, un comte de Tripoli, un duc d'Antioche, qui avaient


besoin d'etre ravitailles et secourus de temps en temps par des
troupes nouvelles, a ce moment-la, Venise, qui avait pris Sidon
pour la croisade, s'assurant, de la facon la plus precise, un tiers
de la prole escomptee, pouvait poser ses conditions 1.
Mais elle ne se rendait pas compte d'une chose, ou bien, si
elle s'en rendait compte, l'interet qu'elle avait a creer une pareille
force depassait de beaucoup ses preoccupations quant aux devoirs
envers Byzance : que les croises n'avaient pas ete appeles par
les Byzantins, qu'ils ont ete tr;:s difficilement supportes, que leur
anarchie &aft une offense de chaque moment pour l'autorite de

]'Empire, que des choses qui etaient courantes en Occident ne


pouvaient meme as etre concues en Orient.
En outre, ces conquerants contre les Tures entendaient travailler

pour eux, bien que faisant parfois des simagrees de vassalite a


regard de ]'Empire. Les Normands en premiere ligne ; eux qui
ont cite l'hypocrisie de la soumission a Byzance. Its faisaient
l'hommage et plus ils le renouvelaient, plus ils prenaient. Or,
comme Byzance savait tres bien ce que Normand" signifie
elle l'avait vu a Corfou, elle l'avait vu a Durazzo, elle l'avait vu
en Asie Mineure, a Constantinople meme,

etre a cote des croises,

1 Voy. le court article, plutOt vague, de Errera, I cr2ciati venezianl In


Terra Santa, dans l'Archivio venetoa, XXXVIII, p. 238 et sufv. et la Translath) S. Nicola', dans les Historiens occidentaux des croisades", V, p. 272,

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Venise d'Empire

gl

c'etait etre a cote des Normands, de ceux qui prennent la terre de


l'empereur, qui ne consentiront pas a la restituer, qui descendront,
au plus, a un vague hommage, a une reconnaissance purement verbale envers l'Empire. jean Comnene lui-meme l'avait bien constate
lorsque, a l'avenement sans sa permission (convenientia) de suzerain
(cum princeps ei de homagio teneretur) de Raymond de Poitiers

comme prince d'Antioche, it lui avait repris, pour quelque temps,


les chateaux de la Petite Armenie '.
C'est pourquoi les Venitiens n'avaient pas le droit de crier contre
les mesures de jean Comnene, fils et successeur d'Alexis.
Pour l'Empire, a Bette heure, ils etaient tout simplement des
traitres. Ces amis des ennemis de l'Empire avaient joui d'un privilege comme celui de 1082, iN avaient derriere eux une longue
tradition d'alliance en sous-ordre, de secours accordes a chaque
occasion contre les Normands, ce qui avait fait la vraie ligne de
leur politique, et maintenant ils etaient de l'autre cote et devaient
subir toutes les consequences de ce fait, incontestable.

Byzance les a consideres done comme elle devait les considerer. En histoire, la premiere necessite est de comprendre un
peu tout le monde, parse que, si on ne comprend qu'une partie,
on arrive a tine explication tout a fait defectueuse ; et ce qui est
encore pis, c'est d'accepter le point de vue de quelqu'un envers
lequel on ne peut avoir aucun interet.
C'est ce qu'on fait en prenant, parfois, le point de vue byzantin, sans etre Byzantins, comme, autrefois, on prend aussi le point

de vue venitien sans avoir rien a faire avec ce qu'a ete Venise.
Alors, l'empereur refusa de renouveler le privilege des Willtiens. II parait meme que renouveler le privilege de temps en
temps &all une necessite dans la conception byzantine, empruntee

a I'Orient. On ne l'a pas observe assez, mais, comme historien


de l'Empire Ottoman, nous l'avons constate par le developpement
de cet autre Empire, qui a tant herite de Byzance.
L'Empire Ottoman, s'inspirant peut-etre des traditions de l'Asie,

mais aussi des souvenirs de Byzance, considerait qu'un traite


conclu avec tel Sultan avait sa valeur tant que le Sultan vivait ;
mais, apres la disparition de celui-ci, s'il en vient un autre, it faut
que le privilege soit renouvele par celui-la.
1 Dandolo, p. 274.

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32

N. lorga

De meme, en pays roumain, lorsqu'il s'agissait d'une propriete,


tres souvent it fallait que l'acte de donation d'un prince Mt
renouvele par son successeur. C'est a cause de cela que nous
avons en Roumanie des centaines et des milliers de documents,
parfois de tres grande importance, car, les princes changeant sou-

vent, it y avait un nouvel acte pour chaque nouveau regne.


Ainsi, ce n'est pas par esprit de chicane contre Venise ou par

son astuce grecque" que Jean Comnene lui a defendu

le

commerce, ou, s'il a permis le commerce, ce commerce n'etait

plus garanti, comme auparavant, par un chrysobulle. II leur a


defendu le commerce de la meme fawn que les Venitiens avaient
defendu le commerce des AncOnitains. C'etait la meme formule :
claudere vias marls, fermer les chemins de la mer".
Seulement, aussitot apres cet acte, les Venitiens se dressent en
ennemis ouverts.
Its etaient maintenant a Sidon (1108), it etaient a Tyr (1124),
maitres d'un tiers de la ville, ils avaient, en Eyrie, un autre champ
d'action 2. La ils possedaient leurs rues franches, leurs eglises,
leurs bains, leurs poids, staterae et buzae, leurs mesures de ble,
de vin, de miel, d'hulle ; ils recevaient du roi de Jerusalem, ou

du prince d'Antioche, du comte de Tripoli, chaque armee, des


dons en argent 3, - l'habitude etait de donner aussi des pieces
; le doge
de brocart a l'eglise capitale de la ville interessee
Domenico Michiel avait paru a Jerusalem, en Chypre, a Bethlehem en pelerin et en soldat victorieux 4, et on avait parle de
lui confier a lui le royaume de Jerusalem apres la captivite de
Baudoin II. Les Venitiens s'appuyaient sur cette situation de Syrie

et sur le fait que leur commerce &all tout de meme assure dans
une certaine region de ]'Orient, ne dependant plus autant de Byzance qu'auparavant 5.
Auparavant, c'etait par Byzance qu'ils arrivaient ailleurs ; main. tenant, ils sont la en &pit de Byzance. L'empereur peut leur
' Dandolo, p. 274.
9 Tafel at Thomas, ouvr. cite, 1, p. 76, no. xxxvi ; p. 79 at suiv.
8 Dandolo : 300 besants de Tyr, pour le jour de la St. Pierre.
4 Tafel et Thomas, ouvr. cite, I, p. 80 et suiv.; Guillaume de Tyr.

5 Privilege d'Acre, de la part du chancelier de Jerusalem (1123), ibid.,


p. 89. En mai 1125 privilege du roi Baudoin ; ibid., pp. 90-91, no. XLI. La
formule de la situation des Venitiens en Terre Sainte etait celle-ci I sit liber

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Venise de Crolsade

As

fermer ses ports, mais it trouveront dans les eaux orientales d'autres ports qu'ils peuvent employer pour leur but.

Au moment ou jean Comnene ne voulut pas confirmer leur


privilege, its y a eu deux campagnes des Venitiens, dont Tune
se dirigea vers Corfou, puis vers Rhodes, vers Chio, vers Samos,
vers Mete lin, vers Andros, en 1124-1125 ; l'autre vers Cephalonie, qui est prise en 1126.
Dans le peu de details que nous avons sur ces entreprises
venitiennes it y a quelque chose de tres interessant. Rhodes a
ete attaquee et pillee, conquise pour un moment, parse que, les
Venitiens etant venus la et ayant demande a etre ravitailles, le
gouvernement de l'ile, se soumettant, dit la chronique, a une
intimation de l'empereur, avait refuse les provisions. On volt,
par la, des gens qui sont habitues aux choses de Dalmatie, qui
considerent cheque etablissement comme vivant par lui-meme,
Bien que sous l'autorite de l'empereur. II ne faut pas s'en prendre
done a Rhodes comme a une possession de l'empereur seulement, mais comme a une Ile qui pourrait etre consider& plus
ou moins autonome 1.

En 1126, aussit it apres la prise de Cephalonie, Umpire, qui


n'avait aucun intdret a ce que Bette situation se prolonge, daigne
capituler. jean Comnene, qui pouvait s'attendre a une demonstration, mais pas a ce qui venait d'arriver, avait pu se convaincre
d'une chose a laquelle, plus tard, son successeur, le grand empereur Manuel, essaiera de remedier : l'insuffisance de sa flotte.

L'Empire avait eu jadis, a l'epoque de Nicephore Phocas, une


sicut in ipsa Venetia est". En 1140, privilege de Raymond d'Antioche et, en 1153,
un second du meme (il est question aussi du kharadsch); ibid., pp. 133-133.

Cf. aussi ibid., pp. 140-144, 145-147. La charte de Tancrede, ibid., p 66, no.
XXXI. Bohemond d'Antioche leur permet meme, en 1183, des manages, cum
mulieie sive conjuge" ; ibid., pp. 175-177. Le privilege de 1125 est confirme
en 1192(7), Ibi f., p. 212 et suiv. Privilege de jean d'Ybelin, seigneur de Beyrouth, ibid., 11, p. 231 et suiv. Privileges armeniens, ibid., pp. 381-385; II, pp.
4264'29; III, p. 115 et suiv. Cf. Commemoriall, 1, p. 40, no. 1741 p. 64, no.
297; p. 77, no. 323; pp. 83-84, no. 356; p. 123, no. 550; p. 227, no. 257; p.
240, no. 319.

' Voy. Dandolo, pp. 270 (Corfou, qui pro Imperatore constantinopolitano
tenebatur"), 271, note 1 (Rhodes resiste jussu, ut creditur, imperatoris constantinopolitani"), 272-274 et les chroniques byzantines contemporaines.
3

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N. lorga

34

force maritime tres importante, mats elle n'etait plus la. Et, en
attendant le moment oil de nouveau on aura une flotte, it faut
ceder aux Venitiens.

Its obtiennent alors un privilege dans lequel l'empereur pule

de leur violence, qui parait etre demoniaque", des mdfaits


qu'ils ont commis", des fautes qui sont arrivees", mais, main
tenant, ils sont convertis", ils sont revenus a la bonne attitude,
et alors it les recoil de nouveau sous sa protection, in ulnas
suas, it leur accorde ce que son pere, Alexis, avait accorde, a
la fin du XIe siecle, aux predecesseurs des Venitiens actuels 2.
Il leur accorde le subside, les philotimiae, les rogae.

On voit bien que ce n'est pas un tribut: c'est un don gratuit,


quelque chose qui vient de la sympathie" speciale, de la grace
de l'empereur. II confirme leurs boutiques. Bref, ils redeviennent
a nouveau les tres chers amis Venitiens" (dilectissimi amici venetici). Mais i1 n'y a pas que ce terme d',,amis" : it y a aussi duli".

C'est done la conception du Venitien qui a etc un esclave


revolte ; cet esclave revolte s'est soumis, a fait sa conversion",

mais it reste, au point de vue constitutionnel, dans la meme si


tuation ou it etait auparavant.
Bien entendu, dans la chronique de Dandolo aussit8t jean Corn
nene devient l'Augustus Calolanni" 3. L'ancienne situation est
retablie des deux cotes.

Apres jean, son fits ct successeur, Manuel, le plus grand des


Comnenes, n'est pas seulement le representant le plus brillant de
cette dynastic mais it est, en meme temps, un empereur a la
facon romaine. C'est tin restaurateur de l'ancienne conception
de Rome, tel Constantin, tel justinien, tel Heraclius. II represente

une nouvelle incorporation de Rome qui ne veut pas mourir.


Mais, pour lui, it n'est plus question, comme auparavant, des
conceptions d'infeodation ; tout cela lui est souverainement de
Ex demoniaca, sicut videtur, violentia,.., Mala gesta.., culpae quae contigerant; Dandolo, p. 274,
2 Tafel et Thomas, ouvr. cite, 1, pp. 96-98. Pour (Its donations ducales en
rapport avec le privilege, ibid., pp. 98-101, no. xLiV; pp. 103-105, no. XLVII;
pp. 107-109, no. )(Luc.
Augustus, ad eos rediens; ibid. Voy. aussi ibid., pp. 258, 267, 269.
Voy., plus recemment, Diehl, La societe byzantine sous les Comnenes
(extrait de la ,,Revue historique du Sud-Est europeen", 1929).

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Venise de Croisade

33

sagreable. Malgre cette latinite qu'on decouvre dans sa politique,


ses manages et ses attitudes, it est, en premiere ligne, le restau
rateur des frontieres et celui qui retablit l'autorite directe de
l'empereur, celui qui a le sens d'un Empire devant comprendre
tout ce qui a ete, jadis, sujet aux empereurs de Rome.
Au commencement, en mars 1148, le nouveau maitre montre les
meilleurs sentiments envers les bons marins et tres fideles de Sa
Majeste, les Venitiens" 1, qui l'ont aide contre Roger, roi des
DeuxSiciles, lequel l'avait attaque, a Corfou, a Corinthe, a Thebes,
a Negrepont, lorsqu'il combattait, sans compter les affaires des

Allemands et Francs", les Agarenes". Leurs anciens etablisse


ments du cote de l'eglise des Acyndines, de celle de St. Nicolas,
de celle du Perieleute, du monastere du Parakoimoumene, de la
porte de Kanaboutzes, de Pechelle de St. Marcien leur sont con
firmes. Par un second acte, du mois d'octobre 2, le droit de faire
le commerce est etendu, mais comme une philotimia" a des
marchands, sur les Iles de Chypre et de Crete 3.
On sait que Manuel a desire avoir la possession de l'Italie, qu'il a

employe les guerres de Frederic Barberousse contre les villes


italiennes pour s'installer, a un certain moment, en 1155, a Ancone.
Done ii possede AncOne, qui a vait dj cause des soucis a Venise,
au XI--e siecle. Il veut en faire le centre de sa domination italienne.

Ce n'est done pas une simple querelle entre Manuel et les


Venitiens, des 1154 de nouveau amis des Normands, de Roger,
qui a attaque Corinthe, Thebes, Negrepont ', ce qui provoque et
maintient le conflit de 1172-1175; c'est cette difference totale de
conception. Les Venitiens croient que Pepoque d'Alexis continue
et Manuel veut changer cette attitude, la remplacer par une autre,
tout a fait nouvelle : celle de l'Empire retabli entre toutes ses
limites et restitue dans tous ses droits.
11 faut tenir compte aussi du fait que les concurrents italiens
' Ingenui naute et fidelissimi Celsitudinis Nostre \'enetici; Tafel et Thomas,
ouvr. cite, I, pp. 109-113, no. 10.
2 Ibid., pp. 113-114.
8 Cf. aussi Dandolo, p. 282.
4 Tafel et Thomas, ouvr. cite, I, pp. 101, no. xLV; pp. 113-114, 135-136, no.
LVI : le roi Guillaume 11 codirme les privileges accordes par ses predecesseurs
Roger et Guillaume I. Manuel leur aurait demande de se tourner contre le
roi (Dandolo).

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N.Ilorga

36

de la Republique gagnent du terrain. En 1162 les Pisans attaquent


le quartier venitien; en 1170 les Genois se raccommodent avec
l'Empire 1.

La guerre des Venitiens contre Manuel, poursuivie avec acharnement pour finir par une nouvelle cession de la part de l'empe-

reur, montre combien le conflit a ete provoque par une idee


venitienne que l'empereur ne voulait pas admettre.
II faut se rappeler ce que dit le chroniqueur byzantin Nicetas :
l'empereur cite une nouvelle categorie de contribuables qui
s'appellent les bourgeois latins ", payant le doulion", it veut

interdire certains rapports de famille2. Ce qu'il ne voulait pas,


au fond, c'etait l'infiltration venitienne jusqu'au bout. II ne voulait pas que certains ports se venetianisent, deviennent peu a peu
la chose de ces esclaves", de ces amis", qui n'en etaient pas
moins des strangers. C'est, en premier lieu, a cause de cela, car les

Venitiens s'opposaient a ces mesures, allant jusqu'a attaquer les


maisons de leur concurrents genois, qu'ils refusent de reconstruire,
jusqu'a offenser les sebastes, que Manuel decrete l'arrestation de
tons les Venitiens se trouvant dans l'Empire et le sequestre de leurs

merchandises. A peine avaient-ils ete rappeles, et on eut raison


de croire a un odieux guet-apens2.
Et, comme les choses byzantines deviennent plus tard des
choses turques, on se rappelle ('expedition de Bonaparte en Egypte,

les declarations faites aux Tures, qui avaient, a ce moment, a


Paris meme, un ambassadeur, auquel on disait que cela ne regarde pas l'Empire, qu'il s'agit d'une querelle avec les Mameloucs

et, en meme temps, d'une mesure preventive contre certains


desseins de l'Angleterre. Et la Porte repondit aussitot en faisant
arreter toes les Francais, avec les diplomates qui etaient a la tete
de la
Tours.

colonic de Constantinople, et on les enferma aux Sept

' Cl. 'kid, ouvr. cite,

I,

p. 51.

Nicdtas, parlant de ces Phdniciens ruses, les montre tout prets A se confondre, dans un but d'interet, aux sujels de l'Empire, obps.p..Xot xab cpiXot nivu
'Patuatot;. Pour le rhdteur Eustathe (reproduit dans Tafel et Thomas, ouvr. cite,
1, p. 160) ce sont des serpents, de terre et d'eau, des pirates (%aptavil nop.cp6Xtg,
xipatOpoG 6cm, To netpxuxbv gOvo; Tb 1E 'Abptibo,-;).

3 Dandolo, p. 293. Its etaient venus comme chez eux, ddsireux de repren-

dre leur commerce", lucri avidi et Imperil loca propria habitacula reputantes

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Venise de Croisade

37

Or, enfermer les Francais aux Sept Tours, a Pepoque de Bonaparte, et enfermer les Venitiens clans les couvents et dans les
forteresses de l'Empire, a Pepoque de Manuel Comnene, c'est, avec

une autre religion, avec une autre nation, a une autre epoque,
absolument la meme politique; et cette politique n'a pas ce qu'on
suppose de tellement haineux, parce que, au moment out it y
avait les Francais aux Sept Tours, la Porte presentait cet acte

d'une fawn que, it est vrai, notre raison europeenne n'arrivera


jamais a saisir.

A cet acte, qui n'aurait pas ete, precisement, un acte d'inimitie, bien que, des Venitiens, qui violaient leur promesse de se porter

garants pour tels de leurs compatriotes, s'etant enfuis par Mer,


l'amiral byzantin, Andronic Kontostephanos, les poursuivit avec
cent cinquante" triremes 1, Venise, ayant arme cent galeres et
vingt autres vaisseaux, repondit en attaquant Negrepont et Chios,
qui fut prise. La flotte imperiale accourt a Lesbos, mais le doge
n'y parait pas moins, ainsi qu'd Lemnos et Skyros.
A cette grande expedition, qui menagait l'Empire, etait annexee,
en meme temps, une autre en Dalmatie, qu'il s'agissait de reprendre contre cet Empire de restauration qui l'avait annexee.
Trail est regagnee, Raguse descend les drapeaux imperiaux et,
devant le doge triomphateur, l'archeveque se soumet au siege
de Grade. De sorte que Venise attaque des deux cotes, comme
Phalle, au moment oil, pour Tripoli, elle faisait une tentative en
Albanie et s'en prenait, en meme temps, aux Detroits.
Les necessites geographiques imposent, a des poques aussi
lointaines l'une de l'autre, absolument la meme conduite.
Mais, en dehors du danger represente par la flotte imperiale,
un autre surgit : la peste. Le doge revient a Venise, apres avoir
perdu la plus grande partie de ses troupes, et it est tue en guise
d'expiation.

Cela n'empeche pas Byzance de penser a la possibilite de re,gagner l'appui des Venitiens, leur accordant de privileges, assurant a la Republique de Venise presque la situation qu'elle
avait eue auparavant et, en plus, des dedommagements, montant
1 Nicetas. Le passage est reproduit aussi dans Tafel et Thomas, ouvr. cite,
I, pp. 161-164, de meme que celui de Cinnamus.

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38

N. lorgd

a la somme de quinze centenaires d'or '. Venise aurait pu se


croire assuree par cette paix. Mais, bien entendu, l'Empire se reser
vait le droit de donner des concessions correspondantes aux Genois.

jamais apres ses deux revoltes Venise n'a regagne cependant


le monopole, qu'elle avait perdu pour toujours. II lui restait la
possibilite de se refaire en Syrie, mais, en faisant bien les comptes,

on pouvait s'apercevoir que le commerce avec, l'Empire rap


portait un peu plus que ce commerce avec la Syrie, qui toujours
periclitait, en raison de Petat d'instabilite de ces tats de croisade,
en fait de garanties aussi.

Et puis, apres la querelle avec Manuel, it y a eu les Brands


changements de Constantinople, oil it n'y aura plus la base qui
y avait ete jadis.
Manuel laissait un fils, sous la tutelle de sa veuve, une prin
cesse d'Occident, une Francaise. La situation de ce pauvre Alexis,
si jeune, si &nue de tout appui et de toute possibilite de defense,
excita les competitions d'un parent de la dynastie, un vrai homme
de la Renaissance avant la lettre, ayant de tres grander qualites

comme homme d'Etat, avec un lan hardi d'aventurier, mais


charg de tous les defauts et infecte de toute la perversite d'une
epoque de decadence morale, Andronic.
Pour arriver a ses buts, it massacre les Latins. Mais, pour venger
la population latine de Constantinople, massacree par ses ordres,
ce ne sont pas les Venitiens qui interviennent, mais bien les
Normands. C'est un moment que Venise a perdu, celui ou elle
pouvait paraitre en vengeresse, comme jadis, a regard des evenements de Chine, cette expedition des Puissances europeennes
pour venger les injures, les crimes perpetreg par les boxeurs
contre leurs ressortissants.
Mais, les Normands n'ayant pas reussi a gagner Constantinople
et une autre tentative occidentale d'avoir la ville imperiale ayant
echoue elle aussi, celle du fils de Frederic Barberousse, Henri
VI, qui se considerait comme l'empereur du monde entier, devant le nouveau maitre de Byzance Isaac l'Ange, qui renverse et
fait tuer Andronic, les Venitiens, auxquels Andronic avait accorde
quelques sommes de dedommagement, paraissent et obtiennent

deux privileges. jamais le privilege n'a ete redige d'une facon


1 C'est Nicetas qui l'assure. Cf. Dandolo, pp. 294-295, 307, 309. Nouveau,
traite avec la Sidle, Ibid., p. 301.

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Venise de Crolsade

39

aussi large que dans les trois actes differents 1 octroyes, en 1189,
par l'empereur Isaac 2.
Dans le premier, les rapports avec les Venitiens sont presentes
de la fawn la plus flatteuse. A I'epoque du vieux Guiscard, estil
dit, ils etaient des servi des Romains, mais aussi a d'autres epo-

ques et dans d'autres lieux... Its sont devenus comme un seul


corps (unum quoddam corpus unanime) avec les Romains, sous
un seul chef", c'estadire cet Empire. Meme apres la rupture
ils n'ont pas cru devoir etre jusqu'au bout strangers a la Romanie". La reconciliation ramene le corps de l'Empire romain
a l'integralite ancienne, 1W restituant comme un membre ampute".
Le doge, redevenu protosebaste, pretera donc serment de fidelite

et jouira des droits anciens et nouveaux.


L'empereur se rend compte qu'il est grave de donner latitude
de s'etablir a Constantinople aux strangers, mais, parse que Notre Serenite considere la nation des Venitiens comme des indigenes

romains et qu'ils ont les memes sentiments pour la Romanie que


les Romains eux-memes et qu'ils temoignent autant de devotion
envers elle qu'envers la terre qui les a fait naitre, ce qui leur est
donne est en tant que Romains".
Its auront telles possessions ayant appartenu a certains Allemands

et Francais, probablement amis d'Andronic. A cote des dedommagements, on leur assure l'ancien etablissement et ]'exemption
de taxes. Obliges a secourir l'Empire contre tout ennemi sauf
l'Allemagne et Mlles, s'il n'y a pas provocation, avec quarante
jusqu'a cent vaisseaux, les Venitiens fixes dans l'Empire auront aussi

le droit de servir sur la flotte imperiale.


' Tafel et Thomas, ouvr. cite, I, pp. 179 et suiv., 206 et suiv. ,Non enim tunc
solummodo Romeis servi erant, verum etiam aliis temporibus et locis... Unum

quoddam corpus unanime cum Romania effecti, uno capite, hoc videlicet
imperio... Eos usque ad finem alienos a Romania non fore justum reputavit...
Corpus romani principatus ad pristinam redegit integritatem, membrum ejus
amputatum sursum ipsi adjungens... Latitudinem infra Magnam Urbem gentibus exhibere, verumtamen, quia non ut alienigenas, immo ut aborigines romanos
genus Veneticorum Nostra Serenitas reputat tantumque pro Romania dolent
quantum et erga terram quae eos emisit, non eis tantum quantum Romanis
donandum esse videtur quantumcunque eis largietur".
2 11 est vrai que le meme Isaac confirmera les privileges des Genois; Heyd,
ouvr. cite, I, p. 73.
Dans les instructions donnees en 1197 aux ambassadeurs de Venise a Con-

stantinople on avait insists sur ce point; Kretschmayr, ouvr. cite,


473-474.

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1,

pp.

40

N. lorga

BientOt ce sera l'Empire entier ouvert aux Venitiens ; ils pour,ront aller jusqu'a Andrinople; ils seront libres d'avoir des rapports

avec la Macedoine. On donnera la liste de toutes les localites


les plus importantes mises a la disposition de ces amis venitiens.
Ce sera le role du jeune Alexis, fils d'Isaac, lorsque les Venitiens auront retabli Isaac, avec ce fils comme coregent, contre le
frere usurpateur du vieil empereur, l'autre Alexis. Les Venitiens
sont traites dans cet acte de novembre 1199 de nation tres-amie
et de grand secours envers la Romanie", a laquelle ils reviennent

comme l'enfant vers sa mere et l'esclave vers sa maitresse" '.


Parmi les localites ouvertes au commerce venitien 11 y a Triaditza, Velboujd, Branitchevo, Koritza, la Zagora, Melesovo" (Metzovo), Morovisdium" (Molovichte), Stroumitza, Perlep, Meglen,

la provincia Valachie". Les normes de droit sont precisement


fixees.

S'il en est ainsi, si, maintenant, Venise a gagne, par cet etat
de decomposition dynastique de l'Empire byzantin, une situation
beaucoup plus grande, s'il y a eu dj des tentatives d'installer
les Latins a Constantinople, celle des Normands, celle de Henri

VI, qui se preparait a la guerre contre l'Empire que son pere,


Frederic Barberousse, avait epargne lots de son passage comme
croisd, la deviation de la quatrieme croisade doit etre expliqude un
peu autrement, ou mieux que cela.
Des difficultes ont surgi, comme toujours, lorsqu'il s'est agi
d'une expedition qui devait aller a Jerusalem. Celle-ci s'est arretee a Constantinople, creant ce qu'on appelle l'Empire latin,
qui n'est que l'Empire par les Latins, mais, au fond, dans l'Empire latin, 11 n'y aura rien de change clans les conceptions. Les
Venitiens auront, dans cet Empire latin, cree en 1204, de la part

du second empereur, Henri, ce qu'ils avaient eu sous Alexis,


Jean et Manuel Comnene, sous Isaac ou Alexis l'Ange2.
Au moment oil ils s'etablissent a Constantinople, prenant un
quart et demi de l'Empire, ils ne font que representer la revanche
latine plus au-dela que ceux qui l'avaient essayee auparavant et
en tenant compte de leur propre tradition.
' Genus Veneticorum plurimum amicabile ac servile circha Romaniam...
Sicut ad matrern puer et ad dominam verna; ibid., p. 248 et suiv.
' Tafel et Thomas, ouvr. cite, 11, pp. 34-35, 49 et suiv.

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Venise de Croisade

41

De sorte que, lorsque les Venitiens ont pris sur leurs vaisseaux
Baudouin de Flandre, Boniface de Montferrat et autres Ita liens
de Lombardie ou Francais, - it ne faut pas oublier que les Montferrat

etaient chez eux a Constantinople, qu'ils etaient un peu, a l'egard


de l'usurpateur byzantin, les representants des Comnenes, de la
legitimite byzantine , lorsqu'ils ont cepte les propositions du
jeune prince Alexis, fits d'Isaac, ils n'ont fait que suivre cette
ligne.

D'abord, se trouvant devant la cote de Dalmatie, ils n'avaient


pas pu s'empecher d'affirmer encore une fois leur droit de presidence, et ils ne s'en prennent pas seulement a Zara, faisant des.cendre le drapeau du roi de Hongrie pour retablir celui de Saint
Marc', mais a Trieste et a Muggia, nid de pirates, it y a eu
encore des corrections a faire. Puis, arrivant a Constantinople, its
sont d'abord des marchands ayant donne leur argent, ils enten-

dent que cet argent leur soit rendu, que la garantie qui leur
avait ete offerte et qu'une nouvelle usurpation a fait disparaitre,
leur soit restitude.
Mais, en meme temps, puisqu'ils sont la, tons leurs souvenirs
surgissent devant eux, tout le pass venitien a Constantinople
demande leur intervention, et, aprk-,.s la premiere conquete de
Constantinople, contre le vieil Alexis, en attendant la disparition
ou l'expulsion des membres des dynasties grecques, its ont du
avoir, d'une fawn encore plus nette, cette conviction de droit.
En meme temps, its sont a cote de ceux qu'on appelait gene,ralement les Francais", les Francigenae". Its sont les represen-,
tants de l'Occident, de cet Occident qui vient IA pour s'etablir,
non pas sous la forme des croises, avec Venise en sous-ordre,
mais avec Venise et les croises, en meme tern ps.
La conquete de Constantinople en 1204 n'est donc pas un acte
venitien, d'autant moins un acte personnel du doge Dandolo; ce
n'est ni un accident, ni une aventure : c'est le dernier terme naturel d'une longue evolution.
Ce qu'il y a peut-etre .de plus important dans Phistoire penApres une nouvelle attaque des bannis, elle donne des (Stages, accepte un

comte venitien et un archeveque de la meme nation, soumis au Siege de


Grade, chante les laudes" pour le doge, Iui promet un secours militaire, en
dehors du tribut" de 3,C00 peaux de lapin. Plus tard le Patriarche Thomas
Morosini soumettra Raguse et Durazzos Dandolo.

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42

N. lorga

dant ces dernieres annees, c'est le fait qu'on abandonne un peu


la theorie des entreprises romantiques ou politiques, dont chacune
aurait vecu par elle-meme et pour elle-meme, pour arriver a ce
grand resultat que toutes les actions politiques s'enchainent et que,
sous les apparences de l'acte personnel ou de l'entreprise d'aven-

ture, it n'y a que la derniere consequence d'une logique qui se


poursuit, avec nous et parfois malgre nous, a travers les siedes.

Venise dominante
La conquete de Constantinople par les Venitiens n'a pas ete
donc un acte venitien au propre sens du mot: c'etait l'Occident
qui s'installait a Constantinople, c'etait toute l'action de l'Occident
tendant a dominer l'Orient qui etait couronnee par l'etablissement
d'un empereur latin, Baudoin, et d'un patriarche latin, qui etait
un des membres de l'aristocratie venitienne.
Venise avait, du reste, des la preparation de la croisade, en
1188, le sentiment qu'elle representait cet Occident dans ses sen-

timents et dans ses tendances vers l'Orient: Nous que la piete


divine", dit le doge, l'abondance des choses temporelles et la
multitude des hommes sages nous a rendus glorieux entre les
autres chretiens, nous rappelant les efforts de nos peres et antecesseurs, qui, travaillant depuis longtemps avec tant d'elan a la
liberation de cette Terre [Sainte], se sont gagne des eloges, une
gloire et un honneur perpetuels, nous nous devons considerer
d'autant plus comme plus etroitement obliges a la defense et a
la conservation de cette Terre Sainte et nous pouvons travailler
d'une facon plus efficace, sous plusieurs points de vue, a son
secours" 1.

' Nos, quos divina pietas, rerum temporalium habundantia el prudentium


virorum copia inter christianos ceteros reddidit gloriosos, patrum et progenitorum nostrorum industriam recolentes, qui ad ipsius terre liberationem jamdudum tanto conamine laborantes, adepti fuerunt inde laudem, gloriam perpetuam et honorem, ad deffensionem et conservacionem ejusdem terre tanto nos
debemus cognoscere artius obligatos quanto ad ipsius subventionem multiplici
ratione per Dei gratiam possumus expeditius laborare; Tafel at Thomas, ouvr.
cite, I, p, 204.

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Venise dominants

43

Nous avons ajoute que les empereurs latins ne sont pas diffe-,
rents d'essence a l'egard de leurs predecesseurs grecs ; malgre la

difference de noms et de religion, la notion de l'Empire ne


pouvait pas changer.

De meme que, plus tard, lorsque les Turcs se sont etablis a


Constantinople, Mahomet II s'est senti tout aussi Byzantin, tout
aussi Romain que ses predecesseurs, de meme, Iorsqu'il y a eu
des barons latins a Constantinople, ces barons ont cherche tout ce
qui etait dans leurs moyens pour se faire accepter comme Byzantins. Ainsi Conon de Bethune sera en 1219 sebastocrator et
baillt de l'Empire".

Il n'y a jamais eu, de la part des conquerants de Constantinople, quelle que fat leur origine, quelle que fiat leur nationalite

et leur religion, cette tendance a creer tine chose nouvelle et


a affirmer cette chose comme nouvelle. On en a des preuves
contemporaines. On voit non seulement l'empereur latin de Constantinople, mais le Patriarche lui-meme signer, en lettres de cinabre, en grec 2.
II est bien malheureux que nous eussions conserve si peu des
archives de l'Empire latin de Constantinople; si on les avait con-

servees, je suis bien stir qu'on aurait vu la meme chose que


dans l'ancienne Byzance. Le roi de Jerusalem signe rex Hierusalem latinus". Mais jamais un empereur de Constantinople, appar-

tenant au monde des barons, aux Francais, aux Francigenae",


n'a ajoute a son nom ce qualificatif de latin".
Dans le privilege accords par Baudoin de Flandre aux Veniliens, privilege qui ne nous a pas ete conserve, mais dont on
trouve la mention dans la chronique de Dandolo, il est dit qu'ils
auront leur situation anterieure, a une difference : sans la fidelitas" et sans le servicium", c'est -a --dire qu'ils ne seront pas,

comme leurs predecesseurs, des duli", qu'ils n'appartiendront


plus a l'Empire. Si, comme conditions, c'est la meme chose qu'a
Jerusalem, le quartier est maintenant libre, et il n'est plus soumis aux memes devoirs3.

Mais it y a encore une chose qu'il faut remarquer.


1 Sevastocrator et baiulus Imperil Romani; ibid., II, pp. 21-1-215.
* Liter's grecis rubeis; ibid., II, pp. 34-35.
' Voy. ibid., 1, p. 4t4 et suiv.

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N. Iorga

44

On se demande si le doge n'a pas pu etre, a un certain moment, empereur. C'est une chose qu'on oublie. Dans une chronique contemporaine, it est dit ceci: qu'un des Francais a propose
le doge comme empereur. Dignum imperio nominavit ; il l'a
considers digne de l'empire". Et, si le doge n'aurait pas ete empereur, se serait parce que d'autres font refuse: ceteri id renuere
viderentur1.

De fait pour le Soudan d'Egypte le doge est le grand et


tres-haut seigneur d'une nation grande, le sage et tres-haut duc
de Venise et de Zara et de Constantinople, defenseur de la religion des chretiens et de la grande nation chretienne"2.
Le doge est devenu seulement le possesseur d'un quart et
demi de tout l'Empire de Romania" (quarte parti et dimidi et
totius Imperii Romaniae dominator). II se trouve a cote de
l'empereur, qui lui-meme prend le titre de par la grace de Dieu,
le tres fidele en Christ", fidelissimus in Christo", comme l'empereur byzantin, sans aucun changement; it est empereur couronne par Dieu, moderateur de la Romanie et toujours auguste" 3.

Mais une question se pose : ce doge de Venise, maitre d'un


quart et demi de l'Empire de Romanie, se considerait-il comme
simple maitre de Constantinople et de ses dependances ou bien
n'a --t -on pas essays autre chose ? II n'y a pas de doute que
l'empereur et le doge etaient en quelque sorte de pair. C'est la
chose qu'il faut affirmer, et ne pas croire qu'il y avait l'empereur
au premier rang et le doge et son representant, le podesta, yenant apres l'empereur.
Pour les Venitiens l'acte de 1204 etait, au fond, une affaire de
commerce, un reglement du comptes, une saisie de l'Empire. Its
avaient des droits a reclamer. Ces droits, l'Empire n'avait pas
ete capable de les realiser ; alors ils avaient saisi l'Empire, de
' Dandolo. Deja a Jerusalem, lors de la captivite du roi Baudoin II, on auralt
voulu clever le doge, qui s'y serait refuse; glosse a Dandolo, p. 271, note a.
2 Magnus et altissimus dominus magne gentis, prudens et altissimus dux Ve
netiarum et Jadre atque Constantinopolis, retentor legis christianorum et magne
gentis christianorum; ibid., p. 190.
2 Dei gratia fidelissimus in Christo imperator a Deo corOnatus, Romaniae

moderator et semper Augustus; ibid., II, p 227. Cf. la donation aux Venitiens
des champs des Provencaux et Espagnols, ibid., p. 255.

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Venise dominante

45

meme qu'un creancier saisit son debiteur. Seulement, en saisisf


sant ce debiteur, it reste bien entendu qu'on ne touche pas au
fond de la question : la chose saisie n'interesse pas autant que le

capital qui a ete donne et dans la possession duquel on veut


rentrer.

Le doge, qui a saisi l'Empire, qui en est devenu un co-proprietaire a cote de cet empereur, qui modele sa situation d'apres
la situation des Comnenes, ses predecesseurs, ne voulait-il installer
a Constantinople qu'une domination ? Ou bien y a-t-il eu autre
chose 7

Il me semble, d'apres le temoignage des sources elles-memes,


qu'on a voulu, au commencement, faire autre chose. II faut se
rappeler que Venise est restee toujours une dernocratie", dans
le sens le plus populaire ; malgre l'existence d'une aristocratie,
constitutionnellement c'est encore cette democratic" populaire. Sur
le rivage de l'Adriatique, toute domination venitienne represente,
ainsi quill a ete dj dit, une presidence d'autonomies locales, et

c'a ete la meme chose a Trieste, a Muggia, a Pola et partout


ou s'est installee, pour un moment ou d'une facon definitive, la
domination venitienne.

Done Venise etait habitude, non pas a dominer en dehors de


ses frontieres premieres, mais a presider un ordre de choses
qu'elle aurait trouve et a maintenir, avec cet ordre de choses,
une organisation de caractere absolument autonome. On a, certainement, voulu faire la meme chose a Constantinople.
Du reste, cette action doll etre mise en rapport avec une autre :
A cette poque, it y a eu, dans la flotte venitienne meme, un
sentiment qui correspond a celui qui animait, an XVIII-e siecle,
la marine anglaise et qui lui a fait, aux abords de la Revolution
francaise, manifester des tendances inquietantes an point de vue
de la discipline. La meme chose s'est passee en 1196. Pres de
Constantinople, a Abydos, it y avait, a ce moment, une flotte
venitienne. On preparait alors la croisade, et les Venitiens etaient
tres fiers d'en etre les organisateurs. Nous avons cite plus haut
leur proclamation, d'un tres beau caractere, dans laquelle ils
disaient que, si tout le monde a le devoir de secourir la guerre
sainte, leur Republique, riche, puissante, glorieuse, a, en premiere
ligne, ce devoir:

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46

N. lorga

On a invite done les vaisseaux d'Abydos a revenir a Venise


pour participer a la croisade, et la reponse a ete qu'ils ne youtalent pas revenir.
Cette flotte, sous l'ancien empereur byzantin, qui existait encore,
s'est constituee presque en un tat ; ce qui est arrive plus tard

avec les Catalans, qui ont cree un Etat en terre byzantine, paraissait devoir arriver en 1196. Les rebelles nomment deux capital.nes, des juges", des sapientes, et cette espece de soviet des
vaisseaux venitiens s'intitulait meme populus universus stoli",
tout le peuple de la flotte", puisque la flotte venitienne a
garde toujours le titre byzantin de stolus". Its creent un budget,
et ce budget est entre les mains de deux camerarii, chacun devant fournir sa part'.

Plus tard, ils ont ete forces d'obeir au doge, dont ils avaient
invoque la grace, la bonitas, mais ceci montre combien Venise
entendait, a ce moment meme, non pas imposer une domination,
mais, ici encore, conserver la chose populaire qui etait auparavant, et, lorsque l'initiative ne venait pas de l'Etat, it y avait
dans ce qu'on peut appeler la conscience publique les elements
dont on forme les organisations autonomes.
Le premier podesta, le premier representant du doge a Constantinople: Marin Zeno, s'intitule, en 1205, Vann& apres la conquete:
Dei gratia. Le podesta n'est done pas seulement le representant

du doge: etant par la grave de Dieu", it fonctionne comme un


prince. If est podesta des Venitiens en Romanie et dominateur

de la quatrieme partie du quart et demi de l'E,mpire" 2. Ceci


montre encore plus quel etait le caractere populaire de cette
domination, combien elle ressemblait a la communaute dalmate
qui avait ete toleree par Venise.
Ce podesta par la grace de Dieu, ce dominateur" dans l'Etn.pire fonctionne avec les juges" et les sapientes du Conseil et
avec la conlaudatio populi Venetie. C'est-a-dire que c'est le populus Venetie", mais pas celui de Venise meme, mais bien celui
de Constantinople, les Venitiens etablis dans la capitale de l'Empine, qui, par leur election, par leur approbation, par cette con' Ibid., I, p. 217 et suiv.
2 Dei gratia Venetorum potestas in Romania ejusdemque Imperil quartae
partis et dimidii dominator; ibid., pp. 567-569.

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Venise dornlnante

47

laudatio", donnent au podesta une situation qui &passe de beaucoup celle d'un officier superieur, celle d'un vicaire ducal'.
II est dit dans la source que sa situation etait due a ''election
par les marchands, et, a la fin, on la contraint a ceder sa place
a un autre, qui a ete envoye de Venise. C'est seulement alors,
apres le premier podesta, que Venise entend remplacer le megue du populus Venetie" de Constantinople par quelqu'un que
le doge a choisi et qu'il a envoye a Constantinople.
Mais, si, plus tard, le podesta, un Jacques Tiepolo, doit dire
qu'il a un mandat du tres-haut, du tres-fort et du tres-puissant
seigneur le doge de Venise 2, it est, cependant, non-seulement,
podesta en Romanie, potestas in Romania", mais it est, en meme
temps, despote de l'Empire de Romanie", c'est-a.-dire que rem.pereur lui a donne ce titre de despote qu'on rs'accordait, habituellement, qu'a des personnes relides, par leur manage ou par leur
descendance, a la dynastie regnante. Bien entendu, it est, en meme

temps, dominateur", au nom du doge, de ce quart et demi de


l'Empire g.

Le patriarche lui-meme n'entend pas etre sujet au Patriarche


de Grade, a celui que l'archeveque de Zara ne voulait pas accepter, parce qu'il representait, lui, a sa place, I'autonomie dalmate;
c'est un Patriarche divina favente gratia, par lui-meme4. II ecarte

toute immixtion de la part de ce Patriarche venitien auquel on


aurait desire le soumettre. Le Patriarche Mathieu le declarera
formellement 5.

Ces podesta entrent en rapports aussi avec les Souverains grecs


qui s'etaient conserves apres la conquete, et ins concluent des
traites. Ces traites sont soumis au doge, mais, cependant, au commencement, it y a telle entente, monetaire ou sur un autre sujet,
avec le podesta seul. Theodore Lascaris, l'empereur niceen, acceptera cette facon de negocier. Line situation tout a fait differente
de celle qu'on s'imagine.
I Ibid.
2 De mandato altissimi, fortissimi atque potentissimi domini mei duds Venetie potestas in Romania; ibid.
Despoils Imperil Romani ejusdemque Imperil quarte partis et dimidii vice
sui dominator; ibid., pp. 205 et suiv., 221.
4 Ibid., p. 225.
5 Dandolo, p. 342.

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48

N. lorga

Observons encore que Venise s'est trouvee devant une ma


gnifique conquete, devant un heritage splendide 1, mais qu'elle
n'avait pas les moyens necessaires pour l'administrer. On la sent
un peu effrayee, deconcertee par tout ce qui lui etait tombe sur
les bras. Elle a du chercher done des personnes qui pourraient
eti e charges d'administrer chaque partie de la conquete qu'on
ne pouvait pas regir directement, en echange d'obligations absolument semblables a celles que les villes de Dalmatie et les iles
voisines avaient prises et continuaient it prendre a regard de
Venise.

On s'imagine trop qu'un Etat peut changer de systeme aussitOt


qu'un hasard lui donne des possessions que cet Etat n'aurait pas
cru devoir obtenir a si bref delai. C'est tout le contraire. On vient
avec son systeme, on ne peut pas s'en defaire ; on Pa instinctivement et on fait descendre ce systeme sur toute realite qui arrive a etre possedee par l'Etat.
Pour Gallipolis, it y a deux nobles venitiens qui se presentent:
Marc Dandolo et Jacques Viaro. Lin autre, Marc Sanudo, demande
et obtient les iles de Naxos, de Paros, de Milo, de Santorin. Mais ce

Marc Sanudo, qui avait de l'argent et qui s'etait forme une pe


tite flotte, avait des ambitions beaucoup plus hautes. A un certain

moment, on l'a appele aussi en Crete. On verra bientot ce que


represente, pour Venise, Crete, et combien difficile a ete toujours
la domination venitienne dans cette ile qui ne s'est jamais paci-

fide, de sorte que ce qui est arrive a notre epoque, la longue


lutte contre la domination ottomane, qui commence en 1821 et
qui s'est toujours continuee, n'a ete que la repetition, a Pegard
de ['Empire Ottoman, de ce qui etait arrive a Venise, au mo
ment oii elle s'est install& en Crete.
Comme it y avait done des troubles en Crete, on a demande

le secours de la flotte privee qui avait ete cr,:de par Marc Sa


nudo. Marc Sanudo est venu, mais it entendait n'en pas sortir,
et it a fallu des efforts de la part du gouvernement venitien pour
se &fake de cet auxiliaire devenu incommode 2. La merne chose
qui est arrivee a l'Empire byzantin, a la fin du Xe siecle, lors
Elle avait fait disparaitre le pirate Leon Vetrano et prix Corfou, Modon,
Coron, Athenes; ibid., p. 323 et suiv.
' ibid., pp. 167-168.

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Venise dorninante

40

que, contre l'Empire bulgare, on a appele les Russes de Kiev A


et it a fallu toute une serie d'expeditions pour faire que leur chef,
Sviatoslav, abandonne la possession du Bas Danube et cette ca
pitale qu'il s'etait choisie a Silistrie.
Dans l'ile de Negrepont, 11 y aura Ravano de' Career' et son
neveu Venise leur reconnait le droit de s'y etablir, bien que
Negrepont alt ete comprise dans le privilege du partage 1.
On tolere cette domination etrangere, lombarde", a Negrepont
(mars 1209) contre un engagement d'homrnage et le paiement
de 2.000 perperes et d'un drag de sole, d'examite" par an 2.
On a gagne les Iles de Chios, de Skyros, de Skopelos, de Skiatos,
de Lemnos, mais on cherche quelqu'un pour les lui passer. Les
Ghisi seront detenteurs, au nom de la Republique de Venise, de
cet autre groupe de possessions.
Plus tard, la meme situation se presente pour le territoire de
Corinthe et pour ce que les gens du moyen-Age, les Catalans,
en premiere ligne, appelaient le jonch, et qui n'est autre chose
que Navarin.
On s'adresse, cette fois, au prince d'Achee, on salt que des
nobles latins s'etaient etablis un peu partout dans l'ancien Empire
de Romanie, et le detenteur de Corinthe dolt donner A la Republique, comme on le faisait couramment en Dalmatie, deux
brocarts par an pour Peglise de S. Marc ; it aura une maison a
Venise, et la Republique lui permet de regagner" Lacedemone 3.
Durazzo est cedee a l'archeveque, qui conservera le duc Mann
Valaresso et observera les fours des laudes" Paques, Noel,
Epiphanie, S. Marc,

S.

Cesaire (Yesarius) '. En meme temps

on reconnait des droits sur la ville au prince grec voisin, Michel


Comnene, duc, fils du feu le sebastocrator et duc jean" 3, qui a
aussi Nicopolis, Arta, Achelofis ; promettant son secours contre
' L'Euripe est devenu Negrepont par cette vole &I.) EdpEratip = Negripon;
voy. ibid., II, p. 952 in prefacto Nigripe. Cf. aussi ibid., p. 175 et suiv.
Apres 1261 Guillaume de Villehardouin appelle et retient Narjot de' Carceri at
Guillaume de Verone et prend Negrepont, chassant le bailli de Venise. Guillau-

ume est allie avec l'empereur grec. Venise regagne de force l'ile; Dandolo,
pp. 363 -364; Tafel et Thomas, ouvr. cite, III, pp. 10 et suiv., 13 et suiv., 46 et
suiv., 51 et suiv. (1262).
2 Ibid.
8 Laudomoniam ; ibid., p. 97 et suiv.
' l:,'.1. Fp. 119 et suiv., 125-126.
5
onmarm:, dax, filiftz quonlam sevaslocratoris joarmis duds,
4

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50

N. lorga

les Albanais ou les Croates" (Arbanenses vel Corbiatici), g donnera par an quarante-,deux perperes et deux pieces de brocart,
pour St. Marc et pour le doge.
Seules Modon et Coron, les deux forteresses qui se trouvent
tout au fond de la Peninsule, celles qui seront appelees plus tard
les yeux de Venise", sont reservees comme proprietes administrees directement.

Plus loin, Andrinople, que Venise devait avoir, est dorm& a


un Grec, un Cesar", Theodore Branasi. Corfou est cedee a un
autre Grec, a Ange Acotanto", peut-etre Apokaukos. Les con,ditions auxquelles Venise cede Bette importante possession sont
d'une navet absolue, correspondant a ce qu'on trouve jusqu'au
XIV-e et XV-e siecles dans les cites et les Iles de Dalmatie :
trois fois par an, a Paques, a Noel et le jour du saint proteoteur de Corfou, on entendra les laudes de Venise, c'est -a. -dire
qu'on proclamera dans l'eglise principale, d'une facon solennelle,
que c'est Venise qui est maitresse. C'est ce qu'on retrouve dans
le monde arabe, oil un des devoirs de celui qui se declarait vassal c'etait de proclamer, a tel moment, a la mosquee l'existence
du suzerain. Puis, une certaine somme, 500 manuelati, monnaie
de l'empereur Manuel, comme rente annuelle 2.
On pourrait continuer a titer de ces concessions faites par Venise.

Parfois aussi, a cote de ces concessions a ses sujets ou a ces


Grecs, Venise reconnaissait, dans des territoires qui lui etaient
atribues, une domination anterieure.
II y avait ainsi un usurpateur a Rhodes, qui s'appelait Gabalas
et qui s'intitulait Kisserus", c'est--dire Cesar, xar.cap. 11 disposait d'une flotte qui comptait jusqu'a trente vaisseaux. Le Cesar
Gabalas, qui s'intitule seigneur de Rhodes" et des autres regions
voisines, ou seigneur de Rhodes et des Cyclades 2", de Tenedos

aussi, est reconnu par Venise a condition qu'il donne a la Republique une eglise, un quartier et une tour pour y habiter (curiam pro habitando). II aidera le duc de Crete contre l'empereur
de Nicee, contre Batatzes, et il enverra, chaque armee, le drap
habltuel a Marco (1234). De la meme facon, dans le monde a' Ibid., II, pp. 18-19 (armee 1206). La concession est faite par le podesta,
Marin Zeno.
2

Ibid., p. 55 et suiv.
Kisserus Leo Gavalla, dominus Rhodie et alfarum circumstantium...; do-

minus Rhode et Cicladum inssularum; ibid., p, 520 et suiv. Cf. Dandolo, p. 349.

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Venise dominante

5i

rabe, on envoyait un drap a la Mecque. On volt combien ces


choses viennent du lointain Orient, combien Byzance les a acceptees et combien, de Byzance, elles ont passe a Venise et ailleurs en Occident.
Venise a, parfois, aussi affaire a des pirates, qu'elle dolt tolerer
et, a cause de cela, elle dolt s'entendre avec sa rivale, Genes.
Pendant longtemps, it y a eu un pirate craint par tout le monde
qui s'appelait Alamanno, et Venise, avec les moyens qu'elle avait
apres 1204, n'etait pas capable d'assurer au moms la securite des
eaux que traversaient les lodgers bateaux de ce corsaire !.
Dans ces possessions que Venise avait gagnees, s'est pose, des
le debut, le probleme grec. On ne s'explique pas pourquoi Phistoriographie grecque moderne, qui a cherche, a juste titre, tout
ce qui pouvait concerner les droits de la nation, ne s'est pas attardee assez sur ce phenomane. Car it existe des preuves evidentes
qu'il y avait une conscience orthodoxe, une conscience orientale,
imperiale et traditionnelle, qui s'opposait a la domination de Venise, et c'est ce qui a fait dans rile la faiblesse du gouvernement
de la Republique.
Dans tine lettre des chatelains des Coron et de Modon, qui a
echappe a la destruction, voulue, de toutes les lettres revues ",
on parte d'une revoke de ce cote, soutenue, comme cela a tom-

fours ete le cas, par le clerge grec, irreductible a regard de la


domination latine de Venise. 11 y est dit que l'archeveque a
nomme un remplacant de l'eveque expulse, en indiquant, dans
l'acte de nomination mame, que cela sera jusqu'a ce que le
Seigneur rende au domaine du Sacre Empereur Modon s".
On considerait donc la presence des Venitiens comme tine
occupation passagere, et cela s'est vu aussitot dans l'ile de Crete,

cedee par Boniface, roi de Salonique, aux Venitiens 3. On y


avait envoye des le debut 132 chevaliers et 48 gens de pied.
Aux Grecs, conserves sur leurs terres, on avait accorde quatre
ans de liberte fiscale 4. Mais, en 1229 dja, it y a tine premiere
revolte et l'intervention, deja mentionee, de Marc Sanudo, suivie
par des efforts pour le faire partir. Les Grecs de l'ile appellent
1 Ibid., II, p. 197 et suiv. Aux Venitiens seuls Alamanno avait pu prendre
1000 besants (ibid.). Cf. aussi Dandolo, p. 341.
8 Commemoriali, I, p. 193, no. 105.
4 Tafel at Thomas, ouvr. cite, I, p. 513.
4 Ibid., III, p. 159 et suiv.

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N. lorga

52

alors l'empereur de Nicee, jean Batatzes. CeIui.-ci envOie son


megaduc, avec ving-trois galeres.
A peine Sanudo est-il parti que Haglostephanites se revolte,
la place de Rettimo est prise par capitulation, et deux autres
ensuite, Milopotamo et Neokastro. A peine la flotte venitienne
quitte-t-elle les eaux de Crete pour sombrer a Cythere, qu'une
nouvelle revolte &late 1. En 1233, la Republique consent a donner

une partie du territoire de Crete a des Grecs, leur demandant


seulement, dans cette ile qui etait une base pour Venise,
les laudes 2. Its auront la possession du territoire ; mais dans
l'eglise de l'endroit, a tel moment ou plusieurs fois dans l'annee,
it y aura la declaration que Venise est souveraine de l'ile.
On pardonnera aux rebelles (1234)8, mais aussitot on en aura d'au-

tres : Nicolas le sebaste DemonoYani, un autre sebaste, un autre


ancien dignitaire de l'Empire, Michel Melissinos, et it faudra re-,

garder, a chaque moment, du cote de Crete pour retenir cette


population fremissante sous une domination tres favorable sous
beaucoup de rapports, prdpice au commerce, mais qu'on considerait comme une usurpatrice intolerable et offensante des droits

de notre empereur tres-puissant et sacre 4". Vers 1250 it y aura


un nouveau soulevement 5.
En 1270, &late la revolte de Georges Cortazzi (Chortatzes),
qui organise de grandes masses de paysans, infiniti v Want. Le
duc de Crete, puisque Crete dtait administree par un duc, est tue.
Il faut envoyer toute une expedition. Les Grecs' de l'empereur
paraissent aussitot dans les eaux de l'ile. Les deux Cortazzi, Georges et Theodore, sont chasses a v:-..c beaucoup de difficuIte 6. Puis,

en 1299, on se trouve, apres la revolte d'Alexis Calergi, dans la


necessite d'accepter ses conditions 7.
1 Dandolo, pp. 337, 345; Tafel et Thomas, ouvr. citd, II, pp. 159 at suiv.,
166-168.

2 Ibid., pp, 166-167, 312-313.

6 Ibid., p. 322 et suiv.


4 Ibid., pp. 210 et suiv., 234 et suiv., 251 et suiv., 326 et suiv., 333 et suiv.
Venise signalatt au Pape, en 1264, que l'empereur grec, rdtabli 3 Constantinople, guette cette ile, ,robur et fortitudo Imperil' ; Dandolo, pp. 341, 506-507.
5 Tafel et Thomas, ouvr. citd, H, p. 360. Concession de la ville de Cande
(1252), ibid., p. 470 et suiv.
6 Dandolo, pp. 387, 396.
2 Tafel at Thomas, ouvr. citd, III, p. 376 at suiv.; Commemorlall, I, p. 7b,
no, 322.

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Venlse dominante

53

Les Grecs conserveront leurs possessions, mais, en meme temps,


comme certains districts restaient sujets a caution, toute une partie

de Pile de Crete n'est pas mise en valeur : on n'y fait pas de


labours, on n'y eleve pas de bestiaux ; c'est la partie abandonnee
a l'ennemi 1.

Pour retenir cette possession si precieuse on y etablira 230


chevaliers, soutenus aussi par le clerge latin, et on y construira
une forteresse centrale. Ceci en dehors du contingent des colons,
qui devaient presenter des ecuyers et des chevaux de guerre s.
On voit bien par ce qui s'est passe en Crete combien la domination de Venise est differente de ce qu'on suppose. Ici non
plus i1 n'y a pas la possession de fait, la possession voulue, redlisee, du quart et demi de l'Empire" ; it n'y a pas Venise cou,ronnee, Venise reine, ayant a sa disposition ses sujets. C'est encore Venise presidente, avec les autonomies au-dessous ; et, la
ott elle cherche a gouverner elle-merne, elle epuisera ses forces ;
la oft elle s'efforce de retenir dans une situation contre laquelle la
population se dresse de temps en temps, ce peu de droits qu'elle
s'est attribues, ii arrivent a Iui peser plutot que de lui profiter.
Mais, pendant ce temps, Venise, occupee dans ces regions de

l'Orient, perd de vue la Dalmatie 3, on le roi apostolique de


Hongrie a un droit que le roi croate n'avait jamais eu, parce qu'il
est roi apostolique, delegue permanent du Saint Siege, representant, a l'egard des Infideles, des schismatiques, ce que representait Charlemagne, de par la benediction de l'Eglise, a regard des
Saxons peens, a regard des Avars, aussi a l'egard des populations grecques de l'Est europeen.
Aussitot qu'on voit Venise prise en Orient, melee a ces revoltes
de Crete, a la guerre contre Genes4, Raguse, fremissante, se reprend: Almissa revient a la piraterie; le cointe de Veglia trahit ;
1 Ibid., p. 82, no. 349.
2 Ibid., p.83, no. 353; pp. 97-98, no. 419. En 1339 nouvelle rdvolte; Dandolo, p. 415.
s Guillaume I!, roi des DeuxSiciles, l'avait reconnue d Venise, ,,jusqu'a Ra
guse, dans son trait de commerce qui ouvrait aux Vdnitiens les ports de
Messine et de Palerme ; Tafel et Thomas, ouvr. cite, I, p. 172 et suiv.
4 Traltd en 1238; Tafel et Thomas, II, p. 342 et sulv. Puts celui du 10 juillet
1251; ibid., p. 457 et suiv. Venise leur reconnait dans l'Empire la situation
dont ils jouissaient sous Alexis Comnene.

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N. lorga

54

Curzola secoue le joug 1. Zara se revolte de nouveau en 1242.


Elle va jusqu'a s'offrir a l'empereur Frederic II, qui la refuse.
Mais il y
Bela IV 2.

a quelqu'un qui l'accepte : Coloman, frere du roi

Venise doit alors recommencer, avec vingt-six galeres et vingt


valsseaux, l'expedition destinee a soumettre In Dalmatie. Elle y
arrive, conquerant Zara le 5 juin 1247, mais, meme dans le traite
conclu avec le roi Bela, le 30 juin 12443, on voit bien quel est
le caractere de cette domination ebranlee que jamais Venise n'a
pu transformer en autre chose que la pauvre presidence dont
nous avons parle tant de fois. On a vu les clauses de l'acte de
soumission de Zara, qui est du 1-er aoitt 1247: ce prelat rece

vra, chaque armee, 1.500 peaux de lapin. En 1251, it y a un


pacte de tous points pareil avec Raguse.
Avec la Hongrie, du reste, les relations sont de beaucoup
meilleures. Le fils du roi Etienne et d'une soeur du marquis de
Ferrare, Azzo, Etienne, eleve par sa mere chez elle, epouse Tom
masina Morosini. Leur fils, Andre, dit le Venitien, gendre du duc
Albert d'Autriche, regnera at it fera d'Albertino Morosini, son
oncle maternel, un Ban d'Esclavonie4. En 1301, le Ban Henri
epouse une autre Morosini, la fille meme de Michel, comte de
Zara 3.

Lorsque un ami de Naples, Charles-Robert l'Angevin,

succedera aux Arpadiens, it accordera aux Venitiens leur premier

traite de commerce en Hongrie (116)6. Aussi pourrat-on soumettre, a l'aide de mercenaires catalans, en 1312, Zara, de nou
veau rebelle, qui venait, deux ans auparavant, de se constituer en
commune fibre' .

C'est aussi le moment oil Venise conclut des pactes tres importants pour son commerce avec les Musulmans : en 1254, avec

le Soudan d'Egypte pour Alexandrie, oil elle aura l'eglise de


SaintMichel, avec des fondaques exempts de taxes, pouvant y ven1 Dandolo, pp. 333 -555. En 1240 le roi avait admis les privileges de Trail
II s'y etait refugie devant l'invasion tatare (ibid.).
' Dandolo, pp. 332, 347, 354-355, 357, 360, 369, 392, 394-395. Un privilege
est accorde aux Ragusains en 1232.
' Tafel et Thomas, ouvr cite, II, p. 418 et suiv. Cf. Ibid.; p. 461 at suiv.
4 Dandolo, pp. 402-403.
6 Commemoriali, I, pp. 16-17, no. 64.
a Ibld., I, p. 160 no. 77.
I

Chronique dahnate, Ibid., p. 165.

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Venise dominante

55

dre le yin. Il y avait dj un traite avec le Sultan d'Alep qui fixait


les tarifs des marchandises, et il y aura, en 1251, celui avec Tunis,

qui leur permet d'avoir

des relations aussi avec Tripoli et

Bougie'.
Aussi, une poque oil la rivalite avec Genes parait etre assoupie
pour le moment, la reprise de Tyr donne a la Republique, d'apres
l'invitation de la reine Alice, une situation dominante en Syries.
Mais la domination venitienne a Constantinople meme faiblit. Cet
equilibre instable, qui s'y etait etabli des le debut, ne peut plus
se soutenir ; il y a un flechissement, une disparition de securite
de la part de l'empereur. L'Empire ne resistera plus. L'empereur
latin n'est plus de la famille de Baudoin ; tutele a un certain

moment par jean de Brienne, qui fut amend a Constantinople


par les vaisseaux des Venitiens, auxquels it continue leurs privileges 3, apres Robert et Pierre du Courtenay 11 y a un pauvre
petit Baudoin, qui perdra, en 1261, la possession de Constantinople.

Les Venitiens l'observent; ils ne se bornent pas a defendre de


leurs propres forces, comme le podesta jean Michel contre Batatzes, la vine imperiale 4: ils envoient des missions ; ils declarent,
avec ce don de prevision que la politique venitienne a toujours
eu, que la potentia Gallorum, la puissance des Francais", est en
train de s'evanouir .
Its se rendent done compte que l'autorite de l'empereur a totalement disparu. En effet l'empereur Robert, celui qui leur a donne

les champs des Espagnols et des Provencaux", a ete attaque


dans son palais ; on lui a muffle le nez et les levres 6. On sent
l'anarchie qui s'installe. L'ancienne discipline feodale a disparu.
Les forces de l'Empire Latin ", ecrit Dandolo, dtaient affaiblies" 7.
En 1261, pendant que la garnison insignifiante de Constanti
nople etait inattentive, un officier de l'empereur de Nicee, Michel
Paleologue, entre a Constantinople et se saisit de la vile. Bau1 Voy. plus haut.
$ Tafel et Thomas, ouvr. cite, II, p. 353 et suiv.
Dandolo, pp. 346-347.
4 Ibid., pp. 352-353.

6 Declaration de Jacques Tripolo, ,cum jam Gallorum potentia evansceree; Ibid, p. 341.
6 Ibid.
Imperil Latinorum viribus debilitatis i ibid., p. 367.

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N. lorga

56

doin et les Venitiens se refugient a Negrepont, et l'Empire des


Latins" est fini.

Il semble bien qu'au dernier moment, Venise avait entrevu


la possibilite de concentrer entre ses mains, non seulement la
defense, mais aussi la propriete de cet Empire mourant. Elle n'a
pas ose. Peut-etre l'apparition des Grecs a Pinterieur de Cons-,
tantinople a-t-elle ete tellement subite que des projets formes
deja n'ont pas pu se realiser ; cela est bien possible. Meme dans
la chronique, &rite en francais , parce que l'auteur declare que
le frangais est une langue universelle et celle que Von cornprend le mieux,
a cette epoque, la reprise de Constantinople
par les Grecs est presentee d'une fawn tout a fait fugitive.
Venise a ete, d'abord, totalement desorientee ; elle a essaye de
tons les moyens : d'abord, soutenir Baudoin, mais Baudoin representait si peu, surtout lorsqu'on a vu que les rois d'Occident 1,

que toute cette catholicite occidentale n'est pas disposee a le


soutenir, qu'il a fallu l'abandonner.
Puis, lorsque les droits de Baudoin passeront a d'autres, lorsque,
par suite du mariage entre Philippe, fils du roi Charles II, et
Catherine, fille du fuyard Baudoin 2, it y aura une tentative de
retablir l'Empire, lorsque, plus tard, Charles de Valois demandera, soutenu par le Pape, a etre aide dans ses projets de reconquete de l'Empire de Constantinople, Venise sera tantot du cote
de ceux qui se preparaient a la reprise de la ville et tantOt

du cote de Pempereur grec, qui avait gagne son gonikon s


son heritage.
Apres les premiers conflits pres de Constantinople entre trois
galeres venitiennes et les Grecs, soutenus par leurs allies, les

Genois, qui seront battus aux Sept Puits", pres de Malvoisie,


apres les rencontres veneto-genoises au large de toutes les mers,
de Tyr a Tunis, apres la grande victoire de Drapano4, Michel
Paleologue

avait demande et obtenu la paix. Par son traite

(secoactiaithc) du 8 juin 1265, it accorde aux Venitiens des privileges tout a fait extraordinaires. Venise s'engageait a ne pas soutenir les ennemis de l'Empire, parmi lesquels apparaissent les
1 Ibid., p. 374.
2 Cf. Dandolo, pp. 382, 388, note.
Tafel et Thomas, ouvr. cite, III, p. 376 et suiv.
4 Ibid., pp. 370-373.

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Venise dominante

57

Genois, ni meme sous le drapeau de croisade. Modon, Coron,


Crete sont reconnues comme possessions de la Republique. Pour
la premiere fois un empereur byzantin, representant les droits
de l'ancien Empire, consent a admettre les Venitiens comme

maitres legitimes dans la grande ile de Crete et sur ces points


de defense du Peloponnese qui leur etaient absolument indispensables.

De meme, Michel consent qu'ils restent dans l'Archipel, dans


Vile de Negrepont, oil on leur donnera la place d'Armyro. L'em-

pereur se reserve, cependant, de reprendre cette partie de Pile


qui apartenait aux barons. On leur donnera une place a Salonique, a Enos, deux places sur les Detroits, une, enfin, a Constantinople. Meme ils peuvent entrer dans la Mer Noire, oil les
Genois etaient en train de realiser un magnifique domaine,
dont la capitale sera a Calla et qui s'etendra jusqu'au Caucase.
Aussi, ils auront des etablissements a Adramyttion, a Smyrne,
dans telle autre place de l'Asie Mineure, et, si Genes l'attaque,
Venise sera soutenue contre sa iivale. Les Venitiens tiendront is
Constantinople un bailli. On leur permet d'acheter le ble qui
vient de Id Mer Noire, c'est-a.-dire le ble du Danube, celui qu'on
prenait a Licostomo, ou plus loin, a l'embouchure du Dniester,
a Moncastro. Les places ne sont pas nommees, mais it est certainement fait allusion a leur existence'. Des privileges de justice
tres importants sont accordes aussi.

Puis it y a un second privilege, du 29 mars 1275, accorde


apres l'attaque en Asie Mineure des barons lombards de Negrepont et la revanche des Grecs a Oreo, dans l'ile, Venise desapprouvant l'acte de deft 2. Les eglises venitiennes a Constantinople, a Salonique sont conservees. En meme temps, on fixe un
certain nombre de rnaisons qui pourront etre occupees par les
marchand de dehors S.
' Ibid., p. 62 et suiv.

'

Dandolo, p. 379.

Ibid., p. 133 et suiv. llne nouvelle treve, en ,1177', est mentionnee par
Dandolo, pp. 393-394. En 1285, dans l'acte d'une nouvelle trove, on accorde
le droit de passage a ceux qui en rapportent du ble ; ,qui venerint a Mari Majori cum navi vel aliquo ligno .. cum frumento vel blade ; [bid , p. 322 et
suiv. LIne attaque des Venitiens a Mdsembrie parait devoir etre relide a cette
guerre du bid; Dandolo, p. 366. Sur le bld de la Mer Noire, de Mesembrie et
d'Anchiale et les peaux de Gazarie, Coinmenioritai, I, rip. 214-215, no. 209.

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58

N. lorga

C'est, sans doute, une des plus magnifiques situations dont Venise ait jamais joui dans ces regions orientales soumises a Pau,torite de l'Empire.
Mais, des 1251, quand des mesures sont prises pour defendre

la caravane" de commerce venitienne contre le stolus" des


Grecs 1, les hostilites contre les Grecs avaient repris et Venise
s'engageait a soutenir personnellement le pretendant Philippe avec
quarante galeres, qui partiront au printemps de ?armee 1382 ; on
en &all arrive a ne plus meme reconnaitre la qualite d'empereur
des Grecs" que s'arrogeait le nomme Paleologue a. On lui payait
de cette facon l'appui donne aux rebelles de Crete, allant jusqu'a
promettre la main de sa niece a un des rebelles, Cortazzi 3.

Andronic, successeur de Michel, accorde une treve le 15 juin


Mais en 1291 et 1292 les Venitiens attaquent Vile de
Langos 5. Ce fut seulement en 1299 qu'une tentative venitienne
sur Constantinople elle-meme (1295), defendue par les Germ's,
impose une paix durable 8.
Mais depuis longtemps Venise ne s'attachait plus autant a cette
possession de la capitale de l'Empire grec. Dj son interet &all
dirige ailleurs. Des In moitie du XIII-e siecle avaient commence
les guerres contre Genes, ces guerres fratricides, acharnees qui ont
continue pendant tout le XIV-e. A la fin du XIII, siecle elles
paraissaient menacer Venise, non pas de In destruction
car
c'etait une chose difficile
mais de la supreme humiliation de
voir les vaisseaux genois arriver a proximite de la ville, bravant
une flotte qui ne pouvait plus In defendre.
Apres les querelles a Acre et a Tyr, les Pisans soutenant Venise', it y a cette serie d'expeditions de guerre et, parfois, de
1285 4,

' Dandolo, p. 388. On avait perdu Durazzo et on pensait A le remplacer


par Arta ; ibid., p. 387 note.
Qui pro Imperatore Grecorum se gereret ; Tafel et Thomas, ouvr. cite, 111,
p. 287. L',unus nequissimus Chalojanus auquel on coupe In tete dolt etre un
pretendant.
8 Ibid., p. 376 et suiv.
4 Ibid., p. 322 et suiv.
5 Dandolo, p. 403.
Dandolo. Cf. Tafel et Thomas, ouvr. cite, III, p. 322 et suiv. Mais en 1301
Venise permet des ,courses` contre les Grecs de l'Empire" ; Commenloria/4
1, p. 14, no. 48. Dedommagements grecs ibid., p. 31, no 132.
Dandolo, pp. 365-367. Cf. ibid., pp. 504-506.

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Venise domtnante

59

piraterie, qui mettaient le drapeau de Saint Marc en face de


celui de Saint Georges dans les eaux de la Syrie, dans celles
des Detroits. En 1294 les Venitiens sont durement battus a Lajazzo et la caravan" daruite a Sapienza. Its s'en vengent,
non seulement a Constantinople, oil le palais des Blachernes brute,

et a Phocee aux mines d'alun, mais a Caffa, en Chypre, en Avmenie, a Sasno et, en suite d'une nouvelle victoire contre Venise,
a Tunis, pour en arriver_au defi genois de Chioggia et a la victoire
de Pisano sur leur superbe (1299)1.

Venise a fini le glorieux chapitre de son expansion en Orient,


expansion de caractere plutot commercial et economique. Plus
tard, elle transformera cette domination dont nous avons cherche
a fixer d'une facon plus nette le caractere; elle Ia transformera
dans la mesure de ses moyens, en une domination de fait. Parce
que, maintenant, it y a pour elle une possibilite qui n'existe pas
pour Genes.
Genes ne peut pas se creer un domaine territorial. Renfermee
entre la Mer et entre la Montagne, ayant derriere elle des Etats
aussi importants que le comte de Savoie, plus tard un duche,
et la seigneurie de Milan sera, an XIV-e siecle, tin autre duche
Genes ne peut avoir des pretentious que sur la Corse, stir Ia
Sardaigne, et ordinairement elle se borne a conserver cette RLviere" qu'elle a marquee pour toujours de son empreinte.
r:
Pour Venise, c'est autre chose. Venise a toute cette partie du
continent qui va vers Padoue, plus loin vers Vicence, vers Verone. Elle peut s'etendre du cote de l'Istrie ; elle a la Dalmatie,
elle a les Iles qui bordent Ia cote. Dj au commencement du
XIV-e siecle, on volt poindre tine poque qu'on pourrait considerer deja comme moderne, Pepoque de la possession territoriale, et ce qui forme tin nouveau chapitre de Venise c'est cette
lutte pour acquerir la terre.
La Mer, on I'aura dans les conditions possibles: on n'espere
plus la dominer ; mais faire tin vrai );tat, avec ses possessions
de terre, c'est, maintenant, le but de Venise.
N. lorga.
I Ibid., pp. 404-405. Le traite du 25 mai 1299 dam Tafel et Thomas, ouvr.
cite, III, p. 391 et suiv. Cf. lltude de M. G. I. BrAtianu, dans les ,Melanges
Diehl'.

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60

N. lorga

Du nouveau sur le pretendant Jean Bogdan


Dans un memoire presente a l'Academie Roumaine (serie II,

XIX) sur les pretendants rouinains au XVI-e sicle", dans


des renseignements nouveaux ajoutes A. la preface du volume XI

de la collection Hurmuzaki", sur la base de nouvelles decouvertes, et, plus recemMent, dans un autre memoire public
par l'Academie j'ai esquisse la carriere in.teressante de ce pretendant au trove de Moldavie, Jean Bogdan, dont, it y a tune quaran-

taine d'annees, dans mes Actes et fragments pour servir

l'histoire des Roumains" (I, pp. 40-42) je publiais les requetes


adressees au roi de France Henri IV.
M. J. Louis Courtois, professeur a l'Universite de Geneve, vient

de me signaler d'abord ce passage d'une etude de feu Francis


de Crue, qui signale le passage a Geneve de l'aventurier roumain:

Les Genevois etaient prives de tous moyens pour repartir


en guerre. Its sollicitaient de leurs creanciers des delais pour
payer leurs censes; ils s'appretaient a oontracter de nouveaux
emprunts, en offrant en gage les diamants de Conde ou de Mont-

morency, que leurs anciens proprietaires n'etaient pas encore


parvenus a retirer. Cette penurie ne les empeche pas de dormer
un leger secours a un prince depossede de Moldavie Jean Bogdan,

qui se rendait pres de Henri IV, tart etait grand, chez eux, le
sentiment de la solidarite chretienne" (Francis De Crue, RelaHops diplomatiques de Geneve avec la France, Henri IV et
les deputes de Geneve, Chevalier et Chapeaurouge, Meanoires de la Societe d'Histoire et d'Archeologie de Geneve", VII-e serie, tome V, livraison 2, Geneve, 1901, pp. 347-348).
Cherchant dans les Archives genevoises, M. Courtois a decouvert
ces documents concernant le subside mentionne plus haut:

Lundy, 25-c de novembre 1594.


Illustre Jean Bogdan, duc de Moldavie. A este presente requeste

de sa part afin de luy faire quelques assistences pour aller


faire son voyage vers le roy, remerciant Mess[eigneurs] de l'assistence qui luy a este faicte. Icy a este arreste qu'on luy donne
quatre escus "..
(Registre du Conseil, vol. 89, fol. 154 Vo.)

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Du nouveau stir le pretendant Jean Bogdan

61

,,Lundy, 16-e de decembre 1594.


Prince Elias Bogdan. Ont este vues lettres du dit prince a Mes-

seigneurs du 29-e de novembre conlenant remierciement de


la faveur et assistence faictes par mes Bits Seigneurs au Prince de Moldavie son pere avec promesse de les recognoistre".
(Registre du Conseil, vol. 89, fol. 162.)
Mecredy (sic), 15-e janvier 1595.
Prince de Moldavie. A presente requeste tendant a luy continuer la permission a luy ci devant dorm& de pouvoir habiter
en la ville jusque a la venue du roy a Lyon et sans que charge
le Seigneurie (sic), ayant le sieur de la Violette charge de pourvoir a son entretienement. A este arresle qu'on lay octroye sa
requeste".

(Registre du Conseil, vol. 90, fol. 9.)

Nous Syndiques el Conseil de Geneve a nos Bien aymes Freres


commis en noire Chambre des comptes, saint. Et commandons
qu'entrez et deduisez a noble Jean du Pan, noire bien ayme frere

syndique, la somme de quatre escus soljeil] pour luy delivrer


an Prince de Moldavie suyvant noire arrest d'aujourd'huy, dont
voulons icelui noble du Pan eslre tenu quicte. Cc vingl sixieme
de novembre 1594.

(s) Gautier."
(Comptes, mandats, quittances, Hasse XX, Mandats, piece 132.)

Mons[ieur] le Syndique it vous playra delivrer ft Mons. le


Prince de Moldavie qualorze escus sol[eil] pour le prix d'ung
cheval gull a vendu pour le service de la Seigneurie. Dent vous
sera faict mandement... Ce 16-e Inars 1594.
(s) Andrion

',$) Gallatin".

(Comptes, mandats, quittances, Liasse XX, Comptes, piece 63.)

M. Courtois ajoute:

Les documents ci-dessus sont extraits des Archives (Mal de


la Republique et Canton de Geneve, et soul, pour autant que

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N.lorga

62

je sache, inedits. Its sont ecrits. les No. II-IV dans les Registres ou
sont consignes les proces-verbaux et arretes du Gouvernement genevois, lequel tenait sance chaque jour au XVI-e siecle, sauf empechement ou inopportunite; quant aux Nos V-VI its se trouvent
dans des liasses ficelees et non reliees. Etant peu familier avec recriture du XVI-e sicle, je me suis adresse a M. Charles Roch, archiviste, dont l'aide a ete efficace. Les originaux presentent quel-

ques abreviations sans importance, p. e. reqte" pour reque,ste",

sol" pour soleil", Sr." pour S-ieur", dont je n'ai pas song a
compliquer ces copies; it faudrait une photographie pour rendre l'aspect de Foriginal."
J'ajoute que ces mentions confirment que seulement en 1594
Jean Bogdan se presenta a Paris. En septembre 1591 it quemandail des secours a la Haye et a Amsterdam, en octobrc it &tail
a Anspach (Hurmuzaki, XI, p. 239 et suiv.).
Jean Bogdan a ete presente aussi dans nos Aventuriers orien-

taux au XVI-e sicle" (Bulletin de la section historique de


l'Academie Roumaine", XVII).
Les documents que me transmet mon collegue genevois mon-

trent que la signature de la premiere petition au roi de France, t 'ffkriiarl BoO6ok; iv Afoi,cia.P.Ac:c, est celle du fils de cet as-

pirant au trone moldave.

N. lorga.

Quelques voyageurs occidentaux en Orient


Dans le journal de C: R. Cockerell (Travels in Southern
Europe and the Levant, 1810-1817), publie par Samuel Pepys
Gockherel (Londres 1903), on a les observations d'un courrier
anglais envoye a Constantinople a l'opoque napoleonienne. Le
voyageur quitte Londres le 14 avril 1810. La description est
breve jusqu'au paradis fantastique" que lui semble etre la capitale ottomane. Il a la permission de voir les mosquees lord
Byron et Hobhouse y participant , mais elles sont laxees de
mal Mlles et barbares". Des copies de Ste Sophie. L'editeur
supprime les observations bangles faites par son pere. Cockerell s'occupe a prendre des esquisses et it trouve un Grec

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Quelques voyageurs occidentaux en Orient

63

ayant les memes preoccupations. On trouve la liste de ses


amis europeens, parmi lesquels un architecte anglais, Foster.
L'ancien ambassadeur Adair est prefere, par les marchands,
a son successeur, Canning.
Des preparatifs de guerre contre les Russes enoombrent les
rues de bandes indisciplines. Une pareille barbarie et absence
totale de discipline n'ont pu etre vues, je pe.nse, des les croisades:
mais tout cela est pittoresque d'une fawn incroyable." N'importe qui est accepte comme soldat, et, pour l'equipement, it
obtient aussit6t 2-300 piastres (p. 19). De vrais bandits d'aspect et de conduite. Tel en guise de bravade" traverse les rues

l'epee dans les muscles de son epaule. Its entreat de force


dans les maisons et demandent de l'argent. Its boivent sans
payer dans les cabarets des Grecs. Le peuple les admire: on
baise le rebord de la robe d'un colonel. On aime le sang, et des
muffles surgissent a chaque coin de rue; a la porte du Serail,

les marques sanguinolentes persistent. Jusqu'aujourd'hui les


Tures n'ont pas perdu l'air de conquerants et regardent les
Grecs comme des esclaves par la conquete et ceux-ci s'en ressentent autant comme s'ils avaienl perdu a ce moment meme
leur patrie" (p. 20). On respecte beaucoup les Anglais, surtout
A cause du role joue a Acre par sir Sidney Smith, qui s'habille
en Turc et repand des cadeaux. Un Turc dit: Il n'y a que deux
generaux au monde: Sir Sidney Smith et le capitaine borgue",
c'est-A-dire Nelson.

Spectacle de l'audience accord& par le Sultan au nouvel am-

bassadeur. Dans les rues etroites les Spectateurs paraissent


etre tombes des toils". La Porte ayant bride, la reception a
lieu au palais du Cahnacam (p. 22).
Description, toute nouvelle, d'une maison turque ordinaire, avec

les fontaines et les kiosques (pp. 27-28). L'interieur est ornemente it la fa9on Louis XV, par des vauriens renegats". A tout
prix et malgre le risque, le jeune artiste visite les kiosques im-

periaux; it admire celui, richement meuble, de la soeur du


Sultan: soie de Lyon, plaques d'or, frosted and embossed work,

bains de marbre. La salle de reception lui parait l'ideal de ce


qui doit etre trouve dans le style oriental". Mine Sebastiani y a
ete revue au milieu des plus belles femmes du Serail. A cote le
palais du Pacha, son mari, et l'auleur trouve l'occasion de dire
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N. lorga

64

comment l'imperiale dame s'y prend pour faire venir son epoux.

Il a le droit de 'dire que, s'il n'a pas vu beaucoup de Tunes,


it en a vu plus que n'importe qui de ses compagnons de voyage". II joue au billard avec un imam, it bait avec un architecte
turc, pl.& aux rives, it fume avec un Beki-Beki effendi", qu'il

ose inlituler un vrai gentilhonune turc" et qui rend les plus


grands honneurs a son beau-pere en visite. Invite a l'ambassade,
it admire les beaux portraits du couple royal anglais.
Il n'y a pas de commerce, pas de vie sociale dans la sociale
franque, oil le voyageur mentionne les jolies lilies des Charnowski el les Hiibsch, hien connus pour lour role dans la vie diplomatique. Le baron, car it en parte le titre, est one e.,pi.,soe de ministre d'un nombre de pAites Puissances qui n'ont aucune relation terrestre avec les Tures, comae: le Danemarc, la Prusse, la
Norvege, etc., et, comine it hisse toutes les bannieres au-dessus
de sa maison, les Tures croient qu'il est une personae tres puis

sante. Il affecte d'etre dans les secrets de tous les cabinets de


l'Europe et prend un air de prodigieux mystere en politique.
Il est le banquier et l'impresario de toutes les choses et loutes
les personnel qui se laissent imposer par lui". En fin de compte,
it le croft.
ce qui West pas exact
un vrai aventurier".
Un voyage en Grace commence des le mois de seplembre,
par le lombeau de Patrocle a Troic, autour duquel l'auleur conrut trois fois, Conn Achille. En chemin it note la situation d'Ali-Pacha de Janina et la deposition de son fils Voli-Pacha

de Moree, qui, campant pres do Salonique, serait en etat


d'essaycr un coup do main mitre la ville. Les voyageurs passent par les eaux de Skyros, d'Andros, de Tinos, de Delos, oit
Cockerell fail des copies d'anciens monuments et cssaie meme
des fouilles, do Mycone.

A Athens, it se trouve avec le peintre bavarois Haller von


Hallstein, avec un autre peintre, Linckh, avec le baron de Stackelberg, archeologue eslhonien, avec un autre archeologue, danois, Pierre Bronstedt, et son ami Kocs, avec lord Byron et autres deux jeunes gens d'aventure" venant de Cambridge, Graham
el Haygarth, avec Fauvel, le consul do France, le peintre napolitain Lusieri, an service de lord Elgin (pp. 44-45). On habite,
puisqu'il n'y a qu'un khan, chez la veuve d'un consul d'Angleterre: Madame Makri, aux trois jolies consulines", dont l'ainee
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Ouelques voyageurs occIdentaux en Orient

65

est la Jenne fille d'Athenes" celebree par Byron. Societe grecque

mediocre, employee aux bavardages; bruyant retour de heros


tures qui n'ont pousse que jusqu'a Sofia. Nouvel an turc. Byron
part, avec les marbres d'Elgin", pour Malte. Suit une visite
Egine, avec des etudes serieuses du temple hellenique; on y decouvre seize statues, outre les fragments epars. Les observations
sur les paysans, tout prets a apporter des fleurs, a danser, main
pas a travailler aussi, s'ajoute a la description, triomphante, de
cette stupefiante decouverte. De plus la municipalite presente

une invitation &rite a interrompre les fouilles pour ne pas attirer sur l'ile la colere du ciel. Un fonctionnaire turc s'en mele
qui avait ete a Oxford (p. 56). Les marbres seront confies
Gropius, un type connu.
Le recit s'arrete sur des querelles entre l'archonte d'Athenes
et le Pacha de Negropont pour des demandes d'argent. Le Pacha arrete et retient des marchands de fromage albanais. Le
voevode de la vine croit que Marseille represente des jardins
de Londres. Ve li a passe par Athens dans un palanquin
d'or". On lit chez les primates la proclamation de Napoleon sur
la naissance de son fils. Excursion a Pleusis.
Apres quelques jours passes a Zante, oft on trouve les soldats

grecs du major Church, ses Hellenes, parmi lesquels Kola


kotronis, qu'il conduit en costume albanais et le heaume d'Achille sur la tete, on se decide a faire le tour de la Moree. It
commence par la visite d'Olympie, oft on fait quelques etudes.
De la a Andritzena et au temple de Bassae. De nouveau des
objections sur le caractere, fatal pour la localite, des excavations;

des firmans, inexistants, sont opposes aux primats inquiets.


Stackelberg publiera un travail sur ce temple.
De retour A Andritzena, oil l'accueil des Grecs est touchant
tous, jusqu'au berger, desirent la delivrance , on visite Karitzena voisine, ayant trouve en chemin le cortege rural qui
va prendre une fiance, la banniere rouge et blanche en tete.
Le voevode de Karitzena recite des formules magiques pour
guerir du mal de tete. Des recherche a Megalopolis. On passe
par l'endroit meme oft recemment les MainoteS de Benakis avaient combattu les Tures. Le Magne est decrit avec ses beaux
villages, ses eglises a clochers, oil on fait sooner le carillon pour
ces Francs", sa population toujours en armes (p. 89 et suiv.),
5

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66

N. lorga

qui attend les gouverneurs francs" pour commencer une revolution. Tel chef a mille hommes sous ses ordres incontrolables.
Vers Sparte on se dirige par des chemins que frequentent les
patres souls. Par Tripolitza et Nauplie, retour a Athens.
De la Cockerell ira, vetu a la turque, on Crete, avec North, le
futur lord Guilford. Les Sphakiotes avaient perdu leur liberte
quarante-trois ans auparavant. Visite du labyrinthe. Quelques
pages sur file de Chio. Puis le sejour a S.myrne, a Pepoque du
carnaval, tres mouvemente. A la recherche des decouverles archeologi pies, la compagnie, bientot de beaucoup diminuee, se
dirigera sur Pergame.
Des remarques interessantes abondent aussi dans cette partie
du voyage. On -wit la population grecque, industrieuse, prosperer sous le regime de Karaman-oglou, un administrateur extraordinairement bon", excellent policier contre les brigands (il
dil preferer aux Turcs les Grecs, qui payent sans murmurer);
des Grecs de Moree viennent se fixer dans sa province. Personnellement Cockerell, qui n'aime pas la nation, les trouve insolents et vaniteux d'une facon insupportable". Au contraire, les
Turcs soot une race douce et hospitaliere, mais bete. Il payent
meme plus que les Grecs... De fait parfois iN osent exprimer
ouverleinent leur desir que les Francais ou les Anglais prennent possession de leur empire, car ils vivraient mieux entre
les mains de n'importe qui que dans celles de leurs propres
compatriotes. Et rien ne serait plus facile que d'en prendre
possessi m. Dans Lout mon voyage je n'ai vu qu'une seule
forteresse, et celle-la petite, totalement incapable de resister a
une force roguliere." Il n'y a pas meme, comme en Moree, la
defense par la montague (p. 142). Et quelle glorious country" du cote de Sardes! Kockerell y dessine le temple ionien.
Philadelphie, Ak-Chehr, est la ville la plus abandonnee que
j'eusse vue" (et vingt-quatre eglises...).
Le voyageur verra Magnesie et Ephese (Aiassolouk), of it
n'y a pas plus de quinze maisons habitees". Dans ces regions
un Russe, Monsieur Marschall", qui s'interesse a l'archeologie.
Plus loin le Pacha nlis-Oglou", encore un grand patron des
Grecs" p. 162). A Rhodes, le gouverneur, Hassan-bey, construit
des vaisseaux pour le Sultan et en conserve un pour ses propres exploits de pirate (p. 163). Arra. a Castelrosso, puis a
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Quelques voyageurs occidentaux en Orient

67

Myra. Adalia ou Satalie, Alaia, Selinonte, Anemour, Porto Cavaliero fureut visitees tour a tour, puis Selefkeh, Gorigo (inscription armenienne, mines d'eglises, tombeaux), Mersina, Tarse
et Lajazzo. Le compagnon de voyage est maintenant Beaufort,
le geographe. Retour vers Malte.

De Zante un nouveau voyage a Athenes est entrepris par


Cockerell et quelques jeunes Anglais. Blentot, apres une grave
maladie au tours de laquelle une dame Masson le soigne, l'au-

teur partira pour la region interieure de la Grece continentale, Thebes, Delphes, etc. Bronstedt est depouille par les voleurs

et Stackelberg reste entre les mains des pirates. L'ecrivain.


Hughes accompagnera Cockerell, qui recoil, par un autre An.
glais, Yonge, la nouvelle de la defaite de Napoleon a Leipzig.
En Beotie, notre voyageur trouve des troupeaux et des familles de nomades les conduisant. Ils s'appellent Vlaq-ues et parlent le grec" (pp. 226-227). Salone est vue aussi pour que, de la,

un bateau transporte les voyageurs a Patras, a Prevesa et


Nicopolis, a Arta.

Its devaient voir Ali-Pacha, un tres agreable vieillard",

it

Janina (p. 234 et suiv.). Dans la ville on fait des affaires comme
a Constantinople, plus de 2.000 boutiques (jadis en 1787, cinq

ou six). Ali a 3.000 soldats, 100 Tatars, un pare d'artillerie".


A Janina Psalida, le maitre d'ecole, est un homme erudit, parlant latin et meme un peu italien. Apres Ali, la compagnie
cherche son fils, Moukhtar. Recherches archeologiques dans les
environs, du cote de Sou li. Revenu, Cockerell voit les deux Pouqueville, ,,vulgaires, vantards, vrais fils de la Revolution" (p.

243). A Metzovo, it trouve des Vlaques: le peuple park une


facon de grec melange" (ibid.). Passant le Pinde, it recommit
dans Malakach une vine vlaque" (p. 246). Arret aux Meteora, d'oa on se dirige sur Trikala, Pharsale, Zeitoun.
La peste rat-Ilene le groupe, par Zante, a Athens, oil Spencer
Stanhope, prisonnier des Francais, fait des fouilles pour leur
oompte. Avec lui Cockerell se rend a Marathon (description de
Negrepont). A Athens les fetes du ramazan. La commemoration archeologique de la bataille de Salamine ne reussit pas.
C'est seulement en juin que finit ce voyage qui ne resse.mble
pas trop au type commun.

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N. lorga

68

Un clergyman du St. John College a Cambridge, archeologue


de profession, qui avail (Merit Rome, Richard Burges, donne

en 1835, un an aupres son retour, un voyage de la Grece et


du Levant, par lettres (Greece and the Levant or Diary of a
Summer's excursion in 1834, with

epistolary supplements-,

Londres).

Il vient d'Otrante. En mai it &lit de Corfou, oil it voit les


reliques, exposees au public grec, de St. Spiridion. Il y trouve
l'Anthologie Ionienne", publiee par Ie gouverneur anglais. Passage dans les Balcans, oft la premiere place d'arret est le monastere de Zitza, sur la route de Janina (des notes d'histoire
prises dans Jean Cantacuzene): visite chez le Pacha Mahmoud,
successeur d'Ali, dont la vie est racontee dans toute une lettre.
De Janina, l'Anglais se dirige vers la Nicopolis d'Ipire; en
route les souvenirs de la lutte, recente, pour la liberte chretienne
(Photo Zavela). A Nicopolis, les ruins antiques. Mais de Preve:sa on revient dans l'ile de Zante: tout l'interet est a l'archeologie.

Avant la fin du moil le voyageur est sur le continent, a


Patras (vue de Clarentza). Par Vostitza it cherche Corinthe
et ses mines : description du monastere de Megaspileon.. 1glise

de St. Elie a Delphes (p. 147).


L'Hellade est melee aux incidents de la revolution grecque. Les

troupes bavaroises du roi Othon paraissent: on. acclame, tout


en fuyant, le nom du nouveau monarque. Le tresor d'Atree, la
Porte des Lions arretent a Mycene.
A Nauplie, alors capilale du royaume de Gre.ce, avec 16.000 ha-

bitants, on commence des travaux de modernisation. Jugement politique de Kolokotronis, dont la biographic est donnee.
De Nauplie on va a Argos: la Moree interesse pour son pass
hellenique. La medievale Mistra du tout. Mais, au retour, la politique grecque, avec l'action de Maurocordatol de Kolotis est
aussi touchee.

La lettre du 27 juin est datee d'Athenes. L'archeologue seul


s'y manifeste d'abord; puis la revolution a sa part. Dans une
lettre suivante seulement, apparait l'ecole des missionnaires
americains de Hill, le salon du prince Karatzas, que l'auteur
avail vu en 1829, pendant l'hiver: it porte le costume grec anden; sa maison est com,me le nuclee d'une societe anglaise
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Quelques voyageurs oceidentaux en Orient

69

civilisee qui sera bientot formee a Athenes"; un Cantacuzene s'y


trouve aussi (pp. 299-30).
De la an cap Sounion.
D'Athenes le voyageur se rend a Syra, of it trouve l'oeuvre

des missionnaires de sa nation. II passe dans l'Archipel, visitant les Iles une a une. A Pathmos le monastere est abondmnment decrit. L'Anglais trouve que toutes les eglises grecques sont

sans gout ou elegance"; les figures du Christ et des saints lui


paraissent A demi chinoises".
De la Burges se dirige vers 1'Asie, cherchant les ruins d'Ephese (description du chateau d'Alassolouk). Smyrne aussi interesse par son passe classique l'archeologue (mention des missionnaires). Pour la premiere fois des notes sont donneeS sur
la monnaie et les prix. L'emplacement de Sardes attire ensuite. Brousse a tout un chapitre; les antiquites turves preoccupent le visiteur.
Par les Iles des Princes it revient a Constantinople, dont il
recherche tous les monuments. Une maigre description de reglise patriarcale. Les villages des environs ne sont pas oublies.
Le Sultan est vu, le vendredi, en chemin vers la mosquee.
'11 est cette fois souriant, en conversation avec le seraskier
.et son Els. Simple et cependant solennel. Son fils aime, -Age
de neuf ans, a beaucoup de grace europeenne"; a cheval, 11
salue le public qui l'acclame. Visite au Patriarche: ii a aide

Leeves a traduire la Bible en grec moderne, et

it aime

ii

en parler. L'etat intellectuel de ses ouailles l'inquiete. Il souril en


montrant l'offre des chevaliers de l'Ordre -du Soleil" de repandre l'instruction parmi les Grecs.
Le voyageur revient par la voie de Belgrade. Quelques 'notets
sur Andrinople, Tatar-Bazardchik et Sofia.

Un des premiers 'lyres americains sur l'Orient est celui .d'un


auteur inconnu, Incidents of travel in Greece, Turkey, Russia and Poland, New-York, 1838.
Get homme du Connecticut part en janvier 1835 de Zante et
&barque a Missolonghi: un frere de Botzaris lui apparait transforme en officier a la mode bavaroise; le voyageur connait aussi

la veuve de Marc et ses filles. Il Ira a Lepante, a Patras et a


Vostitza. Tel eparque se plaint violemment contre l'intrusion
des Bavarois et des capitaines: A Athens des soldats de cette nawww.dacoromanica.ro

70

N. lorga

tion font la garde, avec des canons; on se moque des patriotes";

on se bat, on se tue entre Grecs et Allemands. A la fin du

III, on est a Athenes, apres avoir vu Corinthe,


dont l'aspect general est esquisse avec talent. Discussion sur
les hotels atheniens; visite a l'ecole des missionnaires amen-cains, clirigee par Hill et sa fentne et par Robinson, delegues
de la Societe des missionnaires episcopaux", d'abord dans rile
de Tino. Descriptions archeologiques; regrets que la capital
attire toute la tribu des improvers"; tel Allemand travaille cornchapitre

me a Chicago ou a Dunkirk". On prefererait une espece de Porn-

pei, solitaire dans sa sauvagerie, un desert sacre" (p.

84).

genie des Americains sont accourus. Des Pultney Malcolm, des


Richmond, des lady Franklin prennent les places les plus ye-

nerables. Un horaire d'omnibus indigne. En chemin on rencontre le roi Othon, un jeune homme aimable"; l'opinion de
l'Americain est qu'il a gaspille l'argent de l'emprunt sans avoir
rien donne a la Grece. Des eloges pour la reine Arne lie.
Une visite chez le ministre d'Angleterre, Dawkins, un haultory, retenu sous une administration whig, parce qu'il est indispensable". II repond a l'observation que les tats Unis n'ont
pas mente un consul que Hill le remplace avantageusement, tant plus qu''un ministre plenipotentlaire". Une excursion au
Piree fait voir au voyageur les deux belles lilies du regent bavarois, comte d'Armansperg, qui epouserent deux Cantacuzenes
et 'survecurent tres peu a leur mariage.
A Nauplie, les souvenirs du president Capodistria; sur les

conditions de sa mort des informations sont donnees par le


secretaire du ministre de France. L'auteur regrette que la capitale ne soit pas rest& dans cette ville, la plus europeenne"
de la Grece. Dans les cafs, des militaires bavarois et des aventuriers de toute espece; les Americains ne paraissent _pas les
rneilleurs, sauf un Jarvis, malgre les guenilles dont se couvre ce
general, et un Allen, pendu a Constantinople; un Washington
etait un homme brave, mais sans principes": it est wort en maudissant sa patrie; tel jeune Americain, informe de la misere clans
le camp des Grecs, se declare dispose a prendre service chez
les Tures.
A Argos, 'preoccupations d'archeologie. De la le voyageur
passe a Megare. Par Athens, visite a Marathon; le paysan grec
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Quelques voyageurs occidentaux en Orient

71

qui laboure sous la colline salue dans l'Americain un ami


de la Grece"; le moine du skite lui offre rhospitalite. L'Americain est emu par l'humble sincerite de l'office grec. Il s'endort
en lisant Herodote.
Sous le Pentelique, it trouve un autre monastere, plus grand.
Mais ce qui l'y retient ce sont les souvenirs classiques.
Suit le recit du voyage a Smyrne par des lettres dj publiees
dans l'American Monthly Magazine". En chemin le voyageur a
vu Chios, on it visite rarcheveque latin et y trouve aussi un missionnaire americain, originaire de Virginie, avec sa femme, qui
est. du Connecticut. Le consul de Hollande, un Italien, avait ete
en Amerique une espece de drogman pour le comte de Grasse:
it a ete temoin des massacres dans rile.
En Asie le voyageur passera de Smyrne a Ephese, ou Off ley,
marl crime Armenienne, est consul d'Amerique, et oa, parmi les

marchands, it y a un natif de Boston et un autre de Baltimore,


des touristes du Mississipi reviennent des Lieux
Saints. De retour en Europe par terre, l'Americain decrit les
Detroits.

Constantinople l'occupe pendant longtemps, Il y est conduit aussi par le missionnaire americain Dwight, qui le mene
chez le commodore Porter et sa' soeur, encore des compatriotes. Je ne peux pas decrire la satisfaction de ces rencontres
d'Americains si loin de leur patrie. Je l'ai souvent ressenti plus
fortement dans les maisons des missionnaires d'Orient." Le
rocking-chair de Boston le rend heureux. Si Eckford, le conseiner naval du Sultan, est mort, Rhodes, de Long Island, son
continuateur, poursuit la meme thehe; it porte le tarbouch", tout
en restant tres visiblement Americain, Le lendemain le Sultan

lui-meme parait aux docks, sans la moindre pretention; sa


barbe seule le montre comme &ant un Turc: rhomme le plus
simple, le plus doux, le plus aimable"; rien des traces de la
cruaute que lui ont imposee les circonstances. Il applaudit cornme rimmense public accouru pour voir le vaisseau lance de
Rhodes. Le vaisseau americain" en devient fameux.
Visite des mosquees, des cimetieres, du marche d'esclaves.
Puis depart pour Odessa,
l'inspecteur du port est le general
Sontag, de Philadelphie. La peste ayant empeche la realisation d'un projet de voyage en gypte, le voyageur retournera
par la Russie et la Pologne.
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N. Iorga

72

Un autre Americain, J. Ross Browne auteur du volume Y usef

or the Journey of the Frangi, a crusade in the East, New:York 1865, part de Naples en septembre 1851. Le mois suivant
it est a Athens, oh it s'occupe de l'hotel et, en bon humoriste,

it refuse de decrire l'Acropole. Les Grecs degenores" ne l'interessent pas plus que les rues irregulieres et etroites, couvertes de poussiere ou de boue, les chaumieres d'argile; l'etre
humain lui paralt robuste et beau, sauf les females. Le roi
et la reine viennent voir un spctacle d'equilibristes allemands,
le roi un petit homme, avec une petite tete et une petite face...,
pAle, laid, aux yeux noirs, aux cheveux noirs, a la moustache
noire et un visage fres maigre..., extremement incomplet (unwholesome) comme esprit et physique", malgre son splendide
costume grec; au contraire, la rein; en ecuyere, paralt pleine
de vivacite et d'un aspect gai". A Washington City, que j'ai

l'honneur de representer, elle pourrait passer pour la fille


d'un fermier du voisinage, plus habitude a sauter des fosses
et a poursuivre les vaches que pour l'atmosphere d'une royaute." Et elle a souri au citoyen d'une republique: She
stopped smiling, and I stopped smiling." Au contraire, Othon re-

garde severement ce general in the Bobtail Militia".


Visite au couvent de Daphne, presente dans un charmant
dessin (p. 97): l'Americain s'en moque, comme de tous ses
pretres. Mais des paroles d'admiration qualifient l'oeuvre du
missionnaire Hill. Dans le meme ton de plaisanterie est decrile-l'ile de Syra. De la le voyageur passe a Smyrne pour revenir a Constantinople, qui sera largement decrite, mais dans
le meme ton, avec ses incendies, ses bazars, ses cimetieres, ses

beautes" feminines, ses derviches des deux fawns et ses


chiens. La visite du Sultan a la mosquee ne manque .pas: figure pale et soucieuse, corps emacie, apparence blasee". Si
jamais un pauvre here porte les marques d'une decadence et
d'une imbeeillite prematuree, provenant d'exces, c'est AbdoulMedschid" a vingt -huit ans.

Avec un natif de la Caroline-du-Nord, notre homme part


pour 1'Asie. En chemin, une belle vue de Larnaka, en Chycpre.

Le reste du voyage concern la Syrie, la Mesopotamie et la


Terre Sainte. Les illustrations sont, partout, remarquables.

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Quelques voyageurs occidentaux en Orient

73

C'est en rapport avec la guerre de Grim& que Warington


W. Smyth publia, a Redfield, en Amerique (1854), son ouvra-

ge, A year with the Turks or sketches of travel in the European and Asiatic dominions of the Sultan.
Il veut donner une impression exacte des regions qu'il a
traversees. Les Turns doivent etre defendus contre certainies
accusations courantes, comme celles comprises dans un livre
recent, celui de Michelson, The Ottoman empire and its resources.

Apres un sejour de douze mois au Nord du Danube", qui


it park des Roului a permis de reconnaltre les races
mains de Transylvanie comme d'une simple branche de la
nation qui occupe la Valachie et la Moldavie et possede les
representants plus vigoureux dans le Pinde et le Sud-Ouest de
la Turquie europeenne"(p. 12), l'auteur part en novembre 1852
sur une barque turque qui descend le Danube, avec Vanden ambassadeur de Turquie a Venise, un mission.naire danois, un tou-

riste americain et un groupe de boiars valaques ou plutot


d'hommes riches, avec un prince Ghica, de la famille regnante
A leur tete". Description des Portes de fer. Les Valaques lui semblent une nation retombee presque dans l'etat plutet barbare,
habitant dans des trous de la terre, plus propres pour des pores
que pour des humains, tune nation d'esclaves, trompes et opprimes par quelques nobles arrogants et leurs courtisans (minions),
qui emploient leur argent aux plaisirs, aux jeux, aux carrosses

de Vienne, apportees de cette vine meme pour pouvoir s'en


faire un titre de gloire, et a une imMoralite qui fait de Bucarest"
qu'il a a peine vue la ville la plus oorrompue de
l'Europe". Le voyageur ne peut pas etre plus aimable pour
une nation dont it ignore tout, a commencer pas ses souffrances millenaires sur la frontiere meme de la chretiente. Mais, tout

en l'accusant d'avoir cede


ce qui n'est nullement vrai
a tous les envahisseurs, it reconnait qu'elle a pu leur corn-

muniquer certains des arts utiles inconnus a leurs conquerants mains civilises". II lui semble cependant que ces paresseux ne peuvent etre menes qu'a force de coups, pour que, en-

suite, it admette que ces paysans ne jouissent pas du fruit de


leur travail et qu'il n'y a pas de classe moyenne entre eux et
leurs oppresseurs. Ce sont, neaumoins, des hommes hien hawww.dacoromanica.ro

74

N. lorga

Us, actifs, et souvent d'une intelligence naturelle". Its chantent bien, mais ils boivent. Leurs pretres ne valent rien. Les
peintures des

eglises de bois lui deplaisent, et les jolies croix

de cimetiere le font penser aux tabous de la Nouvelle Zelande. Les aspects de la nature et la richesse des champs lui
arrachent des lignes d'admiration. Et it finit pas reconnaltre
qu'il a appris tout cela par des excursions en Transylvanie
le loneg de la frontiere, par la conversation d'un ou deux des
pretres les plus intelligents" et par une promenade A travers
la chela Cladovei".
A pres ces chefs d'accusation contre les Roumains, a peine
apercus, recommence la description du voyage: Vidin, Nicopolis, ou on vend les marchandises de la Valachie (A cette occasions est cite pour la premiere fois le curieux livre, paru
Londres en 1630, qui presen.te les voyages, en, grande partie
imaginaires, de ce capitaine John. Smith, dont l'oeuvre en Amerique meme a ete remarquable), Svichtov, Roustchouk, oil descend le Turc. Giurgiu, en Valachie, n'est qu'une pauvre bourgade, comparee a sa voisine sur la rive turque. Une scene de violence entre un jeune Italien et le janissaire (l'Arnautel) de Ghica,

qui s'en mele, occupe deux pages pour montrer encore plus
l'insolenoe du boiar valaque. Il est question aussi d'un Juif de
Valachie, qui participe au discredit si largement repandu sur
le pays.

Le voyage continue par Turtucaia et Silistrie, par Rasova et


Cernavoda, d'oa pourrait partir une ligne a Kustendche (la future Constanta). Br lila, avec ses vaisseaux anglais, semble pre-1
senter au voyageur des mers de boue" infranchissables. A Ga-

latz, la partie basse seule est un des plus miserables trous


sur la terre"; on trouve un deluge" dans les rues de oe quartier.
Le Danube est descendu jusqu'a Sulina (nuit pass& a Tulcea; mention du voyage, au XVII-e siecle, du pere Avril et de mlui de Clarke, mle A des citations grecques).
Quelques mots sur Varna. Arrivee A Constantinople, apres
ooze jours de voyage.
Puis le recit passe A la vile lointaine d'Alep et poursuit par
la description de ce voyage de Mesopotamie. L'Americain re(monte vers Sivas et Tocat (les mines sont dirigees par des
sujets de l'empereur d'Autriche). La Mer Noire est atteinte A
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Quelques voyageurs occidentaux en Orient

75

Samsoun. Toute cette partie est absolument nouvelle et du plus


haul interet.
Constantinople est decrite de nouveau. Eloge de rhonnetete

des marchands tures. Excursion a Kandili, avec Layard luimeme, le grand archeologue, et avec un autre Anglais.

De la capitale torque Smith se dirige par mer vers Salonique.

Le caractere bizarre de la vine interesse cet esprit difficile


meme en fait de pittoresq-ue. La route vers Vrania et Ichtib
est decrite minutieusement. Ici encore 1'information est inedite
et vraiment utile. La revolte des Albanais est suivie avec soin,,
et le voyageur assiste meme aux negotiations avec les rebelles.
Le voila dans la van& de la Morava, a Leskovatz. A Nich un
medecin italien offre des monnaies a vendre. Eloge du protopope de Krouchevatz. Smith n'a pas l'oc,casion de voir a Belgrade le prince Miloch de Serbie; it en entered parler sefulement.
Des considerations finales, basees sur les chiffres d'Ami Bone,
finissent l'ouvrage. L'auteur ne veut ni la conquete russe ni
celle de 1'Autriche.

Avant de partir, it parlera de cette Bulgarie dont it venait


de presenter une partie (p. 119 et suiv.). En passant it donne
la caracteristique des autres nations: le Valaque est pour lui
l'avocat. Le Bulgare est d'une lachete incroyable, it veut
souliers de oelui qui lui donne un
etre tyrannise et baise
coup de pied" (p. 120). Il faudrait que l'Allemagne y envoie
ses colons (p. 125 et suiv.).
Sur un bateau autrichien le voyageur se rend a Constantinople. Pera sera decrite avec soin; les chiens lui donne& quelques pages de description comique. Il est question aussi, Ion.guement, des bains, des dames turves. Une excursion a la
fonderie de canons de Top-haneh, une visite a Stamboul, oil
l'auteur ne trouve rien de nouveau, puffs a Scutari, finissent l'opuscule.

Hans Wachenhusen fait son voyage, publie dans la Conversations- and Reisebibliothek" en 1853, Von Widdin nach
Stambul, Streifzuge durch Bulgarien and Rumelien, Leipzig,
a partir de juin 1853, au moment oil les troupes de Calafat
et de la Petite Valachie en general se dirigeaient deja. vers
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76

N. lorga

Choumla et Silistrie", place vers laquelle accourut l'auteur, sans


vouloir accompagner les troupes, gull devait retrouver A Nrichtov. Il part sa. cheval, seul. Un Anglais, proprietaire de la
grande boucherie de Calafat", voulait cependant l'accompagner.
Sue un calque, le voyageur passe devant Lom-Palanca, old it
s'arrete pour la nuit. Longue description. de Rahova (Orechovo). En route l'Allemand risque d'tre tile par les batteries russes sur la rive gauche du fleuve. Arrete par les Arnautes de Farm& turque, it est transports A Nicopolis, oh it est retenu Iongtemps, ce qui lui permet de presenter la ville. Il essaye valuement d'echapper sur un char A boeufs. Il faut revenir a Raho-

va. Il se dirige par terre sur Trnovo; it y cherche des ruiner


genoises". De IA it part pour Dchoumaia pour atteindre Choumla.
Il trouvera dans cette derniere localite, a l'armee, Omer-Pacha,
le Magdebourgeois, Mehemed-Ali, un autre Prussien, l'instructeur
von der Becke; Silistrie avait ete fortifiee par le lieutenant Grach,
et le general Wrangel avait inspects Farm& turque; deux Anglais, Nasmith et Butler, remplissaient des fonctions semblables;
A Roustchouk le medecin du Pacha est l'Allemand dr. Kalisch;
a Constantinople, comme professeurs a l'Ecole militaire: Gritnewaldt, Schmidt, von Malinowski et Bluhm; deux officiers du
Holstein attendent d'organiser la legion etrangere frangaise"
du general Youssouf; p. 70. Mais aussi d'autres Europdens: le Po-

lonais Klitsinsky, comMandant de Choumla (un autre Polonais, Kuczkowski, commandait l'artillerie), un docteur Redenbacher et le peintre Sutter; auberge hongroise. Visite chez le
generalissime Omer-Pacha, p. 74 et suiv. Sa femme, ancienue
gouvernante allemande chez un bolar de Bucurest; p. 78. Un
frere chretien ayant servi en Pologne. Waahenhusen va aussi
chez les allies. Il sera bientot A Varna.

Dans son livre sur le pelerinage A Jerusalem et en Egypte


(traduction anglaise, 3-e edition, par H. W. Dulcken, Londres
1857: Visit to the Holy Land, Egypt and Italy, illustrations en
couleurs), Mine Ida Pfeiffer, clbre touriste, parle des Portes
de Fer, qu'elle traverse sur le bateau autrichien Zriny, de la
laideur" de Giurgiu, pareille ik celle des vines de Galicie
rues
A cahots, maisons asymetriques, &hopes de bois, cafes misera-

bles, de Braila et de Galatz, oh le consul d'Autriche est lui


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Quelques voyageurs occidentaux en Orient

'17

aussi un voyageur, Huber: la ville est decrite avec le souci du


pi ttoresque.

Par Mer, Mme Pfeiffer se rend a Constantinople, oil le resit


du sejour commence par les exercises religieux des dervishes
pour atteindre les monuments qui attifent ordinairement l'at.tention de l'etranger. Un paragraphe est consacre aux fetes.
Il est largement pule de Brousse, puis de Smyrne, de Rhodes, de Chypre. L'auteur revient ensuite sur Limassol pour en

arriver au sujet principal, asiatique, du livre.


Le retour est par l'Italie meridionale.
En 1870 paraissait a Lon.dres le livre d'Albert de Burton,
Ten Month's tour in the East, being a guide to all that is most
worth seeing in Turkey of Europe, Greece, Asia Minor, Palestine, Egypt and the Nile.
L'auteur ne veut dormer qu'un guide concis et utile pour l'Asie
Mineure et l'Egypte. Un but pratique; it y aurait, dit l'auteur,
Bien peu de nouveau.

En partant d'Ostende, le voyageur est dirige vers Vienne,


puis, par le Danube, vers Orsova, avec son hotel Kiinig von,
Ungarn" et les cochons Wares dans la rue. Quelques lignes sur
Roustchouk, visitee elle aussi, jadis, par l'auteur. Giurgiu a des
hotels comme Belle-Vue, Hotel de Paris et Hotel de Vienne. Pavage abominable", boue. Renseignements sur le voyage en diligence a Bucarest, a travers la plus pauvre des campagnes.
La description de la capitale roumaine entre en quatre pages.

Le societe est jolie; l'influence frangaise domine tout. Un niveau de gout et de civilisation absolument inattendu dans une

ville d'Orient, aussi isolee du reste du monde, car peu de


voyageurs prennent sur eux l'incommodite de se separer de
la grande route de Constantinople. Je puis cependant assurer que quiconque donnera une semaine pour l'explorer
ne regrettera pas sa perte de temps." On pent &outer
de tres bons discours (a la Chambre) dans cette langue roumaine qui est tres agreable a l'oreille." Le theatre est tres
comfortable et les representations d'opera italien tout a fait
dignes d'eloges." Liste des hotels (Hugues, de France, Fieschi,
National, de Londre, Caracas).
Par des pages d'histoire sur Varna on arrive a des conside-

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N. lorga

7i3

rations generales sur la Turquie. La description de Constar.tinople est, au debut, tres coloree, mais assez breve. Le voyageur passe ensuite aux regions 'cle 1'Asie et a l'Egypte, qui formen!. sa principale preoccupatiOn. A la fin, des pages de simple

guide sur Athens.


Ur Suisse, Gustave Revilliod, publiait It Geneve, en 1870,
un reeit de voyage intitule De Geneve d Suez, lettres &Meg
d'Orient.

Embarque sur le Jupiter, il date sa premiere epitre des eaux


de Corfou, le 25 octobre 1869. B. venait de Venise, dont it partage les sentiments italiens, et de Trieste, oa it &ait alle voir le
chateau du malheur, It Miramare. En Dalmatie, it y a la guerre
civile. A Syra on prend le delegue militaire" suisse, major Brun.
A Constantinople, la mission va a la legation de son pays. L'interieur de la capitale est une desillusion. Kerne au point de

vue du pittoresque. Presque plus de turbans autre part que


sur les pierres des tombeaux." Revi lliod prophetie que dans
lupins de vingt ans les femmes ne porteront plus de voiles.

Il s'agit, aussitk, de la visite de Fran9ois-Joseph a Constantinople. Le voyageur voit la revue de Beuyouk-dere, d'une
splendeur inacooutumee" (p. 26). L'empereur-roi est accom-

pagne de sa garde A la figure martiale, voire dure et rebarbative". La mission suisse est revue par lui. Je crus pouvoir distinguer un ton d'affection sincere dans la voix de rempereur d'Autriche q-uand it parla de notre patrie, ce berceau
de ses anc'etres, lequel it n'a du reste encore jamais vu" (p.
29). De la a tin caf-chantant" turc it n'y a qu'un pas. Les
grands seigneurs tures prennent un plaisir extreme It ces
soirees musicales et poetiques auxquelles se joignent des tassel
d'un excellent caf." Revilliod est genereux avec les artistes,
auxquels, comme it y a parmi eux un poke, it fait present
d'un echantillon cle ses vers; i1 leur devint familier, biers qu'ils
eussent ignore jusqu'au nom de la Suisse. Le poete turc s'offre
a reciter des poemes de rinfortune Djem, ce frere si connu, du
celebre Bajazet". Banquet de la colonic suisse. Audience chez
le Sultan, a Dolma-baktche. Abdoul-Aziz parait, d'aspect modeste", dj grisonnant. C'est l'auteur qui lui fait le compliment; la reponse, lourdement acoentuee, est celle-ci: Je re
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Quelques voyageurs occidentaux enlOrlent

79

Mercie le Conseil federal de m'avoir envoye des gens aussi distingues" (p. 38).

Depart sur l'Anna Smith, lone dans ce but: hardi petit navire", mais passableinent incommode. Rhodes est entrevue de
loin. On arrive a Alexandrie apres quatre jours et une nuit de
voyage. Les deux canons du vaisseau minuscule saluent la terre
de vingt-deux bordees. On ne sera pas loge chez le khedive luimeme, mais c'est lui qui paiera les frais a l'hOtel. On ira de la

au Caire, puis au canal de Suez, but de la mission.


Le retour se fait par Naples. A la fin un important opuscule, La poesie turque, la Muse ottoman; ou chefs-d'oeuvre de
la poesie turque, traduits pour la premiere fois en vers Irancais par Edouard Servan de Sugny, Geneve, 1853". Les notes
historiques sur le Sultan Dchem ont de la n.ouveaute. L'exile
fail l'eloge de la France et se montre tres satisfait d'avoir dixhuil echansons"; it demande des roses et ce qui, dans Phumanite, leur ressemble.

Le voyage en Orient (1871) d'Ernest Curtius, qui ainena les


fouilles de Pergame, est (Merit dans ses lettres publiees par Hein-

rich Gelzer, qui l'accompagnait, dans ses TVanderungen and


Gesprache mit Ernst Curtius (Ausgewalte kleine Schriften,
Leipzig 1907, p. 246 et suiv.). Il s'embarque a Bazias, dans le
Banat, et 1e nouveau a Severin, sur le grand bateau autrichien
Orient. De Varna, qu'il atteint par la vole ferree turque, it proud
le bateau pour Constantinople. Le charge d'affaires d'Allemagne,
corn to Limburg-Stirum, invite les voyageurs a Beuyuk-dere, sa
residence. Hirschfeld, l'archeologue, est lui aussi quelque part

dans les environs. On visite le Serail, la place de l'Hippodrome, le grand Aqueduc. Une gracieuse description des cimetieres, avec le laurier qui s'eleve de la poitrine d'un savant
moufti. La Kahrieh attire la compagnie par ses belles mosaiques.

Dans la ville un inegalable mlange de barbarie et de luxe


rafine". On assiste aux travaux du chemin de fer, qui s'attaquent aux anciens monuments: Nous vimes les vieux lions
de marbre qui ornaient les balcons des empereurs byzantins
poses sur le sable." A ]'hotel Ville de Pesth" est le quartier
general allemand". Les Iles des Princes et Sainte Sophie, le Musee archeologique sont presentes a la fin. Le voyage continue en
Asie.

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N. lorgit

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Un Americain, Charles Dudley Warner, auteur d'ouvrages


d'un caractere romanesque, commence le recit d'une peregrination faite en 1875, par un volume sur la vallee du Nil. Le
second (In the Levant, Boston-Cambridge 1907) part de Jaffa.
Jerusalem et la Terre Sainte sont (Merits d'une facon plutot
legere, avec des notes de humour anglo-saxon; puis la cote
fenicienne, la region des Druses, Baalbek, avec ses superbes
ruines, Damas, la plus vieille des cites" (visite chez Abd-el-Ka-

der). Le voyageur passe a Larnaka, en Chypre: it achete A


l'eglise de St. Lazare des icons representant St. Georges et
St. Demetre (p. 340); notes d'archeologie classique; excursion
l'eglise de St. Georges, dans les environs. Arret a Rhodes. De
Chio Dudley va voir Smyrne et tphese, ou l'attirent les antiguiles, puis Mity len.

Apres des pages sur les Dardanelles, un chapitre est consaere a Constantinople. L'Americain passe en revue les curiosites de la ville imperiale. Les quelques details sur le Serail.,
sur St. Sophie, etc., sont biers cojinus. Mais devant la mosquee
d'Ortakeui le visiteur voit le Sultan Abdoul-Aziz versant pour le
priere du vendredi (pp. 440-442). Il est grand, fort (stout), avec

une barbe grise pleine, en general d'un bel aspect". Une histoire d'aventures sentimentales s'intercale.
Suit un nouveau voyage, a Athens. Salonique est vue en che-

min. La capitale grecque paralt transform& h l'occidentale.


Si Louis I-er n'a pas reussi a rendre Munich pareille a Athens, ()thou a eu plus de chance en donnant h Athenes une ressemblance avec Munich" (p. 497). En ce moment it y a une
exposition d'industrie et d'arts. Elle parait, necessairement,
mediocre au voyageur. Athens est la ville la moins grecque
du royaume." A peine en Moree pourrait-on trouver le vrai
sang hellenique (p. 501). L'Universite a, pour quatre-vingt professeurs, deux cents etudiants (p. 510).

Le livre finit par des excursions a tleusis. Le voyageur


revient par le golfe de Corinthe.

Dans son livre On horseback through Asia Minor (Londres


1878, 7-e (sic) edition d'un livre vendu en 5.000 exemplaires), le

capitaine Fred Burnaby, auteur d'un voyage a Kbiva, s'occupe


plutot de politique anti-russe que des accidents de son sejour
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Quelques voyageurs occidentaux en Orient

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en Turquie, europeenne et asiatique. L'auteur est indigne d'abord, en 1876, des cruautes turves et aussi de rinsolvabilite
de 1'Empire ottoman. Il vent contrOler lui-meme, les accusations.

II part de Marseille, ayant sur le bord une jeune fine grecque, arnie de Mme Ignatiev" (p. 2). Arrive a Smyrne, it en nepart pour Constantinople. Description superficielle de ses incidents dans les hotels et les caf-chantants. Un chanteur populaire deplore le sort du Sultan Abdoul-Aziz. On discute s'il
a ete ou non assassine. L'auteur fait la connaissance d'Eugene
Schuyler, l'historien de Pierre-le-Grand, de Gallenga, correspondant du Times, de Sala, qui est celui du Daily Telegraph.
Des Armeniens ne &siren" pas etre conquis par les Busses, pour

ne pas avoir le sort des Polonais (p. 13). Le capitaine parle


cependant surtout des chevaux qu'il vent acheter pour son voyage en Asie. Bientot it sera a Scutari en chemin vers les regions qu'il vent connaltre personnellement. On discute en Anatolie la guerre serbe (p. 221).
Des mosquees on passe a la polilique: le Sultan, dont est racent& l'histoire, ses ministres et fonctionnaires. Des excursions
sont faites dans les environs, jusqu'a Scutari, puis de nouveaux
chapitres sur les hommes et les chores dans la capitale. Les derviches lourneurs el hurleurs pouvaient-ils manquer?

11 y a vingt-cinq ans, un Italien, Adolfo Tossani, presentail le recit d'un voyage en Roumanie sous une forme rom.anesque destinee aux enfants de son pays (Dalt' Arno al Mer
Nero, impressioni e ricordi, Turin, etc., [1907]). De Fiume it se
dirige vers Budapest d'abord
et, d'apres son systeme, it
Mae, a tout moment, des dissertations politiques et nationales a l'usage de ses jeunes lecteurs (les cartes ne manqueant
pas, a cote d'honnetes esquisses). Breve description de la Transylvanie. Tossain traverse en train les Carpathes, qui envoient
jusqu'a la fenetre du wagon les rameaux fins de leurs sapius.
Des bouquets de fleurs offerts par les paysans a la frontiere.
Villages tout blancs" de la Valachie. Arret a Bucarest seule.
Le voyageur pretend avoir lu une Histoire de la Roumanie,
&rite en francais, livre de plus de 700 pages, avec une grande
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N. Iorga

quantite de tres belles illustrations" ('1). Des pages entieres sur


le passe du pays. Quelques monuments sont decrits. Il y aura
ensuite des pages sur Jassy, sur Curtea-de-Arges, sur Sinala
(surtout le chteau royal), sur le mo.nastere de Neamt, sur
Constanta; quelque chose sur la campagne roumaine et sur le
petrole. Une ascension sur les Carpathes.

N. Iorga.

Les Tatars et le Saint Siege d'apres un livre recent


L'ouvrage de M. Giovanni Soranzoi est une des oeuvres les plus

remarquables qui eussent paru sur les rapports entre l'Europe et l'Asie paienne et musulmane pendant les dernieres
armees.

Partant de rid& de faire valoir le role du Saint Siege a regard


de la nouvelle puissance asiatique, les Tatars, et de mettre encore mieux en lumiere ['importance historique des missions accomplies en Tatarie liar les franciscains et les dominicains, M.
Soranzo en arrive, mene, traine par la richesse peu ordinaire des materiaux qu'il avait recueillis un pen partout a ecrire
de larges chapitres d'histoire universelle2 dont quelques-uns peuvent etre consideres comme definitifs.

Le chapilre d'introduction contient un jugement sur les croisades, oft it y aurail. a redire, in.algre les reserves que s'impose
l'auteur lui-meme: le phenomene est encore plus complexe et
le role des preoccupations ideales doit etre reduit encore plus.
On connaissait par les marchands et par les peleriu.s tout ce qui
etait en Orient bien avant l'arrivee des gyrovagues" de Pierre
l'Hermite et des seigneurs en quete d'aventures. En grande partie
la premiere croisade fut un calcul normand. Le zele mission.-

naire ne parut qu'apres la victoire de l'esprit franciscain.


L'etat de l'Asie Mineure au moment oil parut le personnalite
exceptionnelle de Dchinguiz-Khan est expos d'apres les ren1 Jl Papato, l'Europa cr!stiana e i Tartari, un secolo di penetrazione
occidentale in Asia (dans les Pubblicazioni della Universita cattolica del Sacro
Cuore, serie quints, scienze storiche, volume XI is), Milan 1930.

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Les Tatars et le Saint Siege d'apres un livre recent

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seignements de Jacques de Vitry, eveque d'Acre. Faut-il prendre

trop a la lettre les affirmations de Marc Polo sur les colonies


chretiennes en Indochine et en Chine (voy. p. 9 et suiv.)? M. So-

ranzo a tort de ne pas admettre l'identification du pretre Jean


avec le roi chretien de l'Abyssinie (pp. 14-15). David, le vainqueur des Sarrasins vers 1221 (p. 14, note 1), n'est que le fils
de la reine de Georgie (voy. p. 40). Caffa, Tana et Soldaia n'exis-

talent pas avant la fin du XIII-e sicle (voy. pp. 18, 26). La
description des Tatars, prise dans plusieurs sources contemporaines, manque un peu de nettete. L'emploi des etudes de
M. Cahun aurait pu preciser les contours. Je ne croirais pas
que leur religion, composee seulement de rites, fat aussi accueillante pour les cultes strangers. Il y aurait eu a chercher
dans l'historiographie russe sur la bataille de Kalka. Les idees
dominantes des Tatars ne leur appartiennent pas: ils sont de
vulgaires &eves de l'empire de la Chine.
L'auteur presente les interventions frequentes des chefs de
la chretiente orientale dissidente aupres des maitres supposes
du monde catholique, en premiere ligne le Pape (p. 32 et suiv.).
Il esl Bien possible que la terreur des nouveaux envahisseurs
sal amens les maitres musulmans de Jerusalem a faire des concessions aussi importantes a Frederic II (p. 32).

Lc Pape cssaya d'employer pour les missions au milieu


des Infideles d'Asie les anciens Ordres: cette initiative, qui date
de 1221 dja, ne reussit pas. A partir de 1233 on recourt aux
nouveaux. Pour les Dominicains le sujet avait ete traits en 1924
par Al Lauer, dans les Dominikaner-missionen des 13 Jahrhunderts. On s'adressait, sans distinction, a Damas, a Bagdad, comme
aussi en Georgie et a Constantinople (p. 38, note 1). Les Coumans dont it s'agit en. 1229, avec leur eveque dominicain Theodore (p. 39, note 1), sont ceux de la Valachie, ,qu'ils dominaient,
encore.

Pour l'impression produile par l'apparition des Tatars sur


les marches de l'Europe est presente le temoignage de Roger de Pouille, qui fut leur prisonnier en. Hongrie, celui de
Thomas de Spalalo, celui de Mathieu de Paris. Sur l'ordre
suivi par l'invasion les renseignements geographiques ne sont
pas toujours tres stirs (voy. par ex. pp. 50-51; it y aurait,meme

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N. lorga

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une Moldavie" du cote de la Boheme; lisez: MoravieN: une ancienne etude de Gherghel, en allemand, aurait pu servir encore.

Peinphir, la riviere infranchissable, ne pent pas etre le mediocre Dniester (voy. p. 46, note 1). Le but du terrible raid en
Occident ne doit pas etre compris dans` le sens des guerres de
l'Occident: les Tatars, en dehors du butin, ne cherchaient 'qu'a
obtenir la soumission des chefs chretiens et le tribut. Toutie
la conception actuelle de l'invasion doit etre reprise. Pour la
concfuete ils devaient, de par leur facon de vivre, s'arreter en
marge de la steppe, qui seule leur agreait comme sejour. Dans
cette attaque desordonnee, it faut tenir compte des interets
chretiens qu'elle servait. Nombre de fils de r8glise orientale et
occidentale furent aussi forces a suivre; des Roumains de Transylvanie, avec leurs knezes, sont mentionnes specialement dans
le Miserabile Carmen de Roger; des Tatars et des Valaques"

se presenterent ensemble, d'apres un recit franciscain, plus


lard, devant un monastere d'Italie.
L'auteur presente l'attitude, lamentable, des autorites supremes
de la chretiente a regard du danger tatar. Entre le Pape et l'empereur, le plus coupable est sans doute le premier, qui &all, en

outre, le protecteur en titre, le souverain" du royainne de


Hongrie. Bela avail raison de se plaindre, en roi apostolique",
centre une pareille attitude (voy. p. 67, note 1). Cependant une
croisade fut proclamee en Allemague, son chef devant etre le
roi Conrad, fils de Frederic: elle fut une oeuvre de defense nationale exclusive. Du reste la vague tatare s'etait retiree d'ellememe.

La description de Thomas de Salone sur retat du royaume


de Hongrie apres le depart des pillards est exageree: it n'avait,
du reste, presque rien vu, et celle d'un temoin oculaire, Roger,
elait destinee a servir d'incitation a cette croisade manquee. Les
Tatars ne pouvaient que suivre les grandes voles de commerce,
et la population etait assez avertie pour qu'elle ne flit pas rest&
a les attendre. Le role des Coumans, comme auxiliaires des Tatars, est aussi pour la plupart inacceptable2.
Olz" a la page 56, note I, est ostz", artnees.
Pour la Transylvanle l'Urkundenbuch" de Teutsch et Firnhaber est remplace par celul de Zimmermann et Werner.

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Le ccncile de Lyon fut convoque par le nouveau Pape Innocent


IV: it devait s'occuper aussi de la Terre Sainte occupee pas les

barbares tures du Khovaresm I. Quanta l'empire latin de Constantinople, dont on traitera aussi, it n'y avait aucun danger
qu'une nation comme les Tatars s'y etablissent (voy. p. 83).
Il en re,sulte de nouvelles exhortations, vaines, a la croisade et
quelques missions de moines ches les Sarrasins". Les rapports
avec les schismatiques" d'Orient n'ont rien que de commun. La
papaute avait un seul but: la lutte contre le chef de l'Empire
installs en Italie; elle ne, pouvait pas sortir de ce programme de
touts premiere necessite.
La mission de frere Laurent le Portugais et d'un frere Jean
chez les Tatars n'ont pas un but defini: le Pape reproche a leur
roi", dont it ne sait pas meme le nom et la qualite, l'oeuvre de
destruction commise et, sachant qu'ils ne sont pas musulmans,
les invite a entrer dans le giron de l'glise catholique. Il serait
difficile d'admettre que le Saint Siege efit etc capable de faire
la distinction, propos& par l'auteur, entre le chef des Tatars
rester en Europe et le Grand Khan d'Asie, chef de la dynastic
(cf. pp. 93-94).

Le voyage de Jean, accompagne d'un Tcheque et d'un Polonais, est raconte d'abord (aussi d'apres l'article de M. H. Matrod,
dans les Etudes franciscaines de 1913). La presentation de l'am-

bassadeur du Pape dut etre consider& a la Cour du nouveau


Grand Khan Goyouk comme un simple acte d'hommage, une
requete de soumission", comme it le dit lui-mktne, de la part
de son maitre, les invitations a changer de religion restant comme un simple verbiage sans consequence aucune. Et, comme
l'envoye ne portait pas de presents, selon la coutume de 1'O-

rient, ceci suffisait pour fixer les Tatars sur l'importance du


cominettant. Si on proposa a Jean de lui adjoindre des ambassadeurs tatars, it s'agit de ces simples mechmendars" que la
politesse turco-mongole attachait a tous les voyageurs strangers.
E est bien certain que la reponse du Khan aux exhortations de
se faire baptiser, reponse rapport& par Vincent de Beauvais, est
authentique : s'il est chretien ou non, it n'y a que Dieu qui
1 P. 80, lire Gayas-ed-din. Erzendchan est une ville, pas une region. Cusateg
est une mauvalse lecture. P. 90, Knud de Norvege est roi, et pas duc.

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N. lorga

le sache; si le Pape veut l'apprendre, it n'a qu'a venir vole'


(p. 103, note 2). D. doit le faire A la tete des rois", ses sujets.
Le texte meme de la lettre affirme que personne ne pent parler au nom de Dieu a celui auquel Dieu lui-meme a donne enHere possession du monde. Quand it disait: le Pape, ce Souverain,

qui concevait une seule monarchic du monde, la sienne, regardait le pontife comme maitre unique de la chretiente (ibid.).
D. est bien naturel que Raton, gouverneur de la Russie, efit
refuse d'ajouter quoi que ce soit a la lettre du Khan1. Pour la

lettre l'auteur a eu recours aussi a l'article public,

it y a

quelque temps, par M. Pelliot, dans la Revue de l'Orient chre'lien, 1922-1924. Il est interessant de vpir que le Khan, habitu
aux chores de Hongrie, appelle l'empereur Keral" d'apres le

magyar Kiraly". Quanta ses rapports avec ce roi et autres


chefs des Kiristan" (chretiens), qu'il considere comme une seconde nation, differente des Majar", it n'a fait que punir ceux
qui ne s'etaient pas soumis d'emblee a l'yassak" et avaient ose
tuer ses mandataires. S'il avait, comme le dit le moine, une chapelle chretienne a la Horde et des pretres de cette religion, c'etait
A cause de la presence conlinuelle des princes chretiens et de

leurs envoyes: l'exemple des Tures ottomans est concluant


sous ce rapport; les traditions tatares ont etc fidelement conserves par ceux-ci. Tributaires et souverains amis avaient taus les

droits de tenir a leur disposition des edifices du culte. Ceci


ne signifie pas cependant que le paien ou le musulman fussent
disposes a changer de foi. Tout simplement, ils n'entendaient pas
attirer les autres vers leur religion. Il n'y a pas de cas oft les
Tatars eussent cherche a faire des proselytes et les Tures consideraient la renegation comme un grand avantage et un grand
honneur pour les convertis. La conception chretienne est tout
autre; it ne faut pas confondre les deux.
Quant au profit de la mission, s'il s'agit de la connaissance du
' L'idee de vouloir s'annexer la Russie est inadmissible: le successeur de
laroslav, intimide d'abord, dut finir, lul aussi, par ,,ramper a la Hordes. Le
Pape lui-meme y etait invite dans ce but. Venez ensemble en personne, dit
la lettre, pour nous rendre hommage et [vous recevrez] a ce moment
l'yasaki. Les maigres dons confles a frere Jean montrent dans quelie estime
on tenait le Pape a la Horde.

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monde tatar, it y avait en Pologne, en Hongrie et surtout en


Russie taut de personnes qui, depuis des annees, etaient parfaitement renseignees sur ce sujet.
D'autres missions auraient Re dues Out& A des initiatives
personnelles, et A la Cour pontificale on les considere commie
n'yant pas atteint leur but. Il paralt cependant que le dominiCain frangais Simon. de Saint Quentin, dont Vincent de Beauvais
a vu le rapport, efit eu meilleure fortune (voy. p. 116 et suiv.);
it me serait difficile d'admettre une supercherie de la part des
freres precheurs, envieux du succes des Franciscains, ainsi que
l'admettrail l'auteur. Il est cependant certain que les Dominicains eurent des rapports avec les chefs des Syriens et des
Nestoriens, qui voyageaient jusqu'en Chine, et qu'ils arnenerent
avec leur missionnaires jusqu'a Lyon, en 1248, les premiers Tatars qu'on y eussent vus (pp. 120-122). Mais ce n'etaient probablement que leurs propres guides et la lettre qu'ils presenter

rent n'etait pas la repetition de celle apportee par frere Jean


le Franciscain, mais une copie de celle-la memel. Mais Inoocent

IV ne manqua pas de les accepter comMe de vrais ambassadeurs, auxquels it confie sa reponse. Rien ne fut epargne pour
mettre en lumiere l'importance de cette mission, employee habilement pour rehausser le prestige du Saint Siege.
Quand Louis IX, chef d'une croisade personnelle, inspiree

par l'esprit franciscain, arriva en Chypre, un musulman et


deux Juifs se presenterent a lui avec une lettre de la part du
commandant tatar sur les bords de la Mediterrannee, qui, da-

taut A la facon arabe, du minis de Mouharram, le priait de


ne pas incommoder les Grecs, Armeniens et Nestoriens (voy.
p. 128 et suiv.). Il est plus que probable qu'ils n'etaient que de
simples espions ayant des rapports avec les heterodoxes que
l'arrivee du bon roi catholique avait inquietes. Deja. Remusat
l'avait observe et M. Soranzo est de la meme opinion (p. 129,
note 3). On ne peut pas prendre assez de precautions envers
les menees de ce monde oriental, d'une fourberie plusieurs fois
millenaire.
1 Page 122, note 1: ,Lontumel" dans Mathieu de Paris n'est que Loniumela,
donc, en effel: Longjumeau.

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N. lorga

En echa.nge la lettre revue de la part des Tatars par Louis,

auquel on parlait de la terre donnee par Dieu A eette engeance a beaucoup de chances d'tre authentique: la conception

tatarc y est en effet, rapport& par Mathieu de Paris; voy.


id, p. 131). Il se pourrait cependant que ce fill seulement la
participation au roi de l'epitre au Pape 1.

Lorsque le roi de France deputa au Khan le dominicain


Andre de Longjumeau, it recut la reponse qu'on pouvait attendre: la paix est bonne pour les betes qui paissent comme
pour les hommes qui labourent, mais it n'y a qu'un empereur
de la paix: le Khan, et it faut lui payer le tribut, sans quoi, le
grand roi" frangais sera lui aussi &Fruit (p. 135). D'autres missions, sans caraetere officiel, improvisations d'aventuriers, ne
nous ont pas laisse de documents authentiques. En envoyant
Guillaume de Ruisbroek au meme Khan, suppose chretien, Louis

demanda pour lui seulement le droit de precher aux gentils


(1253) 2. Le moine franciscain put se convaincre que les renseignements sur la qualite chretienne des chefs tatars n'etaient
qu'une legende, naive ou interessee (pp. 147-9). Mais it y avait dj des Tatars mahometans (p. 148)3.
Guillaume aussi ne rapporta que les memes phrases grandiloquentes et les memes menaces tatars. Il n'y avait, decidement,

rien de plus A attendre de la part des nouveaux chretiens".


L'auteur le reconnait aussi (p. 156).
La mission armenienne, dirigee par le roi Haython luimeme, est largement presentee (p. 158 et suiv.). Mais ce que
dit sur le resultat merveilleux un membre de la dynastie, le
frere franciscain du meme nom, n'est qu'un tissu d'illusions4.
I L'origine chrdtienne de la mere du Khan n'a pas d'importance; les souverains tams dtaient parfois eux-memes nes de chretiennes. sans que vela efit pu
avoir une Influence sur leur religion.
2 La Valanie n'est pas l'Alanie, mais bien Ia Cumanie, les Cumans dtant
nommes Valves" (donc Valavia"). Cf. aussi les Valaques" a Ia page 147.
3 Betegrave (p. 151) est Belgrade elle-meme Cento" (p. 153) est Curco",
le Courq", Gorigos en Armenle.

iNaxuan" (p. 160, note 2; p. 164) est Nakchivan; Aini" (p. 264) la celebre ville d'art Ani. Rocenaldino" est une mauvaise forme pour Rokneddln
(p. 170). Malaha" est Malatieh (p. 172). Mais je ne saurals dire ce qul est
eutendu (p. 173) par Ruispic". Les Hospitallers Teutons" a la page 184, note
1, est un lapsus.

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Or, Franciscains et Dominicains finirent par s'entendre pour


continuer cette oeuvre sterile (1255).
En. 1258 Houlagou attaque Bagdad et fait mourir le calife. Suivil la conquete d'Alep, de Damas, d'Antioche et de la Syrie en.-

tiere, sauf le rivage mediterraneen. Mais le nouveau chef des


armees tatares d'Occident, Ketboga, s'attaquera a cette region

meme, entendant penetrer par Gaza en Igypte; it finit pas


etre vaincu et perir. Les Mamelouks egyptiens avaient ete
plus forts que la Horde redoutee des maitres du monde". Abaga, le successeur de Houlagou, ne put pas prendre la revanche sur le Soudan Bibars. Toute cette histoire est bier racontee, jusque dans les details. Les chretiens de Syrie, allies par
force des Tatars, avaient gagne un nouveau maitre.
Pour expliquer l'indifference relative avec laquelle l'Occident
accueillit ces nouvelles, l'auteur presente les proble.mes qui
retinrent pendant longtemps l'attention de la chretiente catholique. Cependant une ambassade tatare aurait visite Louis IX

en 1251 (p. 192); on peut exprimer des doutes sur sa realite.

A l'epoque du voyage de Mathieu et Nicolas Polo it est question encore d'une ambassade tatare, en 1269 (p. 200 et suiv.):
apres etre rester deux ans a Venise, ilg etaient revenus a Acre,
mais un nouveau Pape les attira de nouveau en Europe. Le
voyage de Marc Polo sera analyse ensuite.
L'auteur appelle l'intervalle entre 1270 et 1281 l'epoque des
efforts pour la collaboration tataro-chretienne". Il est question de la croisade francaise de Tunis et de celle du prince
Edouard d'Angleterre, de la politique de croisade inauguroe par
Gregoire X (11 y aurait eu des envoy& tatars au congres de Lyon,
en 1274; p. 219 et suiv.). L'auteur admet, comme il est dit dans

le titre meme du chapitre, que le Khan Abaga se oonsiderait


seulement comme un chef d'Etat pret a conclure des conventions avec des pays, voisins ou lointains, dont it croyait avoir
besoin dans sa rivalite avec les gees d'Egypte. Pendant oe
temps, Bibars reussissait a ruiner l'Armenie, alliee des Tatars,
et l'Asie torque, leur vassale aussi. Deux Greorgieus, envoyes
d'Abaga, paraissent en Italie en 1276 (p. 230 et suiv.). Nicolas
III lui offrit des missionnaires (p. 235 et suiv.). Mais des le 1-er
juillet 1277 Bibars n'etait plus vivant. Les discordes d'Egypte
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N. Torga

faciliteront les entreprises syriennes des Tatars, mais Kelaoun,

le vrai successeur de Bibars, se dressa pour couper court a


l'effensive. A Homs cependant Abaga eut la victoire (1281).
L'epoque de Nicolas IV et de ses rapports avec le nouveau
Khan Argoum fournissent la matiere du chapitre VII. Abaga
snort, son successeur propose la paix et l'allianee a son coreligionnaire d'Pgypte (p. 249 et suiv.). Mais Argoun, proclame en
1204, oomme vassal du Grand Khan Koubilai, reprend rancienne.politique vers 1'Ouest. De nouveau des lettres tatares aux
chretiens d'Occident (p. 258 et suiv.). Des nestoriens, comme
Bar Sauma, dont on connait le voyage, remplirent cette mission.
On les vit a Paris et en Gasoogne. Mais le Pape Nicolas IV n'etall pas dispose a poursuivre le grand reve vain. Des exhortations au bapteme lui semblaient suffire. Des envoy& de Philippe-le-Bel s'adjoignirent a leur retour aux emissaires. L'auLeur admet, eomme resultat, le bapteme de Karbendah, devenu un Nicolas, fils d'Argoun (p. 271).
Apres un envoye du roi d'Armenie Leon III, on vit en Occident une seoonde mission tatare en 12891 (p. 279 et suiv.). La
lettre adressee au roi de France
tradition commencee par
St Louis s'est conservee en original; Philippe-le-Bel est averti
que la croisade commune doit commencer en janvier 1291. Argoun avait donne sa soeur aiu fils du roi de Georgie, David (p.
282). A cause de la visite en Orient des princes anglais louard
el Fdmond les envoyes allerent aussi a Londres (pp. 282-283).
En 1290 une troisieme mission tatare, dont un des membres se
fit baptiser, portant au roi de France le rare present d'un ane
multicolore: quelques mois plus tard Acre otait prise par les
Pgyptiens de Malek-al-Achraf, successeur de Kelaoun.

Il n'y eut pas de croisade vengeresse, mais les rapportg


avec les Tatars furent repris d'une fawn plus serieuse de la
part des chretiens d'Occident.
Pour l'epoque de Celestin V et de Boniface VIII it y a tout
un chapitre. Si le nouveau Khan Kaikatou, puis Baidou, qui
le remplaca, n'eurent pas d'activite guerriere, le successeur
de Baidou, Gazan, fut encore un grand guerrier. Mais, bien que

boudhiste, it fut un ami des musulmans et le premier perseKurudjia (p. 279, note 3) est kirichdchr, chevalier.

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cuteur, parmi les Souverains tatars, des autres religions. La


molt du bon Koubilai (1294) lui laissa les coudees franches.
Mais, aussit& que les gyptiens s'en prirent a la Petite Armenie, it changea d'attitude et reprit la tradition des ambassades
en chretiente d'Europe. tine nouvelle victoire de Homs punit les
envahisseurs; Damas fat de nouveau saccagee par les Tatars.
Mais en 1301 it interrompit une seconde expedition, qui promettait d'tre remuneratrice. Le Khan reparut en 1303: it vainquit, mais la Syrie lui echappa. En mai 1304, Gazan mourait.
L'Occident entrait dans une serie de troubles qui devait distraire son attention du problerne oriental, oft jusque la it n'avait fait que soutenir les ambitions mongoles sans en retirer aucun profit reel. L'essai de presenter Boniface VIII comme un.
Pape de croisade (p. 326 et suiv.) ne nous parait pas reussi I.
Les ambassades tatares sont plutet des moyens dont se servait

le pauvre roi d'Armenie pour se gagner des secours. On


ne voit pas ce que le Khan. aurait pu obtenir comme armement (voy. p. 330) de la part de ses allies" de l'Occident

europeeh. Il n'aurait pas pu non plus etre au courant des divergences religieuses dans la chretiente. Mais la royaute d'Aragon, qui se trouvait, le lendemain, de l'occupation de la
Sicile, au milieu de toute une action dirigee vers l'Orient, cette

royaute qui entretenait des rapports ininterrompus avec Tunis, paraissait prendre tres au serieux l'idee de la croisade
et, par consequent, du pacte d'armes avec les Tatars (voy.
pp. 333-34), mais ceci ne l'empechera pas de pratiquer une
politique d'amitie avec les Sarrasins" d'8gypte (p. 334 et
mote 1). Tres curieux le projet de croisade feminine, forme a
cette poque par des dames de Genes, qui avaient elu comme
principal capitaine Benoit Zaccaria (pp. 334-336). Il y eut une
vague expedition genoise en Orient, mais sans les dames.
Dans les offres tatares, qui continuent, it y a sans donte la

part du mediateur, qui etait le patriarche nestorien de Syrie,


Mar Jaballaha HI (cf. p. 339). Il faisait une profession de foi
nettement catholiqUe (p. 341 et suiv.). L'Armenie, dont les
1 P. 327, note 1: Adena" est Adana sur la Mediterannee. P. 329, note 1,
le texte cite est en francais et pas en catalan. jacperte de Beaucaire est un
Joubert (p. 331, note 1).

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N. lorga

92

vicissitudes sont presentees uniquement d'apres la preface de


Dulaurier aux Historiens armeniens des croisades", cet Etat sans

cesse moleste par les Sarrasins, eut aussi sa part dans ces relations tataro-chretiennes.
L'auteur n'est pas trop chaleureux pour le premier des Papes

d'Avignon, qu'il soupconne d'avoir ete trop franerais". Mais


it lui reconnait des merites envers l'Orient. Il recut une ambassade de Karbendah, devenu le Musulman Oldchiatou, qui s'adressa aussi au roi de France, A celui d'Angeterre, peut-titre A
celui d'Aragon: elle presentait !'union realisee entre tous les diadoques" de Dchinguiz (p. 349 et suiv.).
Sur la prise de Rhodes it y aurait eu bien autre chose A dire
(voy. notre recent ouvrage sur les Hospitaliers A Rhodes). La
conquete ne fut pas autant une oeuvre de croisade que le resultat nature! de la necessite ou se trouvaient les chevaliers, chasses

de Terre Sainte, de se trouver une patrie" en Orient (voy.,


du reste, p. 365).
Clement V mourut en 1314; rannee ou fut elu son successeur,

Jean XXII, est aussi celle ou disparut le Khan de la Tatarie


occidentale, tres mauvais guerrier. Le portrait du nouveau Pontile est energiquement trace. Sa politique orientale est presentee dans ses moindres details, surtout en ce qui concerne l'Armet-

nie et Chypre. Pour reprendre la correspondance avec les


Tatars l'initiative dut etre prise par le Saint Siege (en 1322).
Bientot apres fut realisee entre le Khan Abousaid et son voisin d'Egypte la communaute musulmane qu'on pouvait depuis longtemps attendre.
Prepare A la croisade, Philippe de Valois (d. aussi notre Philimme de Mezieres et la croisade au XIV-e siecle), chercha des

rapports avec les Tatars, mais ne reussit A les nouer qu'avec


les Georgiens. Il ne pouvait pas s'inquieter du danger turc",
qui, A cette poque, n'existait que du cote des faibles emirs de
la cote anatolienne, celui d'Aidin en premiere ligne, et y trouver un motif de changer sa politique de croisade, ferme, mais
inefficace (voy. p. 370).

On retrouve la meme bonne caracteristique pour Benoit XII.


Les souffrances de la Petite Armenie sont presentees uniquement sur la base de la correspondance pontificale.
Mais ici s'arrete l'examen de ces relations, et l'auteur se totume
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Les Tatars et le Saint Siege d'apres un !lyre recent

911

vers la politique des Tatars du Ponent", c'est-A-dire de la


Horde etablie en Europe 1. La carte qu'il trace dolt etre &endue a l'Ouest jusqu'aux Carpathes et pas seulemeInt an Dniester-Nistru: la future Moldavie fut jusque vers 1340 une terre
tatare, en tant qu'il n'y avait pas, du cote des montagnes, la
penetration hongroise.

La partie qui presente la situation de ce khanat par rapport a celle des regions orientates soumises aux Tatars est excel-

lente, d'autant plus que, sans aide de la part des ouvrages


de seconde main, cependant nombreux pensons a ceux de

Hammer , elle s'appuie directement sur les sources orien-

tales, Makrizi, Novairi. L'alliance avec, l'Egypte contre les autres Dchinguizides est fortement soulignee. Mais le role de Nogal et de Toktai en Bulgarie n'est pas mdme touch. Et, quant
au role des Tures ottomans au commencement du XIV-e sie-

it est presque nul: it s'agit, nous le repetons, des Tunes


d'Oumour-beg, seigneur d'Aidin, des gens de Mer et des pirates (cf. p. 396). On ne pourrait pas admettre une reaction chretienne contre l'Islarn chez ces Tatars de l'Ouest a la fin du XIII-e
siecle (cf. p. 398).
Examinant les rapports entre les Mats de 1'Occident el ces
Tatars 2, l'autcur en arrive a s'occuper aussi de la fondation.
de l'Etat, d'abord paten, des Lithuaniens: leur conversion, au
XI11-e sicle, fut tout aussi peu serieuse que la royaute accordee en Ochange par le Saint Siege a lour duc-voevode. Les rap
ports des derniers Arpadiens avec le Pape sont presentes ensuite: it est question avant Lout de la christianisation des Cumans. Ces relations et celles avec la Pologne, la Serbie, les
pays rotunains sont etudiees d'apres les seules sources rocle,

maines, sans presque aucun egard a leur interpretation par


les historiens nationaux, et c'est pour cela qu'il y aura des lectures comme Bazarab, vaivoda dei Valacchi" (p. 429), quand
it s'agit de Basarab, createur de l'independance du Pays Rou1 Samland" est en italkn Samogizia" (voy. p. L83).
2 A la page 4'13, note 1, 'encore une fois les Hospitaliers Teutons". Aussi p.
424. II y a Transylvanie-Siebenburgen, mats pas la population des Siebenbilrgen"
(p. 4.7, note 1). La lettre tatare mentionnee ibid. est manifestement apocryphe.

Les Neugerir (pp. 417-418) sont les Noges. A la page 427 mauvaises orthographes Loktok pour Lokietek, Maladino pour Mladin.

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N. lo'rga

g4

main, de la Romnanie" du Sud, cite Valachie. La guerre de


1330 contre lui n'a rien a faire avec une expedition hongroise
mitre les Tatars: Charles-Robert voulait se soumettre rEtat
voisin (cf. ibid.). Les schismatiques de Moldavie" n'ont jamais cause des persecutions hinnies aux populations catholiques": au contraire, les premiers princes moldaves vocurent
dans les meilleures relations avec les Dominicains de Pologne,
acceptant meme un eveque catholique dans leur vile de Sereth (cf. p. 431). Les crociferi" dont it s'agit aux pages 431432 ne sont pas les Teutons, mais les Chevaliers Porte-Epes de
la Baltique orientale, les Ensiferi (cf. aussi pp. 434, 436). L'auteur n'indique pas ofi it a pris le renseignement sur l'invasion
dans le marquisat de Brandebciurg, en 1326, du roi de Pologne,
menant avec lui des Russes, Valaques et Lithuaniens, engeances paiennes on schismatiques" (p. 435) I. Une ambassade fut
envoyee, en 1340, par le Khan Ousbeg au Pape (pp. 440-441).

Ull chapitre est consacre aux rapports des Tatars avec les
colonies italiennes des Mers Noire et d'Azov. Entre les produits asiatiques obtenus par la Syrie et ceux du Nord (pelleteries,

dents de poisson'',

bid)

qu'on pouvait prendre sur la rive

septentrionale de la Mer Noire, 11 y a une grande difference;


l'explication donnee aux pages 448-449 tombe done.
Les debuts de Caffa sont presentes (p. 450 et suiv.) d'une
fawn complete, precise et interessante, en ajoutant des Mtseignements a ceux dj rassemblos par Heyd. Il n'y avail
cerlainement plus de Cuinans dans la region (voy. p. 452). Le
Porto Pisano des portulans ne pout pas etre a l'embouchure
du Don, du Tanais, oil s'eleva la Tana venitienne (p. 453)2.
Sur le role des trois Zaccaria, Martin, Benoit et Barthelemy,
qui, de Chio, arretaient les vaisseaux a esclaves, p.400. Des don1 L 1 Terre debrzinensis en Pologne ne peut pas etre Debreczen, qui est en
Hoagrie (voy. p. 437). dAichaloview" (Ibid.) n'existe pas. II ne peut pas y avoir
en 1430 un ,signore di Calf ," geaois (p. 440). II faut entendre proprletaire de
terrains dans le ,dominus de Capha" (cf. aussi p. 451). En tout cas ce ne peut
pas etre le consul, propose par Heyd. P. 442, note 2, Iisez Keinstut a la place
de Kerstut. L'empire de Trebizonde fut fonde par les Comnenes et non par
des Laskaris (voy. p. 44.1).

2 Pay 463 lire : Lachanas et pas Lakkanas. P. 491, note 2, Provato a la


place de Provanto.

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Les Tatars et le Saint Siege d'apres un livre recent

93

flees nouvelles sur les rapports de rEmpire byzantin restaure


avec l'gypte, d'apres Makrizi, p. 464, note 1, pp. 465-466 et
et p. 466 mote 1.

L'expedition tatare en Thrace en 1285 ne no-1s parait pas


Men. interpret& (p. 469). Interessant le recit fait par Ibn
Batoutah des moeurs twat& musulmanes, tantnt chretiennes de
Beialoun", la fille d'Andronic III, mariee au Khan Ousbeg,
p. 470, note 2. Aussi celui, fait en 1287, du Franciscain 'Ladislas sur les conditions dans la Tatarie du Nord", p. 471 et
suiv. Sur le siege et la prise de Caffa par le Khan, en 1308, p.
474 et suiv. Dix ans plus tard le Pape y creait un &eche (p.
477).

On passe ensuite aux faits de piraterie des Tures et aux


projets de croisade que, apres M. Gay, nous avons examines

dans un. article de la Byzantinische Zeitschrift". Puis aux


rapports e,ntre Avignon et Sarai par le moyen du frere Elie
de Hongrie. Enfin a l'attaque du nouveau Khan Dchanibeg centre
les colonies italienn_s sans distinction (prise de Tana). Genes et

Venise entamerent les memes negotiations avec le Khan. Suivent des notes sur le commerce de Trebizonde, enrichie par
le voisinage de Tebriz, capitale des Tatars de Perse, p. 432 et
suiv.

Un chapitre est consacre. aux missionnaires. La Cummagena" de la lisle des monasteres franciscains du cote des Tatars,
ne peul pas etre la Commagene, qui est une province en Asie

Mineure, mais une place dans la steppe russe. Delena" ne


peut pas, non plus, correspondre a Salina (voy. p. 503). Salamastro" n'est pas Salmasd, sur le lac d'Ourmiah, mais bien
Samastro (Amastris), en Asie Mineure. Je doute aussi que, dans
une autre liste, Colombo soit Quilon, aux lades" (p. 504, note
1; el. cependant. p. 558 et note 2, p. 559 et suiv.).

L'acte le plus important de la chancellerie pontificate pour


les missions en Orient tatar fut la nomination du Franciscain
Jean de Montecorvino (1307) comme archeveque de Cambalech

et chef de tout un groupe de six eveques destines a catechiser ces regions (p. 511 et suiv). Un archeveque de Sultanieh
fut tree, pour les Dominicains, a ses cotes en 1318 (pp. 514515)1. Une partie de ces prelats etaient dja morts, lorsque,
I Y a-t-il une Jana in India' (p. 525, note 1 ; p. 531 et note 3, p. 558,
560, note 1 p. 561, note 2)? 11 paralt blen gull faille l'admettre.

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N. lorga

en 1338, une nouvelle mission des Tatars d'Occident se presenta au Pape (p. 535 et suiv.). Urbain V envoya de Saral
Cambalech, en 1369, le frere franciscain Come (pp. 537-538).
Separement sont presentes les rapports de la Papaute avec
l'Etal tatar de la Transoxianie, le medium imperium (p. 538
et suiv.). Revenant au Kiptchak europeen, la civitas de multo,
dont parle la lettre papale publiee par Theiner (p. 544, note 1),
n'est guere en Tartarie; depuis longtemps nous avons corrige
ce passage comme civitas de My lco", Milcov, entre la Mo ldavie et la Valachie, (Ana avant l'invasion des Tatars la residence
en terre rouinainc d'un eveque catholique et hongrois. Sur
le bapteme d'une femme de Nogai, Jay lac, pp. 544-545. Toktai se serait-il fait baptiser? Malgre les preuves accumulees
it esl permis d'en douter. L'auteur est, du reste, aussi de cet
avis (pp. 547-548).

L'ouvrage, muni d'une large table des noms, de tables genealogiques et d'une carte, rendra sans doute de grands services.
N. lorga.

COMPTES-RENDUS
Steven Runciman, The emperor Romanus Lecapenus, Cain bridge 19291.

Les debuts de Romain Lecapene occupent dans ce livre


d'une erudition minutieuse tout un chapitre. Le nom de La1Cpenos vient sans doute de la localile dont Romain &all ori-

g:naire; ce n'est pas un sobriquet, comme pour d'autres empereurs Heliopolis donl le font venir des chroniques italiennes,
comme les importanles Anna les de Cava ou la chronique de

Vulturno, doit avoir cu aussi ce nom vulgaire, dans une des


anciennes langues du pays (Lekap, Lekab; cf. Merghab, Aintab).

Parmi les revoltes qui eclaterent contre Romain, arrive


l'omnipotence,

it y cut celle des Slaves de la Moree (le

terms vient sans doute du slave; cf. Primorie, Pomeranie), les


Milengi et les Ezorites. Il aurait fallu s'arreter sur leurs noms:

le premier pourrait etre rapproche de celui de Wee, donne


1 Voy. les notices publiees ici meme, armee 1930, p. 244, et annee 1931, p. 313.

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Comptes-rendus

97

par les voisins slaves a Venise, le second est en. relation avec
le terme slave pour lac": iezero. Je ne comprends pas trop ce
que peut signifier Slavesians" oppose a Slaves. Le rapport de
ties Slave: avec 1'Empire est le meme que celui des Vlaques de
Thessalie, au XI-e siecle, sous un Nikolitzas; ils font partie du
groupe des autonomies byzantines. Its payent le tribut et un
subside. Les brigands slaves de Liutprand (p. 75) sont sans doute
des Valaques de montagnes pres de Thessalonique. Le chapitre est &Hu avec beauooup de verve.
Le cinquieme traite de la guerre bulgare". Il est nature]. .que

Simeon eat voulu Constantinople elle-meme, 1'Empire; it ne


pouvait pas rever d'une bulgarisation" de la Nouvelle Rome;
Aes son couronnement, it n'etait que l'empereur d'origine bulgare pour Constantinople. I1 ne peut pas etre done question
d'une Bulgarie deta-chee de l'Empire et mise au pair avec lui
(voy. p. 83). Le nom de Bogas du chef petchenegue est reste
dans la nomenclature du Sud-Est europeen. Celui de Marmaem d'un chef bulgare aurrait da etre identifie, celui de Sigraze est sans doute slave. La situation du prince" serbe Zacharic sera Mini plus tard (pp. 87, 899). Sur la Zachloumie",
aussi p. 190.
Je conserve des doutes sur la realite des Alains sur le Danube
*(p. 89). Interessante l'alliance de Simeon avec le Fatimide d'Afrique : l'auteur s'y arrete avec raison (p. 90). Le titre de
6xacXeb; Twp.ocion xat BouXic'cpwv n'est pas alteste par un acte

officiel du Tzar (p. 94). Il parait que Alogabatour n'est pas


le nom d'une personae, mail d'une dignite chez les Bulgares (voy.

95). Peut-etre aussi Soursouboul (p. 96). La river that he


(le Porphyrogen.ele) calls Ditzina" c'est Vitchina, aux embouchures du Danube, et M. Georges Bratianu lui a consacre un

;13.

large article dans le Bulletin de la section historique de


l'Academie Roumaine". La frontiere etant la, oa peut-on placer la domination trans-danubienne de Simeon? Les rapports
avec les Bulgares apres le mariage, a Constantinople, de la
gille de Simeon furent fondes sur la cpcX(.2. L'auteur reconnait
quo Byzance revint a rancien titre d'devoy pour le Tzar. La
preseance donnee aux ambassadeurs bulgares tient a l'etiquette
de la famille imperiale. La situation est mieux definie aux pages 102-103.
7

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98

Comptes-rendus

Sur les nations de la steppe" un autre chapitre. L'ancienne place de sejour des Magyars n'etait pas sur le versant
oriental des Carpathes" (p. 104), mais bien dans le Boudchak,
au Nord des embouchures du Danube. Arpad ne passa pas
par les defiles des Carpathes: it les tourna au Nord (p. 104).
Je ne vois pas les co- Hines (sic) de Transylvanie partagees entre
les souverains moraves (?) et les Bulgares" (ibid.). Les Magyars passerent les defiles des montagne,s a l'Ouest transylvain
vers 1100 a peine. M. Runciman n'est pas informe sur le charac-

tere et la valeur du notaire anonym.e", principale source magyare sur cette poque. En parlant de la poussee magyare vers
''Occident, it pouvait se rendre compte que 'Invasion simultanee de la Transylvanie kali une impossibilite (voy. p. 104). Je
n'ai pas rencontre de source authentique montrant les bandes
magyares en Andalousie (voy. p. 105). Je ne peux pas croire
non plus aux Magyars restds du cote de Durazzo: aucune bonne
source n'en parle. D'autant moms de la presence de ces envahisseurs a Andrinople, qui serait l'Hydropolis" de Thu/5u (XIV-e
siecle... Ranzanus est du XV-e...) La Valand.er" de Magoudi doit
etre du cote de Belgrade, le gue des Magyars (voy. pp. 105-106).
Marquart pensait a Develtus Combien, cependant, la geographie, surtout la geographic .vue, est utile pour l'histoire...
Ici, M. Runciman s'en. apercoit. Et cependant it penche vers
'Identification, tout en proposant Avlona, au fin fond des Balcans, sur l'Adriatique. Les doutes sur l'origine du mot ogre"
nve paraissent (voy. p. 108, note 2), Moins faciles a &after.
Il esl stir que les Petchenegues etaient des Tures (cf. ibid.).
I

Pour les Busses Nestor est une base moms bonne que ne le
croit l'auteur. Les traites qu'il rapporte sont meme sujets a caution, malgre leur forme tres seduisante (voy. aussi son observation, p. 110, note 3). Les souls renseignements valables sont
ceux des Byzantins et de Liutprand. ComMe d'habitude, l'auteur ne vent pas recourir aux travaux modernes, qui pouvaient
dependant lui dormer une meilleure direction.
Les pages sur les Khazars sont de beaucoup superieures. Coumans et Ouzes sont une seule et meme nation. Cherson represente une de ces autonomies dont Byzance abonde; ses npurcet5ovug

sont des primats, comme sur le Danube au VII-e siecle dans


toutes les villes (voy. p. 119).
Le chapitre VII s'occupe de la frontiere orientale, asiatique.
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t omptes-rendus

99

Elle est fix& avec soin (pp. 121,-123). Les differents raids
arabes sont presentes minutieusement. Une juste description
de l'Armenie au X-e siecle est sans doute la meilleure partie
'du livre, et la plus belle. Sur l'Armenie l'auteur revient
dans le chapitre VIII. Apaseius est Abaza, en relation avec les
anciens Abasges (voy. p. 159).
Le chapitre IX parle de l'Italie byzantine. Ici encore la partie plus utile est celle qui concern la frontiere (p. 179). M.
Runciman reconnalt ici la politique byzantine habituelle de
respecter les institutions locales" (p. 180). Chacun des petits
!tats est presente avec soin. Une autonomic comme celle de
Cherson ressemble a celle de la Sardaigne en Occident (ipx(ov,
)aXeuacg, titre de protospathaire, inscriptions grecques; le ti-

tre de tourcotorios" parait inintelligible: ne serait-ce pas:


rector, director?; voy. p. 198). Le ref us des Byzantins de reconnaltre l'Empire d'Occident est franchement reconnu (pp.
198-199: the monopoly of the Basileus"). Ces deux pagesi
sont excellentes de pence.
Un peu a cote le chapitre X sur les Slaves du Sud et l'Illy-

ricum". Cattaro n'a pas pu etre sous la juridiction de Raguse" (p. 203 note 1). Arba est Arbe. Pour l'organisation de
la Serbie, rouvrage fondamental de Jireeek dans les Memoires de l'Academie de Vienne n'est pas employe (il manque

meme dans la bibliographie); rHistoire de Serbie a peine.


La chronique de Giugno de' Resti est une compilation du XVII-e
siecle (p. 205, note 2). Les formes des noms slaves ne sont ,pas

toujours d'une parfait. precision. Une faute d'impression a


la page 214: Rasna" pour Rascia". Raguse meritait un peu
plus que les quelques lignes de la page 214. Je ne comprends
pas bien: that much-abused Greek, Lucas Notaras, who prefered the turban of a Turk to the hat of a cardinal, was a
profound statesman" (p. 220).
Apres un chapitre sur la legislation (cinq pages) on revient

a l'histoire narrative pour la catastrophe de la lignee usurpatrice des Lecapenes.


Quelques excursus", une large bibliographic, une bonne table el des genealogies 1.
L. M.

.*.
' Ce qui &pare cet ouvrage c'est la rudesse de la critique envers des savants aussi respectables que MM. Diehl et Vogt. Le premier est generalement

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100

Comptes-renaus

Gennaro M-a Monti, Due documenti sconosciuti sull' Albania


di Alfonso I-o di Aragone (extrait des Studi Albanesi"., I), Rome
1931.

M. Gennaro Monti vient de trouver aux Archives de Naples deux


nouveaux documents sur les rapports italo-albanais au XV-e siede. Le 15 avril 1452 le roi Alphonse demande au prince de Tarente d'accueillir a Lecce ou a Brindisi les seigneurs albanais,
ses allies, qui auraienl ete vaincus et chasses par les Tures. En.
1451 le meme souverain donne des lettres de recommandation
Vieinus Albanensis", son serviteur, charge d'une mission.

Gennaro Maria Monti, II regno di Sicilia e it Levante mediterraneo, Bari 1930.

C'est un bon travail de synthese qui comlnence par presenter le role d'Amalfi. Suit e,elui des Normands, aussi par rapport
a la Terre Sainte. Une partie de cette exposition, celle concernant

l'Albanie, sera reprise dans La Storia dell' Albania e le sue


fonti napoletane. Charles d'Anjou avait acquis le royaume de
Jerusalem et voulait maintenir Acre, large politique que vinrent interrompre les Vepres siciliennes; des droits de patronat

devaient en rester a sa dynastic. Vient l'exposition du grovigil di cessioni e retrocessioni"- que signifie l'histoire de l'Achaie, oil les Angevins avaient acquis des droits. Ne sont pas
oublies les rapports avec la Hongrie, les Balcans (les Serbes
ne furent pas gagnes an XIV-e sicle" A. la religion chretienne),
avec l'Orient mussulman (le travail de Richard Sternfeld sur
la croisade de Tunis aurait pu servir a l'auteur). L'activite de
commerce des Italiens du Sud avec l'Orient est notee ensuite.
Avec raison elk est expliquee par l'impossibilite d'une expan,sane", pour le dernier: four pages that are unbelievably full of unwarrantable
errors"; p. 5; it is difficult to see why M. Vogt should trouble to invent so
much" ; p. 5, note 1. Telle assertion de M. Laurent est un fantastic nonsense" (p. 165, note 2). Mgr. Duchesne (pas Du Chesne) est accuse de ne
pas donner ses sources (p. 195, note 3). 11 y a meme une protestation contre
es chefs de Pecole croate (p. 200, note 2); voy. aussi sur leur patriotisme",
pp. 2 )5-210 ; sur leur maniere fashionable", p. 2'0, note 4.
Meme pour Gibbon, dont Pnombre noire", les sweeping epigrams and entertaining sneers ", le gibbonesque cant" ne sont pas excuses par l'esprit de son
dpoque.

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Comptes-rendus

101

sion en Italie /name (pp. 35-36) et par la necessite de reunir


sous le meme sceptre les deux rives de l'Adriatique (pp. 36-37).
L'auteur a raison de voir sous les noms des souverains d'origine
etrangere l'effort persistant de l'indigerbe lui-meme, de 1'Italien
permanent (pp. 39-41). Nous avons essaye dans notre ,,Breve histoire de la nation italienne" (en roumain) de montrer combien
pour bien ecrire l'histoire de 1'Italie et des Ita liens il faut reduire
l'importance, qui frappe, it est vrai, a premiere vue, des cadres
de conquete. Croce se trompe en presentant les Deux Siciles
attelees au char de 1'Empire, aux interets et aux ambitions de la
couronne royale germanique, mais aussi de Stefani (cite.% les
deux, pp. 40-41), qui considere 1'Italie du Sud comme sacrifice
a l'ambition imperiale de Frederic H: celui qui combat contre
les Papes c'est 1'Italien, le fils de Constance, Frederic-Roger, le
roi d'Italie, car, comme nous avons essaye de le montrer dans

notre Orient et Occident au moyen-age" et dans notre Essai


d'une histoire de l'humanite", les rois normands ne peuvent etre
consider& au point de vue theorique que comme les sucoesseurs
des Beranger, des Guy, des Lothaire.
*

Gennaro M-a Monti, La storia dell' Albania e le sue fonti napoletane (extrait des Studii Albanesi", I), Rome, 1931.
L'auteur rappelle l'assaut normand, venu des Deux Sidles.,
pour la conquete de l'Albanie et de la Thessalia, a la fin& XI-e
siecle, puis le second elan conquerant, conduit par Roger II a
la moitie du XII-e sicle, et la tentative de la fin de ce meme
siecle. Il passe a la domination albanaise de Manfred, qui l'avait
revue comme dot de sa femme, la princesse byzantine Helene,
venue du despotat plutot albanais" des Comnemes et des Anges
d'npire, dont le souverain, Michel Ange II, avait donne une autre de ses filler au prince d'Achaie.
Les Cumans qui oombattirent, a cote des Grecs, a la bataille
victorieuse de Montaperti, d'apres Del Giudice, La famiglia di
re Manfredi, Naples 1896, pp. 24, 26-7 (cite a la page 14), ne,

venaient pas des environs de la Serbie", mais de la rive gauche du Danube et sous ce nom peuvent etre caches les Raumains, jadis leurs sujets. En 1272 (21 fevrier), Charles d'Anjou,
vntnqueur de Manfred, cr.& pour lui-mime le royaume d'Alwww.dacoromanica.ro

102

Comptes-rendus

banie. Belgrade attaquee par les soldats de Charles I-er est celle
sur l'Adriatique, Berat (voy. p. 17). Le recit va jusqu'aux projets d'Alphonse d'Aragon.
*

Paolo Terruzzi, 'La grande Romania, Milan 1931.


Ce petit ouvrage, tres illustre, offre sur plus d'un point, meme
en ce qui concerne le developpement historique, des opinions
personnelles en fait d'histoire. Rarement un &ranger qui n'est

pas meme un homme de sp&ialite a donne sur les Roumains


a toutes les poques des pages aussi justes. Dans le chapitre
sur les partis it y a maintes choses vraies; on sent que l'auteur
a habito la Roumanie, envers laquelle it s'est impose le devoir de
dire la verite entiere. La reforme agraire est assez largement pre-

sent& et d'une precision inkgalable. Certains mauvais resultats d'une expropriation rurale mal preparee sont signales sans
reserves, mais d'autres motifs aussi sont invoques pour expliquer la crise actuelle. On lira avec plaisir aussi ce qui est dit
sur les lettres roumaines. Suit un chapitre sur les beaux-arts,
la musique et la culture" (relevons parmi les erreurs, explicables, celle qui fait du diocese grec de Stavropolis une personae;
p. 157). Pour les mocurs, l'auteur s'occupe d'abord de la bourgeoisie: la critique n'y est pas toujours de bon alloi. Pour les
superstitions populaires les guides ne sont pas toujours les plus
stirs. La discussion sur la latinite" des Roumains est au moms
incompetente, nOgligeant la frequence des termes; it suffit de

dire que M. Terruzzi, qui montre la valeur, infiniment superieure, du vocabulaire latin, croit que c'est par la latinisation
voulue des lettres du XIX-e siecle que la langue roumaine est
devenue latine (pp. 214-215). Il est question aussi des minorites. Quelques feuilles de route a la fin.
*

Edmond Pottier, Earl hittite, Paris 1931.


Ce second fascicule de l'etude de M. Edmond Pottier s'occupe

d'une ceramique qui, derivant, d'apres son opinion, de celle


de Suse, ressemble, par ses figures geometriques, a cello du
Sud-Est et meme de l'Est europeen (voy. p. 14). L'explication

reside dans le caractere commun de la population prehistowww.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

103

rique dans les deux regions. Pour une part, je ne la croirais


pas originaire de lnam, par une race tres ancienne et inconnue, mais du Sud-Est thraoe de l'Europe. Voy. p. 55: La creation de la spirale a crochet dans les Balcans a precede de plusieurs siecles la poterie developpee et perfectionnee de la
Cappadoce, el aussi le temoignage d'Herodote". Sous ce rapport les poteries presentees sur les pages 35 et suiv. et les
observations dont elles sont accompagnees me paraissent parliculierement instructives (jamais la poterie n'a ete cependant
pratiquee par des femmes). J'avais dja propose d'interpreter
de cette fawn l'invasion des Doriens" (voy. p. 39). M. Pottier
a raison de voir dans cette similitude, qui s'etend, du res1e,
aussi a la broderie de vetesnents, le moyen de penetrer dans
le mystere de la liaison entre l'Europe et l'Asie, dans la haute
antiquite, le mouvement de migration des peuples allant de
l'Est a l'Ouest et, reciproquement, la propagation des grandes
decouvertes qui transformerent la vie de l'humanite", etc. (pp.
1-2). Meme avec l'Amerique la similitude s'explique par des
migrations, a travers la Mandchourie, dont les tapis reps.&
sentent, par dessus le naturalisme persan, la meme penetration. J'ai plusieurs fois presente cette explication. Les mo-

tifs de Dipylon seraient cependant tout a fait differents (p.


15; la bibliographie, note 3). M. Pottier insiste avec raison,
et vigoureusement, sur l'explication par l'emprunt et pas par
un simple hasard (p. 27; mais voy. aussi pp. 30-1, 33-34). II
traite aussi du passage de l'art geometrique, par Corinthe
ou un autre intermediaire, en Italie meridionale et en Sicile (p.
47 el suiv.). On sait combien entre Grecs et Albanais it y a eu
des migrations d'une cote a l'autre. A Matte meme it y a l'aspe-ct danubien" (p. 49). Le caractere mixte de l'Etat" hittite
(p. 53) correspond a ce qui distinguera tons les pretendus
Etats barbares du commencement du moyen-age (Decebale,

Marbod, Attila).

D'apres M. V. Christian, dont l'oeuvre, recente, dans les


Mitteilungen" de la Societe anthropologique de Vienne, LVIII
(1928), est ensuite analysee, les Hittites eux-memes, comme les
Bryges, dont l'origine est reconnue par M. Pottier, seraient venus d'Europe dans le courant du vingtieme siecle, apres avoir
sejourne en contact avec les Hellenes dans la region des Balwww.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

104

cans" (p. 63): ce seraient eux qui, transmettant une forme europeenne, creent le style ceramique hittite" (p. 64). M. Chrisr
tiara lui aussi ne pense pas aux survivances locales de rantique repertoire des Susiens" (ibid.). Ce qui suit dans l'etude
de M. Christian sur certaines ressemblances europeennes avec
le style de Suse, non plus que les observations, recentes, de M.
Vladimir Dumitrescu, n'infirment pas sa thoorie (cf. p. 65 et suiv.).

Trouver dans l'art de Trip lie la preuve d'un centre de synthese

dans cette region nous parait bien difficile a admettre (voy.


pp. 65-66). Et faut-il chercher quelque part le foyer primitif
aryen" (p. 68)? Quels sont les moyens pour arriver a la fixer?
La philologie est si pauvre et les hypotheses de l'archeologic encore- si hasardees....

Leon Savadjian, Bibliographie Balcanique, 1920-1930, Paris


1931.

Toutes reserves faites sur le titre balcanique", l'ouvrage


que vient de donner M. Savadjian, directeur de la Revue des
Balkans", fatalement incomplet (a la page 181 ajouter N. Iorga,
Documents de l'ancien droit roumain, 2 vol.; a la page 186,
N. Iorga et G. Bals, L'art roumain ancien, etc.), rendra de tres
grands services. On y trouvera d'abord une bibliographie generale suivie par des ouvrages avant le meme caractere. Parfois des renseignements sont ajoutes aux titres. Suivent, par ordre alphabetique, les differents pays. Des notices succinctes sur
chacun precedent la liste des livres. Enfin bibliographic des
questions balcaniques". Il y aussi un chapitre Histoire et civilisation".

L'arrangement est tout a fait pratique, des articles cumulatifs etant donnas pour des revues comme l'Esprit International", pour des questions comme le drame de Seraievo, pour des
situations economiques et pour les budgets.
Quelques biographies utiles sont ajoutees.
La table alphabetique contient des erreurs. Certains renvois

manquent et parfois les noms sont fourvoyes (p. ex. Lencoulesco pour Iancoulesco).

Il est bien entendu que la bibliographic" ne contient aucun


des ouvrages ecrits dans les langues balcaniques" elle-memes.

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Comptes-rendus

1Q5

Vernon John Puryear, England, Russia and the Straits question, 1844-1856, dans les Publications de l'Universite de Californie
(Berkeley-California, 1931).

Gros ouvrage, appuye sur une large recherche des sources. La


bibliographie russe ne manque pas, a cote de ce qu'il y a de
moins connu dans celle de l'Occident (aussi le livre de E. Laloy.
Les plans de Catherine II pour la conquete de Constantinople,
Paris 1913). L'ecole americaine donne de plus en plus, pour l'histoire
contemporaine de 1'Europe, des travaux qui seront indispensables.

L'eleve de M. Kerner a donne une etude oil it y a beaucoup


de nouveau, dans les points de vue aussi, et qu'il faudra consulter
plus d'une fois (ainsi pour les preliminaires commerciaux de la
guerre de Crimee" ; surtout le grand role de David Urquart. La
Russie, mauvaise cliente de l'Angleterre, tend a lui prendre les
debouches nouveaux de l'Est et se dirige vers l'Inde).
L'auteur cherche a montrer comment, apres le pacte russoanglais de 1844 et le voyage du Tzar Nicolas a Londres, on est
arrive a la participation de l'Angleterre au conflit de 1853. Des
documents diplomatique tires des Archives du Foreign Office sont
employes dans ce but. La base restait, bien entendu, l'integrite
de l'Empire ottoman. La Russie devait changer d'avis sur ce point.
Palmerston, revenu au pouvoir, entre lui-meme dans l'orniere de

cette politique. L'ennemi de cette Chine de l'Europe" qui Raft


l'Autriche ne pouvait pas penser autrement.
Pour la revolution valaque de 1848 I'auteur emploie le livre de
Boucarov, qui est d'opinion que par une intervention militaire la
Russie gata ses rapports avec la Turquie et le Sud-Est europeen.
On volt Palmerston intervenir dans la question du traitement des
revolutionnaires de Bucarest (pp. 150-151). Sur l'affaire de Hongrie,
it y eut aussi des frottements. L'ideologie anglaise etait encore
sensible.

La politique de Stratford Canning commence, a Constantinople,

contre la Russie, et M. Puryear parait la regretter, ainsi que ses


consequences militaires. L'interet de l'opinion anglaise pour les
vaincus de toutes les revolutions etait aussi fres actif. La presence
d'une flotte anglaise aux Detroits fut discutee a ce moment. Canning negociait la-dessus sur son propre compte. De fait les vaisseaux anglais parurent a Bechiktach (1849). La Russie declara que
le traite de 1841 en avait ete viol&

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106

Comptes-rendus

Desapprouve ou presque, Canning travaille a un traits d'alliance


avec la Porte. Palmerston le voulait bien, mais, etant tombs en
1851, it fut question de renouveler le pacte de 1844. Le gouvernement russe laissa voir ses intentions anti-catholiques concernant

les Lieux Saints. On parlait chaque jour plus ouvertement de


la catastrophe turque prochaine. L'auteur remarque que c'etait
('opinion generale en Europe. On connait les celebres ouvertures
faites par le Tzar a I'ambassadeur anglais Seymour. 11 se bergait
dans des vues de parfait optimisme concernant la France et l'Autriche meme.
L'auteur s'etend longuement sur les negociations entre Nicolas
et l'agent anglais. On se trouve devant un mouvement d'opinion
anglaise qui fut decisif. Le Tzar ne savait pas assez ce que cela
peut signifier. L'action de l'ambassade anglaise a Constantinople
precipita les choses.
La partie concernant les negociations pour la paix est plus courte.
Quelques pieces diplomatiques et une riche bibliographie.
*

Andre Veress, Bibliografia romtna-ungard, II, Romtnii to litera-

tura ungara fi Ungurii to literatura romtna (1781-1838), Bucarest 1931.


Nous avons dj montre pour le premier volume oil resident
les defauts de cette large bibliographie romano-hongroise on hongro-roumaine, publiee avec un si grand luxe par la Fondation du

roi Ferdinand". A cote de vraies trouvailles il y a des livres sans


aucun interet ou qui auraient merits tout au plus une breve mention dans les notes. De cette facon, au lieu d'avoir deux volumes
jusqu' en 1838

et un troisieme, probablement aussi un quatrieme

s'annoncent, nous aurions eu dans une seule publication ce qui


peut etre considers comme vraiement utile.
L'ouvrage est precede d'une courte preface (lire : Schwandtner
au lieu de Schwertner, Vasici au lieu de Vasici, Thornton au lieu
de Tornton).
Signalons, dans le repertoire si riche, la these, a Halle, en 1781,
du medecin roumain, originaire de Macedoine, mais etabli a Sibiiu,
Manicati Saphrano (no. 619): elle est dediee a un prince lettre et
ami des lettres, Alexandre Ypsilanti, qui regnait en Valachie.
Suit POratio panegyrica" adressee au meme par Manasses Heliade, professeur de grec a Bucarest; elle etait connue (et l'auteur
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Comptes- rendus

107

n'est pas un Grec de Transylvanie") (no. 620). Il n'etait pas necessaire de s'etendre sur le gros ouvrage, bien connu aussi, de Sulzer
sur la Dacie transalpine" (p. 624). Mais it aurait fallu dire que la partie

inedite se conserve a la Bibliotheque saxonne de Brasov (j'en ai


fait faire une copie pour l'Academie Roumaine). On ne savait pas
que trois lettres de Sulzer ont etc adressees au predicateur de Brasov,
Lange ; publiees en 1782 (no. 628). II n'etait nullement necessaire de
remplir une quinzaine de pages avec les titres des chapitres d'un livre

si bien connu comme l'Histoire" de Wolfgang Bethlen (no. 629).


Les Valaques de Croatie trouves a Posega par Mathias Piller, en
1782, etaient depuis longtemps totalement slavises (no. 632). Une

reponse par Pray, sous le pseudonyme de Gedeon Szolga,

certaines observations de Sulzer (no. 633) meritait d'etre relevee.


Peut-titre aussi l'histoire populaire de la Transylvanie par Michael
Lebrecht, predicateur saxon, en 1784 (no. 639). Sur les vampires,
en roumain moroi, une etude du medecin Tallar en 1784 (no. 641).
Beaucoup de brochures sur la revolte des Roumains de Hongrie
en 1784; it y en a qui, comme le no. 646, apportent du nouveau.
On a public a Sibiiu en hongrois l'ordonnance du Sultan pour les
patres de Transylvanie vivant dans la principaute valaque (no. 676).

Une chanson de guerre" allemande d'un hussard" en garnison


a Jassy contre les Turcs en 1788, no. 682. Si le voyage de Jenne
ou de Lebprecht (1788) ne figurent pas dans mon ,Histoire des
Roumains par les voyageurs" (nos. 684, 741, 744), je crois avoir
rencontre quelque part dans les publications roumaines la mention
du marchand de Francfort-sur-le-Main. Une carte de la Valachie par l'officier autrichien Ruhedorf, no. 687 (cf. aussi les nos.
691, 698). L'opuscule de Budelko pour le triage du ble (1788)
avait etc dj presente par M. Veress dans un ouvrage anterieur
(no. 692). L'Osmanographie" hongroise de Samuel Decsy (no. 694;
cf. no. 717) meriterait une etude attentive et competente. De meme
tel livre sur le gouvernement turc (no. 728): ce pourrait 'etre un
travail de Sulzer. Une precieuse carte de Hotin, no. 700.
Les souvenirs transylvains, en partie roumains, de Barcsay et
Orczy sont tout a fait curieux (no. 7W ). Quelques brochures presentent des incidents de la guerre austro-turque qui finit en 1791.

La compilation geographique de C. Gerardt sur la region du


Sud-Est europeen (no. 726 ; cf. no. 767) parait etre de nulle valeur.

Un travail de 1790 (no. 731) traduit en hongrois, est da au Grec

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108

Comptes-rendus

Nicolas Angelakis, marchand dans le pays des Szekler. Tout a fait


interessante la description, sur 270 pages, en 1790, de Bender,

Bucarest et Orsova (no. 736). On trouve avec surprise une traduction hongroise, en 1791, du catechisme ortodoxe redige par
Pierre Mogi la (no. 762). Un voyage inconnu, de Christophe Seipp,
1798, no. 789. L'opuscule du medecin francais Chenot, etabli en
Transylvanie (nos. 849, 853), a etc dj etudie par M. Bologa.

M. Veress a trouve dans la collection Todorescu, a Budapest,


une recueil de chansons populaires roumaines imprimees vers
la fin du XVIII-e siecle (no. 870; nouvelle edition, no. 871). Deux
planches representant des Roumains de Transylvanie dans la Topographie du royaume de Hongrie" par Samuel Brodetsky (1803),
no. 904. Jean Andre Demian, auteur d'une Darstellung der Oesterreichischen Monarchic" en 1804 (no. 918), est sans doute un
Roumain (traduction francaise en 1809, no. 991). Une poesie de
Georges Sincai en lettres latines (1805), no. 927. On pensait en
1806 a donner la traduction en roumain du manuel d'architecture
de Joachim Bedeus von Schaarberg (no. 937). Des vers de Basile
Aaron dedies a l'eveque d'Orade, Samuel Vulcan (1807), sont, pour
Pedition en lettres latines, une decouverte du bibliogrE phe (no.
948; cf. no. 951). II donne, d'apres le catalogue du Musee Szechenyi,
la reproduction des medailles frappees par le prince de Valachie
Constantin Brancoveanu en 1713 (p. 161). D'autres vers roumains
avec la meme ortographe nouvelle (1808), nos. 970, 971. Des matieres d'examen proposees en roumain dans Pecole de Pesth par
Constantin Diaconovici Loga (1809), no. 984 (pour 1810, no. 996).
Le dessin naf et anachronique de l'hommage prete par Basarab,
prince de Valachie, au roi Louis de Hongrie (p. 195) n e meritait
pas d'etre reproduit Pourquoi donner aussi la liste des chapitres
d'un livre aussi connu que l'Histoire de la Hongrie par Fessler
(no. 1060) ? Quatre planches concernant les Principautes roumaines, d'apres Breton, p. 208. La topographie de ces pays publiee a
Vienne en 1821 (no. 1134) n'etait pas connue. De meme les vers.
latins d'un Constantin Popescu (1823), no. 1150. Des considerations morales publiees a Vienne en 1826 par un marchand roumain du Pinde, ne a Moschopolis, Georges Paziazi (no. 1185), qui
s'etait essaye a ce genre ; voy. aussi no. 1347. L'epitaphe de son
conational Nicolas Roja, no. 1197. Encore une table de plusieurs pages : celle de Hammer, no. 1198. Et ce qui depasse tout c'est le catawww.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

f0

logue des documents de Fejer concernant les Roumains (no. 1220).


Un discours allemand de Jean Opran, eleve de Pecole lutherienne

de Pesth (1828), no. 1208. Des vers de Moise Bota, de Lipova


(1829), no. 1215 (voy. aussi no. 1346), de Mo Ise Suciu, a Bude
(1829), no 1232. En 1832 une histoire de l'8glise reform& de
Bucarest par le pasteur meric Siikei, avec une preface par le consul

d'Angleterre, Blutte, no. 1268. La Diatetik fiir einen Regenten"


du docteur Joseph Viola, &rite pour Michel Sturza, prince de
Moldavie (1833), no. 1794. Le voyage de F. S. Chrismar a travers
la Valachie (1834) n'avait pas ete encore observe (no. 1311), non
plus que celui d'Adolphe A. Schmidt (1835), no. 1330 (cf. aussi
no. 1336).
*

T. W. Riker, The making of Roumania, a study of an international problem, 1856-1866, Oxford, 1931.
Excellente etude americaine, fondee sur des documents en tres
grande partie inedits. L'auteur ne connalt que par les livres le

pays dont il park et il refuse de se servir des moyens litteraires


pour esquisser des portraits ou des scenes. Mais la presentation
honnete de toutes les discussions diplomatiques qui se sont suivies pendant une dizaine d'annees concernant l'avenir des Principautes fait du livre de M. Riker un guide indispensable pour
quiconque voudrait s'occuper dorenavant dans d'autres buts de
la creation de la Roumanie". On ne pourra pas lui etre asset
reconnaissant.
*

Ernst Gerland, Die Genesis der notitia episcopatuum" (fait partie

des series Le Patriarcat Byzantin", Corpus notitiarum episcopatuum"), Chalcedon (Kadikeui), 1931.

M. Gerland a repris pour les eveches d'Orient appartenant au


Patriarcat byzantin la travail de Gelzer, dont il a eu a sa disposition les fiches. Pour le moment il donne une etude importante

sur la genese" des Notitiae".


*

*
*

Andre Grabar, La Sainte Face de Laon, le mandylion dans l'art


orthodoxe, Prague, 1931.
Publiee comme troisieme partie des Loipacpcxez du Seminarium
Kondakovianum de Prague, cette etude attentive part de l'origine

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110

Comptes-renclus

du culte du mandylion et en poursuit le developpement jusqu'au


XVIII-e siecle. II est etonnant combien de temps it fallut pour lire
la simple inscription slavone. La pr4entation est empruntee a la
Gorgone antique. Un travail d'une extreme documentation suit les
variantes de ('image a travers ce monde oriental slave dont elle
vient, sans pouvoir en fixer plus nettement le pays meme d'origine. De tres belles planches sont ajoutees.
S. P. Lampros, Ae Livol.ta 64cevuvitiv akoxpoa6pun, Athenes 1931.

L'album, si longument attendu, de Sp. P. Lampros vient de


paraitre a Athenes par les soins de MM. Sotiriou et Xyngopoulo.
Trois communications de Lambros lui-meme a differents congres precedent les planches, d'une belle execution.
Certains des portraits n'ont aucune authenticiie, comme ceux de
Constantin-le-Grand et d'Helene, dans des manuscrits assez recent.
II faut en distinguer la statue, flattee, de Julien l'Apostat, a 'laquelle ne ressemble guere la miniature d'un ms. du X-e siecle,
qui suit, d'autant moins quelques autres, de pure imagination. Les
empereurs Valens, Gratien, Theodose-le-Grand (aussi d'apres les
bizarres creations du XV-e siecle dans le livre d'Hermann Schedel)
et leurs successeurs jusqu'a Justinien ne sont pas plus ressemblants. Pour Justinien it n'y a que les moseques qui comptent ;

l'empereur a cheval, a tete purement classique, du Musee du


Louvre ne lui correspond guere. Pour rencontrer encore le portrait
contemporain it faut descendre jusqu'a Constantin le Pogonate,
que cependant la mosaIque de St. Apollinaire in Classe represente
totalemment glabre, a cote de deux autres princes. Constantin VI

n'est connu que par une miniature de deux siecles plus recente.
C'est aussi le cas de la princesse Theodosie et de l'imperatrice
Theodora, du IX-e sicle. Le meme manuscrit d'environ l'an mille
donne un Michel III d'imagination. Une petite et maigre Theophano
parait sur la reliure en ivoire d'un vangile latin de son poque ;
sur un autre, un portraitiste la donne a cote de son marl, dans une

oeuvre de meme technique, qui est etonnante de verite et d'expression. Ce sera aussi le cas pour Romain Digenes et sa femme,
auxquels l'artiste a donne tine vague physionomie de saints
adolescents. La grosse dame en ivoire des planches 94 et 95
pourrait bien etre Zoe (pluteit qu'Irene). On connait le Basile

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Comptes-rendus

lit

II foulant aux pieds les Bulgares vaincus dans un codex de la


Marcienne.

En fait de miniatures, celle qui donne Nicephore Botaniate et


l'imperatrice Marie a un tres beau caractere ; aucune trace de
beatification" dans la tenue et le regard ; l'empereur seul est presente tronant, couronne par des Vertus de facture antique dans le
meme manuscrit de Paris. Dans un autre du Vatican, Alexis Cornnene a une allure moins imposante. II faut lui preferer la mosaIque du Campo Agaran de Venise, car c'est bien lui qu'elle
rend. Le contraste est grand avec la splendide Irene Doukas de la
Pala d'oro de Venise, ce qu'il y a de plus beau dans toute l'iconographie byzantine, mais par les caracteres, employes dans
l'inscription : t E/pEvl, sUisve6-cciTy2 AirpOurii, on voit bien que l'in-

terpretation est celle de l'Occident. Jean Comnene et son fils aline


Alexis sont rendus sous la benediction du Christ entoure par les
figures, magnifiquement couronnees, de la Charite et de la Justice,
mais les figures sont brouillees, vagues. Un esprit occidental est
discernable, malgre la somptuosite du vetement sacerdotal asiatique, dans le visage fonce de Manuel et dans la jolie figure de
blonde aux grands yeux et aux sourcils noirs de la Franque

Marie. La beaute de la princesse Xenia de France est reconnaissable dans ce ms. du Vatican, oil elle figure avec son fils
Alexis. Et c'est Marie sans doute qui accompagne son mari
dans le ms. de la Barberina (pl. 97). Le Christ benissant, les
anges qui soutiennent les couronnes, le labarum sont de l'epoque.
Un mauvais Theodore Laskaris, de Nicee, dans un ms. de Munich,
appartenant a line poque de decheance et de misere. Encore plus
vulgaire est l'Andronic Paleologue d'un autre ms. monacois. Pour lui
aussi on cherclie a revenir au passe glorieux dans une miniature
qui le met a cote du Christ, sans parley d'une vague esquisse
sur un chrysobulle. Mais le Jean Cantacuzene de la Nationale de
Paris, presente comme empereur et comme moine, est digne du
pinceau d'un peintre italien de ce XV-e siecle. Au milieu des
eveques d'un synode qu'il preside, sa figure est moins claire.
Assez belles pour l'epoque aussi les figures du second Andronic
et de sa femme piemontaise, qu'on connait aussi par un tableau
de la bibliotheque Barberina a Rome.
La mouvement de renovation artistique est evidentie aussi par
les portraits de Manuel Paleologue, de sa femme et de leurs jolis

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112

Comptes-renciuS

enfants, dans un manuscrit conserve au Musee du Louvre. Encore


plus beau, pareil a tin Patriarche, l'empereur vieilli dans un codex
de la Nationale de Paris. On conserve la realite d'expression aussi
dans tel dessin contemporain, qui le place entre Jean VII et Jean

VIII, et dans celui trace sur un autre ms. On connait le buste,


d'apres lequel la representation de medaille (par Victor Pisano) qui

le donne en pelerin, venu pour l'Union des Eglises a Florence.


Ce portrait a pass dans une oeuvre d'imprimerie et it a inspire
Penergique profil a nez aquilin et a barbe fourchue dans le Cabinet des estampes de Berlin. Plus jeune, sur le beau cheval blanc
des entres solennelles, it est peint par Bennozzo Gozzoli dans la
fresque du Palais Riccardi a Florence. De Constantin, le dernier
empereur, on n'a rien de vrai, mais son neveu Andre apparait vetu
imperialement dans tine fresque de Pinturicchio.
*

527 documente istorice slavo-romine din Tara-Romaneasccl 0


Moldova, privitoare la legdturile cu Brapvul, 1346-1574, Bucarest
1931.

Depuis de longues annees gisaient a Vienne, abandonnees, les


bonnes feuilles d'une magnifique publication de documents, billets de princes, de princesses, de boIars, de membres du clerge,
de bourgeois de Valachie et de Moldavie adresses aux habitants
de la i iche ville voisine de Brasov, la Kronstadt des Saxons. Feu
Tocilescu, professeur a l'Universite de Bucarest, ayant su que
l'archiviste de Brasov, Friedrich Stenner, les avait signales a feu
son collegue, professeur de langues slaves, J. Bogdan, les avait
fait aussitOt photographier, dechiffrer et accompagner d'une traduction, bien faite. Pendant qu'on y travaillait, Bogdan en donnait
tour a tour une traduction, Documente i regeste privitoare la relatiile Tdrii-Rumiine?ti cu Brapvid qi Ungaria in secolul XV 0
XVI (Bucarest 1902), puis, avec les memes traductions, revues, le
texte slavon meme, Documente privitoare la Relatiile Tarii-Romdnegi cu Bra ,covul 0 cu Tara Ungureasca to sec. XV i XVI, I,
1413-1508 (Bucarest 1905); le second volume n'a jamais paru.
Une trentaine d'annees apres la mort de Tocilescu, M. J. Bianu,
president de l'Academie Roumaine, a fait brocher et mettre en
librairie ce troncon d'une oeuvre ambitieuse, restee inachevee.
Une partie des documents est inedite dans sa forme originale,
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Comptes-rendus3

113

Bogdan s'etant arrete dans la publication des textes aux lettres


de princes et de boTars, et ceci seulement jusqu'en 1500. Ces documents commencent dans l'edition Tocilescu a la page 217. Tel le
lettre comme le no. 231, aussi le tres interessant no. 245, n'ont pas
ete meme traduites par Bogdan. Signalons aussi le no. 270, dans
lequel it est question du sejour a Amasie du Sultan. II y a encore

deux lettres du jeune prince Theodose (nos. 275, 276) et celle


qui mentionne le retour de Constantinople du prince Radu d'Afumap, no. 308. Voy. aussi les nos. 311-312. Sur trois lettres du prince
Moise traduites par Bogdan, it y en a six ici : le drap de spSicew
(no. 316) est celui de Bruges. II y a quatorze lettres (au lieu de
six) pour Vlad V, parmi elles celles qui menacent au nom du
Sultan les villes transylvaines. II y en a dix-neuf sur cinq chez
Bogdan pour Radu Paisius : aussi celle qui demande aux gens de
Brasov le medecin Georges pour Pheritier du trone, Marc (no.
346). Marc lui-meme fait ecrire une lettre d'accompagnement (no.
355. Bogdan, no. 185. Pour le medecin, Tocilescu, no. 358). La
proportion pour le regne de Mircea le Patre est de onze sur cinq ;
trois pieces viennent de Sibiiu. Les deux lettres de Mihnea II, qui
rappelle de Transylvanie les deux fils de Calea de Brancoveni, des
fuorusciti, sont absolument remarquables (nos. 369, 370).
Meme pour les autres it y aura du merite a avoir sauve ces
belles pages d'art typographique tout a fait superieur dues a l'atelier des Holzhausen. Le texte ne differe pas de celui, si soign,
qu'on avait dans Bogdan, mais on a conserve ici les moindres
abreviations, de sorte que les textes peuvent servir a des etudes

de paleographie. La traduction est bonne generalement. Mais


WAHKS, qui vient de chapeau, ne devait pas etre traduit, comme
dans les deux editions, par le roumain fapcd, vilaine importation
moderne du russe, mais biers par pcilarie; je croirais aussi, comme
les auxiliaires de Tocilescu, que MIA est miel et non hydromel ;

est non pas fils de Bilcear", comme dans Bogdan,


mais fils de Bilcea, Balcea", peut-etre meme Valcea" ; plus
loin : Mr est Neagu et pas Neg, dans les deux editions ; faudrait6111111491K

il lire : Aga, ban, et non Agaban ? IIoA Axsosuu,m serait-ce sous

la Dambovita" (riviere) et pas le pont (pod en roumain de la


Dambovita) ?.

Dans la seconde partie l'edition presente l'importante lettre


du Metropolite de Valachie Macarius (no. 371 = Bogdan, no.

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114

Comptes-rendus

CCXXIV). Mais on y trouve une seconde, non traduite (no. 372;


recommandation pour un homme a son service). La lettre de son
successeur, au commencement du XVI-e siecle, Metrophane, resumee par Bogdan (no. CLXXX), est en entier au no. 373, ainsi
que celle du Metropolite Barlaam (no. 374 ; cf. Bogdan, no. CLXXXI)

et celle de Daniel de Severin et de Transylvanie" (c. 1577-1578)


(no. 375 ; cf. Bogdan, no. CLXXXII). Les lettres de boTars du
XV-e siecle traduites par Bogdan, p. 199 et suiv. se trouvent en
slavon dans le nouvel ouvrage, p. 376 et suiv. Mais it n'y a pas
dans le premier recueil les lettres de Stanciul et de Constantin
(no. 381). La lettre du logothete etienne, mentionnee dans Bogdan, pp. 329-330, est donnee ici en entier (no. 382). Les deux
lettres de Georges Lascar (Bogdan, pp. 204-206) sont, en slavon,
aux nos. 383, 384, celle d'Antoine (Bogdan, pp. 202-204) au no.
385, celle d'ttienne et de Nanul (Bogdan, no. CCI) au no. 386.
Dragomir, fils de Manea, dont it y a trois lettres dans Bogdan
(nos. CCII, CCIX, CCX), est represents id par cinq (nos. 387-391).
La lettre de deux bolars publiee en traduction par Bogdan a la
page 222 se rencontre ici dans le texte au no. 392. Neagu a dans
Bogdan les nos. CCIV-CCV ; ici les nos. 391-395. Cazan, avec ses
trois lettres dans Bogdan (nos. CCV-CCVII), parait ici aux nos. 395,
399, 400.
Pour Vintila, Bogdan, no. cCvIii = Tocilescu, no. 336. Pour
les habitants de Braila, Bogdan, no. CCXXIX = Tocilescu, nos.

397-398. La lettre de Sinadinos, fils du capitaine" (Bogdan, Doc.,


pp. 290-291 ; rsum), est rendue entiere ici (no. 401). Sur deux
lettres de Dragomir Udriste dans Bogdan (nos. CCXI-CLXII) nous
en avons ici sept (nos. 402-408). Stoico a dans Bogdan une lettre
entiere, en traduction (no. CCXIII) et un rsum (no. CXLIV);
Tocilescu en donne trois (nos. 409-411). Les lettres, resumees chez
Bogdan, p. 294 et suiv., de Cirstian, Gherghina, Caloth (mais
une lettre entiere, Bogdan, no. CCXvI) sont donnees ici dans le
texte slavon (p. 412 et suiv.). Au no. CCXV de traduction correspond le no. 415 de texte, au no. CCXVII le no. 422 ; aux nos.
CCXVIII-IX les nos. 423-424 ; au no. CCXX le no. 425 ; au no.
CCXXI le no. 426 ; au rsum no. CLXII le no. 427 ; au no.
CLXIII de rsum le no. 428 ; au no. CLX1V idem le no. 429 ; a
un no. suivant idem, le no. 430 (avec deux mots roumains: ale nostre,

noe, not vrem, mai de 'nte, la tine, # la tine) ; au no. CLXVI,


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domptes-rencius

115

resume, le no. 431 ; au no. CLXVII, idem, les nos. 432 et suiv.
Le no. de traduction CCXXII (1544), dans lequel it est question
de l'architecte Pierre de Brasov, qui a fait Peg lise de Coresi",
et qui est invite a en faire deux pour le boTar Vintila, est donne
en slavon comme no. 437. Rsum no. CLXXIII = no. slavon 439 ;
no. CLXXIV = no. 440. La lettre de Mogos (no. 441), venant de
Sibiiu, n'est pas dans Bogdan, de meme que celle du Ban Serban
(no. 442). Les rsums nos. CLXXVI-VII correspondent aux nos.

443-444 ; mais it y a deux lettres de Stanila. Le rsum no.


CLXXVIII equivaut au no. 446. Le no. 447 parait inedit ; peut-titre
le no. 448. Pour les magistrats des villes, rsums nos. CLXXXVII-

VIII = nos. 449-450. Mais it y aussi une troisieme missive (no.


451 = Bogdan, CCXXV), annoncant aux bourgeois de Brasov l'as-

sassinat par les Turcs du prince Radu (Badica). Pour Braila,


les nos. CCXXVI integral, CLXXXV, rsum, correspondent aux nos.
452, 453. Les nos. CLXXXIV, CLXXXVI resume ---- nos. 454, 455.

Le no. 456, la plus ancienne lettre roumaine, a ete publie aussi


par nous dans une note au volume XI de la collection Hurmuzaki. II y a correspondance entre Bogdan, nos. CLXXXIII (rsum),
CCXXVII (traduction), CXLV (rsum), CCXXVIII (traduction),
CLXXXIX (rsum), CXC (resume), CXCI (rsum), CXCII (rsum), CXCIII (rsum), CXCIv (rsum), CVXC rsum), CXCVI,
(rsum), CXCVII (rsum) et les nos. 457 et suiv. Le regis-

tre de depenses no. 472 se trouve aussi dans l'Appendice de


Bogdan (p. 319 et suiv.): les mots roumains n'y sont pas rares ;
Bogdan donne une excellente analyse linguistique. Mais pour les
gens de Ramnic le no. 463 est inedit, de meme que la catalogue
d'objets au no. 462.
L'edition n'a pas de notes, alors que les eclaircissements sont
tres nombreux dans Pedition, si fouillee, de Bogdan. La chronologie, par regne, et pas par piece, est parfois bizarre: it y a apres
les princes Mircea et Michel, an commencement du XV- e siecle,
deux Dan, l'un neveu, l'autre fils de Mircea (et it aurait regne de
1424 a 1440) !

Tocilescu a fait copier aussi des documents conserves dans les


archives de la ville de Sibiiu-Hermannstadt. Telle lettre de Vlad

le Moine, qui parle de son voyage a la Porte, it it a ete appele


pour porter personnellement le tribut de son pays, est particulierement interessante (pp. 175-176, no. 185).

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116

Comptes- rendus

OnWtrouvera dans une autre partie des billets de princes inoldaves a partir de 1435. Dans tine troisieme publication de J. Bogdan
ils avaient paru, dans l'original slavon, accompagne d'une version
roumaine. Des actes solennels tires des Archives de Vienne s'y

ajoutent : Bogdan les avait dj donnes dans les Memoires de


l'Academie Roumaine". Un grand nombre de pieces se conservent au dep6t de Bistrita (Bistritz), en Transylvanie : nous les avions
dj signalees dans nos Documentele Bistrifei, II.
11 ne manquait que quelques pages pour que le volume fiit
complet. Mais it demandait une preface, des notes, des tables
historiques et philologiques.
* *

Antoine Salles, Chez nos allies roumains avec la 27-me conference


de l'Union interparlementaire, Lyon 1931.

Ces breves pages de souvenirs de voyage sur Constantinople,


Brousse et Bucarest contiennent des impressions qui meritent
d'tre lues.
*

Giselher Wirsing, Zwischen-Europa and die deutsche Zukunft,


Jena [1931].
Zwischen-Europa" est pour l'auteur, comme pour Albrecht Penek,

l'ensemble des pays du golfe de Finlande a l'Archipel" (p. 7).


Dans cette region l'Allemagne a des interets importants et on
veut presenter cette region sous le point de vue de ces interets. Cet
ouvrage de theorie exposera done d'abord Les elements sociologiques fondamentaux",aussi en rapport avec Les deux Europes" de
M. Delaisi, dont on sent l'influence. Il est question d'abord de la
decadence de la noblesse : cette partie est excellente, pour tous les
pays. Les intellectuels sont ensuite decrits avec la meme profonde
connaissance du sujet : on pent poursuivre tout le developpement des
courants politiques qui se sont formes a l'epoque la plus recente dans
ces pays. Le chapitre le moins informe est celui sur la Roumanie :
it fourmille d'erreurs. Le vieux Bratianu aurait gouverne musclmannisch" (p. 128). Partager les Roumains entre les Transylvains,
occidentaux de pensee, et les Musulmans" de Bucarest est Presque ridicule. M. Maniu apparaIt comme un vrai Bauernftihrer" ;
on croirait vraiement que son berceau a ete dans un village (voy.

p. 131). Le nouveau Ministere est presente comme asservi aux

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Comptes-rendus

117

industriels et dirige contre les interets des paysans, ce qui est


absolument faux

Une seconde partie traite de l'Etat et l'administration" : on y


trouvera de nombreuses statistiques, surtout sur l'industrie et le
commerce, sur le budget, les forces militaires. Ici on est enfin
sur un terrain stir.
Une troisieme examine les interets allemands dans la region.
*

4.

Franco Vellani-Dionisi, 11 problema teritoriale transilvano, Bologne, 1932.

Cet ouvrage, dedie a lord Rothermere, sert a une propagande,


bien connue, qui tend a la revision des frontieres nouvelles de la
Roumanie. II sera question d'abord de la responsabilite pour Ia
guerre en ce qui concerne le comte Tisza : l'auteur park de
la rencontre entre Sazonov et Bratianu a Brasov, ville de la
Transylvanie orientale (!) hongroise" (pp. 8-9) L'histoire de la
Transylvanie est bizarre : on y voit les Getes soumis par les

Gaulois, le roi Berebista" devenu un due, les Daces chasses


de la Transylvanie, Lentulus dans la van& du Mutt, les Slaves
parlant le gete, Trajan livrant bataille a Turda, le pont de Trajan
a Orsova, un certain Caninius", auteur d'un ecrit sur ses guerres.
L'auteur enonce gravement, en italiques, que la Transylvanie ne
faisait pas partie de Ia Dacie de Trajan (p. 20), qui serait au-dela
du Danube (ibid.). On voit les Scythes sucader aux Avars (p. 22):
Charlemagne les davit... Les Szekler seraient tous les Hongrois
transylvains (p. 24). Les Avars eux-memes auraient sejourne dans
la province (ibid.) . Parmi les barbares qui s'y trouvaient a Pepoque

de Justinien it y a les Tecchi" (sic) (p. 24). Ci est la quelques


petits noyaux de Valaques" (p. 29), qui ne sont pas les Vlaques
des Byzantins, ceux-ci etant une population... celte (p. 29). Du

reste les Roumains sont un mlange de Slaves, surtout, de Getes,


de Romains, de Tures, de Medes, et meme de races infinies qui
tomberent a Pepoque chaotique des invasions barbares" (pp. 2930). II faut pour ecrire ceci, tout de meme, un peu de courage,
avec, bien entendu, beaucoup de science. Ce n'est qu'au XVII-e
siecle que ces curieux barbares penetrent en Transylvanie, en
fuyards chass6s par les Turcs : des hordes" (p. 36).
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118

Comptes-rendus

Le partie contemporaine est a l'avenant, avec des citations


fausses (p. 44) et des phrases de journal du dernier rang.
On se demande seulement oil la propagande de revision a pu
denicher un personage si grossierement ignorant dans toutes les
matieres qu'il ose traiter.
*

Luigi M. Ugolini, L'antica Albania nelle ricerche archeologiche


italiane (Rome, 1931).

L'auteur, qui a dj publie (1927) le premier volume de son


Albania Antica, et maintenant, comme continuation, prepare une

etude sur ses recherches, des 1924, a Butrintb, tres riche en


trouvailles, au pass historique mentionne par Polybe, avec l'Acropole

sept fois plus grande que celle d'Athenes, ayant des rapports avec
Syracuse, a Feniki (Phoenice), porte monumentale, baptistere byzantin, a mosaIques d'un art vane et &kat, avec des paons
affrontes, au beau tresor du I V-e siecle ay. J. Chr., vent presenter
les premiers fruits des travaux faits par la Mission archeologique
italienne en Albanie. Il s'attache surtout aux premieres traces de
la vie des antecesseurs du peuple albanais actuel.
Parmi les choses tout a fait nouvelles le vetement non-grec de
la femme illyre aux pages 22 et 23. Les similitudes de costume
masculin avec la Sardaigne ont ete dj observees et suggerent des
hypotheses hardies.
Comme conclusions generales, les materiaux decouverts confirment la communaute illyrique, l'auteur dit : ante-illyrique, avec la
cote orientale de l'Italie. Du reste l'Albanie, fermee vers l'Est par les
montagnes, comme ]'observe M. Ugolini, est dirigee vers la meme
mer que l'Italie de l'Est, que les Apennins separent totalement des
regions tyrheneennes (de meme le Portugal, que les montagnes isolent

de l'Espagne, en devient un pays oceanien; de meme l'isolement


reciproque entre la Suede et la Norvege). L'auteur croit que la
civilisation grecque ne se detache jamais du rivage ; l'exemple de
la Scythie Mineure plaiderait pour quelques commencements de
synthese helleno-barbare. Comme details, Alessio n'est que la difformation de ('antique Akrolyssos, connme Metallum s'est conservee
dans Medva.
Parmi les illustrations, tres belles, des objets prehistoriques (surtout de la region de Scutari), des verres de forme hellenique, quel-

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Comptes-rendus

119

ques bonnes oeuvres d'art grec, rinteressant peristyle, a gracieuses


colonnettes, de l'eglise de Poiani, le joli edifice religieux de Mesopotamo, la grande basilique en ruines de Santi Quaranta, la mosque de Valona, ancienne eglise.
* * *

F. W. Has luck, Christianity and Islam under the Sultans, 2


vol., Oxford, 1929.

Ce livre, fruit d'une long labeur, est tout aussi nouveau par

les idees qui le dominent que par la richesse de rinformation, jusqu'a la plus menue.

Saint Khidr" (p. 11) n'est pas un saint musulman", mais


Saint Georges lui-meme (l'identification avec He lie est erronee).
Un chapitre traite des transformations d'eglises en mosquees em-

pechees par des phenomenes surnaturels, un autre des eglises


de village dediees au nouveau culte (aussi celle de Kalliakra, qui
n'est pas en Bulgarie", p. 51; cf. p. 523). Des eglises chretiennes sont employees par les Turcs aussi (p. 61 et suiv.), comme
celle, clbre et chargee de dons, de Soumela. En 6-change on
volt des chretiens prier dans certaines, mosquees commie

cent d'Eyoub, sans compter les mosquees christianisees". Sur

les cultes des montagnes, p. 98 et suiv. (tombe d'AUnibal",


tombe d'Achille"). Des sources devenues sacrees pour l'Islam,
p. 105 et suiv.
La seconde pantie contient des Etudes sur l'histoire populaire et la religion turque". On y lit: relement purement tare
(de folklore religieux) est difficile a reconnaitre et probable-

ment mediocre. Il peut etre demele seulement quand on est


mieux informe concernant les pratiques religieuses des Turcs avant l'Islam, y compris les gourouks tures, encore a demi palens d'Asie Mineure et de la Perse occidentale" (p. 121). Il est

question des tribus heterodoxes d'Asie Mineure" (p. 124 et,.


suiv.): Yourouks, Turcomans, Kizilbaches, Taktadchis,

Bek-

tachis, puis des chutes en Asie Mineure (l'auteur donne l'histoire critique de la guerre contre Chah-Kouli en 1509, p. 169 et

suiv.). Sur les canes naturels" p. 175 et suiv. Sur les tombeaux-sanctuaires" p. 226 et suiv. Sur le caractere inviolable du

sanctuaire", p. 237 et suiv. Sur le culte des morts, p. 250 et


suiv. Saints et miracles", p. 278 et suiv. Saints de l'Ancien Testament", p. 298 et suiv. Saints du Coran", p. 309 et suiv.
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120

Comptes-rendus

Sur Khidr, p. 319 et suiv. Saints de tribu", p. 337 et suiv.


Saints et demons de la Mer", p. 342 et suiv. Un pantheon provincial" p. 356 et suiv.

Le second volume, de miscellanees, commence par ce titre


curieux: Platon dans le folklore de la plaine de Konieh" (i1
s'agit de la fontaine de Platon", de fait un monument hittite).
Tofu' un beau chapitre d'histoire dans la petite etude Chretiente
et Islam sous les Sultans de Konia". Suivent les inscriptions du
convent de St. Chariton pres de Konieh (p. 379 et suiv.); elle
datc de Vann& 1067. A la page 381 it faut lire an/ 6acras rcK,
et pas int B arscX e fol.),

ce qui n'a pas de sens. Le grand

interet de 'Inscription reside dans le fait qu'elle met a cote


camme patrons le tres-pieux empereur et autocrate des Romains kyr Andronic" et le noble (1.tEicaoisvtg), Grand Sultan Maxoud Kaikaous et notre seigneur (z Oeivtou 1.1.6v)".
Interessante aussi cette inscription de 1297 sur la tombe de
ce descendant des porphyrogenetes" et specialement de Jean
Comnene, Michel mir -khan ('At pacxamc) reste, malgre son
nom turc, chretien (cf. Bgzantinische Zeitschrift, IV, pp. 99-105).

Quelques pages sur la benediction des eaux a l'Epiphanie.


Le sens de quarante", dans le folklore, p. 391 et suiv.
Il y a beaucoup de suggestions dans cet enorme ensemble de
faits donl le choix montre une si large orientation linguistique.
Un chapitre sur Sari-Saltyk de Babadagh et Kalliakra (les
trois langues du dragon tue par lui font pantie du folklore romain). La curieuse note sur Saint Louis devenu A Tunis un marabout local, p. 422 et suiv. Un chapitre sur les crypto-chretiens
de Trebizonde", p. 469 et suiv. Remarquables aussi les pages
gur Hadchi Bektach et les janissaires" (le nom de cette armee apparait d'abord dans Ducas; ils soot recrutes parmi leg
captifs mais it faut observer que UP. en 1461 on demandait
des enfants dans ce but au prince de Valachie Vladl'Empaleur;
voy. Chalkokondylas annee 1461 et nos Actes et fragments, III,
p. 12: el carazo de 3 anni e 50 garzoni "; Hadchi-Bektach est
mentionne seulement au XVI-e siecle; les janissaires se rallient
A son ordre). Un chapitre du recit de Georges de Sas-Sebes
(Milhlbach, pas Milhlenbach") sur les Turas est reproduit et
analyse sur les pages 494 et suiv. La biographic esquissee id
le

presente camme devenant dominicain a Rome (p.


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494,

Chronlque

121

note 1). Sur la carte des etablissements de derviches, p. 500


et suiv. Les bektacWs sont present& sous d'autres rapports
dans les chapitres suivants. Ceux entre eux et Rhigas, p. 595.
Sur la lignee feodale des Karaosmanoglou, p. 597 et suiv. Sur la
ceremonie par laquelle le Sultan ceint le sabre, p. 604 et suiv.

L'interpretation par les Turcs des voyages faith par les Occidentaux, p. 641 et suiv. Toate une serie de pages sur le dragon
qu'aurait tue Dieudonne de Gozon, Grand-Maitre des HospitaHers, p. 646 et suiv. Entre il Dragon" et Dragonet Clavelli it

n'y pas de rapport (cf. 651 et note 2); it y a bien aussi un


Dragonnet de Joyeuse (voy. notre Philippe de Mezieres et la
croisade au XIV-e sicle, pp. 60, 61 note 1).
Sur les tombeaux d'Arabes en Asie Mineure", p. 702 et suiv.
Sur les mosquees des Arabes a Constantinople"; p. 717 et suiv.

Stu les Arabes dans le folklore, p. 730 et suiv. Sur la prophetie de la pomme rouge" pp. 73 et suiv. Rhodes, certainement
n'a rien a voir (pp. 739-40).

CHRONIQUE
Dans le Spomenik de Belgrade, LV1 (1931), M. Jean N. Tomitch publie des documents venitiens concernant le Montenegro
et les Bocche de 1735 a 1766. Its concernent aussi les clans albanais voisins, comme les Pastrovitch, les Koutchi, les Klementi. On
voit un pretre e tutu li convenuti" (rassembles en conventus",
alb.: kovent) vecchiardi e tutta la popolazione del Monte Superior del fiume Zenta" qui s'adressent aux giudici e vecchiardi e a
tutto l'onorato stato" (dans la signature : sboro") (p. 25) desdits
Pastrovitch.

Les capi e

vecchiardi" aussi pp. 38

64, no.

LXXVII; p. 76. On trouve dans cette region aussi une MaIna et


des Mainotes (ibid.). En 1741 l'eveque-prince montenegrin signe
di Cettigne, Scandaria (territoire de Skanderbeg) e Primorie" (p.
29, no. XXXI). Cf. aussi p. 39. A cote it y a un gouverneur et
les comni de toute la Montagne Noire" (p. 35). M. Douchane
Nedelkovitch, auteur d'une etude sur la philosophie naturelle et
relativiste de R. J. Boscovich" (Paris, 1922), s'occupe d'une partie
de l'oeuvre scientifique du mathematicien yougoslave le pore Boscovich (rapports entre Pattie et le corps).
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122

Chronlque

Dans le meme recueil, LV (1931), M. Voulitch presente les monuments de Pantiquite greco-romaine trouves en Serbie. C'est un
recueil tres riche et de la plus grande importance. Tel le pierre
funeraire (p. 8) est pleine d'une delicate poesie hellenique. Parfois le monument est eleve aux frais laisses par le defunt (p.

28). Sur une inscription mutilee : ti &ranger, qu'[un moment


d'arretj ne to semble pas lourd" (p. 36; cf. p. 160). Telle jeune fille
est qualifiee d'iltuxecrccitn Tsievngvn pour etre morte si tot (p. 36).
Une belle inscription biglotte a la page 44. On volt une Romaine

Olevant un autel a Zeus roi", a Hera refine" et a Apollon. Une


belle inscription de Trajan a Durazzo, p. 52. Des Romains ont
des inscriptions dans un mauvais grec de terre barbare (p. 60 ;
aussi p. 61 et suiv. ; p. 63 : (no; pour lac). Le no. 146 a une
valeur historique. Parfois le caractere des lettres est dj du folklore balcanique (no. 165, p. 72). Cette jolie formule : Have,
mihi domina et dulcissima kara coniux amantissima" (p. 92). Dans

un monument de Nikchitch : hoc decet ut nati componant ossa


parentum, et cineri sedem substituat pietas" (p. 101). Quelqu'un
tue par les latrones", p. 106. Quelques vers d'anthologie grecque,
p. 108. Les Dassaretes &event une stele a leur ambassadeur aupres de I'empereur, p. 109. Une pierre grecque pour Septime
Severe a Pirot, p. 117. Une inscription sous Justinien de la part
d'un pretre Stefanus qui avait construit a Priliepolie moenia,
templa, domus, fontes, stabula, atria, thermas", p. 138. En 340
un Romain, qui fait ecrire en grec, donne aux cpUca de sa x6p.n
des revenus pour des sacrifices en sa memoire ; autrement I'argent ira aux membres de sa famille, p. 140. Voy. aussi pp. 141,
186. Inscription funeraire d'un Juif, chef de synagogue, en grec,
p. 239. Un IA Saxpkats, p. 242.
Sur la guerre austro-turque dans la seconde moitie du XVIII-e
siecle et ses consequences (capitaine Kotcha Anguelkovitch, etc.),
Douchane Pantelitch, KOMilla Kpaiima (Belgrad 1930). L'informa-

tion est en grande partie inedite Un passage sur la conduite des


Roumains du Banat, p. 105, note 3. Il est question aussi du role
de cet element indigene dans les corps fibres ". Quelques documents a l'Appendice.

M. Iovan Erdelianovitch consacre tout un gros livre aux Bounievatz svalaques", smorlaques", catholiques, originaires de Dalwww.dacoromanica.ro

Chronlque

.123

matie et arrives au Danube. (0 nopskriv ESIThilid44; Belgrade 1930).

L'auteur donne une statistique complete de leurs etablissements.


Il y a toute une large partie sur le folklore. Le chapitre consacre
a leur origine valaque est particulierement interessant. Sur le sens
du nom it faut penser aux Roumains d'Istrie, venus des memes
confins, que les Croates appellent, en les ridiculisant : ciribiri, de eine
et bine. Ne serait-ce pas chez les Bounievatz une derivation de
bun, bumf, peut-etre : blind dimineata, bon matin" ? Naturelle-

ment, on ne peut pas penser a la riviere de la Bouna, avec


quelle ils n'ont eu rien de commun.

la-

Dans les Ungarische Jahrbficher, XI, 4, une note sur Goethe

en Hongrie (par M. B. de Pukansky), une interessante etude de


M. Joseph Deer sur les villes de Dalmatie sous le sceptre hongrois jusqu'a la moitie du XII-e siecle, et une autre (en continuation) de M. E. Kolbenheyer sur la politique de commerce de la
Hongrie avec l'etranger apres la guerre.
*

Dans le Samnium de Benevento, II, 4, M. Gennaro Maria Monti


presente la legislation napolitaine de Louis I-er de Hongrie"
(1347-1348). Travail tres bien informs et interessant.

Cette legislation du grand roi de Hongrie comme Souverain a


Naples etait jusqu'ici inconnue. Etienne, Voevode de Transylvanie
et comte de Szolnok, Paccompagnait : comme les Roumains du

Maramuras etaient des milites au service du roi, it est bien loisible d'admettre leur presence dans l'armee du roi: ce serait le
premier contact entre Roumains et Italiens du Sud. Le document
II, concernant les audiences chez le roi, montre combien Louis
prenait de mesures pour sa stirete personnelle dans le pays oh son
frere Andre,
celui que pleurera Philippe de Mezieres (voy. mon
Philippe de Mezieres et la croisade au XXIV-e siecle), avait ete
assassins.

Dans le livre de Theodore Cahu, Des Batignoles au Bosphore, Paris 1890, on. trouvera, avec de belles illustrations,
l'histoire d'un voyage fait a travers l'Europe jusqu'a. Belgrade
d'abord, avec des notes personnelles et des anecdotes bizarres
Les usages traditionnels des noces serbes y sont docrits; le spec-

tacle de la rue a Belgrade est tres pittoresque; on a aussi une


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Chroique

124

visite I la forteresse, chez les prisonniers. Des informations copieuses, mais pas aussi sures, sont donnees sur la dynastie des 0brenovitch et le roi regnant Milan. Suit une inspection des Casernes.

Un autre chapitre conduit, par Nich et Slivnitza, a Sofia. Les


rocas d'histoire ne manquent pas, id non plus, et, a cote, des
chansons populaires. Philippopolis est decrite aussi, mais au
chapitre suivant on est de nouveau dans la capitale bulgare,

et void que les dances bulgares ont aussi leur part. Audience chez le prince Ferdinand, sa mere, la princesse Clementine, etant presente. Les casernes ne pouvaient pas etre
oubliees.

Apres cela, on se rend, par des chemins glaces, a Andrinople,

a 'peine traversee, pour arriver a Constantinople, le but Bernier de cette ecruipee. Rien ne manque de ce que le touriste
peut y saisir.

Des Souvenirs de Vanden Montenegro" par M. Charles Loiseau, dans les Affaires trangeres, Recueil Sirey", juillet 1931.
Dans le 4:1)cipos d'Alexandrie, XXVIII (1929), l'archimandrite Aga-

thange Xirouchaki presente Petat des recherches sur la revolte


de l'ile de Crete en 1363.
La meme revue publie (XXVII, 1928), d'apres la Ma Ec(bv de
Jerusalem, des actes concernant la querelle des Lieux Saints en 1851.
*

L'Academie de Belgrade Mite une etude de M. Vase Tchoubrilovitch sur la revolte de Bosnie en 1875-1878 (Belgrade 1930).

Les rapports avec la Principaute de Serbie a l'epoque de Garachanine sont largement analyses. L'auteur a eu acces aux Archives
de Vienne. Des publications nouvelles, comme Koltschet, OsmanPascha, der letzte Vezir von Bosnien, Aus Bosniens letzter Turkenizeit du meme, y sont aussi employes, de meme que les docu-

ments parus dans la Slavonic Review", les Memoires de M.


Wesselitsky-Bojidarevitch, les Relations entre la Russie et l'Allemagne, 1873-1914" (Moscou 1922).
*

Un premier volume de la correspondance entre Elie Garachanine


et lovan Marinovitch (1848-1858) vient d'tre publie, pour la meme

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Chronique

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Academie, par M. St. Lovtchevitch (Belgrade 1931). Le meme


editeur a donne aussi les lettres de Jean Ristitch a Philippe
Christitch (Belgrade 1931). M. Basile Popovitch etudie la politique
de Metternich envers l'Orient (Belgrade 1931). lei encore les Archives autrichiennes ont fourni de precieux materiaux, a cote de

ceux qui ont ete employes par Demelitsch pour son ouvrage
Metternich and seine auswartige Politik" (1898).

Des notes sur les Roumains du Maramur4 Tchecoslovaque


(Russie sous-carpathique"), par M. A. M. Parvulescu, dans la
revue Graiul Romdnesc, V, 11-2. Dans ses observations sur les
Sarakatchanes, M. Basile Christu est mal informe (p. ex. je n'en
ai jamais fait des Illyres).
*

M. Vase Tchoubrilovitch publie un gros volume, base en grande


partie sur des pieces d'Archives, concernant la revolte de la Bosnie
en 1875-1878 (Belgrade 1931).

Dans le recit par Dandolo de la bataille d'Andrinople, qui fit de

l'empereur latin Baudoin le captif des Valaques et Coumans",


ad Benches", n'a pas de sens geographique. Je crois qu'il faut
lire : quorum adventans quatuor millium multitudo in insidiis
stabat".

Dans la chronique de Flandre (apud Tafel et Thomas, I, 302),


Pinctae Neidae ce sont les Pincenates, les Petchenegues et Jossiae
la Georgie. La Partenerdia" c'est aussi le pays des Petchenegues.
Dans la Chronique francaise chez le meme, p. 342, lisez :

Boukedaire (bouke d'Avide, Abydos), au lieu de Boukedaine".


*

MM. D. Gusti et Sabin Manuila publient le resultat du recensement de la population du royaume de Roumanie en 1930: La
population actuelle de la Roumanie (Bucarest 1931). Est donne,
en facsimile, le decret et le prospectus du recensement moldave
de 1851. Bucarest a aujourd'hui 631.288 habitants (p. 18). Dans
tout le pays, pour 3.570.399 habitations, it y a 18.025.237 habitants, dont 3.217.149 pour la Transylvanie, 942.072 pour le Banat,
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Chronique

1.387.675 pour la region des Cris et le MaramurAs ; la Bessarabie


donne 2.865.506 et la Bucovine 845.903.

Dans la brochure Exposition d'art roumain moderne a l'occasion de la XXVII-eme conference de l'Union Interparlamentaire,
Bucarest, octobre 1931" (Bucarest 1931), on trouvera, a cote d'une
courte preface, de tres belles reproductions d'oeuvres de peinture
roumaine du XIX-e siecle ; quelques exemplaires de sculpture s'y
ajoutent.

Dans le Bulletin de l'Academie de Inscriptions et Belles-Lettres",


juillet-septembre, M. 0. Halecki presente des observations sur les
rapports entre la Pologne et Byzance, s'arretant surtout sur la
lettre adressee par le roi de Pologne en 1420 a l'empereur Manuel.

M. Michel Pizanty donne des chiffres nombreux et exacts


dans sa brochure Les debauches pdtroliferes de la Roumanie (Bucarest 1932).

Dans ('Auvergne Littdraire (tirage a part) M. Edmond Morand


reproduit d'apres le manuscrit d'un collectionnaire de la Renaissance une croix byzantine dont les figures, ornees d'inscriptions
inintelligibles dans la copie, montrent plutot une adaptation poplake du grand art.

Dans la revue Madera Sid de Prague, IV, 10, M. Jaroslav


Muller publie une courte etude sur le pass roumain.

Dans les Preussische Jahrbilcher de decembre 1931, M. Hans


Roger Madol commence a presenter ses souvenirs d'une visite
dans la peninsule des Balcans.

Dans le Bulletin de la section historique de l'Academie Roumaines", 1931, ces articles :


N. lorga : Les grandes families byzantines et l'idde byzantine
en Roumanie ; G. Bals : Etat actuel des etudes sur l'art ancien

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Chroalque

127

roumain ; N. Iorga : Une ville romane" devenue slave : Raguse ;


N. Iorga : Les commencements de Venise.
Dans les Memoires de la section litteraire de l'Acadernie Route
mane ", III, V, 3, M. jean Bianu croit pouvoir recconnaitre des
runes dans deux inscriptions trouvees a Bunqti (Moldavie), sur
la route de Suceava. D'autres ont pense a un Glozel roumain.
De fait, malgre une certaine ressemblance avec Pecriture scandinave, tine identification des signes n'est pas possible. D'un
autre cote, si on a decouvert a cote une hache, qui parait avoir
etc nprehistorique", une monnaie l'accompagnait. II faudrait croire

plutet a une ecriture dace, empruntee a l'alphabet hellenique.

Des notes sur le voyage en Orient d'un philhellene inconnu


jusqu'ici, Praz, en 1833, sont donnees dans la revue Latinite, III,
7. Le bizarre romantique fit la pelerinage de la Mecque comme
le musulman Abd-et-Rhaman. Le couverti epousa une Abyssine,
qui, du reste, quitta un marl devenu borgne.
Dans la Byzantinische Zeitschrift, 1931, M. Franz DOlger
pre.sente la vie de Jean VII, empereur byzantin, de 1390 a 1408.

C'est un travail tres soign, qui arrive a fixer jusqu'aux derniers details de cette biographic.

'M. Francois Dvornik public dans les Acta conventus pro


studiis orientalibus Pragae a. 1929 habiti" (01miitz 1930) une
etude sur l'element oriental dans le schisrne des sie,cles VII-IX.

Dans la Revue de li tterare comparee", XI, 3, une notice de


M. B. Munteanu sur la litterature comparee en Roumanie".
Dans la Revue de litterature comparee", XI, 3, une notice de
mondiale (no. d'octobre 1931), le rapport d'Athextes, le 18
aofit (1-er septembre) 1915 sur une conversation avec le roi
:Constantin le montre extasie devant les victoires allemandes,
grand ami de la collaboration avec les Bulgares, foncierement
ennemi des Serbes et decide a marcher avec l'Allemagne: D'a-

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128

'ChronIque

pres mes informations vous marcherez avec l'Allemagne. Nous


aurons la meme politique, car je n'en permettrai pas une autre"
(pp. 405-407). C'est concluant. Aux pages 411-412 le refus
serbe pour la Macedoine.
M. Michel Lascaris publie, dans la Revue byzantino-slavicA",
1112 (1931), de Prague, une etude sur le sceau de Radomir Aaron, duc et proedre. Il etait le fils d'Aaron, gouverneur du Vas-

pourakhan, apres avoir fonctionne comme gardien du BasDanube. A cette occasion est presentee la biographie, toute
nouvelle et appuyee sur les sources les plus diverses, de at curieux personnage. II &all, de meme que le pretendant bulgare
Prousian, fils de Jean Vladislay. Il a commande tour a tour a
Aui, a Edesse et en Mesopotamie, Radomir, parent de l'imperatrice Irene, femme d'Alexis Comnene, cut une activite beaucoup plus modeste.

Des notes illustrees sur le centre romain de Romula dans


la Valachie danubienne sont presentees par M. D. Tudor,

dans l'Anuarul Liceului Ionita Asan din Caracal pe anul


1930-1931", publie par M. D. C. Eftimescu (Craiova [1931]).

Dans le no. de juillet 1931 des Affaires Etrangeres, Rocueil


Sirey", M. J. Ancel public un article tout a fait remarquable:
une theorie frangaise sur la geographic des frontiercs". Il est
bien vrai clue la frontiere ne vit pas d'elle-meme, comme elle
est en fonction des honunes qui la creent, la maintiennent et
l'enterpretent aussi. Tres juste la difference entre la Mer Grecque et la Mer Baltique, une frontiere", celle-ci, bien que pas
pour les Suedois maitres de la Finlande. Le role des marais et
des grandes forets est souligne a juste titre, celui du desertparfois. Aussi la distinction entre la race et la langue. Retenons la
formule: la frontiere n'est qu'un equilibre" (p. 287) et une chose relative", sujette a la pens& de ceux qu'elle separe. J'ajoute

que sa valeur tient a la puissance de remplir la terre par la


vitalite nationals. Dans quelques lignes de la page 288 tient toute
l'essence des rapports entre Bulgares et Romains de Byzance.

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