Rhsee 09, 1932 2

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 106

IX-eme armee, N-os 4-6.

Avril-juin 1932,
O

REVUE HISTORIQUE
DU

SUD-EST EUROPEEN
(Continuation du Bulletin de l'Institut pour l'etude
de l'Europe sud'orientale ")
PUBLICATION TRIMESTRIELLE
dirigee par
(

N. IORGA

Professeur a l'Universite de Bucarest, Agree a

la Sorbonne, associe de l'Institut de France.

I .

PARIS
LIBRAIRIE J. GAMBER

7, Rue Danton.

BUCAREST
LIBRAIRIE PAVEL SURD
73, Ca lea Victoriei.

'

\a

www.dacoromanica.ro
4

'

DIRECTEUR :

N. I 0 R 0 A
BUCAREST, 6, SOSEAUA BONAPARTE

SECRETAIRE DE REDACTION:

C. MARINESCU
Professeur a l'Universite de Cluj.

111111111101 11111111 111111111111POItin Iiiipilign mama dB 10111111 IIIMMI ID 111011110101111111IMPWO III.

;!

i SOMMAIRE:
I

ARTICLES.
Napoleon I -er.

N. lorga : Les Roumains et

Nouveaux voyages clans le


Sud-Est europeen.
Lettres de Dora d'Istria. Un livre sur les
rapports de l'Empire byzantin avec l'Occident au XV-e siecle.
COMPTES-RENDUS sur: William L. Langer, Henri Prost, Ge-

i
j

Ernest Schmidt, Andre Michalakopoulos, A. Zakythinos.


CHRONIQUE par N. lorga.

;
neral Pain, Gennaro Maria Monti, Julien M. peter, Angelique 2
i Hatzimichalis, Frantz Dolger, Bernadotte S. Schmitt, Abraham
Galante, Henricus Paszkiewicz, dr. Alexandre I. Bojazoglu, dr. ;
e

I
!

111110011IN NO Warne 411. i11111411111011 ED 1011,411 er

or maims ermame Howl/WPM (IP HIM III

Imprimerie ,Datina Romaneascita


Valenii-deMunte

www.dacoromanica.ro

i
i
el HIM IN 0

REVUE HIS TORIQUE


DU

SUD-EST EUROPEEN

PIIBLIEE PAR N. IORGA, rnorEsszust A L'17Nrvintsxr8 DE BIIOAREST

IX-E ANNEE, NoS. 4-6.

AVRIL-.117IN 1932.

Les Roumains et Napoleon I-er


On savait par differents temoignages, dont aucun precis, qu'une

deputation de boyars roumains s'etait rendue aupres de Napoleon I-er pour lui demander d'etre a regard de leur nation ce
qu'il avait ete a regard des Il lyres" serbes et des Grecs. On
ne pouvait pas fixer, non seulement la date et les conditions dans
lesquelles s'etait produite cette intervention, mais les noms meme
des delegues.

Or ces noms sont donnes dans un interessant opuscule, tres


bien informe et plein d'observations juridiques justes, que publiait

a Paris, en 1861, avec une preface de Wolowski, auteur d'un


travail sur l'affranchissement des serfs en Russie, lequel declarait,

sur la question des paysans dans les Principautes, avoir plus de


confiance dans le developpement de la force morale et de re.pargne, sollicitees par l'attrait irresistible du droit a conquerir,
que dans des combinaisons de credit", Constantin Boeresco (Bo,erescu), plus tard ministre du royaume de Roumanie, sous ce
titre : De l'amdlioration de l'etat des paysans roumains. Ajoutons
que ce projet preceda de peu et prepara la reforme sociale du
prince Couza, en 1862.
L'auteur dit, a la page 45, employant le livre de Vaillant, La Romanie: six boyards allerent demander a Bonaparte l'assistance de

la France pour constituer leur patrie en republique. Ces boyards


sont : le Ban Ghica, Preda Brancoveano, Charles Campineano
pour la Valachie ; Catargi, Sturdza et Beldiman pour la Moldavie".
Le Ban Gregoire Ghica, boiar d'allures patriarcales, ne parlant

que le roumain et le grec, fut nomme prince de Valachie, apres


l'eloignement des Phanariotes, rebelles envers la Porte, en 1822.
Il n'y avait pas de Brancoveanu portant le nom de Preda, qui
est celui d'un ancetre du XVII-e siecle, grand-pere du prince regnant Constantin : it faut corriger donc le nom en Gregoire :
Gregoire Brancoveanu, auteur d'un ouvrage en grec, &aft un
des membres les plus cultives de l'aristocratie valaque au corn-,
www.dacoromanica.ro

N. lorga

130

meneement du XIX-e siecle. Scarlat Campineanu, moins connu,


&all apparente a la dynastie moldave des Cantemir.
Quant aux Moldaves, je ne sais pas quel peut etre, parmi les
assez nombreux membres de la famille Catargiu, etablis en pays
roumain des le XVII-e siecle, celui qui se rendit a Paris. Sturdza
ne peut pas etre le boiar honnete, mais a l'esprit arriere, qui
devint prince de son pays au meme moment que Gregoire Ghica

obtenait la principaute voisine, mais plutot Gregoire Sturdza,


mari d'une princesse Callimachi et pore d'un des plus brillants
representants de la boiarie moldave a l'epoque du romantisme
politique, le prince regnant Michel. Pour Beldiman it faut s'arreter a Alexandre, qui ecrivit un poeme sur l'Hetairie grecque en
Moldavie et traduisit des ouvrages poetiques francais.
Boerescu reconnait, lui aussi, que cette mission n'aboutit pas.
N. lorga.

Nouveaux voyages dans le Sud-Est europeen.


I.

Dans son ouvrage D'Athenes a Baalbek (1844) (Paris 1846),


Charles Reynaud commence par un voyage de Syra a la capitale de la Grece nouvelle, presentee telle qu'elle &aft au commencement de sa transformation en vine moderne, ayant dj
27-28.000 habitants. Description du palais du roi Othon, ce jeune
prince qu'un decret des nations allides a envoye, du fond de sa
docte et tranquille Allemagne, dans ce pays aride et eclatant, au
milieu de ce peuple aux passions impetueuses, avide de mouvement et de bruit. II s'est mine en se faisant batir cette triste
demeure, et it regrette sans doute aujourd'hui sous le del enchante
de la Grece les brouillards et les forets de la Baviere. Les Grecs
reconnaissants lui ont voue une haine mortelle". La reine Amer
lie a reussi a sauver le chateau franc abhorre par les enthousiastes de l'antiquite ' La vie en plein air, servant les preoccupations politiques des Atheniens, est decrite avec entrain, mais non sans un esprit

de critique preconcue et exageree. Tel jeune Grec, ancien cama,-

rade du voyageur, n'a aucun espoir d'avenir : Notre pays se


perd. II n'y a id ni roi, ni peuple, ni gouvernement... Les questions de ministeres se reduisent a savoir si ce sera Pelement
francais, russe ou anglais qui dominera. Et c'est pour arriver a
1 P. 22.

www.dacoromanica.ro

Nouveaux voyages dans le Sud-Est europeen

131

de pareils resultats que mon pere et mes deux freres se sont fait
tuer pendant la guerre de l'Independance"1. Le luxe d'une population de fait pauvre est aussi considers avec mepris ; Reynaud
se moque de la decoration, largement distribude, pour le 3 secs,
tembre, qui ressemble trop a la Legion d'Honneur. L'ecrivain
francais s'interesse aussi a l'evolution de la langue litteraire et a
ceux qui y contribuent par leurs ecrits. Quelques pages traitent
de la creation du Musee par Pittakis, eleve de Fauriel. La partie
concernant le Parthenon est tres belle ; elle se place parmi ce
qu'il y a de meilleur dans l'expression d'une admiration qui ne

se borne pas au seul lyrisme : ce n'est pas une page confuse,


&rite en styles divers, avec des idees obscures : c'est un travail

plein de clarte et de logique, une oeuvre qui est l'expression


simple et complete d'une meme id6e"2.
Le fanatique de l'hellenisme trouve cependant quelques mots
pour I'eglise de Daphni, oil it croit voir plusieurs des tombeaux
des dues d'Athenes". Pour l'ornementation splendide des murs
du sanctuaire ces seules paroles semees en passant : Les peintures en mosaique que renferme l'eglise ont subi de nombreuses
degradations : les Tures ont crible de belles la figure du Christ
et des saints".
Le voyage continue : description de Smyrne, envahie par
le commerce de l'Occident aussi bien que par les caravanes

venant des lointaines regions orientales. Les Tures, genes par


cette intrusion, au gain de laquelle ils participent si peu, se sont
retires du cote de la montagne. Reynaud se laisse gagner, faute

de monuments a etudier, au charme de la Rue des Roses, oil


les plus belles femmes de I'Asie resplendissent sur leurs balcons dans leurs plus brillants atours" : aussi s'attarde -t-il a faire
leur portrait, minutieux. Son attention est partagee aussi entre la
Rue Franque, du commerce, et les cafes en plein air", les
casinos ou cercles dans lesquels se reunit la societe franque et
oil l'on recoit les journaux et les revues d'Europe". II y a du
pittoresque dans la description des environs, avec les Tures en-,
dormis sur leurs anes et les chameaux qui s'arretent aussi, pour
eller chercher quelques brins de verdure sur le bord poudreux
' P. 44.

2 P. 29.
8 P. 42.
4 Ibid.
5 P. 51.

www.dacoromanica.ro

N. Toro

132

du Shemin ". Ici, c'est un khan oil des Turcs accroupis fument
leur chibouk, en- prenant le cafe ; les chevaux attaches a des arbres, le dos couvert d'une selle rouge, attendent impatiemment
leur maitre ; la, dans un champ braid par le soleil, paissent des
troupeaux de moutons ornes d'une large queue qui pend derriere
eux comme un tablier et gardes par un pate qui s'appuie sur
son baton dans une pose antique.
Les terebinthes, les oliviers, les platanes, les sycomores, les
noyers se groupent harmonieusement dans la plaine, et la cigogne qui marche dans le chemin fait gravement place au promeneur et le laisse passer sans effroi". Le voyageur s'arrete avec
gratitude sur les avantages du village de Bounarbachi, riche en
sources et invitant au repos.
De Smyrne, it revient a Constantinople, sur un bateau qui amene
des recrues en guenilles, mais tout disposdes a la danse. Le tableau

de Stamboul est brillant. Comme importance, c'est une de ces


villes necessaires qui survivent fatalement a toutes les revolution?. Pera, batarde", degoiite cet amateur de choses simples
et originales. A ate de Balik-Bazar, oil se font les executions,
it y a les autres bazars, peints avec un vrai talent d'artiste. Ces
observations montrent un habitue. Le marche .d'esclaves existait
encore et on ne le neglige pas. Reynaud est emu, comme ses
predecesseurs du XVI-e siecle, en voyant l'affection que les Turcs
temoignent aux oiseaux, qui sont sous la sauvegarde de la piete
publique". Les voitures, qui ressemblent a des carrosses du temps
de Louis XIII", n'echappent pas a son attention en eveil. Suit I'dnumeration des mosquees, des fontaines, des cimetieres, des 6vages et des environs, le couvent des derviches hurleurs y coin

Il y a des pages charmantes sur cette region de banlieue,


qui finit par de jolis villages. L'oeuvre de reformes du Sultan
pris.

Mahmoud est dedaignee.

Le chapitre suivant est consacre a Brousse. L'entree dans la


vieille ville des Sultans est rendue d'une facon impressionnante.
Quelques lignes seules sur la belle Oulou-Dchami.

Il y a aussi, avant de passer en Syrie pour ne s'arreter qu'a


Heliopolis, un chapitre sur les Sporades. Rhodes en occupe la
plus grande partie, et cette description de la cite des Hospi.taliers est tout a fait digne des autres. Un detail inconnu : celui

que le prince de joinville s'etait approprie deux portes en sy-,


www.dacoromanica.ro

Nouveaux voyages dans le Sud-Est europeen

133

comore, admirablement sculptees, qui fermaient l'ancien hopital,


et qui tombaient en ruines" j. A peine quelques notes fugitives
sur Chypre, ou le voyageur est alle visiter Larnaka.
II.

En regard de cet ouvrage francais, plein de poesie et de sens


pour la beaute, nous placerons celui d'un Allemand, d'origine
anglaise, vivant a Petersbourg, savant prdoccupd des souvenirs
antiques et evangeliques, Hermann Dalton, qui fit, vers 1883, le
meme voyage (Reisebilder aus Griechenland and Kleinasien, Breme
1884).

Le voyageur part des champ de Philippi, oil le souvenir de


l'Apotre l'a attire. Les memes reminiscences religieuses, avec la
meme attitude de pasteur drudit, le menent a Salonique, ou l'ecrivain trace le meme tableau de predication aux gentils Mais ici
it dolt bien s'arreter sur l'aspect contemporain d'une ville d'environ 100.000 habitants, dont la moitie est juive espagnole. Le
voyageur se laisse saisir par la grace des minarets s'elevant au
dessus du chaos d'un mouvement de commerce qui impose son
caractere a l'ensemble. Rien dans les monuments n'interesse celui
qui entend suivre les pas de saint Paul, dont it raconte le sejour
a Thessalonique. II prefere s'arreter sur la colonie protestante du
docteur Maroulis, forme en Allemagne.
Meme a Athenes c'est l'apotre qui conduit le voyageur, mais
it est difficile d'y &after l'appel de l'antiquite classique. Il y aura
done de breves descriptions de monuments, mais seulement pour
encadrer repisode eternise par l'Epitre. Pas un mot sur la ville
moderne et ses habitants.
En chemin vers Smyrne, le long des Iles si vite gagnees pour
le christianisme les memes preoccupations persistent. Mais Dalton
se surprend a &outer les recits du capitaine de vaisseau, Wen
entendu sur telle conversion miraculeuse, toute recente, d'un effendi, que la pitie d'un missionnaire evangelique avast preserve
d'une mort par ordre du Sultan. Pour la premiere fois ils se laisse
gagner par la beaute des sites. L'oeuvre de Midhat-Pacha a
Smyrne merite ses eloges. Pour le reste, des visites aux diaconesses" protestantes et des histoires de martyrs. L'oeuvre du
missionnaire allemand Fliedner, a partir de 1851, est mentionnee
avec gratitude.
N. lorga.
Pp. 131-134.

www.dacoromanica.ro

134

N. lorga

Lettres de Dora d'Istria


Une publication roumaine recente ' rappelle le souvenir, depuis
longtemps obscurci, de cette femme, d'une rare orientation litteraire, d'une grande facilite d'ecrivain, d'une curiosite toujours en
eveil et d'un devouement infatigable pour les causes les plus nobles, nationales et sociales, qui a ete Helene Ghica, devenue par
un mariage malheureux, qu'elle n'a jamais rompu, tout en n'ayant
rien de commun avec un mari de mentalite inferieure, princesse
Koltzov-Massalsky et preferant a sa double qualite princiere le beau

nom de guerre en litterature, de Dora d'Istria.


Paolo Mantegazza, dans une preface a un opuscule italien de
cette rpersonnalite si distinguee', observe que rarement des qualites
si peu communes se trouverent ensemble : un corps de toute
beaute, un coeur de toute grace et noblesse, une raison d'artiste
et de penseur".
Nee a Bucarest, le 22 janvier 1829, d'une famille qui a donne
plusieurs princes a la Valachie autant qu'a la Moldavie, et des
meilleurs, fille d'un Grand Ban valaque et niece du prince regnant

Gregoire Ghica et du futur successeur de celui-ci, Alexandre,


eleve du grec G. G. Papadopoulos, elle eut, pendant son adolescence, l'occasion de connaitre, accompagnant ce pere eclaire, les
societes de Vienne, de Berlin et de Dresde. Tres jeune, elle aurait
traduit, deja une polyglotte emerite, l'Iliade en allemand.
Son mariage en 1849, pendant l'occupation russe en Valachie,
la fit passer en Russie, on elle fut parmi les personnel les plus
remarquees a la Cour. Elle se livra, pendant son sejour a Petersbourg, aussi a la peinture et exposa des paysages en 1854. Mais,
des Pannee suivante, son mari etant mort, elle quittait un monde
qui ne pouvait que deplaire a un esprit aussi original et aussi
libre que le sien.
Depuis lors elle ne fit que voyager, a travers les pays, de meme
qu'a travers les idees. Elle connut la Belgique et la Suisse, 1'Italie
et la Grece, l'Autriche et l'Allemagne, les Etats Unis. Partout elle
1 Magda loan, Dora d'Istria, preface de N. Iorga, 1931.
2 Gli eroi della Rumenia, profili storici, Florence, Barbera 1887. Voy. aussi B.
Cecchetti, Bibliografia della principessa Elena Ghika, Venise, 1868; Amedee Pornmier, Dora d'Istria.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

135

ne faisait que s'informer, chercher le commerce des individualites


les plus distinguees, s'inscrire parmi les collaborateurs des journaux et des periodiques les plus en vue. Par dessus cette curiosite inassouvie elle se sentait une mission : celle de defendre les
causes de justice, de predire les reformes de l'avenir, de se meler
aux revolutions de la pensee.
Le sujet, au fond, n'etait qu'un pretexte : Parfois l'histoire de
son pays, de celui de ses plus lointains ancetres, 1'Albanie, de celui
de sa parent& a travers deux siecles, la Grece, qui lui delivra en
1867 des lettres de naturalisation. Parfois les spectacles de la nature exotique, les details nombreux d'un voyage attentif. Parfois
des commemorations d'ecrivain. Parfois aussi les institutions des
societes qu'elle etait arrivee a connaitre. De temps en temps quelque oeuvre d'imagination ; jamais des vers. Mais, toujours, au bout,
l'ideal dont elle s'etait fait la servante, ideal de liberte et de nationalite. II y avait dans cette femme, pendant longtemps jeune et

belle, admiree et courtisee, l'etoffe d'un precheur et d'un apotre.


Bien peu reste aujourd'hui, apres la victoire de cette predication
apostolique, d'une oeuvre si variee, si eloquente parfois, si interessante lorsque l'erudition a bon marche, en tout cas peu disciplinee et methodique, n'etouffe pas les dons naturels de son sexe
et n'obscurcit pas la grace lumineuse de son ame feminine. Une
chrestomathie de son oeuvre dispersee et abandonnee ferait cependant encore assez bonne figure: la Suisse ainsi qu'elle l'a vue, tels
paysages roumains perdus dans Le Monde Illustre ou dans l'Illustra-

tion, les observations sur les couvents de l'Orient, les plaidoyers


pour les droits de la femme, la defense chaleureuse d'une. patrie
qu'elle avait abandonnee si tot et d'une facon definitive y trouveraient leur part. On pourrait faire passer en francais ce qu'elle
a donne en italien, en grec, jamais dans la langue de la nation
meme a laquelle elle se disait cependant fiere d'appartenir.
Sa correspondance a ete, naturellement, tres vaste. Elle aimait
ecrire et elle ne manquait pas de faire une selection difficile pour
ceux qu'elle invitait A un echange d'idees ; les grands noms l'attiraient et on ne pouvait pas manquer a l'appel d'une femme d'un
si grand nom et d'une reputation si large. Lorsqu'elle mourut,
deja agee, dans son villino de Florence, elle a du laisser des materiaux epistolaires riches et precieux. II ne nous en reste, malheureusement, presque rien,

www.dacoromanica.ro

N. lorga

136

Une dame italienne me donnait, it y a peu d'annees, quelques


breves lettres, que j'ai publiees dans cette revue meme. Maintenant
un hasard m'a fait avoir, pour en faire don a l'Academie Roumaine,
tout un groupe de correspondance avec un lettre hongrois, Hugo
Meltzl de Cluj (Kolozsvar, Klausenbusg) directeur d'une revue de

litterature comparee, qu'elle avait connu pour des relations litteraires. Je ne crois pas faire oeuvre inutile pour l'histoire litteraire de l'epoque en les communiquant a nos lecteurs.
1.

Rapallo,

Province de Genes,
7 aout 1877.
Messieurs les Directeurs,

Je vous envoie un exemplaire de la Poesie des Ottomans, ouvrage

que je viens de publier a Paris, a la Librairie Orientale.


Tandis que je travaillais a mes etudes sur les Epopees asiatiques,
publiees dans la Nuova Antologia, je commencais, dans la Revue
des deux mondes, mes recherches sur la poesie des peuples touraniens. Apres avoir fait paraitre la Poesie populaire des Magyars et
des Turcs orientaux, je m'occupe maintenant des poetes de l'Empire
des Sultans. Lorsque j'aurai mis la derniere main a une etude, deja
fort avancee, sur Les poetes turcs de l'empire persan, j'aurai termine
l'Histoire de la poesie des nations turques, nations dont la vie intel-

lectuelle est encore si peu connue en Occident.


Agreez, Messieurs, l'expression de ma haute consideration.
Dora d'Istria.
2.

Rapallo,

Province de Genes,
27 aoilt 1877.
Monsieur le Professeur,

Je vous remercie de vos bienveillantes intentions pour la Poisie


des Ottomans.

Je ferai volontiers un article pour votre revue sur un nouvel


ouvrage de M. Benloew, doyen de la Faculte des Lettres de
Dijon, La Grece avant les Grecs. Le savant philologue a repandu un

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

137

jour tres vif sur l'importante question de I'origine des Albanais,


dont tant d'ecrivains, strangers aux etudes orientales, s'obstinent a
faire des Slaves.

J'ai lu avec beaucoup d'interet votre remarquable traduction de


Petiifi. Lorsque j'ai lu la traduction francaise de cet ecrivain vraiment original, j'avais dj constate qu'il meritait une place parmi
les premiers poetes de notre sicle.
Des vastes plaines que Petofi preferait aux plus beaux sites des
Alpes et des Apennins a 1' empire des sources du soleil" it y a
fort loin sans doute. Cependant l'esprit chevaleresque de ces heros
magyars dont les exploits sont dans toutes les memoires se retrouve
bien souvent chez ces vaillants fils de la race touranienne qui ont
civilise l'Extreme Orient. Lever theatre nous offre plus d'un exem-

ple de ce devouement du chef feodal qu'on a cru si longtemps


appartenir exclusivement a la race germanique.
Malheureusement, comme vous le dites fort bien, ce theatre est

encore fort peu connu. La lecture de la comedie que vous avez


bien voulu m'envoyer offre donc un interet tout particulier.
Agreez, Monsieur, avec tous mes remerciements, l'expression de
ma haute consideration.
Dora d'Istria.
3.

Florence,
Villa d'Istria,

Via Leonardo da Vinci,


13 octobre 1877.
Monsieur le Professeur,

Je recois votre derniere lettre a mon retour des bains de mer.


Vous pouvez fort bien ajouter mon nom a celui de vos collaborateurs.

Comme vous le dites avec raison, les circonstances ne sont pas


des plus favorables au developpement de la vie intellectuelle. Tant
que ces circonstances n'auront pas change, it ne vous sera pas
facile de realiser les vues que vous voulez bien m'exposer. Aussi
vous avez bien fait de commencer votre oeuvre sans fracas et sans
pretendre tout achever en un seul jour. Mais, avec de l'application,
de la perseverance et de la resolution,.la parabole evangelique du

www.dacoromanica.ro

N. Iorga

138

grain de seneve peut toujours devenir une realite. Des debuts fort
modestes n'ont pas empeche la Revue des deux mondes de se repandre plus tard dans tous les pays latins. La situation d'tdinbourg aux extremites de l'Occident europeen n'a en rien gene la
diffusion de l'Edinburgb Review dans touter les contrees on l'on park
la langue anglaise. Placee entre l'Orient et l'Occident, la Hongrie a

une position qui n'est nullement defavorable pour l'echange des


idees entre les deux parties de notre continent, entre la race
aryenne et la race touranienne.
Agreez, Monsieur, l'expression de ma consideration la plus distinguee.

Dora d'Istria.
4.

27 octobre 1877.
Monsieur le Professeur,

J'ai recu fort exactement la douzaine d'exemplaires que vous


avez eu l'obligeance de m'envoyer, et je vous offre tous mes remerciements.

Vous ne devez avoir aucune inquietude sur l'impression, qui


est parfaitement correcte. L'article n'aurait certainement pas ete
mieux imprime dans un recueil parisien, c'est-i-dire a Kolozwar
aussi Bien comme a Paris.
Je comprends fort bien l'importance que doit attacher une revue

telle que la vote a la partie bibliographique.


Soyez convaincu que, lorsqu'il arrivera a ma connaissance un
ouvrage propre a interesser vos lecteurs, je ne manquerai pas de
vous le signaler, en y ajoutant quelques lignes d'appreciation. Pour
le moment je vous envoi e la Grammatica della lingua albanese de M.
De Roda, ecrivain albanais, ouvrage qui probablement n'est pas
encore connu des philologues magyars.

Je viens de recevoir le travail du Brahmane Nisi Kanta Chattopadhyayo. Il est possible qu'il ait de l'interet pour moi, car, en
ces dernieres annees, j'ai publie dans la principale revue italienne,
La Nuova Antologia, des etudes sur les grandes epopees de l'Inde.
A une poque anterieure, j'avais envoye a la Societe d'archeologie d'Athenes, dont je suis membre, un memoire sur les Etudes
indiennes dans l'Italie septentrionale, memoire dont it

www.dacoromanica.ro

a pare une

Lettres de Dora d'Istria

139

traduction italienne. Ces etudes sur les Aryens ne me faisaient


point negliger les nations touraniennes, car je publiais en meme
temps La Poesie populaire des Magyars, La Poisie populaire des Turcs
orientaux, La Poisie des Ottomans. Je me suis meme occupee des

Turcs de l'Empire persan, sans avoir encore rien fait paraitre sur
ce sujet. On ignore generalement que dans les Etats du roi des
rois" la race turque, a laquelle appartient la dynastie regnante, a,
grace a ses aptitudes militaires, fini par l'emporter sur les Aryens
(Tadjiks), ainsi qu'elle l'a fait, a une poque bien plus ancienne,
dans le Turkestan.
Agreez, Monsieur, !'assurance de ma consideration bien distinguee.

Dora d'Istria.
5.

13 decembre 1877.
Monsieur le Professeur,

Je n'ai aucune objection a faire contre la publication du passage


de ma lettre insere dans le dernier numero.
Je vois que, pour ce qui regarde les ouvrages, j'avais mal cornpris votre pensee, et vous avez fort bien fait de rectifier mon
interpretation inexacte.
J'ai rect.' le livre de M. Felix C. y Sobron sur les idiomes de
l'Amerique du Sud. Ce sujet commence a attirer !'attention des
savants europeens, et je m'en suis moi-meme occupee, mais pas
assez toutefois pour avoir sur la question une maniere de voir
bien arretee. Il me semble qu'elle n'est pas sans importance, car
elle peut contribuer a resoudre le probleme de l'origine de la race

indigene des deux Ameriques, nommee d'une facon assez peu


exacte race rouge". Cette race, je le sais, est rattachee par bien
des ethnologues aux Touraniens asiatiques , mais cette hypothese

me semble sujette a plus d'une difficult& En general, !'etude de


la race touranienne est fort arrieree. J'ai pu le constater quand j'ai
commence mes recherches sur la poesie des nations de la famille
turque. On se contente de generalites, souvent contraires aux faits.
Ainsi, pour ne parler que de la Perse, on dit que les Aryens y
sont fort superieurs aux Touraniens. Cette assertion, tres vraie a
une autre poque, au temps ou Firdousi ecrivait le Chab-nameh,

www.dacoromanica.ro

N. lorga

140

histoire epique de la lutte des deux races, est fort loin de retre
maintenant.

Dans mes etudes sur la poesie des Turcs de l'Empire persan,


qui n'ont pas encore ete publiees, je prouverai que la superiorite
politique et litteraire appartient a l'element turc, qui a donne a
l'Iran la dynastie regnante, les Khadjars. Dans la Poesie populaire
des Turcs orientaux, j'avais ete amenee aux mernes conclusions pour

le Turkestan, et depuis les voyageurs americains et anglais ont


prouve que cette maniere de voir est la seule soutenable. II est
essentiel dans de pareilles recherches de rester au dessus des prejuges de race et de secte et de prendre les faits tels qu'ils sont.
D'ailleurs la race aryenne est bien plus melee d'elements strangers, meme dans l'Europe occidentale,
qu'on ne le croit generalement. Dans le memoire intitule Los Ligures, lu a l'Institut d'antiquites de Buenos-Ayres, dont je suis membre, j'ai montre que le
sang ligure coule a flots dans les veines des nations occidentales"
Ce sont precisement les expressions dont se sert M. Maury, directeur des Archives de France, quand it parle du role de l'element
touranien en Russie (La Terre et l'Homme). De fait, sous le regne
de la dynastie normande, les Rurikovitchs, quelle masse de Petchenegues, Turces, Polovtsi, etc. a ete soumise et russifiee par
les Brands- princes de Kief !

Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de ma consideration


la plus distinguee.
Dora d'Istria.
6.

25 janvier 1878.
Monsieur le professeur,

Je vous remercie beaucoup d'avoir eu l'obligeance de m'envoyer


le Magyar Polgdr et de m'avoir donne des renseignements sur les

journaux de Pest et de Vienne. Dans l'Europe Occidentale la


Poesie des Ottomans est bien accueillie aussi par les principales
revues. Je citerai de preference, parce que l'auteur a longtemps
habits l'Orient, l'article d'un membre de l'Institut de France, M.
Georges Perrot, professeur a la Sorbonne, dans les Essais de la
Revue des deux mondes (1-er octobre).

Vous pouvez fort bien imprimer le passage de ma lettre relatif


a l'ancienne extension, fort grande, de la famille ligure en Occiwww.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

141

dent. Je ne sais si je vous ai dit que j'ai developpe cette these


dans un memoire intitule Les Ligures, envoye a l'Institut d'archeologie de Buenos-Ayres, qui m'avait nommee membre d'honneur.
Ce memoire a paru dans le Bo letin mensual del Institute boanerense
(t. I, pp. 132-144 et 181-193).
Je vous remercie d'avoir bien voulu m'envoyer votre etude sur
Schopenhauer, dont le professeur Caro s'occupait encore recemment dans la Revue des deux mondes. Le dr. Buchner lui consacre
un chapitre d'un livre que j'ai maintenant dans les mains, Science
et Nature. Ce penseur original sera longtemps encore l'objet d'interpretations contradictoires. II semble se rattacher a ces vastes
systhemes de l'Inde que j'ai exposes dans les Epopee asiatiche. Probablement it aura le sort de Hegel, auquel se sont rattachees plusieurs ecoles dont les idees etaient loin d'tre pareilles. Hegel luimeme, a-t-on pretendu, disait a son lit de mort : Un seul homme
m'a compris et encore ne m'a-t-il pas bien compris !". Les philosopher de l'Allemagne se distinguent par la profondeur, mais, la
langue aidant, ils ne brillent pas par la clarte.
Le dr. Biichner, qui, en sa qualite d'Allemand, doit avoir peu
d'estime pour la clarte latine", est pourtant d'avis que, malgre
ses vives et spirituelles critiques de ses predecesseurs, le philosophe de Francfort s'est expose comme eux aux commentaires les
plus divers. II lui reproche surtout d'avoir employe les mots dans
un sens fort different de celui que tout le monde leur donne.
Continuant mes travaux sur la Ligurie (Les Ligures ; Pegli ; Rapallo ; la Spezia, etc.), je commence dans l'Omiros de Smyrne la
publication de La Republique de Genes. Bien loin de l'Orient, a Philadelphie, je fais paraitre, dans le Penn Monthly (janvier), La condition sociale des femmes chez les Slaves du Sud. Maintenant que nous

pouvons en meme temps faire entendre notre voix a de telles


distances, combien le monde du moyen-age nous semble etroit !
J'ai ete d'autant plus enchantee d'avoir la Gazette de Riga, que
vous avez bien voulu m'envoyer, que je continue de recueillir
des documents pour l'histoire des princes Ghika, dont la premiere
edition a paru en italien. Ces details sur mon arriere-grand-oncle
Gregoire III sont d'autant plus precieux qu'ils confirment mon
jugement sur le caractere de ce prince, que le stupide AbdoulHamid I (nom fatal a la Turquie) a fait assassiner, parce qu'i,1 avait
plus de souci des interets de l'Empire Ottoman que les cupides

www.dacoromanica.ro

N. iorga

142

et aches ministres du padichah. Abdoul-Hamid II n'a pas agi beaucoup mieux avec Midhat-Pacha.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
7.

Florence,
14 fevrier 1878.

Monsieur le Professeur,

Je vous prie de m'envoyer le passage de ma derniere lettre qui


se rapporte a Gregoire III Ghika. Peut-8tre y trouverai-je quelque
changement a faire.
En effet les documents inedits se multiplient sur cette fin tragique et memorable. Un erudit de la Bukovine, Hourmouzaki ', a
consacre sa vie a des recherches sur ce sujet. Les volumineux
manuscrits, legues au gouvernement roumain, donnent la plus lugubre idee de la criminelle politique des gouvernements absolus.
Un diplomate francais, fort conservateur, Cyrille (baron d'Avril),
est oblige d'avouer, dans un fort interessant chapitre du livre intitule : De Paris d Pile des Serpents, que la maniere d'agir des gouvernements qui prirent part a l'assassinat de Gregoire a ete vraiement honteuse.
Je ne sais, Monsieur, si vous avez lu le troisieme volume de la
Nouvelle geographie universelle d'Elisee

Reclus. On trouve sur le

role des Touraniens, des Aryens et des Semites dans le royaume


de Hongrie des considerations qui ne sont point denuees d'interet.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma consideration la plus distinguee.
Dora d'Istria.
8.

25 fevrier 1878.
Monsieur le Professeur,

Je crois comme vous que la publication du passage de ma lettre sur Gregoire III n'aurait pas d'opportunite.
1 Eudoxe de Hurmuzaki. Sa collection, formee aux Archives de Vienne, a
fourni la base des Documente privitoare la istoria Romdnilor, que public l'Academie Roumaine. De certains de ces materiaux it a tire ses Fragmente zur Ge-

schichte der Romdnen, chapitres de l'histoire generale de sa nation, a laquelle it


N. I.

s'etait prepare.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora &Istria

143

Dans le livre d'Elisee Reclus la description du sol tient beaucoup plus de place que tethnographie. C'est donc une veritable
geographie". Loin de donner le premier rang aux considerations
ethnologiques, it les subordonne a d'autres, qu'il regarde comme
d'un ordre superieur. Son opinion sur les Magyars, d'autant plus
digne d'tre remarquee que ses theories ultra-democratiques ne le

disposent guere en faveur des Etats monarchiques , fait bien


comprendre son point de vue (tome III, p. 290: Hongrie et
Transylvanie. Le pays des Magyars et des Roumains").
Quelles sont ses destinees prochaines (de la Hongrie) ? C'est
avec anxiete que l'on attend le changement d'equilibre qui ne peut
manquer d'avoir lieu dans l'Europe danubienne ; mais, quel que
soit le groupement politique futur des populations de l'Orient, la

nation etablie dans l'immense arene qu'entourent les Carpathes


aura toujours la plus large part dans le territoire conquis et defendu par elle. On a souvent pretendu que l'empire du monde
devait appartenir aux hommes de race aryenne et que les autres
families ethniques etaient destinees a subir le joug : ii est bon
pour l'avenir de l'humanite qu'en Europe meme et dans une partie vitale du continent ce soit. precisement une nation non aryenne, quoique fort apparentee aux autres races europeennes par
les croisements , qui exerce le role principal. Aux orgueilleuses
pretentions des Indo-Europeens, les Magyars repondent par leur
histoire. Its ont eu de grandes defaillances ; neanmoins quel est
parmi leur voisins celui qui osera se dire superieur a eux par l'intelligence, la bravoure et l'amour de la liberte ?"
J'ai ete enchantee des renseignements que vous me donnez,
Monsieur, sur l'ecrit de M. Thompsen, professeur a l'Universite
de Copenhague. En effet je m'occupe pour le moment d'un travail sur les origines de la Russie, que je crois scandinaves comme
lui. Vous m'obligerez donc beaucoup si vous voulez bien me
preter ses Relations, que je vous renverrai des que j'aurai pris quelques notes.
Les textes albanais etant fort races, j'apprends aussi avec satisfaction que M. Hasdeu a publie une ballade dans sa Colonne de Trajan.

Ayez la complaisance d'en faire une copie et je tacherai de vous


en envoyer une traduction exacte.
J'ai lu ces derniers jours l'article du professeur Caro sur Schopenhauer. Ne se fait-il pas de grandes illusions sur les tendances

www.dacoromanica.ro

144

N. Iorga

qu'il croit essentiellement optimistes, de son pays ? Schopenhauer,


qui avait lu et relu, au Havre, le Candide de Voltaire, en savait plus
long sur ce point que l'academicien francais. Le Rene du pseudocatholique Chateaubriand n'est pas moths pessimiste que l'Obermann
de Senancour. Il est difficile de trouver le moindre optimisme dans
le Pere Goriot et dans tant d'autres oeuvres populaires de Balzac. M.
Zola, ce fidele disciple de l'auteur des Illusions perdues, ne marchet-il pas sur ses traces ? II suffit de citer L'Assomoir, qui a fait tant

de bruit en 1877.
Un autre adversaire de Schopenhauer, le pasteur Reville, n'accorderait peut-titre pas facilement que la vogue de ses doctrines
vient surtout de I'affaiblissement des croyances religieuses", ce
qui, en France, veut dire catholiques". II met en relief avec une
rare finesse les tendances pessimistes des ecrivains religieux". II
aurait pu ajouter que le poete de Recanati est ne dans une des
contrees les plus orthodoxes de l'Italie. Leopardi ne nous a-t-il
pas dit lui-meme a quelle melancolique ezole it avait perdu ses
illusions" ?

Mais, pour M. Caro, l'auteur du Bruto Minore est simplement


uu infirme" comme les autres adversaires de l'optimisme. Ces
epithetes peu courtoises sont maintenant trop facilement employees.
Si M. Caro avait lu le livre d'un de ses compatriotes, le dr.

Moreau, if aurait trouve parmi les celebres, malades" du physiologiste de Tours plus d'un nom dont les optimistes sont fiers. Ces
optimistes ne sont certainement pas plus fous" que les pessimistes :
les uns et les autres representent, comme tous les metaphysiciens,
des tendances de l'esprit humain aussi anciennes que le monde.
Aristote disait deja de son temps que tous les esprits superieurs
etaient melancoliques". Les auteurs de Job et du Kohelecth (l'Ecclesiaste) etaient certainement loin d'etre optimistes, et ceux qui
regardent la Bible comme l'oeuvre de l'Esprit-Saint devraient etre
plus indulgents pour le penseur de Francfort. En effet, bien avant
lui, la Bible avait dit : L'homme, ne de la femme, vit peu de
jours et sa vie est remplie de beaucoup de miseres". Ces miseres
sont rendues plus graves par les erreurs qui, dit Paul-Louis Courier, commentant Voltaire, ont fait de l'histoire un amas d'extravagances et d'horreurs".
Ne vous genez pas, Monsieur, pour vos lettres, et songez surtout
a vos yeux. J'ai l'habitude, pour mon compte, de les laver chaque

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

145

soir avec de l'eau dans laquelle j'ai verse quelques gouttes de


citron. Ce moyen, fort simple, m'a toujours reussi. Mais parfois
le nerf optique se fatigue, par suite de l'exces de travail et d'une
tension trop prolongee du cerveau. II faut alors fermer les yeux
pour les reposer de temps en temps, faire de rexercice et fatiguer
ses jambes pour delasser sa tete.
Quand j'ai recu votre ecrit, Ste llung, Masz and Methode der Philosophie, je lisais un article de la Revue d'Edimbourg sur le College
d'Eton, qui confirme pleinement ce que dit la profonde epigraphe
de Champfort que vous avez prise pour devise de votre premiere
partie. L'auteur montre fort bien que les erreurs de la Societe anglaise out rendu jusqu'a present impossible dans son pays une
vraie reforme de l'enseignement secondaire.
Comment en serait-il autrement ? Chaque generation n'a d'autre
souci que de transmettre a celle qui doit la suivre les opinions
et les habitudes qui lui semblent toujours la regle eternelle des
intelligences et des caracteres.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
9.

Florence,

9 mars 1878.
Monsieur le Professeur,

je vous remercie beaucoup du cadeau que vous voulez bien


me faire. En effet, come je vous le disais dans ma derniere lettre,
le volume du professeur Thompsen, tres bien fait, fort clair, savant
sans aucun pedantisme, sera de la plus grande utilite a tous ceux
qui, comme moi, etudient les origines de l'Etat russe. En outre,
it m'offre un interet particulier, les Koltzoff-Massalsky &ant, depuis
la mort du dernier des Odoievsky, la branche ainee de ces Rurikovitchs dont le docte professeur de Copenhague constate l'oririgine scandinave. Le livre du prince Pierre Dolgorouky (Notice
sur les principales families de la Russie", Berlin, Schneider, 1858,
2-e edition. Depuis la publication de cette edition, la branche
ainee, les Odoievsky, s'est eteinte et a ete remplacee par les
Koltzoff-Massalsky) est le complement de celui du professeur
Thompsen, car it poursuit jusqu'a nos jours l'histoire des families
2

www.dacoromanica.ro

146

N. lorga

dont l'auteur des Relations defend les veritables origines contre


ceux qui veulent transformer les annales des nations au gre de
leurs fantaisies ou de leurs calculs.
J'ai, comme vous l'avez suppose, Monsieur, les Rapsodie de MM.

de Kada et JenO de Coronei. Les Rapsodie sont un recueil interessant de chants populaires. M. de Kada, qui a eu l'idee de
cette publication, vient de m'envoyer le tome V-e de ses Poesie
albanesi (Napoli, Mormile, 1871), volume consacre a Scander-beg,

le heros national. Cette publication est une nouvelle preuve du


reveil de la vie intellectuelle chez les Albanais, auquel le supplement du Grand Dictionnaire universel (t. XVI, Paris, 1878) m'at-

tribuait recemment une part active. Ce meme Dictionnaire met


ma Poesie populaire des Magyars en tete des ouvrages qui ont vivement attire l'attention du monde lettre et qui n'ont fait qu'accroitre la reputation de l'auteur". M. Vapereau y renvoie les lecteurs de son nouveau Dictionnaire des litteratures. Pour ces ecrivains,

le grand merite de cette etude est sans doute de contenir des


renseignements sur une question dont on ne devinait pas l'interet
dans les pays latins, ou l'Europe orientale est encore si peu etudiee.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
10.

Rapallo,

Province de Genes,
16 VII, 1878.
Monsieur le Directeur,

Je vous envoie un article sur la poesie contemporaine des


Persans. Quoique le temps ne soit plus oil l'on disait a Paris :
Comment peut-on etre Persan", l'Iran est un pays fort peu connu,
et les journaux qui en ont pule, a propos du voyage du schah, ont
prouve generalement qu'ils n'avaient sur ce sujet que des idees
excessivement confuses. Its n'ont pas surtout compris le dualisme
perpetuel de son histoire et de sa litterature. Depuis les temps les

plus anci ens l'empire du roi des rois" est le theatre de la turbulente activite de deux races, les Aryens et les Touraniens, qui
ont tour a tour occupe le premier rang. Les Semites ont meme
joue un role, en imposant a la Perse le monotheisme musul-

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

141

man, comme les empereurs chretiens ont impose a l'Europe le


monotheisme juif. L'unite si chere a la plupart de ceux qui font
l'histoire des peuples et des litteratures n'existe que dans leur

esprit. La nature est bien plus variee que leurs conceptions fantaisistes, et le travail de la critique moderne consiste a retrouver
l'infinie variete des choses vivantes sous la trompeuse unite des
theories systematiques.

Agreez, Monsieur, l'expression de ma consideration la plus


distinguee.

Dora d'Istria.

P. S. J'ai vu par votre journal qu'un des membres de la redaction souffrait des yeux. J'aime a penser qu'il ne s'agit pas de vous,
quoique vous m'ayez ecrit, it y a quelque temps, que vous n'etiez
point satisfait de Petat de votre vue.
11.

Rapallo
(Provincia di Genova),

30 juillet 1878.
Monsieur le Prof esseur,

J'approuve completement le projet que vous avez de tirer a part


des exemplaires de la Poisie persane. Je crois comme vous que la
phrase de ma lettre que vous citez (L'unite si chere a la plupart
de ceux qui font l'histoire des peuples et de la litterature n'existe
que dans leur esprit") conviendrait fort bien pour epigraphe.

J'accepte avec plaisir la dedicace de la publication que vous


vous proposez de faire. Quant a la question que vous me posez
sur l'accent de l'a par lequel commence toute dedicace, it faudrait
un accent grave (a) si la dedicace etait imprimee en caracteres ordinaires, mais, comme en francais on emploie habituellement les
majuscules pour les dedicates, on supprime tout accent.
Le plan que vous tracez, Monsieur, d'une revue ideale, contient
beaucoup de vues interessantes.
Une revue internationale, publiee en meme temps dans les prin-

cipales langues, en Europe, en Asie et en Amerique, semble au


premier coup d'oeil une entreprise fort difficile a realiser. Cependant la librairie Hachette fait paraitre chaque semaine, depuis plusieurs annees, Le Tour du Monde, qui est publie en onze langues,
et qui a beaucoup de succes. Il est vrai que ce que peut faire la
www.dacoromanica.ro

148

N. Iorga

principale maison de librairie francaise, dont les relations sont


immenses, ne serait pas aise a d'autres.
Vous n'avez pas tort de penser, Monsieur, que la question des
honoraires tend de plus en plus a transformer la litterature des
revues en litterature industrielle. L'auteur de la Vie de Theophile
Gautier" rapporte de curieux details, qu'il tenait de cet ecrivain, sur
le mal irreparable que fait aux lettres contemporaines !'intervention perpetuelle des industriels et de !'industrie dans la litterature.
Depuis la mort du poete francais, ce mal s'est tellement developpe
qu'il semble reellement incurable. Les nations qu'on nomme jeunes", par exemple les Etats-Unis, en souffrent encore plus que
!'Europe.

Lutter contre l'envahissement de ce mercantilisme est sans doute

une rude tache, mais elle est de nature, precisement a cause de


ces difficultes, a tenter les esprits genereux et les ames viriles. La
resolution du caractere, si utile dans la conduite de !'existence,
peut rendre bien des services dans la vie litteraire, oil it est encore plus difficile de vouloir energiquement ce qui est bien que
de le comprendre.
Vous autres, Magyars, vous etes heureusement un peuple decide, et vous ne vous effrayez pas aisement des obstacles qui en
decourageraient bien d'autres. Comme je vous le disais dans une

de mes lettres, les entreprises qui reussissent ne sont pas celles


qui commencent de la fawn la plus fastueuse. Il faut savoir etre
gland avant d'tre chene.
Agreez, Monsieur le Professeur, !'expression de mon parfait devouement.

Dora d'Istria.
J'aime a croire que le repos des vacances vous sera utile et que

vos yeux surtout s'en trouveront bien. Je vous remercie des souhaits que vous voulez bien faire pour le resultat de mes bains.
Le caldo di Firenze m'avait, it est vrai, assez fatiguee, mais je me
trouve deja mieux.
12.

Rapallo,

31 juillet 1878.
Monsieur le Professeur,

Dans le cas oa je me serais trompee, et oil vous auriez !'intention de publier ma lettre entiere, je vous prierais de me l'enwww.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

149

voyer, et je vous la renverrais apres l'avoir relue

et, si cela est

utile, corrigee.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de ma haute consideration,
Dora d'Istria.
13,

Rapallo,

Province de Genes,
11 aoCit 1878.

Monsieur le Professeur,

Je vous renvoie la lettre, a laquelle je ne vois pas de changement a faire.


J'aurais voulu aussi vous envoyer la livraison du Tour du monde
dans laquelle j'ai public Le Golfe de la Spezzia. Vous auriez ainsi
fait connaissance avec ce recueil international et avec une des
plus belles contrees de cette magnifique Italie, contree qui, elle,
n'est point inferieure a l'idee qu'on s'en faisait. Mais, comme je
n'ai point ici cette livraison, je devrai attendre que je sois revenue
a Florence.

Le mot empese", que vous appliquez, Monsieur, aux savants


allemands, est des plus spirituels. Mais vous avez parfaitement
raison de dire aussi que, s'il s'agit vraiment de science, on est Bien
oblige de recourir a eux, a moins qu'on ne soit dispose a se
contenter de cette rhetorique dont s'arrangent si aisement ceux
qui ne comprennent pas les vraies et rigoureuses conditions de
l'esprit scientifique. Les articles de M. Frank, professeur au College
de France, sur la Philosophic de l'Inconscient (Journal des Savants de

1877) semblent a plusieurs personnes competentes appartenir a


cette rhetorique.
Le prospectus du club anglais, contenu dans vottre lettre, m'a int&

ressee. En effet peu de gens se preoccupent autant que moi de


tout ce qui peut arracher les peuples a un isolement si funeste
au progres de notre espece. Aussi tout essor fait dans cette direction me semble toujours fort digne d'etre examine. Les vignettes
ont aussi du cachet, et cette comparaison des attitudes et des costumes donne a penser. Quant au Japon, je comprends qu'on retudie

www.dacoromanica.ro

N. forgo

150

avec interet. Que de belles philosophies de l'histoire" sont confondues par retude impartiale de ce peuple original ! Ce fameux
attachement au chef", ce trait caracteristique, essentiel du Teuton,
on a-t-il ete plus puissant et plus chevaleresque que dans rempire
des sources du soleil" ? A ces extremites du monde touranien,
que de traits qu'on pretend purement aryens !
Une des dames nominees dans la correspondance de Florence
dont vous parlez, dans une lettre adressee a la Gazzetta d'Italia a
prouve que tout ce qu'on dit d'elle est un tissu d'inventions. Ce
fait donne une ide8 de la bonne foi du correspondant. Que des
ignorants hargneux s'amusent a ecrire ces appreciations fantastiques
sans jamais oser les signer la chose s'explique trop aisement
par la manie qu'ont certains esprits mal faits de relever ce qui
est obscur et d'abaisser tout ce qui excite leur envie. Mais que des
journaux d'une certaine importance accueillent sans aucun examen
de pareilles elucubrations, on le comprend d'autant moms aise-

ment gulls s'exposent evidemment aux moqueries de tous ceux


qui ont la moindre connaissance des faits et des personnes. Telle
est la reflexion que faisait un journal florentin, la Gazzetta del
popolo, et que bien d'autres ont fait apres lui.
Agreez, Monsieur le professeur, l'expression de mes sentiments
bien devoues.
Dora d'Istria.
14.

Florence,
Villa d'Istria,

Via Leonardo da Vinci,


21 octobre 1878.
Monsieur le Professeur,
J'ai recu votre ecrit intitule : La ref orme litteraire en Europe, et je

vous remercie d'avoir bien voulu me l'envoyer.


Votre lettre du 15 aofit est aussi arrivee fort exactement.
J'avais lu !'article des Debats sur Schopenhauer. L'auteur, qui semble

etre un debutant, a l'allure degagee de la nouvelle litterature


francaise. Recemment un M. de la Brunetiere (sic) parlait de Voltaire,
dans la Revue des deux mondes, avec le m8me sans-gene dedaigneux.

Ce ton fait contraste avec le profond respect avec lequel la ma-

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

151

jorite des ecrivains francais traitent les ecrits les plus mediocres
publies par le clerge. J'en ai ete particulierement frappee a l'oc-

casion de la mort de M. Dupanloup, eveque d'Orleans. Quand it


s'agit de ce prelat, chez lequel dominaient la rhetorique et les
lieux-communs orthodoxes, on dirait que la France a perdu un
de ses plus grands hommes. Catholiques et liberaux, disaient les
Wats eux-memes, sont d'accord dans l'accent vraiment pathetique de leurs regrets. Il est difficile de demander a de pareils
gens de parler avec quelque calme des theories des libres-penseurs.
Les deux ecrits que j'ai ete heureuse de vous offrir, Monsieur, ne
sont qu'un fragment de mes travaux sur la Ligurie. J'ai publie
en Amerique, dans un recueil espagnol, Les Ligures (l'ancienne
Ligurie) en Asie, dans une revue grecque, La Republique de Genes
(La Ligurie du moyen-sage et de la Renaissance) en Europe, le
Golfe de la Spezzia, Pegli et le Golfo di Rapallo (la Ligurie contemporaine). Le peuple ligure, qui, avec les Basques et les Albanais, represente les plus vieilles civilisations de l'Europe, piquait
vivement ma curiosite. En outre, la rare beaute des paysages, que
j'ai l'occasion d'admirer dans la saison des bains, m'interessait
particulierement a cette contree.
Quand j'ecrivais ces esquisses, on rattachait generalement les
Ligures, avec Amedee Thierry, a la race iberique. Depuis quelque
temps quelques savants francais, comme M. Maury, directeur des
Archives, essaient d'en faire des Aryens. L'ignorance de la langue
rend la solution du probleme assez difficile.
Quoiqu'on ait l'habitude de considerer, ainsi que je l'ai fait, les
Vandales comme le type de la fureur destructrice des bandes ger-

maniques, it y a bien des motifs de croire que cette nation etait


un peuple vende, c'est--dire slave. Leur qualite de disciples d'Arius
devait certainement les faire paraitre plus redoutables que d'autres

qui n'avaient pas plus de respect pour la civilisation greco-romaine.

Vous qui comprenez si bien, Monsieur, quelle importance ont les


chants populaires, non seulement au point de vue litteraire, mais
comme caracteristique de ces peuples, dont l'histoire offre tant de
lacunes, vous apprendrez sans doute avec plaisir que les Albanogyptiens viennent de faire paraitre un volume intitule : L'Abeille
Albanaise (Alexandrie, 1878), qui contient des chants, des enigmes,
des contes, etc.. M. Euthyme Mitko, qui habite le Caire, est

www.dacoromanica.ro

N. lorga

152

l'editeur de L'Abeille, qui renferme aussi quelques fragments d'histoire :

par exemple, une traduction de ma Nationalite albanaise

d'apres les chants populaires. Les textes albanais sont si rares qu'on

doit savoir bon gre a M. Mitko d'avoir decide ses compatriotes


a entreprendre cette publication et de s'en etre occupe avec tant
de zele.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de mon parfait devouement.

Dora d'Istria.
15.

Florence,

19 novembre 1878.
Monsieur le Professeur,
L'editeur de l'Abeille albanaise, M. Euthyme Mitko, a evidemment

l'intention de continuer cette publication, car it me dit dans sa


derniere lettre qu'il prepare une seconde partie. Comme it souffre
des yeux et qu'il doit employer la plume de son fils, it est possible qu'il ne reponde pas immediatement a votre lettre. Sa correspondance avec moi est en grec, mais it sait l'italien. Il pourrait
donc vous faire dans cette langue les traductions de textes albanais difficiles dont vous pourriez avoir besoin.
Vous avez bien fait de lui ecrire en francais, une des langues
europeennes dont on se sert le plus frequemment en Egypte, et
qu'il comprend fort bien.
Si vous m'ecrivez aussi dans cette langue, ne vous preoccupez
nullement du style.
Je sais que vous etes trop occupe pour perdre inutilement vo-

tre temps a polir des phrases. Quand on se sert d'une langue


etrangere, on n'a qu'a songer uniquement aux pensees.
Je concois que dans les circonstances vous n'ayez pas songe,
Monsieur, a changer, en 1879, le format de votre revue. Il n'est
guere probable, en effet, que cette annee soit plus favorable aux
lettres que celle que nous venons de traverser.

Quelle que soit l'activite dont on soit doue, on doit ajourner


ses projets a des temps meilleurs. Agir autrement serait compromettre inutilement l'avenir. II ne suffit pas d'avoir une heureuse
idee, it faut savoir la produire dans un moment favorable.
Votre format actuel vous obligeait evidemment a partager enwww.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

153

tre plusieurs livraisons mon travail sur la Poisie persane. Je ne


crois pas qu'il y ait aucun inconvenient pour l'auteur, etant donnees les habitudes intellectuelles de nos contemporains. Le temps
est loin ou M-me de Sevigne lisait les in-folio de Saint Augustin
les jours de pluie".
Les petits volumes et les articles courts ont seuls la chance de
se faire accepter.
II vaut mieux, puisqu'il est fort difficile de transformer promptement ceux qui lisent encore en Europe, chercher, comme vous
le faites, des lecteurs et meme des collaborateurs dans les contrees
lointaines.

Aussi j'apprends avec satisfaction que vous profitez d'une heureuse occasion pour nouer des relations avec la Perse, pays fort
curieux, encore mal etudie, oil existent les deux litteratures aryenne et touranienne. M. Chodzko, professeur au College de France,

vient de publier Le Theatre persan, qui ajoutera au peu que nous


savons de la litterature moderne de l'Iran. Comme ce philologue
a passe de longues annees dans le pays, j'ai cru devoir preferer
son systeme d'orthographe a d'autres, sans pretendre nullement
l'imposer a personne. Non seulement chaque peuple europeen a
pour les noms asiatiques tine orthographe particuliere, mais les
savants sont loin d'etre d'accord. L'essentiel est d'tre exact et
impartial dans les faits et les appreciations, et la chose est si rare

qu'il faut s'en preoccuper avant tout. Le reste ne vaut pas un


quart d'heure de peine", pour parler comme Pascal.
J'approuve completement, Monsieur, les dispositions que vous
avez prises soit pour le nombre d'exemplaires tires, pour ceux qui
sont destines a l'auteur, enfin pour la serie dans laquelle la Poisie
persane doit prendre sa place. Je dois me feliciter d'avoir une
place en si bonne compagnie et je vous remercie beaucoup d'y
avoir facilite mon introduction.
Je trouve excellente l'idee que vous avez de faire figurer honorablement la poesie albanaise dans l'interessante publication que
vous preparez. La maniere si remarquable dont Byron pane dans
Child-Harold de ce pays et du vaillant peuple qui l'habite justifierait seule votre resolution. Consideres par les uns comme des
Slaves, par les autres comme des Grecs, les Albanais, qui en realite sont un rameau de la famille pelasgique, sont habituellement
oublies toutes les fois qu'il s'agit de notre Europe Orientale. Auwww.dacoromanica.ro

N. lorga

154

can oubli n'est moins justifie, et ceux qui ont vu l'Albanie : AustroHongrois, Anglais et Francais, comme les Hahn, les Byron, les

Dumont, etc., pensent que cette contree merite autant l'attention


des philologues que celle des politiques.
Je suppose qu'il n'y aura pas d'inconvenient a reproduire quelques fragments de ma derniere lettre.
Toutefois, comme j'ecris beaucoup et fort rapidement, et que je
ne saurais toujours conserver un souvenir bien precis de mes
correspondances, je vous prierais de m'envoyer une copie des passages dont it s'agit.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de mes sentiments
bien devoues.
Dora d'Istria.
16.

Florence

27 novembre 1878.
Monsieur le Professeur,

Je vous remercie d'avoir bien voulu m'envoyer la brochure de


M. von Roth, que j'ai lue avec d'autant plus d'interet que je crois
comme vous que l'etude des races est inseparable de la connaissance du sol. Du reste, ainsi que vous le dites fort bien, on penche
tellement de ce cote maintenant qu'il y a plutot a craindre l'exageration dans ce sens. Ainsi, dans la nouvelle Geographic d'Elisee
Reclus, souvent le theatre est si minutieusement decrit que l'acteur
devient imperceptible. Loin que l'esprit domine ces masses, comme
le roseau pensant" de Pascal, it semble ecrase.

La note pessimiste n'est pas rare dans la poesie persane. On la


trouve tres accentuee chez plusieurs poetes turcs celebres de l'Iran,
chez Nevai comme chez Mehdoum-Kouly. Certains passages de

ces pokes ne plairaient peut-titre pas au professeur Frank, du


College de France, qui vient d'elever jusqu' aux nues, dans le
Journal des Debats, le travail de M. Caro, public en volume.
Lorsque je m'occupais de l'epopee persane pour l'Antologia, une
de mes amies de Vienne m'envoya le livre de M. de Schack sur
Firdousi.

J'ai pu des lors apprecier sa rare connaissance de ces questions,


tout en le trouvant assez systematique. Le penchant a expliquer
tous les mythes par des symboles astronomiques m'a semble exawww.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

155

gere chez lui. Du reste, sur ce terrain it n'est pas en Allemagne


un flot isole", pour parler comme le dr. Strauss.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
17.

Florence,

12 decembre 1878.
Monsieur le Professeur,

Je voyais si mal hier par ce temps sombre que je crains d'avoir


oublie une correction dans les epreuves que je vous ai renvoyees.
Je crois que dans un passage le nom du dernier Khadjar, FethiAli-Schah, est ecrit Fed. Sans doute cette faute n'aurait pas grande
importance, puisque, le meme nom etant dans d'autres endroits
ecrit correctement, it serait facile d'y reconnaitre une faute d'impression, mais dans ces petits volumes, dont l'execution est fort
soignee, it vaut mieux approcher autant qu'il est possible de la
plus complete exactitude.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de mon parfait
devouement.

Dora d'Istria.
18'

14 decembre 1878.
Monsieur le Professeur,

Je crois comme vous que, dans ces circonstances, une traduction allemande de ma Nationalite albanaise aurait des chances exceptionnelles de succes. Cet ecrit, que M. Elisee Reclus cite, a la
fin du Tome I de sa Geographie, comme la principale source a

consulter, a deja ete traduit en italien, en grec et en albanais,


deux editions en differents caracteres. Je vous envoie la premiere
par M. M. Artom, Therianos et D. Camarda, l'auteur de la Grammatologia della lingua albanese. Il serait bon peut-titre de le completer a l'aide des curieux documents tires des Archives de Venise,
avec lesquels j'ai ecrit les Albanesi musulmani. On pourrait aussi
consulter avec fruit mes Scrittori albanesi dellltalia meridionale et
l'article que vous avez publie sur le livre de M. Benloew,

www.dacoromanica.ro

156

N. 1orga

J'aurais voulu vous envoyer, Monsieur, la Nationalite Albanaise,


mais die est reliee avec d'autres ouvrages. Vous la trouverez dans
la collection de la Revue des deux mondes (15 mai 1866). Quant aux
ecrits publics en italien, dans le cas ou vous croiriez bon de les
consulter, je vous enverrai pour quelque temps le seul exemplaire
qui me reste de l'Antologia et des Scrittori. Les Scrittori ont d'abord paru en allemand, dans la Revue Internationale de Vienne, et
ils ont ensuite etc traduits en italien par l'helleniste N. Camarda,
president du lycee de Palerme.
Dans les Albanesi in Rumenia it est pluteit question de la Roumanie que de l'Albanie, ce gros volume, tire des archives europeennes, etant l'histoire de mes ancetres, les Ghika, d'origine albanaise, qui ont gouveme la Moldavie et la Valachie au XVII-e, au
XVIII-e et au XIX-e siecles.
J'apprends avec plaisir, Monsieur, que vous avez recu L'Abeille
albanaise. M. Mitko peut vous etre utile en Egypte, pays oil it
n'est pas facile d'avoir des corespondants intelligents.
L'ouvrage de G. de Hahn est bien la base solide des etudes
albanaises. J'etais en correspondance avec lui et j'ai eu plus d'une
occasion d'apprecier l'etendue de son savoir. Il est fort a desirer
que ses travaux soient continues, car it est bien loin d'avoir
epuise le sujet. Aussi le Conversations-Lexikon de M. Brockhaus me
felicite d'avoir encourage les etudes albanaises (article Dora d'Istria).

Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de mes sentiments


bien devoues.
Dora d'Istria.
P. S. Je m'apercois que la traduction du dr. D. Camarda contient une traduction en vers de la poesie composee en mon honneur (Elenitza) par le poete national de la Roumanie, Heliade. Je
recois a l'instant une traduction en vers anglais de cette poesie
par Madame Grace Ellis, qui vient de publier ma biographic a
New-York dans le Scribner's Monthly de decembre.
Je vous envoie aussi les Albanesi a Dora d'Istria. parce que
l'Athenaeutn de Londres a dit que ce volume peut etre fort utile
aux etudes albanaises, a cause de la diversite des dialectes dont
it donne un specimen.
Il est assez curieux de comparer les vers d'Heliade a ceux qui
sont au bas de mon portrait dans l'Album Dora d'Istridnak du
dr. Schwarz, membre de l'Academie hongroise ;
www.dacoromanica.ro

Lettreg de Dora d'Istria

157

Bamulja fennkolt Lelked a vilag


Utadra szarva Koszord s virag

S to megis ott vagy a Kiizdok kozott


Dicso sebok apolon kotoz6d
Oh gyozni fogsz, gyoznOd kell Kandia
A zsarnok keznek meg kell buknia.
Az ily nemes iigynek, amely felett
Ily nemt6 leng, csak gyoznie lehet ;
Ps a szabadsag oltara Brill
Egesz vilag imadkozik, &ill.
Pdsztoi.
19.

Florence,

15 decembre 1878.
Monsieur le Professeur,

Un des mes amis, qui a un exemplaire non relie de la Nationalite albanaise, ayant bien voulu me le preter, je m'empresse de
vous l'envoyer. Vous pouvez le garder autant de temps qu'il vous
sera utile.
Depuis la publication de la Nationalite, M. Joseph Ioubanij a
fait paraitre a Trieste (l'imprimerie du Tergesteo) un recueil de
chants guegues, texte et traduction. Ces chants sont populaires,
excepte l'Etoile d'Albanie (Dora d'Istria), qui est de M. Ioubanij.
M. de Kada a publie aussi en Italie un autre recueil intitule :
Poema nazionale.

Chock-Wong, lettre de Tien-tsin, m'ayant adresse une ode, je


serais bien aise d'en avoir une traduction exacte. N'avez-vous pas
parmi vos connaissances quelque sinologue capable de la faire ?
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
20.

Florence,
21 decembre 1878,

Monsieur le Professeur,

Je crois que vous avez raison de choisir pour 1879 un titre appartenant a une langue comprise de tout le monde savant.
www.dacoromanica.ro

N. lorga

168

II n'y a pas trop a se preoccuper des objections qu'on vous fait :


La critique est aisee, mais l'art est difficile", disait Boileau, et un
de ses contemporains, La Fontaine, a tres spirituellement drama-

tise cette pensee dans une de ses meilleures fables, Le meunier,


son fils et l'dne.

Le meunier, apres s'etre fatigue a tenir compte de la critique


aisee", s'apercevant enfin qu'il ne la contentera jamais, se decide

a faire a sa tete".
11 le fit, et fit bien !

M. Mitko m'a ecrit qu'il a recu votre lettre, et it semble tres


satisfait de la sympathie que vous montrez pour son Abeille albanaise. Il a seulement regrette que l'etat de ses yeux ne lui ait
pas permis de vous repondre plus longuement. Il y a certainement
du merite, a son age, apres une existence a laquelle n'ont pas
manqu les epreuves trop communes dans la vie orientale, a s'occuper, comme it le fait, de soustraire a l'oubli la poesie populaire
et les traditions de sa terre natale.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de mon parfait devouement.

Dora d'Istria.
21.

Florence,

24 decembre 1878.
Monsieur le Professeur,

Je vous envoie la traduction que Mrs. Grace Ellis vient de faire


de l'Elenitza d'Heliade dans le Scribner's Monthly. Le texte se trouve
dans les Poisies completes du poete national des Roumains, ainsi
que lister, dont le sujet est le meme.
Je mets aussi sous ce pli les vers de Chock-Wong, dont vous
avez l'obligeance de me promettre une traduction. Ti va sans dire
que vous pourrez publier cette`, traduction, soit dans votre revue,
soit ailleurs. J'envoie avec les vers ses lettres, dont it me suffirait
d'avoir la substance, une traduction litterale de ces lettres n'etant
nullement necessaire. Je ne sais pas si Chock-Wong sait une Iangue europeenne, ce qui serait probablement necessaire pour devenir votre collaborateur. Je prendrai des renseignements.
Si vous voulez m'envoyer la lettre de M. Mitko, je vous en ferai le resume.
www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

159

Je ne con naissais point l'Illustriertes Conversations-Lexikon. Oserais-

je vous prier de me faire copier l'article Dora d'Istria et le titre


complet de touvrage ? Cet ouvrage contient-il aussi un article
Ghica, comme les dernieres editions des Conversations-lexikons de
MM. Brockhaus et Meyer et l'Encyclopedie de M. Pierer ?

II est reellement difficile a une personne qui, comme vous et


comme moi, vit fort loin de l'Allemagne, de publier un &lit en
allemand. Pour moi, j'ai connu feu M. Brockhaus, mais je n'en
pourrais pas dire autant de son successeur. D'un autre cote, je
n'ai point pour le moment en Allemagne de correspondants assez
actifs, ni assez au courant des affaires compliquees de la librairie.
pour charger l'un d'eux de negotiations avec les libraires.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de mes sentiments
bien devoues.
Dora d'Istria.
22.

28 decembre 1878.
Monsieur le Professeur,

Mon intention, en vous envoyant les deux volumes du P. Camarda, etait de vous les offrir. Quant au numero de la Revue
des deux mondes, vous pouvez le garder tant qu'il vous sera utile.
Au moment oii va paraitre la Poesie persane, la Revue britannique
de Paris (decembre) publie une traduction de mes articles du Penn's
Monthly, revue de Philadelphie, intitules : La Poesie des nations
torques.
L'Empire persan (1-ere partie). Cette etude est le pendant
de la Poesie persane ; car j'y parle des peuples touraniens, qui
jouent maintenant un si grand role dans l'Iran et dont la poesie
populaire est superieure a celle des Tadjiks (Aryens).
Elenitza (tel est le titre inscrit par Heliade lui-meme sur mon
album) a ete dj traduite en anglais, en albanais, en italien et en
francais (prose), mais jamais en allemand. Aussi j'apprends avec
une vraie satisfaction que vous voulez bien, Monsieur, en faire
une traduction allemande.
J'approuve beaucoup votre idee de donner un titre general aux
divers travaux sur les Albanais. Ne pourrait-on pas mettre celui-ci :
Les Albanais dans la poesie et dans l'histoire 1

Pour actualises" la nationalite, on pourrait y joindre quelques-uns

www.dacoromanica.ro

N. lorga

160

des chants les plus remarquables publics, depuis l'apparition de


cet ecrit par G. De Rada, E. Mitko, D. Camarda et G. Ioubani.
Votre projet de faire une courte introduction est aussi fort bon.
Le dr. Jules Schwarz en a fait une aussi dans l'Album Dora
d'Istrianak ajdlva (Pest, 1868, Rautmann).

Je vous enverrai aussi dans quelque temps Petude de M-me


Grace Ellis. En attendant je vous envoie la Rivista minima.
Agreez, Monsieur e Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
23.

Je, soussignee, autorise monsieur le dr. Hugo de Meltzl, professeur a l'Universite de Kolozsvar, a publier unc traduction allemande des ecrits dont les titres suivent:
1. La Grece avant les Grecs ;
2. La Nationalite albanaise d'apres les chants populaires ;
3. Gli Albanesi musulmani.
Princesse Helene Koltzoff -Massalsky.
(Dora d'Istria).

Florence, le 2 janvier
mil huit cent soixante-dix neuf.
24.

2 janvier 1879.
Monsieur le Professeur,

J'approuve completement votre idee sur la destination a donner


aux fonds qui pourraient provenir de la traduction des Albanaisu.
Ce peuple si maltraite par la diplomatic europeenne verra la une
preuve de sympathie dont it sera certainement reconnaissant.
Je vous conseille de relirst- Childe Harold, soit pour votre introduction, soit pour le choix d'epigraphes qu'on pourrait mettre en
tete de chaque partie du volume. Byron est au nombre des rares
Occidentaux qui ont etudie chez eux les compatriotes de Scander-

beg et it a vu le pays et le peuple avec ce regard d'aigle qui


n'appartient qu'au genie.
Je me propose, Monsieur, de vous envoyer les Albanesi musulmani.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

161

Cet ecrit n'a pas la pretention d'tre complet, et it serait difficile


de l'etre sur un sujet encore si peu etudie. Il faudrait, en effet,
parler de ces Albanais qui, en Egypte, ont releve le trone des
Pharaons, et de ceux qui, comme les Koeprili, ont arrete la decadence de la Turquie. Des Koeprili, je me suis occupee dans la
Rivista europea, ainsi que des poetes albanais de l'Empire des Sul-

tans. Si je n'ai pas tout dit, j'ai, du moins, je le crois, ouvert une
voie aux historiens de la nation albanaise. Tandis que j'y pense, je
dois, Monsieur, vous signaler une faute d'impression dans la Nationalite albanaise. Le nom de M. Tocci, Albano-Italien, a toujours
ete imprime Toci (p. 410).

Depuis Ia publication de la Nationalite, on a publie une sorte


d'epopee sur la vie du celebre condottiere du XVI-e siecle, Mercure
Boua, dont le comte de Gobineau parle dans La Renaissance. Quoi-

que cet ouvrage soit en grec, it a le merite de peindre en traits


vivants la vie d'un condottiere albanais.
En lisant votre lettre je n'ai pas compris votre hesitation a
ecrire en francais.
Vous trouverez sous ce pli l'autorisation que vous me demandez.
Dans la Grece avant les Grecs, j'ai suivi l'opinion, alors domi-

nante, qui faisait des Ligures un rameau de la race iberique. Il ne


serait pas mal d'indiquer, dans une note, que les mots qui restent

de l'idiome ligure semblent maintenant a la plupart des philologues avoir des racines aryennes.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
25.

4 janvier 1879.
Monsieur le Professeur,

J'ai recu en fort bon etat les exemplaires de la Poesie des Persans,

que vous avez bien voulu m'envoyer. Vous n'etes nullement en


retard et vous n'avez nullement besoin de vous excuser. Vous
m'aviez, en effet, annonce l'arrivee du volume pour le commencement de l'annee et it est arrive le 4 janvier des le matin. En
outre, comme vous le dites fort bien, nous autres, Orientaux, nous
ne serons en 1879 que dans quelques jours.
3

www.dacoromanica.ro

N. lorga

162

Sans doute je crois que 1'Orient doit emprunter a 1'Occident


d'autres idees que les croyances soutenues par l'autocratie romaine.

Mais repousser une reforme vraiment scientifique parce q u'un


Pape en a pris l'initiative me semble depasser la mesure.
Que l'annee finisse ou qu'elle commence, nous sommes au temps
des souhaits, trop souvent inspires, ainsi que vous le faites remarquer, par une routine banale. Mais it n'en saurait etre ainsi quand
des travailleurs comme nous se souhaitent cordialement les forces
necessaires pour continuer bravement leur tache.
Je vous remercie beaucoup, Monsieur, d'avoir bien voulu m'envoyer les extraits des dictionnaires allemands. Les livres nouveaux,
surtout les livres ecrits en langue allemande, sont fort rares en
Italie. Sans doute les bibliotheques contiennent des masses de
volumes, mais la plupart sont les oeuvres accumulees par l'oiseuse
activite des Peripateticiens du moyen-age.
8 janvier.
J'aurais voulu que cette lettre partit plus promptement, et j'ai
essaye plusieurs fois de la terminer. Mais j'ai ete derangee si souvent, en ce temps de visites, que je n'ai pu disposer d'un moment.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
26.

10 janvier 1879.
Monsieur le Professeur,

Je viens de recevoir de Tien-tsin des journaux de l'Inde et de


la Chine, que je vous envoie. J'ignore naturellement ce dont it
s'agit. Je suppose qu'ils sont envoyes par Chock-Wong, auquel
j'ai le projet d'ecrire, afin de savoir s'il peut etre votre correspondant en Chine.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.

P. S. Comme le journal de Bombay parle du Renciyand et que


j'ai ecrit sur ce sujet, je suppose qu'il y est question de cette
Made de l'Inde.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

163

27,

8 fevrier 1879.
Monsieur le Professeur,

Parmi les papiers sans nombre que je conserve, it m'avait ete


impossible jusqu'a present de retrouver la traduction de l'ode de
Chock-Wong. Je viens enfin de la decouvrir et je vous l'envoie.
Cette traduction est de M. Antelmo Severini, professeur a l'Instutut des etudes superieures. Dans le cas oil vous en recevriez une
autre, vous pourrez comparer les deux versions.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de mon parfait
devouement.

Dora d'Istria.

Je mets aussi sous ce pli le texte du Palmier traduit par


M-rs Ellis et L'Etoile de l'Albanie, qui se trouve en tete de la
collection des chants populaires de la Guegarie (Haute Albanie),
publies, a Trieste, par M. Joseph Ioubanij.
28.

Florence,

15 janvier 1879.
Monsieur le Professeur,

Je suis completement de votre avis sur la marche a suivre pour


la publication de mes etudes sur les Albanais.
Le plus presse est evidemment, dans les circonstances, de publier
La Nationalite albanaise, en se montrant, comme vous le dites fort
bien, aussi accommodant que possible, sur les conditions, le temps
n'etant nullement favorable a la librairie. Si l'on voulait attendre
plus longtemps, Pattention generale, qui est portee sur l'Albanie,
se tournerait vraisemblablement d'un autre cote. II est donc essentiel de prendre possession de la question, quitte a lui donner,
par des publications complementaires, tout le developpement qu'elle
peut comporter.
Vous avez eu raison de prendre pour vos abonnes les douze exemplaires dont vous aviez besoin.
Tous mes exemplaires sont arrives en ties bon etat et je vous
remercie beaucoup.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.

www.dacoromanica.ro

164

N. lorga

29.

Florence,
24 janvier 1879.

Monsieur le Professeur,
J'approuve completement votre idee de publier dans votre revue
la traduction de la Nationalite albanaise d'apres les chants populaires.

J'ai rccu les deux interessants volumes que vous avez bien
voulu m'envoyer. La poesie des Tsigains est certainement une des
plus curieuses de l'Orient. Quant a Schopenhauer, ses adversaires
les plus ardents reconnaissent qu'il excelle dans les aphorismes.
Ces deux volumes sont donc de nature a interesser tous ceux qui
cherchent dans l'etude autre chose que des faits cent fois repetes ou
des banalites d'une rhetorique plus ou moins declamatoire, qu'on
prend pour de la philosophic.

Comme vous le disiez fort bien a propos de la fable Le Meunier, son fils et Vane", les genies createurs sont si rares que, pendant ces siecles, l'espece humaine vit de quelques idees transformees de mille facons. Je me rappelle combien je fus frappee de
l'originalite de la ballade roumaine, Le Monastere d'Argis, quand
j'etudiais pour la Revue des deux mondes les chants populaires de
la Roumanie ; plus tard, en m'occupant de l'Albanie et de la Grece,
je l'ai retrouvee chez les Albanais et les Hellenes. En preparant
pour la Nuova Antologia les materiaux des Epopies asiatiques j'ai
pu me convaincre que l'Inde n'etait nullement etrangere a la con-

ception mise en oeuvre par la poesie populaire de l'Europe


orientale.

Agreez, Monsieur le Professeur, avec tous mes remerciements,


l'expression de ma parfaite consideration.
Dora d'Istria.
30.

Florence,
10 mars 1879.

Monsieur le Professeur,

Je mets sous ce pli le resume de la lettre de M. Mitko.


Il est certain que pour publier dans une revue allemande, par
exemple dans 1'Unsere Zeit, la traduction de la Nationalite albanaise,

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

165

it serait bon de completer et d'actualiser cette etude, plusieurs


collections ayant paru depuis qu'elle a ete publiee.
Depuis que j'ai fait paraitre dans la Revue des deux mondes la
Nationalite bulgare d'apres les chants populaires, on a aussi imprime

de nouveaux recueils, tels que celui d'un diplomate francais, M.


Dozon. Je ne connais pas celui de M. Rosen, mais je n'ai point
l'intention de revenir sur ce sujet. Tres neuf quand je l'ai aborde,
it est completement use grace aux fastidieuses declamations panslavistes.

Vous pouvez fort bien, Monsieur, garder le Scribner's Monthly.


Seulement je vous ferai remarquer que Mrs. Ellis, vivant si loin
de notre Europe orientale, n'est pas exacte dans tous les details.

M. Boghetti, redacteur de l'Antologia de Rome, dont je crois


vous avoir envoye l'article, est un guide plus stir. L'article Dora
d'Istria", que publie dans sa nouvelle edition le Pierer's UniversalConversations-Lexikon et qu'on vient de m'envoyer de Leipzig, est

aussi d'une exactitude remarquable. Dans cet article on me loue


de m'etre occupee avec zele de la poesie albanaise. M. Benloew,
doyen de la Faculte des lettres de Dijon, qui, dans la Grece avant
les Grecs (Preface), parle de la meme fawn, prepare la publication
d'un volume intitule : Etudes albanaises. Je suppose qu'il s'agit des
lectures qu'il a faites, l'annee derniere, a l'Institut de France (Academie des Inscriptions).

Le petit poeme d'Heliade a eu partout un vrai succes. II donne

en effet une fort juste idee de la nature du talent du poete national des Roumains.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
31.

Florence, 24 mars 1879.


Monsieur le Professeur,

J'avais deja ecrit a Chock-Wong a Tien-Tsin, pour lui faire


part de vos intentions. Mais, comme je n'ai pas recu de reponse,
j'ai ecrit a San-Francisco, on it a dirige le journal chinois L'Oriental,
afin de savoir s'il ne se trouve pas maintenant en Amerique.

Comme me le disait recemment un membre de votre Acade-

www.dacoromanica.ro

166

N. lorga

mie, Chock-Wong sait fort bien l'anglais, et 11 pourrait fort bien


correspondre avec vous clans cette langue. II doit aussi savoir le
francais, s'il est vrai, comme le

comte Geza Kutin me disait

l'avoir lu dans un journal allemand, qu'il ait traduit en chinois


un de mes ecrits publie dans cette langue.
Une de mes amies d'enfance, la baronne Ida de Culoz, vient de
publier a Venise un volume de poesies, completement consacre
a Florence (Ein Mai in Florenz). Ce volume fait un curieux contraste avec les derniers vers que m'a envoyes M-me Akermann, le
poete francais contemporain qui a le plus de gout pour les idees
de Schopenhauer. Je ne sais jusqu'a quel point le dr. Fabian
Philipp, l'auteur d'un article sur l'education, publie recemment
dans la Science politique (1-er mars), partage ces idees. Mais it est
certain que les theories pedagogiques de Schopenhauer ont toutes

ses sympathies. Il pense comme vous que meme ceux qui n'adop,
tent pas le systeme du philosophe de Francfort peuvent trouver
dans ses ecrits un grand nombre d'observations sagaces et de pensees profondes.

Toutes les fois que vous aurez une lettre de M. Mitko envoyez-la moi sans aucune ceremonie.

Je suis tellement habituee au grec, que je n'ai pas la moindre


peine a faire un pareil resume.
La biographic de M. Boghetti, que je crois vous avoir envoyee,
a paru non pas dans 1'Antologia de Rome, mais dans la Rivista
minima de Milan.

Je vous ai envoye les Albanais en Roumanie, et je vous prie de


vouloir bien le garder.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria,
32.

Florence, 30 mars 1879.


Monsieur le Professeur,

J'aurais voulu vous remercier plus promptement du beau distique que vous m'avez envoye ; mais des epreuves que j'ai du
corriger et dont je ne pouvais pas retarder le depart ne m'ont
pas laisse un moment pour vous ecrire. Ces epreuves sont celles
cl'une etude sur le Surnaturel dans le monde vegetal.

www.dacoromanica.ro

Lettrea de Dora d'Istria

167

Je ne serais pas fachee de savoir ce que vous pensez des distiques que je vous envoie. Parmi mes amies d'enfance de l'empire
austro-hongrois, se trouvent deux poetesse. Le comte Ku in me
disait que l'une d'elles, la baronne Josephine de Knord, est assez
appreciee dans son pays. L'autre, la baronne de Cu loz, est l'auteur
des distiques.
En vous envoyant, Monsieur, les Albanesi in Rumenia, mon in-

tention etait de vous offrir ce volume, dans lequel malheureusement ne manquent pas les fautes d'impression. Depuis qu' it a ete

publie ont paru bien des documents propres a completer mes


propres recherches. Un savant de la Bukovine, feu Hourmouzaki, a
fait paraitre bien des correspondances inedites sur la mort tragique
de Gregoire III. Un diplomate francais, Cyril le (le baron d'Avril), les
a resumees dans son livre : De Paris ci Pile des Serpents. Le comte
Prokesch-Osten a publie la correspondance du chevalier de Gentz

avec Gregoire IV. Il a bien voulu m'envoyer les lettres de mon


oncle qui n'ont pas paru dans la Correspondance de Gentz avec les
hospodars de Valachie. J'ai moi-meme decouvert quelques documents de nature a modifier certaines appreciations. Ainsi it semble
bien prouve que Gregoire II aurait tente d'obtenir l'appui de la
papaute en promettant de reconnaitre Pautorite du Pape. Ce fait
est bien conforme a l'habitude qu'ont les Albanais de subordonner les questions religieuses aux questions politiques. Quant aux
relations de Gregoire avec la Transylvanie, n'ayant pas dans les
mains les sources magyares, j'ai du laisser dans l'ombre plus d'un
detail.

Agreez, Monsieur le Professseur, ['expression de ma haute consideration.


Dora d'Istria.
33.

Florence,

7 avril 1879.
Monsieur le Professeur,

Je vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu me communiquer la lettre de M. le professeur Schott et je suis tres reconnaissante de la peine qu'il a bien voulu se donner pour moi. Veuillez
lui exprimer toute la gratitude que m'a inspiree son extreme
obligeance.

Les letres de Chock-Wong deviennent intelligibles quand on se


www.dacoromanica.ro

168

N. lorga

rend compte de son existence agitee. II est bien de Tien-Tsin, mais


il a fonde en Amerique, a San-Francisco, un journal, L'Oriental, qu'il
nomme dans son style asiatique : Bureau d'intelligence". Vous
pouvez voir dans le dernier bulletin de la Revue des deux mondes (1-er

avril) qu'un ecrivain francais vient de publier un livre sur les


journaux, qu'il appelle aussi bureaux d'esprit" ; les deux expressions sont bien soeurs.
Dans ce numero de la Revue des deux mondes, l'Albanie tient
une certaine place, car il commence par mon etude sur Le Surnaturel dans le monde vegetal et il finit par une notice sur 1'Abeille
de M. Mitko.
Dans L'Italie de Rome (5 avril) vous trouverez, Monsieur, un
article qui contient des renseignements assez curieux sur l'etat des
esprits en Toskarie (Albanie meridionale).
Malheureusement on a rarement l'occasion de signaler dans la
presse des appreciations qui aient quelque valeur ; car pour la plupart des journalistes il semble que l'Albanie soit reellement dans
la lune.
La Republique francaise a meme decouvert que la nationalite albanaise n'a jamais existe, appreciation grotesque dont le correspondant du Journal des Debats a Constantinople se moquait recemment
sans oser pourtant dire que cette appreciation se trouve dans la
feuille, fort repandue, de M. Gambetta. Les membres du Congres
de Berlin n'en savaient pas beaucoup plus long que l'ex-dictateur,
En distribuant les territoires albanais a tous les voisins, il est clair
qu'ils s'imaginaient partager des provinces turques". Tout ce qui
est musulman est evidemment turc ! On ne s'est pas meme apercu
que, parmi ces clans musulmans, il s'en trouvent des catholiques
qui ne sont pas plus que les mahometans satisfaits d'etre donnes
a des gouvernements orthodoxes.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria
34.

Florence,
15 avril

1879.

Monsieur le Professeur,

Chock-Wong a bien envoye l'eventail dont il pane dans sa


lettre, et cet eventail est un ravissant specimen de l'art de son pays.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

19

Du reste, on sait assez maintenant que les artistes asiatiques ne


meritent nullement le declain avec lequel on en parlait autrefois.
L'art indo-persan a produit de veritables merveilles et les nations
touraniennes ont aussi des oeuvres fort remarquables.
Comme j'ai eu une fois l'occasion de vous l'ecrire, chaque peuple
europeen ecrit les noms asiatiques a sa maniere. Les Anglais ecrivent Chock-Wong un nom que les Italiens, comme M. Severini,

et les Allemands, comme M. Schott, ecrivent a leur fawn. Nos


langues n'echappent pas non plus aux influences de la prononciation. Ainsi le professeur Schott ecrit : apricot pour abricot.
Voici le titre complet du recueil de la Baronne de Culoz :
Ein Mai in Florenz,
Distichen
von.

Z. von Claudio (Ida Bnin de Culoz)


(Venedig, Druck von Marco Visentini, 1879

COin und Leipzig, Heinrich

Meyer.)

Le volume a 24 pages in -18.:


Villa Dora d'Istria.

in Via Leonardo da Vinci.


Einer Taube vergleichbar mit blendendem, weissem Gefieder,
Nistet in duftendem Griin, prachtvoll umgittert mit Gold,
Rosenumschlungen, die Villa mit hold melodischem Namen,
Welche, beriihmt in der Welt, klangvoll das Tusculum nennt.
Rosen und Lorbeer

an Dora d'Istria.
Keines Jugend so arm, es bliihten ihm einige Rosen.
Aber den meisten verbleibt bald nur der Strauch und der Dorn ;
Wenigen wahrt urns Haupt der reichlich spriessende Lorbeer
Noch den rosigen Duft, wenn auch die Rose verbliiht.
Nach manchem Jahr.

Da ich wieder Dich sah, versanken zur Lethe die Jahre.


Eine Erscheinung war's, wie sie nur Seligen wird.
Wieder erwachte urn mich der Jugend unnennbarer Zauber ;
Lieblich im jubelnden Gluck, schOn noch im heiligen Schmerz.
Pour le moment je ne crois pas necessaire que vous vous donniez

www.dacoromanica.ro

170

N. 1orga

la peine, Monsieur, de faire faire ces recherches sur les rela-

tions des Ghika avec la Transylvanie. Quand je m'occuperai d'une


edition francaise des Albanesi, it sera temps d'y songer.

Au moment oil votre lettre me rappelait la fin prematuree de


plusieurs Ghika, une depeche m'annoncait la mort de la soeur de
Gregoire IV et d'Alexandre X. Mais ma tante Pulcherie avait
atteint un age avance, puisqu'elle a survecu aux nombreux enfants du grand-bano Dimitri. Les tribulations n'ont pas ete epargnees a cette generation. Puisse celle qui la remplace avoir une
meilleure destinee ! Mais l'horizon de l'Europe orientale ne semble pas lui promettre un avenir bien serein.
J'ai fait lire votre distique au prof. de Gubernatis, qui en a
ete tellement enchante qu'il a voulu en avoir une copie.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria
P.

S. Je viens de recevoir

la belle

traduction du Danube

d'Heliade. II est, a mon avis, impossible de faire mieux.


35.

Florence,
Villa d'Istria,
Via Lionardo da Vinci,
14 octobre 1879.

Monsieur le Professeur,

Je vous ocris quelques mots a la hate, car je souffre d'une forte


grippe, resultat probable de mon voyage.
Je consens volontiers aux arrangements que vous voulez bien
me proposer pour la Vie klephtique dans l'Empire persan. Les cinquante exemplaires que vous avez l'intention de m'envoyer seront
tres suffisants.

Je suis d'avis de mettre seulement mon pseudonyme, qui s'est


tellement substitue a mon nom que je ne recois plus guere de
lettres adressees a la princesse Koltzoff-Massalsky. Mes freres euxmemes l'emploient dans leurs telegrammes qui, envoyes dans divers pays, arrivent toujours ; adressees a Naples ou seulement en
Italie, elks sont arrivees ici a bon port, ce qui n'aurait pas eu lieu,
certainement, si l'adresse avait porte le nom de Koltzoff-Massalsky

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

171

A mon retour j'ai trouve dans le Tour du monde (XIX-e annee


no. 970, 9 aotit, fait-divers) l'article sur Tchock-Wong clue cette
revue, comme elle le dit elle-meme, emprunte en entier au Journal
de litterature cornparee.

Je remettrai de votre part a M. de Gubernatis le Livre des Gatos.


Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
36.

Florence,

20 avril 1879.
Monsieur le Professeur,
J'aurais voulu vous remercier plus promptement de votre excellente traduction d'E/eniza ; mais j'ai ete constamment deranges
ces fours derniers. Si elle vous satisfait moins que Le Danube, la

faute n'en est point au poste, mais au caractere si different des


deux langues. La majeste de l'allemand, qui va si bien au caractere d'une piece, ne se prete pas autant au genre de l'autre. Mais
vous avez triomphe d'une pareille difficulte.

Je crois que vous avez raison de penser qu'un article assez


court dans le Journal de litterature compares sur la poesie populaire des Albanais preparerait fort bien les esprits a un travail
plus complet' Ce que vous me dites sur cette question m'a rappels
que je ne vous avais pas encore envoys les titres des collections
de chants publies par les Albanais depuis que la nationalite albanaise a vu le jour. Voici ces titres : Girolamo de Rada, Rapsodia
d'un poema albanese, Florence 1866 ;
Demetrio Camarda, Appendice al saggio di grammatologia comparata sulla lingua albanese, Livorno, 1864.
Giuseppe Ioubanij di Scutari, Raccolta di conti popolari albanesi.
Trieste, 1871.

II est arrive pour les chants albanais ce qui est arrive pour les
chants de la Petite Russie. Le cycle de Kiev se retrouve dans la
Grande Russie, on la colonisation l'a transport& De meme les
meilleurs chants albanais se retrouvent dans les colonies italiennes.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.

www.dacoromanica.ro

N. lorga

172

37.

Florence,

29 avril 1879.
Monsieur le Professeur,
Le Tour du monde de Paris, qui, comme je vous l'ai dit, est pu-

blie en onze langues, donne (no. 949, 15 mars), sous ce titre : La


Perse, plusieurs extraits du Journal de litterature comparee:

1-er extrait : Depuis les temps les plus anciens, etc. (Dora d'Istrie. Le titre magyar. Ces longs mots hongrois veulent dire Journal de litterature comparee).

2-e extrait : Si la nation iranienne ", etc. (D. d'

I.,

le titre ma-

gyar).

3-e extrait : Les Bakhtiaris", etc. (D. d' I., titre magyar).
4-e extrait : La grande tribu des Mamacenys", etc. (D. d' I.,
titre magyar).

5-e extrait : L'Asie centrale est le pays de l'aridite" (D. d' I.,
titre magyar).

6-e extrait : Nous nous figurons trop volontiers" etc. (D. d'

I.,

titre magyar).

Je viens de decrire Rapallo, dont ce travail porte le nom, dans


la Revue geographique internationale de Paris (no. 38, Souvenirs du
golf e de Rapallo, 1870-1878).

Vous avez raison, Monsieur, de dire que M. Mitko aurait bien


fait de joindre une traduction aux contes albanais qu'il a publies.
Heureusement M. de Rada, Camarda et Ioubanij ont traduit en
italien les chants que contiennent leurs recueils, recueils dont je
vous ai envoye le titre dans ma derniere lettre.
Je mets sous ce pli l'article du Temps sur mon article de la
Revue des deux mondes.

Le titre grec de l'ouvrage sur les chants de Rhodes est Alpha-abet de l'amour".
J'ai suppose que je pouvais garder la traduction des lettres de
Chock-Wong du professeur Schott, dont je vous renvoie la lettre ;
si je m'etais trompee, je vous prierais de me le dire. Je renouvelle au savant et excellent professeur mes remerciements bien
sinceres pour son obligeance et pour sa traduction.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria,

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

173

38.
Florence,

29 avril 1879.
Monsieur le Professeur,

Le dialecte hydriote est park dans Pile d'Hydra, colonisee dans


l'antiquite par les Samiens, et je ne crois pas qu'il soit sorti de
cette ile, oil it a di commencer a se developper a l'epoque de
l'etablissement des Albanais au XV-e siecle (1470). Au temps de
la guerre de l'independance, fideles aux souvenirs guerriers de
leurs aieux, ces Albanais se signalerent aux premiers rangs des
defenseurs de la Grece.
On sait que l'Albanie a donne a la Grece moderne ses heros
populaires, les Botzaris, les Kanaris, les Miaoulis, etc.
Dans la Geographic d'Elisee Reclus (l'Europe meridionale) on trouve

une curieuse carte qui indique les populations albanaises du royaume hellenique.

Tout ce que dit Schopenhauer de l'importance du titre est parfaitement vrai. Il est vraiment lacheux que Polydora ait etc employe, mais ne serait-il pas possible de s'en servir en y ajoutant
un epithete ? Comme par exemple Nea, etc. Sans doute it ne faut
pas qu'un titre soit trop long, mais deux mots ne depassent nullement la mesure.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.

P. S. Je ne connais pas George Doira ; mais, si vous le desirez,


je puis prendre des informations.
39.

Florence, 30 avril 1879.


Monsieur le Professeur,

Le grand poete de l'Amerique, Henri Longfellow, a eu l'obligeance de m'envoyer un article du Boston Daily Advertiser, un des
principaux journaux americains, intitule Writings of the Princess
Dora d'Istria. J'en extrais ce qui regarde le Journal de litterature
comparee : La Poisie des Persans sous les Khadzars is a picture

www.dacoromanica.ro

174

N. forgo

of the manners and customs of the Aryan element of the Person


nation under the reign of the three last kings of Iran. This appeared in French in the Journal de Litterature Cornparee, a review of
Clausenbourg in Hungary. All of this series of reviews and studies

are full of value and permanent interest, as a contribution to our


knowledge of oriental litterature".
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
40.

Florence, 7 mai 1879.


Monsieur le Professeur,

Vous pouvez fort bien vous servir des lettres de Chock-Wong


pour completer la traduction de ses vers. Je regrette que les lettres
que je lui ai adressees pour lui proposer de devenir un des collaborateurs du Journal de litterature cornparee soient restees sans
reponse jusqu'a present. J'ai ecrit a la fois a Tientsin et a SanFrancisco.

Mais tout me porte a croire qu'il n'a rien recu.


Tres poli, comme tous les citoyens de l'Empire du Milieu", it
n'aurait pas manqu de repondre. Mais la Chine actuelle cede au
mouvement qui transforme l'immobile Orient" et on peut maintenant dire du Chinois ce qu'un chant albanais dit des compatriotes de Scander-beg : Aujourd'hui a Bender, demain a Buda".
Longfellow m'a bien envoye Particle du journal de Boston, mais

je ne crois pas qu'il en soit Pauteur.


Vous n'avez pas, Monsieur, a vous preoccuper un seul instant
de la redaction de vos lettres.
Quand on travaille comme vous les faites, on a vraiment bien
d'autres choses en tete !
Je vous remercie d'avoir bien voulu m'envoyer l'ecrit de M. le
professeur Brassai, dont le savoir est apprecie de tous les lecteurs
du Journal de litterature comparee.

M. Mitko m'ecrit que dorenavant it vous ecrira en francais. II


ferait bien, en effet, dans ses correspondances avec l'Europe de
renoncer au grec moderne, qui est compris de si peu de personwww.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

175

nes. II prepare le second volume de son Abel Ile, quoiqu'il ne


soit pas encore gueri de son ophthalmie, maladie assez grave en
Egypte.

Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de ma haute consideration.


Dora d'Istria.
41.

Florence, 11 mai 1879.


Monsieur le Professeur,

Je complete les details que je vous ai donnes sur le dialecte


d'Hydra.

Ce dialecte est un des plus alteres, car it a fait bien des emprunts an grec moderne. Les dialectes de la Grece Continentale
n'en different pas essentiellement. On peut donc le considerer
comme le type de Palbano-hellenique.
Lebrun, membre de l'Academie Francaise, avait comme Muller
celebre avec bonheur l'intrepidite des marins d'Hydra. M. Max
Muller, l'eminent professeur d'Oxford, me rappelait lui-meme dans
une de ses lettres les poesies philhellenes de son pere. Ce savant
orientaliste, dont j'apprecie particulierement les talents, est venu
me voir quand it a fait son voyage en Italie. Depuis qu'il est retourne en Angleterre, it a eu le malheur de perdre une file qu'il
aimait tendrement et it a ete profondement affecte de cette mort.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consiDora d'Istria.
deration.
42.

Florence, 15 mai 1879.


Monsieur le Professeur,

Vous pouvez fort bien me renvoyer les lettres chinoises. Je


tenais moins a en avoir le texte exact que le sens.
Or, apres ce que nous a ecrit M. Schott et que j'en ai saisi par
M. Severini, de nouveaux renseignements ne me sont point necessaires.

Agreez, Monsieur le Professeur, ('expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.

www.dacoromanica.ro

176

N. lorga
43.

Florence, 28 mai 1879.


Monsieur le Professeur,
Si votre sante s'est si mal trouvee du climat de la Transylvanie,

elle ne se serait pas mieux arrangee du deluge que nous avons


en Italie depuis le mois d'octobre. Le mois de mai est particulierement desagreable et nous avons meme eu une terrible grele, qui
m'a brise une quantite de fieurs.
L'article du Boston Daily Advertiser, dont je vous ai parle, vient
d'etre traduit par L'Estafette (Rome, Naples, 22 mai). Voici le passage qui concerne le Journal de litterature comparee Apres avoir
parle de la Poesie des Tures orientaux, de la Poisie des nations
torques, la feuille de l'Athenes americaine" ajoute :

Son tableau de la poesie des populations qui sont de meme


race que les Europeens est complet et brillant. La Poesie des Persans sous les Khadjars est une peinture des moeurs et des coutumes de cet element aryen de la nation persane sous le regne des
trois derniers rois de l'Iran ; ce travail a paru en francais dans le
Journal de litterature comparee, une revue de Kolozsvar en Hongrie.
Cette serie de recherches et d'etudes a une valeur et un interet
permanent, parce qu'elle augmente notre connaissance de la litterature orientale."
II est aussi question du Journal de litterature comparee dans la
derniere livraison du Dizionario biografico degli scrittori contemporanei, que publie M. de Gubernatis, professeur A l'Institut des
etudes superieures :

Il Brassai.., dirige col dottor Hugo di Meltzl in Kolozsvar una


Rivista poliglottica delle letterature straniere" (art. Brassai).

A propos de M. Brassai, je me rappelle que vous m'avez dit


qu'il possede a fond la Revue des deux mondes. Peut-titre pourrait-il

vous dire quelle annee et quel mois a paru l'article sur les fouilles faites en Egypte par Mariette-bey. Comme cet article a vu le
jour depuis la publication de la table (1873), je n'ai pu encore le
retrouver. Si j'avais la memoire de Mariette sur le tombeau des
Apis, je m'en passerais facilement. Rien ne semble plus aise que
de trouver ce qui regarde le culte des animaux en Egypte et aussi
dans 1'Inde, et cependant les renseignements sont assez rares.
Ne vous donnez pas la moindre peine pour retrouver la carte
postale de la baronne de Culoz, dont je n'ai aucun besoin.
www.dacoromanica.ro

Lewes de Dora d'Istria

177

J'aurais voulu ecrire plus promptement au professeur Schott,


mais j'ai ete indisposee quelques jours. Ma lettre est partie hier.
L'Aurora, revue de Modene, a traduit quelques pages de la Poisie
des Persans sous les Khadjars.

Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
44.

Florence, 1 juin 1879.


Monsieur le Professeur,
J'ai Bien 'recu les lettres de Tchock-Ouang. Quant au journal

hindou, vous pouvez le garder autant qu'il vous plaira.


Je ferai mon possible pour retrouver Tchock-Ouang, convaincue
comme vous que les relations intellectuelles entre les differentes
civilisations peuvent contribuer tres efficacement au progres du
monde.

Le printemps italien continue d'tre fertile en desastres. L'eau

au Nord, le feu au Sud, les volcans et les fleuves se montrent


egalement redoutables, les calamites favorisent le developpement

des emigrations, et le paysan italien, jadis si attache au sol de la


feconde Terre de Saturne", tourne de plus en plus ses regards vers
l'Amerique du Sud. Plusieurs vont jusque dans l'Oceanie.
Il avait ete meme question de coloniser la Nouvelle Guinee,
mais les chefs de l'entreprise, l'ont abandonnee au moment of
tout le monde croyait a sa prochaine realisation.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
45.

Florence, 29 juin 1879.


Monsieur le Professeur,

Je vous envoie une traduction du Fou de Petofi, que je viens


de recevoir de Sicile. Dans les commencements du mois prochain, le 8 probablement, je partirai pour Rapallo (Province de
Genes), afin d'y prendre les bains de mer. Mon intention est de
4

www.dacoromanica.ro

1't8

N. forga

rester jusqu'aux premiers jours d'octobre sur les bords de la Mediterranee. M. de Gubernatis, qui est venu me voir hier, m'a dit
que la quatrieme livraison de son Dictionnaire, contenant la fin de
la lettre C, verra le jour seulement le premier de juillet. Nous sommes done encore asset loin du D. Je he pense pas que M. de Gubernatis attende une veritable biographic des auteurs sur lesquels
it voudrait avoir des renseignements. II ne leur demande aucune
appreciation, mais de simples dates et des faits qui appartiennent
essentiellement a la publicite, comme le jour de leur naissance,
l'epoque a laquelle ils ont etc charges de telles ou telles fonctions, le nom des journaux dans lesquels ils ecrivent, la liste de
leurs travaux, etc.
On dira que rien n'est plus facile que d'avoir des details de ce
genre sans s'adresser aux ecrivains eux-memes.
II ne semble pas qu'il en soit ainsi, si l'on tient compte des
inexactitudes de tout genre qui fourmillent dans les dictionnaires
biographiques. Je me borne a citer un fait personnel. On me fait
generalement naitre le 22 janvier, sans penser que le 22 janvier,
vieux style, correspond au 3 fevrier, nouveau style. Il n'est donc pas
extraordinaire que les auteurs des nouveaux dictionnaires, voulant
faire mieux que leurs predecesseurs, prennent plus de precautions

pour etre a peu pres exacts dans l'exposition des faits essentiels.
Quant a ce qui regarde la bibliographic, touter les personnes qui
etudient, professeurs et gens du monde, doivent desirer ces indications precises que les auteurs seuls peuvent donner. La question
des portraits prete beaucoup plus a la discussion, mais elle n'a
qu'un inter& secondaire. Elle offre en Italie des difficultes particulieres, parce qu'on n'y a pas ces excellents graveurs sur Bois que
possedent Leipzig, Londres et Paris.
En outre, elle a ('inconvenient de pouvoir etre, malgre les declarations reiterees de M. de Gubernatis, consideree comme un
criterium exclusif de la valeur des ecrivains.

Je recois a l'instant une lettre de M. Mitko, qui se prepare a


vous envoyer des vers albanais. Je viens de faire une nouvelle
tentative pour retrouver Tchock-Ouang.
J'aime a croire qu'elle reussira mieux que les autres.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de mes sentiments
bien devoues.
Dora d'Istria.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

179

46.

Rapallo,

Provincia di Oenova,
13 juillet 1879.
Monsieur le Professeur,

J'avais bien suppose que les deux exemplaires du Pazzo s'etaient

croises en route. Je m'etais empressee de vous envoyer le mien,


supposant que vous seriez bien aise de voir la reputation de votre
poste national s'etendre dans cette lointaine Sicile, qui ressemble
un peu a l'Arabie infranchissable de Victor Hugo, oil le nom des
ecrivains strangers se popularise si lentement et si difficilement.
Le comte toscan Libri, dans son Histoire des sciences mathematiques
en Italie, prouve que la conquete romaine a porte au florissant

pays d'Archytas et d'Archimede un coup dont it ne s'est jamais


releve. J'ai recu, quelques jours apres mon arrivee a Rapallo, la
premiere feuille du volume dont vous preparez la publication.
Cette feuille et les details que vous voulez bien me donner dans
votre lettre, Monsieur, prouvent quel sera l'interet de cet ouvrage,
qui ne saurait manquer d'tre accueilli tres favorablement. Quand
nous aurons retrouve Tchock-Ouang, ne serait-il pas bon de chercher un correspondant au Japon ?
Une de mes amies de Vienne ayant des relations avec quelques
citoyens de l'empire des sources du soleil", serait probablement en
mesure de nous decouvrir ce correspondant. Si cette idee vous
sourit, je m'occuperai volontiers de la realiser.

Vous aviez pense, si je ne me trompe, a un correspondant en


Perse. Un diplomate francais, le comte de Rochechouart, qui a
vecu dans cet empire, aurait pu vous fournir d'utiles renseignements. Malheureusement it vient de mourir en Amerique, de la
fievre jaune. Le comte de Gobineau, qui a ete ministr. de France
a la Cour du roi des rois", qui est maintenant, je crois, ministre
a Stockholm, et qui est un des Europeens qui connaissent le mieux

l'Asie centrale, vous donnerait probablement des indications. Je


regrette de n'avoir pas pense a M. de Khanikoff, mort recemment
a Paris. M. de Gubernatis dans sa Mythologie zoologique park du
cheval mythique des Magyars, Tatos. J'ai ete surprise des analogies
qui existent entre ce mythe et le mythe des Turcs persans, tel qu'on

le trouve dans les improvisations du celebre bandit Kour-Oglou,


www.dacoromanica.ro

N. 1orga

180

Connaissez-vous, Monsieur, quelques ecrivains qui se soient oc


cupes de la mythologie des animaux chez les Magyars ? Il me
semble que chez ce peuple de cavaliers le cheval doit jouer dans
les mythes le meme role que le taureau chez les pasteurs qui
figurent dans les admirables hymnes du Rig-Vida. L'oiseau royal,
aigle, faucon, autour, n'occupe pas non plus, je crois, une place
secondaire dans les antiques croyances du royaume de saint Etienne.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
47.

Rapallo,

Provincia di Genova,
24 juillet 1879.
Monsieur le Professeur,

Je vous envoie une traduction des vers de M. Mitko. Le sens


de quelques passages laisse bien quelques doutes, mais j'ai cru
qu'il valait mieux vous envoyer la traduction le plus promptement
possible, pour vous permettre de vous faire une idee de l'ensemble, que de s'attarder a eclaircir certains points d'une importance
fort secondaire. Il y a bien quelques allusions politiques, comme
dans toute Lamentation pareille a celle de Jeremie, sur la triste
situation d'un pays qui semble marcher a sa ruine. Mais la substance, comme le titre l'indique, est une exhortation adressee aux
Albanais pour leur montrer jusqu'a quel point ils ont eu tort de
ne jamais penser a reveiller chez eux la vie intellectuelle.

Ce morceau est, comme vous le dites fort bien, un peu long


pour le Journal. D'ailleurs it ne gagnerait qu'a etre concentre. En
effet,

it n'y a aucune proportion entre ce que l'auteur dit de

l'hellenisaticen projetee d'une partie de la Toskarie et la slavisation

de plusieurs provinces de la Guegarie, envahies, grace au traite


de Berlin, par le Montenegro, la Serbie et la Bulgarie, comme,
dans le partage de la Pologne, ceux qui meritent le plus de re-

proches ne sont-ils pas ceux qui ont concu un plan inique et


qui ont fini par le faire accepter des Puissances ? Votre traduction
allemande du petit poeme des Albanesi est excellente, et j'en ai
ete enchantee. Je vous remercie, Monsieur, d'avoir bien voulu me
Venvoyer.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

181

Depuis une quinzaine de jours je suis en Ligurie. Quand j'ai


quitte Florence, j'etais loin d'tre contente de ma sante. Mais,
comme a l'ordinaire, l'air de la mer et les bains me font beaucoup de bien.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
48.

Rapallo,
Provincia di Genova,
2 aoiit 1879.

Je vous envoie un article sur le klephtisme en Perse. J'ai pense


que, dans un moment oil l'Asie centrale continue d'attirer l'attention a cause du role qu'elle jouera sans doute dans la lutte des
deux 8tats qui se disputent l'immense continent asiatique, cette
etude sur les causes qui ont fini par reduire a l'impuissance les
successeurs de Cyrus aurait peut-titre de Pinter& pour vos lecteurs. La plus grande partie en est empruntee a cette poesie populaire dont vous leur avez appris a apprecier l'importance vraiment exceptionnelle.

Ce travail etant beaucoup trop etendu pour entrer dans un


seul numero, vous voudrez bien, Monsieur, le partager en autant
d'articles

qu'il sera necessaire. Je vous prie surtout de ne pas

vous croire oblige de le publier immediatement.


Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
49.

Rapallo,

Province de Genes,
21 aoiit 1879,
Monsieur le Professeur,

Je vous envoie la traduction francaise du chant consacre a la


catastrophe clbre dans l'histoire de l'Albanie du XIX-e siecle
sous le nom de Guet -a pens de Monastir, M. Poujade, consul dc
www.dacoromanica.ro

N. lorga

182

France a Ianina, qui en tenait le recit des contemporains, le raconte dans Turcs et Chritiens (Paris, Didier), ouvrage qui contient
plus d'un renseignement utile sur l'Albanie contemporaine. Si je
l'avais eu sous les yeux, j'aurais pu eclaircir quelques details qui
sont assez obscurs. Dans le cas oil vous vous decideriez a publier
la traduction francaise des vers de M. Mitko, cette traduction devrait
rester anonyme. Mais, comme elle a ete faite fort rapidement, uni-

quement pour vous donner une idee du sujet, je crois bon de


vous repeter que je n'en garantis pas la parfaite exactitude.
La Gazette rose, revue de Paris, a reproduit un long passage de
la Poisie des Persans sous les Khadjars, et la Comedia, revue de
Florence, a traduit ce passage.
Vous avez raison de dire, Monsieur, que les vers de M. Mitko,
reduits a la partie essentielle, ne peuvent pas etre consideres comme
une poesie politique proprement dite. Tout peuple a, en effet, le
droit de faire valoir jusqu'au dernier moment son droit a l'existence. Vous etes aussi parfaitement dans la verite quand vous affirmez

que, lorsqu'on reconnait ce droit aux Bulgares, on ne voit pas pour


quel motif on le refuserait aux compatriotes de Scander-beg. La

Sainte-Alliance et le Congres de Vienne ont agi d'une maniere


parfaitement logique. Ne reconnaissant que le droit des souverains, la legitimite", comme on disait alors, ils pouvaient distribuer les peuples comme des troupeaux. Mais, le congres de Berlin,
quel principe peut justifier ses decisions ? Il accepte le principe
des nationalites quand it s'agit des Slaves, Montenegrins, Bulgares,
etc., it le foule aux pieds quand it s'agit des nations pelagiques ?

Si l'Albanie est depecee en morceaux au profit de ses voisins,


Serbes, Montenegrins, etc., la seule chose qu'on puisse dire pour
justifier cette politique inique est que les Albanais n'ont pas ete
defendus par ceux qui avaient taut de raisons de soutenir leur
cause. Puissent-ils ne pas payer cher cette funeste imprevoyance !
Quand la Maison d'Ucalegon brule proximus ardet Ucalegon , ses
voisins ont mille raisons de craindre pour leur securite.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de ma parfaite consideration.

Dora d'Istria.

1. Arslan-bey et Vely-bey

2, En ont fait le serment,


www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

a. Its front a Monastir,


4. Pour demander leur paie.

5. Si on ne la leur donne pas d'une bonne fawn,


6. Its brilleront Monastir.
7. Le vizir fit un banquet :
8. Il invita Arslan et Vely.
9. Arslan-bey dit une parole :
10. Va le premier a Vely-bey ;
11. Parce que pour le vizir to es comme un fils :

12. Un pere ne tue pas son fils.


13. Vely-bey fut contrarie.
14. Arslan dit : sois sans peur.
15. Quand as tirerent les premiers coups de fusil,
16. Arslan-bey fit danser son cheval ;
17. Quand ils tirerent une seconde fois,
18. Arslan-bey ouvrit les yeux ;
19. Quand ils tirerent une troisieme fois,
20. Arslan-bey vint pour sauter.
21. Dans le Dhiovat de Monastir,
22. Arslan-bey monte sur un cheval blanc.
23. Fuis, fuis ce maudit cheval ;
24. Parce que Kior-Pacha vient lui-meme.

25. Its ont dit au Sadrazam ' :


26. Arslan-bey s'est sauve vivant.
27. Flatez-vous vers Kior-Pacha :
28. Arslan-bey, je le veux vivant.
29. Regardez Kior-pacha.

30. Comme it a replie le bras,


31. Tenant la lance d'un cote,
32. A cause de Vely et d'Arslan.
33. Ou vas-tu, 6 barbare ?
34. Je rode pour toi, 0 Albanais,
35. Selon l'ordre du Sultan Mahmoud 2.
36. 0 intelligent Vely-bey,
37. Pourquoi nous as-tu fait tomber dans une embuscade ?
1 Grand-Vizir.
$ Mahmoud II,

www.dacoromanica.ro

183

184

N. Iorga
50.

Rapallo,

(Provincia di Genova),
4 septembre 1879.
Monsieur le Prof esseur,

L'habitude que j'ai d'etudier les chants populaires historiques


m'a donne la conviction que pour les comprendre it faut connaitre
toutes les circonstances essentielles de l'evenement dont it est

question. Or it n'existe a ma connaissance qu'un recit un peu


detaille du guet-apens de Monastir, et ce recit, je ne l'ai pas ici,
et je n'en ai meme qu'un souvenir des plus vagues. Je n'ai donc
pas pour le moment ce qu'il faudrait pour eclaircir les passages
que vous me signalez avec raison comme fort obscurs. Il n'est
nullement certain, du reste, que ces passages puissent etre completement eclaircis. Souvent les chants albanais sont excessivement

obscurs, et l'auteur semble avoir voulu cacher les belles choses


qu'il pense".
Comme vous l'avez suppose, Monsieur, le nom d'Arslan signifie
lion. Les Turcs l'emploient volontiers comme nom et comme

surnom. Le celebre Ali-Pacha, vizir de Ianina, etait tres flatte quand

on lui donnait le surnom d'Arslan. Les epopees hindoues affectionnent aussi le surnom de lion appliqu au souverain, tout en
le remplacant volontiers par celui de tigre. Lion des princes" ou
tigre des princes" sont des expressions employees sans cesse par
Vyasa et par Valmiki.
Je n'ai ici ni l'Abeille de M. Mitko, ni aucun ouvrage albanais.
Je n'ai emporte aux bains que les livres qui pouvaient metre
utiles pour la question dont je m'occupe. Je ne puis donc faire
aucune recherche sur Theodoros d'Elbassan. Je vous conseille de
vous adresser a M. Mitko pour sa biographie.
Sans doute votre travail, Monsieur, serait fort Bien place dans
la Gazette de l'Allemagne du Nord. Malheureusement les journaux
officieux se preoccupent moins de tinter& et de l'importance des
questions que de la ligne suivie par leur gouvernement. Ainsi La
Republique francaise et Le Journal des Debats n'ouvriraient certaine-

ment pas leurs colonnes a un ecrivain qui aurait traite un pareil


sujet. Par le temps qui court on a donc beau vouloir rester etranger a la politique et se preoccuper avant tout des interets de la
www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

185

science ou des lettres. La politique a tellement tout envahi que


nous faisons, et que nous sommes, bon gre, malgre, obliges de
compter avec elle.

Une de mes amies de Vienne, qui a des relations avec l'ambassade de l'Empire des sources du soleil", a suppose que M. Carlos
de Gagern pouvait, dans sa position, vous etre utile pour la litterature japonaise. Reste a savoir, comme vous le dites avec raison,
si par la tournure de son esprit et ses habitudes intellectuelles it
aura de l'aptitude a vous fournir de travaux qui soient en rapport
avec le plan de votre journal.
Pour la Chine, je voudrais toujours vous decouvrir un veritable lettre chinois. Aussi je viens d'ecrire a Peking a un ami qui
s'y trouve maintenant pour le prier de faire des recherches.
Le Ghika dont vous me parlez, Monsieur, est le beyzade Dimitri, fils de mon oncle et parrain Gregoire IV, prince de Valachie,
dont vous trouverez l'histoire dans les Albancsi ; le cousin germain
a joue lui-meme un role politique, comme president du Conseil
des ministres et de la Chambre des deputes.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
51.

Rapallo, 6 octobre 1879.


Monsieur le Professeur,

Je vous envoie I'article sur la Vie klephtique dans l'Empire pawn, apres l'avoir relu plusieurs fois avec le plus grand soin.
Je quitte la Ligurie le 8 au matin et je serai a Florence le soir
du meme jour.
J'avais bien remarque dans un des precedents numeros du Journal" un extrait d'une de mes lettres sur la mythologic animale.
Dans notre Europe orientale on ne s'est guere occupe jusqu'a present de ce genre d'etudes. M. Politis n'a pas encore public la
partie de sa Mythologic Neo-hellenique qui regarde les animaux, mais

je sais qu'il en a deja rassemble les materiaux.


Chez les Magyars, chez les Roumains et chez les Slaves du
Sud je ne crois pas que ('attention des erudits se soit encore dirigee de ce cote. Les Allemands, comme toujours, ont tellement dewww.dacoromanica.ro

N. lorga

186

vance les autres peuples que ceux-ci auront fort a faire quand ils
voudront les rejoindre.
J'ai lu avec interet dans le Magyar Novenytoni Lapok les details
relatifs au vegetal qui porters le nom honore de votre collegue
M. le prof esseur Brassai.

Je suis tres fiere, pour mon compte, de ce qu'un des plus


beaux phlox de l'horticulture parisienne ait recu depuis longtemps
le nom de Princesse Ghika.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
52.

Florence,

5 novembre

1879.

Monsieur le Professeur,

Grace au temps, qui a ete constamment magnifique, par consequent fort different de ce qu'il etait dans le lugubre automne de
1877, j'ai pu me debarrasser assez promptement de ma grippe. A
Florence, on est fort expose a ce genre d'indisposition, a cause
des brusques changements de temps.
Dans cette chaude vallee de l'Arno, tout a coup un courant
polaire se precipite par la breche des Apennins ouverte derriere
Pistoia, et l'on se trouve subitement glace jusqu'a la moelle des os.
Hier matin, on etouffait ; cette nuit it y a eu de la gelee.
Comme les indigenes ne se preoccupent nullement de ces
dangereuses variations, la moyenne de la vie est Bien plus courte
ici que sous le triste ciel d'Edimbourg et de Londres.
Je crois que le titre auquel vous vous Res definitivement arrete,
Monsieur, est vraiment le meilleur que vous pouviez choisir.
D'un titre, it est difficile d'etre completement satisfait, et it faut
habituellement se contenter de ce qui represente le mieux la pensee essentielle du livre.
En cherchant quelques renseignements pour une demoiselle
americaine sur mes ecrits, j'ai retrouve des vers du poete venitien
Dall'Ongaro que je mets sous ce phi. J'y joins la traduction des
vers publies dans le recueil de poesies populaires albanaises par
M. Joubanij de Scutari. L,e premier morceau a paru dans le vowww.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

187

lume intitule : Francesco Dall'Ongaro, publie a Florence, en 1875,

par le professeur de Gubernatis.


Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
53.

Florence,

3 decembre 1879.
Monsieur le Professeur,

II me semble qu'il est mieux que l'annonce du livre de M. Benloew reste anonyme. Si plus tard le Journal de litterature cornparee
voulait en parler plus longuement, ce serait l'affaire d'un philologue competent. M. Breal, professeur au College de France et
traducteur de la Grammaire de Bopp, me disait, it y a quelques jours,

que ce livre a une valeur reelle et qu'il merite d'etre etudie par
les erudits qui s'occupent serieusement de linguistique. Si l'hypothese de M. Benloew etait fondee, on comprendrait la presence
des mots magyars que vous signalez dans l'albanais.
L'auteur de l'Analyse hesite, en effet, a mettre cette langue au
nombre des langues aryennes.
Il semble que le succes de l'article du Journal sur Tchock-Wong 1
ne soit pas encore arrive a son terme. La Gazette rose, revue bi-

mensuelle de Paris, vient de le reproduire dans la livraison du


1-er decembre. Je l'ai decouvert meme dans un recueil de Spolete,
Palestra, qui s'occupe des litteratures etrangeres.

En feuilletant un cahier de notes prises en Grece, j'y trouve


des vers grecs composes par M. Scritanidis et mis en musique
par M. Stevens.

Comme vous avez, Monsieur, fait un distique pour mon portrait, vous seriez peut-etre bien aise de lire le quatrain compose
par M-me Berton, une romanciere francaise, dont parle M. Vapereau dans ses Contemporains.

Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.
1 Ou Tchou-Ouang (N. I.).

www.dacoromanica.ro

188

N. lorga
54.

Florence,

29 decembre 1879.
Monsieur le Prof esseur,

J'ai recu tres exactement et en fort bon etat les vingt-cinq


exemplaires que vous avez eu l'obligeance de m'envoyer. Quand
les autres seront arrives, je ne manquerai pas de vous en avertir
immediatement. En effet dans ce temps d'encombre on a toujours
quelque inquietude sur le sort des choses qu'on confie a la poste.
Je vous remercie des voeux que vous voulez bien faire pour
moi. Je souhaite de mon cote que l'annee 1880 n'ait pour vous
que des jours heureux et tranquilles.
Le courant polaire dont vous souffrez en Transylvanie se fait
sentir jusque dans l'Europe meridionale.
Nous n'avons plus en Toscane qu'un ciel glace et un soleil
sans chaleur. Les jardins sont devastes, et de memoire d'homme
on n'a vu un pareil hiver sur les bords de l'Arno.
J'ai fait de nouvelles recherches en Chine pour vous trouver
un correspondant. Mais la difficulte n'est pas mediocre. Un lettre
de Canton, qui m'a envoye recemment sa carte et une brochure,
aurait offert toutes les conditions d'instruction desirables. Malheureusement, comme ses confreres, it ne sait aucune langue europeenne.

Tant que les lettres du Celeste Empire professeront le meme


mepris pour la langue des barbares", it sera difficile de nouer
avec eux des relations litteraires suivies.

Apropos de Chinois, Chock se trouve maintenant dans le territoire d'Idaho, aux Etats-Unis, comme vous le verrez par un fragment de l'Idaho-World, que je mets sous pli. L'Aurora de Modelle
contient quelques renseignements sur Miss Sanborn : Letteratura
Americana" : Miss Kate A. Sanborn, di Hanover (New-Hampshire),
autrice di un lavoro pregievolissimo sui poeti inglesi (Home pictures of english poets, New-York, 1869), ebbe la felice idea di tenere
negli Stati-Uniti delle conferenze sulle donne europee celebri del
secolo XVIII e del XIX. I fogli hanno analizzato he sue conferenze
sopra Madame Roland, l'Egeria dei Girondini, la Baronessa de
Stal, la Svedese Frederica Bremer, l'Inglese Lady Montagu, etc.
Quest'inverno Miss Sanborn ha divisato di dare a New-York delle
www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

189

conferenze sopra i moltissimi lavori letterari della principessa Dora


d'Istria,

della quale ha intenzione di

scrivere la vita (decembre

1879)."

Il commence A n'etre pas tres facile d'avoir des chants albanais


inedits.

Cependant, si je parviens a en trouver quelques-uns, je ne manquerai pas, Monsieur, de vous le faire savoir, sachant la legitime
importance que vous attachez a ces decouvertes.
Le mot cynisme que vous employez pour caracteriser la con-

duite de la diplomatic envers l'Albanie est de la plus grande


exactitude. La politique de 1815 redevient evidemment a la mode,

et les peuples sont traites comme de vils troupeaux. Le partage


de l'Albanie au XIX-e siecle sera un digne pendant du partage
de la Pologne au XVIII-e. Il est probable qu'il aura pour la peninsule des Balkans les memes consequences que l'aneantissement de

la nationalite polonaise pour l'Europe orientale. a est a desirer


que les Magyars voient combien as sont interesses a ce qu'une
pareille politique ne devienne pas la regle de l'Europe.
Agreez, Monsieur le Professeur, avec tous mes remerciements,
l'expression de ma haute consideration.
Dora d'Istria.

P. S. On m'a envoye de Leipzig un article de

la Leipziger
Zeitung, Wissenschaftliche Beilage, 23 October 1879, Eine neue Gorilla ;

Skizze von le Klee.


55.

Florence,
20 janvier 1880.

Monsieur le Professeur,

Quoiqu'on me defende d'ecrire et lire pendant quelque temps


a cause de mes yeux qui sont fatigues et qui me font mal, je ne
veux pas tarder a vous remercier des exemplaires de Kour-Oglou,
qui sont arrives en tres bon &at, et de votre lettre, que je me
suis fait lire et qui m'a bien interessee.
Croyez, Monsieur le Professeur, a tout mon devouement.
Dora d'Istria.

Vous pouvez essayer d'ecrire a mon poete chinois a l'adresse


du journal.

www.dacoromanica.ro

N. lorga

190

56.

New-York Daily Tribune, Sunday, February 29, 1880.

Dora d'Istria.

The carier of a remarkable woman concluding lecture of Miss


Kate Sanborn's course. The life and writings of a Roumanian
Princess : a wonderful range of subjects, incidents of an eventful
career.

Miss Kate Sanborn gave the last of her series of Thursday morning talks on literature and literary persons in the parlor of Dr.

Crosby's Church on February 26. There was a large audience,


and it was necessary to provide many of those present with campstools in the aisles and around the platform. It was atmost entirely
an audience of ladies. A massive St. Bernard dog sat on the platform by the side of Miss Sanborn during the entire lecture :
whenever he moved his position, she remarked that the bard
words bothered him" or that he was not particulary interested

in that part". In her lecture Miss Sanborn told, in an easy, conversational style, how she was led to collect the facts relative to
the life of the Princess Koltzoff Massalsky or Dora d'Istria" and
then gave an interesting sketch of the lady and her work.
Suit l'analyse de la conference.
The World, New-York, Friday, February, 27, 1880.

Contient aussi une longue analyse, dont voici la conclusion :


In conclusion Miss Sanborn said : She has lived for some years
in her own villa at Florence, surrounded by a magnificent garden, which she cultivates herself, entertaining with charming
hospitality all who are attracted to her home, and writing more
and better every year. She has always been interested in America
and the Americans, especialy in their repeated struggles for free-

dom and equal rights and is glad to be better known here. In


recalling her wondrous achievements 1 look up to intellectual

hights as far above me as the summit of the Alps and humbly


wish for more power to do justice to the noble genius of Dora
d'Istria."

Avec tous mes compliments et mes remerciements des journaux que j'ai recus ce matin.
Dora d'Istria.
www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

191

57.

Florence

2 avril 1880.
Monsieur le Professeur,

Je vous envoie ce Printemps dont Schiavoni m'a fait un jour


cadeau, afin d'avoir l'occasion de vous offrir mes compliments.

J'ajoute a cet envoi des vers que ce Printemps a inspires ici a une
jeune poetessa. Le poete Grenier, de Paris, que je viens de voir A
Florence, m'a dit que M-me Adam lui a fait traduire pour vous
des vers de Tziganes, qu'il a trouves charmants.
Je vous prie, Monsieur le Professeur, de croire a mes sentiments
les plus devoues.
Dora d'Istria.
Sopra un quadro di Schiavoni rappresentante La Primavera, ritratto della Principessa Dora d'Istria.

0 artefice sublime, o gentil mago


Fu certo quegli che si ben ritrasse
Questa soave e celestiale imago :
Mai di mirarla son le luci lasse
E a soffermarmi innanzi a lei rapita
Un indicibil fascino m'invita.
E quale idea, qual' fantasia pia. lieta
Unqua anise alla mente creatrice
D'imaginoso artista o di poeta ?
Pia della Peri vaga e pin felice
L'alma figura appar e si rivela
Teste discesa, sebben priva d'ali,
Dall'eterea region degl'Immortali.
Di svolazzanti veli e rivestita,
Fiori han le anelle delle chiome avvolti
E rose spargon le sue belle dita.
Un sorriso ha negli occhi al ciel rivolti :
Un sorriso, che all' anime favella
E ne calma e disperde ogni procella.

www.dacoromanica.ro

N. Iorga

192

Oh ! quale eletta man, qual magistero


In si armonioso ed ammirabil nodo
Congiunger seppe l'ideale al vero 1

Schiavoniinterno susurrarmi i' odo


E it mio stupor dileguasi a tal nome,
Che la Fama recommi d'un pittore
Gloria dell'Arte e della patria onore...
Ben conte al mondo son le tue bell'opere,
Veneto artista, ma, se alcun le ignora,
Mirando questa, it tuo valor discopre :
Stupenda e l'opra e l'anima e colora
II mesto incanto della tua laguna,
Di Tiziano e Giorgione illustre tuna...
Angelica figura L.. Eppure in quella
Giovanile sembianza, in quel sorriso
Ravvisar parmi una rumena stella...

Si, Dora d'Istria, e tuo quel nobil viso :


Schiavoni ti pinse nell'april degli anni :
Tipo del Bello, the ad amor suade
Andrai famosa alla remota etade !
Atenaide Zaira Pieromaldi
dei Golfarelli.
Firenze.
58.

Florence,

7 mars 1881.
Monsieur le Professeur,

Le celebre poete italien Andrea Maffeo vient de faire pour moi


une nouvelle version italienne du Sapin et du Palmier de Henri
Heine (Intermezzo, XXVIII).

Je vous envoie le manuscrit du poete, en vous priant de me le


retourner, quand vous en aurez pris connaissance.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria.

www.dacoromanica.ro

Lettres de bora d'Istria

19$

59.

Florence, 25 juillet 1881.


Monsieur le Professeur,

Je m'empresse de vous remercier des exemplaires, que je viens


de recevoir, des Danses et Chansons nationales des Roumains.
J'aime a croire que vous et les votres allez bien et que le voyage

que vous venez de faire s'est effectue d'une facon agreable et utile
a votre sante.

Quant a moi, je me trouve au milieu de travaux de toutes


sortes. Entr'autres, je fais agrandir le bassin de mon jardin pour
deux magnifiques cygnes qui sont arrives par l' express du Bois de
Boulogne. Heureusement n'ont-il pas ete condamnes a faire sept
jours de quarantaine comme les humains qui, en ce moment, font
mieux de cultiver la terre dans leur domaine et se mettre a l'abri
de toutes sortes d'ennuis.
Agreez, Monsieur le Professeur, avec tous mes remerciements, l'ex-

pression de ma haute consideration et de mon parfait devouement.


Dora d'Istria.
60.

Paris, 8 septembre 1881.


Monsieur le Professeur,
Vos scrupules sont exageres. Le comte Maffeo a ete enchante de

sa traduction, et je ne crois pas que, plus que moi, it ait fait


attention a l'encadrement noir. Comme je partais pour Vichy, oil
le Journal" est arrive, je ne vous en ai peut-etre pas remercie.
Agreez donc maintenant, Monsieur le Professeur, l'expression
sincere de ma gratitude et de mes sentiments devoues.
Dora d'Istria.
61.

Florence,
Villa d'Istria,
Via Leonardo da Vinci,

2 octobre 1881.
Monsieur le Professeur,

A peine arrivee de Paris, j'ai redige pour votre journal la petite


5

www.dacoromanica.ro

194

N. lorga

esquisse que je vous envoie. Si vons la trouviez de votre gout,


j'en scrais enchantee.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.
Dora d'Istria.
62.

Florence, 23 octobre 1881.


Monsieur le Professeur,

Disposez comme it vous plaira de ma petite esquisse sur Vevey.

Je vous transmets le toast porte en mon honneur par le savant


M. Amedee Roux, au diner qu'il m'a donne a Eco le, pres Vichy,
parce que ce toast est, it me semble, a la fois eloquent et spirituel. L'autre jour j'ai dine avec M. Renan, dont la conversation
m'a vraiment charmee.
J'ai envoye au comte Maffeo, des son arrivee, l'exemplaire qui
lui etait destine. Cet excellent poete est, en effet, tres vieux et n'est
plus en, etat de s'occuper que de sa propre conservation.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de mon parfait devouement.
Dora d'Istria.
Toast prononce par M. Amedee Roux a Ecole, pres Vichy, au
diner donne a Dora d'Istria.
Si notre dix-neuvieme siecle francais a merite de prendre place
parmi les grandes poques litteraires, it le doit pour une grande
part a quatre femmes dont le nom ne saurait perir : M-me de
Stael, George Sand, Daniel Stern, Helene Ghika.
Trois d'entr'elles ne vivent plus que dans le souvenir des hornmes, mais l'autre est restee comme l'une des plus seduisantes incarnations de notre generation laborieuse, dont elle a partage toutes
les esperances et subi, helas, toutes les deceptions.
Pareille a cette Muse qu'a chantee Alfred de Musset, a cette
Malibran qui traversait l'Europe, une lyre a la main", notre chere
Princesse, elle aussi, a erre sous bien des cieux, aborde a bien des
rivages, parlant toutes les langues, servant toutes les nobles causes,
semant sa route de bienfaits, si bien qu'en la voyant on songe
uniquement a ce merveilleux ensemble de qualites si rares, et l'on
oublie que, ne sur les marches du trone, elle a des droits hereditaires a ces hommages que lui prodiguent spontanement ses

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

195

contemporains idolatres. Mais le glorieux publiciste m'imposerait

silence si je tentais d'exposer ses etats de service. Vous avez tous


lu d'ailleurs ses charmants ecrits, oil a l'incomparable delicatesse
d'une main de femme s'allie toute la solidite du plus viril esprit.
Il ne me reste donc plus qu'a m'acquitter d'un devoir qui m'cst

doux en vous proposant un toast a celle que je n'ose appeler


mon confrere, au grand general qui est venu abriter un moment
sa tete entre deux victoires sous l'humble toit d'un guerrier
subalterne.

A M-me la Princesse Dora d'Istria, a la future souveraine d'AlEcole, le 16 aofit 1881.

banie !

63.

Florence,

27 mai 1882.
Monsieur le Professeur,

J'ai recu tres exactement les exemplaires de Perez, que vous


avez bien voulu m'envoyer et dont je vous remercie.
J'ai eu le plaisir de voir ici M. le professeur Brassai, qui, malgre
son age avance, donne encore des preuves si remarquables de sa
belle intelligence. Il a fait, pendant le diner, pour ma cousine,
Constance Rasponi, un autographe qu'on dirait ecrit par un
jeune homme.

Je lui ai demande de vos nouvelles, et j'ai ete enchantee de


tout ce qu'il m'a dit de vous et de votre famille.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'assurance de mes sentiments
les plus devoues.
Dora d'Istria.
64.

Florence,

23 mai 1883.
Monsieur le Professeur,

J'ai eu tellement hate de renvoyer les epreuves sans aucun


retard, que j'ai mis de cote, ce jour-la, les travaux les plus presses.
Mon etonnement a donc ete grand aujourdhui, en recevant votre
lettre avec la cartolina que je mets sous ce pli. Mais, comme

www.dacoromanica.ro

N. lorga

196

vous le dites fort bien, quand on a en l'occasion, dans sa vie, de


connaitre un seul editeur, on est savant eu cette matiere.
Merci bien de la plante elegante des ruines de Carthage! Elle
ressemble, en effet, aux myosotis, par la delicatesse et la forme
des corolles; mais le bouquet en est plus riche, les tiges plus
robustes et plus elancees.
Ce que vous me dites de la beaute des hommes et du costume
pittoresque des femmes en Tunisie m'a bien interessee.
Nous avons eu ici une tres jolie personne, la reine de Serbie,
qui m'a invitee a dejeuner le jour de la Paque orientale, et que
j'ai trouvee vraiment charmante.
Je souhaite, Monsieur le Professeur, que votre sejour en Afrique
vous soft salutaire et je vous prie de croire a ma parfaite sympathie.
Princesse Koltzoff-Massalsky.
65.

Florence,

25 juillet 1883.
Monsieur le Professeur,

J'attendais, pour vous ecrire, le journal qui devait contenir


votre belle poesie. Mais ma jeune et charmante correspondante
berlinaise vient de m'envoyer la feuille, que je vous transmet, en
me disant qu'elle a tarde, parce que la Borsen-Zeitung a pour principe de ne point imprimer de poesies dans ses colonnes. Maintenant je m'empresse, a l'aide de la plume tunisienne, de vous of-

frir tous mes compliments et de vous dire que je souhaite que


votre sante continue de s'ameliorer dans vos belles montagnes et
au milieu des titres qui vous sont chers. Mille amities.
Dora d'Istria.
66.

Florence,

7 novembre

1888.

Monsieur le Professeur,

J'applaudis de tout mon coeur a votre nouveau plan litteraire.

Je ne doute pas que ce plan, concu par vous avec tant de sowww.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

197

voir et de sagacite, ne produise des resultats aussi utiles que


brillants.

Quant a moi, je suis a votre disposition et, si je pouvais contribuer au succes de votre oeuvre, j'en serais certainement heureuse,
Veuillez agreer, Monsieur le Professeur, avec mes remerciements,
l'assurance de mes sentiments devoues.
Dora d'Istria.
67.

Florence,

14 novembre 1883.
Monsieur le Professeur,

J'envoie a vos jolis enfants, avec mille baisers, la photographie


de Brahma.
Je regrette de ne pas voir, aupres de ces enfants, le portrait de
leur mere, dont vous m'avez tant fait l'eloge.
Mes amities a tous.
Dora d'Istria.
68.

7 aout 1884.
Monsieur le Professeur,

II ne m'a pas ete facile de trouver des renseignements sur un


fait dont je n'avais point conserve des notes.
Cependant it est possible qu'avec ce fragment d'article de M.
Perrot vous pourrez vous orienter.
Il me semble que dans mon ouvrage sur la Grece (Excursions
en Rome lie et en Moree) j'ai fait des rapprochements entre la
Panaghia (la Madone) et Aphrodite.
Malheureusement je n'ai pas cet ouvrage sous la main. Vos amis
de Francfort pourroint vous copier les passages interessants au Freie
Deutsche Monatschrift, oil cet ouvrage se trouve.
J'ai Bien recu les 50 exemplaires des Acta en deux paquets.
Je fais des voeux pour l'heureuse delivrance de Madame Meltzl

et vous prie, Monsieur le Professeur, de croire a mon parfait


devouement.

Dora d'Istria.

www.dacoromanica.ro

N. Iorga

198

69.

Florence,

26 septembre 1884.
Monsieur le Professeur,

Je suis heureuse de donner mon nom et toute mon affection a


votre enfant. Si j'etais une fee, j'etendrais ma baguette d'or vers la
tete pour la preserver de toute fatalite, 6mi-owl, et, afin d'obeir
a Anacreon, qui disait qu'aux femmes Dieu, n'ayant plus autre
chose a donner, leur fit grace de la beaute, V) xc'cXXoc, je l'enchante-

rais de ce don merveilleux. Croyez, ainsi que Madame de Lownitz, que je fais les voeux les plus sinceres pour que ces souhaits
se realisent.

Nous sommes, en Italie, en pleine epidemie de cholera. La Toscane est encore epargnee, mais nous payons les frais du mal par
tous les moyens que la charite et la mendicite ont invente de
plus vexatoire.

Un jeune prince d'Hawai, qui faisait ses etudes a Turin et qui


etait venu me voir l'hiver dernier, a ete frappe a Naples du terrible fleau et on lui eleve un monument par souscription. Tout
cela est lugubre, et, si je n'avais mes jardins, mes cygnes, que j'ai
fait fait venir du Bois de Boulogne, et mille autres petites distractions

de ce genre, je crois que le morbo me punirait de l'envie d'en


entendre parler.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de mes sentiments
le plus affectueux.
Dora d'Istria.
70.

Florence,

26 fevrier 1885.
Monsieur le Professeur,

J'avais bien lu dans les Acta cornparationis la note aimable, que


vous avez bien voulu inserer sur mes Excursions en Rownelie. Je
croyais meme que, je vous en avais immediatement remercie. Mais
j'ai eu ces derniers temps une telle accumulation d'occupations,

que je ne sais plus trop ce que je suis parvenue a faire.


Diners aux amis et aux parents, exigences litteraires et rhumes

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

199

de cerveau, par dessus le marche, finissent par hebeter. Or c'est

bien mon cas. Je vous demande donc pardon si j'ai ete si peu
exacte. Mes sentiments ne sont pas moins devoues quand je manque a mes devoirs et je vous prie d'agreer, ainsi que Madame
Meltzl, l'assurance de mon affection bien sincere.
J'embrasse la petite Helene.
Dora d'Istria.
71.

Florence,

24 mars 1886.
Votre troisieme edition des trois L du Dante est arrivee aujourd'hui au moment oil j'apercevais le premier bouton de rose qui
s'epanouissait dans mon jardin. Deux surprises, deux joies a placer
au cote gauche dans l'inferno.
Je m'empressc de vous remercier de cette belle edition et de
vous offrir mes compliments affectueux.

Dora d'Istria.
72.

Florence,

1-er novembre 1886.


Monsieur le Professeur,

Je viens de recevoir Goethe und das Monstrum et Goethe und


Freidank, que vous avez bien voulu m'envoyer. Je lirai avec un
veritable interet ces deux savantes etudes des que j'aurais un moment a moi.
Agreez, Monsieur le Professeur, l'expression de ma haute consideration.

Dora d'Istria, Koltzoff-Massalsky.


73.

Florence,

27 juillet 1887.
Monsieur le Professeur,

J'ai recu votre Monstranz, que j'ai deja pu apprecier dans le


Journal de litterature comparee.

www.dacoromanica.ro

200

N. Iorga

Veuillez agreer, Monsieur, avec tous mes remerciements, l'expression de ma haute consideration.
Dora d'Istria.
74.

Florence,

28 mars 1887.
Monsieur le Professeur,

Lorsqu'il y a quelques jours le comte Kam s'arretait dans mon


jardin devant un bouquet de perce-neiges qui balancaient leurs
dernieres clochettes au dessus d'une couronne de violettes, je ne
pouvais pas me douter que bientot ces charmantes petites plantes
hyemales arriveront de son pays natal, de cette Transylvanie,
que la nature a comblee de tous ses dons. Merci de votre bon
souvenir. Le professeur Gabba m'a dit qu'un savant de Pise (d'Ancona, si je ne me trompe) prepare un travail sur vos trois L".
Agreez, Monsieur, l'expression de ma consideration distinguee.
Dora d'Istria.
75.

Lettre de M. Mitko.
Il accuse reception de votre lettre.
II ecrit, malgre l'opthalmie, dont il souffre depuis trois mois,
pour vous remercier de l'accueil fait a l'Abeille et de votre indulgence
pour cette publication.
II est touch de vos sentiments si bienveillants pour sa patrie,
dont la situation lui cause une veritable souffrance et pour laquelle
il voudrait continuer d'ecrire. II a, dans ces quinze ou vingt dernieres
annees, rassemble une riche collection de chants, contes, etc.
Mais en Egypte la publicite est difficile et conteuse.
Il serait donc satisfait si l'accueil fait en Allemagne a son volume lui permettrait d'y placer un certain nombre d'exemplaires.
II s'interesse vivement a votre journal et il a l'intention de le faire

connaitre a des philologues du pays on il vit. Mais son ophtalmie le retient a la maison, tout en expliquant pourquoi sa lettre
est courte.
P. S. Prochainement il vous donnera des renseignements sur
les Albanais de l'Egypte.
La deuxieme partie de l'Abeille sera accompagnee d'une traduction grecque.
*

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

201

Pour montrer de quelle facon s'exprimait a certe poque l'admiration pour une femme de haute lignee, belle en sa jeunesse
et remarquablement initiee dans des domaines tres differents de
la science, nous laissons suivre ce recueil de compliments polyglottes que Dora d'Istria ne manquait pas de recueillir et que l'amitie devouee de Meltzl avait conservees dans tout un dossier
d'hommages plus ou moins litteraires :
I.

Alla nobilissima dama principessa


Dora d'Istria.

Se siete buona, come siete bella,


Teneteli per voi si dolci sguardi :
V'arde fra ciglio e ciglio una fiammella
Che fa ringiovanire i cor pia tardi.
Io son come un romito nella cella,
Ma chi mi puO tener the non vi guardi ?

Bella, se non volete it mio tormento,


Volgete que' begli occhi al firmamento.
Vi credero una Santa sull' altare,
E vi potro adorar, se non amare :
Vi creder6 uno spirito beato
E vi potro guardar senza peccato.
Francesco Dall' Ongaro.
Imprime dans : F. Dall' Ongaro e it suo epistolario scelto
par A. de Gubernatis, Firenze, 1875.
2.

Brindisi.

Improvvisato dal conte Zauli Naldi al banchetto dato dalla


principessa Dora D'Istria alle Cascine col suono dell'organo in
pien' aria.

Se un cigno io fossi e di mio labbro fuore


Sgorgar potesse armonioso it canto,
lo ben, Donna gentil,
Ridir vorrei tue lodi,
E con eletto stile

www.dacoromanica.ro

202

N. Iorga

Tutti i pregi eternar di quel bel core,


Onde sei fatta di Rumenia vanto.
Ma, poiche i dolci modi
Non cesse a me fortuna, accogli almeno
Quei che per Te fa. voti
E gli schietti e devoti
Sensi di servitii, che nutro in senno.
Firenze, maggio 1884.
3.

A Dora D'Istria
Princesse Koltzoff-Massalsky.

A toi qui sus jadis dans ton elan sublime


Atteindre les sommets oil les aigles ont peur
Et faire de ta main sur la plus haute time
Flotter les plis legers de ton drapeau vainqueur,
A toi qui sus franchir les glaciers centenaires,
Qui to voyaient passer, pareille en ton essor
Aux reves lumineux des fronts visionnaires
Qu' apres s'etre envoi& on aimerait encor,

Sur les coteaux fleuris que la nature kale


Promenant doucement tes regards soucieux,
Portant bien loin du bruit des vastes capitales
On nul n'avait porte ses pas audacieux ;
Dedaignant la clameur des vaines multitudes,
La fleur de nos jardins et l'air de nos maisons,
Dans le silence, ami des mornes solitudes,
Livrant ton ame entiere aux vastes horizons,

Avec ton vert manteau, ta noble chevelure


Et dans ta main de femme un long baton fen&
Tandis que les chasseurs de felure en felure
Plongeaient dans quelque abime un regard effare,
Frappant d'etonnement les hommes sur la terre
Effrayant dans les cieux quelqu' essaim de vautours,

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

Debout sur le sommet pensive et solitaire


Comparant les oiseaux volants au vol des jours,
Toi qui goatas la paix des lieux les plus sauvages,
Dans quelque simple asyle un sejour sans regrets
Et la mer dans la nuit pleurant sur les rivages
Et le rugissement des vents dans les forets ;

Toi qui sail to pencher attentive et sereine


A l'heure ou l'ocean des passions fremit,
Comme un ange visible au bord de Time humaine
Pour &outer la voix qui reve ou qui gemit,

Toi qui dans les accents multiples de la terre


Qui t'ont confie tout ce qu'ils ont de meilleur
Retrouves par instinct la langue elementaire
Qui dans le coeur se forme et qui va droit au coeur
Toi qui, cheveux au vent, au bord de quelque abime,

Contemplant la lueur changeante des couchants,


As longtemps medite sur to pensee intime,
Pour qui les malheureux ne sont que les mechants,

Et toi to comprendrais le philosophe austere


Epiant la nature aux millions de voix,
Le poete reyeur qui, dedaignant la terre,
Causant avec les cieux, s'enfonce dans les Bois,
Aux pieds des vieux sapins l'eau vive qui murmure,
Le rossignol cache dans les chenes touffus

Et dans la foret sombre a la verte ramure


Le bruit sans fin des gazouillements confus.
Tu comprendras quelle est cette unique puissance
De l'immense nature, impenetrable essieu,
Qui, sans nous denoncer son insondable essence,
Se metamorphosant va de l'insecte a Dieu,
Qui brille au front des nuits dans des milliers d'etoiles,

Qui parfume l'avril, qui sourit dans Pete,

www.dacoromanica.ro

203

204

N. lorga

Qui, grande dans la mer, siffle a travers les voiles


Et qui fait de l'instant jaillir l'eternite.
Aux plats declamateurs qui dans leur vain delire
Jettent leur pierre a Dieu, lancent leur fleche au ciel,

Qui croient nous etonner et qui nous font sourire


Laissant tremper leur vers dans l'eponge du fiel,
Ta voix, qui peint toujours et qui souvent enflamme,
Comme un miroir d'argent fait revivre a nos yeux

Dans l'inspiration instinctive de lame


La beaute de la terre et l'infini des cieux.

Toi qui, tranquille et forte en ta noble carriere,


Avec l'etoile au front on la bonte sourit
Sans que ton regard tremble ou se trouve en arriere,

Gravis tous les sommets du coeur et de l'esprit,


Interrogeant le peuple a travers son histoire,
Lisant sur son grand front ce mot : Humanite,
Toi qui revas pour lui l'amour, la paix, la gloire,
Dans l'immense avenir, dans l'immense clarte,

Jetant ta noble voix sur les feux de la haine


Comme on verse de l'eau sur des charbons ardents,

Pour relever son ame et pour briser sa chaine


On les siecles en vain avaient use leurs dents ;
Toi dont le pied foula le vert tapis des herbes,
Des clochers du Kremlin au seuil du Vatican,
L'Etna majestueux attend tes pas superbes :
Ainsi que ton grand coeur it renferme un volcan.
Tel qu'on verrait surgir, blanc sur les laves noires,
Un ange interrogeant le titan endormi,
Telle apparais la-haut et, s'il t'apprend nos gloires,
Ecris sur ton genou quelque memoire ami !

Faisant sur ton chemin, surprenante odyssee !,


Jaillir une ettincelle a chacun de tes pas,
Gravis les echelons brillants de la pens&
Oil l'on monte toujours, on Pon n'arrive pas !

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

205

Marche, va, de l'idee ei sublime amazone!


Le passe craint ton nom et chancelle a to voix ;
0 reves des penseurs que l'on desemprisonne,
Courez a l'avenir comme la meute aux Bois !
Reveillement supreme !, eblouissante aurore 1

Voir la femme darder un rayon solennel !


Dilt naufrager le monde, il revivrait encore,
Le jour qu'un de ses doigts nous montrerait le ciel.
Laisse ces vaniteux se battre avec leurs ombres
Fiers de quelques grands mots que nul d'eux ne comprit ;
Qu'ils marchent aveugles dans des profondeurs sombres,
Renies par Satan, chasses par Jesus-Christ.

Monte et grandis toujours tant qu'on verra des times,

II to sied de ravir la foudre a Jehova,


Agitant le drapeau des verites sublimes
De la Tamise au Nil, du Tibre a la Neva.
Mejoire, fevrier 21, 1877.
4.

Ode
O Principessa, celeste donna, tu che gareggi 1 coi piii leggiadri fiori,

Tu degna sei che di se sola si esalti il mento di pesca e la


guancia di albicocca 2.

Reina, tu siedi senza rivali fra l'itale beltadi,


Tu primo ed unico fiore toccato in sorte ai regni dell'Occidente.

Questa stanza di versi di sette sillabe inneggiata innanzi al ritratto, si manda in Italia aila Principessa To-la-ti-s-ti-li-a 3, nobilissima donna, affinche ella si degni correggerla.
Chock-Wong

Dato nel 25 giorno del X mese.


' Faute grave corrigee par le traducteur.
2 Questa e la massima lode che possa fare della bellezza un poeta cinese.
Le pesche e le albicocche souo disegnate sulla carta.
8 Cosi e trascritto in cinese il nome della signora principessa.

www.dacoromanica.ro

N. lorga

206

5.

A due graziosi uccelli i che la Il lustre principessa Dora d'Istria,


reduce dal viaggio fattovi nel 1880, recO dall'America a Firenze.

Sonetto.
Vaghi augelletti, che per mare infido
Dal cielo american Donna cortese
V'addusse all'Amore del pia bel paese,
Coppia amorosa a fabbricarvi it nido,
La sorte che vi arrise in questo lido,
Oh quanta invidia nel mio core accese !
Voi siete prigionier di tal, cui rese
Chiara nel mondo della fama it grido.
Ma invidio pin del vostro intenso e forte
Amor quel pio cotanto e arcan destino,
Che insiem vi appella al regno della morte,
Pero che a pianger non ancor starei
L'Angiol che amai d'amor quasi divino,
E invan l'amai.... nel fior degli anni miei !
Firenze, 8 novembre 1881.
Orlando Penotimar,
(pseudonyme d'un missionaire albanais
de l'ordre des Franciscains).
6.

Quatrain
par M-me Caroline Berton.
Liberale avec elegance
Et savante avec enjotiment,
Elle n'aime que ce qui pease :
C'est aimer peu de gens vraimeut !
7.

Te fortendritcmese Zorycse.

Dore Istriade.

(Von Eutimio Mitko aus Corizza im Inner-Mittel-Albanien,


Cairo, 12 Febr. 1869.

A. Dora d'Istria gli Albanesi, Livorno

1870, p. 67.)
1 Deux petites perruches vertes d'Australie, inseparables.

www.dacoromanica.ro

Lettres de Dora d'Istria

207

Du von Istrien, Helene, Herrin, o gewahr mir meine


Bitte, heute, die ich wage, und erwarte von mir keine

Tiefen Dinge, auserles'ne und mit schOner Zier durchpickte,

Ob auch anders Dich zu loben wohl zu Deinem Glanz sich


schickte,

Denn nur Eins liegt mir am Herzen, dass von Skjypetarschem


Stamme

Du entsprungen bist, dem gilt heute meiner Lieb und Ehrfurcht


Flamme.

Und wie viel hast Du geschaffen, hast gestrebt Du und entfaltet,


Zu Albaniens Ruhm die Kraft Du ; solchen Ruhm der nie veraltet.
Alle Welt erschallt von diesem Ruhm : sie wird ihn weiter tragen
Von Jahrhundert zu Jahrhundert, noch in spater Enkel Tagen.
Du von Istrien, Helene, Herrin, o Dein schoner Namen
Bleibt mit Pyrrhus, Alexander, Castriota stets im Rahmen
Jenes Bildes, das im Herzen jedes Skjypetaren wohnet,
Doch auf Deiner Stirn ein Kranz von Lorbeern unverwelklich
thronet 1!
8.

Alla illustre scrittrice

Principessa Dora d'Istria


Le povere fanciulle cattoliche
albanesi,

inviandole a mezzo del P. Leonardo Martino de Greci M. O.


une penna 2 d'argento.
Dicon che sei gentil, sei buona e bella,
Che it core hai grande pari all'alto ingegno,
Figlia d'Eroi, ma pur nostra sorella ;
Dicon che it Genio tuo d'un scettro e degno :
Da un polo all'altro ognun cosi favella,
E negli albani cor gia tieni un regno ;
Ma noi, cui manta un aureo scettro, un trono....,
Un calamo d'argento offriamti in dono.
8 un picciol dono, in ver, ma fa palese
Quanto t'ama e ti tole ogni Albanese.
Scutari d'Albania,

2 aprile 1881.

(Seguono trecento firme.)

i [A la date du 7 aotit 1884, lisez : Hocbstift.]


2 Squisito lavoro in filigrana di orefici albanesi.

www.dacoromanica.ro

208

N. lorga

Dans le compte rendu du Fieramosca, on fait l'eloge de Brahma


(D. d'I.)
Mais je n'ai plus ce journal.
9.

L'etoile de l'Albanie.
A Dora d'Istria.
(Vers de M. Ioubanij', traduits de l'albanais par le professeur F. Dall' Ongaro.)

Tu se' una stella e all' Albania risplendi,


Ricca d'oro, di senno e di belts.
E per forza d'amore a not tu rendi
La gioja e it lustro dell' antica eta.
Coronata di luce e di verbene,
Tu c' ispiri nel cor speranza e fe.
Dio t' ha creata per it nostro bene
E per volgere al dritto it nostro pie.
Dora d'Istria ti nomi ; ma traspare
Fra le nubi una stella in mezzo al ciel.
Nobil fior d'Albania, non puoi celare
La tua luce natia per entro un vel.
Ogni nostra speranza in te riposa,
Astro amoroso e benedetto fior !
II tuo core e belts sono una cosa,
E it tuo amor si confonde al nostro amor.
Dall' albanese.
10.

De Palma Doridis
Regina est flores inter tuos palma virentes,
Dori, quot et quales tu studiosa colis.
Nomine quisque suo memori vult mente referri,
Vel formae specie sit, vel odore placens.
Stirpe peregrina tu, sed complecteris omnes ;
Nec te dos pretii, nec latet ulla plaga.
Ergo doctrinis plures quae munere palmas
Pluribus accumulas, hanc quoque sume Tuam.
1 Albanais de Scutari, auteur d'une collection de chants populaires de son
pays.

www.dacoromanica.ro

Un livre sur les rappprts de l'Empire byzantin

209

Crescere gaudet enim sic proxima, fiat ut olim


His etiam ex meritis, Dori, corona tibi.
Alois. Chrysostoni Ferruccii,
Civis Romani.
Ildpepiov

Fabularum Forocornelii,

N. Iorga.

A. MDCCCLXXIII.

Un livre sur les rapports de l'Empire byzantin


avec l'Occident au XV-e siecle
Dans le beau livre de M. Halecki 1 le voyage de Jean V a
Bude forme tout un chapitre, et des mcilleurs. Cyclones (Patiologia graeca, CLIV, p. 1000) donne la route: l'cnipereur passe

par les embouchures du Danube (cf. p. 113). II avait avec


lui ses fils, Manuel et Michel. M. Halecki identifie leur cornpagnon de voyage, un Georges Manikaites (p. 113, note 2). Pour
toute cette partie it fallait employer les documents hongrois
donne's par Thalloczy dans le Szazddok et notre etude dans les
Convorbiri literare de Bucarest.
La lettre par laquelle Urbain V se dedit, le 23 juin 1366, des
promesses faites a l'empereur est soigneusement analysee (pp.
129-130). Un bon chapitre aussi sur la croisade d'Amedee VI
cl3 Savoie; le role du Patriarche Paul, l'ancien archev'eque de
Smyrne, est signale avec raison (pp. 141-142), ainsi que celui de
son remplaga,nt a Thebes, l'archeveque Simon (p. 142). La
chaleureuse plaidoirie de Cydones pour Les Wins est presentee
p. 144 et suiv. M. Halecki montre que cette equip& achemina

de nouveau les negociations du basileus avec le Pape (p. 150


et suiv.).
On en arrive a l'idee du concile oriental. Le preteur de Con-

stantinople' (p. 156) est sans doute le meme que le capitaine"


de cette ville, dont it a ete question plu,, haul. Jean Cantacuzene
redige a mite occasion un traite doginatique contre le Patriarche
Paul, qui n'a pas ete public (voy. p. 157 et note 5).

Suit un chapitre sur la preparation du voyage imperial a


' Un empereur de Byzance a Rome, Varsovle, 1930. Voy. amide 1930, op.
248-249.
4

www.dacoromanica.ro

210

N. lorga

Rome, oil venait de rentrer la Papaute : Parachimemenos"


c'esL le napa4o4dwevog (p. 164). Theodore Domesticos Proximos"

un domestikos" et un proxenos" (voy. ma Breve Histoire de


la Petite Armenie, Paris 1930, pp. 60-61), et un Metasopoulos"
doit etre Metaxopoulos. Le Pape laisse tomber l'idee du concile.
M. Halecki a raison d'insister sur la proposition faite par les
Venitiens, en 1368, d'entrer en rapports avec Mourad-bey, le Sul-

tan, pour en avoir Scutari (p. 176 et suiv.). En ce moment


ils pensaient a vendre le depot des joyaux du pauvre empereur (p. 177). A cette meme date le despote Ougliecha etait
pre'. a soumettre son Eglise a celle de Constantinople (pp. 179180).

Sur les tentatives de refaire 1'w:die orthodoxe sous l'oecume-

nique on pouvait consulter mon etude sur la formation des


glises roumaines, dans le Bulletin frangais de la section historique de l'Academie Rouinaine ". En echange, le Pape gagnait
les seigneurs de la Zenta (pp. 180-181); des efforts semblables
se depensent pour la Crete, pour rile de Chypre, pour Satalie,
oonquise par Pierre I-er, pour la Crimee (pp. 182-184).
L'histoire de ce voyage commence avec le chapitre VIII. Jean
V arrive par Castellamare, avec l'heritier Andronic, avec Demetre
Paleologue, fils d'Andronic II, avec Michel 1'Ange, avec un Las-

caris, avec un Strongylo, un Kykandyles, avec Gattilusio et


Cydones, sans compter le patriarche latin de Constantinople.
Il reprend la Mer pour debarquer a Rome, oii cut lieu l'acceptation complete et formelle de la foi romaine en janvier 1370
(p. 198). L'empereur s'agenouilla publiquement devant celui
qu'il reconnaissait comme seul chef de l'Eglise (pp. 198-199):
it resta cinq mois a Rome (pp. 199-200).
M. Halecki souligne avec raison qu'il ne s'agissait que d'un acte
de conversion individuelle (p. 205). Cependant le Pape nomme

un eveque a Gallipolis, la conquete d'Amedee (p. 207) ; des


tentatives analogues sont faites dans la peninsule des Balcans (p. 209 et suiv.). Le role de la princesse de Valachie, Claire,

dont les filles avaient epouse l'une Sratchimir, Tzar de Vidine, l'autre le fils de Douchane, est suffisamment marque (voy.

mon Histoire des Roumains") et, pour tout ce chapitre de la


propagande latine, mon Histoire de l'2glise roumaine" (en
roumain), I.
Les resultats politiques de la conversion sont present& dans
www.dacoromanica.ro

Un llvre sur les rapports de ('Empire byzantln

211

un autre chapitre. L'offre de Tenedos aux Venitiens est mentiormee aux pages 227 et suiv. Puis it est question de la reaction de l'orthodoxie byzantine": elle se produisit a Kiev; nous
rayons etudiee aussi dans le Bulletin frangais de l'Academie
Roumaine", loc. cit., et les actes ooncernant les Roumains ont ete

repris par nous dans le volume XIV de la collection Hurmuzaki. M. Halecki s'arrete sur la demande turque, en 1371,
concernant Gallipolis (p. 243; d'apres Cyclones, Patrologia Grae-

ca, CLIV, p. 1009 et suiv.) et sur le sort de Christopolis, reprise aux Turcs par les freres Assanes, p. 247, note 3, sur
celui de Seres, rentree dans les possessions de Manuel, despote
de Salonique, pp. 247-218, sur le congres de Thebes., p. 255
et suiv.

Tout ce chapitre est intilule La seconde intervention de


Lascaris Calophero": n'est-ce pas un peu trop pour l'honnete
chevalier" conslantinopolitainl Le Pape interdit aux Hongrois,
en 1373, meme les rapports avec la Valachie schismatique"
(p. 269, note 1). Des nouveaux projets de croisade formes cette
annee it est question, p. 273 et suiv. Lascaris est recommande
aussi a Philippe de Mezieres, p. 276 et note 2: cc renseignenient,
tire des lettres pontificales, m'avait echappe dans mon Philippe
de Mezieres" et aussi celui de 1375, p. 313, note 5. Lascaris passe
aussi en Hongrie (pp. 281-282). (L'eveque coldanen.sis", vicaire
du Patriarche de Constantinople, doil etre celui de Soldaia,p. 283,

note 5.) Un Emimanuel Lascaris passe alors a l'nglise romaine,


pp. 284-286, et un Emmanuel Frangopoulo se fait inscrire
rUniversite de Bologne, pp. 285-286.

Le chapitre XII poursuit ces rapports entre Byzance et


la Papaule: avec les efforts de Gregoire XI, en. 1375 nouvelle
intervention de l'empereur (p. 307 et suiv.).
L'auteur s'arrete a la mort de ce Pape, en 1378.
Dans les analyses critiques" de sources qui suivent, it est
prouve que Jean V ne vint pas a Avignon. Est signalee l'importance de la chronique venitienne de Vienne (1289-1381)
(p. 342) ; les biographies d'Urbain. V y sont eomparees entre
elles.

Un grand noinbre de pieces justificatives" commence par


une lettre d'Innocent VI, (lat.& du 17 juillet 1356, et, a cote de pieces pontificales et venitiennes, on. a un precieux extrait de la chro-

www.dacoromanica.ro

212

N. .lorga

'live de Caroldo. Des actes des archives de S. Marc sur .1A


guerre de Tenedos .ont ete donna par nous dans la forme roumaine de notre memoire A. l'Academie Roumaine sur Venise dans la Mer Noire" (la forme fran.gaise dans le Bulletin
de la section historique de l'Academie Roumaine").
La bibliographie du livre de M. Halecki est excellente et
l'index detain&
N. lorga

COMPTES-RENDUS
William L. Langer, European alliances and alignments, 18711890, New-York 1931.
Ce bel ouvrage d'un professeur americain dont la stupefiante

information va jusqu'aux livres dulls dans des langues d'une


circulation restreinte est de fait une histoire diplomatique de
l'Europe contemporaine a partir de 1871.
Pour les pays du Sud-Est europeen it n'y a pas moms de
quatre grands chapitres (III, IV, V et X). Its sont tres judicieux

et comprennent dans une forme agreable tout l'essentiel. M.


Langer reconnait le vrai caractere, guere haineux par un antagonisme de principe, de la domination turque. Son chapitre stir la
revolte de la Bosnie-Herzegovine est excellent. Les pages sur
le panslavisme montrent une initiation reelle dans le sens d'un mouvement dont on a un peu exagere les origines et la portee. le
continue a croire que les documents du pamphlet Russia's Work
in Turkey sont authentiques ; la denegation russe a ete, du reste,
opposee aussi A la Correspondance bulgare publide par Leonoff.
LIn livre recent, analyse dans cette revue meme, montre bien le
role d'un Yonine dans la revolte bosniaque. Mais l'auteur a raison
de penser avant tout aux invitations autrichiennes, rappelant,

comme je l'ai fait, le voyage de Francois-joseph comme ern-pereur catholique de l'Orient", pourrait-on dire, dans les eaux
dalmates. La politique anglaise a I'egard de. l'insurrection est sur-

tout bien presentee et dans l'information, varide et menue, les


sources anglaises sont largement employees. Comme d'habitude
chez les Americains, la bibliographie, accompagnee de reflexions
critiques, est tres riche et parfois tout a fait nouvelle ; c'est ce

qu'il y a de mieux jusqu'ici sur le sujet.


www.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

213

Pour la preparation de la guerre de 1877-1878 le recit conserve les memes grandes qualites. Tout un groupe bibliographique

pour les arrangements de Reichstadt, p. 92, note 2. La meme


attention elt accord& a l'attitude et a l'action de l'Angleterre.
Sur la convention de Budapest, en janvier 1877, et la convention additionnelle", rediwe en mars, mais antidatee elle a ete
revelee" par une etude de Wertheimer, dans les Historische Blatter

et le texte a ete publie par Pribramet sur le protocole de Londres, signe par Ignatiev, p. 114 et suiv.
La guerre elle-meme et le traite de Berlin occupent le chapitre V. line etude inedite de M. Dwight E. Lee y est emplo
yee. L'attitude de la Russie a l'egard de la Roumanie vassale
est presentee avec justesse aux pages 126-127. La politique d'Andressy est ramenee (p. 163) a sa juste valeur. On aurait pu ajou,ter sa politique stupide a l'egard de la Roumanie, continuelle,ment dress& contre les Russes sans lui offrir aucune garantie ; la

convention de decembre 1876 conclue avec cet Etat n'a pas


ete, je crois, retrouvee (je n'al pas, en ce moment, le recueil de
Pribram a ma disposition). Tres juste l'observation que, au congres de Berlin, on considerait tout interet des nations du SudEst europeen comme un chapitre des convoitises de la Russie
panslaviste " (pp. 165-166).

Dans le chapitre X, Le probleme bulgare", une attention spe,dale est accordee au developpement des Interets ,f,conomiques.
Line large place a la politique ehontee du roi Milan toujours pret
a tout liquider dans son interet personnel : les documents autrichiens ont decouvert tout ce cote de la politique d'un prince intelligent et tees cloud, mais sans education et manquant de caractere.
Encore une fois tres juste ce qui concern la Roumanie.
Des pages sur les Balcans sont contenues aussi dans les chapitres X (p. 355 et suiv.), XI (pp. 365-367), XII (p. 426 et suiv.)
et XIII (pp. 470-471), qui traitent des grandes contingences ewropennes.

Henri Prost, La Bulgarie de 1912 d 1930, contribution a l'histoire economique et financiere de la guerre et de ses consequences,
Paris 1932.

Ce livre sur les finances et la vie economique de la Bulgarie

www.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

214

est l'oeuvre d'un Francais qui y a reside dix ans clans une situation qui lui a permis de tout savoir par lui-meme. Il servira
pendant longtemps de base aux recherches. Parfaitement ordonne,

it donne des chiffres strictement verifies et est &nue de toute


tendance qui pourrait fausser la Write.
On trouvera interessante l'idee de creer des villages modeles
pour enseigner une meilleure agriculture au rural arriere (p. 225).
On a obtenu une variation considerable" dans les cultures, mais
parfois a cause des nouveaux territoires. Aussi l'organisation de la

vente du ble par un systeme qui, elevant le prix, ne donne a


l'agriculteur qu'une partie du prix, l'autre etant un bon valable
pour les impots. Tchorbadchi" (p. 246) ne signifie pas l'homme
qui mange de la soupe", dans le sens d'homme qui a chez
lui un repas chaud", mais bien l'officier de janissaires, adopte
comme type de l'aisance.
De pareils ouvrages, sur le meme plan, devraient etre consacres a tous les pays, si eprouves par la guerre, du Sud-Est
europeen.
a

General Pain, Le Drame roumain, 1916-1918, preface du general Weygand, Paris [1922].
Excellent ouvrage, dii a un des meilleurs conseillers francais de

l'armee roumaine pendant la grande guerre. Le general Petin


prend dans ses notes et souvenirs, ainsi que dans d'autres sources,
parmi lesquelles les carnets de ses camarades francais, ce qu'il
lui faut pour expliquer surtout cette bataille du Neajlov, en
novembre 1916, qui chercha a empecher l'entree imminente des
Allemands a Bucarest et qui, perdue, malgre des efforts desesOres, aussi A cause de la decouverte par l'ennemi du plan fixe
avec le general Berthelot, montra au moins qu'on n'entendait pas
quitter la partie.
La preface est vibrante d'emotion et pleine de paroles de sincere appreciation pour le sacrifice des armees roumaines. Des le
commencement l'attitude hostile des allies russes se dessine. Sturmer parle de la mauvaise preparation" des Roumains, qui n'ont
encore donne que des deboires"; sa conclusion etait deja percep-

tible :1%1 faut done les lacher. Alexeiev accepte la mission francaise
seulement parce que les Roumains le veulent et it leur conseille

de se retirer sur la ligne du Sereth. Quelle difference avec la


www.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

215

noble declaration du chevaleresque Nicolas II: bites au roi


Ferdinand que je suis derriere lui avec mes armees, toutes mes
armees et que je le soutiendrai jusqu'a mon dernier homme et
mon dernier kopeck" (p. 23). Ferdinand I-er dtait digne de cette
attitude. D'apres l'auteur, ce timide et ce silencieux cachait sous
des apparences modestes un sens incomparable de la dignite
royale, des obligations qu'elle comporte et des charges qu'elle
impose... Tous ses actes etaient dictes par une admirable loyaute.
Au milieu des traverses les plus imprevues, au bord de goufres
insondables, a la veille de perdre son tone, jamais it ne devia
d'une ligne du chemin trace par I'honneur" (p. 27).
L'intention premiere du general Berthelot de boucler les cols
des Carpathes, de detruire la flotte ennemie sur le Danube" et de
limiter" l'action en Transylvanie ne put pas etre suivie. La
Dobrogea fut envahie, les Russes ne la defendant que faiblement.
Le general ZaTantchikovski appelait cela continuer sa retraite
sur Reni pour se porter au devant de ses reserves" (pp. 30-31).
Les Allemands forcent les passages de la montagne et on a peine
a arreter leur poussee, malgre les trdsors de courage et de foi"
des humbles soldats paysans. Les reserves roumaines n'existent pas.

L'auteur ne peut refuser son admiration a la decision avec


laquelle Falkenhayn fait passer la frontiere du cote du Jiiu par un
tour de force magnifique, chef-d'oeuvre de preparation minu,tieuse" (p. 43). Les Russes refusent une action au Nord, qui au-

rait pu sauver la situation (p. 44). Les prodiges d'energie" des


defenseurs ne servent qu'a bien peu de chose.
Le general Pain accorde toute son estime a la courageuse
resolution" que representa le passage du Danube par le general
Averescu. BientOt le Danube sera passe a Zimnicea sans coup
ferir, la ligne n'etant pas, de fait, defendue.
Alors fut acid& la bataille devant Bucarest. Le general Prezan

la prepare et l'auteur n'a pas assez d'eloges pour cet homme


d'une si grande fermete dans l'accomplissement, simple, mais integral et absolu, de son devoir (pp. 60-61, 76). Les Russes se
refusent encore ; Alexeiev telegraphie en ces termes : Pas un
homme, pas un canon" (p. 84). tin hommage au general Sca-

ripreanu, prudent et methodique". Comme jugement general :


jamais le general Berthelot n'aurait conseille cette bataille et
jamais le commandement roumain n'aurait accepte de la livrer
www.dacoromanica.ro

216

Comptes-rendus

si le concours des Russes n'avait ete considers comme certain"


(p. 93). Its apparaissent au dernier moment, et en nombre, mais
comme simples spectateurs (p. 101).
Sur un carnet d'officier francais ce jugement, le cinquieme

jour de la bataille : d'une maniere generale, les soldats etaient


admirables. jamais je ne vis de trainards et jamais je n'entendis
de plaintes" (p. 111). II y a cependant des generaux qui tardent,
qui tergiversent : le general Iancovescu ne fait pas preuve d'un
mordant superieur" (p. 112), l'action personnelle du general Socec
est inexistante" 1. Cependant on a des succes partiels ; on pour,-

suit ; on croit avoir gagne la victoire.


L'epilogue etudie les raisons de la carence russe et les effets
de la bataille perdue.
*

Gennaro Maria Monti, II mezzogiorno d'Italia nel medio evo, studi


storici, Bari 1930.

Ce beau volume contient cinq etudes : la crise du royaume


de Sicile (decadence de la dynastie angevine ; beau travail de

synthese), la formation du royaume de Sidle et sa division ad


ministrative", le Midi (c'est la partie la plus importante pour
nos etudes), 1a domination angevine dans le Piemont" et une
note sur la culture litteraire et artistique de la Naples angevine".
*

Julien M. Peter, Noul regim constitutional si administrativ din


Jugoslavia, Bucarest 1932.

L'auteur, un Lorrain etabli en Roumanie, oit it est devenu un


des plus hauts fonctionnaires de l'administration, donne un livre
qui est pent -titre le meilleur sur le nouveau regime constitu
tionel et administratif de la Yougoslavie". Courte introduction
historique a partir des convoitises austro-hongroises a regard de
la Serbie. Un chapitre, de seules deux pages, sur l'organisation de
l'Etat entre 1920 et 1922". Puis l'analyse minutieuse et precise
des conditions actuelles. Quelques textes sont donna dans l'Ap
pendice.

1 Quel est le general ,Itasvot`, qui aurait refuse de marcher (pp. 125-126) 7

www.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

217

Angelique Hatzimichalis, Tarp/mil Aciextil tixvri : Extipoc, Athenes


1925.

Ce premier travail important d'une dame athenienne de grande

perspicacite, d'un gait exquis pour la beaute de I'art populaire


et d'une methode sure s'occupe d'une des regions les plus origi
nales de la creation des masses grecques, l'ile de Skyros. Id on
a, en mediocre et E.vec des materiaux a bon marche, la trans
plantation des coutumes italiennes dans les differents domaines.
Les jolies cours interieures entre les echafaudages en bois rappellent les meandres des interieurs en marbre de Venise. L'or
nementation purement lineaire (voy. les tissus des pages 84, 85-88,
90-91, 93-94), qu'on dirait roumaine (ailleurs l'influence italienne,

plus tard meme turque est sensible), vient cependant des trans
missions prehistoriques. Des comparaisons sont entreprises avec
les Iles de Rhodes et de Kalymnos, de Samos et de Syphnos, en
ce qui concerne In ceramique, si variee. Tres interessante la sculp
ture en bois des chaises (p. ex. p. 162), des caisses (p. 170), des
gourdes (p. 186). Excellentes tables.
* *

Angelique Hatzimichalis, `EXX7Lxi-i 2,.oaxil isXv,i, Athenes 1931.

Ce nouvel ouvrage de folklore du a M--me Hatzhimichalis


comprend une introduction sur I'art populaire, In meilleure syn
these, peuttitre, qu'on en ait donnee. Des chapitres separes etudient
trois regions: une de Macedoine, Roumlouki (groupe de cinquante
villages), la seconde de Thessalie, Trikeri, une troisieme des riva

ges de l'Archipel, Ikaria. Chacune est presentee sous le rapport


de : la maison, le costume feminin (la poO-roc et la mccao6), cor-

respondent a In fota et a In diciula des Roumains, mais Bette


derniere est portee, comme un ornement de tete, pour les femmes ; les (poi:iv-mg ont ete acceptees par les Roumaines: funte), le

costume des hommes (en grande partie influence par les Tures))
le tissage et I'ameublement, les broderies, les ceremonies de ma
riage (bizarres, comme le salut de la mad& au sold!, son

hommage a l'astre, la scene de la hache"; les Joliixo'c-cacce,


groupes de danseurs qui vont recueillir des subsides, rappellent
les rogations; voy. pp. 128-129). En Thessalie on sent dans in
construction et dans le vetement la forte influence turque, mais

www.dacoromanica.ro

218

Comptes-rendus

le tapis conserve son schema millenaire. On ne trouve plus des


soucis d'art sur la cote de l'Egee.
Bonne table des mots.
a

Franz Dolger, Corpus der griechischen Urkunden des Mittelalters und der neueren Zeit, hggben von den Akademien der Wissenschaften in Miinchen und Wien, Reihe A: Regesta, Abteilung
1: Regesten der Kaiserurkunden des ostromischen Reiches bearbeitet von ; 3. Teil : Regesten von 1204-1282, Munich-Berlin 1932.
Le nouveau fascicule publie par M. 'Alger comprend l'epoque
de l'Empire latin de Constantinople, la depassant d'une vingtaine
d'annees. Les registres, accompagnes de nombreux eclaircissements, sont tres riches et, comme d'habitude, d'une parfaite precision. L'ensemble forme comme une chronique critique de Phistoire de l'Empire d'Orient.
Rares les fautes d'impression (a la page 37 lisez Pagano pour
Pegano").
*

Bernadotte S. Schmitt, Comment vint la guerre (1914), trad. par


F. Debysen, 2 vol., Paris 1932.
M. Bernadotte E. Schmitt, professeur a l'Universite de Chicago,
s'occupe depuis longtemps de l'histoire de la Grande Guerre, et,
en bon Americain qu'il est, il a accumule, pour ses recherches, une
quantite enorme de documents, de tous les pays et dans toutes les
langues. II les a employes avec toutes les precautions necessaires.
Ce grand ouvrage en est ressorti, qui rendra sans doute service.
Apres un premier chapitre, necessairement moires original, sur

le systeme des alliances europeennes, un second s'occupe du


SudEst du continent, presentant les principaux actes qui ont
precede le double assassinat de SeraIevo. Il y est question de
l'attitude de la Russie a l'egard des Detroits, des rapports entre
l'Autriche et la Serbie, de la guerre balcanique, des societes secretes en Serbie et en Bosnie-Eerzegovine, des relations roumano-bulgares, de la nouvelle politique austro-hongroise. Un long
chapitre sur l'acte de juin 1914 suit (large emploi des revelations
de M. StanoYevitch) : l'auteur agit avec la perspicacite d'un juge
d'instruction, pesant tous les temoignages et s'arretant aux moindres details. On se demande si, dans de pareilles affaires, on peut

www.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

219

jamais arriver a des precisions. Sous des titres impressionnants, it


est question ensuite de l'attitude immediate de l'Autriche-Hongrie
et de l'Allemagne (bon portrait du comte Berchtold, pp. 221-223).

M. Schmitt cherche a expliquer les tergiversations des cercles


dirigeants a Vienne ; it examine les motifs de l'attitude qu'eut
Francois-Joseph a l'occasion des funerailles de celui qui aurait
du lui succeder. Est examinee la legende du Conseil de couronne

de Potsdam". Avec la meme largeur sont rediges les chapitres


suivants. A signaler, p. 295 et suiv., la conversion du comte
Tisza": un grand role dans la conversion" est attribue a la
matte montante du chauvinisme" en Hongrie. Les conclusions
manquent de relief. Dans l'attitude des Puissances occidentales on
desirerait a cote de l'analyse circonstancide des rapports diplomatiques une tentative, dont l'auteur se montre ailleurs si capable,

de la psychologie des personnages qui ont mis tout en branle,


ftat-,elle meme generalement connue.

Le second volume a bien moins de pages qui touchent a ce


Sud-Est de l'Europe qui nous interesse id. 11 a la meme grande
valeur europeenne et se distingue par la meme impartialite, bien
americaine. Est relevee la politique constamment pacifique de Sir
Edward Grey, auquel aid& seule de cette guerre faisait horreur"
(p. 29). Sur l'atmosphere pacifique a la Cour de Guillaume II, p.
281, note 1 (voy. aussi page 299). Sur l'attitude de la Roumanie
a l'ouverture de la guerre, pages 364 et suiv. : elles sont exactes
et justes. Le chapitre presente aussi l'attitude des autres Etats du
Sud-Est europeen.
Avoir un pareil livre, fruit de si longs labeurs et temoignage
d'une si parfaite honnetete de jugement, est un grand avantage.
Maintenant it faut que, de quelque cote, on aie un autre qui

montre ce qu'il y avait autour, au-dessus et meme au- dessous


des actes diplomatiques qui provoquerent le massacre de vingt
millions d'hommes pour la plupart civilises.
*

Abraham Galante, Documents officiels turcs concernant les


Juifs de Turquie, Stamboul 1931.
Line centaine de documents sur les juifs de Turquie, pour la
plupart d'une epoque plus recente, mais certains du XVI-e siecle
meme. L'interet historique est tres meld, La chapitre sur l'habil-

www.dacoromanica.ro

220

Comptes-rendus

lement impose est surtout tres curieux (ordonnances de 1568; p.


et suiv., puis documents sur le commerce du drap, sur la fausse
monnaie, sur les moutons, les douanes, les femmes, de la meme
epoque). Le fameux don Joseph Nassi y parait aussi (voy. p. 139).
Deux pieces concernent les juifs de Galata a I'epoque de Mahornet II et ceux de Bude sous Soliman-le-Magnifique.
Toute une section traite des juifs et des juives ayant des relations avec le Palais du Sultan (Kyra, dad Gracia Nassi, venue
du Portugal par Belgrade et Vidine, don Jose lui-meme : it envoie
en 1568 mille tonneaux de vin, achetes tous les ans dans l'ile
de Crete et expedies en Moldavie), p. 190. Le premier medecin,
Yakoub, est de 1452 (p. 195, no. I).
*

Regesta Lithuaniae ab origine usque ad Magni Ducatus cum


regno Poloniae unionem, tomus primus : tempora usque ad annum
1315 complectens, recensuit Henricus Paszkiewicz (Varsovie 1930).
Ce recueil commence par des notes cueillies dans les ouvrages
litteraires et les chroniques. Le premier acte pontifical regardant

la Lithuanie est de 1244. II est bien probable que les chartes de


Mindowe pour ceder la Samogitie et des terres en Livonie aux
Chevaliers Teutons en 1257 soient fausses (p. 69). De meme le
no. 362 (1259). Il ne parait pas que les chefs de la Lithuanie eussent delivre encore de pareils documents. L'auteur admet cspendant qu'en 1260 le meme roi eat fait don aux chevaliers de
certains territoires (no. 374), alors que le no. 385 (1261) serait
aussi suspect. En effet Mindowe finit par revenir aux dieux de
sa nation.
Le premier acte stir serait done celui du cneze Herden en

1261 ou 1263 (no. 426). juhailo" de 1266 (no. 453) porte le


nom de lagello de plus tard.
*

Dr. Alexandre I. Bojazoglu, Contribution a l'etude de l'economie rurale de la Grece d'apres-guerre, Paris 1931.

Cet ouvrage etendu sera de la plus grande utilite pour la


connaissance des problemes agraires dans le Suct-Est de l'Eu-,
rope. Les grands changements produits par le depart de Velement turc et l'etablissement des colonies micrasiatiques le rendent d'autant plus interessant.
www.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

221

Line partie preliminaire contient une precieuse exposition des


conditions de la production agricole en Grece. Un second cha-,
pitre traite de la population. Les quelques pages sur la psychologie de Pelement rural (pp. 39-42) sont remarquables.
Dans la partie technique, des notes sur l'elevage des moutons
et la transhumance (p. 109 et suiv.). Les tselingata" viennent du
tselnik, en roumain celnic, chef de groupe.
Les statistiques sont nombreuses et precises.
*

Dr. Ernest Schmidt, Die verfassungsrechtliche and politische


Struktur des rumdnischen Staates in ihrer historischen atwicklung
(dans les Schriften der deutschen Akademie"),. Munich 1932.
L'auteur a voulu d'abord presenter la situation de la minorite

allemande en Roumanie et peu a peu it est arrive a etudier le


developpement meme de l'Etat roumain. II se propose aussi de
l'expliquer.
Les considerations sur le passe sont souvent incompetentes. M.

Schmidt croit encore a la situation de provinces turques" des


Principautes au XVIII-e siecle (p. 13), mais it faut admettre que
pour l'efflorescence de Yid& nationale et pour les efforts desti-

nes a creer un seul ttat d'une parfaite autonomie, puis d'une


independance reconnue dans le monde politique de l'Europe, l'information, sans etre trop riche, est suffisante, la critique quelquefois
de bon aloi (d'autres fois dure et injuste) et le jugement pondere.

On trouvera aussi une appreciation implacable du regime des


partis d'interets personnels, principal motif de toutes les souffrances

du pays.
L'appendice, d'une soixantaine de pages, donne les actes les
plus importants pour la formation du royaume actuel et une
tentative interessante de fixer la genealogie" des groupements
politiques.
*

Andre Michalapoulos, Venezia e Bisanzio, con introduzione del


conte Giuseppe Volpi, Rome 1932.

Cette belle conference dorm& a Venise par I'homme politique


grec represente une large synthese des rapports entre la Republique de Venise, dont les origines populaires sont laissees deli -

berement de cote, et Byzance. Les deux 8tats sont consideres

www.dacoromanica.ro

Coniptes-rendu.4

222

comme l'expression differente de la meme substance. Apres avoir


recueilli tout ce qui est essentiel dans leurs rapports reciproques,
M. Michalakopoulos passe au regime venitien dans les Iles Io.niennes et s'arrete longuement a le caracteriser. Lin recit de la
participation des Venitiens a la defense de Constantinople en 1453
finit cette centaine de pages bien nourries.
*
*

A. Zakythinos, Le despotat grec de Moree (these de Paris),


Paris 1932.

Un travail de longs efforts et de precision est consacre par M.


Zakythinos a cette formation locale, de derniere necessite politique, a ce retour a l'ancienne Grece, aux depens de la Constantinople romaine, qu'a ete le despotat de Mistra ou, si on veut,
de Moree, bien que le titre officiel ei.1t ete tout simplement: despotat, la signification : un apanage de cadets des Paleologues et
la valeur nationale : une recrudescence de l'hellenisme contre Vein-,
prise latine dont beaucoup d'elements s'infiltrerent neanmoins dans

cette nouvelle creation.


Renvoyant pour plus tard une seconde partie, qui traitera des
institutions, du cote ethnographique et de la civilisation, l'auteur
nous donne l'histoire politique de cette fondation.
Apres la bataille de Pelagonie (1259), la captivite du prince
Guillaume d'AchaIe et le traite de ce dernier avec Michel Paleor
logue, qui obtenait la plupart des forteresses moreotes, le chef des
Latins eut le reste de ses anciennes possessions en fief de l'Empire. Partant de Id, M. Zakythinos poursuit le developpement des
relations entre le Saint-Siege et les nouveaux maitres de Constantinople 1. Guillaume ayant montre des velleites de refaire ses
possessions, une guerre men& energiquement contre lui donna
aux Imperiaux la Mena autonome i .1a Crernonie" lacedemonienne 2 paraissait devoir succomber lorsqu'un vassal grec du
1 La Side'
3v ApIcrcpccv),

(p.

32, note 3) s'explique par E4 "ibpccv, comme Silistrie (Etc

Stamboul, Stanchio, Stalimene. Cf. Arausa pour Ragusa (a

Ragusa).
2 Rapprocher des Palatia de Moree (p. 35) la Palatcha turque d'Asle Mineure.

www.dacoromanica.ro

Comptes-Rendus

X23

prince changea le tours des evenements par la victoire, inespetee", de Prinitza (pp. 36-37). Des Tures d'Asie, habitus a se
vendre, participant a ces operations sous le drapeau de l'aigle bi-,
cephale. La petite guerre continuera pendant des annees, destruc-,
trice. En en essayant l'histoire, l'auteur se perd un peu dans
des details et dans des choses a cote. L'intervention des Ange-

vins de Naples assure un appui durable aux Latins sans cesse


attaques. Mais la mort de Guillaume de Villehardouin, en 1278,
fut decisive pour le sort de ses );tats, et ceci malgre l'intrusion
angevine. Les baffles n'avaient ni pouvoir ni autorite. La mort
de Charles d'Anjou mit fin au grand rave d'Orient des rois de
Naples ' Si la domination se conserva, ce fut le merite de Florent de Hainaut, puis de sa veuve, Isabelle de Villehardouin,
l'heritiere, mariee ensuite a Philippe de Savoie, personnage belliqueux, qui accourut aussit6t en Moree
Mais les representants de l'Empire, un Cantacuzene, un Andronic Assanes, purent se maintenir. En vain jean de Gravina,
prince d'AchaIe, essaya-t4 une campagne de recuperation ; le
due de l'Archipel et celui d'Athenes eurent, en dernier lieu, la
charge de defendre les ruines d'une domination anachronique.
Ce n'etait pas Catherine de Valois, veuve de Philippe de Tarente, qui pouvait suppleer a toutes ces insuffisances.
A cute, M. Zakythinos prtsente les conditions interieures du
despotat (l'idee de jean Cantacuzene d'une ligue greco-latine
contre les Serbes et autres barbares" a la page 78) 2.
La seconde partie s'attache a la fondation et au developpement du despotat de Moree, tree par jean VI pour son fits Manue13. Le fils de l'usurpateur dut combattre contre les officiers,
de la famine des Assanes, nommes par l'empereur legitime, re1 Corcondile du Llvre de la Conqueste (voy. p. 65) dolt etre un Chalkokondyle.

8 La lettre de ,Morbasianus Hebenesi cum fratribus Cerabi et Inbahet, imperatoris Organi collaterales, pugilles et partibus Acaie domine (voy. p. 91),
dont s'est occupd dj M. Gay, sera l'objet d'une etude spdciale. ,Morbasianus` est Oumour-bey, , Cerabi", Tcheldbi, Acaia", Airline, Orgenue, Ourkhan.
1' Une inscription concernant Isabelle de Lusignan, femme de Manuel, ibid.,
p. 97, note 2. Cf. notre France de Chypre, Paris 1931. Aussi la mention d'Armdniens de la Grande Armdnie a Mistra. Mais les Lusignans n'avaient a faire
qu'avec l'Armenie cilicienne.

www.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

224

tabli, Jean V Paleologue, mais it rdussit a se maintenir. Il est

question aussi de l'etablissement des Albanais en Moree (p. 102


et suiv.). Id encore la collaboration des Latins est soulignee (pp.
110-112). En 1380 Manuel finissait une vie active, et son vieux
frere, Mathieu, 1W succeda, gardant un ancien titre imperial,
datant de l'epoque oil it dtait l'associe de son pere : it transmit
la province a son fils Demetre.
C'est contre ce dernier que les Paleologues s'etablirent en Moree
dans la personne de Theodore, fils de l'empereur jean V.
Le troisieme chapitre contient l'histoire de cette nouvelle dynastie. line grande partie de ce livre si instructif est consacree
a ses vicissitudes. Ce fut une longue lutte contre les pillages

des Tures, les convoitises des Venitiens et surtout contre l'a


narchie des oligarques.

Pour tout ce qui touche aux affaires d'Argos et de Nauplie


a partir de 1389 it fallait peuttitre employer non seulement notre
etude La politique venitienne dans les eaux de la Mer-Noire,
Bulletin de la section historique de l'Academie Roumaine", II,
p. 315 et suiv., mais aussi les documents venitiens d'appui, qui
sont donnes seulement dans Pedition roumaine du meme travail
(Memoriile Academia Romane9. Les rapports avec les Turcs sont
poursuivis jusqu'aux details les plus menus par l'auteur.
En 1407 Theodore II succdda, enfant encore, a son actif predecesseur, dont it edit le neveu. Il fut le constructeur de l'Hexamilion. Pour les conditions interieures est analysee la descrip
tion de Gemistios Plethon. L'empereur jean VIII fut Passocie de

son frere. L'oeuvre de Constantin, qui devait defendre Cons


tantinople contre les conquerants tures, est a juste titre glorifiee :

it donna les coups decisifs a la principaute d'Achale. Thomas


et Demetre furent les derniers despotes de Moree. M. Zakythinos
s'interesse aussi a l'exil des Paleologues de Moree.
Deux lettres pontificales a Cleopa Malatesta, femme de Theodore H, sont donnees integralement a l'Appendice.
N. lorga.

' Page 147. au lieu de Maiotto de' Ceccarelli lire, Mahieu 1.;e Coquerel.
Sur Laskaris Calopheros voy. aussi notre Philippe de Mezieres.

www.dacoromanica.ro

Chronlque

225

CHRONIQUE
Dans le Byzantion, VII 1, une etude de M. Wulzinger sur
Peglise des Apotres et la mosquee de Mahomet II a Constantinople. Un large travail de M. Halecki sur les rapports de la
Pologne avec 1'Empire byzantin. II y a d'abord l'ambassade en
Grece" de Boleslas Chrabry, le conquerant de Kiev (1018) : i1 &all
bien naturel que quiconque avait Kiev, la capitale sousbyzantine,

cherchat a fixer une base pour les rapports avec I'Orient, de fait
suzerain. Lorsque Casimir-le-Grand eut la Galicie, it etait logique
que ces relations soient reprises ; M. Halecki remarque en outre
que Vladislav Lokietek, pere de Casimir, avait visite, en 1395,
Constantinople comme pelerin. L'union avec la Lithuanie, mai
tresse de la Russie Rouge, ne fit que rendre encore plus necessaire
ce contact. Devenu chretien pour son mariage avec Hedvige,

Vladislav jagello demanda a Byzance son opinion sur le rap


prochement de Kiev avec Rome (nous avons dj traite ce sujet,
aussi d'apres Huber, dans l'Archiv fur osterreichische Geschichte,
dans notre etude Les conditions de politique generale dans les
quelles furent fondles les Eglises roumaines", Bulletin de la

section historique de l'Acadernie Roumaine", II). Apres 1410 it y

eut une autre serie de rapports, determinee surtout par la presence, nouvelle, des Turcs dans la Mer Noire (ils attaquent eu
1420 Moncastro, possedee par le prince de Moldavie Alexandre- -

Voy. notre Chilia qi Cetatea-Alba, pp. 80-8). Les nego


ciations avec Rome pour I'Union des Eglises, que M. Halecki
le -Bon.

souligne, jouent un r61, secondaire (Nicolas de Mousiani", p. 56,


est Demonolanni ou Eudaimonolanni, mentionne dans des docu

ments de mes Notes et Extraits, premiere serie, II, p. 363 ; se


conde serie, p. 562).

Vers 1430 le roi de Pologne recoit meme des propositions


d'alliance matrimoniale de la part du roi de Chypre, Janus (pas
jean ; p. 59). Pour la campagne malheureuse de Varna, M. Ha-

lecki a raison d'insister sur la lettre d'appel de l'empereur byzantin

qui nous a dtd conservde par Dlugosz (pp. 64-65). Les offres
d'OuzounHassan au roi de Pologne sont expliquees aussi bien
dans ma Geschichte des osmanischen Retches que dans ma Venise
dans la Mer Noire" (,,Bulletin" cite, II, p. 338 et suiv.).
7

www.dacoromanica.ro

22f1

Chronlque

Sur une campagne de l'empereur Gratien en Occident (378),


M. A. Solari.
M. Vasiliev s'occupe longuement du voyage du Castilian Pero

Tafur (1437-1438), qui n'a pas ete encore mis a contribution


pour l'histoire de Byzance. Les armes des Paleologues, c'est-adire le double II, sont presentees de facon a ressembler en effift
a deux lignes qui se coupent" (cf. pp. 94-95).
M. H. E. de Medico s'occupe de la mosaic:me de la Dormition
recemment decouverte a la Kahrie, a laquelle it attribue une date
de beaucoup trop ancienne.
De M. A. Solari un nouveau red" de la revolte procopienne"
a Constantinople sous Valens. M. G. Cassimatis traite de la
dixierne vexation de l'empereur Nicephore"; M. Georges Margais
de ala question des images dans l'art musulman"; M. M. Ostro-

gorsky et E. Stein du livre des ceremonies". Mme. C. Osieckowska presente les peintures byzantines de Lublin" (1418 ;
d'apres un ouvrage de M. Michel Walicki). M. J. L. La Monte
se pose le probleme des rapports entre I'Empire d'Orient et les
Etats crees par la croisade. M. Zanghelis cherche a expliquer le

feu gregeois. Nous connaissions dj par une conference au


Congres d'etudes byzantines a Athenes ce que la science et Pingeniosite de M. H. Gregoire ajoutent a la connaissance du Digdnis Akritas". M. Goossens y ajoute des observations tirees
de la litterature arabe correspondante. M. N. Banescu revient sur
les sceaux de Silistrie dont parlait dans cette revue meme, VIII,
pp. 299-311, M. Pericle Papahagi, qui les a decouverts.
Viennent de paraitre les volumes IV-VI, reunis, de la premiere
section de la Revue des travaux scientifiques tchecoslovaques",
contenant aussi les publications d'histoire. Aux pages 41 et suiv.
des remarques sur l'influence en Occident, aussi comme lexique,
des guerres hussites. Aux pages 116-117 (cf p. 217 et suiv.)
la bibliographie des notices parues sur l'ouvrage de M. Miloch
Weingart concernant ales chroniques byzantines dans la litterature
slave d'eglise". Cf. aussi pp. 155-156. Des observations sur la
difference de doctrine entre Wiclef et Huss (d'apres le livre de
M. VlastirniL Kybal), pp, 296-247.

www.dacoromanica.ro

Chronlque

227

Dans POriente modern() de Rome, XII, 4, une excellente etude


de M. Amedeo Giannini sur le regime des Detroits.

Dans la Propylden-Weltgeschichte de Ni. Walter Goetz, feu


Heisenberg avait donne tin chapitre stir I'Empire byzantin (Das
byzantinische Reich) dont le tirage a part vient de paraitre.
Cette symthese, admirablement illustree, et d'une fags:in ,nouvelle, rendra service. Elle touche a tout ce qui est essentiel dans
1e developpement de la Rome orientale.
Des le commencement, cette affirmation, courte et juste : La
nouvelle ville devait etre tine Rome de l'Est", malgre son passe
de vine grecque" et en attendant l'afflux des elements orienfaux les plus varies. Mais la grecisation demanda trois siecles"
(p. 154).

Dans des proportions naturellement etroites, est esquissee Pepoque des debuts, les zesultats acquis sous justinien. Celui-ci est
qualifie de restaurateur conscient de l'ancien Empire, conception
qui ne resiste pas a la critique. Pour le reste l'auteur a suivi

surtout la serie des evenements politiques dans le cadre de la


succession des empereurs.

Dans les Memoires de l'Acadernie des Lincei", M. Enrico Ce-.

rutti publie un nombre de documents arabes pour l'histoire de


l'Etthopie" (Rome 1931 ; tirage a part). Its commencent avec le
XIV-e sicle, mais s'etendent surtout sur le XVI-e. Certaines de
ees pieces sont de breves chroniques de l'Abyssinie.
Dans le Bulletin de l'Institut archeologique bulgare, VI (1932),
&die a M. Filov, M. Iv. Velcov s'occupe des tumuli funeraires
de Douvanli (beaux vases a figures rouges, une hydrie en bronze
avec la theoxenie des Dioscures ; des vases en argent, d'une facture tres elegante : l'un avec un chevalier sur le bord de la mer
et tine course de chars ; les verres colores ont des figures geome-,
triques comme celles de la ceramique contemporaine). M. Filov
presente les antiquites de Dlboka (tombeau thrace, tres riche en
objets). M. Skorpil donne la reconstruction d'un tombeau de Bal..
do (Dionysopolis), ou ont ete trouves -des objets d'un art supewww.dacoromanica.ro

228

ChronIque

rieur, representant des scenes d'une vie barbare qui ne peut etre
que celle des Scythes ; tres belle la ceramique decouverte pres
de Varna, p. 73: scenes de la meme vie). De M. R. Popov les
resultats des fouilles dans les tumuli d'Endche (squelettes peints).
M. Katzarov publie quelques inscriptions grecques de Bulgarie et
des objets d'art de la meme poque ; tine partie viennent de
Guiguen stir le Danube D'autres inscriptions grecques, de StaraZagora, sont donnees par M. D. P. Dimitrov (tin thracarque"...

thys rapproche d'un autre du nom de Cotys ; dans Aotor,Stou

n'y a-t-il pas le Domnideus? ; l'inscription est chretienne). M.


St. Andi dev decrit tin diplome militaire de Vespasien (il est question aussi des invalides, causarii). Une autre necropole est etudiee
par M. V. Micov (objets prehistoriques). Des fibules thraces dans

Particle du meme (il ne les croit pas, comme M. Vulpe, d'origine gete). Sur des tombes pres du palais de Preslav, M. jou.
S. Gospodinov. M. Cr. Miiatev cherche a decouvrir dans I'dglise de cette meme residence des elements traditionnels de caractere national. Il est naturel apres cela que M. Al. Rachenov
cherche une ecole bulgare dans le style byzantin" (il s'agirait
d'un large emploi de la brique, d'une predisposition aux fausses
arcades, d'une polychromie et d'une ornementation generale de
caractere barbare, slave ; les Bulgares en auraient surtout le privilege; c'est sous leur influence qu'il faudrait placer Mistra ellememe). De nouvelles monnaies bulgares ont ete decouvertes par
M. Mouchmov : Assene II, Irene et Michel, Constantin Assene,
Tertere, Svetoslav
chevalier et croix , Michel Chichmane
(encore le chevalier, parfois la croix aussi, l'aigle bicephale), Sratchimir (aussi avec la croix), Sichmane (types degeneres); on observe les caracteres latins employes par Michel Assene (Ipra
imperator), P A." (Assene) devenu un titre general, comme jean

( Io) chez les Roumains, l'influence d'art venitien au XIII-e


siecle.

Une liste des travaux de M. Filov (nous apprenons qu'il a


repris en allemand, Pannee passee, son Histoire de l'art bulgare").
Menues notices d'archeologie et d'art (aussi des fouilles a Novae,
la capitale danubienne de Theodoric : conduites d'eau romaines,
par M. St. Stefanov ; des peintures modernes d'une Chapelle pres
de Rilo).

Au cours des comptes-rendus un fragment de lettre de Wilwww.dacoromanica.ro

Chronique

229

lamowitz-Moellendorf, qui affirme l'origine non-hellenique des


Macedoniens, dont la dynastie et les classes superieures furent
hellenisees plus tard, par la violence, sous Philippe II (pp. 323324) ; ailleurs it observe, comme nous l'avons fait aussi, que les
portraits, sur les monnaies aussi, montrent bien la difference de
race, mais aussi le caractere seigneurial inne" (p. 324). jusqu'a
Alexandre on aurait encore employe pour l'usage interieur la
langue macedonienne, dont le savant allemand aurait desire

trouver une trace dans quelque inscription (ibid.). M. Miiatev


et M. N. Mavrodinov s'occupent des ouvrages recents de MM.
P. Henry et Ghika-Budesti (c'est M. Bals qui a fixe la fondation
valaque de telle eglise de Nicopolis ; cf. p. 336).
Line bonne bibliographie termine cette belle publication, si
soignee. Les planches sont splendides.

Dans le Bulletin international de l'Academie Polonaise des


sciences et des lettres", janvier-mars 1931, M. J. Feldman traite
de la politique de Vergennes envers la Pologne entre les annees
1774 et 1787. On volt l'ancien adversaire de la Russie a Constantinople devenir le partisan, contre la Pologne, d'une alliance
avec la Tzarine. L'etat d'esprit en France a regard de l'Empire
russe est presente par des enonciations comme celle de Peysonnel,
consul en Crimee, et de l'auteur de l'Atlas des bords de la Mer
Noire, Leclerc. Les anciennes sympathies pour la Turquie restent
cependant. L'auteur mentionne aussi l'envoi a Constantinople de
l'emissaire polonais Boscamp. j'ai publie des documents qui le
concernent dans les annexes au volume X de la collection roumaine
Hurmuzaki et dans mes Documente Callimachi : il avait epouse

en Moldavie la fille de l'horloger suisse Arlaud et il en eut une


enfant, baptisee a la roumaine 1 Balasica. Interessant le detail donne

a la page 17: Stanislas-Auguste esperait d'abord que Catherine II


l'inviterait a faire partie de l'alliance contre la Turquie et se proposait d'annexer une partie de la Moldavie ; puis it avait Pintention d'adherer a la coalition russo-prussienne dirigee contre
I'Autriche, de recuperer la Galicie et d'offrir comme compensation Torun et Dantzig a la Prusse". Vergennes, qui pensait deja
au partage de la Pologne, critique aussitot ce projet (pp. 17-48).

www.dacoromanica.ro

230

Chro Ague

M. Felitiski vient de publier un rec-uell utile de statistique ethnographique sous le titre Les Ukrainiens dans la Pologne restauree,
Varsovie 1931.

Dans la revue Roumania de New-York, janvier 1932, des


pages par M. Philip Whitwill Wilson sur la revision, la securite
et les minorites. Tres belle cette sentence : les minorites peuvent
etre secourues non pas par le changement des cartes, mais par
l'assurance de leur juste traitement, quelle que soft la geographie... La solution reelle du probleme des minorites se trouve,
done, le long d'une route directement contraire a la revision territoriale : non pas en brisant les traites, mais en les respectant et
en les mettant en execution". M. Charles Upson Clark resume
les notes historiques de MaIoresco sur la guerre balcanique ; Van-

den president du Conseil est presente comme un gallant old


gentleman who succeeded in keeping the devotion of a sadly
divised party, the confidence of the country and his own selfrespect", un elderly scholar and literary man working in the
sunshine out on his porch at five oclock of a summer's morning,

absorbed only in the one thought : how best he may promote


the interests of his country". Un bon compte-rendu du livre de
M. T. W. Riker, The making of Roumania. M. Walter Littlefield
cueille dans les Memoires du prince de Billow ce qui regarde
la Roumanie.

Dans le tome IV de la Geographie Universelle de Vidal de la


Blache et L. Gallois (Paris 932) M. Emm. de Martonne traite
de la Suisse, de l'Autriche, de la Hongrie, de la Tchecoslovaquie,
de la Pologne, mais aussi de la Roumanie. Sur les raisons de la
liquidation austro-hongroise des observations penetrantes aux
pages 451 et suiv. Pour la Hongrie, largement -presentee, la troi.
sierne planche a 1a page 514, Mojgrad pres de Porolissum", est en
Transylvanie roumaine, de -creme le no. 1 tie la -planche suivante.

A la page 519 l'auteur rejette lui aussi la theorie des gyepir.


Ii est inutile de dire combien M. de Martonne connait la .Roumanie, oil parmi les geographer actuels it a de ses (Heves.
Aussi son exposition, tres waste, repose+4,-Ale sur .une _large lex.perience.

www.dacoromanica.ro

Chranlque

2.11

Sur le projet de pair. perpetuelle entre chretiens presente par

Antoine Marini de Grenoble au roi Georges de Boheme, M.


Georges Pogonowski vient de publier a Varsovie tine nouvelle
etude (Projekt zwiqzku wiadcOw krolo Jerzego z Podiebrad).

II

n'y a pas de doute que Marini, personnage extremement in,ventif, est l'auteur du projet qu'on a voulu attribuer au roi lui,-,
meme.

M. Ettore Rossi donne le recit de la prise de Rhodes en 1522


d'apres les sources turques (Assedio e conquista di Rodi nel 1522
secondo le relazioni edite ed inedite dei Turchi, con una notizia sulla
Biblioteca Hafiz di Rodi, Rome 1927). L'ouvrage commence par
tine bibliographie des materiaux tares, imprimes et manuscrits,
avec une analyse minutieuse de leur contenu et de leurs rapports.
Le recit, circonstancie, occupe les pages 14 et suiv. Les sources
occidentales sont citees a chaque pas. Suit l'edition d'une expo-

sition turque inedite et sa traduction. L'ensemble forme un admirable moyen de s'initier dans l'histoire du celebre siege.
*

Dans le (1)cipos d'Alexandrie, XXIX (janvier-mars 1930), tine


etude de M. Eugene Michailidis sur l'hellenisme en Egypte sous
l'occupation francaise. Il s'agit de contributions imposees au Pa,triarche d'Alexandrie. Sources turques et grecques sur l'expedition de Bonaparte, p. 18, note 1; p. 26, note 2.11 est question,
bien entendu, aussi de cet auxiliaire grec des Francais dont la vie
est retracee par Thomas Hope dans son Anastase". Stir un Lascaris ne a Provins, p. 33. M. G. D. Koromilas traite de la participation des Grecs d'Egypte a la guerre de liberte (Tousitza l's-,
pirote, p. 41, parait etre d'origine roumaine). M. Athanase G.
Politis ajoute des renseignements sur le meme sujet.
Sur un capitaine grec, Apostolos Papazoglou, mort au service
du Portugal en 1798, la meme revue, XXX (1931), p. 148.
Le no. d'octobre-decembre 1931 poursuit et finit l'etude de
M. Xiroukaki sur la revolte de la Crete au XIV-e siecle.

Dans l'Archeografo triestino, serie 3, XV, le journal d'Antonio


Scussa a pour Vann& 1739 des notes sur la guerre turque. Des
marins genols sont envoyes sur le Danube (pp. 221-222). En juit..

www.dacoromanica.ro

X32

Chronlque

let prleres pour la victoire des Imperiaux (p. 225). En aout on


apprend la mort de trois generaux, dont Caraffa (ibid.; aussi p.
226). Puis la nouvelle d'une victoire sur 10.000 Tures ; le general Pallavicini coupe les ponts (p. 226). Sur les negociations de
paix, pp. 227-228. Prise de Bender, p. 228. Des Triestins revien.-

nent du Danube en janvier 1740 (pp. 231-232). Des hussards


arrivent de Cremone pour aller a Fiume en fevrier. Le journal
porte: Quest' soldati non sono veramente usari, ma regimento
del prencipe della Vallachia, gente ben montata" (p. 232). II s'agit du regiment forme par le prince exile Rodolphe (Radu) Can-,
tacuzene, dont le pere, Etienne, avait regne en Valachie. Le 18
part la prima colonna di 200 e piu soldati del regimento prencipe
di Vallachia" (ibid.). Le reste s'en va du 21 au 23 (p. 233). En

juin, passage du fits du roi de Pologne venant de Venise vers


Gorizia (p. 237). L'avenement de Frederic II est raconte d'une
facon amusante e occulto catolico e per questo non habitava
nella Reggia" (p. 238). Sur les Tures venus a Vienne pour la paix,

p. 240. Il y a un passage sur la mort de la regina della Gran


Zarra" (sic!), p. 245. Par des lettres du baile Francesco Venier on
apprend en octobre 1745 la bataille perdue par les Tures contre
Koulikhan (p. 313). En juillet 1748 les sauterelles nella Transilvania ed altri (sic) parti" (p. 344). Des prieres pour leur destruction (p. 354). Arrivee de Grecs, en septembre 1749: Gran forestera,
che di giorno in giorno capita quivi, e chi parte, e chi si ferma,

e massime de Greci, che sono in quantita, con aver fatto una


bella cafettaria nel magazeno del signor Picardi, in Piaza Grande"
(p. 355). Sur les Grecs a Trieste aussi pp. 20, 44, 141, 155, 295.
M. Alexandre Czolowski publie tout un opuscule sur la bataille
d'Obertyn, dans laquelle, en 1531, jean Tarnowskl reussit a vain,cre Pierre Rarq, prince de Moldavie (Bitwa pod Obertynem, 22
sierpni a. 1531; Lwow, 1931). Quelques illustrations.
Dans les Atti della society ligure di storia patria, 1928, M. Ettore

Rossi donne quelques inscriptions genoises des murs de Galata.


Elles servent a faire constater des travaux accomplis en 1380,
1397, 1402, 1418, 1435, 1441, 1452, aux heures de danger de la
part des Tures. II ajoute une liste chronologique des podestats.
N. lorga.

www.dacoromanica.ro

Vous aimerez peut-être aussi