Le Mbog Et Ses Ordres Périphériques. Mbg. Nkoth-Bisseck

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LE MBOG ET SES ORDRES PERIPHERIQUES

[Mbog iyé nyan 'libanga angwal diton']


"Le Mbog est la bouture de taro qui donne des rejetons".

Proverbe basaâ

I- L’INSTITUTION SOCIOCULTURELLE DU MBOG BASAA ET SON EVOLUTION

B ien qu’unique par essence, l’institution socioculturelle Mbog se manifeste aujourd’hui chez les
Basaâ du Sud-Cameroun sous une multitude de formes régionales distinctes les unes des
autres. Ces entités sont de valeurs relatives inégales quant à la cohérence de leur organisation, à la
densité du contenu des principes sur lesquels elles reposent et à leur influence sur la société. Nées
de l’évolution de la société basaâ sous la pression des grands événements qui ont marqué son
histoire, elles apparaissent comme un moment particulier de la recherche de la reconstitution de
l’institution générale primordiale. On entend ainsi parler de Mbog Matug, Mbog Biban, Mbog
Mabuy, Mbog Nkoda Nton, Mbog Nkoo Balal, Mbog Mpoo, Mbog Bati ba N’on’, etc… au risque
d’égarer le profane.

Il faut, pour mieux saisir l’origine de cet état des choses, d’abord rappeler que le Mbog, en tant
qu’institution socioculturelle centrale, entretient avec d’autres corps constitués de la société, plus
spécialisés dans l’action politique et dans des domaines religieux, scientifiques ou techniques
divers, des rapports complexes de domination et de complémentarité. De façon asymétrique, le
Mbombog est censé être initié à leurs pratiques respectives, à en connaître les principes et les
membres, jusqu’aux éléments les plus secrets. Mais, la mise en œuvre matérielle des actes prescrits
dans ces domaines lui est déconseillée. Elle relève de la compétence des corps spécialisés auxquels
il doit systématiquement faire appel, pour exécution. Dans l’une des phases du rituel de son
initiation, le Mbombog a les mains symboliquement liées pour lui signifier qu’il n’agit plus
essentiellement que par la parole et le geste rituel. C’est l’une des particularités de la dynamique du
pouvoir du Mbog sur lesquelles nous reviendrons.

1- Les principaux corps constitutifs du Grand Conseil du Mbog

a. Le Mbog comme organe politique central : La tradition basaâ rattache les locuteurs actuels
des langues mbènè, mpoo et bati, à Nnanga, leur ancêtre commun le plus proche. Elle
indique qu’aux temps anciens, toutes ces familles cohabitaient dans la région de Ngog
Lituba, située dans la savane Mbam Sanaga-Adamaoua actuelle. A cette époque, le pouvoir
socioculturel du Mbog avait été reparti entre les familles en présence. L’ancêtre des
locuteurs mbène actuels reçut en partage le pouvoir politique central, symbolisé par le
chasse-mouches en nervures de palmes dont il prit le nom, Jaï, pour emblème." 1 Aujourd’hui
encore, les formules rituelles du Mbog, la dénomination des sacra, ou insignes du pouvoir
sacré, sont exprimées en mbène, langue courante et publique des anciens temps.

_______________________
1
Voir Dika Akwa nya Bonambela, op. cit., p. LV

1
b. Le Ngéé, bras séculier du Mbog : Le bras séculier du pouvoir, représenté par la société
politico-judiciaire responsable du « culte du félin »2 chez les Basaâ, le Ngéé, fut confié aux
descendants de Mpoo, ancêtre éponyme des locuteurs actuels de la langue qui porte son
nom. Ce sont les membres de cette famille qui, originairement, assuraient l’exécution des
instructions du pouvoir politique, la protection de la société contre les menaces intérieures et
extérieures à son équilibre, la répression des malfaiteurs invétérés et les soins aux victimes
de leurs exactions. Ils assuraient également la protection des lieux sacrés et des cérémonies à
caractère religieux.
En particulier, ils gardent le temple de la divinité, Ngéé : [Nko Ngée]. Ils assurent la sortie en
procession de cette divinité dans certaines circonstances liées à des rites cycliques comme le
[Ngand Ngwo] ou « la fête du Chien », qui célèbre la nouvelle année et qui est le
correspondant de la fête égyptienne consacrée au culte des dieux morts et des défunts de la
nécropole dont le chef est Osiris ; c’est aussi l’occasion du [Ngand Minkuki] la « fête des
morts » en basaâ. D’autres processions sont liées à des rites de prospérité : [Ngée njon], ou
de portées judiciaires : [i tén' nkoo balal]. Le transport est alors effectué dans une petite
chapelle de bois portée par les officiants de villages en villages, et appelée [bom Ngée]."3
Comme chez leurs prédécesseurs égyptiens, les prêtres Sem de Sekhmet, la lionne capable
d’envoyer des maladies, leurs supérieurs appelés [Ngéngée] est renommé pour ses
connaissances médicales. Comme chez les prêtres d’Osiris, l’accès au pouvoir politique est
généralement proscrit aux membres de ce corps."4
La langue liturgique de ce corps est encore aujourd’hui, dans sa forme archaïque appelée
[Mban’], la langue secrète de ce collège. C’est elle qui permet de former les noms
initiatiques, les devises, les codes de communication, les acclamations, etc."5

c. Le Um ou Umè : Les prêtres de cette confrérie sont, à l’origine, plus particulièrement


spécialisés dans la mise en forme et la transmission de la tradition orale, la critique sociale et
la spéculation métaphysique. On les appelle [Ngond Maum], ou « Fille de Um ». Leur
pratique et l’expression de leur savoir ne se traduisent pas seulement en rites et en paroles.
Ils les traduisent également en chants, les [(ma) um], accompagnés par des instruments de
musique. Ces hymnes composés sur un thème rythmique, avec des passages de chœur et des
refrains, ont la propriété essentielle de conférer le maximum d’efficacité à leur expression. 6
Ce corps apparaît comme le parèdre masculin des "Divines adoratrices d’Amon" (Imn), chez
les Egyptiens anciens. Il nous rappelle en tout point les hymnodes que Clément d’Alexandrie
nous décrit et qu’il classe parmi les prêtres supérieurs. Serge Sauneron nous dit à propos de
leur art :
_______________________
2
Cette institution est commune à toute l’Afrique noire, depuis l’Egypte ancienne où le culte d’Osiris (Wsr), maître du
royaume des morts glorieux incarné par le roi divinisé, est assuré par les prêtres de la confrérie des "hommes-félins",
vêtus de peaux de panthères, jusqu’aux Basaâ actuels qui leur confient la garde des sanctuaires voués à l’ancêtre Ngée,
actualisation "divinisée" de [I'Si], le maître de l’Au-delà. Chez les Hadjeray du Massif Central du Tchad, le maître de la
Margay, esprit tutélaire de la régulation sociale qui siège dans la montagne, est aussi le gardien de la panthère qui veille
sur elle. Chez les Bamilekés, le Nke est la société des Hommes-panthères chargée de punir les individus qui menacent
l’ordre social (S. Morin, op. cit., p. 38).
3
Serge Sauneron nous signale des faits de même nature en Egypte ancienne, dans son ouvrage Les prêtres de
l’ancienne Egypte, cité, pp. 107 à 112. Il ajoute que "la ville de Louksor a conservé quelque chose de ce rite ancien,
puisque lors de la fête d’Abou’l Haggag, le saint patron de la cité, on continue à traîner à travers la ville une barque,
montée (…) sur un affût pourvu de roues"…
4
Idem p. 199.
5
Pour plus de détails sur cette institution, voir le professeur Cosme Dikoumé, un des hauts responsables traditionnels de
la famille Mpoo et des mieux informés sur sa tradition, dans sa thèse de 3e cycle en sociologie, Titre II,
Chapitre V cf. tiré à part intitulé : "Le pouvoir politique chez les Elog Mpoo", op. cit. pp. 116, 122 et suivantes.
6
A propos de la science de l’alliage des sons, de la parole et du sens, se reporter à notre étude en 16 pages, sur le genre
littéraire négro-égyptien (gn), in Mbombog Nkoth Bisseck, Maât kherw, hymnes et paroles d’harmonie, ouvrage cité en
présentation.
2
Qu’"il convenait que les sons fussent justes, que le rythme des mélopées fut conforme aux
vieilles traditions d’élocution sacrée ; aussi quelque exercices était-il nécessaire pour
former ces artistes, dont la situation sociale semble avoir été brillante."7

Aujourd’hui, ils interviennent plus souvent en tant qu’assesseurs dans les rites judiciaires
(Nkol-Um, Mbam-Um) et dans les soins destinés à favoriser la fécondité (Ngènè-Um). Ils
constituent, mieux que le Ngée dont le rapport à la violence représente un handicap, une des
voies d’accès à l’institution souveraine du Mbog.8

d. Le Koo : C’est la plus haute des institutions exclusivement réservées aux femmes. Elle est la
chambre féminine du Mbog, au sens fort de ce terme, malgré la discrétion usuelle qui
accompagne son expression sociale. Sont satellisées autour d’elle, un certain nombre de
sociétés spécialisées elles-aussi dans différentes fonctions de la vie profane et symbolique
telles que la protection de la nature et de sa fertilité, la défense de la paix sociale et des
ménages, la dispense des soins esthétiques et médicaux à la mère et à l’enfant, l’éducation et
l’intégration des cadets à la société, la promotion de la solidarité et de la production
collective des biens et des moyens de production, la promotion des arts et des manifestations
culturelles, etc. Ce sont : le Mahungè, le Bilemba, le Ngumba, le Ndongo, le Ngura, etc.

Ces grands sous-ordres du Mbog sont assistés par les autres corps, dont le Njeg ou confrérie
des « Maîtres de la folie » qui met en œuvre la justice immanente, le Mbag qui veille au
respect de la règle d’exopolémie, dirige les rites funéraires de morts accidentels, ou des
personnages illustres et exécute l’autopsie rituelle"9 ; le Likaa qui veille sur cette
d’exogamie ; le Léb lièmb qui surveille les activités occultes ; les Bisôô qui suivent les
affaires polémiques et, en particulier, sont chargés de la célébration du "rituel de la fête de la
victoire",10 laquelle comporte une phase de purification des combattants ; le Njangumba, le
Likan', etc., ainsi que par les aînés de familles et les fils du pays qui se sont brillamment
distingués dans l’exercice d’activités honorables. Ensemble, ils forment le Grand Conseil du
Mbog, Boma Mbog ou Libay li Mbog. Les dirigeants de ces grands sous-ordres du Mbog
sont des Dikom di Mbog ou Dikoo di Mbog. En général, et à titre honorifique, notamment
dans les régions où les initiés du Mbog sont rares, on les appelle « Mbombog ».

_______________________
7
Serge Sauneron, Les prêtres de l’ancienne Egypte, Seuil, 1957, 1998, p. 78
8
Pour une confirmation et une information plus ample sur ce sujet, voir un des maîtres actuels de cette confrérie,
Mbombog Mayi-Matip, l’Univers de la parole, op. cit., pp. 36, 40 et 41
9
Ils s’apparentent, avec le Njangumba, à la catégorie du clergé égyptien que Sauneron (op. cit., pp. 125-26) qualifie de
"prêtres funéraires" et qu’il hésite, à juste titre, à ranger parmi les "serviteurs du dieu". Il précise : "S’il arrive en effet
que les prêtres des morts appartiennent à un clergé – celui des dieux de l’au-delà, Anubis et Osiris, - ils sont la plupart
du temps indépendants des sanctuaires, et constituent des sortes de confréries professionnelles n’ayant absolument rien
à voir avec le culte des dieux et les activités externes dont s’acquittent ordinairement les prêtres." Tout cela s’applique
tout à fait aux corps que nous venons de désigner.
10
Nous empruntons ce titre d’un des livres signalés sur les blocs du temple de Tôd, en Haute Egypte.

3
2- De la déconcentration constitutionnelle des structures du Mbog

a. Le Pacte constitutionnel de Mbog Kanda et ses conséquences : Avec la dispersion des


descendants de Nnanga vers leur habitat actuel, à partir du 14e siècle, les institutions de la
société vont se distendre. Après l’échec de la centralisation politique forcée entreprise par
Modè Sop autour du 15e siècle, ce mouvement va s’aggraver, entraînant des risques
importants d’explosion de la société. C’est alors que va s’établir le « Le Pacte
constitutionnel de Mbog Kanda ». Les nouvelles dispositions retenues stipulent que :

- Le Mbog demeure une institution unitaire, soumise au même principe pour


l’ensemble des descendants de Nnanga. C’est ce principe unique qui est déployé à
travers la multitude des règles que les circonstances portent à définir. Le principe
fondamental d’universalité et d’indivisibilité du Mbog contraint tout Mbombog à se
référer chaque fois aux règles, objectifs et méthodes généraux de cette institution,
pour s’assurer de la conformité de sa démarche, condition ultime de sa validité et de
son efficacité. En cette matière, comme en toute autre. Les Ba Mbombog statuent
ensemble et par consensus.

- Les Ba Mbombog, instruits de l’avis du peuple, de la sagesse et de la puissance des


ancêtres, ainsi que de la bénédiction divine ont, en dernière instance, la charge de la
définition et de l’interprétation des règles de la vie commune des Basaâ, en vue du
progrès de tous dans l’harmonie.

- L’ensemble du pays Basaâ est considéré comme constitué de régions dotées d’une
autonomie relative les autorisant à disposer de sections décentralisées de tous les
corps socioculturels de l’ancien Etat unitaire. Mais, ils demeurent sous l’autorité
ultime de l’institution confédérale.

- Les groupes segmentaires conservent la liberté de juger de la nécessité de remonter


vers des instances collégiales de plus en plus larges, les problèmes de l’espace de
leur ressort qu’ils estiment déborder leur compétence ; c’est le principe juridique
traditionnel de subsidiarité. L’orientation et la conduite des affaires de chaque région
relèvent désormais en premier lieu de la représentation régionale de l’institution
unitaire.

- Cependant, c’est l’institution confédérale, placée sous l’autorité des descendants de


Jaï, qui demeure compétente, en dernier ressort, pour toutes les questions touchant à
la conservation ou à l’évolution générale des institutions, aux relations entre ces
institutions et celles relevant d’autres peuples ou d’instances extérieures.

- C’est l’institution confédérale qui statue, sous l’autorité des descendants Mpoo,
pour toutes les questions d’ordre général touchant à conservation ou à l’évolution
du Ngée, c’est-à-dire aux principes qui touchent à la défense du Mbog. C’est en cela
que consiste la mission essentielle de la section Nkoo Balal ou Nlanga Nkoo, du
Mbog.

- Les compétences liées au Um sont, de la même façon, réparties dans l’ensemble des
régions, mais demeurent placées sous la haute autorité des familles dites du Mbog
Nkoda Nton, à savoir, parmi les descendants de Jaï, les Lôg Bakén' (Njèè, Hééga,
Ngond …), les Lôg Nen (Tindi, Hendel ou Ngaa), les Lôg Baék, les Ndôg Tjok, etc.

4
3- L’émergence des structures différenciées au sein du Mbog

Les métastases régionales actuelles qui apparaissent au sein de l’institution centrale du


Mbog s’organisent en trois groupes :

a. Les structures décentralisées du pouvoir souverain ayant conservé l’essentiel de la


complexité et de la richesse des enseignements initiatiques du Mbog. Elles se démarquent
ostensiblement des corps dont elles jugent la filiation irrégulière et par conséquent
susceptible de compromettre la compréhension et de gauchir l’application des principes
sacrés de la régulation de l’Univers. C’est notamment le cas du Mbog Matug.

b. Les corps émanés de l’ancienne structure souveraine qu’il ont perdu la légitimité que
confère la filiation initiatique, sous l’action combinée de la dérive historique et de
l’adversité du pouvoir socioculturel occidental. Ils tentent de se reconstituer, mais ne
parviennent pas encore à se faire totalement admettre par les initiés du Mbog Matug avec
lesquels ils partagent la même origine parmi les corps constitutifs de l’institution générale
du Mbog. C’est le cas des détenteurs du Mbog (Bi) Ban'. Chez eux, l’essentiel de la
transmission du pouvoir se limite à l’approbation des aînés des clans et à la remise publique
des restes de sacra et de regalia hérités des prédécesseurs dans la charge, hors de toute
initiation appropriée, ce qui leur est reprochés. Ils s’efforcent de donner du change en
imitant les tenues, les gestes et le style des propos publics tenus par les initiés. Mais, en cela,
ils n’abusent que, les profanes, et ne maîtrisent ni les principes, ni les pratiques qui
permettraient de les associer aux travaux des initiés. L’évolution actuelle des choses les
conduit vers une renormalisation progressive de leur statut, qui passe par leur admission
rituelle au sein du collège qui a conservé la règle de la filiation initiatique.

c. Certaines structures spécialisées du Mbog héritées de l’ancienne distinction des pouvoirs


entre les principales familles constitutives de la société basaâ, tendent à s’autoconstituer en
obédiences du pouvoir central ancestral dans la sphère socio-géographique d’influence de
leurs promoteurs. Cette démarche est, en général, soutenue par des « élites » modernes
opportunistes, conscientes du prestige et du pouvoir que confère l’appartenance à
l’institution du Mbog. Elles sont prêtes à compromettre l’intégrité de cette institution
commune vitale par des menées d’irrédentisme clanique ou régional, aux seules fins de se
ménager une clientèle captive et de la monnayer contre des positions politiques, des
honneurs, voire, des prébendes, face aux pouvoirs – politique, économique, religieux –
modernes en quête de légitimité et de représentativité.

Il s’ensuit une perversion intentionnelle de la définition des critères d’authenticité de


l’appartenance à l’institution centrale et de ses règles de fonctionnement, laquelle expose,
une fois de plus, le profane à la confusion. Cette perversion entretenue par les promoteurs de
ces mouvements est aggravée par la lutte menée contre le Mbog par les religions,
l’administration et autres organisations d’émanation coloniale. Dès lors, l’imposture,
l’usurpation, le mensonge, le bluff, sont mis à contribution pour tenter d’ériger ces sous-
ordres en ersatz d’ordres souverains et autonomes, artificiellement baptisés : Mbog Biban',
Mbog Mpoo, Mbog Bati ba N’on', Mbog Mabuy, Mbog Nkoda nton', etc.

L’église catholique qui ne craint pas le grotesque et s’autoproclame désormais Mbog Job,
« Mbog de dieu ». Elle inclut des simulacres de gestes du rituel public du Mbog dans ses
rites de consécration des prêtres et prétend faire d’eux des « Ba Mbombog », au nom de
l’Inculturation de l’Evangile »…

5
L’administration joue indirectement d’influence pour faire légitimer par l’imposition des
rites publics de consécration traditionnelle de notables, les personnalités qu’elle nomme à
des fonctions politiques importantes. Pendant le même temps, elle cherche à réduire, chaque
fois que cela est possible, la marge de pouvoir propre de l’autorité traditionnelle
authentique.11

Mais comme dit le proverbe, [Mbog iye lép u ntep bilos] : « le Mbog est l’eau qui trie les
mauvais fruits ». Le peuple basaâ, de plus en plus éveillé, exerce une pression de tous les
instants sur ses institutions et ses représentants naturels, pour les conduire à se définir et à
mieux incarner les principes et les valeurs fondamentales de leur société, celles qu’ils
estiment les mieux à même de soutenir son développement durable et harmonieux dans un
monde ouvert, en permanente mutation. L’unité du Mbog est entrain de reconstituer. Les
dignitaires légitimes et méritants de toutes les régions basaâ sont de plus en plus désireux de
s’initier au savoir intime, aux principes sacrés et aux pratiques consacrées. La définition des
domaines de compétence des différents corps du Mbog est entrain de se préciser de nouveau.
Les initiés de toutes les régions éclatées du pays se retrouvent de nouveau régulièrement
pour se concerter, s’organiser et préparer ensemble l’avènement du retour du Mbog.

Les (Ba) Mbombog cessent d’envisager le Mbog par la lorgnette rétrécissante de leurs
ambitions personnelles et de leurs chapelles locales. Ils sortent du confinement de leurs
clans et de leurs tribus pour retrouver sa dimension macrosociétale et cosmique. Ils prennent
la juste mesure de l’importance de l’enjeu que représente cette institution pour le salut de
leur peuple, de la société africaine toute entière et pour sa contribution à l’émergence d’un
ordre du monde plus conforme aux moyens spirituels, intellectuels et matériels de notre
temps.

Mbombog NKOTH BISSECK

___________________________
11
Mbombog Nkoth Bisseck, "Démocratie et structures politiques traditionnelles au Cameroun", texte exposé au
Séminaire AfricAvenir du 24 au 25 janvier 1997, sur le processus de démocratisation au Cameroun   ; enjeux et
perspectives.

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