Dika Akwa Monographie Sur La Nationalité BASA-1

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On sait depuis G.

DUMEZIL que l’éclosion du genre épique dans un


peuple donné est soumise à une condition essentielle : Une division tripartite de
la société avec les détenteurs de la richesse, les détenteurs de la force , et les
détenteurs du sacré. Le Professeur NGIDJOL NGIDJOL pierre qui étudiait
donc l’épopée comme genre et qui connaissait aussi cette condition essentielle,
se demandait pourquoi le peuple BASSA en a produit un si grand
nombre d’épopées? C’est ainsi que son collègue Ethnologue et historien le
Professeur DIKA AKWA lui apporta cette réponse

Le sacré=NKAMBOG
La force= KWAKWE
La richesse =MBOMBOG

Vous trouverez plus de détails sur le peuple BASSA dans cette étude du
professuer DIKA AKWA ,intitulée « Monographie sur la nationalité Basa » et
extrait de l’ouvrage

Les merveilles africaines : Les fils de HITONG


Tome II
Contribution à l’étude de l’épopée comme genre
Par Ngidjol Ngidjol pierre
Ancien élève de l’école normale de Paris
Collection Africana.
Edité en 1980

La Rédaction de Litenlibassa.com

1
MONOGRAPHIE SUR LA NATIONALITE BASA

Par le professeur DIKA AKWA

DGRST
INSTITUT DE SCIENCES HUMAINES
YAOUNDE CAMEROUN -1980

SOMMAIRE

I- Histoire des Basa……………………………………………...4

2
Migrations…………………………………………………………………..7

Succession d’Etats Basa…………………………………………………..8

Diaspora Basa……………………………………………………………..11

II- Organisation politique des Basa........................21

1-Organisation du peuple Basa………………………………………..25

2- Fédération de la Marche Forestière………………………………..31

Confédération du Bas-Pays (Littoral).......................36

1-Tétrarchie du Bas-Territoire………………………………...36

2-La contre-royauté de la Cité-Etat…………………………...37

Le Palier du Vieux-Cameroun…………………………39

1-Au niveau de l’Etat-Métropole………………………………39

2-Au niveau de l’Etat-Administration………………………..40

3-Au niveau de l’Etat-Puissance………….............................41

L’Insertion des Basa dans le cosmos………...45

Les Basa constituent l’une des plus vieilles et les plus importantes
nationalités de l’Afrique noire dont les Basa du Cameroun ne forme qu’un
peuple racial. Nous allons essayer de les présenter dans le plan de l’histoire
comme de l’anthropologie sociale, tout en s’efforçant de dégager les grandes
lignes de la religion de Nyambe chez les Basa et, partant de l’insertion de l’être
Basa dans le cosmos.

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I-HISTOIRE DES BASA

D’où viennent les Basa ? Quatre termes résument leur histoire : Put,
Hikoa, Arbasa et Ngog- lituba

Il est écrit quelque part dans la bible que parmi les peuples chassés par les
juifs au moment où ils prennent pied sur la terre de Canaan, il y avait les Basa.
S’agit-il des Basa qu’on devait voir par la suite éparpillés sur le continent
Africain ? Il est trop tôt pour répondre à cette question. Mais ce que l’on sait
manière certaine, c’est que les traditions Basa les plus sacrées chez les Basa la
Mpasu (Basa de la rivière) du Zaire parlent d’un pays d’origine et d’un ancêtre
nommé Put ou Puta dont elles situent le berceau dans la partie nord- orientale
du continent Africain. Si on remonte très rapidement les périodes historiques,
on décèle que parmi les quatre grandes nations de l’antiquité dans laquelle les
négro-africains collaient leur existence, alors que l’ Afrique subsaharienne était
encore le domaine exclusif des pygmées, il y a la nation Put ou Pwanit connue
comme étant le pays des dieux des Egyptiens ; là ou ils allaient chercher
l’encens et le bois précieux. Ce Punt a déjà été identifié dans d’autres travaux
au Put des Basa ; il comprenait en tant qu’Etat deux parties essentielles : Put
proprement dit et le Saba, Etat qui resta longtemps incorporé dans l’Ethiopie
ancienne ou Nubie , dont la capitale fut un moment Méroë.

On sait que ce pays devait arracher son indépendance sous l’impulsion des
Habasa dont le terme a été corrompu en Abyssin. Il y a de fortes chances à en
croire la tradition que les Basa constituaient un rameau important de cette
nationalité Habasa. Ils auraient donc vécu dans la partie du pays qui s’étend sur
la rive asiatique de la mer rouge, jusqu’aux environs de Canaan, avec les Habasa
ou Abyssin du Nord-Est. On sait que ceux-ci se sont signalés dans l’histoire
avec l’avènement d’un Etat puissant dont la capitale prit le nom d’Axoum et
dont le début pourrait se situer à l’époque du roi Salomon d’Israël vers 995-993
avant notre ère et sous le règne de Ménélik, fils de Balki -Rem (Lem) de Saba.
Par des indéniables et fréquents contacts avec leurs cousins de l’ Arabie
Bienheureuse, notamment les Yéménites du nord, les Basa et nombre d’autres
peuples bantous établis sur la rive orientale de la Mer Rouge semblent avoir subi
diverses pressions des sémites blancs, apparus dans l’histoire autour du XVe
siècle avant notre ère. De ce métissage résulteraient les Habasa proprement dits
que sont les Abyssins de la rive africaine de la Mer Rouge. Un document juif du
IIe siècle révèle que les princes Habasa, conquérant une partie du proche -
orient, se distinguaient de leurs sujets par la couleur « très sombre » de leur
peau (1). .Alors que sur place il faudrait attendre le IIIe siècle pour voir la
véritable expansion de ce qui allait être Abyssinie ou pays des Habasa, sous le
règne de Endibi Kadar Négus Nagasta, le rois des rois.

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Le mouvement des migrations de l’ensemble des peuples se référant à Put
a commencé deux siècle plus tôt, sous le règne de Zos-Kale, pour soustraire le
pays de Put ou Puta de la domination étrangère, notamment de celles des
peuples qui répandaient l’influence héllénistique dérivant de l’Egypte colonisée.
Ce mouvement qui devrait entraîner certains habitants du pays de Punt et les
descendants probables de ce grand ancêtre qu’est Put portait le nom de puta-
Ponda ; ce qui veut dire en bantou l’ère de Put. Ces émigrants sont arrivés aux
abords du Lac Tchad vers le IIIe siècle de notre ère et auraient donné naissance
à la première entité politique des Basa entre le plateau de Baoutchi (Nord du
Nigéria) et Dikwa (extrême nord du Cameroun).Cette plaque tournante que les
traditions Bassa du Sud-Cameroun ont fixé par le terme Hirkwa (Hikoa), a dû
servir de métropole à un vaste empire appelé Arbasa, terme que les
navigateurs des XVe et XVIe siècle devaient transformer en Baffa ,Bafia et
finalement Biafra.

Les navigateurs parlent couramment de regnum biafrae. Peu au courant


des vestiges de cet ensemble, le père Bouchaud n’hésite pas à déclarer que
« Biafra est un royaume imaginaire du à une mauvaise lecture de
Ptomélée ».Cependant nous trouvons sous la plume des portugais eux-mêmes
que Biafra dérive d’une corruption portugaise du Masa ou Basa .Du reste c’est le
père Bouchaud qui lui-même écrit ce qui suit :

« La transition de Masha en Biafra s’explique aisément si l’on


considère qu’avec l’écriture de l’époque, la confusion était facile
entre le m majuscule orné et le g ou le b majuscule et plus facile
entre le s majuscule et f majuscule, qui récemment encore
s’écrivaient et s’imprimaient de la même façon » (2)

En expliquant lui-même comment la transition a pu se faire de Masha à Basa et


à Biafra, le père Bouchaud, qui a tant vécu dans la région et notamment chez les
Basa ne devait pas ignorer leur présence au point de croire leur entité
imaginaire.

Il faut noter que l’établissement des Basa aux abords du Lac Tchad a été
précédé par l’implantation des Sow ou Sao légendaires qui auraient produit les
Budouma, et une bonne partie des Kotoko au nord, les Baso, les Bulu et les
Badouma dans le sud, les Laobé en Afrique occidentale, les Akoko au Nigéria et
dans la région des grands Lacs, et les Baso qui englobent les Bakoko du
Cameroun. Avant ceux-là, la région était occupée par les les Néo-nubiens
fugitifs de Méroê, qui ont diffusé le fer en Afrique centrale à partir du Soudan
nilotique dès le Ve siècle avant notre ère et dont les descendants sont

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Toupouri,Matakam, Sara, Ndobo-Bamiléké, Mossi etc…et les frères tels que les
Sarakollé sont les fondateurs de l’Empire du Ghana. Les quinze mille pièces et
la monnaie trouvées dans la région des abords du Lac Tchad par les
archéologues offrent un témoignage saisissant de ce que les Sow et les Basa qui
sont devenus à jamais les compagnons, ont élaboré dans le cadre de leur société
contemporaine entre la bénoué , affluent du Niger et le Lac Tchad.

Au IIIe siècle, le Ghana, empire de l’Afrique occidentale, a décidement


mis le cap sur la rénovation. La puissance civilisatrice et les apports exogènes
des nationalités du mouvement Puta-Ponda , nouvellement venus du Haut- Nil
et de l’ Arabie Bienheureuse ne doivent pas être étrangers à ce renouveau au
coeur de l’Afrique.

MIGRATIONS

En ce qui concerne les Basa troisième groupe à occuper la région


septentrionale commune au Cameroun et au Nigéria, tous les cueilleurs des
traditions et plus particulièrement Mgr Thomas Mongo et le Pasteur Samuel
Massing, récemment cités dans une œuvre de vulgarisation historique de Mr E.
Wonyu Wonyu , s’accordent à les voir irradier du Haut-nil , peut être après une
randonnée qui dut les amener vers la cote indienne du coté de Mombassa et
de Melindi. En effet une tradition arabe précise qu’on doit le peuplement à sept
frère Hasa (Basa) devenus Nyasa pour les autochtones de cette région (Lac
Nyasa).Connaissant la place que les Basa occupent parmi les groupes de
langues bantu, Nous pouvons dire aujourd’hui avec certitude que cette
migration a commencé dans la péninsule pré-arabique longtemps peuplées de
nègres bâtisseurs de la Mésopotamie et autres empires de l’Antiquité, ainsi que
le prouve aujourd’hui l’archéologie. Du pays de Punt, empire contemporain
de l’Egypte pharaonique et de la Mésopotamie, les Basa et autres bantu se sont
dirigés vers la Nubie, à cause de vastes fluctuations démographiques que connut
la région à partir de l’arrivée de sémites Hyksos des steppes eurasiatiques.

Les auteurs et spécialistes repérèrent les lieux dits Basa (réserve) et Um-
Usuda, temples très connus au bas de Méroë, comme ayant été la marque du
passage des Basa en Nubie avant leur bond au Cameroun. En effet Basa
demeure le nom de l’ethnie, Um désignant l’une de ses trois plus importantes
confréries.

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Il est connu de toutes les littératures historiques anciennes qu’entre le
Ve et le VIe siècle avant notre ère, une populeuse communauté vivait dans la
partie méridionale de la Nubie, au soudan nilotique. Cette communauté était
celle des Phout ou Put. Ainsi qu’il est fait cas dans un certain nombre de
traditions, ce sont les Sao légendaire qui les ont chassés de la Nubie pour le
Darfour. Pendant qu’ils essayaient de s’organiser sur place ou de se répandre en
direction du Sud par le couloir oriental, les Sow qui constituaient l’arrière-
garde du mouvement migratoire dit Mande les avaient précédés en direction du
Lac Tchad, ayant déjà dans leurs bagages culturels les éléments de langues
Bantu. Après le Darfour, le mouvement Puta-Ponda a-t-il atteint le Nord de
l’Afrique, c’est -a- dire la Numidie avec ses deux royaumes Massi (Massicycle)
et Massa (Massacycle) et la Mauritanie (Algérie orientale).

Il est à peu près certains que les rameaux noirs venant de l’Abyssinie et
passant par la Nubie et le Darfour, ont métissé les berbères à cette époque. Si le
mouvement Puta-Ponda a gagné la lisière septentrionale du désert, il est connu
que le mouvement croissant des révoltes berbères qui y prit pied à la fin du IIè
siècle et au début du IIIe siècle, a pu rendre vains tous les efforts d’implantation
et de concentration de ces peuples. Que les Bassa soient partis du Darfour ou
du Nord, Il est certain que les Baso (Bakoko, Mbang…) incorporés aux Sao des
abords du Lac Tchad, ont enregistré l’insertion de ceux-ci dans leur sol au
temps de leur 42e ancêtre nommé Mbem Soye, tandis que l’occupation des
Ngala , parmi les quels comptent les Dwala , s’est faite du temps de leur 52 e
ancêtre nommé Dikoukame . En égalant un siècle à trois ancêtres, ce
renseignement des Baso nous permet de situer l’arrivée des Basa au Nord-
Cameroun à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle de notre ère.

S’agit des Basa ou des autres groupes du mouvement Puta-ponda et de


la sous-race Put vulgairement dite Bantoue, on peut dire indiscutablement que
ce sont les peuple « déplacés » qui ont gardé de leurs longs contacts avec des
vieilles civilisations du monde tout un résidu de cultures et de techniques qui
leur ont permis de bâtir des socles nouveaux au bout de telle et telle étape
migratoire, socles à partir desquels devait germer l’empire de l’ Arbasa.

SUCCESSION D’ETATS BASA

D’après les données que nous tenons aussi bien des traditions orales des
peuples que les témoignages des géographes et historiens arabes, on sait que la
région des abords Nord et Sud du Lac Tchad a été peuplé du Néolithique au
XIXe siècle sans interruption. Les pygmées y ont exercé leur hégémonie
jusqu’au Ve siècle avant notre ère, date à partir de laquelle les Néo-nubiens
diffuseur du Fer y ont progressivement élaboré les confédérations étatiques

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connues telles que le Goudour, Djabi, Ankazar et Koura. Les Néo-nubiens à
leur tour, devraient y laisser choir leur hégémonie dès le IIIe siècle ou le IIe
siècle avant notre ère au profit de l’empire Ngesimba, impérium des hommes-
léopards, des Sow ou Sao légendaires. Quand les Basa arrivèrent dans la région,
ils entrèrent dans le système se conciliant d’abord de bonnes relations avec les
Sow dont ils cherchaient systématiquement la protection.

Au IIIe siècle ils annoncèrent leur couleur politique par l’avènement de


l’empire Arbasa ou Ancien Biafra. La tradition donne encore le nom de Song
Ngas comme fondateur de cet empire qui devrait s’effondrer au VIIe siècle lors
de l’arrivée du vaste mouvement migratoire dit Changala qui transplantait les
éthiopides ou ex-chamites de l’Egypte pharaonique en Afrique centrale ; parmi
eux se comptaient les Ngala ou Zaghara, les toucouleurs, les foulbé etc..

Durant la domination du Wangara, empire de ces derniers que les auteurs


arabes ont rendu célèbre par Zaghara ou Zaghawa, les basa se sont trouvés
repliés au Sud de leur ancien territoire. Il s’étirèrent le long de la Bénoué, depuis
le Niger au centre du Nigéria actuel , jusqu’au massif central de l’Adamaoua.
Le XIe siècle apporte partout dans le sahel l’islamisation. L’introduction de la
nouvelle religion s’accompagna d’un nouveau mode de vie et d’une organisation
politique différente. Plus précisément, la chute du Wangara au XIe siècle a
pour cause directe la conversion à l’islam du royaume de Kanem qui évoluait en
son sein. Un généralissime Modi Sopo célèbre dans la légende Basa, profita de
l’arrivée des troupes ngala ou zaghara des rives du sénégal, pour organiser à la
fois la résistance à la présence musulmane naissante au Kanem et transporter ce
qui restait de l’empire du Wangara vers les vallées de l’oubangui et de l’Ouellé.
Pendant ce temps les Basa préparèrent leur revanche contre ceux qui les avaient
désorganisés.

Vivant au bord de la Menoua (Bénoué) dans un royaume qu’ un


franciscain espagnol du XIIIe siècle a décrit sous le nom Amenouam ou du
Niger, ils arrivèrent à convaincre les Sao de la nécessité d’une alliance contre
les musulmans. Ainsi naquit le second Arbasa qu’on appelle aussi Armasan
ou second Biafra, de l’union de l’ Etat Basa (Amenouam) étendu le long de la
Bénoué d’une part, et de l’ Etat Tsanaga que les Sao légendaires sortis du
Kanem avaient fondé depuis le IXe siècle entre le Lac Tchad et le Logone et
Chari, barrant la route du Sud à l’expansion de l’empire du Kanem diffuseur de
l’Islam, les géographes et historiens arabes de l’époque n’hésitent à ranger ces
Basa et leurs alliés Sow sous la rubrique « des infidèles attachés à leur religion
ancestrale » dont la résistance farouche rendait le pays impénétrable.

Le second Biafra s’est effondré au début du XVe siècle. Cela tenait au


fait que l’Islam avait redoublé d’efforts dans le Kanem, que les Boulala venait

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de métamorphoser en empire du Bornou,après leur victoire contre les Sow non-
islamisés qui partageaient la scène politique avec eux. Contre l’expansion de
l’Islam et du Bornou d’autres peuples s’étaient organisées entre temps dans
l’espace compris entre le Kanem et le massif de l’Adamaoua. Parmi ces petits
Etats, on comptait le Mandara nés au XIIe siècle, La confédération des 14 états
Kotoko qui se substitua à l’Etat Tsanaga au XIVe siècle,et le royaume Abouni
ou Mabouni qui représentait la poussée vers le Sud des Mboum, Djoukoum et
Beti. La guerre entre l’armée Mboum parvenue au sommet au massif de
l’Adamaoua est les Basa est resté légendaire et c’est à partir de cette époque
que date la diaspora Basa vers le Zaïre, l’Afrique de l’ Est et l’ Afrique
Occidentale.

La victoire des Mboum, des Djoukoum et des Beti sur les Basa permit aux
premiers d’ériger l’Empire du Rifoum composé de quatre royaumes dans le
massif de l’Adamaoua du XVe au XVIIIe siècle, en absorbant une partie des
Basa et des Sow et en refoulant d’autres vers le Sud-Cameroun. Aux seconds
d’édifier l’empire du Kororafa qui englobait jusqu’au début 19e siècle la
majorité des Basa du Nigéria. La descente de ceux des Basa qui se dirigeaient
vers le Sud-Cameroun se fit sous la conduite d’un célèbre guerrier du nom de
Ngue-Nanga. C’est lui qui amena le groupe jusqu’à la grotte de Ngog-Lituba
au début du XVe siècle, les avant-gardes y étaient installés depuis le XIIIe
siècle. Les Basa firent de la grotte sacrée le symbole de leur autochtonie. Car
après avoir chassé les Basemlak, les Basek, les Pongwé, les Bapounou, les Baya
et autres peuples aujourd’hui réfugié au Gabon, ils se sont donnés le statut de
maîtres de la terre .Du XVe au XIXe siècles, les Basa du cameroun
s’organisèrent en une confédération, le Mbog Basa, appelé aussi Biafra par les
navigateurs européens. Nous le désignons, quant à nous , par Bas- Biafra pour
le distinguer des autres Etats anciens.

LA DIASPORA BASA

Au départ de la Mer Rouge, on voit une tribu qui entreprend sa


longue marche vers une terre promise. Chemin faisant , la tribu se hisse au rang
d’un peuple racial. De siècle en siècle son évolution endogène et ses apports
exogènes en hommes et en éléments culturels nous mettent en présence d’une
véritable nationalité, soit un ensemble de peuples raciaux se référant à un
ancêtre commun, à une histoire commune, et ayant des croyances communes.
Tels nous apparaissent les Basa durant leur séjour aux abords du Lac Tchad.
Quand s’effondre le Second Biafra, la défaite devant les armées Mboum et
Djoukoum ayant mis en lambeaux la nationalité basa, celle-ci a donné lieu à
une multitude de peuples se référant à neuf ancêtres dont voici les noms :

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-Ki-Wom : Celui destiné aux travaux des champs avec ses 14
enfants

-Ki-Ndap : Celui qui s’occupait des activités domestiques avec


20 enfants

-Ki-Noun : Chargé du contrôle avec ses 20 enfants

-Ki-Hèg : Chargé des activités artisanales et de la création


Artistique avec ses 20 enfants

-Ki-Nom : Responsable de la défense avec ses 20 enfants

-Ki-Nyemb : Chargé des rites funéraires et de l’élaboration de


toute la pensée philosophique avec ses 20 enfants ;

Ki-Isi : Veillait sur le territoire en tant que tel et la terre


avec ses 20 enfants

Ki-Ndog : Chargés de provoquer des réformes dans le groupe


Par la contestation de l’ordre établi avec ses 20 enfants

Ki-yi-Kii : Et ses 20 enfants qui devaient passer pour les


Maîtres de l’hypocrisie, car ils avaient à leur charge
De régler les problèmes de la vie sociale

Au total, la socio-génèse des Basa qui daterait du début de la diaspora fait


ressortir l’existence de 9 ancêtre et de 168 descendants. Notons que la
cosmogonie idéalisant la réalité sociale a permis une déification de ces neufs
ancêtres de l’époque de la diaspora, tandis que l’organisation politique
traditionnelle se sert de leurs noms pour désigner les neufs ethnarques qui
coiffent presque partout la communauté basa. Nous sommes en présence d’une
conception cosmo-humaine du monde. Si on en croit la tradition, les peuples
Basa qui ont évolué à travers l’Afrique sub-saharienne descendaient de ces
ancêtres. En essaimant, ils ont donné par-ci, par-là les groupes suivants :

-sur la rive droite de la Bénoué, autour de la ville de Makodi et au Sud de


la région Wandara vivent les Basa ;

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-non loin de là, du coté du Nigéria de l’Ouest, sur la rive droite de
Kadouna, un autre peuple Basa un territoire assez vaste ;

-à coté se trouve le peuple Basa-Ngué et un quatrième peuple Bassa-


Komo ;

-toujours au Nigéria, autour de la ville de Lokodja, plus précisément à


l’endroit où la Bénoué rencontre le fleuve Niger, un autre peuple Basa partage
une vaste région avec les Igbira ;

-en remontant la Bénoué vers le le Nord-Cameroun, jusqu’ autour de


Garoua se trouve les Basa dont le vrai nom est Bassa-Ma ;

-du coté du Logone, parmi les Masa que la tradition fait remonter du
massif de l’Adamaoua, à leur emplacement actuel où ils ont rencontré et métissé
les Mousgoum, il y a une ethnie Bahiga qui revendique une origine Basa ; on dit
que deux enfants sont nés de Bahiga, ce nom typiquement Basa, Bahiga ; le
premier était Magas, le fondateur des Bahiga proprement dits, tandis que le
second du nom de Arbasa ou Argasa donna naissance aux Yikatone

-sortons du territoire nigéro-camerounais pour arriver au Togo. Là se rencontre


les Bassa-ri ou Basa du pays (ri).Plus loin autour de Monrovia -capitale du
Libéria- s’étend sur plusieurs kilomètres le long de la côte Atlantique un autre
peuple Basa. Les mêmes Basa se retrouvent en Sierra Leone ;

-En Afrique de l’Est et du sud Est, notamment au Mozambique, il a été


repéré un peuple Basa qui se dit descendant des Basa du Zaïre ;

-au Zaïre précisément, l’on rencontre les Basa la Mpasu ou Basa de la


rivière, à la source de la rivière Sakuru près du pays des Baluba, non loin de
Kakakodi. Toujours dans le même territoire, il y a les Basaka ou Basakata au
Sud du lac Léopold dans un immense territoire longeant la rive gauche du
Kasaï. Jusqu’en 1926, ce groupe était dit Bassa tout court ;

-Au sud -Cameroun, dans les trois provinces administratives du littoral,du


Centre-Sud et de l’Ouest, s éparpillent des ethnies raciales Basa sur lesquels
nous allons nous appesantir au plan de l’anthropologie et des croyances. Disons
d’ores et déjà que le peuple Basa Ngue-Nanga du Cameroun est frère des Basa
Ngue du Nigéria.

Mais il faut noter que ces Basa là on été en partie absorbés par d’autres
peuples. En effet les recherches généalogiques ont mis en relief le
soubassement racial des Bamilékés de ce qu’on appelle la zone du palmier à

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huile de Diboun à Foutouni et de Fomopia à Bana ; les diffuseurs du palmier à
huile ont tous été des Basa durant les 17 e et 18e siècles. Non seulement les
Bamilékés eux-mêmes parlent d’un important groupe pré-établi qu’ils nomment
M’basa, mais encore il est donné d’observer que dans la puissante chefferie de
Bana par exemple, le plus grand quartier conquis s’appelle Basa. Par ailleurs, il
est fréquent de trouver dans les chefferies des généalogies où les deux premiers
noms à partir de l’ ego sont bamiléké, tandis que le reste est Basa ; donnons
l’exemple

Mbenkoben : fils de Poma


Petit-fils de Matip
Arrière petit-fils de Ndombol

Les autres ancêtres étant :


-Ngokolo
-Dikwa
-Bayi
-Ntolong
-Biteg etc… dans cette petite chefferie située tout près de celle de
Fongomekwet. On pourrait multiplier les exemples.

On sait aussi que lorsque les Ngala-dwala envahirent les actuels


départements du Wouri et du Mungo autour de 1610, ils ont intégré de
nombreuses tribus au point que les dialectes Abo, Bakaka et Mbo de la langue
duala témoignent encore de ces croisements de races. Mais parlons plus
spécialement des Basa de langue Bulu que l’on croit Bulu,qui s’étendent de la
ville de Sangmélima à celle d’Ebolowa et s’ égrenent vers Zoétélé d’une part
et Bengbis d’ autre part ; il s’agit du groupe Essele dont l’ancêtre est originaire
de log Send. Ce mêmes Essele se retrouvent chez les Beti notamment avec les
Essel chez les Eton d’Obala, Esse chez les Bene du Mfou ; on les retrouve
également chez les Bafia avec les Osen.

Ce qu’on peut quoter aujourd’hui comme Basa de la vaste région qui


longe le chemin du fer du centre de Douala à Otélé, puis allant du fleuve Wouri
et son affluent le Nkam, de Douala au pays Banen inclus, se divisent en dix
sous-groupes ou sous-ethnies, les suivantes

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1-Nyomb : avec les log Mangaa, Ndog Tindi,Log Ntomb,Log Basog,log
Ngond….

2-Nsaa-Ngombolo :Ndog Bong, Log Nyig, dits Basaa de Douala, Ndog


Paa de Yabassi, Ndog Bakem entièrement absorbé par les Ngala-Dwala. Ces
deux sous-ethnies descendent d’un ancêtre commun appelé Ntomb, fils de Kang
fils de Ngog, fils de Ngué Nanga.

3-Basinkol :englobe les Ndog Makumag de babimbi, les log Besu de


Douala, Log Nkol, Log Basamal, Mwenkok, Ndog Tjok…

4-Ou : concernant les Log Tindi, Log Bayeck, Ndok Lem, Log Kat, Log
Nwanag, Mangaa 2e branche…ces deux groupes descendent respectivement de
Nkol et de Ou, fils de Bilong, fils de Ngas,fils de Ngog, fils de Ngué Nanga

L’ensemble de ces quatre sous-ethnies constitue la grande ethnie Basa


que la tradition appelle Ngog-Ngué. De l’autre coté, les descendants de Mbang
Ngué, le frère de Ngog-Ngué, constituent l’ethnie dite Mbang-Ngué contenant
également quatre sous-ethnies,les suivantes :

5-Bakeng : Log Bakeng de babimbi, Ndog Njèè d’Eseka, d’Etouha de


Ngog-Mapubi, Log Heega, Ndog Ngond, Log Dikid, Log Hendèè Manga, Ndog
Mbem, Log Ngwang , Ndog Baken en partie absorbés par les Duala d’Akwa –
Nord, du Wouri de la tribu Ewodi, avec une portion restant du coté de tondé,
Ndog Bakenga…

6-M’Bassa éparpillés surtout parmi les bamilékés du Haut-Nkam, du coté


des Yabassi du Nkam et parmi les Baya de l’Est :Log Bitek,log Linda,ndog
Banol chez les banen, Nyamtam, ndog Balak , Ndog Pol…

7-Jol : avec les tribus suivantes :Ndog Béa de Makak,Bot Makak


etc..Ndog Bea ou Beaya de Douala, Ndog Nlet, Ndog Batjeck, log Nit, Log Oa,
Ndog Kobè, Log Send qui ont donné naissance chez les Bulu à la sous ethnie
suivante :

8-Essele avec les tribus Essatolo à Ebolowa,Esatomba à


Zoétélé,Esamalomo à 30 km de la route de Sangmélima vers Ngoulemakong,
Esatonda, Esanjala sur la route de Djoum, Esankota sur la route de Bengbis,
Esabikoula,Esalate , Esamgboum etc…

Deux autres ethnies ne descendent pas de Ngué Nanga :les suivantes :


Log Sop , et Log Mbelek

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9-Les Sop ou descendants de Mode Sop basa ,nom du célèbre Modi
Soppo du wangara :Bakembè, log Ot-sop, Ndog Lii ou Ndog Ot de Yabassi ,
LogSop, Log bilem , Ndog manjan, Nti-sop éparpillés parmi les bati ba Non
,Ndog Bati de Douala, etc…

10- Les Mbelek dont les tribus les plus répresentatives sont les Ndog Sul,
Ndog Kama de Yabassi et les Ndog Kama de Pouma…

Il sied de souligner ici que les Ndog Makoumag sous-ethnie Basinkol. On


y trouve les Les Ndog Makoumag descendants de Songè,fils de Makoumag dont
les log Yété de Babimbi

Dans les log Besu de Douala,les log Timos, Log Nkol (dont le héros Ngog
Bilong a fait l’objet d’une publicationde MM joseph MBOUI et Pierre Ngidjol
Ngidjol en 1967), Mwenkok, log basèmel etc…

Une chose est certaine c’est l’existence de la grande nationalité basa


ayant formé l’empire du second Biafra ou Arbasa avant de s’éparpiller à
travers plusieurs du continent africain à partir du XVe siècle. Les portugais qui
depuis cette époque, vont hanter l’estuaire du Cameroun, attireront l’attention à
l’extérieur sur les peuplades des Biafras. D’autres du XVIe siècles et de la
première moitié du XVIIe siècle feront cas de Bascar, Mash devenu Biafrae
dans la seconde moitié du XVIIe siècle, appellation d’où le célèbre consul
anglais richard Burthon(1821_1890) a tiré Biafra. Si la plupart des documents
européens ont situé ces ensembles tantôt ethniques tantôt politiques à
l’emplacement actuel du Cameroun septentrional et du Nigéria central, allant
quelques fois jusqu’au plateau Grassfield, on comprend à la lueur de la diaspora
que nous venons d’étudier. La baie de Biafra à l’entrée de Douala et l’éphémère
République du Biafra qui englobait plus particulièrement les Ibos et les Basa
du nigéria évoquent de maière éloquente ce vaste complexe Basa qui a tort ou à
raison a eu droit à sa résurgence dans l’esprit de certains bâtisseurs d’Etats.

Comment un tel nom n’aurait il pas pu rayonner dans le golfe de Guinée


depuis les Hauts-Plateaux centraux jusqu’à la côte Atlantique quand Déjà Cuny,
au siècle dernier , notait que ce nom était tiré d’un Etat important « qui s’ est
étendu autour du golfe d’Ethiopie ou de Guinée ». Cette remarque en plein XIXe
siècle fait penser que même le Cameroun Médiéval, Etat issu d’une
harmonieuse conjugaison des Basa, Sow, Ngala-Dwala et d’autres s’appelait
aussi Biafra pour le monde extérieur, du moins jusqu’ à ce que le nom de
Camerones « d’où Cameroun » soit venu remplacer venu remplacer le mot
Basha ou Biafra. De la même manière,la ville de Douala figure sur les cartes du
XVIe au XVIIe siècle sous les dénominations diverses :Basha, Biafra,
Basa,Cameroun -Ville. Il résulte de cela

14
et des vagues successives du peuplement de cette vieille métropole que chaque
quartier possède en général trois noms correspondant à trois lignages dont un
basa, un sow-bakoko, et un duala, par exemple :le quartier Bonadjidjé à Deido
fut d’abord Log Besu puis Yagbè. Le quartier de Bonamouang fut d’abord Log
Bakeng puis Yadimban…

Il importe de souligner que chacune des ces dix sous –ethnies basa avait
une fonction déterminée : commerciale, politique,ou religieuse etc…et ce n’est
pas un hasard que l’épopée de Hitong Lingom se réfère constamment aux
produits d’importations et d’exportations tels
que :Fusils,Poudre,gâchette,défenses d’éléphants sel etc..Cela tient du fait que
les Ndog Makoumag étaient spécialement chargés du Commerce chez les Basa.
Ceci nous amène à brosser le tableau de l’organisation politique traditionnelle
des Basa du groupe concerné au Cameroun.

15
16
II-ORGANISATION POLITIQUE DES BASA

17
Le contrôle de l’espace et des hommes a donné lieu chez les Basa à une
organisation à quatre paliers : le premier concerne la communauté raciale Basa
en tant que telle, c'est-à-dire les dix sous-ethnies que nous avons énumérées. Le
deuxième palier concerne les Basa insérés dans une fédération avec une partie
des tribus Baso que les contingences historiques ont amené à être des
Bassaphones. Le troisième palier nous montre les Basa insérés dans une
confédération s’étendant à tout le littoral camerounais dit Sawa. A ce niveau,
les Basa en tant que peuple racial et résidentiel opéraient avec les Baso-Bakoko
et les Ngala-Dwala, voire Ewondo-Beti qui se sont aventurés sur les routes du
sel vers la côte. Mais c’est surtout autour des trois grands peuples que s’organisa
la spécialisation des groupes de l’ensemble économique et politique qui fait dire
à rené Gouellain ce qui suit :

« La côte aux environs de l’estuaire du Wouri comporte un arrière- pays


qui joue pendant la période de la traite un double rôle. Premièrement celui de
producteur d’ivoire,de palmistes…Deuxièmement celui d’intermédiaire entre,
d’une part les Douala qui détenaient le monopole du commerce direct avec les
européens du centre-sud et du Sud cameroun, qui participaient aux échanges »

Ce rôle de producteurs et d’intermédiaires entre la côte et les peuples de la


grande forêt donnait la possibilité aux Basa d’agir à ce niveau sur deux
tableaux : L’un les mettant en vedette comme les premiers occupants du sol et
maîtres de la terre, l’autre comme gardiens naturels de l’intérieur au niveau de
leur Cité-Etat érigé à Douala et qui portait jadis leur nom. A propos de ce
dernier aspect, nous tenons du Vénitien Giacomo Di Costaldi en 1548 que sur
le fleuve Wouri alors dit « Rio de maffras » (Basa) ou encore Rivière Biafra ,il
existait «  vers le Nord-Est… une grande ville appelée Biafara la capitale de tous
ces pays »

Deux choses sont à comprendre ici: d’abord le territoire de l’époque était


réparti en plusieurs gradins économiques tournés vers Cameroun-ville,
métropole de tous ces pays comme le révèle le vénitien suscité. Ensuite bien
qu’établis en grande partie à l’intérieur des terres, notamment dans le troisième
gradin économique, les Basa poussaient leurs antennes jusqu’à la métropole où
les dix sous-ethnies étaient représentant par dix tribus respectives,organisées
dans un Etat-Cité. Il s’avère que Douala, Ville Basa au départ, devint par la suite
une somme de plusieurs Etats-Cités, celui des Basa étant devenu l’actuel

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Bonabéri sous le nom de Hickory ; ce terme dérive de Hiko-Oli, le titre du chef
Basa de cette cité.

Au quatrième palier, les Basa participaient à l’organisation régionale du


Vieux-cameroun suivant trois volets :

Le volet de la ligue des confédérations et Etats qui s’étendaient du rebord


méridional du massif de l’Adamaoua jusque vers le Nord du Gabon actuel
d’une part, et de l’océan Atlantique sur les rives de l’Oubangui d’autre part. Il
y a là : Le royaume côtier du Kambongo des Ngala-Dwala, le royaume
Logodip –Sow des Bakoko et groupes frères qui devaient fusionner au XVIIIe
siècle avec le premier, la Confédération gérontocratique Basa ou Bas-Biafra
constituant la marche frontière du Littoral. Pour ce qui est de la forêt, la
Confédération militaire Nanga (Beti, Bulu, Badouama), la confédération du
Wankono de l’Est ; et pour ce qui est de la savane, le vaste ensemble de l’Ouest
dit M’Bassa ou Moyen Biafra que les chefferies bamiléké descendues du pays
Tikar ont submergé à la fin du XVIIe siècle., mais surtout au XVIIIe siècle ; et
le Tika comprenant le royaume Bamun, le Royaume Nsow, les puissantes
chefferies Tikar et Widekoum. Les deux autres volets du quatrième niveau
d’organisation qui nécessitaient la participation des Basa étaient l’ Etat-
Administration du Vieux-Cameroun en tant que tel, et la métropole Cameroun-
Ville qui jouait le rôle d’un véritable empire conçu à la manière des Phéniciens
se contentant d’une main mise sur une plaque tournante économique
politique ,et religieuse, laissant le reste du territoire dans un système
d’administration indirecte.

Nous allons présenter rapidement les quatre niveaux de l’organisation


politique des Basa, mais au préalable, il est nécessaire d’attirer l’attention sur
l’organisation de l’espace du Vieux -Cameroun par les intéressés et le mode
d’occupation du sol qu’ils y ont pratiqué. Ces deux données sont essentielles
pour la compréhension de leur système politique

Division Basa du territoire et mode d’occupation

Dès que les Basa arrivèrent dans le Vieux-Cameroun qu’ils occupèrent de


bout en bout, ils scindèrent le territoire en huit secteurs cosmo-militaires
gravitant autour de la grotte sacrée de Ngog-Lituba ou plus concrètement
autour de la contrée Babimbi. Même quand les autres peuples (Ngala-Dwala,
Baso, Ndobo-Bamiléké, Maka, Baya et autres) eurent arrachés de portions de
territoires aux Basa en les cantonnant de plus en plus autour des fleuves Wouri ,
Sanaga et une partie du Nyong, cette division en huit secteurs correspondant au

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huit phases de la lune est restée sans changement dans la conception du monde
spatio-politique des Basa. Hormis le Babimbi, ces huit secteurs sont :

-Bikok  orienté vers le Sud-Est ;

-Le No-Nlon orienté vers le sud en pays Beti ;

-Le M’Bassa-Basa orienté vers l’Est en pays Maka et


Kaka ;

-Le Kidibiang vers le Nord-Est ,vers les Baya et les


Bobili

-Le Likol orienté comme son nom l’indique vers le nord


Chez les Banen et les Batouk (Bafia)

-Abasankon orienté vers le nord-Est chez les tikar et les


Widekoum et beaucoup de tribus appellent encore cette
Région Abasankon, le Bas pays

-Le M’Bassa dans l’actuel pays Bamiléké à l’Ouest

-Le NGombolo se confondant avec la côte sud-ouest vers


Les Duala et les Bakoko

Il est à noter que chez les Duala, par exemple, la configuration spatiale
coïncide avec la configuration ethnique au point qu’on est en présence d’un
arbre généalogique étendu sur le sol, les proches parents vivant cote à cote et les
groupes parentalement éloignés s’éloignant du port de Douala sur le plan
d’occupation du sol. Les Basa ont un autre mode d’occupation du sol en ce sens
que la contrée Babimbi constitue pour eux le macrocosme auquel se réfèrent les
huit régions que nous avons énumérées. Toutes les branches cadettes de ces
sous-ethnies s’éparpillent à travers les huit secteurs cosmo-militaires afin
chacun reçoive les lignages des dix sous-ethnies. Il se trouve ainsi réalisé un
terroir-macrocosme : le pays Babimbi qui renvoie à huit secteurs mésocosmes.
Par ailleurs chaque sous-ethnie étant représentée dans chaque secteur, nous
voyons tout de suite apparaître les grappes de familles se réclamant de la
branche aînée restée en pays Babimbi à coté d’un lieu sacré. Par exemple pour
les Baken, la branche ainée Ndog Baken est resté à Babimbi , la sous-ethnie est
représentée dans le No-Nlon par la tribu Ndog njèè Baken, dans le Ngombolo
par les Ndog Baken de Douala , du coté de kidibiang par les Log Bakena une
branche des Log Dikid ; à Bikok également les Log Dikid etc…

20
D’ores et déjà, deux remarques s’imposent à notre réflexion. D’abord une
telle distribution ethno-spatiale nous dispense d’une organisation de type
pyramidale avec un chef unique qui renvoie aux chefs subalternes ; et cette
organisation se fonde sur une démocratie réelle du fait qu’elle requiert la
participation de tous les groupes au pouvoir. Les Basa , face aux autres peuples
du Vieux- Cameroun, se sont imposés tout au long de l’histoire qui va du XVe
au XIXe siècle comme un peuple de législateurs défendant la démocratie au
point de se refuser volontairement tout pouvoir royal. Donc l’organisation
politique des Basa à quatre paliers nous met en présence d’une unité de
superposition dont les plus petites sous-unités se trouvent englobées par celle un
peu plus grandes ; on va ainsi du microcosme au macrocosme en passant par
deux mésocosmes de la façon suivante

1-Organisation du peuple Basa

2-Organisation de la Fédération de la Marche Forestière

3-La Confédération tétrarchique du Bas-pays ou du Littoral

4-Participation des Basa dans l’organisation du


Vieux-Cameroun

1- Organisation du peuple Basa

A ce niveau les Basa se sont donnés une constitution du peuple qui laisse
l’impression que leur communauté s’isole par rapport aux groupes
apparentés ou voisins. Cela tient du fait que les structures socio-
politiques conçues concernent exclusivement ceux qui appartiennent à la
communauté Basa sui sanguinis et non pas aux Bassaphones. Cette
organisation des peuples consiste en 10 ethnarchies

a) Lilom ou ethnarchie.

Chacun des dix sous-peuples Basa se constitue en ethnarchie. La contrée


Babimbi s’étendant autour de la grotte sacrée de Ngog-Lituba où l’histoire
mythisée situe l’origine des ancêtres Basa, sert de territoires sacrés auxdites
ethnarchies. Aussi bien on note que chacun des dix sous-peuple s’y trouve
représenté par une une tribu raciale déterminée. La chefferie de chacune de ces
tribus ainées a à sa tête un Nka-Mbog, ethnarque à qui se réfère les chefferies
des tribus apparentées, et répandues à travers le vaste pays Basa. Nka-Mbog

21
joue le role de Grand-prêtre, chef des fonctions religieuses ; de Législateur et de
censeur, gardien des us et coutumes ; et de grand patriarche. Son pouvoir se
trouve légitimé par l’emplacement de sa chefferie à coté d’un lieu sacré, lieu de
communication entre la communauté des vivants et celles des ancêtres et des
dieux. Si on excepte la grotte de Ngog-lituba au cœur de la contrée Babimbi et
dont la garde incombe à la tribu Baso ba likol (groupement non Basa), les dix
autres lieux sacrés reparti en fonction desdites ethnarchies, sous la garde des dix
chefferies aînées donne le tableau de correspondance ci-après

Ethnarchie Tribu aînée Lieu sacré

1)Nyomb Log Ntomb Iboi lingok(vers


Bafia
A 50kmde Ngambé
Vers les Yambassa

2)Nsaa Ndog Hem Iweng(sur la sanaga


A 45km de Ngog
Lituba

3)Basinkol Log Nkol Ngokolokong(Rocher


De l’infini)

4)Ou Log Kat Simgang (rocher


Totémique)

5) Bakeng Log Heega Linkolo

6)M’Bassa Ndog Bangenga Ngoko nyouma


Rocher vers la contrée
de Moukounda

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7) Sop Bakembè rivière Djouel

8) Jol Ndog Kobè Mawanda(colline de


cailloux autour de
l’arbre totémique

9)Bakeng (bis) Log Dikid Toung Likang

10)Basinkol(bis) Ndog Makoumag Song-Mbengè

b) Le lihaa ou la tribu raciale

La tribu raciale donne souvent lieu à une chefferie tribale, dont le chef se
réfère à un ancêtre situé au 11 e ou 12e palier généalogique. la différence avec le
Nka-Mbog qui se réfère à un ancêtre situé au 15 e voire 20e niveau du palier
généalogique consiste dans le fait que le chef lihaa porte le titre de Hond Bako
(hache des pygmées) qui signifie qu’il est maître et prêtre en titre de la terre
qu’il détient sous son pouvoir les Bako (pygmées) premiers d occupants du sol
que ses ancêtres ont délogés. Il préside le conseil de la chefferie tribale. Le
pouvoir étant bicéphale, le chef a son homologue chargé plus
spécifiquement des fonctions religieuses :le prêtre supérieur de la terre que l’on
nomme Nsisi
La chefferie tribale connaît à son tour des paliers dans son organisation.
On y distingue notamment le Sas, sous tribu organisée sur une sous-chefferie
supérieure. Le Liten, lignage correspondant généralement à une chefferie de
village. Il y a lieu de noter ici que contrairement à l’organisation de l’ethnarchie
bamiléké de l’ Ouest-cameroun ,au sein de laquelle les chefferies se
hiérarchisent par rapport à la chefferie même et aussi en fonction du nombre de
paliers généalogiques auxquels se réfèrent son chef et son sous-chef,
l’organisation de l’ethnarchie basa se révèle nettement plus démocratique en ce
sens que la chefferie tribale a le même type de lien avec la chefferie aînée que la
chefferie de la sous-tribu ou la chefferie du village, à la seule différence que ces
deux dernières vivent de manière autonome par rapport à la contrée de leur tribu
d’origine.

c) Le Sas ou sous-chefferie tribale

Celle-ci a à sa tête un chef qui porte le titre de Hond-Kena (la hache qui
tranche).Comme son nom l’indique, il est arbitre de l’unité administrative et
parentale ainsi constitué ; il préside le conseil du Sas. Il a pour homologue le

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Mpodol, véritable parlementaire voire le défenseur des jeunes et des causes des
moins privilégiés auprès des tenants de la gérontocratie.

d) Le Liten.

A l’image du Sas qui est censé l’englober, le Liten a son propre chef le
Mbombog : patriarche ou chef du lignage. Il est la pièce maîtresse de
l’organisation socio-politique. Il est élu Par les chefs de famille (basan mbay). Il
se pose en intermédiaire entre la réalité visible et la réalité invisible, en digne
représentant de l’ancêtre fondateur.Son rôle est surtout d’arbitrer les différends,
d’officier en qualité de prêtre de la terre. Il convoque en oraison la grande
messe lignagère en cas de maladie en cas de maladie, de calamité ou de lutte
contre le sorcier ; il s’agit du Saymbog. Le conseil lignager investit le
Mbombog et peut le déchoir, prononce également l’exclusion du groupe de tout
membre auteur de meurtre, décide la vengeance du préjudice causé à un membre
du groupe. Le successeur du Mbombog, l’aîné des fils de la branche aînée au
lignage, n’est toujours pas le fils du Mbombog défunt ; triomphera celui que la
consultation de l’oracle aura avantagé. Au moment du sacre l’intéressé reçoit la
peau de panthère , un collier d’amulettes, un chasse-mouches servant de sceptre
à ce gardien de la paix, un bâton et un bracelet en cuivre font de lui le lieutenant
de la divinité –ciel. Nous pouvons donc conclure avec l’auteur des « Eléments
du Droit coutumier Basa », imprimé à Berlin en 1896, nous nommons J.
Kohler que :

« Les Basa connaissent l’institution du chef. Le chef jouit


d’une voix prépondérante dans les assemblées des notables et les
jugements rendus. Il peut commuer une peine capitale en une peine
moindre. Ce rang et les privilèges qu’il entraîne lui demeurent
acquis en temps de paix comme en temps de guerre Il n’a pas le
droit de mort sur ses sujets. Les membres de la collectivité placés
sous son autorité ne sont pas des « sujets » dans le sens où nous
l’entendons ; il n’a aucun droit sur leurs biens ni sur leurs
femmes ».

Il est à remarquer qu’en dehors des objets spécifiques servant d’attributs


du pouvoir cheffal, tout le monde peut utiliser les deux instruments qui sont la
canne et le chasse- mouches ; mais ceux du chef ont toujours porté les marques
distinctives connues de tous. Le chef Basa ne porte aucun nom particulier. Parmi

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les privilèges apportés au Chef, il importe de mentionner les cadeaux rituels ;
mais il n’existait pas d’impôts à proprement parler dans l’ethnarchie comme
dans la chefferie lignagère Basa. Lorsqu’ on tuait une bête à la chasse on était
tenu de donner un quartier au chef, de même que la cuisse d’un cochon lui
revenait de droit et une part du produit de pêche ou de culture. Ceci se justifiait
par l’obligation qu’avaient les membres du lignage de se concilier des bonnes
relations des mânes des ancêtres. Les Bakugi (sing. nkugi). Aussi bien à sa mort
puisqu’il rentrait dans l’ordre des ancêtres différenciés, sa tombe était tenu
sécrète. Ce qui conduisait à l’enterrer ailleurs que sous le mausolée qu’on
implante dans sa cour pour assouvir la curiosité du public. L’annonce du décès
avait lieu neuf jours avant l’élection et l’investiture du nouveau chef. Les
cérémonies funèbres étaient importantes et contribuaient à rénover les rapports
sociaux.

Une réflexion particulière est à faire sur la nature bicéphale de la


chefferie Basa, le chef ayant toujours un homologue appelé à exercer les
fonctions tantôt religieuses , tantôt commerciales ,militaires ou politiques.
Souvent c’est cet homologue désigné parmi les branches cadettes pour
contrebalancer le pouvoir du chef et freiner d’avance d’éventuels abus
d’autorité, qui détenait une technique magique , les makan, capable de faire
tomber la pluie ou de jeter le mauvais sort sur l’ennemi du groupe . Quelquefois
ce dernier était aussi le Mut-Ngambi qui avait à sa disposition l’araignée
divinatrice (Libob li ngambi), parfois le Njek ou cactus. C’est avec lui que le
chef officiait lors de la conclusion de la paix,soit au moment du sacrifice ou de
la circoncision, marque de l’initiation des jeunes. Ce pouvoir dualiste, nous
l’avons vu à tous les niveaux. Il était encore plus accentué, en dépit des
apparences trompeuses, au niveau du lignage au sein duquel le Hikombog
travaillait de concert avec le Mbombog pour assurer la santé magique du
lignage, le contrôle des biens communs, la sauvegarde de la sécurité matérielle
et morale, symbole même de la cohésion de l’unité parentale et politique. Les
représentants des chefferies se retrouvent dans une grande assemblée pour
débattre des affaires qui dépassent les limites de leur ressort cheffal.

e) Le Likoda li Mbog

Le bicaméralisme qui est la notion de dissymétrie fondant la démocratie


chez les Basa, apparaît au niveau des assemblées. Les Bambombog étaient
regroupés au sein de l’assemblée du peuple, le Likoda li mbog que préside le
Nka-mbog au cours des grandes réunions ,et le Mbombog au niveau des
assemblées du village. De leur côté les femmes responsables se réunissaient

25
dans l’assemblée de l’escargot : le Likoda li Nkoo. Tous les membres du groupe
ne participaient pas aux assemblées du peuple, il y a donc lieu de distinguer les
catégories sociales dans cet univers où elles n’apparaissent pas de prime abord.
Rappelons qu’il existait deux catégories sociales. La plus privilégiée est celle
des Bed Mbog : authentiques originaires. Elle regroupe deux classes sociales :
D’un côté les Ngweles ou le sang pur, la noblesse terrienne, parmi laquelle se
regroupaient tous ceux qu’on peut appeler les Bed Lon ou agents de l’ Etat
(Nkambog, Mbombog, Hikombog, Nsisi etc…). De l’autre les Nem Nkon ou la
nature :Demi sang pur qui englobait l’ensemble des descendants des 167 tribus
qui ont jadis composé la nationalité Basa en dehors des familles cheffales
constituants les Ngweles. Ils exercent les fonctions subalternes et secondaires
auprès des Bed Lon.

La deuxième catégorie était celle des Balolo ou assimilés. Cette catégorie


englobe quatre classes sociales qui ne jouent pratiquement aucun rôle politique
dans les chefferies. En tout cas, quand il revient à un membre de cette classe
d’avoir un rôle à jouer , il ne peut pas dépasser le cadre du lignage. Ces quatre
classes sont :

-Les Bayoyo (sing nyoyo)


-Les Balo njèl (nlo-njèl) ou clients
- Bayon ( sing(nyon) ou captifs
-Minkol (sing Nkol) ou esclaves

2-La Fédération de la Marche Forestière

Il s’agit à ce niveau de l’organisation commune des Basa et d’une partie des


Baso, regroupés dans la zone forestière entre le pays Douala et Bakoko de la
côte d’une part , et les pays de l’intérieur :Beti ,Bulu , et Baduma d’autre part.
A ce niveau il existe une séparation réelle des pouvoirs et seules les confrérie y
prennent part.

a) Le Ngué

Cette confrérie est entre les mains des Baso. La tribu Basa ba Likol
fournit le monophysite, tandis que la tribu Ndog Besol tenait le San-Malangué

26
ou le grand stratège, chef politique et militaire. Cette confrérie détenait le
pouvoir exécutif. Elle fournissait des policiers ruraux hiérarchisés selon les
paliers. Allant des Basan-Ngué ou stratèges aux Ngué-Ngué sorte de gendarmes
ou agents d’exécution. Le gouvernement de la fédération est aux mains du San-
Malangué, grand stratège entouré de neuf Ngué-Buwé, devins archontes,
cesdits personnages constituant le Nko-Ngué ou gouvernement. La langue
administrative et liturgique de toute la Fédération était le Sow (ou mè-biè- nè),
élément cabalistique et véhicule d’une sous-culture privilégiée.

b) Le Mbog

C’est la confrérie qui détenait en permanence le pouvoir législatif de la


Fédération. Ses membres avaient l’initiative des interdits et le vote des règles de
droit. Ils pouvaient modifier la coutume selon les tendances de l’évolution de la
société qu’ils percevaient. Cette confrérie était exclusivement aux mains des
Basa. Sa langue de travail est le Basa ou (mè-a). Cela explique pourquoi
plusieurs tribus du peuple Baso tels que les Ndog Besol, les Yabii, Badjob,
Baso ba likol et Ndog Penda et autres ne parlent plus que la langue Basa. Le
Mbog connaissait aussi une organisation hiérarchisée des chefs législateurs qui
allaient des Nka-Mbog ethnarques au Mud-Mbog en passant par les Mbog-si ,
les basan-Mbog et les Mbombog.

c) Le Um Nkoda Ntong

il détenait le pouvoir judiciaire de la Fédération. Ses membres était des


Basa de mère Sow ou Beti. Ce sont eux qui assuraient la justice et infligeaient
les peines telles que l’indemnisation, la dépossession du coupable d’une partie
des biens, la mise au ban de la société, la peine capitale etc…Il connaissait à son
tour une organisation hiérarchisée qui allait du chef suprême de la justice
Batum, au juges les Bauum en passant par les sept Basan-Um, juges
supérieurs. Il y a lieu de noter que cette confrérie qui avait l’initiative des peines
connaissait une répartition en sept chambres qui sont

- Le Nkol-Um : chambre pénale


- Le Nton –Um : chambre piscole
- Le Dikad- Um : sorte de gruerie
- Le Ngwem-Um : sorte de prud’homme
- Le Ngond-Um : chambre civile
- Le Mbam-Um : chambre correctionnelle
- Le Mangamba- Um : chambre commerciale

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Par ces organismes les Basa arrivaient ainsi à définir chez les groupes
voisins non Basa ce qu’on pourrait appeler le tribunal de Grande Instance.

d) Le Kwakwe

Confrérie militaire par excellence, tout le pays Basa étant organisé comme
nous l’avons vu plus haut en huit secteurs territoriaux correspondants au
huit phases de la lune dont l’animal totem est la panthère. Cette confrérie
militaire et unique avait également huit secteurs correspondants aux huit
sections territoriales. Les secteurs militaires étaient placés sous le contrôle
du sous-peuple qu’on pourrait dire marginal du fait que ses tribus ne
siégeaient pas à Babimbi parmi les Nka-Mbog ou ethnarques. Il s’agit
des Mbelek qui comprenaient essentiellement les Ndog-Sul et les Ndog-
Koma. Afin d’assurer l’organisation de la défense et de la survie des
Basa, les tribus de cette ethnie se distribuaient parmi les peuples voisins
aux Basa. A chacun des quatre cardinaux correspondait u chef de secteur
militaire et unique qui porte le titre de Mbog-si. Le grand chef de tous
étant le Ntap. La famille Song –Ntap au sein des Ndog-Soul se présente
en gardienne de toutes les fonctions religieuses de la colline sacrée dite
Hikoa Njambe non loin de Makak. Elle avait le privilège d’officier pour
les huit Mbogsi ayant jeté leur dévolu sur le pays Basa en tant que tel.

Certains historiens pensent que les Mbélèk nommés encore Melek


seraient les descendants directs de l homme qui a dirigé la grande
migration des Basa du pays pwanit au soudan Nilothique. Certains
comme Tonye Mbua , se demande non sans raisons s’il ne faut pas
rattacher ce Mbelek ou Melek aux quatre souverains de Meroé dont le
nom était Melek et le titre Nab, selon pierre de Pedrals. De quoi faire un
rapprochement avec Nap souverain en Egypte, Naba souverain chez les
Mossi et le Ntap chef de secteur économique et militaire chez les Basa.

En résumé, la séparation des pouvoirs dans la Fédération de la


marche forestière s’établit comme suit.

Pouvoir Confrérie Autorités

Législatif Mbog 10 Nka-Mbog


(caste des Ethnarque
Agriculteurs législateur

Exécutif Ngee 1 Isan-Malangee


Police rurale 9 Ngee-Buwe
d’exécution (Devins archontes)

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Judiciaire Um Nkoda Ntong 7 Basan Um(grands
Juges,chefs des
Chambres
judiciaires

Militaire KwaKwe 1 Ntap


Armée de (Grand polémarque)
Représailles 8Mbosi(chefs de
Caste des secteurs militaires
caravaniers

La Fédération a donc confié sa gestion à trente six autorités supérieures.


D’après croyances, chacune d’elle était en correspondance directe avec un
décan, c'est-à-dire la responsabilité, était ethno-socio-cosmique. Ce qu’il
importe également de mentionner c’est l’emplacement des foyers d’où fusaient
les quatre pouvoir.Le législatif émanait de Babimbi pour devenir effectif dans
chaque village ou dans les assemblées interlignagères. L’exécutif siègeait dans
la basse région autour d’Edéa ville des Baso par excellence. Le pouvoir
judiciaire concernait davantage les gens de No- Nlon sa ville étant Eséka ; tandis
que le pouvoir militaire trouvait son assise principale entre Makak et
Sangmélima en direction du Sud.

29
LOG BAKEM, NDOG BONG,LOG NYIG
NDOG PA

HOM
NOO

MAKOUMB
KANG
LOG HENDE , MANGA, LOG NGOND,
NDOG NJEE, LOG NTOMB, NDOG TINDI

NTOMB III
A NOS JOURS

NTOMB I
NGOG
LOG BISU, LOG KUO, LOG BAGI,
LOG NKOL, NDOG NEM, NDOG TJOG

NGANA
NKOL

NKANDO
NGAS
LOG BAKOO, NDOG KOMA, NDOG SUL,

BILONG

NKWANG
NDOG KOK, NDOG KAMA

BOT

MBIT
NDOG SUL

NGUE
NANGA

OU
LOG BAEG,
NDOG KOK LOG BAKEE, LOG KAT,
NDOG LEM,
KOMALOG NWANAG

NKWANG

30
LOG BAKENG, LOG BASUMBU, LOG DIKID

KILA
LOG HEEGA, LOG MBEN, NDOG NGOND

BAKENG
NDOG NGWANG, NDOG NJE

ITJEK

NOO

MAMANG

BASI
LOG BANOL, LOG BALAK, LOG BITEK,
LOG LINDA, NDOG POL

MBANG

JOL
MBANG

MBOU
NDOG BEA NDOG BATJEG, NDOG KOBE
ARBRE GENEALOGIQUE DES BASSA DE NGOG LITUBA

NDOG NLET, LOG NIT, LOG OA,


NDOG SEND
KILA

SOP

MAKEMBE
BAKEMBE, NDOG BATI, LOG BILEM, L
LOG LII, NDOG NTII, LOG OT, LOG SOP
NSAA NYOMB BASINKOL MBELEK OU BAKENG MBASA JOL SOP
NGOMBOLO

LA CONFEDERATION DU BAS-PAYS (LITTORAL)

1- Tétrarchie du Bas -Territoire

Si quatre confréries opéraient dans la Fédération de la Marche Forestière,


en revanche il y en avait trente-six qui contrôlaient l’espace et les peuples du
Littoral, à raison de neuf par peuple résidentiel. Dès lors constitués en
confédération, ces peuples se donnaient une rallonge afin de participer à la
tétrarchie. Il en résulte une organisation quadripartite que masquait la même
tendance équilibratrice observée dans la constitution de la Fédération éternelle et
dans celle du peuple. La tétrarchie du littoral se composait donc de quatre
confédérations réparties de la façon suivante :

-la confédération des septentrionaux et de la forêt, ou des Basa : premiers


occupants de la terre, agriculteurs et législateurs qui se donnaient un rex
sacrorum.

-la confédération des occidentaux et de la plaine ,ou Baso : seconds


occupants de la terre , policiers et pêcheurs en rivière.

-la confédération des orientaux et de la mer, ou Ngala-Dwala : derniers


envahisseurs, navigateurs et marchands, maîtres de l’eau, de la grande pêche et
de la navigation en haute mer

-la confédération des méridionaux et des montagnes, ou Toukourou-


Minié : Maîtres du feu éleveurs et guerriers

Le rex sacrorum de la confédération des septentrionaux et de la forêt


portait le titre de Nyamsi (ou puissance de la terre) ; tétrarque Basa , il était issu
de la tribu Ndog Hem sous-ethnie Mbassa, dont les segments se répartissent
rationnellement comme suit :

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-les Ndog Hem de Douala-Deido, à l’emplacement de l’actuel stade
omnisports, en pleine côte, dans le pays des derniers envahisseurs Ngala-Dwala,
fournissaient héréditairement le tétrarque -premier des septentrionaux.

-les Ndog Hem de Ngambè à 45 km de la grotte sacrée de Ngog -Lituba,


en plein pays des premiers occupants Basa , contrebalançait le pouvoir du
tétrarque en donnant le premier prophète de la déesse -terre ; s’associant aux
Baso du Nord (Baso ba Likol), ils accordaient la sanction religieuse propre à
légitimer le pouvoir politique et financier du tétrarque de la confédération

-les Ndog Hem de Yabassi , dans l’arrière-côte , en plein pays des seconds
occupants Baso lato sensu opéraient sur un autre plan, ayant la charge de
l’administration de la confrérie Ngambi-disè, divination terrienne, qui serfait de
soutènement à l’action du premiers des septentrionaux

A côté du Nyamsi, rex sacrorum appelé rex terrae, maître de la terre,


Premier des septentrionaux, tétrarque de la confédération de la forêt , qui nous
intéresse ici, il y avait trois autres :Lingongolimbè, rex aeris, maître de l’air
tétrarque des occidentaux et de la plaine à Edéa. Manjojo Manjo, rex ignis,
maître de feu, tétrarque de la confédération des méridionaux et des montagnes
issu d’une tribu Mbo du mont Manengouba . Dingongodiba, rex aquae, maître
de la mer, tétrarque de la marche cotière, premiers des orientaux de la tribu
Douala stricto sensu, avec résidence à Douala-Akwa.

2-La Contre-royauté de la Cité-Etat

Cameroun-Ville se situant au cœur du littoral et au nœud de tous les


réseaux d’interaction, les premiers occupants les Basa ne pouvaient manquer d’
y avoir une représentation. Celle-ci s’est matérialisée tant au niveau de la ville
considérée comme la capitale des quatre marches du Littoral qu’au niveau de la
ville considérée comme la métropole de tous les pays du Vieux-cameroun. Au
niveau de la Ville-Capitale, chacune des marches organisées en confédération
se donne une Cité-Etat placée sous le contrôle d’une confrérie et d’une tribu. Le
pouvoir de la Cité-Etat se limite au véhicule du sacré, ou énergie divine, à la
justice citadineet à l’organisation économique. A chaque chef de cité
correspondent un arbre spécial dit Bongongi en kingala –standuntia
kamerunensis-et un flamine lié à un fromager sacré.

Ainsi la Cité-Etat du Bas-Biafra ou Basa de la côte coïncidait avec


l’actuelle cité de Bonabéri, sur la rive droite du Wouri, soit l’arrondissement de
Douala IV. Son chef, contre –roi gardien auprès des autres de la gravitas, la
force des anciens manifestée par les conseils gérontocratiques et la coutume,

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portait le titre de Hiko-oli. Basa il devait être de la tribu Ndog Bong de la sous-
tribu Nsaa-Ngombolo. L’arbre symbolisant son pouvoir se trouve encore debout
de nos jours ; il fut cédé au XIXe siècle au roi Duala Bellè Ba Doo ou Bell 1er
par le contre roi Bassa de la sous-tribu Bonamatoumbè (Ndog-Bong). L’arbre
passant aux mains de la dynastie des Duala Bell, l’institution de la Contre-
Royauté Basa à Douala prit fin. Toutefois elle légitime chez les Ngala-Duala
l’existence d’une double royauté, l’autre étant Douala-Akwa.

Au Hiko-Oli dont les anglais ont fait Hickory, contre-roi du Bas-Biafra


correspondait un Batum, flamine, juge suprême du fromager établit à Douala-
Deido sur la rive gauche du Wouri. Le tenant de ce dernier pouvoir judiciaire et
commercial appartenait à la tribu des Log Besu de la sous-ethnie Basinkol. Il
n’est pas inutile de souligner que les log Besu de Douala, aujourd’hui repliés au
km 14 sur la route Douala-Edéa sont frères des Ndog Makumag , théâtre des
plus anciennes et des plus prestigieuses épopées Basa. Le grand fromager Basa
fut cédé aux Douala-Deido, singulièrement au Bonadjinjé, au cours du XIXe
siècle. Dès lors l’institution Basa de Batum disparut ; néanmoins elle légitime
par son arbre et l’alliance matrimoniale avec les Duala-Deido l’avènement chez
ceux-ci d’un flaminat de la royauté des Duala-akwa.

LE PALIER DU VIEUX- CAMEROUN

Il s’agit de déterminer la participation effective des Basa au pouvoir de


l’ensemble des entités politiques du Vieux-Cameroun, articulées autour de la
Ville-Métrople. A ce palier de l’organisation, il y a lieu de distinguer trois
volets : le volet de la ville considérée comme Métropole avec son Etat propre au
milieu des entités d’un ensemble de sept entités politique énumérées plus haut.
Le volet de l’Etat-Administration centrale régissant les rapports entre la
Métropole et neuf gradins ou strates géo-administratives et économiques du

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territoire proto-national. Enfin le volet de l’Etat-Puissance avec l’affirmation
d’un impérium politique,sacerdotal et culturel. Il s’agit en gros de ce que les
Basa appellent Lon, c'est-à-dire l’ Etat.

1-Au niveau de l’Etat-Métropole

Il convient de rappeler que le Vieux-Cameroun s’étendant au sud du


massif de l’ Adamaoua comptait entités politiques qui formaient la ligue des
confédérations autonomes dont il a été largement question plus haut.
Camerounville, la Métropole et la seule porte d’entrée et de sortie de toutes ces
entités se trouvant sur la côte, il advint que son roi –prophète sans avoir jamais
régné au- delà de l’estuaire commun aux principaux fleuves, avait pris le pas sur
ses homologues en étatisant le culte de sont dieu dès lors placé à la tête du
panthéon, en accordant la sanction religieuse- par le canal de la confrérie Jengu-
aux autres chefs politiques pour légitimer leur pouvoirs,en détenant la monopole
du commerce avec l’étranger de la souveraineté externe et de la charge du
maintien de l’ordre.

Les autres entités politiques du Vieux-Cameroun déléguaient dans la


métropole six poliarques, chefs intérieurs de celle-ci en tant qu’ils se trouvent
hissés au sommet de la hiérarchie des six « partis » issus des classes d’ages et
des mutuelles. Parmi ces chefs délégués ou poliarques , appelés baanè en Basa
et Minkano en Duala etc, les Basa en avait deux. L’un était de la tribu Ndog
Béa (ethnarchoie Jol), résidant à Beyaya à l’extrême Akwa-nord à Douala.
L’autre était de la tribu Ndog Bati (ethnarchie Sop), résidant à Eleke-à-Bwiba, a
Bassa Douala à cinq kilomètres du port. Chacun se référait à un manguier
sauvage, arbre économique par excellence et symbole de légitimité.

A côté des deux poliarques Basa, le vice- roi de l’extérieur des Bamoun
appelé Ngwanyi-mfon ma yeyap résidant à Nseng Akwa-nord, et le chef
délégué à Bali- Douala Bell- de la puissante principauté de Bali, jouaient un
rôle identique. Les deux autres poliarques étaient l’un Baso de la tribu Ndog
Bakalag avec résidence à Ndokoti Bassa-Douala, et l’autre Baya d’une branche
aujourd’hui assimilée par les gens de Bonendale. Ici la confrérie Ngomkok des
Basa de la côte avait charge d’orchestrer les activités des poliarques Basa et
Baso et de régler leurs rapports politiques avec le reste du Vieux-Cameroun

2- Au niveau de l’ Etat-Administration

Autour de la métropole s’étageaient neuf gradins en forme de croissant


.Pour l’administration de ces strates géographiques et économiques, soixante

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dix-sept autorités supérieures régentaient cinq chaînes réorganisant les
confréries d’une manière différente de celle des confédérations de la tétrarchie
du Littoral. A ce niveau sept confréries constituaient une phylé dont la
principale servait de soutènement au pouvoir du phylarque (Likon), deux
étaient au service respectifs des deux préfets de l’arbre de vie, les quatre autres
étaient rattachées aux quatre vince-préfets qui assistaient les préfets de leurs
réseaux dans les diverses régions. S’y ajoutaient huit confréries ayant à leur tête
huit nomarques ou grands maîtres administratifs. Au total chacune de ces cinq
chaînes réorganisant les confréries utilisaient quinze hautes autorités.

Au- dessus d’elles se trouvait comme clé de voûte pour ainsi dire de
l’organisation, le chancelier des phylés résidant dans la métropole . Dans
l’exercice de ses fonctions, ce chef suprême de l’administration s’ adjoignait un
vice-chancelier Yuningee - littéralement le Toucan du Ngee- de la tribu des Log
Kuo , mélange des Ngala-Douala et des Ndog Mbelek Basa, dont l’implantation
à Babimbi ,du côté de Ndom, garantissaient la mainmise de la confrérie Mungi
sur les exécutifs locaux. Celui-ci présidait au fameux Ngee-njon, sorte de cour
martiale Basa. Si le chancelier, les phylarques, les préfets de l’arbre de vie et les
vice-préfets recouraient au Mungi pour commander, tandis que le Yuni-ngee ou
vice-chancelier recourait au Ngee, en revanche les huit autorités Basa des
quarante nomarques des gradins tiraient leur force de la confrérie Nkunku,
police d’espionnage, corporation des tambourineurs.

3-Au niveau de l’Etat-Puissance

La religion n’a jamais créé l’Etat, mais elle est toujours nécessaire au
pouvoir politique pour légitimer et pérenniser ce que la force a mis en place.
Les Basa l’ont tant et si bien compris qu’à tous les échelons de l’organisation
que nous venons d’étudier, un corps de prêtres attachés aux lieux sacrés doublait
le corps des responsables économiques et politiques . Mieux les Basa
parachevaient leur agencement social par une institution originale. En effet au
sommet de l’édifice se trouve placé le Pemnjee, ou la Panthère Invincible.
On aurait tort de voir en lui le chef suprême des Basa dans un monde où
l’attachement farouche à la démocratie s’est traduit par l’adoption d’un
multicéphalisme rigoureux. Donc le Pemnjee est seulement à la tête d’un
secteur ; la part de souveraineté dont il est détenteur complète celles des autres
élus du peuple. A ce personnage incombe d’animer les sacerdotes, de veiller à
la concordance de l’ordre cosmique et de l’ordre social pour que règne la paix et
que les dieux contribuent à la prospérité du groupe. A ce titre, il était le premier
intercesseur des hommes auprès de Dieu (Nyambe). La confrérie Ngwa qu’il

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préside se voulait d’une part l’Eglise des hommes-Panthères officiant pour Dieu
à travers les divinités Lune (Son) et la terre (Si) et d’autre part l’académie de la
langue Basa.

Le titre de Pemnjee peut se rendre par patriarche connotant le chef d’une


Eglise, Pontifex Maximus, harmonisateur des ordres et désordres qu’il accorde
à l’ordre universel, et académicien ayant charge de préserver des valeurs
culturelles endogènes –dont la langue- de l’abâtardissement qui pourrait venir
d’un raz de marée des courants exogènes incontrôlables. Mais le Pemnjee
apparaît comme un super Nkambog, ethnarque législateur permanent. Cela
tient au fait qu’il faisait la navette entre la Métropole et les chutes sacrées de
Son lolo ; après avoir participé aux conciles et synodes des confréries et
assemblées du peuple dans la Métropole, il réunissait les responsables Basa
autour de Son Lolo aux fins d’information, d’ajustement des législations et
d’adoption des mêmes canons. Enfin, le Pemnjee émergeait toujours parmi les
descendants de l’ancêtre conquérant surnommé Pemnjee, fils de Ntomb, de la
tribu Log Manga’a ,sous-ethnie Nyomb.

36
LES RESPONSABLES BASSA DE LA GROTTE DE NGOG LITUBA
A LA PENETRATION EUROPEENNE (1400-1886)

LE MILITAIRE LE LEGISLATIF L’EXECUTIF LE JUDICIAIRE

PEMNJEE

NTAP NKAMBOG ISAN –MALANGUE BATUM

MBOGSI MBOMBOG/NSISI NGEE BUWE ISAN-UM


(Hond-Bako)

Ngwed-Ngwed MBOMBOG/MPODOL ISAN-NGEE NU-UM


(Nkay njee) (Hond kena)

Ngwed-Ngwed Mbombog/Hikombog Nge-nge UM


(Biban bi Mbog)

HIKU Isan-Mbay Ngee

37
LES RESPONSABLES BASSA DE LA CONFEDERATION DU LITTORAL
(OU SAWA)

LE MILITAIRE LE LEGISLATIF L’EXECUTIF LE JUDICIAIRE

NYAMSI

MBOGSI HIKO-OLI ISAN-NGEE BATUM

Ngwed-Ngwed NANE YUNINGEE ISAN-UM


(Nkay njee)

Ngwed-Ngwed MBOMBOG LIKON NU UM


(Biban bi Mbog)

HIKUU ISAN MBAY NGEE UM

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L’INSERTION DES BASA DANS LE COSMOS

Dans le sillage du Pemnjee, nous abordons la conception cosmo-humaine


ou cosmo-biologique que les Basa on de l’univers. Toute la religion des Basa est
fondée sur la croyance que Dieu (Nyambe) est indissociablement lié à l’homme
(mud) et, partant, l’univers (nkongsi) apparaît comme un macrocosme par
rapport à la société dans laquelle évolue l’ homme qui en est le microcosme. Les
mythes et les légendes sont ici respectivement la sublimation du réel et
l’idéalisation de ce réel. Aussi le Basa donne t-il à l’univers toute sa structure
sociale, de même que Dieu apparaît comme portant la forme entière de
l’homme. En d’autres termes, pour l’ Africain qu’est le Basa, Dieu Crée l’
homme et l’homme le fabrique à son image. Jetons maintenant un regard sur
cette notion de Nyambe dans la cosmogonie des Basa. Nyambe est Dieu ; il est
le pré-existant, étant celui qui a précédé tout ce qui est, l’alpha et l’oméga. Mais
aussi l’oméga et l’alpha : car s’il est le créateur de l’univers, des hommes et des
espèces organisées en une sorte d’arbre à cinq branches que les Basa appellent
Simngan, il est aussi le générateur de tout et cet arbre cosmo-humain où tous les
éléments s’ordonnent, se hiérarchisent et découlent les uns des autres comme
insérés dans une filiation. Ainsi donc Nyambe se laisse appréhender comme
l’ascendant et l’ensemble des descendants. Il est transcendant et immanent. Il en
résulte que l’idée qui prédomine est la filiation considérée comme mode de
pensée et mode d’organisation.

Comme toute filiation qui suppose une communauté des ancêtres et des
parents à plusieurs paliers, mais dont le propre est de grappeler autour d’un
arbre généalogique, Dieu ( Nyambe) est la fois une unité de superposition et une
unité de juxtaposition des parents entre eux ou, pour tout dire une unité dans la
diversité. Dès lors il n’est pas étonnant que les Basa aient jugé utile de le
concevoir comme Un multiple de formes. Ainsi selon qu’on le considère dans
sa transcendance ou comme sa toute puissance , Dieu portera le nom de
nyambe ; dès lors qu’on l’ appréhende comme créateur et ancêtre primordial,
celui que l’on situe à l’origine du Simngan, il sera nommé Hilolomb. Dans un
autre contexte Dieu en tant que générateur portera le nom de Bel, ainsi que le
révèle Francesco Arnato dans

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son étude intitulée Les croyances des Basa. Mais Dieu étant hors des
hommes et bien au dessus d’eux se présente paradoxalement comme imprégnant
ces mêmes hommes par un de ces éléments qui est la puissance enveloppante et
fécondatrice, Nyam. Ainsi étant en tout un chacun, il suit de près le cours de
l’évolution humaine ; il connaît les maux de l’humanité et prend le visage de la
lune-mère qui panse les blessures des humains. Dieu est enfin Mongo, le char
qu’on assimile généralement à une haute montagne. Il porte et défend et prend
par la même occasion l’allure du dieu de la guerre.

Toutefois il serait fallacieux de croire que ces formes de Dieu sont


indépendantes les unes des autres, car l’étude chacune d’elle renvoie à l’autre. Il
se forme à partir de là un couple antithétique dont la résultante est toujours une
autre forme de Dieu. La triade ainsi repérée renvoie à une autre triade, et
l’ensemble des triades à la totalité qui est Nyambe. Il s’agit donc de la
disposition des parties d’un ensemble tantôt abstrait, tantôt concret d’un
système complexe généralement envisagé comme caractéristique d’un ensemble
et comme une donnée permanente. On peut dire qu’on se trouve devant une
véritable dialectique de l’homme « une forme de Dieu », de l’ensemble triade
divine et de la totalité « Nyambe ». L’analyse approfondie nous en met en
présence d’un Dieu conçu, grâce à ses multiples ramifications et dérivés, comme
un macrocosme avec une kyrielle de paliers intermédiaires qu’on pourrait
nommer mésocosmes. Il suffit de voir l’architecture socio - politique du monde
Basa pour s’en convaincre. Lorsqu’on demande à un Basa de décliner son
identité, il se nomme en étalant sa généalogie pour préciser immédiatement qu’il
de tel lignage. Autrement dit pour se définir, il se réfère au néant puis à la chaîne
qui la branche à son géniteur, et du géniteur au premier ancêtre. Inversement,
lorsqu’on interroge un Basa sur son ancêtre, il se réfère à l’être pensant,
agissant et maître de soi, qu’il est et qu’il assume dans la hiérarchie et la
complexité des forces existentielles

Il est une parcelle en tant qu’individu ; il est un ensemble en tant que


homme ou membre d’un lignage. Mais le fait qu’il est de tel ou tel lignage ne
lui fait pas oublier qu’il s’insère dans une unité plus vaste- Ndog/Log- qu’il se
saisit comme partie d’une totalité Basa. En définitive, il est une série de clauses
d’ouvertures et de fermetures. Nyambe ayant créé l’univers par le biais de sa
forme Hilolomb, les Basa n’ont pas manqué d’élaborer une cosmogonie qui
explique l’origine et le pourquoi de chaque chose. Dieu (Nyambe) créa en
dehors de ses formes une multiplicités de déités se distribuant en quelques
groupes de décades, qui règle les phénomènes du temps et de l’espace ; ces
déités prennent le visage tantôt du groupe lunaire tantôt du groupe solaire :la
pléiade faite de principes régénérateurs huit ogdoade ou huit proto-dieux où
l’on retrouve les grands phénomènes de la nature tels que la lumière,les

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ténèbres, la poussière, l’espace, l’océan céleste (ou ensemble de nuages) formant
un couple avec l’océan primordial (ou ensemble des choses de l’univers).

La plus importante de ces familles est l ennéade divine, celle qui


symbolise Nyambe dans sa forme Djob. Les expressions telles que Djob a ye i
ngii (Dieu est au ciel), Djob li mbugi (le soleil a décliné) rendent bien la nature
de cette famille divine formée de neuf divinités intermédiaires participant
directement à l’existence de la communauté humaine : il s’agit des astres et des
planètes. Les Basa considèrent que chaque divinité de cette ennéade porte une
planète donnée comme son corps. Par exemple la divinité -terre a pour corps la
planète- terre (Hisi). La femme Basa cultivant son champ prélève une partie de
la divinité - terre qu’elle travaille et profane pour se nourrir. Mais ayant trouvé
sa subsistance de cette terre nourricière, elle croit obligée de restituer à la
divinité ce qu’elle lui a pris, en recouvrant à toutes sortes de rites, qui sont des
rites de sacralisation. Par ce biais, elle verra une étincelle (njanjad) se détacher
de la divinité et se répandre sur sa communauté pour faire communier cette
société d’agriculteurs par excellence. On pourrait établir le même type de
rapport entre différentes collectivités du monde Basa et les autres divinités de
l’ennéade qui compte :

1-Le Mbog, terre divinisée


2-le Hisi, déesse sol-poussière symbolisant la biosphère ou terre
noire féconde dont la mère est l’atmosphère
3-Le Ngog, lithosphère
4-Le Libob, ciel
5-Le Djob ou Hyangaa, soleil
6-Le Son ou ngond, lune
7-Le Um, assimilé à l’arc-en-ciel de par sa nature aquatique
8-Le Ngee, dieu puissance et autorité
9-Le Kwa dieu du mal symbolisé par la puissance destructrice
Du feu

A l’ennéade divine s’ajoute la dixième qui est à la fois fils des divinités et
fils de Dieu. Mais c’est avant tout un homme qui, par ses actes gratuits a pu
enrayer l’anthropie dans la société, usant des actes de Promethée mal enchaîné,
rencontrant des suffrages des collectivités, se rendant subitement compte que
quelque chose s’était dégradée et qu’il fallait le changer. Il est hissé au rang de
héros civilisateur et, de là, il gravit les autres paliers supérieurs : ceux de
l’homme Dieu et de fils de Dieu. Les Basa ne conçoivent pas cette dixième
divinité, qui hérite de l’ennéade et se pose en intermédiaire entre elle et les
hommes, comme née du saint esprit. Il la saisit au contraire dans son humaine

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condition, la canonise à cause des exploits, la sanctifie puis la déifie. Il admet
cependant que cet homme devenu Dieu est au dessus de lui et sert de régulateur
du monde. Mort, il est remplacé par un autre qui sera toujours la même divinité
aux multiples visages. Ainsi porte elle le nom de Lolo-le dieu devenu
souterrain- dont le lieu de culte principal se trouve être Song-Lolo, à l’endroit
même où Pemnjee réunissait ses neuf disciples, Les Nkambog.

Il porte aussi le nom de Nyobe-Hiobi, le dieu- poisson des cours d’eau


autour desquels se bâtissent généralement les villages, c'est-à-dire la civilisation.
Il est enfin Itouk Yamben (la canne de la loi). En cela il est le régulateur du
monde et la lumière du monde qui a sa place auprès de Hilolomb. Il est donc la
Justice-Vérité que recherche le Basa avec opiniâtreté au point de paraître
vindicatif. On comprend dès lors combien le Basa a été utile dans le Vieux-
Cameroun, étant le législateur et le plus grand gardien de l’ordre.

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