Cours AQUACULTURE M1 2016 2017 Impression PDF
Cours AQUACULTURE M1 2016 2017 Impression PDF
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Bibliographie
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CPCA, CEA - UE - FAO, Rome, 39p.
Progression du cours
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Evaluation
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1. Introduction
Située sur la bordure septentrionale du golfe de Guinée, la Côte d’Ivoire s’étend du 2è au
8è méridien Ouest, entre le Liberia, la Guinée à l’Ouest et le Ghana à l’Est, puis se place entre les
latitudes moyennes de 4° à 10° Nord, frontalière avec le Mali et le Burkina-Faso. Elle est donc
située en plein domaine subéquatorial.
Sa configuration géographique présente un paysage plat, relevé dans les zones centrales (710 m)
et septentrionales (1 302 m). Dans la partie méridionale, les reliefs légers n’excèdent jamais 600
m. Elle est occupée, en gros, par des régions de savanes à l’intérieur du pays, ainsi que des zones
forestières dans le Sud, le long du littoral et sur les contreforts arrosés des régions occidentales.
Dans le sud du pays, le littoral présente des formations lagunaires bordées de sable et des côtes
rocheuses.
La place de la Côte d’Ivoire dans la zone intertropicale humide la fait bénéficier de plusieurs
atouts sur le plan hydrographique. Ainsi, est-elle drainée du nord au sud par quatre grands
fleuves et profite également d’une façade maritime de 520 km et de nombreuses lagunes qui
forment le système lagunaire ivoirien comme l’indique la figure 2. Cet état de fait favorise la
pratique de la pêche et de l’aquaculture.
Figure 1 : Le réseau hydrographique de la Côte d’Ivoire
4
Qu’est-ce que l’aquaculture ?
Selon l’école nationale d’ingénieurs des travaux agricoles de Bordeaux (ENITA, 1998),
l’aquaculture est l’art de cultiver les eaux tout comme l’agriculture est l’art de cultiver les
champs. C’est aussi la production d'organismes aquatiques en eau douce, saumâtre ou marine et
dans des conditions contrôlées ou semi-contrôlées par l'homme, qu'il s'agisse d'animaux
(poissons, crustacés, mollusques, etc.) ou de végétaux (algues). À la différence de la pêche,
l'aquaculture implique non seulement une intervention de l'homme dans le processus de
production (alevinage, alimentation, protection contre les prédateurs, etc.), mais aussi la
propriété du stock exploité, tout au long du cycle d'élevage, par une personne juridiquement
identifiée. Cette dernière caractéristique, adoptée dans la définition de la FAO, exclut du champ
de l'aquaculture les techniques d'aménagement des milieux aquatiques pour une exploitation par
la pêche (repeuplements, récifs artificiels...). Le site d’information aquacole aquaportail.com
(2009) la définie comme l’ensemble des techniques ayant pour objet la mise en valeur et
l'exploitation des richesses naturelles d'origine animale ou végétale des eaux, du milieu
aquatique. C'est donc l'habileté de multiplier et d'élever les animaux (pisciculture pour les
poissons) et les plantes aquatiques. Culture des plantes terrestres sur un sol stérile arrosé d'une
solution de sels minéraux.
La FAO (2000) retient que « l’aquaculture c’est l’élevage d’organismes aquatiques, y compris
les poissons, les mollusques, crustacés et les plantes aquatiques. L’élevage implique une
quelconque forme d’intervention dans le processus d’augmentation de la production, telle que la
prise en charge régulière, l’alimentation et la protection contre les prédateurs. L’élevage
implique également la propriété individuelle ou juridique du stock. Du point de vue des
statistiques, les organismes aquatiques récoltés par un individu ou une personne juridique, les
ayant eus en propriété tout au long de leur période d’élevage sont donc des produits de
l’aquaculture. En revanche, les organismes aquatiques exploitables publiquement en tant que
ressource de propriété commune, avec ou sans licences appropriées, sont à considérer comme
des produits de pêche ». Dans le monde, elle fournit 60 % des poissons d'eau douce, 40% des
mollusques, 30 % des crevettes et 5 % des poissons d'eau de mer. Celui qui pratique cette forme
de culture se nomme l'aquaculteur.
Sa spécificité par rapport à la pêche se trouve au niveau technique et juridique.
Techniquement, il s’agit d’une :
- mise en charge régulière (conduite du stock)
- alimentation plus ou moins contrôlée,
- protection contre les prédateurs.
Au niveau juridique, on a :
- un droit à la propriété du stock en élevage,
- une allocation personnelle du foncier d'élevage (concession temporaire ou propriété privée).
Sur l’ensemble des produits aquatiques alimentant le commerce mondial, les poissons occupent
une place prépondérante, mais d’autres espèces comme les algues ou les coquillages sont tout
aussi importantes.
Dans le contexte ivoirien, comme dans la plupart des pays africains sans tradition aquacole
véritable, le terme aquaculture peut être assimilé à la pisciculture. Car cette activité est centrée
sur l’élevage du poisson.
De ce qui précède, une série de question peut être envisagée :
5
Quel est la situation de l’aquaculture en Côte d’Ivoire ? Comment se pratique et quelles
sont les formes d’aquaculture ivoiriennes ?
Il est important de rappeler que l'aquaculture n'existe pas dans la tradition du continent africain.
Selon le CTFT (1990), l’idée d’introduire et de développer la pisciculture en Afrique s’est imposée vers
les années 1940, notamment au Zaïre (actuel RDC), du fait des difficultés d’approvisionnement en vivres
liées à la seconde guerre mondiale. Les premiers essais effectués avec des tilapias sur la station de la
Kipopo de l’INEAC (Institut National pour l’Etude Agronomique du Congo Belge), ayant été jugés
positifs et les résultats prometteurs, des actions de vulgarisation furent énergiquement menées par les
administrations coloniales durant la période 1950-1960.
D’autres auteurs pensent que la tentative de son introduction, vers le milieu de l'époque coloniale (vers
1940 à 1950) s'inscrivait dans le cadre de recherches pour diversifier les sources de protéines animales
destinées à l'autosuffisance alimentaire de la population rurale. Elle est liée à la découverte des
performances aquacoles du groupe "Tilapia". De nombreux centres de recherche et de formation ont été
créés (Satia, 1988). Des programmes de développement visant à promouvoir la pisciculture en milieu
rural ont été élaborés. L'époque est aussi marquée par les mouvements de diffusion et de transfert de ce
"poisson miracle" vers d'autres continents. L'élevage du "Tilapia" a connu très vite un progrès
spectaculaire à travers le monde et la recherche a fortement contribué à ce développement.
Aujourd’hui encore, après plus de 40 ans de tentatives, le bilan du développement sur l'ensemble du
continent est peu satisfaisant : la pisciculture des "Tilapia" reste bien marginale (Anonyme, 1976). II
s'agit de la pisciculture en étang d'eau douce, donc en milieu fermé. Le mode d'élevage est de type semi-
intensif avec l'alimentation pour poisson comme intrant principal de la production.
Contrairement à la logique paysanne africaine, la nécessité de nourrir les poissons reste toujours mal
perçue et inadaptée dans un contexte rural où l'agriculture et l'élevage se pratiquent, pour la plupart,
encore de manière extensive (agriculture sans apport de fertilisant, élevage en liberté, etc). De cette
inadaptation résultent des nombreux cas d'abandons notés en 1966 (Lazard, 1990 ; Hem et al., 1994).
La pisciculture à ses débuts en Afrique n’a concerné uniquement que la partie continentale au détriment
des nombreux cours d’eau. Cela est illustré par le tableau 8.
Tableau 1: Evolution du nombre d’étangs dans quelques pays d’Afrique subsaharienne
Pays Nombre d’étangs Nombre d’étangs
construits avant 1960 en état en 1966
Burundi 352 0
Cameroun 9000 5000
RCA 20000 5000
Congo 12796 3000
Côte d’Ivoire 340 < 50
Gabon Plusieurs milliers 1500
Kenya 12200 610
Madagascar 85000 Quelques milliers
Zaïre 122067 4058
Source : FAO, 1977
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Dès les premiers moments de l’aquaculture, le Zaïre (actuel Congo) était en première position en 1960,
avant de baisser en 1977 (4058 tonnes). La Côte d’Ivoire ne produisait seulement que 340 tonnes jusqu’à
baisser à 50 tonnes en 1977 (tableau 8). La remarque générale est qu’en Afrique la tendance à la
production était à la baisse. Cela s’explique principalement parle fait que nombre de pays africains ayant
obtenu leur indépendance n’ont plus eu pour priorité cette activité nouvelle et non ou mal maitrisée. Selon
des études menées sur la supervision du GTZ (2004) en Afrique, la pisciculture connut un début
spectaculaire, mais très vite, après les indépendances, de profonds bouleversements conduisent cette
activité à une forte régression. Celle-ci s’explique également par le manque de personnel d’encadrement
et la méconnaissance des espèces utilisées. Au cours de ces dernières années, grâce à des résultats
encourageants des recherches effectuées en Afrique sur certaines espèces comme les Tilapia (Carpe),
Chrysichtys (Poisson Ministre) et Clarias (Poisson chat), certains gouvernements prennent conscience de
l’intérêt de la pisciculture. Le premier objectif de la pisciculture étant d’améliorer le régime alimentaire et
les conditions de vie des populations rurales. On l’envisage aujourd’hui plus comme une activité
commerciale entreprise à l’échelle artisanale ou semi industrielle.
Rappelons quelques dates marquantes de la pisciculture en Afrique :
1946 : Création de la station de pisciculture de Kokondekro (Bouaké) en Côte d’Ivoire ;
1948 : Création de la station de recherche piscicole de la Kipopo au Congo Belge ;
Juin 1949 : Première conférence piscicole Anglo-Belge à Elisabethville ;
Octobre 1951 février 1952 : Première mission d’information piscicole de J.L. LEMASSON en
AOF ;
Octobre 1952 : Premier symposium sur l’hydrologie et la pêche en eau douce en Afrique, à
Entébé ;
Juillet 1956 : second symposium sur l’hydrologie et la pêche en eau douce en Afrique, à
Brazaville.
Comment se présente l’aquaculture en Côte d’Ivoire ?
Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, la pisciculture en Côte d’Ivoire commença en 1946 avec
la création de la station piscicole de Kokondekro. Cependant, l’élevage du tilapia a été véritablement
introduit à partir de 1955. Les premiers résultats obtenus n'ont pas été à la hauteur des espérances placées
dans cette activité. Après une période de mise au point technique et de démonstration concluante en
station de recherche, différents projets de développement ont été mis en œuvre. Ces projets ont permis de
la promouvoir auprès du monde rural, mais son développement et sa crédibilité restent très limités.
On note cependant que différentes souches ont été importées en Côte d'Ivoire.
En 1966, les souches en expérimentation étaient Oreochromis inacrochir (Zaïre), Oreochromis niloticus
(Burkina-Faso) et Oreochromis mossairzbicus (Mozambique). En 1967, Oreochromis hornoruin a été
introduite de Malaisie, et en 1968, deux nouvelles souches de Oreochromis doticus ont été importées du
Burkina et du Nil. oreochromis aureus et une nouvelle souche de Oreochromis mossambicus ont été
introduites en 1981 respectivement d'Israël et du Mozambique. Enfin en 1988, une nouvelle souche de
Oreochromis aiireus a été importée du lac Manzalla (Egypte).
En outre, le niveau de l’aquaculture en Côte d’Ivoire est relativement supérieur à celui observé dans tous
les autres pays de l’Afrique occidentale et centrale, quand bien même l’introduction de ces techniques s’y
est faite pratiquement en même temps.
Les premières expériences ont été réalisées en station de recherche, notamment par le CTFT.
Dès 1957, plusieurs initiatives se sont développées dans le courant des années 1970 et jusqu’à
aujourd’hui.
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II. Développement de l’aquaculture en Côte d’Ivoire
Des initiatives développement de l’aquaculture se sont amorcées dans plusieurs directions pour une
exploitation plus diversifiée et plus complète des ressources aquacoles.
Pour les activités de développement, on citera :
- les cages sur le lac de kossou (PNUD-FAO /ivc/71/156,1971)
- les cages privées sur les plans d’eau douce (pnud-fao-ivc/73/001,1973)
- les formes commerciales de plus de 5 à 10 ha, comme natio-kobadara en 1977 (CTFT sur
financement FED et prêt BNDA) en 1982,
- le développement dans la pisciculture rurale par les projets IVC 77-/003, 84/001 et 87/001 ;
- le développement de l’aquaculture lagunaire depuis 1978 par l’élevage en enclos avec apport de
nourriture ou avec acadjas, en cage par le CRO et le projet agriculture lagunaire sur fonds (CCCE) ;
- le programme pisciculteurs témoins pour la promotion de la pisciculture artisanale sur financement
CRDI au sein de projet IVC /87/001 ;
- le programme PAPUCD à Daloa, avec la promotion par le crédit de l’entreprise piscicole artisanale
exécuté par l’AFVP depuis 1986 ;
- le programme pilote "crédit piscicole" du projet IVC/87/001 pour la promotion du crédit.
Pour les activités de recherche :
- L’adaptation de certaines espèces locales à des milieux spécifiques (IDESSA-Bouaké) ;
- La recherche de nouvelles espèces piscicultuvables (IDESSA-Bouaké et CRO-Abidjan)
- La reproduction d’espèces particulières (IDESSA, CRO, IVC/87/001, projet Aquaculture lagunaire).
L’aquaculture en Côte d’Ivoire a connu un début très intéressant qu’il est important de relater.
II.2. Environnement socio-économique de l’aquaculture
De nombreux pays africains (Zaïre, Ghana, Bénin, Niger, Nigeria etc.) ont tenté de développer
l’aquaculture continentale (Lazard et al., 1988 ; Lazard et al., 1990). En Côte d’Ivoire, 1500 à 2000
étangs ont été construits depuis 1978.
Quelques tentatives pour développer la pisciculture intensive du tilapia (Oreochromis niloticus) ou du
mâchoiron (Chrysichthys nigrodigitatus) ont été initiées en vue de réduire ce déficit. Mais, elles ont
toutes échoué, victimes du fonctionnement étatique de la filière ou des coûts de production sous-évalués.
En 1996, il n’existait que deux petites unités viables à Brobo et à Korhogo, et une en cours d’installation
à Adzopé. Au contraire, une aquaculture artisanale semi-intensive a eu des résultats très positifs, en
particulier en périphérie de certaines villes (Oswald, 1996). Ainsi, autour des villes de Daloa, Gagnoa et
Sinfra, elle est désormais bien implantée et connaît une expansion rapide. Dans ces zones, les
pisciculteurs ont aisément accès à différents sous-produits de l’agriculture qu’ils utilisent comme
aliments et/ou fertilisants, et les marchés urbains leur permettent d’écouler aisément leur production à un
prix rémunérateur. Les fermes sont généralement situées sur les coteaux des bas-fonds rizicoles de la
ville. La technique de production est basée sur le grossissement du tilapia (Oreochromis niloticus)
monosexe mâle en présence d’un prédateur efficace, le cichlidé Hemichromis fasciatus est en association
avec d’autres espèces d’intérêt économique telles que Heterotis niloticus ou le claridé Heterobranchus
isopterus. Le principal intrant employé est le son de riz disponible en permanence et abondant du fait de
la présence dans ces villes d’usines de décorticage. La principale limitation technique pour cette forme
d’aquaculture porte sur les quantités de fertilisants et les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la
croissance du poisson, sans risquer une détérioration de la qualité du milieu d’élevage (désoxygénation,
accumulation d’azote ammoniacal etc.).
Toutefois, cette dynamique de développement n’a pas encore atteint les régions rurales éloignées des
8
villes. Dans ces zones, c’est la culture du cacao qui domine. Pour des raisons historiques liées à la
colonisation, cette production a débuté dans l’Est du pays vers 1920, mais elle n’est devenue importante
dans le Centre-Ouest qu’après 1960 (Léonard et Oswald, sous presse). Son extension a pourtant été
rapide, puisqu’en moins de 15 ans, la quasi-totalité de la forêt a été brûlée et mise en culture par les
fronts pionniers. Les politiques gouvernementales ont favorisé cette dynamique en créant des conditions
juridiques et techniques favorables au développement rapide des plantations : garantie d’un accès libre
aux terres forestières (illustrée par le slogan “La terre appartient à ceux qui la cultivent”), abondance de
la main d’œuvre en provenance du centre de la Côte d’Ivoire (ethnie Baoulé) ou des pays sahélo-
soudaniens voisins (Burkina Faso, Mali) suite à des politiques d’immigration non restrictives. Afin
d’obtenir cette main d’œuvre nécessaire au développement de leurs propres plantations, les autochtones
(ethnie Bété) ont dû promettre aux migrants un accès aux réserves forestières non encore exploitées.
Cette équivalence terre/travail a nourri une véritable course à travers la forêt et a favorisé le
développement excessivement rapide des fronts pionniers. Par ailleurs, le front pionnier représente un
optimum géographique du point de vue des facteurs de production. La terre fraîchement mise en culture
évite l’emploi de fertilisants, le développement des adventices est limité, la disponibilité en eau est
supérieure etc. Le petit planteur qui ne possède pas les ressources financières nécessaires à la mise en
œuvre autonome de ces facteurs de production a donc tout intérêt à suivre la progression du front
pionnier. Mais celle-ci conduit inévitablement à une colonisation de plus en plus rapide des terres
vierges, et finalement à l’épuisement des dernières réserves forestières. Aujourd’hui, la forêt a été
presque entièrement exploitée ; ce qui crée des conditions structurelles propices à l’apparition d’une
crise du milieu rural. Du fait de l’augmentation des coûts liés aux facteurs de production dans un
environnement moins favorable, le prix de la main d’œuvre a augmenté, et le bénéfice agricole a
fortement chuté.
Dans ce contexte, l’importance sociale d’une aquaculture rurale est grande, puisqu’elle permet de
diminuer les risques rencontrés par le fermier en diversifiant sa production. Elle peut aussi contribuer à
atténuer les effets de la crise (production de poissons pour la consommation des ouvriers agricoles, voire
autoconsommation d’une partie de la récolte). Dans tous les cas, elle apporte un revenu complémentaire
non négligeable, tout en valorisant très bien le travail qui lui est consacré. Ainsi, de très nombreux
paysans débutent spontanément cette activité, mais ils échouent dans la plupart des cas, faute
d’encadrement compétent. Ils utilisent souvent des poissons sauvages à faible croissance, comme Tilapia
zillii et la pêche nécessite l’utilisation de filets coûteux car dans la plupart des cas, les étangs ne peuvent
pas être vidangés entièrement. Certains pisciculteurs ont cependant réussi à développer des techniques
performantes et à les insérer harmonieusement dans leur système de production. Mais leur exemple peut
rarement être réédité dans d’autres fermes dont les conditions sont différentes. Ainsi, la situation du
paysan varie en fonction de :
• La main d’œuvre disponible. Son abondance est fréquemment liée à la situation familiale (célibataire
ou marié avec enfants) et sociale (participation à des groupes de travail) ;
• La disponibilité et la nature du foncier ainsi que sa distance du village. Lorsque les étangs sont trop
éloignés, certaines techniques comme les élevages associés sont inapplicables car elles nécessitent
trop de soins ;
• La capacité financière du pisciculteur au moment de l’investissement initial et en cours de production
(achat des intrants). L’intensification nécessite un fond de roulement, dont le maintien est souvent
problématique ;
• La distance des sources d’approvisionnement en sous-produits susceptibles d’être utilisés comme
intrants ;
• La demande locale de poissons (quantités, tailles, espèces car les coutumes dans certaines zones
interdisent la consommation des siluridés).
Des typologies ont été réalisées dans certaines zones dynamiques d’un point de vue piscicole et une
9
dizaine de catégories de planteurs a été identifiée (Dhiver, 1994). Ce sont les propriétaires de grandes
plantations de café, cacao ou vivrier (> 30 ha) qui disposent d’une main d’œuvre abondante et les jeunes
fermiers célibataires, de retour des villes vers lesquelles ils ont émigré puis échoué. Ces derniers ne
possèdent ni capital ni main d’œuvre et cultivent des terres peu étendues (< 5 ha). Les modèles de
pisciculture susceptibles d’intéresser les premiers sont plutôt des barrages qu’ils font construire pendant
les périodes où les travaux agricoles sont moins abondants et qui produisent du poisson à un coût
marginal, alors que des étangs de surface limitée sont mieux adaptés à la situation des seconds. La
pisciculture n’est l’activité principale dans aucun cas.
Malgré cette disparité de situations, certaines caractéristiques (principalement techniques) semblent
assez répandues. Elles proviennent de l’isolement de ces régions qui rend problématique
l’approvisionnement en aliments et fertilisants. Sauf exception, les modèles de production aquacole des
zones rurales sont des systèmes extensifs, à faibles niveaux d’intrants et les techniques mises en œuvre
doivent valoriser au maximum ces faibles apports. La récolte dépend fortement de la productivité
naturelle des étangs et celle-ci n’est pas encore bien comprise. En l’absence de critères fiables, les
composantes du rendement piscicole restent obscures pour les observateurs de terrain. Les approches
globales ne permettent pas d’interpréter l’efficacité des traitements. Une approche beaucoup plus fine de
ces milieux a été entreprise pour faire connaître leurs principales caractéristiques physico-chimiques et le
fonctionnement de leur réseau trophique afin de proposer des types de gestion qui permettent
d’augmenter leur production piscicole.
10
développement piscicoles (BAD-Ouest). Les pisciculteurs bénéficient d’encadrement et d’une station
d’alevinage ainsi que d’usines de production d’aliments.
Figure 2: Géographie des exploitations
aquacoles en Côte d’Ivoire
La lutte contre les pathologies des fermes aquacoles est également prise en compte.
Toutefois, c’est véritablement au début des années 1990 que naissent les structures de production
aquacole à grande échelle. De nouvelles méthodes et techniques de production apparaissent dans
une activité aquacole érigée en agro-industrie. La crévetticulture prend forme à Grand-Lahou
(Projet Blohorn-Aquaculture) après deux tentatives infructueuses (Projet Aquaculture des
Crustacés et Projet CUMARIN) à Assinie-Mafia dans le sud-est ivoirien.
L’élevage de la carpe et du machoiron a également été porté au stade industriel par les projets
Nouvelle Compagnie Africaine de Reproduction de Poisson (N-CARP devenu SAPPE) en
lagune Aghien dans la région de Bingerville, la Société Agro-Piscicole de la Mé (SAP la Mé) à
Yakassé-Attobrou dans le département d’Adzopé, les sociétés CARPIVOIRE à Jacqueville et la
Compagnie Ivoirienne de Production Piscicole (CIPP) à Ahoutoué non loin de la ville de Grand-
Alépé.
Ainsi, sur le plan des techniques d’exploitation, le secteur aquacole ivoirien connaît la
coexistence de deux modes d’exploitation : d’un côté le système traditionnel et paysan
nécessitant un investissement limité en milieu rural et de l’autre l’aquaculture moderne et
intensive avec des investissements lourds sur le littoral.
Toutefois, au vu des résultats atteints à ce jour, il apparaît que le développement de l’aquaculture
en Côte d’Ivoire a encore besoin de support extérieur, tant au point de vue technique que
financier pendant une décennie environ, pour que les modèles issus de la recherche et des
premiers projets d’application soient techniquement et économiquement fiabilisés.
11
CHAPITRE 2 : ETUDE DE LA PISCICULTURE EN COTE D’IVOIRE
(étude de document)
12
CHAPITRE 3 : DIFFICULTES ET PERSPECTIVES DE L’AQUACULTURE EN COTE
D’IVOIRE
I. Les contraintes liées à l’exercice de l’aquaculture
Les entraves à la pratique de l’aquaculture sont multiples. A tous les niveaux du processus de
production, les aquaculteurs rencontrent des obstacles. Ces contraintes sont d’autant plus grandes
lorsqu’il s’agit de l’aquaculture lagunaire, parce qu’il emploie des méthodes et techniques plus élaborées
qu’en étang.
Sur la majeure partie des marchés, le prix du poisson de pêche est nettement abordable par
rapport à celui de l’aquaculture. Cela, est dû principalement au coût élevé à l’investissement et
au temps du travail mis pour produire un poisson. De même l’afflux massif du poisson étranger
met à rude épreuve les efforts de la pisciculture.
- Contraintes techniques
L'aquaculture lagunaire et continentale représente moins de 1% de la production halieutique
nationale. Les techniques d'élevage sont passablement maîtrisées d'une façon générale.
Malgré ces performances, certains problèmes restent encore à résoudre. Il s'agit de:
- Facteurs humains
Deux principaux problèmes sont identifiés à ce niveau :
à une difficulté de collaborer avec les différents intervenants du secteur conduisant à une
mauvaise diffusion de l'information ;
13
au manque de moyens pour assurer correctement la cohérence globale du système.
14
III.1. Les insectes nuisibles
1
http://www.gfa-bassila.com/telecharger.htm.
15
V.1. Les fondements des perspectives et stratégies
Pour atteindre ces objectifs, la stratégie à mettre en œuvre devra permettre de lever les contraintes
majeures du secteur. Ces contraintes identifiées au cours des études précédentes se résument comme suit :
• un plan directeur de développement du secteur insuffisamment défini ;
• un cadre juridique et réglementaire incomplet et inadapté ;
• l'absence d'un cadre de coordination des actions du secteur : plusieurs structures étatiques interviennent
dans la gestion des activités de pêche dans un contexte caractérisé par une absence de cahier de charge
définissant le rôle de chaque intervenant ;
• l'absence de mécanisme de financement permanent du secteur ;
• l'insuffisance de moyens pour la surveillance : les moyens matériels tels que les surveillances sont
vétustes, les ressources humaines sont insuffisantes tandis que les zones aquatiques sont polluées ;
• dispositif de collecte des statistiques de pêches et d'aquaculture pas fiable ;
La DPH a défini un programme d'actions pour atteindre des objectifs et pallier les insuffisances
susmentionnées. Ce programme s'articule autour des axes suivants :
Conclusion
En Côte d’Ivoire, l’aquaculture, notamment la pisciculture, occupe une place indéniable dans la
lutte contre la faim et l’insécurité alimentaire, même s’il existe encore des insuffisances au
regard de la demande actuelle.
Pour le pays, le développement de l’aquaculture apparaît comme une nécessité.
Le poisson couvre environ 50% de la consommation de protéines animales et les besoins sont
importants. Ces sont également en augmentation compte tenu de la croissance démographique
élevée. Le développement de l’aquaculture contribuera d’une certaine façon à la réduction des
importations, et participera à l’amélioration de la nutrition du point de vue de la ration en
protéines animales même dans les zones éloignées du circuit traditionnel de l’approvisionnement
en poissons.
Après l’indépendance du pays, l’aquaculture n’a pas connu le rayonnement escompté. La crise
militaro-politique de l’année 2002 a davantage fragilisée l’activité.
Les activités de recherche et les résultats obtenus, ainsi que la collaboration étroite établie depuis
quelques années entre les institutions de recherche et les services de vulgarisation seront un
aspect positif pour l’évolution des systèmes d’élevage, la sélection, la diversification et
l’amélioration des performances biologiques des espèces.
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Des difficultés existent dans le domaine de la pisciculture, cependant des efforts permettront de
les éliminer ou de les atténuer. A mesure que les aquaculteurs, grands et petits, modernes et
artisanaux, et les pouvoirs publics collaboreront bien plus étroitement pour éliminer les
contraintes liées au manque de connaissances (celles qui peuvent être éliminées le plus
facilement et celles dont l’élimination est la plus rentable), l’industrie de l’aquaculture
commencera à dépendre des stocks sauvages. A l’heure actuelle, ces besoins, stocks de géniteurs,
œufs et aliments, ralentissent le développement. Une fois cette dépendance réduite, l’industrie
continuera de bénéficier de progrès semblables à ceux qui caractérisent depuis longtemps le
secteur de l’élevage, en particulier l’élevage de sélection. Cette activité mal connue en Côte
d’Ivoire a des retombées dans sa pratique, tant sur la vie de ceux qui la pratiquent que sur
l’environnement immédiat.
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