Les Déterminants de L'orientation Yield Management

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LES DÉTERMINANTS DE L'ORIENTATION YIELD MANAGEMENT

Une approche exploratoire

Imen Zrelli

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2010/8 n° 207 | pages 63 à 82


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746231665
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-8-page-63.htm
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MANAGEMENT
IMEN ZRELLI
Institut Supérieur de Gestion de Tunis, Tunisie

Les déterminants
de l’orientation
Yield Management
Une approche exploratoire
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Cet article fait le point sur l’état d’avancement des travaux
traitant le Yield Management (YM). En essayant de répondre
à la problématique de l’orientation YM, une revue approfondie
de la littérature ainsi qu’une étude exploratoire permettent
d’interroger sa visée : est-il un moyen de rentabilité de
l’entreprise de service ou englobe-t-il une orientation
relationnelle qui justifierait qu’il soit lié à une approche
orientée client ?

DOI:10.3166/RFG.207.63-82 © 2010 Lavoisier, Paris


64 Revue française de gestion – N° 207/2010

M
algré l’abondance actuelle des d’un ensemble de techniques d’optimisa-
travaux relatifs au Yield Manage- tion des flux et de management des capaci-
ment (YM), on admet l’absence tés mais d’une gestion globale de res-
d’une définition unanime et universelle du sources, dont notamment humaines,
terme. Le YM est considéré tantôt comme devenues partenaires partageant avec les
une simple technique tarifaire tantôt comme clients production et bénéfice du service
une démarche stratégique d’optimisation. (Marion et al., 2003).
Appuyé sur des techniques de prévision, Prenant la forme d’un système cohérent,
d’analyse de la clientèle et de gestion de articulé, obéissant à une vision nouvelle de
remplissage, le YM permet d’optimiser le client, l’application du YM s’oppose à l’at-
revenu global dans le temps et d’ajuster une titude réactive d’une application simple de
capacité contrainte à une demande segmen- modulation tarifaire. La nature globale de
tée. Là où il s’est trouvé appliqué, il a été à cette approche, et sa position systémique en
l’origine d’innovations. Le recours au YM a feraient un moyen proactif, étendant
même permis aux entreprises de service l’orientation client actuellement recom-
d’être compétitives. Celles qui l’ont appliqué mandée dans le secteur des services et
ont répondu non pas à un bloc de demandes ouvrant des perspectives larges à des rela-
d’une offre standardisée mais à une grande tions de coproduction des prestations et à
variété de clients ayant des caractères dis- un partenariat effectif. Le YM devient ainsi
tinctifs. Une échelle de services tarifés adap- une stratégie d’orientation des évolutions
tée aux contraintes de chaque segment de du marché d’une entreprise de service,
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clientèle a même été proposée (Capiez, d’amélioration de sa position concurren-
2003) avec fixation des barrières entre les tielle mais aussi un levier pour la mise en
différentes classes tarifaires, mise en place place d’une approche relationnelle favori-
de restrictions de certains services et distinc- sant le maintien des clients.
tion de catégories de tarifs (Kimes, 1994). L’objectif de ce papier est de montrer la
Le YM a même été utilisé pour mettre en nécessité pour le YM d’aller au-delà de ses
valeur le privilège lié à l’offre, les services aspects fonctionnels d’outil de rentabilisa-
supplémentaires proposés et les tarifs avan- tion de l’offre. Nous proposons un modèle
tageux accordés. Le YM a été pertinent conceptuel faisant du relationnel une assise
pour éclairer les modalités d’utilisation de à un YM plus que nécessaire dans un
la capacité, assurer une exploitation conti- contexte de volatilité de la demande et de
nue des actifs et rendre constant et régulier concurrence exacerbée.
l’activité. Il a maintes fois constitué une
solution pour l’entreprise de service qui I – REVUE DE LA LITTÉRATURE
passe par des circonstances de fluctuation
de la demande notamment de creux et de 1. Présentation générale du YM
pointes difficiles à gérer. L’examen de la littérature illustre la coexis-
Certaines entreprises croient à tort faire du tence d’un large éventail de traductions et
YM par la simple adoption du logiciel ou de définitions qui apparaissent parfois
par la création d’une entité interne. Il ne contradictoires et confuses. Le tableau 1 en
s’agit plus simplement d’une application présente une synthèse.
Les déterminants de l’orientation Yield Management 65

Tableau 1 – Traductions et les définitions du Yield Management

Traductions du YM
Traductions Références
Gestion des capacités Daudel et Vialle (1989)
Gestion du rendement Autissier (2000)
Management de la recette Capiez (2003)
Optimisation du rendement global Dubois et Frendo (1995)
Optimisation de la recette Sinsou (1999)
Mécanisme de tarification dynamique Pigneur (2001)
Tarification en temps réel Capiez (2003)
Définitions du YM
Définitions Références
Ensemble de techniques Daudel et Vialle (1989)
Technique de revenu Donaghy et al. (1995)
Technique de gestion LeGall (1998)
Pratique Autissier (2000)
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Démarche Kimes (1989) ; Zrelli (2008b)
Système de gestion Lehu (1999)
Véritable levier de gestion Desmet (1999)
Approche intégrée Lieberman (1991) ; Zrelli (2008b)
Art et manière d’acquérir la connaissance Cross (1998)
Sorte de philosophie LeGall (1998)

Trois raisons principales expliquent la du rendement, management du revenu ou


confusion liée au YM, à savoir la traduction encore management de la recette. La tra-
du terme, le statut de l’auteur et le domaine duction classique du YM reste la gestion du
de son application. L’origine anglo-saxonne rendement (Autissier, 2000). L’observation
du YM paraît néanmoins la principale des différentes traductions du YM permet
source des problèmes actuels de définitions de retrouver une classification de trois
(Zrelli, 2008b). La littérature présente une visions à savoir celle de management, d’op-
panoplie de termes désignant tous le YM. timisation et de continuité (voir la figure 1).
Le Yield est le revenu, le rendement ou la Le YM connaît également une multitude de
recette (Capiez, 2003). La traduction du définitions très différentes. Selon la vision
YM en français devient ainsi management de l’auteur, il est possible de les regrouper
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Figure 1 – Visions de traductions du Yield Management

Figure 2 – Visions de définitions du Yield Management


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en deux catégories à savoir opérationnelle l’orientation qu’il peut avoir du terme. L’ap-
et stratégique. Faisant partie des opération- proche opérationnelle assimile le YM à un
nels, Daudel et Vialle (1989) qualifient le ensemble de techniques permettant de gérer
YM comme un ensemble de techniques. le revenu. L’approche stratégique ou glo-
Pour Autissier (2000), le YM est une « pra- bale ouvre des horizons nouveaux à la
tique ». Le YM est tout à la fois une conception du YM (voir la figure 2).
méthode et une technique de gestion Ce travail considère le YM comme véritable
(LeGall, 1998). Le YM intègre aussi une levier stratégique de gestion qui certes uti-
dimension stratégique de nature globale. Il lise des outils de management de la capa-
s’agit d’une démarche d’allocation de la cité, la clientèle, le temps et la tarification.
capacité (Kimes, 1989). Lieberman (1991) Le recours au YM se traduit par la valorisa-
avance que le YM n’est pas une technique, tion de deux éléments essentiels qui sont le
mais une approche intégrée. L’examen des temps lié à la vente du service et les carac-
différentes représentations conceptuelles du téristiques du processus d’achat. C’est une
YM permet de conclure que l’approche sui- logique d’ajustement continu des services,
vie par le chercheur influence énormément des tarifs et du temps à la demande.
Les déterminants de l’orientation Yield Management 67

2. Objectifs attendus du YM à vendre les prestations à temps et à un prix


La littérature a permis de distinguer un compétitif. L’application du YM permet de
ensemble d’objectifs attendus du YM, le vendre la capacité disponible au meilleur
tableau 2 en présente une synthèse. prix sans influencer négativement l’appré-
Il est possible de regrouper les objectifs ciation globale de la prestation par les seg-
attendus du YM en quatre catégories ; à ments de clientèles. Une telle application
savoir la gestion des DSRTT (disponibili- permet d’optimiser la vente mais aussi
tés, segments, risques, temps, tarification), d’offrir un service qui aurait été perdu s’il
l’ajustement de l’offre à la demande, la n’y avait pas eu un effort promotionnel
recherche de rentabilité et la prise de déci- (Desiraju et Shugan, 1999 ; Murphy, 2003).
sions dynamiques (voir la figure 3). Le YM est aussi une recherche du niveau
Puisque les charges fixes sont énormes, optimal du profit à travers l’ajustement des
l’offre est périssable et la capacité est limi- différentes catégories des unités offertes à
tée, les entreprises de service auront du mal une variété de comportements prévision-

Tableau 2 – Objectifs attendus du Yield Management

Objectifs attendus du YM Auteurs


Daudel et Vialle (1989) ;
Gestion des disponibilités
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Jones et Hamilton (1992)
Gestion des segments Capiez (2003) ; Zrelli (2007)
Gestion Gestion des risques Autissier (2000) ; Capiez (2003)
des DSRTT
Gestion du temps Peters et Huyton (1997)
Kimes et Wirtz (2002) ;
Gestion de la tarification
Zrelli (2008b-2008c)
Analyse de l’opportunité du marché Daudel et Vialle (1989)
Ajustement
Allocation des tarifs par classes de chambres Autissier (2000)
de l’offre
à la demande Recherche d’adéquation entre l’offre Donaghy et al. (1995) ;
et la demande Lehu (1999)
Optimisation du prix moyen
Belobaba (1996)
Optimisation et du taux d’occupation
du rendement Accroissement du revenu
Capiez (2003)
par chambre disponible (le RevPAR)
Arbitrage Jones et Hamilton (1992)
Décisions Prévision Peters et Huyton (1997)
dynamiques Fonctionnement en temps réel Capiez (2003)
Allocation spatiotemporelle de la capacité Guérin (1997)
68 Revue française de gestion – N° 207/2010

Figure 3 – Les objectifs attendus du Yield Management

nels de la demande. Le recours au YM se l’offre à la demande par un système de tari-


traduit par la valorisation de deux éléments fication adéquat. C’est une méthode qui vise
essentiels qui sont le temps lié à la distribu- l’optimisation des revenus des entreprises
tion du service et les caractéristiques du de service à travers la vente à des prix diffé-
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processus d’achat. C’est une logique rents lorsque le niveau de la demande et de
d’ajustement des services-tarifs à la l’offre diffère. La recherche de l’optimisa-
demande (Capiez, 2003 ; Zrelli, 2009). Le tion du chiffre d’affaires se base essentielle-
consommateur ne sera pas exposé à l’en- ment sur la renonciation de vendre plus cher
semble du tarif, mais uniquement aux offres en période de faible fréquentation (Guérin,
le concernant. Le YM appliqué à l’hôtelle- 1997). Le YM se présente ainsi comme une
rie porte sur l’ensemble des décisions solution optimale de gestion de l’affluence
d’ajustement de la capacité aux différentes et de la répartition de la demande dans le
catégories de réservations sur un axe tem- temps ; lorsque le nombre fixe d’unités
porel. Cette démarche stratégique présente offertes par l’entreprise de service se trouve
en effet un ensemble de techniques visant exposé à une demande variable et aléatoire.
l’optimisation globale de l’offre d’une unité Tout au long de la montée en charge des
de production. Elle permet de créer un équi- réservations, l’application de la logique YM
libre entre les périodes de forte et de faible intervient par des actions commerciales et
activité. Ceci à travers la valorisation de la marketing lorsque la demande reste infé-
composante prix en période de forte rieure à la capacité et par un filtrage de la
demande et de tirer parti de la composante demande la plus rentable lorsque celle-ci
volume en période de faible demande excède la capacité disponible.
(Oberwetter, 2001). L’optimisation de la vente de la capacité
Le YM est un ensemble de techniques d’op- participe à l’augmentation non seulement
timisation reposant sur une adaptation de du taux d’occupation mais aussi du revenu
Les déterminants de l’orientation Yield Management 69

par chambre disponible (Revenue Per Avai- une même classe tarifaire. Le refus des unités
lable Room : RevPAR). En vue de gérer ce à tarif plein alors que les unités à tarif réduit
dernier, une infrastructure hôtelière devrait sont encore disponibles est une décision non
fixer le nombre de chambres à répartir dans optimisée (Kimes, 1994). La décision d’ac-
chaque classe tarifaire et par catégorie de ceptation ou de refus des clients tient compte
clientèle. Le RevPAR exprime la perfor- de plusieurs éléments dont notamment la
mance de la politique tarifaire en relation réservation et la prévision des go-shows,
avec le remplissage (Capiez, 2003). Cette des no-shows, des annulations, de la durée du
valeur permet de montrer la couverture des séjour et du problème des groupes. L’encadré
recettes des chambres vendues du reste de ci-après présente une expérience d’applica-
la capacité. Le raisonnement du YM n’est tion du YM, ses objectifs et les concepts asso-
pas réduit à l’appréciation du prix de vente ciés à sa mise en œuvre.
moyen ni du chiffre d’affaires réalisé, il
couvre aussi un calcul de rentabilité global 3. Problématique du YM
relatif à la totalité de la capacité. La gestion Dans une perspective YM, la performance
dynamique des réservations, la prévision et organisationnelle est centrale. Elle s’obtient
l’étude de l’historique du comportement en travaillant les compétences organisation-
des clients représentent d’autres objectifs nelles et individuelles. La recherche de ren-
attendus du YM. Le système de prévision tabilité est un souci central de profitabilité
permet de faire un diagnostic des événe- des entreprises de service. Vu les charges
ments critiques sur lesquels il faut agir en énormes d’investissements engagés par ces
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priorité (Sinsou, 1999 ; Zrelli, 2007). À par- établissements, ils doivent être en mesure
tir de l’analyse de la réservation et de la pré- de les rentabiliser. La détermination des
vision systématique des annulations, des no mesures d’efficacité pour la réalisation
shows et des go shows l’hôtelier peut déter- d’un résultat rentable peut être obtenue par
miner le niveau de surréservation approprié plusieurs méthodes.
(Capiez, 2003). Cette analyse lui permet de Appuyé sur les techniques d’analyse de la
réduire les risques relatifs aux gâchis (le demande et de la prévision (Srivastava,
manque à gagner résultant de la sous-utili- 2008), le YM maximise le revenu global de
sation de la capacité), aux déchets (le long terme et ajuste une capacité contrainte
manque à gagner lié à la clientèle la plus à une demande segmentée en se basant sur
rentable) et aux refus (le fait de ne plus le comportement prévisionnel de chaque
accepter d’autres clients) de service géné- segment de clientèle.
rés suite à une mauvaise politique de surré- En tant que processus de gestion de rem-
servation (Murphy, 2003). plissage, le YM présente une stratégie perti-
Le problème d’arbitrage se pose principale- nente pour régulariser le volume d’activités
ment lors de la prise de décision d’accepta- et garantir une exploitation meilleure des
tion ou de refus d’un segment de clientèle. actifs. Là où il s’est trouvé appliqué, il a été
Une telle décision mène l’hôtelier à améliorer à l’origine d’innovations.
l’affectation de la clientèle par chambre et à Concrètement le recours au YM a permis
l’optimisation de la rentabilité au sein de aux professionnels du secteur des services
chaque catégorie de chambres appartenant à d’être plus compétitifs tout en personnalisant
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RÉCIT D’EXPÉRIENCE D’APPLICATION DU YM

Avant l’ouverture du Royal Plaza en 2004, nous avons défini la politique de pricing. La
conjoncture économique internationale de l’après 11 septembre, le Sras et les conflits armés
dans le monde ne favorisaient pas l’activité touristique ni le développement de la clientèle
d’affaires. Nous avons choisi de pratiquer un pricing incisif de pénétration du marché et de
lancer l’établissement au moyen de prix d’appel nous positionnant de manière ultra compé-
titive par rapport à nos concurrents directs et aux destinations internationales travaillant sur
les mêmes segments de clientèle que ceux que nous souhaitions capter. Il aurait sans doute
été plus intéressant pour le prix moyen de privilégier une tarification élevée, tout en valori-
sant le produit et ses prestations haut de gamme, mais nous avons pensé avant tout à faire
connaître l’établissement et à rentabiliser sa première année d’exploitation en nous assurant
un volume d’occupation permettant un RevPAR suffisant pour maintenir la qualité, la renta-
bilité et le développement commercial de l’établissement. Il est probable que notre stratégie
de pricing aurait été différente si l’établissement avait ouvert ses portes en 2000/2001 ou
même l’année prochaine en 2007.
Nous avons choisi de travailler sur les bases d’une tarification différenciée, par segments de
clientèle que nous avons définies en regroupant des familles de clients ayant des niveaux
tarifaires et des comportements d’achat similaires. La tarification a également été différen-
ciée en fonction de classes de chambres et de périodes. Nous avons ainsi créé une modula-
tion tarifaire entre les classes de chambre standard et supérieure et les tarifs haute et basse
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saison.
En 2005 et plus encore en 2006, nous avons fait évoluer notre stratégie de pricing. Nous ne
nous positionnons plus uniquement par rapport à un objectif de remplissage et de pénétra-
tion de marché. Les actions commerciales associées à une tarification très compétitive ont
porté leurs fruits et nous enregistrons sur certaines périodes une demande supérieure à notre
capacité disponible. Ceci nous permet un arbitrage entre les demandes des différents seg-
ments. Nous avons privilégié ceux qui sont les plus rentables, tout en préservant des dispo-
nibilités pour les segments qui produisent à l’année et les partenaires du tourisme, même
lorsque ponctuellement ils peuvent paraître moins rentables.
Au quotidien, le YM nous permet de mieux gérer les disponibilités des différentes classes de
chambre pour chacun des segments, en anticipant la demande du marché au travers de pré-
visions de demande. Nous nous basons entre autre sur l’historique de la production, sur le
portefeuille de réservation actuel, sur la courbe de montée en charge des réservations pour
les dates futures, sur le calendrier événementiel, en étant très attentifs au pick-up journalier.
Le YM nous permet d’améliorer la rentabilité dans le cadre de la politique commerciale que
nous avons défini pour l’établissement. Arbitrage sur les disponibilités pour les demandes
groupes, cotations des affaires par rapport au volume d’individus qu’elles nous conduiraient
à refuser, gestion plus fine des durées de séjour, etc., le fait de pouvoir anticiper nous conduit
à sécuriser notre gestion. Lorsqu’une période ou un produit ne bénéficie pas d’une demande
satisfaisante, nous pouvons lancer suffisamment à l’avance (et donc avec les meilleures
Les déterminants de l’orientation Yield Management 71

chances de succès) des actions de commercialisation complémentaires : promotions, mailing,


phoning, utiliser la rapidité de communication des canaux de distribution électronique sur
Internet, etc. Lorsqu’au contraire, un produit ou une période est identifié comme potentiel-
lement très demandé, un arbitrage entre les tarifs existants pour chacun des segments (rate
management) et entre les disponibilités par classes de produits chambre (inventory manage-
ment), nous permet de rentabiliser au maximum cette opportunité, dans la limite de notre
stratégie commerciale et marketing.
Le pricing 2007 évolue avec le produit et la stratégie commerciale. Nous avons réduit l’am-
plitude tarifaire entre les classes de chambre standard et supérieures et créé une classe de
chambre Deluxe incluant des prestations de services supplémentaires et valorisant d’avan-
tage les chambres les mieux situées dans l’établissement. Sur cette classe de chambre très
haut de gamme, nous adoptons pour 2007 une stratégie de leader. Nous y sommes position-
nés plus cher que nos concurrents à produit ou prestation comparable, mais d’une part, notre
capacité sur ce type de produit est limitée et d’autre part, nous utilisons pour les 2 premières
années d’exploitation de cette nouvelle classe de chambre, des leviers d’upsell et d’upgrade.
Ceci nous permet de récompenser en upgrade certains de nos meilleurs clients et de favori-
ser leur fidélisation. La commercialisation en upsell permet sur la base d’une tarification éle-
vée, de faire connaître le produit et de le proposer avec un avantage financier pour les clients
et de préserver le couple rentabilité/image de manière plus efficace qu’au travers un posi-
tionnement neutre aligné sur nos concurrents, ou d’un pricing opportuniste cherchant à être
systématiquement les moins chers. Depuis 2005 nous pratiquions une modulation tarifaire
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par jour de semaine.
Les tarifs week-end avaient été étendus aux lundis, qui enregistraient une demande nettement
inférieure aux autres jours de la semaine. À partir de 2007, l’atténuation de l’effet RTT et
notre meilleur positionnement sur le marché associés à la reprise globale de l’activité tou-
risme et affaires, nous orientent vers une tarification week-end sur les seules nuits du ven-
dredi, samedi et dimanche. Autre modification stratégique concernant les prix : nous avions
jusqu’à 2006 inclus, fait preuve d’une certaine souplesse sur plusieurs segments. En effet,
nous acceptions fréquemment de vendre à un prix inférieur au tarif contrat sur le Tour Ope-
rating, ce que nous avons limité en 2007. Une importante variation des prix des séminaires
résidentiels existait également, par rapport à nos tarifs affichés pour les journées d’étude,
lorsque nous effectuions les cotations. Nous souhaitions très clairement privilégier la seg-
mentation séminaires résidentiels afin de rentabiliser conjointement l’hébergement et les
espaces séminaires. Pour 2007, nous avons engagé plusieurs actions de commercialisation en
banqueting pur et location de salle, afin de vendre également les salons indépendamment de
l’hébergement. Nous pouvons ainsi nous réserver une alternative pour préserver les varia-
tions de prix trop importantes qu’engendraient les cotations « Hébergement et Séminaires »
qui tiraient trop fréquemment les prix vers le bas.
(http://www.forums-hotels.com/forum/viewtopic.php?t=434)
72 Revue française de gestion – N° 207/2010

l’offre. Celles qui l’ont appliqué ont II – RECHERCHE EXPLORATOIRE


répondu non pas à un bloc de demandes
1. Méthodologie de travail
d’un service standardisé mais à une grande
variété de segments ayant des caractéris- Afin de déterminer l’orientation YM, une
tiques différentes. Une échelle de services étude exploratoire de nature qualitative a
tarifés ajustée aux contraintes de chaque été mise en place. L’encadré ci-après per-
segment de clients a même été proposée met de présenter la méthodologie de travail.
(Capiez, 2003) avec fixation des barrières 2. Résultats
entre les différentes classes tarifaires, mise
L’examen des propos des spécialistes et
en place de restrictions de certains services
l’analyse thématique de contenu des entre-
et distinction de catégories tarifaire.
tiens ont permis de présenter un éventail
Le YM a même été utilisé pour mettre en
des facteurs de développement du YM, son
valeur le privilège lié à l’offre, les services
orientation et un témoignage de sa mise en
supplémentaires proposés et les tarifs avan-
œuvre. Suite à une lecture approfondie du
tageux accordés (Belobaba, 1987). Le YM a
corpus, on a retrouvé les unités d’enregis-
longtemps présenté une solution de gestion
trement et calculé la fréquence d’apparition
optimale de la demande selon la capacité
de ces dernières. Les unités d’enregistre-
contrainte.
ment ont été rassemblées en unités de sens
Or, les différentes applications du YM mon-
et en ensuite en unités thématiques. Le
trent le risque de le voir traiter comme une
tableau 3 présente les résultats de l’analyse
simple technique tarifaire limitée à des uti-
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thématique.
lisations fonctionnelles et économiques.
La logique d’application du YM, son fonc-
Certes, le YM comprime les coûts, permet
tionnement, sa vision d’optimisation et du
l’efficacité, augmente la marge bénéfi-
relationnel sont les quatre thématiques
ciaire, gère la saturation de l’espace de
identifiées de l’analyse exploratoire. La par-
vente et les flux de clients, dote l’entreprise
tie suivante présente une analyse plus
de service de processus proactifs et d’outils
approfondie des résultats.
pertinents d’aide à la décision. Mais, en res-
ter à toutes ces utilités, c’est lui faire perdre
sa légitimité de stratégie pertinente de III – ANALYSE
maintien des clients.
La problématique du YM est qu’au-delà du 1. Logique d’application du YM
fait qu’il génère une dynamique interne de La culture interne, la formation du person-
gestion, il ne peut ambitionner d’être un nel et la prévision continue et dynamique de
moyen de maintien des clients que s’il la demande par segment créent une logique
intègre une culture de relationnel. Ce papier d’application du YM. L’application du YM
s’inscrit dans une perspective critique de la ne nécessite pas forcément l’installation
littérature permettant de compléter la repré- d’un logiciel d’optimisation de rendement,
sentation conceptuelle purement technique ce qui importe ce sont les compétences et
du YM. Ceci à travers une étude explora- les habilités du personnel à prendre une
toire qualitative. décision à temps. D’ailleurs, souvent les
Les déterminants de l’orientation Yield Management 73

MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL

L’objectif de cette recherche est d’explorer l’orientation YM. Étant donné qu’il s’agit d’un
concept en cours de construction et la non existence d’études antérieures relatives à ses
déterminants, une recherche exploratoire de nature qualitative semble être appropriée. Il a été
intéressant de procéder en deux étapes, d’abord, consulter et analyser les propos des spécia-
listes en YM dans un forum spécialisé et ciblé, puis, réaliser des entretiens individuels en
profondeurs avec les yield managers.
Les méthodes d’analyse des forums spécialisés et ciblés font partie de l’évolution des études
qualitatives en marketing. Ces forums de qualité échangent des messages textuels asyn-
chrones et utilisent des environnements technologiques afin de soutenir un travail de
recherche, de retrouver une collaboration et de former un apprentissage des expériences des
spécialistes.
L’avantage principal de la méthode d’analyse des forums spécialisés et ciblés est la trace des
questions et des réponses. Elle présente une source d’aide pour les chercheurs dans toutes les
spécialités (Light et Light, 1999). Le recours à cette méthode s’explique aussi par la répli-
cabilité permettant de garantir la validité des analyses (Henri et Charlier, 2005). Nous avons
choisi de consulter le forum spécialisé en YM développé par le bureau « Revenue Develop-
ment Consultants ». Étant spécialisé et ciblé, ce forum présente des réponses structurées et
très riches en informations pratiques relatives au YM.
On a eu l’occasion de rencontrer des yield managers à l’échelle internationale et de consul-
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ter des témoignages sur l’application quotidienne du YM dans leur hôtel. Plus de seize entre-
tiens individuels en profondeurs ont été menés avec des yield managers, membres du forum,
afin d’identifier les déterminants de l’orientation YM. Lorsqu’aucun apport particulier n’a
été observé dans les quatre derniers entretiens réalisés, il a été estimé qu’on a réalisé la satu-
ration thématique.
Tous les entretiens ont été enregistrés puis entièrement retranscris et analysés. L’entretien
commence par une introduction permettant de se présenter à l’interviewé et de lui expliquer
l’objet de la recherche. Puis, il a été question de ressortir les facteurs de développement du
YM (en répondant à la question : quels sont les critères qui vous semblent fondamentaux
pour la réussite du YM ?). L’interviewé a présenté ensuite son point de vue concernant la
vision du YM (en répondant à la question : selon vous quelle est la vision du YM ?). Finale-
ment, l’interviewé a parlé de son expérience d’application du YM (en répondant aux ques-
tions suivantes : quel est le principe de l’application du YM ? et comment vous fonctionnez
quotidiennement ?).

établissements qui utilisent des automa- cadré ci-après présente l’avis d’un Yield
tismes sans tenir compte de l’aspect cultu- Manager d’une chaîne hôtelière par rapport
rel perdent beaucoup lorsqu’ils pensent à l’acquisition du RMS (Revenue Manage-
qu’il suffit d’appuyer sur un bouton. L’en- ment System).
74 Revue française de gestion – N° 207/2010

Tableau 3 – Analyse thématique des résultats

Unités Unités de sens Unités d’enregistrement Occurrence


thématiques

– L’utilisation des automatismes (RMS) n’est pas suffisante


pour la réussite du YM 12
– Manuellement, notre application du YM marche très bien. 8
Logique RMS et – On a pu avoir des résultats intéressants sans que ce soit à
d’application application 100 % du YM 10
du YM du YM – L’application du YM dépend énormément de la culture
interne 7
– L’application du YM dépend de l’implication du personnel
dans la prise de décision 9

– Le fait de se baser sur les réservations en portefeuille n’était


pas suffisant pour dire qu’on applique le YM 6
– La prévision des résultats n’est pas suffisante pour dire
qu’on applique le YM 4
Critiques
– Le contrôle du budget n’est pas suffisant pour l’application
du YM 2
– Notre application quotidienne du Yield ne signifie pas des
actions de variation des prix 11

– Pour introduire le YM on a fait quelques préparatifs ; comme


par exemple la répartition des classes de chambres par tarifs 13
et par segments de marché
Préparatifs – Parmi nos préparatifs au YM est la formation du personnel 14
– Nous nous basons sur l’étude de l’historique de la demande 10
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Fonctionnement – L’étude de la tendance actuelle du marché est une base à
du YM l’application du YM 3
– Nous nous basons sur le portefeuille de réservation actuel 6
– Nous pratiquons en Yield du Pricing préalable à toute action 10
– Nous nous basons sur la courbe de montée en charge des
réservations pour les dates futures 8
– Dans une logique YM nous nous basons sur un calendrier
événementiel 5
– La réussite du YM s’explique par une structure commerciale
saine 6
– Ce qui nous a permis de réussir l’application du YM est
essentiellement la prévision continue et dynamique de la 4
Déterminants demande par segment
– Parmi les éléments de base qu’on applique dans le cadre du
YM je cite les arbitrages sur les disponibilités pour les demandes 7
groupes ou affaires par rapport au volume des individuels

– Le YM nous a permis d’appliquer une gestion plus fine des


durées de séjour 1
– Le YM permet de mieux orienter nos offres marketing et
commerciales 4
– La prévision YM nous a permis de mieux allouer espaces et
tarifs à la fois aux clients existants et à l’ensemble du marché 13
Orientation Optimisation – Lorsqu’un produit ou une période est identifié comme
rentabilité potentiellement très demandée, un arbitrage entre les tarifs
du YM existants pour chacun des segments (rate management) et
entre les disponibilités par classes de produits chambre 1
(inventory management), nous permet de rentabiliser au
maximum cette opportunité, dans la limite de notre stratégie
commerciale et marketing
Les déterminants de l’orientation Yield Management 75

Unités Unités de sens Unités d’enregistrement Occurrence


thématiques

– Le YM nous garanti une anticipation de la demande du


marché au travers une prévision continue et dynamique 3
Orientation – L’application du Yield nous permet la couverture des risques
rentabilité Prévention d’invendu 6
du YM – L’application du Yield nous a permis de réduire le risque de
refus des clients 12
– L’application du Yield nous a permis de réduire les risques 5

– Il y a un lien de cause à effet existe entre le yield et la


fonction commerciale 3
– Lorsqu’une période ou un produit ne bénéficie pas d’une
demande satisfaisante, nous pouvons lancer suffisamment à 1
l’avance des actions de commercialisation complémentaires
(promotions, mailing, phoning, etc.)
– Lorsque, un produit ou une période est identifié comme
potentiellement très demandé, un arbitrage entre les tarifs
existants pour chacun des segments (rate management) et 1
entre les disponibilités par classes de produits chambre
(inventory management), nous permet de rentabiliser au
Synchronisation maximum cette opportunité, dans la limite de notre stratégie
commerciale et marketing
– Le YM nous a permis d’associer la gestion des
disponibilités aux différents segments et aux offres 6
constituées
– L’application du Yield nous permet d’affiner la
communication commerciale, tarifaire et marketing avec une 9
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clientèle ciblée
– L’efficacité du YM est expliquée par l’étroite interaction
avec toutes les composantes humaines et produits 12
– La prévision continue de la demande permet d’ajuster d’une
Orientation manière dynamique nos disponibilités aux attentes des clients 5
relationnelle
du YM – Nous pratiquons couramment en Yield une bonne dose du
CRM 2
– On mixe le YM et le CRM pour mieux se positionner par
rapport à la demande du marché en général. 1
– Nous pratiquons en Yield une bonne dose d’évaluation de
poids du client 3
Individualisation – On prendra soin d’avoir « qualifié » le client lors de sa
réservation 7
– L’application du YM nous permet de mieux gérer les
disponibilités des classes de chambre pour chaque client 7
– On s’adressera de manière plus étanche à des clients connus
pour leur proposer des offres spécifiques 10
– On propose une offre cadrant avec la demande du marché 6

– La clientèle corporate à laquelle on pourra indiquer


plusieurs semaines ou jours à l’avance que sur telle période, 10
bien que faisant l’objet d’une forte demande, on lui conserve
des disponibilités à un tarif contracté habituel
Durabilité – On perdra en rentabilité immédiate, mais on développe une
relation commerciale de maintien des comptes 12
– On propose de manière continue et fiable nos offres de
services-tarifs 8
76 Revue française de gestion – N° 207/2010

RMS ET APPLICATION PRATIQUE DU YM


AVIS DES EXPERTS

« … Nous n’envisageons pas à l’heure actuelle l’acquisition d’un RMS (Revenue Manage-
ment System – logiciel de Yield Management informatisé) et ceci pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, le coût de tels systèmes est important et nous préférons consacrer en priorité nos
budgets au développement physique de notre produit (création de la classe de chambre
deluxe/nouveaux services et prestations pour la clientèle d’affaires/développement du bud-
get commercial/mise en place d’outils de fidélisation client, etc.). Ensuite, nous avons,
depuis l’ouverture de l’hôtel, mis en place une responsable et des procédures nous permet-
tant de pratiquer le Yield Management de manière manuelle, sans passer par les déforma-
tions que peuvent générer un RMS, tant au niveau de la segmentation que des prix. Enfin, le
Yield Management étant avant tout une méthode de gestion des capacités/prix, qui s’inscrit
dans une démarche commerciale et marketing tout en nécessitant une étroite collaboration
inter-service, nous avons choisi de privilégier le facteur humain, la réflexion et l’analyse,
plutôt que des solutions informatiques trop rigides ou automatisées. »

Le succès de tels projets est généralement tation de la tarification au client en lui pro-
lié à la capacité d’intégrer une nouvelle curant une offre ciblée qui tient compte du
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approche culturelle favorisant le développe- moment et des caractéristiques de la
ment d’une vision relationnelle interne et demande, sans renoncer à la maximisation
externe (Zrelli, 2008b, 2008c). Cette des profits.
constatation vient contredire le point de vue La logique YM suppose ainsi une bonne
des offreurs du RMS à l’échelle internatio- analyse de potentialités des segments de
nale et des chercheurs tels que Selmi marché. La segmentation du marché sur la
(2006). Le RMS n’est qu’un outil d’aide à base des informations recueillies sur les
la décision et peut être substitué par un consommateurs permet aux entreprises de
fonctionnement manuel. service d’établir un système de tarification
La lecture des résultats montre en effet la différencié satisfaisant la structure produc-
nécessité pour le YM d’aller au-delà de ses tion/distribution tout en maximisant la
aspects fonctionnels d’outil de rentabilisa- recette globale. La connaissance des spéci-
tion de l’offre. Il est possible de le considé- ficités exactes de chaque segment de mar-
rer comme une approche stratégique per- ché sert aussi à établir une bonne prévision
mettant d’optimiser la rentabilité, de la demande.
d’améliorer la relation avec les clients et
d’établir une politique de communication 2. Déterminants de l’orientation YM
efficace aussi bien en interne qu’en externe. L’analyse des témoignages des spécialistes en
Les experts insistent aussi sur l’aspect long YM et des entretiens en profondeurs permet-
terme du YM en le considérant comme un tent de déterminer en plus de l’orientation
outil de maintien des clients visant l’adap- rentabilité, une orientation relationnelle au
Les déterminants de l’orientation Yield Management 77

Figure 4 – Déterminants de l’orientation Yield Management

YM. La figure 4 présente ces deux groupes caractéristiques de la prestation offerte. Le


de déterminants de l’orientation YM. relationnel représente ainsi un critère de
Il semble judicieux de prendre en considé- performance de la démarche d’optimisation
ration non seulement des critères de renta- du YM.
bilité mais aussi des critères de respect de la L’objectif de la logique de travail du YM
relation client. Un tel raisonnement n’est pas seulement de vendre mais d’attirer
n’écarte nullement un calcul raisonnable et de maintenir les clients les plus rentables.
coûts/profit à la fois nécessaire pour rendre Une telle stratégie relationnelle n’est en
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compatibles la vision éthique avec les impé- effet rentable que si elle porte sur les clients
ratifs de rentabilité. haute contribution.
L’orientation relationnelle YM prévoit aussi
3. Orientation relationnelle du YM un traitement particulier de la clientèle
Le relationnel est une appréciation globale fidèle à laquelle une entreprise pourra pré-
et continue de la prédisposition d’une entre- voir, plusieurs semaines ou jours à l’avance
prise à offrir les avantages recherchés par que sur telle période, bien que faisant l’ob-
les clients. L’intérêt lié au relationnel s’am- jet d’une forte demande, des baisses sur le
plifie lorsqu’il s’agit de service. Dans le tarif contracté habituel seraient accordées.
secteur des services, chaque transaction C’est vrai que l’entreprise perd ainsi en ren-
inclut un processus social d’interaction tabilité immédiate, mais elle développe une
durant lequel le client et le personnel en qualité relationnelle perçue avec des seg-
contact coproduisent le service. Le proces- ments lui permettant de rentabiliser l’acti-
sus de servuction suppose en effet une rela- vité globale sur le moyen et le long terme.
tion directe entre le prestataire et le client.
Ce dernier devient plus impliqué dans le 4. YM un levier de changement culturel
processus de production du service. Accolée à une approche relationnelle,
Les praticiens affirment que l’efficacité l’orientation YM devrait être accompagnée
d’une orientation YM dépend de la d’une restructuration organisationnelle et
recherche permanente et dynamique d’ajus- d’un changement culturel. Il s’agit des
tement entre les attentes des clients et les changements dans les croyances, les atti-
78 Revue française de gestion – N° 207/2010

tudes et les valeurs du personnel travaillant tionnelle dans toute la démarche YM. Le
dans une même organisation. L’implanta- personnel en contact avec les clients est
tion de ces changements dans l’organisation incité à adopter un comportement qui
interne des entreprises produit effective- reflète la culture prescrite par la structure
ment des pratiques nécessaires à la création interne à l’entreprise. Une telle culture se
d’une valeur spécifique perçue par la clien- situe dans un échange actif sur le long
tèle et réalise ainsi une performance conti- terme visant à rompre avec la démarche
nue de l’entreprise. standard et mettre en valeur des dimensions
La création de la valeur se manifeste à trois nouvelles d’échange en relation avec la
niveaux de la démarche du YM à savoir lors continuité et le fonctionnement en temps
du recueil de l’information et l’analyse de réel.
la demande (système d’information), de La culture YM prône en fait une philosophie
l’intégration des données recueillies et leur d’actions dynamiques de conduite de chan-
mise en forme exploitable et de la prise des gement faisant de la satisfaction et du main-
décisions opérationnelles et stratégiques et tien des clients l’objet souverain de l’activité
de leur contrôle (système de décision) (voir de l’entreprise. Cette généralisation contri-
la figure 5). bue à la définition des règles et des conven-
La réussite de la stratégie de l’entreprise tions de prise de décision individuelle et col-
dépend de la mise en place de l’idée rela- lective, favorise des interactions sociales et,
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Figure 5 – Démarche du Yield Management

Source : Jones (2000).


Les déterminants de l’orientation Yield Management 79

surtout, suscite un apprentissage organisa- relation dynamique entre l’entreprise et ses


tionnel collectif (Minvielle et Contandrio- clients.
poulos, 2004). Une telle conduite conçue Le YM devient dès lors une culture de ser-
comme une évolution permanente assure vice de maintien permanent du relationnel.
une harmonie entre le degré d’implication Une telle orientation n’écarte nullement un
du personnel, la possibilité de prise d’initia- calcul raisonnable coût/profit à la fois
tive décisionnelle et la confiance en l’avenir nécessaire pour rendre compatible l’orien-
(Combes et Lethielleux, 2008). tation éthique avec les impératifs de renta-
bilité. L’entreprise doit être en mesure de
CONCLUSION développer une vision dynamique et conti-
nue rapprochant les objectifs de rentabilité
Le mérite de cette recherche est de démon- aux objectifs de satisfaction des clients. Sa
trer qu’en tant que culture, le YM garantit le tâche principale ne consiste plus à chercher
développement d’une orientation relation- à connaître les besoins et désirs de sa clien-
nelle au sein de l’entreprise de service. Les tèle mais à concevoir une offre qui puisse la
résultats de l’étude qualitative permettent satisfaire de manière rentable. Le YM est
de proposer la perspective culturelle donc une approche stratégique commer-
comme assise à un YM plus que nécessaire ciale avec des principes de rentabilité et de
dans un contexte de volatilité de la maximisation de revenu affectant profondé-
demande et de concurrence exacerbée. ment la culture des entreprises autant que le
Si cette orientation est uniquement ressen- comportement des clients.
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tie comme une contrainte imposée par le La portée de l’orientation YM est qu’il est
marché, la mise en place d’une fonction un levier de transformation culturelle de
marketing n’affecte guère la performance. l’entreprise de services assurant ainsi sa
Pour être efficace, l’orientation relation- performance et sa pérennité. Il en change
nelle doit alors être adoptée par tous les ser- les valeurs, les processus de travail et les
vices de l’entreprise. L’enjeu réside dans le activités engagées.
développement d’une culture intégrée
auprès du personnel pour que la vision rela-
DISCUSSION
tionnelle soit clairement perçue par les
clients. À travers le respect du relationnel, le YM
Le YM serait une innovation de type global propose aux entreprises de services une
et non simplement limitée. Il prendrait la solution à la rentabilité de long terme en
forme d’un système cohérent et articulé offrant une redéfinition de la notion de fidé-
obéissant à une vision orientée ver le rela- lisation des clients. L’orientation YM offre
tionnel. Sa nature globale, son orientation une solution à l’application d’une segmen-
systémique en ferait un moyen proactif, tation de la demande adaptée à la capacité
étendant l’approche client actuellement offerte mais aussi une solution pour la ren-
prônée dans le secteur des services et lui tabilité de long terme. Dans le cadre de
ouvrant des perspectives larges. Il en résulte cette orientation, la fidélité se détermine sur
une nouvelle forme d’organisation de tra- la base d’une évaluation des qualifications
vail et une nouvelle reconfiguration de la de chaque client.
80 Revue française de gestion – N° 207/2010

Outre l’avantage d’optimisation de la capa- mieux se positionner par rapport à la


cité, la segmentation permet aussi de distin- demande du marché en général.
guer les clients les plus contributifs à long Nous considérons ainsi, en plus de la maxi-
terme. Il s’agit donc d’une stratégie sélec- misation de revenu, que l’orientation YM
tive des clients qui, non seulement revien- accorde un intérêt particulier à l’aspect
nent, mais maintiennent la même entre- temporel de la relation. Étant donné que
prise. Aussi, leur probabilité de rester fidèle conquérir un client coûte beaucoup plus
est-elle élevée. cher que de le fidéliser, le revenu total sur la
Si le YM est un levier stratégique de fidéli- vie d’un client est certainement plus impor-
sation permettant d’adapter l’offre des ser- tant que de lui faire payer plus pour une
vices/tarifs aux besoins des clients sans nuit. Yielder repose ainsi sur la mesure du
renoncer à la maximisation des profits, il poids des clients (client weight analysis).
suppose l’affichage d’une orientation rela- C’est ainsi qu’une action visant uniquement
tionnelle créant un climat de confiance et à conserver des clients fidèles ne répond pas
d’engagement des clients. à la démarche d’optimisation YM. Pour
Fidéliser et yielder sont bien complémen- l’exemple de l’hôtellerie, dans la plupart
taires. Ainsi, connaître le poids écono- des cas cette notion de fidélité et de tarifica-
mique des clients, anticiper la demande, tion préférentielle est à remettre en ques-
ajuster la capacité disponible et communi- tion. Un client peut revenir trois fois par an
quer sont autant d’éléments permettant pendant des conférences depuis un certain
d’allier le YM au CRM (Customer Rela- nombre d’années et avoir un tarif préféren-
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tionship Management). tiel contre toute logique.
Essayons de dissocier ces deux éléments et Il ne suffit plus de nos jours d’être « bon
de faire la part de la théorie et de la pra- hôtelier » il faut aussi gérer plus finement la
tique. Le YM est basé sur une prévision de rentabilité en choisissant quel segment doit
demande par segment. Une entreprise pour- être privilégié en termes de services et/ou
rait ensuite choisir par segment de client ou tarifs. Il est plutôt question de mesurer la
niveau tarifaire. productivité en relation avec le commercial.
Certains systèmes de YM permettent Des habitudes hôtelières sont souvent à
d’accepter les clients fidèles sur toute remettre en cause.
l’année quels que soient les tarifs plan- C’est l’occasion de remettre à plat ce qu’on
chers ou seuils (Capiez, 2003). Mais, définit comme client fidèle et d’évaluer sa
cette décision appartient au départ à l’en- rentabilité financière et commerciale en se
treprise. Le CRM vise à offrir des sys- basant sur ses qualifications. Cette évalua-
tèmes qui retracent un historique détaillé tion permet d’affiner la communication
de production consolidant ainsi la com- commerciale, tarifaire et marketing avec
munication entre l’entreprise et ses des clients parfaitement identifiés et les
clients. Il répond ainsi à leurs besoins et moyens de poursuivre leur fidélisation.
permet de les fidéliser. Nous saisissons Cette action de qualification de comptes et
donc l’intérêt d’unir ces deux éléments d’évaluation de poids du client fait appel à
pour ne pas s’éloigner de la clientèle et plusieurs techniques d’évaluation. Le poids
Les déterminants de l’orientation Yield Management 81

des clients est la détermination, à partir des pouvons alors mesurer objectivement si le
données stockées, leur valeur économique client est à privilégier, qu’il soit fidèle ou
et leur contribution à la marge bénéficiaire. pas. Nous analysons de cette manière les
Le calcul du poids du client peut se faire segments de clients auxquels nous pou-
de manière annuelle selon la fréquenta- vons porter une attention particulière et
tion, la consommation, le tarif, etc. Nous des efforts de fidélisation.

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