Malliarakis, Jean-Gilles - L'Alliance Staline-Hitler
Malliarakis, Jean-Gilles - L'Alliance Staline-Hitler
Malliarakis, Jean-Gilles - L'Alliance Staline-Hitler
Du même auteur :
L'ALLIANCE STALINE-HITLER
Éditions du Trident
http://www.editions-du-trident.fr
ISBN 978-2-84880-045-5
EAN ISBN 9782848800455
© Tous droits réservés Éditions du Trident 2011
CARTES SUR TABLE
L
A SECONDE guerre mondiale a commencé le 23 août
1939. À Moscou, ce jour-là, le ministre des Affaires
étrangères du Reich Joachim von Ribbentrop et le
commissaire du peuple de l'Union soviétique Viatcheslav
Molotov, paraphèrent deux documents. Le premier, immé
diatement rendu public, se présentait comme un pacte de
non-agression entre les deux États.* Personne ne s'y
trompe. Un second accord le complète et il le conditionne.
Il s'agit d'un protocole secret délimitant à l'avance les
zones d'influence respective en Europe centrale et orientale
qui résulteront du conflit immédiatement à venir.
Les choses s'enchaîneront dès lors irrémédiablement. La
lecture des Documents de la Wilhelmstrasse** ne laisse
aucun doute. Hitler attaquera la Pologne une semaine plus
tard, le 1e, septembre. Son compère Staline le suivra, frap
pant dans le dos le frère slave, le 17. Un conflit monstrueux
allait embraser le monde pour 6 années, provoquant la mort
de 50 à 60 millions de victimes.
Il ne se terminera qu'en août 1945, à Potsdam.
Finlande Carélie
prise à la
Finlande (1)
URSS
Lituanie (4)
Moscou e
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Konigsberg
Kaliningrad (5)
provinces
orientales
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Déplacement des frontières
polonaises entériné en 1945
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Nllf1"nincee et le• -'!•• eapo1rs . Les -.,guet.a �t 1(>8 c<JqUel icot.e &ID. boutoDllièn-•• lee· aO!laff
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C'•"t. aotn: NQ&, aUtg d 1 0lllYr1.era et d.e pay-.œ qui coule pour le plus grand profit cle•
oapital Ut.s� •J.e capitalisa pane en llli la guerno ce1a1e la nuée porte l 'orap" d.1.ll&it Jean
, i... tpa:rft uec 80ft cortège de aisèn,s, d'borreu.rs et de deuil• .. Pour qu.i� pour quoi?.
Dam VD rfpae t'oadâ 11\1.T l'exploit.ati.on de l'hoa.ac par ] •bcait, 9u.1 a-vona-DCNS 1. 4éfetidn 1 aoua
qui - posaffoall rien?
lloull ae Cl'OJ'QQII plus am aens�s offic iels ., aux bobards s� "la défer&N da la l iberté
et de la oivilùat.lœ" .. b 1914 on a eu QOe aWP par la dupl�rie de• beaux principeai pNCW
Mat f'O"Dlh aux pieU pU lett aattre• de l •be\ll'e. On ne aow. y prend.ra plue.
Cette t'oia-ci. pu: de OtlUJ"ll am: fuaila, pu 4� folie challVine, ni de fureur guerrUN.
Se.ighf,e deux foia en Yingt cinq ane, notre &WN\iori a appne à voi.r clair •
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8DCl,a1• et les crocs industriels all......S. se diap11.t.ent la c:onquite 4n: •tiè:rea i»reaières et
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t•aneni.r le peuple, tea capi'&aJiHee n' ont JI!:! d� p!l;trie..
d'appuis subjectifs.
Le parti français représentait depuis la chute de la répu
blique de Weimar en 1933, et la guerre d'Espagne, le prin
cipal soutien de Moscou en occident. Il recevait d'impor
tants subsides. Mais son alignement et son application des
mots d'ordre ne représentent pas un cas isolé.
Dissous le 27 septembre 1939, il continuera à agir dans
la clandestinité. Il fait campagne pour la « paix immé
diate » . En France un argument essentiel vise les [très
méchants] financiers de la City. C'est dans la même veine
que se situeront, un peu plus tard les citations bien connues
de L'Humanité clandestine que l'on répète jamais assez.
Le 3 novembre 1939, L'Humanité clandestine* titre:
« Une guerre du droit ? Non une guerre de capitalistes ? »
Le 30 octobre 1939, L'Humanité clandestine** affirme:
« Les communistes de tous les pays luttent contre la guerre
chez eux. Ceux de France mèneront le combat chez nous,
sans faiblir. »
La campagne Paix immédiate bat son plein. Le
29 décembre 1939 rappelons-le l'Humanité clandestine
osait arguer devant le spectacle de la guerre de Finlande
que « les Travailleurs ne se battront pas contre le pays qui
a réalisé leur idéal! » ***
Mais son homologue britannique applique exactement la
même ligne, la touche d'anglophobie en moins.
* cf. coll. L'Humanité clandestine vol. l" page 55
** cf. coll. L'Humanité clandestine vol. l"' page 58-59
*** cf. c-dessus page 15
DE LA NATURE DU PACTE 31
* cf. Miron Dolot Les affamés 332 pages, 1986, ed. Ramsay
** Article Le génocide la faim in Le Monde du 29 août 1983.
*** cf. préface à la trad. française du livre Les affamés page 10
AVEUGLEMENTS SOVIETOPHILES 61
publique mondiale. »
En langue de bois cela veut dire que la propagande com
muniste ne pouvait pas revenir sur cet acquit de son travail
de falsification de l'Histoire. Il fallait coûte que coûte s'ac
crocher à la légende, à laquelle aucun Polonais n'a jamais
vraiment cru, mais dans laquelle ont barboté, pendant des
années la plupart des historiens officiels en occident.
Certes on peut dire, on peut prétendre que « les
Occidentaux savaient. »
Indiscutablement la résistance polonaise a fait parvenir
en Grande-Bretagne et aux États-Unis toutes les informa
tions nécessaires. Le général Sikorski, chef du gouverne
ment polonais en exil à Londres, la Croix-Rouge etc.
avaient pris une position sans ambiguïté.
Le rapporteur américain nommé en 194 4 par Roosevelt,
le capitaine George Earle, conclut à l'évidence des respon
sabilités soviétiques. On l'éloignera aux îles Samoa.
Son homologue britannique l'ambassadeur O'Malley
opinait de la même manière : on refusa d'en tenir compte.
Toutes ces voix ont été étouffées, écartées, éliminées
pendant un demi-siècle.
Mais, une rumeur doit être démentie : non, le verdict de
Nuremberg du 1er octobre 194 6 ne met nullement le crime
de Katyn sur le compte, suffisamment chargé, des nazis.
Bien au contraire. L'accusation soviétique avait tenu à le
faire figurer dans le réquisitoire introductif. On prit en
compte le pseudo-rapport de la commission stalinienne
Burdenko (URSS-54 conformément à l'article 21 des sta-
POURQUOI KATYN 75
d'ensemble.
L'écrivain alors communiste Manès Sperber qui colla
bora avec lui de 1927 à 1937 décrit de la sorte son rôle:
« Münzenberg poussait des écrivains, des philosophes,
des artistes de tout genre à témoigner, par leur signature,
qu'ils se plaçaient au premier rang de combattants radi
caux [...] constituant ainsi des caravanes d'intellectuels
qui n 'attendaient qu'un signe de lui pour se mettre en
route; il choisissait aussi la direction. »
Comme on ne prête qu'aux riches on lui a aussi attribué
l'inspiration de l'école de Francfort, le recrutement de Kim
Philby, le traitement d'André Breton pape infaillible du sur
réalisme, etc. Mais son indiscutable et majeure invention
s'identifie à « l'antifascisme ». Non qu'en Italie les militants
communistes n'aient eu à souffrir du gouvernement de
Mussolini, souvent en prison ou en exil. Mais d'une part les
relations d'État entre Rome et Moscou ont parfaitement
fonctionné jusqu'en 194 1. D'autre part jamais jusqu'au
milieu des années 1930 les communistes n'avaient accepté
d'opérer de distinction entre leurs adversaires effectivement
facsistes, et les démocrates, a fortiori leurs rivaux
« sociaux-traîtres » . « Feu sur le Blum » écrit [le poète]
Aragon. Et surtout la confusion entre les diverses formes de
ce qu'on désigne du terme générique de « fascismes » n'a
été mise en œuvre que très tardivement, et artificiellement,
par la propagande soviétique. Que la bureaucratie mosco
vite* persiste à affubler, aujourd'hui encore l'Allemagne
* cf. sir Neville Henderson Échec d'une mission 1940 pp 137- 138.
** Documents on British Foreign Policy 1919-1939 doc. 69 1 .
LES DEFAITES ET LEURS SOUVENIRS CUISANTS 95
nant un drapeau britannique sur notre sol nous ferait plaisir, nous
n 'avons besoin d'aucun concours pour défendre la frontière
franco-allemande. »
Pendant toute la période qui va de l'automne 1938 au
printemps 1939 , Hitler a compris, quant à lui, que le mail
lon faible de l'alliance occidentale se situe à Paris. Il estime
Daladier à sa juste non-valeur.
Les radicaux-socialistes vont d'ailleurs ruser avec lla
fabrication d'avions que la Perfide Albion demande au gou
vernement français de s'imposer. En gros, on peut estimer à
quelque 12 mois le décalage entre la réalisation de leur pro
gramme par les Anglais et par les Français. La production
britannique d'avions de guerre atteint le niveau mensuel de
400 fin 1938 , équivalent à celui de l'adversaire. De ce côté
ci de la Manche on n'en fabriquera 250 par mois qu'en
novembre 1939. Le résultat se mesurera dans le ciel de
Flandres, de Picardie, de Champagne le 10 mai 1940.
À ce moment précis, le rapport de forces, moins défavo
rable qu'on ne se le représente au plan matériel fait apparaî
tre une relative égalité dans le domaine des blindés (3 000
chars franco-anglais contre 2 800 allemands) et un nombre
comparable de forces terrestres: environ 2 millions d'hom
mes des deux côtés, 144 divisions pour l'occident y com
pris Belgique et Hollande, 14 1 pour l'Allemagne. La répar
tition, et surtout la mobilité de ces forces poseront certes
évidemment problème. Mais la supériorité décisive appar
tient la Luftwaffe et à ses 3 000 bombardiers.
* cf. Beria mon père Plon 1999 note 4 page 117. Ce livre signé de
Sergo Beria vaut particulièrement par l'appareil critique mis en place
par la traductrice Françoise Thom.
LA TRAHISON
seurs ? La raison n'en serait-elle pas dans la faiblesse des États non
agresseurs ? Évidemment non ! Les États démocratiques non agres
seurs, pris ensembles, sont incontestablement plus forts que les États
fascistes tant au point de vue économique que militaire .
Comment expliquer alors les concessions que ces États font systé
matiquement aux agresseurs ? On pourrait expliquer la chose , par
exemple , par la crainte de la révolution , qui peut éclater si les États non
agresseurs entrent en guerre, et si la guerre devient mondiale . Certes,
les politiques bourgeois savent que la première guerre impérialiste
mondiale a abouti à la victoire de la révolution dans un des plus grands
pays. Ils craignent que la deuxième guerre impérialiste mondiale ne
conduise de même à la victoire de la révolution dans un ou plusieurs
pays.
Mais pour le moment, ce n'est pas l'unique motif, ni même le motif
principal. La principal motif, c'est que la majorité des pays non agres
seurs et, en premier lieu, l'Angleterre et la France, ont renoncé à la poli
tique de sécurité collective, à la politique de résistance collective aux
agresseurs ; c'est que ces pays ont passé sur les positions de la non
intervention , de la « neutralité ».
Formellement, on pourrait caractériser la politique de non-interven
tion comme suit : « Que chaque pays se défende contre les agresseurs,
comme il veut et comme il peut, cela ne nous regarde pas ; nous ferons
du commerce et avec les agresseurs et avec leurs victimes ». Or, en réa
lité, la politique de non-intervention signifie encourager l'agression,
donner libre cours à la guerre et, par conséquent , la transformer en
guerre mondiale . La politique de non-intervention trahit la volonté, le
désir de ne pas gêner les agresseurs dans leur noire besogne , de ne pas
empêcher, par exemple, le Japon de s'empêtrer dans une guerre avec la
Chine et mieux encore avec l'Union soviétique ; de ne pas empêcher,
par exemple , l'Allemagne de s'enliser dans les affaires européennes , de
s'empêtrer dans une guerre avec l'Union soviétique ; de laisser les pays
belligérants s'enliser profondément dans le bourbier de la guerre ; de les
encourager sous main ; de les laisser s'affaiblir et s'épuiser mutuelle
ment, et puis, quand ils seront suffisamment affaiblis, - d'entrer en
scène avec des forces fraîches, d'intervenir, naturellement « dans l'inté-
RAPPORT STALINE 121
DOCUMENT 1
Mémorandum du Secrétaire d'État
au Ministère allemand des Affaires Étrangères (Weizsacker)
' L'ambassadeur Merekalov avait présenté ses lettres de créance le 5 juin 1 938.
' Directeur des Relations Commerciales au Ministère allemand des Affaires
Étrangères.
128 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
C'est alors que l'ambassadeur me fit à peu près les déclarations sui
vantes : « La politique russe n'a jamais dévié de la ligne droite. Les
divergences idéologiques n 'ont pour ainsi dire exercé aucune influence
sur les relations russo-italiennes et elles n'ont pas, pour l'Allemagne
non plus, constitué dans le passé une pierre d'achoppement. La Russie
des Soviets n 'a pas exploité contre l'Allemagne les désaccords qui exis
tent aujourd'hui entre elle et les démocraties occidentales et elle n'en a
jamais éprouvé le désir. La Russie ne voit aucune raison de ne pas
entretenir avec l'Allemagne des relations normales, relations qui pour
raient aller en s'améliorant sans cesse. »
C'est par cette remarque, vers laquelle le Russe avait orienté la
conversation , que M. Merekalov termina l'entretien.
Il a l'intention de se rendre à Moscou au cours des jours prochains.
WEIZSACKER
UN PRINTEMPS 1 939 129
DOCUMENT 2
Le Chargé d'Affaires allemand en URSS (Tippelskirch) au Ministère
allemand des Affaires Étrangères
Télégramme N° 61 du 4 mai
Moscou, le 4 mai 1939
8 h 45 du soir
Reçu le 4 mai 1939
10 heures du soir
conspection pour éviter que l'URSS ne fût entraînée dans des conflits.
Molotov (qui n'est pas juif) est considéré comme « l'ami intime et le
collaborateur direct » de Staline.
Sa nomination est manifestement destinée à fournir la garantie que
la politique étrangère restera à l'avenir strictement conforme aux vues
de Staline.
TIPPELSKIRCH
DOCUMENT 3
Mémorandum de l'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
DOCUMENT 4
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Secrétaire
d'État au Ministère allemand des Affaires Étrangères (Weizsiiker)
tion en tant que geste politique et qu'il désire que nous lui fassions des
propositions politiques de plus grande envergure. Nous devons être
d'une extrême circonspection sur ce point , tant qu'il n'est pas certain
que des propositions éventuelles de notre part ne seraient pas utilisées
par le Kremlin exclusivement en vue de faire pression sur l'Angleterre
et la France. D'un autre côté, si nous sommes désireux d'aboutir ici à un
résultat, il est inévitable que nous prenions tôt ou tard une initiative
quelconque.
Il est extraordinairement difficile d'apprendre ici quoi que ce soit
sur le déroulement des négociations anglo-franco-soviétiques. Mon
collègue britannique qui est manifestement le seul à Moscou à déployer
une activité à cet égard (il se faisait précisément annoncer chez
M. Potemkine au moment où je rendais visite à ce dernier) est discret
comme la tombe. Les diplomates neutres eux-mêmes n'ont rien pu
apprendre.
Mon collègue français s'est absenté quelque temps. Le Conseiller
d'ambassade, chargé d'Affaires par intérim, nous a demandé ces jours
ci un visa de transit, ce qui semble indiquer qu'il va lui aussi quitter
Moscou à bref délai. S'il est exact que la France ait maintenant l'inten
tion de renouer les négociations relatives à l'« alliance » franco-anglo
soviétique , ces négociations pourraient bien avoir lieu non point à
Moscou, mais à Paris.
Mon collègue italien est d'avis que l'URSS n'aliénera pas sa liberté
de mener des négociations indépendantes que si l'Angleterre et la
France lui accordent un traité d'alliance totale.
On entend souvent dire à Moscou (j'ignore si ces bruits sont exacts),
que l'une des principales raisons qui font hésiter l'Angleterre à accepter
les propositions soviétiques relatives à une alliance militaire, a trait à la
question japonaise.
Londres craint, en garantissant la défense de toutes les frontières
soviétiques, de précipiter le Japon dans nos bras. Si le Japon se jetait
dans nos bras de son propre gré, cette considération deviendrait sans
objet en ce qui concerne l'Angleterre.
Veuillez agréer, Monsieur Von Weizsacker, les assurances de mes
sentiments les plus respectueux. Heil Hitler !
SCHULENBURG
134 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT S
le Secrétaire d'État au Ministère allemand des Affaires Étrangères
(Weizsacker) à l'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg).
Télégramme
Très urgent N° 101
Berlin, le 30 mai 1939.
Pour l'ambassadeur
Pour information.
Contrairement aux plans politiques précédemment établis, nous
avons maintenant résolu d'engager des négociations précises avec
l'Union Soviétique. En conséquence, en l'absence de l'ambassadeur. j'ai
demandé à Astakhov, le Chargé d'Affaires, de passer me voir aujour
d'hui. La requête des Soviets demandant le maintien de leur mission
commerciale à Prague en tant qu'organisme rattaché à la Mission com
merciale de Berlin a fourni le point de départ de notre entretien. Étant
donné que la demande russe soulève une question politique, le Ministre
des Affaires Étrangères du Reich l'a examinée de son côté et il a étudié
l'affaire avec le Führer. Comme je lui demandais si le maintien de la
mission commerciale à Prague impliquait un établissement permanent
ou seulement une prolongation pour une période déterminée, le Chargé
d'Affaires fit observer que, de son point de vue personnel, il semblait
extrêmement probable que le Gouvernement des Soviets ait en vue un
arrangement présentant un caractère permanent. Je répondis que ce ne
serait pas chose facile pour nous que d'accorder l'autorisation relative
au maintien de la mission commerciale à Prague, étant donné que l'am
bassadeur comte Schulenburg venait précisément de recevoir de
Molotov une déclaration assez peu encourageante au sujet de l'état de
nos relations en général. Le Chargé d'Affaires, manquant d'instructions
plus précises, interpréta le sens de l'entretien qui avait eu lieu entre le
comte Schulenburg et Molotov, dont il était informé, comme l'indica
tion du fait que l'on était désireux, à Moscou, d'éviter un retour des évé
nements tels qu'ils s'étaient déroulés en janvier dernier. Dans l'esprit de
Molotov, les questions politiques et économiques faisant l'objet de nos
relations ne pouvaient être complètement scindées.
Entre les deux questions considérées d'un point de vue positif, il
UN PRINTEMPS 1 939 135
DOCUMENT 6
' Cette phrase est soulignée et il existe une mention marginale de la main de
Ribbentrop « Affaire classée ».
2
Cette phrase est soulignée et elle est commentée en marge par deux points
d'exclamation « ! ! » .
UN PRINTEMPS 1 939 139
Dans aucun de ces trois points , il n'est indiqué que les prétentions
de l'Union Soviétique portent exclusivement sur l'Europe. Quant à
!'Extrême-Orient, à la vérité, il n'en est pas fait mention , mais il n'est
pas impossible qu'il soit inclus dans un règlement. Pour autant que je
sache, néanmoins, la Grande-Bretagne est désireuse de n'assumer de
nouvelles obligations qu'en Europe seulement. De nouvelles polé
miques peuvent résulter de cette prétention, si la garantie des États
Baltes est réalisée. La Russie soviétique est pleine de méfiance à notre
endroit, mais elle n'a pas non plus une confiance illimitée dans les puis
sances démocratiques. La méfiance s'éveille facilement à Moscou et,
une fois éveillée, il est extrêmement difficile de l'endormir de nouveau.
Il est significatif que Molotov, parlant des relations avec
l'Angleterre, n'ait pas fait état des invitations adressées par le
Gouvernement britannique à Mikoyan et, récemment, également à
Vorochilov, à la suite de la visite à Moscou de M. Hudson.
Je tiens d'une source généralement bien informée que si
M. Potemkine a été envoyé à Ankara avec cette précipitation, c'était
pour empêcher la Turquie de signer un accord avec l'Angleterre.
M. Potemkine a empêché la signature du traité, mais non point sa
« déclaration ». On dit que le Gouvernement soviétique n'est pas hos
tile, en principe, à un accord anglo-turc, mais qu'il attache de l'impor
tance à ce que la Turquie, au lieu de se précipiter tête baissée, agisse
dans le même temps et dans les mêmes formes que l'Union Soviétique.
Les tout derniers incidents à la frontière de la Mongolie et de la
Mandchourie semblent avoir présenté un certain caractère de gravité.
Selon des nouvelles de source japonaise, les « Mongols » ont mis, le
28 mai, cent avions en action, et les Japonais prétendent en avoir abattu
quarante-deux. Ils déclarent en avoir abattu auparavant dix-sept autres.
À mon sens, les Soviets portent la responsabilité de ces graves inci
dents, derrière lesquels se dissimule l'aide apportée à la Chine, car ils
ont pour but d'empêcher les Japonais de retirer de Mandchourie leurs
très forts contingents de troupes pour les transporter en Chine.
Veuillez agréer les assurances de ma respectueuse considération et
me croire, Mon Cher Monsieur von Weizsacker, Votre bien dévoué,
Heil Hitler !
SCHULENBURG
140 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT ?
WÔRMANN
DOCUMENT 8
Ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères.
Télégramme
N° 113 du 27 juin Moscou, le 27 juin 1939 5 h 42 du soir
Reçu le 27 juin 1939 8 h 30 du soir.
Référence : votre télégramme du 26, N° 132 1
1
Mention manuscrite
142 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
SCHULENBURG
DOCUMENT 9
Mémorandum du Ministère des Affaires Étrangères
de quelques jours.
J'ai mis, par téléphone, le Ministre des Affaires Étrangères du Reich
au courant de ces faits et je transmets la présente note uniquement pour
servir d'aide-mémoire au fonctionnaire compétent qui s'entretiendra de
cette question avec le Ministre.
HEWEL
DOCUMENT 10
Le Conseiller à l'ambassade d'Allemagne en URSS (Tippelskirch) à
l'ambassadeur de l'URSS (Schulenburg).
1
Membre de l'ambassade d'Allemagne à Moscou.
144 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 1 1
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères.
Télégramme,
Urgent
N° 1 36 du 22 juillet.
Moscou, le 22 juillet 1 939 1 h 07 du soir.
Reçu le 22 juillet 1 939 1 h 35 du soir.
Toute la presse soviétique d'aujourd'hui publie le compte rendu sui
vant sous le titre Au Commissariat au Commerce extérieur :
« Les négociations germano-soviétiques relatives au com
merce et au crédit ont récemment repris. Les négociations sont
dirigées par Babarine, Représentant commercial Adjoint à Berlin,
pour le Commissariat au Commerce extérieur, et par Schnurre
pour les Allemands. »
SCHULENBURG
146 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 1 2
vitaux des deux parties. Ce troisième stade ne me paraît pas hors d'at
teinte, car il n'existe à mon sens, sur tout l'espace qui s'étend de la
Baltique à la Mer Noire et jusqu'à !'Extrême-Orient, aucun différend
relatif à des questions de politique étrangère susceptible d'empêcher
l'existence de relations amicales entre les deux pays. En outre, en dépit
de toutes les divergences de conceptions philosophiques, il existait un
lien entre les idéologies allemande, italienne et soviétique : l'opposition
aux démocraties capitalistes. Ni l'Allemagne, ni l'Italie ne présentaient
aucun trait commun avec le capitalisme occidental. En conséquence, il
nous semblerait tout à fait paradoxal que l'Union Soviétique, État
socialiste, se rangeât du côté des démocraties occidentales.
2) Chaleureusement approuvé par Babarine, Astakhov définit le
rapprochement avec l 'Allemagne comme le seul moyen susceptible de
servir les intérêts vitaux des deux pays. Toutefois, il souligna que l'évo
lution serait probablement très lente et progressive. L'Union Soviétique
avait nécessairement senti peser sur elle une très grave menace du fait
de la politique étrangère du national-socialisme. Nous avions à juste
titre défini notre situation politique actuelle comme un encerclement.
C'est exactement sous cet aspect que l'Union Soviétique avait envisagé
la situation politique après les événements de septembre dernier.
Astakhov fit allusion au Pacte anti-Komintern et à nos relations avec le
Japon, aux accords de Munich, qui nous laissaient les mains libres en
Europe Orientale, et dont les conséquences politiques ne manqueraient
pas d'atteindre l'Union Soviétique. Le fait que nous affirmions haute
ment que les Pays Baltes et la Finlande se trouvaient, comme la
Roumanie, situés dans notre sphère d'intérêts, finissait de donner au
Gouvernement soviétique le sentiment d'être menacé.
Moscou ne pouvait pas croire sincèrement à un renversement de la
politique allemande à l'égard de l'Union Soviétique. On ne pouvait s'at
tendre qu'à une évolution progressive.
3) Je fis ressortir dans ma réponse que la politique orientale de
l'Allemagne avait pris dans l'intervalle un cours totalement différent.
De notre côté, il ne pouvait être question de menacer l'Union
Soviétique ; nos aspirations étaient orientées dans une tout autre direc
tion. C'est Molotov lui-même qui, dans son dernier discours, avait
défini le Pacte anti-Komintern comme le camouflage d'une alliance
148 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
économique, nous avions des visées politiques d'une plus grande portée
sur ces pays.
Il reprit aussi avec insistance la question roumaine.
Quant à la Pologne, il déclara que Dantzig ferait, de toute façon,
retour au Reich et que la question du Couloir devrait être, d'une façon
ou d'une autre, résolue en faveur du Reich.
Il me demanda si les territoires ayant appartenu à l'ancienne
Autriche n'inclinaient pas également vers l'Allemagne, en particulier la
Galicie et les territoires de l'Ukraine.
Après avoir exposé l'état de nos relations commerciales avec les
Pays Baltes, je me bornai à déclarer qu'aucun conflit d'intérêts entre
l'Allemagne et la Russie ne résulterait de toutes ces questions.
Bien plus, le règlement de la question ukrainienne avait montré que
nous n'avions dans ce domaine aucune visée susceptible de menacer les
intérêts soviétiques.
5) Il y eut une discussion assez longue sur la question de savoir
pourquoi le national-socialisme avait cherché à s'attirer l 'inimitié de
l'Union Soviétique en matière de politique extérieure. Voilà ce que l'on
n'avait jamais pu comprendre à Moscou, où l'on avait toujours eu la
plus grande compréhension pour l'opposition au communisme sur le
plan intérieur.
Je saisis l'occasion pour exposer en détail nos vues sur l'évolution
du bolchevisme russe au cours des dernières années.
L'antagonisme du national-socialisme découlait tout naturellement
de la lutte contre le Parti communiste allemand, qui prenait ses ordres
à Moscou et n'était qu'un instrument du Komintern.
Il y avait longtemps que la lutte contre le Parti communiste alle
mand était achevée.
Le communisme avait été extirpé d'Allemagne. L'importance du
Komintern avait été rejetée dans l'ombre par le Bureau politique, au
sein duquel on suivait aujourd'hui une politique entièrement différente
de celle qui inspirait le Komintern à l'époque de sa prépondérance.
L'intégration du bolchevisme dans le processus historique de la
nation russe, qui trouvait son expression dans la glorification des
grands hommes et des grandes dates de la Russie (célébration de la
bataille de Poltava, de Pierre le Grand, de la bataille du lac Peïpous,
150 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
SCHNURRE
UN PRINTEMPS 1 939 15 1
DOCUMENT 13
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère
allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
les Pays Baltes avait établi la preuve que nous étions décidés à res
pecter leur intégrité et que nos revendications bien connues sur la
Pologne ne portaient aucun préjudice aux intérêts soviétiques.
En conséquence, nous pensions qu'il était tout à fait possible de
concilier nos intérêts et nous demandions au Gouvernement soviétique
de nous donner son opinion sur cette question.
Molotov répondit point par point, et avec assez de détails.
Il déclara que le Gouvernement soviétique avait toujours été dési
reux de conclure un accord économique et que, si l'Allemagne était
animée d'un pareil désir, il estimait que les perspectives d'aboutir à un
accord économique étaient entièrement favorables.
Pour autant que l'attitude de la presse soviétique fût mise en ques
tion, il considérait nos reproches, à quelques exceptions près , comme
injustifiés.
Toutefois, il était d'avis que la presse des deux pays devait s'abstenir
de toute initiative susceptible d'envenimer leurs relations. Il estimait
nécessaire et opportune la reprise progressive des relations culturelles
et pensait qu'un grand pas avait déjà été fait dans la voie de l'améliora
tion.
Passant alors à la question des relations politiques, M. Molotov
déclara que le Gouvernement soviétique désirait lui aussi une normali
sation et une amélioration de nos relations mutuelles.
Ce n'était pas de sa faute si les relations avaient empiré de la sorte .
La principale cause à ses yeux en résidait dans la conclusion du
Pacte anti-Komintern et dans tout ce qui avait été dit et fait à ce propos.
Comme j'objectai que le Pacte anti-Komintern n 'était pas dirigé
contre l'Union Soviétique et avait été défini le 31 mai par Molotov lui
même comme une alliance contre les démocraties occidentales,
Molotov répliqua que le Pacte anti-Komintern n'en avait pas moins
encouragé le Japon dans son attitude agressive à l'endroit de l'Union
Soviétique.
En second lieu, l'Allemagne avait soutenu le Japon et, en troisième
lieu, le Gouvernement allemand avait montré à diverses reprises qu'il
ne participerait à aucune des conférences internationales auxquelles
participait l'Union Soviétique.
À l'appui de ses assertions, M. Molotov cita la rencontre de Munich.
UN PRINTEMPS 1 939 153
DOCUMENT 14
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Conseiller de
Légation Schliep, du Ministère allemand des Affaires Étrangères
Moscou, le 7 août 1939
Cher Conseiller de Légation Schliep,
Mes plus sincères remerciements pour votre lettre du 2 courant
[Non imprimée] et l'intéressante pièce qui y était jointe.
En fait, j'ai reçu, dans l'intervalle, les instructions télégraphiques
UN PRINTEMPS 1 939 155
cette question.
Parlant de l'attitude des Soviets à l'égard des questions baltes, le
Chargé d'Affaires d'Estonie à Moscou évoqua la possibilité pour
l'Allemagne de garantir l'indépendance de la Lettonie et de l'Estonie,
ainsi qu'elle l'avait fait pour la Belgique.
Je suis d'avis que les Soviets ne désirent plus nous voir donner une
telle garantie.
Le Général Kôstring, qui est allé passer quelques jours à Berlin ,
vous rendra visite et vous donnera les nouvelles d'ici. J'espère qu'il l'a
déjà fait.
Nous sommes très curieux de savoir quelles nouvelles il nous
apportera de Berlin.
Nous attendons avec la même impatience l'arrivée de M. von
Tippelskirch.
J'espère que les trois Allemands qui doivent visiter l'exposition
agricole de Moscou, sur l'invitation du Gouvernement soviétique , arri
veront sous peu.
L'exposition vaut réellement la peine d'être vue (d'un grandiose stu
péfiant).
Ne conviendrait-il pas d'inviter le Gouvernement soviétique à la
Foire de Kônigsberg qui doit se tenir à Pâques ?
Il est évidemment trop tard pour que l'Union Soviétique y participe
et envoie des articles à exposer à la Foire ; mais en remerciement de
l'invitation à !'Exposition agricole, nous pourrions au moins inviter
deux représentants soviétiques à visiter la Foire. Ici , il continue à faire
une chaleur effrayante.
J'aime encore mieux cela que la pluie et la boue habituelles.
Avec tous mes hommages pour votre femme et mes salutations pour
vous-même, je reste , Cher Monsieur Schliep,
Sincèrement vôtre.
Heil Hitler !
COMTE VON DER SCHULENBURG
LA SIGNATURE
DOCUMENT 1 5
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich à l'ambassadeur
d'Allemagne en URSS (Schulenburg).
Télégramme
Extrême urgence
N° 1 75 du 14 août.
Berlin, le 14 août 1 939
1 0 h 53 du soir.
Reçu à Moscou le 1 5 août 1 939
4 h 40 du matin.
DOCUMENT 15
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich à l'ambassadeur
d'Allemagne en URSS (Schulenburg).
Télégramme
Extrême urgence
N° 175 du 14 août.
Berlin, le 14 août 1939
10 h 53 du soir.
Reçu à Moscou le 15 août 1939
4 h 40 du matin.
DOCUMENT 16
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Secrétaire
d'État aux Affaires Étrangères (Weizsacker).
DOCUMENT 1 7
Télégramme
Urgent
N° 1 79 du 16 août,
Berlin, le 16 août 1 939
4h 15 du soir.
Reçu à Moscou le 1 7 août 1 939
l h du matin.
SCHULENBURG
DOCUMENT 19
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère des Affaires Étrangères du Reich
Télégramme
Très urgent. N° 187 du 19 août.
Moscou, le 19 août 1939, 5 h 50 du soir
Référence à votre télégramme N° 185 du 18 août
Le Gouvernement soviétique accepte que le Ministre des Affaires
168 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
SCHULENBURG
DOCUMENT 20
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère des
Affaires Étrangères du Reich
Télégramme
Très urgent. Secret. N° 190 du 19 ao0t.
Moscou, le 19 aoOt 1939,
11 h30 du soir
DOCUMENT 21
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich
à l'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
Télégramme
Très urgent
N° 189 du 20 août. Berlin, le 20 août 1939, 4h35 du soir
Reçu à Moscou le 2 1 août 1939, 0h45 du matin
Pour l'ambassadeur personnellement.
Le Führer vous autorise à vous rendre immédiatement chez Molotov
et à lui remettre le télégramme suivant du Führer à M. Staline :
« Monsieur Staline, Moscou.
1) C'est avec un sincère plaisir que j'accueille la signature du
nouvel Accord Commercial germano-soviétique comme le pre
mier pas vers la normalisation des relations germano-soviétiques.
2) La conclusion d'un pacte de non-agression avec l'Union
Soviétique signifie pour moi l'établissement d'une politique alle-
170 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 22
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère des Affaires Étrangères du Reich
Télégramme
Très urgent. Secret. N° 199 du 21 août
Moscou, le 21 août 1939
En complément de mon télégramme N° 197 du 21 août, Molotov
m'a remis à 5 heures du soir la réponse de Staline, conçue dans des
termes très conciliants, au message du Führer. Staline fait savoir que le
Gouvernement soviétique accepte que le Ministre des Affaires Étran
gères du Reich arrive le 23 août.
Molotov a déclaré que le Gouvernement soviétique désirait que fût
publié à Moscou, demain matin au plus tard , un bref communiqué
objectif, relatif à la conclusion projetée d'un pacte de non-agression et
à l'arrivée « imminente » du Ministre des Affaires Étrangères du Reich.
Molotov demandait que le Gouvernement allemand fit parvenir avant
minuit son accord à ce sujet. Je conseille de donner notre consente
ment, étant donné que par cette publication, le Gouvernement sovié
tique prend officiellement position.
Je transmets immédiatement par télégramme le texte de la lettre de
Staline.
SCHULENBURG
DOCUMENT 23
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère des
Affaires Étrangères du Reich.
Télégramme
Très urgent. Secret. N° 200 du 21 août
Moscou, le 21 août 1939,
7h30 du soir
En complément de mon télégramme N° 199 du 21 août
Texte de la réponse de Staline :
« 21 août 1939. Au Chancelier du Reich allemand, Adolf
Hitler. Je vous remercie de votre lettre. J'espère que le pacte de
non-agression germano-soviétique marquera un tournant favo
rable dans les relations politiques entre nos deux pays.
172 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 24
Mémorandum au sujet d'une conversation qui s'est déroulée dans la
nuit du 23 au 24 août entre le Ministre des Affaires Étrangères du
Reich d'une part, et M. Staline et Molotov, Président du Conseil des
Commissaires du Peuple, d'autre part
dans les relations soviéto-japonaise était utile, mais qu'il ne voulait pas
que les Japonais eussent l'impression que l'initiative dans ce sens avait
été prise par l'Union Soviétique.
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich se déclara d'accord à
ce sujet et insista sur le fait que sa coopération consisterait simplement
à poursuivre les conversations qu'il avait depuis des mois avec l'ambas
sadeur du Japon à Berlin en vue d'une amélioration des relations
soviéto-japonaises. En conséquence, il n'y aurait, du côté allemand,
aucune initiative nouvelle à ce sujet.
2) Italie :
M. Staline s'informa auprès du Ministre des Affaires Étrangères du
Reich, des objectifs de l'Italie. L'Italie, demanda-t-il, n'avait-elle pas de
visées allant au-delà de l'annexion de l'Albanie, peut-être sur le terri
toire grec ? La petite Albanie, montagneuse et peu peuplée, ne présen
tait, à son avis, aucune utilité particulière pour l'Italie.
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich répondit que l'Albanie
était importante pour l'Italie du point de vue stratégique. Il ajouta qu'en
outre, Mussolini était un homme énergique qui ne se laisserait pas inti
mider.
Il l'avait démontré lors de la guerre d'Éthiopie dans laquelle il avait
atteint ses objectifs par ses propres moyens contre une coalition hostile.
L'Allemagne elle-même n'était pas encore en mesure, à cette époque,
d'apporter à l'Italie une aide appréciable.
Le Ministre allemand signala que Mussolini accueillait chaleureu
sement le rétablissement de relations amicales entre l'Allemagne et
l'Union Soviétique. Il s'était déclaré enchanté de la conclusion du Pacte
de non-agression.
3) Turquie :
M. Staline demanda au Ministre des Affaires Étrangères du Reich
ce que l'Allemagne pensait de la Turquie.
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich s'exprima à ce sujet
dans les termes suivants : il avait déclaré, plusieurs mois auparavant, au
Gouvernement turc que l'Allemagne désirait entretenir des relations
amicales avec la Turquie. Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich
avait lui-même tout fait pour atteindre ce but. Le résultat avait été que
la Turquie avait été l'un des premiers pays à adhérer au pacte d'encer-
174 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
HENCKE
LA MISE EN ŒUVRE
DOCUMENT 25
Lettre de Hitler à Mussolini, en date du 25 août 1939
Duce,
Depuis un certain temps, l'Allemagne et la Russie procèdent à un
échange de vues concernant une nouvelle attitude de part et d'autre
relativement à leurs relations politiques.
La nécessité de parvenir à des conclusions de ce genre a été accrue
par :
1) La situation générale de la politique mondiale en tant qu'elle
affectait chacune des deux Puissances de l'Axe.
2) La nécessité d'obtenir du Cabinet japonais une nette prise de
position. Le Japon consentirait probablement à conclure une alliance
contre la Russie, ce qui, dans les circonstances présentes, présenterait
seulement un intérêt secondaire pour l'Allemagne , et, selon moi , aussi
pour l'Italie. Mais il n'assumerait pas d'obligations précises à l'encontre
de l'Angleterre, ce qui, du point de vue non seulement de l'Allemagne,
mais aussi de l'Italie, avait une importance décisive. L'intention des
militaires d'obliger, à bref délai , le Gouvernement japonais à adopter
une attitude aussi claire à l'égard de l'Angleterre avait été exprimée il y
a des mois, mais elle n'a jamais été réalisée dans la pratique.
3) Les relations de l'Allemagne avec la Pologne sont, sans que la
faute en incombe au Reich , mais du fait de l'activité de l'Angleterre,
devenues considérablement plus mauvaises depuis le printemps, et, au
cours de ces dernières semaines, la situation est devenue absolument
intolérable. Les rapports relatifs aux persécutions infligées aux
Allemands dans les zones frontières ne sont pas des rapports de presse
inventés, mais ne constituent au contraire qu'une fraction de la terrible
vérité. La politique douanière de la Pologne , aboutissant à l'étrangle-
180 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
immédiatement.
La déclaration du Gouvernement polonais selon laquelle il ne serait
pas responsable de ces procédés inhumains ni des nombreux incidents
de frontière (la nuit dernière seulement, les Polonais ont commis vingt
et une violations de frontière), ni du tir ouvert sur les avions allemands
qui, afin d'éviter des incidents, avaient déjà reçu l'ordre de survoler la
mer pour se rendre en Prusse Orientale, montre seulement que le
Gouvernement polonais n'a plus d'autorité sur sa soldatesque surexci
table.
Depuis hier, Dantzig est bloquée par des troupes polonaises, ce qui
constitue une situation intolérable.
Dans ces conditions, personne ne peut dire ce que l'heure qui vient
peut apporter.
Je puis seulement vous assurer qu'il y a une limite au-delà de
laquelle je ne me laisserai entraîner en aucun cas.
En conclusion, je puis vous affirmer, Duce, que dans une situation
analogue, j'aurais à l'égard de l'Italie une entière compréhension et que,
dans n'importe quel cas de ce genre, vous pouvez être sOr de mon atti
tude.
ADOLF HITLER
DOCUMENT 26
Lettre de Mussolini à Hitler, en date du 25 août 19391
Führer,
une tension quelconque des relations avec le Japon parce que cela
entraînerait le retour du Japon à une position toute proche de celle des
puissances démocratiques. Obéissant à cette préoccupation ,j'ai télégra
phié à Tokyo et il apparaît que, une fois la première surprise de l'opi
nion publique passée , un meilleur état d'esprit prévaut.
3) Le traité de Moscou bloque la Roumanie et peut modifier la posi
tion de la Turquie qui a accepté le prêt anglais mais qui n'a pas encore
signé le traité d'alliance. Un changement d'attitude de la part de la
Turquie bouleverserait tous les plans stratégiques des Français et des
Anglais en Méditerranée orientale.
4) En ce qui concerne la Pologne, j'ai une entière compréhension
pour la position allemande et pour le fait que des relations aussi tendues
ne peuvent durer indéfiniment.
5) En ce qui concerne la position pratique de l'Italie en cas de
conflit militaire, mon point de vue est le suivant :
- Si l'Allemagne attaque la Pologne et que le conflit reste localisé,
l'Italie prêtera à l'Allemagne toute forme d'assistance politique et éco
nomique requise.
- Si l'Allemagne attaque et que les Alliés de la Pologne déclenchent
une contre-attaque contre l'Allemagne, je désire vous faire connaître à
l'avance qu'il vaudrait mieux que je ne prenne pas l'initiative en matière
d'activités militaires, étant donné l'état actuel des préparatifs de guerre
italiens, chose que nous avons antérieurement exposée à plusieurs
reprises à vous-même , Führer, et à M. von Ribbentrop.
Par conséquent, notre intervention pourra se produire immédiate
ment si l'Allemagne nous livre sans délai le matériel militaire et les
matières premières nécessaires pour résister à l'attaque que les Français
et spécialement les Anglais déclencheraient contre nous.
Lors de nos entrevues, la guerre était envisagée pour une date pos
térieure à 1942 et à cette époque, j'aurais été prêt sur terre, sur mer et
dans les airs, conformément aux plans qui avaient été adoptés.
Je suis également d'avis que les préparatifs purement militaires qui
ont déjà été réalisés et les autres préparatifs qui seront entrepris en
Europe et en Afrique auront pour effet d'immobiliser d'importantes
forces françaises et britanniques.
Je considère qu'en tant que votre ami fidèle , il est absolument de
LA MISE EN ŒUVRE 183
DOCUMENT 27
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich à l'ambassadeur
d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
Télégramme Très urgent !
Rigoureusement secret. N° 253 du 3 septembre
Berlin, le 3 septembre 1939,6h 50 du soir
Reçu à Moscou le 4 septembre 1939 0h30 du matin
Pour l'ambassadeur exclusivement. Pour le Chef de Mission ou son
représentant personnellement.
Secret absolu. Doit être déchiffré par ses propres soins. Secret le
plus absolu. Nous comptons fermement avoir battu l'Armée polonaise
d'une manière décisive dans quelques semaines. Nous occuperons alors
militairement la zone qui a été fixée à Moscou comme zone d'intérêts
de l'Allemagne. Mais il nous faudrait aussi, naturellement, pour des rai
sons d'ordre militaire, poursuivre notre action contre les forces mili
taires polonaises qui se trouvent actuellement dans la partie de la
Pologne comprise dans la zone d'intérêts de la Russie.
Veuillez discuter immédiatement cette question avec Molotov et
voyez si l'Union Soviétique n'estime pas désirable que les forces russes
marchent, en temps opportun, contre les forces polonaises se trouvant
dans la zone de la Russie et occupent ce territoire pour le compte de la
Russie. À notre avis, cette façon de procéder, non seulement constitue
rait une aide pour nous, mais encore correspondrait également aux inté
rêts soviétiques, au sens des accords de Moscou.
À cet égard, veuillez vous informer sur le point de savoir si nous
pouvons discuter cette question avec les officiers qui viennent d'arriver
ici et quelle position le Gouvernement soviétique se propose d'adopter.
RIBBENTROP
184 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 28
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère
allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Pol. V 8924.
N° 279 du 6 septembre.
Moscou, le 6 septembre 1 939,
5 h46 du soir
Reçu le 6 septembre 1 939,
8 h 1 5 du soir
Référence à votre télégramme N° 267 du 5.
Étant donné que la crainte de la guerre, et plus particulièrement la
peur d'une attaque allemande, avaient fortement influencé ici la popu
lation au cours de ces dernières années, la conclusion d'un pacte de
non-agression avec l'Allemagne a été généralement accueillie avec
beaucoup de soulagement et de satisfaction.
Toutefois, le brusque changement intervenu dans la politique du
Gouvernement soviétique, après des années de propagande dirigée
contre les agresseurs allemands, n'est pas encore bien compris de la
population.
En particulier, les déclarations d'agitateurs politiques, selon les
quelles l'Allemagne n'est plus désormais un agresseur, sont accueillies
avec énormément de doute.
Le Gouvernement soviétique fait tout pour modifier ici les senti
ments de la population à l'égard de l'Allemagne. La presse est comme
transformée.
Non seulement les attaques contre la conduite de l'Allemagne ont
complètement cessé, mais encore l'analyse des événements en matière
de politique étrangère est basée dans une très large mesure sur des
comptes-rendus allemands et les publications anti-allemandes ont été
retirées du commerce, etc.
L'ouverture des hostilités entre l'Allemagne et la Pologne a forte
ment affecté l'opinion publique de ce pays et a suscité dans beaucoup
de milieux une nouvelle crainte de voir l'Union Soviétique éventuelle
ment entraînée dans la guerre.
LA MISE EN ŒUVRE 185
SCHULENBURG
DOCUMENT 29
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Très urgent.
N° 300 du 8 septembre
SCHULENBURG
186 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 30
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère
allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Très urgent.
Rigoureusement secret.
N° 308 du 9 septembre.
Moscou, le 9 septembre 1939,
4 h 10 du soir.
Référence à votre télégramme N° 300 du 8 septembre.
Molotov m'a dit aujourd'hui à 3 heures de l'après-midi, qu'une
action militaire soviétique aurait lieu au cours des prochains jours. La
convocation à Moscou de !'Attaché militaire était effectivement en cor
rélation avec l'action prévue. De nombreux réservistes seraient égale
ment rappelés.
SCHULENBURG
DOCUMENT 31
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère
allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Très urgent.
Rigoureusement secret.
N° 3 17 du 10 septembre.
Moscou, le 10 septembre 1939,
9 h 40 du soir
SCHULENBURG
188 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 32
Télégramme
Très urgent.
Rigoureusement confidentiel.
N° 350 du 14 septembre.
Moscou, le 14 septembre 1939,
6 heures du soir
DOCUMENT 33
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich à l'ambassadeur
d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
Télégramme
Très urgent.
Rigoureusement confidentiel.
N° 360 du 15 septembre. Berlin, le 15 septembre 1939,
8 h 20 du soir.
Reçu à Moscou, le 16 septembre 1939,
7 h 15 du matin
Gouvernement soviétique.
4) Pour justifier sur le plan politique l'intervention de l'armée sovié
tique, nous proposons la publication du communiqué commun ci
après :
« Eu égard à l'effondrement complet de l'ancien régime de
gouvernement en Pologne , le Gouvernement du Reich et le
Gouvernement de l'URSS, considèrent qu'il est nécessaire de
mettre fin aux intolérables conditions politiques et économiques
qui existent dans ces territoires. Ils considèrent qu'il est de leur
devoir commun de rétablir la paix et l'ordre dans ces régions qui,
naturellement, présentent un intérêt pour eux, et d'instaurer un
ordre nouveau en créant des frontières naturelles et des organisa
tions économiques viables. »
5) En proposant ce communiqué, nous présumons que le
Gouvernement soviétique a déjà abandonné l'idée, exprimée par
Molotov dans une conversation antérieure avec vous, de justifier l'ac
tion soviétique en alléguant que les populations ukrainiennes et biélo
russes sont menacées par l'Allemagne. Le recours à un motif de ce
genre serait hors de propos dans la pratique. Il serait directement
contraire aux intentions réelles des Allemands, lesquelles visent exclu
sivement à établir les zones d'influence allemande qui sont bien
connues. Cette façon de procéder serait également en contradiction
avec les accords de Moscou et aurait, finalement, pour résultat, contrai
rement au désir exprimé par les deux pays de voir s'établir entre eux des
relations amicales, d'opposer les deux États à la face du monde en
ennemis.
6) Étant donné que les opérations militaires doivent être terminées
le plus tôt possible en raison de l'état avancé de la saison, nous serions
heureux que le Gouvernement soviétique veuille bien fixer le jour et
l'heure auxquels son armée entrera en action, de telle sorte que nous
puissions prendre nos dispositions en conséquence. En vue de la coor
dination des opérations militaires de part et d'autre, il est également
nécessaire qu'un représentant de chaque Gouvernement, ainsi que des
officiers allemands et russes en service dans la zone d'opérations, se
réunissent pour prendre les mesures nécessaires, et nous proposons que
la réunion se tienne à Bialystock où les intéressés se rendront par avion.
LA MISE EN ŒUVRE 191
RIBBENTROP
DOCUMENT 34
Télégramme
Très urgent.
Rigoureusement secret.
N° 371 du 16 septembre.
Moscou, le 16 septembre 1939
fuser par la radio, la presse , etc., les arguments ci-dessus, dès que
l'Armée Rouge aurait franchi la frontière, et de les communiquer en
même temps, dans une note officielle, à l'ambassadeur de Pologne à
Moscou et à toutes les autres missions diplomatiques de cette ville.
Molotov admit que l'argument que le Gouvernement soviétique se
proposait d'invoquer contenait un point qui heurtait les sensibilités alle
mandes, mais demanda que, eu égard à la situation difficile du
Gouvernement soviétique, nous ne nous laissions pas arrêter par une
futilité de ce genre.
Il dit que le Gouvernement soviétique ne voyait malheureusement
aucune possibilité de motiver autrement son intervention, étant donné
que l'Union Soviétique ne s'était pas jusqu'alors préoccupée du sort de
ses minorités en Pologne et qu'il lui fallait justifier à l'étranger, d'une
façon ou d'une autre, son intervention actuelle.
En conclusion, Molotov demanda avec insistance, à être informé du
sort qui serait réservé à Wilno.
Il précisa que le Gouvernement soviétique tenait absolument à
éviter des heurts avec laLituanie et qu'il désirerait, par suite, savoir si
un accord avait été réalisé avec ce pays au sujet de la région de Wilno,
et apprendre, en particulier, qui devait occuper la ville.
SCHULENBURG
DOCUMENT 35
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères,
Télégramme
Très urgent.
Secret.
N° 372 du 17 septembre. Moscou, le 1 7 septembre 1939
à Kamenetz-Podolsk.
Staline demanda avec insistance, afin d'éviter des incidents, que
nous veillions à ce qu'à partir d'aujourd'hui les avions allemands ne sur
volent pas les territoires situés à l'Est de la ligne Bialystok-Brest
Litovsk-Lemberg.
Il ajouta que les avions soviétiques commenceraient aujourd'hui à
bombarder la région située à l'Est de Lemberg.
Je promis de faire tout mon possible pour informer-l'Armée de l'Air
allemande, mais je demandai qu'en raison de la brièveté du délai qui
m'était imparti, les avions soviétiques ne s'approchent pas aujourd'hui
trop près de la ligne susmentionnée.
La commission soviétique arrivera à Bialystok demain ou après
demain au plus tard.
Staline me lut une note qui doit être remise ce soir à l'ambassadeur
de Pologne et dont une copie doit être envoyée dans le courant de la
journée à toutes les missions, et ensuite publiée. La note comprend une
justification de l'action soviétique. Le projet qui m'a été lu comporte
trois points qui sont inacceptables pour nous.
En réponse à mes objections, Staline a, avec la plus extrême bonne
volonté, modifié le texte de telle sorte qu'il paraît maintenant satisfai
sant pour nous. Staline déclara que la publication d'un communiqué
germano-soviétique ne pourrait pas être envisagée avant deux ou trois
jours.
À l'avenir, toutes les questions militaires qui se poseront devront
être traitées par le Général d'Armée Kôstring, directement avec
Vorochilov.
SCHULENBURG
DOCUMENT 36
Mémorandum du Conseiller de Légation Hilger,
membre de l'ambassade d'Allemagne en URSS
Concerne : Publication d'un communiqué conjoint germano-soviétique
Le 17 septembre, à 3 heures du soir, le texte d'un projet de commu
niqué conjoint germano-soviétique était transmis par téléphone en
même temps que des instructions tendant à obtenir du Gouvernement
soviétique qu'il consente à publier ledit communiqué le 1 8 septembre.
194 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
1
Note manuscrite de Schulenburg : « Projet de Staline 18 septembre 39 » .
196 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 37
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Très urgent.
Rigoureusement secret.
N° 442 du 25 septembre
Moscou, le 25 septembre 1939, l0 h 58 du soir
Reçu le 26 septembre 1939 ,0 h 30
SCHULENBURG
LA MISE EN ŒUVRE 197
DOCUMENT 38
DOCUMENT 40
Télégramme
Très urgent.
Rigoureusement secret.
N° 470 du 4 octobre. Moscou, le 5 octobre 1939, 0 h 30
DOCUMENT 4 1
1
Ministre d'Allemagne en Lituanie.
202 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 42
Note :
DOCUMENT 43
SCHNURRE
206 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 44
BLÜCHER
DOCUMENT 45
riel régulièrement délivré aux troupes pouvait être montré aux Russes ;
quant au montant des cessions, cela ne regardait que nous. Le matériel
à l'essai ou gardé secret pour d'autres motifs ne serait pas montré aux
Russes.
WEIZSACKER
DOCUMENT 46
WEIZSACKER
208 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 47
Mémorandum du Secrétaire d'État du Ministère allemand des Affaires
Étrangères ( Weizsiicker)
DOCUMENT 49
Mémorandum du Ministère des Affaires Étrangères
Secret d'État.
W 1 027/40 g Ils.
Mémorandum concernant l'Accord commercial germano-sovié
tique du 1 1 février 1 940.
DOCUMENT 50
Télégramme
Très urgent.
Secret.
N° 687 du 13 avril.
Moscou, le 13 avril 1940,
10 h 31 du soir
Reçu le 14 avril 1940,
5 h 20 du matin
DOCUMENT S I
DOCUMENT 52
L'ambassadeur allemand en URSS (Schulenburg)
au Ministère des Affaires Étrangères allemand
Télégramme
Très urgent. N° 874 du 10 mai Moscou, 10 mai 1940,6 heures du soir
Référence : instructions du 7 mai
Pour le Ministre des Affaires Étrangères du Reich.
J'ai rencontré Molotov ; instruction transmise. Molotov a apprécié
les nouvelles, il a ajouté qu'il comprenait que l'Allemagne devait se
protéger contre une attaque anglo-française. Il ne doutait pas de notre
succès.
SCHULENBURG
216 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 53
Le Ministère allemand des Affaires Étrangères au Délégué auprès du
Protecteur du Reich en Bohême-Moravie
Urgent sans délai. Confidentiel. Pol. V 158 lg. Berlin, le 8 juin 1940
Concerne : Visite attendue de l'hetman Skoropadsky au Protecteur du
Reich. Référence : Votre compte rendu du 27 mai 1940. 5769/D.
POL.5 . 1
DOCUMENT 54
Le Secrétaire d'État aux Affaires Étrangères (Weizsiicker) à l'ambas
sadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
Télégramme
Rigoureusement secret. N° 1003 du 13 juin.
Berlin, le 14 juin 1940, 8 h 45 du soir
Reçu à Moscou le 14 juin 1940, 11 h30 du soir
DOCUMENT 55
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère
allemand des Affaires Étrangères.
Télégramme
Très urgent.
N° 1233 du 25 juin.
Moscou, le 26 juin 1940, 0 h 59
Arrivé le 26 juin 1940, 12 h 25 du soir
Référence : votre télégramme N° 1074 du 25.
Pour le Ministre du Reich personnellement.
SCHULENBURG
UN CERTAIN ÉTÉ 1940
DOCUMENT 56
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Très urgent.
N ° 1236 du 26 juin.
Moscou, le 26 juin 1 940
DOCUMENT 57
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich au Ministère allemand
des Affaires Étrangères
RIBBENTROP
DOCUMENT 58
Téléphoné au Conseiller de Légation Stelzer
1 1 heures du matin
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Secrétaire
d'État aux Affaires Étrangères (Weizsiicker)
N ° A/31 92/40
Moscou, le 1 1 juillet 1 940
DOCUMENT 59
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères.
SCHULENBURG
DOCUMENT 60
MMémorandum du Ministre des Affaires Étrangères du Reich au sujet
de la réception de l'ambassadeur soviétique, M. Shkvarzev, à la date
du 6 août 1940
RM 2 1/40
RIBBENTROP
DOCUMENT 6 1
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich à l'ambassadeur
d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
Télégramme
N° 1565 du 30 août
Berlin, le 31 août 1940,
3 h 12 du matin
Reçu à Moscou le 3 1 août 1940,
10 heures du matin
DOCUMENT 62
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère
allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Très urgent
Secret
N° 1815 du 3 1 août
Moscou , le 1 er septembre 1940,
2 h 08 du matin
Reçu le 1 er septembre 1940,
4 h 40 du matin
SCHULENBURG
230 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 63
Mémorandum de l'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
21 septembre 1940
Objet : Entrevue avec Molotov au sujet des conversations de
Vienne.
tique aurait répondu d'une manière catégorique qu'il n'avait pas d'inten
tions agressives à l'égard de la Roumanie.
En conclusion , M. Molotov me demanda à nouveau de tout faire, au
cours de mon séjour à Berlin, pour ne laisser subsister aucune obscu
rité quant à la position du Gouvernement soviétique sur cette question ,
ce que naturellement je lui promis.
DOCUMENT 64
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich à l'ambassade
d'Allemagne en URSS
Télégramme
Rigoureusement secret
Secret d'État
RAM. 33/40 g. Rs.
N° 1746
Berlin, le 25 septembre 1940
Rigoureusement secret.
Exclusivement pour le Chargé d'Affaires en personne.
DOCUMENT 65
Mémorandum du Ministère (allemand) des Affaires Étrangères
Urgent
W. 44 99 g.
DOCUMENT 66
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich à l'ambassade
d'Allemagne en URSS
DOCUMENT 67
Lettre du Ministre des Affaires Étrangères du Reich à Staline
DOCUMENT 68
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Très urgent
N° 2236 du 21 octobre
Moscou, le 22 octobre 1940, 5 h 02 du matin
Reçu le 22 octobre 1940, 7 h 35 du matin
DOCUMENT 69
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère allemand des Affaires Étrangères
Télégramme
Urgent. N° 2313 du 1er novembre
Moscou, le 2 novembre 1940, 2 h 30 du matin
Reçu le 2 novembre 1940, 7 h 50 du matin
Référence : Mon télégramme N° 23 10
Pour le Secrétaire d'État.
Au cours de l'entretien qui a eu lieu aujourd'hui entre Schnurre et
Mikoyan, Mikoyan s'est plaint sur un ton visiblement contrarié de ce
que nous n'apportions aucune bonne volonté à effectuer la livraison du
matériel de guerre attendu par le Gouvernement Soviétique, alors que
nous livrions du matériel de guerre à la Finlande et à d'autres pays.
C'est la première fois que les Soviets ont fait allusion à nos livraisons
d'armes à la Finlande.
SCHULENBURG
245
MOLOTOV À BERLIN
DOCUMENT 70
Entretien qui eu lieu à Berlin,
le 12 novembre 1940, entre le Ministre des Affaires Étrangères et
M. V.M. Molotov, Président du Conseil des Commissaires du Peuple
de l'URSS et Commissaire du Peuple aux Affaires Étrangères,
en présence de M.Dekanosov Commissaire du Peuple Adjoint aux
Affaires Étrangères et de MM. Hilger, Conseiller d'ambassade,
et Pavlov, qui ont fait fonction d'interprètes
RM 41/40
sion italienne était orientée vers le Sud, dans cette partie africaine de la
Méditerranée, c'est-à-dire l'Afrique du Nord et l'Afrique Orientale. Lui
(le Ministre des Affaires Étrangères) se demandait si la Russie ne
s'orientait pas, elle aussi, à la longue, vers le Sud, en vue d'avoir un
débouché naturel sur la mer libre, question si essentielle pour la Russie.
Voilà quelles étaient, déclara pour conclure le Ministre des Affaires
Étrangères, les grandes idées qui avaient fréquemment fait l'objet de
discussions au cours des derniers mois entre le Führer et lui-même et
qui devaient être également soumises à Molotov à l'occasion de sa
visite à Berlin. À une question posée par Molotov, qui demandait à
quelle mer le Ministre des Affaires Étrangères du Reich venait de faire
allusion en parlant d'un débouché maritime, celui-ci répondit que, du
point de vue de l'Allemagne de grands changements auraient lieu sur
toute l'étendue du monde après la guerre. Il rappela le fait qu'il avait
déclaré à Staline, à Moscou, que l'Angleterre n'avait pas le droit de
dominer le monde plus longtemps. L'Angleterre était en train de pour
suivre une politique insensée dont elle devrait quelque jour payer les
frais. L'Allemagne était d'avis, toutefois qu'il se produirait de profondes
modifications dans la situation des possessions de l'Empire
Britannique. Jusque-là, les deux partenaires avaient tiré profit du pacte
germano-russe, l'Allemagne comme la Russie, laquelle pouvait pro
céder à ses légitimes révisions à l'ouest. La victoire de l'Allemagne sur
la Pologne et sur la France avait contribué dans une mesure considé
rable à l'heureuse réalisation de ces révisions.Les deux partenaires du
Pacte germano-russe avaient fait ensemble pas mal de bon travail.
C'était là le meilleur fondement de tous les pactes. La question se posait
maintenant de savoir s'ils ne pourraient pas continuer à l'avenir à faire,
ensemble, du bon travail, et si la Russie soviétique ne pourrait pas
retirer des avantages corrélatifs du nouvel ordre de choses établi dans
l'Empire britannique, en d'autres termes si, à la longue, le débouché
maritime le plus avantageux pour la Russie ne pourrait être trouvé en
direction du Golfe Persique et de la Mer d'Oman et si, du même coup,
un certain nombre d'autres aspirations russes dans cette partie de l'Asie,
dont l'Allemagne se désintéressait totalement, ne pourraient être égale
ment réalisées. Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich aborda
ensuite la question de la Turquie. Jusqu'ici ce pays était, en apparence,
MOLOTOV À BERLIN 251
SCHMIDT (MINISTRE) .
256 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 7 1
Mémorandum relatif à l 'entretein qui eut lieu à la date du
12 novembre 1940 entre le Führer et M.Molotov,
en présence du Ministre des Affaires Étrangères du Reich, de
M.Dekonosov, Commissaire du Peuple adjoint, ainsi que de
MM. Hilger et Pavlov.faisant fonction d'interprètes
Secret d'État
Füh. 32/40 g. Rs
façon, les résultats avaient été importants pour l'une comme pour
l'autre. Si l'on examinait sans parti pris les questions encore pendantes,
et que l'on tînt dfiment compte du fait que l'Allemagne était encore en
guerre et qu'elle devait se préoccuper de territoires qui, en soi, n'avaient
aucune importance pour elle du point de vue politique, les deux parte
naires pourraient également obtenir dans l'avenir des avantages sub
stantiels. À ce propos, le Führer aborda de nouveau la question des
Balkans et répéta que l'Allemagne s'opposerait immédiatement par une
action militaire à toute tentative que feraient les Anglais en vue de
prendre pied à Salonique. Elle conservait encore de déplaisants souve
nirs du front de Salonique au cours de la dernière guerre.
Sur une question de Molotov qui désirait savoir en quoi Salonique
constituait un danger, le Führer fit allusion à la proximité des gisements
pétrolifères roumains que l'Allemagne désirait protéger en toutes cir
constances. Mais, dès que la paix serait rétablie, les troupes allemandes
quitteraient immédiatement la Roumanie. Dans la suite de la conversa
tion , le Führer demanda à Molotov comment la Russie envisageait de
sauvegarder ses intérêts dans la Mer Noire et dans les Détroits.
L'Allemagne serait également prête à tout moment à aider la Russie à
obtenir une amélioration du régime des Détroits.
Molotov répondit que les déclarations du Führer avaient été d'ordre
général et que, dans l'ensemble, il pouvait adhérer à cette manière de
voir. Il était également d'avis qu'il serait de l'intérêt de l'Allemagne et
de l'Union Soviétique que les deux pays collaborent et ne se combat
tent point. À son départ de Moscou, Staline lui avait donné des instruc
tions précises et tout ce qu'il allait dire correspondait exactement aux
vues de Staline. Il partageait l'opinion du Führer selon laquelle les deux
partenaires avaient tiré de l'accord germano-russe des avantages sub
stantiels. L'Allemagne s'était procuré un hinterland sfir, ce qui, comme
chacun le savait, avait été d'une grande importance pour l'évolution des
événements au cours de cette année de guerre. En Pologne également,
l'Allemagne avait obtenu des avantages économiques considérables.
Par l'échange de la Lituanie contre la Voïvodie de Lublin, toute friction
possible entre l'Allemagne et la Russie avait été évitée. L'accord ger
mano-russe de l'année dernière pouvait par conséquent être considéré
comme appliqué sauf sur un point à savoir : la Finlande. La question
264 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
ne lui avait pas paru être constitué par les relations germano-russes,
mais bien par la question de savoir si une collaboration entre
l'Allemagne , la France et l'Italie était viable. Ce n'est qu'aujourd'hui,
enfin convaincu que ce problème pouvait être résolu, et après qu'un
règlement avait été accepté en fait, dans ses grandes lignes, par les trois
pays, qu'il avait cru possible de prendre contact avec la Russie
Soviétique en vue de procéder au règlement des questions de la Mer
Noire, des Balkans et de la Turquie.
En conclusion, le Führer se résuma en déclarant que, jusqu'à un cer
tain point, cette discussion représentait le premier pas effectif dans la
voie d'une collaboration compréhensive et tenant réellement compte
aussi bien des problèmes de l'Europe occidentale, lesquels devaient être
résolus par l'Allemagne, l'Italie et la France, que des solutions à adopter
à l'Est, ce qui était essentiellement l'affaire de la Russie et du Japon,
mais pour lesquelles l'Allemagne offrait ses bons offices en qualité de
médiatrice. Tout le problème était de s'opposer à toute tentative de la
part de l'Amérique pour « s'enrichir sur le dos de l'Europe ». Les États
Unis n'avaient rien à voir ni en Europe, ni en Afrique, ni en Asie.
Molotov dit qu'il était d'accord avec les déclarations du Führer rela
tives au rôle de l'Amérique et de l'Angleterre. Le principe de la partici
pation de la Russie au Pacte Tripartite lui semblait tout à fait accep
table, sous réserve que la Russie coopérât en qualité de partenaire et
non pas seulement de comparse. Dans ces conditions, aucune difficulté
ne s'opposait, à ses yeux, à la participation de l'Union soviétique à l'ef
fort commun. Toutefois, les objectifs et le sens du Pacte devaient tout
d'abord faire l'objet d'une définition plus précise, sous le rapport, en
particulier, de la délimitation du Grand Espace de l'Asie Orientale.
En raison de l'éventualité d'une alerte aérienne, l'entretien fut inter
rompu à ce moment et ajourné au lendemain, le Führer ayant promis à
Molotov qu'il discuterait avec lui, dans les détails, les diverses ques
tions qui s'étaient présentées au cours de la conversation.
SCHMIDT
266 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 72
Mémorandum de l'entretien entre le Führer et le Président du Conseil
des Commissaires du Peuple Molotov, en présence du Ministre des
Affaires Étrangères du Reich et de M. Dekanosov,
ainsi que de MM. Hilger et Pavlov, faisant fonction d'interprètes,
à Berlin le 13 novembre 1940
Fh. 33/40
ment théorique.
Résumant, le Ministre des Affaires Étrangères du Reich souligna
que :
1) Le Führer avait déclaré que la Finlande demeurait dans la sphère
d'influence russe et que l'Allemagne n'y maintiendrait pas de troupes ;
2) L'Allemagne n'avait rien à voir dans les manifestations antirusses
de la Finlande, mais qu'elle y exerçait son influence dans le sens
contraire ;
3) La collaboration des deux pays était le problème décisif, d'une
importance à longue portée, qui, dans le passé, avait déjà eu pour
résultat de grands avantages pour la Russie, mais qui, dans l'avenir, pré
sentait des avantages en comparaison desquels les questions qui
venaient d'être discutées apparaîtraient totalement insignifiantes. Il n'y
avait en fait pas la moindre raison de faire un problème de la question
finlandaise. Ce n'était peut-être qu'un malentendu. Stratégiquement
tous les désirs de la Russie avaient été satisfaits par son traité de paix
avec la Finlande. Des manifestations dans un pays conquis pouvaient
être tenues pour naturelles, et si peut-être le transit des troupes alle
mandes avait provoqué dans la population finnoise certaines réactions,
celles-ci cesseraient avec la fin des transits de troupes. En conséquence
si on regardait les choses d'une façon réaliste, il n'y avait pas de diffé
rend entre l'Allemagne et la Russie.
Le Führer souligna que les deux pays étaient d'accord sur le prin
cipe que la Finlande appartenait à la sphère d'influence russe. Par
conséquent, au lieu de poursuivre une discussion purement théorique,
ils feraient mieux de se tourner vers des problèmes plus importants.
Après la conquête de l'Angleterre, l'Empire britannique serait par
tagé comme une gigantesque succession de banqueroute couvrant le
monde et s'étendant sur 40 millions de kilomètres carrés. Dans cette
succession de banqueroute, il y aurait pour la Russie un accès à un
océan libre de glaces et vraiment ouvert. Jusque-là une minorité de
45 millions d'Anglais avait gouverné 600 millions d'habitants de
l'Empire Britannique. Il était sur le point d'écraser cette minorité.
Même les États-Unis ne faisaient en fait rien d'autre que de prélever sur
cette succession de banqueroute quelques objets qui convenaient parti
culièrement aux États-Unis L'Allemagne évidemment, aimerait éviter
276 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
Mer Noire.
Molotov en vint alors à parler des Détroits, qu'il appela, se référant
à la guerre de Crimée et aux événements des années 1918-1919, le pas
sage historique de l'Angleterre pour une attaque contre la Russie sovié
tique. La situation était d'autant plus menaçante pour la Russie que les
Anglais s'étaient acquis maintenant un point d'appui en Grèce. Pour des
raisons de sécurité, les relations entre la Russie soviétique et les autres
puissances de la Mer Noire étaient d'une grande importance. En liaison
avec cela, Molotov demanda au Führer ce que l'Allemagne dirait si la
Russie donnait à la Bulgarie, c'est-à-dire au pays indépendant situé le
plus près des Détroits, une garantie sous les mêmes conditions exacte
ment que celle que l'Allemagne et l'Italie avaient donnée à la
Roumanie. La Russie, cependant, entendait s'accorder d'avance à ce
sujet avec l'Allemagne et, si possible, avec l'Italie aussi.
À une question de Molotov au sujet de la position de l'Allemagne
sur la question des Détroits, le Führer répondit que le Ministre des
Affaires Étrangères du Reich avait déjà étudié cette question, et qu'il
avait envisagé une révision de la Convention de Montreux en faveur de
l'URSS.
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich confirma cela et
déclara que les Italiens aussi avaient pris une attitude bienveillante à
propos de cette révision.
Molotov remit sur le tapis la garantie à la Bulgarie et donna l'assu
rance que l'URSS n'avait l'intention d'intervenir dans les affaires inté
rieures de ce pays sous aucun prétexte. Elle ne dévierait « pas d'un
cheveu » de cette ligne.
En ce qui concerne la garantie de l'Allemagne et de l'Italie à la
Roumanie, le Führer déclara que cette garantie avait constitué la seule
possibilité d'amener la Roumanie à céder la Bessarabie à la Russie sans
une guerre. De plus, en raison de ses puits de pétrole , la Roumanie pré
sentait un intérêt primordial pour l'Allemagne et l'Italie, et, en dernier
lieu, le gouvernement roumain lui-même avait demandé que
l'Allemagne prenne en charge la protection aérienne et terrestre de la
région pétrolifère, étant donné qu'elle ne se sentait pas entièrement
garantie contre des attaques de l'Angleterre. Se référant à une menace
d'invasion des Anglais à Salonique , le Führer répéta à ce propos que
MOLOTOV À BERLIN 279
DOCUMENT 73
Mémorandum de la conversation finale entre le Ministre des Affaires
Étrangères du Reich, von Ribbentrop, et le Président du Conseil des
Commissaires du Peuple de l'URSS et Commissaire du Peuple pour
les Affaires Étrangères Molotov, le 13 novembre 1940
Secret
BM 42/40
les Détroits pour leurs navires de guerre. Le passage des Détroits pour
les navires de commerce devrait, bien entendu, demeurer en principe
libre.
À ce propos, le Ministre des Affaires Étrangères du Reich s'exprima
comme suit :
Le gouvernement allemand serait heureux si l'URSS était disposée
à une telle collaboration avec l'Italie, Je Japon et l'Allemagne. Le pro
blème serait à mettre au net dans un proche avenir par l'ambassadeur
d'Allemagne à Berlin, comte Schulenburg, et l'ambassadeur soviétique
à Berlin. En conformité avec la déclaration contenue dans la lettre de
M. Staline, qu'il n'était pas hostile à un examen de principe de la ques
tion, ce qui a été confirmé par M. Molotov au cours de son séjour à
Berlin, une conférence des Ministres des Affaires Étrangères
d'Allemagne, d'Italie et du Japon dans le but de signer un tel accord
pourrait être envisagée comme but final. Lui, le Ministre des Affaires
Étrangères du Reich, se rendait évidemment compte du fait que de
telles questions nécessitaient un examen approfondi ; il n'attendait par
conséquent aucune réponse de M. Molotov aujourd'hui, mais il était
heureux d'avoir l'occasion d'informer M. Molotov dans cette forme un
peu plus concrète des conceptions qui faisaient ces derniers temps agir
l'Allemagne. De plus, il désirait dire à M. Molotov ce qui suit :
Comme M. Molotov le savait, il (le Ministre des Affaires Étran
gères du Reich) avait toujours manifesté un intérêt particulier aux rela
tions entre le Japon et l'URSS. Il serait heureux si M. Molotov pouvait
dire ce qu'était l'état de ces relations au moment présent. Pour autant
que le gouvernement allemand en était informé, le Japon tenait à
conclure un pacte de non-agression. Il n'avait pas l'intention d'inter
venir dans des questions qui ne le concernaient pas directement mais il
pensait qu'il serait utile que cette question aussi fût discutée entre lui et
Molotov. Si une intervention médiatrice de la part de l'Allemagne était
souhaitée, il serait heureux de faire cette démarche. Bien entendu il se
rappelait encore très bien la réflexion de M. Staline, quand M. Staline
avait dit qu'il connaissait les Asiatiques mieux que ne les connaissait
M. von Ribbentrop. Néanmoins, il tenait à indiquer que la volonté du
gouvernement japonais d'arriver à une large entente avec l'URSS lui
était connue. Il avait aussi l'impression que si le pacte de non-agression
286 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
prenait corps, les Japonais seraient disposés à régler les autres pro
blèmes d'une façon large. Il tenait à préciser explicitement que le Japon
n'avait pas demandé de médiation au gouvernement allemand. Lui, le
Ministre des Affaires Étrangères du Reich, était cependant au courant
de l'état de la question, et il savait que, dans le cas où le pacte de non
agression serait conclu , le Japon serait disposé à reconnaître les sphères
d'influence russes en Mongolie Extérieure et au Sinkiang, à condition
qu'une entente soit réalisée avec la Chine. Un accord pourrait égale
ment être réalisé sur d'éventuelles aspirations soviétiques en direction
des Indes britanniques, si on arrivait à une entente entre l'URSS et le
Pacte Tripartite. Le gouvernement japonais était disposé à rencontrer à
mi-chemin les desiderata soviétiques en ce qui concernait les conces
sions pétrolières et charbonnières de l'île Sakhaline , mais il aurait
d'abord à surmonter une résistance dans son pays. Cela serait plus
facile pour le Gouvernement japonais si un pacte de non-agression était
conclu auparavant avec l'URSS. Après cela apparaîtrait certainement la
possibilité d'ententes sur les autres points également.
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich termina en demandant
à M. Molotov de lui faire connaître son opinion sur les problèmes qu'il
avait présentés.
M. Molotov répondit que, en ce qui concernait le Japon, il avait l'es
poir et la conviction qu'ils allaient maintenant faire davantage de
chemin sur la voie de l'entente que ce n'avait été le cas auparavant. Les
relations avec le Japon avaient toujours été fertiles en difficultés et en
vicissitudes. Néanmoins il semblait maintenant y avoir des perspec
tives d'entente. Le gouvernement japonais avait suggéré la conclusion
d'un pacte de non-agression au gouvernement soviétique - en fait avant
même le changement de gouvernement au Japon à la suite de quoi le
gouvernement soviétique avait posé un certain nombre de questions au
gouvernement japonais. Pour l'instant, la réponse à ces questions n'était
pas encore arrivée.
C'est seulement quand elle serait arrivée que l'on pourrait entamer
des négociations, qui ne pourraient être disjointes de l'ensemble des
autres questions. La solution de ce problème demanderait par consé
quent un certain temps.
Quant à la Turquie, l'URSS estimait qu'elle aurait à arriver à une
MOLOTOV À BERLIN 287
entente avec la Turquie sur la question des Détroits avant toute chose.
L'Allemagne et l'URSS étaient d'accord sur le fait que la Convention de
Montreux était sans valeur. Pour l'URSS, en tant que puissance la plus
importante de la Mer Noire, il s'agissait d'obtenir des garanties effec
tives pour sa sécurité. Dans le cours de son histoire, la Russie avait sou
vent été attaquée par la voie des Détroits. En conséquence, des accords
sur le papier ne suffiraient pas à l'URSS. Elle serait plutôt obligée d'in
sister pour des garanties effectives pour sa sécurité. Aussi, cette ques
tion devrait être étudiée et discutée de façon plus concrète. Les ques
tions qui intéressaient l'URSS dans le Proche-Orient concernaient non
seulement la Turquie, mais la Bulgarie, par exemple, au sujet de
laquelle lui, Molotov, avait parlé en détail dans sa précédente conver
sation avec le Führer. Mais le sort de la Roumanie et de la Hongrie pré
sentait également un intérêt pour l'URSS et ne pouvait en tout cas être
négligeable pour elle. De plus, le gouvernement soviétique serait inté
ressé d'apprendre ce que l'Axe envisageait à l'égard de la Yougoslavie
et de la Grèce, et, de même, ce que l'Allemagne comptait faire vis-à-vis
de la Pologne. Il rappela le fait que, en ce qui concernait le statut futur
de la Pologne, un Protocole existait entre l'URSS et l'Allemagne pour
articulation duquel un échange d'idées était nécessaire. Il demanda si
du point de vue allemand, ce Protocole était toujours valable. Le gou
vernement soviétique était également intéressé par la question de la
neutralité suédoise, et il désirait savoir si le gouvernement allemand
maintenait son point de vue que la sauvegarde de la neutralité suédoise
était de l'intérêt de l'URSS et de l'Allemagne. De plus, il y avait la ques
tion des passages de sortie de la Baltique (Store Belt, Lille Belt,
Œresund, Kattegat, Skagerrak). Le gouvernement soviétique pensait
que des conversations pourraient se dérouler au sujet de ces questions
analogues à celles en cours maintenant au sujet des Commissions du
Danube. Quant à la question finnoise, il était suffisamment éclairé par
ses conversations précédentes avec le Führer. Il serait heureux si le
Ministre des Affaires Étrangères du Reich voulait bien exprimer son
sentiment sur les questions précédentes, car cela faciliterait l'éclaircis
sement de toutes les autres questions soulevées précédemment par
M. von Ribbentrop.
Dans sa réponse, le Ministre des Affaires Étrangères du Reich
288 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
déclara qu'il n'avait, sur la question bulgare, rien à dire de plus que ce
que le Führer avait déjà dit à M. Molotov ; que, d'abord, il devrait être
établi si la Bulgarie souhaitait une garantie quelconque de l'URSS et
que, de plus, le gouvernement allemand ne pouvait prendre position sur
cette question sans avoir auparavant consulté l'Italie. Pour toutes les
autres questions il éprouvait le sentiment d'avoir été « question de trop
près » (überfragt) par M. Molotov. En ce qui concernait la sauvegarde
de la neutralité suédoise, nous y étions tout aussi intéressés que l'URSS.
Quant aux passages hors de la Baltique, la Baltique était pour le
moment présent une mer intérieure dans laquelle nous étions intéressés
à maintenir un libre mouvement maritime. En dehors de la Baltique,
cependant, il y avait la guerre. Le temps n'était pas encore venu de dis
cuter du nouvel ordre des choses en Pologne. Le problème balkanique
avait déjà été discuté amplement dans le cours des conversations. Dans
les Balkans nous avions des intérêts purement économiques, et ne vou
lions pas que l'Angleterre vînt nous y déranger. L'octroi de la garantie
allemande à la Roumanie avait été, semble-t-il, mal interprété par
Moscou. Nous tenions à redire encore, par conséquent, qu'à l'époque, il
s'était agi d'éviter une collision entre la Hongrie et la Roumanie, en
menant une action rapide. Si lui, le Ministre des Affaires Étrangères
allemand n'était pas intervenu à ce moment-là, la Hongrie aurait fait
campagne contre la Roumanie.
D'un autre côté, la Roumanie n'aurait pu être amenée à céder autant
de territoire si le gouvernement roumain n'avait été renforcé par la
garantie territoriale. Dans toutes ses décisions le gouvernement alle
mand était guidé exclusivement par ses efforts pour préserver la paix
dans les Balkans et pour empêcher l'Angleterre d'y prendre pied et d'en
traver les livraisons à l'Allemagne. Ainsi notre action dans les Balkans
était motivée exclusivement par les conditions de notre guerre contre
l'Angleterre. Aussitôt que l'Angleterre reconnaîtrait sa défaite et
demanderait la paix, les intérêts allemands dans les Balkans se limite
raient au plan économique et les troupes allemandes seraient retirées de
Roumanie. L'Allemagne n'avait, comme le Führer l'avait à maintes
reprises déclaré, aucun intérêt territorial dans les Balkans. Il ne pouvait
que répéter encore et encore que la question décisive était de savoir si
l'URSS était disposée et en état de coopérer avec nous à la grande liqui-
MOLOTOV À BERLIN 289
' Cette ébauche fut trouvée dans les archives secrètes de l'ambassade
d'Allemagne à Moscou. Elle ne porte aucune date ; il semble qu'elle constitue
une base pour la conversation de Schulenburg avec Molotov dont il est rendu
compte le 26 novembre 1940.
NOUVEAU PRINTEMPS NOUVEAUX PARTAGES 29 1
respecteront.
ART. 3 : L'Allemagne, l'Italie, le Japon et l'URSS s'engagent à ne
s'affilier à aucune combinaison de puissances et à ne soutenir aucune
combinaison de puissances dirigée contre l'une des Quatre Puissances.
Les Quatre Puissances se prêteront mutuellement assistance de
toutes les façons en matière économique et compléteront et étendront
les accords existant entre elles.
ART.4 : Cet accord prendra effet à sa signature et continuera pour
une période de dix années. Les gouvernements des Quatre Puissances
se consulteront l'une l'autre en temps opportun avant l'expiration de
cette période, au sujet de l'extension de cet accord.
Fait en quatre originaux, en langues allemande, italienne, japonaise
et russe.
Moscou, 1940.
DOCUMENT 75
Ébauche
Protocole secret N° 1
À la signature aujourd'hui de l'accord conclu entre eux, les
Représentants de l'Allemagne, de l'Italie, du Japon et de l'URSS décla
rent ce qui suit :
1) L'Allemagne déclare que, mises à part les révisions territoriales
en Europe, à réaliser à la conclusion de la paix, ses aspirations territo
riales sont centrées sur les territoires d'Afrique Centrale ;
2) L'Italie déclare que, mises à part les révisions territoriales en
Europe, à réaliser à la conclusion de la paix, ses aspirations territoriales
sont centrées sur l'Afrique du Nord et du Nord-Est ;
3) Le Japon déclare que ses aspirations territoriales sont centrées
sur la zone d'Extrême-Orient, au sud de l'île impériale du Japon ;
4) L'URSS déclare que ses aspirations territoriales sont centrées sur
le sud du territoire national de l'URSS en direction de l'Océan Indien.
Les Quatre Puissances déclarent que le règlement des questions
particulières restant réservé, elles respecteront mutuellement ces aspi
rations territoriales et ne s'opposeront pas à leur satisfaction.
Moscou, le...
292 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 76
Esquisse
Moscou, 1940
MOLOTOVE À BERLIN 293
DOCUMENT 77
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère des Affaires Étrangères allemand.
Télégramme Très urgent - Strictement secret.
Moscou, le 26 novembre 1 940, 5 h 34
Reçu, le 26 novembre 1 940, 8 h 50
Pour le Ministre du Reich en personne.
Molotov m'a demandé de lui rendre visite ce soir et en présence de
Dekanosov, m'a déclaré ce qui suit :
Le gouvernement soviétique a étudié le contenu des déclarations du
Ministre des Affaires Étrangères du Reich dans le cours de la conver
sation finale du 1 3 novembre, et prend la position suivante :
« Le gouvernement soviétique est disposé à accepter l'esquisse de
Pacte des Quatre puissances dont le Ministre des Affaires Étrangères
dm Reich avait marqué les contours au cours de la conversation du
1 3 novembre, ayant trait à une collaboration politique et au soutien'
économique réciproque, sous les conditions suivantes :
1 ) À condition que les troupes allemandes soient immédiatement
retirées de la Finlande, qui selon la convention de 1 939, appartient à la
sphère d'influence de l'URSS. Simultanément l'URSS entreprend d'as
surer des relations pacifiques avec la Finlande et de protéger les inté
rêts allemands en Finlande (exportation de bois de construction et de
nickel) ;
2) À condition que, dans le cours des quelques semaines à venir, la
sécurité de l'URSS dans les Détroits soit assurée par la conclusion d'un
pacte d'assistance mutuelle entre l'URSS et la Bulgarie, laquelle est
géographiquement située à l'intérieur de la zone de sécurité des fron
tières de la Mer Noire de l'URSS, et par l'établissement d'une base pour
les forces terrestres et navales de l'URSS à portée du Bosphore et des
Dardanelles, par le moyen d'un bail à long terme ;
3) À condition que la zone sud de Batoum et de Bakou, en direction
générale du Golfe Persique soit reconnue comme le centre des aspira
tions de l'URSS ;
4) À condition que le Japon renonce' à ses droits aux concessions
LES PRÉLIMINAIRES
DE BARBAROSSA
DOCUMENT 78
Instructions du Führer'
EXTRAIT DES ARCHIVES DE LA WEHRMACHT
Le Führer et Commandant en Chef
des Forces Armées Allemandes
Secret militaire - Très Secret.
Grand Quartier Général du Führer, 1 8 décembre 1 940.
Par officier seulement
Instructions N° 2 1
Opération Barbarossa
Les forces armées allemandes doivent être prêtes à écraser la Russie
des Soviets en une campagne rapide (Opération Barbarossa) avant
même l'achèvement de la guerre contre l'Angleterre.
Pour atteindre ce but, l'Armée devra utiliser toutes les unités dispo
nibles, avec cette réserve que les territoires occupés doivent être
garantis contre une attaque surprise.
Pour les Forces aériennes, le problème sera de libérer des forma
tions assez fortes pour le soutien de l'Armée de terre dans la campagne
de l'Est pour qu'un achèvement rapide des opérations terrestres puisse
être escompté, et que les dégâts commis dans les territoires de l'Est
allemand par les attaques aériennes ennemies soient aussi légers que
possible. Cette concentration de l'effort principal dans l'Est est limitée
par l'obligation d'une protection adéquate de toute la zone de combat et
' Le compte rendu suivant d'une discussion sur le traité proposé trouvé dans les
Archives du Ministère des Affaires Étrangères allemand apparaît dans Je télé
gramme de Schulenburg aux Affaires Étrangères N° I 22 du 1 7 janvier 1 941 .
' Seul document à ne pas provenir des archives du Ministère des Affaires Étran
gères allemand mais des archives de la Wehrmacht.
296 EXTRAIT DES ARCHIVES DE LA WEHRMACHT
1
Ce document porte également quatre séries d'initiales, celles semble-t-il de
Keitel , Jodl , Warlimont et d'une personne non identifiée.
300 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 79
Le Ministre des Affaires Étrangères allemand
aux ambassadeurs en URSS (Schulenburg), en Turquie (Papen),
en Yougoslavie (Heeren), et en Grèce (Erbach-Schonberg)
Télégrammes
Secret d'État
Pol I 1650 g. Rs
N° 36 pour Moscou / N° 12 pour Ankara / N° 11 pour Belgrade /
°
N 81 pour Athènes
Berlin, le 7 janvier 194 1
DOCUMENT 80
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère des
Affaires Étrangères allemand
Télégramme
Très urgent - Strictement secret.
N° 122 du 17 janvier
Moscou, le 17 janvier 194 1 ,
20h 46
Reçu le 17 janvier 1941 ,
23 h 49
SCHULENBURG
LES PRÉLIMINAIRES DE BARBAROSSA 303
DOCUMENT 81
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich
à l'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
Télégramme
Très urgent
N° 144 du 27 février
Fuschl, le 27 février 1941 , 21 h 50
Reçu à Berlin, le 27 février 1941, 22 h 30
Transmis à Moscou sous le N° 403, le 27 février, 22 h 58
RIBBENTROP
DOCUMENT 82
L'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
au Ministère des Affaires Étrangères allemand
Télégramme
Très urgent.
Secret.
N° 453 du 1er mars.
Moscou le 1er mars 194 1, 22 h 15
Reçu, le 2 mars 1941, 2 h 20
DOCUMENT 83
Mémorandum de la conversation entre le Ministre des Affaires
Étrangères allemand et le Ministre des Affaires Étrangères japonais
Matsuoka, en présence des ambassadeurs Ott et Oshima,
à Berlin le 27 mars 1941
Secret d'État
Aufz.RAM 14/41
autre. Il était aussi certain que la prise de Singapour serait un coup très
sérieux pour l'Angleterre. Ceci était d'une très grande importance, par
ticulièrement en raison du moral assez bas qui se faisait déjà jour dans
les Îles Britanniques. Il pensait aussi que la prise de Singapour incite
rait vraisemblablement l'Amérique à rester en dehors de la guerre, car
les États-Unis pourraient difficilement courir le risque d'envoyer leur
flotte dans les eaux japonaises. Si aujourd'hui, dans une guerre contre
l'Angleterre, le Japon devait réussir par un coup décisif, tel que l'at
taque contre Singapour, Roosevelt serait dans une situation très diffi
cile. Il lui serait très difficile d'entamer une action efficace contre le
Japon. S'il Je faisait néanmoins, et déclarait la guerre au Japon, il
devrait s'attendre à ce que le problème des Philippines, par exemple,
soit résolu en faveur du Japon. Ceci signifierait une sérieuse perte de
prestige pour le Président, ce qui fait qu'il réfléchirait sans doute long
temps avant d'entamer une action contre le Japon.
D'un autre côté, le Japon, par la prise de Singapour, serait en état
d'agir en Extrême-Orient d'une façon tout autre que par le passé, puis
qu'il commanderait à cette position absolument dominante dans cette
partie de l'Extrême-Orient L'Allemagne pensait , par conséquent, que si
le Japon pouvait se décider pour une telle action, cela reviendrait à
couper le nœud gordien en Extrême-Orient.
En définitive, le Ministre des Affaires Étrangères allemand déclara
que si le Japon adoptait une telle ligne de conduite , la guerre contre le
tonnage britannique pourrait être entreprise avec davantage d'intensité
en Extrême-Orient ; l'Amérique serait probablement tenue à l'écart de
la guerre par l'initiative hardie du Japon, et le Japon pourrait s'assurer
en Extrême-Orient les positions que, du point de vue allemand, il doit
tenir pour établir l'Ordre Nouveau dans la Plus Grande Asie de l'Est. En
rapport avec ceci une quantité d'autres problèmes surgiraient, dont il
était prêt à discuter à tout moment.
En conclusion , le Ministre des Affaires Étrangères allemand déclara
que le Pacte des Trois Puissances atteindrait le mieux son vrai but c'est
à-dire d'éviter une extension de la guerre ou, en d'autres termes, l'entrée
en guerre des États-Unis si, au moment opportun, les partenaires du
Pacte prenaient des décisions communes pour la défaite finale de
l'Angleterre , sur et par-dessus ce qui avait déjà été convenu. De cette
3 16 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 84
Mémorandum de la conversation entre
le Ministre des Affaires Étrangères allemand
et le Ministre des Affaires Étrangères japonais Matsuoka,
le 28 mars 1941
dans l'histoire comme une année cruciale. C'est au cours de cette année
que serait consommée la plus grande tragédie, la chute de l'Empire bri
tannique. La nation allemande en Europe et la japonaise en Extrême
Orient agissaient, il le sentait, comme sous le commandement divin
pour disloquer l'Empire britannique et établir un Ordre Nouveau.
Matsuoka demanda alors quelle attitude l'Allemagne prendrait vis
à-vis des États-Unis si l'Angleterre devait être mise à genoux dans le
cours de l'été et que l'Amérique ne soit pas encore en guerre.
Le Ministre des Affaires Étrangères allemand répondit que cela
dépendrait de l'attitude des États-Unis. L'occupation des Îles
Britanniques nécessitait , pour être assurée avec certitude , une période
de beau temps, et les Anglais pourraient peut-être envisager de créer un
nouveau gouvernement aux États-Unis. Mais à son avis cela ne pouvait
pas se faire.
Matsuoka précisa alors sa question comme suit : quand l'Angleterre
aura été écrasée , les États-Unis, à son avis, ne continueront pas à sou
tenir l'Empire britannique. Le Canada serait simplement plus ou moins
annexé. L'Allemagne laisserait-elle alors les États-Unis tranquilles ? Le
Ministre des Affaires Étrangères allemand répondit que l'Allemagne
n'avait aucun intérêt à faire la guerre aux États-Unis. Matsuoka en prit
note avec satisfaction , faisant remarquer qu'il fallait tenir compte des
Anglo-Saxons comme d'un tout ; s'il n'était pas possible d'amener
l'Amérique à notre façon de penser, aucun Ordre Nouveau ne pourrait
être établi. Le Ministre des Affaires Étrangères allemand répondit que
chacun dominerait sa propre sphère. L'Allemagne, avec l'Italie domine
rait la sphère euroafricaine ; les États-Unis devraient se limiter au conti
nent américain, et l'Extrême-Orient était réservé au Japon. En ce qui
concerne la Russie , elle serait surveillée de très près et on ne lui per
mettrait aucune propagande subversive. Dans l'avenir, seules les trois
sphères d'intérêts récitées demeuraient comme grands centres de
Puissance. L'Empire britannique disparaîtrait.
Matsuoka répondit que le seul grand problème qui resterait serait
alors la Russie. Le Japon était disposé à permettre à la Russie un
débouché libre de glaces vers la mer par l'Inde ou l'Iran, mais ne tolé
rerait pas les Russes sur les côtes chinoises. Matsuoka demanda alors
si le Führer avait jamais envisagé la possibilité d'une alliance russo-
320 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
DOCUMENT 85
Mémorandum de la conversation entre le Ministre des Affaires Étran
gères allemand et le Ministre des Affaires Étrangères japonais
Matsuoka à Berlin, le 29 mars 1941
AufzRAM 19/41
DOCUMENT 86
L 'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg) au Ministère des
Affaires Étrangères allemand
Télégramme
Très urgent - Secret
N° 796 du 4 avril
Moscou , le 4 avril 1941 , 22 h 28
Reçu le 5 avril 194 1, 12 h 55
Personnel pour le Ministre du Reich.
DOCUMENT 87
Le Ministre des Affaires Étrangères allemand
à l'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg)
Télégramme
Très urgent
N ° 703 du 6 avril
Berlin, le 6 avril, 4 h 30
Reçu à Moscou, le 6 avril, 9 h 35
années poursuivi envers ce pays une politique d'amitié qui devait avoir
atteint son point culminant par l'accès au Pacte des Trois Puissances.
Par surcroît, je vous demanderai à ce propos de vous référer aux com
munications faites en diverses occasions à M. Molotov, et que vous
avez déjà faites au Gouvernement soviétique en ce qui concerne les
buts et les intentions du Gouvernement allemand dans la Péninsule bal
kanique : c'est-à-dire que l'activité allemande dans cette zone ne vise
qu'à empêcher l'Angleterre de se procurer une nouvelle base sur le
Continent ; que l'Allemagne n'a absolument pas d'intérêts politiques ou
territoriaux dans cette zone ; et que les troupes allemandes seront reti
rées quand leurs tâches dans les Balkans seront terminées. Veuillez
faire ces déclarations sans aucune emphase particulière, d'une façon
objective et sans passion.
Je vous prie de ne pas faire allusion à ce propos à la communication
que vous avait faite Molotov au sujet de la conclusion d'un Pacte
d'Amitié russo-yougoslave. Si Molotov, de son côté, en parlait, veuillez
vous contenter d'indiquer que vous avez transmis sa communication à
Berlin, mais n'avez pas encore reçu de réponse.
Envoyez un rapport télégraphique sur l'exécution de ces instruc
tions.
RIBBENTROP
DOCUMENT 88
L'ambassadeur allemand en URSS (Schulenburg) au Ministère des
Affaires Étrangères allemand
Télégramme
Très urgent - Secret
N° 83 du 13 avril
Moscou, 13 avril 194 1 , 18 heures
DOCUMENT 89
Protocole sur les conséquences de la conférence entre les plénipoten
tiaires du Gouvernement du Reich allemand et le Gouvernement de
l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes pour enquêter sur
l'observation de l 'accord commercial entre l'Allemagne et l'Union des
Républiques Soviétiques Socialistes en date du 11 février 1940
DOCUMENT 90
Mémorandum du Secrétaire d'État
au Ministère des Affaires Étrangères allemand (Weizsiicker)
Télétype
Berlin, le 28 avril 1941
Au Ministre des Affaires Étrangères du Reich.
Au sujet du mémorandum du comte Schulenburg sur les relations
germano-russes.
Je peux résumer en une phrase mon opinion sur un conflit germano
russe : si chaque ville russe réduite en cendres nous était aussi précieuse
LA RUPTURE 337
DOCUMENT 91
Mémorandum du Ministère des Affaires Étrangères
Secret d'État
qui, surtout en ce qui concerne les céréales, est une performance remar
quable, puisque la quantité totale de céréales à livrer, d'après l'accord
du 10 avril de cette année et les accords avec la Belgique et la Norvège,
totalise plus de 3 millions de tonnes au 1er août 1942.
6) Pour la fin mai ou le début de juin, l'accord commercial du
10 janvier 1941 prévoit de nouvelles négociations à Moscou, pour le
règlement de la balance des comptes. De telles négociations n'auraient
cependant un sens que si on en profitait pour présenter des demandes
allemandes spécifiées. Si ce n'était pas le cas, j'ai l'intention de faire
traîner en longueur en ce qui concerne la date des négociations.
DOCUMENT 92
Mémorandum du Secrétaire d'État au
Ministère des Affaires Étrangères allemand (Weizsiicker)
DOCUMENT 93
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich au Ministre d'Allemagne
en Hongrie (Erdmannsdorff).
Télégramme
Secret d'État.
N° 522 du 1 5 juin.
Transmis à Budapest sous le N° 1 02 1 .
Venise, le 1 5 juin 1 941 , 2 l h 40
Reçu à Berlin le 1 5 juin 1 94 1 , 22 h 1 5
RIBBENTROP
DOCUMENT 94
Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich
à l'ambassadeur d'Allemagne en URSS (Schulenburg).
Télégramme
Très Urgent - Secret d'État
Par radio
Berlin, 21 juin 1 94 1
Pour l'ambassadeur personnellement.
RIBBENTROP
DOCUMENT 95
Lettre de Hitler à Mussolini
2 1 juin 194 1.
Duce !
Je vous écris cette lettre à un moment où des mois de délibérations
anxieuses et d'une attente continuelle et épuisante pour les nerfs se
résolvent en la décision la plus dure de toute ma vie. Je crois - après
avoir vu les plus récentes cartes de la position des Russes et après avoir
soupesé de nombreux autres rapports - ne plus pouvoir prendre la res
ponsabilité d'attendre plus longtemps, et , par-dessus tout, je crois qu'il
n'y a aucun autre moyen de parer à ce danger - sauf par un prolonge
ment d'une attente qui, cependant, conduirait nécessairement à la catas
trophe cette année-ci ou l'année prochaine au plus tard.
La situation : l'Angleterre a perdu cette guerre. Comme quelqu'un
qui se noie, elle se raccroche à chaque brin de paille qui, dans son
esprit, peut lui servir d'ancre de salut. Néanmoins certaines de ses espé
rances ne manquent naturellement pas d'une certaine logique.
L'Angleterre a jusqu'à présent toujours mené ses guerres avec une aide
venue du Continent. L'écrasement de la France - en fait l'élimination de
tout point d'appui en Europe occidentale - conduit les regards de tous
les bellicistes britanniques constamment vers le point duquel ils ont
tenté de faire commencer la guerre, vers la Russie Soviétique.
Les deux pays, la Russie soviétique et l'Angleterre , ont un égal
intérêt à voir l'Europe tomber en ruines, rendue impotente par une
guerre longue. Derrière ces deux pays se tient l'Union Nord Américaine
qui les aiguillonne et attend en observant. Depuis la liquidation de la
346 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
1939
1 7 avril Mémorandum de Weizsacker aux Affaires Étrangères :
Entretien avec !'Ambassadeur soviétique.p.35
4 mai Le Chargé d'Affaires Tippelskirch à Ribbentrop : sens du rem
placement de Litvinov par Molotov. p37
20 mai Mémorandum de Schulenburg : Molotov déclare que la création
de « bases politiques » doit précéder de nouvelles négociations écono
miques; il refuse de préciser davantage.
22 mai Schulenburg à Weizsacker : analyse des courants politiques à
Moscou. p39
30 mai Weizsacker à Schulenburg : résumé télégraphique d'un entretien
Weizsacker-Astakhov; l'Allemagne engage des négociations. p4 1
5 juin Schulenburg à Weizsacker : au cours de l'entretien du 20 mai ,
Molotov n'a pas rejeté l'idée d'un accord politique germano-soviétique;
bien mieux, il a suggéré l'idée de discussions politiques.
15 juin Mémorandum du Ministère des · Affaires Étrangères : le
Ministre de Bulgarie rapporte un entretien avec Astakhov relatif à la
politique étrangère des Soviets.
27 juin Schulenburg au Ministère allemand des Affaires Étrangères : il
souligne la crainte des Soviets de voir l'Allemagne engager des négo
ciations dans le seul but de torpiller un éventuel accord anglo-sovié
tique et tolérer ensuite leur rupture , une fois cet objectif atteint.p48
21 juin Mémorandum du Ministère des Affaires Étrangères : Hitler
ordonne de mettre fin aux négociations avec l'URSS. p.49
12 juillet Tippelskirch à Schulenburg : d'entretiens qu'il a eus à Berlin,
Tippelkirsch conclut qu'il n'existe pas dans la capitale d'opinion poli
tique nette sur le problème des négociations avec l'URSS.
22 juillet Schulenburg au Ministère allemand des Affaires Étrangères :
352 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
1 940
26février Mémorandum Accord commercial germano-soviétique du 1 1
février 1 940 : livraisons de matériel de guerre promises par les Soviets.
13 avril Schulenburg à Ribbentrop : Molotov soutient qu'il est de l'in
térêt commun de l'Allemagne et de l'URSS que la Suède reste neutre.
15 avril Ribbentrop à Schulenburg : l'Allemagne est déterminée à res
pecter la neutralité de la Suède.
JO mai Schulenburg à Ribbentrop : mis au courant de l'invasion,
Molotov comprend l'action allemande et ne doute pas du succès.
8 juin Ribbentrop au Délégué allemand en Bohême-Moravie : interdic
tion aux Organisations ukrainiennes d'exercer une activité.
14 juin Weizsacker à Schulenburg : instructions en vue de discuter avec
Molotov sur l'attitude germanophobe de Mme Kollontay.
26 juin Schulenburg a l'impression que la revendication de la Bucovine
peut être rapportée.
26 juin Schulenburg à Ribbentrop : Molotov déclare que les revendica
tions russes se borneront à la Bucovine du nord compte sur le soutien
de l'Allemagne dans cette affaire.
27 juin Ribbentrop dit qu'il faut avertir la Roumanie de céder. Cette
information est téléphonée à Bucarest.
CHRONOLOGIE 357
194 1
7 janvier Ribbentrop : des forces allemandes puissantes entrent en
Roumanie par Hongrie, pour des opérations possibles contre les
Britanniques en Grèce.
1 7 janvier Schulenburg : Molotov exprime sa surprise de ce qu'il n'ait
pas été reçu de réponse à la déclaration du 25 novembre qui proposait
l'adhésion soviétique au Pacte des Trois Puissances; il compte sur une
réponse rapide; Schulenburg déclare que la chose est en discussion
avec l'Italie et le Japon; Molotov réitère l'avertissement au sujet des
troupes étrangères en territoire bulgare et dans les Détroits.
7 février Ribbentrop à Schulenburg : la Bulgarie se joint au Pacte des
Trois Puissances, l'activité britannique en Grèce a rendu nécessaire
l'entrée des Allemands en Bulgarie.
l" mars Schulenburg à Ribbentrop : Molotov déclare que l'occupation
de la Bulgarie par les Allemands porte atteinte à la sécurité de l'URSS.
27 mars Ribbentrop à Matsuoka : l'Axe a déjà gagné la guerre; rela
tions avec l'URSS correctes, mais l'Allemagne observe avec méfiance
la politique soviétique; attaque japonaise contre Singapour briserait le
moral britannique, et tiendrait les États-Unis en dehors du conflit.
28 mars Ribbentrop à Matsuoka, le 28 mars 1941 : Ribbentrop déclare
qu'une vraie coopération avec l'URSS est impossible, et recommande à
Matsuoka de ne pas discuter de l'admission de l'URSS au Pacte des
Trois Puissances quand il retournera à Moscou.
29 mars Mémorandum de la conversation entre Ribbentrop et
Matsuoka : Ribbentrop déconseille à nouveau à Matsuoka toute discus
sion politique avec l'URSS et promet l'aide allemande pour le cas d'une
agression soviétique contre le Japon; une guerre entre l'Allemagne et
l'URSS est possible et explique pourquoi l'Allemagne ne pouvait pas
360 DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
accepter les conditions posées par Molotov; Matsuoka dit qu'il sera
contraint de discuter d'un pacte de non-agression à Moscou.
4 avril Schulenburg : Molotov déclare qu'un traité d'amitié et de non
agression va être signé entre la Yougoslavie et l'URSS , Schulenburg
déclare que le moment choisi est malheureux et insiste vainement pour
que le gouvernement soviétique reconsidère la question.
6 avril Ribbentrop :l'Allemagne prend des mesures militaires en Grèce
et en Yougoslavie pour chasser les Britanniques de Grèce; l'Allemagne
n'a pas d'intérêts politiques ni territoriaux dans les Balkans et retirera
les troupes allemandes quand la tâche de celles-ci sera achevée.
13 avril Schulenburg au Ministère des Affaires Étrangères allemand :
Matsuoka : le Pacte de Neutralité ssigné dans l'après-midi.
18 avril L'exécution de l'accord commercial entre l'Allemagne et
l'URSS du I l février 1940. Donne le total des livraisons soviétiques.
23 avril Le Haut Commandement des Forces Armées : la violation de
la frontière allemande par l'aviation soviétique.
28 avril Weizsacker : la guerre contre l'URSS donnerait à la Grande
Bretagne une force morale nouvelle, et sacrifierait les avantages éco
nomiques que l'Allemagne tire actuellement de la paix avec l'URSS.
15 mai Mémorandum Schnurre : les récentes négociations commer
ciales germano-soviétiques et les livraisons de matières premières
l'Allemagne pourrait demander des livraisons encore plus importantes.
1 7 mai Mémorandum de Weizsacker : Oshima s'informe des relations
germano-soviétiques, et reçoit une réponse évasive.
15 juin. Ribbentrop à Erdmannsdorff : la Hongrie doit être préparée à
une rupture germano-soviétique.
21 juin Ribbentrop à Schulenburg : le texte de la déclaration de guerre
de l'Allemagne.
21 juin Lettre d'Hitler à Mussolini : défense de la décision d'attaquer
l'URSS .
TEXTES DES ACCORDS
GERMANO SOVIETIQUES
1 939- 1 94 1
Pacte germano-soviétique de non-agression du 23 août 1939
Protocole secret
Traité germano-soviétique
de délimitation et d'amitié du 28 septembre 1939
BIBLIOGRAPHIE
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Viktor SuvorovLe Brise Glace Orban 1989
DOCUMENTS DE LA WILHELMSTRASSE
Collections consultées
Documents
Le rapport Staline 1 15
Les documents de la Wilhelmstrasse 1 29
Chronologie 353
Texte des accords germano-soviétiques 1 939- 1 94 1 361
Bibliographie 367
Table des matières 369