Maurras Charles, Dictateur Et Roi (2012)
Maurras Charles, Dictateur Et Roi (2012)
Maurras Charles, Dictateur Et Roi (2012)
tent de ltre sil mest dmontr que la transmission hrditaire du pouvoir est le seul moyen dchapper au csarisme, consquence fatale de la dmocratie, telle quon lentend en France. Ernest Renan (Lettre du 14 janvier 1852).
Dictateur et Roi a t rdig dans lt de 1899, peu de jours aprs les arrestations du 13 aot. Un certain nombre de nos amis taient prvenus de complot. Il nous avait donc paru juste, convenable et ncessaire, de rpondre au dfi de la Haute Cour par des entreprises nouvelles. On avait jusque l beaucoup parl de royaut, mais toujours en termes si vagues ou si expditifs que le mot ne reprsentait rien de net lesprit ou figurait des images de larchasme le plus pur. Il paraissait urgent de rendre des couleurs vivantes au nom dune institution dont la ncessit se faisait sentir de plus en plus chaque jour tous les Franais rflchis. Mon ami Frdric Amouretti, que je consultai le premier, mapprouva et mencouragea vivement. On verra, par mes notes, quil a collabor ce travail, et dans quelle mesure. La meilleure forme dun acte de ce genre nous parut tre une dclaration des crivains royalistes, tablissant avec clart quel serait le rle momentan et quelle tait lessence perptuelle du rgime monarchique traditionnel. Jentrepris aussitt de rdiger un texte. MM. Charles Vincent et Jacques de La Massue furent nos premiers adhrents. Un suffrage du plus haut prix nous tait venu ds la mme heure : ctait celui dun vtran de la cause royale, homme de haute intelligence, dun caractre ferme, dun savoir tendu, M. Auguste Cordier, alors directeur du Nouvelliste de Bordeaux. La France et le Roi ont perdu en lui un grand serviteur. Les nouveaux royalistes, alors bien inconnus ou bien contests, noublieront pas les prcieux encouragements quils reurent ds la premire heure dAuguste Cordier. Un quiproquo fcheux, suivi de quelques discussions toutes verbales (absolument en dehors de la direction du monde royaliste), se mit en travers de la publication projete. De retard en retard, on trana jusqu la fin du printemps suivant. LEnqute sur la Monarchie commena Bruxelles et
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continua Paris. Or, comme elle tait faite sur le mme plan et selon les mmes doctrines que Dictateur et Roi, le premier document devenait superflu. Il resta donc ltat dbauche, quil arriva de mettre au jour de temps en temps pour satisfaire la curiosit dun ami ou pour claircir quelque discussion. Mais plus dune conversion royaliste fut hte et mrie par cette lecture. Le jour o lon renona srieusement la publication immdiate, une voix dit : Cest dommage, ctait clair ! ... Jamais une oraison funbre ne me fit autant de plaisir. Voici lessentiel de ce document.
Les adhsions nous viennent de tous les groupes de lopinion et de tous les points du pays. Elles arriveraient plus nombreuses encore sans un malheureux prjug : quantit dantidreyfusiens et dantismites, patriotes aussi nergiques que passionns, se reprsentent la Restauration monarchique comme un rgime trop effac, trop tempr, trop parlementaire pour mettre fin aux entreprises des factieux. Par la dclaration que voici, nous nous proposons notamment(1) de dtruire ce prjug et de dfinir ce que nous entendons et avons toujours entendu par la Royaut. Il faut que tous les Franais en ge et en tat dapprcier une doctrine politique connaissent la Royaut dans la double fonction quelle doit exercer, lune transitoire et lautre constante : dabord faisant justice des criminels dtat, procdant ensuite la reconstitution et la gestion du pays.
Ils affirment enfin que la rpression exerce par le roi vitera de multiplier inutilement les rancunes. Il ne doit pas se former en France un nouveau parti de vaincus et de parias. La vengeance publique doit frapper les meneurs et tous les meneurs, mais eux seuls : cest la paix, cest loubli quapportera le Roi aux sduits et aux gars. Son aeul Henri IV, qui ne sattardait gure aux sditions du menu peuple, nhsita point faire excuter cinquante mille gentilshommes dune seule province, coupables de prparer la guerre civile. Ainsi laction royale ne doit sattacher quaux grands criminels, mais elle doit les rechercher avec une froide et mthodique nergie, sans autre sentiment que lamour du pays et la haine des ennemis de la Nation. Aprs la Commune, on a fusill des milliers douvriers et laiss chapper les chefs : un Roi de France aurait frapp ces derniers sans misricorde mais il et pargn le peuple.
cest donc proprement la constitution naturelle et rationnelle du pays enfin retrouve ; et le rgne du Roi nest que le retour notre ordre.
Pourquoi faire des citoyens, en des lieux o ltat centralis prend forfait toutes les besognes civiques ? Mais ces besognes, il est vrai que ltat les fait mal, tant mal outill pour les faire. Nos diffrentes communauts glissent ainsi une dcadence profonde, o ltat lui mme les suit : pauvre dhommes, la France sera bientt pauvre de tout. Considrant que les ges de vraie et solide prosprit nationale furent, en France, ceux o le Pouvoir royal, indpendant et matre des attributions propres de ltat, nempchait point les diffrents corps, compagnies et communauts de la nation de grer librement leurs intrts particuliers ; Considrant que la dcadence de la Monarchie nationale suivit sous les Bourbons la dcadence de ces corps, compagnies et communauts : chaque empitements du pouvoir royal sur leur autonomie tant aussi marqu par lamoindrissement secret de ce pouvoir ; Considrant que ces clatantes leons donns au Roi et la France par huit sicles dexprience historique ne seront point perdues pour la France ni pour le Roi : Le Pouvoir royal ne peut dsormais manquer de tendre, avec fermet, quoique avec sagesse et moyennant les dlais et prcautions indispensables dans la pratique, rtablir lusage de ces liberts partout o lintrt suprieur de la Patrie et de ltat nexigera pas le dploiement de lautorit. Cest dire que : Les familles sorganiseront comme il leur plaira. On testera comme on voudra. Les pres qui voudront constituer la suite de leurs descendants des biens hrditaires, incessibles et insaisissables, en auront toute libert. Reconnues enfin pour des associations naturelles, les familles pourront acqurir des droits analogues ceux des citoyens, possder en commun un avoir honorifique et moral comme un avoir matriel. Les communes et les pays (ou arrondissements), par une suite de mesures libratrices prudemment sries, deviendront matres de rgler
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selon leur gr leurs affaires propres, disposant de leur ordre intrieur sans intervention de ltat, dcidant des affaires qui sont familires ou qui peuvent ltre chacun de leurs membres et ntant borns, dans cet honnte et raisonnable libert, que par le bien commun et la sret du royaume. Ces vastes rgions qui stendent autour de nos grandes villes (Lyon, Bordeaux, Marseille, Lille, Nancy, Toulouse, Rouen, Montpellier, Grenoble, Besanon, Limoges, Clermont, etc.) seront reconnues par la loi et dlivres du sectionnement dpartemental, qui est absurde et anarchique ; les territoires agglomrs autour de ces capitales naturelles obtiendront progressivement lautonomie, en tout ce qui touche leurs affaires particulires, sans engager lintrt national ; de grands conseils provinciaux, sous le contrle, suprieur mais loign, de ltat, concourront au rveil et la renaissance du corps entier de la patrie que la politique jacobine a diminu. Les associations professionnelles, confessionnelles et morales jouissant de la plus complte libert, seront soumises au droit commun, et considres comme des personnes civiles autonomes, faisant leur police elles-mmes par cet esprit de corps qui est le principe de tous les progrs ; elles seront capables de possder, dacqurir, daliner, dacquitter des impts, de payer des amendes et dtre mme, en cas dindignit lgale, retranches de la vie commune temps ou perptuit. Au rsum, le citoyen, dans toute la sphre o il est comptent et intress directement, dans tout ce quil a le pouvoir de connatre et donc de juger, est prsentement un esclave. Le pouvoir royal lui rendra la disposition et la souverainet de ce domaine qui lui fut arrach sans droit, sans utilit, et au pril mme de la force de la patrie. Voil ce que fera le roi pour les liberts. Il les rendra aux citoyens. Il en sera le garant, le dfenseur et le gendarme. Examinons ce quil fera pour lautorit, ainsi chasse du dtail intrieur de la vie civile.
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Quel grand ou petit magasin, quelle choppe de fruitire ou de savetier survivrait ce changement continuel et systmatique de direction ? Quelle industrie ne serait ruine si le personnel directeur en tait boulevers tous les dix, vingt ou trente mois ? (3) Aucun ministre na le temps dtudier les services quil est cens diriger. Cest peine sil les connat de vue. Le pauvre homme laisse donc ses chefs de bureau dcider de tout. De temps en temps sur linjonction de quelque groupe parlementaire, il les bouscule avec une passion ignorante et violente. On passe ainsi de la Routine la Rvolution, sans moyenne heureuse possible. Ni contrle srieux, solide, personnel, ni sre tradition. Aussi notre administration ne fait elle plus de progrs : trop heureuse quand elle vite la dchance. Car cette direction ministrielle instable est, de plus en plus, divise contre elle mme jusqu la folie. Point dunit de vues entre les membres du mme ministre. Point mme dunit de vues chez le mme ministre. Il a, dune part ses amis politiques combler, dautre part ses adversaires apaiser. La manuvre parlementaire opprime ainsi sa politique gnrale ; celle ci est subordonne absolument celle l. Comme la plupart des ministres sont tirs de la classe honteuse qui vit de nos budgets, comme ils nont dexistence que par la classe de leurs souteneurs lectoraux, les ressources de la nation sont mises au pillage. La dpense inutile et dorigine lectorale augmente chaque jour, et les recettes se rduisent du mme mouvement. Dfense nationale, industrie et commence de la nation, tout est sacrifi aux petits intrts de nos fabricants de scrutins. Si lon creuse un port, cest pour eux. Cest pour eux quon trace une route. Cest pour eux que lon construit un chemin de fer. Lintrt gnral ny a quune part misrable. Notre puissance financire spuise satisfaire la clientle lectorale des dputs et des snateurs influents, absolument comme notre puissance politique asseoir fermement et dfendre obstinment linfluence de ces gens l. Impuissant pour le bien public, le rgime, quand il a la prtention dtre fort, dpense ses ressources fiscales et ses instruments de police tablir ses hommes ou consolider lanarchie qui rgne avec eux. Par ces gaspillages, et aussi faute dune direction comptente et continue, le commerce diminue et lindustrie baisse malgr la crue factice dtermine par lExposition. Lagriculture ne vend point ou vend mal
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ses produits, et le prestige politique de la France suit la mme dpression que sa puissance conomique. Un pouvoir sans vigueur, qui administrait faiblement larme et ne la commandait point du tout, la laiss insulter depuis deux ans entiers. Ce pouvoir, dans lordre diplomatique, ayant, non sans incohrence, engag lentreprise de Fachoda, nen a pu sortir qu notre honte commune. Lalliance russe(4) a mme cess de paratre dans le vocabulaire des conversations de lEurope. M. de Bismarck prvoyait sans doute plusieurs de nos malheurs prsents quand il fit tout pour nous vouer au systme rpublicain. Bismarck nignorait pas que la force dun tat suppose lunit de vues et lesprit de suite, la cohsion et lorganisation. Et comme le rgime de la Rpublique nest que labsence dune volont directrice et dune pense continue au centre du pouvoir, il sentait combien ce rgime divise et condamne au changement perptuel le peuple qui sy abandonne. On nous dit bien, chez les rpublicains parlementaires et aussi chez les plbiscitaires, que ce pouvoir instable et dbile repose sur une assise ferme. Lassise quils trouvent si ferme, cest la volont nationale, sexprimant par les lections lgislatives ou les plbiscites. Delle vient, puisquen elle rside, disent-ils, lautorit gouvernementale. Les mmes hommes qui refusent au citoyen le droit de traiter des questions quil connat et de grer les intrts qui lui sont les plus proches, les mmes hommes qui refusent llecteur municipal le droit de changer une fontaine de place ou douvrir un chemin sans la permission de ltat, prtent, par la plus tonnante des fictions constitutionnelles, au mme citoyen et au mme lecteur le pouvoir absolu de faire un choix sens et dmettre un avis utile sur les questions les plus lointaines, les plus profondes et les plus pineuses de la politique gnrale : cet lecteur, ce citoyen, dont on suspectait tout lheure la comptence en des sujets fort modestes, est tout dun coup cens possder les lumires des classes de lInstitut, puisquon propose ce citoyen de choisir entre la politique radicale et lopportuniste, entre lautoritaire et la librale, entre le socialisme et le capitalisme, et quil a le droit dorienter par son choix, par son vote, la lgislation, la haute justice, la diplomatie, lorganisation militaire et navale du pays tout entier ! Jamais une si grande chimre na t ralise avec probit. Au lieu de sen plaindre, il faut voir quelle est irralisable et prvoir que, mme indpendant,
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mme probe, mme intelligent, llecteur sera toujours incomptent sur la plupart des sujets qui lui seront soumis. Cette incomptence le rend ou violent et aveugle, ou hsitant et versatile, souvent mme ceci et cela tout la fois. Llecteur franais passe son temps dlivrer des blancs seings des inconnus, sans autre garantie que la nuance des affiches sur lesquelles les candidats ont inscrit leurs dclarations. Ce systme intresse, excite, dtermine les partis dopposition, mme honntes, plus forte raison ceux qui ne le sont pas, provoquer le plus grand nombre possible de scandales et de catastrophes, de manire causer le plus de mutations possibles chaque renouvellement lectoral. Lintrt de parti remplace ainsi le bien public. Cest ainsi que lon dcompose la France. Quy devient ltat ? Un esclave. Esclave des Chambres. Esclave des partis parlementaires, des coteries lectorales. Esclave mme de ces vnements imprvus qui, sous un tel rgime, dchanent avec la panique, des changements dopinion, donc de personnel et de direction, mais qui sont justement ceux qui exigeraient, au regard du salut public, le maximum de fermet, de stabilit et de possession de soi mme : on est conduit ncessairement tout branler quand il faudrait tout affermir ; on destitue Varron lheure prcise o il le faudrait accabler, mme incapable et mme indigne, des tmoignages de la confiance de ltat. Par ce triple et quadruple esclavage lintrieur, ltat franais tend la servitude extrieure ; les autres tats ne tolrent son indpendance apparente que pour le mieux laisser flchir, dgnrer et fondre de lui mme. Considrant que les crivains soussigns se savent pntrs des ncessits politiques qui peuvent chapper leurs concitoyens et quils agissent en fonds de pouvoirs et ans de la Race, dans le plein exercice des devoirs et des droits qui leur sont confrs par les malheurs publics ; Considrant quils sont conscients de lobligation de veiller et de pourvoir au salut commun ;
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Considrant que le salut commun, condition de tous les droits, impose un devoir essentiel envers la communaut nationale ; Considrant que la communaut nationale, la Patrie, ltat ne sont point des associations nes du choix personnel de leurs membres, mais uvres de nature et de ncessit ; Considrant aussi que lunit de la France nest pas forme par un certain nombre dindividus vivant un moment donn et ayant en commun certaines ides, ou certains gots phmres, mais bien par un certain nombre de familles se dveloppant dge en ge et ayant en commun certains intrts permanents : intrts du sol dfendre, de la race perptuer, capital conomique et moral dvelopper ; Considrant que labsence fatale de toute autorit permanente sous le rgime rpublicain menace et compromet ces profonds intrts qui sont gnralement la force franaise, des volonts, des ides et des sentiments propres aux Franais ; Le citoyen franais abandonnera par un fidicommis solennel et irrvocable(5) la branche survivante de la famille Captienne lexercice de la souverainet. Par l, lautorit se reconstituera au sommet de ltat. Le pouvoir central sera dlivr des comptitions des partis, des assembles, des caprices lectoraux : ltat aura son libre jeu. Sous sa responsabilit, dans lindivisible intrt de sa famille et de son peuple, le Roi, chef de ltat, rgnera et gouvernera. Son Arbitraire conscient, lgal et responsable, et celui de ses successeurs assureront lunit, la constance, la permanence des desseins, moyennant lassistance des hommes comptents, sigeant dans les conseils techniques et dans les assembles locales. Expliquons le dtail de cette fonction de ltat : Il ny aura plus de Parlement langlaise. Lexprience parlementaire, tente de 1815 1830 et de l jusquen 1848 par les plus honntes gens et mme les plus clairs, a chou. Sil sest accompli des progrs considrables sous la Restauration et le Gouvernement de Juillet ; si lon peut dire que notre capital moral et conomique sest refait ce moment l et que nous vivons de cet ancien capital,
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lhistoire fait voir clairement que le bien sopra malgr le rgime parlementaire, grce lesprit politique des princes ou de vritables dictatures ministrielles (le duc de Richelieu, Villle, Guizot) : dictatures qui ntaient du reste possibles que sous la monarchie. Il faut au Prince, une responsabilit dfinie. Comme dit Renan : La royaut nous montre une nation concentre en un individu ou, si lon veut, en une famille, et atteignant par l le plus haut degr de la conscience nationale, vu quaucune conscience ngale celle qui rsulte dun cerveau , quelle que soit, au reste, la valeur propre de ce cerveau. Les ministres seront responsables devant le prince. Tous les ans, une dlgation des assembles provinciales se runira Paris pour voter et contrler les finances communes. Paris sera le sige ordinaire de la Cour et le rendez vous permanent de tous les grands corps de ltat. Nous appelons ainsi tous les corps dignes de ce nom : Chambres industrielles et commerciales, Union des corporations, Socit des agriculteurs de France, Institut, etc. Les conseils du Roi seront naturellement recruts dans ces hautes Chambres techniques, vritables tmoins de laction et de la production de la France, nayant rien de commun avec cette cohue de polissons, dintrigants et de bavards qui, sous prtexte dun mandat lectoral, grouillent dans le Palais Bourbon et le Luxembourg : trangre au Pays, spale du Pays, tant du chef de ses intrts que du chef de ses sentiments. Le pays producteur, le pays travailleur sera ainsi mis en contact perptuel avec le pouvoir politique. Celui ci, devenu organe spcial, sera le matre de sa spcialit. On le conseillera et on lclairera, mais au nom du principe de la division du travail, on ne lentravera point dans ses actes propres. Ces conseils techniques du trne, ces assembles professionnelles, pourraient former plus tard les lments de quelque Snat nouveau ; mais, outre quun Snat, cration historique, ne simprovise point, mieux vaut peut tre aussi que les conseils techniques, expression de comptences particulires, soient tenus normalement isols les uns des autres, pour que chacun exerce pleinement son autorit respective : au besoin lon pourra soit les assembler en des congrs, soit en former certaines commissions mixtes dont le Roi, en personne ou par ses commissaires, sera le modrateur, linitiateur et larbitre.
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Quant aux usurpations des assembles locales ou professionnelles sur les droits rgaliens de ltat, un chtiment dtermin par les lois du royaume les rendra impossibles ou les rprimera avec la dernire vigueur. De mme le Prince pourra-t-il tre invoqu en dernier appel, comme arbitre suprme et comme grand juge, par les citoyens qui se trouveront lss par les pouvoirs infrieurs. Son rle sera de dpartager, de concilier et de modrer les uns et les autres. Il ne se mlera pourtant de leurs affaires qu la dernire extrmit et sur lappel des intresss, car des soucis plus importants lappelleront ailleurs. Au rsum, ltat, reprsent par le pouvoir royal dans toutes les hautes et lointaines questions de politique gnrale qui chappent la comptence et la rflexion des particuliers, sera rtabli dans ses droits naturels et rationnels, qui sont lIndpendance et lAutorit. Le citoyen les lui abandonnera dautant plus volontiers que, tant lui mme dans limpossibilit dexercer ces pouvoirs ncessaires, il est aujourdhui le premier souffrir, dans sa fortune aussi bien que dans sa fiert, de labsence de protection et de direction nationale. Ltat aura des conseillers, mais naura dsormais quun Matre. Ainsi seront concilies dans le nouveau royaume de France, conformment ses traditions nationales, une autorit et des liberts qui sont, au mme degr, ncessaires.
Labsurde Rpublique une et indivisible ne sera plus la proie de dix mille petits tyrans invisibles et insaisissables ; mais des milliers de petites rpubliques de toute sorte, rpubliques domestiques comme les familles, rpubliques locales comme les communes et les provinces, rpubliques morales et professionnelles comme les associations, sadministreront librement, garanties, coordonnes et diriges dans leur ensemble par un pouvoir unique et permanent, cest dire personnel et hrditaire, par l mme puissant et sage, tant intress au maintien et au dveloppement infini de ltat. Il est observer que cet tat si fort dans sa propre fonction gouvernementale sera trs faible pour rien entreprendre contre le citoyen. Car, au lieu que le citoyen de la Rpublique franaise se trouve rduit ses pauvres forces individuelles pour lutter contre le mcanisme norme de ltat, le citoyen du nouveau Royaume de France se trouve engag dans toutes sortes de libres et fortes communauts (sa famille, sa commune, sa province, sa corporation, etc), qui emploieront leurs forces le sauver de tout arbitraire injustifi. Les garanties du citoyen dans ltat rpublicain sont absolument thoriques, mais sont dduites, il est vrai dune thorie (les Droits de lhomme) qui conduit mconnatre les droits de ltat : dans la pratique, elles svanouissent absolument. Respectueuse des droits suprieurs de ltat, la thorie monarchiste confre au citoyen des garanties pratiques, des garanties de fait : celles ci ne sont pas thoriquement inviolables, mais elles sont pratiquement trs difficiles violer. La libert est de droit sous la Rpublique, mais elle y est seulement de droit : sous la royaut nationale, les liberts seront des faits, certains, rels et tangibles.
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Nous allons essayer de dire comment les trois questions les plus pineuses de la politique franaise, pourront selon toute vraisemblance, tre rgles. 1 Question religieuse. Par la libert dassociation et la renaissance des grands corps, compagnies et communauts autonomes, on tendra ncessairement la suppression du budget des cultes et de celui des universits. Les universits et les cultes doivent suffire eux mmes leurs besoins. Le catholicisme, religion traditionnelle de la France, recouvrera tous les honneurs auxquels il a droit. Un gouvernement dillettrs et de furieux pouvait seul les lui marchander et, par exemple, exclure de la Sorbonne Louis XI et de Gerson lenseignement de la thologie. Ce rgime de petitesse sera clos. Mais il est vident que la libert intellectuelle la plus complte rgnera sur le sol franais. Loin de troubler luvre de recherche scientifique et philosophique, il faut que ltat en seconde et en facilite le cours, au moyen de libralits et de dignits accordes tous les hommes qui sy seront distingus. Dailleurs, sur le ferme terrain de lorganisation et de la direction des socits, il ne peut y avoir conflit entre les esprits religieux et les esprits scientifiques. La politique catholique exclut lidologie rvolutionnaire qui est en horreur chez les positivistes ; quant la politique positiviste, ses sympathies et ses affinits avec le catholicisme sont videntes. Ltat aura seulement pratiquer envers lui mme le devoir troit de ne point favoriser ni subventionner, comme la fait linimitable Rpublique prsente, des thories qui ont pour fin prochaine ou pour objet immdiat le renversement de ltat : lanarchie politique et ses thoriciens seront donc surveills, et sil existe des confessions religieuses qui tendent cette anarchie, elles seront soumises cette surveillance, qui est de droit naturel. Il en serait de mme pour les confessions qui tendraient desservir lintrt national au profit de ltranger. 2 Question militaire. Le roi de France constituera, lui seul ayant autorit pour entreprendre une telle rforme(6), une arme de mtier, signe vivant de sa force et de notre unit, aussi nombreuse, aussi exerce que possible. Le reste des contingents nationaux serait soumis six ou huit mois dexercice, avec appel dun mois, de deux ans en deux ans. Le principe de la division du travail
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condamne le systme de la nation arme, fonde en thorie sur une grave erreur historique (les volontaires de 1792) et obtenu pratiquement par une dtestable contrefaon du systme allemand. 3 Questions conomiques. Lusure sera poursuivie. Rprouvant toute philanthropie hypocrite, on dfendra le peuple laborieux contre les agitateurs et les dmagogues aussi bien que contre les agioteurs. Les abus du capitalisme, tant le prtexte de lagitation rvolutionnaire, seront observs avec vigilance. Lindustrie nationale, le travail national seront protgs contre le travail et lindustrie de ltranger, mais aussi contre les spculateurs cosmopolites tablis au milieu de nous. Un peuple sain et fort limine de lui-mme ces parasites. La bonne politique lui rtablira ses finances. Ladministration, arrache enfin au contrle rvolutionnaire du Parlement et la somnolente routine des bureaux, pourra devenir un auxiliaire utile. Responsables de ces administrations devant la Couronne, les divers ministres sont presss dy introduire les rformes souhaites du public. Une police financire sera constitue sur le type de la police politique, non pour ralentir les transactions, mais pour pargner aux citoyens ces ruines subites dont le pays entier subit le contrecoup. La proprit sera dfendue et encourage sous toutes ses formes, depuis le simple livret de caisse dpargne, organe lmentaire de la dfense personnelle, jusqu la proprit territoriale, qui forme la base physique de la patrie.
Conclusion.
Quoi quon ait prtendu, cet espoir dune renaissance franaise nest point une chimre, car la vitalit du pays, si elle est menace, ne parait pas trs gravement atteinte. Moralement, physiquement et financirement, nous sommes trs riches encore ; mais on gaspille nos richesses et on les administre mal. Celui qui gurira les deux plaies politiques qui nous ont t faites depuis cent ans, panarchisme administratif, anarchisme dtat, ltat sans matre, lAdministration matresse de tout, gurira le principe de nos misres. Nous sommes royalistes parce que nous considrons que la royaut est seule capable doprer lune et lautre mdication.
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Un parlement, cr par llection, dpend aussi de llection. Un Parlement ne confre donc ltat ni lautorit ni lindpendance. Mais un chef dtat plbiscit se trouve dans les mmes conditions quun Parlement. Si on le nomme temps, quelle prime on offre aux plus vastes agitations lectorales ! Et quel trouble priodique dans ltat ! Le prsident des tats Unis dAmrique nose, mme dans les conjonctures dune trs haute gravit, prendre une seule dcision, trancher un dbat important, donner un ordre prcis, aussitt quapproche la date de llection prsidentielle : le malheureux craint, en effet, en fournissant un avis quelconque, de saliner un groupe quelconque dlecteurs (7). Si on nomme vie ce prsident quelle prime on offre lassassinat et, en tout cas, quelles rvolutions, quelle agitation, quels transports de fivre malsaine on prpare pour linstant de sa succession ! Cest le rgime qui perdit la malheureuse Pologne ; car au lieu de rduire et de circonscrire la comptition gouvernementale une classe, une caste, une famille, il ltend au pays entier ! De plus, ce dictateur nest responsable que pour un temps, au maximum le temps de sa vie complte. Sil vite les fautes et les imprudences dun ordre trop direct et trop immdiat, rien ne lempche de compromettre, de grever et de sacrifier lavenir du pays. Tel est le propre de la dictature personnelle. Voil pourquoi nous demandons le pouvoir souverain non pour un homme, non pour un peuple, mais pour une famille reprsentante de ce peuple et elle mme reprsente par un homme. Nous esprons quon ne nous rpondra point de sornettes sur le hasard de la naissance. Comme si llection navait point ses hasards ! Comme si ces derniers hasards ntaient point pires que les premiers ! On lve un Dauphin en vue du trne ; on ne fait pas lducation dun candidat la prsidence de la Rpublique. Jamais dailleurs, ni en aucun pays, non point mme chez les tribus les plus sauvages, le hasard naturel de lhrdit nleva sur le trne une succession de mdiocrits comparables la srie Carnot Prier Faure Loubet. Ce quadruple nant fut cependant port au fauteuil prsidentiel par le choix de deux assembles unies en Congrs solennel. Le systme de lhrdit monarchique suppose, daprs un sentiment naturel de prvoyance domestique (qui peut manquer une fois
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mais qui se retrouve neuf fois sur dix), que le chef de ltat ne jouera point facilement lavenir de sa dynastie et dans tous ses calculs appellera la prudence et la rflexion. Ces vertus vraiment paternelles, propres aux pres et aux chefs de famille, ont prcisment distingu la Maison Captienne dans son uvre de constitution de la France. Ses princes se sont appliqus, dun rgne lautre, ne point trop gagner dans une seule entreprise, de crainte de trop perdre ultrieurement comme il est arriv des Napolon. Mais, la diffrence de Napolon Ier et de Napolon III, qui tous deux laissrent la France plus petite quils ne lavaient trouve, les descendants dHugues Capet ont tous transmis leur hritage tel quils lavaient eu de leurs devanciers ou augment de quelque province. Si donc, en vue de nous viter les inutiles et prilleuses comptitions lectorales, pour prvenir le retour priodique des agitations et enfin pour avoir la paix, si, disons nous, lon convient de confier le pouvoir une famille, il est vident que cest la plus digne, la plus ancienne et la plus illustre des familles franaises que doit revenir cet honneur. Ni la famille Bonaparte, quelque glorieux quait t son rle historique, ni aucune autre maison franaise, quelques services qui aient t rendus la nation, noffre de garanties comparables celle de la race des Captiens. Elle na mme point dane en Europe, et elle est nous. Bien mieux que cela, elle est Nous. Son histoire est la ntre. La figure de notre terre porte partout son nom et son souvenir. Comme Ivan le Grand fut surnomm le Rassembleur de la terre russe, cette dynastie peut tre appele Rassembleuse de la terre franaise (8). Sans elle, il ny aurait point de France. Cela est dune rigueur absolue. Les souvenirs de Rome ont fait lunit italienne. La ralit de la race et de la langue germanique, unie aux traditions de Charlemagne et du Saint Empire, a fait lunit allemande. Lunit britannique est rsulte de la condition insulaire. Mais lunit franaise, uvre de politique, de la plus souple, de la plus longue et de la plus ferme politique autoritaire, rsulte et rsulte exclusivement de desseins continus pendant 1 000 ans par la Maison de France. Cette unit, si solide quelle semble aujourdhui spontane et naturelle, est luvre unique de nos princes. La nature stait contente de rendre cette unit possible, non ncessaire, ni fatale : ces princes lont forme et faonne comme un artisan donne un tour personnel quelque matire choisie.
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Dynastie vritablement terrienne et paysanne, puisquelle a arrondi sa terre et compos notre pays, mais dont on ne peut dire au juste si cest laudace ou la sagesse qui lont mieux caractrise ! La politique des Hohenzollern, si fatale la France, mais si avantageuse tout le peuple allemand, nest elle mme quun bon dcalque et un plagiat raisonn de la politique des Captiens. Bien que partie dun certain point du pays, cette dynastie populaire et militaire sest peu peu tendue jusquaux confins de lancienne Gaule ; sa tradition sest amalgame toutes les ntres. Les liberts que nous ont fait perdre cent ans de csarisme et danarchie sont celles que nos pres conquraient autrefois sous le rgne des Captiens et que ceux-ci reconnaissaient en de solennelles conscrations. La royaut et les liberts sont mortes ensemble. Tout annonce quelles devront renatre de concert. Il est une France idale, disent dans leur mauvais langage, les rhteurs, dorigine anglaise, allemande, helvtique, qui prsident lglise rpublicaine. Nous sommes citoyens dune France relle. Par la France, nous entendons une ralit plus chre et plus belle que tout, et non une ide nuageuse. Pulcherrima rerum, comme disait de sa propre patrie le Romain : nous entendons le sol et ses varits, le sang et ses riches nuances, les traditions, les intrts, les sentiments. Nous songeons aux maisons, aux autels, aux tombeaux o dorment de saintes dpouilles. Cette France relle, tant ce quelle est et ayant besoin de Monarchie, postule, par dfinition, ayant t ce quelle fut, la Monarchie du chef de la Maison de France. Celui-ci, tant ce quil est, correspond ces convenances et ces ncessits. Le peuple est prt le sentir. Puissent les esprits cultivs reconnatre ce rapport naturel dune grande nation et dune longue souche de princes, en comprenant enfin la formule de notre avenir national : Ce que nos anctres ont fait par coutume et par sentiment, le poursuivre nous mmes avec lassurance et la nettet scientifiques, par raison et par volont .
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Notes
1. Ce mot notamment est de la main de Frdric Amouretti. 2. Les morts qui parlent, par le vicomte de Vogu. 3. Ces dlais ont t ports trente-six ou quarante mois par les longs ministres Waldeck-Rousseau, Combes et Clmenceau ; leur ridicule insuffisance persiste, comme latteste bien ltat de nos grands services techniques, la Marine par exemple. (Note de 1909). 4. Cette alliance nous avait amens une sorte dentente avec lAllemagne (18 juin 1895, Kiel) qui aboutit au krach de Fachoda. A notre tour, par nos coquetteries inconsidres avec lAngleterre, nous avons contribu garer la Russie vers Moukden. (Note de 1909). 5. On peut nous objecter ici que ce fidicommis ou cet abandon sera lui mme un acte de la volont populaire et que nous rentrons par l dans le systme que nous condamnons. Cette objection dordre logique ne nous sera point faite par des logiciens corrects. Autre chose, en effet, est une doctrine de mythologie politique en vertu de laquelle la volont populaire est souveraine, par ce seul fait quelle est la volont populaire, autre chose est un acte dtermin de cette mme volont, sexerant une fois, et, au lieu d tre prise elle mme pour fondement, fonde sur la raison et lintrt public. Tant vaudront cette raison et cet intrt, tant vaudra cet acte particulier de la volont populaire : il sera donc logiquement antrieur et suprieur lacte de cette volont. 6. Est-il utile de rpter que dans un sujet aussi dlicat, la volont du Dictateur et Roi sexerce avec plus dindpendance encore que dans les autres ? Nous nindiquons que le principe. En Rpublique, les intrts de ltat et ceux de larme sont divergents et rivaux. En Monarchie, ils sont allis et convergents. Ltat peut sy proccuper davoir une arme plus solide et de meilleure qualit en mme temps que dallger le fardeau conomique et social du militarisme. 7. Les six lignes depuis Le Prsident sont de Frdric Amouretti. 8. Phrase de Frdric Amouretti.
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