Revue Archéologique de L'est
Revue Archéologique de L'est
Revue Archéologique de L'est
Tome 57 | 2008
n°179
Éditeur
Société archéologique de l’Est
Référence électronique
Patrice Beck, Philippe Braunstein, Michel Philippe et Alain Ploquin, « Minières et ferriers du Moyen-Âge
en forêt d’Othe (Aube, Yonne) : approches historiques et archéologiques », Revue archéologique de l'Est
[En ligne], Tome 57 | 2008, mis en ligne le 26 août 2009, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://
rae.revues.org/3723
Résumé Entre Sens et Troyes, aux confins de la Bourgogne et de la Champagne, la Forêt d’Othe est un bon observatoire des
pratiques sidérurgiques anciennes. Les activités d’extraction et de transformation ont laissé de nombreux témoignages dans
les archives et, sur le terrain, des vestiges qui se comptent encore par centaines. Délaissant les archives monastiques et les
forges sur l’eau des vallons depuis longtemps bien explorées, la présente enquête s’est intéressée aux seigneuries de l’évêque de
Troyes et de la comtesse de Flandre, particulièrement bien éclairées pour les deux derniers siècles du Moyen Âge d’une part,
aux plateaux forestiers d’autre part. Elle y a découvert qu’à la fin du Moyen Âge, on continue ici de produire du métal selon
des procédés qui n’ont apparemment guère évolué depuis le vie siècle avant J.-C.
Abstract Between Sens and Troyes, within the borders of Burgundy and Champagne, the Forêt d’Othe attests many old
iron workings. The extraction and transformation of iron has left evidence in the archives and hundreds of traces on the
ground. Putting to one side the monastic archives and the water forges that have already been investigated, the present study
tackles the seigniories of the bishop of Troyes and the countess of Flanders, particularly well documented for the last two
centuries of the Middle Ages and the forest plateaux. It has been discovered that at the end of the Middle Ages, metal was
produced according to processes’ which hardly evolved since the 6th century BC.
Zusammenfassung Das Waldgebiet Forêt d’Othe zwischen Sens und Troyes, an der Grenze von Burgund und der
Champagne, eignet sich hervorragend für die Untersuchung der alten Eisenverhüttungstechniken. In den Archiven gibt
es vom Abbau und der Verarbeitung zahlreiche Zeugnisse und auch vor Ort sind noch hunderte von Spuren sichtbar. Die
vorliegende Untersuchung lässt die seit langem gut erforschten Klosterarchive und die Schmieden an den Wasserläufen in
den Talmulden beiseite und beschäftigt sich mit den in den beiden letzten Jahrhunderten des Mittelalters besonders gut
dokumentierten Herrschaftsgebieten des Bischofs von Troyes und der Gräfin von Flandern und den bewaldeten Hochebenen.
Die Untersuchung hat gezeigt, dass sich die Metallproduktion am Ende des Mittelalters kaum von der im 6. vorchristlichen
Jahrhundert unterscheidet.
* Université de Lille 3.
** École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris.
*** Ministère de la Culture, Cellule du Patrimoine industriel.
**** C.R.P.G., CNRS-Vandœuvre-lès-Nancy.
Abîmes (ruisseau des) rivière Saint-Benoît-sur-Vanne 2718 ouest - Aix-en-Othe 700 / 2359,5
Cailloux (la Montagne aux) champs Saint-Mards-en-Othe 2718 est - Auxon 710 / 2352
Creusiot champs Boeurs-en-Othe 2718 ouest - Aix-en-Othe 703 / 2352,5
Ferrée (Forêt) champs Villeneuve-au-Chemin 2718 est - Auxon 711 / 2346,5
Ferrières (Bois des) bois Chenegy 2718 est - Auxon 711 / 2358
Ferrières (Bois des) bois Vauchassis 2718 est - Auxon 717 / 2361
Ferron (Rigny-le-) habitat Rigny-le-Ferron 2718 ouest - Aix-en-Othe 696 / 2357
Filon (le) habitat Saint-Benoît-sur-Vanne 2718 ouest - Aix-en-Othe 697,5 / 2359
Fosse (la Pute) bois Maraye-en-Othe 2718 est - Auxon 712 / 2349,5
Fosse Damnée champs Vosnon 2718 est - Auxon 713,5 / 2346,5
Fosse Jean bois Boeurs-en-Othe 2718 ouest - Aix-en-Othe 705 / 2352
Gouffre (le) bois Boeurs-en-Othe 2718 ouest - Aix-en-Othe 703 / 2353
Mineroy (le) habitat Aix-en-Othe 2718 ouest - Aix-en-Othe 703 / 2353,5
Minières (les) champs Vulaines 2718 ouest - Aix-en-Othe 695,5 / 2361
Pierre (Bois de la) bois Saint-Mards-en-Othe 2718 est - Auxon 709 / 2346,5
Pierres (les) champs Auxon 2718 est - Auxon 719 / 2345
Puits des Vignes (Fond de) champs Montigny-les-Monts 2718 est - Auxon 719 / 2348,5
Puits Fondu (le) champs Bérulle 2718 ouest - Aix-en-Othe 700 / 2355
Puits Fondu (ruisseau) rivière Boeurs-en-Othe 2718 ouest - Aix-en-Othe 703 / 2353
dans les archives de la mairie de la commune de Palis, tant sur « les anciennes exploitations métallurgiques des
au nord de la Vanne (fig. 4). contrées formant le département de l’Aube » (Boutiot,
Ces informations renvoient aussi aux recher- 1867) que sur l’« origine et (la) formation du fer dans
ches d’archives réalisées dans les fonds des abbayes et le Sénonais » (Hure, 1919). Les deux premiers noms
prieurés localisés dans l’actuel département de l’Yonne sont toujours attachés à des travaux d’édition de textes
(Quantin, 1873) ou dans ceux du comté de Champa- qui témoignent du travail archivistique le plus savant et
gne (Longnon, 1904), ainsi qu’aux excursions archéo- rigoureux : c’est d’abord à eux que l’on doit de pouvoir
logiques entreprises au tournant des xixe et xxe siècles, apprécier la place que les communautés religieuses de
Pontigny, de Vauluisant ou de Dilo ont prise dans le Dans les années 1980-1990, avec le développe-
développement de l’activité sidérurgique dans la région ment de la notion de patrimoine industriel et de la
à partir du xiie siècle. Les deux autres auteurs ont été pratique de l’archéologie industrielle, le Pays d’Othe
très actifs sur le terrain, multipliant prospections et connut un regain d’intérêt. Par les textes on y recon-
comptes-rendus dans les revues des sociétés savantes nut l’importance des Cisterciens qui impulsèrent un
locales : leurs écrits s’avèrent aujourd’hui aussi riches de mouvement d’innovation sidérurgique gagnant dès la
données « positives » que d’extrapolations approxima- fin du xiie siècle les milieux de l’aristocratie laïque et
tives appuyées sur des compilations bibliographiques les communautés villageoises ; sur le terrain on y cher-
pittoresques et des points de vue analogiques parfois cha les usines qui, sur les cours d’eau, étaient pour la
douteux. A. Hure a ainsi fort utilement reconnu un plupart toujours occupées, ce qui donnait l’avantage
nombre « surprenant » de ferriers et organisé un réseau d’un repérage aisé mais aussi le désavantage d’oblité-
de surveillance pour collecter les « débris de l’indus- rer les aménagements originels et d’arrêter donc rapi-
trie de l’homme (tessons de poteries, outils ou objets) dement l’investigation (Cailleaux, 1991 ; Verna,
pouvant révéler une date probable à laquelle la fonte 1995).
du fer avait donné lieu à ses dépôts de scories » (Hure, Sur le terrain surtout, une autoroute passant, la
1919, p. 48) ; elle a su aussi, en fonction des résultats, superbe fouille des ferriers celtes et gallo-romains des
non moins heureusement « rompre avec (ses) illusions Clérimois, aux portes orientales de Sens, renforça
et reconnaître que la plupart (des) ferriers remontaient l’image antique du phénomène en apportant pour la
simplement à l’époque gallo-romaine », abandonner première fois sur la région des informations fonda-
ainsi « l’illusion que ces ferriers remontaient à une anti- mentales (Dunikovski, Cabboï, 1995), aussi foison-
quité reculée, soit au temps des métallurgistes du cycle nantes et riches que celles qu’avaient prodiguées les
de Tubal Cain (Bible, Genèse, chap. IV, verset 22)…, recherches de C. Domergue sur le site des Martys
que ces métallurgistes ou forgerons avaient pu se répan- dans l’Aude (Domergue, 1975), que fournissaient
dre dans l’Europe occidentale à la recherche du mine- les recherches de M. Mangin de part et d’autre de la
rai et arriver jusque dans le pays d’Othe, où ce minerai Saône (Mangin, 1992, 1994, 2000) et que, globale-
était abondant et facile à trouver », que « ces premiers ment, traquaient l’ensemble des chercheurs engagés
fondeurs groupés en confrérie ou congrégation secrète dans l’ancien Programme H3 du Conseil Supérieur
et intolérante, … furent nos premiers pères, la boîte de la recherche Archéologique et regroupés au sein
crânienne Dolichocéphale, si prononcée et si accentuée de l’Association pour l’étude des mines et de la métal-
qui caractérise les hommes des hameaux établis sur les lurgie dans la France de l’Est, de l’Antiquité à l’époque
plateaux, nous paraissait l’indice d’une race primitive Moderne, maintenant dénommée Société Française
pure de tout mélange… » (Hure, 1919, p. 52). pour l’Étude des Mines et de la Métallurgie.
Fig. 5. Localisation des zones prospectées et des sites découverts ; les zones forestières sont en grisé (dessin P. Beck).
rés sur le terrain sont loin d’avoir tous un nom, si les locaux, de premier ou de second plan, ne sont pas
établissements nommés sur le papier ne sont pas tous absents, tels Nicolas de Fontenay, seigneur de Saint-
précisément localisés, le dossier a progressé, certaines Liebault (actuellement Estissac) et bailli de Troyes, ou
assertions générales sont désormais mieux documen- Jacques de Brouthières, écuyer et seigneur en partie de
tées, confirmées ou corrigées. Palis. Le premier bâtit une belle entreprise au cours des
deux dernières décennies du xive siècle mais dans des
2. Les archives conditions pas toujours régulières et faciles semble-
t-il : il prend à ferme à partir de 1377 les moulins
Les données scripturaires directement utiles à la de l’abbaye de Dilo et les transforme abusivement en
lecture et à la compréhension du terrain ne sont vrai- « forge à affiner le fer avec grande roue tournant à
ment nombreuses qu’à partir du xive siècle mais elles faire souffler grands soufflets assise sur la rivière de
laissent alors apparaître une société entière engagée Vanne au lieu du moulin à drap et écorce », ce qui
dans le processus d’exploitation du minerai de fer. lui vaut un procès en 1398 (Arch. dép. de la Côte-
Résumons les informations qui ont déjà été quelque d’Or - B 3871) ; il afferme longtemps « le mineroy
peu exploitées dans trois publications (Beck et alii, des forêts et usages de monseigneur l’évêque » mais il
1992, 1992, 1997). paye mal et des dettes le poursuivent (Arch. dép. de
l’Aube - G 344, fig. 6). Le second avait sans doute
2.1. Le fer dans les revenus seigneuriaux moins d’envergure mais, chaque année, il comptait
sur ses revenus du « mineroy » : la moitié des revenus
Pendant les deux siècles particulièrement bien du minerai qui lui revenait sur le territoire de Palis
éclairés par les documents, de 1350 à 1550, trois s’élevait à 60 sous en 1369, à 40 sous en 1371 (Arch.
propriétaires terriens - l’abbaye de Dilo, la comtesse de dép. de l’Aube - E 152 et E 198).
Flandre/duchesse de Bourgogne et l’évêque de Troyes Le minerai de fer apparaît partout et de manière
- dominent largement l’ensemble mais les seigneurs ordinaire dans les revenus seigneuriaux. L’activité n’est
Fig. 6. Dette de Nicolas de Fontenay pour l’amodiation en 1379 des « minerois » de l’évêque de Troyes,
« à recouvrer » en 1387-88, ADA – G 340, f° 1 (cliché P. Beck).
certes pas continuellement soutenue, mais paraît au Les modalités techniques d’extraction ne sont
contraire largement soumise à un rythme irrégulier que très indirectement et laconiquement évoquées
de périodes d’expansion et de contraction : celles en des termes généralement ambigus ou généraux. Le
sans doute des découvertes des gisements comme le « mineroy » désigne à la foi la matière extraite, le droit
suggèrent les commentaires accompagnant certai- d’extraction et la redevance qui lui est attachée. La
nes années les affermages du droit du « mineroi » : à « mine » paraît moins désigner le lieu d’extraction que
Villemaur dans les bois de la comtesse de Flandre le minerai lui-même, dit aussi « pierre de mine ». Le
en 1344, l’affermage des « mineroys, valant 100 sous droit d’exploitation est toujours ou presque associé
tournois de rente par an, ne peut valoir plus pour ce aux « usages des forêts », c’est-à-dire aux droits que les
qu’il va en défaillant et on doute qu’il ne soit délaissé communautés alentours avaient de ramasser le bois
prochainement » (Longnon, 1904, 2.8) ; à Palis en mort pour le chauffage et d’aller faire paître leurs trou-
1391, les mineurs disent « qu’il n’y a point de mine es peaux : le fait suggère fortement, sans évidemment en
bois de Monseigneur » (Arch. dép. de la Côte-d’Or - apporter la preuve formelle, que l’extraction se confon-
B 3867). dait habituellement avec les activités coutumières des
Mais la rubrique est toujours ouverte dans les habitants et qu’elle ne nécessitait pas de savoir-faire et
comptes, même si elle n’est pas remplie. d’outillage particuliers. C’est sans doute le cas lorsqu’il
s’agit de repérer et d’exploiter des poches superficielles
2.2. Le repérage et l’exploitation du minerai de minerai.
(fig. 7) Mais il est vrai que des « mineurs » sont plus d’une
fois évoqués, notamment en 1391 à Palis en tant que
Dans les grosses seigneuries, celles de la comtesse et spécialistes témoignant « qu’il n’y a point de mine es
de l’évêque, le faire-valoir de ces ressources est parfois bois de monseigneur » (cf. supra) : l’activité est donc
en régie directe, quand la découverte de minerai est aussi, en des cas peut-être particuliers, affaire de spécia-
suffisamment importante sans doute pour intéresser listes, d’autant qu’un autre terme, apparaissant tardive-
les gestionnaires de ces puissantes seigneuries, quand ment et rarement, pourrait suggérer des exploitations
aussi la gestion de la taxation de l’activité de recher- souterraines impliquant des savoirs particuliers : au
che et d’extraction ne trouve pas preneur, sans doute tournant des xve-xvie siècles à Séant, sont évoqués
en raison des aléas des découvertes et, assurément, de « le puits et la mine où on lève la mine pour faire le
l’insécurité due à la présence épisodique mais insis- fer » (Arch. dép. de l’Aube - G 515) ; en 1509 à Aix est
tante « des gens d’armes » dans la région. C’est ainsi mentionné « le puits de la mine près du grand champ
que la comtesse de Flandre et duchesse de Bourgogne de Boeurs » (Arch. dép. de l’Aube, G 514).
prend « en sa main » cette exploitation et fait construire De toute façon, la recherche du minerai est étroi-
deux grosses forges en 1372 dans sa châtellenie de Ville- tement liée à sa transformation, la mine est associée
maur (Arch. dép. de la Côte-d’Or, B 3856). Mais le à la grosse forge car les preneurs du droit de minerai
revenu est généralement amodié, globalement dans la sont pour une large part aussi les maîtres des grosses
seigneurie pour un ou trois ans, ou vendu par canton forges. C’est le cas, comme on l’a vu, de Nicolas de
de bois, à des habitants des agglomérations voisines. Fontenay ; c’est aussi celui de Jean Andreau de Maraye
Affermage des «mineroys des forêts et usages de l’évêque de Troyes en sa seigneurie d’Aix-en-Othe»
date preneur(s) Montant Référence
1380 Guillaume Bernard 15liv. 15s. A - G 334
1381 Jaquin Jaquet 27 liv. A - G 335
1382 Guillaume Bernard, Jaquin Jaquet, Gilette la Chervillonne 25 liv. l’an pour trois ans A - G 337
1385 Guillemot Bernard 24 liv. A - G 337
1386 Pierre Chevillon, Gilette la Chevillotte 36 liv. A - G 338
1387 Pierre Chevillon 20 liv. A - G 339
1388 Jaquin Jaquet 30 liv. A - G 340
1389 Jaquin Jaquet 30 liv. A - G 342
1390 Jaquin Doyne 30 liv. 10 s. A - G 342
1391 Nicolas de Fontenay, seigneur de Saint Liebault dette de 4 liv. d’arrièré A - G 344
1391 Jaquin Mantion 30 liv. A - G 344
1392 Jehan Chevillon et Pierre son oncle 24 liv. A - G 346
1393 Jehan Chevillon et Pierre son oncle 24 liv. A - G 346
1395 Jaquin Mantion 24 liv. A - G 347
1396 Jaquin Mantion 24 liv. A - G 347
1397 Perrinot Chevillon 21 liv. 5 s. A - G 348
1398 Perrenot Chevillon 21 liv. 5 s. A - G 349
1399 Pierre Chevillon le vieil 23 liv. 10 s. A - G 350
1400 Perrenot Chevillon 23 liv. A - G 350
1402 Jaquin Mantion (4 cordres) et 11 autres non affermé, vendus à 10 s. la corde à 12 personnes A - G 352
1403 Jaquin Mantion (4 cordres) et 7 autres non affermé, vendus à 10 s. la corde à 8 personnes A - G 353
1404 Andreau le Mineron et ses compagnons 27 liv. A - G 354
1405 Andreau le Mineron et ses compagnons 27 liv. A - G 354
1406 Jaquin Mantion, Jehan Chevillon et Andreau le Mineron 20 liv. A - G 356
1407 Jaquin Mantion, Jehan Chevillon et Andreau le Mineron 20 liv. A - G 356
1408 Jaquet le Poutole 24 liv. 10 s. A - G 356
1409 Jaquet le Poutole 24 liv. 10 s. A - G 357
1411 * néant A - G 358
1412 Jaquin Doyne, Jaquin Mantion, Perrenot Maillot 13 liv. 10 s. A - G 359
1413 Jaquin Doyne, Jaquin Mantion, Perrenot Maillot 13 liv. 10 s. A - G 359
1414 Jaquin Mantion, Jehan le Porteret, Jehan Perreau de St-Mards 13 liv. 10 s. A - G 360
1430 * néant A - G 364
1431 Jehan le Menonard dit Guion et 8 autres non affermé, vendus à 6 s. 3 d. le forestage en 5 parts A - G 365
1434 * néant pour cause de guerre A - G 366
1438 Jaquinot Lapostole, jadis fermier des mineroys dette pour la dite ferme : 36 s. A - G 371
qui détient en 1368 le minerai du lieu pour 100 sous 2.3. Les grosses forges :
et la moitié du fourneau pour 4 livres (Arch. dép. de procédé direct et procédé indirect
la Côte-d’Or, B 3864) ; c’est encore le cas de Jaquin
Mantion qui acquiert, seul ou associé, le droit d’ex- Parmi les usines seigneuriales, sont bien distin-
ploitation du minerai des forêts d’Aix pendant 9 ans guées les forges (fig. 8), de forêts ou sur l’eau, et les
entre 1391 et 1413 et qui fournit, depuis son hôtel fonderies (fig. 9) et le dernier terme, apparaissant
situé à Aix, « cinq poids de fer pour ferrement en 1402, tardivement, doit signaler les dispositifs de procédé
10 poids en 1403, un demi poids en 1408, deux poids indirect.
et des bandes en 1414 » (Arch. dép. de l’Aube, G 335 Les grosses forges, en cette fin du Moyen Âge, sont
à G 360). Le métier est puissant, organisé en une asso- essentiellement localisées au fil de l’eau, aisément repé-
ciation titulaire d’un privilège de juridiction comme rables encore aujourd’hui. Leur toponyme a perduré et
en Normandie (Arnoux, 1993) : les férons du Pays leur site est souvent toujours occupé par les structures
d’Othe (ministerium fabri grosse fabrice) sont, depuis plus ou moins abandonnées d’un moulin (fig. 10).
au moins le xiiie siècle (Longnon, 1904, II.2), repré- Mais certaines de ces installations semblent loca-
sentés par des « anciens » (seniores) qui, assermentés lisées dans les forêts des plateaux, tel le « viez four »
auprès du prévôt comtal, se réunissent une fois l’an servant de repère topographique en 1404 dans des
afin de juger des affaires de police concernant les gens lieux tenant « au Jarurier et au val des Pesles », situés
du métier au Pays d’Othe. donc sur le plateau à l’ouest du hameau du Mine-
Mais il faut aussi compter avec les artisans du fer, roy dans la seigneurie épiscopale d’Aix (Arch. dép.
forgerons, maréchaux, cloutiers ou serruriers locale- de l’Aube, G 513). Elles apparaissent comme légères
ment actifs : ainsi Jacquin Jaquart « qui tient les mine- et somme toute précaires, dénuées de toute installa-
rois des forets de monseigneur » en 1381 et 1382, tion hydraulique : telle forge est déplacée deux fois
encore en 1388 et 1389 en même temps qu’une forge en dix ans, telle autre abandonnée pendant un an est
située dans une des tours du château épiscopal d’Aix et retrouvée toute chûte et abattue (Arch. dép. de la Côte-
qui réalise de son fer divers travaux dans la seigneurie d’Or, C, B 3868). Tout montre qu’elles sont installées
(Arch. dép. de l’Aube, G 335, 337, 340, 342). au lieu même de découverte d’un gisement, le temps
Fig. 10. Grosses forges et fondoires de vallées repérées dans la documentation écrite de 1370 à 1400 et de 1450 à 1540 (dessin P. Beck).
de l’épuiser. Et ce dispositif mobile semble perdurer des chemins de desserte ont bougé, certains ont été
même quand les « fondoires », toutes installées dans les désaffectés et ont disparu au profit de nouveaux mais
vallées le long d’un cours d’eau et drainant une bonne d’autres sont restés fixés ; des micro-toponymes ont
partie du minerai découvert, apparaissent au début migré ou ont disparu mais d’autres, depuis le Moyen
du xvie siècle. Âge, continuent d’identifier les mêmes parcelles.
Ces installations de forêt pouvaient-elles être loca- Malgré les difficultés d’utilisation, ce sont là de pré
lisées et étudiées dans leur réalité archéologique ? cieux points de repères pour mener à bien une pros-
pection. À l’aide des relais que constituent les « plans-
3. Le terrain terriers » du xviiie siècle et le cadastre napoléonien du
début du siècle suivant, ils permettent de s’orienter et,
3.1. Sources et méthodes parfois, sinon de nommer un site du moins d’établir
de fortes corrélations entre les données des archives
L’analyse des cartes topographiques et géologiques, médiévales et les cartes actuelles.
des cadastres et des registres des délibérations muni- La prospection à vue systématique a été réalisée
cipales a permis de repérer toponymes, anomalies du par ratissage des champs et des massifs boisés par une
parcellaire et mentions d’usages secondaires des scories. équipe disposée en ligne. Tous les accidents topogra-
Elle a guidé l’enquête de terrain qui a été systématique phiques ont retenu l’attention et les débuts, le temps de
sur l’ensemble des clairières culturales et des massifs se former à la configuration des critères de sélection et
boisés concernés (fig. 5 et 11). L’étude a ainsi porté sur d’identification des sites, n’ont pas été sans hésitation
un peu moins de 1700 hectares et a révélé 166 sites ni repentir. C’est que les indices superficiels, des creux
pour une bonne part complexes car associant amas de ou des reliefs plus ou moins vastes et accentués, sont
scories, charbonnières et topographie d’extraction. souvent discrets, parfois ténus et toujours indifféren-
Des lisières se sont déplacées sous l’effet des défri- ciés avant que d’avoir enlevé en un point la couverture
chements ou des déprises culturales mais pas toutes ; végétale faite de feuilles mortes et de lierres (fig. 12 à
14). C’est seulement ainsi que se révèlent les scories 3.2. Nature et distribution des sites repérés
et/ou les « pierres de mine » permettant d’identifier les
sites à retenir, de rejeter les simples amas de terre, les Les sites repérés sont concentrés, souvent avec des
haldes des carrières de silex, de craie ou d’argile. densités remarquables, dans les massifs boisés et, dans
Ferriers, minières possibles et charbonnières voisi- une moindre mesure, dans les actuelles clairières cultu-
nes ont alors été repérés sur la carte topographique par rales entourant quelques lieux habités aux toponymes
rapport aux chemins forestiers, leur nature et leurs très explicites. Ils se présentent en majorité en paquets,
dimensions enregistrées, des échantillons de scories associant ferriers, minières et charbonnières. Certains
et de minerai prélevés pour analyses, l’ensemble de ont pu évidemment échapper à la collecte, notamment
ces données reporté sur un fichier général des sites dans les champs emblavés des vallons en raison des
(cf. Annexe). travaux aratoires récurrents et de possibles recouvre-
0 5 cm 0 5 cm
pes de ferriers ont particulièrement retenu l’atten- d’au plus quelques dizaines de centimètres d’épaisseur
tion. Leurs tailles, leurs formes et la nature de leurs et d’extension : il est certain que ces amas de scories
scories offraient une variété qu’il convenait de mesurer présentent en majorité des dimensions restreintes,
et d’analyser pour évaluer l’ampleur de l’activité et de quelques m2 de superficie et quelques dizaines de
pour échantillonner l’ensemble afin de sélectionner centimètres de hauteur.
au mieux les sites représentatifs pouvant être soumis Ces ferriers ont fourni en majorité des scories
à des fouilles. denses (fig. 21 et 22) et, à l’analyse chimique, réali-
sée par Alain Ploquin au Laboratoire du Centre de
3.3. Les ferriers : nombre, dimensions et nature Recherches Pétrographiques et Géochimiques du
des scories (fig. 20) CNRS à Vandœuvre, elles sont fort riches en fer, aussi
riches pour certaines que les minerais (fig. 23) : elles
Quelques grands ferriers ont été individualisés : caractérisent le procédé direct de réduction. Cinq sites,
sept dépassent les 1000 m2 de superficie visible mais dispersés (25, 131, 139, 130 et 134), ont aussi donné
cinq seulement atteignent les 2 m de hauteur appa- des scories au moins partiellement vitreuses (fig. 24)
rente. Finalement, ils ne sont que seize à dépasser les mais toujours en petit nombre et associées à une majo-
100 m2 et quatorze les 100 tonnes : les amas de scories rité de scories denses : elles paraissent moins désigner
sont dans l’ensemble de dimensions visibles réduites. des sites maîtrisant la fusion et le procédé indirect que
Ils doivent certes se prolonger sous l’humus et, pour des variations de température de cuisson. Un seul site
mesurer leur portion enfouie, il faudrait réaliser sur finalement n’a livré que des scories vitreuses pauvres en
tous un décapage au moins partiel. Quand il a été fer : le site 61, localisé justement sur une rivière et dans
réalisé, il a montré que la partie masquée n’était que une agglomération, celle de l’abbaye de Dilo.
3.4. Les ferriers : formes et fonctions Ils sont circulaires, ovoïdes, quadrangulaires, en forme
d’amande ou de croissant et, pour ces deux dernières
Avec les dimensions et la nature des scories, il était formes caractérisant 33 des ferriers repérés, un front
non moins essentiel de retenir la forme de ces amas de plus ou moins concave situé toujours en amont semble
scories, afin de tenter d’évaluer leur mode de forma- signaler l’emplacement d’où l’accumulation a pu être
tion et donc leur nature : simples tas issus des déchar- opérée. Pour conserver la mémoire de ces différents
gements de charrettes et donc sites secondaires, ou types, les plans topographiques de dix-huit sites ont
amas progressivement constitués par rejets des déchets été levés pour constituer le catalogue des formes parmi
de réduction et donc sites primaires de grosses forges ? lesquelles il est aisé de différencier trois types.
SITE LOC. TYPE Scories (nature) Superficie (m2) Hauteur (m) Cubage (m3) Masse (tonnes)
14 Aix A - quadrangulaire dense 201 0.3 30 45
131 Bérulle A - quadrangulaire dense & vitrifiée 132 0.3 20 30
22 Palis A - quadrangulaire dense 2160 0.6 648 972
12 Aix B - ovoïde dense 42 1 21 31.5
13 Aix B - ovoïde dense 5 0.5 1.25 1.8
15 Aix B - ovoïde dense 5 0.3 0.75 1.2
16 Aix B - ovoïde dense 16 0.3 2.4 3.6
17 Aix B - ovoïde dense 54 0.6 16 24
89 Aix B - ovoïde dense 20 0.4 4 6
102 Aix B - ovoïde dense 49 0.6 15 22.5
106 Aix B - ovoïde dense 39 0.4 7.8 11.5
107 Aix B - ovoïde dense 22.5 0.3 3.4 5
108 Aix B - ovoïde dense 23.5 0.4 4.7 7
111 Aix B - ovoïde dense 20 0.45 4.4 6.6
112 Aix B - ovoïde dense 18.5 0.25 2.3 3.5
113 Aix B - ovoïde dense 32 0.7 11.3 17
115 Aix B - ovoïde dense 17 0.4 3.4 5
116 Aix B - ovoïde dense 20 0.5 5 7.5
117 Aix B - ovoïde dense 28 0.4 5.7 8.5
118 Aix B - ovoïde dense 28 0.5 7 10.5
119 Aix B - ovoïde dense 11.5 0.2 0.9 1.3
122 Aix B - ovoïde dense 12.5 0.7 4.3 6.5
127 Aix B - ovoïde dense 24 0.5 6 9
150 Aix B - ovoïde dense 5,5 0.6 1.65 2.5
160 Aix B - ovoïde dense 20 0.75 7.4 11
161 Aix B - ovoïde dense 12.5 0.4 2.5 3.7
162 Aix B - ovoïde dense 35 0.5 9 13.5
163 Aix B - ovoïde dense 12 0.4 2.4 3.6
15’ Aix B - ovoïde dense 5 0.3 0.75 1.3
15» Aix B - ovoïde dense 5 0.3 0.75 1.2
16’ Aix B - ovoïde dense 16 0.3 2.4 3.6
139 St-Mards B - ovoïde dense 2000 2 2000 3000
73 Venisy B - ovoïde dense 3.2 0.2 0.3 0,5
4 Aix C - croissant dense 6 1 3 4.5
5 Aix C - croissant dense 6 0.4 1.3 2
6 Aix C - croissant dense 54 1 27 40.5
9 Aix C - croissant dense 1300 2 1300 1950
11 Aix C - croissant dense 29.25 0.8 12 1.2
18 Aix C - croissant dense 100 1.5 75 112.5
99 Aix C - croissant dense 12.5 0.5 3.2 4.8
101 Aix C - croissant dense 18 0.4 3.6 5.4
109 Aix C - croissant dense 54 0.8 21.6 32.4
110 Aix C - croissant dense 40 0.65 13 19.5
120 Aix C - croissant dense 18.5 0.3 2.7 4
121 Aix C - croissant dense 16 0.2 1.6 2.4
123 Aix C - croissant dense 19 0.4 3.8 5.7
124 Aix C - croissant dense 81 1.5 60 90
125 Aix C - croissant dense 12.5 0.3 1.8 2.7
128 Aix C - croissant dense 5 0.25 1 1.5
129 Aix C - croissant dense 16.5 0.5 4 6
130 Aix C - croissant dense ou vitreuse 17 0.35 3 4.5
149 Aix C - croissant dense 24 0.65 8 12
151 Aix C - croissant dense 25 0.7 9 13.5
152 Aix C - croissant dense 39 0.7 14 21
153 Aix C - croissant dense 21 0.6 6.3 9.2
154 Aix C - croissant dense 152 1.4 107 160.5
158 Aix C - croissant dense 14 0.7 5 7.5
164 Aix C - croissant dense 72 1 36 54
165 Aix C - croissant dense 88 1.5 66 99
166 Aix C - croissant dense 60 1 30 45
77 Arces-Dilo C - croissant dense 15 0.7 5.25 7.8
23 Palis C - croissant dense 12 0.5 3 4.5
24 Palis C - croissant dense 8 0.4 1.6 2.4
25 Palis C - croissant dense 625 1 312 468
26 Palis C - croissant dense 20 0.6 6 9
27 Palis C - croissant dense 6 0.4 1.2 2
126 Aix perturbé dense 30 0.3 5 7.5
44 Arces-Dilo perturbé dense 1000 1 500 750
61 Arces-Dilo perturbé vitreuse 500 2 500 750
132 Bérulle perturbé dense 2400 3 3600 5400
133 Bérulle perturbé dense 500 1 250 375
134 Bérulle perturbé dense ou vitreuse 3500 0.1 175 262
37 Boeurs perturbé dense 800 1 400 600
52 Chennegy perturbé dense 625 1 312 468
140 St Mards perturbé dense 1200 2 1200 1800
141 St Mards perturbé dense 133 0.1 7 10.5
72 Venisy perturbé dense 20 0,1 3 4.5
TOTAL 18394,5 11797 17253,5
Fig. 20. Dimensions des ferriers (cubage par la formule des segments sphériques. Masse = cubage x 1,5 tonne,
d’après Dunikovski, Cabboï, 1995).
0 5 cm 0 5 cm
Fig. 21. Scorie à cordons, site 161, « Bois des Jaruriers », Fig. 22. Scorie magmatique, site 56, « Bois de Fort Jaquet »,
Le Mineroy, commune d’Aix-en-Othe (cliché P. Beck). commune de Bérulle (cliché P. Beck).
LOCALISATION SITE ÉCHANTILLON DESCRIPTION SiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO MgO Ca0 Na2O K2O TiO2 P2O5
Aix : Vallée aux
9 2 US 4’ minerai, hématite 16,73 3,9 66,68 0,26 0,07 0 0 0,02 0,15 0,32
Poêles
Bois de Rigny 57 17.4» minerai 3,59 0,83 77,43 0,4 0,04 0,06 0 0 0 0,44
LOCALISATION SITE ÉCHANTILLON DESCRIPTION SiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO MgO Ca0 Na2O K2O TiO2 P2O5
Dilo 83 29.4 scorie de coulée 36,22 10,28 47,93 7,14 0,4 0,97 0 0,75 0,44 0,51
Dilo 77 28.2 scorie de coulée 27,76 3,95 64,37 0,96 0,56 2,47 0 1,2 0,29 0,71
Dilo 59 19.1 scorie de coulée 24,7 6,63 72,74 1,16 0,25 0,43 0 0,22 0,3 0,34
Palis 27 4.6 scorie de coulée 32,93 4,49 54,62 0,97 0,61 3,72 0,04 1,52 0,36 0,56
Palis 25 4.4/c scorie de coulée 29,6 9,19 63,62 0,85 0,3 0,97 0,05 0,6 0,44 0,34
Palis 26 4.5 scorie de coulée 25 4,6 68,18 0,83 0,46 1,79 0 0,93 0,3 0,51
Palis 24 4.3 scorie de coulée 24,98 4,94 67,5 1,01 0,48 2,57 0 1,01 0,3 0,63
Palis 23 4.2’ scorie de coulée 23,31 4,82 69,9 0,75 0,3 1,31 0 0,51 0,29 0,55
Palis 23 4.2» scorie de coulée 16,32 3,91 74,77 0,44 0,26 0,38 0 0,1 0,22 0,38
Aix : vallée aux
9 2 US 4 scorie de coulée 29,51 8,19 56,37 1,01 0,39 3 0,03 0,97 0,46 0,51
Poêles
Boeurs : Les Boudins 43 9 scorie de coulée 27,01 7,7 56,32 6,91 0,41 0,77 0 0,68 0,32 1,16
Boeurs : Les Boudins 37 8.3 scorie de coulée 31,18 8,48 55,25 3,9 0,36 0,97 0 0,68 0,36 0,68
Aix : nord-est 1 1 Ba 2 scorie de coulée 25,93 5,64 61,34 3,16 0,56 1,58 0,02 1,08 0,35 0,89
Aix : nord-est 1 1 Ba 1 scorie de coulée 27,62 6,01 63,54 3,52 0,59 1,63 0,03 1,03 0,39 0,96
Aix : vallée aux
10 2.1 scorie de coulée 31,23 8,74 59,4 0,39 0,4 1,14 0 0,56 0,56 0,44
Poêles
Bois de Rigny 57 17.4’ scorie de coulée 22,76 3,99 69,31 0,75 0,48 1,87 0 0,78 0,17 1,7
LOCALISATION SITE ÉCHANTILLON DESCRIPTION SiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO MgO Ca0 Na2O K2O TiO2 P2O5
Dilo 60 19.2a scorie poreuse 27,93 6,73 67,94 1,95 0,26 0,45 0 0,29 0,29 0,35
Palis 25 4.4/b scorie poreuse 38,45 10,58 45,09 1,04 0,34 3,95 0,06 0,64 0,6 0,35
Palis 22 4 US 10 scorie poreuse 20,26 2,45 65,94 0,59 0,38 0,38 0 0 0,16 0,26
Forêt de Venizy 72 27.1 scorie poreuse 29,92 4,76 58,34 1,12 0,7 2,87 0 1,23 0,4 0,83
Forêt de Venizy 73 27.2 scorie poreuse 28,66 4 65,06 0,68 0,64 2,87 0 1,13 0,32 0,93
LOCALISATION SITE ÉCHANTILLON DESCRIPTION SiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO MgO Ca0 Na2O K2O TiO2 P2O5
Dilo 61 19.2’ scorie vitrifiée 54,9 11,92 5,12 4,76 0,48 21,17 0 0,81 0,64 0,13
Palis 25 4.4/a scorie vitrifiée 75,68 5,07 12,21 0,22 0,17 0,56 0 0,93 0,3 0,11
Fig. 23. Analyse des spectres chimiques d’un échantillon de scories et de pierre de minerai.
A. Ploquin, CRPG – CNRS-Vandœuvre-lès-Nancy.
Fig. 28. Plan topographique du site 158 Fig. 29. Plan topographique du site 11
(dessin P. Beck). (dessin P. Beck).
sites explorés, représentant tous les types morphologi- pour rendre compte avec précision de l’histoire de la
ques, ont livré peu ou prou les mêmes vestiges d’amé- production du fer au cours des deux millénaires dans
nagements techniques tout en étant dispersés dans le la région, tous les sites devraient être alors soumis à
temps de la Protohistoire au xive siècle ; insuffisant car la fouille.
Fig. 30. Site 22. Plan et profil des structures découvertes Fig. 31. Site 22. Fosse, base de fourneau ?
(dessin P. Beck). (cliché P. Beck).
0 5 cm 0 5 cm
5 cm 0 5 cm
Fig. 34. Site 18. Plan topographique des vestiges visibles au sol
Fig. 33. Site 22. Fragment de poterie (cliché P. Beck). avant la fouille (dessin P. Beck).
meuble de scories mêlées de terre rouge et de cendres. caréné attribuable aux viie-vie siècles avant J.-C., c’est-
La forme régulière de la fosse la plus profonde ne peut à-dire au premier Âge du Fer (fig. 32 et 33).
résulter d’un agencement naturel et fortuit (chablis,
terrier) : c’est un aménagement volontaire qui reste Site 18, Forêt communale d’Aix-en-Othe,
cependant délicat à définir précisément. S’agit-il d’un « Le Mineroy », commune d’Aix-en-Othe :
trou de poteau ou des vestiges d’un bas-fourneau ? Le un ferrier du xe siècle
terrain englobant était pareillement constitué de terre Le ferrier voisine avec les vestiges d’une meule
argilo-sableuse rouge fortement mêlée de cendres, de charbonnière et une vaste cuvette évoquant une
charbons de bois et de petits déchets de réduction. Il a minière, respectivement de 9 m et 25 m de diamètre
fourni deux tessons d’une poterie non tournée à profil (fig. 12 à 14 et 34) ; il se présente sous la forme d’un
Fig. 35. Ferrier du site 18, emplacement des sondages et des structures découvertes (dessin P. Beck).
Fig. 37. Datations au radiocarbone d’échantillons de charbons de bois prélevés sur les sites 11, 13, 16 et 18.
Claude Olive, Centre de Recherches Géodynamiques – Thonon-les-Bains.
Site 16, Forêt communale d’Aix-en-Othe, maximum, aux parois verticales et aux fonds plats
« Le Mineroy », commune d’Aix-en-Othe : très fortement scorifiés. Elles semblent se prolonger
un ferrier du xie-xiie siècle en aval par un canal de 20 cm de large qui n’a pu être
Sur ces deux petits ferriers ovoïdes, distants de dégagé en raison de la présence d’arbres en surface. Au
cinq mètres et topographiquement voisins d’une char- contact de la corne nord-est, s’ouvre dans une zone
bonnière et de deux vastes fosses d’extraction, sept très cendreuse une autre fosse présentant les mêmes
sondages ont été ouverts : les 17 m2 ainsi explorés caractéristiques : plan circulaire, paroi verticale, fond
jusqu’au sol naturel ont livré des charbons de bois, des plat, canal. Ses dimensions sont toutefois plus rédui-
scories, des cendres mais aucune structure (fig. 38). tes : 60 cm de diamètre et 25 cm de profondeur. Sur
L’analyse au radiocarbone des charbons de bois place le sol d’utilisation, partout très cendreux et charbon-
l’activité entre 1035 et 1174 (fig. 37). neux, un échantillon a été prélevé et soumis à l’analyse
du radiocarbone : la datation proposée court du milieu
Site 11, « Forêt domaniale de Foissy », commune du xiie siècle au milieu du xiiie (fig. 37).
de Maraye-en-Othe : un ferrier du xiie-xiiie siècle
18,50 m2 ont été explorés, essentiellement au Site 13, Forêt communale « Le grand Gollot »,
contact de la limite amont concave du ferrier (fig. 29 commune d’Aix-en-Othe :
et 39). C’est justement dans le creux médian qu’ont un ferrier des xiiie-xive siècles
été dégagées deux fosses circulaires emboîtées, de 13,5 m2 ont été ouverts, essentiellement en amont
80 cm de diamètre et de 60 cm de profondeur au du ferrier de forme ovoïde (fig. 40). Sous une épaisseur
d’environ 30 cm de scories ou de terre sableuse mêlées sur le sol d’occupation indique la fin du xiiie siècle et
d’humus, le sol d’utilisation décapé était fortement l’ensemble du siècle suivant (fig. 37).
chargé de cendres, de charbons de bois et de traces de
rubéfaction. À 1 m de l’amas de scories, il était percé Site 9, « Bois de l’Essert, Le Mineroy », commune
d’une fosse circulaire de 60 cm de diamètre à l’embou- d’Aix-en-Othe : un ferrier des xiiie-xive siècles
chure, de plan plutôt quadrangulaire sur une profon- C’est le plus complexe de l’échantillon exploré
deur de 35 cm. Ses parois n’étaient pas scorifiées, mais (fig. 41). Le double ferrier en croissant qui en compose
leur décapage a fait apparaître les empreintes de gros l’épicentre se développe dans un carré de 35 m de
rognons de silex dont il a été trouvé plusieurs spéci- côté et atteint 2 m de hauteur apparente. Au centre
mens rubéfiés épars dans le ferrier. En d’autres circons- du dispositif, un secteur longitudinal dégagé et plan
tances, la situation évoquerait un trou de poteau ; mais semble signaler un espace de circulation et de travail :
c’est peut-être une base de fourneau dont les parois un sondage de 4 m2 y a été implanté de telle manière
auraient été surcreusées. Le tesson de poterie enregistré qu’il permette d’explorer aussi le plus important des
au cours de la fouille - un fragment de panse à pâte amas de scories (fig. 42).
rouge atypique - ne fournit pas de piste chronologique Au sud, une surface compacte de terre argilo-
mais l’analyse du radiocarbone de charbons prélevés sableuse brune enchâssant de nombreux silex a été
0 5 cm 0
0 5 cm 0 5 cm
Fig. 42. Site 9. Sondage, plan des situations découvertes Fig. 44. Site 9. Fragment de panse flammulée
(dessin P. Beck). (cliché P. Beck).
décapée. Il peut s’agir d’une aire de circulation quelque Les fosses sont-elles les vestiges des bas fourneaux ?
peu aménagée, empierrée. Devant, au nord sous les Elles sont placées aux points se désignant comme
scories, le sol s’infléchit sensiblement puis vient buter ceux d’où se sont constitués les amas de scories et leur
contre une paroi d’argile verticale et concave, épaisse présence démontre que le site est aménagé en liaison
de 15 cm et haute de 30 cm, adossée au ferrier. L’agen- avec le ferrier, qu’il n’est donc pas qu’un simple lieu
cement ne paraît pas fortuit, dessine au contraire la de décharge de scories. Il est vrai aussi que l’impor-
forme d’une cuvette taillée dans le ferrier, dont le fond tance mesurée des ferriers implique que les sites n’ont
présente de violentes traces d’action du feu circonscri- pas une durée de vie très longue, qu’ils fonctionnent
tes à une surface circulaire. Peut-il s’agir pour autant peu de temps et qu’ils doivent naître au hasard et au
des vestiges d’une aire de réduction aménagée dans le lieu même des découvertes des poches de minerai : les
ferrier déjà largement constitué ? installations devaient être précaires et ne pouvaient
Le remplissage a fourni quelques fragments de marquer fortement le terrain. Il est tout aussi certain
céramiques : un fragment d’anse portant des traces que le chemisage des fourneaux devait être au moins
de glaçure transparente au plomb et un tesson de partiellement détruit comme l’exige la récupération
panse pareillement glaçuré à l’intérieur et décoré de de la loupe de fer produite. Il faut cependant rester
flammules sur la paroi extérieure (fig. 43 et 44). Ces prudent à défaut de preuves formelles et ne pas impo-
éléments renvoient à une production potière des xiiie- ser l’idée que ces fosses sont les restes de bas four-
xive siècles, connue notamment dans le Bassin parisien neaux.
(Nicourt, 1986) : ils datent la phase d’abandon sinon Les datations des sites paraissent en revanche mieux
celle de fonctionnement. assurées et elles apportent un renseignement essentiel :
un site est daté du premier Âge du Fer (site 22), un Dans le même temps cependant, des bas-four-
autre du xe siècle (site 18), un autre des xie-xiie siècles neaux continuent d’être aménagés dans les forêts et
(site 16), le quatrième des xiie-xiiie siècles (site 11) et d’assurer une réduction du minerai de fer selon des
les deux derniers des xiiie-xive siècles (sites 9 et 13) : procédés vieux de deux millénaires. Il s’agit d’aména-
ce sont deux millénaires d’activités sidérurgiques qui gements sommaires et fugaces.
sont ici attestés sur le terrain. Une autre constatation vient naturellement à
L’idée dominante, au terme de cette enquête, est l’esprit au terme de cette réflexion : le terrain peut et
bien celle d’une grande et longue homogénéité tech- devrait supporter un nouveau volet de recherche. Il
nique de l’activité. Au xive siècle, dans les fonds de faudrait, pour bien faire, dater tous les sites. Il serait
vallée, les grosses forges seigneuriales certes s’activent, au moins utile de soumettre deux grands ferriers à des
connaissent les développements et les améliorations fouilles archéologiques aussi exhaustives que celles qui
de la production qui aboutissent à la diffusion du ont été menées aux Clérimois : l’un à scories denses
procédé indirect au moins dans la seconde moitié du et, dans les forêts entourant le hameau du Mineroy,
xve siècle. En témoigne sans doute sur le terrain le sur les terres de l’évêque de Troyes, on en connaît qui
site 61 localisé sur la rivière traversant Dilo, dont feraient bien l’affaire ; l’autre à Dilo, sous l’amas de
le ferrier donne essentiellement des scories vitreuses scories vitreuses qui, au long du ruisseau, paraît signa-
vides de fer. ler une « fondoire au fil de l’eau ».
SITE Carte IGN Lambert zone II Commune Toponymie Extraction Scories Charbonnière Plan Fouille Datation Analyses
1 2718 E et W 706/708 + 2358/2360 Aix-en-Othe La Forge Minière Charbonnière Ploquin
2 2718 E et W 706/708 + 2358/2360 Aix-en-Othe Le Fourneau
3 2718 E et W 706/708 + 2358/2360 Aix-en-Othe Forêt communale Topographie
4 2718 E et W 706/708 + 2358/2360 Aix-en-Othe Forêt communale Ferrier
5 2718 E et W 706/708 + 2358/2360 Aix-en-Othe Forêt communale Ferrier
6 2718 E et W 706/708 + 2358/2360 Aix-en-Othe Forêt communale Ferrier
7 2718 E et W 706/708 + 2358/2360 Aix-en-Othe Forêt communale Minière
8 2718 W 705 + 2360.5 Aix-en-Othe Forêt communale Topographie
9 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Topographie Ferrier Charbonnière 1989 1989 Céramique Ploquin
10 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Épandage Ploquin
11 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Ferrier 1993 1994 14 C
12 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Minière Ferrier Charbonnière 1993
13 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Ferrier 1993 1994 14 C - Céram.
14 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Ferrier 1993
15 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Topographie Ferrier (3) Charbonnière 1993
16 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Topographie Ferrier (2) Charbonnière 1993 1994 14 C
17 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Topographie Ferrier Charbonnière 1992
18 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Topographie Ferrier Charbonnière 1992 1993 14 C - Céram.
19 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Ferrier
20 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Vallée aux Poêles Épandage Charbonnière
21 2718 W 700 + 2352.8 Bérulle La Croix Renard Épandage
22 2717 W 699/700 + 2366.8/2367.3 Palis Bois de Chevigny Topographie Ferrier 1989 1989 Céramique Ploquin
23 2717 W 699/700 + 2366.8/2367.3 Palis Bois de Chevigny Minière Ferrier Ploquin
24 2717 W 699/700 + 2366.8/2367.3 Palis Bois de Chevigny Ferrier Ploquin
25 2717 W 699/700 + 2366.8/2367.3 Palis Bois de Chevigny Minière Ferrier Ploquin
26 2717 W 699/700 + 2366.8/2367.3 Palis Bois de Chevigny Ferrier Ploquin
27 2717 W 699/700 + 2366.8/2367.3 Palis Bois de Chevigny Ferrier Ploquin
28 2717 W 699/700 + 2366.8/2367.3 Palis Bois de Chevigny Minière
29 2718 E 709 + 2351 St-Mards-en-Othe La lisière des Bois Épandage
30 2718 E 710 + 2353.4 St-Mards-en-Othe La Motte du Four
31 2718 E 707.2 + 2352.8 St-Mards-en-Othe Le Ferrier Rouge
32 2718 W 697 + 2347 Venisy Bois de Sévy Épandage
33 2718 W 695.5 + 2345.5 Arces-Dilo Bois de la Varauderie Épandage
34 2718 W 701/702 + 2346.5/2347.5 Boeurs-en-Othe Les Boudins Épandage
35 2718 W 701/702 + 2346.5/2347.5 Boeurs-en-Othe Les Boudins Épandage
36 2718 W 701/702 + 2346.5/2347.5 Boeurs-en-Othe Les Boudins Épandage
37 2718 W 701/702 + 2346.5/2347.5 Boeurs-en-Othe Les Boudins Ferrier Ploquin
38 2718 W 701/702 + 2346.5/2347.5 Boeurs-en-Othe Les Boudins Topographie
39 2718 W 701/702 + 2346.5/2347.5 Boeurs-en-Othe Les Boudins Épandage
Patrice Beck, Philippe Braunstein, Michel Philippe, avec la participation d’Alain Ploquin
150 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Topographie Ferrier
151 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Topographie Ferrier
152 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Topographie Ferrier
153 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Topographie Ferrier
154 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Ferrier
155 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Épandage
156 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Épandage
157 2718 W 706/707 + 2353/2354.5 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Minière
158 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Ferrier Charbonnière 1994
159 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Topographie
160 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Topographie Ferrier 1994
161 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Ferrier 1994
162 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Ferrier Charbonnière 1994
163 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Ferrier Charbonnière 1994
164 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Ferrier
165 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Ferrier 1994
166 2718 W 701/702 + 2352.6/2353.4 Aix-en-Othe Le Mineroy - Bois des Jarruriers Topographie Ferrier 1994
363
364 Patrice Beck, Philippe Braunstein, Michel Philippe, avec la participation d’Alain Ploquin
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