Troubles Oculaires de La Myasthénie
Troubles Oculaires de La Myasthénie
Troubles Oculaires de La Myasthénie
M.-C. Gaumond
Les troubles oculaires de la myasthnie sont frquents et souvent rvlateurs de cette maladie auto-
immune. Ils restent parfois isols. Le ptsis et la diplopie sont les principaux signes fonctionnels oculaires.
Ils sont la consquence fonctionnelle du dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire au
niveau des muscles palpbraux et/ou oculomoteurs extrinsques. Latteinte lective ce niveau fait lobjet
dhypothses physiopathologiques. Le diagnostic est essentiellement clinique ; la uctuation,
laggravation la fatigue et labsence de systmatisation neurologique sont caractristiques. Lorsque ces
troubles sont isols, strictement limits la rgion oculaire, le diagnostic peut tre difficile. Toute atteinte
oculomotrice, quel quen soit le type et surtout si elle est atypique, doit faire voquer la possibilit dune
myasthnie et ce diagnostic est probablement sous-estim dans ces formes limites. Les examens
complmentaires sont alors inconstamment positifs et leur ngativit nlimine pas le diagnostic. Ces
troubles oculaires peuvent entraner une gne fonctionnelle visuelle importante retentissant sur la qualit
de vie des patients. Le traitement est symptomatique. Les traitements optiques doivent tre
systmatiquement proposs mais leur efficacit est limite par lhabituelle uctuation des troubles. Le
traitement mdical repose sur la prescription danticholinestrasiques en premire intention. La
corticothrapie isole ou associe dautres traitements immunosuppresseurs est indique en cas dchec
des traitements prcdents. Lindication et les modalits de la corticothrapie restent prciser pour la
prvention dune gnralisation de la maladie.
2005 Elsevier SAS. Tous droits rservs.
Mots cls : Myasthnie oculaire ; Ptsis ; Diplopie ; Ophtalmoplgie ; Anticholinestrasiques ; Thymectomie
Plan
Introduction 1
Historique 1
Pathologie 2
Histoire naturelle 2
Symptmes et signes cliniques 2
Symptmes 2
Signes neuro-ophtalmologiques 2
Examens complmentaires 3
Examens biologiques 5
Tests pharmacologiques 5
Examens lectriques 5
Examens radiologiques 5
volution 5
Formes cliniques 6
Myasthnie auto-immune de lenfant 6
Maladies auto-immunes associes 6
Myasthnie induite par un mdicament 6
Diagnostic diffrentiel 6
En cas de ptsis 6
En cas dophtalmoplgie 6
Traitement 6
Moyens thrapeutiques 7
Indications thrapeutiques 8
Conclusion 8
Introduction
Les manifestations ophtalmologiques que sont un ptsis ou
une diplopie reprsentent souvent les premiers symptmes
dune myasthnie auto-immune et parfois restent isoles
dfinissant la myasthnie oculaire.
Le ptsis et la diplopie sont conscutifs au dysfonctionne-
ment de la transmission neuromusculaire au niveau des muscles
oculomoteurs et palpbraux. La gne fonctionnelle induite est
souvent importante.
Cest dans cette forme localise, surtout au dbut, que le
diagnostic peut tre difficile affirmer en labsence danomalie
extraclinique. Il est essentiel cependant dy penser car cest ce
moment que le risque de gnralisation est le plus important.
La prise en charge thrapeutique de ces patients reprsente la
seconde difficult. Lefficacit des diffrents traitements est
souvent limite pour soulager le ptsis et surtout la diplopie. Un
traitement prcoce par corticothrapie est de plus en plus
discut pour prvenir la gnralisation.
Historique
Les premires descriptions cliniques dtailles de patients
myasthniques datent de la seconde moiti du XIX
e
sicle. La
fluctuation des symptmes, qui saggravent en fin de journe,
et latteinte lective des muscles oculaires sont notes.
En 1934, Mary Walker observe que la physostigmine amliore
de faon transitoire la faiblesse musculaire de patients myasth-
17-172-B-15
1 Neurologie
niques. Elle met lhypothse dun dysfonctionnement au
niveau des rcepteurs lactylcholine de la jonction
neuromusculaire.
En 1960, Simpson voque un processus auto-immun sous-
jacent aprs avoir observ une association notable de la myas-
thnie dautres maladies auto-immunes.
La mise en vidence danticorps antircepteurs lactylcho-
line (Ac anti-RACh) dans le srum dune grande majorit de
patients myasthniques par Lindstrom en 1976
[1]
et la produc-
tion dune myasthnie auto-immune exprimentale
[2]
chez
lanimal confirment lorigine auto-immune de la maladie.
Le rle du thymus et du systme immunitaire cellulaire T
dans linitialisation et la modulation de la production des Ac
anti-RACh est encore discut mais semble important.
Pathologie
Les rsultats des tudes lectriques et histologiques ont mis
en vidence le fait que la myasthnie est secondaire une
atteinte de la jonction neuromusculaire. Les tudes immunolo-
giques plus rcentes ont prcis que la localisation est postsy-
naptique par atteinte des rcepteurs lactylcholine par les Ac
anti-RACh.
Les Ac anti-RACh sont des anticorps polyclonaux de la classe
des immunoglobulines G (IgG). Ils acclrent les phnomnes
de dgradation des rcepteurs chez certains patients ; chez
dautres, ils exercent surtout un effet de blocage de ces rcep-
teurs. Lhtrognit de ces anticorps rend compte de la varit
des manifestations cliniques de la maladie. Il ny a pas de
relation directe entre leur taux et la gravit de la maladie
[3]
mais la rduction de leur taux, pour un patient donn, saccom-
pagne habituellement dune amlioration clinique. Au cours
dune myasthnie oculaire (MO), ils ne sont retrouvs que dans
50 % des cas, un taux le plus souvent faible. Les formes
srongatives posent alors un problme diagnostique frquent
en cas de MO. La nature auto-immune de ces formes est
reconnue mais, en rgle gnrale, il ny a pas danomalie
thymique. Dans 40 70 % de ces myasthnies srongatives,
des anticorps dirigs contre le rcepteur musculaire de la
tyrosine kinase (Ac anti-MuSK) sont retrouvs.
[4, 5]
La prsence
dAc anti-MuSK serait rare dans les cas de MO.
[6]
Le rle du thymus dans le dclenchement de la maladie est
trs probablement important, mais il est encore imparfaitement
connu.
[7]
Cette hypothse est atteste par le fait quenviron
75 % des patients myasthniques prsentent des anomalies
thymiques, hyperplasie le plus souvent ou thymome. Cest
dailleurs chez ces patients que le taux srique danticorps est
habituellement le plus lev. De plus, la thymectomie saccom-
pagne parfois, mais cela est encore sujet discussion, dune
amlioration, voire dune rmission de la maladie, le plus
souvent diffre dans le temps. Plusieurs hypothses sont
voques. Les lymphocytes B, en grande quantit dans la glande
thymique, sont capables de produire des Ac anti-RACh. De plus,
certaines cellules thymiques peuvent exprimer des autoantig-
nes analogues aux rcepteurs lactylcholine.
Enfin, il faut signaler que la myasthnie est assez souvent
associe dautres pathologies auto-immunes :
[8]
dysthyrodie
(9 18 % des patients), lupus rythmateux dissmin, poly-
arthrite rhumatode, syndrome de Sjgren. La myasthnie
apparat habituellement la premire.
Histoire naturelle
La prvalence de la myasthnie auto-immune est estime
entre 50 et 100 par million.
[9]
Elle atteint les deux sexes, toutes
les races et sobserve tout ge. Il existe cependant une
distribution bimodale lie lge et au sexe avec une prdomi-
nance fminine avant 40 ans et une prdominance masculine
entre 60 et 70 ans.
Les manifestations oculaires sont prsentes chez plus de 90 %
des patients atteints de myasthnie et sont la premire manifes-
tation clinique de la maladie dans environ 50 % des cas. Parmi
ces patients ayant une forme oculaire initiale, environ la moiti
restent purement oculaires. Pour lautre moiti de ces patients,
lextension dautres territoires se fait le plus souvent dans les
deux annes suivantes
[10]
et serait plus frquente aprs 50 ans.
Enfin, une rmission spontane, parfois dfinitive, sobserve
dans environ 10 % des cas.
Plusieurs raisons pourraient expliquer latteinte lective de la
musculature oculaire extrinsque au dcours de la myasth-
nie.
[11, 12]
Une atteinte modre dun muscle oculomoteur
serait suffisante pour provoquer une perte du paralllisme des
globes oculaires, entranant une diplopie rapidement sympto-
matique, mais cela nexplique pas la frquence observe du
ptsis. Les fibres musculaires oculomotrices seraient plus
sensibles que les fibres musculaires priphriques au blocage de
la transmission neuromusculaire pour plusieurs raisons : leurs
frquences de dcharge sont plus leves, la densit des rcep-
teurs postsynaptiques lactylcholine serait moindre, la
quantit dactylcholine libre dans la synapse serait moindre.
Enfin, il pourrait exister des antignes spcifiques (pitopes du
rcepteur lactylcholine) au niveau des muscles oculomoteurs
responsables dune plus grande sensibilit la raction immune,
voire de la production localise danticorps spcifiques non
identifis.
[13]
Symptmes et signes cliniques
Symptmes
Un ptsis fluctuant et/ou une diplopie variable dun moment
lautre dans son intensit et sa direction sont les deux
symptmes vocateurs dune MO. Linterrogatoire recherche
une aggravation au cours de la journe. Parfois, le ptsis est
modr immdiatement au rveil, samliore dans la matine
puis se complte en fin de journe. La plainte matinale peut se
limiter une simple difficult douverture palpbrale de
diagnostic difficile. La diplopie peut apparatre au cours de la
journe, devenant invalidante le soir. La diplopie peut aussi tre
aggrave aprs la prescription intempestive de sances de
rducation orthoptique pour ce qui parat tre initialement une
banale insuffisance de convergence.
Certains facteurs peuvent aggraver, voire rvler la maladie :
fivre, infection, stress, traumatisme oculaire ou autre, certains
mdicaments (patch de nicotine dans le sevrage de lintoxica-
tion tabagique).
Signes neuro-ophtalmologiques
Ptsis
Les anomalies palpbrales, souvent initiales, sont la manifes-
tation la plus frquente au cours de la MO.
Le releveur de paupire suprieure est le muscle le plus
souvent atteint. Si le ptsis ne saccompagne pas dun dficit
musculaire, le diagnostic de MO doit tre reconsidr.
Latteinte peut tre initialement unilatrale mais avec le
temps, elle devient souvent bilatrale et asymtrique. Il existe
alors parfois une rtraction paradoxale de lune des deux
paupires. Ce phnomne sexplique par la loi de Hering
(stimulation galement rpartie entre les deux releveurs) et
leffort fait par le patient pour contrler le ptsis (stimulation
accrue entranant une rtraction de la paupire la moins
ptse). En soulevant la paupire la plus basse, on observe un
relchement de la paupire rtracte qui retrouve la position
primaire, voire se ptse son tour (signe du voile). Une
alternance du ptsis entre les deux paupires est aussi voca-
trice. Lorsque latteinte est bilatrale, le patient se prsente
typiquement avec le menton relev, une lvation des sourcils
et une augmentation des plis frontaux de faon librer laxe
visuel.
La fatigabilit musculaire se traduit par une augmentation du
ptsis en cours de journe. Ponctuellement, on peut la mettre
en vidence en demandant au patient de maintenir de faon
prolonge le regard vers le haut. linverse, le ptsis diminue
si le patient garde les yeux ferms quelques minutes. Lapplica-
tion dun glaon sur la paupire ptse pendant 2 minutes peut
17-172-B-15 Troubles oculaires de la myasthnie
2 Neurologie
galement rduire le ptsis. On considre quil est positif si la
fente palpbrale souvre dau moins 2 mm par rapport la
position initiale. Le mcanisme daction en est inconnu. Ce test
assez sensible et non invasif nest pas spcifique
[14]
mme sil
reste plus spcifique que le test de repos simple.
[15]
Lorsque le
patient regarde vers le bas et quon lui demande de ramener
rapidement le regard en position primaire, on observe de petites
oscillations rapides et excessives du bord libre palpbral qui
spuisent rapidement. Cest le signe de Cogan.
[16]
Une atteinte et une fatigabilit des orbiculaires sont gale-
ment frquentes au dcours de la MO. Latteinte se traduit par
une diminution de la force oppose par le patient au relve-
ment passif de la paupire suprieure, plus rarement par une
mauvaise occlusion palpbrale.
Il faut noter quaucun de ces signes palpbraux nest spcifi-
que de la myasthnie (Fig. 1).
Ophtalmoplgie
Les anomalies oculomotrices sont la seconde manifestation la
plus frquente au cours de la MO et sont habituellement
associes un ptsis. Elles sont trs variables et peuvent simuler
toute autre atteinte oculomotrice : infranuclaire (III extrins-
que, IV ou VI), nuclaire ou supranuclaire (ophtalmoplgie
internuclaire, syndrome un et demi ). De mme, tous les
muscles oculomoteurs peuvent tre atteints avec cependant une
plus grande frquence datteinte des muscles droit mdial, droit
infrieur ou oblique suprieur. Un nystagmus partique associ
peut se voir.
La variabilit de latteinte dun moment lautre, la fatigabi-
lit entranant une fluctuation de la diplopie et labsence de
systmatisation neurologique doivent faire voquer le diagnostic
(Fig. 2A, B et C).
Autres signes
Il ny a pas datteinte pupillaire, ce qui permet dliminer un
syndrome de Claude Bernard-Horner ou une atteinte intrins-
que du nerf oculomoteur commun.
Une atteinte de la musculature faciale peut tre note.
Les saccades oculaires des patients myasthniques sont
souvent anormales, le plus souvent avec une phase initiale
rapide puis un ralentissement important (fatigue) aboutissant
un mouvement hypomtrique. Elles peuvent alors saccompa-
gner dun nystagmus partique dissoci.
Examens complmentaires
Le diagnostic de myasthnie oculaire est voqu devant une
atteinte clinique variable et fluctuante. Les examens compl-
mentaires confirment le plus souvent le diagnostic. La rpti-
tion dans le temps de ces examens est parfois ncessaire pour
obtenir un diagnostic de certitude.
Point important
Principaux signes palpbraux au cours de la myasthnie :
ptsis unilatral ou bilatral asymtrique ;
signe du voile ;
signe de Cogan ;
fatigabilit ;
atteinte orbiculaire.
Figure 1. Ptsis myasthnique (photos dues lobligeance du docteur Vignal-Clermont).
A. Ptsis droit chez une patiente myasthnique.
B. Ptsis droit aprs test au glaon.
C. Ptsis gauche associ un discret ptsis bilatral involutionnel et une limitation de la latralit droite chez une patiente myasthnique.
D. Ptsis gauche aprs test au glaon.
Troubles oculaires de la myasthnie 17-172-B-15
3 Neurologie
8 1
5
2
4 6
7 3
0
8 1
5
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Date
Nom
Avec
Sans
Verres
FORME LIBRE
O.G. O.D.
A
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C
Figure 2. Diagramme de Lancaster (chez la mme patiente diffrentes dates).
A. Septembre 2002 : parsie du droit latral gauche chez une patiente myasthnique.
B. Dcembre 2003 : quasi-normalisation du trouble oculomoteur.
C. Mai 2004 : rapparition dune diplopie oblique avec parsie du droit latral droit, de loblique infrieur droit et du droit infrieur gauche au test au verre
rouge.
17-172-B-15 Troubles oculaires de la myasthnie
4 Neurologie
Examens biologiques
La prsence dAc anti-RACh est spcifique de la myasthnie
auto-immune. Elle permet daffirmer le diagnostic mais nest
mise en vidence que dans 50 % des cas de MO. Si le patient
est vu au dbut de la maladie, un second dosage doit tre
propos 6 12 mois aprs car il peut exister une positivit
diffre dans le temps.
La recherche dAc anti-MuSK permet parfois le diagnostic des
formes srongatives.
[17]
Le dosage des anticorps antimuscles stris, peu sensible mais
assez spcifique de myasthnie, est utile en cas de suspicion de
thymome.
[18]
La biopsie musculaire est trs sensible et spcifique. Elle nest
pas de ralisation courante sauf pour liminer une pathologie
musculaire, en particulier une cytopathie mitochondriale.
Tests pharmacologiques
Ladministration dinhibiteurs de lactylcholinestrase
(chlorure ddrophonium par voie intraveineuse : test au
Tensilon
est positif.
Troubles oculaires de la myasthnie 17-172-B-15
5 Neurologie
Une rmission temporaire ou permanente existe chez 10
20 % des patients ayant une MO.
[25]
La prsence dun thymome est probablement moins fr-
quente en cas de MO que de myasthnie gnralise.
Formes cliniques
Myasthnie auto-immune de lenfant
Une srie chinoise retrouve une nette prdominance de la
forme oculaire pure chez lenfant,
[26]
moins de 10 % des
patients ayant une forme gnralise. De plus, le taux de
rmission serait plus lev que chez ladulte. Dautres tudes, au
contraire, trouvent un profil volutif superposable celui de
ladulte ; la moiti des enfants dveloppant une forme gnra-
lise et la rmission spontane survenant dans 15 30 % des
cas. Le ptsis est latteinte la plus frquente. Chez le jeune
enfant, une amblyopie strabique secondaire la dviation
oculaire peut apparatre.
[27]
Maladies auto-immunes associes
La myasthnie est assez souvent associe une autre maladie
auto-immune. La dysthyrodie est lassociation la plus frquem-
ment retrouve et certains prconisent un dosage systmatique
de la thyroid stimulating hormone (TSH) chez les patients ayant
une MO. Le bilan clinique permet alors de prciser ce qui
revient chaque pathologie puisque les deux pathologies
peuvent entraner des anomalies de la statique palpbrale et/ou
de loculomotricit. Dautres associations sont moins frquen-
tes : lupus rythmateux dissmin, syndrome de Gougerot-
Sjgren, polyarthrite rhumatode.
Myasthnie induite par un mdicament
Certains mdicaments sont susceptibles dinduire ou daggra-
ver une myasthnie : btabloquants, quinine, certains antia-
rythmiques, antibiotiques et antipileptiques, et tous les agents
bloquants la transmission neuromusculaire.
Diagnostic diffrentiel
Le diagnostic de MO peut tre difficile affirmer surtout au
dbut de la maladie, lorsque les caractres typiques que sont
laggravation la fatigue et leffort, la variabilit dans le
temps, la topographie bilatrale et non systmatise ne sont pas
vidents. La ngativit des examens complmentaires (Ac anti-
RACh et EMG-FU) et labsence de rponse nette au traitement
dpreuve par les anticholinestrasiques sont frquentes dans ces
formes et compliquent encore le diagnostic.
En cas de ptsis
Il faut liminer une atteinte dorigine musculaire ou
neurologique.
Ptsis dorigine musculaire
Le ptsis par dsinsertion de laponvrose du muscle
releveur de paupire suprieure (RPS) est la cause la plus
frquente de ptsis acquis chez ladulte, en particulier chez le
sujet g. Typiquement, il ny a pas de fatigabilit mme si
une discrte augmentation du ptsis peut tre note en fin de
journe. La conservation dune fonction dynamique normale
du RPS est de rgle. Le test la nosynphrine 10 %
provoque une diminution nette du ptsis, voire une rtraction
de la paupire ptse.
Le ptsis myopathique sobserve en cas de cytopathies
mitochondriales, de dystrophie myotonique ou de dystrophie
oculopharynge. Le ptsis est habituellement bilatral, progressif
et symtrique. Il peut tre isol au dbut de la maladie et pose
alors un problme diagnostique. La fonction dynamique du RPS
est toujours dficitaire, ainsi que celle des orbiculaires. La
biopsie musculaire permet habituellement le diagnostic.
Ptsis dorigine neurologique
Le ptsis du syndrome de Claude Bernard-Horner est unilat-
ral, souvent peu marqu, non fluctuant. La fente palpbrale est
rtrcie du fait du ptsis inverse de la paupire infrieure. La
pupille est en myosis modr avec retard pupillaire la
dilatation.
Le ptsis accompagnant une atteinte de la 3
e
paire crnienne
(III) est rarement isol et saccompagne danomalies oculomo-
trices habituellement systmatises. Mme en cas de normalit
de la fonction pupillaire, il faut, au moindre doute, liminer
une atteinte crbrale compressive tumorale ou vasculaire
(anvrisme) par la ralisation dune imagerie crbrale.
[28]
En cas dophtalmoplgie
Dans les cas moins frquents o la myasthnie se manifeste
uniquement par une diplopie sans ptsis, le diagnostic diffren-
tiel se pose de la mme faon quen cas de ptsis entre ophtal-
moparsie dorigine musculaire (myopathies, dysthyrodies) et
ophtalmoparsie dorigine neurologique (lsions crbrales
compressives).
[29]
Classiquement, la combinaison du dosage des Ac anti-RACh,
du test ldrophonium et la ralisation de lEMG-FU apportent
la confirmation du diagnostic de myasthnie dans au moins
95 % des cas.
[30]
En cas de MO, surtout au dbut, ce diagnostic
est en fait moins facile affirmer. linverse, il faut garder en
mmoire que la MO peut se manifester par des troubles oculo-
moteurs de tout type, plus ou moins systmatiss. Il faut donc
y penser devant toute atteinte oculomotrice atypique que ce soit
dans sa topographie ou son volution (Fig. 4).
Traitement
Le traitement des troubles oculaires de la myasthnie doit
prendre en considration deux problmes. Il doit dabord
permettre de soulager la gne fonctionnelle lie au ptsis et/ou
la diplopie en sachant que ces troubles peuvent tre franche-
ment invalidants et retentir sur la qualit de vie des patients. Il
doit galement essayer de prvenir ou au moins diminuer le
risque de gnralisation de la maladie par un contrle prcoce
du trouble dysimmunitaire.
Point important
Diagnostics diffrentiels des troubles oculaires de la
myasthnie :
dsinsertion de laponvrose du RPS ;
cytopathies mitochondriales (ophtalmoplgie externe
progressive) ;
dystrophie myotonique ;
dystrophie oculopharynge ;
syndrome de Claude Bernard-Horner ;
parsie du III ;
parsie du IV ;
dysthyrodies.
17-172-B-15 Troubles oculaires de la myasthnie
6 Neurologie
Moyens thrapeutiques
Mdicaments anticholinestrasiques
Les anticholinestrasiques reprsentent le traitement
de premire intention au cours dune MO. Par blocage slectif
de la cholinestrase, ils prolongent la dure daction de lactyl-
choline au niveau postsynaptique.
Trois molcules sont utilises en France : la pyridostigmine
(Mestinon
) et la
nostigmine (Prostigmine
et la Mytelase
FAIBLE
Atteinte pupillaire
Douleur
Atteinte du V
SUSPICION CLINIQUE
Ptsis et/ou diplopie
-
-
-
-
+
+
+
+
Seul le dosage des Ac anti-RACh est spcifique
Figure 4. Arbre dcisionnel. Arbre
diagnostique des troubles oculaires de
la myasthnie. IRM : imagerie par rso-
nance magntique ; Ac anti-RACh : an-
ticorps antircepteurs lactylcho-
line ; EMG-FU : lectromyographie sur
bre unique ; Ac anti-MuSK : anticorps
dirigs contre le rcepteur musculaire
de la tyrosine kinase.
Tableau 1.
Mdicaments contre-indiqus au cours de la myasthnie (liste non
exhaustive).
Formellement
contre-indiqus
utiliser avec
prcaution
Antibiotiques Aminosides Aminosides et
polymyxines en
application locale
Colistine Clindamycine
Cycline injectable
Polymyxine B
Mdicaments
cardiovasculaires
Quinidine Lidocane i.v.
Procanamide
Btabloquants
Mdicaments du
systme nerveux
central
Trimthadione Carbamazpine
Diphnyl-hydantone Chlorpromazine
Dantrolne Lithium
Anesthsiques Curarisants Barbituriques i.v.
ou i.m.
Ktamine
Propanimide
Anesthsiques
volatils
Divers Quinine Benzodiazpines
Magnsiumi.v. Phnothiazines
D-pnicillamine Magnsiumper os
Btabloquants en collyre
i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineux.
Troubles oculaires de la myasthnie 17-172-B-15
7 Neurologie
La rducation orthoptique est inutile au dcours dune MO.
Elle risque, linverse du but recherch, dexacerber les troubles
oculomoteurs.
En cas de trouble oculomoteur assez stable, une correction
prismatique temporaire et modulable peut apporter une aide.
Lorsque la diplopie est fixe , une incorporation de la
correction prismatique dans le verre correcteur est possible.
Dans les cas les plus invalidants, locclusion dun il par un
cache ou un verre dpoli supprime la diplopie.
La correction optique par verres progressifs est souvent mal
tolre et lon privilgie lutilisation de deux paires de lunettes
chez le presbyte.
Les systmes mcaniques antiptsis fixer sur la monture
des lunettes peuvent galement apporter une aide modre. En
fait, ils sont souvent mal supports par les patients.
Dans de rares cas, une chirurgie du ptsis peut tre propose.
Elle sera toujours trs prudente de faon ne pas se compli-
quer de kratite postopratoire par malocclusion palpbrale.
Une chirurgie du strabisme par sutures ajustables peut aussi tre
propose en cas de dviation importante et peu variable des
axes visuels.
[31]
Corticothrapie
La corticothrapie est habituellement trs efficace pour
diminuer la symptomatologie fonctionnelle au cours de la
myasthnie.
[32]
Dans la MO, elle est propose en cas dineffica-
cit des anticholinestrasiques et lorsque la maladie est nette-
ment invalidante. Cependant pour certains, elle serait moins
efficace en cas de MO que de myasthnie gnralise
[33]
suggrant une moindre sensibilit de la forme oculaire pure aux
traitements immunosuppresseurs.
Lamlioration fonctionnelle est rapide en 2 4 semaines.
Lefficacit maximale est obtenue entre le 3
e
et le 6
e
mois.
Les modalits de traitement sont assez variables. La cortico-
thrapie dbute faibles doses diminue le risque classique mais
imprvisible daggravation initiale et passagre de la symptoma-
tologie. En cas de MO, ce risque est plus rare
[34]
et certains
auteurs proposent de dbuter le traitement la dose de
1 mg kg
1
j
1
.
Ladministration peut tre quotidienne ou alterne un jour
sur deux dans le dessein de diminuer les effets secondaires. La
dure du traitement est variable. La dose efficace minimale est
toujours recherche mais le traitement doit souvent tre
poursuivi plusieurs annes pour maintenir lamlioration. Les
effets secondaires de ce traitement sont frquents et impor-
tants
[35]
et lon doit en tenir compte lors de lindication dune
corticothrapie pour MO.
Plusieurs tudes rcentes prconisent une corticothrapie
prcoce, mme en cas de MO modre, pour prvenir lvolu-
tion vers la gnralisation.
[36-39]
Ainsi pour Kupersmith, les
patients ayant reu une corticothrapie dans la premire anne
dvolution dune MO ont un taux de gnralisation de 7 %
2 ans alors que les patients non traits ont volu vers une
myasthnie gnralise dans 36 % des cas. Compte tenu des
rsultats concordants de ces tudes, une tude multicentrique
doit dbuter pour prciser lefficacit et les modalits de la
corticothrapie dans la prvention dune ventuelle gnralisa-
tion secondaire. En effet, il est possible que labsence de
contrle de la rponse immune au cours de la MO entrane des
modifications structurelles des autoantignes situs la jonction
neuromusculaire et une destruction de larchitecture de cette
jonction.
[40]
Autres traitements immunorgulateurs
ou suppresseurs
Un traitement immunosuppresseur, principalement par
lazathioprine (Imurel