Le Modele Des Ressources Et Des Competences.114 PDF

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LE MODLE DES RESSOURCES ET DES COMPTENCES: UN NOUVEAU PARADIGME POUR LE MANAGEMENT STRATGIQUE? Stephane A.

Tywoniak Doctorant, Dpartement Stratgie et Politique dEntreprise Groupe HEC 1, rue de la libration 78351 Jouy-en-Josas France e-mail: [email protected]

Introduction Tout notre expos insiste sur les ressources internes de la firme -les services productifs que la firme peut tirer de ses ressources, en particulier les services productifs rendus par les cadres expriments de la firme. Non seulement les services productifs que les cadres (pris dans le sens le plus large) peuvent rendre dpendent des ressources avec lesquelles la firme est habitue travailler, mais lexprience de ces managers affecte galement les services productifs que les autres ressources sont capables de rendre. La croissance de la firme est la fois encourage et limite par le processus vritablement dynamique et interactif qui apparat lorsque le management recherche le meilleur usage possible des ressources disponibles. () lenvironnement est considr comme une reprsentation dans lesprit de lentrepreneur des potentiels et limites auxquels il est confront () et la demande perue par la firme est ainsi largement conditionne par les services productifs sa disposition. Il en suit que la trajectoire de croissance suivie par la firme -les biens quelle dcide de produire- peut tre analyse en termes de la relation entre ses ressources et sa perception de sa position concurrentielle. [Penrose, 1959, p. 5] Inspir par les travaux de Penrose (entre autres), dont linfluence reste particulirement prgnante, le Modle des Ressources et des Comptences (MRC1) apparat comme une innovation thorique prometteuse au milieu des annes 19802, et suscite depuis un intrt croissant, auprs des chercheurs, consultants et praticiens, au point dtre prsent au milieu des annes 1990 comme le futur modle thorique dominant du management stratgique3. A ce titre, il justifie un examen critique et approfondi. Exemple reprsentatif du dialogue de plus en plus nourri qui sest tabli entre management stratgique, conomie et sociologie4 (Rumelt, Schendel & Teece [1991]), le MRC, qui
1:

Resource-based view of the firm [Barney, 1991], Competence-based view of the firm [Hamel & Heene, 1994] Voir larticle fondateur de Wernerfelt [1984] 3: Voir par exemple Collis & Montgomery [1995] 4: Outre Penrose, le MRC emprunte des travaux conomiques et sociologiques importants, mais souvent considrs comme marginaux ou hrtiques (Albertini & Silem [1983], Foss [1996a]). En particulier, Schumpeter [1911] (dfinition des rentes et la nature de la concurrence) Alchian [1950] (prise en compte de lenvironnement des firmes) Selznick [1957] (notion de comptence cardinale, ce quune firme sait particulirement bien faire et qui dfinit son identit institutionnelle) Penrose
2:

ambitionne au statut de nouvelle thorie de la firme (Conner, [1991] Conner & Prahalad [1996], Kogut & Zander [1996]), sest construit au moins autant de manire positive quavec la volont de rformer certaines thories existantes, juges inadquates, notamment les modles issus de lconomie industrielle. Cet article est divis en trois sections principales. La premire section sera consacre une prsentation du MRC. Nous examinerons les postulats fondamentaux du modle, ses principaux lments, et nous tenterons de montrer comment ladoption de prmisses originales conduit modifier profondment la dfinition de lavantage concurrentiel, la conception du mode de dveloppement stratgique. Enfin, nous examinerons le processus de construction dun avantage concurrentiel. Dans la seconde section, nous tenterons dvaluer le statut du MRC au sein de la thorie du management stratgique: assistons-nous lmergence dune thorie dominante et intgratrice, un paradigme pour le management stratgique? Pour ce faire, nous avons choisi dutiliser la structure du modle de Harvard, dont le renouvellement est au coeur du MRC. Nous examinerons donc, tour tour, les rapports de la firme et de son environnement, lanalyse des ressources de la firme, linfluence de la prise en compte des ressources pour les choix stratgiques, et enfin les implications du modle pour les politiques structurelles et fonctionnelles. En conclusion, nous ferons un bilan des apports du modle, prsenterons les critiques qui lui ont t opposes, les pistes de recherche pour lavenir, et tenterons de rpondre la question du titre. 1. Prsentation du modle des ressources et comptences 1.1 Hypothses fondamentales Le Modle des Ressources et des Comptences entretient des liens troits avec les thories volutionnistes en conomie et en sociologie5. Ces liens sont apparents lorsquon examine les quatre hypothses fondamentales du MRC. Les processus organisationnels forment un ensemble de routines Les processus organisationnels sont envisages comme un ensemble de routines (Grant [1991, p. 122], [Nelson & Winter, 1982, p. 400]. Lensemble des routines constitue une forme de mmoire organisationnelle [Girod, 1995]. Les routines sont mises en oeuvre quasiautomatiquement et prennent un caractre tacite, donc difficilement reproductible (Polanyi [1967]). La rgularit du bon fonctionnement de lorganisation dpend donc de ces squences apprises dactions configures impliquant des acteurs multiples lis par des relations de communication et/ou dautorit [Cohen & Bacdayan, 1994, p. 555]. Cela
[1959] (vision des firmes en tant quensemble de ressources, analyse de la diversification des firmes et de lapprentissage organisationnel par essai et erreur) Nelson & Winter [1982] (concept de routine, qui rend compte des processus organisationnels). 5: Voir Winter [1995, pp. 147-148], Foss, Knudsen & Montgomery [1995, pp 3-15], Knudsen [1995], Peteraf [1993].

entrane deux consquences: premirement la firme volue selon un itinraire contraint (path dependency Teece, Rumelt, Dosi & Winter [1994, p; 17]) puisque les actions de demain dpendent des routines daujourdhui. Deuximement, en cas de modification de lenvironnement, la survie de la firme dpend de son habitude modifier ses routines ou en inventer de nouvelles: cest le rle de ces routines particulires que Nelson et Winter [1982] appellent activits de recherche: ce que lorganisation sait faire (les routines) nest donc pas fig, mais procde dun apprentissage exprimental au cours du temps (Teece, Rumelt, Dosi & Winter [1994, pp. 15-16]), et le changement organisationnel prend la forme dune srie dquilibres ponctus (substitution dune -ou plus- routine par une autre6). Les routines prsentent trois caractristiques principales. Premirement, elles impliquent des acteurs multiples et sont ce titre des phnomnes sociaux complexes. Deuximement, elles prennent forme dans la rptition et sont le rsultat dun processus mergeant dapprentissage exprimental plus que prise de dcision explicite. Troisimement, les routines incorporent du savoir tacite, inarticul, ce qui rend problmatique leur programmation intentionnelle (Cohen & Bacdayan [1994, pp. 555-556]). Ces trois caractristiques des routines ont des consquences importantes pour la manire dont les firmes sont abordes dans le MRC. Tout dabord elles imposent des limites au management: certaines caractristiques des organisations ne peuvent tre parfaitement matrises7. Ensuite, chaque organisation est idiosyncratique et le pilotage organisationnel doit en tenir compte. Enfin, les routines peuvent entraner des comportements sub-optimaux par lapplication irrflchie ou automatique dune srie dactions inadaptes au contexte (Leonard-Barton [1992]). La rationalit des acteurs est limite La rationalit organisationnelle est limite (Simon [1945]) et procdurale (Simon [1955], Quinet [1994]). Le lien entre les processus organisationnels comme ensemble de routines et les limites de la rationalit apparat ici clairement: une routine est une (la premire) solution satisfaisante un problme donn de lorganisation. Les membres de lorganisation sont les dpositaires ultimes des routines -et leurs crateurs (Teece, Rumelt, Dosi & Winter [1994, pp. 15-16]). Lentreprise ne peut apprendre, crer de nouvelles routines, que par le biais de ses membres: soit par lapprentissage des membres existants, soit en absorbant de nouveaux membres. Lapprentissage est donc le moteur de la firme et ce qui justifie son existence: Une des proprits de lapprentissage organisationnel est quil permet lentreprise, en tant quensemble, de surmonter la rationalit limite dindividus particuliers8.
6: Un processus de changement par substitution est dcrit ainsi: New forms of behavior result in organisational identity drifts when overseers of a firm (top management) explicitly decouple the new behaviors from an existing set of cultural values and gradually integrate the contextual meanings of those behaviors into a set of central organizational values [Fiol, 1991, p. 202]. Sur le changement selon le modle de lquilibre ponctu, voir galement Gersick [1991] 7: Les organisations sont des systmes lachement lis [Orton & Weick, 1990] 8: On notera ainsi que pour la thorie volutionniste, lexistence de la firme est due aux limites cognitives des individus, et non des imperfections du march (Jensen & Meckling [1976]) ou des cots de transaction (Williamson [1975]).

Les routines sont enregistres sous forme de mmoire procdurale9 (Cohen & Bacdayan [1994]). Ce nest donc pas seulement la capacit de raisonnement, mais toutes les fonctions cognitives qui sont concernes par ces limites de la rationalit10. Les implications de cette forme de mmorisation sont multiples: 1) elle rend difficile larticulation des actions des membres de lorganisation (et seul un processus dexplicitation des routines permet de faciliter leur modification), 2) elle impose des contraintes pour lapprentissage et le transfert des routines (lapprentissage par lexprience directe (learning by doing), plus riche en connaissances tacites, semble donner de meilleurs rsultats que le transfert codifi des connaissances), 3) le caractre procdural des routines traitant des informations limite la capacit dune organisation se souvenir, comme la tche apparemment simple de retrouver un document peut savrer extraordinairement difficile lorsquil est mal class [Cohen & Bacdayan, 1994, p. 566]. La firme volue dans un environnement slectif ex-post Les firmes ne sadaptent pas consciemment ex-ante aux conditions de leur environnement, mais cest lenvironnement qui adopte (Alchian [1950]) ex-post les organisations qui survivent. Les critres qui dterminent la survie des firmes ne sont pas connus ex-ante, et peuvent rester incertains ex-post. Ainsi, pour les firmes survivantes, ladaptation ex-post par limitation des firmes ayant obtenu les meilleurs rsultats par le pass est un guide imparfait. Lenvironnement est dtermin par des facteurs exognes lindustrie ou au secteur considr (e.g.: conditions de la demande) et par des facteurs endognes (e.g.: caractristiques et comportement des firmes11), plus ou moins contraignants. Il joue ainsi le rle dun filtre des routines et mutations des firmes. Lintensit de la slection dpend du niveau de comptition, des politiques publiques et de la frquence des discontinuits technologiques [Teece & al., 1994, p. 22]. Le facteur de rsistance la slection par lenvironnement le plus puissant pour la firme est sa capacit gnrer une forte capacit dautofinancement. La dotation en facteurs initiale de la firme (en particulier en capital) joue donc un rle crucial en ce domaine. Les marchs de facteurs sont incomplets et imparfaits12 Barney [1986b, p. 1232] pose que lventualit dun avantage concurrentiel dpend de lexistence de marchs de facteurs stratgiques imparfaits: Si les marchs de facteurs stratgiques sont purement concurrentiels, alors la pleine valeur des stratgies produit-march des firmes est anticipe lors de lacquisition des ressources ncessaires leur mise en oeuvre,
9: La mmoire procdurale est la forme de mmoire qui enregistre les composantes dactions individuelles qualifies, tant physiques que cognitives. Elle est diffrente de la mmoire dclarative qui stocke les faits, propositions et vnements [Cohen & Bacdayan, 1994, p. 557]. Pour une analyse de la mmoire organisationnelle, voir galement Girod [1995] 10: Ces hypothses ouvrent la possibilit dune approche cognitive de la stratgie [Laroche & Nioche, 1994] au sein du MRC. 11: Notons que cette dfinition permet aux firmes dexercer dans certains cas un pouvoir de march, et gnralement -en fonction des contraintes- de ngocier (Cyert & March [1963]) leur rapport lenvironnement. 12: Tous les facteurs ne sont pas offerts sur le march, les transactions sur le march des facteurs sont soumises certaines contraintes.

et celles-ci ne peuvent obtenir quun taux de profit normal. Les firmes ne peuvent obtenir des rsultats suprieurs de la mise en oeuvre de leurs stratgies que lorsque le cot des ressources ncessaires est significativement moindre que leur valeur conomique, cest--dire lorsquelles crent ou exploitent des imperfections concurrentielles des marchs de facteurs stratgiques. En rsum, les firmes dotes de ressources uniques qui leur offrent une rentabilit potentielle suprieure tirent parti dune perception spcialement aigu de la valeur future de ces ressources lors de leur acquisition, ou bien, en labsence dun tel don, elles rcoltent les fruits de leur bonne fortune [Barney, 1986b, p. 1237]. Mais certains facteurs stratgiques ne peuvent sacheter sur un march: par exemple la rputation dune firme [Dierickx & Cool, 1989]. Dautre part, mme sil nexiste pas de march pour un facteur, deux firmes peuvent nanmoins conclure une transaction (achat du produit du facteur, alliance), pour peu que les mcanismes appropris puissent tre mis en oeuvre [Chi, 1994]. Ainsi, mme lorsque les conditions nonces par Barney et Dierickx & Cool restent en vigueur, il est possible de les contourner, et, dfaut de sapproprier le facteur dsir, de capturer (une partie de) sa valeur. 1.2 Les ressources et les comptences de la firme Certaines approches du management stratgique abordent la firme comme une srie de couples produits-marchs (Ansoff [1965, p. 101]), une srie de fonctions (Snow & Hrebiniak [1980]), ou un ensemble dactivits lies au sein dune chane de valeur (Porter, [1985, 1996]). Le MRC se propose de dfinir une firme partir de ce quelle est capable de faire (Grant [1991, p. 116]). Dans cette perspective, on peut envisager la firme comme larticulation dun systme doffre et dun ensemble de prestations (Koenig [1996]) reposant sur la mise en oeuvre de ressources. (P)ar ressource, nous entendons tout ce qui peut tre conu comme une force ou une faiblesse dune firme donne. Plus formellement, les ressources dune firme linstant t peuvent tre dfinies comme les actifs (tangibles et intangibles) associs de manire semipermanente la firme (Wernerfelt [1984, p. 132]). Grant [1991, p. 118-119] suggre comme exemples de ressources lquipement productif, le savoir-faire demploys, des brevets, marques, du capital, etc. Certaines ressources revtent une importance particulire: les savoir-faire de la firme, incarns dans des routines, produits de laccumulation des connaissances13. Ces comptences14 dsignent la capacit dployer les ressources pour atteindre un objectif voulu, habituellement sous forme de combinaison faisant appel des processus

A ce titre, le MRC est parfois prsent comme une thorie de la firme fond sur les connaissances (Cf. Conner & Prahalad [1996], Foss [1996b, 1996c], Kogut & Zander [1996]). 14: Nous traduirons par comptences les termes synonymes de capabilities (Grant [1991]) et competencies (Prahalad & Hamel [1990]), et core competences qui dsigne les comptences qui sous-tendent lavantage concurrentiel par comptences cardinales.

13:

organisationnels (Amit & Schoemaker [1993, pp. 35-37]), ou pour reprendre la dfinition de Grant [1991, p. 119]: une comptence est la capacit dun ensemble de ressources raliser une tche ou activit. (L)es comptences cardinales sont lapprentissage collectif de lorganisation, portant en particulier sur la coordination de savoir-faire productifs divers et lintgration de sries de technologies multiples () les savoir-faire qui constituent ensemble une comptence cardinale doivent coaguler autour dindividus dont les efforts sont suffisamment diversifis pour reconnatre les opportunits de fusionner leur exprience fonctionnelle avec celles dautres de manire nouvelle et intressante. Puisque la comptence est un savoir-faire en action, elle ne diminue pas lusage () mais est enrichie mesure quelle est utilise et partage. Mais les comptences requirent nanmoins dtre entretenues et protges: la connaissance sestompe si elle reste inutilise (Prahalad et Hamel [1990, p. 82])15. Ainsi, si lexistence de la firme rside dans sa capacit surmonter les limites de la rationalit de ses membres (Teece & al. [1994]), son mcanisme principal est alors lintgration des savoirs fragments des individus: la comptence organisationnelle est essentiellement une intgration de savoirs spcialiss afin de raliser une tche productive discrte. La ralisation rptitive de ces tches productives est lie, directement ou indirectement, la capacit de cration de valeur de la firme, par la transformation de facteurs en produits [Grant, 1996, p. 377]. Cette intgration conduit concevoir la firme comme un ensemble de comptences organises en une structure [Qulin, 1995] ou une architecture [Grant, 1996]16 (Tableau 1). Cette structure ne correspond pas terme terme avec la structure hirarchique formelle de lorganisation (quoiquil existe des similitudes), mais se dcline en fonction du degr dagrgation des comptences. Qulin distingue trois niveaux dintgration: un niveau lmentaire, qui comprend les comptences directement lies aux activits oprationnelles de la firme (eg: savoir-faire de production), un niveau intermdiaire o les comptences spcialises sont agrges dans des comptences fonctionnelles (eg: marketing), un niveau suprieur, o rsident les comptences impliquant une large intgration intra- ou interfonctionnelle et les comptences gnrales qui influencent la totalit de lorganisation (processus de coordination, de dcision). Tableau 1: Architecture des comptences de lorganisation

15:

Bien que le vocabulaire du MRC ne soit pas encore fig (Barney [1996b, p. 144]), la distinction entre ressources (facteurs ou actifs stratgiques discrets - eg: un savoir-faire individuel, une capacit de production) et comptences (facteurs stratgiques permettant la mise en oeuvre intgre dautres facteurs -eg: un savoir-faire collectif, la capacit de marier plusieurs processus de production) que nous avons tablie est suffisamment largement partage pour que nous la conservions durant le reste de notre discussion. 16: Qulin [1995, pp. 8-11] et Grant [1996, pp. 377-379] suivent substantiellement le mme raisonnement.

Niveau suprieur

Comptences inter-fonctionnelles Dveloppement de produits Service client Gestion de la qualit

Comptences gnrales Processus de coordination Processus de dcision Structures dincitations Gestion de la performance

Niveau intermdiaire

Comptences fonctionnelles Recherche-dveloppement Production Marketing et ventes Niveau Comptences oprationnelles lmentaire Savoirs spcialiss Savoir-faire individuels Connaissances individuelles Source: adapt de Qulin [1995, p. 18] et Grant [1996, p. 378] Les ressources fondes sur la connaissance sont plus ou moins transfrables (Nelson [1987, p. 170]) (Schma 1). La valorisation de ces actifs fonds sur la connaissance est problmatique, souvent parce quil est difficile de sen assurer le contrle (ils peuvent sortir par la porte de la firme, dans la tte -ou la poche- dun des employs), restent ensuite la slection des actifs dvelopper, et la dtermination de la mthode utilise pour en extraire la valeur. La valorisation des connaissances de la firme repose sur sa capacit absorber et appliquer des connaissances nouvelles (capacit dabsorption [Cohen & Levinthal, 1990]), stimuler les interactions sociales ncessaires la cration de connaissances nouvelles par la fertilisation croise des savoirs individuels (capacit combinatoire [Kogut & Zander, 1992]), enfin savoir slectionner, conserver, et ractiver les connaissances de lorganisation (capacit transformatrice [Garud & Nayyar, 1994]). En fonction de la tangibilit et du caractre plus ou moins tacite de ces savoirs, leur exploitation est plus ou moins problmatique. Selon Wright, van Wijk & Bouty [1995], il existe un arbitrage entre deux modes de transfert du savoir (ie: dapprentissage): le premier mode passe par une thorisation du savoir, puis un dcodage: dun savoir tacite on passe un savoir codifi, qui peut ensuite tre diffus. Le second mode implique un apprentissage par essai-erreurs, une diffusion par lobservation directe, le savoir tant empiriquement intgr et utilis avant dtre codifi (sil lest jamais)17. Or, chaque organisation dveloppe un style de traitement de linformation qui lui est propre, en fonction de sa base de savoir dorigine, o dominent soit thorisation et codification (exploration), soit intgration et utilisation (exploitation). Les entreprises qui favorisent lexploration ont tendance tre innovantes, mais ont parfois des difficults exploiter les connaissances nouvelles18, alors que celles o domine lexploitation savent aisment intgrer des savoirs dj connus, mais doivent parfois faire appel des sources extrieures pour dvelopper de

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Cf. lopposition entre exploration et exploitation chez March [1991] Cf. le cas Xerox, cit par Barney [1995]

nouveaux concepts. Schma 1: Dimensions taxonomiques des ressources fondes sur le savoir19. Tacite Articulable quon ne peut enseigner quon peut enseigner inarticul Usage non-observable Complexe Element dun systme Difficile transfrer articul Usage observable Simple Indpendant Facile transfrer
Source: Winter [1987, p. 170]

1.3 Une nouvelle dfinition des conditions de lavantage concurrentiel Si la firme est une collection de produits-marchs, alors lanalyse stratgique et lavantage concurrentiel sont focaliss autour de la position de la firme dans ces couples produitsmarchs (Mintzberg [1994, p. 27]). Ladoption dune dfinition de la firme comme un ensemble de ressources et de comptences modifie notre approche des conditions de ltablissement dun avantage concurrentiel (Barney [1991, p. 100]). Lavantage concurrentiel ne rside plus ncessairement dans lexploitation dune position dominante et protge sur un march (ou une niche), mais dans la valorisation suprieure de ses ressources. En termes conomiques, on peut rsumer lopposition ainsi: alors que lconomie industrielle met laccent sur lexploitation de rentes monopolistiques, la thorie de la ressource propose quil est plus attrayant pour la firme de bnficier de rentes ricardiennes20.

Le diagramme contenu dans le texte de Winter a t adapt pour reflter cette remarque: une position vers la gauche dun des axes identifis dans le diagramme indique que le savoir est difficile transfrer, alors quune position vers la droite indique un transfert ais. 20: Voir Peteraf [1993, pp. 180-182], Grant [1191, p. 117], Montgomery & Wernerfelt [1988], Wernerfelt & Montgomery [1988]

19:

Schma 2: Les fondations de lavantage concurrentiel Htrognit Existence de rentes (monopolistiques ou ricardiennes) Concurrence limite ex-post Rentes maintenues en environnement concurrentiel

Avantage concurrentiel
Rentes soutenues lintrieur de la firme Mobilit imparfaite
Source: Peteraf [1993, p. 186]

Rentes noncompenses par des cots Concurrence limite ex-ante

Peteraf [1993] licite quatre conditions de march ncessaires ltablissement dun avantage concurrentiel durable. Premirement, les firmes concurrentes ne disposent pas de la mme dotation en facteurs pour assurer leur activit (htrognit) et donc sont capables soit de valoriser des facteurs de production suprieurs (rentes ricardiennes) ou une position de march avantageuse (monopole local, diffrenciation: rentes monopolistiques). Deuximement, il existe des mcanismes isolants21 qui empchent les concurrents de reproduire la stratgie gagnante ou den liminer les gains (limites ex-post). Troisimement, les facteurs de production ne peuvent pas toujours faire lobjet de transactions sur un march (mobilit imparfaite). Enfin, les configurations de ressources permettant dtablir un avantage concurrentiel ne sont pas connaissables priori (limites ex-ante). Ces quatre conditions doivent tre vrifies simultanment afin de permettre une firme de bnficier dun avantage concurrentiel (Schma 2). La plupart des autres auteurs, dans une perspective complmentaire, dfinissent les conditions de lavantage concurrentiel en fonction des caractristiques des ressources et des comptences. On peut identifier six conditions quune ressource ou comptence doit respecter pour apporter un avantage concurrentiel une firme: Valeur: la ressource ou comptence doit avoir de la valeur pour la firme, parce quelle permet de tirer parti dopportunits de march ou de neutraliser une menace de lenvironnement (Barney [1991]), parce quelle permet un accs un grand nombre de marchs et reprsente une contribution significative la valeur du produit final pour le client (Hamel [1994]), ou bien parce que cette ressource est suprieure celles des concurrents, et permet donc
21:

Rumelt [1984]

lexploitation potentielle dune rente (Collis & Montgomery [1995]). Enfin, un avantage concurrentiel peut rsulter de la prsence simultane de deux ressources ou comptences. dans ce cas, la valeur dune ressource est accrue par la prsence dune autre ressource22 . Raret: la ressource doit tre rare, cest dire quun nombre limit seulement de firmes peuvent y avoir accs, idalement une seule (Barney [1991]). Si la ressource nest pas unique, mais que sa transfrabilit est incertaine (marchs imparfaits/incomplets) alors sa raret est renforce (Grant [1991]). Imitation: la ressource ou la comptence doit tre difficilement imitable afin dempcher les concurrents de rpliquer la stratgie. Selon Lippmann & Rumelt [1982, pp. 419-421], les processus de production dune firme sont imparfaitement imitables par ses concurrents lorsque les facteurs permettant dobtenir une performance suprieure ne sont pas clairement identifiables23 et lorsque la mobilit des facteurs de production est imparfaite en raison de lexistence dactifs spcifiques auxquels sont associs des savoir-faire tacites ou bien des droits de proprit exclusifs. Longvit: la ressource peut-elle maintenir lavantage concurrentiel de la firme dans la dure (Collis & Montgomery [1995])? Selon Grant [1991], les comptences sont potentiellement plus durables que les ressources: lors de lobsolescence dune ressource, cette dernire peut tre substitue par une ressource nouvelle, ce qui permet de prolonger la dure de la comptence laquelle elle participe. La longvit de la ressource dpend de facteurs tels que la dure du cycle dinnovation technologique, la frquence de nouveaux entrants dans lactivit, etc (obsolescence des ressources, apparition plus ou moins rapide de substituts). Comme le font remarquer Amit & Schoemaker [1993, p. 39], Wernerfelt [1989] et Prahalad & Hamel [1990], certaines ressources et comptences peuvent avoir une dure de vie illimite, et senrichir au fur et mesure de leur utilisation. Substitution: pour conserver sa valeur, la ressource ne doit pas avoir de substitus aisment accessibles (Barney [1991], Collis & Montgomery [1995]). Appropriation: selon Barney [1995] afin dtablir un avantage concurrentiel, la firme doit organiser ses processus et sa structure afin de raliser la valeur potentielle de ses ressources et comptences cardinales. Grant [1991] et Collis & Montgomery [1995] insistent galement sur les droits de proprit et la ncessit de sapproprier le surplus rsultant de lexploitation dune ressource ou comptence cardinale (ou au moins une partie du surplus suprieure au cot dexploitation de la ressource). Ce nest que losque ces six conditions sont respectes quune ressource ou une comptence peut permettre dobtenir un avantage concurrentiel. Le MRC pose donc, de manire raliste, que lavantage concurrentiel est un phnomne complexe, difficile tablir, fragile
22: 23:

Cf. Dierickx & Cool [1989], Amit & Schoemaker [1993, p. 39]), actifs co-spcialiss (Teece [1986] Il existe alors une ambigut causale entre inputs et outputs, ou, pour utiliser une autre expression, inputs et outputs sont lchement coupls (Weick [1976], Orton & Weick [1990])

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maintenir, et que rares sont les firmes qui y parviennent24. Le modle invite chercheurs et praticiens examiner avec plus dattention la dotation en facteurs de la firme, pour y identifier ceux qui sont susceptibles de conduire un avantage. De nombreuses typologies des ressources et des comptences ont t proposes25. Or, ces typologies se contentent presque toutes dtre descriptives et se contentent soit de sparer ressources et comptences, soit de rpartir ressources et comptences entre diffrentes catgories dactifs tangibles et intangibles de la firme, sans voquer de liens entre ressources et avantage concurrentiel. De fait, compte tenu de la complexit des conditions de lavantage concurrentiel, il semble difficile de proposer une typologie simple, permettant de hierarchiser les ressources en fonction de leur potentiel pour conduire un avantage concurrentiel. De plus, laccent mis par le MRC sur les caractristiques idiosyncratiques des firmes et de leurs ressources va lencontre de tels efforts de catgorisation, synthtiques par nature. 1.4 Stratgie de dveloppement de la firme Si lavantage concurrentiel repose sur la mise en oeuvre de ressources et de comptences prcieuses, difficilement imitables, non-substituables, rares et durables, alors la stratgie des firmes, implicitement ou explicitement, doit tendre vers lexploitation de telles ressources. La recherche de leur utilisation optimale conduit identifier quelles en sont les meilleures applications: tant que les ressources ne sont pas pleinement utilises dans les oprations existantes, la firme est incite chercher une manire de les utiliser plus compltement [Penrose, 1959, p. 67], et: La slection des couples produits-marchs pertinents est ncessairement dtermine par les ressources dont la firme a hrit -les services productifs dont elle dispose dj. [Penrose, 1959, p. 82]. La croissance et le dveloppement de la firme sont donc naturellement lies son activit originelle, et lapparition de nouvelles activits se fait de manire concentrique, autour dun noyau dactivits (une base technologique pour Penrose [1959, p. 118])26. Pour le MRC, une stratgie de dveloppement sarticule donc ncessairement autour dun mtier, les diverses activits de la firme reposant sur lexploitation conjointe dun nombre limit de ressources et de comptences cardinales (Hamel & Prahalad [1994], Teece, Rumelt, Dosi & Winter [1994]27). La croissance par diversification lie28 est donc, a priori, celle qui
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Cf. Barney [1996b, p. 172] Cf. Wernerfelt [1989, pp. 6-7], Barney [1991, p. 101], Grant [1991, p. 119], Black & Boal [1994, pp. 134-135], Verdin & Williamson [1995], Miller & Shamsie [1996, pp. 521-528]. 26: En cela, la thorie de la ressource se diffrencie de stratgies de diversification fondes sur des analyses en termes de portefeuille qui considrent avant tout lquilibre financier court terme dun ensemble dactivits (pour une discussion voir Haspeslagh [1982] et Bernasconi [1983]). 27: Le travail de Teece, Rumelt, Dosi & Winter se place dans une perspective dconomie volutionniste. Mais comme le montrent Foss, Knudsen & Montgomery [1995], Montgomery [1995] et Peteraf [1993], les deux courants de recherche sont intimement lis. 28: Pour une revue de littrature sur les stratgies de diversification, voir Ramanujam & Varadarajan [1989].

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permet les meilleurs rsultats long terme. La recommandation pour les praticiens est la recherche de synergies entre activits existantes et activits nouvelles, autour dun noyau de ressources/comptences qui sont mises en oeuvre conjointement par plusieurs activits29. Cette injonction est justifie par les rsultats de nombreuses recherches empiriques montrant que les firmes ayant opt pour une politique de diversification cohrente obtiennent de meilleurs rsultats30 et que litinraire de croissance des firmes dpend de leur dotation initiale en facteurs stratgiques (Montgomery & Hariharan [1991], Kim & Kogut [1996]) et se dveloppe gnralement vers des domaines voisins (Farjoun [1994]). Les limites la croissance des firmes dpendant dune part des capacits de son management, et dautre part de lefficience allocative des marchs financiers (Olliger [1994], Penrose [1959, p. 263]). 1.5 Cration de comptences nouvelles et avantage concurrentiel Une fois dfinis les lments statiques du modle (ressources, comptences, conditions de lavantage concurrentiel, stratgie de dveloppement), reste explorer sa dynamique, cest dire la cration de ressources et comptences permettant dobtenir un avantage concurrentiel. Si les ressources/comptences doivent tre rares et difficilement imitables pour permettre dtablir un avantage concurrentiel, il semble logique de prfrer lauto-production lacquisition sur un march. Selon Dierickx & Cool [1989, pp. 1507-1508] lauto-production prsente quatre caractrisiques susceptibles de rendre difficilement imitables les ressources et comptences ainsi cres: Dsconomies de compression temporelle: ce phnomne est driv de la loi des rendements dcroissants. La prsence de dsconomies de compression temporelle implique que laccumulation dun actif A au cours dune priode 1/2t demandera un effort suprieur laccumulation du mme stock dactifs au cours dune priode t. Effets de taille critique: lorsque laccumulation dun actif est facilite par lexistence dun stock substantiel de cet actif (eg: R&D). Stocks dactifs interdpendants: lorsque laccumulation dun actif A dpend du niveau du stock de lactif B.

Ambigut causale: laccumulation de stocks dactifs peut tre le rsultat dune loterie, lorsque lon est incapable didentifier les variables dterminantes et/ou de les contrler. Un schma des tapes du processus daccumulation dactifs et de la transformation dun projet en avantage concurrentiel est propos par McGrath et ses collgues31 qui identifient
29:

Nous dsignons les ressources/comptences faisant partie de ce noyau comme cardinales (core competences). Cf. entre autres Harrison, Hall & Nargundkar [1993], Ingham & Thompson [1995], Maijoor & van Witteloostuijn [1996], Markides & Williamson [1994], Montgomery & Wernerfelt [1988], Robins & Wiersema [1995], Teece, Rumelt, Dosi & Winter [1994], Walsh, Boylan, Morone & Paulson [1996], Wernerfelt & Montgomery [1988]. 31: McGrath, MacMillan & Venkatraman [1995], McGrath, Tsai, Venkatraman & MacMillan [1996]
30:

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quatre phases (dont le dmarrage suit un ordre squentiel, mais le droulement peut se chevaucher) dans le processus de constitution dun avantage concurrentiel: 1. Intelligence causale (causal understanding): reflte la matrise par lquipe des relations entre causes et consquences, plus particulirement leur comprhension des relations entre les facteurs de production, leurs combinaisons, et les rsultats attendus de leur dploiement [McGrath & al., 1996, pp. 390-391]. Performance collective (team proficiency): une fois un degr de comprhension minimum atteint, toute ide innovante doit tre traduite en action pour tre susceptible de gnrer une rente [McGrath & al., 1996, p. 391]. Une quipe performante dveloppe des routines lui permettant de rduire les cots dopportunit (utilisation optimale de lquipe), dagence (coordination automatique par les routines) et de transaction (pas de cots de coordination, ni de cots dus des retards). Nouvelle comptence (new competences): si une comptence est une combinaison particulire de ressources spcifiques permettant lorganisation datteindre ses objectifs, alors des donnes indiquant que lcart entre objectifs et performances se rduit peuvent tre considres comme le signe que lquipe a dvelopp une comptence nouvelle. Cardinalit (distinctiveness): une comptence nest quun avantage potentiel. La traduction de la comptence en avantage passe par son incorporation dans lactivit de la firme: de comptence, elle doit devenir comptence cardinale, cest dire quelle doit se conformer aux critres de lavantage concurrentiel (valeur; raret; imitation; longvit; substitution; valorisation).

2.

3.

4.

2. Un paradigme pour le management stratgique? Le management stratgique -comme les autres disciplines de la gestion, dailleurs- est un domaine dinvestigation hybride: ce nest proprement parler pas une discipline scientifique en tant que telle (Foss [1996a]), ni le domaine de prdilection dEscoffier, bien que les recettes (Weick [1979, pp. 45-47], Spender [1989]) y jouent parfois un rle de premier plan. Cette position intermdiaire est peut-tre la consquence logique du rle normatif qui lui a t attribu: tenter daider les gestionnaires amliorer les performances des organisations [Montgomery, 1995], par opposition ltablissement de lois rgissant des phnomnes observs. La consquence de cette orientation de recherche est la cohabitation de perspectives multiples en management stratgique (Seth & Thomas [1994]) au point que les chercheurs en stratgie diffrent sur la signification de concepts fondamentaux, en premier lieu celui qui dsigne leur objet dtude: stratgie naura pas le mme sens suivant que le chercheur se proccupe, par 13

exemple, du contenu des stratgies (strategy content) ou des processus stratgiques (strategy process), ou si sa source dinspiration principale est la psycho-sociologie des organisations ou lconomie [Foss, 1996a, p. 9]. Face cette diversit, le modle des ressources et des comptences a t prsent comme possdant le potentiel pour devenir une thorie unificatrice en management stratgique [Collis & Montgomery, 1995, p. 119]. En effet, les hypothses du modle semblent permettre de porter attention la fois au contenu des stratgies et aux processus mis en oeuvre, et de concilier diverses approches de la stratgie dans un cadre unique (Mahoney & Pandian [1992], Wernerfelt [1995]). De fait, de nombreux auteurs32 prsentent le MRC comme un nouveau modle pour le management stratgique, qui viendrait se substituer aux approches prcdentes (en particulier les thories issues de lconomie industrielle) en intgrant certains de leurs apports dans une thorie dote dun pouvoir explicatif suprieur33. Le modle de base du management stratgique34, initialement dvelopp par Learned, Christensen, Andrews & Guth [1965] pose que le problme fondamental de la stratgie est de mettre en adquation les forces et faiblesses de la firme dune part, et les opportunits et menaces de lenvironnement dautre part. De fait, bien que ce modle apparaisse aujourdhui dpass et simpliste, () (sa) logique () reste sous-jacente aux approches plus rcentes de la stratgie (Stratgor [1993, p. 10]). Le MRC, qui porte en son centre linteraction entre les ressources de la firme et les conditions de lenvironnement, est prsent comme une tentative de renouvellement et denrichissement du modle de Harvard (Barney [1991], Foss, Knudsen, Montgomery [1995], Amit & Schoemaker [1993]). La prtention du MRC devenir la thorie unificatrice du management stratgique rside donc dans sa tentative dappropriation du modle fondateur: en rcrivant le modle de Harvard, les promoteurs du MRC veulent rcrire, dans un format unifi, la thorie du management stratgique35. Cest ce travail de rcriture (encore incomplet) que nous nous proposons de prsenter et analyser prsent, en tudiant successivement les contributions au MRC en fonction des quatre tapes du modle de Harvard: analyse interne, analyse externe, choix stratgiques, et politiques fonctionnelles. 2.1 Analyse interne: cherchez lavantage concurrentiel lintrieur36

Hamel & Prahalad [1989], Barney [1991], Amit & Schoemaker [1993], Collis & Montgomery [1995] Le statut du MRC en tant que nouvelle thorie de la firme en conomie et en management stratgique fait lobjet dun dbat partiulirement nourri: voir Barney [1996a], Conner & Prahalad [1996], Foss [1996b, 1996c], Grant [1996a, 1996b] Kogut & Zander [1996], Knudsen [1995], Liebeskind [1996], Madhok [1996], Spender [1996], Tsoukas [1996]. 34: Cf. Stratgor [1993, p. 10] 35: Cf. la publication par Barney [1996b] dun manuel de management stratgique destin aux tudiants en MBA reprenant les principaux thmes du MRC. 36: Barney [1995, p. 49]
33:

32:

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Identification des actifs stratgiques La principale conclusion du MRC est dune grande clart: la source de lavantage concurrentiel rside dans les ressources et les comptences des firmes. Le succs de firmes telles que Wal-Mart, Southwest Airlines, ou Nucor Steel ne rside pas dans la munificence de leur environnement, mais les ressources et comptences quelles mettent en oeuvre (Barney [1995]). Cest donc par lanalyse interne que commence lanalyse stratgique37. Lobjectif principal de lanalyse interne est lidentification des actifs stratgiques (Arrgle [1996], Barney [1995]), cest dire des ressources et comptences cardinales, susceptibles de gnrer des rentes. Le principe de cette analyse est, pour le praticien comme pour le chercheur, dune grande simplicit apparente: au cours dun audit des ressources et comptences de la firme (Long & Vickers-Koch [1995]), il suffit de confronter chacune dentre elles aux six conditions de lavantage concurrentiel: valeur, raret, imitation, longvit, substitution, appropriation (Barney [1995, 1996b], Collis & Montgomery [1995]). Si une telle procdure est relativement aise pour les actifs tangibles de la firme, qui sont aisment identifiables (Barney [1995], Zahra & Das [1993]), ce type de dmarche explicite se heurte la nature mme de certaines resources et comptences, qui rsistent parfois lobservation directe, mais occupent une place centrale dans le MRC: les actifs intangibles de la firme (tableau 4).

37:

Il est ce titre symptomatique que les manuels se rclamant du MRC (eg. Koenig [1996], Barney [1996b]) abordent lanalyse interne avant lanalyse externe, contrairement aux prsentations traditionnelles (eg. Stratgor [1993], Johnson & Scholes [1993]).

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Tableau 4: Intangibles et avantage concurrentiel Ressources et comptences Avantage Fonctionnel Culturel Positionnel Rglementaire Savoir Facteurs Savoir-faire des Perception de -faire la qualit, humains employs, fournisseurs et aptitude pour apprendre, distributeurs etc Rputation, Actifs rseaux Facteurs Bases de Contrats, non-humains donnes licences, secrets commerciaux, droits de proprit intellectuelle Source: Hall [1993, p. 611] Quatre cas sont possibles lorsque lavantage concurrentiel de la firme repose sur des ressources intantgibles (Hall [1992, 1993]). Premirement lavantage peut reposer sur des comptences fonctionnelles (lies une activit spcifique), deuximement des comptences culturelles (la manire dont lorganisation fonctionne dans son ensemble), troisimement des ressources positionnelles (consquences de laccumulation dactions dans le temps: rseau de relations, rputation, etc) enfin, des ressources rglementaires (possession de droits de proprit sur des marques, des brevets, ) [Hall, 1992, p. 136]. Mesurer et quantifier les ressources et les comptences Afin de tirer des conclusions normatives des travaux examinant les stratgies des firmes par le biais des ressources et des comptences, il est ncessaire doprationaliser ces concepts, ainsi que de pouvoir les mesurer. Or, il semble intrinsquement difficile de mesurer des comptences organisationnelles stratgiquement significatives, puisque les comptences quil est ais de dcrire ou mesurer sont par nature moins susceptibles dtre lorigine dun avantage concurrentiel durable car -a priori- aisment imitables [Henderson & Cockburn, 1994, p. 71]. Henderson & Cockburn [1994] suggrent que la prsence de comptences intgratives permet dexpliquer sur le long terme une part significative des diffrences de productivit entre firmes. Mais, leurs rsultats restent parfois ambigus: les comptences organisationnelles sont probablement composes de plusieurs activits complmentaires intimement lies, ceci suggre que linterprtation la plus honnte de nos mesures serait en termes de symptmes ou dindicateurs de la prsence de comptences, plutt que la mesure de variables causales. Il semble donc possible didentifier la prsence de comptences, mais sans pouvoir leur attribuer un ordre de grandeur quantitatif. 16

Cette conclusion rejoint les observations de Black & Boal [1994, pp. 134-135]. Alors que les ressources (discrtes) sont gnralement identifiables et mesurables (on peut leur donner un prix), les comptences, par leur nature mme (un rseau complexe de facteurs stratgiques) chappent toute mesure prcise: Complexe implique que le rseau na pas de limites claires, ce qui rend une valuation montaire improbable [p. 135]. Aussi, une valuation qualitative des ressources, partir dindicateurs spcifiques chaque firme et chaque ressource, semble le seul moyen daboutir un systme de mesure (Azzone, Bertel & Rangone [1995]). Mais, mme une valuation qualitative des ressources nest pas sans poser de difficults: lidentification des origines dun avantage concurrentiel en termes de comptences peut conduire une rgression linfini (Collis [1994]). La solution de ce dilemme rside dans lobservation que les comptences pertinentes dpendent du contexte: plus le jeu concurrentiel devient complexe, ou plus lenvironnement devient instable, plus les firmes doivent faire appel des comptences sophistiques pour obtenir un avantage concurrentiel. Cette dmarche a deux consquences: afin dterminer le type de comptences permettant dobtenir un avantage, il est impossible de faire lconomie dune analyse dtaille de la dynamique concurrentielle, et les conclusions normatives tires dune telle analyse nont -au mieuxquune valeur limite et temporaire. Lanalyse interne ne prend donc toute sa pertinence quen combinaison avec lanalyse externe. 2.2 Analyse externe Lanalyse de lenvironnement concurrentiel des firmes est un des domaines o limport de thories conomiques en management stratgique a t des plus fconds et substantiels38. Lapport des travaux de Porter [1980, 1985], inspirs des modles de lconomie industrielle y occupe une place centrale. Les implications de ces travaux sont ainsi rsumes par Grant [1991, p. 117] : lconomie industrielle pose que lattrait dune industrie est la cause premire dune rentabilit suprieure, ce qui implique que lobjectif principal du management stratgique soit de rechercher des environnements munificents, didentifier des segments et groupes stratgiques attractifs dans ces secteurs, et de rduire les pressions concurrentielles en influenant la structure de lindustrie et le comportement des concurrents. Or, les recommandations issues de ce type danalyse sont rapidement apparues comme insatisfaisantes, comme lexplique Wernerfelt [1995, p. 172]: Si tous les tudiants en management stratgique apprennent identifier la niche la plus attractive, qui lobtiendra et pour quelles raisons la concurrence ne dtruira-telle pas cet attrait?. Une des motivations principales des promoteurs du MRC est de dpasser les impasses o ces modles semblent conduire. Le MRC sest donc construit, en grande partie, par opposition aux thories de Porter, afin de proposer une alternative plus conforme la ralit de lactivit des
38:

Cf. Rumelt, Schendel & Teece [1991].

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entreprises39. Le travail le plus complet de rvision des thories de lanalyse externe -et certainement celui o la volont de fondation paradigmatique est la plus militante- est propos par Amit & Schoemaker [1993] qui proposent une rcriture du modle des cinq forces de Porter [1980]. Si les conditions du jeu concurrentiel (concurrents, clients, fournisseurs, substituts, entrants, facteurs externes) dfinissent un certain nombre de facteurs stratgiques40 spcifiques lindustrie, ceux-ci nont pas la mme importance en fonction de la dotation en ressources de la firme. Comme le montre Levinthal [1995, p. 27] les niches servies par une firme engendrent un ensemble de comptences distinctives, mais non ncessairement uniques. Les conditions initiales de la firme (choix organisationnels, technologiques, liens avec clients, etc) le taux de croissance de la demande, ainsi que la nature des exigences des clients sont les facteurs les plus influents, et en choisissant quels marchs elle sert, une firme fait un pari sur un processus de co-volution [Levinthal & Myatt, 1994, p. 48]. Ainsi, lanalyse de lenvironnement doit se faire de manire subjective, en fonction des ressources et comptences de la firme: son objectif nest plus -comme chez Porterlvaluation de lintensit de la concurrence (et par consquent de lattrait dun secteur), lidentification dune position stratgique favorable et des moyens de la dfendre, mais la mise en vidence des ressources et comptences de la firme qui seront susceptibles de fonder un avantage concurrentiel. Lordre logique de lanalyse est donc invers: alors que les thories inspires de lconomie industrielle partent des caractristiques de lenvironnement pour dterminer les ressources ncessaires la stratgie, le MRC part des ressources disponibles la stratgie, et recherche dans quelles conditions celles-ci peuvent permettre dobtenir un avantage concurrentiel. Le schma 3 rsume le cadre danalyse propos par Amit & Schoemaker [1993]. Dans la partie droite du diagramme, on reconnatra les lments du schma des cinq forces de Porter [1980], qui est rorganis: au centre du schma se trouvent dsormais les facteurs stratgiques de lindustrie et non plus les interactions concurrentielles entre les acteurs de lindustrie. Cest la conjonction entre les facteurs stratgiques de lindustrie dune part, et les ressources et comptences de la firme, dautre part, qui permet de dfinir les actifs stratgiques de la firme: ces ressources et comptences susceptibles de conduire un avantage concurrentiel. Le MRC conduit donc rfuter les approches traditionnelles de lanalyse industrielle, dans lesquelles la plupart des travaux empiriques procdent par analyses quantitatives en coupe dchantillons des plus grandes firmes multi-divisionnelles: si chaque firme tente dtablir un avantage concurrentiel par le dveloppement dune stratgie originale, les origines des
39:

Bon nombre de travaux se positionnent ainsi comme des modifications ou extensions du cadre danalyse propos par Porter [1980, 1985]. Cf. Barney [1991], Collis [1991], Powell [1993], Wernerfelt [1984]. 40: Ou encore facteurs-cls de succs. Cf. Stratgor [1993, pp. 55-56], Foss & Eriksen [1995], Langlois [1995].

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avantages spcifiques des firmes ainsi que de leur persistance doivent tre valus. Ce type de rsultat peut tre obtenu par une analyse historique longitudinale des firmes extrmes (outliers), bien mieux que par lexamen de la structure de lindustrie [Aharoni, 1993, p. 38]. Lanalyse de la concurrence au sein dune industrie doit donc tre individualise en prenant en compte la fois les concurrents reconnus (qui visent les mmes segments de marchs) et potentiels (qui disposent de ressources similaires) [Chen, 1996].

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Schma 3: Articulation de lanalyse interne et de lanalyse externe Firme Industrie

Ressources disponibles et changeables sur un march proprit ou sous le contrle de la firme convertibles

Comptences processus organisationnels fonds sur linformation spcifiques la firme tangibles ou intangibles biens intermdiaires

Concurrents

Clients

Facteurs stratgiques de lindustrie Spcifiques lindustrie Marchs de R&C imparfaits Affectent la rentabilit de lindustrie volution et influence dincertitudes exante Entrants

Substituts

Actifs stratgiques partie des R&C de la firme faisant lobjet dun march imparfait intersection avec les facteurs stratgiques de lindustrie incertains ex-ante fondation de la stratgie concurrentielle de la firme dterminent les rentes organisationnelles

Caractristiques : non-changeables, complmentaires, rares, affectables, spcifiques la firme

Facteurs environnementaux (e.g. technologie, reglementation)

Fournisseurs

Source: Amit & Schoemaker [1993, p. 37]

Pour les praticiens, une telle prescription est double tranchant: elle peut conduire aussi bien une plus grande pertinence de lanalyse, qu une tendance la myopie stratgique: la prise en compte des ressources et comptences de la firme dans lanalyse externe ne doit pas amener ignorer lenvironnement. En particulier, les volutions de lenvironnement susceptibles de modifier les donnes du jeu concurrentiel -et donc la valeur des ressources de la firme- doivent retenir lattention des managers, do limportance de la veille stratgique (Barney [1996b]) et de lapproche par les scnarios (Schoemaker [1992]). De mme, lindividualisation de lanalyse ne doit pas ignorer les concurrents, et une approche par groupes stratgiques prenant en compte non pas la position stratgique des firmes au sein

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dune industrie, mais leur dotation en ressources, reste pertinente (McGee et al.41): comme le montre Mehra [1996], dans un modle de lindustrie bancaire amricaine, une typologie des groupes stratgiques en termes de leurs dotations en ressources aboutit une analyse plus pertinente quune analyse en termes de positionnement de march. 2.3 MRC et choix stratgiques Procdure de choix stratgique Ayant analys ses ressources, scrut son environnement et ses concurrents, la firme doit choisir quels segments de march elle dsire servir. Ce choix peut se faire par ltablissement de scnarios dvolution pour chaque segment (Schoemaker [1992]). Lobjectif est de dfinir pour chaque couple scnario-segment les comptences les plus pertinentes. Chaque scnario et chaque segment font appel un ensemble de comptences diffrentes, et il est improbable de pouvoir simultanment dvelopper toutes les comptences envisages. Par contre, en examinant la frquence dapparition des comptences, ainsi que leurs associations dans les couples segments-scnarios, il est possible de dterminer des configurations cohrentes de comptences, viables pour un nombre limit de couples scnarios-segments. Le choix entre les diffrentes configurations possibles dpend de la mission de la firme42, qui la conduit concentrer son effort sur les segments dans lesquels ses comptences sont susceptibles de lui confrer un avantage. Lexamen des comptences des concurrents est donc trs pertinente ce stade: il permet de vrifier que toutes les firmes ne choisissent pas de servir les mmes segments avec les mmes ressources. Ainsi, la procdure employe pour les dcisions stratgiques nest pas neutre. Hart & Banbury [1994] et Ginsberg [1994] posent que le processus de prise de dcision stratgique peut conduire un avantage concurrentiel lorsque celle-ci conduit concourramment un haut niveau de comprhension, de crativit et de consensus. Deux sries de facteurs influencent le processus de prise de dcision: dune part les capacits cognitives et les comptences sociales de lquipe de direction de la firme, dautre part les techniques de modlisation de la concurrence, la capacit grer des processus de dcision concurrents et complexes, enfin la conception de structures et de systmes dincitation appropris. Choix de stratgie oprationnelle Le choix entre les deux stratgies oprationnelles gnriques, domination par les cots ou diffrenciation (Porter [1980]), dpend de la prsence ou de labsence de certaines ressources. Trois types de ressources sont particulirement susceptibles de gnrer un avantage concurrentiel dans le cadre dune stratgie de domination par les cots: la prsence dun effet dexprience significatif, un accs privilgi certains facteurs productifs, un savoir-faire de production suprieur [Barney, 1996b, pp. 208-215]. Six types de ressources/comptences sont
41: 42:

McGee & Thomas [1986], McGee, Thomas & Pruett [1995]. Cf. Koenig [1996]

21

identifis comme pouvant asseoir une stratgie de diffrentiation: la capacit relier entre elles certaines fonctions de la firme, le timing (en particulier lavantage au premier entrant), lemplacement gographique, la rputation, les circuits de distribution, le service aprs-vente. Une entreprise recherchant un avantage de diffrentiation devra donc concentrer sa politique dacquisition et de dveloppement de ressources sur ces types (Barney [1996b, pp. 240-248]). Stratgies de groupe: mtier et mission Selon le MRC, une stratgie de groupe ne peut tre quune stratgie de mtier43. Le metier de la firme se dfinit par larticulation de deux concepts: dune part le systme doffre de la firme (les ressources et comptences mises en oeuvre) et dautre part la prestation fournie au client (produit ou service offert sur le march)44. Le dveloppement de la firme est donc conditionn par la possibilit dobtenir un effet de levier (Hamel & Prahalad [1993, 1994]) sur le systme doffre en dveloppant le nombre de prestations reposant sur celui-ci45. La direction de cette expansion est dtermine par la mission de la firme, qui est dfinie comme larticulation entre les prestations de la firme et le systme dusage de ses clients (Koenig [1996, p. 134]). Tableau 5: Matrice de dcision mission-mtier Liens avec le mtier rares nombreux fort Dilution Dveloppement Alignement avec faible Drain Distraction la mission Source: Nicholls [1995, p. 6] Un projet qui est simultanment align avec la mission et son mtier doit faire lobjet dun dveloppement. Par contre, un projet dont limpact sur les comptences est ngatif (qui na pas ou peu de liens avec le mtier) et ne correspond pas sa mission est considr comme un drain sur les ressources et doit tre rejet. Les cas intermdiaires -alignement avec la mission de la firme, mais impact ngatif sur les comptences (dilution) et renforcement des comptences sans rapport avec la mission (distraction)- peuvent tre envisags, sil est possible davoir accs aux comptences ncessaires (par exemple au travers dune alliance) pour une dilution, ou bien si un ajustement structurel est possible (cration dune unit indpendante) pour une distraction. Ainsi, les choix de configurations dactivits conduisent logiquement des considrations portant sur les politiques fonctionnelles et structurelles de la firme. 2.4 Politiques fonctionnelles et structurelles: gestion et organisation des ressources Politiques fonctionnelles: Gestion des ressources et des comptences La dclinaison de la stratgie en politiques fonctionnelles est la suite logique du choix
43: 44:

Cf. section 1.4 Cf. Koenig [1996, pp. 133-196] 45: Notons que la dfinition du mtier est subjective et contextuelle (Stimpert & Duhaime [1997]) et intimement lie la logique dominante des dirigeants (Prahalad & Bettis [1986], Bettis & Prahalad [1995], von Krogh & Roos [1996]).

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stratgique. Mais, la nature transversale des comptences impose de sinterroger en premier lieu sur les moyens de grer celles-ci au quotidien. En effet, seule une attention constante aux comptences cardinales de la firme permet leur entretien et leur renouvellement. Or, cette tche nest pas sans ambigut et rvle quatre dilemmes (Doz [1994]). Premirement, la codification prcise des comptences facilite leur transfert et leur change, mais peut bloquer leur volution. Lorganisation doit donc trouver un quilibre entre savoir tacite et savoir explicite. Deuximement, les comptences existent de multiples niveaux de spcificit ou dagrgation de lorganisation: plus la comptence est spcifique un domaine, moins elle est transfrable, et rciproquement, plus elle est gnrale et transfrable, moins elle est distinctive. Troisimement, les comptences doivent tre exploites dans la continuit (exploitation) et leur champ dapplication doit tre largi (exploration). Enfin, lapprofondissement des comptences est source davantage concurrentiel, mais aussi de rigidits. Politique de production La mise en oeuvre dun processsus de production repose sur des mcanismes complexes, faisant intervenir la fois les technologies et des savoir-faire de la firme dans le cadre dinteractions complexes. A ce titre, la fonction de production de la firme est potentiellement une source davantage concurrentiel. Ladoption de pratiques performantes, mais largement rpandues, comme une politique de qualit totale, ne permet pas en soi dtablir un avantage concurrentiel (Powell [1995]): la stratgie industrielle doit toujours se conformer aux conditions de lavantage concurrentiel. Deux stratgies industrielles sont suceptibles de conduire un avantage concurrentiel. La premire est une stratgie de premption de march, reposant sur lavantage au premier entrant (eg: acquisition premptive dactifs rares), une innovation produit ou process, ou la cration de cots de transfert (Zahra & Das, [1993, pp. 94-95], Treacy & Wiersema [1995, pp. 35-38]). La seconde stratgie repose sur une capacit dadaptation suprieure. Elle est plus particulirement pertinente pour les marchs o la concurrence est dynamique. Les firmes en mesure de tirer parti des dernires innovations peuvent obtenir un avantage concurrentiel en adoptant un systme de production flexible (Sanchez [1995], Zahra & Das [1993, pp. 96-97], Treacy & Wiersema [1995, pp. 31-35]). Ces innovations incluent en particulier lexploitation des technologies de linformation pour le design, lengineering et la fabrication de produits nouveaux, ladoption de mthodes de design modulaires, et la conception de mthodes de production flexibles. La mise en oeuvre conjointe de ces innovations est un processus complexe, mais qui confre la firme une flexbilit stratgique lui permettant de ragir rapidement aux volutions du march et aux actions des concurrents. Mais la russite dune politique de flexibilit dpend de comptences complmentaires, en particulier en marketing: la connaissance des besoins des clients va de pair avec leur satisfaction. 23

MRC et politique marketing Il existe une contradiction apparente entre les prescriptions du MRC et la pratique courante du marketing: alors que le premier se concentre sur le long terme, les ressources internes de la firme et laction, le second met en avant les demandes de lenvironnement, le court terme et la capacit de raction (Jttner & Wehrli [1994]). Les organisations ayant russi a obtenir un avantage concurrentiel au travers de leur politique marketing ont dvelopp deux types de comptences: soit une capacit dexploration du march suprieure, soit une aptitude dvelopper une relation durable avec ses clients (Day [1994, pp. 43-45], Treacy & Wiersema [1995, pp. 38-41]). Une capacit suprieure dexploration du march permet de ragir rapidement et efficacement aux volutions des conditions de march. Cette capacit danticipation et de raction rapide repose sur la matrise et la combinaison de quatre processus: une stratgie de recherche dinformations comprhensive, une distribution interne de linformation riche et pertinente, une fertilisation croise des interprtations des informations, et un accs libre et efficient la mmoire organisationnelle (Day [1994, p. 42]). Ltablissement de relations clients durables repose sur trois mcanismes: une communication ouverte et troite entre le fournisseur et le client, la recherche en commun de solutions adaptes aux besoins (par exemple par ltablissement dquipes de projet mixtes), et une troite coordination des activits au sein de la firme, et entre la firme et le client (Day [1994, pp. 44-45], Treacy & Wiersema [p. 41]). MRC et gestion des ressources humaines Le rle des routines, de lapprentissage et des interactions sociales dans le MRC confre un rle central la gestion et au dveloppement des ressources humaines (Ulrich [1991], Wright & McMahan [1992]. Linterdpendance des comptences humaines avec les autres ressources de la firme, inscrite dans un rseau de coopration sociale (Kogut & Zander [1992, 1996]) ncessite lacquisition de savoir-faire spcifiques. Ce processus de dveloppement long terme ncessite lappui dune intention persistante de la part des dirigeants de la firme: les systmes de gestion des ressources humaines peuvent amliorer les comptences, aussi bien que les dtruire (Lado & Wilson [1994], Mueller [1996]). La stratgie gnrique (Porter [1980]) suivie par la firme au niveau oprationnel sert de base au choix de politique de gestion des ressources humaines (Cappelli & Crocker-Hefter [1996]). A une stratgie de domination dune niche ou dun march tabli, correspond une politique de dveloppement interne des ressources humaines: recrutement de jeunes, formation interne des employs, priorit aux promotions sur le recrutement pour les postes vacants, systmes incitatifs favorisant les carrires longues au sein de la firme, primat de la dlibration collective sur linitiative individuelle. A une stratgie de dveloppement de marchs nouveaux et de diversification, est associ le recours aux marchs externes pour le 24

dveloppement des ressources humaines: recrutement demploys expriments, forte rotation du personnel, systmes dincitation favorisant la performance individuelle de court terme, formation continue dispense par des organismes externes, recours dominant des recrutements externes pour les postes vacants, primat de linitiative individuelle sur la concertation. Structure/organisation et avantage stratgique Faire reposer lavantage concurrentiel de la firme sur certaines ressources ou comptences particulires nest pas neutre quant leur organisation. Comme le montre Powell [1992, 1993] la capacit dune organisation aligner sa stratgie et sa structure aux conditions de son environnement46 est un facteur dcisif dans ltablissement dun avantage concurrentiel. En fonction de la stratgie choisie, diffrents types de structure seront plus ou moins adapts. Barney [1996b] rsume les caractristiques structurelles correspondant une stratgie de domination par les cots ou de diffrenciation (Tableau 6). Nous avons vu que pour les firmes diversifies, le MRC prne une stratgie de mtier. Or la structure multi-divisionnelle, la plus rpandue parmi ce type de firme, prsente, dans sa mise en oeuvre traditionnelle, des inconvnients majeurs: diviser la firme en units stratgiques (SBUs) indpendantes et responsables pour leur rentabilit propre, qui est devenu le type dorganisation dominant de nos jours, est nfaste au dveloppement et lentretient des ressources et des comptences, et ce pour trois raisons principales. premirement, la fragmentation de lorganisation peut parfois conduire un sous-investissement dans les comptences, car les units stratgiques ne disposent pas toujours de la taille critique pour supporter seules certains investissements. Deuximement, lautonomie des units implique que les ressources soient compartimentes et que leur partage soit difficile. Troisimement, la fragmentation de la firme met des oeillres linnovation et rend difficile les dveloppements de projets impliquant plusieurs units (Prahalad & Hamel [1990, pp. 86-89]). Tableau 6: Stratgies gnriques et organisation Stratgie Domination par les cots Structure Nombre de niveaux organisationhirarchiques rduit nelle Relations de reporting simples Etat-major rduit Concentration sur un petit nombre de fonctions oprationnelles Diffrenciation Liens entre fonctions et/ou units oprationnelles Volont dexplorer des structurelles nouvelles en rponse des opportunits Poches isoles defforts cratifs intenses

46:

Voir Drazin & Van de Ven [1985], Venkatraman [1989].

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Systmes contrle

de

Systmes dincitation

Contrle serr des cots Objectifs de cots quantitatifs Surveillance troite des cots de main-doeuvre, matires premires, stocks et autres Philosophie de cot minimum Rcompenses pour la rduction des cots Incitations pour tous les employs la rduction des cots

Activits de contrle flexibles Tolrance pour les gens cratifs Capacit apprendre des innovations ayant chou

Rcompenses pour la prise de risque, sans sanction pour lchec Rcompense pour lintutition cratrice Mesure de la performance subjective/qualitative

Source: Barney [1996b, p. 215, p. 249] En fonction du mode de dveloppement du mtier choisi (largissement ou intensification [Sanchez, 1995, p. 152]47), deux grands types de structure sont proposs (Argyres [1995, 1996]). Dans le cas dune stratgie dlargissement, le mode dorganisation prconis sarticule autour des comptences cardinales de la firme, sur lesquelles reposent des produits intermdiaires/composants qui sont les lments de base de la gamme de produits finaux. Les units oprationnelles sont construites autour densembles de produits finaux cohrents, faisant appel diverses combinaisons de comptences/produits cardinaux, commercialiss sous une marque unificatrice (Hamel & Prahalad [1994]). Par contre, une structure plus dcentralise, faisant appel des units autonomes, convient mieux une stratgie dapprofondissement (Argyres [1995, 1996]). Une approche alternative la dtermination des structures appropries part de la nature des ressources sur lesquelles la firme escompte oprer un effet de levier. Lorsque cette ressource rside dans le savoir-faire demploys hautement qualifis, une structure centralise est propice, alors que lorsque la ressource focale est une marque unificatrice ou un effet de synergie entre canaux de distribution, une organisation dcentralise est prfrable (Markides & Williamson [1996]). Alliances et acquisitions Lorganisation interne des ressources nest pas la seule dimension prendre en compte dans lexamen de la configuration des ressources dune entreprise: les alliances entre firmes sont une alternative frquemment employe pour avoir accs une ressource ou une comptence (Dussauge & Garette [1996]). Lorsque la firme a identifi les facteurs qui lui manquent pour mettre en oeuvre sa stratgie, quatre possibilits sont envisageables: dotation initiale, acquisition, auto-production, alliance. Le choix entre ces quatre possibilits est dtermin par les conditions des marchs de facteurs et la spcifit sectorielle des ressources (Tableau 7).

47:

Cette dialectique largissement / approfondissement correspond lalternative exploration / exploitation dfinie par March [1991]. Cf Sections XX (Wright & al.) & ZZ (Doz).

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Tableau 7: Modalits dacquisition des ressources March de facteurs parfait forte Acquisition Spcificit Auto-production sectorielle Dotation initiale faible Acquisition alliance Auto-production

imparfait Auto-production Dotation initiale allaince Auto-production

Daprs Verdin & Williamson [1994, p. 84] Les actifs dont la spcificit sectorielle est forte et pour lesquels il nexiste pas de march, cest dire ceux que la firme doit accumuler par auto-production, sont ceux qui ont le potentiel le plus lev pour obtenir et conserver un avantage concurrentiel. Dans le cas dune innovation technologique, la spcifit sectorielle est parfois difficile cerner. Cest alors la nature de linnovation (autonome -dont le dveloppement ne dpend pas dautres avances- ou systmique -dont les bnfices ne peuvent tre raliss quen conjonction avec dautres innovations complmentaires) qui permet la firme de choisir entre les divers modes de dveloppement (Tableau 8). Une autre considration prendre en compte dans lanalyse de la collaboration entre firmes est la confiance. Si le degr dhonntet48 des firmes varie, alors il est possible pour les firmes plus honntes que les autres dobtenir un avantage concurrentiel, car la confiance entre les partenaires permet de faire lconomie de mcanismes de contrle et de protection ncessaires lorsquon suspecte lautre davoir un comportement opportuniste49 (Barney & Hansen [1994]). Tableau 8: Arrangements organisationnels et nature de linnovation Les comptences requises Innovation autonome Innovation systmique existent en dehors de la Organisation virtuelle Alliance prudente firme innovante doivent tre cres Alliance ou Dveloppement interne dveloppement interne

Source: Chesbrough & Teece [1996, p. 73] Une alternative la formation dune alliance est lacquisition de tout ou partie dune autre organisation. Nous suivrons ici lanalyse propose par Chi [1994]. Les hypothses sont les suivantes: la firme B possde des ressources b, complmentaires aux ressources de la firme A,
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Nous traduisons ici trustworthy par honnte, faute dquivalent direct en franais. Cette rflexion rejoint celle de Conner [1991], qui montre quune des diffrences principales entre le MRC et la thorie des cots de transaction rside dans leur diffrence de traitement de lopportunisme.

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la firme B nest pas en mesure dacqurir A. La firme A a trois solutions possibles: acqurir la totalit de B, acqurir b, ou sengager dans une alliance avec B. En fonction de la nature des ressources de B, en particulier laisance avec laquelle il est possible disoler les contributions respectives de b, dune part avec les autres ressources de B, dautre part avec les ressources de A dans le cadre dune utilisation conjointe, on obtient lanalyse suivante (Tableau 9). Tableau 9: Choix entre alliance et acquisition Caractristiques Ressources b de B (1) Utilisation conjointe (2) Contribudes ressources tion difficileavec les autres ment mesurable ressources de B Contribution Lacquisition de la difficilement totalit de B est au autres moins aussi avantageuse mesurable quune alliance ressources Contribution Une alliance est facilement prfrable de B mesurable une acquisition

(3) ni (1) ni (2) Lacquisition des seules ressources b de B est au moins aussi avantageuse quune alliance

Source: Chi [1994, p. 287] Processus de structuration La faiblesse majeure des analyses prcdentes portant sur la meilleure manire de configurer les structures de la firme est dignorer la dimension dynamique et processuelle des phnomnes de structuration: ils supposent un ajustement instantan des structures aux changements de stratgie et/ou denvironnement, et ne tentent pas dtudier les ressources et les comptences qui sous-tendent ces volutions structurelles, se contentant de supposer leur existence, ou de faire lhypothse que certaines structures formelles sont plus propices tel ou tel type de processus, sans analyser le processus lui-mme. Collis [1991] dans une analyse de lindustrie des roulements billes met en vidence limportance de phnomnes tels que lhritage administratif50 pour comprendre les processus dvolution des structures et leurs liens avec stratgie et environnement: pour les firmes tudies, lauteur montre quil existe un dcalage entre les volutions structurelles observes et les prescriptions thoriques, tant dans leurs dcisions dimplantation gographique (les dcisions dimplantation gographique sont contraintes par les implantations prexistantes et leur histoire, plutt que par des considrations de minimisation des cots [p. 64]), de division du travail entre sites (les critres de rorganisation des lignes de produits taient moins loptimisation des cots que le mix de produits existant, la

50:

Administrative heritage, Bartlett & Ghoshal [1989]

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demande locale et un attachement motionnel particulier [p. 64]), ou de diffrenciation des units (par exemple, SKF dcide dimplanter un nouveau site de R&D aux Pays-Bas, bien que cette solution soit juge suboptimale, car ce site est politiquement neutre vis vis des filiales nationales, [p. 64]). Des travaux tels que celui de Collis rquilibrent notre approche des phnomnes organisationnels en montrant leur caractre processuel et interactif, en y mettant en vidence les limites de la rationalit et linfluence de phnomnes culturels ou identitaires. Culture et avantage stratgique La capacit dune organisation mobiliser les nergies de ses membres pour atteindre des performances suprieures est un facteur au moins aussi important que la munificence de lenvironnement pour expliquer les rsultats des firmes (Hansen & Wernerfelt [1989]). La culture dune firme peut tre tout autant un frein son dveloppement harmonieux quune source davantage concurrentiel, tandis que les tentatives de modification programme de la culture des firmes a conduit des rsultats au mieux mitigs. Ainsi, pour esprer en obtenir un avantage concurrentiel, une firme doit possder une culture satisfaisant aux conditions de lavantage concurrentiel, ou bien elle doit possder un savoir-faire de management de la culture ayant les mmes attributs. Les implications normatives de cette analyse sont simples: les firmes dont lavantage concurrentiel repose sur leur culture doivent tenter den comprendre les lments les plus importants, les nourrir, et maintenir une stratgie de mtier. Les firmes dont la culture ne permet pas dtablir un avantage concurrentiel et qui ne possdent pas les savoir-faire ncessaires son changement, doivent faire appel dautres ressources pour obtenir des performances suprieures long terme (Barney [1986a], Fiol [1991]). 3. Conclusion: un paradigme pour le management stratgique? En un laps de temps relativement court, le MRC a conduit, comme nous venons de le voir, une rcriture en profondeur de la thorie du management stratgique. Apports du MRC Notre revue de littrature souligne les nombreux apports du MRC. Ceux-ci peuvent tre regroups en quatre catgories. Premirement, en adoptant des hypothses plus conformes la ralit du comportement quotidien des organisations et de leurs membres, le MRC permet une analyse plus quilibre et pertinente de la stratgie des firmes: cette conceptualisation de la firme conduit des reprsentations plus ralistes tant pour le praticien que pour le chercheur. Le primat de la dotation en ressources de la firme sur les conditions de lenvironnement dans ltablissement de lavantage concurrentiel permet de rquilibrer lanalyse et les prescriptions. Laffirmation de lunicit de chaque entreprise conduit une analyse plus riche, o les approches longitudinales et qualitatives sont revalorises par rapport aux travaux quantitatifs et instantans (Foss [1996a, p. 19]). Deuximement, le MRC permet dintgrer 29

deux perspectives de la stratgie longtemps opposes: lapproche par le contenu des stratgies et lapproche par les processus. En particulier, la place centrale des routines organisationnelles dans le modle permet de relier contenu et processus (Montgomery [1995]). Troisimement, bien que le MRC conduise des prescriptions managriales claires (stratgie de mtier, diversification lie), le modle ne conduit pas une conception dterministe de la stratgie: celle-ci nest plus dtermine ex-ante par des facteurs exognes, mais dpend des actions entreprises par lorganisation. Par rapport aux modles issus de lconomie industrielle, le MRC rintroduit une marge de libert daction: la stratgie nest plus inluctable, et sa dtermination est aussi affaire dimagination (Barney [1991]). Quatrimement, le MRC propose quelques outils managriaux simples et pertinents (les six conditions de lavantage concurrentiel, la matrice de dcision mtier/mission, ). En regard de ces apports significatifs, le MRC porte en lui des limites significatives, et a fait lobjet de nombreuses critiques, en particulier du point de vue de lconomie industrielle, du courant des cots de transaction, et de la sociologie institutionnaliste. Limites de la thorie Trois limites du MRC sont reconnues par ses partisans eux-mmes: la porte analytique du modle est limite, il repose sur des concepts invisibles, enfin, le modle porte en lui une contradiction interne qui na pas encore t rsolue. Selon nous, une quatrime limite du MRC rside dans la tentative de linscrire dans la continuation du modle de Harvard, qui conduit limiter la pertinence de ses implications normatives. La premire limite du MRC est que les analyses et les prescriptions issues du modle sont dpendantes du contexte de lanalyse et deviennent caduques ds que lenvironnement concurrentiel (les rgles du jeu) change significativement. De plus, le modle suppose que certaines firmes, du fait de limperfection des marchs de facteurs, seront en mesure de dvelopper ou acqurir, un cot moindre que leurs concurrents, des ressources/comptences prcieuses, difficilement imitables, non-substituables, rares et durables (Barney [1996b, pp. 170-172]). Le modle a peu offrir aux firmes qui ne sont pas en mesure de tirer parti de marchs de facteurs imparfaits (cf. Barney [1986b]). Le MRC ne permet donc pas daboutir des prescriptions pertinentes, et doit parfois se satisfaire de rester purement descriptif. Deuximement, la pertinence des descriptions du modle est limite par son recours des concepts qui ne sont pas observables. Cette situation, en soi, nest pas problmatique: dans une perspective pragmatique, si une thorie est supporte par linfrence de la meilleure explication, nous ne devrions pas hsiter driver des rgles normatives de cette thorie, mme si elle repose sur des construits non-observables (Godfrey & Hill [1995, p. 527]). Par contre, il est ncessaire de pouvoir tester (mme indirectement) les propositions de la thorie considre. Or, une proposition-cl du MRC est que le taux de profit est fonction des barrires limitation de ressources rares et prcieuses. De plus, les barrires limitation 30

sont une fonction de lobservabilit de ces ressources () le problme de cette formulation est quelle est intestable. Il est, par construction, impossible dobserver le degr dobservabilit dun construit non-observable (Godfrey & Hill [1995, p. 530]). Troisimement, le MRC porte en lui une contradiction interne: alors que le modle est -par hypothse- dynamique, les travaux de recherche se rclamant du MRC font bien souvent appel des mthodes danalyse lquilibre (Montgomery [1995]). Il existe une contradiction entre la volont normative des chercheurs dont lobjectif est dinfluencer et/ou amliorer les pratiques managriales et le contenu de la thorie qui insiste sur les cas particuliers, qui chappent la norme (Aharoni [1993]). Si ce sont bien ces cas extrmes qui sont susceptibles dobtenir un avantage concurrentiel, alors une prescription normative fonde sur lanalyse de la moyenne dun chantillon na pas beaucoup de sens. Quatrimement, si la construction du MRC autour du modle de Harvard est un moyen pour les promoteurs de la nouvelle thorie den tablir la lgitimit, elle tend aussi enfermer lexposition et le dveloppement du MRC dans un cadre troit. En voulant rcrire le modle de Harvard, les promoteurs du MRC se sont parfois enferms dans la perspective simplificatrice de lcole du design o la dmarche stratgique repose sur une rflexion rationnelle et intentionnelle des dirigeants. Ainsi, les prescriptions normatives de certains travaux ont pour consquence de rduire lapprentissage dsordonn (Hamel [1994]) do mergent les comptences un programme dlibr et hirarchis, balis dans ses tapes principales (cf. par exemple les travaux de Amit & Schoemaker [1993], Verdin & Williamson [1994], McGrath & al. [1996]). Une telle perspective, en rintroduisant implicitement un dcideur rationnel, capable de maitriser ses actions et son environnement, on le comprend, est trs sduisante pour le praticien, qui y retrouve le rassurant cycle conception-mise en oeuvre de la planification stratgique traditionnelle51. Or, en rintroduisant implicitement un couplage rigide entre intention et action, facteurs et rsultat, ces travaux conduisent des implications normatives qui ne sont que partiellement pertinentes. En effet, une des hypothses du modle est que lavantage concurrentiel repose sur des ressources et des comptences difficilement imitables, cest dire lorsque la relation entre input et output est causalement ambigue (y compris, dans certains cas, pour les membres de lorganisation mmes52.), ou encore, lorsque facteurs de production et rsultats ne sont pas rigidement coupls. Linscription Critique du MRC: du point de vue de lconomie industrielle Porter [1991] est certainement le critique le plus virulent du MRC: Au pire, le MRC est

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Cf. Ansoff [1965] Si lavantage concurrentiel rside dans dans des caractristiques idiosyncratiques, souvent causalement ambiges, alors, la gnralisation ou lexplicitation du phnomne peut savrer non pertinente, voir contre-productive. Cf. le cas Indigo, expos par Baumart [1996], ou la rduction de lambigut causale inhrente au mode de gestion de la firme dtruit son bon fonctionnement.

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circulaire. Les firmes couronnes de succs le sont car elles possdent des ressources uniques. Elles doivent entretenir ces ressources pour russir [1991, p. 108]. Il argue que lavantage concurrentiel rside dans laptitude dune firme raliser les activits requises un cot total infrieur ses concurrents, ou raliser certaines activits dune manire originale qui gnrent une valeur dusage et permettent dobtenir un prix suprieur [1991, p. 102] et ajoute: La ralisation dune activit, ou dun groupe dactivits, cre aussi des actifs sous la forme savoir-faire, routines organisationnelles et connaissances [1991, p. 102], mais: les ressources nont pas de valeur en elles-mmes, mais parce quelles permettent aux firmes de raliser des activits qui crent des avantages sur certains marchs [1991, p. 108]. Cette critique nous semble peu fonde et semble plus ressembler une querelle dcoles qu une objection scientifique: larticulation chez Porter entre activits et ressources nest pas dnue dambigut. Pour Porter [1991] la cration de valeur rsulte de la ralisation dactivits, les ressources ntant quun intermdiaire dans la chane de causalit [1991, p. 108], du point de vue du MRC, on pourrait lui opposer que lavantage concurrentiel repose sur laptitude de la firme mettre en oeuvre son systme doffre de manire originale, ou plus efficiente que les concurrents, afin de proposer une prestation suprieure: le surplus de cration de valeur rside dans les ressources et les comptences de la firme. De fait, activits et ressources reprsentent deux aspects indissociables du systme doffre de la firme: la perspective du MRC et celle de lconomie industrielle sont bien plus complmentaires quopposes (Foss [1996a, p. 19], Foss, Knudsen & Montgomery [1995, p. 2]). De fait, lvolution du travail de M. Porter depuis 1980 rvle une convergence, plutt quune opposition, avec le MRC. Dune fondation solidement ancre en conomie industrielle [1980], le travail de M. Porter a volu en suivant une drive volutionniste (Foss [1996a, p. 12]). Dans son ouvrage de 1980, Porter conceptualise lavantage concurrentiel comme le rsultat de lrection de barrires la mobilit, alors que dans son ouvrage de 1985, lavantage concurrentiel rsulte dune coordination suprieure des activits. Dans son dernier article, Porter [1996], affirme: la stratgie dpend dactivits uniques. Lessence dune stratgie concurrentielle est dtre diffrent. Cela veut dire choisir dlibrment un ensemble dactivits uniques pour offrir un mix de valeur unique [1996, p. 64], lauteur insiste ensuite sur les arbitrages ncessaires dans le choix des activits, afin driger des barrires limitation [pp. 68-70]. Grande est la distance entre les conceptions de 1980 et 1996, la dernire tant vraiment proche du MRC: trouver une combinaison unique de valeur ajoute, effectuer les choix ncessaires son entretien et sa proctection, ces prescriptions ne sont pas incompatibles avec le MRC, au contraire. Comme le signale Foss [1996a], alors que le MRC semble plus particulirement arm pour ltude des firmes diversifies long terme, la perspective dveloppe par Porter semble plus pertinente pour le court terme et les stratgies oprationnelles. 32

Critique du MRC: du point de vue de lconomie des cots de transaction La principale ligne de dmarcation entre le MRC et lconomie des cots de transaction repose dans le traitement de lopportunisme. Alors que lhypothse dun comportement opportuniste est une des justifications principales de lexistence des firmes chez Williamson [1985, 1991], le MRC justifie lexistence de la firme par son rle social de creation didentit partage (Kogut, & Zander [1996]) et de vhicule efficient de la coordination de laction humaine (Conner & Prahalad [1996]). Selon Foss [1996c] ces arguments sont incomplets: justifer lexistence de contrats de travail nquivaut pas une dmonstration suffisante et satisfaisante de lexistence des firmes. Le droit la proprit dactifs est tout aussi important -en fait, indispensable- pour comprendre la firme, lallocation de droits de proprit aux actifs refltant, entre autres, le potentiel sous-jacent pour une conduite opportuniste (Foss [1996c, p. 520]). Ce dbat, rvle, en fait une ligne de dmarcation entre les deux thories: alors que lconomie des cots de transaction justifie lexistence des firmes par des arguments de nature conomique (droits de proprit), le MRC repose sur des arguments de nature sociologique (identit partage) et cognitive (coordination de laction humaine). Ces deux types darguments tant irrconciliables, la seule issue est pour lune ou lautre des deux thories de prouver sa supriorit: soit, pour lconomie des cots de transaction, en prouvant que lon ne peut se passer du concept dopportunisme, soit pour le MRC en justifiant la proprit des actifs par des arguments indpendants. Critique du MRC: du point de vue de la sociologie institutionnaliste Selon Knudsen [1995], le MRC est une thorie encore incomplte car elle nincopore pas de thorie du dirigeant, en tant quinitiateur du dveloppement et de lidentit de la firme, car sans thorie du leadership, il ne peut y avoir de thorie valide de la stratgie: stratgie et leadership ont pour principal objet de lier le dveloppement de la firme une srie dengagements prlables qui dfinissent activement le rle de la firme et sa mission sousjacente. Lauteur suggre quune piste de recherche potentiellement fructueuse rside dans lintgration de la thorie du leadership institutionnel de Selznick [1957] au MRC. Questions de recherche et dveloppements possibles Bien que reprsentant une tentative srieuse dtablissement dun paradigme en management stratgique, le MRC reste encore une thorie en dveloppement. Les contradictions internes du modle, ainsi que ses faiblesses laissent croire quil reste ses promoteurs un important travail de fondation thorique effectuer avant de pouvoir proposer une vritable thorie intgratrice pour le management stratgique. Les paragraphes prcdents suggrent un certain nombre de pistes de recherche. La principale faiblesse du MRC du point de vue managrial rside dans son pouvoir prescriptif limit. Premirement, il nous semble ncessaire pour le MRC de se dtacher du 33

cade du modle de Harvard, afin dadopter une perspective plus riche et plus conforme aux hypothses du modle. Une voie dexploration possible serait dans la convergence avec lapproche de laction organisationnelle53 dont la perspective cognitive est compatible avec les hypothses du MRC. Deuximement, loprationnalisation des variables du modle, en particulier la question de la mesure des ressources et des comptences est un des dfis quil est ncessaire de relever pour parvenir une plus grande pertinence. Si une approche strictement quantitative semble peu probable, une dmarche reposant sur des indicateurs qualitatifs semble possible. Une troisime piste de recherche prsentant un intrt managrial immdiat est ltude des meilleures manires dorganiser et exploiter les ressources: au coeur du modle est lhypothse implicite que ressources, comptences et avantage concurrentiel ne sont pas rigidement coupls54: cest peut-tre par lexploration des modalits de couplage que peut progresser la capacit explicative et precriptive du modle. Une direction possible serait de prendre en compte les interactions entre la structure formelle de lorganisation et larchitecture des ressources et des comptences de Qulin/Grant pour arriver une thorie plus robuste. Du point de vue thorique, une clarification des relations entre le MRC et les modles issus de lconomie industrielle semble ncessaire, en particulier, les rapports entre activits et ressources doivent tre claircis. Une tentative de rponse la critique du point de vue de lconomie des cots de transaction semble galement ncessaire. Enfin, le MRC doit se doter dune vritable thorie du leadership. Comme le suggre Knudsen [1995], une voie de dveloppement possible se trouve chez Selznick [1957], une alternative rside peut-tre dans lapport des travaux de lcole autrichienne (cf. la contribution de Bonardi dans le prsent volume), ou bien dans la thorie de lentrepreneur de Schumpeter55. Conclusion En fait le MRC rsume bien le dilemme fondamental du management stratgique: la recherche dune mthodologie pour la russite dans la gestion des organisations. Cest certainement pour cette raison que le management stratgique nest pas une science (Montgomery [1995], Foss [1996a]). Or, le MRC semble confirmer quune telle formule magique nexiste pas: lavantage concurrentiel est rare, et il nest jamais dfinitif (Barney [1996b]). Une thorie aboutissant de telles conclusions ne peut devenir le paradigme dune discipline dont lobjectif est justement linverse. Cest certainement une situation dont il faut se rjouir, plus que sinquiter: elle implique que la tche des managers ne pourra jamais tre codifie en son entier -et donc quil leur reste un

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Johnson [1988], Weick [1979] Orton & Weick [1990]. Cf. Wanscoor [1995].

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espace de libert et un rle- mais quils auront en revanche toujours faire face des situations difficiles dnouer -et donc quil restera toujours une place pour la recherche en management.

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