Bernd Schwischay

Deux modles de description syntaxique*

Lanalyse syntaxique de la phrase se fait sur deux plans, le plan catgoriel et le plan fonctionnel. En rgle gnrale, les modles danalyse syntaxique existants favorisent lun ou lautre de ces deux plans, cest--dire quils sont ou bien base catgorielle ou bien base fonctionnelle. On doit alors poser la question, si et comment un modle base catgorielle russit rendre compte de la structure fonctionnelle de la phrase, et vice versa. Dans ce qui suit, on opposera de ce point de vue deux modles lmentaires danalyse syntaxique lmentaires , savoir les modles syntagmatique et dpendanciel. On prendra comme phrase exemple : Par une belle matine du mois de mai, une lgante amazone parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne..1

A. Le Modle syntagmatique
1. Analyse en constituants immdiats La dcomposition de la phrase en ces constituants immdiats constitue le point de dpart dans llaboration dune grammaire syntagmatique. Pour pouvoir dire si une squence de la chane parler est constituant de la phrase (un syntagme) ou non, on recourt, suivant la position pistmologique quon dfend, des critres formelles (La squence peut-elle tre permute ou substitue ?) ou substantielles (Le syntagme est-t-il en relation syntaxique avec dautres syntagmes de la phrase ?). Dans tous les cas, il ne suffit pas de dcomposer la phrases en ses constituants, puis de nouveau chaque constituant en ses propres constituants, et ainsi de suite jusquaux units minimales de la phrase, il faut encore attribuer chacun de ces constituants ou syntagmes sa catgorie. Squence par une belle matine du mois de mai, une lgante amazone parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne une lgante amazone par une belle matine du mois de mai parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne par une belle matine du mois de mai parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne
*

Catgorie P SN SV V (V-largi) SPrp V (transitif) SN

Fonction

Sujet Prdicat Verbe prdicatif et ses complments essentiels CCirc Verbe prdicatif COD

Version largie dune srie dexposs faits Institut de Perfectionnement en Langues vivantes de lUniversit catholique de lOuest Angers en janvier 2001. Dernire mise jour en novembre 2002. 1 Extrait dA. Camus, La Peste ; cest le dbut du roman projet par lemploy de la prfecture, Grand. La phrase complte est : Par une belle matine du mois de mai, une lgante amazone parcourait, sur une svelte jument alezane, les alles fleuries du Bois de Boulogne.

2 2. Reprsentation graphique Le rsultat de lanalyse en constituants immdiats la structure syntagmatique de la phrase est gnralement reprsente par un diagramme branche, appel arbre ou indicateur syntagmatique, ou par une parenthtisation tiquete quivalente. La parenthtisation lavantage doccuper moins de place, mais elle est moins lisible que larbre. a. Parenthtisation La parenthtisation peut se faire de haut en bas ou de bas en haut. . De haut en bas [P une lgante amazone parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne, par une belle matine du mois de mai P] [P [SN une lgante amazone SN] [SV parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne, par une belle matine du mois de mai SV] [P [SN une lgante amazone SN] [SV [V parcourait les alles fleuries du Bois de Boulogne V] [SPrp par une belle matine du mois de mai SPrp] SV] P] [P [SN une lgante amazone SN] [SV [V [V parcourait V] [SN les alles fleuries du Bois de Boulogne SN] V] [SPrp par une belle matine du mois de mai SPrp] SV] P] . De bas en haut [SN une lgante amazone SN] [V parcourait V] [SN les alles fleuries du Bois de Boulogne SN] [SPrp par une belle matine du mois de mai SPrp] [SN une lgante amazone SN] [V [V parcourait V] [SN les alles fleuries du Bois de Boulogne SN] V] [SPrp par une belle matine du mois de mai SPrp] [SN une lgante amazone SN] [SV [V [V parcourait V] [SN les alles fleuries du Bois de Boulogne SN] V] [SPrp par une belle matine du mois de mai SPrp] SV] [P [SN une lgante amazone SN] [SV [V [V parcourait V] [SN les alles fleuries du Bois de Boulogne SN] V] [SPrp par une belle matine du mois de mai SPrp] SV] P] b. Arbre syntagmatique P SN V V SV SP SN

3. Interprtation gnrative La structure syntagmatique de la phrase peut tre rendue non seulement graphiquement par arbre ou par parenthtisation, mais galement par un systme de rgles de rcriture. Ces rgles, appeles rgles syntagmatiques, oprent sur des catgories ; elles permettent ensuite dengendrer des arbres ou des parenthtisations tiquetes. Voil lensemble des rgles de rcriture qui permettent dengendrer larbre syntagmatique et les parenthses avec leurs tiquettes ci-dessus :

3 P SN SV SV V SPrp V V SN 4. Fonctions grammaticales Les fonctions grammaticales sont drives des relations qui existent entre catgories dans lindicateur syntagmatique (ou dans une reprsentation parenthtisation tiquete quivalente), de sorte que chaque fonction grammaticale correspond une configuration syntagmatique bien dfinie. <SN, P> =df sujet de la phrase <SV, P> =df prdicat de la phrase <SPrp, SV> =df CCirc (complment libre [non essentiel]) <SN, V> =df COD (complment essentiel)

B. Le Modle dpendanciel
Dans la premire partie de ses lments de syntaxe structurale (Paris, Klincksieck, 21966), Lucien TESNIRE prsente un modle danalyse syntaxique qui a pour but la description des connexions structurales entre mots en tant qulments constitutifs de la phrase. Parmi les connexions structurales, Tesnire distingue la subordination et la coordination, il appelle dpendance la subordination, et jonction la coordination. 1. Analyse connexionnelle La dpendance comme connexion structurale stablit entre deux mots, plus gnralement, entre deux position syntaxiques, de sorte que les traits syntaxiques et smantiques de lun restreignent ses possibilits de cooccurrence avec lautre. Le verbe engueuler par exemple, slectionne obligatoirement la fois un sujet et un complment dobjet : *Le sergent engueule. Le substantif sujet doit dsigner un tre humain : *Le fusil engueule le soldat ; et, en rgle gnrale, la personne dsigne par le substantif sujet doit tre hirarchiquement suprieure la personne dsigne par le substantif complment dobjet : ?La recrue engueule le sergent. Llment slectionnant est ici le verbe, et cest lui qui rgit son substantif et ses complments ; inversement, llment slectionn (le subordonn) dpend de llment slectionnant (le rgissant). loppos, sur le plan smantique, le (sens du) verbe est complt par ses subordonns. Contrairement lanalyse syntagmatique, Tesnire ne reconnat pas la prdication comme une relation syntaxique distincte de la subordination (de la dpendance). Pour lui, le sujet est subordonn du verbe exactement comme les complments dobjet. 2. Reprsentation graphique : Le stemma A la diffrence de lanalyse syntagmatique, qui procde de haut en bas (ou de bas en haut), lanalyse dpendancielle procde de gauche droite. Ce procd a pour rsultat dattribuer une fonction grammaticale non pas, comme dans lanalyse syntagmatique, un groupe de mots (le syntagme), mais un mot unique (le noyau, ou la tte, du syntagme). Ainsi, dans lanalyse dpendancielle, dans le syntagme par une belle matine du mois de mai, cest le nom matine (tte du syntagme) qui est considr comme CCirc, alors que, dans lanalyse syntagmatique, cest tout le syntagme qui se voit attribuer cette fonction.

4 a. Moyens de reprsentation Pour lanalyse dpendancielle, tout comme pour lanalyse grammaticale traditionnelle, ce sont les relations entre mots qui dfinissent les relations grammaticales. De plus, comme le terme de dpendance est strictement synonyme de subordination, lanalyse traditionnelle est dj en large partie dpendancielle, et ce nest que le format qui change. Gnralement, dans le modle dpendanciel, la reprsentation graphique est centre sur laxe verticale, mais rien nempche de disposer les relations grammaticales le long de laxe horizontale. Reprsentation verticale ( de haut en bas ) : le stemma Dans le stemma, la relation de dpendance est rendue par un trait de connexion qui unit un terme suprieur un terme infrieur - le terme suprieur tant le rgissant, le terme infrieur, le dpendant. Les termes unis peuvent tre ou bien des mots (stemma rel) ou bien des noms de catgories de mots (stemma virtuel) : Stemma rel parcourait (par) matine une belle (de) mois mai le Reprsentation horizontale ( de gauche droite ) La relation de subordination (la dpendance) est signale par une flche qui mne du terme subordonnant (le rgissant) vers le terme subordonn ou dpendant2, situ la pointe de la flche.3 par une belle Prp Art Adj matine de + le Nom Prp+Art mois Nom de mai... parcourait... Prp Nom Verbe Stemma virtuel

V N Art Adj N N Art

Subordonn, dans la terminologie de TESNIRE. La flche pour symboliser les relations syntaxiques a t utilise pour la premire fois par , Eugene A. NIDA, dans A Synopsis of English Syntax . La Hague-Paris, Mouton, 1960.
3

5 b. Problmes particuliers Prdication Pour lanalyse syntagmatique (de mme que pour lanalyse traditionnelle, dailleurs), la relation qui unit le sujet et le prdicat, termes essentiels de la proposition (GREVISSE11), est une relation quon peut appeler prdication, [c]est une relation de solidarit rciproque, qui na pas dquivalent en syntaxe et qui est diffrente de la relation de coordination et de la relation de subordination... (GREVISSE12 226 ; cest moi qui souligne). Dans lanalyse dpendancielle, la relation sujet/prdicat sera transforme en relation de subordination, le terme sujet dpendant du terme prdicat. Cela signifie que dans la thorie dpendancielle, le terme sujet sera trait comme un complment du verbe, au mme plan que le complment dobjet : Reprsentation horizontale : (une lgante) amazone parcourait (les) alles... Nom Verbe Nom

Reprsentation sous forme de stemma (rel et virtuel) : Stemma rel parcourait amazone alles Nom Stemma virtuel Verbe Nom

Il serait possible de maintenir la prdication comme relation distincte de la subordination en utilisant la deuxime dimension que le stemma - tant un plan gomtrique - permet, cest--dire, la dimension horizontal : Stemma rel amazone parcourait alles Stemma virtuel Nom Verbe Nom

Mais, dans la thorie de TESNIRE, laxe horizontal est rserv la reprsentation de la coordination. Liaison Pour lanalyse traditionnelle, les prpositions et les conjonctions sont des mots vides qui, par dfinition, nassument pas de fonction grammaticale - ce sont de simples mots de liaison. Dans les modles dpendanciels post-tesniriens, ces mots sont traits comme mots pleins capables

6 dassumer les fonctions de rgissant et de dpendant4, tout comme dans le modle syntagmatique, qui les traite comme ttes de syntagme. A comparer, pour la prposition : Arbre syntagmatique SPrp Prp SN stemma dpendanciel Prp N reprsentation linaire Prp N

Ci-dessus, on donne la reprsentation stemmatique complte de la phrase exemple (stemma rel) : parcourait

amazone

alles

par

une

lgante

les

fleuries

de

matine

le

B. de B.

une

belle

de

mois

le

dei

mai

Dans la thorie de TESNIRE, comme pour lanalyse grammaticale, les mots de liaison sont des mots vides (cest dailleurs lui qui a introduit cet terminologie). La prposition et la conjonction de subordination sont des translatifs, dont le rle est de transfrer un mot plein dune catgorie une autre.

7 ce stemma correspond larbre syntagmatique suivant : P

SN Art une Adj lgante N amazone

SV V V SPrp Prp SN SPrp SN SPrp SN N mai

parcourait par Art Adj N

une belle matine Prp

de Art N

le mois Prp de

3. Interprtation gnrative Les structures dpendancielles permettent galement une interprtation gnrative et peuvent, tout comme les structures syntagmatiques, tre rendues par un systme de rgles de rcriture, appeles rgles connexionnelles. Voil comme exemple la rgle connexionnelle qui engendre le stemma virtuel correspondant la structure majeure de la phrase exemple : Rgle connexionnelle V {N N Prp} Stemma virtuel engendr V

Prp

Linterprtation des rgles connexionnelles diffre bien sr de celle des rgles syntagmatiques : dans le cas des rgles connexionnelles, la flche symbolise non pas une appartenance catgorielle mais une relation syntaxique ; les lments qui se trouvent droite de la flche dpendent de ceux

8 qui se trouvent droite. Dautre part, les lments gauche de la flche ne sont pas ordonns, on a donc affaire un systme de rgles ensembliste, symbolis par les accolades. Dautre part, il est impossible dintroduire, dans un stemma virtuel, les lments lexicaux par des rgles de dpendance, pour la simple raison que la flche symbolise une relation de dpendance, alors que le rapport entre classe de mot et mot est un rapport dappartenance catgorielle : parcourt est un verbe (V), et non pas parcourt dpend de V. Lintgration des stemmas rel et virtuel nest possible quen largissant le modle dpendanciel par des mcanismes qui sont spcifiques au modle syntagmatique, cest--dire des rgles catgorielles. De mme, la sous-catgorisation des lments lexicaux nest possible que de faon restreinte : la valence du verbe permet de classer les verbes selon le nombre de leurs subordonns actants en verbes impersonnels (avalents), verbes absolu (monovalents) et verbes relatifs (divalents et trivalents), mais la diffrenciation entre actants ou complments essentiels (complments dobjets et complments circonstanciels obligatoires) et circonstants ou complments libres (complments circonstanciels facultatifs) pose problme.

C. Discussion
On reproche gnralement au modle syntagmatique de ne pas permettre la reprsentation de la relation (associative) de la subordination (dpendance). Et on reproche au modle dpendanciel de ne pas permettre la reprsentation de la relation (paradigmatique) dappartenance une classe (de mots ou de groupes de mots). En outre, on reproche au modle dpendanciel de ne pas permettre lexploitation de laxe horizontal de larbre pour la reprsentation de la structure linaire ordonne de la phrase. Nous allons tudier les trois reproches lun aprs lautre. Comme ces reproches sont lies aux restrictions quimpose la reprsentation de la structure syntaxique sous forme de diagramme branches, nous allons dabord discuter les possibilits de celui-ci. 1. Le Diagramme branches comme moyen de reprsentation de structures syntaxiques 1. Deux dimensions pour dcrire trois relations syntaxiques La description syntaxique se joue sur deux axes : laxe paradigmatique et laxe associatif, en termes saussuriens.5 La description paradigmatique quivaut lattribution dune unit syntaxique une classe (ou catgorie). - Les rapports paradigmatiques sont hirarchiques. La description associative porte sur les rapports entre units syntaxiques. - Les rapports associatifs sont ou bien linaires ou bien hirarchiques : sont linaires les rapports de co-occurrence ; hirarchiques les rapports de subordination. Le diagramme branches tant un espace deux dimensions, il manque une dimension pour reprsenter graphiquement les trois rapports syntaxiques en mme temps.

On emploie gnralement aujourdhui le terme de syntagmatique la place de celui d associatif ; mais puisque le terme de syntagme (avec pour adjectif syntagmatique ) dsigne une classe constitue dune ou plusieurs units syntaxiques et se situe donc sur laxe paradigmatique, on ne suivra pas cet usage.

9 Par commodit, la dimension horizontale est utilise pour reprsenter les rapports linaires de la co-occurrence; sur la dimension verticale de larbre, on pourra donc, ou bien reprsenter le rapport paradigmatique entre unit et classe syntaxiques, ou bien reprsenter le rapport associatif entre units subordonnantes et units subordonnes. 2. Utilisation de laxe verticale dans les deux modles Le modle dpendanciel utilise laxe verticale pour reprsenter les rapports associatifs de subordination ou de dpendance; alors que le modle syntagmatique utilise cet axe pour reprsenter les rapports paradigmatiques de classe et lments de cette classe : Avec le mme diagramme branches, on pourra reprsenter ou bien la structure dpendanciel dune phrase comme Mon ami chante une jolie chanson ou bien la structure syntagmatique dune phrase comme Alfred est arriv. stemma dpendanciel chante ami chanson jolie arbre syntagmatique Phrase Nom Alfred est Verbe arriv

mon une

Pour chacune des deux phrases, la reprsentation graphique dans le modle concurrent serait la suivante : est arriv Alfred SN DET mon N V Phrase SV SN N

ami chante DET ADJ

une jolie chanson

ces reprsentations graphiques sappliquent les vocabulaires de description suivantes : A domine B6 = B est dpendant de A/ b d
6

A domine B exhaustivement = B est un A/ B appartient la catgorie A

A rgit (commande) B, o A est le rgissant, et B, le subordonn

10 B est subordonn A A domine B non exhaustivement = B est un constituant de A A domine B non exhaustivement mais directement = B est un constituant immdiat de A Le trait qui relie les nuds (le trait de dominance) exprime la relation grammaticale de subordination7 Le trait qui relie les nuds (le trait de dominance) exprime lappartenance une catgorie (classe) grammaticale

2. Les Relations catgorielles et lordre des mots dans le modle dpendanciel a. Ne permet pas de rendre lordre des mots videmment, les stemmas dpendanciels ne peuvent pas se lire de gauche droite comme les arbres syntagmatiques. On pourrait en conclure que le modle dpendanciel, par principe, ne permet pas de rendre lordre des mots (du moins pas sans avoir recours des mcanismes supplmentaires). Si ctait le cas, ce serait en effet un grave dfaut puisque lordre des mots est srement pertinent, comme le montre p.ex. la diffrence entre les deux expressions un homme dun certain ge et un homme dun ge certain. Sous forme de stemma dpendanciel, le syntagme nominal complment du nom aura chaque fois la mme structure : ge un certain voire : ge certain un

alors quon aura deux arbres syntagmatiques bien distincts : SN DET ADJ N par opposition : SN DET N un ADJ

un certain ge

ge certain

Le trait qui relie les nuds (le trait de dominance) exprime lappartenance une catgorie (classe) grammaticale. b. Ne permet pas lattribution des mots et groupes de mots leur classe En effet, les nuds du stemma dpendanciel sont ou bien tiquets par des mots (dans les stemmas rels), ou bien par des noms de classes de mots (dans stemmas virtuels). remarquer que mme le stemma virtuel ne mentionne que les classes de mots ; les syntagmes (et les propositions, pour les phrases complexes) ne sont pas tiquets.

Trait de connexion

11 On rpondra cette objection en signalant que les syntagmes peuvent tre rcuprs partir des configurations structurelles du stemma de la faon suivante. Par dfinition, un nud forme avec tous les nuds quil domine (directement et indirectement) un syntagme; et, par convention, ce syntagme porte le nom du nud dominant. Ainsi, les configurations suivantes (mon ami, une jolie chanson) N Art Art N Adj

sont selon la dfinition des syntagmes, et plus prcisment, des syntagmes nominaux. remarquer que le syntagme verbal form par le stemma intgral est aisment reprable comme phrase : Par convention, le syntagme que forme le verbe avec tous les nuds quil domine est une phrase (ou une proposition subordonne, si ce verbe nest pas la racine du diagramme). En revanche, il nest pas vident du tout comment distinguer un syntagme verbal complment du verbe dune proposition subordonne8, par exemple. c. Comment rendre, dans le stemma dpendanciel, lordre des mots et la catgorisation des mots Pour rsoudre ces deux problmes, Gaifman et Hays 9 ont propos la solution suivante. Premirement, la position des mots dans la squence linaire est marque sur laxe horizontal du stemma, et chaque mot dans le stemma est reli par un trait cette position (ce qui peut briser la symtrie de larrangement des nuds dans le stemma laquelle on a pu shabituer jusque-l) : ge ge

un

certain

un

certain

Adoptant ce procd au stemma virtuel, on se rend vite compte que au lieu de remplir les positions sur laxe horizontale par des numros en ordre srielle, il vaut mieux les remplir par les mots du stemma rel :

Pour cela, il faudrait recourir la notion de sujet, mais vu que le modle dpendanciel ne distingue pas le sujet des complments du verbe, cela parat assez difficile. 9 Voir D.G. HAYS. Dependency grammar: a formalism and some observations. Language, 40, 1964, 511-525.

12 N N

Art

Adj

Art

Adj

un

ge

certain

un

certain

ge

Ainsi on rsoudra en mme temps le problme de lordre des mots et celui de la catgorisation. Ces stemmas peuvent tre engendrs par des rgles de rcriture connexionnelles : (1) N Art * Adj (2) N Art Adj * (3) Art * (4) Adj * La flche symbolise bien sr la relation de dpendance : les termes gauche de la flche sont supposs tre des rgissants, les termes droite, des dpendants. Les termes droite sont ordonns, cest lastrisque qui marque la position du rgissant. Finalement, les astrisques sont substitus par des lments lexicaux appropris laide dune rgle dinsertion lexicale qui oprera de la mme faon que dans larbre syntagmatique. Cette solution est certes lgante sur le plan pratique, mais sur le plan thorique il faut quand mme voir quen fait elle combine deux relations diffrentes dans un mme diagramme, savoir une relation de dpendance, qui relie le terme rgissant aux termes dpendants , et une relation de catgorisation, qui relie les termes rgissants avec une position vide, symbolise par lastrisque . Autrement dit, dans le stemma, les traits qui relient les nuds tiquets par des noms de catgories nont pas le mme statut que les nuds qui relient ces nuds aux nuds terminaux (les astrisques) ; seuls les premier symbolisent une relation dpendancielle, les autres expriment une relation dappartenance une catgorie, propre la reprsentation syntagmatique. 3. Les relations de dpendance dans le modle syntagmatique a. Ne permet pas la reprsentation des dpendances Il a t soutenu10 que, tant donn une structure syntagmatique x [y z], il ny aurait pas moyen de dire lequel des deux le nud y ou z dpend du nud x ; autrement dit, il ny aurait dans ce cas, pas de procdure univoque pour convertir larbre syntagmatique en stemma connexionnelle. Il suffit, pour rpondre cette objection, de recourir la notion de noyau ou tte de syntagme11.

10 11

Cf. P. H. MATTHEWS. Syntax. Cambridge University Press 1982. Projection minimale , en termes de X-barre.

13 Prenons un exemple concret. La structure syntagmatique x [y z] convient par exemple au SPrp par la fentre, comparer la parenthtisation tiquete [SPrp [Prp (x) par] [SN [Art (y) la] [N (z) fentre]]] Par dfinition, cest le N (fentre) qui est tte du SN, et cest lui qui, en termes dpendancielles, est rgi par Prp (par). Donc, pour convertir une structure syntagmatique du type x [y z], il suffit de prciser que x peut seulement tre mis en relation dpendancielle avec le nud tte de syntagme.12 b. Comment rendre, dans larbre syntagmatique, les dpendances Il faut donc, pour rendre, dans larbre syntagmatique, les dpendances et, finalement, pour convertir un arbre syntagmatique en stemma connexionnelle, et vice versa recourir la thorie Xbarre pour une dfinition des notions de syntagme et de tte de syntagme.13 En outre, pour dfinir la relation de dpendance en termes syntagmatiques, on pourra recourir aux notions de commande et de gouverne . La thorie X-barre En thorie X-barre, une tte de syntagme est dfini comme projection minimale dune catgorie lexicale. Cest--dire que certains lments du lexique bien dfinis, par exemple ceux catgoriss comme Prp , ou ceux catgoriss comme N (mais non ceux catgoriss comme Art ), peuvent initier une configuration syntagmatique. Ces catgories lexicales sont leur tour projetes en syntagmes, qui sont alors dfinis comme projections maximales14. On aura par exemple les projections suivantes : fentre [N fentre] [SN [N fentre]] Ainsi, dans un syntagme, il ne peut y avoir quune seule tte, tous les nuds surs du nud tte N (fentre) ne peuvent tre que des syntagmes (des projections maximales dautres lments du lexique appartenant une catgorie lexicale) ou des lments du lexique ne pas appartenant une catgorie lexicale, comme cest le cas pour les articles. La thorie X-barre permet donc des configurations syntagmatiques comme celle de gauche, mais elle interdit celles de droite o le syntagme SN a plusieurs ttes possibles : SN Art le N mois SPrp Prp de SN N mai
12

SN Art le N mois Prp de N mai

Il va de soi que ni y ni z ne peuvent rgir x. Sil faut le prciser : aucun terme ne peut rgir un terme qui le domine dans larbre. 13 Pour une discussion de ces notions, voir p. ex. N. Chomsky, La nouvelle syntaxe. Avec Prsentation et commentaire dAlain Rouveret. Paris, d. du Seuil, 1987. 14 Il peut encore y avoir des projections intermdiaires.

14

Les notions de commande et de gouverne Un nud commande un nud si 1 aucun de ces deux nuds ne domine lautre; 2 la premire projection maximale qui domine domine galement . Un nud gouverne un nud si 1 est une projection minimale (ou une unit lexicale domine par une projection minimale) et 2 commande . Essayons de dfinir le concept de dpendance ( rgit dpend de ) partir de larbre syntagmatique suivant : SPrp

Prp

SN

par

Art

Adj

SPrp

une

mai

matine

Prp

SN

de

Art

SPrp

le

mois

Prp

SN

de

mai On constate que deux configurations syntagmatiques diffrentes o deux nuds et se trouvent en relation de dpendance sont distinguer : premirement, une configuration o et se trouvent dans deux syntagmes lun enchss dans lautre, et deuximement, une configuration o et se trouvent dans un mme syntagme. Dans les deux cas, (le nud rgissant) doit tre une projection minimale. Dans le premier cas, un nud rgit un nud qui est tte dun syntagme gouvern par . Ainsi, pour Prp par rgissant N matine : Prp gouverne SN qui est la projection maximale de N matine ; de mme pour SN matine rgissant Prp de : N gouverne SPrp qui est la projection maximale de Prp de, etc.

15 Dans le deuxime cas, un nud rgit un nud qui est nud sur de . Ainsi pour N matine rgissant Adj belle et Art une. En ce qui concerne le nud Adj belle, il faut admettre que ladjectif est lui-mme une catgorie lexicale, donc une projection minimale, avec SAdj comme projection maximale. Ladjectif rgit par le nom est donc ranger parmi les premiers cas. Pour ce qui est de larticle, une analyse plus dtaille montrerait que larticle non seulement nest pas une catgorie lexicale mais fait en plus en quelque sorte partie intgrale du nom, en tant que spcificateur de ce nom. Autrement dit, larticle nest sera pas considr comme un nud capable de jouer le rle de dpendant (et encore moins de rgissant). On est alors en mesure de postuler comme dfinition syntagmatique de la notion de dpendance : Un nud rgit un nud (ou un nud dpend dun nud ) si 1 gouverne , et 2 est galement une projection minimale (ou une unit lexicale domine par une projection minimale). Autrement dit, la dpendance est un rapport de gouvernement entre ttes de syntagmes. 4. Procdures de conversion On terminera cet expos en proposant une procdures mcanique convertissant une structure syntagmatique en structure de dpendance, et vice versa. Commenons par convertir une structure syntagmatique en structure dpendancielle ; pour simplifier, on se bornera au stemma rel obtenu partir dune structure parenthtise non tiquete. Exemple : [par [une belle matine [de [le mois [de [mai]]]]]] On dbutera par le syntagme le plus profondment enchss (cest--dire, par le syntagme qui ne comporte pas dautre syntagme enchss). Dans ce cas, cest le N mai, qui est gouvern par la Prp de ; mai figurera donc dans le stemma comme dpendant de la Prp de. de mai Ensuite, cest le N mois qui gouverne la Prp de et le, cest mois qui, dans la structure de dpendance, rgit le et de : de (le) mois de mai Et ainsi de suite jusquau syntagme le plus large, celui qui nest pas enchss dans un autre syntagme : belle par (une) matine de (le) mois de mai Adj Prp (Art) N Prep (Art) N Prp N

Inversement, pour la conversion de la structure de dpendance en structure syntagmatique ; on prendra ici le stemma virtuel comme point de dpart :

16 L aussi, on commence par les nuds les plus enchsss, cest dire, qui exclusivement dpendants (qui ne sont pas rgissants), ici le N mai. N est une catgorie lexicale et sera projet en syntagme : [SN N] Le SN formera un syntagme avec le nud rgissant comme tte. Ce nud est une prposition (de), et on obtiendra un SPrp : [SPrp Prp [SN N]] Le SPrp est rgi par le N mois avec qui il formera un SN : [SN N [SPrp Prp [SN N]]] Et ainsi jusqu ce quon arrive au SPrp racine de larbre : [SPrp Prp [SN [SAdj Adj] N [SPrp de [SN le mois [SPrp de mai]]]]] En conclusion, on peut donc dire que les deux modles non seulement sont complmentaires, mais galement quivalentes. Il faut quand mme noter que quelque soit la rponse, il y aura toujours des relations grammaticales comme par exemple, les lments discontinus dans la chane parle ou les relations entre phrases (nonciative vs. interrogative, active vs. passive) qui ne pourront tre dcrites ni dans lun ni dans lautre des deux modles.