Traite Enluminure
Traite Enluminure
Traite Enluminure
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Notice sur les manuscrits à miniature, par le bibliophile J. R., Paris, 1874. Tiré
à 200 exemplaires numérotés.
KARI. ROBERT. -
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noir ou au trait afin de donner aux objets qu'ils représentent leur couleur naturelle, a dû
être ignorée jusqu'à l'invention de l'imprimerie, époque où sans doute on s'en servit pour
colorier les premiers essais de gravure sur bois. Sur les jeux de cartes, inventés pour
distraire le malheureux roi Charles VI dans ses moments de sombre mélancolie, on fit
sans doute une des premières applications de l'Enluminure.
Entre les Enluminures ainsi comprises et les ornements en couleur des
manuscrits du moyen âge, il y a la distance qui sépare le métier de l'art; les enlumineurs
sont des praticiens plus ou moins habiles, tandis que ceux qui ont enrichi et illustré les
manuscrits d'ornements si variés, si gracieux, de petits tableaux si parfaits de
composition, de dessin, de coloris, sont des artistes originaux, à l'imagination plus ou
moins vive et féconde, à l'inspiration plus ou moins puissante et heureuse. Les procédés
de peinture, le mode de préparation et la nature des couleurs employées par les uns et
par les autres, différent d'ailleurs essentiellement.
Ainsi s'exprime, avec juste raison, l'auteur de la « Notice sur les manuscrits à
miniature ». Eh bien, dans ce petit ouvrage, tout en vous faisant apprécier la différence
de ces deux arts, j'ai l'intention de ne vous guider d'une manière efficace et
essentiellement pratique 'qu'en ce qui concerne celui de l'Enluminure proprement dite,
c'est-à-dire l'exécution picturale d'oeuvres préalablement dessinées par des mains
étrangères, ce qui, selon notre auteur, n'est qu'oeuvre de goût, me réservant de vous
initier plus tard, en un traité spécial de « miniatures et manuscrits », à l'arrangement et à
la composition d'oeuvres personnelles, à l'aide de l'étude des documents anciens,
d'abord, puis de la nature et de votre imagination, et de vous amener graduellement à la
production d'un art ornemental qui vous soit propre et vous constitue ainsi une
originalité.
C'est pourquoi je ne ferai que résumer ici en un précis historique aussi court que
possible les enseignements du passé, afin d'initier l'oeil et l'esprit du lecteur à cet art où
les difficultés matérielles ne sont rien, mais où le sentiment de l'impression religieuse
doit dominer.
Lecteur, ai-je dit, c'est lectrice que j'aurais dû écrire, car ce petit livre est plus
particulièrement écrit pour les dames, dont le travail consciencieux et patient se prête
mieux à l'art de l'Enluminure que le tempérament toujours plus enfiévré de l'homme.
Aussi bien l'histoire semble être de notre avis puisque l'une des plus belles et des plus
anciennes miniatures est due au pinceau d'une femme, et si, dans la suite, la légende ne
mentionne point les femmes qui se sont livrées à l'illustration des ouvrages sacrés, c'est
que la plupart appartenaient sans doute à des congrégations religieuses dont la règle
sévère n'autorisait point que leur nom dévoilé parvînt à la connaissance du public. Aussi
verra-t-on qu'au moyen âge, si fertile en manuscrits de tous ordres, on a peine non
seulement à classer, mais même à citer les noms de leurs auteurs.
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transcrit les leçons en les mettant, selon notre méthode habituelle, bien à la portée des
commençants. On pourra donc à l'aide de ce petit livre entreprendre des travaux
intéressants tels que livres d'heures, canons d'autels et images, en vue des cadeaux de
mariage et des souvenirs de première communion. J'ai pensé en effet qu'il y a quelque
chose de plus affectueusement intime pour les jeunes filles à échanger, au moment de la
première communion, des souvenirs d'autant plus précieux qu'elles y auront travaillé de
leurs propres mains, et les approbations que j'ai reçues me permettent d'espérer que cette
idée sera facilement admise à partir du jour où le travail de l'Enluminure sera simplifié
par un Traité essentiellement pratique, mais on ne devra pas attendre pour cela le
moment même de la première communion où tout le temps appartient au catéchisme et
aux retraites, mais bien y penser durant les grandes vacances de l'année qui précédera
celle de la première communion.
Pour revenir à notre sujet, nous ne traiterons ici du l'Enluminure qu'au sens
propre du mot, c'est-à-dire que nous en indiquerons les procédés de coloris à l'aquarelle
Mêlée de gouache appliquée sur des images préalablement gravées ou imprimées en
noir, soit sur vélin soit sur papier, ou reportées à l'aide du calque ou dia transparent sur
plaques d'ivoire ou d'ivoirine. J'ai dit aquarelle gouachée, parce que la gouache est la
base absolue du travail de l'Enlumineur, et c'est l'ignorance de ce principe qui est la
cause de bien des tâtonnements et de bien des déboires parmi les amateurs pour lesquels
uniquement est écrit ce petit traité.
K. R.
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Précis de l’Histoire de l’Enluminure.
Le goût pour l'ornementation des manuscrits est attesté par Cicéron, qui félicita
Marcus Varron pour avoir retracé, dans une Biographie estimée, plus de sept cents
portraits dus au pinceau de Lala, célèbre artiste grecque, qui était venue se fixer à Rome.
Sénèque et Martial parlent aussi de livres ornés de figures.
Malheureusement le temps a tout détruit, et les livres les plus anciens qui nous
soient parvenus ornés de miniatures et de calligraphie ornementale sont probablement
les comédies de Térence du IVe siècle, et le Virgile du Ve, qui appartient à la
Bibliothèque du Vatican. Encore les témoins oculaires affirment-ils que ces manuscrits,
dus aux pinceaux d'artistes inhabiles, ne sauraient donner une idée exacte de l'art
calligraphique de ces temps reculés, où déjà des amateurs éclairés se disputaient à prix
d'or les manuscrits ornés par les artistes en renom. La religion chrétienne devait donner
un grand développement à l'ornementation des livres. Constantin protégea la
calligraphie en fondant à Constantinople une bibliothèque où furent déposés les livres
sacrés. Il attira auprès de lui des artistes, fonda une école de calligraphes - enlumineurs
destinée non seulement à multiplier les livres d'une manière correcte, mais à les orner.
Au siècle suivant, un des successeurs de Constantin, Théodose le jeune, se livre lui-
même à la peinture des. manuscrits ; plus tard encore, l'arrière-petite-fille de Théodose,
Julienne, exécuta les planches d'un Dioscoride parvenu jusqu'à nous. Enfin, durant le
vue et le vine siècle de notre ère, l'art de la Calligraphie fut en grand honneur à la cour
des Empereurs d'Orient. Un temps d'arrêt forcé fut celui de la période des Empereurs
Iconoclastes, mais il fut de courte durée, car si Léon l'Isaurien, au VIIe siècle, fit brûler,
en haine des images, une grande partie des livres rassemblés à Constantinople par ses
prédécesseurs, Basile le Macédonien au IXe siècle, Léon le philosophe, Constant
Porphyrogénète au Xe, et l'impératrice Eudoxie au XIe, se déclarèrent les protecteurs de
la miniature calligraphique et firent exécuter de très beaux manuscrits.
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On peut difficilement se rendre compte de cette époque dite période byzantine,
les manuscrits ayant disparu, pour ta plupart; néanmoins, il n'est pas impossible de s'en
figurer le caractère et l'ornementation en examinant dans nos musées les vitraux de la
même époque et surtout les émaux cloisonnés des autels portatifs si rares et si précieux,
mais dont notre Louvre et le musée de Cluny offrent de si beaux spécimens : en
transcrivant par la pensée ,cet art du verrier ou de l'émailleur sur le vélin, en imaginant,
au lieu des couleurs un peu ternes ou effacées par le temps, la vivacité des ors ou des
couleurs employées à l'eau gommée, on se rendra compte de ce que devaient être les
livres ornés de cette école de Byzance.
Le P. Cahier, dans ses « Mélanges d'archéologie », pense avec raison que tant de
richesses artistiques ainsi que de complications scientifiques et littéraires n'ont pu être
l'ouvrage d'une seule femme; l'Abbesse Herrade a dû y faire travailler les religieuses
lettrées de sa communauté. Il me faut pas oublier que les monastères de femmes étaient
à cette époque, et bien avant, des foyers littéraires et artistiques : de nombreux
documents l'attestent.
Au VIe siècle, la règle, tracée par saint Césaire d'Arles pour les religieuses que
présidait sa soeur, mettait la transcription des manuscrits parmi les occupations
journalières de cette communauté.
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Citons encore l'abbesse Utta du Niedermünster de Ratisbonne (XIe siècle), dont
un splendide manuscrit conservé à Munich représente à l'une de ses pages l'Abbesse
offrant son livre à la Mère de Dieu, puis la théologienne Hildegarde (XIIe siècle), dont
plusieurs enluminures ont été reproduites en chromo par l'École de peinture du Mont-
Cassin en Italie.
Dés cette époque et jusqu'au XVe siècle, les Enlumineurs ajoutent aux figures
religieuses une ornementation d'un goût délicat puisée au règne végétal et revêtent leurs
personnages, sauf le Christ, la Vierge et les Apôtres, du costume contemporain. L'or est
généralement employé dans les fonds.
Cette impulsion est donnée par les Van Eyck, dont on n'a peut-être pas assez
étudié l'influence sur cet art et qui peuvent être considérés comme les véritables
fondateurs de la Renaissance des manuscrits. Cette illustre famille, dont tous les
membres se livrèrent à la peinture, a pour chef, affirme-t-on, Jean Van Eyck le père, dit
Jean de Bruges, auquel Charles V confia la direction des manuscrits. Ses fils, Hubert et
Jean, avaient pratiqué d'abord l'art de l'enluminure avec leur mère, Marguerite Van den
Hauftanghe, qui faisait partie de la confrérie de Notre-Dame aux Rayons. Plus tard,
lorsque déjà célèbres ils acquièrent une renommée universelle par la découverte de la
peinture à l'huile, ils dirigent encore les compositions et' les travaux de leur jeune soeur,
Marguerite Van Eyck, qui acquiert à son tour une grande renommée pour ses
miniatures.
C'est ici que se placent les noms de messire Jean Fouquet, l'artiste le plus célèbre
de la fin du XVe siècle, qui fut l'illuminateur du roi Louis XI, puis Jean Poye, au
pinceau de qui sont dues les enluminures des marges du célèbre livre d'heures d'Anne de
Bretagne3, dont les pages merveilleuses furent exécutées par des artistes assurément
hors de pair. parmi lesquels la découverte faite par Léopold Delisle permet de placer le
nom de Jean Bourdichon comme principal, peut-être même seul auteur.
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Barthélemy Facius. — Le livre des hommes illustres (en latin).
3
Bibliothèque nationale, reproduit en entier par Curmer à Paris
(chromolithographié). — Consulter Les Peintres de manuscrits et la miniature en
France, par Henri Martin, 1 vol. in-8°, 24 planches, 11. Laurens, éditeur.
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L'invention de l'imprimerie était appelée à porter un coup funeste à la
calligraphie ornée. Cependant les belles productions des artistes du XVe et du XVIe
siècle avaient tellement éveillé le goût pour l'ornement des manuscrits que non
seulement on continua d'en faire illustrer, mais encore les premiers imprimeurs
conservèrent des marges destinées à recevoir les ornements de l'Enluminure. Mais il
faut bien dire aussi que c'est à partir de ce moment que l'Enluminure devient réellement
oeuvre de copistes, habiles sans doute, mais non originaux, qui se servent de calques et
de transparents pour reproduire plusieurs fois même une ornementation antérieurement
composée. Cela ne saurait néanmoins diminuer la valeur artistique des véritables
manuscrits ornés, car au XVIe siècle l'art de la miniature et de l'enluminure est poussé à
un tel degré de luxe et de perfection et cultivé par des artistes d'un tel mérite, que les
princes seuls peuvent se procurer cette jouissance. A partir du XVIIe siècle, cependant,
cet art semble s'éteindre progressivement, à mesure que les grandes fortunes
seigneuriales diminuent elles-mêmes, et l'on ne cite que quelques rares ouvrages tels
que la Guirlande de Julie, de Robert (1641), puis plus rien pour l'ornementation des
livres. Les artistes ne manquent pourtant point et la collection des miniatures du Louvre
nous montre bien l'excellence de cette école française du XVIIIe siècle et du
commencement du XIXe. Mais le goût des manuscrits religieux a disparu avec la société
raffinée des temps passés et l'art plus mondain du miniaturiste s'est exclusivement
consacré au portrait.
Le goût des manuscrits rares et ornés de peintures originales est bien disparu à
une époque où l'on voit se disperser les originaux d'une oeuvre que tout Paris s'est
cependant empressé d'aller voir et admirer, et l'art de l'enluminure n'est plus
actuellement qu'aux mains de quelques amateurs respectueux des souvenirs du passé.
Nous voulons croire cependant que le dernier mot n'est pas dit et que les aspirations de
la jeune école moderne, qui en dérive, contribueront à le relever.
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Du procédé des Anciens.
On trouve sur l'art d'enluminer des livres de nombreux traités anciens, ce qui
s'explique par le soin que prenaient à cette époque les artistes dans toutes les branches
de l'art d'étudier avant toutes choses le côté matériel de leur métier. Lecoy de la Marche
l'indique d'une façon nette et précise au chapitre VII de son excellent livre, et nous y
renvoyons simplement le lecteur, mais l'auteur a eu la bonne fortune de transcrire sur
l'original de la bibliothèque de Naples un manuscrit qui semble le plus complet et qui a
pour titre De Arte Illuminandi. Nous allons lui emprunter cette traduction et en tirer les
enseignements et les réflexions qu'elle nous suggère. Puis nous prendrons dans le moine
Théophile « la manière de poser l'or et l'argent sur le parchemin », et nous aurons ainsi
reçu les meilleures leçons du passé :
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fabrique avec des sarments de vignes ou d'autres bois carbonisés, avec la fumée des
chandelles, de la cire ou de l'huile, avec la sépia recueillie dans un bassin ou dans une
écuelle en verre. Le blanc se fait avec le plomb ou céruse, ou bien avec des Ossements
d'animaux brûlés ; mais alors il est trop pâteux. Le ''rouge est extrait d'une terre rouge
appelée muera : celui qu'on appelle cinabre se fait avec le soufre et du vif argent ; celui
qu'on appelle minium se fait avec le plomb. Le glauque (jaune) se tire d'une terre jaune
nommée orpiment, de l'orfin, du safran; on le fabrique aussi avec la racine du .curcuma,
ou avec l'herbe à foulon et à céruse; celui qui est connu sous le nom de pourpre, ou
d’Aurum musicum (aujourd'hui le cadmium n°2) s'obtient par la sublimation. Le
giallolino (jaune de Naples ou jaune pâle) est produit par la guède. Les bleus naturels
sont le bleu d'outremer et l'azur d'Allemagne; le bleu artificiel se fait avec la plante
qu'on nomme Tournesol et qui donne également le violet. Le vert vient de la terre ou du
vert d'azur (pierre arménienne); on le tire aussi du bronze, du lis azurin (iris) et d'une
petite prune appelée prugnamerola par le peuple de Rome, sur le territoire duquel elle
abonde, au temps des vendanges, dans les haies des vignes. Le rose ou la rosette, qu'on
emploie sur le parchemin pour tracer les contours des feuilles ou le corps des lettres, se
fabrique avec d'excellent bois de Brésil ( brasilii) ; la couleur de Brésil liquide et sans
corps, pour faire les ombres, se fabrique avec le même bois, mais d'une autre manière. »
Comme le traducteur, nous ne nous arrêterons pas plus ici à ces instructions qu'à
celles données par Théophile, attendu qu'il n'est plus d'usage aujourd'hui de préparer ses
couleurs. Tout au plus l'amateur pourra-t-il les broyer à nouveau l'aide d'une petite
palette et d'une molette de verre comme le font les peintres en émail et en porcelaine,
pour confectionner leurs travaux, ils se servent des couleurs dites d'écaille.
En effet, nous allons voir : Comment il faut moudre les couleurs et les délayer
avant de les poser :
« Presque toutes les couleurs ayant un corps se broient sur la pierre de porphyre
avec de l'eau ordinaire ; on les dépose ensuite dans de petits vaisseaux de terre ou de
verre, où l'on renouvelle l'eau à mesure qu'elle s'évapore ou se corrompt. Le vert de
bronze seul se broie avec du vinaigre, du suc d'iris ou d'autres substances. Pour le bleu
d'outremer, il faut le purifier en y ajoutant une faible dose de sel ammoniac et le passant
à travers un linge. L'azur d'Allemagne acquiert plus de finesse en étant broyé avec une
eau de gomme assez épaisse. Toutes les fois qu'on veut travailler l'azur avec le pinceau,
il faut le détremper avec de l'eau gommée, quelques-uns y mettent quelquefois deux ou
trois gouttes de blanc d'œuf. Quand on veut l'employer avec la plume pour le corps des
lettres, il est bon de le mélanger aussi avec l'une de ces substances et, si l'azur
d'Allemagne n'est pas beau, on le broie sur la pierre avec un peu de céruse.
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mêlent un demi-quart de minium. On le détrempe ensuite avec du blanc d'œuf, puis on
le verse dans une corne de bœuf ou de verre. Si le blanc fait de l'écume, une miette de la
cire qui se trouve dans les oreilles de l'homme suffit pour la détruire immédiatement ;
ceci est un secret4.
« Pour peindre le corps des lettres avec le cinabre, il faut que cette couleur ait été
d'abord soigneusement moulue à sec, puis délayée à l'œuf jusqu'à fluidité parfaite,
séchée sur le porphyre, détrempée de nouveau, versée dans la cornue avec un peu de
miel et une miette de la même cire; moyennant ces précautions, le cinabre reluira sur le
parchemin et ne s'écaillera pas. Dans l'ampoule, on aura soin de joindre au blanc d'œuf
une légère dose de réalgar ou de toute autre substance propre à l'empêcher de se
corrompre.
« Pour le dessin des feuilles et les autres ouvrages du pinceau, il faut mêler à
l'azur, au rose, au vert une très petite proportion de céruse broyée avec de l'eau de
gomme arabique, de manière que la nuance soit à peine altérée.
« Le jaune de safran se délaye avec du blanc d'œuf frais renouvelé suivant les
besoins, il arrive ainsi à reluire comme du verre. Lorsqu'il doit être posé avec le pinceau
sur des lettres noires ou rouges, il faut qu'il y ait assez de blanc d'œuf pour lui
communiquer la subtilité et l'éclat de l'or : s'il y en a trop on ajoute de l'eau pure. Le
jaune fait avec le curcuma ou avec l'herbe à foulon doit, ainsi que le giallolino, reposer
dans un vase avec de l'eau ordinaire et n'être délayé qu'au moment de s'en servir ; de
même pour la terre jaune. »
Comment les couleurs doivent être employées pour la première couche et pour
les ombres.
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peu de rouge. »
« On prend deux parties égales de gomme arabique et de blanc d'œuf bien battu,
on les mélange dans un vase de verre et on laisse sécher. Puis, quand on veut lustrer les
couleurs et obtenir l'effet du vernis employé par les peintres, on amollit cette substance
avec de l'eau de fontaine, on y ajoute une goutte de miel et, à l'aide du pinceau, on en
recouvre tout l'ouvrage. Une fois sec, cet enduit équivaut à un vernissage. Mais, avant
de l'employer, il faut l'essayer sur autre chose : s'il fait des crevasses en séchant, c'est
qu'il ne contient pas assez de miel; s'il ne sèche pas et qu'il adhère au doigt, c'est qu'il en
contient trop. »
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Ceci semblerait une erreur du traducteur. M. Beaufils, de Bar-le-Duc, nous fait
observer très justement que si l'on employait la mousse on arriverait à un résultat
négatif. Il faut donc traduire ainsi : Prenez ensuite du blanc d'œuf préalablement rompu
avec un pinceau, ou un roseau coupé ainsi que font les peintres, et après que le blanc
d'œuf aura été transformé en écume, on verse dessus de l'eau commune additionnée de
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parchemin de manière qu'il y adhère et, au bout d'un instant, quand il est parfaitement
sec, on le brunit avec la dent de loup, comme font les peintres. Le même procédé
s'emploie pour l'argent. »
« Toutes ces choses étant ainsi exécutées, faites un mélange de gomme très
brillante et d'eau, comme ci-dessus ; mêlez-en toutes -les couleurs, excepté le vert, la
céruse, le vermillon et le carmin. Le vert salé ne vaut rien pour là peinture des livres.
Vous mêlerez le vert d'Espagne avec du vin pur, et si vous voulez faire des ombres,
ajoutez un peu de sève d'iris, de chou ou de poireau. Vous mêlerez avec du clair de
blanc d'oeuf, le vermillon, la céruse et le carmin. Quant aux autres mélanges de couleurs
dont vous aurez besoin pour peindre des images, préparez-les pour peindre dans les
livres comme il a été indiqué plus haut. Toutes les couleurs doivent être posées deux
fois sur les livres, d'abord très légèrement, ensuite plus solidement; il ne faut en mettre
qu'une seule fois. »
« Mettez ensuite une petite marmite, avec de la colle, sur des charbons, et
lorsque la colle sera fondue, versez-la dans la coquille de l'or et lavez-en l'or.
Lorsque vous aurez versé l'or dans une autre coquille dans laquelle on garde le
dépôt, versez de nouveau de la colle chaude ; tenez-la dans la paume de la main gauche,
rem nez soigneusement avec le pinceau et posez l'or, comme vous voudrez, épais ou
léger, de manière cependant qu'il y ait peu de colle, parce que, quand il y en a trop, l'or
se noircit et ne prend pas de brillant. Lorsqu'il sera sec, vous polirez avec une dent, ou
avec une pierre de sanguine soigneusement taillée et polie sur une tablette de corne unie
et brillante. S'il arrive par négligence que la colle ne soit pas bien cuite et que l'or se
réduise en poussière par le frottement, ou qu'il se boursoufle à cause d'une trop grande
épaisseur, ayez à votre disposition du clair d'œuf vieux, battu sans eau; vous en étendrez
avec un pinceau un peu et doucement sur l'or que vous frotterez enfin avec la dent ou la
bon vin blanc ou d'un peu de lessive, ou même sans aucun mélange; et après avoir laissé
reposer quelque temps, on jette cette écume qui- surnage : ce qui reste sera bon à
employer.
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pierre lorsqu'il sera sec. De cette même manière vous poserez et vous polirez l'argent,
l'auricalque et le cuivre. »
Si vous n'avez pas de vessie de poisson, prenez de la peau de veau ou vélin fort,
coupez-le de la même manière, lavez et faites cuire. Faites cuire de la même manière
une peau d'anguille soigneusement raclée, coupée et lavée. Faites encore cuire de la
même façon des os de la tête de loup marin, secs et lavés trois fois à l'eau chaude. A
chacune de ces substances que vous aurez fait cuire, ajoutez tin tiers de gomme très
brillante, faites cuire un peu et vous pouvez garder cette colle aussi longtemps que vous
voudrez. »
De toutes ces recettes qui forment la tradition du passé, il ressort très clairement
que les couleurs toujours gouachées étaient posées en plusieurs couches extrêmement
légères, très délayées, et que ce n'est point au premier coup que l'aspect brillant pouvait
en être obtenu. De même pour l'or et l'argent, leur application exigeait des soins
minutieux tant pour les dessous destinés à les faire briller que par la préparation même
où le mélange d'une colle était indispensable pour lui donner la solidité et la durabilité
nécessaires.
Nous allons voir combien ces procédés ont peu changé et qu'ils sont demeurés la
base du travail des enlumineurs et des miniaturistes de ces temps-ci, qui n'ont fait que
les modifier suivant leurs besoins et leur propre expérience.
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Procédés Moderne.
Installation et Matériel.
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que celui où elle doit être regardée, et qui a en outre l'avantage de fatiguer beaucoup
moins la vue que si l'on travaillait sur une table. L'exécution de l'enluminure, si
minutieuse, vous obligerait à baisser trop fortement la tête, appuyer en outre l'estomac
contre la table, toutes positions nuisibles à la santé.
Enfin on adoptera un siège, tabouret ou autre, un peu plus élevé que celui qu'on
prendrait pour écrire, car il est indispensable - que la vue plane bien sur le travail afin de
pouvoir constamment en juger toute l'harmonie.
La peau de Vélin apprêté est de même qualité que la précédente, mais elle est
recouverte d'un enduit crayeux qui dissimule toutes les veines et irrégularités de la peau
naturelle, et présente une superficie mate très régulière et absolument opaque. Le travail
sur cette matière est plus délicat et demande une plus grande dextérité de la main. Il faut
surtout, si l'on doit revenir en plusieurs teintes que la première soit très rapidement
exécutée afin de ne pas entraîner l'enduit qui constitue l'apprêt du Vélin. Les teintes
qu'on passera ensuite seront moins délicates, l'apprêt se trouvant un peu retenu déjà par
l'eau gommée de la première teinte.
La peau de Vélin mort-né, avec ou sans apprêt, constitue une qualité plus fine et
supérieure aux précédentes, le travail y est analogue.
Le parchemin extra, moins transparent et moins beau d'aspect que le Vélin, est
aussi d'un prix moins élevé; on l'emploie volontiers pour des travaux d'une plus grande
dimension.
Les Bristols et papiers anglais dits papier-Vélin et Bristol-Vélin sont aussi d'un
excellent usage pour tous exercices préparatoires. On pourra les utiliser aussi pour des
sujets profanes comme les menus enluminés et images de fantaisie.
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cassant, il doit être employé et conservé ensuite avec les plus grands soins.
Le papier bristol, lorsqu'il s'agit de petites dimensions, peut s'employer sans être
tendu, mais la peau de Vélin serait d'un emploi beaucoup plus difficile si, avant de s'en
servir, on ne prenait l'indispensable précaution de la tendre, Sans ce moyen, au moindre
contact de l'eau ou des couleurs, elle se crispe, se ride et dépare désagréablement le
travail, quelque parfait qu'il soit. Le prix élevé des peaux de Vélin, leur qualité qui
donne au travail une durée illimitée, nous obligent à entrer ici dans quelques
explications un peu longues peut-être, niais dont nos lecteurs nous sauront gré, car le
Vélin bien tendu reçoit les couleurs avec une grande facilité; bien plus, on peut enlever
à volonté, avec une éponge imbibée d'eau pure, les parties du travail dont on ne serait
pas satisfait, sans que cette opération laisse la moindre trace. L'encre commune seule est
ineffaçable, c'est pourquoi l'on ne doit se servir que d'encre de Chine.
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I. Pour éviter l'emploi de la colle, on peut se servir des bandes gommées n on
tran sparen tes des rouleaux A. P.
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mettre sous presse, c'est-à-dire, après l'avoir recouvert d'un papier propre, placer dessus
quelques gros livres. Si, malgré cela, il persiste à ne pas reprendre sa forme première, il
suffira de contre-coller au dos de la planchette ou du carton une feuille de papier bulle
ou de papier goudron enduit de colle de pâte et de mettre en presse jusqu'à ce que le tout
soit bien sec. Lorsque cette opération a été conduite avec soin et suivant nos indications,
on obtiendra une surface très unie et tendue qui facilitera considérablement le travail.
Avant de peindre, il sera bon de frotter vivement la surface du Vélin avec un linge fin
ou la peau de gant pour ramener le poli que le mouillage aura légèrement fait
disparaître. Mais cette opération doit être faite avec dextérité afin de ne point enlever
l'apprêt du Vélin. J'ai dit plus haut que le gondolage était à craindre pour le carton et le
bois. On parerait à cet inconvénient en se servant d'une plaque de verre pour planchette.
Le verre, en effet, a le grand avantage de présenter une surface absolument lisse, et
l'inconvénient de sa fragilité ne saurait faire hésite à l'adopter si, pour une cause
quelconque, vous ne pouvez acheter votre Vélin tout préparé, pour un travail où les
soins et précautions de toutes sortes sont de tous les instants.
La méthode de tendage que nous venons d'indiquer est la plus courante, mais, je
l'ai dit, en mouillant à l'éponge la surface du Vélin, on a des boursouflures qui peuvent
inquiéter momentanément ou même parfois, rarement il est vrai, nuire au bon tendage
du Vélin et y former de petits plissés; d'autre part, l'enduit qui forme l'apprêt du Vélin
peut avoir à souffrir du contact de l'eau. Il est une seconde méthode absolument parfaite
en tous points ; nous allons l'indiquer car, si elle est plus longue, elle ne peut présenter
de déboires.
Lorsque le Vélin est destiné à être recouvert d'enluminure sur les deux faces
comme pour un livre, il est alors nécessaire d'avoir un carton découpé à jour de la
grandeur de l'image, Ou un petit stirator qui permette de travailler des deux côtés
simultanément ou l'un après l'autre, car on ne saurait opérer un tendage nouveau puisque
l'humidité compromettrait l'ouvrage déjà fait.
Enfin nous devons dire que le travail du tendage peut être évité si l'on craint de
ne pas le réussir, tous les marchands de couleur ou d'imagerie religieuse se chargeant de
fournir les Vélins tendus sur des cartons selon les mesures demandées.
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Des Pinceaux.
Il faut, pour le trait, des plumes à dessin extrêmement fines ou même des plumes
de lithographe plus souples, plus moelleuses que toutes autres. Mais quelque fin que soit
le trait, il sera toujours préférable de se servir du pinceau dont peu à peu vous acquerrez
l'habitude et à l'aide duquel vous arriverez aux plus extrêmes finesses.
Le choix des pinceaux aura, par conséquent, une grande importance; on adoptera
ceux de martre rouge pour les finesses, ceux de martre noire pour les teintes à plat. Avec
un jeu de six pinceaux, on sera amplement outillé. Il faut les choisir de poils allongés
même pour le plus gros, souples, et formant bien la pointe, lorsque après l'avoir imbibé
d'eau on l'étanche sur le bord du verre à lavis. Quant aux numéros à adopter, il est bien
difficile de les indiquer d'une manière précise, chaque fabricant ayant des numéros
différents. Pour la fabrication française, on peut adopter du n° 2 au n° 6 en prenant deux
pinceaux n° 4 pour remplacer le n°1 généralement trop fin. La fabrication anglaise ayant
adopté le numérotage inverse, vous, devrez préciser et vous enquérir. Le mieux est de
demander des échantillons à choisir.
Vos pinceaux doivent toujours être tenus propres et lavés sitôt l'usage, la
gouache formant en séchant une légère pâte plâtreuse qui les abîmerait vite si l'on ne
prenait ce soin. Pour les ors, vous devez avoir des pinceaux spéciaux qui ne servent qu'à
cet usage : un pour l'or jaune, un pour l'or vert, un pour l'or rouge. Quelques soins que
vous en preniez, il reste toujours près de l'emmanchure du pinceau quelque trace d'or
qui se mêlerait à la couleur si vous ne les réserviez exclusivement.
Les brunissoirs en agate sont de trois formes : la dent de .loup recourbée, comme
l'indique son nom, en pointe de stylet ou plats en battoir; ils servent tous à polir l'or par
le frottement. L'agate plate servira pour les fonds, la dent de loup pour les reliefs, la
pointe de stylet pour les gravures d'ornements en bruni sur fonds mats. La première
qu'on doit se procurer est la dent de loup qui réunit au besoin les deux autres, en ce sens
qu'elle contient la rondeur dans sa partie coudée, le plat ou battoir dans l'espace compris
entre le coude et la pointe, enfin la pointe elle-même â son extrémité. Mais on se rendra
bien vite compte qu'il est nécessaire d'avoir les deux autres, car la pointe de la dent de
loup est difficile à manier dans les chantournés d'ornements et moins précise que le
stylet; de même elle ne saurait dans les grands à-plats s'arrêter net comme l'agate plate
en forme de battoir. Un outil analogue au brunissoir en stylet est la pointe à décalquer,
en ivoire, montée sur un manche noir et qui sert à passer sur les contours du sujet qu'on
18
veut reporter, une fois qu'on en a pris l'empreinte. Cette pointe est indispensable pour ne
pas fatiguer le transparent, qu'on ne fait d'ordinaire que pour des sujets un peu difficiles,
toujours utiles à conserver.
La gomme arabique, dont l'emploi est constant, se trouve, quelque belle qu'elle
soit, toujours chargée d'impuretés dont il faut la débarrasser pour faire son eau gommée.
Pour cela, vous prendrez un morceau d'étoffe de soie, ou, à son défaut, une mousseline ;
vous confectionnerez un petit sac dans lequel vous introduirez la gomme à dissoudre,
puis vous suspendrez le sac dans le verre ou godet que vous aurez préalablement rempli
d'eau pure et filtrée; vous laisserez séjourner jusqu'à parfaite dissolution de la gomme
arabique, vous retirez le petit sac que vous jetez et transvasez votre gomme liquide dans
une bouteille d'où vous la prenez ensuite au fur et à mesure de vos besoins. La gomme
ainsi dissoute donnera une eau gommée aussi pure que possible, mais elle aura toujours
l'inconvénient de s'aigrir et de se couvrir d'une légère moisissure si l'on n'en fait un
usage quotidien. Pour remédier à cet inconvénient, il suffira d'ajouter un peu de
dextrine, substance tirée de l'amidon et qu'on trouve pulvérisée chez les marchands de
couleur en gros ou de produits chimiques. En outre, la dextrine, ajoutée à l'eau gommée,
a l'avantage de conserver leur éclat à l'or et autres substances métalliques; quelques
artistes ont remplacé la dextrine par la glycérine pour les travaux de longue haleine.
Mais nous préférons l'emploi de la dextrine parce que la glycérine retarde la
dessiccation de la couleur et de l'or, ce qui, dans les à-plats, peut gêner l'artiste. Nous
verrons plus loin que dans l'application des ors en relief on pourra au contraire user de
la glycérine avec avantage à cause de son inconvénient même. Ici encore vous
remarquerez combien peu les procédés d'autrefois ont été modifiés car, en somme, la
glycérine ou la dextrine n'ont fait que remplacer le sucre candi dans la préparation de
l'eau gommée.
L'eau gommée ne doit point être employée à l'état d'épaisseur comme si l'on
19
voulait coller deux feuilles de papier. C'est très liquide et, par conséquent, très étendue
d'eau, qu'on doit user de la gomme. Je ne puis mieux vous préciser qu'en comparant
l'eau gommée telle que vous devez vous en servir à la densité qu'aurait un sirop léger
pris en rafraîchissement dans une soirée par rapport au sirop lui-même. C'est dire
qu'avec environ cinquante grammes de gomme liquide épaisse, on devra faire un litre
d'eau gommée.
20
La Gouache
___________
21
Nous devons insister sur l'emploi de la gouache dans les travaux d'enluminure
parce qu'en réalité c'est le seul moyen d'obtenir de bons résultats que ne saurait donner
l'aquarelle. La gouache, en effet, est un genre de peinture qu'il ne faut pas confondre
avec l'aquarelle. Les procédés y sont tout différents. Dans l'aquarelle on pose d'abord les
tons les plus clairs, pour finir par les tons les plus foncés ; dans la gouache c'est le
contraire qui a lieu. L'aquarelle n'est, en définitive, qu'un lavis ; la gouache est déjà une
peinture.
Il y a deux manières de peindre à la gouache : l'une qui consiste à ébaucher
comme à l'aquarelle, l'autre qu'on pratique en attaquant du premier coup à la gouache.
Ces deux manières présentent chacune certains avantages, mais dans le travail de
l'enluminure c'est la première qu'on doit adopter sauf de rares exceptions, pour les fleurs
notamment, dont nous aurons occasion de parler dans nos leçons pra- tiques. Quand on
peint sur bristol, on ébauche par teintes plates, comme à l'aquarelle, en évitant de faire
des taches, ce qui n'est que trop facile sur une surface lisse. Pour que les premières
teintes ne soient pas enlevées par celles qui suivront, il est bon d'ajouter à la couleur un
peu de blanc d'œuf préparé, ce qui, en outre, a l'avantage de donner aux couleurs du
brillant et de l’éclat. Dans cette ébauche, on doit procéder par des tons bien francs,
destinés à fournir les plus grandes vigueurs partout où ils ne seront pas couverts par une
teinte nouvelle. Il va sans dire qu'il ne s'agit pas, comme à l'aquarelle, d'une ébauche
claire, mais d'une ébauche foncée. Sur cette ébauche, dont les tons doivent être le plus
justes possible, on revient en posant très franchement les tons locaux avec des gouaches
qui ne contiennent pas de blanc ou à peine. Simplement pour leur donner une
consistance, en raccordant le ton avec celui de l'ébauche, de manière à ce qu'elle
transparaisse vigoureusement, mais non pas noir. On finit ensuite, en plaçant les gris, les
nuances fraîches, les points éclatants, dans lesquels on fait entrer du blanc, enfin les ors.
On voit par là quels soins minutieux, quelle observation patiente on doit apporter dans
le travail de la gouache pour l'enluminure si l'on ne veut faire œuvre de coloris sans
attrait.
Les Couleurs.
Nous n'entrerons ici dans aucun détail sur la fabrication des couleurs ainsi que
cela se faisait autrefois dans les traités spéciaux : c'est affaire du chimiste et du fabricant
de couleurs de vous les procurer bonnes et vous ne sauriez que faire d'une science
technique à cet égard. On peut affirmer qu'il n'est pas un artiste au monde qui,
actuellement, prépare ses couleurs : le céramiste lui-même les achète toutes préparées
et, comme on dit, surbroyées, prêtes à l'emploi. Mais si personne ne les fabrique, chacun
les doit choisir avec discernement. En ce qui nous occupe, nous accorderons la
préférence aux couleurs françaises qui, spécialement pour le travail de l'enluminure,
nous paraissent bien préférables aux couleurs anglaises et cela par le défaut même qu'on
22
a coutume de leur reprocher, un peu d'opacité. Nous l'avons dit, l'enluminure, pour avoir
toute sa valeur, tout son effet, doit être exécutée en gouache ; la grande transparence des
couleurs anglaises, si recherchée en aquarelle, serait ici un défaut plutôt qu'une qualité,
et si l'amateur inexpérimenté hésitait à se servir largement de la gouache dans tous ses
tons, il aura déjà dans la couleur française un ton plus ferme et plus soutenu, qui le
déroutera moins que celui de la couleur anglaise toujours plus transparente. Ceci dit, il
faut reconnaître que les couleurs anglaises sont d'une fabrication remarquable et qu'une
fois bien en possession de son art et du maniement de la gouache qu'il doit toujours y
introduire, l'enlumineur peut parfaitement les adopter, elles lui rendront d'excellents
services.
Pour constituer votre palette, il est constant que l'examen des modèles à
reproduire et votre propre expérience vous guideront sûrement; néanmoins comme à
tout il faut un commencement, voici comment vous devrez former la palette de vos
premiers essais :
Vermillon,
Carmin,
Outremer,
Teinte 'neutre,
Cendre verte,
Sépia colorée,
Noir d'ivoire,
Un flacon de Gouache blanche,
Un flacon de Gouache jaune ou de chrome clair,
Godet d’or jaune ou or jaune en poudre
A l'aide de cette première palette vous pourrez exécuter les tons des enluminures
les plus simples composées exclusivement d'ornements à rinceaux, filets et rehauts d’or.
En y comprenant l'or, cela vous donne une palette de quinze couleurs qui vous
permet un travail plus compliqué, sans mélange de tons, qu'en enluminure il faut
proscrire absolument dans tout ce qui est ornementation et cela jusqu’à une expérience
consommée : tout au plus pourrez-vous faire des dessous variés ou des rehauts de
couleurs diverses, mais rejetez toujours les mélanges de tons qui enlèvent au caractère
de l'ouvrage. Il est très certain que vous serez obligé d'y venir pour peindre les chairs,
mais c'est une ressource qu'il faut d'autant plus ménager qu'elle vous donnera, par
l'opposition même des tons simples avec les tons composés un caractère vraiment
archaïque et religieux, principe de l'art de l'enluminure.
23
Enfin une palette complète comprendra outre les couleurs déjà mentionnées :
Vert olive,
Indigo,
Laque indienne,
Mine orange,
Bleu céleste,
Cobalt,
Jaune de Naples,
Ocre jaune,
Or vert,
Or rouge.
Toutes ces couleurs sont essentielles lorsqu'on aborde la figure. Je l'ai dit, ce
sont là des indications initiales, car peu à peu vous augmenterez vous-même votre
palette et, comme le pastelliste, plus vous varierez vos tons, plus vous emploierez de
couleurs nouvelles, dont la juxtaposition plus encore que le mélange doit vous donner
d'heureux résultats. Ainsi nous n'avons point mentionné de violet, pourtant c'est une
couleur fondamentale et qui, pour les fleurs notamment, peut vous être nécessaire.
Comme les couleurs toutes préparées varient à l'infini, l'expérience vous guidera dans le
choix judicieux de celles que vous devrez successivement ajouter à votre palette.
De l'Or et de l'Argent.
L'or et l'argent sont d'un emploi constant dans les travaux de l'enluminure. On
trouve ces deux matières toutes préparées en petits godets7. Mais lorsqu'il s'agit de
travaux d'une certaine importance dans lesquels l'or doit être employé largement,
comme pour l'enluminure d'un livre d'heures, il y a économie à se le procurer au poids,
par gramme, double gramme ou cinq grammes, qu'il faut bien spécifier or fin, car
autrement on pourrait recevoir du bronze en poudre d'un emploi si fréquent aujourd'hui,
mais qui s'altère vite et noircit en très peu de temps. En outre, le bronze, imitation d'or,
étant composé de cuivre, est malsain et se tourne vite en vert-de-gris. On doit le rejeter
absolument.
7
On préparait autrefois l'or en coquille : c'était, comme pour les petits godets,
une petite larme d'or déposée dans une coquille de moule. Cette coquille avait
l'inconvénient de ne pas se tenir sur la table, il fallait donc l'avoir constamment dans la
main gauche, ce qui était fort gênant.
24
homogène, ensuite on y ajoute goutte à goutte de l'eau pure jusqu'à ce que cette pâte
forme un liquide très fluide, mais présentant encore la consistance d'un sirop léger. On
l'essaye alors sur le papier d'essai en passant à plein pinceau une traînée de quelques
centimètres. Lorsque cette traînée est bien sèche, on passe le doigt dessus : si l'or
s'attache au doigt, c'est que vous devrez ajouter un peu d'eau gommée. Si l'or, tout en se
maintenant bien sur le papier, présente un aspect terne, c'est qu'il y a trop de gomme
dans votre préparation. En ce cas, il vous suffira, pour la ramener à bien, d'y ajouter un
peu d'eau pure et d'or en poudre.
Tous ces essais sont affaire de quelques jours, l'expérience vous guidera peu à
peu et vous montrera qu'il est toujours préférable d'avoir à ajouter un peu d'eau
gommée. On emploie trois sortes d'or : l'or jaune dont l'usage est le plus fréquent, l'or
vert et l'or rouge, dont on devra se servir plus discrètement, mais qui donnent de
charmants effets dans les feuillages et certains rehauts d'ornements.
L'argent en poudre, si pur qu'il soit, noircit toujours à la longue. Aussi, pour les
ouvrages d'art soignés, lui a-t-on substitué le platine et l'aluminium, dont la trituration
est analogue et dont la qualité de ton, si elle est plus sourde d'aspect, est plus fixe et plus
durable.
J'ai dit plus haut qu'il était plus économique de se procurer l'or en poudre et au
gramme, cela est vrai pour les travaux de longue haleine et les enlumineurs de
profession, mais pour l'amateur qui peut craindre la déperdition de quelques parcelles de
poudre dans la manipulation, il est préférable de se servir des godets qui contiennent, ab
libitum, une, deux, trois, quatre et cinq gouttes, selon le prix qu'on veut y mettre et la
quantité dont on estime avoir besoin : cela est évidemment plus pratique.
25
Les Ors et leur Application.
__________
Ces fonds d'or mat s'appliquent comme une couleur ordinaire sur le vélin, à
l'aide de l'or en poudre préparé à la gomme arabique, et ne sauraient présenter la
moindre difficulté. Nous aurons à y revenir dans l'exécution d'un modèle en camaïeu or,
aussi n'y a-t-il point lieu de nous arrêter ici.
26
De l'Or en relief.
La pâte.
Ainsi qu'on l'a pu voir dans le procédé des anciens, le relief des ors n'était obtenu
qu'à l'aide d'une pâte préalablement apposée, pâte qu'on laissait prendre et sécher pour la
dorer ensuite. De même, aujourd'hui, chacun pourra faire faire la pâte à dorer en
s'appuyant sur les recettes anciennes qui ont servi de base à tous les produits
actuellement dans le commerce et dont le préparateur garde le dosage comme sa
propriété personnelle. Cette méthode se résume ainsi : Prendre de la colle de peau,
préparée spécialement pour les doreurs, la faire fondre en la mettant dans une petite
casserole en porcelaine allant au feu, jusqu'à ce qu'elle soit liquide, en évitant
l'ébullition : broyer avec soin du blanc d'Espagne et le pulvériser jusqu'à poudre
impalpable, puis verser cette poudre dans la colle liquide en tournant à mesure, à l'aide
d'un bâtonnet de verre; jusqu'à ce que le mélange soit bien complet et forme un
amalgame épais, mais non solide. Râper ensuite un peu de bol d'Arménie ou
vulgairement d'assiette à doreur, produit spécial qui se vend sous la forme de pâte dure ;
en mettre en quantité suffisante pour que la préparation se colore d'une légère teinte
marron et laisser refroidir. Après le refroidissement complet, cette préparation aura
l'aspect d'une pâte gélatineuse très dense, mais non dure.
27
mêlez cela avec la poudre jusqu'à ce que le tout forme une pâte très consistante qui
puisse être travaillée avec une brosse : ajoutez un peu de terre grasse d'Arménie pour
colorer et donner la richesse. Étendez une surface unie de ce Gesso sur votre lettre,
ajoutez de l'eau gommée pour la détremper si elle est trop dure ou trop épaisse : vous
pouvez élever la lettre ou l'ornement à la hauteur qu'il vous plaira, ayez soin seulement
de garder la surface bien égale et unie et, pour cela, procédez par couches successives
en laissant sécher chaque fois et après l'avoir soigneusement brunie, Lorsque l'embosse
est complètement unie, vous appliquez une substance collante, à laquelle l'or adhérera,
et nous allons vous indiquer cette substance telle que la composaient les enlumineurs du
temps passé. »
9
Nous disons en français, dans ce cas, que la colle est prise
28
pour un fonds. Si vous le mêlez au brun clair ou vert de mine, cela fera un ton bronze
qui peut être relevé avec de l'or pur ou ombré dans les bruns. »
« Le godet d'or est très utile pour les petites parties de dorure plate, quelquefois
aussi pour celles en relief. C'est une très bonne substitution à la feuille et d'une
application à la feuille ; dans quelques vieux traités, c'est la seule manière permise. On
peut adopter les indications suivantes : les parties qu'on veut dorer doivent être
couvertes avec une colle convenable ou du blanc d'œuf bien battu et délayé avec un peu
d'eau. Lorsque cela sera presque sec, on le peindra de nouveau avec le godet d'or. Ceci
sec sera bruni avec la touche la plus légère du brunissoir. Pour les grandes surfaces de
dorure plate, le papier d'or sera trouvé très utile : on peut le trouver prêt avec une forte
solution de glu et de sucre au dos, ce qui, mouillé, fait adhérer fermement à la surface
du travail. Quand elle sera étendue, on placera dessus une feuille de papier glacé, puis
on aplanira à l'aide d'une serviette ou d'un tampon10. Quand on a besoin d'un métal
blanc, nous recommandons le godet d'aluminium comme étant moins susceptible de
ternir que toute autre préparation. A la composition de ces godets, on ajoute un peu
d'eau qui, étant remuée avec un pinceau, les rend prêtes à être employées. »
Une préparation toute faite et qui est excellente est celle de Lucien-Anatole
Foucher, connue sous le nom de pâte- mixtion11.
Cette pâte-mixtion, de même qu'elle durcit vite à mesure qu'on l'applique, sèche
également dans le godet ou pot de la réserve : il ne faut donc pas craindre d'y ajouter de
10
Nous rejetons absolument l'emploi du papier doré, qui donnerait aux
enluminures un aspect vulgaire.
11
Cette préparation est le résultat de patientes recherches d'un savant moine
bénédictin de la congrégation de France.
29
l'eau lorsqu'on la fait fondre au bain-marie avant de s'en servir, car, fondue, elle doit
devenir très fluide. Et comme il arrive parfois qu'on rejette les meilleures préparations
faute d'en bien connaître l'emploi, je répéterai ici qu'il ne faut point tenter d'avoir au
premier coup le relief voulu, mais opérer avec patience, et revenir en plusieurs couches
minces successives jusqu'à parfait résultat. Si vous avez dans l'étendue quelque
inégalité, rectifiez avec un bon grattoir et polissez à la dent de loup.
Un point délicat est de savoir le degré de pression à donner avec la main sur la
dent de loup pour le brunissage des fonds.
Pour les gravés d'ornements en pointe sur les fonds mats, une très légère
pression analogue à celle qui préside à une écriture ferme suffit amplement. Travaillant
avec la pointe de l'agate, vous obtenez un bruni brillant d'autant plus net d'aspect que le
contournement de l'arabesque ou de l'ornement gravé sera lui-même plus net et plus
précis.
Pour le plein bruni, on doit d'abord polir la pâte à dorer, c'est-à-dire qu'après en
avoir égalisé les, formes au grattoir on y passe le talon de la dent de loup, puis, l'or
appliqué, on frotte vigoureusement en plaçant le travail sur un corps dur, la plaque de
verre, par exemple. Quelques auteurs recommandent l'interposition d'une feuille de
papier entre la dorure et la dent de loup afin d'éviter l'écaillage de l'or. Nous croyons
cette précaution superflue et hors d'usage chez les enlumineurs. L'agate est de nature à
approcher l'or sans le noircir, c'est même ce qui vous fera juger de sa belle qualité :
quant à l'écaillage, s'il se produisait, ce serait un avertissement heureux du peu de
solidité de votre dorure qu'il faudrait immédiatement retoucher pour éviter que cet
accident ne se produisît lorsque le travail sera hors de vos mains.
Enfin pour compléter nos renseignements sur l'application des ors dans
l'enluminure, nous extrayons du Traité de la Peinture à l'eau, par J. Adeline, la méthode
suivante :
« Les ors des nombreux anciens manuscrits qui sont parvenus jusqu'à nous, sont
en effet d'un relief et d'un éclat extraordinaires aujourd'hui encore. Si l'on veut obtenir
des ors aussi beaux et aussi éclatants, il faut suivre le procédé suivant, procédé auquel
nous donnerons le nom de « procédé Alfred Olivier », du nom d'un amateur rouennais
qui, en exécutant de forts beaux manuscrits, a été amené à étudier les procédés des
anciens et a trouvé le mode d'exécution suivant :
30
Le premier de ces mélanges n'est autre que le vulgaire mastic des raccommodeurs de
faïence, formé de chaux vive qu'on a laissé s'effriter à l'air et qu'on additionne
d'albumine ; le second est un mélange de sanguine et de vermillon que l'on applique à
chaud avec de l'albumine qui doit être chauffée avec grande précaution et au bain-marie,
de façon à ne pas être coagulée.
Cette pâte à gaufrer les ors doit être étendue assez épaisse, sans excès toutefois,
et elle doit produire sur le papier l'aspect d'un renflement allant en augmentant au centre
de la partie à dorer et s'amincissant sur les bords. C'est sur cette pâte à gaufrer que l'on
étend l'assiette à dorer.
« L'or peut être appliqué après séchage de la couche d'assiette, soit en feuille,
soit en poudre.
"On sait sous quelle forme l'or en feuille est livré dans le commerce. Dans un
petit cahier de feuilles de papier rougeâtre, séparées, isolées avec soin les unes des
autres, les feuilles d'or sont classées. Sous le moindre souffle, la feuille d'or se soulève
et se plisse ; en hâlant, au contraire, sur la feuille on l'étend ; elle s'applique, se colle,
adhère énergiquement sur une surface unie. Les ouvriers doreurs ont une extrême
habileté pour enlever au couteau cette feuille frissonnante au moindre souffle, pour la
manier, la retourner toujours à la pointe du couteau. Pour celui qui n'en a pas l'habitude,
ce maniement est assez difficile, et ce n'est qu'après plusieurs essais infructueux qu'on
arrive à enlever une feuille et à l'étendre sur le petit coussin d'étoffe dont se servent les
doreurs.
« C'est sur ce coussin que l'on coupe la feuille en petits morceaux à l'aide d'un
couteau spécial sans tranchant, qui, appuyé assez fortement sur la feuille, doit la séparer
avec netteté.
31
miniature étant toujours de peu d'étendue, sauf pour certaines parties, les coutures sont
faciles à éviter ; mais il faut toujours avoir présents à l'esprit les inconvénients qu'elles
peuvent produire pour ne pas se laisser entraîner à utiliser trop de petits morceaux d'une
matière fort chère ; car ce que l'économie conseillerait de faire doit, cette fois, être
proscrit par la raison. On enlève alors chaque morceau à l'aide d'un pinceau plat spécial
formé de très longs poils fins. Ce pinceau auquel les doreurs donnent le nom de palette,
doit toujours être conservé dans un état de propreté absolue, et il happe la feuille d'or
avec vivacité. On transporte ainsi cette feuille sur la partie à dorer et on la pose. Comme
elle adhère plus vivement sur la surface recouverte d'assiette et d'une couche de la
solution indiquée que sur le pinceau, elle se détache d'elle-même de ce pinceau. On la
tamponne légèrement avec un linge blanc très doux, et on la fait ainsi adhérer dans toute
son étendue. Moins elle fait de plis, meilleur sera le résultat. C'est alors qu'avec le
brunissoir, on frotte doucement d'abord, puis plus énergiquement, et l'or, qui était d'un
ton mat, devient brillant et d'un bel éclat.
« Une bonne précaution à prendre avant d'étendre les ors sur certains parchemins
un peu gras consiste à barbouiller de blanc d'œuf en neige la partie sur laquelle on veut
travailler. On laisse sécher, on frotte avec un chiffon de papier, et alors seulement on
commence les diverses opérations décrites plus haut. Lorsqu'on enlumine sur du papier
du Japon, il n'y a d'autre précaution à prendre que de ne pas froisser inutilement le
papier, qui, sous la moindre égratignure, perd son poli nacré et devient rugueux et
filandreux. Les ors posés, c'est alors seulement que l'on enlumine à l'aide des différentes
couleurs. »
32
Ainsi qu'on le voit, nous nous sommes étendus le plus possible sur la question
des ors, mentionnant les recettes connues qui nous ont paru les meilleures. Mais, il ne
faut pas se le dissimuler, la réussite de la dorure est la conséquence d'essais personnels
et d'observations suivies. Les préparations toutes faites, telles que la pâte Foucher et
celles dont nous indiquons la composition, ont été essayées par nous avec le plus grand
soin et nous en garantissons l'exactitude, donc elles sont rigoureusement bonnes et
durables. Si donc la pâte que vous avez composée ou achetée faite, durcit à la longue,
ajoutez un peu d'eau jusqu'à ce qu'elle se liquéfie à l'usage ; si au contraire elle est trop
claire, faites recuire au bain-marie jusqu'à consistance voulue. Mais ne vous rebutez
jamais, car la base étant assurée, il ne vous reste en somme qu'une fluidité convenable à
obtenir, et, je le répète, cette fluidité sera le résultat de vos observations personnelles.
De même pour les ors, dont l'emploi judicieux ne saurait s'acquérir au premier
coup, mais dont votre jugement corrigera peu à peu les inexactitudes jusqu'à la netteté la
plus complète. En un mot, il est en cette matière une clef à forger; forgez-la donc avec
conscience jusqu'à résultat parfait.
33
Leçons écrites
34
Feuille n° 1.
La Flèche, corps d'attache
de l'ornementation, s'exécutera en
or jaune, soit à plat, soit en léger
relief, petite épaisseur, car, l'ai-je
dit, il ne faut point abuser du relief
qui, dans un livre, établit une
distance d'épaisseurs entre chaque
feuillet et peut nuire à la bonne
présentation de l'ouvrage Les
arabesques, en tons variés de bleu
et de rouge soit vermillon ou
outremer additionnés de blanc de
gouache pour la première
apposition, fermes pour la seconde;
pour les ombrés, on ajoutera un peu
de carmin pour le rouge, de
l'outremer à nouveau pour le bleu.
Les feuilles attachées aux filets
seront exécutées en or plat ou léger
relief, soit toutes, soit en alternant
le plat et le relief. On pourra
conserver les filets imprimés ou les
rehausser de couleur, soit à la plume en délayant la couleur, soit au pinceau fin, ce qui
est toujours préférable, en employant la couleur comme pour les ornements. Ne jamais
oublier l'essayage de ce qu'on va poser, sur un papier ad hoc, puisque, dans
l'enluminure, plus que partout ailleurs, tout coup porte et que la réussite dépend de la
franchise d'une touche primesautière.
35
Deuxième feuille.
36
Troisième feuille.
On devra sur cette feuille essayer le fond d'or. Le travail minutieux du fond d'or
mat demande une certaine dextérité de main si vous ne voulez perdre le trait qui doit
vous guider pour les ornements. Pour cela nous pensons qu'il est préférable de partir de
l'ornement pour aller vers la limite du cadre extérieur, en faisant tourner le travail à
mesure qu'on avance. Les arabesques seront traitées en vert et rose foncé de la façon
suivante : pour le vert, mélange d'indigo, jaune indien ; blanc, de gouache, pour la teinte
mixte. Les rehauts en clair additionnés de blanc, les ombres à l'outremer, les roses
seront obtenus par un mélange de carmin et de blanc, une pointe de brun rouge pour la
teinte plate, avec addition de blanc pour les clairs, de carmin pour les ombres. Pour ces
deux tons on doit préparer dans un godet à part de la palette suffisamment de teinte plate
pour exécuter toute la feuille sans avoir de raccord de teinte à faire, car l'identité est
toujours difficile à obtenir ; de même, et pour ne point éclaircir ou foncer la teinte mère,
vous devez avoir deux pinceaux distincts pour les rehauts de clair ou d'ombre prendre
d'un pinceau dans le godet préparé et porter sur la palette la partie de teinte à foncer ou
éclaircir, et faire cette opération avec le second pinceau. De cette façon, la teinte mère
restera pure jusqu'à la fin du travail.
37
Quatrième feuille.
38
Deuxième leçon.
PAROISSIEN DE LA RENAISSANCE
D'après Geoffroy Tory, Lucas Cranach, Albert Dürer, etc.
39
GRUEL ET ENGELMANN, éditeurs à Paris
40
Troisième leçon.
DESCRIPTION ET COLORIS
de la
JEANNE D'ARC
De M. Van Driesten.
Inspirée des plus belles miniatures du xve siècle, cette page12 ', consacrée à la
gloire de la Vierge de Domrémy, rappelle, par sa composition, les plans heurtés, la
perspective naïve, l'éclat voulu des tons, le fini et l'abondance des détails, les oeuvres
contemporaines de Jeanne d'Arc.
12
Dimension de l'original : 0,64 x 84. Paris, Strauss, éditeur.
41
De sa main gauche, elle tient sa bannière de tarlatane blanche où elle avait fait
peindre sur des nuées le Sauveur que deux anges viennent adorer ; ce groupe repose sur
un arc-en-ciel. La hampe est dorée ainsi que la lance, le bout est en fer.
Derrière elle, son frère, Pierre d'Arc, armé de pied en cap, tenant l'épée de
l'héroïne et la contemplant. Au second plan, près de Jeanne, le hérault Montjoye tenant
l'oriflamme ; plus loin, un groupe formé du hérault d'armes de France tenant la bannière
royale, marchant à la droite de Charles VII dont l'armure d'or, le cimier en fleur de lys,
les manches et le bâton de commandement de pourpre, le cheval caparaçonné de France,
indiquent l'importance ; à sa gauche, d'Alençon avec son cimier en plumes de paon.
Dans le ciel, trois anges symbolisent la vie de Jeanne, le premier lui apporte un
cri de guerre Jhésus Maria, inscrit sur une banderole blanche, le second lui tend une
couronne, le troisième porte une palme d'or : voilà pour la miniature, l'encadrement
achève l'allégorie.
Autour de la composition, un motif d'or en relief, dans lequel se déroulent, reliés
par des entrelacs, des fleurons rouges et bleus rehaussés de gouache blanche, le tout
incrusté et finissant dans le haut par deux fleurs de lys en tons d'or.
Enfin, dans le bas, sont suspendues les armes de Jeanne d'Arc, que des anges
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semblent garder, et qui portent ses paroles au moment du départ pour Reims : Je ne
durerai qu'un an, il faut mettre cette année à profit.
enluminure.
On commencera par l'exécution du ciel qui comporte trois tons bien distincts : le
haut, composé de bleu d'outremer, d'ocre jaune, de terre de Cassel et de blanc d'argent.
La surface à couvrir étant fort grande, c'est à l'aide du pinceau de martre plat qu'on
étendra la teinte préparée en quantité suffisante pour bien couvrir sans reprises et en
procédant assez rapidement pour pouvoir, avant que cette partie ne soit sèche, y
juxtaposer le deuxième ton, partie médiane du ciel, plus pâle, et qu'on obtiendra par
l'adjonction de blanc et d'ocre jaune. On procédera de même pour le bas du ciel. Quand
les plans successifs du ciel sont posés, on place les nuages, composés d'une pointe de
noir d'ivoire et de blanc, et du ton le plus pâle du ciel. Puis on laissera bien sécher.
Lorsque les tons sont parfaitement secs, les contours et les silhouettes convenablement
sertis, on trempera le pinceau plat dans une eau très pure, et après l'avoir essoré sur un
chiffon, lui laissant cependant assez d'humidité pour impressionner la couleur, on
passera rapidement et par partie sur tout le ciel, et lorsque ainsi la couleur est rendue
maniable par l'humidité, on fond ensemble les tons préalablement juxtaposés et les
nuages, en lui donnant cette douceur qu'aucun autre mode ne saurait rendre.
L'opération sans doute, est fort délicate, et Fon ne saurait arriver à couvrir
nettement une aussi grande surface qu'après des essais successifs sur des surfaces plus
restreintes ; mais nous supposons que l'amateur qui entreprendra l'enluminure d'une
page aussi capitale n'est pas à son coup d'essai dans l'emploi des couleurs, et surtout de
la gouache qui, avons-nous dit, présente toutes les difficultés d'une peinture en
détrempe. Or, il faut bien se rendre compte que de la belle exécution du ciel dépend la
réussite complète de l'oeuvre entière à laquelle il sert de fond. On Ebauchera ensuite, à
plat, en commençant par les lointains du paysage avec le ton du ciel additionné d'un peu
de vert, mais en très faible quantité ; le château du fond est obtenu àplat par le ton des
nuages qui supportent les anges ; puis, se rapprochant progressivement, on continuera
par la verdure du paysage en ajoutant du cobalt et du jaune de chrome, puis les hauteurs
de droite en ajoutant de l'ocre brune, du bleu de Prusse et du chrome foncé. On
observera que le ton du ciel joue un rôle important, qu'il est la base de composition de
tous les autres, ce qui donne à l'ensemble une harmonie générale.
Le terrain du second plan, rendu par le même ton que celui des murailles les plus
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éloignées, donnera une opposition vigoureuse, et fera valoir les terrains du premier plan,
exécuté avec des couleurs aussi vigoureuses que le permet la gouache. Voilà donc tout
le paysage en place, et si nos tons sont justes (ce dont on s'assurera en s'éloignant un
peu), on aborde le sujet principal. Les anges, qui comblent le vide du ciel, seront,
comme les personnages du second et du troisième plan, obtenus par des tons posés à
plat, composés avec ceux qui ont servi pour le paysage et les fonds, ce qui conservera
aux premiers plans toute la vigueur voulue eu égard à l'importance du rôle qu'ils
remplissent dans la miniature. Une palette assez restreinte en somme suffit amplement à
ce travail : le bleu outremer ou le cobalt, le blanc, le noir d'ivoire, l'ocre jaune, l'ocre
brune, la terre de Sienne brûlée, le bleu de Prusse, le jaune de chrome, le vermillon et le
carmin, en tout dix couleurs, permettent, avec l'or, d'obtenir la multiplicité des tons que
compose un sujet aussi intense que celui qui fait l'objet de cette leçon.
Entrer dans de plus amples détails pour l'exécution de chaque personnage nous
parait superflu, attendu que ce qui constitue véritablement une œuvre d'art est
l'harmonie de l'ensemble. Or, on exécutera tous les personnages et attributs des premiers
plans en tons plus vigoureux sans doute, mais en y mêlant toujours des tons du ciel et
les gris. Des lointains, tout en s'inspirant pour le détail des miniatures du XVe siècle
dont on aura gardé le souvenir.
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Quatrième leçon.
LE LIVRE D'HEURES
de Mlle A. Guilbert.13
13 .
Gruel et Engelman, éditeurs à Paris; tiré à 500 exemplaires et 12 sur
parchemin.
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LE LIVRE D'HEURES de Mlle A. Guilbert
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Si dans le modèle vous voulez remplacer la couleur par l'or, variez les tons d'or
en exécutant les grosses tiges en or rouge, les petites en or jaune ou vert. De même que
pour la couleur vous ombrerez les tons d'or en ton sur ton de même nuance. Les petits
ornements qui se trouvent près du texte seront modelés en or avec points violets ou
rouges toujours modelés dans leur tonalité propre. Les relevés des feuilles ornementales
doivent toujours être d'un ton différent, afin d'en bien faire sentir l'opposition. En
résumé, on devra, suivant l'ornementation, répandre un ton général qui constitue
l'harmonie de la feuille sans opposition choquante ou heurtée. Enfin les lettres
majuscules devront se détacher en or sur un fond bleu ou rouge, ou en couleur sur un
fond or qui sera relevé de petits ornements brunis à la pointe. Les bouts de lignes seront
aussi variés que possible, mais toujours exécutés dans un ton général en harmonie avec
celui de la feuille qu'ils complètent.
D'après les quelques indications bien succinctes que nous venons de donner, on
voit qu'en suivant la même méthode il est aisé de peindre les autres feuilles du même
ouvrage. Il suffit de modifier le ton local de chaque feuille et de donner à celle-ci une
harmonie particulière qui la différencie des autres, afin d'obtenir un travail enluminé
selon les règles de l'art, et comprenant les qualités indispensables à la belle présentation
d'un livre d'heures, l'harmonie et la variété.
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48
anon d’ utel et iniatures
Cinquième leçon.
14
Desgodets et Gérard, éditeurs à. Paris.
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50
Vous passerez ensuite à la seconde partie du Canon, partie centrale la plus importante
comme décoration et que vous traiterez de la manière suivante. Encadrement rouge avec
intervalles bleus de pro omnibus jusqu'à offerens et contre la capitale Q de qui pridie.
Le sarment qui court le long de la bordure supérieure exécutée en or mat rechampi de
bistre sera rendu en or mat à feuille bleu cobalt, une ou deux en or mat pour en varier
l'aspect. La lettre initiale S du suscipe, sur fond de rouge passé, sera en bleu cobalt avec
rehauts de lumière en bleu plus clair, chargé de gouache blanche; les intérieurs de l'S, en
fond or et à feuilles vertes et fleurettes rouges éclairées de blanc. L'O de offerimus sur
fond bleu encadré d'un filet d'or, sera peint en rouge cerné de bistre; les feuilles de
l'intérieur de la lettre, en vert rehaussé d'or. Le Q de qui pridie sur fond rouge encadré
d'or sera rendu en bleu avec centre à fond d'or, orné de feuilles rechampies de blanc sur
fond noir ou bistre ; les fleurs en rouge dégradé, éclairées de blanc. L'S de Simili sur
fond d'or, en rouge avec myosotis bleu à points blancs, et feuilles vertes. Enfin l'H de
Haec quotiescumque, enclavée dans l'ornementation finale de la feuille, sera rendue en
rouge sur fond bleu, avec centre en or mat qui servira aussi de fond à l'ensemble de
l'ornement du cadre, le rinceau sera rendu en bistre clair avec intérieur en bistre plus
foncé, fleurs et ornements variés en bleu et en rouge, avec accent de lumière en ton plus
chargé de gouache blanche ou blanc pur.
Les bouts de lignes seront variés et rendus en rouge, vert, rouge, bleu, au milieu
desquels vous ferez un ornement en or à la pointe du pinceau, simulant un gravé et
également varié de formes, renversés, losanges, pointillés, etc. L'I de In spiritu et le V
de Veni sanctificator sur fonds très pâles en rouge et bleu avec fleurons en bleu clair
chargé en gouache blanche. Il vous faut, en ce qui concerne les fleurons extrêmement
légers qui se trouvent à l'intérieur des lettres, exercer votre mémoire et votre main â les
retrouver une fois le fond placé, car souvent l'imprimé disparaîtra complètement.
La miniature centrale sera rendue de la façon suivante le fond entre le sujet et les
dentelés en or mat avec rayons en bistre; Dieu le père, figure en teinte naturelle, ton
plat, barbe blanche, très légèrement de façon que l'imprimé vous donne les ombres et les
détails des yeux, du nez, de la bouche, etc., de même pour le corps et la tête du, Christ;
le manteau en rouge, avec intérieur vert olive, lumières gouachées, ombres en bistre; la
robe en rouge, même travail; la draperie de Jésus, en gris clair fait de blanc et une pointe
de noir, avec lumière en blanc pur, les creux en bistre; les auréoles, or bruni et rouge
foncé; les dents en bleu azur, l'arc-en-ciel du fond en rouge, dégradé, suivi d'un filet
blanc, de jaune, d'un autre filet blanc, enfin de bleu, le tout en teintes fondues; le fond
des écoinçons en gris perle afin de s'harmoniser avec la robe des anges qui sera rendue
en gris plus clair, et dont les ailes seront peintes en rouge et vert, tons dégradés, et la
partie supérieure à la gouache blanche pour la lumière; les deux ornements du bas fond
sur bistre en rouge et en jaune, le reste des feuilles et ornements en vert et jaune variés,
le. Vert juxtaposé au bleu, le jaune au gris; enfin le filet de l'encadrement sera en bistre
clair, rechampi d'un trait de même couleur en beaucoup plus foncé.
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La troisième partie du canon, Suscipe sancta trinitas, sera exécutée dans la
même harmonie et par conséquent les mêmes tons que les deux premières, en ayant soin
d'intervertir les couleurs de façon à avoir un rouge vis-à-vis d'un bleu, par exemple pour
les bouts de lignes, et puisqu'il y en a davantage dans cette feuille, on ajoutera le vert
pour les bouts de lignes 2 et 5. De même dans l'encadrement, on fera le fond rouge du
bas de la grande capitale au sommet de la capitale D de Domine où l'on prendra le bleu
jusqu'au bas de la capitale P de Perceptio pour reprendre le fond rouge. Les ornements y
seront en or mat comme précédemment. La grande capitale S à miniature de Suscipe
sera exécutée comme celle de la première partie sur fond or, mais avec la lettre S en
bleu azur très clair avec gravés en blanc pur. La miniature comme il a été dit, avec
tunique en vert olive et manteau en rouge passé.
Il faut, je l'ai dit, que l'aspect général de la feuille soit dans une harmonie douce
à sans coloration heurtée, et si vous vous procurez le modèle en couleur, veillez à ce que
votre peinture soit plus fondue et plus tendre d'aspect que celle de la
chromolithographie, dont les couleurs broyées à l'huile ne peuvent donner l'harmonie
des couleurs en gouache préparées au miel et à l'eau.
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Je dois aussi mentionner les deux prières : Sursum corda... du R. P. de
Ravignan, et celle de Monseigneur de la Bouillerie : Songeons en ce beau jour... qui
pourront vous servir de type pour les images et souvenirs de première communion et de
mariage. Dans le Sursum corda, le corps de la chimère qui se prolonge en filet
d'ornement et contourne l'image sera peint en bleu d'azur clair rechampi d'un filet blanc,
ombré à droite en bleu pareil plus foncé. La tête de la chimère en rouge ; en rouge
également la flèche qui descend à droite jusqu'au bas de la feuille; les feuilles en tons
pareils variés rouges, bleus et verts. Le fond de la lettre et de la partie gauche, ad
libitum, en or mat ou bruni. La seconde image sera peinte, les roses en tons naturels,
c'est-à-dire en ton de laque étendu d'eau et de blanc pour les clairs, laque pure pour les
ombres. Les feuilles en vert naturel, les ornements et rinceaux en laque foncée ou mêlée
de bistre. La vigne qui serpente sur la droite en or mat ou bruni et filets or. La coupe du
bas en or mat avec brillants en bruni pour les lumières, les pigeons, couleur naturelle, en
gris et blanc ; de même pour le lis qui est au centre du vase, fleurs en blanc avec pistils
en jaune et feuilles vertes. La capitale sera, en, bleu d'azur rechampi de blanc sur fond
or niellé de bruni à la pointe et agrémenté des fleurettes en rouge pâle avec touches en
plus clair pour la lumière.
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Je ne puis, dans le modeste cadre de cette brochure, aborder des modèles plus
compliqués, mais à l'aide de ces quelques conseils, je pense que vous pourrez tirer les
éléments nécessaires à l'enluminure d'autres modèles que vous vous choisirez vous-
même, en appliquant les principes généraux que nous venons de voir pour obtenir un
aspect agréable et de bonne harmonie.
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ivres de ariage
Nouveautés diverses.
ANS la première édition de notre traité, nous émettions l'avis que les
amateurs ainsi que les artistes devraient, selon nous, s'affranchir peu à peu
des traditions trop exclusives du passé, conservées jusqu'à ce jour pour les
travaux d'Enluminure, et chercher en des compositions originales un style nouveau pour
l'illustration et le coloris des livres d'heures et des livres de mariage. M. Massin, de la
maison Bouasse-Lebel, à Paris, a eu l'heureuse idée de créer un type qui peut servir de
modèle à ce genre de composition. Les matériaux ayant servi aux habiles artistes qui ont
composé ce nouveau missel se trouvent à peu près tous dans la belle collection de l'Art
pour tous. Cette ornementation emplantée aux styles du temps passé, au style japonais
même, constitue véritablement un art nouveau, et, disons-le, très en rapport avec notre
époque toute mondaine. En blanc, je veux dire sans texte, ce livre a en outre l'avantage
de pouvoir servir à illustrer toute espèce de poésies, manuscrits personnels, etc... Les
feuilles que nous publions donnent une idée très exacte du goût d'arrangement et de la
pureté de dessin de cet ouvrage qui sera, croyons-nous, très favorablement accueilli.
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'art moderne
Enluminure Symbolisme.
Or, ce qui nous charme particulièrement en ces artistes délicats du temps passé,
c'est, à n'en pas douter, l'apparente immatérialité de leurs œuvres.
Et voici qu'une école toute moderne, dont l'initiateur, sans conteste, a été Puvis
de Chavannes, tend au retour de la représentation de cette apparente immatérialité.
Il faut de suite s'expliquer sur cette qualification d'apparente que nous répétons
à dessein, et dire combien grossière est l'erreur qui dénie aux Maîtres Enlumineurs toute
science anatomique, toute observation de nature. A ne voir que les maîtres de premier
rang - et ceux-ci seuls doivent nous occuper- on y trouve au contraire le rendu, ou pour
être plus exact, l'expression des formes les plus correctes, mais enveloppées d'un
contour à ce point simplifié, et pour ainsi dire immatériel qu'il constitue ce que
l'esthétique appelle le Style.
Mais parce que les Enlumineurs n'ont appliqué leur art qu'à la représentation des
idées religieuses, des scènes de l'ancien et du nouveau testament, ou encore aux
allégories mythologiques, on a voulu voir, dans l'école, qui, avec juste raison, a protesté
en prenant le nom de Néo-symbolistes, un retour vers l'art des temps passés.
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Il n'en est rien, croyons-nous, et cette école a en soi trop de sève et de vigueur
pour être traitée d'imitatrice. Qu'elle cherche à rendre par des procédés analogues d'un
style voulu l'expression de sa pensée, soit : mais là s'arrête toute assimilation possible.
Nous admettrons, n'est-ce pas, que le rendu visible, l'œuvre peinte d'un artiste,
n'est autre chose que l'expression de la pensée humaine, et que plus l'artiste s'élève dans
l'ordre des idées supérieures et extra-terrestres, plus elle est elle-même d'ordre élevé,
plus grand est le génie de celui qui l'a créée.
Or, là où les Enlumineurs du moyen âge n'ont rendu que l'allégorie qui part de la
comparaison des objets réels entre eux et de leur expression pour rendre la pensée, les
néo-symbolistes, cherchant plus haut, scrutant plus profondément, extraient pour ainsi
dire de la nature le symbole de leur conception. Qu'est-ce donc que le symbole? — Est-il
né du cerveau moderne ?
On peut donc dire qu'il n'y a point d'art sans symbolisme et que plus l'artiste
rapproche l'expression tangible, la représentation des choses de nature, de l'idée conçue,
plus il touche aux confins extrêmes de l'art. On voit par là que les néo-symbolistes, pour
rénovateurs qu'ils sont, n'ont rien inventé, et, que Léonard de Vinci, Fra Angelico furent
les premiers symbolistes de la beauté troublante ou de la foi religieuse comme aussi
(voilez-vous la face, ô modernes) Rubens a été le plus grand symboliste de la matérialité
remuante et profane, alors même qu'il a voulu nous montrer la Vierge ou le Christ
expiré.
Au vrai donc, le symbole n'est autre chose que le caractère appliqué si l'on veut,
aux idées supérieures et extraterrestres, mais dont l'expression part toujours de
l'observation de la nature.
Or, cette observation de nature est individuelle et ici nous rentrons dans une
opinion exprimée bien des fois, savoir que ce que nous aimons dans œuvre d'art, c'est
l'artiste lui-même, ou mieux sa pensée, l'idée qu'il a rendue et sa manière habituelle de
la rendre. Et plus l'expression traduite qu’il nous en donne est d'un style simplifié, plus
il s'élève en notre esprit. En cela, l'école symboliste nous paraît d'ordre tout à fait
supérieur, puis qu’elle cherche une forme nouvelle pour rendre sa pensée, forme puisée
aux sources de nature, mais dont le rendu tend, par l'élévation du style, à sortir de plus
en plus de l'ordre matériel.
Que manque-t-il à la plupart des jeunes artistes qui suivent la voie nouvelle ?
Simplement un peu de cohésion dans les procédés employés pour traduire leur pensée,
de façon que leurs œuvres, deviennent plus intelligibles à la masse des spectateurs, car,
ainsi que pour tous les arts d'ailleurs, si quelques délicats indiquent l'excellence d'une
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œuvre, elle n'est définitivement consacrée que par l'universelle approbation.
Une objection qui a souvent été formulée est que la peinture ou le dessin, entrant
dans cette voie, sortent de leur domaine propre pour entrer dans celui de la poésie.
Qu'importe, si l'artiste arrive à parfait résultat et s'il nous communique la, jouissance de
l'idée conçue. — Pour notre part, nous ne saurions rabaisser un art qui en implique un
autre, ou l'accompagnant, semble faire corps avec lui, et ce n'est certes pas déplaisir
pour nous que de citer des strophes accompagnant une œuvre dessinée, et si nous avons
pris pour premier exemple E. Rocher, c'est que son œuvre, jusqu'à ce jour accessible au
plus grand nombre, et d'une intelligence aisée, nous a paru rendre bien nettement la
première phase du symbolisme.
Que lisons-nous, en effet, dans ces deux dessins ? Pâques, cette version
mystique d'une fête déjà symbolisée donne lieu à un commentaire qui affirmera ce que
l'esprit semble y lire. C'est par un frais matin d'avril où, parmi tant d'éclosions, celle-ci
ajoute. sa mysticité; tandis que, dégagé de sa coquille brisée, l'enfant sourit à toutes
choses qui lui semblent merveilles, la main de l'Universel commence à filer ses jours, et
c'est le premier songe que le fuseau dévide lentement, épanouissant un grand lys où une
mésange tente de se poser mais l'enfant, dans son ignorance du mal, ouvre la main, et
d'un geste essaye de la saisir. C'est si joli ! Ça remue. Oh ! Comme il l'aurait serrée, s'il
l'eût attrapée.
Les cloches se profilant au loin, surgissent des nuages, comme une image de la
Foi qui devra partout accompagner la jeunesse, et le cadre complète le symbole par la
communion de cette fleur mystique, dont les théories s'étagent d'une façon bizarre,
inattendue.
E. Rocher veut-il exprimer son idée de Pâques par la poésie, il la résume en ces
trois strophes.
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entrecoupées de banderoles nuageuses. Les fleurs, que devrait éloigner la saison
rigoureuse, complètent cependant l'ornementale décoration et forment, pour ainsi dire,
l'apothéose de la Nativité.
Ainsi toute l'œuvre de l'École symboliste peut être analysée, et il serait superflu
de multiplier les exemples15, mais nous croyons avoir fait œuvre utile en décrivant ainsi
la pensée d 'un très jeune artiste dont le talent, tout à son aurore et plein de promesse,
puise sa source aux théories de la nouvelle École toute pleine de suggestive imagination,
et qui, très certainement, dépassera dans le domaine de Fart celle des impressionnistes
qui n'a fait que des œuvres habiles mais sans portée philosophique, sans envolée dans
l'au-delà des choses de ce monde.
Et c'est par là, mais par là seulement que les symbolistes se rapprochent des
enlumineurs du moyen âge, arrivant à point, à une époque où blasés des réalités toujours
vues et vécues, sans cesse représentées par un art plus que matériel, surtout en ces
dernières années, les esprits se tournent vers un monde supérieur, baigné d'idéal et de
douceur infinie.
15 On étudiera très utilement le dessin original de la couverture du rêve par Schwabe, véritable chef-d’œuvre qui figure
au Musée du Luxembourg.
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ppendice de la 3e dition
des Manuscrits.
64
Neuvième siècle.
(IX )
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Dixième siècle.
(Xe)
Le dessin que nous donnons ici représente une scène de l'Apocalypse : l'apôtre
saint Jean ayant la vision de la Vierge couronnée de douze étoiles et les pieds posés sur
le soleil et la lune; devant elle, le dragon roux aux sept têtes, entraînant avec sa queue la
troisième partie des étoiles du ciel (Apoc., ch. 12, vers. 4); en bas, à gauche, sont les
anges qui vont combattre le dragon (Id., y. 5).
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Onzième et Douzième siècles.
(XIe ET XIIe)
PRES l'an mil, l'ère de barbarie que l'on venait de traverser refait place, en
France, à la culture des travaux intellectuels, les écoles épiscopales et
monastiques se multiplient et reprennent une vie nouvelle. Les Calligraphes
et les Enlumineurs de ces pieuses retraites ne travaillent pas seulement pour leurs
maisons, leurs œuvres se répandent aussi dans les couvents voisins, l'art des miniatures
du XIe et du XIIe siècle offre trop peu de .différence pour constituer deux styles
différents. Le fantasque s'est introduit dans l'art, et dans les marges ce ne sont plus
qu'enroulements capricieux et réguliers tout à la fois. Les grandes lettres ornées
commencent à servir de cadres à des miniatures représentant des scènes du texte qu'elles
accompagnent. L'F de notre gravure représente saint Zacharie, père de saint Jean-
Baptiste, offrant l'encens à l'autel des parfums lorsqu'un ange lui apparaît pour lui
annoncer la naissance du Précurseur. L'S est une scène de la présentation de Jésus-
Christ au Temple. La Vierge et le vieillard Siméon l'élèvent dans leurs bras; sur l'autel
sont les oblations traditionnelles, une paire
de tourterelles et de petites colombes.
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Treizième siècle
(XIIIe)
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Quatorzième siècle.
(XIVe)
ANS les belles miniatures du XIVe siècle, l'exécution devient d'une finesse
remarquable ; alors plus de ces gros contours à l'encre de Chine
précédemment en usage; le trait lui-même disparaît quelquefois tout à fait. Cela tient à
ce qu'au lieu d'être toujours à la plume, il l'est plus souvent au pinceau, et aussi, au lieu
d'aquarelles aux couleurs transparentes, nous avons des gouaches dont les teintes plus
épaisses couvrent entièrement ce trait.
Deux autres genres de peinture qui dénotent déjà certain raffinement de l'art, et
dont l'un n'est, à proprement parler, que la conséquence de l'autre, viennent s'ajouter
alors à la miniature multicolore : le camaïeu et la grisaille.
De même que le XIe siècle avait été pour ainsi dire l'introduction du XIIe, l'art de
la fin du XIVe peut être regardé comme le commencement du XIVe : sans grande
distinction de style, c'est le même art à des degrés différents de perfection. C'est après le
milieu du XIVe siècle que s'établissent bientôt dans le midi de la Belgique des maîtrises
pour les peintres, des. Confréries de Saint-Luc qui fourniront des artistes laïcs
travaillant, concurremment avec les moines, à enluminer les livres sacrés.
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Quatorzième et Quinzième siècles-
(XIVe ET XVe)
L'effet est mieux entendu et l'harmonie de l'ensemble plus parfaite : on sent que
les miniaturistes, au moment des progrès matériels de la peinture à l'huile, ayant eux-
mêmes perfectionné leurs matériaux, ont poussé leur exécution jusqu'au rendu le plus
délicat et le plus fin. Tels sont les résultats qu'on peut voir dans nos deux pages de
Livres d'Heures : apparition de l'ange aux Bergers dans la nuit de Noël, et
l'Annonciation.
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Quinzième siècle.
(XVe)
AGE de missel très pure, de style Ave pur, représentant, sur une grande
miniature, le jugement dernier : on voit au haut le Christ assis sur un arc-en-
ciel, les deux mains levées et tenant sous ses pieds un globe rose; toutes ses
plaies saignent. Sous son nimbe, à droite, une branche d'arbuste à fleurettes rouges ; à
gauche, une épée la garde en dehors: au-dessus, de jolis anges portant les instruments de
la Passion. A gauche de Jésus, au bas de l'arc-en-ciel, saint Jean, vieux et à genoux, à
droite, la Vierge posée de même; derrière chacun d'eux un ange sonnant d'une espèce de
trompette repliée deux fois sur elle-même. Sur le sol, les douze apôtres assis sur deux
bancs, six de chaque côté; autour d'eux, les morts, figurés par des enfants, sortent de
leurs tombeaux. Le Christ est le plus grand de tous les personnages; au-dessus de sa tète
est l'écriteau J. N. R. I. Au bas, on voit le sceau de Dieu, avec fleurs de lis entre les
branches de la croix.
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Seizième siècle.
(XVIe)
EST surtout dans la peinture des manuscrits que la Renaissance italienne eut
une influence en Flandre. Autant les maîtres flamands restent eux-mêmes
dans leurs tableaux, autant les miniaturistes et les enlumineurs sont
impressionnés par la perfection italienne. Le dessin s'affine et se purifie, l'idée n'est plus
la préoccupation exclusive de l'artiste, là forme marche de pair avec elle. L'anatomie et
la perspective sont partout enseignées grâce aux traités spéciaux répandus par
l'imprimerie. L'ornement a retrouvé une partie de cette ampleur qui caractérise l'antique,
tout en conservant, en même temps, un souvenir assez marqué de sa coquette
irrégularité pendant les périodes qu'il vient de traverser. Les enroulements d'acanthe
surgissent partout â côté de ces palmes contournées et sinueuses que nous avons vues
naître au Nive siècle. Les lettres sont pour la plupart ornées de rinceaux et d'arabesques;
d'autres, imitant la gravure, sont dessinées à la plume avec un talent remarquable et
composées de feuillages variés. Et pourtant, semblable au flambeau qui s'éteint, cet art,
qui jette alors un si vif éclat, est bien près de mourir, trop de science, pour ainsi dire, et
une trop grande perfection ayant détruit peu à peu la grande naïveté des premiers temps,
naïveté si nécessaire à l'idée religieuse et mystique de tous les travaux d'art des Imagiers
et des Enlumineurs.
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