Livre Micro Comp2
Livre Micro Comp2
Livre Micro Comp2
à la
microéconomie
Murat YILDIZOGLU
Université Paul Cézanne
Edition libre
Creative commons - Edition libre
Avant-propos
Ce document regroupe les différents cours de microéconomie que j’ai mis depuis
plusieurs années à la disposition des étudiants sur mon site web. J’ai pensé que les re-
grouper dans un document unique faciliterait l’accès à ces éléments. Il me paraît utile
de proposer un manuel de base de microéconomie gratuit à tous les étudiants. Vous
pouvez librement utiliser ce livre électronique. Je vous serais reconnaissant de m’indi-
quer les erreurs et les coquilles que vous découvrirez dans ce texte. Vous pouvez me
contacter par courriel : [email protected]. Si vous le désirez, vous
pouvez acheter une version relié de cet ouvrage chez Lulu.com :
http ://www.lulu.com/content/4826103.
Marseille, 22 avril 2009, version 1.2
Murat Yıldızoğlu
Université Paul Cézanne
GREQAM
http ://www.vcharite.univ-mrs.fr/PP/yildi/index.html
iii
iv
Table des matières
1 Introduction 1
1.1 Objets et méthodes de la micro-économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Synopsis de l’ouvrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
I Production de biens 13
2 Production de la firme 15
2.1 Facteurs de Production et la représentation de la technologie . . . . . . . 16
2.2 La fonction de production : la firme en tant que boîte noire . . . . . . . . 16
2.3 Rendements d’échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.4 Isoquantes et le taux marginal de substitution technique . . . . . . . . . 28
2.5 Deux exemples : fonction de Cobb-Douglas et fonction de Leontief . . . 36
4 Fonctions de coûts 59
4.1 Minimisation des coûts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.2 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
4.3 Coûts à long terme et coûts à court terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
4.4 Coûts fixes et coûts quasi–fixes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
4.5 Les courbes de coût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
4.6 Coûts marginaux et coûts variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
4.7 Rendements d’échelle et les fonctions de coût . . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.8 Choix de capacité de production et fonction de coût de long terme . . . . 71
v
5.6 Profit et surplus du producteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
5.7 La courbe d’offre à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
II Consommation de biens 89
vi
11.4 Une autre décomposition : L’effet de substitution de Hicks . . . . . . . . 142
16 Le monopole 189
16.1 Monopole et Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
16.2 Sources d’une situation de monopole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
16.3 Équilibre du monopole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
16.4 Un exemple : la demande linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
16.5 Inefficacité du monopole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
16.6 Charge morte du monopole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
16.7 Monopole “naturel” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
16.8 Discrimination par les prix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
16.9 Innovations et monopole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
16.10La concurrence monopolistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
16.11La firme dominante et la frange concurrentielle . . . . . . . . . . . . . . . 204
vii
17 Analyse des oligopoles 207
17.1 Oligopole : Définition et causes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
17.2 Le duopole et la concurrence en quantité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
17.3 Concurrence en prix : Duopole de Bertrand . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
17.4 Coopération et formation des cartels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
17.5 Quel modèle pour l’oligopole ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
viii
Table des figures
ix
4.1 Exemple de CFM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
4.2 Exemple de CV M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
4.3 CM = CV M + CFM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.4 Relations entre les courbes de coût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
4.5 Coût variable et coûts marginaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.6 Rendements d’échelle constants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
4.7 Rendements d’échelle croissants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
4.8 Rendements d’échelle décroissants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
4.9 Evolution des rendements d’échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
4.10 Choix parmi un ensemble fini de tailles possibles . . . . . . . . . . . . . . 73
4.11 Choix parmi un ensemble continu de tailles possibles . . . . . . . . . . . 74
4.12 Choix parmi un ensemble continu de tailles possibles . . . . . . . . . . . 74
x
8.4 Biens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
xi
14.5 Multiplicité des équilibres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
14.6 Ofrre concurrentielle de long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
14.7 Ajustements vers l’équilibre de LT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
14.8 Convergence vers l’équilibre de LT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
14.9 Courbe d’offre de LT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
14.10Surplus social (Q quelconque) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
14.11Surplus social à l’équilibre du marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
xii
Chapitre 1
Introduction
1
cette validation n’est pas toujours aisée mais sans elle nous ne pouvons compter sur les
théories développées pour comprendre le Monde qui nous entoure. Les mathématiques
n’assurent bien sûr que la cohérence interne de ces théories et non pas la pertinence de
leurs hypothèses. D’autres outils relevant des statistiques et de l’économétrie doivent
être mobilisés pour cela, ainsi que le raffinement continu des observations que nous
possédons sur le Monde économique (les bases de données statistiques pertinentes).
L’économiste doit donc maîtriser tout un ensemble d’outils pour conduire son analyse
et cela le rapproche dans une certaine mesure de l’ingénieur.
Avec cette démarche l’analyse économique aborde des questions de niveaux assez
différents : le chômage dans l’économie nationale, l’inflation monétaire, la balance com-
merciale du pays, mais aussi, l’offre de travail des ménages, la formation des prix sur un
marché, les stratégies des entreprises et les processus de concurrence entre les firmes.
La dernière partie des questions que nous venons d’évoquer concerne les comporte-
ments des agents individuels dans l’économie (entreprises et ménages). Ces questions
sont abordées par l’analyse microéconomique qui fait l’objet de cet ouvrage. Les ques-
tions de la première partie concernent des phénomènes plus agrégés, qui ne sont obser-
vables qu’au niveau d’une économie nationale (un individu peut être au chômage mais
le niveau du chômage dans l’économie ne peut être défini au niveau de l’individu). Ces
questions sont abordées par l’analyse macroéconomique. Même si l’économie forme un
tout, il n’est pas toujours aisé de connecter ces deux niveaux et des approches que les
économistes essaient de développer depuis une vingtaine d’années cherchent à combler
cette lacune (que cela soit en fournissant des fondements microéconomiques à l’analyse
macroéconomique, ou par la modélisation à base d’agent qui essaient d’abolir cette sé-
paration en cherchant à démontrer que les propriétés macroéconomiques ne sont que
les propriétés émergentes d’un système composé d’agents économiques multiples qui in-
teragissent sur les marchés et dans les organisations économiques).
L’objet de cet ouvrage est l’analyse microéconomique. Le reste de ce chapitre sera
consacré à la discussion de certaines propriétés générales de cette analyse. La dernière
section présentera brièvement le plan de l’ouvrage.
2
fluencer les résultats de ce processus (comme les politiques industrielles, par exemple).
Grâce au développement des techniques de type recherche opérationnelle ou de gestion
scientifique, les concepts de la microéconomie ont été utilisés pour aider la prise de déci-
sion rationnelle dans les affaires. Les concepts, relativement abstraits, de cette approche
ont donc donné lieu à des prolongements et à des applications qui influencent chaque
jour le fonctionnement du processus économique.
Nous allons maintenant aborder les composantes principales des théories microé-
conomiques.
3
que nous avons distinguées : la nature ; le lieu et la période de disponibilité. On parle
alors de la loi du prix unique.
Le prix d’un bien peut être exprimé de deux manières. Premièrement, nous pouvons
choisir un certain bien dans l’économie comme numéraire ; tous les prix sont alors ex-
primés en termes de ce bien. Si par exemple le numéraire est l’or, le prix de chaque
bien indique combien d’unités d’or il faut donner en échange d’une unité de ce bien.
Le prix de l’or est naturellement égal à 1. En principe n’importe quel bien peut être
retenu comme numéraire (sur certaines îles on utilisait les coquillages comme numé-
raire). Néanmoins certains biens conviennent mieux que d’autres à cette fonction pour
faciliter les transactions de marché. Les biens qui ne sont pas divisibles, ou qui sont
encombrants ou encore qui se détériorent facilement ne peuvent convenir en tant que
moyen de paiement.
Nous devons aussi préciser que dans cette optique le numéraire ne correspond pas
vraiment à un moyen d’échange ou à la monnaie. Il s’agit uniquement d’une unité de
compte, ou d’une unité de mesure pour les prix d’une économie. Une fois le numéraire
fixé, les prix expriment le taux de change entre les biens et ils ont la dimension (unités
de numéraire/unités du bien). Par conséquent, ces prix ne sont pas indépendants des
unités de mesure des différents bien. Par exemple si l’on double les unités de mesure
de tous les biens sauf le numéraire, il faudrait multiplier par deux tous les prix (si ce
n’est pas clair pour vous, réfléchissez-y à l’aide d’un petit exemple).
L’autre manière que nous pouvons utiliser pour fixer les prix n’implique pas l’utili-
sation d’un numéraire. En effet, nous pouvons décider qu’il existe une unité de compte
abstraite qui n’est pas la quantité d’un bien physique. Il s’agit de l’unité qui est uti-
lisée dans l’enregistrement des transactions dans les comptes : si une unité d’un bien
est vendue alors le compte est crédité du prix de ce bien (nombre d’unités de compte
qui correspond à ce bien) et si une unité d’un bien est achetée, le compte est débité
du même nombre d’unités de compte (de nouveau le prix du bien). On donne en gé-
néral un nom à cette unité de compte : l’Euro, le Yen, le Dollar ou la Livre sterling. Si
les comptes sont tenus dans des unités différentes, un taux de change entre ces unités
doit être établi avant que les transferts d’un compte à l’autre puissent avoir lieu. Nous
noterons ces prix monétaires sous la forme : pl = le prix du bien l.
Ces prix, exprimés en termes d’unités de compte, correspondent à la manière dont
les prix sont fixés dans la réalité. Ils ont été adoptés à la suite du développement d’un
système bancaire (pour tenir les comptes). Néanmoins on peut rétablir une correspon-
dance claire entre ces prix en termes d’unités de compte abstraite et les prix en termes
de taux de change entre les biens. Supposons qu’il y ait n biens dont les prix en e sont
p1 , p2, . . . , pn . Nous pouvons alors prendre le prix de n’importe quel bien, par exemple
le bien n, et former n ratios qui expriment le prix des biens en termes de ce bien qui
devient alors le numéraire :
p1 p2 pn
r1 = ; r2 = ; ... rn = =1
pn pn pn
Nous pouvons interpréter chaque r j, , j = 1, 2...n ; comme étant le nombre d’unités du
bien n qu’on doit échanger contre une unité du bien j : les taux de change en termes de
4
marchandises avec n comme numéraire. Chaque r j a maintenant la dimension (unités
du bien n / unités du bien j) :
pj e e unités de n
= ÷ = , j = 1 . . . n.
pn unités de j unités de n unités de j
Ainsi chaque r j nous indique le nombre d’unités de bien n que nous pouvons acheter
en vendant une unité du bien j et en consacrant tout ce revenu (p j unités de compte) à
l’achat de bien n. Les r j sont des prix relatifs.
5
marché d’un bien et service réalise la confrontation des offres et des demandes et il
conduit à la détermination d’un prix. A un moment donné, nous allons observer sur un
marché des vendeurs qui essaient de vendre le bien à des prix différents et les consom-
mateurs qui cherchent à l’acheter au prix le moins cher possible. En fonction des ren-
contres entre ces agents, les prix des biens disponibles vont changer. Etant donné que
nous considérons que les unités échangées sur le marché sont identiques du point des
vues des trois caractéristiques, les échanges ne vont se stabiliser que quand le marché
atteint un prix unique auquel tous les consommateurs qui voulaient acheter le bien à ce
prix pourront le faire et tous les vendeurs qui voulaient le vendre à ce prix trouveront
un acheteur : les décisions d’achat et de vente seront parfaitement compatibles dans ce
cas et nous appelons un tel état du marché l’équilibre du marché et le prix correspondant,
le prix d’équilibre. Nous pouvons représenter l’équilibre d’un marché dans la figure 1.1.
On représente en abscisse les quantités totales proposées (pour l’achat et pour la vente)
sur ce marché à une période donnée, pour des différents prix de marché. La courbe
décroissante correspond aux quantités que les agents sont prêts à acheter pour chaque
prix de marché (la demande) : plus le prix est élevé, moins d’agents désirent acheter
de ce bien. La courbe croissante correspond aux quantités que les agents acceptent de
vendre sur le marché pour des différents prix (l’offre) : plus le prix est élevé, plus ils
sont prêts à vendre. Nous allons étudier la construction de ces courbes plus loin dans
cet ouvrage.
Le seul prix où les désirs des acheteurs et ceux des vendeurs coïncident est p∗ : c’est
le prix d’équilibre ; il égalise l’offre et la demande sur le marché. A ce prix, tous les
agents qui étaient prêts à vendre ce bien vendent exactement les quantités qu’ils dési-
raient vendre et tous les acheteurs achètent exactement les quantités qu’ils désiraient
acheter. Ces quantités sont égales à Q∗ , la quantité d’équilibre. On observe que pour
tous les autres prix on a
– soit la demande supérieure à l’offre (demande excédentaire - le cas de p1 ) ;
– soit l’offre supérieure à la demande (offre excédentaire - le cas de p2 ).
On peut aussi imaginer qu’à partir d’une des deux situations précédentes, on tende
vers la situation d’équilibre grâce à un ajustement des prix. Si l’on part d’une situation
d’offre excédentaire, on observe que le prix est trop élevé pour que toutes les quantités
que les vendeurs voudraient écouler soient achetées. Dans cette situation, ils peuvent
être amenés à réviser leur prix à la baisse de manière à attirer de nouveaux consomma-
teurs et vendre toute leur offre. Cette baisse doit alors continuer jusqu’à p∗ pour que
toute l’offre puisse être absorbée par la demande. En partant de p2 , on tend donc vers
p∗
Jusqu’ici nous avons parlé d’acheteurs et de vendeurs. Nous allons voir plus pré-
cisément dans le paragraphe suivant qui sont les agents économiques que nous allons
considérer dans ce cadre microéconomique.
6
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7
1.1.4 Les agents économiques
L’unité de base de l’analyse microéconomique est donnée par les agents écono-
miques individuels (d’où le terme microéconomie). Ces agents sont généralement de
deux types : les consommateurs et les firmes (ou producteurs, ou entreprises).
Un consommateur est un individu qui peut posséder un certain stock de marchan-
dises (sa dotation initiale qui fait partie de sa richesse) et qui choisit une certaine quantité
de chaque bien qu’il décide de consommer. Ces quantités et sa dotation initiale déter-
minent alors les quantités de chaque marchandise qu’il désire de vendre ou d’acheter
sur les marchés correspondants. On peut aussi raisonner en considérant que la dotation
initiale du consommateur prend la forme d’un revenu exprimé en termes d’un numé-
raire ou d’unités de compte. Mais cette approche exclut l’analyse du comportement du
consommateur en tant qu’offreur de certaines marchandises. Nous allons néanmoins
nous en contenter jusqu’au chapitre 15.
Une firme est un décideur individuel qui procède à la production de marchandises
par la combinaison de différents facteurs de production (inputs) grâce à des procédés
techniques. Ces inputs sont des marchandises que la firme peut posséder en partie dans
sa dotation initiale. Elle doit acheter le reste sur les marchés correspondants. Certains
inputs peuvent ne pas être des marchandises : la lumière du soleil dans l’agriculture,
par exemple.
La distinction entre les consommateurs et les firmes réside dans la nature de leur
activité économique : les consommateurs achètent des biens pour consommer et les
firmes achètent des inputs pour produire d’autres biens. Naturellement dans la réalité
les choses sont plus complexes que dans ces simplifications théoriques. En effet une
unité de consommation correspond souvent à une famille qui regroupe plusieurs indi-
vidus et les décisions sont souvent des décisions de groupe. Mais si les décisions des
ménages respectent un minimum de rationalité et de cohérence notre approche perd
son caractère restrictif. De même, s’il existe encore des firmes individuelles, la majeure
partie de la production des marchandises est effectuée par des grandes corporations
qui peuvent contenir parfois des milliers d’individus et des structures organisation-
nelles complexes. De nouveau, notre approche du processus général d’allocation des
ressources est simplificatrice mais elle reste suffisante tant que nos prédictions et nos
résultats ne sont pas infirmés par le comportement des firmes. On peut aussi se référer
à d’autres travaux en économie qui étudie surtout l’organisation des firmes.
Il est aussi artificiel de séparer les individus en consommateurs et en producteurs ;
beaucoup d’individus participent à la prise de décision à la fois dans la sphère de
consommation et de production. Mais il ne faut pas penser qu’il s’agit des individus
distincts mais des facettes de mêmes individus. De manière générale, il est aussi pos-
sible de construire une théorie où les individus prennent en même temps des déci-
sions de production et des décisions de consommation. Néanmoins, la distinction que
nous adoptons perd son caractère restrictif si l’on se rappelle que l’attention est surtout
consacrée à l’allocation des ressources par le système de marché et les comportements
individuels seront agrégés (qu’il s’agisse des demandes ou des offres) sur chaque mar-
ché. Alors les consommateurs et les producteurs d’un bien vont souvent apparaître aux
8
côtés opposés du marché de ce bien (respectivement du côté de la demande et du côté
de l’offre).
1.1.5 La rationalité
Quel que soit la classification adoptée entre les producteurs et les consommateurs,
deux éléments principaux caractérisent l’approche microéconomique. Le premier est
l’adoption des décideurs individuels comme l’unité de base de l’analyse. Le second est
l’hypothèse selon laquelle le décideur individuel est rationnel. Le concept de rationalité
qui sera utilisé doit être clairement défini. Nous dirons qu’un processus de décision
rationnel prend la forme suivante :
1. Le décideur énumère tous les alternatifs qui sont disponibles et il écarte les alter-
natifs qui ne sont pas réalisables ;
2. Il tient compte de toute l’information disponible ou qu’il vaut la peine de collecter
dans l’établissement des conséquences du choix de chaque alternatif ;
3. En fonction de leurs conséquences, il classe les alternatifs selon son ordre de pré-
férence. Cet ordre doit satisfaire certaines conditions de cohérence et de complé-
tude ;
4. Il choisit l’alternatif qui a la position la plus élevée dans cet ordre : il choisit l’al-
ternatif dont il préfère la conséquence à celle de tous les autres alternatifs dispo-
nibles.
Ces conditions semblent assez bien correspondre à l’utilisation courante du terme
rationalité. Néanmoins il est possible que certaines personnes se comportent d’une ma-
nière qui pourrait apparaître comme irrationnelle selon cette définition : dans la prise de
décision ils peuvent ignorer des alternatifs réalisables connus ou ils peuvent se laisser
influencer par des alternatifs irréalisables, ils peuvent ignorer ou négliger de collecter
certaines informations sur les conséquences des alternatifs, ils peuvent se contredire
dans le classement des alternatifs voire, ils peuvent choisir un alternatif dont ils ont
déjà évalué la conséquence comme étant inférieure à une autre. Par conséquent, la ra-
tionalité est une hypothèse de notre analyse et ce n’est pas une tautologie : cette hy-
pothèse peut ne pas être vérifiée pour certains individus. Mais avant de décider qu’il
s’agit d’une décision irrationnelle, il faut bien vérifier toutes les conditions et en parti-
culier la condition (2) : la collecte d’information demande souvent beaucoup de temps
et elle n’est pas toujours gratuite. Essayez de connaître tous les prix pratiqués sur Mar-
seille ou Paris pour un type donné d’ordinateur ; vous passerez beaucoup de temps
dans les magasins ou sur Internet ! Donc la négligence apparente d’une information
peut être causée en réalité par le coût qu’il faudrait subir dans sa collecte et donc elle
peut être tout-à-fait rationnelle. Il faut néanmoins noter que de nombreuses observa-
tions indiquent que les agents économiques réels ont trop souvent des comportements
qui s’écartent ce cette hypothèse. Depuis les travaux d’Herbert Simon et de Kahneman
et Tversky, les économistes développent aussi un cadre analytique qui ne fait pas re-
cours à une hypothèse de rationalité forte et qui cherche à respecter un certain réalisme
9
cognitif. Le cadre de la rationalité reste néanmoins une simplification commode que
beaucoup d’analyses continuent à adopter et on va le garder dans l’exposition des ces
analyses dans cet ouvrage. Des cours de microéconomie plus avancés et des cours de
théorie des jeux vous proposeront des analyses qui cherchent à faire l’économie de cette
hypothèse.
Quel que soit le niveau retenu, la méthode d’analyse est la même : la méthodologie
d’équilibre. L’équilibre (statique) d’un système est défini comme une situation où les
forces qui déterminent l’état du système sont en équilibre, par conséquent, les variables
du système n’ont plus à changer. Un équilibre d’un système d’agents économiques (que
ce soit un marché isolé ou toute l’économie) peut exister quand deux conditions sont
satisfaites :
– les décideurs individuels ne désirent plus changer leurs plans ou leurs réactions ;
– les plans des décideurs individuels sont compatibles entre eux et donc ils peuvent
se réaliser.
10
Modèles de décisions individuelles
(Problèmes d’optimisation)
Solutions optimales
Relations de comportement
(les offres et demandes individuelles)
11
Le concept d’équilibre est important car il nous donne un concept de solution pour
nos modèles. Les forces en action dans un système économique donné (un marché isolé
par exemple) une fois définies, nous nous demandons quel sera le résultat de l’interac-
tion de ces forces. La réponse est donnée par le concept d’équilibre : nous établissons
les propriétés d’équilibre du système et nous prenons ces propriétés comme le résultat
que nous cherchons. Cet état correspond à ce que nous observerions une fois que tous
les problèmes de coordination de décisions ont été résolus sur le marché. Il faut natu-
rellement établir au préalable l’existence et les propriétés (en particulier l’unicité et la
stabilité) de cet équilibre. Cette approche ne supprime pas l’intérêt que nous pouvons
avoir pour les autres états du système, états de déséquilibre dans lequel la question de
la coordination des décisions économiques est importante. L’analyse de ce type d’état
est en général beaucoup plus difficile que celle des équilibres.
12
Première partie
Production de biens
13
Chapitre 2
Production de la firme
x } Fonction de
production
q
Nous allons d’abord introduire les différents concepts qui permettent de caracté-
riser la technologie de la firme et ses propriétés. La deuxième section va exposer le
comportement de la firme en tant qu’acheteur de facteurs de production. La troisième
section va introduire une représentation de la firme qui va nous permettre de mettre
l’accent sur ses décisions de production. Ce choix du niveau de production optimale
sera alors étudié dans la dernière section.
15
2.1 Facteurs de Production et la représentation de la technolo-
gie
2.1.1 Facteurs de Production
On peut distinguer les différents facteurs de production selon plusieurs critères.
– En premier lieu, la provenance des facteurs utilises par la firme permet de dis-
tinguer entre les matières premières et les consommations intermédiaires. Les facteurs
qui sont directement extraits de la nature (du bois, du charbon, de l’eau) sont des
matières premières. Les facteurs qui sont le produits d’une autre firme (du papier,
de l’acier, de l’eau lourde) sont des consommations intermédiaires.
– Une seconde distinction peut être introduite en considérant les possibilités de
modification des quantités utilisées des différents facteurs pendant la période de
temps étudiée. Si l’on ne peut changer la quantité d’un facteur alors il est fixe.
Si la quantité utilisée peut être modifiée, alors il s’agit d’un facteur variable. On
suppose en général que les équipements lourds comme les bâtiments ou les ma-
chines d’une usine (le capital de la firme) et la terre d’une exploitation agricole
correspondent à des facteurs fixes, tandis que la main-d’oeuvre (le travail) et les
matières premières sont des facteurs variables.
– La dernière distinction concerne la manière dont on peut combiner les différents
facteurs pendant le processus de production. Deux facteurs sont substituables quand
on peut remplacer une certaine quantité d’un des facteurs par une quantité sup-
plémentaire de l’autre tout en gardant le même niveau de production. La terre
et les engrais dans l’agriculture sont des facteurs de cette nature, de même que
le travail et les machines dans l’industrie. Si deux facteurs doivent toujours être
combinés dans les mêmes proportions alors ils sont complémentaires. Il faut une
carrosserie et quatre roues pour faire une voiture, il faut une molécule de sulfate
(SO4 ) et deux molécules d’hydrogène pour faire une molécule d’acide sulfurique.
Dans ce cas si l’on augmente la quantité utilisée d’un des deux facteurs, il faut
aussi augmenter celle de l’autre pour accroître le niveau de la production.
Nous allons maintenant caractériser plus précisément les relations qui existent entre
l’utilisation des facteurs et le niveau de la production.
q = f ( x1 , . . . , x l ) (2.1)
16
Une fonction de production résume toutes les caractéristiques technologiques et orga-
nisationnelles de la firme. Elle peut correspondre par conséquent à une multitude de
firmes avec des caractéristiques internes très diverses. C’est pour cette raison que dans
cette approche la firme apparaît comme une boîte noire dont on considère seulement
les entrées et les sorties (cf. Figure 1).
2.2.1 Un exemple :
Travail L Production Q PM Pm
0 0 - 1,2
1 1,2 1,2 2,4
2 3,6 1,8 1,8
3 5,4 1,8 1,4
4 6,8 1,7 1,2
5 8 1,6 1
6 9 1,5 0,8
7 9,8 1,4 -
Cet exemple tiré de Picard nous donne les différentes valeurs ( L, Q) observées dans
une exploitation agricole (Figure 2.2). Ici le niveau du facteur fixe (terre) est fixé à 10 Ha
et on a les variations de la production maximale en fonction des quantités de facteur
variable utilisée (le travail- L). On observe que sans facteur variable il n’y a pas de
17
production et que la production totale est croissante avec la quantité de travail utilisée.
Il est aussi possible de caractériser quelle quantité d’output on produit en moyenne
pour chaque unité d’input. Pour ce faire on utilise le concept de productivité moyenne :
f ( L)
PM ( L) = (2.2)
L
où f (·) représente la fonction de production de cette exploitation et il nous donne le ni-
veau du produit pour chaque niveau d’input. On observe que la productivité moyenne
augmente d’abord et baisse légèrement ensuite. Cela signifie qu’au fur et à mesure
qu’on augmente la production, les unités supplémentaires d’input contribuent de plus
en plus faiblement à la production. Ce phénomène peut d’ailleurs être caractérisé di-
rectement en considérant la contribution de chaque unité d’input supplémentaire à la
production. Cette mesure nous donne la productivité marginale de chaque unité d’in-
put :
∆Q
Pm( L) = = f ( L + 1) − f ( L ) . (2.3)
∆L
Nous observons que la productivité marginale croît au début mais elle commence à
décroître très rapidement (voir Figure 2.3) : chaque unité supplémentaire d’input im-
plique une augmentation de plus en plus faible de la production. En fait on constate ce
résultat directement en regardant la pente de chaque segment de la courbe de la fonc-
tion de production. Cette pente augmente d’abord pour diminuer ensuite. En effet, elle
est exactement égale à la productivité marginale.
α f(L)
∆Q
∆L
L
∆Q
tg(α) = = Pm
∆L
18
La décroissance de la productivité marginale correspond donc à la décroissance
de la pente de la fonction de production. Ceci signifie de nouveau que chaque unité
supplémentaire de facteur variable contribue de plus en plus faiblement à la produc-
tion. Dans cet exemple, on observe que jusqu’à deux unités de travail, chaque unité
a une productivité marginale croissante. On dira alors que les rendements d’échelle
sont croissants ; on a intérêt à embaucher de plus en plus de facteur travail. A partir de
L = 2, la productivité marginale devient décroissante. On dit alors que les rendements
sont décroissants. Il est de moins en moins intéressant d’embaucher du travail supplé-
mentaire. Comme nous allons voir plus loin, ce phénomène va déterminer la quantité
de travail optimale que la firme va décider d’embaucher. On sent déjà maintenant que
la firme ne va embaucher du travail supplémentaire que si cela reste intéressant pour
elle : si chaque unité de travail coûte au plus autant qu’elle rapporte à la firme. Rap-
pelons de nouveau que cette décroissance de la productivité marginale est étroitement
liée au fait que le niveau de l’autre facteur (la terre) est fixé. Vous imaginez bien que si
l’on met 1000 personnes sur une Ha de terre, elles vont plus se gêner que travailler en
harmonie.
Dans cet exemple nous avons considéré un cas discret où les quantités d’inputs et
d’outputs sont modifiées chaque fois d’une unité (ce sont des entiers). De plus la pro-
duction ne dépendait que d’un seul facteur de production : le travail. Nous pouvons
généraliser ces concepts à un cadre où les quantités sont parfaitement divisibles (ce sont
des nombres réels) et la production dépend del facteurs de production.
f (·) désigne donc la fonction de production. C’est une fonction à l variables qui ré-
sume toutes les caractéristiques techniques et organisationnelles de la firme. Les biens
sont parfaitement divisibles, par conséquent, les différentes quantités appartiennent
chacune à R+ . Nous avons donc pour une fonction de production :
Rl+ → R+
f : (2.5)
( x1 , . . . , x l ) 7 → q
19
Si l’on considère une période relativement courte ( à court terme) alors la firme ne peut
modifier les quantités de facteurs fixes qu’elle utilise. Les quantités xm+1 , . . . , xm+n sont
alors fixées et elles sont les paramètres de la fonction de production. Dans une période
plus longue (à long terme), la firme peut aussi modifier l’utilisation de ces facteurs de
production et ces derniers deviennent donc aussi des facteurs variables : la firme peut
acquérir de nouveaux bâtiments ou élargir ceux qui sont déjà disponibles, elle peut
acheter de nouveaux équipements et donc investir. De manière générale, nous allons
noter le vecteur d’inputs de la firme sous la forme x = ( x1 , · · · , xl ) ∈ Rl+ , avec l = m à
court terme et l = m + n à long terme.
Exemple : Deux facteurs de production ( x1 , x2 ). f ( x1 , x2 ) = 10x11/4 x23/4 .
Si à court terme x2 est un facteur fixe avec x2 = 16, la fonction de production de la
firme devient :
q = f ( x1 ; x̄2 = 16) = 10x11/4 (8) = 80x11/4 .
20
chaque unité d’un facteur de production : Productivité moyenne du facteur h :
f ( x) Q
PMh ( x) = = (2.6)
xh xh
Cette caractéristique est donc mesurée à partir d’un panier donné d’inputs x.
Exemple : Avec la fonction de production précédente nous obtenons :
Q = f ( x1 , x2 ) = 10x11/4 x23/4 ,
x2 3/4
f (x)
PM1 ( x) = x1 = 10x1−3/4 x23/4 = 10 ,
x1
1/4
f (x) x1
PM2 ( x) = x2 = 10x11/4 x2−1/4 = 10 .
x2
21
pouvons considérer les variations aussi petites que nous désirons. Regardons l’effet
d’une variation ∆x1 du facteur x1 , étant donné, le niveau de l’autre facteur. Dans ce cas
la variation de la production qui en résulte peut être mesurée par :
Or cette mesure n’est pas très satisfaisante car elle dépend d’une part des unités rete-
nues pour mesurer le facteur de production et d’autre part, de l’importance de la varia-
tion ∆x1 considérée. Pour obtenir une caractéristique spécifique de la technologie, nous
voulons pouvoir associer une productivité marginale unique à chaque facteur pour
chaque panier d’inputs considérés. Pour ce faire nous allons considérer la variation de
la production par unité de variation d’un input (∆ f /∆xh ) et cela pour des variations
très petites (infinitésimales) de ce facteur :
∆f ∂f
Pmh ( x) = lim∆xh →0 = (2.7)
∆xh ∂xh
∂f 1
Pm1 = = 10 x1−3/4 x23/4 = 2.5x1−3/4 x23/4 ,
∂x1 4
∂f
Pm2 = = 10 34 x11/4 x2−1/4 = 7.5x11/4 x2−1/4 .
∂x2
′
Rappel : xk = kxk−1 .
Pour x2 = 16 nous avons Pm1 = 2, 5 × 8 × x1−3/4 = 20x1−3/4 (Tableau 2.3 et Figure 2.6).
22
Les variations des quantités impliquent une variation dans le même sens de la produc-
tion. Cette propriété est naturellement valable pour les dérivées de n’importe quelle
fonction. La décroissance de la productivité marginale aussi peut être formulée dans
ces termes. En effet si la productivité marginale est décroissante, elle diminue quand
on augmente les quantités de l’input et elle augmente quand on diminue les quantités
de cet input. Cela signifie que la productivité marginale et les quantités d’input utilisées
varient en sens inverse :
∆Pmh ∆ ( ∆q) ∂ (∂ f ) ∂2 f
<0⇒ <0⇒ < 0 ⇒ 2 < 0. (2.8)
∆Xh ∆xh ∂xh ∂xh
tg( β) est la pente de la corde OA. Cette figure montre que cette pente est exactement
égale à la productivité moyenne du facteur 1 au point considéré.
Les éléments que nous avons considérés jusqu’à maintenant permettent de carac-
tériser l’impact des variations d’un facteur sur le niveau de la production. Il est aussi
possible de mesurer l’impact de petites variations de plusieurs facteurs à la fois sur le
niveau de la production au voisinage d’un panier d’input. Supposons que les différents
23
F IGURE 2.7 – Pente de la tangente et productivité marginale
24
facteurs varient de dx1 , dx2 , ..., dxl . Chaque unité de variation de chaque facteur h in-
duit une variation du niveau de la production de Pmh . L’impact totale de la variation
dxh de ce facteur est alors donné par Pmh • dxh . En sommant les impacts de toutes les
variations, on obtient la variation totale du niveau de la production :
∂f ∂f ∂f
dq = d f = dx1 + dx2 + · · · + dx (2.9)
∂x1 ∂x2 ∂xl l
= Pm1 dx1 + · · · + Pml dxl . (2.10)
La première partie de cette égalité nous donne le différentiel total d’une fonction : la
variation totale de la valeur de la fonction suite aux variations des différentes variables
dont elle dépend.
Exemple : Dans notre exemple, la variation totale de la production suite aux variations
des deux facteurs s’écrit au voisinage du point (16, 16) :
∂f ∂f
df = dx1 + dx2
∂x
1 ∂x2
= 2, 5x1−3/4 x23/4 dx1 + 7, 5x11/4 x2−1/4 dx2
= 2, 5dx1 + 7, 5dx2 .
25
la production augmente exactement dans la même proportion. Les rendements d’échelle
sont décroissants si :
f (λx1 , · · · , λxl ) < λ f ( x1 , · · · , xl ) ,
26
Exemple : Etudions les rendements d’échelle de notre fonction de production.
il s’agit donc d’une fonction à rendements d’échelle constants. En fait toute fonction de
type
β
f ( x1 , x2 ) = Ax1α x2 , A > 0, α + β = 1 correspond à des rendements d’échelle
constants (vérifiez).
Un phénomène de nature fondamentalement différente peut intervenir dans les rap-
ports entre les inputs et l’output : le progrès technique. Les rendements d’échelle crois-
sants forment une caractéristique d’une technologie donnée. Le progrès technique cor-
respond à une modification de la technologie elle-même. En effet il améliore la techno-
logie de la firme de sorte qu’il soit suffisant d’utiliser des quantités d’inputs plus faibles
pour obtenir le même niveau de production et/ou qu’il soit possible de produire plus
avec le même panier d’input.
27
2.4 Isoquantes et le taux marginal de substitution technique
Dans cette section nous allons étudier plus en détail la relation entre les inputs dans
un processus de production. Plus que sur l’impact des variations des quantités d’inputs
sur le niveau de la production, notre intérêt sera fixé sur la relation entre les combinai-
sons d’inputs qui permettent de produire le même niveau de production. Ces com-
binaisons seront représentées par le concept d’isoquante et la relation entre elles sera
spécifiée par le taux marginal de substitution technique (TMST).
Une fonction de production dont les isoquantes sont strictement convexes sera dite
une fonction strictement quasi-concave. En fait, comme vous allez le voir en mathéma-
tiques, les isoquantes ne sont rien d’autre que les courbes de niveau d’une fonction de
production, courbes de niveau comme celles que vous avez sûrement déjà vues sur une
carte topographique et qui signalent les différents points de même altitude sur la carte.
Voici deux types d’isoquantes où la stricte convexité n’est pas vérifiée (Figure 2.13).
28
F IGURE 2.10 – Une isoquante
29
F IGURE 2.12 – Convexité d’une isoquante
30
Dans cette figure nous avons deux cas d’isoquantes qui ne vérifient pas la stricte
convexité. Dans le cas (a), l’isoquante est convexe mais entre M et N, la corde et l’iso-
quante se confondent. Par conséquent la corde ne peut être strictement au-dessus de
la courbe. Dans le cas (b), on a la convexité sur les portions LM et NP de l’isoquante
mais entre M et N on a la propriété inverse : la corde est en dessous de la courbe ;
l’isoquante est concave sur cette portion. Nous allons voir plus loin l’importance de la
stricte convexité des isoquantes (et donc de la stricte quasi-concavité de la fonction de
production).
L’utilisation des isoquantes nous permet aussi de représenter les différentes com-
binaisons qui conduisent à des niveaux différents de la production. Si l’on reprend la
construction graphique d’une isoquante (Figure 2.14).
f ( M ) < f ( N ) < f ( P ).
31
F IGURE 2.15 – Isoquantes et niveaux de production dans l’espace des facteurs
32
Dans le cadran (a) nous avons deux paniers M et N qui appartiennent à la même
isoquante et donc qui correspondent au même niveau de production. Or si l’isoquante
est croissante comme dans cette figure, nous avons un panier (N) qui contient à la fois
plus d’input 1 et plus d’input 2 qu’un autre (M) et qui ne permet pas de produire
plus. Or à partir du moment où l’on augmente les quantités de tous les inputs on doit
normalement avoir une croissance de la production. Donc ce type de situations ne peut
apparaître et les isoquantes doivent être nécessairement décroissantes.
De même, deux isoquantes ne peuvent se couper. Regardons le cadran (b) dans
Figure2.16. Nous avons deux paniers qui permettent de produire q0 : N et P. D’autre
part les paniers M et P permettent de produire le même niveau d’output, q1 . Or si
les isoquantes se coupent comme c’est le cas dans la figure alors le panier M permet
de produire le même niveau que le panier N qui permet, à son tour, de produire le
même niveau que le panier P. Par conséquent les paniers M, N et P correspondent au
même niveau de production et donc ils devraient appartenir à la même isoquante. Donc
contradiction, M et P ne peuvent pas appartenir à deux isoquantes qui se coupent.
Les technologies que nous avons représentées dans ces figures correspondent à des
technologies à facteurs substituables. En effet si on regarde la Figure 2.11, nous avons
deux paniers M et N qui permettent de produire le même niveau d’output. Or, le pas-
sage du panier N vers le panier M correspond à une réduction de l’input 1 et à une
augmentation de l’input 2. Par conséquent, en compensant la diminution des quanti-
tés d’input 1, par une augmentation des quantités d’input 2 on peut garder le même
niveau de production. On dit alors que l’on substitue l’input 2 à l’input 1. Nous allons
considérer cette possibilité plus en détail dans le paragraphe suivant.
∆x2
TST2,1 = − . (2.14)
∆x1
Comme l’isoquante est décroissante, les variations des facteurs 1 et 2 seront nécessai-
rement de signes opposés (sinon on se placerait sur une isoquante plus élevée ou plus
basse). Comme le TST mesure une quantité de bien, on doit prendre la valeur absolue
de ∆x1 /∆x2 , d’où le signe négatif devant le rapport des deux variations. Or si l’on re-
prend la Figure 2.11, on observe que la TST n’est rien d’autre que la pente de la corde
NM (Figure 2.17).
33
F IGURE 2.17 – Substitution entre deux facteurs
Cette figure montre que quand on considère les variations infinitésimales, le point
M tend vers le point N et la corde NM tend vers la tangente à l’isoquante au point N.
Par conséquent le TMST correspond à la valeur absolue de la pente de cette tangente.
On a donc un taux unique à chaque point de la courbe qui correspond à la pente de la
tangente en ce point.
Le TMST nous fournit une valorisation relative d’un input par rapport à un autre
dans la technologie de la firme. En effet il nous indique, pour chaque panier, combien
34
F IGURE 2.18 – La pente de la tangente et le TMST
d’unités de facteur 2 sont équivalentes, à la marge, à une unité de facteur 1. Cela est
exactement la valeur relative du facteur 1 par rapport au facteur 2. Il est évident que
cette valeur relative dépend étroitement de la contribution de chaque input à la pro-
duction et des productivités marginales. En effet, nous pouvons montrer qu’il existe
une relation étroite entre le TMST et le rapport des productivités marginales. Consi-
dérons la variation de la production suite aux variations des deux facteurs (il suffit de
reprendre l’équation (2.9)) :
∂f ∂f ∂f
dq = d f = dx1 + dx2 + · · · + dx = Pm1 dx1 + · · · + Pml dxl .
∂x1 ∂x2 ∂xl l
Si les variations considérées correspondent à une substitution, la production ne doit
pas varier :
Pm1 dx
df = 0 ⇔ = − 2 = TMST2,1 (2.16)
Pm2 dx1
Le TMST correspond donc aux rapport des productivités marginales. Nous observons
aussi que les variations des facteurs sont en rapport inverse par rapport aux produc-
tivités marginales car plus un facteur à une productivité marginale élevée, moins il en
faut pour compenser une variation de production due à la variation de l’autre facteur.
Les deux variations ne se compensent que si :
dx2 Pm2 = −dx1 Pm1 > 0.
Exemple : Dans notre cas de figure on a :
35
Au point (1, 1) on est sur l’isoquante q = 10 et le TMST = 1/3 : 0, 33 unités de facteur
2 sont suffisantes pour compenser la baisse d’une unité du facteur 1.
Dans la Figure 2.18, si l’on regarde la pente de la tangente à des points qui corres-
pondent à des quantités de plus en plus élevées de facteur 1, on observe que cette pente
diminue en valeur absolue. Au fur et à mesure qu’augmente l’utilisation du facteur 1, il
en faut de moins en moins de facteur 2 pour compenser la baisse d’une unité de facteur
1 : le TMST est décroissante avec le facteur 1. La décroissance du TMST est due, comme
on l’observe graphiquement, à la stricte convexité de l’isoquante. Cette décroissance
correspond au fait que quand on augmente la quantité de facteur 1 sur l’isoquante
et donc quand on diminue celle du facteur 2, la productivité marginale du facteur 1
diminue et celle du facteur 2 augmente (du fait de la décroissance des productivités
marginales), d’où la diminution du TMST (le numérateur diminue et le dénominateur
augmente). Par conséquent, plus le producteur utilise un facteur (et donc moins il uti-
lise l’autre) moins les variations de ce facteur ont de valeur par rapport aux variations
de l’autre (du fait de la décroissance des productivités marginales).
Remarque : tous les concepts développés dans cette section se généralisent directe-
ment au cas de l inputs.
Nous allons voir que la décroissance des productivités marginales impose des condi-
tions supplémentaires sur les deux exposants. Les productivités marginales sont don-
nées :
∂f
PmK = = αAK α−1 L β
∂K
∂f
Pm L = = βAK α L β−1.
∂L
36
Si l’on regarde les variations de ces Pm avec les quantités :
∂PmK ∂2 f
= = α(α − 1) AK α−2 L β < 0 si α < 1,
∂K ∂K 2
∂PmK ∂2 f
= 2 = β( β − 1) AK α L β−2 < 0 si β < 1.
∂L ∂L
il s’agit d’une courbe hyperbolique (de type 1/x) donc décroissante et convexe. Nous
pouvons donc avoir une infinité de combinaisons des deux inputs qui permet de pro-
duire q : le capital et le travail sont parfaitement substituables dans cette technologie.
Nous pouvons donc calculer les proportions dans les quelles les substitutions peuvent
être effectuées sur chaque point d’une isoquante :
On observe qu’au fur et à mesure que l’on augmente le capital et on diminue le travail
de manière à rester sur la même isoquante, il faut de moins en moins d’unités de travail
pour compenser la baisse d’une unité du capital. On a donc la décroissance du TMST
(Figure 2.19).
37
F IGURE 2.19 – Cobb-Douglas et Isoquantes
K0 L K0 bK0
Pour K = K0 , q = si ≥ ⇒ si L ≥ ,
a b a a
car dans ce cas le minimum correspond à la quantité de capital dont dispose la firme.
Si elle ne dispose pas de suffisamment de travail alors nous avons
L L K0 bK0
Pour K = K0 , q = si < ⇒ si L < .
b b a a
Ces résultats correspondent à la représentation suivante pour la fonction de production
(Figure 2.20)
38
F IGURE 2.20 – Fonction de production de Leontieff
39
F IGURE 2.21 – Isoquantes d’une fonction de production de Leontieff
Nous pouvons définir le point (b, a) sur l’isoquante q = 1 comme étant la combi-
naison efficace, car partout ailleurs sur cette isoquante on gâche soit du travail soit du
capital. Cette isoquante traduit bien la complémentarité des facteurs de production. En
effet à partir du point A si l’on essaye de diminuer la quantité de L alors on ne peut
compenser cette baisse par une augmentation de K et rester sur la même isoquante : on
passe nécessairement à une isoquante plus basse. Donc les deux facteurs ne sont pas
substituables. On ne peut diminuer la quantité d’un input sans changer d’isoquante
que quand il y en a déjà trop de cet input (on est sur les branches parallèles aux axes).
Le même type de raisonnement nous permet de construire l’isoquante q = 2. Toutes
les combinaisons efficaces correspondent à l’utilisation de travail et de capital dans les
quantités juste nécessaires :
Combinaisons efficaces :
K L a
= ⇒K= L
a b b
Le TMST n’a naturellement pas de signification ici, car la substitution n’est pas pos-
sible.
40
Chapitre 3
Firme concurrentielle et la
combinaison optimale des facteurs
Nous avons introduit jusqu’à ce point un certain nombre de concepts qui permettent
de caractériser les propriétés de la technologie et de l’organisation de la firme. Nous al-
lons maintenant nous intéresser au comportement de la firme et plus précisément aux
choix que la firme doit effectuer de manière optimale. Comme nous l’avons montré
dans la figure 2, l’activité de la firme correspond à l’achat des inputs en vue de pro-
duire une certaine quantité de son output. Par conséquent, les choix que la firme doit
effectuer concernent la quantité de sa production et la combinaison d’input à acheter
pour réaliser cette production. Naturellement, la firme ne va pas choisir de produire
n’importe quelle quantité. Sa décision va être guidée par le choix d’une décision qui
est optimale par rapport à son objectif et donc qui correspond à la meilleure réalisa-
tion possible pour son objectif. Nous supposerons dans cet ouvrage que l’objectif de la
firme est la maximisation de son profit.
Le profit est défini comme la différence entre les recettes de la firme (ou chiffre d’af-
faires) et ses coûts de production. Les recettes de la firme proviennent de la vente de sa
production au prix unitaire p. Les coûts de la firme correspondent à ses dépenses en
vue d’acheter les facteurs variables et fixes nécessaires à sa production. Pour chaque
input h, si la firme l’achète en quantité xh et si le prix unitaire est de ph , la dépense
correspondant est de ph xh . Le profit de la firme s’écrit alors :
Π = p × q − ( p1 x1 + p2 x2 + · · · + p m x m ) − ( p m + 1 x m + 1 + · · · + p l x l ) ,
|{z} (3.1)
| {z } | {z } | {z }
Profit Recettes Coût facteurs variables Coût facteurs fixes
41
que les conséquences au niveau du marché des décisions de chaque individu soient
négligeables. Par conséquent, la firme va considérer que quelles que soient les quantités
qu’elle vend ou qu’elle achète elle aura toujours affaire aux mêmes prix sur les marchés :
les prix de marché sont des données pour elle. De même comme les quantités qu’elle
peut fournir sont très petites par rapport aux quantités totales échangées sur le marché
(il y a une multitude de firmes qui vendent comme lui sur ce marché), elle va considérer
qu’elle trouvera toujours des acheteurs pour son produit au prix de marché (même
si elles sont élevées par rapport à sa capacité de production, elles restent très petites
par rapport aux quantités totales de marché et donc par rapport à la demande totale).
Par conséquent elle ne considérera pas les situations où elle ne pourra pas vendre une
partie de sa production. Ces hypothèses vont caractériser le comportement de la firme
en concurrence pure et parfaite. Le second semestre sera surtout consacré à l’étude
des situations de concurrence imparfaite où il existe un petit nombre de firmes sur
le marché et où les décisions de chaque firme ont un poids non-négligeable dans la
détermination de l’équilibre.
Le programme de la firme concurrentielle peut alors s’écrire sous la forme suivante :
La firme doit donc maximiser son profit étant donnés les prix de marché et sa techno-
logie. La combinaison d’input qu’elle choisit doit lui permettre de produire la quantité
désirée. Dans un premier temps nous allons surtout nous intéresser au choix optimal
du panier d’inputs étant donné un niveau de production. Le niveau du produit sera
donc une donnée. Dans ce cas, les recettes totales de la firme sont constantes et le seul
moyen dont la firme dispose pour améliorer son profit est la baisse des coûts du panier
d’inputs : moins le panier d’input est coûteux, plus son profit sera élevé. Le paragraphe
suivant sera consacré à ce problème.
42
3.1.1 La solution géométrique
Pour cette étude nous allons nous placer de nouveau dans un cadre à deux facteurs
de production. Dans ce cas notre problème devient :
Etudions d’abord l’objectif de la firme (la première ligne du problème). Regardons les
combinaisons de production qui correspondent un coût C pour la firme. Elles sont dé-
finies par l’équation :
1 p1
p1 x1 + p2 x2 = C ⇔ x2 = C − x1 (3.5)
p2 p2
Dans l’espace (x1 , x2 ), ces équations définissent une droite qui est décroissante avec x1
et dont les intersections avec les axes sont croissantes avec C (Figure 3.1).
C = p1 x1 + p2 x2 , dC = p1 dx1 + p2 dx2 = 0
p1 p1 (3.6)
⇒ − dx
dx1 = p2 ⇔ |pente d’iso-coût| = p2 .
2
43
La pente de la droite d’isocoût nous donne donc le rapport dans lequel on peut substi-
tuer le facteur 2 au facteur 1 tout en gardant constant le niveau de la dépense.
Par définition toutes les combinaisons de facteurs qui appartiennent à la même
droite correspondent au même niveau de dépense (les paniers M et N coûtent tous
les deux C tandis que les paniers P et Q coûtent C ′ ). Plus on s’éloigne de l’origine, plus
les dépenses augmentent car on a des paniers qui contiennent plus des deux facteurs
et le coût supplémentaire de la hausse des quantités d’un facteur n’est pas compensé
par la baisse des quantités de l’autre facteur. Par conséquent, étant donné un niveau de
production, la firme va essayer d’utiliser un panier d’inputs qui se trouve sur la droite
d’isocoût la plus proche possible de l’origine.
La contrainte de la firme est plus habituelle. En effet, cette contrainte nous dit que
la firme doit choisir parmi les paniers qui permettent de produire exactement le niveau
d’output q. Or l’ensemble qui contient ces paniers n’est rien d’autre que l’isoquante qui
correspond à ce niveau de production : Il suffit donc de reprendre Figure 3.1 pour repré-
senter cette contrainte pour le niveau de production q (si les facteurs sont substituables
– Figure 3.2).
Cette isoquante représente donc tous les paniers qui permettent de produire q, en
particulier S et T. Parmi ces paniers la firme doit retenir celui qui appartient à la droite
d’isocoût la plus basse possible (Figure 3.3).
Le point T appartient à la droite d’isocoût la plus basse dans cette figure. Malheu-
reusement, il est en dessous de l’isoquante et donc il ne permet pas d’atteindre un
niveau d’output q. D’autre part, le panier S est sur l’isoquante et donc il permet de
produire le niveau q au coût C0 . Or on observe que n’importe quel panier qui est sous
44
F IGURE 3.3 – L’optimum de la firme
l’isocoût C0 et qui appartient à l’isoquante, permet de produire q moins cher que S donc
S n’est pas optimal. En particulier le panier E permet de produire q moins cher que S
et si l’on essaye de choisir un panier qui coûte moins cher que E, on ne peut plus pro-
duire cette quantité (on est en dessous de l’isoquante). Le panier E est donc le panier le
moins cher possible qui permet d’atteindre le niveau de production q : c’est l’optimum
de la firme. Il correspond au choix des quantités ( x1∗ , x2∗ ) pour les deux facteurs : c’est
la combinaison optimale des deux facteurs de production.
Nous observons qu’au point E, la droite d’isocoût correspondante est tangente à
l’isoquante. C’est pour cela que nous ne pouvons pas trouver un panier moins cher
qui permettrait de produire q. Cette tangence implique que la tangente à l’isoquante au
point E et la droite d’isocoût ont la même pente en valeurs absolues. Or nous savons
que la valeur absolue de la tangente à l’isoquante au point E est exactement égale à la
valeur du TMST à ce point. Le point E est donc caractérisé par les conditions suivantes :
p1
|pente d’iso-coût| =
p2
∗ ∗
E : ( x1 , x2 ) tel que = TMST ( x∗ , x∗ ) = Pm 1 ∂ f /∂x 1 ∗ ∗ (3.7)
1 2 ( x1∗ , x2∗ ) = (x , x )
Pm2 ∂ f /∂x 2 1 2
f ( x1∗ , x2∗ ) = q
Il faut bien comprendre l’intuition qui est derrière la condition (3.4). Comme nous
avons déjà vu, le TMST fournit une valeur relative du bien 1 par rapport au bien 2
dans le cadre de la technologie de la firme donc au niveau individuel. Le rapport des
prix correspond à une valeur relative des deux biens au niveau du système de marché
et donc au niveau global. La firme atteint son optimum quand sa valorisation privée
correspond exactement à la valorisation sociale, autrement dit, quand le rapport des
contributions des deux facteurs à sa production correspond exactement à leur valeur
45
relative au niveau du système de marché. A tout point où l’on n’a pas cette égalité, la
firme peut augmenter l’utilisation du facteur dont la valeur relative privée est supé-
rieure à la valeur relative globale et réduire l’utilisation de l’autre facteur de manière à
produire moins cher son output. N’oublions pas que le TMST nous indique dans quelle
mesure on peut diminuer l’utilisation d’un facteur et augmenter celle de l’autre et gar-
der la production constante, tandis que le rapport des prix nous indique dans quelle
mesure on peut substituer un facteur à l’autre tout en gardant le même niveau des
dépenses.
Nous pouvons illustrer ce raisonnement grâce à Figure 3.4. Regardons le panier S.
Ce panier permet de produire l’output q mais pour ce panier le TMST (la pente de la
tangente) est inférieur au rapport des prix (la valeur absolue de la pente de la droite
isocoût). Par conséquent, la valorisation dans la firme du facteur 1 est inférieure à la
valorisation sociale de ce bien (on a naturellement le résultat inverse pour le facteur 2).
La firme peut donc substituer du facteur 2 au facteur 1 de manière à garder le même
niveau de production et réduire ses dépenses, puisque le facteur 2 contribue mieux à
la production et il coûte relativement moins cher. On observe en effet qu’au point T on
a ce résultat : la firme a substitué du facteur 2 au facteur 1 et elle a baissé ses dépenses
(C0 > C1 ). On observe néanmoins que le TMST est toujours inférieur au rapport des
prix, donc la substitution doit continuer si la firme veut réduire ses dépenses. C’est
seulement quand les deux éléments deviennent égaux (point E) que la substitution n’est
plus intéressante. Pour des paniers de l’autre coté du point E on a naturellement le
résultat inverse (on doit substituer du facteur 1 au facteur 2).
Les conditions (3.7) nous donnent un système de deux équations à deux inconnus
( x1∗ , x2∗ ). En résolvant ce système on peut déterminer la combinaison optimale d’inputs
46
nécessaire à la production de l’output q :
Pm1 ∗ ∗ ∂ f /∂x 1 ∗ ∗ p1
TMST ( x1∗ , x2∗ ) = ( x1 , x2 ) = (x , x ) =
Pm2 ∂ f /∂x 2 1 2 p2
⇒ x2∗ = ϕ( x1∗ ),
f ( x1∗ , x2∗ ) = q ⇒ f ( x1∗ , ϕ( x1∗ )) = q
⇒ x1∗ = ψ1 (q) , x2∗ = ϕ (ψ1 (q)) = ψ2 (q).
47
F IGURE 3.5 – Combinaison optimale des facteurs complémentaires
Pour le premier cas nous allons prendre une isoquante entièrement linéaire (notre
exemple était linéaire sur une portion seulement). Ce type d’isoquante appartient à une
fonction de production de type linéaire :
f ( x1 , x2 ) = ax1 + bx2 = q0
q0 (3.8)
x2 = b − ba x1 ⇒ TMST = − dx a
dx1 = b = Cste
2
On observe que le TMST reste constant le long de chaque isoquante, quel que soit le
panier de facteurs considéré. La règle de la tangence implique l’égalité entre le TMST
et le rapport des prix or a priori il n’y a aucune raison que l’on ait cette égalité. Le
rapport a/b est donné par la technologie et le rapport des prix par les marchés, il n’y
a aucune raison que ces deux mécanismes donnent le même résultat. En effet même si
l’on a l’égalité, la détermination de l’optimum de la firme reste problématique comme
nous pouvons le voir dans Figure 3.6.
48
F IGURE 3.6 – Problèmes d’optimisation liés à la linéarité de l’isoquante
doit continuer jusqu’à ce que la firme ne puisse plus diminuer la quantité de 1 et aug-
menter celle de 2. On a donc une solution en coin : le point E′. L’optimum de la firme
est bien déterminé mais il ne vérifie pas la règle de la tangence. C’est le raisonnement
graphique qui permet de le déterminer.
Nous avons la situation symétrique pour la droite C ′′ :
p1 a
< = TMST,
p2 b
Nous observons que pour un rapport de prix donné, la règle de la tangence conduit
à une solution E′ correspondant à un niveau de dépenses C ′. Or il s’agit d’une solution
sous-optimale car au lieu d’un minimum, on a en ce point un maximum local pour
les dépenses. Si l’on essaye de minimiser encore les dépenses, on peut atteindre un
autre point E qui correspond à un niveau de dépenses C < C ′. Observons qu’en E′
49
F IGURE 3.7 – Concavité partielle de l’isoquante et sous-optimalité
l’isoquante est concave, tandis qu’en E, elle est convexe. Par conséquent la règle de la
tangence ne nous conduit à un minimum unique pour les dépenses que si et seulement
si l’isoquante est strictement convexe.
50
On va donc associer une variable supplémentaire, λ, à la contrainte du problème (3.9).
Le programme de la firme va alors devenir :
51
nous obtenons :
∂f ∂f
p1 = λ , p2 = λ ,
∂x1 ∂x2
∂f
p (3.13)
⇔ 1 = ∂x1
∂f
= TMST ( x1∗ , x2∗ );
p2
∂x2
q = f ( x1∗ , x2∗ ).
Nous obtenons donc les deux conditions qui correspondent respectivement à la règle
de la tangence et à la contrainte technologique. Malgré la facilité et la fiabilité du rai-
sonnement graphique il est important de connaître la méthode du Lagrangien car elle
généralise le raisonnement graphique au cas de plus de deux inputs car cette méthode
est valable pour l inputs aussi ; dans ce cas on a l + 1 dérivées partielles à annuler (on a
un système de l + 1 équations et l + 1 inconnues).
Exemple : Pour notre fonction de production nous avons de nouveau
min( x1 ,x2 ) p1 x1 + p2 x2
S.à. f ( x1 , x2 ) = 10x11/4 x23/4 = q,
⇔ min( x1 ,x2 ,λ) L ( x1 , x2 , λ) = p1 x1 + p2 x2 + λ q − 10x11/4 x23/4
∂L −3/4 3/4
∂x1 = 0 ⇔ p1 = λ(2, 5x1
x2 )
∂L 1/4 −1/4
∂x = 0 ⇔ p2 = λ (7, 5x1 x2
⇒ )
∂L2
1/4 3/4
∂λ = 0 ⇔ 10x1 x2 = q.
p1 x
= 2 = TMST.
p2 3x1
C’est exactement la condition que nous avons déjà obtenue par la méthode graphique.
Ces méthodes nous permettent donc de déterminer le panier optimal de facteurs de
production que la firme doit utiliser pour chaque niveau de production. Mais rappelons-
nous que l’objectif de la firme est de maximiser le profit. Comment la firme doit-elle
procéder pour atteindre cet objectif ?
52
3.2.1 Profit de la firme
Nous avons défini le profit dans l’équation (3.1)
Π = Recettes-Coûts
Si le prix du produit est p, ses recettes seront données par
Recettes totales = pq
Ses coûts vont résulter de l’achat des différents facteurs de production
Coûts totaux = ∑ pl xl
l
53
En substituant la seconde condition dans la première, nous obtenons un problème
assez simple
maxx1 p · f ( x1 ; x2 ) − p1 x1 − p2 x2
car le profit ne dépend plus que d’une seule variable maintenant, étant donné que x2 et
tous les prix sont des constantes pour la firme
π ( x1 ; x2 ) = p · f ( x1 ; x2 ) − p1 x1 − p2 x2
pq − p1 x1 − p2 x2 = π0
π + p2 x2 p
⇒ q = γ ( x1 ; π 0 , x2 ) = 0 + 1 x1
p p
Nous observons facilement que la pente de la droite d’isoprofit est donnée par ∂γ/∂x1 =
p1 /p ≥ 0 et que la droite se déplace vers le haut quand on considère un niveau de pro-
fit plus élevé : ∂γ/∂π = 1/p > 0. Par conséquent la droite d’isprofit correspondant à
π1 > π0 est au dessus de celle correspondant à π0 .
La recherche du profit maximal par la firme va correspondre alors à la recherche
d’un couple ( x1 , q) qui permet à la firme de satisfaire sa contrainte technique repré-
sentée par la fonction de production tout en se plaçant sur la droite d’isoprofit la plus
haute possible. Les deux éléments de ce problème (la fonction de production et l’iso-
profit) sont bien sûr conditionné par le niveau du facteur 2.
54
Dans Figure 3.8, le profit optimal est atteint au point M et il correspond au niveau
de profit Π2 . Le profit Π3 est plus intéressant pour la firme mais sa technologie et le
niveau donné du facteur 2 ne lui permettent pas d’atteindre ce niveau de profit.
Cette solution graphique montre que deux conditions doivent être remplies à l’op-
timum de la firme ( x1∗ , q∗ ) :
p1
Pm1 = ⇔ pPm1 = p1 (3.15)
p
la productivité marginale en valeur du facteur 1 doit être égal à son prix sur le
marché
2. La production q∗ doit être réalisable avec x1∗
q∗ = f ( x1∗ ; x2 )
√
Exemple : Si la fonction de production de la firme est q = f ( x1 , x2 ) = 10x11/4 x1/2 et le
second facteur est fixe à court terme, avec x2 = x2 = 160, la fonction de production de
court terme de la firme est donnée par q = f ( x1 ; 10) = 40x11/4 . L’équation (3.15) nous
permet de déterminer la quantité optimale de facteur 1 que la firme doit utiliser :
4/3
10 p p
Pm = = 1 ⇔ x1∗ = 10
x13/4 p p1
55
q
ω2 > ω1
γ(Π∗∗ , ω2 )
γ(Π∗ ω1 )
M
f (x1 ; x2 )
x∗∗ x∗1 x1
1
56
Soit une situation initiale de profit maximal de long terme :
f ( x1∗ , x2∗ ) = q∗ ⇒ π ∗ = pq∗ − p1 x1∗ − p2 x2∗ > 0
Si les rendements d’échelle sont constants ∀q, nous pouvons avoir :
f (2x1∗ , 2x2∗ ) = 2q∗
π = p × 2q∗ − p1 × 2x1∗ − p2 × 2x2∗ = 2π ∗ > π ∗
Par conséquent, si les rendement d’échelle sont constants et le profit maximal initial
> 0, le dernier résultat indique que la firme pourrait faire encore mieux que π ∗ en
multipliant son échelle de production. Ce qui impliquerait que π ∗ n’était pas optimal,
ce qui est en contradiction totale avec notre hypothèse initiale et donc impossible.
Le seul cas où l’optimalité serait compatible avec les rendements d’échelle constants
est π ∗ = 0 ⇒ 2π ∗ = π ∗ .Donc à long terme le profit optimal d’une entreprise concur-
rentielle avec rendements d’échelle constants est nécessairement nul.
Ce résultat est loin d’être absurde. En fait regardons ce qui pourrait se passer si la
firme augmentait de manière continue ses quantités pour maximiser son profit :
1. Apparition d’une inefficacité donc rendements d’échelle décroissants pour q >
q, taille à partir de laquelle la firme devient trop grande pour être correctement
gérée ;
2. Elimination des concurrents donc l’émergence du monopole de cette firme. La
firme change de comportement dans ce cas, comme nous le verrons plus loin.
3. Toutes les firmes bénéficient des rendements d’échelle constants et elles augmentent
simultanément leur quantités, sans que la demande puisse absorber ces quantités
supplémentaires, cela conduisant à une baisse du prix du produit et donc à des
profits nuls.
57
58
Chapitre 4
Fonctions de coûts
C (q; p1 , p2 ) (4.1)
Nous savons que la combinaison qui minimise les coûts, E = ( x1∗ , x2∗ ) , doit vérifier
les deux conditions suivantes :
1)
2) E permet de produire q :
f ( x1∗ , x2∗ ) = q
Cela nous donne donc un système simple de deux équations et deux inconnus :
( x1∗ , x2∗ ). Les solutions de ce système (les valeurs optimales) vont bien sûr en général
dépendre des paramètres de ce problème de minimisation : q, p1 et p2 . Elles vont cor-
respondre aux demandes conditionnelles d’inputs : ( x1∗ (q; p1 , p2 ) , x2∗ (q; p1 , p2 )). Ces
demandes sont conditionnées par le niveau de production visée (q).
Le coût de ce panier optimal est le coût le plus faible que la firme doit payer si elle
veut réaliser le niveau de production q :
59
C (q) est la fonction de coût total de la firme. Remarquons que cette fonction dé-
pend de la technologie (la fonction de production) de la firme et des prix des facteurs
de production.
4.2 Exemples
4.2.1 Facteurs complémentaires
f ( x1 , x2 ) = min { x1 , x2 }
Pour produire q, il faut au moins q unités de x1 et q unités de x2 .
La minimisation des coûts doit impliquer la suppression des gâchis et donc, l’uti-
lisation des combinaisons efficaces (celles qui contiennent juste ce qu’il faut de facteurs
de production pour réaliser le niveau recherché) :
Nous remarquons que dans ce cas les demandes conditionnelles ne dépendent des prix
des facteurs.
f ( x1 , x2 ) = x1 + x2
Etant donnée la parfaite équivalence entre les facteurs, la firme choisira d’utiliser
celui qui est le moins cher pour réaliser toute la production :
si p1 ≤ p2 , x1∗ = q, x2∗ = 0
⇒ C (q; p1 , p2 ) = min { p1 , p2 } × q
si p1 ≥ p2 , x2∗ = q, x1∗ = 0
Ici les demandes conditionnelles dépendent des prix de manière assez brutale (tout
ou rien) : toute la production est réalisée avec un seul facteur (le moins cher).
60
qui nous donne donc la fonction de coût de CT.
Les demandes conditionnelles des facteurs deviennent dans ce cas :
et
A long terme (LT) nous avons à nouveau le problème standard avec tous les fac-
teurs variables :
min x1 ,x2 p1 x1 + p2 x2
C (q) =
S.à. f ( x1 , x2 ) = q
Les deux facteurs de productions peuvent être librement ajustés :
Relation CT–LT
Soient x1 = x1∗ (q), x2 = x2∗ (q) et C (q) les solutions uniques du problème de mini-
misation de coûts de long terme.
Soit CCT (q; x2 ) la solution de court terme étant donné un niveau donné x2 .
Que peut-on dire de CCT (q; x2 ) si x2 = x2∗ (q), qui est la quantité optimale de facteur
2 si la firme pouvait ajuster cette quantité ?
Disposant exactement ce qu’il faut de facteur 2 pour minimiser ses coûts, la firme
peut atteindre le minimum de long terme en ajustant seulement le facteur 1. Pour tout
autre niveau de facteur 2 fixe ( x2 6= x2∗ (q)), la firme devra supporter des coûts plus
élevé :
x2 6= x2∗ (q) ⇒ CCT (q, x2∗ (q)) = C (q) ,
⇔ x1CT (q; x2∗ (q)) = x1∗ (q) ,
et
∀ x2 6= x2∗ (q) ⇒ CCT (q, x2 ) > C (q) .
61
4.5 Les courbes de coût
Nous allons maintenant introduire des outils supplémentaires pour caractériser les
coûts de l’entreprise.
Ces outils nous serons d’autant plus utiles que la suite de notre analyse sera ex-
clusivement menée en termes de coûts. Ils vont nous permettre d’évaluer le coût que
l’entreprise paie en moyenne pour chaque unité produite et le coût supplémentaire que
l’entreprise aura à payer si elle augmente sa production de manière marginale (infinité-
simale).
C (q)
CM (q) = . (4.3)
q
D’autre part nous savons qu’à court terme la production se réalise à partir des fac-
teurs variables et des facteurs fixes, avec les coûts correspondants. Par conséquent, nous
pouvons décomposer les coûts totaux de l’entreprise de la manière suivante :
Nous pouvons tenir compte de cette décomposition dans les coûts moyens :
CFM (q) est une fonction hyperbolique de type 1/x. Sa courbe est décroissante et
convexe.
Exemple : F = 10, CFM (q) = 10/q (Figure 4.1)
La forme de la courbe CV M (q) est un peu plus difficile à établir car elle dépendra
de la croissance des coûts avec le niveau de production.
CV (q)
CV M (q) = (4.6)
q
62
Le coût moyen
s’obtient en sommant ces deux courbes (Figure 4.3) : CM (q) =
q2 − 4q + 10 + (10/q)
Nous remarquons dans cet exemple que la décroissance du CFM est suffisamment
forte pour dominer la croissance du CV M de manière à empêcher l’émergence de la
zone de rendements d’échelle décroissants.
63
∆q → ∆C (q)
∆C (q) C (q + ∆q) − C (q)
⇒ Cm (q) = =
∆q ∆q
Naturellement :
Ce qui nous intéresse est une évaluation de cette variation des coûts qui ne soit
pas conditionnée par la variation ∆q retenue. Nous alors considérer une variation très
petite (infinitésimale) des quantités, de manière à obtenir une évaluation très locale de
la variation relative des coûts :
∆C (q) dC (q)
Cm (q) = lim = = C ′ (q) (4.7)
∆q →0 ∆q dq
Certains ouvrages de microéconomie limite l’analyse à une variation discrète des
quantités ; une variation d’une unité chaque fois, comme chez Varian (1994) par exemple :
64
Cela dépend de la convention retenue dans chaque présentation. Nous retiendrons
la première forme, en accord avec Hal Varian et par commodité, même si la seconde
forme soit plus correcte mathématiquement.
Quelle relation pouvons-nous établir entre l’évolution du CM et celle de Cm ? Par-
tons de la définition de CM et regardons sa variation.
C (q)
CM (q) =
q
′ d C (q)
CM (q) =
dq q
′
C (q) q − C (q) × 1
=
q2
′
C (q) − C (q) /q
=
q
1
= (Cm (q) − CM (q))
q
Pour reprendre le premier cas, par exemple, si la quantité supplémentaire que pro-
duit la firme coûte plus cher que ce que chaque unité déjà produite a coûté, cela va
nécessairement augmenter le coût moyen de la production. En somme, tout cela est
bien logique. Nous remarquons aussi que la courbe de Cm passe nécessairement par le
minimum de la courbe de CM (correspondant à CM ′ = 0). Elle doit aussi passer par le
minimum de la courbe de CV M puisque
Cm = C ′ = CV ′ ⇒ Cm (q) = CV M (q) ⇐⇒ CV M ′ = 0.
On peut alors établir les relations représentées dans Figure 4.4 entre les différentes
courbes de coût.
65
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La surface sous la courbe de Cm jusqu’à q0 nous donne le coût variable total cor-
respondant au niveau q0 . Ce que nous pouvons noter en utilisant l’opérateur d’intégra-
tion : Z q0
CV (q0 ) = Cm (q) dq (4.8)
0
66
Exemple :
67
4.7.1 Rendements d’échelle constants
Soit
Si la firme désire produire q > 1, avec les rendements d’échelle constants, nous
devons avoir :
Par conséquent la fonction de coût est linéaire par rapport à l’output (Figure 4.6).
Exemple : C (1; p1 , p2 ) = c = 10 ⇒ C (q) = 10q
C(q)
C(q) = c × q = 10q
68
4.7.2 Rendements d’échelle croissants
Dans ce cas nous aurons :
Par conséquent, pour produire q, il faut multiplier la combinaison ( x1∗ (1) , x2∗ (1))
par un facteur inférieur à q.
Aussi les coûts seront-ils multipliés par un facteur inférieur à q. Les coûts aug-
mentent donc moins que proportionnellement à l’augmentation de l’output. Par exemple
il suffira de multiplier l’échelle de production ainsi que les coûts par 1.5 pour multiplier
l’output par 2 (Figure 4.7).
C(q)
C(q)
Donc pour produire q il faut multiplier l’échelle de production par un facteur supé-
rieur à q.
Les coûts augmenteront alors plus que proportionnellement à l’augmentation du
niveau de la production (Figure 4.8).
69
C(q)
C(q)
70
Souvent, pendant l’expansion de son output, la firme passe successivement à tra-
vers ces trois étapes. D’abord les rendements sont croissants, ils deviennent ensuite
constants et, finalement, décroissants (Figure 4.9).
CM (q)
Rendements Rendements Rendements
d’échelle d’échelle d’échelle
croissants constants décroissants CM (q)
CM ′ < 0 CM ′ = 0 CM ′ > 0
q0 :
Echelle efficace
minimale
q0 q1 q
Jusqu’à q0 la firme a intérêt à augmenter son échelle de production car elle réduit
ainsi ses coûts unitaires. Si elle veut produire plus que q0 alors elle a intérêt à installer
une seconde unité pour réaliser cette production supplémentaire. Entre q0 et q1 l’unité
de production est utilisée à pleine capacité.
S’il existe des facteurs quasi-fixes alors la courbe de coût moyen aura toujours une
forme en ∪ du fait de la décroissance des coûts quasi-fixes moyens.
Considérons que la firme ajuste ses capacités de production dans le temps, en ajus-
tant la taille de l’entreprise. Soit k : la taille de l’entreprise. A court terme, k représente
de manière synthétique tous les facteurs fixes. La fonction de coût de court terme est
alors donnée par :
CCT (q; k)
71
Pour un niveau donné de q0 il existe une taille optimale de l’entreprise qui permet
de produire q0 avec les coûts les plus faibles possibles, et donc, avec juste ce qu’il faut
de facteurs fixes. Soit
k ( q) : la taille optimale pour q (4.9)
Nous savons qu’à long terme la firme utiliser exactement cette taille optimale puis-
qu’elle pourra ajuster l’utilisation de tous les facteurs de production :
Coûts de long terme : C (q) = CCT (q; k ( q)) (4.10)
Analysons un peu plus en détail cette relation (court terme) / (long terme).
Soient un niveau de production q0 et k0 = k ( q0 ), la taille optimale correspondant à
q0 .
Nous avons alors :
– pour q0
C (q0 ) = CCT (q0 ; k0 )
C ( q0 ) C (q ; k )
≤ CT 0 0
q0 q0
CM LT (q0 ) ≤ CMCT (q0 ; k0 ) (4.11)
– pour q 6= q0
C (q) ≤ CCT (q; k0 )
C (q) C (q; k0 )
≤ CT
q q
CM LT (q) ≤ CMCT (q, k0 )
car pour tout niveau de production q 6= q0 , k ( q) permet de faire au moins aussi
bien que k0 qui n’est optimale que pour q0 .Par conséquent, la courbe de CMCT (q, k0 )
doit être au–dessus de CM LT (q) = CMCT (q, k ( q)) pour tous les niveaux de pro-
duction sauf q0 .
– pour q0 et k 6= k0 :
C (q0 ) ≤ CCT (q0 ; k)
C ( q0 ) C ( q0 ; k )
≤ CT
q0 q0
CM LT (q0 ) ≤ CMCT (q0 , k)
De même nous pouvons calculer les tailles optimales correspondant à d’autres
niveaux de production :
k 1 = k ( q1 ) , k2 = k ( q2 ) , ...
qui sont les solutions du problème suivant pour chaque niveau de production q :
min CTCT (q, k) (4.12)
k
72
4.8.1 Courbes de coûts moyens de long terme : deux cas
Petit nombre de tailles possibles
Si le choix de la taille optimale ne peut se faire totalement librement, la firme doit
choisir, pour chaque niveau de production, la taille la mieux adaptée à partir d’un en-
semble fini de tailles possibles :
k ∈ { k0 , k1 , k2 } .
( )
( )
( )
CM ( q )
k* = k k* = k k* = k
La courbe de coût moyen de long terme est donnée par la courbe enveloppe (Fi-
gure 4.10).
73
( ) ( )
(
) ( )
!" ( # $ )
%& )* ( ' + ( , )
Cm ( q )
CM ( q )
k* = k k* = k k* = k
74
Si l’on peut ajuster librement la taille optimale :
75
76
Chapitre 5
Nous allons enfin pouvoir construire la courbe d’offre de la firme. Cette offre sera
donnée par la maximisation du profit sous la contrainte technologique et donc en utili-
sant la fonction de coût.
77
une donnée et elle maximise son profit en jouant uniquement sur ses quantités. Elle va
aussi considérer qu’étant donnée sa petite taille, elle pourra écouler toute sa production
au prix de marché.
Π (q) = RT − CT = pq − C (q) .
max { pq − C (q)}
q
dΠ
⇒ =0
dq
d ( pq) dC (q)
⇔ − = Rm − Cm = 0
dq dq
⇔ p − Cm (q∗ ) = 0
⇔ Cm (q∗ ) = p (5.1)
⇔ q∗ ( p) = Cm−1 ( p) (5.2)
−1
Note : f ( x) = y ⇔ x = f ( y)
78
Remarquons au passage que le maximum de profit ne sera effectivement atteint que
pour des quantités qui annulent la dérivée première du profit car sinon :
dΠ
> 0 [⇔ p > Cm (q∗ )] ⇒ Π ր si q ր
dq
dΠ
< 0 [⇔ p < Cm (q∗ )] ⇒ Π ր si q ց
dq
donc on pourrait augmenter le profit à partir de q∗ .
79
Dans ce cas q∗ implique des pertes plus importantes que les coûts fixes. Par consé-
quent (Figure 5.3) :
p = minq CV M (q)
Alors la firme suivra sa courbe d’offre pour tout prix p > p. Ce prix seuil est parfois
appelé le seuil de fermeture. Parfois, le minimum du coût moyen est aussi appelé le
seuil de rentabilité puisque la firme commence à faire des profits positifs à partir de ce
prix (quand les prix deviennent plus élevés que ce prix).
RT = pq∗
80
Nous pouvons alors calculer le profit de la firme de la manière suivante :
Π (q∗ ) = RT − CT
= pq∗ − CM (q∗ ) q∗
= ( p − CM (q∗ ))q∗
| {z }
marge
unitaire
Π = RT − CT
= Sur f ace [OpEq∗ ] − Sur f ace [OCM (q∗ ) Aq∗ ]
= Sur f ace [CM (q∗ ) pEA]
81
5.6.1 Représentation du surplus avec la courbe de coût variable moyen
Cette représentation est la transposition directe de celle utilisée pour le profit, en
remplaçant le coût moyen par le coût variable moyen (Figure 5.5), puisque
S P = RT − CV = ( p − CV M ) q
S p = ( p − CV M (q∗ )) q∗
= Sur f ace [CV M (q∗ ) pEA]
S p = pq∗ − CV (q∗ )
Z q∗
∗
= pq − Cm (q) dq
0
Z q∗
= ( p − Cm (q)) dq
0
= Sur f ace [ BpEA]
82
F IGURE 5.6 – Coût variable moyen et le surplus de la firme
Si q1 ≤ q0 : S p = ( p − CV M (q1 )) q1 ,
Z q1
p
Si q1 > q0 : S = p ( q1 − q0 ) − Cm (q) dq
q0
= Sur f ace [ BpEA] ( pour q1 = q∗ )
avec B = CV M (q0 )
83
Quand le prix se modifie (Figure 5.8) :
p → p′ > p
q∗ ( p) → q∗ p′ > q∗ ( p)
S p → S p′ > S p
⇒ ∆S p = Sur f ace pp′ EA > 0
De plus :
∆S p = ∆Π
car F apparaît des deux côtés.
84
A court terme, pour une taille donnée, k, nous avons :
Conséquence : à long terme, un meilleur ajustement de l’offre aux variations des prix
est possible, car le firme va pouvoir réagir avec toute sa liberté. Nous aurons alors une
offre plus sensible aux variations de prix à long terme : à long terme, l’offre de la firme
est nécessairement plus élastique qu’à court terme.
Soit q∗ et k∗ tels que :
k∗ = k ( q∗ ) , q∗ = q∗ ( p; k∗ )
et une variation du prix : p → p′ > p.
Dans ce cas l’ajustement de l’offre sera plus forte si la firme peut ajuster tous les
facteurs de production – si la firme est à long terme (Figure 5.9) :
De plus, à long terme, la firme a la possibilité de quitter le marché sans avoir à payer
les coûts fixes (puisque tous les facteurs sont variables). Elle cessera donc de produire
si :
85
5.7.1 Offre de long terme avec rendements d’échelle constants
Si nous avons des rendements d’échelle constants à long terme alors nous devons
avoir :
86
F IGURE 5.11 – Rendements d’échelle constants et l’offre de LT
87
88
Deuxième partie
Consommation de biens
89
Le consommateur de la théorie microéconomique néo-classique est aussi rationnel
et il cherche à atteindre le panier optimal de consommation, étant donné le budget dont
il dispose et les prix des biens sur les marchés. Parmi l’ensemble des paniers de consom-
mations qu’il peut acquérir, le consommateur va choisir celui qu’il considère comme
étant le meilleur pour lui. Son problème est en somme très similaire à celui du produc-
teur qui cherche à minimiser ces coûts sous la contrainte technologique. Nous allons
d’abord déterminer les paniers qu’il a la possibilité d’acquérir. Il s’agira de ceux qui
sont compatibles avec sa contrainte de budget. Ensuite, nous introduirons la représen-
tation des goûts du consommateur. Cela va nous permettre de déterminer la manière
dont il classe tous les paniers disponibles du point de vue de ses goûts. On étudiera
alors le choix du panier optimal sous la contrainte de budget. Cela va nous permettre
de déterminer la demande de biens que le consommateur exprimera sur les différents
marchés, pour les différents niveaux de prix de ces biens.
91
92
Chapitre 6
Dans ce chapitre nous allons caractériser les paniers que le consommateur peut ac-
quérir, étant donnés les prix de marché et son budget.
p1 x1 : dépenses en bien 1
+
p2 x2 : dépenses en bien 2
=
p1 x1 + p2 x2 ≤ m : Contrainte budgétaire
Tous les paniers vérifiant cette contrainte forment l’ensemble de budget du consom-
mateur.
93
Exemple : p1 = 1, p2 = 2, m = 100
Contrainte de budget (Figure 6.1). :
x1 + 2x2 = 100
100 1
⇔ x2 = − x1
2 2
1
= 50 − x1
2
p1
|La pente| :
p2
nous donne le nombre d’unités de bien 2 que le consommateur peut acheter en
vendant une unité de bien 1.
S’il économise une unité de 1, il économise une somme p1 . S’il consacre cette somme
à l’achat de bien 2
p1
x2 tel que p2 x2 = p1 ⇔ x2 = .
p2
94
F IGURE 6.2 – Droite de budget du consommateur
p1 x1 + p2 x2 = m (6.2)
= p1 ( x1 + ∆x1 ) + p2 x2 > m
C’est la quantité de bien 2 qu’on doit consommer en moins pour garder le même
niveau de dépense avec une unité de bien 1 supplémentaire.
95
6.3 Statique comparative de la droite de budget
Nous allons considérer l’effet sur la forme de la contrainte de budget d’une aug-
mentation du revenu et la modification des prix.
p1 x1 + p2 x2 = m → p1 x1 + p2 x2 = m ′ > m
La pente n’a donc pas été modifiée mais les ordonnées à l’origine augmentent :
m m m′ m m′ m
, → > , >
p1 p2 p1 p1 p2 p2
96
6.3.2 Augmentation du prix du bien 1
De manière similaire, considérons maintenant une augmentation de prix : p1 →
p1′ > p1
p1 x1 + p2 x2 = m → p1′ x1 + p2 x2 = m
m m m m m
⇒ , → < ,
p1 p2 p1′ p1 p2
p ′
p1 p
|pente | : → 1 > 1
p2 p2 p2
p '> p
6.4 Le numéraire
Trois paramètres déterminent la relation entre x1 et x2 dans la contrainte budgétaire :
p1 , p2 , m.
97
Un de ces paramètres est redondant et on pourrait normaliser la contrainte bud-
gétaire de manière à avoir une valeur 1 pour une de ces variables. On appelle alors
cette variable le numéraire. Le bien dont le prix est utilisé comme numéraire est le
bien numéraire. Les autres prix sont alors exprimés en fonction du prix initial du bien
numéraire : p
1 p2
m x1 + m x2 = 1
p1 m
p1 x1 + p2 x2 = m ⇔ ou x1 + 1 × x2 =
p 2 p 2
p2 m
ou 1 × x1 + x2 =
p1 p1
Dans le premier cas le numéraire est le revenu. Dans le second cas le bien 2 est le
bien numéraire. Dans le troisième cas le bien 1 est le bien numéraire.
98
Chapitre 7
X = ( x1 , x2 ) ∈ R2+
99
X ≻ Y : il préfère strictement X à Y . Entre les deux paniers, il choisira nécessairement
X.
Y ≻ X : il préfère strictement Y à X . Entre les deux paniers, il choisira nécessairement Y.
X ∼ Y : il est indifférent entre les deux paniers. Les deux paniers sont équivalents pour
lui.
X % Y : il préfère faiblement X à Y.
Implications logiques entre ces cas :
– Si X % Y et Y % X ⇒ X ∼ Y : Si parfois il dit préférer faiblement X à Y et parfois
Y à X alors il est en fait indifférent entre les deux paniers.
– Si X % Y mais non X ∼ Y ⇒ X ≻ Y : S’il dit préférer faiblement X à Y mais
il est sûr de ne pas être indifférent entre les deux paniers alors il préfère en fait
strictement X à Y.
X % X car X ∼ X
quand on lui présente deux fois le même panier, le consommateur est parfaitement
capable de d’en rendre compte.
c) La relation de préférence est transitive :
X % Y et Y % Z ⇒ X % Z
100
les contraintes de cette approche. Le cadre de la rationalité substantive reste encore un
cadre de référence fort en microéconomie par la structuration qu’il apporte aux pro-
blèmes étudiés. Il est néanmoins possible aujourd’hui de modéliser les phénomènes
économiques sans des hypothèses aussi fortes sur la rationalité des agents (tout en te-
nant compte bien sûr de l’intentionnalité de leurs choix). Dans le cadre de cet ouvrage
d’introduction on se limitera souvent au cadre de la rationalité substantive.
Nous allons maintenant introduire des concepts visant à préciser et faciliter la re-
présentation des préférences du consommateur.
X ∼ Y, Z % X ⇒ Z % Y,
Y ∼ X % T ∼ V ⇒ Y % T et Y % V
Propriété : Les courbes d’indifférence correspondant à des niveaux différents de satisfaction ne
peuvent se couper (Figure 7.2).
101
Y ∈ I = {T | T ≈ X }
Y ∈ I = {T | T ≈ Z }
X ≈ Y, Y ≈ Z ⇒ X ≈ Z
⇒ I = I
∆x2 > 0,
( x1 , x2 ) ∼ ( x1 + ∆x1 , x2 + ∆x2 )
⇒ ∆x1 > 0
102
103
Y%X
7.4.4 Saturation
Dans ce cas, il existe un panier ( X ) préféré à tous les autres.
Plus le consommateur est proche de ce panier, plus grande est sa satisfaction. C’est
la distance par rapport à X qui permet de comparer les différents paniers.
On appelle ce panier X le point idéal ou le point de saturation (Figure 7.6).
X % Y % Z % T, Y∼V
104
F IGURE 7.6 – Panier idéal et saturation
( x1 + ε, x2 ) ≻ ( x1 , x2 ) , ( x1 , x2 + ε) ≻ ( x1 , x2 ) ,
( x1 + ε, x2 + ε) ≻ ( x1 , x2 ) .
si M ∼ N et α ∈ [0, 1] ,
P = αM + (1 − α) N
P & M ∼ N.
Graphiquement : l’ensemble des paniers faiblement préférés est convexe (Figure 7.8).
105
F IGURE 7.7 – Les préférences normales sont monotones
P = αM + ( 1 − α ) N
106
7.5 Le taux marginal de substitution (TMS)
C’est équivalent au TMST (Figure 7.9).
M ∼ N,∆x1 < 0,
M → N ⇒ ∆x2 > 0 → ∆x1
107
F IGURE 7.10 – Décroissance du TMS
108
Chapitre 8
La fonction d’utilité
U : ( x1 , x2 ) 7−→ U ( x1 , x2 )
∀ X, Y, X % Y ⇔ U ( X ) ≥ U (Y ) ,
∀ X, Y, X ∼ Y ⇔ U ( X ) = U (Y ) .
Dans cette approche ce qui compte c’est la valeur relative d’un panier par rapport
à un autre et non la valeur absolue de chaque panier (U (·)) . On demande uniquement
à la fonction d’utilité de représenter l’ordre des différents paniers et non la satisfaction
tirée de chaque panier individuel : on a une fonction d’utilité ordinale.
Exemple : Si l’on a A ≻ B ≻ C , les trois fonctions d’utilité U, V, W représentent ces
mêmes préférences :
U V W
A 3 17 −1
B 2 10 −2
C 1 0.1 −3
La fonction d’utilité n’est donc pas unique. En fait, si U est une fonction d’utilité
ordinale qui représente les préférences d’un individu, toute transformation monotone
croissante de U représentera toute aussi bien ces préférences :
√
U, aU + b ( a ≥ 0) , eU , ln (U ) , ...
109
8.1 Utilité cardinale
Historiquement, le concept d’utilité initialement développé par les marginaliste
était basé sur la possibilité d’obtenir une mesure exacte et en niveau absolu de la sa-
tisfaction de l’individu. Dans la théorie de l’utilité cardinale on considère que la valeur
de la fonction d’utilité pour une panier mesure la satisfaction que tire le consommateur
de ce panier. Dans ce cas si l’on a
U ( X ) = 2U (Y ) , ( avec U (Y ) > 0)
alors cela voudrait dire que le consommateur aime deux fois plus X que Y.
Tandis qu’avec une utilité ordinale tout ce que cela implique est :
X ≻ Y.
On peut simplement lui faire correspondre une fonction d’utilité qui associe des
valeurs plus élevées à des courbes plus éloignées de l’origine. Elle pourrit associer, par
exemple, à chaque panier sa distance par rapport à l’origine (Figure 8.2).
IX = {Y | U (Y ) = U ( X ) } ou IU0 = {Y | U (Y ) = U0 }
avec U ( X ) = U0 .
110
F IGURE 8.1 – Une carte d’indifférence
111
Comme les courbes définies par des équations de type : f ( x, y) = z0 = Cste cor-
respondent aux courbes de niveau de la fonction f , les courbes d’indifférences sont les
courbes de niveau de la fonction d’utilité. En faisant varier U0 on obtient les courbes
d’indifférences correspondant aux différents niveaux de satisfaction.
IU0 = {( x1 , x2 ) | x1 + x2 = U0 } .
Naturellement les fonctions suivantes représentent tout aussi bien ces préférences :
√ √
V = U = x1 + x2 ,
W = U 2 = ( x1 + x2 ) 2 .
U ( x1 , x2 ) = ax1 + bx2
112
U ( x , x ) = ax + bx
U
b a
pente =
b
U
a
min { x1 , x2 } = U ( x1 , x2 ) .
De manière générale, si les deux biens doivent être combiné dans des proportions
fixes (Figure 8.4)
x2 a
= ⇒ U ( x1 , x2 ) = min { ax1 , bx2 }
x1 b
x1 → x1 + ∆x1 ⇒ U ( x1 , x2 ) → U ( x1 + ∆, x2 )
∆U U ( x1 + ∆, x2 ) − U ( x1 , x2 )
= = Um1,
∆x1 ∆x1
∆U ∂U
lim = = Um1
∆x1 →0 ∆x1 ∂x1
113
F IGURE 8.4 – Biens complémentaires
dU = Um1 dx1 .
dx2 Um1
dU = 0 ⇔ − = TMS2,1 =
dx1 Um2
114
Le TMS ne dépend pas de la fonction d’utilité retenue :
115
116
Chapitre 9
maxx1 ,x2 U ( x1 , x2 )
(9.1)
S.à. p1 x1 + p2 x2 = m
C ≻ B ≻ A ⇔ U (C ) > U ( B) > U ( A)
mais
p1 x1C + p2 x2C > m.
117
m
p
m
x
p
La pente de la droite de budget doit alors être égale, en valeur absolue, à la pente de la
tangente à la courbe d’indifférence :
p x∗ + p2 x2∗ = m
1 1
E = ( x1∗ , x2∗ ) : (9.2)
p1 Um1
=
p2 Um2
Ce système de deux équations à deux inconnues nous donne le panier optimal, étant
donnés le vecteur de prix et le revenu du consommateur :
118
U > U
U
U
x
x
119
9.2 Exemples
9.2.1 Substituts parfaits
U ( x1 , x2 ) = ax1 + bx2 ,
a
Um1 = a, Um2 = b ⇒ TMS =
b
m
A : x1∗ = 0, x2∗ =
p2
p1 a
(ii) < : le bien 1 est relativement bon marché et le consommateur ne voudra
p2 b
consommer que ce bien
m
B : A : x1∗ = , x2∗ = 0.
p1
120
p1 a
(iii) = : les deux biens ont la même valeur relative pour le consommateur et
p2 b
le consommateur est indifférent entre tous les paniers qui sont sur sa droite de budget
(qui se confond avec la courbe d’indifférence).
L’optimum est donné par tout point C tel que
p1 x1 + p2 x2 = m
121
9.2.2 Courbes d’indifférence strictement convexes
Soit (Figure ??)
U ( x1 , x2 ) = x1 x2
Courbe d’indifférence pour U0 :
U0
x1 x2 = U0 ⇔ x2 =
x1
ce sont des hyperboles.
x2
Um1 = x2 , Um2 = x1 ⇒ TMS =
x1
L’optimum du consommateur :
x2∗ p p
Point de tangence : TMS = ∗ = 1 ⇒ x2∗ = 1 x1∗
x1 p2 p2
p1 ∗
Contrainte de budget : p1 x1∗ + p2 x =m
p2 1
m
2p1 x1∗ = m ⇒ x1∗ =
2p1
∗ p1 ∗ p1 m m
x2 = x1 = =
p2 p2 2p1 2p2
x
x
122
9.3 Surplus du consommateur
La maximisation d’utilité conduit à l’expression de la fonction de demande du
consommateur sur le marché. De cette demande, il nous est possible de déduire le
prix maximal que le consommateur est prêt à payer pour accepter acheter une unité
supplémentaire d’un bien. On appelle ce prix le prix de réserve (ou de réservation).
Exemple : Perdu dans le désert pendant une randonnée, vous errez depuis 6 heures
et vous n’avez plus d’eau depuis une heure. Vous entendez le bruit de chameau d’un
marchand d’eau et vous vous approchez de lui pour acheter de l’eau. Il vous demande
le prix que vous êtes prêt à payer pour un verre d’eau. Vous lui donnez 50 dinars et
buvez le verre d’eau mais vous avez encore soif. Il vous demande à nouveau combien
vous accepteriez de payer pour le second verre. Votre soif ayant été un peu comblé,
vous êtes prêt à payer un petit peu moins. Ainsi, vous achetez 4 verres d’eau chez lui
aux prix suivants : 1er verre : 50 dinars ; 2eme verre : 40 ; 3eme verre : 30 et 4eme verre : 20
(Figure 9.5).
p
50
40
30
20
10
0 1 2 3 4 5 q
Pour les quatre premiers verres vous avez payé enfin de compte :
50 + 40 + 30 + 20 = 140 dinars
ce que vous étiez prêt à payer étant donnée l’utilité que vous avez retiré de chaque
verre d’eau.
En continuant votre chemin que le marchand vous a indiqué, vous arrivez rapide-
ment à un Oasis où existe un marché de l’eau. Le prix de marché pour un verre d’eau
est de 20 dinars. Vous avez à nouveau soif vous buvez à votre soif jusqu’à ce que votre
prix de réserve devienne inférieur au prix de marché. Vous achetez donc 4 verres d’eau
à nouveau (votre prix de réserve pour le 4ème verre est de 20 dinars=prix de marché).
Pour ces quatre verres d’eaux, vous payez alors
4 × 20 = 80 dinars.
123
Votre gain par rapport à la situation précédente est de (Figure 9.6)
140 − 80 = 60 dinars.
C’est votre surplus : la différence entre ce que vous étiez prêt à payer pour les 4
verres et ce que la présence du marché a permis de payer. Pour chaque unité consom-
mée, il faut calculer la différence entre le prix de réserve (l’expression monétaire de
l’utilité marginale de cette unité de consommation) et le prix qui a été effectivement
payé (le prix de marché).
S = 30 + 20 + 10
p = 60
= 140 − 80
50
40
4 × 20 = 80
30
p = 20
10
0 1 2 3 4 5 q
Z q0
SC i = p ( q) dq − p0 q0
0
i −1
avec p ( q) = D (q) (la demande inverse)
124
= ( )
(
− )
= ( )
( )
125
126
Chapitre 10
Analyse de la demande
Dans ce chapitre, nous allons étudier la variation de ces demandes suite à des varia-
tions du revenu et des prix. Cette étude sera menée grâce à la statique comparative : Nous
allons partir d’un optimum du consommateur, modifier un paramètre (par exemple, R
) et observer comment l’équilibre s’est modifié et en déduire les conséquences sur les
demandes.
127
F IGURE 10.1 – Effet du revenu : biens normaux
128
Pour des variations infinitésimales :
∆x1∗ ∂x∗
lim = 1 > 0 : le bien 1 est normal,
∆R→0 ∆R ∂R
∆x2∗ ∂x2∗
lim = < 0 : le bien 2 est inférieur.
∆R→0 ∆R ∂R
∂f x ∂f z
ε y,x = , ε y,z = .
∂x f ( x, z) ∂z f ( x, z)
Si nous avons
ε x1∗ ,R = 3,
ε x1∗ ,R = −3,
∂x
Biens normaux : ε x,R > 0 car > 0,
∂R
∂x
Biens inférieurs : ε x,R < 0 car < 0.
∂R
129
10.2 Le chemin d’expansion du revenu et la Courbe d’Engel
La courbe d’Engel nous donne le lieu géométrique des quantités optimales du consom-
mateur qui varient quand on modifie le revenu (Figure 10.3).
Si le bien 1 est un bien normal alors la courbe d’Engel est croissante. Si les deux
biens sont normaux alors le chemin d’expansion du revenu (CER) est croissant.
10.3 Exemples
10.3.1 Substituts parfaits
Exemple de fonction d’utilité : u ( x1 , x2 ) = x1 + x2 , TMS = 1.
p
Nous savons que l’optimum dépend de la comparaison de p12 avec le TMS = 1. De
manière générale, la fonction de demande du bien i est donnée par :
R/pi si pi < p j
xi∗ R; pi , p j = R/pi = R/p j si pi = p j
0 si pi > p j .
p1
p1 > p2 ⇔ > 1.
p2
130
Dans ce cas les fonctions de demande du consommateur seront données par :
x1∗ ( R; p1 , p2 ) = 0,
R
x2∗ ( R; p1 , p2 ) =
p2
car il va consacrer la totalité de son revenu au bien qui est relativement moins cher
(le bien 2). Nous avons alors (Figure 10.4) :
∂x2∗ 1 1 R 1
= ⇒ ε x2∗ ,R = = · p2 = 1 > 0.
∂R p2 p2 pR p2
2
131
Par conséquent :
∂x1∗ ∂x∗ 1
= 2 =
∂R ∂R p1 + p2
1 R
⇒ ε x1∗ ,R = ε x2∗ ,R = · = 1 > 0,
p1 + p2 R
p1 + p2
si R ր de 1%, x1∗ ր de 1%.
132
F IGURE 10.6 – Effets de la variation d’un prix
10.6 Exemples
10.6.1 Substituts parfaits
Nous connaissons la fonction de demande pour ce type de biens :
R/pi si pi < p j
xi∗ R; pi , p j = R/pi = R/p j si pi = p j
0 si pi > p j .
Par conséquent :
∂xi∗ − R/p2i ≤ 0 si pi ≤ p j
=
∂pi 0 sinon
La courbe de demande est donc donnée dans Figure 10.8.
133
F IGURE 10.7 – Chemin d’expansion du prix
134
Elasticité-prix de la demande :
R p
− 2 · 1 = −1 si pi ≤ p j
∂x p pi R
ε x1 ,p1 = 1 · ∗1 =
∂p1 x1
p1
0 sinon
R ∂x −R
x1∗ ( R; p1 , p2 ) = ⇒ 1 = < 0.
p1 + p2 ∂p1 ( p1 + p2 ) 2
Elasticité–prix :
∂x1 p1 −R p1 p1
ε x1 ,p1 = · ∗ = · =−
∂p1 x1 ( p1 + p2 ) 2 R
( p1 + p2 )
p1 + p2
−1 ≤ ε x1 ,p1 ≤ 0
∂xi∗ p j
ε xi ,p j = · .
∂p j xi∗
135
En effet, si l’on considère la demande de bien 1, nous savons que dans le cas général,
cette demande dépend de R, de p1 mais aussi, de p2 .
Que pouvons–nous dire de la variation de la demande de bien 1 quand le prix du
bien 2 augmente ?
Considérons que ces deux biens sont ordinaires. Nous avons alors trois cas pos-
sibles :
∂x∗
– les deux biens sont indépendants : 1 = 0 ⇒ ε xi ,p j = 0.
∂p2
– les deux biens sont des substituts bruts : si le bien 2 devient relativement plus
cher, sa demande diminue et le consommateur luis substitue le bien 1,
∂x1∗
> 0 ⇒ ε xi ,p j > 0.
∂p2
– les deux biens sont des compléments bruts : la baisse de la demande du bien 2
va obliger le consommateur à baisser sa demande de bien 1 aussi,
∂x1∗
< 0 ⇒ ε xi ,p j < 0.
∂p2
136
Chapitre 11
( p1 , p2 ) → ( x1∗ , x2∗ ) ,
′
p p
′ = 1 < 1
TMS ( x1∗ , x2∗ ) ( 1)
p1 < p1 ⇒ p2 p2 (11.1)
′ ∗
p1 x1 + p2 x2∗ < p1 x1∗ + p2 x2∗ = R (2)
Effet sur la condition (11.1.1) : effet des prix–relatifs
→ l’effet de substitution,
Effet sur la condition (11.1.2) : effet sur le pouvoir d’achat
→ l’effet de Revenu.
En consacrant tout son revenu à l’achat du bien 1, il pourrait acheter
R R
x1 = ′ > .
p1 p1
Le passage ′ ′
′
p1 → p1 ⇒ ( x1∗ , x2∗ ) → x1∗ , x2∗
correspond à l’effet total.
Décomposition artificielle en deux effets : D’abord l’effet de substitution, ensuite
l’effet de revenu (SLUTSKY).
En fait nous allons raisonner en 4 étapes.
′
p1 → p1 < p1
137
11.1.1 Effet de la variation des prix relatifs
On peut faire apparaître cette effet en neutralisant l’effet de revenu :
′
p1 x1∗ + p2 x2∗ = R′ < R = p1 x1∗ + p2 x2∗ (11.2)
∆R
( 4) ⇒ = x1∗ ≥ 0
∆p1
138
(variations dans le même sens)
Exemple :
Si le consommateur consomme 5kg de farine avec un revenu de 50 et si le kg de
farine passe de 4F à 3F :
139
Soit une baisse de prix : ∆p1 = −10F ⇒ p1′ = 10F
Effet total : le nouvel optimum : x1∗ ” = 1000/50 = 20 ⇒ ∆x1∗ = +10 = ET.
Effet de substitution : Variation compensatoire du revenu,
∆R = ∆p1 x1∗ = (−10) (10) = −100 ⇒ R′ = 900.
x1∗′ = 900/50 = 18 ⇒ ES = x1∗′ − x1∗ = +8.
A quoi correspond la différence entre ces deux effets : ET − ES = +2 ?
C’est l’effet de l’augmentation du pouvoir d’achat et nous savons que ce type d’ef-
fets n’est pas toujours positif car :
– ER > 0 : bien normal,
– ER < 0 : bien inférieur.
Exemple : (suite)
′′
ER = x1∗ − x1∗ = 20 − 18 = 2.
140
11.2 Variation totale de la demande
L’effet total d’une variation de prix :
∆x1 = x1 p1′ , R − x1 ( p1 , R) (11.3)
Cette variation peut être décomposée :
∆x1 = x1 p1′ , R′ − x1 ( p1 , R) + x1 p1′ , R − x1 p1′ , R′ (11.4)
|{z} | {z } | {z }
ET = ES ER
bien 1 ES ER ET
∆p1 > 0 ⇒ normal - - -
inférieur - + ?
avec le bien 1 inférieur :
– sgn ( ET ) = sgn ( ES) si |ES| > | ER| (le résultat habituel) ;
– sgn ( ET ) = −sgn ( ES) si |ER| > | ES| (les biens de Giffen).
Les biens de Giffen sont donc des biens inférieurs pour lesquels l’effet de revenu est
plus fort que l’effet de substitution.
Par conséquent :
∂x1 a) le bien 1 est un bien normal,
< 0 si
∂p1 b) le bien 1 est inférieur mais ER faible.
La loi de la demande : “Si la demande d’un bien augmente quand le revenu s’accroît
(s’il est normal), la demande de ce bien décroît quand son prix augmente.”
141
F IGURE 11.4 – Décompoasition de Slutsky avec les biens complémentaires
′
x1∗ = R/p1 → x1∗ = R/p1′ > R/p1 .
p1 → p1′ < p1 .
142
F IGURE 11.5 – Décomposition de Slutsky avec les substituts parfaits
143
E′ = x1∗′ , x2∗′ ,
U x1∗′ , x2∗′ = U ( x1∗ , x2∗ ) = U0 ,
p′
TMS x1∗′ , x2∗′ = 1 ,
p2
U = 20x1 x2
p1 = 10, p2 = 5, R = 100,
p1 → p1′ = 5.
144
a) L’optimum initial :
E = ( x1∗ , x2∗ ) ,
x2∗ p 10
TMS( E) = ∗ = 1 = = 2 ⇒ x2∗ = 2x1∗
x1 p2 5
10x1∗ + 5 (2x1∗ ) = 100 ⇒ x1∗ = 5, x2∗ = 10.
E = (5, 10) ⇒ U ( E) = 20.5.10 = 1000.
b) L’optimum final
E′′ = x1∗′′ , x2∗′′ ,
x2∗′′ p1′ 5
TMS( E′′ ) = ∗′′ = = = 1 ⇒ x2∗′′ = x1∗′′
x1 p2 5
5x1∗′′ + 5 x1∗′′ = 100 ⇒ x1∗′′ = 10, x2∗′′ = 10.
E′′ = (10, 10) ⇒ U E′′ = 20.10.10 = 2000.
E′ = x1∗′ , x2∗′ tel que
U x1∗′ , x2∗′ = 1000 ⇔ 20x1∗′ x2∗′ = 1000
50
⇒ x2∗′ =
x1∗′
x∗′ 50 p′
TMS E′ = 2∗′ = ∗′ 2 = 1 = 1
x1 x1 p2
√ 50 √
x1∗′ = 50 ⇒ x2∗′ = √ = 50
50
x1∗′ = x2∗′ ≃ 7.07.
√ √
E′ = 50, 50
ES : E → E′ ⇒ 7.07 − 5 = 2.07,
ER : E′ → E′′ ⇒ 10 − 7.07 = 2.93
ET : E → E′′ ⇒ 10 − 5 = 5.
145
146
Chapitre 12
Nous allons maintenant tenir compte du fait qu’une partie des revenus du consom-
mateur proviennent du travail qu’il fournit sur le marché, contre un salaire horaire.
Cela va conduire à l’endogénéisation d’une partie de son revenu et faire apparaître que
la décision de consommation va de paire avec celle concernant l’offre de travail.
T → wT → M + wT
Pour simplifier l’analyse, mettons dans un cadre à un seul bien. Si la quantité consom-
mée du bien est représentée par C et le prix du bien par p, la contrainte de budget
devient alors :
p · C = M + wT (12.1)
pC − wT = M ⇔ pC − wT + wH = M + wH
pC + w ( H − T ) = M + wH
147
pC + wL
|{z} = |M +{zwH} (12.3)
|{z}
“dépense” “dépense” revenus
de de maximaux
consommation loisir possibles
∂U ∂U
U (C, L) avec > 0, >0 (12.4)
∂C ∂L
1 w
(12.3) ⇒ C = ( M + wH ) − L (12.5)
p p
w
La pente de la contrainte de budget est − . La valeur absolue de cette pente est le
p
salaire réel qui correspond au pouvoir d’achat du revenu salarial : le nombre d’unité du
bien qu’une heure de travail permet d’acheter.
Le problème du consommateur devient alors :
maxC,L U (C, L)
(12.6)
S.à. pC + wL = M + wH
67
4 4
8
148
E = (C ∗ , L∗ ) tel que :
Um L (C ∗ , L∗ ) w
= = salaire réel (12.7)
UmC (C , L )
∗ ∗ p
pC ∗ + wL∗ = M + wH (12.8)
149
ET = ES + ER1 + ER2 R 0
<0 <0 >0
∂L
( a) ≥ 0 si | ES + ER1 | ≤ ER2
∂w
∂L
(b) < 0 si |ES + ER1 | > ER2
∂w
Dans le cas (b) l’offre de travail sera croissante avec le salaire, tandis que dans le cas
( a), l’offre de travail sera décroissante. L’effet final n’est donc pas déterminé a priori et
on ne peut affirmer qu’une augmentation de salaire va impliquer une offre de travail
plus importante.
En général, l’effet ER2 est croissant avec w : si w est élevé alors le consommateur
travaille et consomme déjà considérablement et le loisir à une utilité marginale élevé.
Par conséquent une augmentation de salaire va lui permettre d’augmenter son loisir
sans pour autant diminuer nécessairement sa consommation : à partir d’un taux élevé
w̄, l’offre de travail peut par conséquent devenir décroissante avec w (Figure 12.4).
T ∈ [0, T̄ ] → w, ( L̄ = H − T̄ )
T ∈ ]T̄, H ] → w′ > w
150
F IGURE 12.4 – Possibilité d’une décroissance de l’offre de travail
pC = M + wT + w′ − w max {0, T − T̄ }
pC + wL = M + wH + w′ − w max {0, ( H − L) − ( H − L̄)}
pC + wL = M + wH + w′ − w max {0, L̄ − L}
w/p si L ≥ L̄ ( T ≤ T̄ )
| pente| =
w′ /p si L < L̄ ( T > T̄ )
Soit E l’optimum avec un taux de salaire unique w (sans le paiement des heures
supplémentaires). Nous savons que l’augmentation de w peut avoir un effet négatif
sur l’offre de travail ( ER2 ) .Cet effet est annulé ici car l’augmentation de salaire ne joue
que pour le travail supplémentaire que le consommateur déciderait d’offrir et non sur
l’ensemble des revenus salariaux.
Il ne reste que (Figure 12.5) :
′
ES + ER1 < 0 ⇒ L∗ < L∗ .
Effet d’un salaire plus élevé ne joue que pour les heures de travail supérieures à T̄,
sans augmenter le pouvoir d’achat des heures déjà travaillées.
151
F IGURE 12.5 – Offre de travail et heures supplémentaires
152
Chapitre 13
Choix intertemporels
Nous allons maintenant nous intéresser aux choix du consommateur dans un cadre
dynamique très simple, à deux périodes : “aujourd’hui” et “demain”. Cela va faire ap-
paraître un autre arbitrage que le consommateur peut être amené à établir : celui entre
la consommation présente (celle d’aujourd’hui) et la consommation future (celle de de-
main). Les décisions du consommateur vont être conditionnées par sa contrainte de
budget qui relie nécessairement ces deux périodes.
Période 1 Période 2
Revenus R1 R2
Prix p1 p2
Consommations C1 C2
153
où S est l’épargne du consommateur.
Considérons maintenant que le consommateur peut placer cette épargne dans le
système financier, qui lui rapporte des intérêts avec i, le taux d’intérêt dans l’économie.
Il obtiendra alors à la seconde période :
S ⇒ S + i · S = (1 + i ) S (13.2)
p2 C2 = R2 + (1 + i) S (13.3)
p1 C1 + S = R1 .
p2 C2 − R2
S = R1 − p1 C1 =
1+i
En partant de la relation (13.2), nous pouvons remarquer qu’il est équivalent pour
M
le consommateur de disposer d’une somme M demain ou d’une somme X =
1+i
aujourd’hui car en plaçant X aujourd’hui dans le système financier il aurait exactement
le montant M à sa disposition demain
M
X=
1+i
On appelle alors X la valeur actualisée de M : le montant équivalent aujourd’hui à M
dont on disposera demain. Nous pouvons alors reformuler la contrainte de budget de
l’agent en termes de valeurs actualisées :
p2 C2 R2
⇒ p1 C1 + = R1 + (13.4)
|1 {z
+ }i |1 {z
+ }i
valeur actualisée de la valeur actualisée du
consommation future revenu futur
p1 = 1, p2 = 1 + a (13.5)
154
p2 − p1 (1 + a ) − 1
a≡ = (13.6)
p1 1
Le prix relatif actualisé à la période 1 du bien 2 en termes de bien 1 est alors donné
par
p2 / ( 1 + i ) 1+a
σ≡ = (13.7)
p1 1+i
De plus, nous pouvons poser
R2
R ≡ R1 + . (13.8)
1+i
La contrainte de budget (13.4) devient alors :
1+a
C1 + · C2 = R (13.9)
1+i
Pour la représentation graphique, nous pouvons exprimer cette contrainte dans le
plan (C1 , C2 ) :
1+i 1+i
C2 = R− C1
1+a 1+a
Dans le plan (C1 , C2 ) , la pente de cette contrainte en valeur absolue est :
1+i
= 1+r (13.10)
1+a
où r est le taux d’intérêt réel, avec
1+i
r>0 ⇐
> 1 ⇔ 1 + i > 1 + a ⇔ i > a,
1+a (13.11)
r ≤ 0 ⇐ 1 + i < 1 ⇔ 1 + i < 1 + a ⇔ i < a.
1+a
Une forme simplifiée est :
1 + i = (1 + a) (1 + r) ⇔ i = r + a + ar ⇔ r = i − a − ar (13.12)
si ar ≃ 0, r ≃ i − a.
155
#
$
()
() ()
!
( ) ()
"
max U (C1 , C2 )
1+a
S.à. C1 + · C2 = R
1+i
156
()
$%&'()*
+,-.//.0.,/
()
!#
"
D
E
individu préteur
8 : 67 KL M PL N QL O
89; < : R R S
9
FH T
I AB
13
45 2
UJ
()
FH => C
G ? @
@
157
Par ailleurs, nous pouvons aussi partir de la substitution entre les consommations
intertemporelles du consommateur et caractériser cette substitution par le concept de
taux d’escompte psychologique du consommateur (ρ) :
dC2 ∂U/∂C1
TMS (C1 , C2 ) = − = ≡ 1+ρ
dC1 ∂U/∂C2
dC2
⇒ρ=− −1 (13.13)
dC1
ρ représente donc la quantité de bien que le consommateur demanderait en plus à la
seconde période pour accepter de baisser d’une unité sa consommation de la première
période. Cela mesure sa préférence pour le présent :
une unité de bien aujourd’hui vaut plus d’une unité de demain. Et donc le consomma-
teur ne va accepter de retarder sa consommation que s’il peut consommer plus demain.
Nous pouvons définir l’optimum du consommateur avec ces nouveaux concepts (ρ
et r) :
E = (C1∗ , C2∗ ) :
TMS (C1∗ , C2∗ ) = 1 + r
⇔ 1+ρ = 1+r ⇒ æ = r (13.15)
1
et C1∗ + · C2∗ = R. (13.16)
1+r
ρ = r : l’optimum est atteint quand la préférence pour le présent du consommateur
est exactement compensée par la consommation future qu’elle obtiendra grâce à chaque
unité de bien épargnée aujourd’hui.
Pour démontrer la nécessité de cette condition, procédons par l’absurde. Supposons
qu’on ait r > ρ à l’optimum. Dans ce cas, s’il baisse sa consommation présente de 1
unité, la consommation future augmentera de r unités. Or il lui aurait suffit d’avoir
ρ unités en plus à la seconde période pour garder le même niveau d’utilité. Donc il
améliore sa satisfaction dans ce cas et par conséquent la situation initiale (r > ρ) ne
peut correspondre à un optimum.
A l’optimum, on doit nécessairement avoir : ρ = r (Condition 13.15).
158
R2
(b) la richesse R = R1 + se modifie.
1 +i
R2
d
di R1 + 1 + i = − R2 2
( 1+ i )
Ce qui va être déterminant est l’effet final.
Soit C1∗ = C1 ( R, σ) , la consommation optimale de la première période étant donnés
le prix relatif des biens et la richesse de l’agent. Nous pouvons alors décomposer l’effet
de la variation de i sur la consommation optimale de la première période :
d | S | · (1 + i )
>0
di
Nous avons deux cas possibles :
(∗) si l’individu était prêteur (S > 0) , dans ce cas il percevra plus d’intérêt à la
dR
seconde période et tout se passera comme s’il disposait de plus de revenu : >
di
dC1∗ ? dS∗ ?
0⇒ R0⇔ R 0,
di di
(∗∗) si l’individu était débiteur (S < 0) , il aura à rembourser plus d’intérêt à la
dR
seconde période et tout se passera comme si ses revenus avaient baissé : <
∗ ∗
di
dC1 dS
0⇒ <0⇔ > 0.
di di
Dans le cas (∗∗) , l’effet final est claire. Dans le cas (∗) , plus S est faible (S < S0 ),
dC ∗ dS∗
plus l’effet (b) est faible et l’effet ( a) pourra le dominer : 1 < 0 ⇒ > 0. Inverse-
di di
ment, si S est suffisamment fort (S > S0 ), nous pouvons avoir
dC1∗ dS∗
>0⇒ < 0.
di di
159
période : (1) ( 2)
C
i C
S (1+ i )
S
S (1 + i' ) > S (1 + i )
i' > i S
S ' < S S ' (1 + i' ) = S (1 + i )
C > C
Figure 13.4 résume l’effet revenu qui a lieu à travers le taux d’intérêt et l’épargne.
Etant données ses préférences, le consommateur n’acceptera d’épargner que si le
taux d’intérêt est suffisamment élevé (Figure 13.5) :
i > i0 ⇒ S > 0,
i = i0 ⇒ S = 0,
i < i0 ⇒ S < 0.
160
13.3.2 Effet du taux d’inflation
1+a
Si a augmente, σ = augmente et la consommation future devient relativement
1+i
plus chère (Figure 13.6).
161
162
Troisième partie
163
Chapitre 14
Dans les premières parties nous avons étudié comment se déterminent les demandes
des consommateurs et les offres des firmes. Nous allons maintenant nous intéresser à
l’interaction de ces demandes et de ces offres sur les marchés des biens. Ce chapitre
étudie la situation d’un marché concurrentiel en isolation du reste de l’économie. Le
chapitre suivant s’intéressera plus particulièrement aux interactions entre les marchés
et l’établissement de l’équilibre général de l’économie. Ces analyses seront menées dans
le cadre très simple des marchés concurrentiels. Les prochains parties vont introduire
des formes de marché dans lesquels le pouvoir stratégique des firmes va jouer un rôle
important.
Nous allons commencer par la précision de ce que nous entendons par le concept
de marché concurrentiel.
165
Chaque agent individuel prend ce prix comme une donnée (il est price taker).
– Comment se détermine le prix de marché ?
prix → quantités que chaque firme veut vendre (son offre individuelle)
prix → quantités que chaque consommateur veut acheter (sa demande indivi-
duelle)
⇒ ∑ offres individuelles = Offre globale
∑ demandes individuelles = Demande globale
Équilibre de marché : Offre globale = Demande globale → prix d’équilibre.
– A long terme les opportunités de profits doivent disparaître du fait de l’entrée de
nouvelles firmes.
D’où la distinction entre l’équilibre de long terme et l’équilibre de court terme.
Demande Totale
p*
1 D( p)
x
x1 + x2 x1 + x2 + x3
D( p )
*
x 1( p* ) x 2( p* ) x 3 ( p * )
Les réactions de cette demande aux variations de prix sont mesurées par son élasticité–
prix :
p
ε D,p = D ′ ( p) · ≤0
D ( p)
si le prix augmente de 1%, la demande diminue de ε D,p %.
166
14.2.2 Offre globale
Pour une prix p, chaque firme offre q j ( p) , j = 1 . . . m.
Les quantités totales offertes sur la marché sont alors données par l’offre globale :
m
O ( p) = ∑ q j ( p) , O′ ≥ 0
i =1
p p
q j (p) q1 q 2 q3 O( p )
Si les firmes peuvent ajuster tous les facteurs de production alors l’offre globale doit
être calculée à partir des offres individuelles de long terme.
Definition 1 Sur un marché concurrentiel, l’équilibre sera donné par un prix de marché p∗ , des
quantités achetées par chaque consommateur xi∗ , et les quantités vendues par chaque producteur
q j∗ tels que :
a) au prix p∗ , chaque consommateur maximise sa satisfaction : xi∗ = xi ( p∗ ) ,
b) au prix p∗ , chaque producteur maximise son profit : q j∗ = q j ( p∗ ) ,
c) la somme des quantités vendues est égale à la somme des quantités achetées :
n m
∑ x i∗ = ∑ q j∗ .
i =1 j =1
167
En utilisant (a),(b) et (c) simultanément, nous obtenons la conditions suivante (Fi-
gure 14.3) :
p∗ est un prix d’équilibre si et seulement si :
n m
∑ x i ( p∗ ) = ∑ q j ( p∗ ) ⇔ D ( p∗ ) = O ( p∗ ) .
i =1 j =1
Equilibre
O ( p)
O ffr e
E x c é d e n ta ir e
p0
p* E ← E quilibre
p1
D emande
Excédentaire D( p )
D ( p * ) = O( p * ) = Q *
O( p)
O( p )
D( p) D( p)
168
O( p)
D( p)
Sans la contrainte des facteurs fixes, la firme peut réagir pleinement aux variations
de prix.
A long terme, la fonction d’offre a une pente plus faible qu’à court terme (Figure 14.6) :
169
OCT ( p)
OLT ( p )
*
E
pCT
E'
p *LT
D( p)
14.4 → CT
iii) 14.5.1 → LT
14.5.2 → Très long terme
A partir d’un équilibre de court terme avec m firmes et un prix d’équilibre p∗ (Fi-
gure 14.7) :
O( p ) = D( p) p*
( ) ( )
m'
∑ O ( p)j
O j p* et Π j p *
j =1
( )
Π j p * < 0, j = 1 m → sortie
j *
( )
m ' : nombre de firmes
Π p ≥ 0, j > m → entrée
C’est un ajustement continu : nous avons des équilibres de court terme successifs
suite à la sortie et à l’entrée de nouvelles firmes.
Et l’équilibre final ?
Si ce processus s’arrête pour un nombre de firmes m∗ alors (m∗ , p∗ (m∗ )) est l’équi-
libre de long terme.
Definition 2 Un équilibre de long terme d’un marché concurrentiel est donné par
– un prix p∗ pour le bien,
– une liste des firmes actives choisies à partir de la liste de toutes les firmes potentiellement
actives,
– pour chaque firme, un plan de production tel que
– chaque firme maximise son profit en prenant le prix (a) comme une donnée,
– pour chaque firme active, ce profit maximal est non–négatif,
170
– chaque firme inactive ferait au mieux des profits non–positifs si elle décidait de devenir
active,
– l’offre totale des firmes actives, qui est la somme de leur plan de production au prix p∗ ,
est exactement égale à la demande de marché à ce prix.
p ≥ p ⇒ Π j ( p) ≥ 0
∀q, p < p ⇒ pq < q.CM (q) ⇔ Π j ( p) < 0.
p est donc le seuil de rentabilité. Ainsi, tout prix de marché p ≥ p permet à la firme
d’atteindre des profits positifs.
Notons par On ( p) l’offre totale quand il y a n firmes identiques
n
O n ( p) = ∑ O j ( p) = n · O j ( p) . (14.2)
j =1
Nous pouvons représenter cette fonction pour les différents nombres de firmes sur
le marché, suite à l’entrée séquentielle des firmes, si elles anticipent des profits positifs
sur ce marché (Figure 14.8) :
n = 1 → O 1 ( p ) → p1 > p → Π j ( p1 ) > 0
→ n = 2 → O 2 ( p ) → p2 > p → Π j ( p2 ) > 0
→ n = 3 → O 3 ( p ) → p3 > p → Π j ( p3 ) > 0
→ n = 4 → O 4 ( p ) → p4 < p → Π j ( p4 ) < 0
⇒ n∗ = 3, p ∗ = p3 .
171
p
O1( p )
O2 ( p)
O3 ( p)
p1 A
p2
[Π ( p) ≥ 0]
B
O4 ( p)
j
p3 C
p p
p4 D
D( p)
[Π ( p) < 0]
j
q *
2q *
3q *
4q * Q
p
O1( p )
O2 ( p)
O3 ( p)
B
D
F
O4 ( p) [Π ( p) ≥ 0]
j
p A C E
[Π ( p) < 0]
j
172
Cette courbe d’offre est donc donnée par les segments de droite
qui ont une pente de plus en plus faible au fur et à mesure que le nombre de firmes
actives augmente. Pour un nombre de firmes suffisamment élevé, cette courbe devient
une droite horizontale au niveau de p. L’équilibre de long terme s’établit alors à l’inter-
section de cette courbe d’offre avec la courbe de demande.
SC = Sur f ace ( p0 BC )
S P = Sur f ace ( Ap0 CD )
SS = SC + S P .
173
S S = SC + S P O m ( p)
B
C
p0
A D( p)
D
O Q0
Surplus hors − équilibre:
O m ( p0 ) > D( p0 ) = Q0
S S = SC + S P O m ( p)
B
p0
A D( p)
O Q0
Surplus en équilibre:
O m ( p0 ) = D( p0 ) = Q0
174
Chapitre 15
Les économies sont rarement formées d’un marché unique. Elles correspondent à
un système de marchés. Le problème de l’interdépendance des décisions des agents
sur les différents marchés apparaît alors. La demande sur un marché sera dépendante
de celle sur un autre marché ou même, de l’offre sur un autre marché. L’équilibre doit
alors être atteint au niveau du système de marchés : le déséquilibre sur un marché se
répercutera sur les autres.
L’équilibre partiel ne permet pas de tenir compte de ces interdépendances car on
raisonne ceteris paribus, comme si le fonctionnement du marché qu’on étudie n’avait
pas d’impact sur l’équilibre des autres, comme si les revenus des consommateurs res-
taient constants, leur demande restait stable et comme si l’offre des firmes ne dépendait
pas de ce qui se passe sur les marchés des inputs. Ces interdépendances apparaissent
uniquement si l’on s’intéresse à l’équilibre général du système de marchés.
Par souci pédagogique, nous allons nous limiter à un cadre simple qui correspond
au problème d’échange dans une économie à deux biens, formée de deux agents. Les
marchés seront concurrentiels. Ce cadre suffira pour établir les propriétés principales
de l’équilibre Walrasien (Léon Walras, 1834–1910).
175
les deux consommateurs (dotations initiales). Nous indexerons les consommateurs par
i = 1, 2 et les biens par h = 1, 2. La quantité ωhi représente la dotation initiale du
consommateur i en bien h. ω12 représente, par exemple, la dotation du consommateur 2
en bien 1.
x 12 x 22
O
x 11 O' x 12
Chaque consommateur cherche à maximiser son utilité. Ses niveaux d’utilité cor-
respondants aux différents paniers de bien sont représentés par sa carte d’indifférence.
176
Respectivement, les cartes d’indifférence du consommateur i = 1 (O) et i = 2 (O′ ) sont
données par les deux graphiques de Figure 15.2). Pour obtenir la boîte d’Edgeworth,
nous combinons ces deux graphiques de manière à obtenir un double système d’axes
dans le même graphique. Nous obtenons alors la boîte d’Edgeworth dont la taille est
donnée par les quantités disponibles des deux biens (Figures 15.3 et 15.4).
ω1 = ω11 + ω12
ω2 = ω21 + ω22
x12
x12
O'
x12
O'
x22
x22
x22
O' x12
O x11
F IGURE 15.3 – Construction de la boîte d’Edgeworth
Dans Figure 15.4, le point A correspond à une distribution possible des dotations
initiales. Dans ce cas ω11 , ω21 représente le panier de biens que le consommateur i = 1
peut consommer s’il ne participe pas à l’échange (sa consommation en autarcie). Ce
2 2
point correspond aussi au panier ω1 , ω2 pour le consommateur i = 2. La situation
initiale correspond donc aux niveaux de satisfaction
U i ω1i , ω2i , i = 1, 2
177
x12 ω12
2 O'
x1 2
U
ω22
A
ω12 ω22
ω12
U1
O
x11
ω11 ω12 x22
ω 1
1
Le diagramme d'Edgeworth
x12 ω12
2 O'
x1
ω 1 ω22
2
O
x11
ω 1
1
x22
178
Dans Figure 15.5, à partir du point A, le consommateur 1 est prêt à obtenir le panier
D mais le consommateur 2 n’acceptera pas un tel échange car sa satisfaction serait plus
faible (il s’approche de O′ ). La situation inverse s’observe pour le panier F. Par contre,
les deux consommateurs seraient prêts à échanger en vue d’atteindre le panier B. Le
consommateur 1 reçoit dans ce cas du bien 1 en échange du bien 2. La zone grise qui
est comprise entre les deux courbes d’indifférence représente donc la région d’avantage
mutuel qui contient les paniers qui améliorent la situation des deux consommateurs par
rapport à leurs dotations initiales. Tant qu’une telle région existe entre les deux courbes
d’indifférence, les agents peuvent échanger de manière bénéfique pour les deux (les
points de cette région Pareto–dominent la dotation initiale).
Ces possibilités d’échanges mutuellement bénéfiques disparaissent quand les deux
courbes d’indifférence deviennent tangentes. Le point E correspond à un tel point : la
région d’avantage mutuel est vide dans ce cas. Étant données les cartes d’indifférence
des deux consommateurs, nous avons tout un ensemble de points qui correspondent à
ce type de situation. Le lieu géométrique de ces points s’appelle la courbe de contrat (la
courbe CC ′ , Figure 15.6).
x12 ω12 O
2
x1 '
ω12 ω22
O
x11
ω 1
1
x22
A partir d’un point de la courbe de contrat, il n’est pas possible d’améliorer la situa-
tion d’un consommateur sans détériorer celle de l’autre. Cette courbe représente donc
toutes les allocations qui sont des optima de Pareto.
Définition 1 Une allocation est un optimum de Pareto s’il n’est pas possible d’améliorer la
situation d’un individu sans détériorer celle d’au moins un autre individu.
179
celui-ci. Une manière d’effectuer ces échanges est bien sûr le troc. Mais les marchés
étant des lieux d’échange par excellence, nous devons nous demander s’ils peuvent
conduire à une allocation avantageuse des richesses. Pour cela nous devons introduire
un système de marchés et des prix correspondant à ces marchés. Nous allons considérer
des marchés concurrentiels.
Ri p
x21 = − 1 x11 .
p2 p2
180
x12
A
ω12
E
x̂12
x11
1
ω11 x̂
1
L'optimum du consommateur 1
x12
2 O'
x1
O
x11
x22
181
Sur le marché du bien 1 nous avons :
Définition 2 L’équilibre général d’une économie d’échanges pure est une allocation des biens
tel que
– Chaque consommateur maximise sa satisfaction ;
– Les marchés sont soldés (Oh = Dh ) .
Étant donné que les consommateurs font face au même vecteur de prix, leur op-
timum simultané correspond à la même pente de la tangente à leur courbe d’indiffé-
rence :
p1
TMS1 = = TMS2 . (15.2)
p2
La valorisation subjective de chaque consommateur pour les deux biens coïncide donc
grâce à la coordination par le prix de marché. Cette première propriété est donc obtenue
dans notre exemple. C’est la seconde qui n’est pas vérifiée : nous avons une demande
excédentaire de bien 1 et une offre excédentaire de bien 2 avec le vecteur de prix p.
x12
x12
O'
x11
O
182
S’il s’agit de biens normaux, l’équilibre doit donc être atteint pour un prix plus élevé
pour le bien 1 et un prix plus faible pour le bien 2. Soit le vecteur de prix p′ = ( p1′ , p2′ ) ,
avec q′ = p2′ /p1′ < q (Figure 15.9). Ce vecteur de prix correspond en fait à l’équilibre
simultané des deux marchés. Nous observons maintenant clairement que l’offre et la
demande de chaque bien sont égales. Le vecteur de prix p′ est le prix d’équilibre (géné-
ral) de notre système de marché.
Remarque 1 L’équilibre doit être simultanément atteint sur tous les marchés. Sinon, le dés-
équilibre (une offre excédentaire, par exemple) sur un marché va se traduire par un déséquilibre
(une demande excédentaire) sur au moins un autre marché.
Remarque 2 Ce qui détermine l’équilibre est le rapport des prix q′ et non le vecteur de prix
p. En effet, si p∗ = ( p1∗ , p2∗ ) est un vecteur de prix d’équilibre, le vecteur λp∗ est aussi un
vecteur d’équilibre. En effet λp2∗ /λp1∗ = p2∗ /p1∗ . Ce sont donc les prix relatifs qui déterminent
l’équilibre et non les prix absolus.
15.2 Un exemple
Prenons une économie à deux agents i = 1, 2. U i représente la fonction d’utilité de
i.
U 1 = x11 x21 , U 2 = x12 x22
ω11 = 2, ω21 = 2, ω12 = 2, ω22 = 1
ω1 = 4, ω2 = 3.
Nous avons donc, en l’absence d’échange
U 1 = 2 × 2 = 4, U 2 = 2 × 1 = 2.
183
La courbe de contrats
Sur la courbe de contrats, les courbes d’indifférence des deux agents ont la même
tangente
Um11 x21 x22 Um21
TMS1 = = = = = TMS2 (15.3)
Um12 x11 x12 Um22
Par ailleurs, toute allocation correspond à une répartition des quantités disponibles :
x11 + x12 = ω1
(15.4)
x21 + x22 = ω2
x21 ω2 − x21
=
x11 ω1 − x11
2
x12 O'
3 1
O
x11
2
La courbe de contrat x22
x12 ω ω 3
2
= 2 ⇔ x22 = 1 x12 = x12
x2 ω1 ω2 4
184
Nous pouvons représenter cette courbe de contrat dans l’espace des utilités U 1 , U 2 .
A partir de l’équation précédente, nous obtenons
r
2 3 2 2 3 2 2 2 4 2
x2 = x1 ⇒ U = x1 ⇒ x1 = U (15.6)
4 4 3
De la même manière
r
3 3 1 2 4 1
x21 = x11 ⇒ U 1 = x ⇒ x11 = U (15.7)
4 4 1 3
En combinant les équations (15.6), (15.7) et (15.4) , nous obtenons
r r
1 2 4 1 4 2
x1 + x1 = ω 1 = 4 = U + U
3 3
Ce qui nous donne
√ √ 2
U2 = 2 3 − U1
U2
A
2
0
4
U1
Cela démontre bien une relation décroissante entre les deux utilités (Figure 15.10).
Cette courbe est le lieu géométrique de tous les optima de Pareto dans l’espace des
utilités. Tous les points de la boîte d’Edgeworth qui ne sont pas sur la courbe de contrat
se trouvent sous la frontière dessinée par cette courbe. C’est le cas de notre dotation
initiale A.
Prix d’équilibre
Normalisons les prix en posant p1 = 1, p2 = q.
L’équilibre correspond à la maximisation d’utilité par les deux consommateurs et à
l’égalité entre l’offre et la demande. Le programme du consommateur i est
max U i
S.à x1i + qx2i = ω1i + qω2i
185
La condition d’optimalité implique
x2i 1 x1i
TMSi = = ⇒ x i
2 =
x1i q q
x1i
x1i + q = ω11 + qω21
q
ω11 + qω21
x1i =
2
ω + qω21
1
x2i = 1
2q
7 7 49
x11 = > ω11 , x21 = < ω21 , U 1 =
3 4 12
5 5 25
x12 = < ω12 , x22 = > ω22 , U 2 =
3 4 12
Le consommateur 1 obtient donc plus de bien 1 que sa dotation initiale en cédant du
bien 2 au profit du consommateur 2. Et nous pouvons vérifier que cette allocation est
un optimum de Pareto
r !2
√ 49 25
2 3− = = U2.
12 12
186
Quatrième partie
187
Chapitre 16
Le monopole
189
a) Monopole naturel (source : technologie)
La technologie est telle que les coûts de production de l’industrie sont plus faibles
quand il y a un seul producteur.
Exemple : l’existence des économies d’échelle impliquant des coûts moyens décroissants
(Figure 16.1).
Production totale : Q0
Q0 A E
CM
2
CM (Q0 )
CMLT
Q0 Q0 Q
O
2
du fait des économies d’échelle. Donc quand il existe des indivisibilités (comme les
coûts fixes), la production par une seule firme est plus avantageuse pour la société en
termes de coûts de production (minimisation des coûts de l’industrie).
Exemple : Industries réseaux comme les transports publics, télécommunications ; indus-
tries lourdes comme l’énergie.
190
b) Contrôle d’une ressource rare ou d’un brevet de fabrication
Dans ce cas, la firme est capable de contrôler l’accès à cette ressource rare ou à cette
technologie et exclure ses concurrents de ces accès, de manière à conserver le monopole
de la production finale qui nécessite ces ressources.
Exemple : Brevets en cascade d’Intel, le contrôle des ressources en Nickel ou en uranium.
c) Monopole Institutionnel (ou public)
C’est la source historique de reconnaissance des situations de monopole : il s’agis-
sait à l’origine d’un privilège accordé par le souverain (le monopole du sel, par exemple).
Le Statute of monopolies anglaise instauraient ce type de monopole. Nous pouvons consi-
dérer par exemple, les droits exclusifs accordés à certaines professions dans ce cadre
(les notaires, par exemple, ou les taxis parisiens). Par la suite, le privilège politique a
été remplacé par des nécessité économiques, notamment du type que nous avons évo-
qué dans le cas (a), de sorte que le production a été assuré par des monopoles publics
ou des régies dans certains secteurs : énergie, réseaux, etc.
d) Comportements stratégiques prédateurs
C’est la source la plus commune de monopoles dans la mesure où elle correspond
aux stratégies actives des firmes en vue d’évincer les concurrents du marché (Micro-
soft est souvent cité ces dernières années pour ce type de pratiques, sans en avoir l’ex-
clusivité bien sûr). Ce type de stratégie peut mobiliser des comportements agressifs
comme la guerre de prix (on baisse les prix jusqu’à ce que les concurrents ne puissent
plus suivre et soient obligés de quitter le marché), mais aussi des stratégies basées aux
autres sources que nous avons déjà évoquées, comme le contrôle d’une ressources rares
ou d’un brevet.
Ces différentes sources conduisent en général à une structure de marché où toute la
demande se trouve obligée de s’adresser à une firme unique, qui a toute latitude pour
en tirer le profit le plus élevé.
191
La fonction de recette marginale nous donne la variation de ces recettes avec les
quantités :
dRT ( Q) d ( p ( Q) · Q) dp ( Q)
Rm ( Q) = = = Q + p ( Q)
dQ dQ dQ
Rm ( Q) = p ( Q) + Q · p′ ( Q) ≤ p ( Q) (16.3)
| {z }
≤0
Rm ( Qm ) = Cm (Qm ) ( point M )
m m
p = p (Q ) ( point A)
L’équilibre de monopole correspond donc à ( Q = Qm ) :
Rm ( Q) = p ( Q) + Q · p′ ( Q) = Cm (Q)
⇔ p ( Q) − Cm ( Q) = − Q · p′ ( Q)
p ( Q) − Cm ( Q) Q
⇔ = − p′ ( Q ) = ε p,Q ( Qm ) . (16.6)
p ( Q) p ( Q)
192
CM, Cm, p
Πm + F Cm(Q)
A
pm
RM (Q) = p(Q)
Qm Q
193
Nous savons depuis Alfred Marshall que
1 1
p ( Q) = D −1 ( Q) ⇒ ε p,Q = = p ′ , (16.7)
QD ( Q)
ε Q,p
pm − Cm (Qm ) 1
m
=− > 0. (16.8)
p ε Q,p
– Si cette élasticité est faible en valeur absolue (donc si la demande est élastique – car
dans ce cas, la demande est capable d’absorber le choc de cette augmentation de
prix), le monopole peut continuer à vendre les mêmes quantités en augmentant
son prix car les consommateurs sont captifs et la baisse de la demande est faible :
son pouvoir de marché est fort et sa marge relative
p − Cm
p
est élevée.
– Si ε Q,p → −∞ (si la demande est inélastique – car dans ce cas, le choc de l’aug-
mentation du prix “casse” la demande qui s’adresse à la firme), une hausse de
prix implique une baisse très forte de la demande et le pouvoir de marché du
monopole est nul. Dans ce cas son prix tend vers le prix concurrentiel (Cm (Q)) .
Q = D ( p) = A − p
⇔ p ( Q) = A − Q, A>0
Nous avons
RT ( Q) = p ( Q) Q = ( A − Q) Q
Rm ( Q) = A − 2Q
RM ( Q) = p ( Q) .
C ( Q) = cQ ⇒ Cm ( Q) = c
Π ( Q) = ( A − Q) Q − cQ
194
La maximisation de profit implique :
dΠ
( Qm ) = 0 ⇔ Rm ( Qm ) = Cm ( Qm )
dQ
⇔ A − 2Q − c = 0
A−c
⇔ Qm = .
2
A+c
⇒ pm = p ( Q m ) = ,
2
A−c 2
m m
⇒ Π = Π (Q ) = .
2
Cm
CM
F
E
RM
Rm
q
S’il pouvait appliquer des prix différenciés à partir de E, le monopole pourrait at-
teindre le point F en vendant une quantité supplémentaire à un prix légèrement infé-
rieur à pm mais supérieur à son Cm. Dans ce cas il augmenterait son profit sans baisser
le surplus des consommateurs.
Le point E n’est donc un optimum de Pareto.
195
Nous avons vu que l’équilibre de monopole implique :
Cm ( Qm ) = Rm ( Qm ) = p ( Qm ) + Qm p′ ( Qm ) < p ( Qm ) .
Qc tel que Cm ( Qc ) = RM ( Qc ) = p ( Qc )
or on a
Qm tel que Cm ( Qm ) = Rm ( Qc ) < p ( Qm ) .
Avec Cm (·) croissant et p (·) décroissant cela est équivalent à
Qm < Qc et
m c
p >p.
Pour les consommateurs, le monopole correspond à une perte de bien-être car ils
achètent moins et ils paient plus cher chaque unité achetée.
Pour le producteur, il s’agit d’une situation plus désirable que la concurrence par-
faite car son profit est le plus élevé possible.
Représentons le surplus social avec la solution concurrentielle : Cm ( Qc ) = RM ( Qc ) =
p ( Qc ) (Figure 16.5).
Le bien-être social à l’équilibre du monopole est donné dans Figure 16.6 et la com-
paraison avec Figure 16.5, fait apparaître la charge morte du monopole (Figure 16.7)
La perte de bien-être social correspond à la surface MEC qui faisait partie du sur-
plus social sous la concurrence : C’est la charge morte du monopole. Ce résultat est la
justification de beaucoup de lois antitrust aux États-Unis et en Europe.
196
CM, Cm, p
Cm(Q)
pm
pC
C ′′ > 0, p′ < 0 :
C
Qm < QC
pm > p C
M
RM (Q) = p(Q)
Q
Qm QC
197
CM, Cm, p
Cm(Q)
SC C +SP C = SS C
pm
pC C
RM (Q) = p(Q)
Qm QC Q
198
CM, Cm, p
SC M +SP M = SS M Cm(Q)
E
pm
pC C
RM (Q) = p(Q)
Qm QC Q
199
CM, Cm, p
SC M +SP M = SS M Cm(Q)
E
pm
C
pC Charge morte
RM (Q) = p(Q)
Qm QC Q
200
p(QB ) = CM (QB ) ⇒ Π(QC ) = 0
Cm
CM
B
pB
Cm(QC ) = p(QC )
pC C CM (QC ) > p(QC ) ⇒ Π(QC ) < 0
D(p)
QB QC Q
O
201
à obtenir le bien en payant un prix supérieur aux coûts du monopole. Ce dernier pour-
rait donc augmenter son profit en vendant seulement les quantités supplémentaires à
un prix inférieur à son prix optimal. Dans ce cas il appliquerait différents prix pour
différents consommateurs.
Cela s’appelle la discrimination par les prix car avec une telle possibilité le monopole
a la capacité de tirer pleinement parti de la diversité des consommateurs en proposant,
dans la cas extrême, un prix différent pour chaque consommateur : le prix le plus
élevé pour le consommateur qui désire le plus ce bien, par exemple. Il discrimine donc
entre les consommateur selon leur prix de réserve pour le bien et cela, en utilisant le
mécanisme de prix. Dans ce cas extrême, le monopole peut même s’approprier tout
le surplus des consommateurs. Paradoxalement
cette situation, qui est le pire possible
pour les consommateurs SC = 0 , est un optimum de Pareto puisque la charge morte
disparaît car elle est maintenant intégrée au profit de la firme.
202
Ces modèles sont donc assez mal adaptés pour l’analyse de ces industries.
Dès 1933 Chamberlin a introduit un premier modèle qui étend le modèle de concur-
rence parfaite en vue de tenir compte de la différenciation de produit et donc de l’exis-
tence d’un pouvoir de marché.
Chamberlin analyse un marché où un grand nombre de firmes produisent des sub-
stituts proches. Chaque firme produit une variété unique. L’entrée est libre sur le mar-
ché. Les firmes ont des courbes de coût moyen en ∪ (coût fixe + coût marginal crois-
sant).
Quand la firme augmente son prix, elle ne perd pas la totalité de sa demande car la
variété qu’elle produit possède des caractéristiques uniques qui fidélisent les consom-
mateurs. Donc chaque firme fait face à une fonction de demande décroissante. Chaque
firme se comporte alors comme un monopole face à sa courbe de demande, en suppo-
sant qu’elle pourra modifier son prix sans que cela incite ses concurrents à la suivre :
elle égalise donc ses recettes marginales à ses coûts marginaux pour déterminer le prix
et la quantité optimale.
Ce raisonnement est en général justifié par le fait que si la firme baisse son prix,
cette baisse n’aura qu’une répercussion très faible sur la demande de ses concurrents.
Si une firme fait des pertes, elle va quitter le marché et tant qu’il existe des profits po-
sitifs, de nouvelles firmes vont entrer. Chaque entrée n’aura qu’un impact négligeable
sur les demandes et profits des firmes installées mais les entrées cumulées vont peser
et chaque firme verra sa demande (résiduelle) tirée vers l’origine.
Ces caractéristiques justifie la dénomination de ce type de marché : Concurrence (car
grand nombre de firmes et entrée libre) monopolistique (car chaque firme a le monopole
de la variété qu’elle produit).
Quel va être alors l’équilibre de cette industrie ?
A l’équilibre de long terme, les firmes doivent faire des profits nuls sinon de nou-
velles firmes entreraient. Dans ce cas, nous devons avoir la relation géométrique donné
dans Figure 16.9 entre la demande individuelle de chaque firme et sa courbe de coût
moyen.
Si une partie de la demande était au dessus du coût moyen, les firmes pourraient
faire des profits positifs et cela provoquerait de nouvelles entrées. Le seul équilibre
possible est celui représenté sur la figure précédente.
Mais dans ce cas, avec une demande décroissante, le point de tangence ne peut
s’effectuer au minimum du coût moyen (contrairement à la concurrence parfaite). Par
conséquent, la production d’équilibre est plus faible que l’échelle efficace et donc l’in-
dustrie ne minimise pas les coûts. En somme, on a un équilibre avec capacités excé-
dentaires. Cela est souvent vu comme une preuve de l’inefficacité de cette structure de
marché.
Naturellement il est beaucoup plus difficile de conclure quand on tient compte du
fait que cet inefficacité en termes d’échelle de production permet à l’industrie de fournir
un grand nombre de variétés (et donc d’améliorer le surplus des consommateurs).
203
CM, pj Equilibre
p∗j
Dj (n∗ )
qj∗ qef f qj
max pq − cq2
q
p np
⇒ q ( p) = ⇒ O ( p) =
2c 2c
p2
πi∗ =
4c
204
La demande résiduelle du monopole est donnée par
np n
D ( p) − O ( p) = A − bp − = A− b+ p
2c 2c
Le profit du monopole est alors donné par
h n i
π m ( p) = A − b + p ( p − cm )
2c
et l’optimum du monopole correspond à
∂π m
=0
∂p
n n
A− b+ p = b+ ( p − cm )
2c 2c
m 2bc + n
A+c
∗ 2c
p =
2bc + n
c
Ac cm
p∗ = +
2bc + n 2
(2Ac − c (2bc + n))2
m
πm =
4c (4bc + 2n)
205
206
Chapitre 17
Un concurrent potentiel qui ne peut produire que q0 aurait des coûts unitaires plus
forts et donc il se trouverait désavantagé sur le marché. Les firmes installées peuvent
207
q * : Echelle efficace minimale
Cm
CM
•B
•
O q0 q* q
CM E
CM I
208
Ces phénomènes se traduisent donc par un désavantage pour l’entrant. Ces bar-
rières à l’entrée peuvent donc limiter l’entrée concurrentielle de nouvelles firmes et
conduire à une situation d’oligopole.
Les interactions entre les firmes installées peuvent se faire à travers les quantités
(concurrence en quantités) ou les prix (concurrence en prix). Ces firmes peuvent aussi
essayer de coopérer pour s’approcher d’une situation de monopole.
Nous allons maintenant analyser la concurrence en quantités. Cela sera suivi par la
concurrence en prix et par la coopération entre les firmes. Ces analyses seront menés
dans un cadre simple où il existe deux firmes sur le marché (un duopole).
209
Ce raisonnement est aussi valable pour la firme 2. Le problème des firmes est alors
la maximisation de leur profit étant données les quantités de leur concurrent :
avec
Π1 = ( A − (q1 + q2 )) · q1 − c1 · q1 ,
= ( A − ( q1 + q2 ) − c1 ) · q1 ,
Π 2 = ( A − ( q1 + q2 ) − c2 ) · q2 .
210
q2
A − c1
A−c2
2
q2C
C
q1
q1C A−c1 A − c2
2
211
(2) q2C = q2∗ q1C : q2C maximise le profit de la firme 2, étant donnée la production
d’équilibre de la firme 1.
Cette situation q1C , q2C est un équilibre de Cournot : La quantité d’équilibre de
chaque firme est sa meilleure réaction à la quantité d’équilibre de son concurrent et la
firme ne peut plus améliorer son profit en modifiant ses quantités.
Nous devons donc nous trouver à l’intersection des deux courbes de réaction (le
point C).
Dans notre exemple :
A − c1 1 C
q1C = − q2 ( R1)
2 2
A − c2 1 C
q2C = − q1 ( R2)
2 2
Nous avons donc un système de deux équations linéaires à deux inconnues q1C , q2C
à résoudre.
En substituant (2) dans (1) ,
C A − c1 1 A − c2 1 C
q1 = − − q1
2 2 2 2
A − c1 A − c2 1 C
= − + q1
2 4 4
1 A − 2c1 + c2
⇔ q1C 1 − =
4 4
A − 2c1 + c2
⇔ q1C = ( 3)
3
et en substituant (3) dans (2) :
A − 2c2 + c1
q2C =
3
Dans cet exemple, nous observons que les quantités d’équilibre de chaque firme
sont décroissantes avec ses coûts et croissantes avec les coûts de son concurrent.
Nous pouvons aussi calculer l’offre et le prix d’équilibre :
2A − c1 − c2
QC = q1C + q2C = ,
3
A + c1 + c2
pC = A − Q C = .
3
Les profits sont donnés par :
A − 2c1 + c2 2
C
Π1 = pC q1C − c1 q1C =
3
A − 2c2 + c1 2
C
Π2 = pC q2C − c2 q2C = .
3
Cet équilibre de marché apparaît donc dans une situation où les firmes prennent
leur décision de production de manière isolée, sans communication entre elles.
212
17.2.2 Duopole de Stackelberg (von Stackelberg –1934)
Le duopole de Cournot correspond pour les firmes à une situation relativement éga-
litaire. Aucune des deux firmes n’a une position dominante. Or l’histoire des industries
crée souvent des firmes dominantes, soit parce qu’elles ont un poids quantitatif im-
portant (part de marché élevée – Microsoft dans le secteur des systèmes d’exploitation
pour les compatibles PC), soit elles ont un comportement agressif et innovateur – Dell
contre IBM dans le secteur des ordinateurs compatibles PC.
von Stackelberg a imaginé une situation où une des deux firmes a une idée précise
du comportement de son concurrent : elle connaît parfaitement sa fonction de réaction
et elle l’intègre dans son processus de décision.
On appelle alors cette firme le leader ou le meneur. Suite à sa décision de production,
son concurrent réagit en maximisant son profit et donc en suivant sa fonction de réac-
tion ; elle se contente de “suivre” le comportement du leader et pour cette raison, on
l’appelle le suiveur ( follower).
Dans ce cas, le suiveur considère que ses décisions n’ont aucun impact sur le com-
portement du meneur. Il est donc le seul à avoir des conjectures de Cournot.
Le duopole de Cournot correspond donc à une situation où les deux firmes ont un
comportement de suiveur.
Si la firme 1 est le meneur, son problème est le suivant :
max Π1 (q1 , q2 )
q1
Le meneur essaie donc d’atteindre le niveau le plus élevé de profit tout en respectant
la fonction de réaction du suiveur.
En fait il tient compte du fait que le suiveur n’acceptera jamais de produire une
quantité qui ne maximise pas son profit.
Le meneur (1) essaie donc de se placer sur sa courbe d’iso–profit correspondant au
profit le plus élevé possible qui a au moins un point d’intersection avec la courbe de
réaction du suiveur (2).
Les courbes d’iso–profit de la firme 1 sont données par :
Π1 (q1 , q2 ) = Π10 ⇔ q2 = γ q1 ; Π10 .
( A − q1 − q2 − c1 ) q1 = Π10
( A − c1 ) q1 − q21 Π10
⇒ q2 q1 ; Π10 = − ,
q1 q1
∂q2 q1 ; Π10
< 0.
∂Π10
213
Pour un niveau de q1 , un Π1 plus élevé correspond à une production plus faible
pour le suiveur (q2 ) . De plus, ces courbes d’iso–profit correspondent à des paraboles.
La courbe de réaction de la firme 2 est donnée par :
A − c2 1
q2∗ (q1 ) = − q1 .
2 2
Étant donnée que le profit de la firme 1 augmente sur des courbes d’iso–profit se
rapprochant de plus en plus de l’origine, cette firme va chercher un point de tangence
entre une droite d’iso–profit et la courbe de réaction de son concurrent (Figure 17.4).
q2
R2 Π01 ր
q2S
S Π01
q1
q1S Π11
ΠS1
214
Condition de premier ordre :
dΠ1 (q1 , q2∗ (q1 )) ∂Π1 (q1 , q2∗ (q1 ))
=
dq1 ∂q1
∂Π1 (q1 , q2∗ (q1 )) dq2∗
+ .
∂q2 dq1
Dans le cas de notre exemple linéaire :
1 ∗ A − c2 1
Π (q1 , q2 (q1 )) = A − q1 − − q1 − c1 q1
2 2
1
= ( A − 2c1 + c2 − q1 ) q1
2
215
q2
R1
Π2
S
• S2
C
•
S1
•
R2
q1
Π1
S
Les deux firmes se feront la “guerre” jusqu’à ce que l’une d’entre elles acceptent de
suivre l’autre. Donc c’est une situation instable qui conduit à un duopole de Stackel-
berg. Si aucune firme n’arrive à dominer l’autre, la situation peut aussi déboucher sur
un oligopole de Cournot.
max ( p1 − c1 ) D1 ( p1 , p2 ) et
p1
max ( p2 − c2 ) D2 ( p1 , p2 ) .
p2
Nous avons un bien homogène (les consommateurs ne font pas de différence entre
les produits des deux firmes) et chaque firme sert toute la demande qui s’adresse à elle.
Si une firme propose un prix plus faible que son concurrent, elle attire toute la de-
mande de marché ( D ( p)). Si les deux firmes appliquent le même prix alors elles par-
tagent la demande de manière à satisfaire la demande totale (équilibre de marché). On
peut par exemple considérer que les deux firmes partagent également la demande dans
ce cas. Les demandes individuelles sont alors données par :
Si p1 < p2 , D1 ( p1 , p2 ) = D ( p1 ) , D2 ( p1 , p2 ) = 0,
216
Si p1 > p2 , D1 ( p1 , p2 ) = 0, D2 ( p1 , p2 ) = D ( p2 ) ,
Si p1 = p2 = p, D1 ( p, p) + D2 ( p, p) = D ( p) .
1
Exemple : D1 ( p, p) = D2 ( p, p) = D ( p) .
2
Par conséquent, tant que son prix reste supérieur à son coût unitaire ci , la firme i a
intérêt à casser les prix pour récupérer la totalité de la demande. Mais cela est aussi vrai
pour son concurrent ( j) .
Si l’on part d’une situation d’égalité des prix
1
p1 = p2 = p, D1 ( p, p) = D2 ( p, p) = D ( p) ,
2
la firme 1 a intérêt à baisser son prix à p − ε si
1
( p − ε − c1 ) · D ( p − ε ) > ( p − c1 ) · D ( p ) .
| {z } | {z 2 }
Profit de monopole avec p− ε
Profit de duopole avec p
Π1 = ( p1∗ − c) · 0 = 0 et
Π2 = ( p2∗ − c) D ( p2∗ ) > 0 si p2∗ > c.
On observe alors que la firme 1 a intérêt à baisser son prix jusqu’à p2∗ − ε pour
obtenir le monopole et donc des profits positifs. Donc cela ne peut être un équilibre.
A l’équilibre nous devons avoir p1∗ = p2∗ .
◦ Peut-on avoir p1∗ = p2∗ = p∗ > c à l’équilibre ?
Dans ce cas, la firme 1 obtiendrait
1
Π1 = ( p∗ − c) D ( p∗ ) > 0.
2
Mais en baissant légèrement son prix, elle peut obtenir
1
Π1 = ( p∗ − ε − c ) D ( p∗ − ε ) > ( p∗ − c ) D ( p∗ ) .
2
217
Donc à l’équilibre, on ne peut avoir p1∗ = p2∗ = p∗ > c.
◦ Peut-on avoir p1∗ = p2∗ = p∗ < c ?
Non car dans ce cas les firmes font des profits négatifs et elles doivent quitter le
marché.
Donc, l’équilibre du duopole de Bertrand symétrique est :
p1∗ = p2∗ = p∗ = c,
1
Π∗i = ( p∗ − c) D ( p∗ ) = 0.
2
A partir de cette configuration, aucune firme n’a intérêt à modifier son prix.
Nous obtenons alors une configuration intéressante.
Le Paradoxe de Bertrand : Nous avons un duopole (avec un certain pouvoir de marché)
qui, à l’équilibre, possède les mêmes propriétés que la concurrence parfaite : prix=coût
marginal et profits nuls.
(b) Aura-t-on toujours le même équilibre si c1 6= c2 ?
Par exemple si c1 < c2 ? Dans ce cas, la firme 1 peut appliquer un prix suffisamment
faible pour obtenir le monopole de marché :
si p1m < c2 car dans ce cas ce prix n’implique pas l’entrée du concurrent.
Donc le paradoxe de Bertrand n’apparaît plus si le duopole n’est pas symétrique.
218
prêts à acheter le bien à ce prix. Le reste de la demande se trouve alors obligé de se
retourner vers l’autre firme.
Considérons ce cas en supposant que les capacités de production des deux firmes
sont données et elles sont respectivement représentées par K1 et K2 . Les contraintes de
capacité sont
q1 ≤ K1 et q2 ≤ K2 .
Partons d’une situation initiale : p1 < p2 . Dans ce cas, toute la demande s’adresse à la
firme 1
D1 ( p 1 , p 2 ) = D ( p 1 )
Tous les consommateurs qui ont un prix de réserve supérieur à p1 désirent donc acheter
le bien chez la firme 1. Deux type de situations peuvent alors apparaître :
K1 ≥ D ( p1 ) La firme 1 a la capacité de satisfaire cette demande et la demande qui
s’adresse à la firme devient nulle. La firme 2 sera donc fortement incitée à bais-
ser son prix et la guerre de prix va s’engager. Si Ki ≥ D (c) , nous aboutirons à
l’équilibre de Bertrand.
K1 < D ( p1 ) La firme 1 ne peut satisfaire cette demande et une partie de ces consom-
mateurs sera rationnée. La firme 2 aura alors le monopole sur cette demande ré-
siduelle. Elle ne sera pas nécessairement incitée à baisser son prix.
Quelle est la composition de cette demande résiduelle ?
Cela dépendra de la manière dont les consommateurs sont rationnés. En effet, parmi
les consommateurs qui ont un prix de réserve supérieur à p1 , seulement une fraction K1
pourra obtenir ce bien. Mais nous n’avons a priori aucun mécanisme qui détermine ce
sous-ensemble de consommateurs. Cela dépendra du mécanisme de rationnement qui
est en vigueur dans cette industrie. Il peut y avoir un ensemble de clients favorisés de la
firme qui seront servis les premiers ou les premiers arrivés seront servis les premiers.
Dans ce dernier cas, ceux qui désirent le plus le bien (ceux qui ont les prix de réserve
les plus élevés) peuvent se présenter avant les autres (rationnement efficace)ou l’arrivé
peut se faire de manière tout-à-fait aléatoire (rationnement proportionnel). La demande
qui restera à la firme 2 dépendra fondamentalement du mécanisme de rationnement en
vigueur.
Rationnement efficace
La règle de rationnement efficace suppose que la demande résiduelle de la firme 2
soit donnée par :
D ( p2 ) − K1 si D ( p2 ) > K1
D2 ( p 2 ) =
0 sinon.
Les consommateurs achètent d’abord chez 1 et ceux qui ne peuvent être servis se
retournent vers 2 : la firme 2 a une demande résiduelle qui est la translation de la
demande totale par K1 .
219
On parle de rationnement efficace car ce mécanisme maximise le surplus des consom-
mateurs : Si K1 < D ( p1 ) , le dernier consommateur qui achète le bien a un prix de
réservation de p2 et il l’achète au prix p2 chez la firme 2.
Si les consommateurs pourrait échanger sans coût le bien entre eux, on arriverait
exactement à la même situation.
Rationnement proportionnel
D ( p1 ) − K 1
D ( p1 )
D ( p1 ) − K 1
D2 ( p 2 ) = D ( p 2 ) ·
D ( p1 )
le second terme donnant donc la proportion des consommateurs qui n’ont pu être
servis par la firme 1 (Figure 17.6).
D( p1 ) − q1
D2 ( p2 ) = D( p )
D( p1 )
p2
p1
q = D( p )
q1
q2 q
Cette règle n’est pas efficace car il peut exister des consommateurs qui ont un prix
de réservation inférieure à p2 (et donc qui n’auraient pas acheté le bien) obtiennent le
bien parce qu’il est vendu au prix de rabais p1 . La firme 2 préfère néanmoins cette règle
car sa demande résiduelle est plus élevée que dans le cas précédent pour chaque niveau
du prix.
220
Et le paradoxe de Bertrand ?
Supposons pour la suite que la capacité est acquise à un coût unitaire constant b et
qu’aucune firme n’a une capacité trop élevée
Ki < D (c) i = 1, 2
Πi = ( pi − c) qi − bKi i = 1, 2.
max Π1 + Π2 .
q1 ,q2
Π = Π1 + Π2
= p ( q1 , q2 ) · ( q1 + q2 ) − c1 ( q1 ) − c2 ( q2 )
= p ( q1 + q2 ) ( q1 + q2 ) − c1 ( q1 ) − c2 ( q2 )
∂Π ∂p
= 0 ⇔ p ( q1 + q2 ) + ( q1 + q2 ) = Cm1 (q1 )
∂q1 ∂q1
∂Π ∂p
= 0 ⇔ p ( q1 + q2 ) + ( q1 + q2 ) = Cm2 (q2 )
∂q2 ∂q2
Quand l’entreprise évalue l’impact d’une augmentation de sa quantité, elle tient main-
tenant aussi compte de l’impact sur le profit de son partenaire de la baisse de prix. Ces
221
conditions impliquent que les coûts marginaux des deux firmes sont égalisés à l’opti-
mum si les quantités interviennent de manière similaire dans la demande inverse. Ce
qui est le cas si le bien est homogène.
Si nous reprenons notre cas linéaire, ces égalisation des coûts marginaux n’est pas
possible par l’ajustement des quantités (puisque les coûts marginaux sont constants).
Nous devons alors poser c1 = c2 = c si nous voulons continuer notre exemple.
Le problème devient alors
Π = ( A − q1 − q2 ) ( q1 + q2 ) − c ( q1 + q2 )
∂Π
= 0 ⇔ ( A − q1 − q2 ) − ( q1 + q2 ) = c (17.2)
∂q1
∂Π
= 0 ⇔ ( A − q1 − q2 ) − ( q1 + q2 ) = c (17.3)
∂q2
A − 2Q∗ = c
A−c
Q∗ = = Qm ,
2
A+c
p∗ = = pm ,
2
A−c 2
∗
Π = = πm
2
222
Nous pouvons voir cela en reprenant les conditions d’optimalité (17.2 − 17.3) et en
imaginant que la firme 1 envisage d’augmenter sa quantité à partir de la solution de
cartel. Aurait-elle intérêt à le faire ?
Dans ce cas, la condition d’optimalité du cartel implique
∂p
p ( q1 + q2∗ ) + (q1 + q2∗ ) − Cm1 (q1 ) = 0
∂q1
∂p ∂p ∗
p ( q1 + q2∗ ) + q1 − Cm1 (q1 ) + q =0
∂q1 ∂q1 2
ou
∂p ∂p ∗
p ( q1 + q2∗ ) + q1 − Cm1 (q1 ) = − q > 0.
∂q1 ∂q1 2
Le membre de gauche de cette condition est le profit marginal de la firme et ce pro-
fit marginal est donc positif à l’optimum du cartel. Ce qui veut dire que la firme sera
incitée à augmenter sa production si elle pense que son partenaire ne va pas modifier
la sienne. Par conséquent, si les firmes ne peuvent pas observer les quantités indivi-
duelles, cela va déboucher dans un duopole de Cournot où chaque firme va obtenir, en
fin de compte, des profits plus faibles que dans le cartel.
223
224
Chapitre 18
L’oligopole n’est qu’un des contextes économiques où les interactions des agents
revêtent un caractère stratégique. L’articulation des politiques de relance de deux pays
interdépendants, la politique de prix d’un monopole qui fait face à une menace d’en-
trée, la proposition de prix pour un marché public sont tout aussi des situations d’in-
teraction stratégique où les choix des autres agents influencent explicitement les gains
de chaque agent. Ces situations sont relativement complexes à analyser et seul le dé-
veloppement de la Théorie de Jeux nous a permis de comprendre leur fonctionnement.
Ce chapitre constitue une petite introduction aux concepts développés par ce champs
de l’analyse économique.
Dans un contexte d’interaction, les différents choix des agents (les joueurs) consti-
tuent leur stratégies. Le gain de chaque joueur dépend des stratégies choisies par chacun
des joueurs. Par conséquent, les agents, leurs stratégies possibles et la connexion entre
ces stratégies et les gains des joueurs définissent ensemble un jeu.
Nous allons nous limiter ici au cas le plus simple de deux joueurs. On peut alors
présenter le jeu sous la forme d’une matrice dont les lignes et les colonnes sont déter-
minées par les stratégies des deux joueurs. Étudions ces concepts à l’aide d’un exemple
bien connu.
Exemple : Le dilemme du prisonnier
Deux individus (Bonnie et Clyde) sont arrêtés par la police pour la complicité dans
un vol à main armée et ils sont enfermés dans deux cellules séparées sans possibilité
de communication. Chaque individu est interrogé séparément et il a le choix entre nier
d’avoir commis le vol ou avouer l’avoir commis avec son complice.
Nous avons donc un jeu non–coopératif avec N = 2 joueurs, I = {1, 2} = { Bonnie, Clyde} .
L’ensemble de stratégies de chaque joueur est A1 = A2 = {nier, avouer} .
225
Il y a donc 4 résultats possibles du jeu
a1 = nier, a2 = nier , (nier, avouer) ,
A= .
( avouer, avouer ) , ( avouer, nier)
Les gains des individus représentent leur situation qui résulte des années de prisons
auxquelles ils sont condamnés en fonction de leurs aveux et il sont négativement liés
avec ces années.
– Si Bonnie et Clyde avouent tous les deux leur crime ils sont condamnés à 8 ans
de prison.
– S’ils le nient tous les deux, ils auront 1 année de prison du fait d’absence de
preuves accablantes.
– Si l’un seul avoue, il est relâché en récompense de sa coopération et l’autre est
condamné à 10 ans de prison.
Nous avons donc les gains (symétriques) suivants :
– u1 (nier, nier) = u2 (nier, nier) = −1,
– u1 (nier, avouer) = u2 ( avouer, nier) = −10,
– u1 ( avouer, nier) = u2 (nier, avouer) = 0,
– u1 ( avouer, avouer ) = u2 ( avouer, avouer ) = −8.
Nous pouvons alors représenter ce jeu en forme normale, sous la forme d’un tableau
(Tableau 18.1).
Clyde
nier avouer
Bonnie nier (−1, −1) (−10, 0)
avouer (0, −10) (−8, −8)
226
manière pour Clyde, on observe aussi que avouer est une stratégie dominante pour lui.
Donc on peut raisonnablement prévoir qu’il va avouer aussi.
Le résultat de ce jeu sera donc ( avouer, avouer ) qui conduit en fin de compte à la
situation la pire pour les deux joueurs. Nous reviendrons sur ce point un peu plus tard.
L’existence des stratégies dominantes nous simplifie beaucoup l’analyse des inter-
actions. Mais peu de situations correspondent à ce type de stratégies fortes. Pour ces
cas plus généraux, nous devons utiliser un concept d’équilibre plus riche.
227
unilatérales intéressantes). Cela est typiquement le cas dans l’équilibre de Cournot : au
point C, chaque firme est sur sa courbe de réaction et donc aucun ne peut obtenir un
profit plus élevé en choisissant une autre quantité que qCi si le concurrent continue à
produire qCj .
Par conséquent, aucun des résultats de la matrice du jeu ne peut être un équilibre si
l’un des joueurs peut obtenir plus en changeant de stratégie. On considère donc chacun
des résultats possibles et on élimine ceux qui ne respectent pas cette condition.
– (O, O) un équilibre ?
– Étant donné le choix de Jacqueline d’aller à l’opéra, Paul obtient 2 en choisissant
cette stratégie et 0 en choisissant d’aller seul à un match de football. Donc il n’a
pas intérêt à changer de stratégie ;
– Étant donné le choix de Paul d’aller à l’opéra, Jacqueline obtient 1 en choisissant
cette stratégie et 0 en choisissant d’aller seule à un match de football. Donc elle
n’a pas intérêt à changer de stratégie.
– (O, O) est donc un E.N.
– (O, F ) un EN ? Le raisonnement précédent montre que face au choix de Paul d’al-
ler à l’opéra, Jacqueline préfère l’accompagner. Donc ce résultat ne peut être un
équilibre.
– ( F, O) un EN ? C’est le cas symétrique : cette fois-ci Paul préférera d’accompagner
Jacqueline à l’opéra.
– ( F, F ) un EN ? Un raisonnement similaire au premier résultat montrent que ce
résultat aussi est une EN.
Jacqueline
O F
Paul O (2, 0) (0, 2)
F (0, 1) (1, 0)
Dans ce cas, le désir de Jacqueline de passer ses soirées avec Paul a disparu avec le
temps, tandis que Paul a gardé son amour romantique et il préfère toujours être avec
Jacqueline à être seul.
228
Dans ce jeu il n’existe pas d’EN.
Vérifiez que ( avouer, avouer) est l’équilibre de Nash du jeu 18.1. En fait, s’il existe,
tout équilibre en stratégies dominantes est aussi un E.N. L’inverse n’est pas vrai. Une
autre propriété de l’EN apparaît dans cet exemple. En effet, le résultat ( avouer, avouer )
est le pire qui puisse arriver à nos deux prisonniers. En effet, ils se retrouvent avec la
peine totale maximale. Le résultat (nier, nier) améliorerait la situation des deux joueurs
à la fois. Cela n’est pas un équilibre car face au choix de nier du complice, chacun a
intérêt à avouer. Il n’est en plus pas possible pour les prisonniers de communiquer de
manière à s’assurer l’engagement du complice sur le choix nier. Par conséquent, l’EN
ne conduit pas nécessairement à un optimum de Pareto.
Ces limites du concept d’équilibre de Nash est la cause du développement des
concepts d’équilibre plus fins mais aussi plus complexes (voir Yildizoglu (2003)).
229
230
Bibliographie
Bain, J. (1968), Industrial Organization, John Wiley and Sons, New York.
Mas-Colell, A., Whinston, M. & Green, J. (1995), Microeconomic Theory, Oxford Univer-
sity Press, Oxford.
Tirole, J. (1988), The Theory of Industrial Organization, The MIT Press, Cambridge, Mas-
sachusetts.
231