Le manuscrit de l'île Verte: Graine d'écume - Tome 2
Par Claire Connan
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À propos de ce livre électronique
Le petit Pol a bien grandi, entouré de ses parents Pascal et Éléonore. Son oncle Cyrille vit maintenant avec Caroline ; le couple a décidé d’emménager dans la maison du grand-père - théâtre de leur passé familial agité - sur les hauteurs de Loguivy-de-la-Mer, face à l’archipel de Bréhat. Éléonore fait la connaissance de son père biologique à Châtelaudren. Ses rêves sont toujours aussi inquiétants… Peut-elle encore compter sur Azénor, son ange gardien ? Alors que Cyrille apprend l’existence d’un manuscrit énigmatique conservé dans la famille depuis plusieurs générations, et que Caroline fait la connaissance d’un mystérieux barde, les Bellec ne se doutent pas qu’un nouveau danger plane sur eux… Pourtant, lors des nuits de Samain et de Beltaine, fêtes celtiques durant lesquelles la frontière entre le réel et l’imaginaire s’estompe, certains seraient bien avisés de rester sur leurs gardes…
À PROPOS DE L'AUTEURE
Claire Connan est née en 1960 à Cherbourg. Depuis plus de trente ans, elle vit à Paimpol. Professeur des écoles à la retraite, elle partage son temps entre petits-enfants, danse et… écriture.
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Aperçu du livre
Le manuscrit de l'île Verte - Claire Connan
Prologue
L’affaire Gwenc’hlan
Novembre 1835, 6e arrondissement de Paris
Le crépuscule fondait sur la ville. L’homme rentrait chez lui, crayon dans la poche, poème au coin des lèvres. Sur le boulevard, le monde envahissait les cafés enfumés ; il faisait clair comme en plein jour. Paris lumière. Plus loin, dans une ruelle sombre, les volets étaient fermés, la maison close était ouverte, les jarretelles rouges de sortie. Paris scandale. Paris débauche. Il pressa le pas. Au coin de la rue, le faisceau de l’unique candélabre étirait sa lueur sur le pavé mouillé. Le quartier était désert. Les derniers passants se hâtaient. Ici, la ville s’endormait.
Perdu dans ses songes, Théodore de La Villemarqué regagnait son appartement, cour du Commerce. Parvenu en bas de son immeuble, mais peu pressé de rentrer chez lui, il se tenait, pensif, sous la porte cochère. Tel le poète aveugle, il cherchait dans l’obscurité un monde de clarté. Quand l’œil du corps s’éteint, l’œil de l’esprit s’allume… Paris mystère, il s’imprégnait de son odeur. La nuit noire l’avait happé, elle appelait les ombres. Soudain, un pas sonore rompit le silence, suivi de près par un cri de colère :
— Hé, sauvage de Breton, faites-vous voir !
Pris en flagrant délit de rêverie mélancolique, le jeune aristocrate sursauta. Diable à ressort sorti de sa boîte, l’individu avait surgi de nulle part.
— Hé, La Villemarqué ! Faites-vous voir seulement si vous avez une once de courage !
Tapi dans l’obscurité, Théodore distinguait la silhouette du fauteur de troubles. Tête levée vers les hauts étages, celui-ci appelait depuis le trottoir d’en face. Sa voix lui parut familière. Mérimée ? Oui, bien sûr, c’était lui. Pour éviter l’esclandre, La Villemarqué décida de se montrer.
— Plus bas, monsieur l’inspecteur des antiquités, vous ne me voyez pas ? Je suis là, sous le porche ! N’allez pas réveiller tout le quartier avec vos vociférations !
— J’ameute qui je veux dans une langue honnête digne de ce nom ! répondit Mérimée. Pas avec celle que l’on peut parler avec un bâillon sur la bouche ! Et « c’h » par-ci, et « c’h » par-là ! Tralala… Vous savez très bien la raison de ma venue, monsieur de La Villemarqué. Vous l’avez bien certifié, je serais… un voleur ?
— Je n’ai rien dit de tel, Mérimée !
— Vous êtes un menteur, monsieur de La Villemarqué. Et de surcroît un odieux calomniateur ! Ainsi, vous auriez découvert dans une église des Montagnes Noires les prophéties de ce barde Guënclan, Gwingclan, Guynclaff… Merlin peut-être, comme il vous plaira ! Le journal L’Hermine en a fait les gorges chaudes ! Et j’aurais volé ce manuscrit ?
La conversation prit soudain une tournure plus agressive. Les mains accrochées aux rideaux s’offusquèrent, s’impatientèrent. Tout ce ramdam avait assez duré !
— Monsieur, je suis votre homme sur-le-champ pour en découdre ! Au lieu et à la date qui vous conviendront ! déclara Mérimée.
— Cette affaire ne vaut pas un duel, que diantre ! Il ne tient qu’à vous, Mérimée, d’exercer votre droit de réponse dans le journal de votre choix !
— Je me vengerai, monsieur ! De vous en particulier et de ces emmerdeurs de Bretons en général ! Mon honneur est sali. Ce manuscrit, j’avais moi-même enquêté sur lui. En vain. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin, et si je l’avais enfin trouvé, mon seul désir eût été de le publier ! Sur ce, je vous laisse à votre sort d’obscur baragouineur ! Adieu !
Furieux, Mérimée tourna les talons. Soulagé, La Villemarqué se garda bien de le retenir…
Ce fameux manuscrit¹ tant convoité, écrit en breton, comportait 247 vers ! Il y en eut de nombreuses copies, tout aussi anciennes, tout aussi précieuses, avec chacune son histoire. Nul ne sait ce qu’il advint de l’original. Jusqu’à ce jour…
Et je vais vous le raconter.
1. Dialog etre Arzur, Roe an Breounet ha Gwynglaff : Dialogue entre Arthur, roi des Bretons, et Gwynglaff (Gwenc’hlan).
Chapitre 1 :
La nuit des âmes perdues
Nuit du 31 octobre au 1er novembre 1997
Cette nuit-là, Éléonore fait un rêve…
Sur le chemin de fougères éclairé par des feux de brassées d’ajoncs s’étire un long cortège. En tête, un homme, robe blanche, visage dissimulé sous sa capuche ceinte d’une couronne de laurier garnie de perles. Sa démarche est pesante, il semble plus vieux que les autres. À sa suite, des formes vertes et bleues. Têtes baissées, tout à leurs prières, ils se dirigent vers l’allée couverte du Mélus, pas loin de la maison de son grand-père. C’est à cet endroit que, si jeune, en ce triste jour où le canot d’Eugène, son Papinou, fut brûlé, elle s’était réfugiée, à l’abri sous les pierres. Elle se rappelle la vision du moine sur la plage, tentant de l’attirer à travers les flammes².
Elle a toujours eu peur du feu.
Le cercle se forme autour du mégalithe, le grand homme blanc au milieu. Des branches sèches de chêne se consument lentement sur l’autel. Les syllabes se mêlent, s’entremêlent, chantent une mélodie au rythme de la rote, lyre à quatre cordes. Les notes s’élèvent, légères, et se meurent au-dessus du lieu sacré.
Une pluie fine et glaciale commence à tomber. Tout en bas de la falaise, la mer monte, entraînant avec elle une épaisse écume qui dévore la plage. L’ombre d’une barque fantôme se dessine dans les courants et glisse sur la crête des vagues. De la profondeur de son songe, Éléonore croit reconnaître le canot de son grand-père, le Saint-Budoc. La plaque à l’arrière, illuminée des couleurs aquarelle de son frère Cyrille, se reflète dans le miroir sombre.
Le bateau accoste, porté par la mer d’écume. À l’intérieur, des silhouettes pâles. Une vieille femme au teint blafard et aux longs cheveux argentés, enveloppée dans une épaisse voile brune, une misaine, en descend la première, soutenue par un homme courbé à la barbe blanche, pipe à la bouche. Éléonore, du fond de son sommeil, murmure du bout de ses lèvres glacées : « Grand-père… » Elle essaie de l’appeler, aucun son ne sort de son songe. Elle se tourne et se retourne dans le lit, se refuse encore au réveil pour ne pas lâcher son rêve précieux. Derrière Eugène, et ce qu’elle déduit être Augustine, sa grand-mère qu’elle n’a pas connue, suivent trois hommes jeunes et forts encombrés de rames inutiles, les yeux creux écarquillés d’épouvante. Un personnage à la longue robe de bure grise ceinte d’une corde blanche à trois nœuds ferme la marche. Un capuce³ dissimule sa tête baissée. Ses sandales aux épaisses semelles de bois rythment la progression du cortège.
Éléonore étouffe un cri : à l’avant de cette troupe d’un autre temps, une silhouette encapuchonnée brandit une crosse dans sa main droite. Est-ce donc Guénolé, le moine de ses cauchemars ? Éléonore est presque sûre de le reconnaître, immense, menaçant. Non, elle ne peut pas l’oublier. Elle le revoit dans ses visions lors de la fête hippique de son club Équibaie. Il l’avait confondue avec Dahut la traîtresse, celle qui avait donné les clés de sa ville d’Ys au diable. Accompagné de Gradlon, père de Dahut, Guénolé l’avait poursuivie à cheval sur la grève des Courses. Il avait contraint Gradlon à la lâcher et à la précipiter dans les flots en furie de la ville engloutie. Heureusement, sur la plage, son cher ange gardien Azénor lui avait sauvé la vie…
Elle revoit aussi Guénolé sous les traits d’un chêne avatar aux bras tentaculaires sur les hauteurs de l’île Lavrec, près de Bréhat. Il avait ordonné à son oie maléfique d’arracher la pendeloque de son cou de jeune fille pour la restituer à son maître Budoc dans sa sépulture. C’est ainsi que la malédiction de sa famille avait enfin pris fin. Son frère aîné, Cyrille, avait pu être sauvé in extremis… dans l’année de ses vingt ans, grâce à elle, à son courage sur l’île. Tout était terminé. Du moins le croyait-elle jusqu’à cette nuit et ce cauchemar…
Du plus profond de son songe, Éléonore décide, par la force de la pensée, de l’interrompre brutalement. Elle aimerait tirer un trait sur ces mauvais souvenirs du passé. Seul témoin d’événements étranges, elle n’est même plus sûre de les avoir vraiment vécus. Elle en appelle à Azénor pour la conseiller, pour la guider. Sans résultat. Son ange gardien semble bel et bien l’avoir définitivement abandonnée.
Elle ouvre un œil puis l’autre et, encore tremblante, se blottit en boule contre le corps tout chaud de Pascal. Elle serre de toutes ses forces son rempart contre les forces du mal.
2. Voir La malédiction de Saint-Budoc, même auteur, même collection.
3. Capuchon taillé en pointe.
Chapitre 2 :
Préparatifs
Cesson, avril 1998
Matin de printemps. La nuit s’efface sur la longue grève des Courses bientôt noyée d’écume. Pas très loin, sous un ciel rose pourpré, un délicat voile translucide enveloppe la maison de briques à Cesson. En fond de jardin, le pont de chemin de fer enjambe la brume et dessine peu à peu ses fines arcades. Dans son courtil, Éclair glisse sa grosse tête noire et blanche par le battant de la porte de la cabane en planches ; il attend Éléonore, sa jeune maîtresse. La veille, à la tombée de la nuit, ils ont galopé sur le sentier déserté par les promeneurs et sur la plage, de la tour de Cesson jusqu’au Trou aux Cochons.
À l’autre bout de la grève, ils sont passés au pas devant la grille du parc, là où est apparu pour la première fois l’ange gardien d’Éléonore. La blonde Azénor ne s’est pas montrée cette fois. La jeune fille et son cheval se sont aussi arrêtés à l’emplacement de l’ancien cabanon de Cyrille, entre la plage du Valais et la grève des Courses. Cabanon parti en flammes en ce tragique soir de tempête, témoin bienveillant de ses premiers émois amoureux avec Pascal. Berceau de Pol, leur tout-petit.
Il fait beau ce matin, trop beau pour durer, mais en Bretagne, on sait profiter de chaque rayon de soleil, miracle, don de la nature. La fenêtre est ouverte. Au rendez-vous comme chaque jour, sur une minuscule mangeoire bricolée par Pascal, une mésange effrontée, pattes en l’air, tête en bas, provoque un rouge-gorge un peu gauche. La construction en bois de cageot attire de plus en plus d’oiseaux de toutes sortes. Ils volettent, s’affairent, se chamaillent… en une joyeuse agitation sautillante. Le printemps ne demande qu’à s’inviter dans la maison sous les traits d’un délicat papillon blanc, céleste messager du dehors.
Au milieu du salon trône le fauteuil corolle, et assis entre ses bons gros bras accueillants, Pol, son hôte préféré. Yeux bleus à gauche, à droite, boucle de cheveux dorés dans la bouche enroulée en tourbillon autour de ses doigts potelés, sérieux du haut de ses six ans, il assiste à la fébrile préparation. De temps à autre, comme pour lui demander son assentiment, il interroge du regard un énigmatique oiseau blanc en peluche tout râpé, au bec orange, bourré de grosse laine brune et de morceaux de journaux, installé à côté de lui ; personne ne se rappelle l’avoir acheté. Paloma, son premier mot prononcé, « AOA » plus précisément… Tête pendante recousue grossièrement au fil à broder rose, yeux bleu perle.
Toute la journée et même quelquefois la nuit, dans le silence monacal de la chambre aménagée sous les combles par son grand-père, Pol discute avec sa peluche. Langage ponctué de pauses semblant correspondre aux réponses de l’oiseau. Personne ne comprend cette bouillie de syllabes à la consonance étrange et aux accents chantants : il est petit, c’est normal de parler à son doudou, ça lui passera ! C’est son ami imaginaire en quelque sorte…
Devant lui, autour de lui, derrière lui, à gauche, à droite, un tourbillon : Éléonore, sa très jeune maman. C’est un grand jour : à midi, elle va faire connaissance avec Franz, son père biologique, pour la première fois. À Châtelaudren, là où tout a commencé pour elle, graine en devenir dans le ventre de Rose. Là où ils se sont rencontrés et aimés, d’un amour coupable, mais sincère. Rose se prépare aussi, plus calmement, en apparence en tout cas. Elle possède le caractère volcanique des Hispaniques ; souvent le feu brûle en elle et risque de la consumer tout entière. Les deux femmes font des essayages et défilent tour à tour. Pol participe, à sa façon : il ne parle pas, il sourit et l’irrésistible fossette de sa joue gauche creuse sa peau blanche transparente et se soulève de plaisir.
Le style sobre et chic est adopté à l’unanimité : quatre voix pour, voix de la peluche comprise. Pas de robe rouge ce matin, jugée hors sujet pour la circonstance. Pantalon, pull, Éléonore retrouve son allure garçon manqué, c’est sa nature profonde. Elle a attaché ses longs cheveux blonds en queue-de-cheval. Ne pas paraître trop rebelle pour cette première rencontre ! Rose a quant à elle opté pour une robe noire faussement classique, pas moulante, bien ajustée. Elle l’a cousue elle-même et rehaussée d’un joli col en satin, presque trop sage. Des boutons nacrés sont alignés sur le devant, jusqu’en bas. Les deux premiers sont ouverts, comme une certaine invitation qui ne dirait pas son nom. Soudain, Éléonore se précipite vers l’escalier. Pascal, son Pascalou, descend, cheveux en pétard, barbe juvénile se refusant toujours à pousser dru, yeux noirs encore embrumés de sommeil derrière ses lunettes rondes de garçon sérieux. La jeune femme se jette dans ses bras avec toute la fougue dont elle est capable. Ils s’embrassent longuement, Éléonore sans retenue, Pascal tout de même un peu embarrassé sous le regard amusé et bienveillant de Rose.
— Il sera heureux de me voir, dis, Pascal ?
— Bien sûr, Élé, et il t’aimera. Il ne peut que t’aimer, comme chacun de nous ! Tu le sais bien.
Il se recule. Pour la contempler, il la fait tourner sur elle-même, pour mieux la dévorer des yeux. Même en garçon manqué, il la trouve irrésistible.
Bras en avant, ailes de papillon blanc sur l’épaule, Pol franchit le cercle de cubes qu’il a construit patiemment tout autour du fauteuil. Les cubes se soulèvent un à un, s’écartent sur son passage et retombent délicatement sur le tapis. Le garçonnet se dirige vers ses jeunes parents. Pascal l’attrape d’une main et, bras tendu, le fait tournoyer comme un avion. Le chérubin rit aux éclats. Dans ces moments-là, il ressemble à tous les enfants de son âge.
Il est temps pour Rose, Éléonore et Pol de partir pour Châtelaudren. Pour ne pas troubler les retrouvailles, Pascal a décidé de ne pas participer à la sortie. Tout à l’heure, il rentrera au pas de course jusqu’à leur appartement de Cesson. Il s’est récemment mis au sport sur les conseils de sa chérie, inquiète de son bedon naissant.
L’année précédente, les deux amoureux ont fait le grand saut de l’autonomie. Ils en ont les moyens : Éléonore a réussi son diplôme de monitrice de centre équestre. Pascal celui de professeur de mathématiques. Il a été nommé dans un collège à Saint-Brieuc. Il aurait été capable de continuer ses études. Mais le jeune homme est chargé de famille maintenant !
Pol n’a pas du tout apprécié ce changement dans ses habitudes. Cette vie dans l’appartement exigu ne lui convient pas. Les rituels qui l’apaisaient lui manquent : parcourir, contemplatif, le jardin de long en large, donner à manger à Éclair, scruter ses chers oiseaux par la fenêtre, sur le trajet de retour de l’école, gambader d’arbre en arbre, de fleur en fleur, de papillon en papillon jusqu’à la maison de ses grands-parents. Rose ne se lassait pas d’observer la profonde communion de l’enfant avec la nature. Quand il embrassait un tronc de toute la force de ses bras et collait son oreille à l’écorce comme pour lui parler, il lui évoquait tant Eugène, son grand-père !
Ce matin, Gustave est parti travailler plus tôt que d’habitude. Il a feint de ne pas s’intéresser au dossier « Retrouvailles » et n’a pas avoué qu’il avait ruminé toute la nuit. Pourtant, l’époux de Rose a décidé de prendre la vie du bon côté. Tous évitent d’aborder devant lui les sujets qui fâchent : ses relations conflictuelles avec Eugène, le souvenir de cette nuit où il a été si violent avec sa femme et sa fille quand il a appris qu’il n’était pas le père biologique. Sa vie difficile lui a forgé un esprit cartésien, avec peu de place pour l’imagination. Il avait rêvé d’un fils jouant au foot, sûr de lui, viril, prototype du vrai « mec » à son image. Et Cyrille est né, poète, artiste, si sensible, son antithèse personnifiée. Pas plus de chance avec Pol, proche de la nature, des animaux, bambin blond aux yeux bleus rappelant à Gustave ses gènes alsaciens. Le grand-père et son petit-fils, trop différents, s’ignorent royalement. Éléonore et Pol ressemblent tellement à Franz.
Chapitre 3 :
À Châtelaudren
Châtelaudren, avril 1998
— Pol, dis au revoir à papa.
L’enfant reste muet. Éléonore et Pascal échangent des regards consternés. Cet enfant les trouble et les contrarie trop souvent.
— Ce n’est pas grave. Fais au revoir avec la main alors, dit Rose.
Pol plaque ses doigts potelés sur sa bouche, les écarte pour envoyer un baiser, libérant le papillon aux ailes captives. Délicat envol et pattes frêles sur le coussin en dentelle, au cœur du fauteuil corolle.
Rose et Éléonore prennent place à bord de la vieille 404 grise. Pol et