Vieillir ? Et alors !: Vivons mieux, vivons vieux !
Par Nathalie Bailly et Kristell Pothier
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À propos de ce livre électronique
Qu’est-ce que la vieillesse ? Comment vieillit-on ? Peut-on être vieux et heureux ? Que mettre en place pour accompagner une personne âgée ? Face à des images souvent stéréotypées et négatives, des chercheurs et des spécialistes des personnes âgées ont souhaité porter une réflexion nouvelle sur nos représentations.
Nathalie Bailly et Kristell Pothier nous offrent ici un ouvrage pluridisciplinaire qui permet d’éclairer les différentes facettes de cette période de la vie avec recul. Acteurs de terrain et chercheurs y croisent leur regard sur la notion de vieillissement, qu’il soit pathologique ou non. Ce travail collectif s’inscrit dans une vision positive des processus de vieillissement en privilégiant les ressources et potentialités de chaque personne. Puissions-nous, grâce à ce guide, mieux préparer et appréhender notre propre vieillissement : car oui, vieillir, cela s’apprend et s’anticipe !
Un outil précieux et une réflexion optimiste sur le bien vieillir !
À PROPOS DES AUTEURES
Nathalie Bailly est professeure de psychologie à l'université de Tours. Elle est membre du laboratoire Psychologie des âges de la vie et adaptation (PAVeA). Ses travaux de recherches portent sur les facteurs psychosociaux impliqués dans le bien vieillir ainsi que sur les stratégies d’ajustement liées à l’avancée en âge.
Kristell Pothier est maîtresse de conférences à l'université de Tours, membre du PAVeA et neuropsychologue au sein du pôle vieillissement du CHRU de Tours. Ses travaux portent notamment sur les liens entre santés physique, cognitive et psychosociale des personnes âgées.
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Aperçu du livre
Vieillir ? Et alors ! - Nathalie Bailly
Vieillir ?
Et alors !
Nathalie Bailly - Kristell Pothier
Vieillir ?
Et alors !
Vivons mieux, vivons vieux !
Ouvrage sous la direction de
Nathalie
Bailly
, professeure de psychologie, laboratoire Psychologie des Âges de la Vie Et Adaptation (PAVeA), EA 2114, université de Tours, France.
Kristell P
othier
, maîtresse de conférences en psychologie, laboratoire Psychologie des Âges de la Vie Et Adaptation (PAVeA), EA 2114, université de Tours, France.
Les auteurs
Océane A
gli
, maîtresse de conférences en psychologie, laboratoire LCPI, université de Toulouse 2, France.
Émilie A
libran
, maîtresse de conférences contractuelle en psychogérontologie, EA2114, laboratoire Psychologie des Âges de la Vie Et Adaptation (PAVeA), université de Tours, France.
Hélène A
mieva
, professeure de psychogérontologie, université de Bordeaux, directrice Équipe Inserm SEPIA U1219, France.
Lucie A
ngel
, maîtresse de conférences HDR en psychologie, UMR CNRS 7295 CeRCA, université de Tours, université de Poitiers, France.
Louis B
herer
, professeur titulaire, département de médecine, université de Montréal, et chercheur, institut de cardiologie de Montréal et Institut Universitaire de Gériatrie de Montréal, Canada.
Badiâa B
ouazzaoui
, ingénieure de recherche, UMR CNRS 7295, centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage (CeRCA), université de Tours, France.
Brice C
anada
, maître de conférences en STAPS, laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport (L-VIS), université Claude Bernard Lyon 1, France.
Camille D
ebacq
, praticienne hospitalier, pôle Vieillissement, CHU de Tours, université de Tours, Tours, France.
Emma Gabrielle D
upuy
, chercheuse postdoctorale, institut de cardiologie de Montréal et université de Montréal, Canada.
Séverine F
ay
, maîtresse de conférences en psychologie, UMR CNRS 7295 CeRCA, université de Tours, université de Poitiers, France.
Bertrand F
ougere
, professeur des universités et praticien hospitalier, pôle Vieillissement, CHU de Tours, Laboratoire Éducation, Éthique, Santé (EA 7505), Université de Tours, Tours, France.
Hervé F
undenberger
, doctorant, laboratoire SAINBIOSE, Inserm U1059, université Jean-Monnet-Saint-Étienne, France.
Michel I
singrini
, professeur émérite en psychologie, UMR CNRS 7295 CeRCA, université de Tours, université de Poitiers, France.
Gabriel J
arjat
, maître de conférences contractuel en psychologie, UMR CNRS 7295 CeRCA, université de Tours, université de Poitiers, France.
Marie-Laure K
uhnel
, psychologue, EHPAD Korian Clos du murier, France, membre de l’association France Alzheimer Touraine, enseignante vacataire à l’université de Tours.
Guillaume M
artinent
, maître de conférences en psychologie du sport et de l’activité physique, laboratoire sur les Vulnérabilités et l’innovation dans le sport (L-VIS), université Claude Bernard Lyon 1, France.
Ilona M
outoussamy
, doctorante en psychologie, UMR CNRS 7295 CeRCA, Université de Poitiers, et Laboratoire PAVeA, Université de Tours, France.
Laurent N
owik
, maître de conférences HDR, CNAV, unité de recherche sur le vieillissement, université de Tours – UMR 7324 CITERES, France.
Romain
Rode
, psychologue, EHPAD Korian Croix Périgourd, Saint-Cyr-sur-Loire, France.
Laurence T
aconnat
, professeure des universités en psychologie, UMR CNRS 7295 CeRCA, université de Tours, université de Poitiers, France.
Alain T
halineau
, sociologue, professeur des universités, université de Tours – UMR 7324 CITERES, France.
Sandrine V
anneste
, maîtresse de conférences en psychologie, UMR CNRS 7295 CeRCA, université de Tours, université de Poitiers, France.
Virginie V
an
W
ymelbeke
-D
elannoy
, docteure ès sciences en nutrition, chercheuse hospitalière, CHU Dijon-Bourgogne et chercheuse associée INRAE-CSGA Dijon, centre Champmaillot, unité de recherche, pôle Personnes âgées, France.
AVANT-PROPOS
C’est quoi « être vieux » ?
Si l’on vous pose cette question, il y a fort à parier que votre réponse comporte le combo classique : « cheveux blancs, rides, cannes », et ce, quel que soit votre âge ! Ces représentations du vieillissement, que nous pourrions qualifier de négatives, sont-elles inévitables – car proches de ce que vivent les personnes âgées au quotidien – ou la conséquence de projections individuelles et sociétales, parfois fantasques ? Car, s’il est souvent juste de constater un relatif changement corporel avec l’avancée en âge (les fameux « cheveux blancs » et « rides »), la « canne » associée à l’image du « vieux » pourrait être le reflet de nos propres peurs liées à la dernière période de la vie mais aussi à l’intégration, depuis notre plus jeune âge, d’images ou représentations sociales associant notamment vieillesse et dépendance.
Faites le test : tapez sur n’importe quel moteur de recherche les termes « personnes âgées symbole » et observez attentivement les images associées… Vous verrez rapidement que la perte de mobilité (symbolisée par la canne voire le déambulateur) semble être la réponse la plus populaire pour définir la vieillesse. Maintenant, enlevez le terme « symbole » de votre moteur de recherche pour ne laisser apparaître que les termes « personnes âgées ». Vous remarquerez que les images de dépendance évoquées précédemment sont accolées à de nouvelles images, toujours aussi caricaturales mais bien plus positives de la vieillesse. Vous pourrez ainsi voir des « seniors actifs », entourés socialement et s’occupant à la perfection de leurs petits-enfants (entre un cours de tai-chi et un cours d’anglais probablement… !).
Les représentations sociales stéréotypées sont souvent nécessaires : elles nous permettent de catégoriser simplement le monde qui nous entoure pour ainsi mieux le comprendre. Toutefois, les images contradictoires du vieillissement avec lesquelles nous grandissons toutes et tous, sont loin d’être anodines. Elles infusent une vision binaire (être actif ou dépendant) de ce qu’est « être vieux » y compris chez les personnes âgées, elles-mêmes. Une image positive de la vieillesse se présente à moi ? Je peux facilement m’identifier et tout faire pour être, à mon tour, le senior actif, à l’emploi du temps surchargé ! L’image inverse de dépendance est employée ? Dans ce cas, le « vieux », c’est toujours l’autre ! Mais, lorsqu’on y réfléchit, est-ce si simple ? Notre façon de vieillir n’est-elle pas composée de multiples facettes, souvent cachées par cette catégorisation dichotomique ?
Il nous paraît alors nécessaire, dans l’optique de mieux préparer ou vivre notre (future) vieillesse, de mettre en lumière ces différentes facettes de notre vieillissement. Cet ouvrage a ainsi pour ambition d’analyser la gérontologie via une approche pluridisciplinaire (psychologie, sociologie, épidémiologie, médecine). Acteurs de terrain et chercheurs croisent leur regard sur le(s) vieillissement(s) normal et pathologique au XXIe siècle, au sein de cinq grandes parties qui, bien qu’ordonnées de façon à respecter une certaine logique, peuvent se lire de façon indépendante. Ce travail collectif s’inscrit dans une vision positive (sans être naïve !) des processus de vieillissement en privilégiant les ressources et potentialités de chaque personne âgée et prône une approche centrée sur l’individu et ses liens avec l’environnement.
Nous avons ainsi pensé cet ouvrage comme un début, non pas de réponses, mais de nouveaux questionnements pour (ré)interroger le vieillissement et déconstruire certaines de nos croyances, parfois trop simples, qui masquent la complexité et donc la richesse de ces années de vie.
Bonne lecture à vous toutes et tous, chers (futurs) vieux !
Nathalie Bailly et Kristell Pothier
PARTIE 1
Personnes âgées, mais de qui parle-t-on ?
CHAPITRE 1
Des sociétés et des individus face au défi de vies plus longues
Alain THALINEAU et Laurent NOWIK
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1946), 6,4 millions de personnes étaient âgées de 60 ans ou plus en France métropolitaine, soit 16 % de la population. En 2021, les aînés du même âge étaient 18 millions et représentaient 27 % de la population. D’ici 2050, selon les projections démographiques de l’INSEE, cette proportion continuera à croître et devrait atteindre quasiment le double de celle de 1946 (32 %). Ainsi, en seulement un siècle, la composition de la population française selon l’âge aura radicalement été transformée, la hausse de la proportion et du nombre des personnes les plus âgées s’accompagnant d’une diminution des classes d’âges les plus jeunes.
Ce processus est historique et s’observe ailleurs qu’en France, avec une vitesse et une intensité variables selon les pays. Il est qualifié de « vieillissement démographique » ou de « vieillissement de la population ». Ces termes qui le désignent laissent entendre que les individus sont aujourd’hui plus âgés que dans le passé. Le vieillissement est un processus temporel qui s’applique à chacun d’entre nous, mais peut-il concerner des populations prises dans leur ensemble ? Les populations peuvent-elles vieillir ? En outre, le concept de « vieillissement de la population » permet-il de s’intéresser aux défis individuels et collectifs que pose l’allongement de la durée moyenne des existences ?
Pour répondre à ces questions, il est pertinent de débuter en précisant quelques notions relatives à ces différents vieillissements. Nous commencerons par un éclairage concernant le vieillissement collectif (ou démographique) et nous poursuivrons par une réflexion sur les enjeux sociaux du vieillissement individuel. Notre première partie permettra de faire la différence entre « être plus nombreux vieux » et « être plus longtemps vieux ». Nous indiquerons en quoi ces processus changeront à plus long terme le fonctionnement des sociétés. Dans une seconde partie, nous verrons comment la sociologie, en s’intéressant aux conséquences de l’avancée en âge, contribue aux réflexions et enjeux liés à la dernière période de la vie des individus, dans un contexte où la longévité continue d’augmenter.
1. Du vieillissement démographique au vieillissement des individus
S’il existe plusieurs notions associées au terme « vieillissement », c’est par son acception démographique que nous débutons. La définition du « vieillissement démographique » telle que le lecteur peut la découvrir sur le site de l’Institut national des études démographique (INED) est celle-ci : « Augmentation de la proportion de personnes âgées dans une population, en raison de la diminution de la fécondité et de la mortalité ». À défaut d’engager un propos pour préciser comment et pourquoi la fécondité ou/et la mortalité¹ « diminuent », il faut retenir de cette définition qu’elle raisonne sur des proportions : si la part des personnes les plus âgées dans une population passe par exemple en quelques décennies de 6 % à 15 % – et sachant que, réciproquement, la proportion des jeunes diminue –, on observe alors une transformation de la structure par âge emblématique de la notion de « vieillissement démographique ». Historiquement, c’est en France et dans les pays industrialisés d’Europe, que ce processus débute à la fin du XVIIIe siècle. Il résulte notamment de la hausse de la productivité dans le domaine agricole, des progrès en matière sanitaire, de la découverte des germes et de l’établissement de règles d’hygiène pour s’en prémunir, des premières campagnes de vaccination. Grâce à ces progrès, la population se nourrit mieux et les crises épidémiques n’ont plus la même ampleur, les nourrissons décèdent moins fréquemment, la population « rajeunit » en conséquence, dans un premier temps. Et quand les couples réalisent que les héritiers seront plus nombreux, ils adoptent généralement un contrôle des naissances. C’est cette baisse de la fécondité qui renforcera le processus du vieillissement démographique à côté de la baisse de la mortalité. Ces évolutions différenciées de la mortalité et de la natalité sont au fondement de la théorie de la transition démographique. En Europe, celle-ci s’est aussi accompagnée d’un fort progrès économique, ce qui en fait un modèle se déclinant différemment selon les situations de développement des pays.
1.1. Proportion versus effectif
Pour questionner les conséquences du « vieillissement », on ne peut pourtant pas s’en tenir à répondre à la question : « De combien la proportion des personnes âgées a-t-elle augmenté ? ». Il convient aussi de prendre en compte le nombre de personnes « âgées » supplémentaires dans une population entre deux dates. On peut l’illustrer en considérant la situation des pays du Sud où les conséquences des progrès sanitaires ont été plus évidentes (jusqu’à maintenant) sur la baisse de la mortalité que sur celle de la fécondité. Sur le continent africain par exemple, la part des personnes de 60 ans et plus est restée quasiment constante autour de 5 % entre 1950 et 2020, alors que le nombre de personnes de cette classe d’âge passait de 12 à 73 millions sur la même période (Nations unies, 2019). Difficile de négliger cette multiplication par 6 des personnes de plus de 60 ans : pourrait-elle ne pas avoir d’incidences sur l’organisation des sociétés africaines ? Sur un continent où au siècle dernier les « vieux » étaient si peu nombreux qu’ils détenaient la sagesse, la connaissance et le pouvoir, leur augmentation numérique fait naître de nouveaux besoins sanitaires et s’avère susceptible de transformer leur position sociale. Qu’adviendra-t-il de ce statut quand, en 2050 puis 2100, les aînés du continent africain seront respectivement 216 puis 810 millions (scénario « central » des projections démographiques de 2019 des Nations unies), et qu’ils évolueront dans une société dont les structures économiques et sociales auront profondément changé ? En 2100 – tout en ayant conscience que cet horizon est encore lointain –, la population âgée africaine de 60 ans et plus pourrait être 70 fois plus nombreuse qu’en 1950 (810 millions contre 12 millions) tandis que sa proportion n’augmenterait « que » d’un facteur égal à 3,6 (18,9 % contre 5,3 %). Ajoutons que, dès 2050, les Africains de plus de 60 ans seront numériquement plus nombreux que leurs homologues européens, bien que leur proportion sera quatre fois plus faible.
1.2. Le vieillissement de la population par le nombre interroge les conditions de vie des aînés
Retenons qu’on peut assister à une augmentation rapide du nombre des personnes âgées sans nécessairement visualiser une augmentation (comparable) de leur proportion. Pour désigner cette prise en compte du processus numérique, on a recours au néologisme de « gérontocroissance* ». Cette situation installe des problématiques nouvelles relatives à la prise en charge des personnes âgées. Prenons encore l’exemple des pays du Sud : quand les aînés ne peuvent plus travailler et qu’ils n’ont pas de revenu, leur survie est dépendante du soutien que leur famille leur accorde. Il faut savoir que dans la plupart des pays du continent africain, la protection sociale organisée par les États est très réduite, pour ne pas dire inexistante. La plupart des individus âgés – et notamment les femmes et les ruraux – n’ont donc pas de pension de retraite. De plus, les dépenses de santé ne sont pas remboursées par un organisme de sécurité sociale. Par conséquent, le défi du vieillissement de la population n’est pas seulement celui de la transformation des proportions de chaque classe d’âge, mais celui du nombre de personnes âgées qu’il convient d’aider sur le plan matériel et sanitaire (l’offre de soins présente par ailleurs de nombreuses lacunes et la gériatrie est une spécialité médicale peu représentée). Étant donné que, dans les pays du Sud, le vieillissement de la population s’insère de plus dans un mouvement d’urbanisation, d’exode rural (des plus jeunes), de diffusion des logements de petite taille rendant difficile la cohabitation intergénérationnelle, de transformation de l’économie et des formes de l’activité, de l’émergence d’une classe moyenne qui investit sur l’éducation de ses propres enfants, ces évolutions ne facilitent en rien l’aide des enfants adultes envers leurs parents, plus âgés et plus nombreux. En l’absence de politique de la vieillesse, la gérontocroissance peut alors devenir insoutenable pour les familles économiquement fragiles prenant en charge les parents âgés. Sans politique publique de la part des États à leur égard, il se pourrait que l’ensemble de la population subisse les répercussions économiques et sociales de l’accroissement de la longévité.
La gérontocroissance a aussi des conséquences dans les pays du Nord. En France, la cohabitation intergénérationnelle est désormais peu pratiquée, mais le recours aux enfants reste présent dans le soutien aux ascendants. Au moins un sur deux des 2,5 millions de seniors aidés pour les activités de la vie quotidienne le sont par au moins un enfant selon l’enquête « Capacités, Aides et REssources des seniors » (CARE) de la DREES (2019). Mais à la différence des pays du Sud, dès qu’il y a dépendance, le recours aux aidants professionnels augmente.
1.3. Une population ne « vieillit » pas, seule la longévité des individus augmente
En évoquant les notions de