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De l'ombre en soi, à la Lumière de Soi
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De l'ombre en soi, à la Lumière de Soi
Livre électronique456 pages6 heures

De l'ombre en soi, à la Lumière de Soi

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À propos de ce livre électronique

Après une montée professionnelle des plus prometteuses, Stella a la certitude de devoir se retirer, sans vraiment savoir pourquoi. Elle se retrouve alors plongée dans un passage à vide qui lui semblera sans fin. Elle poursuivra ses recherches au rythme de l’emprise d’une toile qui la gardait prisonnière, jusqu’à ce qu’un nouvel entendement laisse entrevoir des bribes de sa vérité.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Silvy Cloutier est une auteure québécoise. La nature humaine et tout ce qui l'anime, a toujours suscité chez Silvy un profond intérêt. Autodidacte, elle s'initie dès l'adolescence à la psychologie qui demeure un secteur retenant particulièrement son attention. Elle songe à y faire ses études, mais c'est finalement l'astrologie qui lui sert de support comme accompagnatrice
LangueFrançais
ÉditeurTullinois
Date de sortie7 avr. 2022
ISBN9782898090936
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    Aperçu du livre

    De l'ombre en soi, à la Lumière de Soi - Silvy Cloutier

    Avertissement

    Bien que cette histoire relate des faits réels, certains énoncés des personnages sont fictifs.

    Remerciements

    Je remercie tous ceux qui m'ont éveillée à mes possibilités et ont contribué à me rapprocher de Qui Je Suis.

    Avant-Propos

    Comment ce qui constitue le noyau même de ma vie, peut-il à présent me laisser aussi indifférente ? À l’instar d’une corde sur laquelle j’ai trop longtemps tiré, le temps a eu raison de ma passion. Plus rien de ce qui a meublé mon espace et commandé mon existence, ne peut maintenant pénétrer mon esprit. Assise au creux de mon fauteuil, je regarde longuement le décor extérieur comme si c’était la seule chose possible en cet instant. Je n’attends plus rien. Du moins, rien de ce que j’ai connu d'auparavant.

    Le lot d’un cycle

    Je vais tout laisser tomber ! m’exclamé-je une fois de plus sous la tension de mon dilemme.

    «Laisser tomber quoi?» resurgit en écho l’observateur, avec une évidence dont la résonance me ramène d’aplomb dans le réel de ma réalité.

    Je n’ai jamais cherché à être différente. Je suis ce que je suis, bien souvent malgré moi. À l’époque où le marché de l’électronique était encore la chasse gardée des hommes, j'ai rapidement gravi les échelons. Entrée pour un remplacement, j'ai relevé le défi, malgré un manque total de connaissances dans le domaine. Mes intérêts encore mal définis faisaient obstacle à une direction précise et la proposition arrivait à point nommé avec ma ferme intention de mettre fin à ma deuxième année de collège. Chose certaine, je ne me voyais définitivement pas derrière un bureau. En fait, mes études allaient véritablement débuter.

    Le technicien du centre, un homme aux capacités psychiques passablement développées, remarqua en moi un potentiel magnétique et me glissa un mot sur mes possibilités d’élargissement à ce niveau. J’étais alors à dix mille lieues d’une idée semblable. Néanmoins, quand c’est prêt, tout s’en mêle. L’assistant gérant, ce complice quotidien, m’arriva simultanément avec ses expériences sur le voyage astral. Un monde de plus en plus subtil poursuivait indubitablement sa lancée vers mon esprit.

    Huit années s’écoulèrent, au bout desquelles un changement de gestion au sein de la compagnie me porta à focaliser sur la nature de cette nouvelle organisation. Mon sens des valeurs humaines s’entrechoqua alors aux principes de mon nouveau supérieur immédiat et me plongea dans un retournement interne qui s’additionna au curieux pressentiment qui m’habitait depuis quelque temps. Je me sentis dès lors glisser vers l’inévitable. Les jours suivants, je mettais fin à un travail dans lequel je m’épanouissais pourtant encore. Je repartais cependant en paix, six mois avant l’évidence de ce qui semblait être difficilement prévisible à cette époque : la faillite d’un géant commercial. Du coup, l’étrangeté de mon sentiment fit place au bonheur d’avoir su écouter mon intuition.

    L’onde s’était activée et tout s’ordonna pour un virage à 360°. De nouveau sans intérêts définis, une amie me proposa l’éclairage d’un astrologue de passage dans la région. Mais celui-ci cherchait davantage ma compagnie et à m’entraîner dans sa prochaine formation, qu’à répondre à la seule question qui me préoccupait vraiment: trouver mon travail vocationnel. Il m'informa de ma prédisposition pour l’astrologie et même d’avoir déjà été accusée de sorcellerie, puis tuée, pour avoir prédit la mort du fils d’un seigneur dont j’aurais été le consultant privé dans une vie antérieure. Piètre avancement. Si j'avais antérieurement maîtrisé cette science, elle me semblait encore hermétique au moment de cette annonce.

    Ma santé s’est ensuite mise de la partie et ma réalité se dirigea bientôt vers un mode de recherche continu. La route d’un retour à soi venait d'être entamée et, au fil des lunes, j’apprenais à surfer sur la vague «nouvel âge». Sophrologie, réflexologie, Reiki, massage et science anthropique, me gardaient dans la ronde des initiations. Rien de suffisamment accrocheur ne m’incitait à m’investir plus à fond. Les avenues explorées me semblaient ne l’être que pour finaliser certains dossiers et mieux retourner à mon «mystère».

    Je pris le recul nécessaire, avant d’être complètement noyée par cette vague, et je me dirigeai vers la bibliothèque où j’y découvris différentes façons d’utiliser l’astrologie. De nature autodidacte, j’ai confronté toutes les écoles pour finalement monter mon propre document de référence.

    Une vingtaine d’années de constantes observations des ondes cosmiques se sont mariées à différents champs complémentaires. Passée de la psychologie à la physique quantique, j’en étais arrivée à une compilation satisfaisante. Mais la mention de Proserpine, sur un site d’astrologie que je visitais pour la première fois, me poussa à une dernière plongée portant sur le volet cosmique et universel. Je m’y suis trempée à fond de train pendant plusieurs semaines et je me suis finalement rivée à un mur. Puis, plus rien.

    « Plus qu’un concept spirituel ou une mode de passage, cette démarche est tout ce qui me reste de l’expression intrinsèque de mon essence propre, m’écrié-je aux abords du silence. Par la force qu’il impose ce potentiel, dont l’énergie m’anime, doit trouver l’expression de sa manifestation. J’ai besoin plus que jamais de me réaliser à travers cette source et je me refuse à ne devenir que le simulacre d’un conditionnement, si beau puisse-t-il sembler. Pourquoi naître si je refuse de me mettre au monde et j’en arrive finalement à marcher sur une voie étrangère à ma propre réalité intérieure? Par amour pour ce qui cherche à prendre naissance à travers ces contractions et se refuse à mourir, je ferai face à mes zones obscures jusqu’à ce que, sous le feu ardent de ma conscience, soit brûlé le sépulcre de ces formes mémorielles! »

    L’énergie libérée par le déferlement de cette charge me suffit à m’investir de la force nécessaire à faire un pas de plus.

    Kristel

    Assise devant moi durant ma formation de réflexologie, Kristel se demande constamment si la personne assise derrière elle rit ou pleure tellement lui semble bizarre la cacophonie émanant de ce corps. La question reste entière mais lui parvient quelques mois plus tard, lors d’un atelier de sophrologie où nous nous rencontrons à nouveau.

    — Tu m'es apparue en rêve hier, lui dis-je, sans même me soucier de ne jamais lui avoir parlé antérieurement.

    — Ah oui ! Raconte. enchaîne Kristel, comme si nous nous étions toujours connues.

    Je lui décris la scène et nous avons tôt fait de constater à quel point les éléments du rêve entrent en concordance avec sa situation présente. Le destin venait de jouer sa carte et ainsi s’inscrivait le premier évènement d’une série scellant une profonde amitié.

    Présente pour l’accouchement du bébé de Kristel, devenue monoparentale au deuxième mois de grossesse, mon rôle d’accompagnatrice est grandement pris au sérieux. Ce bébé doit arriver dans les meilleures conditions possibles. On m’aurait affirmé tenir là mon unique chance de reconstituer ma propre naissance que je n’aurais pas fait mieux. Déjà experte en matière de recherche, je prends note de tous les détails nécessaires à un développement sain et ce, du début à la fin. Ma ténacité et mes arguments tapent littéralement sur les nerfs du personnel médical qui ne sait plus quoi faire de cette intruse. Concours de circonstances, je me retrouve seule avec Kristel au moment de l’accouchement, au grand désespoir des infirmières. L’évènement me fait alors cadeau d’une découverte qui m’émerveille. L’arrivée de ce poupon laisse dans l’atmosphère une énergie tout aussi semblable à celle rencontrée au moment où mon père quittait son enveloppe corporelle. La certitude qu’il n’y a pas de différence à entrer dans ce monde ou le quitter, vient de s’installer ; les deux font partie d’un continuum infini.

    Onze années s’écoulent et, aux abords du nouveau millénaire,

    nous traversons le fleuve ensemble. Le courant, sur l’autre côté de la rive, nous amène à naviguer vers des sources passablement différentes. Toutefois, si je me maintiens en équilibre dans mon champ d’exploration continu, je le dois grandement à mes marches quotidiennes et à l’écoute assidue de cette complice exceptionnellement dévouée. M’entendre discourir sur mes observations et leurs aboutissements me procure l’opportunité d’en vérifier la pertinence et surtout, de me sentir accompagnée sans jugement. Doublée d’un sixième sens bien aiguisé, Kristel sait quand et comment me ramener à moi-même. Elle a été et reste une alliée précieuse.

    —Alors, où en es-tu ? Comment composes-tu avec ta position ces temps-ci ? me demande Kristel.

    — La culpabilité est assurément l’une de mes plus fidèles compagnes. Dès le début, j’avais la certitude que ce serait long mais pas que ça s’éterniserait. J’ai l’impression d’être un satellite tournant en rond autour de son objectif dont on aurait oublié de récolter les données. Mais c’est plus fort que moi, je ne peux me résoudre à laisser tomber. Un je-ne-sais-quoi me pousse sur cette route sans nom. 

    — Tu ne fais rien comme tout le monde, Stella. Ça fait partie de toi d’aller au fond des choses, quitte à ouvrir de nouveaux sentiers et à marcher ainsi dans des zones inconnues. Je me demande d’ailleurs comment tu fais.

    — Je t’avoue que, bien souvent, moi aussi. Je constate seulement que « ça se fait ! ». Chaque fois que je suis sur le point de tout mettre de côté, une nouvelle opportunité se présente et me permet de pousser un peu plus à fond ma démarche. Je suis maintenant si loin de cette femme d’affaire incontestée et parfois redoutée de certains compétiteurs. Moi qui savait un an à l’avance où et quand je prendrais mes vacances, avec qui ça se passerait et ce que je ferais de chacune de mes journées… Je devais avoir épousé la programmation de l’un des ordinateurs que je vendais à l’époque! 

    Un silence passe que je meuble rapidement.

    — C’est comme si j’avais décidé de me réincarner dans cette même vie pour être certaine de ne plus avoir à y revenir. Tu connais ma patience… Quand j’étais jeune, je rêvais déjà d’être en tête de ligne. Je regardais les majorettes et je me voyais à la place de celle ouvrant la marche, bâton en l’air, criant haut et fort le coup d’envoi. Cette image de chef de file a dû s’imprimer en moi, pour qu’on me colle si souvent les étiquettes du « nouvel âge ». J’ai eu droit à une panoplie de commentaires mentionnant que j’étais une « Enfant du Soleil » ; que mon taux vibratoire était incompatible avec celui de la Terre et que les évènements avaient donc faits en sorte que je sois retirée de la masse, le temps que les choses changent et je ne sais quoi encore.

    — C’est dans ton énergie d’attirer ce genre de choses. Ton ouverture d’esprit et ton absence de jugement t’y prédisposent. 

    — Heureusement que l’astrologie m’apporte un support pour filtrer et prendre le recul nécessaire face à tout ce flot d’interprétations. Toutefois, je dois reconnaître la justesse de cette clairvoyante dont l’interprétation avait été des plus surprenantes. Elle m’avait affirmé devoir naître exactement à ce moment précis. Elle m’avait également signalé de longues périodes de solitude à vivre, avant le début d’un tout autre cycle, et m’avait incitée à me reposer avant le grand redémarrage. Le problème est que cette phase n’en finit plus de finir. Sans compter que dans la solitude, on ne peut échapper à soi-même. Par moment, j’ai vraiment craint pour mon équilibre. Je ne compte plus les fois où j’ai carrément pensé devenir folle.

    — Je n’avais aucune crainte pour ça, mais il y a bien des fois où je n’aurais pas voulu être dans ta tête. Faut dire que certaines de tes observations sont renversantes.

    — J’aimerais bien avoir une prise « OFF », mais ça pousse si fort en moi… En bout de ligne, toutes ces allégations ont tout de même eu pour effet de m’encourager à aller de l’avant vers mes propres recherches et à raffiner mon discernement. Et si mon parcours semble parfois confus, un fil conducteur relie tout de même chacune des clés du moment et me rapproche de qui je suis. Les gestes posés, apparemment isolés, finissent toujours par réveiller un potentiel latent utile pour le pas suivant même si en le faisant, j’ignore où cette marche me mène.

    Mon passage dans le monde de l’électronique m’a appris que je pouvais faire des choses sans même penser en être capable. J’y ai également découvert un goût pour l’accompagnement en relation d’aide. Je me suis alors dirigée vers le massage, car je voulais changer ma connotation à l’égard du toucher. C’est pourquoi, j’ai opté pour le californien. On le nomme également le « massage de l’âme ». J’ai alors développé une autre forme d’intimité puis, j’ai poursuivi dans cette lignée à la recherche de moyens me permettant toujours plus de profondeur. Je me suis ainsi rapprochée, pas à pas, encore plus près de ma nature essentielle. Je sais maintenant que chacun de mes gestes se révèle être une préparation pour le futur. Ça m’incite à rester sur ce que je sens être ma voie propre. Puis, la vente de ma maison me permet de faire encore un bout dans ce sens...

    —Tu te prives suffisamment pour ça... Tu finiras bien par trouver une autre voie. Je t’ai toujours connue entière dans tout ce que tu entreprends, et d’une telle persévérance.

    — C’est viscéral, je ne peux pas ne pas le faire. Cette démarche est plus qu’un choix. J’ai besoin de savoir ce qui me développe de la sorte. C’est un peu comme si je m’attendais et que, chemin faisant, j’allais retrouver la « chose » pour laquelle je sens que j’existe. De toute façon, je m’y suis tellement investie.

    Parfois je me dis que si j’étais un artiste reconnu, un chercheur subventionné par des fonds publics, un homme en position de pouvoir utiliser des sommes pour manifester sa vision, ou encore si j’étais maire, ce serait socialement acceptable de prendre les moyens nécessaires. Qui plus est à mes frais. Et pourtant, en quoi est-ce si différent ? Chacun y va selon l’œuvre à laquelle il croit. Tout est tellement relatif !

    — Je vois, c’est ce relent de culpabilité... Tu ne peux laisser tomber sans renier ta nature profonde. Laisse les choses se faire. Tu trouveras bien.

    — Je l’espère sincèrement.

    — Ton expérience devrait être mise à la disposition de tous. Ce que tu sais gagnerait à être communiqué. Poursuis ta route et trouve d’autres façons de manifester ton potentiel. Pour produire un changement, il faut une façon de faire différente. C’est normal d’ignorer où ça mène. On appelle ça être créateur. D’ailleurs, par ta différence et à ta manière, tu inaugures déjà un certain changement.

    — Ça prend une dose exceptionnelle de force et de courage pour rester sur son propre chemin et dépasser les jugements. Il est impensable de sortir du rang, sans avoir composé avec la pression de la masse désirant maintenir le statu quo. C’est un réflexe primaire de vouloir assurer nos arrières devant ce qui semble menacer nos convictions et nous obliger à une remise en question de notre position initiale. Mais, comment vraiment connaître une chose autrement qu’en habitant son processus jusqu’au bout ? J’espère toutefois arriver à placer cette expérience dans une forme concrète et évolutive de façon à la rendre accessible à ceux qui ont à traverser des zones de turbulences et de pressions similaires.

    — Si ça peut te consoler, sache que ce que tu es fait déjà le travail. 

    — Je peux faire plus… 

    — Pour toi, ce ne sera jamais assez. Pourtant, tout ce que tu partages de ta vision finit toujours par faire son chemin. Je te trouvais égoïste et centrée sur toi mais, parallèlement, tu me rappelais de faire les choses à partir de moi, de me considérer dans mes choix. Tu m’as déjà également affirmé de ne jamais te prendre en pitié, que ce serait le pire affront à te faire. Tu me demandais de te laisser la responsabilité de ton processus, que ce choix t’appartenait. J’avais de la misère à valider la justesse de tout cela, mais en bout de ligne, j’ai appris à revenir à moi.

    — Au-delà de l’empreinte de l’abandon laissée à la naissance, des exigences et des répercussions possibles, c’est la chose à faire. Marcher sur la voie de l’évolution passe au-delà de la peur de perdre et du manque, à quelque niveau que ce soit.

    — La route menant à cet objectif est souvent longue et ardue.

    — À qui le dis-tu !

    Voyager avec confiance

    Les mois s’égrènent et nous rapprochent de 2012. Tous ceux en mal d’un nouveau monde sentent une grande effervescence à l’évocation de cette date, alors que d’autres voient leur angoisse grandir au rythme des prédictions véhiculées sur plusieurs sites informatiques. De mon côté, j’y vois là le mirage de Neptune jouant avec une réalité qui m’est illusoire. Une idéation et des rouages que je peux observer, mais par lesquels ma conscience ne se sent aucunement rejointe. Je remarque toutefois le travail sur soi exigé pour circonscrire les diverses influences et rester sur ma voie. C’est une œuvre de tout instant de sélectionner uniquement les pensées auxquelles je tiens à donner vie.

    Rivée à un cul-de-sac, mon désir de sortir de l’état de latence dans lequel je suis depuis des mois me pousse au défi de partir vers l’ouest pour Maniwaki. Neuf heures de route à faire dans une direction où j’ignore totalement ce qui m’attend, dessine formidablement ma posture intérieure.

    « Voilà une excellente occasion de rompre avec toutes mes peurs concernant la survie et mes manques associés au corps », pensé-je.

    Le moment du départ donne au voyage un ton des plus précaires. Après une heure d’attente, la personne avec qui nous voyageons n’a toujours pas donné signe de vie. Nous faisons route et, tout juste une demi-heure plus tard, la voiture devant nous se met à zigzaguer sur le boulevard pour finalement aller finir dans le fossé. Ma tête oblique aussitôt vers l’arrière et mon regard s’arrête sur l’initiatrice de cette aventure, une jeune étudiante européenne rencontrée six semaines plus tôt. Je l’entends alors relâcher le souffle qu’elle retient depuis le début de ce bal et, sans aucun commentaire, impassible, je ramène mon regard sur la route. Je réalise à cet instant avoir encore une fois donné vie à une route sans nom et je m'introduis dès lors dans la confiance et l’accueil sans condition, mon seul atout demeurant ma foi en la vie.

    Une fois à destination, le statu quo de ma routine continue d'être totalement chamboulé. J’avance timidement sur un territoire bondé de monde où chaque pas doit se faire en regardant le sol, pour éviter d’empiéter sur l’installation de quelqu’un. La nouveauté me porte instantanément à simplement demeurer l’observateur de mes réactions face à tant d’inconnu. J’en fais même un nouveau rituel. J’écoute et je reste disponible. Je reviens ainsi enrichie d’un remarquable lâcher-prise et d’un ancrage additionnel dans l’épanouissement né de la présence à l’instant.

    Révélation

    Une année supplémentaire d’étude et d’approfondissement s’écoule et m’amène à la fin août. Le désir de faire partie de l’évènement sur les terres de Maniwaki prend de nouveau forme en moi, mais je ne vois vraiment pas avec qui je pourrais faire ce voyage. De plus, le climat définitivement trop froid et humide m’amène à renoncer à coucher dans une tente. Ça me laisse encore moins d’opportunités. J’oublie l’idée et, deux jours avant l’évènement, l’occasion arrive d’elle-même à la maison. On sonne à ma porte pour m’offrir ce voyage au chaud et tous frais payés dans le confort d’une roulotte.

    Je confirme mon départ et, quelques heures plus tard, le réfrigérateur rend l’âme. J’entame de suite une tournée de tous les détaillants mais sans résultat favorable. Il ne me reste qu’une journée pour solutionner le tout avant le départ prévu. Je réfléchis et l’idée me vient de ressortir le journal aux pages des petites annonces. Je repère un réfrigérateur à l’état neuf et, par bonheur, un ami est disponible avec un camion pour aller le prendre. Je termine de replacer la marchandise et, en nettoyant la hotte, le fond de l’armoire la soutenant me reste dans les mains. Décidée à ne rien laisser s’interposer dans ma démarche, j’appelle le proprio et je finalise le tout à temps. Je serai de la partie pour cette fin de cycle planétaire et les conjonctures l’initiant.

    -o0o-

    Nous arrivons une journée plus tôt et j’en profite pour parcourir de nouveau l’étendue de ce terrain vacant. Je ressens la présence des ancêtres amérindiens qui gardent ces lieux et en emplissent l’éther. Au fond de l’emplacement, un feu sacré est entretenu depuis vingt-quatre heures pour y maintenir la protection et l'atmosphère nécessaires à l’évènement. Des centaines de personnes venant de partout dans le monde sont attendues. Certaines pour offrir divers services, d’autres pour les recevoir. Moi je me sens simplement poussée à m’y rendre, propulsée par un étrange appel prenant racine au fond de moi.

    Debout aux abords du territoire foulé auparavant, je constate le chemin parcouru et la nouvelle solidité acquise depuis. Il est loin cet état primaire où j’avançais un pas à la fois, les sens aux aguets. Je me rappelle avoir vu tant de fantômes remonter à la surface ici l'an dernier, au moment où tous mes points de repères éclataient l’un après l’autre. J’ignorais tout de cet endroit situé dans un coin perdu, sans épicerie aux alentours, n'ayant ni toilettes, ni douche. Je me demandais bien où, et en compagnie de qui, je dormirais en cette période froide et humide. Je réalise que cette étape est à présent dépassée et j’entends bien cette fois, profiter de ce deuxième passage dans la région.

    Au petit matin de la deuxième journée, une amie croisée sur mon parcours me présente à la femme qui l’accompagne. L’étrangère m’offre spontanément une lecture énergétique et avance ses mains à quelques centimètres de mon corps.

    — Il y a une fragilité dans la région de la gorge. Une mémoire provenant du moment de la procréation. Ton père y a maintenu une pression pour immobiliser ta mère et la prendre de force, m’annonce l’intervenante.

    Je reçois la mention sans broncher. Elle précise les dires de Méléna, ma mère biologique, et s’ajoutent à ceux de cette clairvoyante qui me disait devoir naître exactement à ce moment-là, quand bien même ce serait par la force. C’est bien ce qui est arrivé ! Je ne m’y attarde donc pas outre mesure. Je poursuis ma ronde et je me joins à un petit groupe de femmes pour participer à l’égrainage du cèdre servant au « rituel de la tente suante ». Je passe ainsi le reste de l’avant-midi à écouter la vision de ces habituées de la place. Au cours de l’après–midi, je croise à nouveau mes deux voisins rencontrés la veille. Ils profitent de l’occasion pour redoubler d’insistance afin que je me joigne à eux et que je participe à la cérémonie de la « tente suante », débutant dans une dizaine de minutes. Ils ont beau dire, rien n’y fait jusqu’à ce qu’une inconnue assise à leur côté intervienne avec le mot de la fin : « Si tu n’es pas prête… ».

    Pas prête ? Cette affirmation rebondit dans mon esprit comme un non-sens. J’ai si souvent souhaité pouvoir participer à ce genre d’initiation. Du coup, je cours chercher un coton ouaté pour me tenir au chaud à la sortie. À mon retour, l’un de mes voisins me remet trois pêches à laisser en offrande pour le rituel. Je laisse ensuite mes yeux parcourir l’assistance et je repère un type dont le besoin de libération offerte par ce rituel est palpable. Ses mains tiennent un chapelet tibétain qu’il égraine bille par bille, comme s’il voulait éviter l’échafaud. Je ne peux m’empêcher de penser que je me ramasserai sûrement à ses côtés. Puis, regardant le ciel sombre où se promènent de gros nuages épais, je demande qu’il soit fait en sorte de m’éviter de grelotter à la sortie.

    Nous pénétrons à quatre pattes dans une tente exceptionnellement bondée. Je tente de m’installer et le jeune homme à ma droite me glisse une partie de sa couverture pour m’y asseoir. Une minute plus tard, un déplacement de quelques personnes ramène à ma droite l’homme au chapelet tibétain et, devant moi, un colosse se met à suffoquer avant même que les portes ne soient fermées. Je me sens sur le point de critiquer ma position, mais je choisis rapidement de libérer cette charge en l’envoyant au point zéro. Puis, tel un pilier inébranlable, mon être tout entier se place dans un alignement total. Je sens alors monter spontanément en mon for intérieur ma propre voix et je me mets à vibrer sur une autre fréquence m’incitant fermement à en finir avec toutes mémoires limitatives.

    « Je ne suis pas venue ici pour expérimenter ma souffrance ; j’en ai suffisamment fait le tour. Je suis venue ici pour toucher ma force », résonne en moi la puissance de mes mots.

    Toujours mue par cette même force, je poursuis mon rituel. Je lève mes mains, bien haut au-dessus de ma tête, une paume vis-à-vis de l’autre. Dans celle de gauche, je place mon inconscient, et dans la droite mon conscient, et je m’entends alors intérieurement prononcer : « Ces deux parties en moi sont maintenant réunies dans l’équilibre du cœur. »

    Mes mains ont suivi ma parole et ce mouvement ouvre le début de mon expérience. On referme hermétiquement les deux ouvertures de la tente et nous sommes plongés dans un noir auquel nos yeux ne peuvent définitivement pas s’habituer. Le chaman donne alors les consignes :

    — On vous demande de garder le silence tout au long du rituel. Vous êtes exceptionnellement plus nombreux que de coutume. Alors si un seul de vous bouge, tels des triplés dans le ventre de la mère, vous serez tenus de suivre le mouvement.

    Des pierres chaudes sont encore rajoutées et la chaleur se fait plus forte que dans un sauna. On distribue différents objets musicaux amérindiens et le rythme s’entame dans lequel s’insèrent de courtes phrases. De l’eau est parfois lancée sur certains et provoque un léger sursaut de surprise. La chose m’arrache un sourire et, comme si on m’avait aperçue en dépit de l’incroyable noirceur, je reçois à mon tour une bonne grosse cuillerée d’eau froide. Mon souffle est légèrement coupé par l’effet et je souris de plus belle d’avoir été ainsi particulièrement ciblée.

    À la moitié de la cérémonie, un type se replie en position fœtale. Il fait vraisemblablement un rebirth. On s’affaire à lui faire traverser cet état, ce qui mobilise passablement de temps. Il reste très difficile de le ramener. Consciente du phénomène en cours, je le remercie en silence de catalyser la charge de ce groupe et je poursuis ma participation improvisée. Un courant exceptionnel me parcourt de plus belle et fait de moi une intervenante silencieuse dans ce rituel de guérison. Mon discours intérieur et le tintement de mon hochet battent maintenant la mesure de celle des chamans, au-delà d’un scénario que je n’aurais jamais pu imaginer.

    Il s’ensuit un partage du dirigeant dans lequel je retrouve exactement mes lectures astrologiques pour le cycle planétaire en cours. Il invite ensuite chacun à dépasser le cadre de leur enregistrement d’abus :

    — J’ai moi-même eu à pardonner à ma mère des attouchements sexuels subis à l’âge de trois ans. Je ne sais pas ce qui, dans une autre vie, a pu m’inciter à vivre un tel événement, mais il est nécessaire à présent de dépasser ces mémoires.

    « Là c’est le comble ! Tant de thèmes possibles et voilà que c’est celui de l’abus qui se pointe », pensé-je.

    Le chaman du rituel termine sa phrase et l’une des accompagnatrices, assise juste devant moi, se retourne pour me remercier. La troisième fois, visiblement émue, elle rajoute encore : « Merci d’être là ». Surprise, je ne réalise aucunement ce qui me vaut cette reconnaissance.

    La porte de devant s'ouvre. Nous défilons de nouveau l’un derrière l’autre à quatre pattes vers la sortie, lorsqu’une voix grave s’écrit tout à coup fermement : « Stella, félicitations ! ». Seul mon nom vole en écho. Sur ce, je prends du coup conscience qu’en dépit de la noirceur absolue durant la totalité du déroulement, ma participation silencieuse n’en a pas moins été entendue.

    Je m’arrête à l’ouverture de la tente, le temps d’embrasser le sol avec gratitude, puis je prends place à l’extérieur. Avant même d’être complètement installée, un homme que je n’ai jamais vu vient m’envelopper d’une couverture. À ce même instant, une masse de nuages serrés se divise tout à coup, juste devant moi, et laisse passer le filet d’un rayon de soleil qui vient m’inonder. Le décor entier semble jouer l’acte final d’une scène sortie d’une autre dimension. Abasourdie, je suis littéralement dépassée par l’ensemble de ce à quoi je viens de participer. Je m’explique toutefois mieux le concours de mes voisins.

    Je me relève puis je remarque l’état de solidité dans lequel je me trouve. Mon être entier est unifié et fait de cette expérience, l’une des plus révélatrices. Introduit dans la terre de ma réalisation, je m’ouvre à ce nouveau cycle de recristallisation de la mémoire dans une toute nouvelle posture.

    L’amorce d’une conjoncture

    La tension s’intensifie au rythme des pas de celle qui m’accompagne en cette chaude matinée d’été. Préférant éviter d’alimenter le déchaînement déjà à son paroxysme, je me garde de tout commentaire. Mais la neutralité dont je fais preuve a cependant l’effet d’un boomerang retournant à son expéditeur son énergie et l’énerve encore davantage. Mon point de vue, déjà très bien connu, et parce qu’il diffère en tout point, alimente même dans le silence cette pétarade que je croyais pourtant révolue. Cette fois j’accuse le coup différemment.

    « Je vais vraiment devoir reconsidérer cette relation », pensé-je, n’en pouvant plus de marcher sur des œufs.  Rien n’y fait ! Impossible d’arrêter un volcan en éruption, continué-je à monologuer en me laissant choir dans le profond fauteuil du restaurant où nous nous sommes arrêtées. Je vais devoir réviser ma position. »

    Je détache les yeux de mon vis-à-vis et j’aperçois un comparse de cours arriver. Le bras bien haut, je l’invite joyeusement à nous joindre.

    — Jimmy, quelle synchro !  lancé-je. Je n’aurais jamais pensé te voir ici. Je te croyais parti.

    — J’ai eu un pépin avec la voiture. Un dernier petit ajustement à faire.

    Ruth se lève d’un bond et, toujours en ébullition, s’accapare de Jimmy.

    — T’arrives à point. Nous étions en pleine discussion. Dis-moi, tu te sentirais reçu toi si, au lieu de te réconforter, quelqu’un essayait d’éclaircir ton point de vue en te posant une foule de questions ? lance-t-elle avant même qu’il ait eu le temps de constater qu’il était assis.

    Jimmy se recule dans son fauteuil et se positionne bien droit avant de répondre.

    — Tout dépend de la nature de… 

    Mais il n’a point le temps d’aller plus loin. L‘arrêtant au milieu de sa phrase, Ruth fulmine :

    — Ça rien à voir, Jimmy ! Une véritable amie est toujours de ton côté et, sans rien dire, elle reste attentive à ce qui peut te faire du bien ! 

    Sans avoir le loisir d’approuver, Jimmy devient l’otage de la dynamique en marche. Fin observateur de nature, il demeure le plus neutre possible. La mise au point dure près d’une heure, au bout de laquelle nous nous retrouvons à l’extérieur. Ruth invite Jimmy à lui rendre visite et elle part. Elle a déjà fait un bout de chemin, lorsque Jimmy me partage son observation :

    — J’ai suivi attentivement l’échange et je me demande vraiment ce qui peut te nourrir dans ce type de relation, Stella. 

    — Je tenais à aller jusqu’au bout pour voir ce qui m’interpelle dans cette dynamique. Ruth, malgré son fort tempérament, est une fille avec un humour extraordinaire. Si tu voyais comment on se marre parfois. 

    — Je veux bien te croire mais vraiment, j’y vois plus de dommages qu’autre chose. C’est malsain de se faire rentrer dedans de la sorte. Penses-y Stella. Regarde ce qui te pousse à conserver cette relation et vois si ça vaut le coup. 

    Nous nous quittons sur cette remarque et j’avance ensuite distraitement, prise par une profonde réflexion:

    Je sais pourtant si bien que, paradoxalement, derrière l’intensité incendiaire de Ruth se cache un besoin d’harmonie pour lequel elle n’hésite pas à partir en guerre. L’idéal prenant source en elle se confronte continuellement aux corrections à apporter pour l’atteindre et ne lui laisse aucun repos. La difficulté à accepter les choses telles qu’elles sont, demeure bien souvent la pierre d’achoppement d’un avancement spirituel pour plusieurs d’entre nous...

    Je tourne au coin de la rue et j’arrive face à face avec Mira, pour qui mon air ahuri est une évidence.

    — T’as une minute ? Je suis en avance. J’allais prendre une bouchée, m’aborde Mira.

    — Heu ! Oui. D’accord, répondis-je, encore habitée par mon nuage de réflexions. Excuse-moi, j’ai peine à me concentrer, je sors tout juste d’une discussion très houleuse...

    — J’ai cru remarquer, sourit Mira.

    Un court résumé me remet d’aplomb et, devant ce constat, Mira s’avance sur un autre terrain.

    — As-tu

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