Donald Trump: Le fossoyeur de l'Amérique
Par Gilles Vandal
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À propos de ce livre électronique
En 2016, les Américains hissent à la tête de leur pays un homme qui les fera courir à leur perte. En quatre ans de mandat, Donald Trump a anéanti le leadership mondial des États-Unis et enterré le siècle américain. Corruption, mensonges éhontés, comportement égocentrique, erratique et amoral, ignorance historique… Les États-Unis ont été la première victime de la personnalité du 45e president, qui a mis en danger l’ordre international libéral.
Mais d'où vient le trumpisme ? Comment a-t-il mis en danger la démocratie ? Comment l'administration du pays de la liberté a-t-elle pu créer le chaos au sein du pays et de sa politique extérieure ? En décryptant les faits marquants de cette présidence hors de contrôle, Gilles Vandal retrace les événements qui ont contribué à la division profonde de l'Amérique. Appuyant son propos sur la littérature politique et les nombreuses études menées au cours de quatre années de mandat de Trump, l’auteur dresse le bilan vertigineux d'un homme, qui, une fois devenu président, a sombré dans les abîmes de ses névroses en précipitant le monde entier avec lui.
Comprendre la doctrine trumpiste, son pouvoir dévastateur et la montée du populisme en Occident !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Gilles Vandal est professeur émérite de l’Université de Sherbrooke (Canada) spécialisé en politique américaine. Reconnu comme l’un des plus grands spécialistes francophones de la présidence de Barack Obama, il a écrit pas moins de 7 ouvrages sur le 44e président des Etats-Unis (dont Barack Obama - 14 principes de leadership, en 2020, aux éditions Mardaga) et s’attaque à présent à la politique de son successeur, Donald Trump.
En savoir plus sur Gilles Vandal
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Aperçu du livre
Donald Trump - Gilles Vandal
Note d’avertissement
Le présent ouvrage est le produit d’un réaménagement de textes qui ont été précédemment publiés dans des journaux québécois (La Tribune de Sherbrooke, Le Droit d’Ottawa-Gatineau, Le Soleil de Québec, La Voix de l’Est de Granby, Le Nouvelliste de Trois-Rivières et Le Quotidien du Saguenay) entre novembre 2018 et novembre 2020. L’auteur a publié ces textes de manière bénévole et tient à remercier ces journaux pour lui avoir laissé exprimer dans leurs pages son analyse de la politique américaine.
AVANT-PROPOS
Le personnage de Donald Trump ressemble à plusieurs niveaux à une sorte de héros sorti directement d’un roman. Sa capacité incroyable de vivre au-dessus des normes politiques habituelles et son approche complètement amorale rendent ce personnage fascinant. Ces caractéristiques étaient déjà présentes chez lui dans son image d’homme d’affaires à succès et de vedette d’une émission de téléréalité. Devenu politicien, il était un leader extraordinaire par sa capacité d’envoûter ses partisans, tout en ayant néanmoins un côté terrifiant. Son appétit pour le pouvoir n’avait pas de limites et il ne s’est embarrassé d’aucune norme politique ou constitutionnelle. Ce faisant, son comportement de président a menacé dans leurs fondements les valeurs politiques américaines.
Dans un premier ouvrage publié en 2018, Donald Trump et la déconstruction de l’Amérique, j’examinais déjà comment le président avait entrepris de bouleverser drastiquement le fonctionnement des institutions politiques américaines. En ce sens, le présent ouvrage, qui est un produit de mes réflexions quotidiennes concernant la seconde moitié de la présidence de Trump, fait suite à ce premier décryptage. Dans mes analyses, j’en suis arrivé à la conclusion que Donald Trump était devenu un fossoyeur du système politique et des grandes valeurs démocratiques américaines. Les changements dans la culture politique américaine ont été si profonds que le temps sera nécessaire pour réparer le mal qu’il a fait. Bien sûr, Trump n’est pas le seul responsable de cette situation – la polarisation politique a débuté avant lui –, mais sa contribution a fortement amplifié cette situation, en cautionnant notamment une culture du mensonge. Adepte de George Orwell, il s’est amusé à créer une réalité alternative selon sa convenance. Aussi, ces réflexions m’ont incité à publier un deuxième ouvrage pour présenter le personnage Trump comme une sorte d’empereur dénudé. Les lecteurs pourront ainsi obtenir la perception d’un spécialiste et observateur attentif de la scène politique américaine : celle reposant sur l’idée que les régimes démocratiques sont un phénomène récent dans l’histoire de l’humanité et qu’ils sont fragiles.
Donald Trump s’est attaqué systématiquement aux fondements mêmes de la démocratie américaine. Et ses attaques ont culminé lors des émeutes du 6 janvier 2021, alors qu’il tentait d’empêcher le transfert pacifique du pouvoir à son successeur. En ce sens, le présent ouvrage offre un plaidoyer très sévère de la gouvernance de Donald Trump tant en politique intérieure qu’au plan international. Le 45e président des États-Unis pouvait paraître incompétent, erratique, enfantin, narcissique, impulsif et même idiot pour beaucoup de ses détracteurs. Il ne connaissait qu’une seule façon de gouverner, et c’était là son seul but : le pouvoir absolu. Comme homme d’affaires, il était redoutable, voire tyrannique ; comme vedette d’une série de téléréalité, son plus grand plaisir était de dire « You are fired ! » (« Vous êtes viré¹ ! »). Et, une fois devenu président, ses méthodes n’ont pas changé. Lors du procès de son divorce avec sa première épouse, en 1990, celle-ci a dévoilé qu’il s’inspirait des méthodes de gouvernance d’Adolf Hitler : ses deux livres de chevet étaient Mein Kampf et les discours du Führer qu’il apprenait par cœur. Et lorsqu’il est devenu président, inspiré de ses lectures, il a cherché par tous les moyens à s’arroger tous les pouvoirs, faisant fi des limites imposées par la Constitution américaine. En ce sens, les événements du 1er juin 2020 ont été significatifs. Pour mettre fin aux protestations contre la brutalité policière à l’égard des Afro-Américains, il n’a pas hésité pas à recourir à une loi de 1807 autorisant le président à utiliser les forces armées en cas d’insurrection. Or, cette loi ne peut être évoquée que si un État le demande ou s’il existe une violation très claire des droits des citoyens. Mais, pour Donald Trump, ces nuances n’avaient aucune signification. En créant une controverse sur le déploiement des forces armées, il a cherché notamment à faire oublier sa mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19. Or, avant même sa déclaration abusive, selon laquelle il était un président de la loi et de l’ordre et qu’il n’hésiterait pas à faire intervenir l’armée pour rétablir l’ordre – des propos qui rendaient toute manifestation pacifique illégale, et dénoncés par le général Mattis comme une violation des droits des citoyens –, les soldats dispersaient des manifestants pacifiques avec des balles de caoutchouc et des gaz lacrymogènes. Ce faisant, les droits constitutionnels des citoyens manifestant inscrits dans le premier amendement étaient clairement violés. Et ce, dans le seul but de lui permettre, alors qu’il venait de se proclamer président de la loi et de l’ordre, de prendre une photo devant St John’s Episcopal Church, l’« église des présidents », à Washington.
Pour comprendre le comportement de Trump, il est nécessaire de recourir à des notions psychologiques de base. Dans un livre percutant, Too Much and Never Enough : How My Family Created the World’s Most Dangerous Man, Mary L. Trump, docteure en psychologie clinique, décrit non seulement la personnalité narcissique de son oncle, mais le définit aussi comme un être amoral, un fraudeur et un intimidateur. Paradoxalement, elle montre que, alors qu’il cherche à projeter la force, il est un être faible possédant un ego fragile qui sait au fond n’être rien de ce qu’il prétend. Selon l’auteure, ces traits de personnalité font de lui l’individu le plus dangereux des États-Unis. Il montre tous les signes d’une personnalité innovatrice, affichant une ouverture à de nouvelles expériences et à des solutions non conventionnelles. Néanmoins, il est un innovateur émotionnel instable et paranoïaque. Ce comportement névrotique transforme sa personnalité en un destructeur créatif. Dans le monde des affaires comme en politique, Trump viole les normes, ne respecte pas les ententes et les contrats, et écrase les plus faibles. D’ailleurs, sa vision d’un monde constamment en concurrence découle de sa personnalité : pour lui, il n’y a que des gagnants ou des perdants. En conséquence, il est incapable d’avoir de l’empathie dans des relations humaines normales. Il privilégie la distinction sociale comme preuve de son succès et le recours au machiavélisme comme arme. En tant que dirigeant, ses politiques ont été largement influencées par sa personnalité. Prenant goût à créer le chaos, car il valorise les situations de rupture et adore gérer de manière proactive les changements rapides, il voulait être celui qui contrôle le jeu. Les politiciens affichant ce genre de personnalité sont rares. Habituellement, pour réussir en politique, un dirigeant a besoin de montrer un sens de la mesure et une approche basée sur l’empathie et une diplomatie prudente. Aussi, lorsqu’un politicien comme Trump apparaît, les observateurs de la scène politique sont déconcertés par ce style de leadership non conventionnel. Fébrile et émotionnellement instable, Trump a de la difficulté à contrôler ses impulsions. Méprisant les règles, il s’est moqué des observateurs qui ont tenté d’évaluer sa campagne présidentielle de 2016 selon les normes conventionnelles. Il a démontré qu’il était possible d’entrer à la Maison Blanche en insultant les femmes, les handicapés, les vétérans, les Asiatiques, les Latinos et les Afro-Américains. Plus encore, il a remporté les présidentielles en affirmant que le changement climatique était une conspiration chinoise, que le père du sénateur Ted Cruz avait été complice dans l’assassinat de John F. Kennedy, afin qu’il se retire de la course à l’investiture, que les vaccins n’étaient que des canulars, etc.
En accédant à la Maison Blanche, Trump n’a pas adopté le comportement attendu d’un président. La conséquence la plus notable de son arrivée au pouvoir est l’augmentation phénoménale de sa capacité à attirer l’attention. Fonctionnant toujours comme une vedette de téléréalité, sa personnalité s’est trouvée turbocompressée par les pouvoirs découlant de la présidence. L’homme le plus puissant de la planète n’a eu de cesse de générer toujours plus d’attention. Pendant son mandat, Trump a fait ce qu’il savait faire : créer le chaos pour contrôler le jeu. Habituellement, le système politique modèle le comportement présidentiel selon des normes conventionnées. Mais il n’était pas un président conventionnel. D’entrée de jeu, il a créé des ouragans dans toutes les directions. Aucune règle ni même les procédures de contrôles et de contrepoids (checks and balances) inscrites dans la Constitution ne l’ont arrêté. Sa façon de mentir et de tergiverser était si fluide qu’il était impossible de savoir exactement ce qu’il pensait. Alors que certains percevaient en lui un charlatan pragmatique, d’autres décelaient la rhétorique démagogique et fascisante d’un aspirant dictateur. Ce qui est sûr, c’était son habilité à susciter le soutien populaire parmi ses partisans en promettant de nettoyer le présumé « marais de Washington ». En cela, ses talents de manipulateur étaient indéniables. Il était une sorte de gourou pour sa base.
Selon l’approche de l’analyse professionnelle, l’administration Trump était pathétique. Composée d’ignorants, de collaborateurs dociles et d’escrocs qui avaient tous en commun d’accepter de coopérer avec lui dans la démolition de l’appareil gouvernemental de l’intérieur. L’œuvre de destruction a touché tout autant les institutions et programmes en politique intérieure que les relations des États-Unis avec le monde. Lorsque ses seconds n’étaient pas incompétents, ils étaient des profiteurs se comportant comme des renards dans un poulailler. Trump a démontré son caractère amoral et vénal au printemps 2017, quand il a imploré le secrétaire d’État Rex Tillerson de ne plus appliquer la loi contre les pratiques de corruption à l’étranger, car pour lui, « c’[était] tellement injuste que les entreprises américaines ne soient pas autorisées à verser des pots-de-vin pour faire des affaires à l’étranger² ». Dans son obsession de déconstruire l’État administratif américain, Trump s’est démarqué par un rejet de l’expertise de base. Auparavant, les scientifiques se butaient essentiellement dans leur travail aux fondamentalistes chrétiens. Or, dès son arrivée au pouvoir, les normes scientifiques ont été ignorées. Par exemple, le simple fait d’avoir deux tempêtes de neige en une semaine prouvait selon lui que le réchauffement climatique n’existait pas. Tout rejet d’une opinion émise par lui correspondait à une conspiration élitiste. Aussi s’est-il empressé de réduire substantiellement les fonds consacrés à la recherche scientifique.
Au royaume des idiots, Trump régnait en maître. John Kelly, ancien général et ancien chef de cabinet, a été abasourdi par sa méconnaissance historique lors d’une visite à Pearl Harbor et sa confusion concernant des faits marquants de l’histoire américaine. De même, Tillerson a été alarmé par « [l]es trous béants dans la connaissance du président de l’Histoire et des alliances forgées dans la foulée de la seconde guerre mondiale³ ». Une perception confirmée par Kim Darroch, ambassadeur du Royaume-Uni à Washington, qui a dû démissionner après une note de service dans laquelle il avait qualifié l’administration Trump à la fois dysfonctionnelle et inepte, et mentionné que la plus grande incompétence se situait à la Maison Blanche même.
INTRODUCTION
UN CHANGEMENT IRRÉVERSIBLE ?
Au cours des trois premières années de la présidence de Trump, la société américaine affichait un paradoxe étonnant. Les États-Unis connaissaient le plus long cycle de croissance de leur histoire, le taux de chômage n’avait pas été aussi bas depuis cinquante ans, et pourtant, les sondages montraient que les Américains étaient anxieux, voire dépressifs. Ils avaient perdu confiance en l’avenir.
Le nombre de personnes se disant plus anxieuses ne cessait de croître d’année en année depuis 2016, selon les rapports annuels de l’American Psychiatric Association. L’augmentation en 2017 était de 36 % par rapport à 2016, de 39 % en 2018 par rapport à 2017, et de 32 % en 2019 par rapport à 2018. La situation était devenue telle qu’en 2019, la plupart des Américains prenaient des calmants, alors que 22 % recouraient à des soins professionnels fournis par des thérapeutes, psychologues ou psychiatres. Des études publiées par l’American Psychological Association et le prestigieux The New England Journal of Medicine ont conclu au même dénominateur commun pour expliquer la recrudescence de cette anxiété : le climat politique aux États-Unis. Plus précisément, ces chercheurs ont défini ce problème comme étant l’« anxiété Trump ». Donald Trump représentait définitivement un facteur de polarisation politique aux États-Unis. Selon les chercheurs, l’« anxiété Trump » affectait même les relations intimes des couples et les Américains ressentaient très fortement une anxiété collective. Par ailleurs, leurs concitoyens
souffr[ai]ent en partie parce qu’ils sent[ai]ent qu’ils n’[avaient] pas la permission de partager leurs opinions réelles, ou qu’ils se sent[ai]ent en conflit parce qu’ils [étaient] d’accord avec les choses que le président fai[sai]t, mais ils [étaient] mal à l’aise avec son langage et ses tactiques⁴.
En d’autres termes, « ils se sent[ai]ent aliénés et isolés des amis et de la famille qui [avaient] des points de vue différents⁵ ».
Les origines du trumpisme dans le darwinisme social
Depuis deux siècles, à chaque génération, un politicien américain défend l’homme oublié de la société américaine, cet individu décent qui travaille avec acharnement et dont les élites politiques ou financières du moment enterrent la voix. Cette approche a pu prendre la forme d’un populisme à la Ross Perot, qui proposait de « nettoyer la grange » des bureaucrates en 1992, à la Bernie Sanders, contre les escrocs de Wall Street, ou à la Donald Trump, contre les « idiots » de Washington.
Derrière l’approche populiste de Trump se dissimulait l’idéologie du darwinisme social, un courant philosophique très populaire de 1865 à 1929. Comme l’a démontré avec éloquence la philosophe britannique Mary Midgley (1919-2018), cette idéologie est rapidement devenue la religion officieuse de l’Occident après 1860. Tirant parti de l’affirmation de Darwin sur la survie du plus apte, cette idéologie a appliqué son concept aux sociétés humaines pour le rendre populaire à grande échelle. L’application la plus vulgaire et grossière du darwinisme social a trouvé son expression dans le courant maléfique de l’eugénisme, qui a abouti à la ségrégation raciale américaine, à l’impérialisme britannique et, ultimement, au nazisme allemand. Cette philosophie a justifié le capitalisme sauvage qui a marqué la révolution industrielle américaine. Selon cette philosophie, la loi naturelle fait en sorte que seuls les mieux adaptés survivent. Ce qui est vrai dans le monde animal le serait aussi dans les sociétés humaines, et plus particulièrement au plan économique. Toute intervention de l’État pour fournir une protection sociale aux plus démunis vient entraver la loi du plus fort et produit donc un effet désastreux sur la civilisation. Ce capitalisme sauvage basé sur le laissez-faire est à l’origine des grandes fortunes américaines. En tant qu’adepte instinctif du darwinisme social, Trump s’est opposé aux régulations fédérales visant à contrôler les marchés financiers et à tous les programmes soutenant les plus démunis. Sa philosophie économique consistait à croire que le marché représentait le mécanisme le plus moral et le plus efficace pour redistribuer la richesse. Il comprenait de manière viscérale que le capitalisme récompense les plus intelligents et les plus méritants. Plus encore, pour lui, c’est par sa richesse qu’un homme démontre sa grandeur. Les grands industriels américains de la fin du XIXe siècle étaient surnommés, à juste titre, les « barons voleurs », car ils maîtrisaient l’art de contourner les règles économiques et de tricher sans vergogne. Un siècle plus tard, Donald Trump a représenté le parfait « baron voleur » en refusant d’honorer ses contrats avec les petites entreprises ayant contribué à construire ses hôtels et ses casinos. Ainsi, sous sa gouvernance, les Américains ont assisté à une résurgence de cette idéologie sombre qui a causé tant d’inégalité et d’exploitation. C’est pour contrer cette idéologie que les présidents Roosevelt, Truman et Johnson avaient mis en place les grands pans de l’État-providence. Or, la première loi importante adoptée sous l’administration Trump a été de réduire le taux d’imposition des plus riches en le ramenant à ce qu’il était avant 1929.
Avec sa tendance à diviser les groupes et les personnes en catégories machistes de gagnants et de perdants – « eux et nous » – et ses affirmations sur la présence d’honorables personnes au sein des groupes de suprématistes blancs, le trumpisme a clairement révélé la pénétration à long terme de cette idéologie perverse dans la culture populaire américaine. Les attaques incendiaires de Trump contre les immigrants et les minorités s’inscrivaient tout à fait dans sa vision sociale darwinienne de l’Amérique, tout comme son idéologie économique. C’est l’Histoire qui se répétait, y compris ses erreurs…
Le mythe de la méritocratie à l’ère de Trump
La méritocratie a toujours été un principe très en vogue aux États-Unis. Selon ce système, le pouvoir politique, l’avancement dans les carrières et la redistribution des biens économiques sont accordés aux individus sur la base de leurs talents, de leurs efforts et de leur réussite. Ainsi, la mobilité sociale est maintenue et les élites se renouvellent. C’est un beau système, du moins en théorie.
Selon ce mythe, les États-Unis ont ainsi été en mesure d’échapper à la perpétuation d’un système de castes dans la concentration et la transmission de la richesse au sein des mêmes familles sous une forme dynastique. La méritocratie a permis d’éviter la rancune et la division sociale, les individus sachant que les règles sont équitables. Le caractère faux de la méritocratie réside dans la présomption que le pouvoir, les promotions et les privilèges sont attribués sur la base du mérite individuel, non sur les origines sociales. Cette équation consiste à affirmer que « QI + effort = mérite ». En ce sens, la société américaine ne reposerait pas sur une ploutocratie découlant de ses origines sociales, mais sur une aristocratie de talents. L’image classique de la méritocratie provient du développement de la Silicon Valley. Dans cette perspective, les États-Unis, grâce à leur système de mobilité sociale, sont devenus une superpuissance en innovation et en compétences technologiques, dont la création de compagnies telles que Microsoft, Apple, Google, Facebook, par exemple, en est le résultat. Or, cette image ne tient pas compte des vastes fortunes appartenant à des milliers de familles américaines qui se transmettent de génération en génération. Si on se fie à son pedigree, c’est l’image que Trump a véhiculée depuis quarante ans. Il serait devenu milliardaire uniquement grâce à ses talents. Son père lui aurait prêté 1 million de dollars à l’âge de 21 ans, somme qu’il aurait dû lui rembourser ensuite. Mais une vaste enquête du New York Times a révélé que cette histoire, à l’image de l’individu, est complètement fausse. En effet, Trump a bénéficié de l’équivalent de 413 millions de dollars de son père avant d’avoir 21 ans. Il doit sa réussite à son père, et non à un quelconque génie. Sur la question de ses présumés talents financiers, on repassera : il a à son actif pas moins de six faillites. Mais le cas de Trump n’est pas unique. Les grandes familles américaines connaissent la même histoire : les enfants bénéficient non seulement du transfert de l’héritage familial pour assurer leur réussite, mais également de passe-droits pour être admis dans les meilleures universités. Son père a versé l’équivalent de 1 million de dollars à l’université de Pennsylvanie pour que le jeune