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Un matin glacial
Un matin glacial
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Livre électronique265 pages3 heures

Un matin glacial

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À propos de ce livre électronique

Lorsque la police a été prise pour cible, le délit devient une affaire commune. Le capitaine Dupuis de la brigade criminelle oeuvre avec le capitaine Gillet de la brigade des stups pour traquer celui (ou celle) qui a jeté son dévolu sur un des leurs. Avec l'aide du détective Gilbert Grand, la chasse est ouverte.

Après La mort s'invite au Vatican, Le haras maudit, Mortel courroux, Trois dossiers pour deux crimes, Lettres fatales et La mort dans l'âme, Un matin glacial est le septième roman policier de l'auteur.
LangueFrançais
Date de sortie11 mai 2020
ISBN9782322244942
Un matin glacial
Auteur

Martine Lady Daigre

Martine Lady Daigre, née en 1959, vit en Champagne-Ardenne. Elle est l'auteure de fictions, de poésies et d'articles publiés dans de nombreuses revues.

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    Un matin glacial - Martine Lady Daigre

    52

    1

    Émilie Richier se regarda une dernière fois dans le miroir au-dessus du lavabo. Les iris bleus qui s’y reflétaient exprimaient une lassitude non feinte. Le visage anguleux maquillé à outrance semblait avoir été tailladé à la serpe par les rides d’expression. Elle avait vieilli.

    J’ai trente-huit ans et j’en parais cinquante, pensa-t-elle en fronçant les sourcils épilés de façon grossière. Je me suis négligée depuis quelque temps. Il n’aurait pas aimé cela. Il aurait détesté me voir enlaidi. Je dois absolument me prendre en main sinon je risque de perdre mon job et, avec la tronche que j’ai en ce moment, je ne convaincrai pas un nouvel employeur de m’engager en CDI. Il me faut adopter une stratégie en pensée positive. Facile à dire, pas facile à réaliser.

    Choix multiples.

    En un : va au diable, toi le psychiatre et tes maudits cachetons ; à la poubelle les boîtes d’antidépresseurs qui m’abrutissent le matin, et parfois, jusqu’au repas de midi ; le cycle infernal se reproduit d’une manière détestable qui m’insupporte. Fini d’être dans le brouillard ; à moi les idées claires.

    En deux : terminé les économies ; j’arrête de pratiquer moi-même les colorations et je prends rendez-vous chez Sarah pour lundi avec une coupe en prime ; pas une coupe à la garçonne sinon je lui arrache sa paire de ciseaux, à la Sarah, et je la lui fais bouffer. Ce n’est pas parce que nous buvons le café ensemble qu’elle a carte blanche sur ma chevelure.

    En trois : je profite d’un instant de répit dans le boulot pour lorgner les vitrines de la galerie marchande ; ou bien, j’irai trouver mon bonheur dans les magasins d’usines, je me vêtirai de vêtements de marque qui sont, je le sais, de la collection de l’hiver dernier ; autre solution, dans le pire des cas, j’opterai pour le centre-ville, j’étudierai les collections récentes selon le rapport qualité prix, je ferai chauffer la CB et je profiterai des festivités, les clients racontent que cela vaut le détour.

    De bonnes résolutions en perspectives sauf que c’était à chaque fois pareil.

    Un : le jour de son repos hebdomadaire, dès qu’elle était levée, elle secouait la tête pour chasser les idées noires comme un chien qui s’ébroue puis, au fil des heures, la motivation diminuait et se terminait par un « Je le ferai demain, aujourd’hui, je suis trop fatiguée, pas envie de mettre un nez dehors, je finalise la paperasse avant qu’elle ne s’accumule. »

    Deux : pendant sa semaine de boulot, son horaire ne coïncidait pas avec l’ouverture des boutiques, ni avec leur fermeture, puisqu’elle commençait avant neuf heures et terminait souvent après vingt heures ; ce fait immuable contribuait à repousser la décision.

    La jeune femme ouvrit le placard de l’entrée, s’empara de son manteau noir en laine, l’enfila, poussa du pied la porte dudit placard, déverrouilla la porte d’entrée, enclencha l’alarme de son appartement trois pièces au dernier étage de la résidence « Les Vergers », et appela Micha. Le spitz nain aux poils brossés du matin courut dans l’appartement rejoindre sa maîtresse en remuant la queue. La chienne jappa de plaisir devant la porte de l’ascenseur, attendant sagement la fin du rituel d’Émilie Richier : profond soupir entendu en même temps que la clé introduite dans la serrure.

    Il était huit heures trente ; l’heure de la « pissette » des chiens ; uriner dans le gazon de la résidence pour le spitz nain qui y allait de bon cœur à se soulager, une autorisation que s’octroyait la propriétaire du trois pièces avant de partir bosser.

    Micha grimpa sur le siège en cuir de la spacieuse DS 5, une luxueuse voiture alliant le confort et le dynamisme avec sa technologie de pointe, son élégance à la française, son raffinement répondant aux exigences de leurs propriétaires — de quoi faire des envieux sur son passage. Elle savait qu’elle devrait patienter un long moment avant de pouvoir gambader à nouveau. Elle contempla la conductrice d’un air interrogateur. Pourquoi n’était-il pas avec elles comme auparavant ? Avant, ils étaient trois à la maison ou trois dans la voiture. Elle aimait bien jouer avec lui et puis, un jour, il avait disparu. Il n’avait plus vécu avec Micha. Il n’y avait eu plus qu’une personne pour lui envoyer la balle en mousse, pour la prendre sur les genoux lorsqu’elle se couchait sur le canapé et pour la caresser.

    Émilie Richier gratta la tête de sa chienne tout en conduisant.

    — Ça va aller, tu sais. Ne te bile pas. Aujourd’hui, j’ai tourné la page.

    Elle quitta la rue Franklin Roosevelt.

    — Wouaf ! répondit Micha en guise d’acquiescement.

    Vingt minutes plus tard, Émilie Richier se gara sur le parking réservé aux employés et aux représentants, dicta les recommandations d’usage à la chienne bien que cette dernière les connût par cœur, et fonça vers la porte de service — il faisait vraiment très froid en cette fin novembre.

    Dans les vestiaires, la musique diffusée dans la grande surface l’enveloppa d’un coup. Jusqu’à présent, elle est supportable, marmonna-t-elle en accrochant son manteau sur un cintre. Dans un mois, je haïrai tous les chansonniers de la terre ayant écrit ces chants ringards de Noël ; je détesterai les clochettes des bénévoles d’associations en tous genres qui tintinnabuleront à côté de mon stand, et j’enverrai paître les clients indécis la veille du réveillon. Voyons un peu où Marcel a rangé mon stock de marchandises. J’ai dû recevoir ce que j’ai commandé au patron pour ce week-end. Ce dimanche number one sur les quatre qui ont été autorisés par l’état sera décisif. Il donnera la courbe des ventes à venir. Elle s’adressa à sa voisine de casier qu’elle ne connaissait pas.

    — Salut. Sauriez-vous où est Marcel ?

    — Salut. Je l’ai croisé dans la réserve des fruits et légumes lorsque je rechargeais les rayons il y a une vingtaine de minutes.

    — J’y vais. Merci.

    Dix minutes plus tard, sous le hangar contigu au bâtiment, un endroit à courant d’air, froid l’hiver et chaud l’été malgré l’isolation des murs et du toit par l’emploi de matériaux révolutionnaires à l’époque et obsolètes depuis, Émilie Richier chercha le responsable dans le dédale des rangs de palettes. Des odeurs de fruits et de légumes se mélangeaient à celle des souris crevées dans un coin. Étant donné la hauteur des caisses en bois, des cagettes et des cartons empilés, il lui fallut cinq autres minutes pour découvrir Marcel en train de comptabiliser la réception des produits, stylo et bons de livraison à la main. Sans se démunir de ses précieux outils, il vint à sa rencontre.

    — Salut ma belle ! Je t’emmène vers ton coin. J’ai dû te caser ailleurs lorsque j’ai vu ton lot. Tu comptes vendre tout ça ?

    — Salut vieux ! Et oui ! J’y compte bien ! J’ai augmenté la quantité par rapport à l’année dernière. J’ai besoin de faire du chiffre. Je me suis un peu laissé aller avec les événements qui se sont passés. Le big boss a été compréhensif, mais j’arrête de tirer sur la corde sinon elle pétera.

    — C’est vrai ce que tu dis, ma belle. Bon, suis-moi et repère le trajet, car tu n’es pas à ton emplacement habituel.

    D’un pas allègre, elle enregistra mentalement les bifurcations.

    — Voilà. C’est là. À côté des patates. J’ai pensé que tu aurais moins de distance à parcourir avec le diable.

    — Beau geste Marcel. C’est sympa de ta part. J’apprécie.

    — Il n’y a pas de quoi. Je file. J’ai à faire avant le rush de dix heures.

    L’homme s’éloignait en souriant. Il se demandait comment l’élégante femme arriverait à se sortir de son pétrin ; et il n’était pas le seul. Avec des ongles vernis, un tailleur jupe droite et des escarpins aux pieds, la représentante en vins et spiritueux évalua la difficulté à transporter la commande.

    Sachant qu’elle avait prévu une quantité similaire chaque jeudi jusqu’au réveillon de la Saint Sylvestre, Émilie Richier opta pour une diminution du stock de moitié et s’arma de courage. Elle déplaça les caisses de bouteilles médaillées en premier. Elle décida que les grands crus et les champagnes seraient les derniers à être remués. Ayant misé non seulement sur des vins récompensés or et argent, grands crus et crus bourgeois, mais aussi sur des maisons de champagne renommées et des alcools forts en privilégiant les whiskys, les bourbons et les vodkas — il fallait plaire à la clientèle jeune, trentenaire et carrément septuagénaire si elle voulait remplir son tiroir-caisse et ça, elle savait comment y parvenir. Elle commença les allers et les retours jusqu’à l’allée centrale du magasin d’alimentation.

    Le stress me vampirise, pensa-t-elle en poussant le diable. J’en ai ma claque de ces cartons et des abrutis d’en face qui ne font pas la différence entre un « Cheval Blanc » et un pinard à 12 euros et 86 centimes qui n’est même pas le tarif de mon champagne bas de gamme. Ce sont des ignorants, Émilie, alors, tu les ignores. Merde ! je frôle la crise d’hystérie. Je suis lamentable. Reprends-toi, ma fille. Tu dois finir avant le milieu de la matinée afin d’attaquer sur les chapeaux de roues.

    En une demi-heure, elle fut en nage et ôta sa courte veste. Elle fit attention à ne pas salir son chemisier à jabot. Elle ignora les remarques moqueuses de ses concurrents qui arboraient fièrement un tablier au nom d’une marque subalterne par rapport aux siennes. Elle laissait cet accoutrement au sexe opposé ; des hommes qui s’identifiaient au pire à des cafetiers, au mieux à des cavistes. Elle n’avait jamais voulu ressembler à une épicière parachutée dans la grande distribution.

    Au bout d’une heure, elle put enfin contempler son œuvre. Une succession de pyramides s’offrait à son regard. Les coupes à champagne sur leur présentoir s’élevaient vers le plafond et renvoyaient leurs reflets dorés vers les consommateurs. Elle avait aussi harmonieusement agencé les bouteilles étiquetées en misant, de manière discrète, sur les appellations et les classements au guide Hachette du Vin plutôt que sur les prix. Par ce stratagème, elle voulait attirer le client vers son stand comme une fourmi vers un pot dégoulinant de miel. Certains de ces prix s’avéraient être exorbitants et elle le savait pertinemment, d’où cette façon de détourner le regard vers l’étiquette prestigieuse. Ses voisins, les vendeurs masculins, qui connaissaient sa méthode de travail consistant à lustrer le poil du client en accordant une attention particulière à ses dires et en valorisant son ego, appréhendaient les conséquences d’une telle concurrente, à savoir leur piquer l’acheteur potentiel sous leur nez.

    Nul n’aurait su dire qu'à la voir pomponnée et souriante, recoiffant sa chevelure ébène avec ses doigts manucurés, cette femme avait sué corps et âme en installant seule son étalage. Et les ventes commencèrent sur les chapeaux de roues. Plus elle vendait, plus elle souriait, et l’un n’allant pas sans l’autre, plus elle souriait, plus elle vendait, un contraste édifiant avec les autres stands à qui elle faisait de l’ombre, ces hommes avec leurs tabliers qui ne ricanaient plus et qui tiraient la tronche.

    À treize heures trente, elle s’offrit une pause déjeuner et emmena la chienne en promenade.

    À quatorze heures quarante-cinq, elle revint affronter les clients de l’après-midi, ceux qu’elle n’appréciait pas, car ils déambulaient plus qu’ils n’achetaient. Elle était justement en train de vanter les remises exceptionnelles accordées sur une bouteille de champagne rémois première cuvée — une mauvaise année dont il fallait se débarrassait rapidement dixit le big boss —, lorsqu’elle le vit. Elle resta clouée sur place, n’écoutant plus les remarques formulées par son interlocuteur. Elle le suivit du regard quelques secondes avant qu’il ne disparaisse au rayon jouet. Ce qui l’avait surprise, c’était la femme qui l’accompagnait. Comment cela était-il possible ? Il devait y avoir une erreur. Aux mots qu'un vieux prononça « Que me conseillez-vous ? », elle sortit de sa torpeur et d’un geste énergique posa un carton de six Saint Joseph AOP dans le caddie du grand-père — elle lui donnait dans les soixante-dix voire soixante-quinze ans bien tassés —, et deux champagnes en promotion, elle encaissa le montant du ticket et fila vérifier ce qu’elle venait de voir.

    Planquée derrière une maison de poupée d’environ un mètre de hauteur posée sur un socle de cinquante centimètres de large qui décourageait à lui seul l’accessibilité aux doigts des fillettes, elle l’aperçut bâillant d’ennui. Aucun doute, c’était lui. Mon pauvre chéri, se dit-elle en l’observant. Tu subis ton triste sort de ne pouvoir bouger pendant qu’elle téléphone. Elle se rapprocha afin de capter des bribes de conversation. La femme, semblant être beaucoup plus jeune qu’elle, en la regardant de plus près, parlait sur le ton de la confidence, mais elle comprit parfaitement le mot divorce et le mot garde lorsqu’elle passa non loin d’elle. La jeune femme — elle estima qu’elle devait avoir la vingtaine —, rebroussa chemin et, ensemble, ils gagnèrent la sortie sans achat.

    En savoir davantage. Quitter les lieux elle aussi. Dilemme. Ce fut rapide à trancher.

    Ni une ni deux, laissant de côté les opinions contradictoires, elle demanda aux autres vendeurs de jeter un œil sur son stand pendant qu’elle s’absentait, une absence qui durerait un quart d’heure environ, prétextant que la chienne avait vomi à midi les croquettes avalées le matin. Déjà, les hommes se réjouissaient de ce départ inopiné en se donnant du coude. Elle haussa les épaules ; elle n’était pas si naïve.

    Micha, tenue en laisse, Émilie Richier attendit sur le parking que la femme sorte du magasin. Il était avec elle. Il lui souriait. Cela lui fendit le cœur. Ils marchèrent sur le trottoir, dépassant les voitures en stationnement. Elle leur emboîta le pas. Puisqu’ils partaient à pied ; elle agirait de même. Elle les pista jusqu’au parc qui n’était qu’à cinq cents mètres de la grande surface. Là, ils se mêlèrent à un groupe de personnes assises sur un banc. L’endroit étant interdit aux chiens, elle arpenta la chaussée en les surveillant de loin.

    Prudence.

    Voir sans être vu, un principe de précaution.

    La température commença à baisser avec les nuages qui se regroupaient dans le ciel, cachant par intermittence le peu de rayons solaires qui persistaient encore avant la tombée de la nuit. N’ayant point son manteau, elle frissonna. Le groupe devait être frigorifié lui aussi, car plusieurs femmes tapèrent dans leurs mains pour se réchauffer en se levant.

    Émilie Richier poursuivit sa démarche. Elle ne devait pas revenir au magasin bredouille. Vingt minutes suffirent pour connaître l’adresse. Elle pouvait continuer à bosser l’esprit serein. Il ne pouvait plus lui échapper. Ce n’était qu’une question de jours. Sa quête aboutirait. Elle n’était pas folle. Elle le prouverait.

    2

    Pendant cette période de fêtes chère aux êtres humains de tous les âges, Émilie Richier ne savait plus à quel saint se vouer afin de réaliser ses objectifs qui étaient loin d’être anodins : à savoir, remplir son bas de laine en amassant un maximum de fric et changer le cours monotone de sa vie. Tout un programme qu’elle avait juré de tenir jusqu’au Nouvel An, sauf que, voilà, un grain de sable s’était immiscé dans ce bel emploi du temps et il en avait modifié l’ordre chronologique, car depuis qu’elle l’avait vu, elle avait refait le trajet dans l’espoir de le rencontrer. Elle n’avait pas eu longtemps à attendre ; la persévérance avait porté ses fruits la veille et l’avant-veille. La jeune femme était toujours là, au parc, à le prendre dans ses bras, à se pencher vers lui à la moindre occasion, à lui tenir la main. Elle enrageait de voir la rivale attitude. Il fallait à tout prix que ce manège cesse sinon elle n’y survivrait pas.

    À partir de cet instant, Émilie Richier inscrivit scrupuleusement sur son agenda les jours et les heures de la surveillance. Au bout d’une semaine, elle déduisit qu’ils sortaient toujours en début d’après-midi aux alentours de quinze heures le lundi le mardi et le mercredi, quant aux autres jours cela variait sans qu’elle sache pourquoi.

    Qu’importe, j’agirai dans ce créneau horaire, avait-elle décidé le samedi soir, et de préférence le mardi qui est une journée calme au boulot. J’aurai Micha avec moi afin de passer inaperçue. Je m’approcherai en toute innocence vers lui. Je lui parlerai et le convaincrai avec une voix douce et enjôleuse.

    Elle se promit de ne pas hausser le ton, ni de crier. Elle ne souhaitait pas l’effaroucher de crainte d’être démasquée. Ces retrouvailles marqueraient un nouveau départ pour eux deux. Les premières secondes de leur rencontre seraient cruciales et signeraient leur relation future.

    Et demain, c’était justement mardi.

    3

    Il n’était pas venu se balader dans le parc ! Avait-il modifié ses habitudes ? Comment avait-il pu repousser le rendez-vous hebdomadaire ? La faute incombait certainement à cette maudite femme qui ne le lâchait pas d’une semelle, avait-elle pensé en abandonnant Micha dans la DS. Cela avait-il un rapport avec le mot divorce que cette « punaise » avait prononcé la première fois qu’elle les avait découverts.

    Toutes ces émotions auront ma peau, ragea Émilie Richier.

    Elle regagna son stand. Le désarroi se lisait sur son visage au sourire figé. Tel un robot sur une chaîne de montage elle attrapait les bouteilles, les plaçait dans les caddies ou les paniers sur roulettes, et recommençait l’opération avec les caisses en bois ou les cartons. Elle avait une oreille vers l’acheteur et une pensée vers lui ; de quoi s’emmêler les pinceaux. À continuer ainsi le reste de la soirée, elle finirait par perdre la boule sous les sarcasmes de son voisinage masculin.

    Elle avait promis à sa « dépression » de réussir cette entrevue primordiale sinon son cerveau enregistrerait une image négative de soi et annihilerait sa détermination récente à aller de l’avant, nécessité recommandée par son psychiatre qui, néanmoins, avait accueilli avec un enthousiasme mitigé l’arrêt brutal de son traitement, doutant de ses capacités à dominer les affres quotidiennes.

    Elle assura les ventes malgré les tourments et quitta son stand à la fermeture du magasin. La commission que le big boss lui verserait ne compensa pas le mal qui la rongeait.

    Nous sommes déjà le 16 décembre,

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