La Bhagavad-Gîtâ, ou le Chant du Bienheureux
Par Anonyme et Émile-Louis Burnouf
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Aperçu du livre
La Bhagavad-Gîtâ, ou le Chant du Bienheureux - Anonyme
Burnouf)
Préface originale
La rapidité avec laquelle s’est écoulée la première édition de notre Grammaire sanscrite, a révélé dans le publie français le besoin de connaître l’Inde autrement que par ouï-dire. Les demandes qui nous viennent de tous côtés, du Dictionnaire sanscrit dont nous avons annoncé la publication, prouvent que ce besoin persiste et qu’il y a ici autre chose qu’une pure curiosité. En effet, la science, la politique, le commerce, tout nous appelle vers l’Orient : la France y marche à son tour ; mais elle veut le connaître avant de l’aborder, persuadée que l’on ne s’entend avec les hommes que si on les connaît déjà. De plus, en France, on sait que l’Orient c’est surtout l’Inde, puisque l’Inde domine l’Orient par la supériorité de sa race, de sa langue et de ses deux religions. Or la civilisation de l’Inde est toute entière dans le sanscrit.
Tout ce qui peut faciliter l’étude du sanscrit est donc un moyen, de plus, donné à la France de marcher, dans la voie féconde où elle s’engage et de réaliser l’avenir. C’est à vulgariser la connaissance de cette langue que nous consacrons nos efforts, notre temps et nos ressources, espérant que le public français ne nous fera pas défaut.
Voici le dessein dont nous poursuivons l’accomplissement. Pour étudier une langue, il faut trois livres, savoir : une Grammaire, un Dictionnaire, un Texte. — La seconde édition de notre Grammaire est sous presse et paraîtra presque en même temps que le présent ouvrage ; nous l’avons disposée, comme le permet la langue sanscrite, sur le modèle de la Méthode grecque et de la Méthode latine de Burnouf : de sorte que toute personne ayant faits ses études ou les faisant, retrouve dans le sanscrit, avec plus de clarté et d’ensemble, les formes et les règles de nos deux langues classiques.
— Le poëme que nous publions aujourd’hui, offre au public un Texte. Pour entendre l’étude plus facile et plus profitable, nous, avons mis en regard unetraduction aussi littérale que Ia langue française nous a permis de la faire. À cause de la métaphysique qui s’y développe, ce poëme offre une abondante variété de mots composés et abstraits dont les éléments ont entre eux des rapports moins faciles à saisir que dans les mots pittoresques de la langue épique ; il en résulte que l’étude de la Bhagavad-gîtâ est, au point de vue de la langue, beaucoup plus profitable que celle des épopées de sorte que celui qui connaît à fond ce petit poëme, peut se considérer comme ayant fait un grand pas dans la connaissance du sanscrit. De plus, quelle que soit sa valeur théorique et l’époque de sa composition, la Bhagavad-gîtâ contient l’essence même de la philosophie brahmanique et nous fait entrer de plain pied dans la connaissance de I’Inde ; car dans l’Inde ce poëme est vénéré à l’égal des Livres Saints ; divisé en dix-huit lectures, il est l’objet, des méditations quotidiennes des personnes pieuses.
— Le Dictionnaire, qui est le troisième ouvrage indispensable à tout étudiant, formera aussi la troisième partie de notre œuvre. Aux personnes qui, n’ayant entre les mains que des Lexiques incomplets, et ne pouvant se procurer le grand ouvrage de Wilson, nous pressent de faire paraître notre Dictionnaire, nous répondons qu’il est sur le métier. Mais que cet ouvrage de longue haleine demande un certain temps, si l’on ne veut pas qu’il se montre trop incomplet, et s’il doit répondre au besoin public. Il faut songer aussi qu’il existait bien des grammaires sanscrites avant notre Méthode, mais qu’il n’existe à vrai dire aucun dictionnaire classique du sanscrit.
Avec ces trois ouvrages, les Français seront en possession de tout ce qui est nécessaire pour apprendre les éléments de la langue sanscrite. Pour abréger cet apprentissage, nous avons adopté la transcription européenne de l’écriture dévanâgarie, et la séparation des mots. Nous donnons ci-après le tableau des signes transcriptifs tel qu’il est exposé dans le Journal Asiatique (Année 1860, annexe au cahier 60), persuadés que ce tableau ne tardera pas à avoir force de loi, au moins parmi les indianistes français qui désirent le progrès de la science. L’écriture dévanâgarie est, de l’aveu de tous, très-longue et très-difficile à apprendre ; mais quand on connaît déjà la langue sanscrite avec ses formes et ses constructions, on lit cette écriture comme en se jouant : il faut donc commencer par apprendre la langue ; l’écriture viendra après ; c’est d’ailleurs l’ordre de la nature.
Quant la séparation des mots, elle était déjà hautement réclamée par Lassen et Schlegel ; elle a été mise en pratique par les orientalistes les plus célèbres ; rien n’est plus propre à abréger l’étude du sanscrit. Dans les manuscrits et dans beaucoup de textes imprimés, les mots sont unis, sans aucun signe de ponctuation, de manière que souvent les vers ou les phrases semblent ne former qu’un seul mot. Si l’on offrait à un Français, je ne dirai pas Homère ou Virgile, mais Racine ou Bossuet, imprimés de cette manière, il ne les comprendrait pas. Que sera-ce, si le livre qu’on lui présente sous cette forme est composé dans une langue étrangère, difficile à comprendre, et écrit en caractères entièrement nouveaux pour lui ? La séparation des mots complète le système de là transcription : elle met sous les yeux, de la manière la plus nette, les analogies du sanscrit avec le grec et le latin ; elle fait voir la construction des phrases ; elle en facilite l’intelligence : elle abrège donc l’étude du sanscrit. Celui qui a appris cette languer dans un texte ainsi présenté, se trouve armé de toutes pièces pour aborder les textes originaux et les manuscrits.
Comment la séparation des mots est-elle pratiquée dans ce livre ? — Quand le mot sanscrit finit par une consonne, sa séparation se fait d’elle-même et n’est sujette à aucune objection. — Quand le premier mot finit et que le second mot commence par une voyelle, il en résulté en dévanâgari une voyelle longue ou une diphtongue. Pour, opérer la résolution de ces signes en leurs éléments, nous avons supposé que l’étudiant connaît les lois d’euphonie telles qu’elles sont exposées dans notre Méthode, et qu’il sait scander un vers ; à ces conditions, la contraction des