Book reviews by Pascal LEMMEL
Les Cahiers de l'Islam (ISSN 2269-1995), 2019
Boof review of AMIR-MOEZZI Mohammad Ali et JAMBET Christian, Qu’est-ce que le shî’isme ?, Paris, ... more Boof review of AMIR-MOEZZI Mohammad Ali et JAMBET Christian, Qu’est-ce que le shî’isme ?, Paris, Fayard, 2004, 388 p.
Les Cahiers de l'Islam (ISSN 2269-1995), 2018
Les Cahiers de l'Islam (ISSN 2269-1995), 2014
Les Cahiers de l'Islam (ISSN 2269-1995), Jan 1, 2013
Conférences & colloques by Pascal LEMMEL
Résumé
Catégoriser, discriminer ou encore délimiter semblent inévitables pour saisir le monde qui... more Résumé
Catégoriser, discriminer ou encore délimiter semblent inévitables pour saisir le monde qui nous entoure. Cependant, au-delà de l’aspect éphémère de toute classification, lorsqu’il s’agit de domaines aussi vastes que l’islamologie ou même du soufisme dont les objets d’études font
appel à de nombreuses disciplines et relèvent d’aires culturelles hétérogènes, projeter une périodisation ou une catégorisation propre `a la recherche académique occidentale, qui met le plus souvent l’accent sur les ruptures plutôt que sur les continuités, se révèle parfois
problématique. C’est ainsi que pour de nombreux savants musulmans modernes, de telles ruptures n’ont pas lieu d’être ; ces savants se réclament souvent d’une longue tradition et font fi de ces distinctions aussi bien historiographiques que disciplinaires. On observe alors un
véritable décalage entre la manière dont ces auteurs conçoivent leur histoire et leur héritage et la manière dont ils sont étudiés en Occident. C’est pourquoi de plus en plus de chercheurs évoluant au sein des sphères académiques occidentales tentent de s’affranchir de ces cloisonnements disciplinaires et/ou temporels. On pourra ainsi se reporter, entre autres, aux travaux de Shahab Ahmed (m. 2015) sur l’Islam en général, de Khaled El-Rouayheb pour les mondes arabe et ottoman, d’Ousmane Kane et de Fabienne Samson pour l’islam d’Afrique ou encore par exemple, `a ceux d’Alexander Knysh en ce qui concerne le soufisme. Il s’agit là de quelques exemples d’auteurs ayant tenté de dépasser les catégories d’analyse occidentales et/ou de souligner les continuités existantes entre les périodes classiques et modernes.
A la suite de cette démarche, cet atelier souhaite dépasser les binarités de périodisation entre période ”classique” et ”moderne”, mais aussi, par exemple, l’opposition entre pensée philosophique et pensée soufie. Cela pourra se faire : en nous intéressant d’abord à des auteurs modernes et/ou contemporains, ainsi qu’aux lectures des savants classiques ou postclassiques qu’ils délivrent ; en examinant l’impact des savants musulmans de la période classique sur le contemporain ainsi que les diverses lectures, interprétations et réinterprétations que leurs travaux ont inspirées ; en étudiant la manière dont ces auteurs contemporains conçoivent eux-mêmes la relation entre pensée philosophique et pensée mystique; enfin, dans la mesure où ils représentent notamment un chaînon manquant de l’histoire intellectuelle musulmane, en portant notre attention sur des auteurs soufis de la période postclassique tardive (entre les 15e et 17e siècles).
Abstract
Philosophical thought and mystical thought in Islam, beyond binarities Categorising, discriminating and delimiting seem inevitable if we are to grasp the world around us. However, beyond the ephemeral aspect of any classification, when it comes to fields as vast as Islamology or even Sufism, whose subjects of study call on many disciplines and fall within heterogeneous cultural areas, projecting a periodisation or categorisation specific to Western academic research, which more often than not emphasises ruptures rather than continuities, sometimes proves problematic. For many modern Muslim scholars, there is no need for such ruptures; these scholars often claim a long tradition and disregard both
historiographical and disciplinary distinctions. As a result, there is a real gap between the way in which these authors conceive of their history and heritage and the way in which they are studied in the West. This is why more and more researchers in Western academic circles are trying to break down these disciplinary and/or temporal barriers. These include the work of Shahab Ahmed (d. 2015) on Islam in general, Khaled El Rouayheb on the Arab and Ottoman worlds, Ousmane Kane and Fabienne Samson on African Islam, and Alexander Knysh on Sufism. These are just a few examples of authors who have attempted to go beyond Western categories of analysis and/or to highlight the continuities that exist between the classical and modern periods.
Following on from this approach, this working group aims to go beyond the binary periodisation between ’classical’ and ’modern’ periods, and also, for example, the opposition between philosophical thought and Sufi thought. This can be done : by looking first at modern and/or contemporary authors, as well as the readings of classical or post-classical scholars that they deliver; by examining the impact of Muslim scholars of the classical period on the contemporary, as well as the various readings, interpretations and reinterpretations that their work has inspired ; by studying the way in which these contemporary authors themselves conceive the relationship between philosophical thought and mystical thought; and finally, insofar as they represent a missing link in Muslim intellectual history, by turning our attention to Sufi
authors of the late post-classical period (between the 15th and 17th centuries).
Bibliographie indicative
Ahmed, Shahab. What is Islam? The Importance of Being Islamic, Princeton University Press, 2016.
Bauer, Thomas, et al. A Culture of Ambiguity: An Alternative History of Islam. Columbia University Press, 2021.
Kane, Ousmane. Muslim Modernity in Postcolonial Nigeria. Leiden, The Netherlands: Brill, 2003.
Knysh, Alexander. Sufism: A New History of Islamic Mysticism (English Edition). Princeton University Press, 2017
Rouayheb (el-), Khaled. Islamic Intellectual History in the Seventeenth-Century: Scholarly Currents in the Ottoman Empire and the Maghreb, Cambridge University Press, 2015.
Samson, Fabienne (Dir.). L’islam au-del`a des cat´egories, Cahiers d’´etudes africaines, n◦206/207, EHESS, 2012.
Shamsy (el-), Ahmed, Rediscovering the Islamic Classics. How Editors and Print Culture Transformed an Intellectual Tradition, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2020.
Steinberg, Leif; Wood, Philip (Ed.). What Is Islamic Studies? European and North American Approaches to a Contested Field, Edinburgh university press, 2022.
Mots-Clés: Conceptualisation de l’islam, Civilisation islamique, Frontières, Catégories, Soufisme.
Congrès GIS MOMM 2023 , 2023
(Contribution)
Dans le Munqiḏ min aḍ‑ḍalāl (« Celui qui préserve de l’erreur »), ouvrage qui s’... more (Contribution)
Dans le Munqiḏ min aḍ‑ḍalāl (« Celui qui préserve de l’erreur »), ouvrage qui s’apparente à une autobiographie, en proie à une crise de doute, le théologien perse Abū Ḥāmid al‑Ghazālī (m.1111) écrit au sujet de la façon dont il a retrouvé la certitude : « Je n'y suis pas arrivé par des raisonnements bien ordonnés, ou des discours méthodiquement agencés, mais au moyen d'une Lumière que Dieu a projetée dans ma poitrine ».
Plus loin dans le Munqiḏ, faisant cette fois‑ci face à une crise existentielle, il nous informe qu’avec l’aide de Dieu, il a fini par quitter Bagdad où il enseignait, renonçant ainsi aux honneurs. Il relate : « Ma période de retraite a duré environ dix ans, au cours desquels j'ai eu d'innombrables, d'inépuisables révélations ».
Sans minimiser le caractère authentique des faits relatés, ni la place du Mystique dans la pensée du théologien, nous somme à l’évidence en présence de deux motifs récurrents de la catégorie Mystique permettant de classer al‑Ghazālī parmi les mystiques, à l’égal de figures spirituelles ayant fait l’objet de récits hagiographiques. Or, notre contribution, en partant des textes, visera à montrer, que loin de l’image du mystique traditionnel et sans rien retirer à la dimension spirituelle de son œuvre, à quel point le penseur perse fut impliqué dans les affaires de la cité, que ce soit par sa proximité avec les différentes institutions politiques et sociales de son époque, y compris pendant sa retraite, ou encore par sa volonté d’imposer à ses pairs une réforme de la pensée musulmane qui contribuera à façonner les sociétés musulmanes jusqu’à nos jours.
En prise directe avec les réalités politiques de son époque, théologien, théoricien du droit, mut... more En prise directe avec les réalités politiques de son époque, théologien, théoricien du droit, mutakallim et philosophe lorsqu’il entreprend de réfuter les thèses de ces derniers, honoré au sein du monde musulman sunnite par le titre de Ḥuǧǧat al-islam (Preuve de l'islam), Abū Ḥāmid al-Ġazālī, penseur musulman du XIe siècle, est aussi connu en tant que promoteur d’une doctrine mystique qui apparaît comme originale en terre d’Islam. Prenant acte de ce qu’à son époque aussi bien les écoles juridiques (fiqh) que les différents courants de de théologie dogmatique (Kalām) étaient en proie à de nombreuses dissensions au point d’en venir à s’accuser mutuellement d’incroyance, le théologien perse va produire une réforme reposant sur une voie qu’il nomme la science de la voie de l’au-delà (‘ilm ṭāriq al-āẖira) et dont les principaux éléments sont exposés dans sa somme l’Iḥyā’‘ulūm al Dīn (la Revivification des sciences religieuse). Cette voie inclusive devait permettre au croyant de se placer au dessus des contraintes partisanes et rigides imposées aux croyances islamiques fondamentales par les différents courants de pensée et ainsi de rassembler le plus grand nombre. Enracinant sa voie de l’au-delà dans une épistémologie que l’on peut finalement qualifier de mystique, en prenant en compte la psychologie humaine al-Ġazālī va finir par proposer plusieurs voies possibles d’accès à la connaissance. Ce qui va donc nous intéresser ici, ce n’est pas tant le taqlīd dans le sens d’une adhésion aveugle à une école juridique ou théologique (maḏhab) ou encore les places respectives du taqlīd et de l’Iǧtihād au sein de la pensée du théologien, que la place qu’occupe le taqlīd au sein de sa théorie de la connaissance. Si dans un premier temps, nous verrons comment al-Ġazālī prend appui sur la notion taqlīd pour réfuter les prétentions des falāsifa, des mutakallimūn ou encore des batinites à atteindre la certitude, dans un second temps, nous montrerons qu’en fin de compte, le taqlīd pratiqué dans le respect des préceptes de la voie de l’au-delà permet dans une certaine mesure, d’approcher la réalité profonde des choses.
Colloque Discordia, 2021
Abū Ḥāmid al-Ġazālī (m.505/1111), la voie du juste milieu, une réforme de l'Islam au 5e siècle d... more Abū Ḥāmid al-Ġazālī (m.505/1111), la voie du juste milieu, une réforme de l'Islam au 5e siècle de l’Hégire.
Résumé de la communication
Dans nombre de ses écrits, le théologien mamelouk ḥanbalite Ibn Taymiyya (m.728/1328) se réfère à l’œuvre du théologien perse ašʿarite Abū Ḥāmid al-Ġazālī. Même si les propos qu’il tient sont le plus souvent polémiques, il n’en reste pas moins qu’à plusieurs reprises le Šayẖ de l’Islam damascène loue les qualités de la Preuve de l'islam (Ḥuǧǧat al-islam). En réalité, les visées du théologien ḥanbalite s’apparentaient à celles de son illustre prédécesseur. Comme al-Ġazālī, Ibn Taymiyya se pose en rénovateur (Muǧaddid) de son temps. Comme lui, dans une soif inextinguible de retour aux origines, il explore les doctrines de ses prédécesseurs. En particulier, dans ses analyses du corpus ghazalien, il ne manque jamais une occasion de critiquer les emprunts conceptuels réalisés par Ġazālī en dehors de ce qu’il considère être « l’orthodoxie » islamique. Or, ce que nous voudrions montrer ici, en nous attardant sur l’épistémologie et l’herméneutique du théologien perse, c’est qu’en réalisant une fusion des systèmes de pensée de son époque, le théologien perse a fini par déployer une pensée hautement inclusive. Une pensée dont l’un des objectifs affirmés par al-Ġazālī était, entre autres, le dépassement des oppositions entre les différents courants de pensée et dans laquelle il exhortait le croyant à un retour au moment fondateur de l’Islam, sur les traces des pieux prédécesseurs (Salaf al-ṣāliḥ). Ce faisant nous verrons, par exemple, comment al-Ġazālī tenta de dépasser la dichotomie littéralisme/taʾwīl, au sein de son herméneutique.
La recherche que nous menons sur la pensée d’Abū Ḥāmid al-Ġazālī (m.1111) a pour but premier de d... more La recherche que nous menons sur la pensée d’Abū Ḥāmid al-Ġazālī (m.1111) a pour but premier de dégager, à partir de l’étude de sa vie, de son œuvre mais aussi des contextes historiques et intellectuels, les motivations profondes du théologien. Elle doit par ailleurs montrer que pour atteindre ses objectifs, celui-ci a finalement produit une rupture épistémologique qui déboucha sur réforme de la pensée musulmane.
Congrès des études sur le Moyen Orient et mondes musulmans Aix en Provence, 28 30 juin 2021, 2021
En prise directe avec les réalités politiques de son époque, théologien et théoricien du droit ma... more En prise directe avec les réalités politiques de son époque, théologien et théoricien du droit mais aussi philosophe, al-Ġazālī est également connu en tant que promoteur d’une doctrine mystique qui apparaît comme originale en terre d’Islam. Cette doctrine subtile ou « voie de l’au-delà » devait permettre au croyant d’acquérir, dès ici-bas, la « vraie connaissance » (ma‘rifa), celle de Dieu, mais aussi de rassembler la communauté des croyants, par-delà les différents courants dogmatiques. Synthèse inédite entre théologie, métaphysique et mystique ou encore entre raison, révélation et intuition surnaturelle, le système ainsi produit a donné naissance à une théologie mystique au service d’une théorie de la connaissance elle-même adossée à une doctrine de l’Amour. C’est donc une fusion des systèmes de pensée de son époque, qu’al-Ġazālī a fini par proposer.
Ce qui nous intéressera ici, c’est le subtil équilibre que le théologien a mis en place entre les différents champs herméneutiques se superposant au sein de sa doctrine. Au travers d’exemples tirés de son œuvre, nous verrons que si d’un côté, en conformité avec son épistémologie et à l’instar de ce que l’on trouve dans le texte coranique, il fit appel au symbolisme pour lier champs spéculatif et intuitif, d’un autre côté, il proposa des règles herméneutiques qui bien qu’autorisant le dépassement du commentaire classique ou tafsīr des ‘ulamā', dans le même temps, encadraient aussi bien le commentaire du sens caché (bāṭin) ou ta’wīl ainsi que celui du sens spirituel ou istinbāṭ.
Journée scientifique des Sciences religieuses jeudi 03 décembre 2020 La section des Sciences reli... more Journée scientifique des Sciences religieuses jeudi 03 décembre 2020 La section des Sciences religieuses de l'École Pratique des Hautes Études organise sa journée scientifique le Jeudi 3 décembre 2020 de 9h à 17h, sur le thème : Religions, États, Laïcités. Recherches actuelles. Du polythéisme des Romains à la laïcité, du christianisme à la philosophie contemporaine, en passant par l'Iran et le Cameroun, les chercheurs partageront les résultats de leurs travaux.
« La légende dit que le Japon est une île flottante posée sur le dos d'un poisson-chat dont le mo... more « La légende dit que le Japon est une île flottante posée sur le dos d'un poisson-chat dont le mouvement provoque des tremblements de terre. Je tentais de me représenter la forme monstrueuse de ce félin aquatique. » (Shan Sa, La joueuse de go, Paris, Éditions Grasset & Fasquelle, 2001, p. 78). Cette légende japonaise, et la représentation mentale qu'elle suscite ici chez le narrateur et le lecteur, rappellent le rôle que continuent à jouer les légendes et l'imagination dans la compréhension du monde. De fait, est-il vraiment possible de connaître sans se représenter ? Un relevé moderne d'ondulations sismiques, jusqu'à la perception des secousses par le cerveau et les sens, ne sont-ils pas finalement, eux aussi, des formes de représentation ? Cette journée d'étude se propose d'interroger le caractère inévitable de la représentation dans notre connaissance d'autrui et du monde. Il s'agit d'une part d'explorer dans quelle mesure « se représenter » constitue un processus moteur de la subjectivité et ses constructions, donc de la sociabilité, de la communication et de l'empathie. En soulignant par le pronom « se » la réflexivité du processus de représentation, le titre de l'appel à projets invite à comprendre la place et les modalités de la représentation dans un réseau d'échanges intersubjectifs : comment la conscience de soi implique de se représenter soi-même, mais aussi autrui ; comment, inversement, les représentations véhiculées par autrui peuvent à leur tour transformer nos propres représentations. Plus encore, « se représenter » renvoie au processus du raisonnement scientifique même, lorsque l'on constate à quel point l'élaboration des discours savants, quel que soit le champ disciplinaire dans lequel ils s'inscrivent, ne peut se passer des représentations : graphes, modèles, concepts ou métaphores, les chercheurs ne cessent de recourir à ces formes consensuelles de capture et de réécriture du réel. Peut-on finalement penser, ou même s'inscrire dans une sociabilité sans se représenter ? Comment naissent les représentations ? Sont-elles construites ou spontanées ? Par quels médiums, par quels acteurs sont-elles partagées, comment évoluent-elles dans le temps ? Nous souhaitons, par ces questions larges, ouvrir une réflexion dans laquelle toutes les spécialités, des sciences humaines aux mathématiques et aux sciences de la vie, peuvent être convoquées.
Journée scientifique des Sciences religieuses 2019.
6 juin 2019
Maison des Sciences de l'Homm... more Journée scientifique des Sciences religieuses 2019.
6 juin 2019
Maison des Sciences de l'Homme (MSH) (54 boulevard Raspail-Salle 1)
Revue Les Cahiers de l'Islam. What is Arabic Philosophy. Colloque Paris Sorbonne - 17 mars 2014
Papers by Pascal LEMMEL
L’Archétype (ISSN 2820-767X) Vol. 1 No. 2 (2023): L’Expérience mystique : voi.e.s(x) universelles, 2023
Abū Ḥāmid al-Ġazālī (m.505/1111), théologien musulman du XIe siècle, est connu en tant que promot... more Abū Ḥāmid al-Ġazālī (m.505/1111), théologien musulman du XIe siècle, est connu en tant que promoteur d’une doctrine mystique qui, en proposant une synthèse inédite entre mystique, théologie et philosophie, apparaît comme original en terre d’Islam. Au cœur de sa réforme, le théologien va forger une voie nommée Science de la voie de l’au-delà (ʿilm ṭarīq al-āẖira) dont les principaux éléments sont exposés dans sa somme l’Iḥyāʾ ʿulūm ad-Dīn (la Revivification des sciences de la religion). Il s’agit de guider le croyant dans son cheminement vers Dieu afin de lui donner la possibilité d’acquérir, dans une perspective salvatrice, une certaine proximité avec le Divin. À travers l’analyse des textes du théologien, nous allons étudier l’articulation entre connaissance, amour et propédeutique dans sa mystique. Il s’agira de voir s’il est possible de qualifier la théorie de la connaissance d’al‑Ġazālī d’épistémologie mystique et de s’interroger si celle-ci fait appel à une métaphysique de la participation fondée sur une métaphysique de la lumière.
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Conférences & colloques by Pascal LEMMEL
Catégoriser, discriminer ou encore délimiter semblent inévitables pour saisir le monde qui nous entoure. Cependant, au-delà de l’aspect éphémère de toute classification, lorsqu’il s’agit de domaines aussi vastes que l’islamologie ou même du soufisme dont les objets d’études font
appel à de nombreuses disciplines et relèvent d’aires culturelles hétérogènes, projeter une périodisation ou une catégorisation propre `a la recherche académique occidentale, qui met le plus souvent l’accent sur les ruptures plutôt que sur les continuités, se révèle parfois
problématique. C’est ainsi que pour de nombreux savants musulmans modernes, de telles ruptures n’ont pas lieu d’être ; ces savants se réclament souvent d’une longue tradition et font fi de ces distinctions aussi bien historiographiques que disciplinaires. On observe alors un
véritable décalage entre la manière dont ces auteurs conçoivent leur histoire et leur héritage et la manière dont ils sont étudiés en Occident. C’est pourquoi de plus en plus de chercheurs évoluant au sein des sphères académiques occidentales tentent de s’affranchir de ces cloisonnements disciplinaires et/ou temporels. On pourra ainsi se reporter, entre autres, aux travaux de Shahab Ahmed (m. 2015) sur l’Islam en général, de Khaled El-Rouayheb pour les mondes arabe et ottoman, d’Ousmane Kane et de Fabienne Samson pour l’islam d’Afrique ou encore par exemple, `a ceux d’Alexander Knysh en ce qui concerne le soufisme. Il s’agit là de quelques exemples d’auteurs ayant tenté de dépasser les catégories d’analyse occidentales et/ou de souligner les continuités existantes entre les périodes classiques et modernes.
A la suite de cette démarche, cet atelier souhaite dépasser les binarités de périodisation entre période ”classique” et ”moderne”, mais aussi, par exemple, l’opposition entre pensée philosophique et pensée soufie. Cela pourra se faire : en nous intéressant d’abord à des auteurs modernes et/ou contemporains, ainsi qu’aux lectures des savants classiques ou postclassiques qu’ils délivrent ; en examinant l’impact des savants musulmans de la période classique sur le contemporain ainsi que les diverses lectures, interprétations et réinterprétations que leurs travaux ont inspirées ; en étudiant la manière dont ces auteurs contemporains conçoivent eux-mêmes la relation entre pensée philosophique et pensée mystique; enfin, dans la mesure où ils représentent notamment un chaînon manquant de l’histoire intellectuelle musulmane, en portant notre attention sur des auteurs soufis de la période postclassique tardive (entre les 15e et 17e siècles).
Abstract
Philosophical thought and mystical thought in Islam, beyond binarities Categorising, discriminating and delimiting seem inevitable if we are to grasp the world around us. However, beyond the ephemeral aspect of any classification, when it comes to fields as vast as Islamology or even Sufism, whose subjects of study call on many disciplines and fall within heterogeneous cultural areas, projecting a periodisation or categorisation specific to Western academic research, which more often than not emphasises ruptures rather than continuities, sometimes proves problematic. For many modern Muslim scholars, there is no need for such ruptures; these scholars often claim a long tradition and disregard both
historiographical and disciplinary distinctions. As a result, there is a real gap between the way in which these authors conceive of their history and heritage and the way in which they are studied in the West. This is why more and more researchers in Western academic circles are trying to break down these disciplinary and/or temporal barriers. These include the work of Shahab Ahmed (d. 2015) on Islam in general, Khaled El Rouayheb on the Arab and Ottoman worlds, Ousmane Kane and Fabienne Samson on African Islam, and Alexander Knysh on Sufism. These are just a few examples of authors who have attempted to go beyond Western categories of analysis and/or to highlight the continuities that exist between the classical and modern periods.
Following on from this approach, this working group aims to go beyond the binary periodisation between ’classical’ and ’modern’ periods, and also, for example, the opposition between philosophical thought and Sufi thought. This can be done : by looking first at modern and/or contemporary authors, as well as the readings of classical or post-classical scholars that they deliver; by examining the impact of Muslim scholars of the classical period on the contemporary, as well as the various readings, interpretations and reinterpretations that their work has inspired ; by studying the way in which these contemporary authors themselves conceive the relationship between philosophical thought and mystical thought; and finally, insofar as they represent a missing link in Muslim intellectual history, by turning our attention to Sufi
authors of the late post-classical period (between the 15th and 17th centuries).
Bibliographie indicative
Ahmed, Shahab. What is Islam? The Importance of Being Islamic, Princeton University Press, 2016.
Bauer, Thomas, et al. A Culture of Ambiguity: An Alternative History of Islam. Columbia University Press, 2021.
Kane, Ousmane. Muslim Modernity in Postcolonial Nigeria. Leiden, The Netherlands: Brill, 2003.
Knysh, Alexander. Sufism: A New History of Islamic Mysticism (English Edition). Princeton University Press, 2017
Rouayheb (el-), Khaled. Islamic Intellectual History in the Seventeenth-Century: Scholarly Currents in the Ottoman Empire and the Maghreb, Cambridge University Press, 2015.
Samson, Fabienne (Dir.). L’islam au-del`a des cat´egories, Cahiers d’´etudes africaines, n◦206/207, EHESS, 2012.
Shamsy (el-), Ahmed, Rediscovering the Islamic Classics. How Editors and Print Culture Transformed an Intellectual Tradition, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2020.
Steinberg, Leif; Wood, Philip (Ed.). What Is Islamic Studies? European and North American Approaches to a Contested Field, Edinburgh university press, 2022.
Mots-Clés: Conceptualisation de l’islam, Civilisation islamique, Frontières, Catégories, Soufisme.
Dans le Munqiḏ min aḍ‑ḍalāl (« Celui qui préserve de l’erreur »), ouvrage qui s’apparente à une autobiographie, en proie à une crise de doute, le théologien perse Abū Ḥāmid al‑Ghazālī (m.1111) écrit au sujet de la façon dont il a retrouvé la certitude : « Je n'y suis pas arrivé par des raisonnements bien ordonnés, ou des discours méthodiquement agencés, mais au moyen d'une Lumière que Dieu a projetée dans ma poitrine ».
Plus loin dans le Munqiḏ, faisant cette fois‑ci face à une crise existentielle, il nous informe qu’avec l’aide de Dieu, il a fini par quitter Bagdad où il enseignait, renonçant ainsi aux honneurs. Il relate : « Ma période de retraite a duré environ dix ans, au cours desquels j'ai eu d'innombrables, d'inépuisables révélations ».
Sans minimiser le caractère authentique des faits relatés, ni la place du Mystique dans la pensée du théologien, nous somme à l’évidence en présence de deux motifs récurrents de la catégorie Mystique permettant de classer al‑Ghazālī parmi les mystiques, à l’égal de figures spirituelles ayant fait l’objet de récits hagiographiques. Or, notre contribution, en partant des textes, visera à montrer, que loin de l’image du mystique traditionnel et sans rien retirer à la dimension spirituelle de son œuvre, à quel point le penseur perse fut impliqué dans les affaires de la cité, que ce soit par sa proximité avec les différentes institutions politiques et sociales de son époque, y compris pendant sa retraite, ou encore par sa volonté d’imposer à ses pairs une réforme de la pensée musulmane qui contribuera à façonner les sociétés musulmanes jusqu’à nos jours.
Résumé de la communication
Dans nombre de ses écrits, le théologien mamelouk ḥanbalite Ibn Taymiyya (m.728/1328) se réfère à l’œuvre du théologien perse ašʿarite Abū Ḥāmid al-Ġazālī. Même si les propos qu’il tient sont le plus souvent polémiques, il n’en reste pas moins qu’à plusieurs reprises le Šayẖ de l’Islam damascène loue les qualités de la Preuve de l'islam (Ḥuǧǧat al-islam). En réalité, les visées du théologien ḥanbalite s’apparentaient à celles de son illustre prédécesseur. Comme al-Ġazālī, Ibn Taymiyya se pose en rénovateur (Muǧaddid) de son temps. Comme lui, dans une soif inextinguible de retour aux origines, il explore les doctrines de ses prédécesseurs. En particulier, dans ses analyses du corpus ghazalien, il ne manque jamais une occasion de critiquer les emprunts conceptuels réalisés par Ġazālī en dehors de ce qu’il considère être « l’orthodoxie » islamique. Or, ce que nous voudrions montrer ici, en nous attardant sur l’épistémologie et l’herméneutique du théologien perse, c’est qu’en réalisant une fusion des systèmes de pensée de son époque, le théologien perse a fini par déployer une pensée hautement inclusive. Une pensée dont l’un des objectifs affirmés par al-Ġazālī était, entre autres, le dépassement des oppositions entre les différents courants de pensée et dans laquelle il exhortait le croyant à un retour au moment fondateur de l’Islam, sur les traces des pieux prédécesseurs (Salaf al-ṣāliḥ). Ce faisant nous verrons, par exemple, comment al-Ġazālī tenta de dépasser la dichotomie littéralisme/taʾwīl, au sein de son herméneutique.
Ce qui nous intéressera ici, c’est le subtil équilibre que le théologien a mis en place entre les différents champs herméneutiques se superposant au sein de sa doctrine. Au travers d’exemples tirés de son œuvre, nous verrons que si d’un côté, en conformité avec son épistémologie et à l’instar de ce que l’on trouve dans le texte coranique, il fit appel au symbolisme pour lier champs spéculatif et intuitif, d’un autre côté, il proposa des règles herméneutiques qui bien qu’autorisant le dépassement du commentaire classique ou tafsīr des ‘ulamā', dans le même temps, encadraient aussi bien le commentaire du sens caché (bāṭin) ou ta’wīl ainsi que celui du sens spirituel ou istinbāṭ.
6 juin 2019
Maison des Sciences de l'Homme (MSH) (54 boulevard Raspail-Salle 1)
Papers by Pascal LEMMEL
Catégoriser, discriminer ou encore délimiter semblent inévitables pour saisir le monde qui nous entoure. Cependant, au-delà de l’aspect éphémère de toute classification, lorsqu’il s’agit de domaines aussi vastes que l’islamologie ou même du soufisme dont les objets d’études font
appel à de nombreuses disciplines et relèvent d’aires culturelles hétérogènes, projeter une périodisation ou une catégorisation propre `a la recherche académique occidentale, qui met le plus souvent l’accent sur les ruptures plutôt que sur les continuités, se révèle parfois
problématique. C’est ainsi que pour de nombreux savants musulmans modernes, de telles ruptures n’ont pas lieu d’être ; ces savants se réclament souvent d’une longue tradition et font fi de ces distinctions aussi bien historiographiques que disciplinaires. On observe alors un
véritable décalage entre la manière dont ces auteurs conçoivent leur histoire et leur héritage et la manière dont ils sont étudiés en Occident. C’est pourquoi de plus en plus de chercheurs évoluant au sein des sphères académiques occidentales tentent de s’affranchir de ces cloisonnements disciplinaires et/ou temporels. On pourra ainsi se reporter, entre autres, aux travaux de Shahab Ahmed (m. 2015) sur l’Islam en général, de Khaled El-Rouayheb pour les mondes arabe et ottoman, d’Ousmane Kane et de Fabienne Samson pour l’islam d’Afrique ou encore par exemple, `a ceux d’Alexander Knysh en ce qui concerne le soufisme. Il s’agit là de quelques exemples d’auteurs ayant tenté de dépasser les catégories d’analyse occidentales et/ou de souligner les continuités existantes entre les périodes classiques et modernes.
A la suite de cette démarche, cet atelier souhaite dépasser les binarités de périodisation entre période ”classique” et ”moderne”, mais aussi, par exemple, l’opposition entre pensée philosophique et pensée soufie. Cela pourra se faire : en nous intéressant d’abord à des auteurs modernes et/ou contemporains, ainsi qu’aux lectures des savants classiques ou postclassiques qu’ils délivrent ; en examinant l’impact des savants musulmans de la période classique sur le contemporain ainsi que les diverses lectures, interprétations et réinterprétations que leurs travaux ont inspirées ; en étudiant la manière dont ces auteurs contemporains conçoivent eux-mêmes la relation entre pensée philosophique et pensée mystique; enfin, dans la mesure où ils représentent notamment un chaînon manquant de l’histoire intellectuelle musulmane, en portant notre attention sur des auteurs soufis de la période postclassique tardive (entre les 15e et 17e siècles).
Abstract
Philosophical thought and mystical thought in Islam, beyond binarities Categorising, discriminating and delimiting seem inevitable if we are to grasp the world around us. However, beyond the ephemeral aspect of any classification, when it comes to fields as vast as Islamology or even Sufism, whose subjects of study call on many disciplines and fall within heterogeneous cultural areas, projecting a periodisation or categorisation specific to Western academic research, which more often than not emphasises ruptures rather than continuities, sometimes proves problematic. For many modern Muslim scholars, there is no need for such ruptures; these scholars often claim a long tradition and disregard both
historiographical and disciplinary distinctions. As a result, there is a real gap between the way in which these authors conceive of their history and heritage and the way in which they are studied in the West. This is why more and more researchers in Western academic circles are trying to break down these disciplinary and/or temporal barriers. These include the work of Shahab Ahmed (d. 2015) on Islam in general, Khaled El Rouayheb on the Arab and Ottoman worlds, Ousmane Kane and Fabienne Samson on African Islam, and Alexander Knysh on Sufism. These are just a few examples of authors who have attempted to go beyond Western categories of analysis and/or to highlight the continuities that exist between the classical and modern periods.
Following on from this approach, this working group aims to go beyond the binary periodisation between ’classical’ and ’modern’ periods, and also, for example, the opposition between philosophical thought and Sufi thought. This can be done : by looking first at modern and/or contemporary authors, as well as the readings of classical or post-classical scholars that they deliver; by examining the impact of Muslim scholars of the classical period on the contemporary, as well as the various readings, interpretations and reinterpretations that their work has inspired ; by studying the way in which these contemporary authors themselves conceive the relationship between philosophical thought and mystical thought; and finally, insofar as they represent a missing link in Muslim intellectual history, by turning our attention to Sufi
authors of the late post-classical period (between the 15th and 17th centuries).
Bibliographie indicative
Ahmed, Shahab. What is Islam? The Importance of Being Islamic, Princeton University Press, 2016.
Bauer, Thomas, et al. A Culture of Ambiguity: An Alternative History of Islam. Columbia University Press, 2021.
Kane, Ousmane. Muslim Modernity in Postcolonial Nigeria. Leiden, The Netherlands: Brill, 2003.
Knysh, Alexander. Sufism: A New History of Islamic Mysticism (English Edition). Princeton University Press, 2017
Rouayheb (el-), Khaled. Islamic Intellectual History in the Seventeenth-Century: Scholarly Currents in the Ottoman Empire and the Maghreb, Cambridge University Press, 2015.
Samson, Fabienne (Dir.). L’islam au-del`a des cat´egories, Cahiers d’´etudes africaines, n◦206/207, EHESS, 2012.
Shamsy (el-), Ahmed, Rediscovering the Islamic Classics. How Editors and Print Culture Transformed an Intellectual Tradition, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2020.
Steinberg, Leif; Wood, Philip (Ed.). What Is Islamic Studies? European and North American Approaches to a Contested Field, Edinburgh university press, 2022.
Mots-Clés: Conceptualisation de l’islam, Civilisation islamique, Frontières, Catégories, Soufisme.
Dans le Munqiḏ min aḍ‑ḍalāl (« Celui qui préserve de l’erreur »), ouvrage qui s’apparente à une autobiographie, en proie à une crise de doute, le théologien perse Abū Ḥāmid al‑Ghazālī (m.1111) écrit au sujet de la façon dont il a retrouvé la certitude : « Je n'y suis pas arrivé par des raisonnements bien ordonnés, ou des discours méthodiquement agencés, mais au moyen d'une Lumière que Dieu a projetée dans ma poitrine ».
Plus loin dans le Munqiḏ, faisant cette fois‑ci face à une crise existentielle, il nous informe qu’avec l’aide de Dieu, il a fini par quitter Bagdad où il enseignait, renonçant ainsi aux honneurs. Il relate : « Ma période de retraite a duré environ dix ans, au cours desquels j'ai eu d'innombrables, d'inépuisables révélations ».
Sans minimiser le caractère authentique des faits relatés, ni la place du Mystique dans la pensée du théologien, nous somme à l’évidence en présence de deux motifs récurrents de la catégorie Mystique permettant de classer al‑Ghazālī parmi les mystiques, à l’égal de figures spirituelles ayant fait l’objet de récits hagiographiques. Or, notre contribution, en partant des textes, visera à montrer, que loin de l’image du mystique traditionnel et sans rien retirer à la dimension spirituelle de son œuvre, à quel point le penseur perse fut impliqué dans les affaires de la cité, que ce soit par sa proximité avec les différentes institutions politiques et sociales de son époque, y compris pendant sa retraite, ou encore par sa volonté d’imposer à ses pairs une réforme de la pensée musulmane qui contribuera à façonner les sociétés musulmanes jusqu’à nos jours.
Résumé de la communication
Dans nombre de ses écrits, le théologien mamelouk ḥanbalite Ibn Taymiyya (m.728/1328) se réfère à l’œuvre du théologien perse ašʿarite Abū Ḥāmid al-Ġazālī. Même si les propos qu’il tient sont le plus souvent polémiques, il n’en reste pas moins qu’à plusieurs reprises le Šayẖ de l’Islam damascène loue les qualités de la Preuve de l'islam (Ḥuǧǧat al-islam). En réalité, les visées du théologien ḥanbalite s’apparentaient à celles de son illustre prédécesseur. Comme al-Ġazālī, Ibn Taymiyya se pose en rénovateur (Muǧaddid) de son temps. Comme lui, dans une soif inextinguible de retour aux origines, il explore les doctrines de ses prédécesseurs. En particulier, dans ses analyses du corpus ghazalien, il ne manque jamais une occasion de critiquer les emprunts conceptuels réalisés par Ġazālī en dehors de ce qu’il considère être « l’orthodoxie » islamique. Or, ce que nous voudrions montrer ici, en nous attardant sur l’épistémologie et l’herméneutique du théologien perse, c’est qu’en réalisant une fusion des systèmes de pensée de son époque, le théologien perse a fini par déployer une pensée hautement inclusive. Une pensée dont l’un des objectifs affirmés par al-Ġazālī était, entre autres, le dépassement des oppositions entre les différents courants de pensée et dans laquelle il exhortait le croyant à un retour au moment fondateur de l’Islam, sur les traces des pieux prédécesseurs (Salaf al-ṣāliḥ). Ce faisant nous verrons, par exemple, comment al-Ġazālī tenta de dépasser la dichotomie littéralisme/taʾwīl, au sein de son herméneutique.
Ce qui nous intéressera ici, c’est le subtil équilibre que le théologien a mis en place entre les différents champs herméneutiques se superposant au sein de sa doctrine. Au travers d’exemples tirés de son œuvre, nous verrons que si d’un côté, en conformité avec son épistémologie et à l’instar de ce que l’on trouve dans le texte coranique, il fit appel au symbolisme pour lier champs spéculatif et intuitif, d’un autre côté, il proposa des règles herméneutiques qui bien qu’autorisant le dépassement du commentaire classique ou tafsīr des ‘ulamā', dans le même temps, encadraient aussi bien le commentaire du sens caché (bāṭin) ou ta’wīl ainsi que celui du sens spirituel ou istinbāṭ.
6 juin 2019
Maison des Sciences de l'Homme (MSH) (54 boulevard Raspail-Salle 1)