Affichage des articles dont le libellé est Nouvelles. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Nouvelles. Afficher tous les articles

vendredi 19 décembre 2008

J'aurais voulu être un type bien

J'allais oublier de vous dire. La Francophonie tient son Woody. A quelques jours de Noël, pour les retardataires éventuels, au degré zéro de l'inspiration, je vous invite, les yeux fermés, à vous précipiter chez votre libraire favori qui se fera un plaisir de vous glisser ce bijou dans le cabas. Je suis même prêt, c'est vous dire, à rembourser le premier mécontent ou insatisfait. Vous voyez! D'ailleurs qui n'a jamais rêvé d'être un type bien? Qui plus est à la veille de Noël...
Alors, la morosité vous gagne, le cynisme vous fait défaut, l'ironie vous distrait?
N'hésitez plus. Les nouvelles de Villard sauront accompagner comme une poire votre lendemain de réveillon et ainsi prévenir toute gueule de bois...
Oui! Ce garçon doit passer entre vos mains et sous vos yeux. Le cytry a vu juste. Marc Villard, est à l'écriture ce que Robert Jonquet au sein de la grande équipe de Reims et qui vient de nous quitter... était au football : «dur sur l’homme, sobre au sol, royal dans les airs.»


Et pour ne rien gâter, Marc Villard se balade les doigts dans le nez sur la toile

dimanche 16 décembre 2007

Cyclotourisme à Paris

Mercredi 14 novembre 2007. Orly sud. 12h45.
« Connard ! J’étais là avant ! Mais… Hey ! Espèce d’abruti ! Poussez vous… Font chier… Mon pied ! Merde. Hé. Ho. Gros con ! Putain. » Pas de doute. Atterrissage réussi. Bienvenue en France. J’avais simplement oublié le langage fleuri du Latin parisien. « Un mouvement social perturbe actuellement le réseau ferroviaire de la SNCF et de la RATP. Merci de votre compréhension…» Le message enregistré en boucle et dans plusieurs langues apportait l’explication aux naïfs qui n’avaient pas suivi l’actualité du jour. Pour autant, l’hôtesse d’accueil ne savait pas trop quoi répondre aux fameux usagers pris en otage par les rouges des transports. J’en faisais partie. Des usagers. Pas forcément des rouges. Les rares taxis avaient été pris d’assaut par le vol d’Oran arrivé 20 mn plus tôt.
Bref. Mon après midi, que je pensais partagée entre le Grand Palais et l’expo Courbet, le cinéma et le dernier Coppola, une librairie et des livres partout, s’annonçait toute autre.

En guise de réjouissances culturelles, j’avais à traîner péniblement une valise et à user mes semelles sur les trottoirs parisiens. Et pas question de flâner, nez en l’air, à humer la liberté gagnée et profiter du soleil. Que nenni ! Le parcours du piéton à valise et roulettes demande une attention de tous les instants. Le cabot à mémère n’est pas un mythe. Je les ai rencontrées. Elles sont partout ! Maîtresses de Paris sur leur Chiottodrome impitoyable pour le piéton provincial et rêveur. C’est ainsi que j’arrivais enfin à destination, avant la nuit, épuisé, fourbu, dans mon nid au 5e sans ascenseur, rue Daval. Le triptyque moules frites bières de la brasserie du coin, s’imposait pour clore ce premier chapitre et préparer les lendemains qui, peut être, ne chanteront pas.
Jeudi 15 novembre. 6h55. La Bastille se dresse fièrement sur sa place, pivot des passants pressés et survoltés. Au menu de ce deuxième jour de grève, j’allais pouvoir, moi aussi, me frotter à la réalité du quotidien gris des parisiens. Rendez-vous professionnel important, conclu un mois plus tôt, je ne pouvais me permettre la moindre fantaisie ou retard. Pas de souci. J’étais déterminé. Même si la bise du matin dans sa brume m’incita à tenter l’aventure RATP en premier lieu. Après tout, avec plus de 2h30 de marge, je pouvais me permettre de voir venir. Un pain aux raisins, mon journal sous le bras, les mains dans les poches, je décidai d’user mon capital patience dans l’attente de l’improbable rame de métro. Confiance et assurance de mise, j’avais repéré les deux roues, succès du moment, les Vélib’ de Paris rangés près de la bouche de métro. Solution de repli à laquelle, je résolus, une demi-heure plus tard, de me ranger à mon tour. Le métro était bien dans la catégorie «improbable ». Ce qui l’était moins, pour moi, c’était la disparition des vélos pendant mon attente sous terre. Plus une seule bicyclette à disposition. Je sentis, assez rapidement dois-je dire, un petit vent de panique mêlé à celui pas moins froid de l’air ambiant me traverser l’échine. Mais à jeter des regards perdus de tous côtés, je vis comme d’autres en proie au même stress, une station vélib’ faubourg St Honoré. Clair. Je n’étais pas seul sur le coup. La queue de bonne taille derrière la borne illustrait le succès de l’opération (deux) roue de secours. La lecture scrupuleuse du mode d’emploi, des consignes à suivre et des codes à saisir ne pouvaient qu’entraîner cohue et impatience de ces cyclistes improvisés pas obligatoirement technophiles.
Premier enseignement que je délivrerais aujourd’hui en forme de conseil aux néophytes : Surtout, ne pas oublier de repérer son vélo et son numéro AVANT de se lancer dans le mano à mano avec la borne. Et oui, comme au loto, tous les numéros ne sont pas gagnants. Malheur à celui qui saisit, comme moi, un vélo au pif qui se trouve être à plat, sans selle. Bah. Inutile de maugréer. Comme au jeu de l’oie, il s’agit bien d’un simple retour à la case départ.
Fort d’une inspection en règle des engins susceptibles d’accueillir mon fessier du matin, je découvrais, à mon insu, un second enseignement : Les pros abonnés à l’année dispensés du passage à la borne, peuvent, en moins de deux secondes, avec leur sésame, retirer un vélo et filer avec, fissa, sans autre formalité. Pas même un bonjour, ni le moindre merci. Conseil bis. Toujours avoir en mémoire un numéro de secours et ainsi éviter le déboire de l’enseignement premier. Passés ces obstacles et pièges, je vous laisse imaginer la joie, l’excitation, pour ne pas dire la jubilation quasi explosive, quand enfin, délivré du joug de la formalité administrativo-technologique, je me retrouvais, quasi par enchantement, dans les rues de Paris, à pédaler et à siffloter tel le plus heureux des hommes. Quel bonheur, oui ! Déambuler sur les quais de la Seine, admirer et saluer, comme il se doit, Notre Dame, saint Michel et consorts, tout en narguant le sort des embouteillés à moteur qui pestaient de la congestion ambiante. Mais si la vie est belle, il n’en reste pas moins que le fond de l’air est, lui, ce matin, plutôt frais. Très frais même au fil des minutes et des pots d’échappement respirés. Et si l’habit ne fait pas son moine, le costume cravate ne fait pas automatiquement son cycliste. Je ne crois pas qu’il soit d’ailleurs en vente aux côtés des cuissardes ou des laines polaires dans les rayons des équipementiers sportifs. Enfin pour chasser la goutte au nez, pas question d’imiter les cyclistes du Tour de France en utilisant ses doigts, de toute façon, engourdis. La réalité de la situation commençait à estomper l’euphorie des premières minutes au profit d’un sentiment de vexation bien plus sombre. Le boulevard St Germain devait être remonté. Pas descendu. Ma faiblesse pour le choix de la pente facile me perdra. J’avais fait une simple boucle, revenant à portée de la place Bastille, oui, au point de départ. Passée la contrariété du boulevard à remonter en sens contraire, je retrouvais enfin l’itinéraire étudié avant le départ. Rue de Sèvres, puis rue Lecourbe…toute droite et nettement moins attractive que les quartiers précédents. Pffh. Tout Paris était à présent sur le pont et dans les bouchons, dans une effervescence proche de l’hystérie collective. Les jurons fleurissaient à chaque coin. La mauvaise humeur ambiante allait bon train parce que justement resté à quai. Mais bon an mal an, après une série de slaloms en règle, j’apercevais enfin le siège de mon agence. 9h20. Dix minutes d’avance sur l’horaire. Il ne me restait plus qu’à ranger mon vélib’ en toute sécurité. Apparemment, il n’était pas dans les habitudes locales de laisser un clou dans un hall d’entrée de bureaux. Un autochtone me fit comprendre qu’au vu du tarif de location, un vélib’ ne se garde pas mais se rend. A Issy, rien de tel. Le vélib’ se vit intra-muros. Il me fallait revenir à la dernière porte et momentanément tourner le dos à mon rendez-vous. Porte de Versailles. La station vélib’ non sans rappeler une vente à la criée d’un marché, constituait un site de regroupement spontané de cyclotouristes venus des 4 coins de Paris. Autre forme de bouchon. Nouvel enseignement. Un vélib’ se rend certes, mais à une attache libre. Faute de place, je devais rebrousser chemin à la recherche d’une autre station. Quand au final le vélo est enfin déposé, on se retrouve, certes soulagé d’un poids mais avant tout et comme beaucoup d’autres, à pied, loin de son lieu de rendez-vous après y avoir été tout près et en avance. C’est quand même très con d’arriver en retard à cause d’un véhicule à garer. Quand on sait qu’il s’agit d’une bicyclette, ça peut prêter à sourire. « Euh.. Désolé, j‘ai pas trouvé de place pour garer mon vélo. J’ai dû retourner rue Lecourbe, 3 bornes plus loin… Si-si. Je vous garantis. Pas une place. »

17h. Soulagé par l’entretien somme toute positif, je repartais guilleret à la recherche de mon moyen de locomotion du jour. Porte de Versailles. La même qui affichait complet le matin n’affichait plus grand chose le soir. Rien. A part deux à plat. Je décidais de m’installer avec mon canard à proximité de la station. Ne pas bouger, prendre mon mal en patience et scruter l’arrivée de cyclistes à vélib’. 12 minutes chrono. Un peloton de Hollandais arriva à point nommé. Des vélos en pagaille. Un bonheur pour celui qui transi de froid n’en pouvait plus de ses cent pas et de ses brèves du palmipède. Je n’étais pas seul dans mon attente qui cependant n’avait aucune raison de se transformer en bataille rangée. Y en avait pour tout le monde. Les regards échangés pouvaient être sympathiques, courtois et complices. Humanité et civilités dans une heureuse communion qui font plaisir à voir et entendre. « Je vous en prie. Après vous. Merci. Oui, quelle galère cette grève. Oui. Heureusement, nous avons ces vélos. Oui, très froid. Attention, celui ci ne fonctionne pas très bien. Ah ? Merci. » Je saisis mon code tel l’expert super habitué, me payant le luxe de distiller quelques conseils à ceux qui visiblement en étaient à leur première expérience. Mes enseignements 1 et 2 firent mouche auprès de ce public novice impressionné par ma maîtrise et mon aisance. J’aurais dû me douter qu’un événement extérieur allait gripper ma belle démonstration. Impossible de déverrouiller le vélo sélectionné. Le trop plein d’assurance et d’enthousiasme peut-il nuire ? Peut être ai-je voulu trop en faire en agrippant mon vélo les yeux quasi fermés face à un public trop facilement conquis aux premières étapes de la procédure. Une petite lumière rouge m’indiqua clairement que je ne pourrais guère aller plus loin avec ce vélib’ désormais coincé. L’angoisse des novices était perceptible, je tentais de les rassurer en leur indiquant que ça pouvait arriver, genre même aux meilleurs… mais que la borne électronique se chargerait de me fournir aussitôt un autre vélo. Hum. Du moins, c’est ce que je croyais. « Vous avez actuellement un vélib’ en circulation, rendez d’abord votre bicyclette avant d’en emprunter une nouvelle ». Mais je n’ai pas de vélib’ en circulation ! J’ai failli… ce n’est pas la même chose. Le public acquis à ma cause était prêt à témoigner mais avait aussi hâte de quitter cette porte de Versailles au plus tôt. Je décidai d’appeler le numéro de secours indiqué, 0.34 cts d’€ la minute et après un parcours interminable de «taper 1, taper 3, si … machin, taper 2, si machine taper 0. etc… » une dame pleine de compassion m’annonça qu’il lui fallait adresser un message au service technique avant que je ne puisse à nouveau emprunter un clou. En tout état de cause, ça ne se ferait plus aujourd’hui. Coup de massue véritable, je repartis hagard et indifférent au ballet des vélos autour de moi. A pied, donc, en attendant un miracle. La vue d’une nouvelle station me fit réagir. Et pourquoi ne pas me réabonner avec un autre code, un autre nom ? Après tout, pourquoi pas ? En même temps que je prononçais ces paroles je m’imaginais surveillé par le big brother du vélib’ qui avait dû enregistrer mon problème et qui risquait de se méfier. Je préférais donc appeler à nouveau mon serveur vélib’ à 34 cts la minute et vérifier la possibilité de louer un second vélo. Mes balbutiements, peut être, l’étrangeté de ma question sans doute aussi, il n’en fallait pas plus pour que mon interlocuteur s’interroge sur la réalité de ma démarche. Je lui expliquai alors ma déconvenue de la Porte de Versailles et de ce vélo resté bloqué indépendamment de ma volonté. Pour lui, ce n’était pas un souci. J’avais à retourner sur place et simplement à lui indiquer le numéro de code du vélo resté coincé. Il se ferait fort de me débloquer mon compte. Il m’offrit même la possibilité de le rappeler sur son propre portable et ainsi éviter le parcours du «taper 1, taper 3 (etc.) à 34 cts la minute. Que demande le peuple ? Un type nourri à l’idéal du service public et à l’aide humanitaire. Sauver son prochain. Il l’avait compris. J’étais celui là. De retour à ma station, j’essuyais une nouvelle désillusion. Je n’avais plus de crédit pour appeler le précieux numéro. Et bien entendu, le marchand de journaux du coin m’expliqua sèchement qu’il n’avait aucune carte, ni orange ni bleue. Pas envie de risquer sa peau pour zéro bénef’. « Va vous falloir voir ailleurs. » Comme c’était joliment dit. Je ne devais pas être le premier à lui demander une carte téléphone et de toute évidence, à part sa peau, il n’avait pas envie de sauver grand chose. Bien sûr, la boutique susceptible de proposer des recharges était sur le chemin déjà emprunté précédemment. Je n’étais plus à ça près. Comme une habitude des kilomètres superflus, en extra. Après ce nouvel aller retour, je pus enfin joindre mon sauveur. En quelques instants, mon samaritain réussit à débloquer la situation. La borne ne manifestait aucune restriction me concernant. Ma bonne foi avait été reconnue. J’étais à nouveau identifié comme un utilisateur honnête aux intentions simples et claires. Emprunter un vélib’. Mais c’était sans compter la vélocité d’un satané abonné qui venait de repartir avec le dernier vélo en état. Bah, je connaissais le chemin de la station suivante. Même de nuit. Car le soir avait fini par tomber. Je jetais des regards inquiets autour de moi. Rien ne semblait venir me contrarier. Des vélib’ en rangs d’oignons. Pas un chat, pas une tête d’abonné à portée de vue. Je pouvais indiquer fébrilement à la borne que je souhaitais le numéro 15. Il était là. Beau. Gris. Gonflé. A l’état brut quasi-sauvage. Je devais le dompter. Ne pas le brusquer. Avec une concentration et une précision extrême dans mes gestes, j’empoignais avec douceur le guidon de mon destroyer. Il ne manifesta aucune résistance. Je l’enfourchai aussitôt craignant une volte face de dernière minute. Non. Sa docilité était bien réelle. Mes coups de pédale lui convenaient. Je pouvais remonter Lecourbe, Sèvres et Rivoli. Direction Porte Dorée en bord de périph’. Le circuit loin d’être touristique n’empêchait pas le retour sur scène de mon humeur joyeuse. La descente de l’avenue Falguières offrait aux vélibistes une mini piste un poil étroite pour pédaler côte à côte. Une vraie file indienne serpentait à un rythme soutenu. Chacun en avait visiblement plein les bottes et ne tenait pas à prolonger outre mesure le plaisir de la ballade. La discipline du peloton allait voler en éclat à la vue de la station, la dernière, celle de l’arrivée. Le sprint était instinctivement engagé. Chacun vivait alors l’angoisse de la place libre et la crainte d’être le maillon faible du groupe. Un coup d’œil sur les forces en présence laissait augurer une arrivée musclée. Au coude à coude dans les derniers mètres, je grillais la politesse d’un jeune prétentieux. Effort inutile, il n’était pas sur un vélib’. J’avais oublié ce détail. C’est sans doute de cette surprise que profita un autre concurrent. Lui en vélib’ et à l’ambition clairement affichée. Il serait le premier à rendre son vélo. Mais, ni lui ni ses poursuivants ne trouveraient la moindre place. Je souris presque de notre déconvenue collective. La station de la porte dorée affichait complet. Remake du matin qui, en fait, ne prête guère à sourire. Falguières devait être remontée. Place aux grimpeurs. Je retrouvais mon style en danseuse énergique, cravate et écharpe au vent. A moi de glaner la première place. Je n’avais rien perdu de mes années vosgiennes. Jaune au classement, rouge par l’effort et vert par le dépit. Je changeais rapidement de couleur. L’avant dernière station n’avait guère plus de place libre. A voir les visages du peloton, je constatais que certains étaient visiblement pris par la panique du claustrophobe emprisonné dans un ascenseur. Comment se sortir de ce piège ? Il nous fallait rassurer et calmer les troupes. Après la vaine compétition, nous décidions d’unir nos forces et d’appeler le numéro d’aide à 34 cts la minute. Le message de l’opératrice était clair. La délivrance se trouvait Porte de Charenton. A 3 km de là. 20 places nous attendaient. La nouvelle n’en réjouit que très peu. Il fallait donc repartir. Pédaler encore. Puis revenir à pied. Pour en finir avec ce biathlon interminable. 20h20. Il était grand temps.

dimanche 28 janvier 2007

La fine équipe

Dossard 1298

Semi Marathon dimanche à Marrakech. Quelle idée ai je eu de me laisser entrainer ? Remarque, il valait mieux être entraîné... Mais bon. Vouloir courir ? Je ne comprenais pas l'engouement et l'excitation de mes camarades de course, et pas uniquement au départ. C'est vrai. Courir. Après quoi ? Après qui ? Ni balle, ni carotte en bout de course. Rien. Nada. Walou.
Bon. Il était dit qu'après le Toubkal, le prochain défi du quadra serait le (semi !) marathon avec toujours un même point de départ, Marrakech. Petite nuance, Jean-Claude régional de l'étape, goguenard habituel pour ce type d'aventure, ne s'est guère mouillé dans celle-ci. J'aurais du y voir un signe de sagesse qui aurait pu me laisser manger mes harengs pommes à l'huile, la veille. Mais que nenni, notre gourou de la course à pied avait édicté les règles, ses interdits, ses conditions. Pâtes, dormir, pâtes, dormir, pâtes. Un verre de vin rouge. UN. Gourou qui grimaça à la commande de carbonara du Bordes et du Bur les lardons et la crème, c'est vrai que c'était du lourd pour un dernier repas... Avant.
Bon, mais à ce détail diététique près, nous l'étions pour affronter le bitume de Marrakech. Les organisateurs semblaient s'activer aux derniers préparatifs du départ. Nous pouvions tranquillement regagner notre hôtel et disserter sur la tenue la plus adéquate pour ne pas trop transpirer, pour ne pas avoir chaud, pour ne pas prendre froid, pour rester léger et souple dans nos mouvements. Gourou Jean-Mi avait sa cotte de maille et son short flottant pour masquer les courbes du collant moulant. Martial le sage, en bon militaire, avait de toute façon prévu de braver n'importe quelle météo en gardant le minimum syndical. Le fougueux Philippe en sportif accompli enfilerait sa panoplie de super héros aérodynamique. Quant au 1298, entre le mal de gorge tenace, des crampes avant l'heure et un équipement à 2 balles, la question fut vite remisée aux oubliettes.
Nuit courte, nuit de course, comme si celle du jour ne suffisait pas. Au matin, le débat des mousquetaires reprit de plus belle autour du petit déjeuner. Trouver le bon dosage. Et puis toujours la recherche du bon vêtement. Les décisions de la veille ne tenaient plus debout pour certains. Peu importe. 8h10. L'heure tournait, il fallait se mettre en route.
Première déconvenue pour le 1298. L'échauffement ne se ferait pas pendant la course mais avant celle ci. "Rejoindre le départ en courant ?" Bon après tout, la place aperçue la veille n'était pas trop loin. Tout en râlant, en maugréant... j'allais effectuer ces quelques foulées qui selon mes acolytes seraient salvatrices au moment du départ. Comment et pourquoi courir avant un départ peut-il être plus avantageux pour un coureur qui cherche à s'économiser pour durer ? Il existe pourtant toujours un moment où l'on marche, où l'on est à l'arrêt avant de courir. Bon, même en traînant des pieds et des mains, j'avais fini par courir aussi. Courir dans l'ombre, pour du beurre. Je ne pensais pas si bien dire. Le départ n'était pas là où nous l'attendions. Horreur. Nous voilà en train de courir sans savoir où aller, à chercher en vain la ligne de départ. Courir pour aller courir. Faut-il être con. La maréchaussée présente à chaque carrefour se contenta de nous indiquer une vague direction... sourire aux lèvres. Tout droit, tout droit... Et au feu à droite. C'est bien ce qui m'inquiétait sur cette longue, longue avenue Mohamed VI ou V, je ne sais plus... J'avais beau avancer, scruter au loin, pas le moindre feu à l'horizon pour se dire que nous y étions, ou presque. Et bien sûr pas un centime en poche pour héler un taxi, pour appeler au secours et crier notre désespoir. Et quand enfin, après le fameux feu, quelques centaines de mètres supplémentaires (peut être km), un semblant d'animation, des boudins gonflés à l'hélium au bout du terrain vague étaient enfin en vue, la masse des coureurs avait déjà pris le départ. Circulez, il n'y a plus rien à voir. Bon... c'était donc parti... pour un grand tour dans l'inconnu. Rapidement, c'est à dire 50 m plus loin, je compris que mon rythme de course à l'échauffement (jamais été aussi bien échauffé) ne varierait guère contrairement à celui des copains qui donnaient l'impression de viser le podium en rattrapant au plus vite leur retard sur le peloton. J'étais clairement sur d'autres objectifs. Des milliers de personnes, des 4 coins du globe, étaient attendues pour participer à cette course. Pourtant à part quelques gamins au bord des routes et quelques traces (crachats) d'un passage récent de l'homo sapiens, rien n'indiquait qu'il s'agissait d'un rassemblement d'importance. Avec l'ambulance d'un côté, les pompiers de l'autre, j'avais cependant encore assez de lucidité pour comprendre que c'était moi qui fermais la marche... Pas de doute, la passion de saint Mathieu dans les oreilles allait accompagner mon chemin de croix. Premier pied de nez, dans cette course de solitaire, le passage après 20 minutes (sans compter les 25 minutes de soit disant échauffement) devant notre hôtel... Toutes ces foulées pour revenir au point de départ... Difficile de ne pas imaginer qu'il eut été plus simple de les attendre là, pour mieux emboîter le pas des coureurs. C'était sans compter notre puce électronique qui avait enregistré notre passage. Du moins je l'espérais. Si en plus le chrono n'avait pas fonctionné... Je poursuivais avec mes compagnons de route motorisés, pour tenter de rattraper au moins un premier coureur... Fuir cette voiture balai et surtout éviter le concert de Klaxons d'automobilistes furibards bloqués aux croisements du fait de la course. J'avais beau les saluer timidement en passant, comme un semblant d'excuse pour atténuer leur infortune, leur patience semblait avoir atteint ses limites. Les premiers coureurs que je rejoignais enfin justifiaient aisément le fait d'être derniers. Défavorisés par la nature mais déterminés à relever le défi de cette épreuve, ces coureurs affichaient tous un profil différent du mien. Du moins j'essayais de me convaincre. Je ne pouvais en tout cas me résoudre à appartenir à cette nouvelle communauté de coureurs. Obèses ou simplement gros, mères de famille en Djellaba, grands pères d'un autre âge... tous trottinaient, dodelinaient, transpiraient... Les dépasser à l'entrée des jardins d'oliviers de la Menara était un jeu d'enfant. Arrivé au Km 5, premier pointage et point de ravitaillement, la route n'était plus que désolation. Des milliers de bouteilles explosées au sol sur des dizaines de mètres témoignaient là plus du passage des Huns que de celui de sportifs du dimanche. Les attardés, retardataires que nous étions avec ma bande de bras cassés, n'auraient pas une goutte. Coup de bambou. Le chrono affichait en plus un temps médiocre, loin de mes "références" habituelles. Il fallait accélérer... allonger la foulée et dépasser encore, encore... un maximum de bipèdes pour revenir dans cette course à handicaps. Le retour dans les rues de la ville me permettait de profiter des encouragements des habitants sortis saluer l'événement du jour. Les enfants, les plus nombreux se montraient particulièrement enthousiastes à taper la main des coureurs qui leur passaient sous le nez. Plus le moment de perdre de temps, je me concentrais sur mes efforts et restais à l’affût du moindre signe de douleur qui risquerait de me contrarier dans ce footing longue durée. L'heure de course, et le panneau du 10 Km bizarrement venaient m'apporter un semblant d'euphorie. Tout allait bien, je buvais de l'eau, enfin, au ravitaillement, et surtout il me restait des forces pour entamer la deuxième moitié du parcours. La solitude des premiers Km n'était plus qu'un vilain souvenir, la ville gardait le mode pause pour ses véhicules et se découvrait de nouvelles artères classées en zone piétonne. Oui l’émulation collective peut être un excellent ressort. Chacun regardait devant soi, courait, chacun à son rythme, chacun avançait, là était l’essentiel et peu importe que les premiers aient déjà terminé leur semi. Vivats de foule, cris de femmes, épouses ou concubines, sans doute récemment mariées pour être aussi enthousiastes, qui agitaient là, fanions, cloches et autres banderoles à la gloire de leurs favoris, époux ou conjoints, héros d‘un jour. Les flashs crépitaient pour immortaliser les joues rougies et la mine ébahie de l’être bien aimé. Pour ma part, les panneaux du 12,5 puis assez rapidement du Km 17,5 suffisaient à mon bonheur pour me galvaniser davantage et lâcher ce que j’avais encore sous mes semelles. Les dernières réserves, les derniers abricots secs, les dernières forces… peu importe. Il fallait tout lâcher. L’arrivée n’avait jamais été si proche. C’est ce que je pensais. Jusqu’à cette bifurcation, près de 20 minutes plus tard, où l’on invitait les marathoniens à prendre à droite et les autres à gauche… Pour les trois derniers kilomètres. Coup de massue cette fois, terrible. Je crus chanceler. Le précédent panneau du 17,5 s’adressait en réalité aux marathoniens seuls…. Rien de plus pour m’achever, me saper le moral et traîner la jambe, les deux... sur ces derniers mètres. Des mètres qui étaient des kilomètres. Dans cette ambiance infernale, les informations contradictoires circulaient plus facilement, que les coureurs. Je pestais intérieurement contre les organisateurs, contre … contre la Terre entière. Le Kilomètre 20 ne pouvait être qu’un calvaire, en harmonie avec JS. Bach, complice austère et discret qui me convenait assez bien pour me guider dans ces derniers instants vers la délivrance. Les boudins au bout de l’avenue, symboles d’une arrivée tant attendue illuminaient mon regard acidifié par la sueur. Tout serait bientôt fini. Je n’osais y croire. Les marathoniens qui arrivaient aussi sur ce final avec un temps identique pour deux fois plus de bornes, se payaient le luxe du sprint à grandes enjambées. Incroyable. Frêles kenyans, athlètes marocains… on était loin du gabarit de mon groupe poids lourd 2 heures plus tôt. Derrière les rambardes, mon trio arrivé une demi-heure plus tôt, avait patiemment attendu et me réservait la plus belle des ovations. Je ne sentais plus rien. Je savais que j’avais franchi la ligne, reçu un peu d’eau, des fruits et une médaille, mais mon corps, ma tête n’étaient plus qu’une enveloppe d’un vide absolu. 2h18mn. Mission accomplie. Mais pas de temps pour refaire la course et les calculs. Le train de 13h devait nous ramener au bercail. Retour express en taxi à l’hôtel… pour une dernière douche… froide. Bien réelle celle ci aussi. Pas de chauffe-eau opérationnel…. Pas d’eau chaude pour nos muscles endoloris. Calice jusqu’à la lie. Nos épouses fières des mâles de maris, pendant ce temps, n’avaient guère chômé. Les bagages avaient doublé de poids et de volume. Histoire de varier la manière de rapporter des souvenirs de Marrakech…