Books by Aurore Peyroles
Villes en guerre au XIXe siècle , 2021
Pourquoi voudriez-vous que Dieu eût épargné Weybridge ?… Il n'est pas agent d'assurances » : dans... more Pourquoi voudriez-vous que Dieu eût épargné Weybridge ?… Il n'est pas agent d'assurances » : dans La Guerre des mondes, un des premiers romans de science-fiction publié en 1898, Wells envisage l'annihilation de villes entières, petites et grandes. Weybridge est en effet réduit à un champ de ruine, de même que Londres. « Les villes, les nations, la civilisation, le progrès-tout ça, c'est fini. La farce est jouée. Nous sommes battus », constate l'un des personnages. Ce qui a été imaginé par un romancier du xix e siècle ne sera réalisé qu'au cours du siècle suivant, lorsque les techniques militaires, rattrapant la macabre efficacité du « rayon ardent » imaginé par le romancier britannique, permettront l'éradication totale de centres urbains. La ville n'a pourtant jamais été tenue à l'écart des conflits. Le jeu des prépositions dessine l'éventail des relations possibles entre les deux termes : la guerre contre la ville (la ville assiégée), la guerre dans la ville (la ville assaillie, la ville insurgée), la guerre à la ville (la ville bombardée, la ville otage) 1. L'éventualité de la guerre a d'ailleurs longtemps décidé de la physionomie même des villes, l'horizon défensif façonnant les projets urbains 2 .
« Engagement littéraire » : afin de cerner ce que recèle cette expression qui n'a pas toujours bo... more « Engagement littéraire » : afin de cerner ce que recèle cette expression qui n'a pas toujours bonne presse, cet ouvrage se propose de plonger dans le laboratoire du roman engagé des années 1930 tel qu'il s'écrit alors en France, en Allemagne et aux États-Unis. Réponse en acte à une situation jugée insupportable, ce roman se donne des ambitions et façonne des stratégies qui en font un passionnant et aventureux terrain d'expérimentation, indissociablement littéraire et politique. Reconfiguration du regard porté sur le monde réel, reconfiguration de la langue nationale et de l'entreprise narrative, reconfigu-ration d'un espace littéraire politique intrinsèquement démocratique : et si le roman engagé des années 1930 avait des choses à nous dire ?
Comptes rendus 368 Revue de Littérature comparée 3-2017 merger par la sensation d'incommensurable... more Comptes rendus 368 Revue de Littérature comparée 3-2017 merger par la sensation d'incommensurable. Ce faisant, il contribue à rendre très concrètes certaines notions familières forgées par les théories de la lecture : celles de « répertoire » (Iser) ou d'« encyclopédie » (Eco) que la lecture écrite (la traduction) permet de comprendre « livre fantôme » (celui que chaque lecteur s'invente selon Pierre Bayard) en mains ; celles de « lectant », « lisant » et « lu » (Jouve), la lecture de traduction favorisant l'instance lectrice consciente (le « lectant ») mais n'en exposant pas moins les affects du sujet « lisant » voire l'inconscient du sujet « lu ». Un ajout de couleur, qui n'a pas échappé au regard attentif de Mathieu Dosse, paraît emblématique du savoir propre à la lecture de traductions : les jambes du pauvre Pnine de Nabokov ont été recouvertes de « flanelle grise » en français, alors qu'elles n'étaient que « flannelled » dans l'original ; ce détail d'une audition colorée dictée peut-être par la réminiscence des dons de l'auteur traduit (synesthète fameux) ou indice d'un automatisme propre au traducteur, éclaire à sa manière singulière les processus complexes de coopération qui régissent l'acte de lecture et invite à penser à nouveaux frais la question de « l'écart » qui fait l'écrivain, mais aussi le lecteur.
Compte rendu sur fabula.org
Papers by Aurore Peyroles
Fabula / Les colloques, 2024
Si plusieurs romanciers envisagent de « délocaliser » leurs intrigues vers la banlieue au début... more Si plusieurs romanciers envisagent de « délocaliser » leurs intrigues vers la banlieue au début du XXe siècle, c’est entre autres pour partir à la rencontre d’une certaine population, de ce nouveau prolétariat en train d’émerger en même temps que cet espace marqué par l’indétermination géographique et urbaine mais aussi par une grande misère sociale. Alors que l’escapade en banlieue verte n’accordait presque aucune attention aux habitant·es locaux, l’incursion dans la banlieue industrielle s’attarde sur ceux qui sont contraints d’y habiter et d’y travailler dans un exil non choisi. En ancrant leurs intrigues en banlieue, ces écrivains substituent à la masse indistincte des miséreux des visages singuliers, incarnations de destinées sur lesquelles pèse tout le poids de la relégation sociale. En faisant des invisibles des objets de récits, ils donnent corps au peuple.
The Political Uses of Literature, 2024
Études littéraires, 2022
Symbole de « l’avènement des loisirs » (Corbin), la partie de campagne fait figure de nouveau rit... more Symbole de « l’avènement des loisirs » (Corbin), la partie de campagne fait figure de nouveau rituel au xixe siècle, dont nombre de romanciers s’emparent. La banlieue verte devient ainsi le décor où se déverse une foule particulière : foule urbaine où se mêlent ouvriers, prostituées, bourgeois en quête de délassement, mais foule du dimanche, qui entend bien rompre avec les contraintes sociales de la semaine. Cet article se propose d’étudier cette foule, éminemment parisienne alors même qu’elle échappe à la capitale. En insistant sur le nombre et la densité de la foule qui envahit chaque dimanche les communes limitrophes de Paris, Zola, Maupassant, les Goncourt soulignent l’inadéquation entre l’idéal attaché à la nature, au plein air revigorant et régénérateur, et la réalité vécue, c’est-à-dire l’impossibilité d’échapper à la foule, la proximité subie, l’herbe souillée, l’air irrespirable des auberges et les mauvaises fritures. La banlieue verte se transforme ainsi sous la plume des romanciers en caricature de cadre bucolique, illusion de nature réduite aux dimensions d’un sentier balisé ou d’une bruyante guinguette. Le cadre autrefois idyllique, propice aux rêveries et aux amours champêtres, devient celui d’une explosion de vulgarité conformiste où se concentre toute la bêtise abhorrée par les grands romanciers du siècle.
Arts et savoirs, 2021
Cette contribution examine la représentation romanesque des corps citadins goûtant soudain aux jo... more Cette contribution examine la représentation romanesque des corps citadins goûtant soudain aux joies de se mouvoir plus librement lors des parties de campagne dominicales. Sortir de la ville semble en effet propice à l’affranchissement (momentané) des normes assujettissant les corps et les caresses. Si l’ordre social n’est jamais sérieusement menacé, la parenthèse de liberté se refermant bien vite, l’effroi n’est jamais loin : la plupart des romanciers livrent des descriptions féroces de ces corps libérés des rigidités sociales et vestimentaires, agglomérés au sein d’une foule vulgaire et bruyante. Toujours suspect de régression, voire de bestialité, le corps affranchi des normes n’est pas, à leurs yeux, toujours désirable.
Roman 20-50, 2021
Dstcdr qdtmhdr o'q @kdwhr Ateeds ds Id'm,Ktb L'qshmds @kdwhr Ateeds ds Id'm,Ktb L'qshmds @u'ms,oq... more Dstcdr qdtmhdr o'q @kdwhr Ateeds ds Id'm,Ktb L'qshmds @kdwhr Ateeds ds Id'm,Ktb L'qshmds @u'ms,oqnonr 4 L'qshmd Anxdq,Vdhml'mm " Tm gnlld+ nt ¿ drs,bd ptd ã' bnlldmbd+ nt ¿ drs,bd ptd ã' ehmhs > " 9 u'qh'shnmr ahnehbshnmmdkkdr onymdqhdmmdr 8 Gdkd ¿md A'sx,Cdk'k'mcd @t khdt ct qdbhs 9 kd lnms'fd c&'qbghudr c'mr Snkrsnae drs lnqs 12
Revue des Sciences humaines, 2020
Figurations épiques et contre-épiques de la Grande Guerre, 2019
Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur Louis Aragon et Elsa Triolet
"Le Monde réel" et "Les Beaux Quartiers" en particulier fourmillent de personnages pas même secon... more "Le Monde réel" et "Les Beaux Quartiers" en particulier fourmillent de personnages pas même secondaires, silhouettes fugitivement croisées par les protagonistes qui jouent le même rôle que ceux que l’on nomme au cinéma les figurants. Dessinant une toile de fond évoquant la société dans laquelle évoluent les personnages principaux, ils sont l’un des gages du réalisme romanesque. Leur présence, parfois vertigineuse, assume pourtant une autre fonction, à la fois romanesque et politique. C’est ce que cet article se propose de montrer à travers l’exemple de la lettre déchirée par une passante anonyme qu’Edmond Barbentane s’amuse à reconstituer et qu’Aragon écrit avoir réellement trouvée par hasard. Cette lettre devient alors le symbole d’un roman qui s’ouvre à tous les vents, prêt à bifurquer pour suivre une silhouette à peine entraperçue, mais aussi du surgissement du peuple sur la scène romanesque : ce sont les figurants, ces « autres » que l’on ne fait que croiser, qui incarnent cette entité presque insaisissable, transfigurant le roman en une scène elle aussi ouverte à tous, celle de l’espace démocratique par excellence.
Dieser Essay schlägt vor, durch drei von Manet, Maupassant und Rousseau inszenierte »déjeuners s... more Dieser Essay schlägt vor, durch drei von Manet, Maupassant und Rousseau inszenierte »déjeuners sur l'herbe« die winzigen, leichten und flüchtigen Revolutionen zu untersuchen, die das Picknick hervorruft. Da es sich vom alltäglichen Tisch losmacht, erlaubt das Picknick ein Laisser-aller, das die Regeln des Anstands durchbricht. Es eröffnet ein von Spontaneität und Freiheit geprägtes Intermezzo, das die allgemein gültigen Normen umwälzt. Die Analyse dieser drei Beispiele ist als eine diskrete Würdigung einer Freizeitbeschäftigung konzipiert, die das 19. Jahrhundert tief geprägt hat und die es geschafft hat, einen gesellschaftlichen und politischen Horizont anzudeuten, der sich durch Bewegungsfreiheit und Gleichheit auszeichnet.
Le roman engagé des années 1930 ne cesse de mettre en scène l’arsenal narratif dont disposent les... more Le roman engagé des années 1930 ne cesse de mettre en scène l’arsenal narratif dont disposent les tenants du pouvoir établi qu’il s’est donné pour tâche de dénoncer : histoires mensongères et simplistes forgeant un storytelling officiel destiné à faire peur et à susciter une adhésion sans faille aux régimes en place. Illustrant ainsi le possible détournement de ses propres pouvoirs, ce roman fait du réinvestissement et de la redéfinition de l’acte narratif une nécessité politique : il est urgent de se lancer dans la lutte des récits. La mise au ban des récits dominants s’accompagne ainsi d’une refondation de la fiction, détachée du mensonge, de l’évasion et de l’adhésion immédiate. La lutte politique trouve dans l’écriture romanesque un terrain, mais aussi un enjeu de première importance : il s’agit toujours de raconter des histoires, mais les bonnes.
Cet article se propose d’examiner, à travers deux cycles romanesques français et allemand, la ver... more Cet article se propose d’examiner, à travers deux cycles romanesques français et allemand, la version livrée par la littérature engagée des années 1930 du passage d’une guerre à l’autre. Écrits à la veille ou au début de la Seconde Guerre mondiale, Le Monde réel d’Aragon et Novembre 1918 de Döblin ont recours à la Première pour tenter de comprendre une situation à nouveau lourde de menaces. En remontant à ce qui fait encore figure de « dernière catastrophe », les romanciers font du premier conflit mondial moins une matrice qu’un modèle exemplaire permettant d’observer et de comprendre les funestes mécanismes tout prêts à se déployer à nouveau. Invitant à transposer les analyses menées du temps passé au temps présent, l’histoire telle qu’elle s’écrit dans ces romans, volontairement définie en opposition avec les historiographies officielles, se fait militante : comme le souhaitait Walter Benjamin, elle « brosse à contresens le poil trop luisant de l’histoire ». Le récit littéraire d’une guerre à l’autre ne peut-il dès lors faire figure de modèle historiographique, résolument critique ?
Si, selon Marie-Ève Thérenty, « les oeuvres-mondes paraissent destinées à devenir soit des "bible... more Si, selon Marie-Ève Thérenty, « les oeuvres-mondes paraissent destinées à devenir soit des "bibles" de notre culture soit des espaces désertés dont la longueur et l'ambition mêmes finissent par en interdire l'accès 1 », il est certain que Les Communistes, dernier volume du cycle aragonien du Monde réel, ont connu le sort le moins enviable des deux destinées ouvertes aux romans-fleuves 2 . Longue de quelque 2000 pages, interrompue avant le terme que lui avait rêvé son auteur, délaissée avant d'être largement réécrite, incomprise de ses premiers lecteurs, et guère lue après eux, cette vaste fresque de la France de la drôle de guerre a vite été déclarée illisible, réduite à une ultime concession de la part d'un romancier dont le talent ne s'accordait guère au réalisme socialiste militant prôné par son parti. C'est à travers le roman-fleuve, vaste îlot parmi le fleuve aragonien du Monde réel, que nous voudrions examiner la forme singulière de l'engagement littéraire qu'est l'engagement romanesque, dont le roman au long cours nous a semblé être un observatoire de choix, dans la mesure où il exacerbe tous les traits du genre, rendant ainsi particulièrement manifestes stratégies et effets. Avec Les Communistes, il ne s'agit pas seulement pour Aragon de concilier, en 1949-1951, l'écriture-fleuve et l'engagement politique, mais bien de faire de la première le lieu par excellence du second, ou plus exactement d'en faire le lieu d'un engagement particulier, intrinsèquement lié à l'expérience romanesque. Comment l'excès, qui caractérise ce roman renonçant volontairement aux barrages et aux balisages, peut-il porter le geste de l'engagement, et quelle forme d'engagement façonne-t-il en retour ?
Ce qui frappe, à la lecture de la trilogie U.S.A. de Dos Passos et des Communistes d’Aragon, c’es... more Ce qui frappe, à la lecture de la trilogie U.S.A. de Dos Passos et des Communistes d’Aragon, c’est leur pouvoir de persuasion. Ce qui frappe, à leur étude, c’est l’absence, voire le refus d’un discours explicitement militant. Comment tenir un discours engagé sur le monde réel, comment convaincre le lecteur de vues jugées effectivement plus valables que d’autres, au sein de romans qui ne veulent pas suivre le modèle de leurs homologues à thèse ? La réponse que déploient ces deux œuvres est la même : il faut faire œuvre de littérature et non de propagande. Le renoncement aux ficelles militantes habituelles apparaît comme une nécessité pragmatique au sein d’une stratégie de la conviction. Reste à en démêler les techniques, à en dévoiler l’envers.
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Ce roman de 1966 rompt dès lors, et de façon définitive, avec la théorie qu’Aragon avait prétendu appliquer dans ses œuvres précédentes, le réalisme socialiste. Il substitue à cet exercice de transposition d’un dogme défini a priori l’écriture tâtonnante d’une théorie elle-même en cours d’élaboration, de définition et d’interrogation. L’écriture narrative de la théorie linguistique redéfinit ainsi l’écriture romanesque. Par le collage, l’intertextualité affichée (en particulier avec Flaubert et Hölderlin), les marques de l’énonciation et d’incessantes irruptions d’auteur, on voit Aragon compliquer à plaisir l’esthétique précédente : la narration s’est obscurcie, en même temps que la croyance en un avenir communiste. Le roman n’est plus seulement, ni plus principalement, l’instrument d’une connaissance critique du monde réel, il est aussi « machine à transformer au niveau du langage la conscience humaine ». Il n’en est donc pas moins politique : l’étude accusatrice de l’infrastructure économique et sociale a simplement laissé la place à celle de la superstructure langagière – et littéraire.
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