Fallait-il limiter le nombre de mandats présidentiels ?
Richard Ferrand (Renaissance) a affiché les 18 et 19 juin son opposition à la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux consécutifs. Adoptée afin de renouveler la vie politique, cette limitation, qui interdit à Emmanuel Macron de se représenter en 2027, soulève plusieurs questions.
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Dans les colonnes du Figaro le 18 juin puis au micro de Sud Radio le lendemain, Richard Ferrand (Renaissance), ancien président de l’Assemblée nationale, proche d’Emmanuel Macron, a déclaré être « à titre personnel » opposé à toute limitation du cumul des mandats présidentiels dans le temps.
De fait, l’actuel président de la République, ayant été élu en 2017 et réélu en 2022, ne pourra pas, selon la Constitution, se représenter en 2027. Au-delà du cas personnel d’Emmanuel Macron, quels sont les arguments pour ou contre cette limitation ?
Renouveler la présidence de la République
« Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » de président de la République, dispose le deuxième alinéa de l’article 6 de la Constitution. Cette interdiction a été introduite par la révision constitutionnelle de 2008. « Rares furent ceux, en 2008, qui prirent position contre la limitation à deux mandats consécutifs, raconte Marc Guillaume, auteur d’une nouvelle édition de l’ouvrage de Guy Carcassonne sur La Constitution (Seuil). Elle fut donc introduite sans véritable débat. »
Deux motivations avaient présidé à cette révision constitutionnelle. Le premier, couché dans l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, c’était de « favoriser le renouvellement de la vie politique ». Le second, privilégié par le président de la République Nicolas Sarkozy dans un discours à Épinal (Vosges), le 12 juillet 2007, c’était que « l’énergie que l’on met à chercher à se maintenir au pouvoir, on ne la met pas à agir ». Insistant, en allusion à son prédécesseur Jacques Chirac : « Moi, j’ai été élu pour agir, pas pour durer. »
Un dernier mandat de « demi-président » ?
Une première critique a été formulée par Richard Ferrand. « Je regrette tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire », a tranché dans Le Figaro ce proche d’Emmanuel Macron. Cet argument était déjà présent lors des débats parlementaires de 2008 dans la bouche de l’ancien député gaulliste Jacques Myard : « Je considère que ce n’est pas à la Constitution de décider si un président de la République peut faire un, deux ou trois mandats. C’est au peuple. »
Jacques Myard avait parallèlement développé une autre idée. « Il n’y a rien de pire que de fixer un terme de manière aussi brutale, avait affirmé le maire de Maisons-Laffitte depuis… 1989. Quand on sait que le président de la République n’en a plus que pour quelques mois, on n’a plus affaire qu’à un demi-président. »
Le nouvel auteur de l’ouvrage de référence sur la Constitution, Marc Guillaume, ne dit pas autre chose. « Rien n’est plus illusoire que de croire que le président en fin de second mandat, libéré de tout enjeu personnel, pourrait alors prendre des mesures courageuses, analyse cet ancien secrétaire général du gouvernement. C’est une vue de l’esprit car il n’aurait plus l’autorité de les imposer, et notamment pas à ses propres amis, et il est plus probable, lorsque la situation se présentera, qu’on le découvre alors privé de l’essentiel de son influence, à l’instar de ses homologues américains dans les deux dernières années de leur second mandat. »
Le cas Roosevelt
Enfin, Marc Guillaume avance un dernier argument. Si à un moment, il n’y a qu’un seul homme (ou une seule femme) de la situation, « pourquoi diable empêcher qu’on l’élise ? interroge-t-il. Qu’eût été l’histoire du monde si Roosevelt, qui avait déjà accompli deux mandats, avait été inéligible en 1940 ? », c’est-à-dire au seuil de la Seconde Guerre mondiale où il joua un rôle clé.
C’est d’ailleurs après les quatre mandats successifs de Franklin D. Roosevelt, de 1933 à 1945 (le quatrième inachevé en raison de son décès), que les États-Unis ont amendé, en 1951, leur Constitution : « Nul ne pourra être élu à la présidence plus de deux fois. » Une formulation encore plus stricte que la nôtre : si Emmanuel Macron ne peut pas se représenter en 2027, il le pourrait en 2032.
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