Archives de sciences sociales des religions
176 | octobre-décembre 2016
Bulletin Bibliographique
Valentine Zuber, Le culte des droits de l’homme
Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », 2014,
416 p.
Guénolé Labéy-Guimard
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/assr/28371
DOI : 10.4000/assr.28371
ISSN : 1777-5825
Éditeur
Éditions de l’EHESS
Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 2016
Pagination : 408
ISSN : 0335-5985
Référence électronique
Guénolé Labéy-Guimard, « Valentine Zuber, Le culte des droits de l’homme », Archives de sciences
sociales des religions [En ligne], 176 | octobre-décembre 2016, mis en ligne le 20 juillet 2017, consulté le
23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/assr/28371 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
assr.28371
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© Archives de sciences sociales des religions
Valentine Zuber, Le culte des droits de l’homme
Valentine Zuber, Le culte des droits
de l’homme
Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », 2014,
416 p.
Guénolé Labéy-Guimard
RÉFÉRENCE
Valentine Zuber, Le culte des droits de l’homme, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque
des Sciences humaines », 2014, 416 p.
1
Symbole de la Révolution française de 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen (DDHC) forme le pivot d’un nouvel ordre social. L’historienne Valentine Zuber
explore dans son ouvrage les fondements, les formes et la postérité de cette déclaration
qui constitue le « texte patrimonial sacré » de notre société selon l’auteur.
2
Dans une première partie, l’ouvrage retrace l’historique et la réception de la DDHC.
Entre juillet et août 1789 eut lieu à l’Assemblée un débat afin de choisir une version
commune du texte. Une commission fut établie afin d’étudier les différentes
propositions. Loin de l’idée d’une proclamation transcendante et stable dans le temps,
le texte connut par la suite plusieurs modifications, d’abord durant la période
révolutionnaire, puis il fut remanié par Napoléon Bonaparte ainsi que par Louis XVIII le
4 juin 1814. Par ailleurs, l’auteur étudie les critiques adressées à ce texte dès le début de
sa promulgation. Elle distingue quatre types de critiques : la critique réactionnaire
(Edmund Burke et Joseph de Maistre) considérant ce texte comme une abstraction sans
lien avec les humains concrets porteurs d’identités ; la critique conservatrice ; la
critique sociale (Karl Marx et Pierre Kropotkine) considérant la Déclaration comme un
texte bourgeois qui sacralise la propriété privée et atomise les individus, empêchant
l’émancipation des classes prolétaires ; la quatrième et ultime critique vise à étudier ce
texte comme un objet de recherche pour les sciences sociales (Émile Durkheim, Thomas
Ferneuil).
Archives de sciences sociales des religions, 176 | octobre-décembre 2016
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Valentine Zuber, Le culte des droits de l’homme
3
La seconde partie du livre s’attache à analyser la portée politique de la Déclaration. En
effet, celle-ci constitue le socle de l’identité républicaine française. Zuber dévoile alors
le remplacement du catholicisme par une nouvelle idéologie humaniste. Il s’agit d’une
véritable religion civile qui s’instaure et qui aboutit à la laïcisation de tous les actes de
la vie sociale (mariage, enterrements et même des baptêmes républicains célébrés au
cours de la Révolution française). Par la suite, la circulaire du 14 février 1946 ordonna
un affichage généralisé de la Déclaration dans tous les lieux publics et dans toutes les
écoles (publiques et privées). Circulaire qui fut renforcée récemment par la loi du
8 juillet 2013 où la Déclaration doit apparaître de manière visible dans tous les
établissements d’enseignement. Soulignant l’importance politique de ce texte, l’auteur
revient sur les commémorations du bicentenaire de la Révolution française en 1989,
dont une sculpture sur le Champ-de-Mars vient depuis marquer la mémoire de la
Déclaration en plaçant celle-ci, littéralement, sur un promontoire. Afin de nous
présenter un autre volet essentiel, l’enseignement de ce texte à l’ensemble des citoyens,
Zuber nous offre un historique très documenté de la manière dont il fut diffusé. Le
31 mars 1796, la Convention lance un concours pour des manuels de « morale
républicaine » (vertus civiques, devoirs et droits du citoyen). Durant la III e République
apparaît un « catéchisme républicain » qui vient concurrencer celui de l’Église
catholique. Actuellement, les notions relatives à ce texte sont abordées lors des cours
d’instruction civique. Zuber conclut cette seconde partie en abordant
l’internationalisation de la Déclaration lors de la création de l’ONU le 10 décembre
1948. Ce texte fut accepté par cinquante pays. En 2013, tous les États membres ont au
moins ratifié un des neuf traités de l’ONU relatifs aux droits de l’homme. Néanmoins, il
existe toujours des critiques, au rang desquelles celles d’Alain de Benoist et de Régis
Debray qui assimilent les droits de l’homme à une religion civile. Religion dont toute
critique serait alors vue comme blasphématoire, comme autrefois le fait de douter de
l’existence de Dieu. En outre se pose le problème de la volonté parfois affichée de
« convertir » certains pays à ces principes universels par la force ou l’aide humanitaire.
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En conclusion, Zuber confirme que ce texte a fondé la « dernière utopie moderne » et
forme en France le principe juridique effectif de la Ire à la Ve République.
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L’apport de cet ouvrage est double. D’un côté, l’auteur nous apporte un éclairage
historique détaillé qui permet de comprendre les différents enjeux autour de ce
fondement de la République française. D’un autre côté, en replaçant dans leur contexte
historique l’apparition et l’évolution de la Déclaration, l’auteur montre tout son rôle
comme cœur d’une : « religion civile » et « credo républicain » ; comme le souligne le
titre même de l’ouvrage, un « culte » des Droits Humains s’instaure progressivement.
Une invitation à penser le fonctionnement du religieux en modernité, son lien avec
l’humanisme, dans la lignée des premières analyses d’Émile Durkheim, s’offre au
lecteur. Et il trouvera dans l’ouvrage Le culte des droits de l’homme une ressource précise
et fertile de données historiques sur ce thème qui, plus de deux siècles après la
Révolution française, est encore dans l’actualité de la société française contemporaine.
Archives de sciences sociales des religions, 176 | octobre-décembre 2016
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