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Compte rendu

2022, Antiquité Classique

Raux S. (dir.) 2022 : Les modes de transport dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Mobiliers d’équipement et d’entretien des véhicules terrestres, fluviaux et maritimes. Actes des Rencontres internationales Instrumentum. Arles (FR, Bouches-du-Rhône). Les 14-16 juin 2017, Musée départemental Arles antique, Monographies Instrumentum 70, Drémil-Lafage.

424 COMPTES RENDUS – RECENSIES – BOOK REVIEWS D. Billoin ; C. Cribbelier). Leur installation est sans doute liée à la disparition du pouvoir romain. L’habitat au sein des agglomérations reste difficile à caractériser pour les Ve-VIe s. en raison de constructions en terre et en bois (Bliesbruck, S. Antonelli & J.-P. Petit ; Chilleurs-aux-Bois, L. Fournier & T. Guillemard). Pour certaines villes, leur étendue est connue grâce à la seule présence de nécropoles tardo-antiques et mérovingiennes (Melun, C. Besson, D. Laneluc & O. Puaux). Il faut souligner la persistance de la plupart des chefs-lieux sous une forme ou une autre, avec toutefois un déclassement et donc une promotion de certains centres par transfert ou résultants du découpage ou amputation de territoires, particulièrement à proximité des frontières. Des exceptions subsistent bien évidemment, pensons à Tongres complètement abandonnée au Ve s. (R. Brulet) pour laisser place à Maastricht, puis Liège. La plupart des sièges de pouvoir survivent cependant à côté de nouvelles occupations, mais le maillage urbain est éclairci par une désertification de sites secondaires. Les cartes de la Lyonnaise Troisième (M. Monteil) ou du Centre-Est (P. Nouvel & S. Venault, Fig. 2, p. 69) illustrent bien ce constat et suggèrent une baisse de la densité de population. Les processus d’abandon et de maintien trouvent leurs explications dans des raisons bien diverses, renvoyant une fois de plus une image complexe : présence de routes stratégiques, bassins économiques, nécessité de garder des centres de proximité, etc. Il s’agit bien de « dynamiques », car cette période jugée désorganisée peut être considérée comme un moment de restructuration du territoire, avec la création de fortifications de hauteur, d’agglomérations à l’origine de certains bourgs médiévaux, mais aussi avec l’implantation de monastères et de protovillages ou habitats ruraux, potentiellement par des apports migratoires (R. Brulet pour les Bataves et Tongres). Là où pour la plupart des régions la désertification ou le rétrécissement est palpable, la vallée de la Meuse ou la Lyonnaise I font exception. Les quatre portus Maastricht, Huy, Namur et Dinant feront partie d’un maillage innovant de réseaux hydrographiques (R. Brulet), connaissant un essor particulier bien au-delà du IVe s. Ce réseau possède d’ailleurs son pendant dans le mouvement des centres vers les fleuves, parfois seulement de quelques kilomètres, pensons à Briga déplacé à Eu (E. Mantel & S. Dubois) ou Valenciennes qui remplacera Famars (R. Clotuche et al.). Nous pouvons conclure que la diversité des articles, synthèses régionales accompagnées de cartes et de tableaux utiles associées à des études de cas richement illustrées, constitue la force de ce volume de la collection Gallia, qui demeure, avec la récente publication de Didier Bayard & Jean-Pascal Fourdrin (Ed.), Villes et fortifications de l’Antiquité tardive dans le nord de la Gaule, Villeneuve-d’Ascq, 2019 (cf. AC 90, 2021, p. 369-371), une lecture obligatoire pour quiconque s’intéresse au sujet des transformations de l’Antiquité tardive. Sonja WILLEMS Stéphanie RAUX (Dir.), Les modes de transport dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Mobiliers d’équipement et d’entretien des véhicules terrestres, fluviaux et maritimes. Actes des Rencontres internationales Instrumentum. Arles (FR, Bouches-du-Rhône). Les 14-16 juin 2017, Musée départemental Arles antique. Drémil-Lafage, Éditions Mergoil, 2021. 1 vol. broché, 29,8 x 20,9 cm, 426 p., ill. coul. (MONOGRAPHIES INSTRUMENTUM, 70). Prix : 65 €. ISBN 978-2-35518-112-2. L’Antiquité Classique 91 (2022) COMPTES RENDUS – RECENSIES – BOOK REVIEWS 425 Ce titre réunit, sous la direction de Stéphanie Raux, les actes d’un colloque tenu à Arles en 2017, consacré aux modes de transport de l’Antiquité au Moyen Âge et aux mobiliers d’équipement et d’entretien des véhicules terrestres, fluviaux et maritimes. L’ouvrage s’ouvre par une brève préface qui relie le présent au passé en soulignant l’éternelle quête créatrice de l’homme pour se déplacer le mieux et le plus rapidement possible (Claude Sintes). Puis vient l’introduction, rédigée par le comité scientifique, qui expose et motive le sujet de travail et qui fait le point sur l’état actuel de la recherche jusqu’en 2020. Le corps de l’ouvrage est divisé en deux parties : la première, regroupant 14 contributions, correspond au premier volet du colloque, dédié au transport terrestre, et plus précisément aux véhicules roulants à traction animale et aux montures ; la seconde, constituée de 10 articles, correspond au deuxième volet du colloque, consacré au transport fluvial et maritime, notamment aux bateaux de navigation intérieure et navires de mer. Ces deux séries d’articles, en italien, français et anglais, richement illustrés, apportent des contributions très utiles et importantes aux études du transport depuis l’Antiquité (Ve s. av. J.-C.) jusqu’au Moyen Âge, avec quelques références aux Temps modernes et à l’Époque contemporaine. Les exposés sont systématiquement précédés d’un résumé qui offre aux lecteurs une bonne idée du sujet traité, suivi de mots-clés (français/anglais, parfois italien). La bibliographie suit immédiatement chaque article. On découvre par conséquent dans ces contributions non seulement un résumé des travaux les plus récents publiés sur la question, mais en outre le résultat des recherches personnelles des auteurs. En explorant cet ouvrage, on est immédiatement convaincu de ses remarquables qualités. Dans la première section, qui traite le transport terrestre, Marisa Corrente, Rosanna Ciriello et Antonio Bruscella se concentrent sur la Daunie (sud-est de l’Italie) aux Ve-IVe siècles av. J.-C. Les auteurs (ré)examinent le mobilier funéraire publié et inédit, notamment les chars à deux roues, afin de comprendre leur valeur symbolique et effective (p. 19-32). Michel Molin illustre l’abondance ainsi que la diversité des types de véhicules roulants dans l’ensemble de l’Empire romain tout en s’appuyant, avec un regard critique, sur différents types de sources comme le mobilier archéologique, les témoignages écrits et les documents figurés. Ensuite, l’auteur traite systématiquement différents aspects techniques comme la roue, l’avant-train tournant, la suspension des caisses et le freinage à l’époque romaine, tout en n’hésitant pas à faire des comparaisons avec des véhicules plus actuels, allant jusqu’au XXe siècle. Les questions techniques et historiques sont exposées avec clarté (p. 33-50). Ensuite, Sophie Krausz et Gérard Coulon, avec la participation de Sophie Lacan, étudient minutieusement les éléments d’un véhicule gallo-romain à quatre roues provenant d’un comblement d’un puits à Chateaumeillant (Cher, Fr.). Il semble que le véhicule ait été démonté avant d’être déposé dans ce puits vers le milieu du IIIe s. ap. J.-C. (p. 51-62). Puis vient l’étude ciblée sur l’attelage à brancards et à petit joug dans l’Antiquité. Georges Raepsaet, un spécialiste fort apprécié dans le domaine de l’étude de la traction animale, revalorise avec Annick Lepot l’attelage à un, aux brancards et jouguet ou au jouguet et traits, dans une analyse minutieuse. Cette synthèse met bien en valeur la mise au point de ce type d’attelage destiné à une tête dans les Gaules au Ier s. av. J.-C., utilisé en traction pour le voiturage léger ou en tractionpropulsion aux traits lorsqu’il est associé à la moissonneuse gallo-romaine : une découverte qui s’inscrit dans la liste des innovations techniques de cette époque (p. 63-76). L’Antiquité Classique 91 (2022) 426 COMPTES RENDUS – RECENSIES – BOOK REVIEWS Anne-Laure Brives analyse avec soin le mobilier métallique très nombreux lié au harnachement et à l’attelage (comme les hipposandales, les mors, un pendant de harnais, crochets de joug, de possibles barres de renfort ou soutien de caisse de char, etc.) issu du site 22 rue Lecointre à Reims (Marne, Fr.). Ces éléments ont un lien direct avec, d’une part, l’implantation d’une carrière d’extraction de craie au IIIe s. ap. J.-C. et, d’autre part, la proximité de la voie romaine et la nécessité d’utiliser la force animale pour évacuer les blocs. L’article offre en outre une vision éclairante sur les hipposandales et leur utilisation (p. 77-88). Luc Leconte traite ensuite successivement le mobilier métallique lié à l’attelage et à un ou plusieurs véhicules mis au jour lors de la fouille d’une domus à la Place Lucien Auvert à Melun (Seine-et-Marne, Fr.) (p. 89100). Dans un article bien structuré, Bérangère Fort et Marie-Agnès Widehen analysent un corpus de 45 pièces de véhicule, 69 éléments liés à l’attelage et 68 ferrures animales (dont des bousandales) de l’Antiquité pour le transport entre les capitales de cité : Besançon et Langres, et le port fluvial de Chalon-sur-Saône (p. 101-156). Vient ensuite l’exposé de Marie-Hélène Corbiau sur une charrette en bois à traction animale du XIeXIIIe siècle, découverte dans la tourbe en bordure d’une route médiévale dans les Hautes Fagnes en Belgique et bien conservée (p. 157-164). Floriana Bardoneschi examine des véhicules tractés par des chevaux en milieu agricole entre Meuse et Loire du XIIe au XVIe siècle et souligne la place importante des véhicules dans l’économie domestique (p. 165-180). Dans une contribution très captivante, Cristina Corsi aborde ensuite avec enthousiasme la question des stations routières en Gaule en analysant des assemblages de marqueurs significatifs (p. 181-194). Laure de Chavagnac s’est intéressée aux garnitures de harnais dans les collections du Forum antique de Bavay – Musée archéologique du Département du Nord. Il s’agit d’une étude d’un lot de 160 objets dont la plupart sont datés de la deuxième moitié du IIe au IVe siècle. L’analyse chrono-typologique du corpus est suivie d’une synthèse et d’un catalogue. Isabella Marchetta nous livre une étude précieuse du phénomène des inhumations simultanées de l’homme et de son cheval dans les nécropoles de Vicenne et Morrrione en région de Campochiaro (Molise, It.) ; elle met l’accent sur l’équipement et l’équitation et souligne l’analogie avec la culture mongole au VIe- VIIe s. (p. 235-244). Vient ensuite l’exposé d’Anika Duvauchelle et Michaël Brunet, partant de la découverte de nombreuses pièces de harnais à traction à plaquettes au site suisse du Rondet. Ils (ré)examinent et recensent les attaches, crochets et plaquettes dans l’Empire romain (p. 245-264). La première partie de ce volume se termine par la recherche bien intéressante d’Olivier Thuaudet concernant la signification des éléments décoratifs (parfois apotropaïques ?) qui ornaient les équidés et souvent leurs cavaliers, aux XIIIe-XIVe s. dans le sud-est de la France (p. 265282). La deuxième section de cet ouvrage qui traite le transport fluvial et maritime s’ouvre avec l’étude ciblée de Marc Guyon sur les anciennes réparations d’un chaland « LSG 4 » gallo-romain découvert à Lyon ; elle peut être considérée comme un appel direct aux archéologues à accorder suffisamment d’attention aux réparations anciennes (p. 285-290). Sabrina Marlier et Jacques Rossiaud proposent un éclairant exposé sur la traction et la direction des chalands et des barques fluviales sur le Rhône, de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge (p. 291-302). Suit la riche étude de François Blondel et Éric Yény portant sur une quinzaine de pirogues monoxyles, découvertes dans le département de l’Allier (Fr.), de l’Antiquité au XVe s. mais majoritairement datées entre le Xe et le XIIe s. (p. 303-320). La contribution suivante, de Stéphanie Raux, Isabelle Daveau et Giulia L’Antiquité Classique 91 (2022) COMPTES RENDUS – RECENSIES – BOOK REVIEWS 427 Boetto présente les objets issus d’une partie du bassin à flot du port antique d’Antipolis (le site du Pré-aux-Pêcheurs, Antibes, Fr.) parmi lesquels figurent le mobilier associé à l’épave d’un voilier de transport (IIe s.), les éléments d’accastillage et les objets liés à l’entretien du navire (p. 321-340). Puis Marine Sadania propose une belle étude des ancres à jas (pièce perpendiculaire à la verge de l’ancre), ciblée sur le littoral méditerranéen français. Elles font leur apparition au VIIe s. av. J.-C. et perdurent jusqu’au milieu du XXe s. (p. 341-356). L’exposé d’Alex Sabastia fait le point sur l’épave du Ier s. av. J.-C. « Medès 1 » découverte à Porquerolles (Hyères, Var). L’auteur présente les résultats d’une nouvelle campagne d’étude. Il propose entre autres une restitution du système d’évacuation des eaux de sentine (p. 357-368). Par une étude de cas ciblée sur la ville antique d’Aquilée (It.), Caterina Previato et Arturo Zara révèlent de nouveaux indices sur l’utilisation de la pierre, la portée du commerce, les moyens de transport des matériaux lapidaires, les trajets commerciaux et la quantité de pierres utilisée pour le pavage des routes (p. 369-384). Marie-Pierre Jézégou et Hélène Chaussade de leur côté l’art de réparer et d’entretenir les navires méditerranéens, de l’Antiquité au haut Moyen Âge. Les auteurs visent avant tout à mettre en évidence la diversité des réparations et les différents types d’interventions (p. 385-404). Partant d’un inventaire rédigé en 1479, Philippe Rigaud nous fait connaître par cet article la nef de guerre « Sainct Michel » (Port de Bouc, Bouches-du-Rhône). Son exposé est à juste titre un véritable plaidoyer pour une approche interdisciplinaire (p. 405-418). Sabrina Marlier, Sandra Greck et Marine Sadania, enfin, présentent une belle étude en cours sur le mobilier d’accastillage et d’équipement des navires antiques du delta du Rhône à l’époque romaine (p. 419-426). Cet excellent recueil constitue désormais un ouvrage de référence pour toute étude s’intéressant aux modes de transport terrestre, fluvial et/ou maritime, depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge et au-delà. Else HARTOCH Giancarlo ABBAMONTE, Marc LAUREYS & Lorenzo MILETTI (Eds.), I paratesti nelle edizioni a stampa dei classici greci e latini (XV-XVIII sec.). Pise, ETS, 2020. 1 vol., XI383 p. (TESTI E STUDI DI CULTURA CLASSICA, 81). Prix : 39 €. ISBN 978-8-8467-5972-6. Édité par Giancarlo Abbamonte, Marc Laureys et Lorenzo Miletti, cet ouvrage collectif propose d’étudier différents paratextes parus dans les éditions des classiques grecs et latins entre les XVe et XVIIe siècles. Répartis en quatre sections, dix-sept articles, majoritairement en italien, mais également en anglais ou en français, composent ce volume ; chacun d’eux est précédé d’un court résumé de son propos et d’une liste de quelques mots-clefs en anglais. De manière générale, si les divisions sectionnelles opérées par les éditeurs peuvent sembler quelque peu artificielles, l’introduction (p. VIIXI) permet notamment de lier entre elles les différentes études et d’en dévoiler les enjeux communs. De façon très claire et concise, elle présente tout d’abord les objectifs de cette entreprise collective ; les éditeurs ont souhaité analyser si le concept de « paratexte », introduit par Gérard Genette dans son livre « Seuils » (1987), pouvait être appliqué aux productions des XVe et XVIIe siècles, élargissant ainsi la recherche sur ce genre de texte à des époques et des types de livres différents. Le corpus choisi, à savoir les éditions des classiques grecs et latins, semble tout à fait pertinent puisque, comme le soulignent les éditeurs, la majeure partie des livres produits au cours de cette période L’Antiquité Classique 91 (2022)