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Interview with Hugues de Varine

2022, Cadernos de Sociomuseologia

https://doi.org/10.36572/csm.2022.vol.64.08

Interview with Hugues de Varine Tout d'abord, merci de nous accorder cette interview, qui sera publiée dans un numéro spécial de la revue Cadernos de Sociomuseologia, qui réunit l'ensemble de réflexions menées au colloque en ligne "Património para Todos" / "Patrimoine pour tous", organisé dans le cadre des Journées européennes du patrimoine en 2021. L'objectif principal du symposium était de mettre en perspective la relation entre le patrimoine et les musées et leurs communautés, et c'est sur ce sujet que nous souhaitons vous proposer cette interview. Hugues, archéologue, historien et muséologue. Il a été directeur de l'ICOM de 1965 à 1974 et est à l'origine, avec Georges Riviére, de la création du concept d'écomusée dans les années 1970, en France. Cette théorie née au sein du mouvement de la Nouvelle Muséologie avait pour but de rapprocher les communautés des musées. Cette idée s'est rapidement répandue dans le monde entier. J'ai étudié l'archéologie mais je n'ai jamais pratiqué l'archéologie: je l'ai quittée parce que je m'intéressais plus aux gens qu'aux vieilles choses. Et je n'ai jamais travaillé professionnellement dans un musée: je ne suis donc pas non plus muséologue. Par contre, c'est vrai que l'histoire est ma discipline préférée. Si j'ai inventé le mot "écomusée", c'était pour convaincre un ministre (français) de s'intéresser aux musées de la nature et de l'environnement. Puis le mot est devenu concept par la pratique et Georges Henri Rivière a tenté d'en donner une définition. Mais cela n'a jamais été une "théorie". La Nouvelle Muséologie était un mouvement qui voulait, et veut encore, rapprocher les musées des communautés (et non pas rapprocher les communautés des musées). Elle veut faire du musée un outil au service de la société et non pas un instrument de valorisation de collections. Voilà pourquoi nous aimerions que cette interview soit plutôt biographique. On vous invite, donc, à parler de votre parcours professionnel qui a inspiré tant de générations de chercheurs et de praticiens du patrimoine. Je n'ai pas fait réellement de "parcours professionnel" et j'ai toujours saisi des occasions qui se présentaient, comme l'ICOM, des responsabilités dans l'aménagement du territoire, la

Cadernos de Sociomuseologia, Nº 20-2022 (vol. 64) 9 Entrevista com Hugues de Varine Ana Gago1_Ana Temudo2 Interview with Hugues de Varine Tout d'abord, merci de nous accorder cette interview, qui sera publiée dans un numéro spécial de la revue Cadernos de Sociomuseologia, qui réunit l’ensemble de réflexions menées au colloque en ligne “Património para Todos” / "Patrimoine pour tous", organisé dans le cadre des Journées européennes du patrimoine en 2021. L’objectif principal du symposium était de mettre en perspective la relation entre le patrimoine et les musées et leurs communautés, et c'est sur ce sujet que nous souhaitons vous proposer cette interview. Hugues, archéologue, historien et muséologue. Il a été directeur de l'ICOM de 1965 à 1974 et est à l'origine, avec Georges Riviére, de la création du concept d'écomusée dans les années 1970, en France. Cette théorie née au sein du mouvement de la Nouvelle Muséologie avait pour but de rapprocher les communautés des musées. Cette idée s'est rapidement répandue dans le monde entier. J'ai étudié l'archéologie mais je n'ai jamais pratiqué l'archéologie: je l'ai quittée parce que je m'intéressais plus aux gens qu'aux vieilles choses. Et je n'ai jamais travaillé professionnellement dans un musée: je ne suis donc pas non plus muséologue. Par contre, c'est vrai que l'histoire est ma discipline préférée. Si j'ai inventé le mot "écomusée", c'était pour convaincre un ministre (français) de s'intéresser aux musées de la nature et de l'environnement. Puis le mot est devenu concept par la pratique et Georges Henri Rivière a tenté d'en donner une définition. Mais cela n'a jamais été une "théorie". La Nouvelle Muséologie était un mouvement qui voulait, et veut encore, rapprocher les musées des communautés (et non pas rapprocher les communautés des musées). Elle veut faire du musée un outil au service de la société et non pas un instrument de valorisation de collections. Voilà pourquoi nous aimerions que cette interview soit plutôt biographique. On vous invite, donc, à parler de votre parcours professionnel qui a inspiré tant de générations de chercheurs et de praticiens du patrimoine. Je n'ai pas fait réellement de "parcours professionnel" et j'ai toujours saisi des occasions qui se présentaient, comme l'ICOM, des responsabilités dans l'aménagement du territoire, la 1 Ana Gago, Doutoranda em Estudos de Património na Escola das Artes Universidade Católica Portuguesa, CITAR ORCID: https://orcid.org/0000-0002-8530-5887 e-mail: [email protected] 2 Ana Temudo, Doutoranda em Estudos de Património na Escola das Artes Universidade Católica Portuguesa, , CITAR ORCID: https://orcid.org/ 0000-0002-2463-3975 e-mail: [email protected] Nota: Agradecimento a Alda Namora pelo apoio na tradução desta entrevista. 10 Ana Gago, Ana Temudo promotion de l'emploi, la direction de l'Institut franco-portugais de Lisbonne, la politique de la ville en France, des projets de gestion du patrimoine culturel, l'économie sociale et solidaire. En résumé, je considère que mon principal domaine d'intérêt et de compétence est le développement local, avec une forte orientation pour l'utilisation de la ressource patrimoniale et la participation communautaire. Ainsi, nous aimerions commencer par vous demander : comment avez-vous commencé à vous intéresser à l'archéologie et finalement aux musées ? L'archéologie m'intéressait comme une discipline annexe de l'histoire, mais je l'ai très vite abandonnée. Je suis entré à l'ICOM par hasard, sans aucune expérience de musées et sans aucune idée de la muséologie. Puis je me suis intéressé à la responsabilité qui m'était confiée de servir le monde des musées et des gens de musées. En tant que directeur de l'ICOM quelles étaient vos principales préoccupations ? Comment décrivez-vous le moment historique international qui se vivait à l’époque ? Quels étaient les besoins les plus pressants aux musées et dans le domaine du patrimoine ? On était à la fois en pleine "guerre froide" et en pleine décolonisation. Il fallait sortir l''ICOM d'un club de grands musées, surtout artistiques, pour faire travailler ensemble des institutions et des professionnels de tous pays, et principalement des pays où il n'y avait pas de tradition de musée et qui dépendaient encore culturellement et scientifiquement des musées des Etats dominants. Quant au patrimoine, on ne s'intéressait alors qu'au "grand" patrimoine, celui qui intéressait les touristes. Les musées n'étaient pas vraiment au service du patrimoine, seulement au service de leurs disciplines et de leurs collections. D'ailleurs, en 1964, on a créé l'ICOMOS (sur le modèle de l'ICOM) pour bien distinguer les monuments et les sites des musées. Avec Georges Rivière, comment êtes-vous arrivés à la définition d’écomusée ? Quelles sont les particularités qui distinguent ce genre d'institution et ses pratiques ? En 1972, lorsque le mot écomusée a commencé à être utilisé au delà des musées de l'environnement, l'ICOM a dû réfléchir à une définition de ce nouveau mot et Georges Henri Rivière a rédigé une définition, à partir de sa discipline de base qui était l'ethnographie/ethnologie. Mais je pense qu'il ne peut pas y avoir de définition de l'écomusée, qui n'est pas un "label" reconnu (sauf dans certaines régions italiennes), car tous les écomusées sont différents et ne peuvent répondre à un ou à des modèles. On pourrait dire, négativement, que l'écomusée n'est pas un musée, ne sert pas une collection et n'est pas enfermé dans un bâtiment. Chaque écomusée est une invention originale découlant de la situation d'une communauté et de son patrimoine vivant. C'est ensuite une pratique et un processus. Qu'est-ce que ce concept a apporté de nouveau à la réalité muséologique de l'époque ? Une nouvelle méthode de gestion du patrimoine vivant, par et pour les propriétaires, héritiers et usagers de ce patrimoine. Cadernos de Sociomuseologia, Nº 20-2022 (vol. 64) 11 Ce concept est adopté en France mais se répand rapidement dans toute l'Europe. Comment interprétez-vous l’appropriation de ce concept par d'autres agents, d’autres réalités patrimoniales et par les différents contextes socio-culturels ? Encore une fois, c'est le mot, et non le concept, qui est adopté par des acteurs locaux du patrimoine qui veulent s'émanciper du modèle "musée" et trouver localement des solutions à la gestion du patrimoine comme ressource pour le développement. Plus tard (1980), Hugues est également lié à un mouvement muséologique de nature communautaire connu sous le nom de "Nouvelle Muséologie". Curieusement, ce mouvement a été créé au Portugal. Comment cet événement se produit-il ? Le mouvement de la Nouvelle Muséologie est né, de fait, à la Conférence de l'ICOM en 1971. L'idée de créer une structure de coopération internationale a été formulée en 1983 par Pierre Mayrand, à Montréal. La création formelle du MINOM a eu lieu à Lisbonne en 1985, dans le bâtiment de l'Institut franco-portugais que je venais de quitter, parce que, à ce moment-là, le Portugal connaissait une forte vitalité en matière de musées: les missions de Per-Uno Ågren à la fin des années 70, la fondation de l'écomusée de Seixal, le dynamisme d'un petit groupe de jeunes muséologues "radicaux", etc. Les fondements de la nouvelle muséologie et de la muséologie sociale seront, plus tard, connus dans des pays dont la réalité muséologique et patrimoniale est plus précaire. Je dirais que cela s’est, peut-être, produit comme un moyen de renforcer les communautés. Vous avez été témoin de plusieurs projets de cette nature, soit liés à l'écomuséologie, soit insérés ultérieurement dans la Nouvelle Muséologie. Pouvez-vous nous parler de vos expériences dans ce domaine ? Ce serait trop long de décrire tant d'expériences de terrain qui sont toutes différentes et nécessiteraient des développements. Dans mon dernier livre (L'écomusée, singulier et pluriel, L'Harmattan, Paris, 2017), qui a été traduit en espagnol et en italien, on peut trouver des analyses et des exemples concrets. La nouvelle muséologie est un phénomène mondial qui, en réalité, est fait de milliers de réalisations locales, souvent non-institutionnelles. Quel est, à votre avis, l'avenir des pratiques communautaires dans le contexte du patrimoine à l’époque que nous vivons ? Il est lié à la réalité de la démocratie locale et aussi à la réalité de l'éducation patrimoniale, pour que chaque membre de la communauté soit conscient à la fois de la valeur de son patrimoine et de sa responsabilité individuelle et collective dans la gestion de ce patrimoine.