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Le sang des ruines (review)

2012, Women in French Studies

Dans son introduction, Liliane Lazar se donne pour objectif de rendre Simone de Beauvoir « vivante et proche de nous et de faire un portrait vrai, réaliste et sincère ». Bien qu’elle souligne que le recueil n’a pas de visée hagiographique, il n’en trace pas moins un portrait extrêmement positif de Simone de Beauvoir. Si cette dernière n’est pas présentée comme un être parfait, sans erreurs de jugement et suscitant chez tous la sympathie immédiate, elle est indéniablement perçue comme une femme d’exception dont les idées sont loin d’être considérées dépassées. Quelles que soient les réserves émises par les intervenants (elles sont rares), Simone de Beauvoir apparaît comme une femme moderne, respectée et admirée qui a touché plusieurs générations de féministes et d’écrivains en France comme à l’étranger. Peu importe la position que l’on défende, sa critique de la condition féminine est indissociable de la réflexion sur la nature et la culture féminine. La majorité des personnes interr...

Le sang des ruines (review) France Grenaudier-Klijn Women in French Studies, Volume 19, 2011, pp. 152-154 (Review) Published by Women in French Association DOI: https://doi.org/10.1353/wfs.2011.0022 For additional information about this article https://muse.jhu.edu/article/467795 Access provided at 3 Jan 2020 23:05 GMT from The University Of Texas at Austin, General Libraries 152 Women in French Studies Dans son introduction, Liliane Lazar se donne pour objectif de rendre Simone de Beauvoir « vivante et proche de nous et de faire un portrait vrai, réaliste et sincère ». Bien qu’elle souligne que le recueil n’a pas de visée hagiographique, il n’en trace pas moins un portrait extrêmement positif de Simone de Beauvoir. Si cette dernière n’est pas présentée comme un être parfait, sans erreurs de jugement et suscitant chez tous la sympathie immédiate, elle est indéniablement perçue comme une femme d’exception dont les idées sont loin d’être considérées dépassées. Quelles que soient les réserves émises par les intervenants (elles sont rares), Simone de Beauvoir apparaît comme une femme moderne, respectée et admirée qui a touché plusieurs générations de féministes et d’écrivains en France comme à l’étranger. Peu importe la position que l’on défende, sa critique de la condition féminine est indissociable de la réflexion sur la nature et la culture féminine. La majorité des personnes interrogées dans le recueil étant des militantes féministes, il n’est pas surprenant que Le Deuxième sexe tienne une place importante dans les commentaires recueillis et qu’il soit considéré comme un texte de référence encore pertinent. Comme le répètent plusieurs intervenants, même si le féminisme a beaucoup changé depuis les années cinquante, la question de la libération des femmes est loin d’être réglée dans le monde contemporain et il est probable qu’en effet on n’en ait pas fini de faire référence à l’analyse beauvoirienne, que ce soit pour l’affiner ou pour la critiquer. Pas une des personnalités qui contribuent au recueil ne doute que l’œuvre de Simone de Beauvoir reste d’actualité au vingt-et-unième siècle, tant du point de vue littéraire que du point de vue sociologique. Dans leur ensemble les entretiens et les articles du recueil, ainsi que les notices biobibliographiques qui suivent chaque intervention, invitent à la lecture ou à la relecture des textes de Beauvoir et de ceux des personnes interviewées. L’ouvrage de Liliane Lazar permet d’aborder l’œuvre de Beauvoir sous une forme quasi intimiste puisque les écrivains racontent leur coup de cœur pour Beauvoir. Le portrait qui en résulte est-il « un portrait vrai » ? Il est certainement incomplet, mais ce qui est réussi c’est qu’au fils des entretiens se dessine l’image d’une pionnière qui reste effectivement proche de nous et que l’on veut mieux connaître. À mon avis, le seul reproche qu’on pourrait faire à ce recueil (qui est fort intéressant et qui se lit avec plaisir) est de ne pas avoir donné plus de détails sur la démarche suivie pour sélectionner les participants. Melanie Collado University of Lethbridge Ringuet, Chantal. “Le sang des ruines”. Gatineau (Québec) : La Coopérative d’édition des Écrits des Hautes Terres, Collection « Cimes ». 2010. Pp. 109. ISBN : 978-2-922404-60-9. Can $19.95. Chantal Ringuet compte aujourd’hui au nombre de celles qui, tout en poursuivant une carrière universitaire, passent de l’autre côté du miroir et se frottent à la création de textes littéraires, processus qui, souligne Ringuet, « n’a rien de facile ». Il l’était d’autant moins que l’auteure se confrontait à un genre Book Review 153 duquel elle était peu familière : la poésie. Autant le dire tout de suite, son audace a porté ses fruits, puisque ce premier recueil de poésie a remporté le Prix littéraire Jacques-Poirier, une récompense qui revient à des manuscrits d’une qualité littéraire exceptionnelle. Illustré par neuf photographies d’un autre universitaire-artiste, JeanFrançois Lacombe, le texte est divisé en quatre parties : Topographies ; Vestiges de Shoah ; Genèses maternelles et Régénérations, qui s’enchaînent très naturellement grâce aux similitudes thématiques, aux choix lexicaux et à la tessiture des textes, leur couleur rythmique, leur tonalité. Ces termes, qui renvoient au domaine musical, ne sont pas anodins, car les textes de Ringuet se lisent comme une mélopée un peu sombre, une vieille chanson psalmodiée, un refrain lancinant. Exemptes de ponctuations, et parfois soulignées de yiddish, les phrases nominales abondent dans un ‘respire’ saccadé auquel les blancs insérés ici et là — une très belle mise en page — accordent un bref répit. Si le je y est très présent — c’est d’ailleurs sur un je que s’ouvre le premier poème — il s’agit en réalité d’un je double. S’y entrelacent une voix narrative féminine post-mnémonique et un je masculin hanté par la perte de sa femme et de son enfant durant la Shoah. La frontière entre ces deux voix est délibérément ténue, les lamentations de l’un/e se mêlant aux incantations de l’autre. Ce je à la fois actif et contemplatif, marche et regarde, touche, sent, aime, respire. Surtout, il se souvient. Cette mémoire lui pèse, « Quel fleuve/À la source puissante/M’emportera/Loin des atrocités » (29), autant qu’elle lui est précieuse, « L’exotisme/De se savoir/Multiple » (91). L’omniprésence de l’élément aquatique — rivière, torrent, fleuve, rapides, embouchure, ou encore nénuphars, algues, glaises, ruban d’eau — est particulièrement apte à évoquer le jeu ambivalent de la mémoire et de l’oubli, si prégnant dans la culture juive de l’après-Shoah : « Shoah/Ne signifie pas/Un entracte/De l’histoire » (37). Le titre du recueil est révélateur lui aussi du ballet douloureux auquel s’adonnent la mémoire et l’oubli. Le sang nous renvoie au présent, à la vie, au chagrin, tandis que les ruines témoignent de la Catastrophe, du chaos, de l’atrocité. On ne peut fuir la mémoire, suggère Ringuet, tout en signalant à quel point il est parfois douloureux de se souvenir : « Chaque jour/Mes mains/Plongent dans les ronces » (35). La nature que parcourt la voix narrative est à la fois source de paix et complice de l’horreur, une « forêt/Parsemée/D’ecchymoses » (11). Mais aussi ambivalente soit-elle, elle fait rempart à l’oubli auquel appellent les fallacieuses « cloisons de verre » (11). Les photos délavées de Jean-François Lacombe nous rappellent la beauté des lieux abandonnés, des carrières désertées, des fontaines ébréchées. Le présent n’est source de joie que s’il est palimpseste. Il faut donc résister aux sirènes de l’oubli, affronter le passé, résister, même si la mémoire perle aux cils. Les mots se font alors bâton de pèlerin. Ils aident à débroussailler, à gravir la falaise de la douleur, à ouvrir la voie vers une réconciliation au monde. La structure rythmique de Regénérations, qui m’a semblé calquée sur celui de   154 Women in French Studies l’accouchement — incisé, sauvage, le corps enfantant est aussi joie et délivrance — instaure une forme de sérénité, que soulignent les deux dernières photos, l’appareil photo prenant du recul et embrassant un paysage encore un peu triste et déserté mais plus serein : « Sanglantes images/Qui ne m’effraient plus » (103). Entachés de rouge, de « souvenir-écarlate » (32) en « coquelicots délavés » (22), les poèmes du Sang des ruines affirment le pouvoir cathartique de la voix poétique. Seuls les mots peuvent mâter le flux du chaos et de la mémoire. Je ne peux que souhaiter à Chantal Ringuet de continuer, par son écriture, à « Construire/Des échafaudages/Au-dessus de l’abîme » (25). France Grenaudier-Klijn Massey University TRANSLATIONS Forsyth, Louise H. ed. Anthology of Québec Women’s Plays in English Translation, Volume III (1997-2009). Toronto, ON: Playwrights Canada Press, 2010. Pp. 550. ISBN: 978-0-88754-785-0. For a third and highly successful time, Louise H. Forsyth, in producing Anthology of Québec Women’s Plays in English Translation, Volume III (19972009), has assembled a collection of ten plays written by Quebecois women. The series of anthologies begins with the period when Quebecois women started writing for theater in substantial numbers (volume I: 1966-1986) and continues as the numbers of Quebecois female playwrights increased (volume II: 19872003) and progresses up until the present day (volume III: 1997-2009). From one volume to the next, the number of years that are represented decreases (volume 1 covers a twenty-year span; volume II, a sixteen-year span; and volume III, a twelve-year span), a clear demonstration of the number of Quebecois women giving voice to their opinions during an especially rich time in Quebecois history. It is important to note that this is the first time that a compilation, in either French or English, of this magnitude of Québec women’s plays has been achieved. In “Writing a Québec Theatre Corpus into Existence,” the forward to the third volume, Forsyth accurately and poetically states in her dedication: “Through their vision, talent, and determination, these wonderful writers have paid their own homage to the women who came before them and who had the guts to create and act for theatre, even when the forces of darkness were pressuring them to remain silent. Now, there are several playwrights who have created a major oeuvre; their careers are exemplary; they are models and inspiration for the many younger playwrights who have the courage, like them, to choose to be theatre artists.” Particularly helpful to those new to Québec women’s plays are the introductions that provide historical content and a concise synopsis of each play as well as the biographical and bibliographical information on each playwright.