Les traductions françaises de Pausanias
(Version revue le 5 août 2013 ; publication initiale : LEC, 67, 1999, p. 63-70)
Depuis l’editio princeps de l’ Ἑλλάδος περιήγησις de Pausanias, sortie en 1516
des presses d’Alde Manuce 1 par les soins de Marc Musuros 2, le texte de Pausanias
a connu de nombreuses éditions et traductions 3, en latin d’abord 4, puis en diverses
langues modernes. La récente parution du livre VIII de l’ Ἑλλάδος περιήγησις
dans la « Collection des Universités de France » 5 nous a semblé l’occasion de faire
le point sur la traduction de Pausanias en français. Nous envisagerons certains
aspects spécifiques de la traduction d’une œuvre comme celle de Pausanias à travers
une rapide histoire des différentes versions françaises qui en ont été données.
Après une traduction italienne, la première en langue moderne, parue dès 1593
à Mantoue 6, une version française de l’ Ἑλλάδος περιήγησις voit le jour en 1731 ;
1. Alde Manuce décéda en 1515 et ne vit donc pas l’édition de Pausanias qu’il annonçait dès 1497 dans la préface à son dictionnaire de la langue grecque : D. MARCOTTE,
« La redécouverte de Pausanias à la Renaissance », Studi Italiani di filologia classica
85/10, 3e série (1992), p. 872-878
2. Sur l’activité éditoriale d’Alde Manuce, voir M. SICHERL, Griechische Erstausgaben des Aldus Manutius. Druckvorlagen, Stellenwert, kultureller Hintergrund
(Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums, Neue Folge, 1. Reihe, 10. Band),
Paderborn, Ferdinand Schöningh, 1997, spécialement p. 362-364 pour l’édition de
Pausanias avec D. MARCOTTE, op. cit. (n. 1).
3. Voir la bibliographie qui accompagne chacun des [huit] volumes parus de Pausania. Guida della Grecia, Milan, Mondadori, depuis 1982.
4. Domitius Calderinus traduisit entre 1477 et 1478, année de sa mort, le livre I et le
livre II, jusqu’au paragraphe 6, 2. Cette traduction fit l’objet d’une première édition,
peu soignée, vers 1500 à Venise et d’une seconde en 1541 à Bâle. En 1549-1550,
Abraham Lœscher (1520-1575) donna une traduction de l’ensemble de l’ Ἑλλάδος
περιήγησις qui fut publiée en 1550 à Bâle. La traduction latine de Romolo Amaseo
(1489-1552) enfin, dont il n’est pas assuré qu’elle ait été publiée dès 1547, parut, en
tout cas, en 1551 à Florence et connut de nombreuses rééditions, d’abord seule, puis
avec le texte grec. Sur tout ceci, voir G. B. PARKS, art. « Pausanias », Union académique
internationale, Catalogus translationum et commentariorum : Medieval and Renaissance Latin Translations and Commentaries. Adnoted lists and Guides, Washington, 1971,
p. 215-220.
5. Pausanias, Description de la Grèce, t. VIII : Livre VIII, L’Arcadie, texte établi
par M. CASEVITZ, traduit et commenté par M. JOST avec la collaboration de J. MARCADE,
Paris, Les Belles Lettres, 1998.
6. Descrittione della Grecia di Pausanias, nella quale si contiene l’origine di essa,
il sito, le città, la religione antica, i costumi, & le guerre fatte da que’ popoli, insieme
2
elle était due à Nicolas Gedoyn, abbé de Beaugency (1667-1744) 7. Sous le titre
Voyage historique de la Grèce, « parce qu’en effet », selon le traducteur, « ce n’est
rien autre chose » 8, l’ouvrage connut trois éditions 9.
La traduction de Gedoyn apparut rapidement fort insatisfaisante 10 et, en 1814,
Étienne Clavier (1762-1817), magistrat et homme de lettres, entreprit la publication
d’une nouvelle traduction française accompagnée du texte grec 11.
co’ monti, laghi, fiumi, fontane, minere, statue [...], trad. par Francesco Ossana, Mantoue, 1593. [Addenda 2013 : Voir cependant la note suivante.]
7. Pausanias, ou Voyage historique de la Grèce, traduit en françois, avec des remarques. Par M. l’Abbé Gedoyn, chanoine de la Sainte Chapelle, & Abbé de Baugenci,
de l’Académie Françoise, & de l’Académie Royale des Inscriptions & Belles-Lettres, à
Paris, chez Nyon, au premier Pavillon du Collège des Quatre Nations, à Sainte Monique, M. DCC. XXXI. Nous avons eu à notre disposition un exemplaire de cette traduction grâce à l’aimable bienveillance de Madame Marie-Jeanne Verbois, qui a hérité de
son père une belle collection de livres anciens. Nous tenons à la remercier chaleureusement. [Addenda 2013 : J. FABRICIUS, Bibliothecae Graecae, t. IV, Hambourg, 1717,
p. 467-471 : « Caput XV. De Pausania & Polyaeno », signale (p. 471) une traduction
française de Blaise de Vigenère : « Gallice Pausaniam vertit Blasius Vigenerius », sans
précision ni de lieu ni de date d’édition. Dans sa préface, l’Abbé Gedoyn déclare ne pas
connaître cette traduction (p. xxii : « J’observerai seulement que ce sçavant Allemand
[Fabricius] attribuë à Vigenere une Traduction Françoise de Pausanias, qui n’a jamais
été, du moins on ne la connoît point…). La bibliothèque nationale de France conserve
cependant un beau manuscrit sur papier du XVIe s. à l’écriture soignée (fonds Français
705), acquis sous la direction de l’Abbé de Targny (1726-1737, cf. A. Paulin Paris, Les
manuscrits françois de la Bibliothèque du Roi, V, Paris, 1842, p. 405) contenant une
traduction du livre 1 de l’ Ἑλλάδος περιήγησις sous le titre Le Discours de Pausanias
des choses Atticques. Serait-ce la traduction de Vigenère ? Elle diffère en tout cas des
morceaux que ce dernier a donné du livre 1 de Pausanias dans ses divers commentaires
de textes classiques que nous avons pu consulter.]
8. Pausanias, ou Voyage historique de la Grèce..., « Préface », p. v. L’Abbé de
Beaugency poursuit : « Non que je prétende empêcher qu’on ne dise à l’ordinaire,
Pausanias dans ses Attiques, dans ses Corinthiaques, dans ses Eliaques, &c. mais
comme tous ces Titres ne présentent à l’esprit rien de clair & de distinct, je leur en
substituë un autre plus conforme à notre génie, & auquel on pourra insensiblement
s’accoutumer. »
9. Réimpression de la première éd. : Amsterdam, 1733 ; seconde éd. : Pausanias,
ou Voyage historique, pittoresque et philosophique de la Grèce, traduit du grec en
français par l’abbé Gedoyn, nouvelle éd. revue et corrigée [...] augmentée du Voyage
autour du monde par Scylax, traduit du grec en français par J. Ch. Poncelin [...], Paris,
Debarle, 1797, 4 vol.
10. Voir, entre autres, le jugement très critique de Nicolas LE MOYNE DES ESSARTS et
a., Les siècles littéraires de la France ou nouveau dictionnaire historique, critique et
bibliographique, de tous les écrivains français, morts et vivants, jusqu’à la fin du
XVIIIéme siècle ..., t. 3, Paris, chez l’auteur, 1800, p. 220. – La version de Gedoyn est
loin de présenter la rigueur que l’on attend aujourd’hui d’une traduction et il lui a été
reproché d’être plus proche de la traduction latine d’Amasée que du texte grec. Quoi
qu’il en soit, l’ouvrage constitue un jalon important dans la diffusion de l’œuvre de
Pausanias et mériterait, au moin à ce titre, de faire l’objet d’une étude.
11. T. I (livres I et II) 1814, t. II (livres III et IV) 1817, t. III (livres V et VI) 1820, t.
IV (livres VII et VIII) 1820, t. V (livres IX et X) 1821, t. VI (notes, interrompues après
LES TRADUCTIONS FRANÇAISES DE PAUSANIAS [UPDATED]
3
Un siècle, de nouveau, s’écoula avant que Georges Daux publie son Pausanias
à Delphes 12 qui donnait une traduction de la partie du livre X consacrée au sanctuaire d’Apollon (X, 8, 6 à 32, 1) 13. Abordant le texte de Pausanias sous l’angle purement archéologique, le savant français avait en outre laissé de côté certains passages
(X, 12 ; 17 ; 19, 4 à 23, 14, 25, 2 à 31, 12), se limitant à la partie proprement topographique du texte, pour laquelle l’archéologie pouvait apporter quelque éclaircissement 14. Dans son essai, Georges Daux ne cache pas son manque de considération
pour le style et la langue de l’auteur 15, mais s’engage à en donner une traduction
aussi fidèle que possible, sans chercher à en rendre la lecture « agréable » 16. Il
donne en outre, à la fin de son ouvrage, d’intéressantes remarques sur la manière
dont Pausanias construit son texte, notamment aux points de transition entre les
monuments signalés 17. L’archéologue, identifiant six catégories d’enchaînement 18,
a donné là une typologie qu’il serait intéressant d’approfondir pour en systématiser
la traduction 19.
Dans le prolongement du travail de Daux, Georges Roux publia en 1958 son
Pausanias en Corinthie qui consiste en une édition traduite et commentée du début
le livre VIII, et table des matières). Clavier (« Préface » au t. I) a utilisé les manuscrits
suivants : Parisini 1399, 1400 (qui ne contient que le livre I), 1410 et 1411, soit Pa, Pb,
P et Pd chez Casevitz (op. cit., n. 5), et le Parisinus 1409 contenant les extraits de
Phralitès. Le philologue grec A. Koraïs avait relu le travail de Clavier et fut chargé,
après la mort de celui-ci, d’assurer la préparation de la publication du texte grec d’après
son manuscrit. Cf. la « Préface » des t. I et III avec les extraits de la correspondance de
Koraïs donnés par G. A. CHRISTODOULOS, « Ὁ Ἀδαμάντιος Κοραῒς καὶ ἡ κριτικὴ
ἔκδοση τοῦ Παυσανίου. Τὰ Ἠλιακά », Επετηρίς Εταιρείας Ηλειακών Μελετών, 2
(1983), p. 307-317.
12. G. DAUX, Pausanias à Delphes, diss. Paris, 1936.
13. Le texte donné en regard de la traduction fut repris à Hitzig (H. HITZIG & H.
BLÜMNER, Des Pausanias Beschreibung Griechenlands, t. III.2, Leipzig, 1910) avec
quelques modifications, le plus souvent pour conserver une leçon de la tradition
manuscrite (Pausanias à Delphes, p. 2 ; cf., par ex., p. 135).
14. « Nous avons donc exclu de notre recherche quatre passages d’un haut intérêt,
mais sur lesquels la fouille ne saurait donner le moindre élément d’appréciation » (ibid.,
p. 2).
15. Entre autres exemples : « C’est une entreprise ingrate que de rendre Pausanias
en français. Il y a des écrivains médiocres qui savent plaire (...). Avec Pausanias –
j’allais dire : contre Pausanias – nous sommes sans recours » (ibid., p. 3).
16. « Mais notre but n’était pas seulement d’exprimer la substance de Pausanias ; il
était de mettre en relief certains procédés de son style » (ibid, p. 3). Voir sur ce point le
compte rendu du livre de G. Daux par P. DE LA COSTE-MESSELIERE, REG 50 (1937),
p. 526-530, aux p. 527-528.
17. Ibid., p. 194-200. On retrouve ici l’orientation essentiellement archéologique du
livre de G. Daux.
18. En résumé : a) δέ seul, b) indication topographique, c) association d’idées, d)
mention directe du sujet en tête de phrase, e) mention préalable d’un récit se rapportant
à un monument cité par après, f) absence de transition.
19. C’était en partie l’objectif de G. Daux, lorsqu’il déclarait en introduction vouloir s’attacher à rendre les « procédés de style » de Pausanias (ci-dessus, n. 16).
4
du livre II de l’ Ἑλλάδος περιήγησις (II, 1 à 15) 20. Dans sa présentation des
problèmes liés à l’édition du texte 21 –, il souligne l’intérêt qu’il y aurait à étudier la
langue de Pausanias afin de départager plus clairement fautes de copie et rudesse de
style 22. Cette étude reste à faire.
Comme en prélude à la parution des volumes de la « Collection des Universités
de France », Marguerite Yon publia en 1972 L’Attique de Pausanias, c’est-à-dire les
chapitre 1, 1 à 39, 3 du livre I, avec une préface de Jean Pouilloux 23. Pour rencontrer, sans doute, l’intérêt d’un public très large, la traduction était accompagnée
de brèves notes explicatives sur les lieux ou les personnages évoqués, et fourmillait
d’indications, entre crochets droits, directement dans le texte, sur les dates des
événements historiques et le sens de certains noms propres, noms de divinités ou
épiclèses principalement 24. L’attention ainsi accordée aux noms propres soulignait
une des particularités du texte de Pausanias où abondent les informations anthroponymiques ou toponymiques et les jeux étymologiques.
C’est enfin en 1992 que paraissait le premier volume de l’édition de Pausanias
dans la « Collection des Universités de France », contenant une « Introduction
générale » et le livre I : « L’Attique » 25. Longtemps attendue, la publication de cette
série semble bien amorcée puisque paraît aujourd’hui un second volume, le livre
VIII, consacré à l’Arcadie 26. Cette nouvelle parution est importante à plus d’un titre.
Elle vient tout d’abord compléter fort heureusement l’édition de Pausanias entreprise
en Italie sous le patronage de la Fondazione Lorenzo Valla depuis 1982 : celle-ci
20. G. ROUX, Pausanias en Corinthie. Texte, traduction, commentaire archéologique et topographique, diss. Paris, 1958.
21. G. Roux adoptait le texte de Spiro (Leipzig, Teubner, 1903) en le modifiant légèrement, dans une perspective plus conservatrice (voir p. 11-12), comme déjà G.
Daux.
22. « L’étude systématique des tournures de Pausanias ferait remonter notre estime
pour la tradition manuscrite dans la mesure où elle abaisserait celle que nous pouvons
avoir pour le style du Périégète. On ne saurait se montrer trop prudent avant de la
suspecter » (ibid., p. 12). Nous verrons plus bas (p. 6) que, à défaut d’une telle étude,
Michel Casevitz a su adopter, dans son édition de Pausanias, l’attitude prudente qui
s’impose dans de nombreux cas obscurs.
23. Pausanias, Description de l’Attique. Livre I, I-XXXIX, 3, trad. et notes de Marguerite YON, préface de J. POUILLOUX, Montpellier et Paris, F. Maspero, 1972, 2e éd., Paris,
F. Maspero, 1983.
24. G. Roux avait également utilisé ce procédé pour quelques épiclèses (voir par ex.
op. cit. [n. 20], p. 68).
25. Pausanias. Description de la Grèce, t. I : Introduction générale. Livre I,
L’Attique, texte établi par M. CASEVITZ, traduit par J. POUILLOUX et commenté par F.
CHAMOUX, Paris, Les Belles Lettres, 1992.
[Addenda 2013 : 26. Depuis la rédaction de cet article, plusieurs volumes ont paru : Pausanias. Description de la Grèce, t. IV : Livre IV, La Messénie, texte établi par
M. CASEVITZ, traduit et commenté par J. AUBERGER, Paris, Les Belles Lettres, 2005 ; t.
V : Livre V, L’Élide. 1, texte établi par M. CASEVITZ, traduit par J. POUILLOUX et commenté par A. JACQUEMIN, Paris, Les Belles Lettres, 1999 ; t. VI : Livre VI, L’Élide. 2,
texte établi par M. CASEVITZ, traduit par J. POUILLOUX et commenté par A. JACQUEMIN,
Paris, Les Belles Lettres, 2002. Le volume dont nous avons entrepris la rédaction en
2005 est sous presse : t. III : Livre III, La Laconie, texte établi par M. CASEVITZ, traduit
et commenté par O. GENGLER, Paris, Les Belles Lettres, 2014.]
LES TRADUCTIONS FRANÇAISES DE PAUSANIAS [UPDATED]
5
suit l’ordre des livres et est aujourd’hui arrivée au cinquième 27. Elle témoigne
également du bon avancement du travail mené par l’équipe chargée d’éditer, de
traduire et de commenter l’ Ἑλλάδος περιήγησις dans la « CUF ». Nous nous
attacherons maintenant à présenter rapidement ce volume tout récent.
Le texte de « L’Arcadie » de Pausanias a été éditée par Michel Casevitz, qui a
en charge l’établissement du texte de l’ensemble de l’œuvre du Périégète dans la
collection. Par rapport au premier volume de la série, la méthode d’édition n’a pas
connu de modification. L’apparat critique, en revanche, a été doublé, pour quelques
passages plus complexes (une centaine au total), par des notes sur l’établissement du
texte, distinctes du commentaire 28. Ces notes critiques justifient l’adoption ou le
rejet d’une leçon, discutent la position d’éditeurs précédents, apportent des indications bibliographiques 29 et fournissent même des témoignages supplémentaires
susceptibles d’éclairer l’histoire du texte. Ainsi, la traduction latine d’Amasée est
confrontée plusieurs fois au texte grec (23, 1 ; 36, 9 ; etc.), de même que les scolies,
dont une étude plus systématique est annoncée 30. Quelques notes offrent également
un commentaire philologique sur les étymologies proposées par Pausanias (par ex.
VIII, 3, 2). Il aurait néanmoins été très utile de renvoyer systématiquement aux notes
dans l’apparat critique et dans le commentaire (il aurait fallu, p. 221, signaler la note
à VIII, 27, 7) 31.
Outre l’intérêt que présentent ces notes pour la bonne intelligence du texte de
Pausanias et de son histoire, leur lecture révèle certaines orientations adoptées par
M. Casevitz dans son travail d’édition. Souvent, les choix de l’éditeur visent à
l’économie ; le principe, souvent appliqué par le passé au texte de Pausanias, qui
consistait à corriger une expression unique sur base d’autres expressions similaires
mieux attestées, est contesté en plusieurs passages (VIII, 20, 1 [20, 2 en fait] ; 23, 8 ;
24, 4 ; 25, 6 ; 25, 12 ; etc.). Ce respect du texte des manuscrits au détriment d’une
uniformisation artificielle de la langue de Pausanias s’accorde au principe énoncé
27. Pausanias, Guida della Grecia, t. V : L’Elide e Olimpia, testo et trad. a cura di
G. MADDOLI, commento a cura di G. MADDOLI e V. SALADINO, Milan, Mondadori, 1995.
[Addenda 2013 : Depuis ont également paru les t. VI-VIII (1999-2003).]
28. Dans le volume consacré au livre I (op. cit., n. 25), quelques remarques de M.
Casevitz avaient été intégrées au commentaire de F. Chamoux.
29. Il convient de préciser une référence incomplète, dans la note critique « 27.1 »
p. 156, qui doit renvoyer, en fait, à une remarque de Jean BINGEN dans Pausanias
historien (Entretiens sur l’Antiquité classique, XLI), Fondation Hardt, Vandœuvres,
1996, p. 231-232 (discussion de la communication de E. L. BOWIE « Past and Present in
Pausanias » dans Pausanias historien, p. 207-230). Jean Bingen y évoque une correction de VIII, 27, 1 proposée par D. MARCOTTE, « Le Pausanias de Christian Habicht »
dans LEC 56 (1988), pp.73-83. Voir encore E. L. BOWIE, dans Pausanias historien,
p. 217 (communication), p. 233 et 236 (discussion).
30. Quelques scolies anciennes que portent les manuscrits primaires de l’ Ἑλλάδος
περιήγησις ont fait l’objet de la communication de M. Casevitz au colloque sur
Pausanias qui s’est tenu à Neuchâtel et Fribourg en septembre 1998. [Addenda 2013 :
« Sur les scholies à Pausanias et les fragments de Pausanias », dans Editer, traduire,
commenter Pausanias en l’an 2000, édité par D. KNOEPFLER et M. PIÉRART, Genève,
Droz, 2001 (Recueil des travaux publiés par la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Neuchâtel, 49), p. 33-42.]
31. D’autant que, assez curieusement, elles utilisent la numérotation des lignes de
l’édition Rocha-Pereira (t. 2, Leipzig, Teubner, 1977, 2e éd. 1989).
6
par G. Roux dans son édition de la Corinthie 32. A la prudence face aux corrections
s’ajoute aussi un souci constant de la vraisemblance paléographique (par ex. VIII,
16, 5).
Concernant les témoignages, aux nombreuses mentions qui accompagnent
l’apparat critique, directement sous le texte grec, se sont ajoutés, dans ce volume,
trois appendices. Le premier réunit les articles d’Etienne de Byzance consacrés à des
toponymes mentionnés dans le livre VIII, répartis dans deux listes, selon que
Pausanias est nommément cité ou non. La seconde liste, qui regroupe cinquante
noms, révèle la part d’information présente chez Etienne de Byzance qui est susceptible de provenir de Pausanias et engage à accorder une plus grande attention à cette
source indirecte 33. Les appendices II et III reproduisent le texte de la Suda, s. u.
Ἀννίβας et Φιλοποίµην, fournissant ainsi au lecteur une part importante du matériel
disponible sur la tradition indirecte de Pausanias.
Face au texte établi par M. Casevitz, la traduction et le commentaire qui
l’accompagne sont dus à Madeleine Jost dont les importants travaux sur l’Arcadie
antique et sur Pausanias sont bien connus 34. Le commentaire, très bien informé, en
reprend la substance et s’enrichit d’intéressantes réflexions sur le texte de Pausanias,
particulièrement sur sa structure, ce dont témoigne également l’introduction et le
sommaire. Selon une méthode semblable à celle de G. Daux, la traductrice s’est
efforcée de « respecter les particularités du style de Pausanias, y compris dans ses
répétitions, ses négligences, ses tournures gauches et ses obscurités » 35. Ainsi, en
VIII, 30, 1, M. Jost traduit :
ἐπίκλησις δὲ Σινόεις ἐστὶν αὐτῷ, τήν τε ἐπίκλησιν γενέσθαι τῷ Πανὶ ἀπὸ
νύµφης Σινόης λέγουσι.
L’épiclèse du dieu est Sinoeis et cette épiclèse appliquée à Pan viendrait du
nom de la nymphe Sinoé.
Elle corrige ainsi la traduction de ce passage qu’elle avait donné précédemment :
Ce dernier est qualifié de Sinoeis et cette appellation viendrait du nom de la
nymphe Sinoé 36.
On remarquera dans la nouvelle traduction, outre le respect de la répétition, le
recours au terme « épiclèse », pour transposer le terme spécifique employé par
Pausanias. Ce terme technique, parmi d’autres, a été préféré dans la traduction pour
éviter de trop lourdes périphrases, comme l’explique M. Jost en introduction
(« Conventions de traduction et petit glossaire », p. XLII). La traductrice y souligne
32. Voir ci-dessus, p. 4.
33. L’article Καλλίαι, intégré par erreur à la seconde liste, mentionne Pausanias, à
propos de l’adjectif dérivé du toponyme. Les notices d’Etienne de Byzance ne sont pas
citées intégralement, ce qui est à l’origine de cette erreur de classement.
34. Pour ne citer que les monographies : Sanctuaires et cultes d’Arcadie, Paris,
1985 et Pausanias en Arcadie (livre VIII, 27-44), thèse de 3e cycle dactylographiée,
Bordeaux, 1972 dont on trouvera écho dans deux articles, « Pausanias en Mégalopolitide », REA 75 (1973), p. 241-267 et « Sur les traces de Pausanias en Arcadie », RA
(1974), p. 179-186 (p. 39-46 du Bulletin de la Soc. Française d’Archéologie Classique,
séance du 19 mai 1973).
35. M. JOST, op. cit. (n. 5), p. XXXVIII.
36. M. JOST, Sanctuaires et cultes d’Arcadie, p. 221.
LES TRADUCTIONS FRANÇAISES DE PAUSANIAS [UPDATED]
7
également l’importance du vocabulaire utilisé par Pausanias pour rendre compte de
divers monuments qu’il rencontre et la nécessité d’en reproduire la cohérence en
français.
Bien qu’elle ne le mentionne pas dans ses « Conventions de traductions », M.
Jost a également accordé une attention toute particulière aux noms propres, prolongeant le procédé utilisé par M. Yon dans sa traduction de l’Attique 37. Un très grand
nombre d’épiclèse ou de toponymes sont en effet suivis d’une traduction, particulièrement si Pausanias emploie, dans le contexte immédiat, l’un ou l’autre mot qui leur
sont étymologiquement apparenté 38. Si, en revanche, Pausanias joue sur les assonances, c’est le mot grec, translitéré, qui apparaît entre parenthèses dans la traduction 39.
Certains noms propres, notamment des toponymes, ont été immédiatement traduits dans le texte, quand ils adoptaient la forme d’une expression complète. Nous
voudrions relever le cas de deux « sanctuaires » d’Hermès, en VIII, 35, 2 et 3, dont
M. Jost a, selon nous, particulièrement bien rendu la dénomination. Le premier
sanctuaire se trouve sur la route de Mégalopolis à Karnassion de Messénie :
Φαιδρίου δὲ ὡς πέντε ἀπέχει καὶ δέκα σταδίους κατὰ Δέσποιναν
ὀνοµαζόµενον Ἑρµαῖον·
A une distance de quinze stades environ de Phaidrias, il y a un Hermaion dénommé « du coté de Despoina » (M. Jost).
Le second est sur la route qui mène en Laconie :
ἀπέχουσι δὲ αἱ Φαλαισίαι σταδίους εἴκοσι τοῦ Ἑρµαίου τοῦ κατὰ
Βελεµίναν.
Phalaisiai est à vingt stades de l’Hermaion « du coté de Bélémina » (M. Jost).
La traductrice a remarqué que les deux Hermaia se distinguaient par leur nom et que
la précision ὀνοµαζόµενον de 35, 2 est implicitement présente en 35, 3. L’article qui
précède le groupe prépositionnel dans le second passage montre à lui seul qu’il ne
s’agit pas d’une simple précision topographique apportée par le Périégète. Nous
n’hésiterons donc pas à conclure que τὸ Ἑρµαῖον τὸ κατὰ Δέσποιναν et τὸ Ἑρµαῖον
τὸ κατὰ Βελεµίναν sont d’authentique toponymes, du moins aux yeux de Pausanias.
A ce titre, la traductrice a fort bien fait de singulariser la traduction de ces deux
passages par l’adjonction de guillemets. Elle aurait pu cependant aller plus loin,
pensons-nous, et introduire ces deux noms comme entrées spécifiques dans l’index
topographique qui accompagne le volume 40.
37. Ainsi par ex. M. YON, op. cit. (n. 23), p. 29 : « Aphrodite ... Euploia [“Bonne
Navigation”] ». Voir aussi J. POUILLOUX, op. cit. (n.25), p. 21 : « Aphrodite Dôritis
(Dorienne) ».
38. Ainsi en VIII, 36, 7 (p. 103) : « il y a des traces de la ville de Lykoa, avec un
sanctuaire d’Artémis Lykoatis (de Lykoa) ».
39. Par ex., en VIII, 8, 1-2 (p. 31) : « près de la grand-route est une fontaine nommée Arné. [...] ce qui valut son nom à la source, c’est que les agneaux (arnés) paissaient
autour d’elle ». L’emploi de ces notations dans la traduction n’est pas systématique. Par
ex., il aurait fallu, en VIII, 17, 5, souligner le rapport implicite entre le toponyme
« Chélydoréa » et le nom de la tortue, chéloné, qui le suit immédiatement.
40. Les indices, dressés par M. Jost, regroupent les noms propres selon quatre catégories, comme dans le premier volume de la série : personnages historiques et mytholo-
8
Le rapide examen de ces deux passages nous semble l’occasion d’illustrer la
présentation que nous avons faite plus haut des traductions de l’Abbé Gedoyn et
d’Etienne Clavier en comparant ici leur version respective.
Gedoyn, t. II, p. 200
& à quinze stades d’Hermée où
l’on voit un temple de cette
divinité que les Arcadiens
appellent par excellence la
Maîtresse.
d’où il n’y a plus que vingt stades
à faire pour arriver au temple de
Mercure qui est auprès de la ville
de Bélémine
Clavier, t. IV, p. 460 et 463
35, 2 Phaedrias, qui est à environ
quinze stades de ce qu’on nomme
l’Hermaeum, vers Despœna
35, 3 à vingt stades de l’Hermaeum
près de Bélémine
L’Abbé Gedoyn, dans les deux passages, prend quelque liberté, et laisse entendre
plus que le texte grec ne dit. Il lui a souvent été reproché d’être plus proche du latin
d’Amasée 41 que du grec de Pausanias 42, mais ce ne semble pas être le cas ici ou, du
moins, les indices manquent pour le déterminer. Dans le premier passage, il tente de
rendre explicite et compréhensible en français l’ambiguïté du nom propre Despoina,
prenant le parti de le traduire, tout en veillant à ce que le lecteur l’identifie bien
comme le nom d’une divinité. Ce n’est guère différent, sinon par le procédé qui est
ici un peu maladroit, du principe adopté par M. Jost que nous venons d’examiner.
C’est, somme toute, la même méthode qui le pousse à traduire ὀνοµαζόµενον
Ἑρµαῖον en 35, 2 par « Hermée », voyant dans ὀνοµαζόµενον un signe du fait qu’
Ἑρµαῖον est ici un nom propre. Ne percevant pas le parallélisme avec le passage
précédent, il rend alors Ἑρµαῖον en 35, 3 par « temple de Mercure ». La traduction
de Clavier est en revanche tout à fait conforme au texte grec, dont elle préserve
l’ambiguïté.
Avant de conclure, et pour prolonger l’analyse de VIII, 35, 2 et 3, nous voudrions citer un passage du livre III comparable à ceux-là :
Ἀρίστανδρος δὲ Πάριος καὶ Πολύκλειτος Ἀργεῖος ὁ µὲν γυναῖκα ἐποίησεν
ἔχουσαν λύραν, Σπάρτην δῆθεν, Πολύκλειτος δὲ Ἀφροδίτην παρὰ
Ἀµυκλαίῳ καλουµένην (III, 18, 8).
Aristandros le Parien et Polyclète l’Argien ont fait, l’un, une femme tenant une
lyre, Sparte assurément, et Polyclète une Aphrodite appelée « près de
l’Amycléen ».
Ici également, le groupe prépositionnel παρὰ Ἀµυκλαίῳ s’intègre à une dénomination, non pas ici d’un sanctuaire, mais d’une statue divine. Il s’agit d’une véritable
giques, auteurs et passages cités, artistes et, enfin, noms géographiques, ethnographiques et topographiques. Il convient de restituer dans l’index des auteurs sous le nom
d’Homère, la référence à 24, 14 (et non 24, 13), égarée dans l’index des personnages
historiques.
41. Voir la note 4 ci-dessus.
42. Nous en donnons un exemple ci-dessous.
LES TRADUCTIONS FRANÇAISES DE PAUSANIAS [UPDATED]
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épiclèse divine, de structure parallèle aux toponymes étudiés plus haut 43. Clavier a
été sensible à la particularité de la dénomination de cette Aphrodite laconienne,
puisqu’il traduit (t. II, p. 148) : « la Vénus nommée, Vénus chez Amykléus », là où
Gedoyn, se méprenant sur la version latine d’Amasée : « hic Venerem quae AD
AMYKLAEUM vocatur » 44, traduit de manière fort imagée (t. I, p. 296) : « c’est
Vénus qu’Amyclée invite à venir chez lui ». Si ces exemples révèlent les limites de
la traduction de Gedoyn, ils montrent en revanche l’intérêt de la version de Clavier,
qu’il conviendrait certainement d’examiner de plus près.
Olivier Gengler
43. V. PIRENNE et G. PURNELLE, Pausanias Periegesis. Index verborum, liste de fréquence, index nominum, Liège, 1997, t. II, p. 1191 ne reprenne pas le groupe παρὰ
Ἀµυκλαίῳ comme épiclèse d’Aphrodite ; d’ailleurs, le principe même de cet Index
verborum fait que l’expression n’est pas recensée comme telle, mais chaque mot
séparément (voir sous παρά et Ἀμυκλαίος).
44. Nous citons Amasée d’après l’édition de Kuhn que Gedoyn semble avoir utilisée. Les lettres capitales apparaissent dans l’édition de Kuhn (Leipzig, 1696).