Saint Josémaria
et le Curé d’Ars
LAURENT TOUZE1
Abstract: Saint Josémaria a nommé, vers 1951-1953, le Curé d’Ars comme
intercesseur pour les relations de l’Opus Dei avec les évêques diocésains. L’article étudie les causes et les circonstances de cette nomination, en présentant
aussi les relations du fondateur de l’Opus Dei avec saint Jean-Marie Vianney
tout au long de sa vie.
Keywords: Josémaria Escrivá − Curé d’Ars – Intercesseurs de l’Opus Dei −
France − Villa Tevere.
St. Josemaría and the Cure of Ars: St. Josemaría, around 1951-1953, chose
the Cure of Ars as intercessor for Opus Dei’s relations with diocesan bishops.
The articles studies the causes and circumstances of this nomination, and also
presents the relation that the founder of Opus Dei had with St. Jean-Marie
Vianney throughout his life.
Keywords: Josemaría Escrivá − Cure of Ars − Intercessors of Opus Dei −
France – Villa Tevere
Un professeur d’histoire aux Universités, lecteur habituel de Studia et
Documenta, quand il a appris que j’écrivais cet article, m’a demandé en souriant si son titre allait être d’un type selon lui courant dans la revue : Prolégomènes à une étude sur, Introduction à l’histoire de, etc. Un peu par esprit de
contradiction, j’ai préféré lui donner un intitulé bref, mais une version plus
ISSN 1970-4879
1
Je remercie pour leur aide et leurs conseils M. l’abbé Francesc Castells de l’Archivio Generale della Prelatura dell’Opus Dei et M. Luis Cano de l’Istituto Storico San Josemaría
Escrivá.
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37
LAURENT TOUZE
longue et plus prudente n’aurait pas été déplacée : sur le thème des rapports
entre saint Josémaria et le Curé d’Ars, de nombreux points restent encore à
clarifier, et les archives sont loin d’avoir dit leur dernier mot.
Cette étude se contentera d’exposer les résultats de la recherche en
suivant un ordre logique en trois points : d’abord, la nomination par saint
Josémaria, vers 1951-1953, du Curé d’Ars comme intercesseur pour les relations de l’Opus Dei avec les évêques diocésains ; puis les relations de saint
Josémaria avec le saint Curé avant 1951-1953, comme le cadre qui annonce
la nomination ; et finalement les conséquences de cette nomination, les relations des deux saints après 1951-19532.
La nomination du Curé d’Ars comme intercesseur
pour les relations de l’Opus Dei avec les évêques diocésains
La date de nomination
L’élément peut-être le plus important du rapport entre le fondateur de
l’Opus Dei et le curé d’Ars † 1859 est la décision de saint Josémaria de nommer
saint Jean-Marie Vianney comme intercesseur pour les relations de l’Œuvre
avec les ordinaires diocésains. Cette décision semble remonter aux années
1951-19533. Le 9 août 1951 il écrit en effet dans une note de gouvernement :
Dice el Padre: “Recuerda a los curicas la necesidad de tratar con cariño a
los señores Obispos; y el deber de no hacer ningún trabajo externo −fuera
de nuestras casas− sin un permiso previo del Ordinario. Quizá nunca os
he dicho que yo siempre pongo al Santo Cura de Ars por intercesor en mis
relaciones con los señores Obispos: ponedle también vosotros”4.
2
3
4
38
L’article centre donc les relations entre les deux saints sur la nomination du Curé d’Ars
comme intercesseur : on ne cherchera pas ici à ‘comparer’ systématiquement la spiritualité
des deux saints, à situer Josémaria par rapport à Jean-Marie, à replacer le premier dans
l’histoire de la spiritualité sacerdotale de son temps, en soulignant les aspects plus traditionnels et les originalités potentielles – spécialement sur la sécularité de la spiritualité
sacerdotale. Ce serait l’objet d’une autre recherche.
Cfr. la note suivante n. 5 et les paragraphes sur les visites à Ars (la première eut lieu le 25
octobre 1953) pour expliquer le choix de l’année 1953 comme annus ad quem de la nomination.
Nota sobre relación con Obispos, Rome, 9 août 1951: AGP, serie A.3, leg. 179, carp. 4, exp. 11.
Rien au sujet de cette note dans le journal du Collège Romain, autour du 9 août: AGP, serie
M.2.2., 427-8, ni dans les quatre lettres de l’épistolaire envoyées depuis Rome ce jour-là.
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Josémaria confiait donc au curé d’Ars dès avant 1951 ses relations
avec les évêques ; ce que change cette note, c’est qu’une dévotion personnelle du fondateur (il précise : ‘Quizá nunca os he dicho’, il ne proposait
donc pas auparavant à ses enfants spirituels de l’accompagner dans cette
prière) devient institutionnelle, pour tout l’Opus Dei ; il demande à tous –
et spécialement aux prêtres – de prier le saint dans leurs relations avec les
évêques.
Selon les souvenirs de saint Josémaria lui-même, c’est au moins à partir de 1938 qu’il commença à recourir personnellement à l’intercession du
curé d’Ars pour cette intention. Il écrit en effet en 1950: “por lo menos, desde
1938 lo tengo por intercesor, en estos asuntos”5. Que survient-il en 1938 dans
ses relations avec les évêques qui ait pu marquer ainsi la mémoire de saint
Josémaria ? Cette année-là, le fondateur de l’Opus Dei s’est installé à Burgos
et les circonstances l’obligent, pourrait-on dire, à multiplier les contacts avec
différents évêques. Jusqu’à la guerre civile espagnole, le travail apostolique
de l’Opus Dei s’était essentiellement développé à Madrid, sur le territoire et
avec la bénédiction de son évêque, Mgr Leopoldo Eijo y Garay. Saint Josémaria a dû fuir fin 1937 la capitale dominée par les forces républicaines ; une
fois arrivé à Burgos il entend réorganiser l’apostolat de l’Œuvre, multiplier
les contacts avec ses fils spirituels – encore peu nombreux et éparpillés par
les hasards de la guerre sur toute la géographie espagnole –, avec ceux qui
fréquentaient les moyens de formation de l’Opus Dei avant la guerre et qu’il
n’avait pas pu revoir depuis longtemps. Tout cela exigeait des déplacements
un peu partout, pour des activités apostoliques que saint Josémaria menait
toujours avec l’accord des évêques locaux. Il entendait profiter de chaque
voyage pour expliquer l’Œuvre aux évêques des diocèses visités 6 : il avait
dès avant guerre rencontré à Madrid certains d’entre eux, comme Mgr Mar5
6
AGP, serie A.3.4, leg. 262, carp. 2, carta 500902-01. Cette date donnée par saint Josémaria est sans doute plus fiable que le vague souvenir du rédacteur du journal du Collège
Romain, qui écrit le vendredi 27 février 1953, après une réunion avec le saint, et en précisant que sa mémoire lui fait défaut : “A mitad de tertulia viene el Padre con nosotros. Nos
dice que en 1934 o 1935 –no recuerdo con exactitud– puso bajo el patrocinio del santo
Cura de Ars las relaciones de la Obra con los Obispos. Y hace pocos días, encomendó a San
Pío X las relaciones con la Santa Sede”: AGP, serie M.2.2., 427-16. Il me semble que c’est
justement durant cette année 1953 que prend corps dans l’esprit de saint Josémaria l’idée
d’un groupe de saints auxquels l’Opus Dei confiera différentes intentions institutionnelles.
“Don Josemaría se fue haciendo un itinerario al que incorporó también otras finalidades,
como la de visitar a todos los Obispos para irles dando a conocer la Obra”: Andrés Vázquez de Prada, El Fundador del Opus Dei, Madrid, Rialp, 1997-2003, vol. II, p. 254.
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celino Olaechea ou Mgr Javier Lauzurica, mais dans cette nouvelle période
de sa vie, il est notamment reçu par les évêques de Avila, Astorga, Burgos,
Léon, Valladolid7. De plus, à partir de 1938, il prêche des retraites au clergé
de nombreux diocèses espagnols à la demande des évêques (de septembre
1938 à octobre 1942, il dirige dix-neuf retraites, d’une durée de six jours en
général, pour des séminaristes, des diacres, des prêtres8).
Les rencontres et la collaboration avec les évêques se multiplient, saint
Josémaria inscrit ce mouvement dans une perspective de foi et l’accompagne
par la prière, c’est donc sans doute dans ce cadre qu’il commence à invoquer
le saint curé.
Pourquoi un intercesseur pour les relations avec les évêques ?
La date de nomination ‘institutionnelle’ serait donc 1951-1953. Mais
pourquoi l’Opus Dei a-t-il besoin d’un intercesseur spécifique pour ses relations avec les évêques diocésains ? À cause de sa mission et de son organisation, qui appellent intrinsèquement à la collaboration avec les Églises
locales9. Ces dimensions ont été définitivement organisées du point de vue
juridique avec l’érection de l’Opus Dei en prélature personnelle10, mais elles
ont toujours configuré sa vie et sa structure. L’Œuvre a en effet pour mission
de diffuser un message, que la vie quotidienne, le travail et les circonstances
ordinaires de l’existence sont une occasion de sanctification. Pour cette diffusion, l’Opus Dei collabore avec les Églises locales, en proposant des moyens
de formation chrétienne à ceux qui veulent les fréquenter. Du point de vue
organisationnel, ceux qui s’incorporent à l’Opus Dei continuent d’être des
fidèles du diocèse auquel ils appartiennent, ils sont soumis à l’évêque diocésain de la même manière et sur les mêmes questions que les autres baptisés,
leurs égaux, et dépendent de la prélature pour ce qui concerne l’accomplissement des engagements particuliers – ascétiques, de formation et apostoliques – qu’ils assument en entrant dans l’Opus Dei. L’Œuvre existe donc
7
8
9
10
Cfr. Vázquez de Prada, El Fundador, vol. II, pp. 253ss.
Cfr. Constantino Ánchel, La predicación de san Josemaría. Fuentes documentales para el
periodo 1938-1946, SetD 7 (2013), pp. 125-198, spécialement 135-139.
Pour cette brève explication, je reprends ici certaines expressions du site de la prélature en
français www.opusdei.fr, dans sa partie : Qu’est-ce que l’Opus Dei ? (consulté le 9 janvier
2014).
Cfr. notamment le Codex Iuris Particularis Operis Dei, Tit. IV, cap. V, in Amadeo de
Fuenmayor − José Luis Illanes − Valentín Gómez-Iglesias, El itinerario jurídico del
Opus Dei. Historia y defensa de un carisma, Pamplona, Eunsa, 19904, pp. 654-656.
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pour servir l’Église universelle et les Églises locales, sa vie et son développement passent aussi par les contacts et la collaboration avec les évêques diocésains. C’est ce qu’a vécu saint Josémaria avec un esprit de foi et de prière,
c’est ce qu’il a formé ses enfants spirituels à incarner. Vis-à-vis des évêques
diocésains et spécialement de ceux dont les diocèses accueillaient des activités de l’Opus Dei, il a manifesté un évident esprit de loyauté et d’affection11.
Pourquoi en 1951-1953 ?
En l’absence d’explications de saint Josémaria sur les motifs qui le
poussent à cette nomination du saint curé comme intercesseur en 19511953, on peut émettre quelques hypothèses.
La première raison serait analogique à celle proposée pour rendre
compte du commencement de ce recours du fondateur de l’Opus Dei au
saint curé : comme en 1938 c’était l’expansion de l’Œuvre en Espagne qui
multipliait les relations avec les évêques et la nécessité de les appuyer sur la
prière, 1951 est au cœur de l’expansion internationale des apostolats des filles
et des fils spirituels de saint Josémaria. Sous son impulsion, le travail apostolique de l’Opus Dei commence en effet en Italie (1943), Portugal (1945),
Royaume-Uni (1946), Irlande et France (1947), Mexique et États-Unis
(1949), Chili et Argentine (1950), Colombie et Venezuela (1951). Ensuite,
après 1951 : en Allemagne (1952), Guatemala et Pérou (1953) ; Équateur
(1954) ; Uruguay et Suisse (1956) ; Brésil, Autriche et Canada (1957) ; Japon,
Kenya et Salvador (1958) ; Costa Rica (1959) ; Pays-Bas (1960) ; puis encore
Paraguay (1962) ; Australie (1963) ; Philippines (1963) ; Belgique et Nigéria
11
Pour ses amitiés avec les évêques d’Espagne, où naît l’Opus Dei et où il connaît sa première
expansion, on pensera à NN.SS. Leopoldo Eijo y Garay, José López Ortiz, Santos Moro
Briz, Pedro Cantero Cuadrado, Carmelo Ballester Nieto, José María Bueno Monreal, José
María García Lahiguera ou Juan Hervás Benet, notamment. Cfr. les index des noms cités
dans les trois tomes de Vázquez de Prada, El Fundador del Opus Dei ; ou les témoignages
recueillis in Benito Badrinas (ed.), Beato Josemaría Escrivá de Balaguer: un hombre de
Dios. Testimonios sobre el fundador del Opus Dei, Madrid, Palabra, 1994. Pour la période
ultérieure et notamment durant le concile Vatican II, cfr. par exemple Carlo Pioppi,
Alcuni incontri di san Josemaría Escrivá con personalità ecclesiastiche durante gli anni del
Concilio Vaticano II, SetD 5 (2011), pp. 165-228. Les relations un temps compliquées de
Manuel Gonçalves Cerejeira, cardinal patriarche de Lisbonne, avec l’Opus Dei, illustrent
spécialement ce respect et cette affection de saint Josémaria, quand le patriarche opposa
une certaine incompréhension : cfr. Vázquez de Prada, El Fundador, vol. III, pp. 359365. On peut aussi consulter Hugo de Azevedo, Primeiras viagens de S. Josemaría a Portugal (1945), SetD 1 (2007), pp. 15-39.
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(1965) ; Porto Rico (1969)12. Le travail apostolique commence donc dans de
nouveaux pays, dans de nouveaux diocèses, avec l’accord et en collaboration
avec de nouveaux évêques : ce doit être dans le cadre de cette explosion apostolique et de sa dimension d’abord surnaturelle que saint Josémaria entend
s’appuyer sur l’intercession du saint curé.
Cette première hypothèse me semble la plus importante, la plus apte à
rendre compte de la décision du fondateur de l’Opus Dei.
On peut y rajouter deux autres. La première, c’est le développement de
la Société Sacerdotale de la Sainte-Croix qui en 1950, un an avant 1951 donc,
s’ouvre aux prêtres diocésains13. Mû par son amour pour ses frères prêtres
séculiers, en 1948-1949 Josémaria pense avec douleur devoir laisser l’Œuvre
cheminer seule, sans lui (l’approbation définitive proche – elle aura lieu le
16 juin 1950 – rend à son avis ce sacrifice possible, sans mettre en danger
la pérennité de l’Opus Dei), pour fonder une nouvelle institution en faveur
des prêtres diocésains. Dieu lui fit finalement comprendre qu’ils entraient
parfaitement dans la structure et l’esprit de l’Œuvre : son message de sanctification de la vie séculière, son appel à la contemplation dans l’existence de
tous les jours, s’adaptaient aussi au ministère des clercs séculiers. À partir de
1950 donc, l’apostolat avec les prêtres prend une nouvelle forme institutionnelle dans la vie de saint Josémaria, et la figure du prêtre séculier Jean-Marie
Vianney se retrouvait peut-être devant ses yeux à un nouveau titre (on verra
plus bas, à propos du projet de pèlerinage à Ars, que saint Josémaria établit
lui-même un certain lien entre son désir d’aider les prêtres diocésains d’une
part et la figure du curé d’Ars d’autre part).
Une dernière raison, plus accidentelle et de court terme, pour situer
en 1951-1953 la décision de proposer à ses enfants spirituels l’intercession
du saint curé, pourrait être les incompréhensions manifestées en 1950 par
l’archevêque de Valladolid Antonio García à propos des relations de la curie
diocésaine avec le centre local de l’Opus Dei14. Saint Josémaria sut agir –
et faire agir ses enfants spirituels – avec son habituelle vénération pour les
évêques – il avait en plus reçu antérieurement de nombreuses manifestations d’affection de Mgr García – et dans le respect du droit (conformément
12
13
14
Cfr. Federico M. Requena − Javier Sesé (eds.), Fuentes para la historia del Opus Dei,
Barcelona, Ariel, 2002, pp. 85-93; 109.
Cfr. Vázquez de Prada, El Fundador, vol. III, pp. 170-176 ; Fuenmayor − Illanes −
Gómez-Iglesias, El itinerario, pp. 288-291.
Cfr. notamment les lettres AGP, serie A.3.4, leg. 262, carp. 2, cartas 500902-01, 500903-01
et 500914-03 de l’épistolaire du saint.
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SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
aux indications concrètes de la congrégation vaticane compétente) : la curie
diocésaine finit par ne plus opposer de difficultés. Mais au moment où ces
incompréhensions étaient encore manifestes, saint Josémaria observait que
si la nouveauté de l’Opus Dei avait pu causer certaines mésintelligences,
celles de Valladolid lui semblaient plus aiguës ; et il invoquait à ce sujet l’intercession du curé d’Ars15. Il est donc possible que ce bref désagrément de
gouvernement ait rappelé à Josémaria l’utilité de donner à ses enfants spirituels tous les moyens surnaturels pour des relations justes et saintes avec les
ordinaires locaux.
Pourquoi le curé d’Ars ?
On a jusqu’à maintenant rappelé que de par sa nature et sa mission,
l’Opus Dei entretient des liens avec les évêques et qu’il a besoin de les mettre
sous la protection du ciel ; on a par ailleurs précisé que le début des années
1950, marquées pour l’Œuvre par une forte expansion internationale, rendait encore plus urgent ce recours aux moyens surnaturels. Mais il reste au
moins une autre question : pourquoi se tourner vers le curé d’Ars, pourquoi
ne pas choisir un autre saint ?
Saint Josémaria a indiqué me semble-t-il deux critères : le premier,
valable pour tous les intercesseurs de l’Opus Dei, qu’aucun ne soit espagnol,
pour marquer l’universalité de l’Œuvre, ne pas tout assimiler à la nationalité
du fondateur et de ses premiers disciples, et encourager ses enfants spirituels
de tous pays à vivre un esprit authentiquement catholique ; le second, plus
spécifique à l’intercesseur pour les relations avec les évêques, qu’il soit un
prêtre diocésain.
Sur le premier point, Mgr Escriva s’est exprimé à plusieurs reprises.
Par exemple, dans une réunion avec les élèves du Collège Romain de la
Sainte-Croix, le 20 juin 1956, avant un voyage à Ars16. Il observe alors que
l’Espagne comptant de nombreux saints, il aurait pu ne choisir que des intercesseurs de son pays, mais qu’il a préféré n’en prendre aucun, pour éviter les
nationalismes17.
15
16
17
AGP, serie A.3.4, leg. 262, carp. 2, carta 500902-01.
AGP, serie M.2.2., D 428-6.
Témoignage de Mgr Augustin Roméro, actuellement vicaire judiciaire de l’archidiocèse
de Paris, relatant une visite de saint Josémaria à Paris, exactement le 20 mai 1959, c’està-dire, comme on verra infra, une semaine après une visite du saint à Ars : “Como un
ejemplo de la universalidad del espíritu que le había dado, nos habló de los santos interce-
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LAURENT TOUZE
Il dit aussi – et c’est éclairant pour notre second critère – que comme
intercesseur des relations avec les ordinaires locaux, il aurait pu nommer
par exemple le bienheureux – à cette époque – Jean d’Avila18. Il me semble
que s’il propose ce saint du XVIe siècle comme une alternative au curé d’Ars,
c’est parce qu’ils sont tous les deux prêtres séculiers, insérés dans un diocèse,
et donc logiques intercesseurs pour les relations avec les ordinaires locaux.
Jean d’Avila, mort en 1569 et béatifié seulement en 1894 sous Léon
XIII, vient peut-être plus facilement à l’esprit de saint Josémaria en 1956
parce qu’il a été proclamé patron du clergé séculier espagnol dix ans plus tôt
par Pie XII, par le bref Dilectus filius du 2 juillet 1946. Il sera canonisé par
le vénérable Paul VI du vivant de saint Josémaria, le 31 mai 197019. Une fois
écarté Jean d’Avila parce qu’espagnol, les prêtres séculiers canonisés sont peu
nombreux en 1951-1953. À part saint Jean-Marie Vianney, premier curé de
paroisse canonisé20 (en 1925), peu de prêtres séculiers sont au martyrologe,
si l’on ne tient pas compte des martyrs et des fondateurs de congrégations
religieuses qui sont en général portés aux autels parce qu’ils ont répandu
leur sang pour le Christ ou parce qu’ils ont ouvert un nouveau chemin de
vie religieuse et non pas en tant que prêtres séculiers ; la seule exception que
je connaisse est celle de saint Yves de Tréguier mort en 1303 et canonisé en
1347 ; mais il n’est pas au calendrier romain, et il est possible que saint Josémaria, bien que juriste, n’ait pas entendu parler de celui qui porte dans de
nombreux pays le titre de patron des gens de justice.
Mais il semble un peu pauvre et serait sans doute inexact, de réduire
la figure du curé d’Ars aux yeux de saint Josémaria à deux critères négatifs :
d’une part il n’est pas espagnol ; d’autre part il est un des rares prêtres séculiers canonisés, c’est-à-dire qu’il n’aurait pas eu beaucoup de concurrents à
18
19
20
sores: Santo Tomás Moro, un inglés maravilloso; el Santo Cura de Ars, un francés; San Pío
X, un italiano” : AGP, serie A.2, 83-1-2, H, p. 4.
“Mirad que en España tenemos montones de santos y no he buscado ningún español. Nos
pide que no seamos nacionalistas. [...] Contaba como podía haber escogido como patrono
de nuestras relaciones con los Ordinarios al Beato Juan de Ávila y sin embargo eligió al
Cura de Ars”: AGP, serie M.2.2, 428-6, toujours le 20 juin 1956; AGP, serie A.5, leg. 206,
carp. 3, exp. 8: “Nos hacía ver cómo había escogido intercesores de distintas naciones, para
que no fuésemos nacionalistas, pudiendo haber elegido santos españoles en abundancia”:
Témoignage de Hugo de Azevedo, Porto, 6 septembre 1975.
Et proclamé docteur de l’Église par Benoît XVI le 7 octobre 2012.
Cfr. Marc Venard (ed.), Histoire du christianisme, t. VIII : Le temps des confessions, Paris,
Desclée, 1992, p. 1026. Saint Pierre Fourier † 1640, curé de Mattaincourt en Lorraine,
avait bien été canonisé en 1897 mais au premier titre comme fondateur des chanoinesses
régulières de la congrégation de Notre-Dame.
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SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
l’heure de chercher un intercesseur21. Je proposerai ici d’autres hypothèses
pour expliquer le choix de saint Jean-Marie Vianney.
Le curé d’Ars, exemple de relations avec son évêque
Comme nous le verrons plus bas, saint Josémaria connaissait sans doute
assez bien la vie du saint curé. Il aura alors observé que l’abbé Vianney vécut
une grande soumission et loyauté envers son prélat : son intercession pour
les relations avec les évêques a donc sa logique, puisqu’il a vécu les siennes de
manière exemplaire. Il a ainsi – pour donner un exemple parmi d’autres de
cette obéissance – abandonné le rigorisme de ses premières années de ministère grâce à son évêque, Mgr Alexandre Devie † 1852, qui lui fit découvrir
la morale de saint Alphonse Marie de Liguori, en pleine diffusion au XIXe
siècle22. L’évêque de Belley écrit en effet en 1830 une lettre pastorale d’éloge
de la Theologia moralis de saint Alphonse23, et on peut considérer qu’en 1839,
le saint curé a abandonné le rigorisme qui l’avait initialement poussé à user
de l’absolution différée comme d’un moyen habituel pour porter les âmes
à la conversion24. Il possédait d’ailleurs et étudiait chaque hiver la Théologie morale à l’usage des curés et des confesseurs (1844) du cardinal Charles
Gousset, archevêque de Reims † 1866, grand diffuseur de la morale alphonsienne25. L’influence de Liguori sur le curé d’Ars, reçue donc par la médiation de son évêque, lui permit d’absoudre sans délai les pénitents vraiments
21
22
23
24
25
Le doyen du curé de campagne de Bernanos observe : « Le curé d’Ars n’est-il pas une
exception ? La proportion n’est- elle pas insignifiante de cette vénérable multitude de clercs
zélés, irréprochables, consacrant leurs forces aux charges écrasantes du ministère, à ces
canonisés ? Qui oserait cependant prétendre que la pratique des vertus héroïques soit le
privilège des moines, voire de simples laïques ? » : Georges Bernanos, Journal d’un curé de
campagne, in Albert Béguin (ed.), Œuvres romanesques, Paris, (Bibliothèque de la Pléiade,
155) Gallimard, 1966, p. 1083.
Cfr. Gilbert Humbert, Jalons chronologiques pour une histoire de la pénétration en pays
francophones de la pensée et des œuvres d’Alphonse de Liguori, in Jean Delumeau (ed.),
Alphonse de Liguori : pasteur et docteur, Paris, Beauchesne, 1987, pp. 369-401 ; La recezione
del pensiero alfonsiano nella Chiesa : atti del congresso in occasione del terzo centenario della
nascita di S. Alfonso De Liguori, Roma 5-7 marzo 1997, Roma, (Bibliotheca historica Congregationis SSmi. Redemptoris, 18) Collegium S. Alfonsi de Urbe, 1998.
Cfr. Gérard Cholvy − Yves-Marie Hilaire, Histoire religieuse de la France contemporaine (1800-1880), I, Toulouse, Privat, 1985, p. 156.
Cfr. Gérard Cholvy, Être chrétien en France au XIXe siècle (1790-1914), Paris, Seuil, 1997,
p. 113.
Cfr. Henri Convert, Le saint curé d’Ars et le sacrement de pénitence, 1e partie, c. VII,
Lyon, Emmanuel Vitte, 1923.
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45
LAURENT TOUZE
contrits, fortifia son amour pour l’Eucharistie et l’encouragea à prêcher sur
un ton positif, presque toujours sur l’amour divin26. C’est donc au cœur des
manifestations de la sainteté de Jean-Marie Vianney que se situe l’influence
de son évêque : un tel lien du saint curé à son ordinaire explique peut-être
qu’il ait été choisi comme intercesseur des relations avec les évêques.
Le Curé d’Ars et la vie de saint Josémaria avant 1951-1953
Le curé d’Ars dans la biographie de saint Josémaria
On peut penser aussi à certaines circonstances de la vie du fondateur
de l’Opus Dei qui lui ont rendu peut-être sympathique le curé d’Ars.
Le pape Pie XI canonise saint Jean-Marie Vianney le 31 mai 1925,
quelques semaines après l’ordination sacerdotale de saint Josémaria reçue le
28 mars. Dans un contexte ecclésial de canonisations moins fréquentes, on
peut imaginer que saint Josémaria aura entendu parler de cet acte pontifical.
On sait de sa période madrilène postérieure, à partir de 1927, que le fondateur de l’Œuvre diffusait de nombreuses revues d’information religieuse ; il
les connaissait et les lisait peut-être déjà auparavant, et elles se seront sans
doute fait écho de la canonisation27.
On peut aussi penser qu’il aura eu une certaine sympathie pour un des
rares prêtres séculiers canonisés, de plus mort moins de 70 ans auparavant.
La canonisation de l’abbé Vianney était en effet exceptionnelle en 1925 au
moins à deux points de vue : il s’agissait d’un prêtre séculier, et de plus d’un
quasi contemporain. On a parlé plus haut du nombre faible de prêtres séculiers canonisés, le tableau suivant illustre la rareté des canonisations jusqu’à
26
27
Cfr. Bernard Nodet, Jean-Marie Vianney, curé d’Ars. Sa pensée, son cœur, Le Puy, Xavier
Mappus, 19605, p. 20.
Il écrit ainsi en 1930: “Desde hace mucho tiempo, además de llevar revistas religiosas (El
Mensajero, el Iris de Paz, revistas de misiones y otras de diversas congregaciones) a los
enfermos, las he repartido, tranquila y frescamente, por las calles: en los barrios bajos,
hubo temporada que no podía pasar por algunas calles sin que me pidieran revistas”: Josemaría Escrivá, Apuntes íntimos, n. 86, 25 août 1930, in Vázquez de Prada, El Fundador,
vol. I, p. 321. On pensera aussi à une revue plus scientifique comme La Vida Sobrenatural.
Cfr. Federico M. Requena, El “Amor Misericordioso” en La Vida Sobrenatural, “Vida
Sobrenatural” 591 (1997), pp. 166-182; Id, San Josemaría Escrivá de Balaguer y la devoción
al Amor Misericordioso (1927-1935), SetD 3 (2009), pp. 139-174.
46
SetD 8 (2014)
SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
Vatican II, et le fait qu’elles portaient exceptionnellement sur des hommes et
des femmes récemment disparus28.
Papes
Canonisations
Saints du XIXe
siècle
Saints du
XXe siècle
1
1
11
20
5
34
4
1
1
Pie VII (1800-1823)
Grégoire XVI (1831-1846)
Bienheureux Pie IX (1846-1878)
Léon XIII (1878-1903)
Saint Pie X (1903-1914)
Benoît XV (1914-1922)
Pie XI (1922-1939)
Vénérable Pie XII (1939-1958)
Bienheureux Jean XXIII (1958-1963)
Vénérable Paul VI (1963-1978)
5
5
52
18
4
3
34
33
10
84
Bienheureux Jean-Paul II (1978-2005)
482
(dont 402 martyrs)
300
43
19
Benoît XVI (2005-2013)
125
15
Un autre élément hypothétique part d’un fait : la canonisation a lieu
seulement treize jours après le retour de saint Josémaria du village aragonais de Perdiguera, qu’il laisse le 18 mai 1925 et où il exerça ses premières
semaines de ministère. Il est possible qu’il ait établi un parallèle entre les
petites paroisses rurales d’Ars et de Perdiguera. Sur ces situations pastoralement et humainement analogues, un bon connaisseur de la spiritualité de la
fin du XIXe et du début du XXe siècle a pu d’ailleurs écrire :
Giovanni Maria Vianney era diventato per il clero cattolico un simbolo,
una speranza e una bandiera. Molti umilissimi ecclesiastici, come il curato
d’Ars in paesi che sembravano una terra arida e sterile, come lui poverissimi, frugali e con pochi mezzi di sostentamento, sinceramente pregavano
e operavano ripromettendosi il rifiorire della religione, della pratica e del
28
Cfr. Benoît Pellistrandi, De la “acción de los católicos” a la santidad laical. El historiador
frente a la santidad contemporánea, in Josep-Ignasi Saranyana et alii (eds.), El caminar
histórico de la santidad cristiana: de los inicios de la época contemporánea hasta el Concilio
Vaticano II, XXIV Simposio Internacional de Teología de la Universidad de Navarra, Pamplona, Servicio de Publicaciones de la Universidad de Navarra, 2004, pp. 19-42, ici p. 40.
Cfr. aussi http://www.vatican.va/news_services/liturgy/saints/index_canoniz-beat_fr.html
consulté le 14 février 2014.
SetD 8 (2014)
47
LAURENT TOUZE
fervore mediante l’aiuto di Dio, per mezzo del pane eucaristico e la devozione a Maria santissima29.
On observera en passant que le choix d’un saint français est encore
plus remarquable si on se souvient de la gallophobie qu’on avait cherché
à inculquer au petit Josémaria dans son enfance, particulièrement au collège, comme conséquence des forfaits commis par les troupes françaises en
Espagne durant les guerres du premier Empire30. En mûrissant humainement et chrétiennement, Josémaria non seulement apprit à rejeter ces rancœurs avec un esprit vraiment catholique, mais se sentit aussi en dette avec
la France, comme tenu à l’aimer pour effacer ce climat d’antipathie subi dans
son enfance31.
La présence du curé d’Ars dans la vie de saint Josémaria
On a vu ici beaucoup d’hypothèses, je voudrais aussi présenter des faits
qui illustrent la présence du curé d’Ars dans la vie de saint Josémaria dès
avant 1951-1953. Le premier fait serait la présence de livres de et sur saint
Jean-Marie Vianney dans la bibliothèque de travail que Mgr Escriva organise à Rome après 1950 pour lui et pour ses successeurs32. On y trouve deux
29
30
31
32
Pietro Stella s.d.b., Don Bosco nella storia della religiosità cattolica, II, Roma, LAS, 1981,
p. 307. C’est notamment dans ce cadre que Pie XI a nommé le curé d’Ars patron des curés
du monde entier par la Lettre apostolique Anno iubilari (23 avril 1929) : AAS 21 (1929),
pp. 312-313.
Cfr. Vázquez de Prada, El Fundador, vol. III, p. 414.
“Añadió que quería mucho a Francia. Por espíritu de justicia, por reparación. ¡Me la
enseñaron a odiar tanto de pequeño!”: AGP, serie M.2.2., 428-6, 20 juin 1956. Un fidèle
français de l’Opus Dei, M. François Gondrand, se souvient que lors de sa première rencontre en mai 1960 avec saint Josémaria, celui-ci dit notamment que : “había tenido que
hacer un esfuerzo para amar a Francia, cuando se dio cuenta que los buenos religiosos
que habían sido sus profesores en la escuela primaria, habían intentado inculcarle el odio
a los franceses, ya que en Aragón se conservaba un recuerdo muy vivo de las campañas
napoleónicas. El Padre nos encargó de decir a los otros franceses que vendrían después,
que él amaba mucho más a Francia, precisamente porque había debido hacer este esfuerzo
en su juventud, para compensar el odio a los franceses que habían intentado inculcarle en
sus primeros años. Añadió que era una cosa espantosa el introducir el odio en el corazón
de los niños y que, a pesar de todo, a pesar de lo que había hecho en España, Napoleón no
era el ogro que le habían descrito” : AGP, serie A.2, 83-1-2, K, p. 2.
Je m’appuie ici sur les travaux réalisés pour le mémoire de licence suivant : Jesús Gil
Sáenz, La biblioteca de trabajo de san Josemaría Escrivá de Balaguer en Roma, 237 pp.,
soutenu le 24 septembre 2012 à l’Université Pontificale de la Sainte-Croix. Je remercie M.
l’abbé Gil Sáenz, maintenant doctorant en théologie spirituelle, de m’avoir autorisé à uti-
48
SetD 8 (2014)
SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
tomes de sermons du curé d’Ars traduits à l’espagnol33, trois auteurs classiques sur la spiritualité et la vie du saint curé, l’abbé Alfred Monnin, Mgr
Francis Trochu et Mgr Hippolyte Convert34.
Pour prouver que Josémaria a lu ces livres et/ou d’autres sur et de JeanMarie Vianney, on observera qu’il le cite dans sa prédication. Il le prend
comme un exemple de foi lors d’une retraite sacerdotale prêchée à Vitoria en
août 193835. Durant une autre retraite, à Valence en novembre 1940, il utilise deux anecdotes tirées de la vie de l’abbé Vianney : la première, celle que
reprendra le Catéchisme de l’Église Catholique, au n. 2715 : « “Je L’avise et Il
m’avise”, disait, au temps de son saint curé, le paysan d’Ars en prière devant
le Tabernacle (cfr. F. Trochu, Le curé d’Ars Saint Jean Marie Vianney, pp.
223-224). » Ce n’est pas le livre de Trochu que contient la bibliothèque de
saint Josémaria, mais la célèbre biographie, un classique pour les prêtres
séculiers, qui a eu par exemple une influence sur la vocation sacerdotale du
bienheureux Jean-Paul II36 et dont on pourrait penser que saint Josémaria l’a
lue. La seconde anecdote racontée lors de cette retraite de 1940 fut elle aussi
reprise plus tard dans un document ecclésial, cette fois-ci l’encyclique Sacerdotii Nostri Primordia du bienheureux Jean XXIII37 ; c’est la réponse du saint
33
34
35
36
37
liser ici ces résultats de sa recherche. Une partie des livres arrivent de Madrid après 1950 :
cfr. Gil Sáenz, La biblioteca de trabajo de san Josemaría Escrivá, note 63, p. 31. Saint
Josémaria occupe la chambre qui mène aux rayonnages de cette bibliothèque de travail le
9 janvier 1953 (idem).
San Juan Bautista María Vianney, Sermones de Juan Bta. M.ª Vianney, cura de Ars, Barcelona, Eugenio Subirana, 1927, vol. 1-2.
Abbé Alfred Monnin, Esprit du Curé d’Ars : Saint J.-B. M. Vianney dans ses catéchismes,
ses homélies et sa conversation, Paris, P. Téqui, 193534. Livre non coupé; Id., Spirito del
Curato d’Ars, Roma, Ares, 1956 (deux exemplaires); Mgr Francis Trochu, L’âme du Curé
d’Ars, Lyon-Paris, Emmanuel Vitte, 1928. Livre non coupé ; Mgr Hippolyte Convert, Le
Saint Curé d’Ars et la Famille, Lyon-Paris, Emmanuel Vitte, 1922. Livre non coupé ; id.,
Méditations sacerdotales : Le Saint Curé d’Ars modèle du prêtre retraitant, Lyon-Paris,
Emmanuel Vitte [1935]. Comme l’observe Gil Sáenz : “Los tomos cerrados, es decir, los
que conservan los pliegos sin cortar: no permiten afirmar que el fundador del Opus Dei
nunca leyera esos títulos, sino que jamás nadie leyó esos ejemplares en concreto. Al tratarse de regalos, muchos los había leído antes de que se los enviaran”: Gil Sáenz, La
biblioteca, p. 230. Il ajoute en note: “También afirmado por Mons. Echevarría en el mismo
lugar [un questionnaire soumis par l’auteur du mémoire le 20 mai 2011], y además lo reitera en varias preguntas del cuestionario”.
Cfr. Josemaría Escrivá de Balaguer, Camino, ed. crítico-histórica preparada por Pedro
Rodríguez, Roma-Madrid, Istituto Storico San Josemaría Escrivá – Rialp, 20043, p. 733.
Cfr. Jean-Paul II, Ma vocation : don et mystère, Paris, Bayard-Cerf-Fleurus-Mame-Téqui,
1996, p. 70.
Au n. 277, selon la numérotation du site www.vatican.va.
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49
LAURENT TOUZE
curé à un confrère prêtre qui se plaignait du manque de fruits de son apostolat : « Vous avez prié, vous avez pleuré, vous avez gémi, vous avez soupiré.
Mais avez-vous jeûné, avez-vous veillé, avez-vous couché sur la dure, vous
êtes-vous donné la discipline ? Tant que vous n’en serez pas là, ne croyez pas
avoir tout fait. » Je voulais citer ces documents magistériels et faire référence
aux bienheureux Jean XXIII et Jean-Paul II pour illustrer qu’il y a là des
enseignements de la vie de Jean-Marie Vianney qui ont marqué plusieurs
générations de prêtres (Angelo Roncalli naît en 1881, Josémaria Escriva en
1902 et Karol Wojtyła en 1920).
Le curé d’Ars, intercesseur mais non pas modèle
pour la vocation spécifique à l’Opus Dei
Saint Josémaria lit et cite saint Jean-Marie Vianney, son existence et ses
enseignements l’inspirent, mais il ne le considère pas pour autant comme un
modèle à imiter pour vivre la vocation à l’Opus Dei. C’est d’ailleurs semblet-il d’une certaine manière à cause du curé d’Ars que Mgr Escriva a modifié
le titre des intercesseurs de l’Œuvre, qui s’étaient d’abord appelés patrons
mineurs, le changement de vocable ayant pour objet de souligner que les
fidèles de l’Opus Dei ont recours à l’intercession de ces saints mais ne sont
pas tenus de les imiter.
Cette variation terminologique semble liée à un épisode de l’été 1961,
lors d’une réunion avec le fondateur de l’Opus Dei à La Estila (Saint-Jacques
de Compostelle)38. L’un des présents demanda à saint Josémaria s’il fallait
imiter ceux qui s’appelaient alors les Patrons mineurs, ajoutant qu’il lui était
difficile de penser que les prêtres de l’Œuvre aient à prendre le curé d’Ars
comme modèle. Le texte ne précise pas à quels aspects faisaient allusion la
38
AGP, serie A.5, leg. 221, carp. 2, exp. 2 : “Otro recuerdo de la tertulia que tuvimos con el
Padre, en el verano de 1961, en la Estila, es el que sigue: Uno de los presentes le preguntó
–fue una pregunta bastante larga– si debíamos imitar a los que entonces llamábamos
Patronos menores. Se extendió acerca de que le resultaba difícil pensar que los sacerdotes
de Casa debieran imitar las virtudes del Cura de Ars, tomarlo como modelo. El Padre se
apresuró a aclarar que los Patronos menores, eran simples intercesores, y que acudíamos
a ellos exclusivamente en este sentido. Que nuestro espíritu era uno concreto –el querido
por Dios– que es el que teníamos que vivir. Que solamente debíamos imitar a Jesús, a la
Virgen Santísima y a San José, y a los demás pedirle su intercesión en aquellas cosas que
habíamos puesto bajo su protección. Unos meses más tarde nos llegó una indicación del
Padre, diciendo que a partir de entonces a los Patronos menores les llamaríamos Santos
intercesores”: Témoignage de Carlos Jordana Butticaz, 20 de julio de 1975.
50
SetD 8 (2014)
SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
demande, on pourrait penser notamment aux modalités concrètes de la pauvreté. Là où Jean-Marie la vivait héroïquement avec une soutane souvent
salie et des souliers non cirés39, Josémaria endosse une soutane toujours
propre, qu’il use d’ailleurs jusqu’à la corde, et des chaussures – il en a deux
paires – qu’il cire lui-même pendant longtemps40. Son attitude reflète sa prédication sur les modalités séculières de vivre la pauvreté, qui passent par une
certaine élégance vécue selon les circonstances sociales de chacun. Le fait
est qu’en 1961, le fondateur de l’Opus Dei répond que les Patrons mineurs
sont seulement des intercesseurs, que les membres de l’Œuvre doivent vivre
l’esprit qui est le leur et n’imiter que Jésus, Marie et Joseph. Josémaria ne
juge pas négativement la vie des intercesseurs en général et du saint curé en
particulier, il entend seulement remarquer qu’elle n’est pas un modèle pour
vivre selon l’esprit de l’Opus Dei. Quelques mois plus tard, le 13 avril 1962,
il envoie une note de gouvernement qui précise que les intercesseurs ne sont
pas un modèle pour vivre la vocation spécifique à l’Opus Dei41.
Saint Josémaria et le curé d’Ars après 1951-1953
Une fois qu’il l’a nommé intercesseur pour les relations avec les ordinaires locaux, saint Josémaria prie le curé d’Ars parce qu’il vit l’esprit qu’il
39
40
41
« Volontairement, par mortification et esprit d’humilité, il portait une soutane usée, un
vieux chapeau, des souliers rapiécés qui toujours ignorèrent le luxe du cirage » : Francis
Trochu, Le curé d’Ars, saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, 1786-1859, d’après toutes les
pièces du procès de canonisation et de nombreux documents inédits, E. Vitte, Lyon-Paris
195412, p. 315, qui cite à la même page une des dirigées du saint, la baronne Alix-Henriette de Belvey : « Si M. Vianney aimait la propreté, son dénuement extérieur y nuisait
un peu » ; « Il consentait à la [sa soutane] laisser raccommoder et laver quand elle en avait
trop besoin » : Alfred Monnin, Le curé d’Ars, vie de M. Jean-Baptiste-Marie Vianney,
Lyon, C. Douniol, 1868, p. 167.
Cfr. Javier Echevarría, Memoria del Beato Josemaría Escrivá, Madrid, Rialp, 2000, pp.
159-161.
AGP, serie E.1.3, nota 658 : “Los patronos de la Obra no son propriamente modelos para
nosotros, para nuestra vocación específica; sino intercesores, protectores de nuestra Obra.
Tenedlo en cuenta en las meditaciones y en las charlas”. Saint Josémaria introduira le
changement de vocabulaire, de Patrons mineurs à Intercesseurs, dans le Catéchisme de
l’Œuvre, qui présente le droit particulier de l’Opus Dei sous forme de questions et de
réponses. Cfr. l’exemplaire de l’AGP de la troisième édition (du 29 mars 1959), art. 5, nn.
20-27, 25 et 27, AGP, serie E.1.9, 205-3-1, avec des corrections manuscrites de saint Josémaria pour la quatrième édition, de patrons à intercesseurs.
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LAURENT TOUZE
transmet à ses enfants42 ; il y a de fait des manifestations de piété envers saint
Jean-Marie Vianney qui ne se vérifient dans la vie de Mgr Escriva qu’après
1951-1953.
La première de ces manifestations serait sans doute les visites à Ars.
Saint Josémaria s’y rend pour prier neuf fois, de 1953 à 1960 : ces visites ont
donc toutes lieu après la nomination comme intercesseur – et l’on peut imaginer que Josémaria le prie en tant que tel, pour accompagner l’expansion
du travail apostolique de ses enfants spirituels dans de nouveaux diocèses
–, mais aussi après la prise de conscience par le fondateur de l’Opus Dei
que la Société Sacerdotale de la Sainte-Croix pouvait s’ouvrir aux prêtres
42
Il continue aussi à le mentionner dans ses enseignements. Le 15 décembre 1954 par exemple,
parlant de la nécessité de demander à Dieu de nombreux prêtres savants et saints pour
l’Opus Dei, il ajoute : “Porque si no son doctos no podrán ser santos. Y me diréis: −Padre,
¿y el Cura de Ars? El Cura de Ars terminó siendo docto y santo, porque el Señor le daba
sus iluminaciones y porque había puesto todo el esfuerzo humano −los medios humanos−
para ser docto”: Témoignage de Iñaki Celaya, Rome, 22 septembre 1975: AGP, serie A.5,
leg. 204, carp. 3, exp. 4. Encore une fois, saint Josémaria montre sa bonne connaissance de
la vie du curé d’Ars, qui, malgré les difficultés de ses études ecclésiastiques, sut acquérir un
bon niveau de formation intellectuelle. Comme on l’a dit plus haut, il possédait et étudiait
chaque hiver la Théologie morale à l’usage des curés et des confesseurs (1844) du cardinal
Charles Gousset archevêque de Reims, comme raconte son vicaire Raymond dans Mgr
Henri Convert, Le saint curé d’Ars et le sacrement de pénitence, 1e partie, c. VII, Lyon,
Emmanuel Vitte, 1923. Il lisait tous les jours un livre de théologie ou de spiritualité, au lit,
même s’il avait confessé de nombreuses heures. Sa bibliothèque comprenait 426 volumes
(Bernard Nodet, Jean-Marie Vianney, curé d’Ars. Sa pensée, son cœur, Le Puy, Xavier
Mappus, 19605, p. 18), des écrits des Pères, d’auteurs spirituels comme Louis de Grenade.
Il relisait souvent le livre fondamental de sa formation initiale, les Instructions sur le rituel,
concernant la théorie et la pratique des sacrements et de la morale, de l’évêque de Toulon
Louis Albert Joly de Choin (1778); mais ses livres préférés étaient les deux volumes de Vie
des saints du père François Giry. Cfr. Bernard Ardura o.praem., “Nella biblioteca del
curato d’Ars. Conoscere san Giovanni Maria Vianney attraverso i suoi libri”, L’Osservatore Romano, 9 gennaio 2010, p. 5. Quatorze ans après ce premier exemple, le 8 novembre
1968, dans le contexte de la crise post-conciliaire, saint Josémaria exhorte ses auditeurs
à l’étude de la doctrine et commente : “Al Santo Cura de Ars, para ordenarle, su obispo
sólo le exigió que supiera el Padrenuestro y el Credo. Ahora, si a algunos les preguntan el
Credo y el Padrenuestro, se tropiezan”: Enrique Pèlach, Abancay: un obispo en los Andes
Peruanos, Madrid, Rialp, 2005, p. 86; AGP, serie A.5, leg. 237, carp. 1, exp. 3. Cette fois-ci
l’information biographique ne semble pas exacte : Joseph Courbon, vicaire général du
cardinal Fesch archevêque de Lyon en exil à Rome, aurait demandé sur le curé d’Ars dont
les résultats aux examens n’étaient pas brillants : « Est-il pieux ? A-t-il de la dévotion à la
Sainte Vierge ? » ; et comme on lui répondait : « Oui, c’est un modèle de piété », il décida
de le faire ordonner. Cfr. abbé Tocanier, Procès de l’ordinaire, p. 115, in Henry Aurenche,
La passion du saint curé d’Ars, Paris, NEL, 1949, p. 54.
52
SetD 8 (2014)
SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
diocésains – et l’on peut imaginer que Jean-Marie Vianney est aussi prié en
tant que saint prêtre séculier : c’est ce qu’illustrera une deuxième manifestation de piété, le projet inabouti de pèlerinage de la Société Sacerdotale à Ars.
Selon Mgr Javier Echevarría, prélat de l’Opus Dei et témoin oculaire de plusieurs de ces pèlerinages à Ars, ce sont bien ces deux intentions de prière qui
animaient saint Josémaria lors de ces déplacements à Ars : « J’ai été témoin
de l’affection que lui [le curé d’Ars] témoignait notre Père lorsque l’occasion
s’est présentée à lui de le vénérer à Ars, pour lui confier la sainteté des prêtres
et les relations de l’Opus Dei avec les évêques diocésains43. »
Les visites à Ars
Sur ces visites, les éléments trouvés sont peu nombreux44. La première
d’entre elles a lieu le 25 octobre 1953, saint Josémaria et ceux qui l’accompagnent arrivent de Paris et Fontainebleau et repartent ensuite vers Chambéry puis l’Italie45.
Le deuxième visite est du 20 novembre 1955. Ils viennent cette fois-ci
d’Italie, et sont passés par Milan. Ce 20 novembre est un dimanche, et l’église
d’Ars est pleine quand ils entrent pour y prier46. Ils quittent ensuite le village
pour Macon puis Fontainebleau47.
43
44
45
46
47
Javier Echevarría, Lettre pastorale (1er juillet 2009) sur http://www.opusdei.fr/art.
php?p=34517 consulté le 9 janvier 2014.
AGP, serie A.2, 83-1, sur les 35 séjours en France de saint Josémaria.
Les éléments trouvés permettront cependant de préciser certains points. La biographie
d’Andrés Vázquez de Prada donne comme dates : 1953, 1956, 1958, 1959 et 1960. Il y
manque donc la visite de 1955 et les trois de 1957. L’auteur indique comme source le
Summarium du procès de canonisation, p. 837, qui parle bien des pèlerinages à Ars mais
ne donne aucune date. Cfr. Vázquez de Prada, El Fundador del Opus Dei, vol. III, p. 338.
AGP, serie A.2, 83-1-1. Rien trouvé sur Ars et le saint curé autour du 25 octobre dans
les Journaux du centre de la rue de Bourgogne (Paris) AGP, serie M.2.2., 270-17 ; et du
Collège Romain de la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 427-18. Le centre de Grenoble
n’ouvrira qu’en juillet 1962, après la dernière visite de saint Josémaria à Ars ; le centre de
Lyon n’ouvrira qu’après la mort du fondateur de l’Opus Dei : il n’y a donc pas de Journaux
pour ces deux centres, plus proches d’Ars que Paris, pour la période qui nous intéresse.
“Estuvieron presentes en un oficio solemne al que asistió todo el pueblo, y que hace pensar
en la profunda huella dejada por este Santo”: AGP, serie A.2, 83-1-2, B, p. 1; Crónica, XII1955, p. 14, AGP, Biblioteca, P01.
AGP, serie A.2, 83-1-1. Rien trouvé sur Ars et le saint curé au retour du voyage de saint
Josémaria dans le journal du Collège Romain de la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 248-3.
Cfr. aussi Ana Sastre, Tiempo de caminar, Madrid, Rialp, 19914, p. 440.
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LAURENT TOUZE
La troisième visite est du 27 juin 1956. Saint Josémaria y célèbre la
Sainte Messe, pour la première fois à Ars semble-t-il, et repart ensuite vers
Versailles et Paris, puis la Belgique48.
1957 amène pas moins de trois visites de saint Josémaria49 : la première
– la quatrième de toutes – a lieu le 21 mai (ils suivent50 le parcours Bologne –
Bardonecchia – Modane – Ars et en repartent pour Avignon, puis Lourdes,
Paris et retour en Italie51) ; la seconde de 1957, la cinquième, les 13 et 14 septembre (ils viennent de Lyon pour passer ce qui est sans doute la première
nuit de saint Josémaria à Ars et le quitte pour l’Italie : Modane – Bardonecchia – Montecatini52) ; la troisième de 1957, la sixième, le 24 novembre
(ils viennent d’Italie53 et sont passés auparavant par Lourdes et Marseille, et
continuent ensuite leur voyage vers Versailles et Paris, pour revenir ensuite
à Rome54).
48
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50
51
52
53
54
AGP, serie A.2, 83-1-1. “Sin duda celebraron la Misa”: AGP, serie A.2, 83-1-2, C, p. 1.
Saint Josémaria était accompagné par le vénérable Álvaro del Portillo et par D. Giorgio
de Filippi (même source). Rien trouvé sur Ars et le saint curé autour du 27 juin dans les
Journaux du centre du Boulevard Saint-Germain (Paris) : AGP, serie M.2.2., 269-17 et du
Collège Romain de la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 428-6.
1957 fut une année importante pour les incompréhensions manifestées par le cardinal
Manuel Gonçalves Cerejeira et dont on a parlé plus haut : cette seule intention n’explique
sans doute pas les trois pèlerinages à Ars, mais elle aura été présente dans le cœur de saint
Josémaria et de ceux qui l’accompagnaient, notamment le vénérable Álvaro del Portillo
qui s’était rendu ex professo à Lisbonne en mai 1956 pour chercher de clarifier la situation
avec le patriarche. Cfr. Vázquez de Prada, El Fundador, vol. III, p. 362.
Dans ce voyage, saint Josémaria était accompagné par le vénérable Álvaro del Portillo, par
D. Giorgio de Filippi et par l’actuel prélat de l’Opus Dei, Mgr Javier Echevarría, alors jeune
prêtre et qui séjourne ici à Paris pour la première fois : AGP, serie A.2, 83-1-2, D.
AGP, serie A.2, 83-1-2. Rien trouvé sur Ars et le saint curé autour du 21 mai dans les
Journaux du centre du Boulevard Saint-Germain (Paris) : AGP, serie M.2.2., 269-19 et du
Collège Romain de la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 428-8.
AGP, serie A.2, 83-1-1. Rien trouvé sur Ars et le saint curé autour des 13 et 14 septembre
dans les Journaux du centre du Boulevard Saint-Germain (Paris) : AGP, serie M.2.2.,
269-20 (saint Josémaria ne passe pas par Paris lors de ce voyage) et du Collège Romain de
la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 428-8.
Dans ce voyage, saint Josémaria était accompagné par le vénérable Álvaro del Portillo et
par D. Giorgio de Filippi : AGP, serie A.2, 83-1-2, E.
Rien trouvé sur Ars et le saint curé autour du 24 novembre dans les Journaux du centre
du Boulevard Saint-Germain (Paris) : AGP, serie M.2.2., 269-21 et du Collège Romain de
la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 428-9.
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SetD 8 (2014)
SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
La septième visite a lieu le 1er et le 2 février 1958, ils y célèbrent la
Messe55 puis retournent directement à Rome56. Le huitième pèlerinage est
du 13 mai 1959 : ils viennent d’Italie, passent par Monaco, et partent ensuite
pour le sud de la France et l’Espagne57.
Saint Josémaria se rend pour la neuvième et dernière fois le 31 octobre
er
et le 1 novembre 1960 : il arrive de Paris et de Lyon et auparavant d’Espagne,
et après Ars, repasse ensuite par Lyon avant de rejoindre Rome par Milan58.
Il lui reste encore quinze années de vie, cette neuvième visite est son
dix-septième passage par la France, il y reviendra encore dix-huit fois59, mais
ne se rendra semble-t-il plus à Ars, pourquoi ? En l’absence de preuves documentaires, j’avancerais trois hypothèses : d’une part, le travail apostolique de
l’Œuvre se développe en France hors de Paris, et les déplacements du fondateur ont d’abord comme objectif de voir ses enfants spirituels, de les encourager, de prier avec et pour eux ; d’autre part, la crise de l’Église qui fera tant
souffrir saint Josémaria dans les dernières années de sa vie60 l’a poussé vers
la Vierge Marie, et les visites aux sanctuaires de Notre Dame se multiplient
lors de ses voyages ; Marie prend le pas sur les autres saints, l’hyperdulie
sur la dulie ; finalement et de manière plus prosaïque, certains voyages sont
effectués en avion et non plus en voiture61 et rendent plus difficile le passage
par le petit village d’Ars.
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Saint Josémaria était accompagné par le vénérable Álvaro del Portillo, par Don Javier
Echevarría et par Armando Serrano : AGP, serie A.2, 83-1-2, F.
AGP, serie A.2, 83-1-1. Rien trouvé sur Ars et le saint curé autour des 1er et 2 février dans
les Journaux du centre du Boulevard Saint-Germain (Paris) : AGP, serie M.2.2., 269-21 et
du Collège Romain de la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 428-9.
AGP, serie A.2, 83-1-1. Saint Josémaria était accompagné par le vénérable Álvaro del Portillo, par D. Javier Echevarría et par Armando Serrano. Il n’y a pas de journal du centre du
Boulevard Saint-Germain pour cette période dans l’AGP. Rien trouvé sur Ars et le saint
curé autour du 13 mai dans le journal du Collège Romain de la Sainte-Croix : AGP, serie
M.2.2., 428-12.
AGP, serie A.2, 83-1-1. Rien trouvé sur Ars et le saint curé autour du 31 octobre et du 1er
novembre dans les Journaux du centre du Boulevard Saint-Germain (Paris) : AGP, serie
M.2.2., 269-27 et du Collège Romain de la Sainte-Croix : AGP, serie M.2.2., 428-16. Cfr.
aussi Peter Berglar, Josemaría Escrivá. Leben und Werk des Gründers des Opus Dei, Köln,
Adamas, 20054, p. 351.
AGP, serie A.2, 83-1-1.
Cfr. par exemple Vázquez de Prada, El Fundador, vol. III, pp. 582-588 ; pp. 591-596.
Au moins ceux du 23 juillet 1961 et du 3 octobre 1972, dernier passage par la France à
Lourdes : AGP, serie A.2, 83-1-1.
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Le projet de pèlerinage
Une autre manifestation de la piété de saint Josémaria envers saint
Jean-Marie Vianney est son projet – non réalisé – de pèlerinage à Ars avec les
prêtres de la Société Sacerdotale de la Sainte-Croix. Il l’envisageait pour 1956
et demandait, dans la note de gouvernement qui l’annonçait, leurs opinions
à cet égard aux directeurs de l’Œuvre et aux prêtres de la Société Sacerdotale ; quand il rédige cet avis en effet, il n’a pas encore précisé le programme
du pèlerinage envisagé : il annonce seulement qu’on chercherait une haute
personnalité ecclésiastique qui préside l’activité, qu’elle comprendrait une
journée de récollection, qu’il en serait lui-même le directeur spirituel, et que
parce qu’il en attend des fruits spirituels, il confie cette intuition à la prière
de ses enfants :
1. Os comunico que tengo el propósito de organizar, dentro del año 1956,
una peregrinación a Ars. Convendrá que asistan, con los sacerdotes Numerarios que se designen, el mayor número posible de sacerdotes Oblatos62,
Supernumerarios, Cooperadores y Asistentes Eclesiásticos de las distintas
regiones. 2. Encomendad el asunto, para que a su hora saquemos muchos
frutos espirituales de esta visita al Santo Cura de Ars, nuestro Patrón. 3.
Oportunamente se señalará, con antelación suficiente, cuándo va a hacerse la peregrinación, los días que se van a emplear, los actos –entre ellos,
una jornada de retiro–, el precio, etc. 4. Se procurará que presida una alta
personalidad eclesiástica; y el Director espiritual será vuestro Padre. 5. Se
estudiarán también con cariño las cosas materiales, para lograr que el viaje
y la estancia en la parroquia de San Juan María Vianney sean una Convivencia más, ¡de las nuestras! 6. Id contando estas cosas, sin darles carácter
oficial, para que esos hijos de la S.S.S.+ [Société Sacerdotale de la SainteCroix] den su parecer y, sobre todo, indiquen el tiempo más oportuno. 7.
No dejéis de decirme lo que vayáis pensando sobre este asunto63.
En novembre 1955, de passage à Paris, il en parle encore à ses fils de
Paris, leur expliquant qu’il comptera sur eux pour certains détails de l’organisation64. Quelques mois plus tard, en mars 1956, une nouvelle note annonce
un report du pèlerinage en 1957, translation expliquée par la préparation du
second congrès général de l’Opus Dei qui se tiendra à Einsiedeln, en Suisse,
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Saint Josémaria décida plus tard de les appeler Agrégés.
AGP, serie E.1.3, nota 100.
AGP, serie M.2.2., 269-15 (22 novembre 1955) ; AGP, serie A.2, 83-1-2, B.II. Rien trouvé
sur le sujet aux alentours des mêmes dates dans le journal du Collège Romain de la SainteCroix, AGP, serie M.2.2., 428-3.
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SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
du 22 au 25 août 195665 ; saint Josémaria termine en écrivant : “Seguid encomendando el asunto, pues no tardaremos mucho en realizar este proyecto”66.
Mais ensuite, les archives se taisent : pas de trace des réactions au projet initial demandées en 1955, aucun autre avis ultérieur qui explique l’abandon d’une idée finalement jamais réalisée, ni en 1957 ni plus tard. On sait
seulement qu’il a finalement renoncé à cette entreprise, parce qu’il considérait que l’organisation d’activités collectives de ce type n’appartenait pas à
l’esprit de l’Opus Dei67. On verra sans doute dans cette décision le poids de
ce que saint Josémaria appelait l’humilité collective qu’il entendait que ces
enfants vivent avec lui, pour fuir du fanatisme du groupe, de la fausse gloire
des nombres, des foules et des statistiques ; il a souvent encouragé ses fils
spirituels à ne vivre que pour la gloire de Dieu, à aimer travailler en silence
et avec efficacité sans chercher les applaudissements, à se cacher et disparaître68. Saint Josémaria a peut-être pensé que ce pèlerinage risquait de favoriser un esprit de corps déplacé ; il a peut-être aussi craint que son humilité
n’ait à souffrir d’un acte collectif où il aurait été nécessairement un point de
référence en tant que fondateur de la Société Sacerdotale.
Le saint curé d’Ars à Villa Tevere
La dévotion aux saints a une autre manifestation habituelle dans l’histoire de la spiritualité que l’on retrouve dans les relations de saint Josémaria
avec saint Jean-Marie : les chrétiens aiment à édifier des lieux de culte pour
y honorer Dieu en honorant ses saints, pour y vénérer leurs représentations,
c’est bien ce qu’a fait le fondateur de l’Opus Dei à Villa Tevere, où il vivait à
Rome et d’où il dirigeait l’Œuvre dans le monde.
D’un point de vue architectural, la plus importante de ces expressions
d’art sacré est l’oratoire dédié au curé d’Ars. Sa construction semble décidée
après mars 1952, et donc durant cette période 1951-1953 qui doit être celle de
la nomination comme intercesseur, comme on l’a vu plus haut69. La réalisation
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Cfr. Vázquez de Prada, El Fundador, vol. III, pp. 257-260.
AGP, serie E.1.3, nota 4144 (15 mars 1956).
Cfr. les souvenirs de Mgr Javier Echevarría in Crónica, 1994, p. 330, AGP, Biblioteca, P01.
Cfr. par exemple Ernst Burkhart − Javier López, Vida cotidiana y santidad en la enseñanza
de San Josemaría. Estudio de teología espiritual, vol. II, Madrid, Rialp, 2011, pp. 400-405.
Cfr. AGP, serie A.3, leg. 176, carp. 2, exp. 19, qui est une liste, de la main de saint Josémaria, de 23 oratoires prévus à Villa Tevere, le 22e étant celui du curé d’Ars. Au dos de la
liste, on trouve des indications sur les travaux, toujours de Villa Tevere, datées de mars
1952.
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du projet arrive cinq ans plus tard, quand les architectes se penchent sur cette
zone de Villa Tevere. Les indications reçues initialement de saint Josémaria sont
assez générales : que le style de l’oratoire soit « relativement moderne » et que le
retable, que présidera une statue du saint curé, commémore d’une certaine façon
l’histoire de la Société Sacerdotale70. Les architectes commencent à travailler en
mars 195871 et s’inquiètent rapidement du peu d’espace que le développement
des travaux laisse à leur disposition. Saint Josémaria les encourage paternellement, approuve leurs propositions et les console de la taille réduite que devra
avoir l’oratoire en leur faisant considérer qu’ils auront plus tard à mener à bien
des constructions plus ambitieuses, des cathédrales, leur dit-il72.
Un détail montre en passant à nouveau la connaissance que saint Josémaria avait de la vie et de la personnalité de saint Jean-Marie. Quand l’oratoire n’est encore qu’un projet, le fondateur de l’Opus Dei fait allusion à la
possibilité de mettre sous le futur autel du saint curé les reliques du corps
entier d’un martyr, et mentionne sur ce point la dévotion de l’abbé Vianney
pour les reliques73. L’autel n’inclut finalement le corps entier d’aucun saint
mais il est intéressant de noter que Josémaria sait que Jean-Marie aimait à
prier les saints devant leurs reliques74.
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“Quiere el Padre que sea de estilo relativamente moderno y que en el retablo, donde irá
presidiendo la estatua, se conmemore en algún modo la historia de la Sociedad Sacerdotal
de la Santa Cruz”: Diario de obras, 30 mai 1957: AGP, serie M.2.2, D 1059, 7. Pour les informations qui viennent du journal des travaux, tenu par l’architecte Jesús Álvarez Gazapo, je
remercie M. Alfredo Méndiz de l’Istituo Storico San Josemaría Escrivá.
Diario de obras, 12 mars 1958: AGP, serie M.2.2, D 1059, 9.
“El Padre ha estado mucho rato con nosotros en la oficina por la mañana. Ha visto cómo
se va planteando el oratorio del Cura de Ars, que queda pequeñísimo. Dice el Padre que
puede quedar una cosa simpática, donde será posible hacer mucha labor con los curas
Oblatos y Supernumerarios”: ibid., 15 mars 1958: AGP, serie M.2.2, D 1059, 9. “Ha estado
mucho rato el Padre por la mañana en la oficina. Comentando sobre el oratorio del Cura
de Ars, ha dicho que no nos preocupemos, ya llegará la hora de hacer catedrales”: 17 mars
1958: ibid. “El Padre estuvo gran rato en la oficina con nosotros por la mañana. Seguimos
dándole vueltas al Cura de Ars; el Padre dice que nos conformemos con lo que habíamos
preparado, pero es que no nos acaba de gustar”: 18 mars 1958: ibid.
Le journal du Collège romain de la Sainte-Croix dit exactement : “El cuerpo entero de San
Félix [irá] bajo el altar del Cura de Ars, que era muy devoto de las reliquias; encima irá una
estatua de cuerpo entero del Santo Cura que hará un buen escultor”: AGP, serie M.2.2.,
428-8 (6 juin 1957). Les reliques de saint Félix ne sont pas à Villa Tevere : le diariste doit
confondre avec saint Séverin, dont les reliques, données à saint Josémaria par le cardinal
Marcello Mimmi, archevêque de Naples, arrivent à Villa Tevere en 1957 ; elles furent
déposées sous l’autel de l’oratoire de Saint-Joseph.
Cfr. par exemple Monnin, Le curé d’Ars, p. 573.
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SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
L’oratoire définitif ne comprenant pas le retable qui devait illustrer
l’histoire de la Société Sacerdotale, sans doute parce qu’il est plus petit que ce
que prévoyaient initialement les architectes, l’élément essentiel de sa décoration le liant au curé d’Ars est la grande statue du saint, placée sur un piédestal
derrière l’autel. En mai 1957, le journal des travaux mentionne qu’elle sera
de taille naturelle, et s’inspirera de photos transmises par saint Josémaria qui
est passé par Ars le 21 mai, lors de sa quatrième visite au sanctuaire. Ces photos, que je n’ai pas trouvées dans les archives de la prélature, représentaient
peut-être la statue d’Émilien Cabuchet ou le reliquaire du saint. Le journal
des travaux précise aussi que saint Josémaria donne aux architectes une statue du saint curé75 : il s’agit peut-être de la statue en bois, réalisée en France
en 1953 pour saint Josémaria76, qui la reçut en juillet de la même année et dit
à ses fils de France qu’elle lui plaisait beaucoup et qu’il l’avait placée sur son
bureau de travail77.
Le 12 juin 1957, les photos sont confiées au sculpteur Pasquale Sciancalepore, qui propose un croquis dès le 1678 ; la commande ferme est passée
en juillet, et l’artiste, après avoir choisi son marbre à Querceta en Toscane79, commence sa sculpture. Saint Josémaria visite au moins deux fois
son atelier pendant l’élaboration de l’œuvre, et manifeste à chaque fois sa
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“El Padre dio a Jesús [Álvarez Gazapo] anoche varias cosas que traía del viaje, para nosotros. Fotografías de cosas aprovechables, un librito sobre Avignon y unas fotos y una
escultura del Cura de Ars. Estas últimas nos servirán para que un escultor −posiblemente
Sciancalepore− haga una escultura del santo, a tamaño natural, que presidirá su oratorio”:
Diario de obras, 30 mai 1957: AGP, serie M.2.2, D 1059, 7.
“Hoy salieron Fernando Maycas y Pepe y han comprado una estatua del cura de Ars
(estaba encargada ya hace tiempo) para el Padre. Es una talla en madera, digna pero sencilla”: Journal du centre de la rue du Docteur Blanche (Paris), 12 avril 1953: AGP, serie
M.2.2., 272-40.
Comme le rapporte Ferdinand Maycas selon le diariste: “La imagen del Cura de Ars que
le enviamos le ha gustado muchísimo, la tiene siempre sobre su mesa de trabajo”: Journal
du centre de la rue du Docteur Blanche (Paris), 10 juillet 1953 : AGP, serie M.2.2., 272-40.
Mgr Maycas, qui fut vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Paris – nommé par le cardinal
Jean-Marie Lustiger – et vit toujours dans la capitale française, pense reconnaître la statue
qu’il avait fait sculpter sur les photos de l’oratoire-bibliothèque de Villa Tevere, à quelques
pas de la chambre qu’occupait saint Josémaria, ce qui confirmerait à nouveau sa dévotion
pour le saint curé. Je remercie Mgr Maycas, et M. l’abbé Ange Martinez, qui a bien voulu
servir de truchement par courriels interposés.
“El Padre y D. Álvaro estuvieron largo rato en la oficina. Por la mañana temprano, viendo
el boceto del Cura de Ars, que trajo Sciancalepore, y que ha gustado al Padre”: Diario de
obras, 16 juin 1957: AGP, serie M.2.2, D 1059, 7.
Ibid., 8 juillet 1957: AGP, serie M.2.2, D 1059, 7.
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satisfaction80. La sculpture est terminée en mai 195881, le piédestal qui la
soutient est monté dans l’oratoire en août82 et l’ensemble doit être terminé
entre août 1958 et mai 1959, période pour laquelle il n’existe pas de journal
des travaux.
En plus de cet oratoire dédié au curé d’Ars et de la statue de l’oratoirebibliothèque mentionnée plus haut en note, saint Jean-Marie Vianney est
aussi présent à Villa Tevere avec les autres intercesseurs : par ses reliques,
sur l’autel de la Sainte-Trinité, où célébrait habituellement saint Josémaria83 ;
sur le retable d’un oratoire dédié aux intercesseurs84 ; par une petite statue
d’argent qui orne le tabernacle de l’oratoire du conseil général de la Prélature, qui arrive à Villa Tevere en septembre 195685. On mentionnera aussi,
hors de Villa Tevere, la statue du saint curé placée – avec celles des autres
intercesseurs – à l’intérieur du retable du sanctuaire de Torrecuidad, dont
Saint Josémaria suivit de près l’élaboration86.
Comme l’écrivait le bienheureux Newman, « jamais l’Église catholique
ne perd ce qu’elle a une fois possédé. […] Au lieu de passer d’une phase de
la vie à l’autre, elle porte avec elle sa jeunesse et sa maturité jusqu’en sa vieillesse. […] Dominique ne lui fait pas perdre Benoît87, » et on ajouterait : saint
Josémaria ne lui fait pas perdre saint Jean-Marie Vianney. Grâce à la belle
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“El Padre con Jesús han ido en el coche de las obras, que conducía Javier Abad, a ver a
Sciancalepore. El Padre ha visto el Cura de Ars, que está ya muy adelantado y le gustó
mucho: quiere que hagamos un molde del boceto pequeño en barro, para poder fundir
figuritas en metal ligero”: ibid., 31 mars 1958: AGP, serie M.2.2, D 1059, 9; “Invención de
la Santa Cruz. El Padre ha ido a Santa Croce in Gerusalemme a primera hora de la mañana
a rezar junto a las reliquias, y al volver ha pasado por el taller de Sciancalepore, que se debe
haber llevado una buena sorpresa. El Padre viene muy contento de cómo queda la estatua”:
ibid., 3 mai 1958: AGP, serie M.2.2, D 1059, 10.
Ibid., 17 mai 1958: AGP, serie M.2.2, D 1059, 10.
Ibid., 13 août 1958: AGP, serie M.2.2, D 1059, 10.
Par exemple ibid., 2 juin 1957: AGP, serie M.2.2, D 1059, 7.
“El Padre quiere que conservemos los modelos de los cuatro intercesores para poder hacer
copias después”: ibid., 4 juillet 1959: AGP, serie M.2.2, D 1059, 11.
Cfr. Vázquez de Prada, El Fundador, vol. III, pp. 306-309.
Cfr. Manuel González-Simancas Lacasa, Un retablo de alabastro en pleno siglo XX, in
Manuel Gómez Leira − Manuel Garrido González (eds.), Torreciudad, Madrid, Rialp,
1988, pp. 165-192, spécialement à propos de la statue du Curé d’Ars : pp. 170-172 ; 174 ;
182-184 ; 187-188 ; 191.
John Henry Newman, La mission de saint Benoît, in Yves-Marie J. Congar o.p., Sainte
Église, Paris, (Unam Sanctam, 41) Cerf, 1964, p. 559.
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SAINT JOSÉMARIA ET LE CURÉ D’ARS
vérité de la communion des saints88, des amitiés se forgent entre des chrétiens que séparent des siècles, et la dévotion du fondateur de l’Opus Dei pour
le curé d’Ars donne l’exemple d’un de ses ponts d’affection et de confiance
construits au-delà de la mort : c’est ce que cet article a entendu illustrer. On y
voit alors « les saints qui se donnent la main et qui nous donnent la main,89 »
pour nous encourager nous aussi à courir vers Dieu.
Laurent Touze (Marseille, 1965). Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris,
docteur en théologie (Université Pontificale de la Sainte-Croix), il est professeur de
théologie spirituelle à la faculté de théologie de la même université, dont il dirige le
département de théologie spirituelle et dont il est vice-doyen. Il est membre correspondant de l’Académie Pontificale de Théologie.
e-mail :
[email protected]
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Dont saint Josémaria disait notamment : « Nous les catholiques, nous trouvons dans la
sainte Église [...] le sens de la fraternité, la communion avec tous nos frères déjà disparus
et qui se purifient dans le purgatoire – l’Église souffrante – ou avec ceux qui jouissent déjà
de la vision béatifique – l’Église triomphante – et aiment éternellement le Dieu trois fois
saint. C’est l’Église qui demeure ici et qui, en même temps, transcende l’histoire » : Aimer
l’Église, Paris, Le Laurier, 1993, n. 2.
François-Marie Léthel o.c.d., La lumière du Christ dans le cœur de l’Église. Jean-Paul II et
la théologie des saints, Paris, Parole et Silence, 2011, p. 16.
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