CORNÉLIS B., BINARD M. & NADASDI I. (1998) Potentiels urbains et îlots de chaleur, Publications de l'Association
Internationale de Climatologie, 10: 223-229, ISSN : 1140-0307.
POTENTIELS URBAINS ET ÎLOTS DE CHALEUR
B. CORNÉLIS - M. BINARD et I. NADASDI
SURFACES, Département de Géomatique, Université de Liège Place du 20-août, 7 - B-4000 Liège
BELGIQUE Téléphone: +32-4-366.57.42 - Télécopie: +32-4-366.56.93
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Résumé:
La présente contribution vise à répondre de manière quantitative à la question: existe-t-il une
relation entre les îlots de chaleur et les potentiels urbains ? Elle s’attache à quantifier cette relation dans la mesure où elle existe, et à répondre aux questions : - le modèle de potentiel permettrait-il de représenter le phénomène d’îlots de chaleur ? - et si oui, dans quelles conditions ?
Abstract:
The present contribution aims at answering in a quantitative way the question: is there a relationship between urban heat island and urban potential ? If such a relationship exits, it tries to
quantify it and to answer the following questions : - would the potential model allow the representation of the heat island phenomenon ? - If so, in which conditions ?
Mots-clés: Modélisation, potentiel urbain, îlot de chaleur, indice de conformité locale, ana-lyse
numérique.
Key-words: Modelling, urban potential, heat island, local component index, numerical analysis
_________
Introduction
La recherche présentée a été réalisée en marge d’un projet financé par les Services
fédéraux des affaires Scientifiques, Techniques et Culturelles de Belgique (SSTC). Cette étude visait notamment à l’identification des agglomérations urbaines et à la réalisation d’un schéma de structure transfrontalier de l’Eurégion lilloise par modélisation de
données issues de traitements d’images satellitaires. Parmi les résultats obtenus, le modèle de potentiel urbain global (fig. 1) faisait penser à première vue à une représentation du phénomène d’îlots de chaleur urbain (fig. 2).
Selon les descriptions du phénomène d’îlot de chaleur, le pic de chaleur s’observe
au centre des agglomérations, correspondant à la densité maximale du bâti (Oke 1987;
Escourrou 1991). Pour étudier ce phénomène, diverses techniques existent. Ainsi, les
premières études (Yoshino 1975) se basaient sur les relevés ponctuels de stations météorologiques plus ou moins proches des agglomérations. Plus récemment, des relevés
linéaires de la température ont été effectués pour obtenir des transects de température
(Chandler 1976 ; Yamashita 1996). Depuis quelques années déjà, des données télédétectées aéroportées ou satellitaires sont utilisées comme sources d’informations aréales
(Kurath 1968 ; Fagerlund et al. 1970 ; Roth et al. 1989). Les modélisations numériques
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Figure 1: Potentiel urbain global.
Les
teintes sombres correspondent
aux valeurs élevées du potentiel, les teintes claires aux valeurs faibles. La zone ci-dessus
est centrée sur Lille et couvre
une superficie de 2500 km².
Figure 2: Bande 6 du satellite Landsat
TM pour le 20 juillet 1990. Les
teintes sombres correspondent
aux valeurs élevées des températures de surface, les teintes
claires aux valeurs faibles. L’
extrait rééchantillonné à 25
mètres fait 2000 pixels sur
2000 et correspond à la même
zone que celle de la figure 1.
et physiques du climat urbain, quant à elles, tendent à s’affranchir du relevé des données. En marge de la problématique des îlots de chaleur, les urbanistes et aménageurs
du territoire font aussi appel à la télédétection pour la réalisation d’instruments d’orientation (spatiocartes,...) (Binard et Nadasdi 1993; Nadasdi 1994). C’est notamment
dans le cadre des études paysagères et de modélisations des occupations biophysiques
du sol que les modèles de potentiel urbain et les «colorama» sont utilisés (Nadasdi et
al, 1996). Les potentiels sont obtenus au départ de cartes d’affectation du sol par application d’un filtre spécifique au sein d’une fenêtre de convolution carrée ou circulaire.
Les liaisons entre les îlots de chaleur urbain obtenus par l’exploitation de la bande thermique de Landsat 6 et le modèle de potentiel dérivé de l’affectation du sol observée sur
le terrain sont analysés par un indice de conformité locale entre deux surfaces (Donnay,
1994). Les résultats laissent envisager d’une part l’abstention de l’utilisation des données satellitaires thermiques pour les études zonales des îlots de chaleur urbain et
d’autre part l’utilisation des données satellitaires thermiques pour la saisie rapide de
grandes agglomérations urbaines.
1. Le modèle de potentiel
Le modèle de potentiel fait partie de la famille des modèles gravitaires. Il repose sur
les postulats suivants (Meinke, 1970):
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- il existe nécessairement des interactions entre tous les corps (au sens physique du
terme - théorie de Newton) caractérisés par leur masse et par leur position dans l’espace;
- la probabilité d’interaction est la même entre toutes les paires de corps;
- l’intensité des interactions est une fonction inverse des distances qui les séparent.
En termes mathématiques, la formule simplifiée du potentiel s’exprime de la façon
suivante pour les traitements numériques:
Pi =
n
∑
j =1, i ≠ j
avec:
Pi =
n=
mj =
dij =
b=
si =
mj
d
b
ij
+
mi
1 si
2 π
b
(1)
potentiel du pixel i
nombre de pixels;
masse du pixel j
distance entre le pixel i et le pixel j;
constante
surface du pixel i
2. Potentiels urbains et îlots de chaleur
Les modèles de potentiels urbains ont été calculés au départ d’une carte d’utilisation
du sol basée sur la nomenclature « CLUSTER » d’Eurostat. Cette carte qui présente une
classification thématique avec trente-huit postes de légende a été réalisée à partir d’une
vectorisation de la carte d’occupation des sols, suivie de photo-interprétations assistées
par ordinateur (PIAO) et d’intégration d’informations exogènes. Pour modéliser le potentiel urbain global, les seize classes correspondant aux pixels du bâti discriminé par
télédétection ont été prises en compte (Tableau 1). Chacune de ces classes a reçu un
poids en fonction de son caractère plus ou moins urbain, le potentiel global traduisant
l’intensité d’occupation urbaine du sol. Le modèle a été calculé avec des pixels de
vingt-cinq mètres dans une fenêtre de convolution circulaire de onze pixels de rayon
(fig. 1).
Notez bien que les poids ont été attribués non pas dans une optique climatologique
mais bien en vue de répondre à la problématique d’aménagement du territoire en marge
de laquelle la présente recherche est menée.
Le phénomène d’îlots de chaleur étant connu des climatologues et ayant été largement documenté par ceux-ci, il n’est pas détaillé ici, n’étant pas l’objet original de la
contribution. Ne disposant pas de suffisamment de données climatiques, le phénomène
d’îlots de chaleur est identifié, en première approximation, par l’empreinte thermique
détectée par la bande 6 du satellite Landsat TM. L’image utilisée a été prise le 20 juillet
1990 à 9 h 48 GMT (fig. 2). Lors de sa géoréférenciation, l’image a été rééchantillonnée
au plus proche voisin à vingt-cinq mètres de façon à permettre l’analyse de la relation
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Poids attribués aux affectations du sol prises en compte pour le calcul du potentiel urbain global. Le premier groupe correspond aux classes utilisées pour calculer le potentiel urbain de l’habitat, le second à celles du potentiel urbain des
services, le troisième à celles du potentiel urbain de l’industrie et le dernier à
celles du potentiel urbain récréatif.
Tableau 1:
Affectation du sol
poids
Espaces résidentiels continus et denses
Espaces résidentiels continus et moyennement denses
Espaces résidentiels pavillonnaires
Espaces résidentiels discontinus
Espaces résidentiels collectifs
100
80
85
60
90
Campus et complexes universitaires
Grands équipements de santé
Zones militaires
Services publics et collectivités – Autres
70
70
40
70
Activités industrielles lourdes
Activités industrielles manufacturières
Activités et services commerciaux – financiers
Exploitations agricoles
50
50
70
20
Sites à vocation culturelle
Équipement sportifs
Autres espaces récréatifs aménagés, cimetières
40
30
20
avec le modèle de potentiel urbain. Cette transformation a été réalisée au moyen d’une
fonction affine, le choix de la méthode de rééchantillonnage a été effectué afin de ne pas
altérer l’information radiométrique.
3. Indice de conformité locale entre deux surfaces
Pour étudier la relation existant entre les deux phénomènes géographiques spatialement continus, la corrélation globale entre les deux images (la satellitaire et celle
du potentiel urbain global) est de peu d’intérêt. Elle donne une valeur unique qui, de plus, ne tient pas compte de
la dimension spatiale des phénomènes. Pour remédier à
ces lacunes et de façon à obtenir une information locale, il
est fait appel à l’indice de conformité locale entre deux
surfaces (ICL) (formule 2). Cet indice considère les surfaces non pas en plan mais en trois dimensions, tels des
γ
Figure 3:
ω
Pixel dans la troisième dimension caractérisé
par un gradient (γ) et une orientation (ω).
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reliefs. Sur ces reliefs, chaque pixel est caractérisé par un gradient (γ) et une orientation
(ω), tous deux déterminés par les pixels voisins (fig. 3). En termes mathématiques, cette pente et cette orientation peuvent être caractérisées en chaque point par des mesures
vectorielles (formules 3 et 4). Pour comparer deux surfaces, il suffit de mettre en relation ces mesures. Ainsi, pour un couple de pixels homologues, si leur pente et leur
orientation sont identiques, la relation entre les deux points est complète, abstraction
faite des unités. Dans la pratique, chaque image est standardisée avant d’être filtrée par
une fenêtre mobile de 3 x 3 pixels pour déterminer les paramètres de pente de chaque
pixel. Ensuite, une nouvelle image est calculée où chaque pixel est caractérisé par la
valeur de l’ICL liant les deux surfaces étudiées.
icl =
cos ( ∆ω ) + cos ( ∆γ )
(2)
2
ϖ = arctan−
∂z ∂y
∂z ∂x
2
∂z
∂z
γ = arctan +
∂x
∂y
(3)
2
(4)
4. Résultats
Les résultats obtenus pour l’analyse de la relation entre le potentiel urbain global et
les îlots de chaleur représentés par une image satellitaire thermique sont concluants
(fig. 4). Ainsi, pour les trente-huit classes de la carte de l’affectation des sols, environ
IC L par type d´affectation du sol
60%
Fréquence
50%
40%
30%
20%
10%
.90 et plus
de .80 à .90
de .70 à .80
de .60 à .70
de .50 à .60
de .40 à .50
de .30 à .40
de .20 à .30
de .10 à .20
de 0 à .10
0%
In dice de con form ité lo cal
Figure 4:
Scores d'indice de conformité locale obtenus pour les 38 classes d'affectation du sol.
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40 % ont un score supérieur à 0.9, la relation parfaite étant fixée à 1. Dans l’image résultat, environ 3 % des pixels ont un score inférieur à 0.5, l’absence de relation étant
fixé à 0. Dans plus de 70 % des cas, les valeurs obtenues sont supérieures à 0.7, et ce,
faut-il le rappeler, sans adapter le modèle du potentiel à une problématique climatique….
5. Conclusions et perspectives
Le modèle de potentiel est un modèle simple basé sur des données facilement accessibles. Il permet dans le cas présenté (et pour ce moment de la journée) de simuler le
comportement thermique dans l’espace, comme il a été montré pour le cas d’une agglomération, mais a priori, il n’y a pas de raisons pour que le modèle soit limité à ce type
et à cette échelle d’analyse climatologique. Les coûts associés à cette modélisation sont
faibles même si elle demande un certain ajustement. Le modèle de potentiel permet
l’analyse à différentes résolutions spatiales et temporelles (par exemple, du kilomètre
au mètre et de l’année à l’heure). Il nécessite une vérité terrain de qualité.
Le futur devra déterminer la stabilité du modèle, l’améliorer et le développer. La stabilité du modèle doit être envisagée à la fois du point de vue spatial et temporel. Parmi
les facteurs à prendre en compte pour un indice de potentiel urbain à vocation climatologique, les améliorations consisteraient en l’utilisation des caractéristiques thermiques
des affectations du sol comme poids, en l’intégration des sources de chaleur d’origine
anthropique (industrie, chauffage urbain,…) ainsi que des sources de pollution aérologique (industries, véhicules,…). Pour ajuster cet indice, on peut envisager de tenir
compte de la rugosité, de l’orographie, de l’imperméabilisation des surfaces, de leur
comportement thermique, des types de temps, du vent et de la déformation résultante,
on peut aussi envisager de le rendre dynamique (évolution journalière, saisonnière, annuelle,…), prise en compte des pics d’activités humaines,… Enfin, ce modèle devrait
permettre de simuler le comportement thermique suite à un changement d’affection, à
l’implantation d’un nouveau complexe urbain, bref, à une variation de paramètre(s).
Cette contribution s’insère, entre autre, dans la problématique de recherche de la
spatialisation de la température. Elle propose une façon de modéliser la répartition
spatiale des données. Elle ouvre une porte, une piste de recherche qui ne demande qu’à
être explorée.
Remerciements
La présente étude n’aurait pas été possible sans les données transfrontalières fournies par Monsieur Thierry Thieffry de la Conférence Permanente Intercommunale
Transfrontalière (COPIT) et sans les coups de pouce et les encouragements de Messieurs Fabrice Muller, Stanislas de Béthune, Eric El Osta et de nos autres collègues du
Service Universitaire de Recherches Fondamentales et Appliquées en Cartographie
et en Études spatiales (SURFACES) du département de Géomatique de l’Université de
Liège. Qu’ils soient tous ici remerciés pour leur intervention dans cette recherche. Tou-
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te la gratitude de Bernard Cornélis va aussi aux membres anonymes du jury de l’AIC
et de l’ACLIQ pour l’attribution du prix de la meilleure communication étudiante à une
présentation relative à cette recherche lors du colloque de Québec. Enfin, l’agence Wallonie-Québec est vivement remerciée pour son support.
Bibliographie
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NADASDI I., MARCHAL D. et BINARD M., 1996: Modélisation des occupations biophysiques
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