Gérard Claisse
Frantz Rowe
Téléphone, communication et sociabilité: des pratiques
résidentielles différenciées
In: Sociétés contemporaines N°14-15, Juin / Septembre 1993. pp. 165-189.
Abstract
OtRARD CLAISSI, FRANTZ ROW! Paying attention to the century-old telephone may seem anachronistic, paradoxical or an odd
curiosity in the new telecommunication age. Yet, we know very little about residential telephone habits. Who calls whom ? For
what purpose ? Beyond the diversity of the calls, can we identify some clear patterns of constrasting uses ? These are the main
questions that are adressed here on the basis of a quantitative survey of the telephone calls of individuals. The impact of
sociability and social networks on consumption and habits are also analysed. The telephone, subject of this research, appears
finally as an axcellent tool for studying society.
Résumé
À l'heure du développement des nouvelles technologies et services de télécommunications grand public, s' intéresser au
téléphone plus que centenaire pourrait paraître relever de l archaïsme, de l'histoire ou du tourisme intellectuel. Et pourtant, nous
connaissons finalement peu de choses de l'usage domestique du téléphone. Qui téléphone ? Avec quels correspondants ? Pour
quels motifs ? Par delà la diversité des communications, est-il possible d'identifier des pratiques téléphoniques différenciées ?
Telles sont les principales questions auxquelles cette contribution s'efforce de répondre, sur la base de l'analyse des résultats
d'une enquête quantitative. Les effets de la sociabilité et des réseaux de relations sur la consommation et les usages sont
également analysés. Au-delà, l'étude des pratiques téléphoniques, objet de cette recherche, se révèle être un excellent outil, tout
à la fois heuristique et déformant, pour l'analyse des sociétés contemporaines.
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Claisse Gérard, Rowe Frantz. Téléphone, communication et sociabilité: des pratiques résidentielles différenciées. In: Sociétés
contemporaines N°14-15, Juin / Septembre 1993. pp. 165-189.
doi : 10.3406/socco.1993.1133
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/socco_1150-1944_1993_num_14_1_1133
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TÉLÉPHONE, COMMUNICATION ET SOCIABILITÉ :
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Jusqu'à la fin des années 1970, la littérature sur la communication a très souvent
fait l'impasse sur les télécommunications. La télévision, le cinéma, la presse, la radio,
la publicité occupaient une place de choix alors que les télécommunications étaient à
peine évoquées. Début des années 1980, le décor a complètement changé : les
nouvelles technologies de communication, comme secteur industriel, comme biens
d'équipement, comme technologies d'organisation du travail, comme moyens de
communication, sont au centre des débats et des recherches sur la communication, sur
la société dite communicationnelle.
1. LE TÉLÉPHONE OUBUÉ
Un absent de marque traverse ces années : le téléphone, plus que centenaire, n'a été
que trop rarement étudié. À l'exception de l'ouvrage de référence de Ithiel de Sola Pool
The Social Impact of the Telephone (1977), de quelques ouvrages en langue française
(Bomot, Cordesse, 1981 ; Pinaud, 1985 ; Lauraire, 1987) et des travaux réalisés sous
l'impulsion de Гех-Direction Générale des Télécommunications (Périn, 1985 ; Arnal,
1990), peu d'études ambitieuses ont été menées sur les usages domestiques du téléphone
ou plus généralement sur les pratiques de communication des individus.
La diffusion très tardive du téléphone en France est souvent mise en avant pour
expliquer ce long silence des sciences de la communication sur ce système technique
de communication interpersonnelle. Pourtant, au-delà de cette raison circonstancielle,
Sociétés Contemporaines (1993) n ° 14115 (p. 165-189)
G. ClAISSE, F. ROWE
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ce même mutisme traverse l'ensemble des pays ayant connu une généralisation plus
précoce du téléphone. Les raisons de ce manque de curiosité sont donc
vraisemblablement à trouver dans le système de représentation dominante de cet outil
technique et de manière plus générale de la télécommunication.
Le téléphone apparaît et se diffuse presque à l'insu d'une société industrielle
tournée vers le développement des technologies lourdes de l'industrie, des biens
d'équipement des ménages et des mass médias. Le téléphone, comme technologie de
communication interpersonnelle, échappe d'autant plus facilement aux débats
« technique et société » qu'il ne semble porter en germe aucun des enjeux et des
risques majeurs attribués aux technologies de production, de consommation et de
communication de masse. C'est une technologie souple, douce, relationnelle,
interactive, sans nuisances, libératrice des contraintes de l'espace et du temps, bon
marché, accessible, ... Telle est la représentation dominante du téléphone qui
s'imposera à un point tel que lorsqu'un auteur comme I. Illich (1973), pourfendeur de
l'idéologie technicienne de la société industrielle, entreprend la définition de ce qu'il
appelle « un outil convivial » par opposition à un « monopole radical », le téléphone
s'impose à lui comme un archétype idéal.
Lorsqu'au début des années 1980, les technologies de communication à distance
font une entrée remarquée sur la scène de la prospective, sur fond de crise économique
et sociale, le téléphone se trouve de fait disqualifié et rangé au musée de la
socio-économie naissante des télécommunications pour cause d'obsolescence. La
multiplication des moyens de communication à distance fonde alors les discours sur
l'avènement d'une société conviviale, d'une société dite de l'information ou de la
communication dont les activités sont rebaptisées au nom du préfixe « télé » et du
suffixe « tique ». Ceux qui font de l'évolution technologique le moteur du devenir
social, transfèrent ainsi sans précautions les caractéristiques techniques des
télécommunications à la société qui les utilise : à technologies de communications
interpersonnelles, à distance, instantanées, non polluantes, accessibles, souples, ...,
correspond une société conviviale, sans distance, en temps réel, propre, peu
hiérarchisée et décentralisée...
Cette représentation dominante du téléphone et plus généralement de ce que l'on
continue à appeler les nouvelles technologies de communication repose donc sur trois
mythes structurants.
Le mythe de la convivialité : de même que la société industrielle devait produire
l'abondance matérielle, la société post-industrielle devrait produire l'abondance
communicationnelle. Dans ce paradigme, la (télécommunication devient la main
invisible tant recherchée de la régulation économique et sociale, les machines à
communiquer permettent de lutter contre l'entropie de nos sociétés, elles libèrent la
parole, la relation et favorisent l'épanouissement des individus. Ce mythe est très
précisément disséqué dans le récent ouvrage L'utopie de la communication
(Fii. Breton, 1992) ; on le retrouve dans la théorie de la richesse du média (Daft,
Lengel, 1986), qui suppose que l'efficacité de la communication dépend de son
adéquation au média ; le téléphone serait ainsi mieux adapté aux communications
ambiguës et affectives.
Le mythe de l'ubiquité : vieux rêve de l'humanité que celui de s'affranchir
totalement des contraintes de l'espace et du temps. Grâce aux technologies de
communication à distance et en temps réel pourrait se mettre en place une société sans
1*6
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TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
distance et sans délai ; en d'autres termes ce serait l'avènement du village universel
de Me Luhan, libéré de la loi d'airain de la proximité physique. La littérature sur la
substitution des télécommunications aux transports, sur la déterritorialisation des
échanges économiques et sociaux, sur la réalité virtuelle est souvent imprégnée de ce
mythe de l'ubiquité.
Le mythe de l'indifférenciation, voire de l'ouverture sociale : c'est celui de la
technologie douce au service de tous. Technologies à fort niveau d'accessibilité,
branchées sur des réseaux ouverts, souples et peu hiérarchisés, elles sont censées
favoriser les social
telephone'
décloisonnement
impact is liberating
des réseaux
» écrit
de relation
I. de S. Pool
et des
(1977).
structures
Cettesociales
représentation
: « the
se développa lorsque le téléphone fut banalisé ; dès lors que la différenciation sociale
ne s'opère plus par le branchement au réseau, l'indifférenciation sociale devient la
règle.
D'où les trois questions que nous adressons au téléphone, seul moyen de
communication interpersonnelle (mythe de la convivialité) à distance et en temps réel
(mythe de l'ubiquité) et socialement diffusé (mythe de l'indifférenciation sociale) : le
téléphone est-il un outil convivial ? permet-il à l'homme de se libérer des contraintes
de l'espace et du temps ? est-il socialement neutre ?
Pour répondre à ces questions nous nous sommes penchés sur l'analyse des usages
et des pratiques de communication téléphonique des individus dans le cadre d'une
enquête financée par le programme « Science Technologie et Société » du CNRS.
Cette enquête sur l'utilisation domestique du téléphone, réalisée en 1984 sur un
échantillon de 298 ménages abonnés, a permis de recueillir les pratiques téléphoniques
de 663 individus de plus de 13 ans et de recenser les principales caractéristiques de
7 252 communications téléphoniques à l'aide de trois questionnaires :
- un questionnaire « ménage » identifiant les principales caractéristiques
socio-économiques du ménage et des individus le composant ;
- un carnet de bord téléphonique auto-administré recensant les caractéristiques des
communications téléphoniques émises et reçues au domicile sur une période d'une
semaine ;
- un questionnaire « réseaux de relation » permettant d'identifier les différents
correspondants téléphoniques contactés au cours de la semaine et les principaux
réseaux de relation des ménages (familial, amical, voisinage, professionnel, ...).
L'échantillon fut constitué de ménages résidant dans l'agglomération lyonnaise.
Les résultats qui seront présentés ne seront donc représentatifs que des seules pratiques
téléphoniques domestiques des citadins. Il est néanmoins comparable aux échantillons
enquêtes à Chicago et à Cincinnati (Brandon, 1981 ; Infosino, 1980). L'échantillon
enquêté, bien que représentatif de la population urbaine abonnée, est relativement
petit. Toutefois, les petits échantillons permettent des investigations fouillées et
détaillées pour des financements modestes. À l'aide d'un petit échantillon on
recherche plus une caricature expressive du phénomène étudié qu'une parfaite image
figurative.
Si les données quantitatives présentées dans cette contribution sont évidemment
datées, nous pensons que les tendances repérées restent stimulantes pour les raisons
suivantes :
• les données de base sur l'utilisation domestique du téléphone sont suffisamment
rares pour se dispenser de celles disponibles ;
1*7
G. CLAISSÊ, F. ROWE
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• le changement social n'est pas instantané ; si les comportements sociaux évoluent,
de nombreux comportements observés en 1984 restent cependant d'actualité ;
- les résultats produits par les enquêtes réalisées à ce jour sont suffisamment sensibles
aux méthodologies et protocoles des recueils de données utilisés, pour ne pas faire
l'économie d'une diversité des sources d'information (Caisse, Rowe, 1992) ;
- la comparaison des résultats obtenus en 1984 et de ceux produits par d'autres
enquêtes quelques années plus tard peuvent permettre de repérer quelques évolutions
significatives pouvant être précieuses dans le cadre d'un exercice prospectif ;
- enfin, compte tenu de l'obsessionnelle confidentialité dont les opérateurs font
preuve à l'égard de leurs dernières enquêtes, les résultats de cette étude universitaire
font partie du domaine public et peuvent être à ce titre exposés librement.
Nous organiserons cette présentation autour des quatre étapes suivantes :
- les consommations téléphoniques : qui téléphone ? à quelles différenciations
sociales renvoient les disparités de consommation observées ?
- les correspondants téléphoniques : avec qui téléphone-t-on ? peut-on identifier
différentes sociabilités téléphoniques ? le téléphone permet-il de décloisonner les
réseaux de relation des individus ?
- le contenu des communications téléphoniques : pourquoi téléphone-t-on ? Au-delà
de l'échange convivial les usages du téléphone domestique ne sont-ils pas plutôt
fonctionnels ?
- les pratiques téléphoniques : peut-on mettre en évidence différents types purs de
pratique téléphonique permettant une caricature expressive du comportement de
certains groupes sociaux ?
a. LES CONSOMMATIONS TÉLÉPHONIQUES
En première analyse, les pratiques téléphoniques peuvent être caricaturées par
des niveaux de consommation téléphonique différenciés. Qui ne connaît en effet
dans son entourage immédiat des boulimiques du téléphone et des réfractaires du
combiné ?
2. I. UNE TYPOLOGIE DES CONSOMMATIONS TÉLÉPHONIQUES
Dans les lignes qui suivent, seules les consommations téléphoniques des individus
seront analysées l. En 1984, la consommation téléphonique moyenne des personnes
enquêtées reste encore modérée par rapport à d'autres pays développés. À leur
domicile, les individus émettent ou reçoivent en moyenne 9,4 communications
téléphoniques, passent environ lhlSmn « au bout du fil » et consacrent un peu plus
de 12 F (1984) au téléphone chaque semaine. Cependant, ces valeurs moyennes
masquent des dispersions très importantes puisque 50 % des communications, du
temps passé et des dépenses consacrées au téléphone sont assurés respectivement par
17 %, 16 % et 8 % des individus.
En l'absence de toute information sur le contenu des communications et sur la
nature des correspondants, ces dispersions de consommation sont suffisamment
1•
L'analyse des pratiques téléphoniques des ménages ne sera pas abordée dans cet article ; un chapitre
lui est consacré dans le rapport cité en référence (Qaisse, Vergnaud, Rowe, 1985) p. 86-130.
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
TABLEAU 1 • TYPOLOGIE DES INDIVIDUS ET CONSOMMATIONS TÉLÉPHONIQUES
Typologie des individus
Nombre
individus
Nombre
Budget-temps
commun, par hebdomadaire
semaine
Coût (en F)
par semaine
Célibataires
vivant seuls
1 - Célibataire actif
2 - Célibataire inactif
29
39
14
19
Ih48*
2h55*
11
26
Hommes
actifs
3- CSP aisée (a)
"standardistes" (b)
4 - CSP aisée (autres)
5 - CSP modestes (c)
57
41
79
9
4
4.5
lhOO*
27'
25*
17
4
4
Hommes
inactifs
6 - Retraités
7 -Jeunes de 18 ans
ou + (étudiants)
8 -Jeunes 13-18 ans
(scolaires)
42
38
5
5
26*
38'
11
5
31
3
25'
3
9 - CSP aisée
10 -CSP modeste
45
73
13
11
lh40*
Ih35*
14
14
1 1 - Moins de 60 ans
CSP aisée (d)
12 -Moins de 60 ans
CSP modeste (d)
13 -Plus de 60 ans
14 -Jeunes de 18 ans
et + (étudiantes)
15 -Jeunes 13-18 ans
(scolaires)
35
21
2h48"
38
32
33
58
14
9
8.5
2h00'
lhlO'
lh30*
18
14
8
31
4
35*
2
9.4
1Ы5*
12
30
32
13
Femmes
actives
Femmes
inactives
TOTAL
% de variance expliquée
663
(a) CSP aisée : patrons, professions libérales, cadres supérieurs et moyens
(b) Standardiste : personne répondant au moins parfois au téléphone lorsqu'il sonne
(c) CSP modeste : ouvriers et employés
(d) Profession du conjoint
importantes pour penser que de simples indicateurs de niveaux de consommation
constituent déjà des outils performants d'analyse des pratiques téléphoniques des
individus.
Pour mener cette analyse, nous disposions de diverses caractéristiques
démographiques et socio-économiques se rapportant soit au ménage soit à l'individu.
Nous pouvions ainsi tester la sensibilité de la consommation téléphonique des
G. CLAISSE, F. ROWE
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
individus à une cinquantaine de variables plus ou moins élémentaires 2 et construire
une typologie d'individus explicative des niveaux de consommation différenciés. Par
souci de simplification, nous partirons de cette typologie qui segmente la population
en 15 groupes d'individus et constitue le résultat le plus synthétique de l'analyse de
la consommation téléphonique (cf. Tableau 1).
La typologie obtenue est statistiquement assez puissante puisque nous obtenons
un pourcentage de variance expliqué de Tordre de 30 % 3. Statistiquement puissante,
cette typologie est aussi heuristique puisqu'elle permet de distinguer deux
déterminants premiers de la consommation téléphonique des individus - la taille du
ménage et le sexe - et trois déterminants secondaires - l'âge, l'activité et la CSP.
2. 2. DEUX DÉTERMINANTS PREMIERS : SEXE ET CÉLIBAT
Les célibataires vivant seuls téléphonent en moyenne deux fois plus que les
individus appartenant à des ménages de deux personnes ou plus. Deux interprétations
complémentaires permettent d'expliquer ce différentiel de consommation :
- les célibataires vivant seuls assument intégralement ce qu'il est convenu d'appeler
le trafic ménage ou en d'autres termes les relations avec la famille, les amis, les
différents prestataires de service, ... ; à ce titre, ils ont une consommation
téléphonique assez proche de celle des individus qui assurent le rôle de standardiste
à l'intérieur des ménages de deux personnes ou plus ;
- le téléphone est sans doute pour les célibataires un moyen leur permettant de
compenser leur relatif isolement au sein de leur foyer.
Cette consommation téléphonique assez élevée des célibataires vivant seuls est
d'autant plus significative qu'elle concerne tout aussi bien les hommes célibataires
que les femmes célibataires qui représentent 70 % des personnes vivant seules. La
consommation des hommes célibataires est de 3 à 4 fois supérieure à la consommation
moyenne des hommes. Le célibataire n'est donc pas seulement un individu vivant
seul, c'est aussi un ménage, mais un ménage sans possibilité de relation intra-ménage.
À l'exception des personnes vivant seules, les consommations téléphoniques des
femmes et des hommes sont fondamentalement différentes. Quel que soit l'indicateur
retenu (nombre de communications, budget-temps, coût) les femmes téléphonent
toujours deux fois plus que les hommes. Qu'elles soient actives ou inactives,
étudiantes ou retraitées, avec ou sans enfants, jeunes ou âgées, la différence est
toujours aussi conséquente par rapport à leurs homologues masculins. Trois
explications peuvent être avancées. La plus immédiate est celle de la présence plus
fréquente des femmes à leur domicile. Certes, les femmes inactives téléphonent encore
plus que les femmes actives, cependant les femmes actives téléphonent toujours deux
fois plus que les hommes actifs.
Deuxième explication, la répartition des rôles à l'intérieur du ménage : dans plus
de 55 % d'entre eux, il existe une personne qui va systématiquement répondre lorsque
le téléphone sonne ; dans 80 % des cas cette personne est ... une femme.
2.
3.
Au plan statistique ces tests de sensibilité ont été conduits à l'aide de l'analyse de variance.
En revanche cette typologie explique moins bien les dépenses téléphoniques hebdomadaires des
individus, le coût des communications dépendant fortement de la structure spatio-temporelle du trafic
(distance, durée, jour, heure).
17О
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TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
Enfin, l'utilisation plus fréquente du combiné par les femmes correspond
fondamentalement à leur place souvent centrale dans la gestion de la vie quotidienne
et l'entretien des relations familiales et amicales du ménage. De manière quelque peu
caricaturale on pourrait dire que les femmes assurent le ministère de la parole et des
relations extérieures au sein du ménage. Cette consommation relativement élevée des
femmes est bien évidemment ambiguë car elle est tout autant l'expression d'une
nouvelle contrainte ménagère (standardiste) qu'un moyen de s'évader provisoirement
des contraintes ménagères (passer un moment, discuter) 4.
Le célibat et le sexe ont une telle influence sur le niveau de consommation
téléphonique qu'il serait vain de rechercher les effets des autres variables sans en avoir
auparavant neutralisé les effets. Sous cette condition, l'âge, l'activité et la CSP
permettent d'aller plus loin.
a. 3. DES DÉTERMINANTS SECONDAIRES: CYCLE ET MODES DE VIE.
Les effets de l'âge sont toujours délicats à interpréter car difficiles à démêler
d'autres facteurs : situation dans le cycle de vie, position sociale, génération à laquelle
appartient l'individu... Cela dit, on constate que les plus jeunes et les plus âgés
téléphonent plutôt moins que les autres. Pour les premiers, plusieurs explications
peuvent être avancées : une relative fuite du trafic téléphonique vers d'autres lieux
(cabines publiques, ...), une relative auto-censure à l'égard du carnet de bord pouvant
être épluché à tout moment par les parents, et surtout un espace relationnel moins
diversifié que celui de leurs aînés se limitant le plus souvent aux amis, copains de
classe. Comme les plus jeunes, les personnes âgées ont sans doute moins de raisons
de téléphoner : le cercle des proches est décimé par le temps, le téléphone peut parfois
coûter cher pour des revenus modestes, enfin, le combiné est quelquefois avant tout
un système d'alarme à n'utiliser qu'en cas d'urgence.
On retrouve les effets de l'âge lorsque l'on compare les consommations des actifs
et des inactifs. Ainsi les consommations des scolaires, des étudiants et des retraités
sont-elles inférieures à la consommation moyenne. Par contre, les femmes au foyer
de moins de 60 ans font un usage du téléphone deux fois plus important que la
moyenne. Elles cumulent de fait deux des attributs majeurs des consommations
téléphoniques élevées : elles sont femmes, et ... célibataires 8 heures par jour et 5 jours
par semaine.
Le niveau social de l'individu semble également intervenir. Les patrons, les
professions libérales, les cadres dialoguent plus souvent que les employés et les
ouvriers. La position sociale de l'individu se traduit en effet par un réseau de relations
plus ou moins étendu et des formes de sociabilité différentes. Cependant, une analyse
en terme de classes sociales ne serait pas suffisante car les ouvrières, par exemple,
téléphonent tout autant que les patrons.
Célibat, sexe, âge, activité, profession, tels sont les principaux facteurs expliquant
les différences de consommation téléphoniques entre les individus. En combinant
l'ensemble de ces variables on peut distinguer 15 types d'individus et observer des
4.
Pour une approche qualitative des comportements des femmes au téléphone on pourra se référer aux
travaux de Ann Moyal (Moyal, A., 1989, 1992)
171
G. CLAISSE, F. «OWE
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écarts de consommation allant de 1 à 7 en nombre de communications et de 1 à 12 en
terme de coût entre les écoliers et les femmes inactives aisées (cf. Tableau 1).
Bien évidemment d'autres caractéristiques socio-économiques peuvent permettre
de mettre en évidence des niveaux de consommation différenciés. Ainsi
téléphone-t-on plutôt plus si Ton a un niveau d'étude élevé, si l'on a des enfants à
charge, si l'on a fait l'apprentissage du téléphone chez ses parents, si l'on a plusieurs
combinés... Cependant, l'échantillon sur lequel nous travaillons est trop limité pour
intégrer l'ensemble de ces variables.
On pourrait s'étonner de ne pas voir apparaître, si ce n'est par le biais de la
distinction « aisés » (patrons, cadres), « modestes » (ouvriers, employés), le revenu
du ménage comme un déterminant majeur. C'est qu'au-delà d'un certain seuil de
revenu mensuel (4 000 F 84), la consommation téléphonique d'un individu dépend
beaucoup plus de ses ressources relationnelles que de ses ressources financières.
a. 4. UN DÉTERMINANT COMPLEXE : IA SOCIABILITÉ.
TABLEAU 2 - SOCIABILITÉ ET CONSOMMATION TÉLÉPHONIQUE
Types
d'individus
Sociabilité
Plutôt faible
TAIRES Plutôt élevée
HOMMES
Consom.
Nombre Moyenne
23
45
13
19
Externe faible
42
3,6
Externe moyenne, interne faible
33
5
Externe moyenne, interne moyenne
Externe moyenne, interne élevée
88
29
5
8.5
Externe élevée
27
9,5
Externe faible
48
11
25
80
36
29
10^
13
17
16
FEMMES Externe moyenne, interne faible
Externe moyenne, interne moyenne
Externe moyenne, interne élevée
Externe élevée
Catégories sur-représentées
50 % Ouvriers-Employés
26 % Retraités
33 % Cadres non standardistes
33 % Ouvriers-Employés
3 1 % Cadres standardistes
28 % Retraités
48 % Cadres standardistes
59 %CSP modestes
23 % Retraités
56 % Actives
60 % Actives
64 % Inactives
49 %CSP aisées
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TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
Le niveau de l'activité téléphonique d'un individu dépend également de la taille
de son réseau de relations, de la densité des interactions qui s'y déroulent et de la
structure de ce réseau. Afin de tester cette hypothèse, nous avons identifié les
différents réseaux de relation des ménages enquêtes (famille, amis, voisins, vie
associative, collègues de travail) et recueilli quelques informations sur les pratiques
de sociabilité (fréquence de rencontre, invitations, loisirs, sorties...) 5.
Nous avons alors construit un indicateur synthétique de sociabilité apparente
(cf. encadré) permettant d'agréger :
- des densités ou des niveaux de sociabilité (taille des réseaux, fréquence de
rencontre) ;
L'INDICATEUR DE SOCIABILITÉ APPARENTE
PRINCIPES DE CONSTRUCTION
La démarche retenue pour élaborer cet indicateur de sociabilité apparente des individus
est la suivante :
- élaboration d'un indicateur de sociabilité sectorielle pour chaque réseau de relations
(familial, amical, associatif, de voisinage) et chaque pratique de sociabilité (invitations,
sorties, loisirs repérés tant au cours de la semaine d'enquête qu'en fréquence moyenne
déclarée) identifiés par un questionnaire spécifique « réseaux de relation » ; ces différents
indicateurs assez grossiers tiennent compte de la taille de ces réseaux de relation et des
fréquences de rencontre entre les enquêtes et les membres de ces réseaux ;
- sur la base de ces indicateurs sectoriels, élaboration d'un indice de sociabilité interne
(Forsé, 1981) ; la sociabilité interne est définie comme une forme de sociabilité dont le
référentiel est le foyer conçu à la fois comme norme sociale et lieu ; les indicateurs
sectoriels pris en compte sont donc le réseau de relation familial, les relations de
voisinage, les invitations identifiées au cours de la semaine d'enquête, la fréquence
moyenne d'invitations ; en attribuant une note à chaque individu pour chacun de ces
indicateurs sectoriels et en sommant les notes obtenues on obtient un indice global de
sociabilité interne permettant de distinguer les individus à sociabilité interne élevée,
moyenne ou faible ;
- on procède de la même manière pour évaluer un indice de sociabilité externe ; la
sociabilité externe est définie comme la forme de sociabilité qui établit une certaine
distance physique et sociale par rapport au foyer ; les indicateurs sectoriels pris en compte
sont donc le réseau de relation amical, la vie associative, les sorties (hors domicile) durant
la semaine d'enquête ainsi que les fréquences moyennes de sorties déclarées ; on obtient
alors un indice agrégé de sociabilité externe permettant de distinguer les individus
présentant un niveau de sociabilité externe élevé, moyen ou faible.
- en agrégeant par sommation ces deux indices on obtient un indice global de sociabilité
apparente permettant de distinguer des niveaux de sociabilité plutôt élevé, moyen ou faible.
L'objectif de cette construction relativement grossière et pour partie normative n'est pas
d'élaborer une typologie de la sociabilité des individus très fouillée, mais de disposer
d'un outil permettant au minimum de différencier les niveaux de sociabilité les plus
extrêmes (élevé, faible) et les structures de sociabilité les plus contrastées (interne,
externe).
S.
Pour une analyse détaillée des incidences de la sociabilité sur les pratiques téléphoniques, on se
reportera au Chap. 4 du rapport cité en référence (Claisse, 1985, p. 205-250).
173
G. CLAISSE, F. ROWE
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
- des structures de sociabilité en reprenant la distinction de M. Forsé (1981) entre
sociabilité interne (famille, voisins, invitations) - le foyer, le domicile est ici le lieu
et la norme privilégiés de sociabilité - et la sociabilité externe (amis, vie associative,
sorties) - degré d'émancipation et de distanciation par rapport à cette norme.
On vérifie ainsi (cf. Tableau 2) qu'il existe une assez bonne corrélation entre les
niveaux de consommation téléphonique des individus et leur degré et structure de
sociabilité. Cette corrélation est à l'évidence plus nette pour les hommes que pour les
femmes. Bien évidemment les formes de sociabilité des individus sont en partie
corrélées à leurs caractéristiques socio-économiques classiques. On retrouve à travers
la sociabilité des variables telles que l'âge, l'activité, la catégorie socio
professionnelle,
la position dans le cycle de vie. Il est cependant intéressant de
constater que, pour une même catégorie d'individus, les consommations peuvent
varier du simple au double selon l'indice de sociabilité apparente (cf. Tableau 3).
TABLEAU 3 - SOCIABILnrÉ. TYPOLOGIE DES INDIVIDUS
et consommation téléphonique (en nombre de communications)
^чЛуре d individu
Sociabilité N.
3
4
5
6
9
10
11
12
13
Externe ou interne faible
Externe ou interne élevée
5,2
10.5
4.1
8,2
3,7
6.9
4.7
8,0
12.1
14,2
9.9
13,6
13,7
24,2
11,1
18,6
5.8
1U
Légende
3 - Homme
4 - Homme
5 - Homme
6 - Homme
actif aisé standardiste
actif aisé
actif modeste
retraité
9 - Femme active aisée
10 - Femme active modeste
1 1 - Femme inactive aisée
12 - Femme inactive modeste
13 - Femme retraitée •
En résumé, la consommation téléphonique d'un individu dépendra fondamenta
lement
des interrelations entre ses différentes ressources et contraintes :
- temps disponible et temps de présence au domicile ;
- ressources et contraintes relationnelles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du foyer ;
- degré d'implication dans la vie active ;
- répartition des rôles à l'intérieur du ménage.
3. LES RÉSEAUX DE RELATIONS TÉLÉPHONIQUES
Afin de caractériser les pratiques téléphoniques des individus, il ne suffît pas de
maîtriser leurs consommations téléphoniques. Encore convient-il d'identifier les
acteurs, les individus avec lesquels ils discutent.
3. 1. AU BOUT DU FIL: LES CORRESPONDANTS
Priorité aux correspondants socio-affectifs : 40 % des communications se font
avec la famille (dont 6 % entre membres du même ménage), 36 % avec des amis ou
174
♦ ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
de simples relations. Les appels avec les administrations, les entreprises, les
commerçants, représentent 12 % du total. Puis on trouve les relations professionnelles
(8 %), les voisins (2 %) et les associations (2 %).
Ainsi 4/5èmc du trafic téléphonique domestique se réalise avec des correspondants
socio-affectifs, avec des proches. De là à dire que l'usage domestique du téléphone
est fondamentalement relationnel ou convivial, il n'y a qu'un pas qu'il faut s'abstenir
de franchir. En effet, seule la prise en compte du contenu des communications
téléphoniques devrait permettre de valider ou de réfuter cette hypothèse.
Pour plus de 9 communications par semaine, un individu entre en relation avec 6,4
correspondants différents : 2,2 membres de sa famille, 2,4 amis, copains,
connaissances ou voisins, et 1,7 autres relations (professionnelles, prestataires de
services, associations ...). La fréquence hebdomadaire moyenne de communication
par correspondant est de 1,4. Elle est de 1,75 pour les membres de la famille, de 1,5
pour les amis ou relations et de 1,2 pour les autres correspondants. Remarquons ici
que si les hommes téléphonent moins que les femmes, c'est aussi parce qu'ils ont des
fréquences de communication par correspondant plus faibles : 1,3 contre 1,55.
3. 2. LA SOCIABILITÉ TÉLÉPHONIQUE DES INDIVIDUS
Si l'on examine les structures de consommation téléphonique des 15 types
d'individus identifiés précédemment en fonction des 3 types de correspondant suivant,
relations familiales, relations « amicales » (amis, copains, simples relations, voisins),
relations fonctionnelles (commerçants, relations professionnelles, administrations,
organismes financiers, ...), on obtient des résultats très significatifs. La sociabilité
téléphonique des individus s'organise principalement autour de deux axes
(cf. Figure 1).
Le premier axe relie les plus jeunes (scolaires, étudiants) caractérisés par une
sociabilité téléphonique amicale (65 % des correspondants sont des amis) aux plus
âgées (femmes de plus de 60 ans) caractérisées par une sociabilité téléphonique
beaucoup plus familiale (50 %). Les individus téléphonant principalement à leurs amis
sont tous célibataires, alors que la famille reprend la priorité dès que les individus ont
eux-mêmes fondé une famille. Enfin, à statut comparable, la famille occupe plus de
place chez les femmes que chez les hommes.
Le deuxième axe relie les hommes les plus affairés (cadres supérieurs) dont le
trafic est très orienté vers les correspondants fonctionnels, aux femmes les moins
« actives » (retraitées, femmes au foyer) dont le trafic est structurellement plus
familial. Sur cet axe on différencie assez facilement les hommes des femmes, les actifs
des inactifs et les CSP aisées des CSP modestes.
De manière synthétique, les principaux déterminants socio-économiques de la
sociabilité téléphonique des individus sont les suivants :
• pour les sociabilités à distance plutôt amicales, le célibat, la jeunesse et l'absence
d'activité professionnelle sont les trois attributs essentiels auxquels il convient
d'ajouter le sexe qui hiérarchise les jeunes hommes et les jeunes filles ;
• pour les sociabilités téléphoniques plutôt fonctionnelles, le mariage ou le
concubinage, le fait d'être de sexe masculin et actif sont les trois critères principaux ;
la position sociale ou la catégorie socio-professionnelle permettant une hiérarchie
plus fine ;
171
G.CIAISSE, F.ROWE
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
FIGURE I - LA SOCIABILITÉ TÉLÉPHONIQUE
1CEAC
2CETN
3HASS
4 HAS
5HAI
6HRET
7HETU
• Célibataire actif
- Célibataire inactif
- Homme actif aisé standardiste
- Homme actif aisé
- Homme actif modeste
- Homme retraité
- Homme étudiant
9 FAS
10 FAI
1 1 FIS
12 Fil
13 FRET
14 FETU
15 FSCO
- Femme active aisée
- Femme active modeste
- Femme inactive aisée
- Femme inactive modeste
- Femme retraitée
- Femme étudiante
- Femme scolaire
Mode d'emploi - La structure de consommation par types de correspondants de l'individu représenté dans
le petit triangle est la suivante : 40 % famille, 40 % amis, 20 % correspondants fonctionnels.
- enfin, pour les pratiques plus orientées vers la famille, la vie maritale, le fait d'être
femme et inactive sont les trois déterminants primordiaux.
La sociabilité téléphonique semble donc assez proche de la sociabilité classique
des individus telle qu'elle a été analysée par F. Héran (1988) sur la base de l'enquête
« Contacts » de Г IN SEE. Tout au plus peut-on remarquer que la sociabilité
téléphonique a tendance à caricaturer la sociabilité face à face. L'analyse du réseau
de relation familial nous permettra d'illustrer ce propos.
3. 3. UN EXEMPLE: LE RÉSEAU DE RELATION TÉLÉPHONIQUE FAMILIAL
L'image de la famille renvoyée par l'utilisation du téléphone est celle d'une triple
réduction des relations familiales qui concerne le lien de parenté, le sexe et la
localisation des correspondants familiaux.
Lorsque l'on passe du réseau familial potentiel (ensemble des personnes
rencontrées au moins une fois par an) au réseau téléphonique familial effectif, on passe
de la famille élargie à la famille restreinte. La famille directe ou famille « ménage »
(parents, enfants, collatéraux directs) qui représente 64 % du réseau familial compte
17*
♦ ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
pour 80 % du trafic téléphonique familial. À la différence de la sociabilité face à face
où le poids des collatéraux directs (frères et sœurs) est primordial, la sociabilité
téléphonique familiale est pour l'essentiel tournée vers les ascendants et descendants
directs.
La communication téléphonique opère par ailleurs une réduction « sexiste » du
réseau familial. Alors que les rencontres avec la famille impliquent souvent
l'ensemble des membres du ménage, 75 % des communications téléphoniques
familiales sont réalisées entre femmes : la mère ou la belle-mère pour les parents, la
fille ou la belle-fille pour les enfants.
Enfin, on téléphonera d'autant plus facilement à un membre de sa famille que
celui-ci réside à proximité et ceci quel que soit le lien de parenté. La proximité
téléphonique entre deux individus de la même famille dépendra donc de leur proximité
généalogique, de leur proximité « physiologique » (le sexe) et de leur proximité
géographique.
Il y a fondamentalement un modèle masculin et un modèle féminin des relations
téléphoniques familiales. La « famille téléphonique » des hommes est limitée à leur
propre famille et plus encore à leur mère, leur(s) fils, leur(s) frères. La famille
téléphonique des femmes est beaucoup plus large et diversifiée : si elles privilégient
les relations avec leur propre famille (mère, fille, sœur), elles s'occupent souvent des
relations avec la belle-famille (belle-mère, belle-sœur).
Des analyses similaires des différents réseaux de relations téléphoniques des
individus (amical, professionnel, associatif, voisinage, ...) ont été menées. Toutes
conduisent à la même conclusion : le téléphone, contrairement à une idée couramment
admise, n'opère aucun décloisonnement des structures de sociabilité. Bien au
contraire, la communication à distance est fondamentalement une communication
entre proches dans toutes les acceptions, affective, métrique, sociologique,
démographique et économique de ce terme.
4. LES COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES
L'examen méticuleux du contenu des communications téléphoniques devrait
permettre d'enrichir l'analyse des pratiques téléphoniques. Du coup de fil à son
percepteur à la discussion amoureuse, il y a, lorsque le percepteur n'est pas en même
temps l'ami(e) le plus intime, deux processus d'interaction que l'on désigne par le
même vocable : la communication téléphonique. Il est temps de sortir de cette fiction
réductrice afin d'identifier et d'évaluer les différents motifs de communication
téléphonique et de réaliser une typologie des communications téléphoniques.
4. I. AU CŒUR DES COMMUNICATIONS: LES MOTIFS
Certaines études (Singer, 1981 ; Field Research Corporation, 1989), sur la base
d'approches principalement qualitatives, mettent l'accent sur le caractère
principalement relationnel de l 'usage domestique du téléphone. Toutefois, s'il est clair
que les correspondants sont essentiellement socio-affectifs, le contenu, les motifs
d'appel sont-ils plutôt relationnels ou fonctionnels ?
Dès lors que l'on prend acte de l'infinie diversité des communications
téléphoniques, l'identification du contenu des communications est une entreprise très
délicate. A défaut de pouvoir analyser le contenu réel, nous avons proposé une grille
177
G. ClAISSE, F. ROWE
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
de motifs de communication dans le carnet de bord rempli par l'enquêté. Bénéficiant
des enseignements d'une enquête réalisée en France par la Direction Générale des
Télécommunications en 1980 (Curien, Périn, 1983) et d'une pré-enquête réalisée
auprès d'une vingtaine de personnes sur les motifs de leurs communications, nous
avons opté pour la définition suivante du motif : une action à réaliser dans un but
donné. La combinaison des 16 actions et des 1 1 buts retenus offrait donc 176 motifs
possibles à l'enquêté {cf. Tableau 4). Sur 6 225 communications réussies enregistrées,
90 % des buts et 96 % des actions sont connues de façon précise 6. Les trois actions
TABLEAU 4 - MOTIFS DES COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES
N*
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
N*
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
•.
ACTION
Appeler en cas d'urgence
Passer ou répondre à une annonce
Demander de rendre un service
Prendre un rendez-vous, annoncer une visite
Confirmer un rendez-vous, une visite
Modifier un rendez-vous, une visite
Annuler un rendez-vous, une visite
Réserver, commander
Organiser une activité
S'entretenir d'un problème
Résoudre un problème
Renseigner, informer, se renseigner, s'informer
Prévenir d'un changement d'emploi du temps
Passer un moment avec quelqu'un
Prendre, donner, échanger des nouvelles
Autre action
BUT
Activité, affaires professionnelles
Vie associative, syndicale ou politique
Problème de santé
Achat, vente, location
Scolarité, études
Mariage, naissance, décès
Invitation, visite
Loisirs, distraction, sorties
Problèmes personnels ou affectifs
Intendance familale, affaires ménagères, vie quotidienne de votre ménage
Autre but ou autre domaine
En%
1.0
0,8
73
11,5
6,9
2.7
2.0
1.3
7.0
9,7
3,0
13,8
2,6
5.4
20,7
2,3
En%
12,1
3,6
9,5
4Д
3.2
1,2
10,2
12,5
12,8
11.7
10,7
Le pourcentage en apparence assez élevé de non-réponse sur les buts correspond principalement à des
communications dont l'action définissait en même temps le but : échanger des nouvelles, passer un
moment avec quelqu'un.
17*
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
ÉLABORATION D'UNE GRILLE DE MOTIFS
L'élaboration d'une grille de motifs des communications téléphoniques est le fait d'un
arbitrage entre la nécessité de réduire la complexité du contenu des communications
interpersonnelles, afin de pouvoir les caractériser à l'aide d'informations relativement
simples, sans pour autant trop en déformer le sens. De la qualité de la grille de motifs
dépendra en grande partie la qualité de l'analyse des pratiques téléphoniques que l'on
pourra réaliser.
Pour élaborer cette grille nous sommes partis d'une représentation simple du téléphone
résidentiel : un outil de communication interpersonnelle de la vie quotidienne. Dès lors
il semblait logique d'organiser les motifs des communications téléphoniques autour
d'une problématique de la communication interpersonnelle et d'une problématique de la
vie quotidienne.
Une pré-enquête centrée sur les motifs de communication auprès d'une vingtaine
d'individus a été réalisée pour construire la grille définitive. Chaque individu devait ainsi
décrire chaque communication sur une fiche en indiquant le plus précisément possible :
le ou les motifs de l'appel, le contenu de la conversation, la nature du correspondant
contacté. Il était alors demandé à l'enquêté de résumer cette communication ainsi décrite
en une phrase de 2 lignes maximum. L'analyse des phrases-résumés permet de dresser
les deux constats suivants :
- les résumés privilégient deux informations, le motif de l'appel et la nature du
correspondant au détriment du contenu de la conversation ;
- les phrases sont le plus souvent construites autour de la syntaxe suivante ; un verbe,
désignant une action poursuivie, suivi de la proposition avec permettant de désigner le
correspondant, suivie d'une proposition finale, de type pour, désignant un but à atteindre
ou une activité à réaliser. Par exemple, j'ai pris rendez-vous avec un ami pour aller au
cinéma.
Cette syntaxe s'avère assez stimulante puisqu'elle permet d'une part de retrouver les
différentes déclinaisons du verbe communiquer (discuter, informer, gérer, organiser, ...)
et d'autre part d'articuler chacune de ces actions à un domaine de la vie quotidienne des
individus (vie professionnelle, vie sociale, vie affective, vie pratique, ...).
Ainsi, en demandant à l'enquêté d'identifier le motif principal de sa communication
téléphonique à l'aide d'une action et d'un but, on dispose d'une grille suffisamment
simple pour l'enquêté, puisqu'elle correspond aune syntaxe assez intuitive, suffisamment
complexe puisqu'elle permet de distinguer 176 motifs (16 actions x 1 1 buts) et d'emblée
problématique puisqu'elle est organisée autour de différentes formes élémentaires du
verbe communiquer rattachées aux différentes sphères de la vie quotidienne d'un
individu.
les plus souvent citées sont : échanger des nouvelles, se renseigner ou s'informer,
prendre un rendez-vous ou annoncer une visite. Les trois buts ou domaines
privilégiés concernent les problèmes personnels ou affectifs, les loisirs, distractions
ou sorties, les activités ou affaires professionnelles.
Sur la base de ces premiers résultats, il convenait de réaliser une agrégation des
actions et des buts pour obtenir une classification synthétique des motifs de
communication téléphonique. Cette agrégation fut conduite sur la base de
l'interprétation des résultats d'une analyse factorielle des correspondances simples
179
G. CLAISSE, F. ROWE
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
entre les actions et les buts et en projetant sur le graphe obtenu différentes variables
illustratives, notamment les caractéristiques spatio-temporelles des communications
téléphoniques.
Nous avons pu ainsi distinguer 3 types d'action correspondant à trois déclinaisons
du verbe communiquer : discuter (27 % du trafic par agrégation des actions n* 14, 15),
informer
(35 % du trafic, actions n* 2, 3, 10, 11, 12), gérer (39 % du trafic, actions
n'
4, 5, 6, 7, 8, 9, 13). Les buts ont été organisés autour de trois catégories corres
pondant à trois dimensions de la vie quotidienne d'un individu : la vie active (18 %,
buts n* 1, 5), la vie sociale (33 %, buts n* 2, 6, 7, 8), la vie privée (49 %, buts n* 3, 4,
9, 10).
En combinant ces trois types d'action et ces trois catégories de but, on dispose de
neuf motifs d'appel que nous avons réduit à huit compte tenu du poids très faible des
discussions relatives à la vie active (environ 1 %). Comme le montre le Tableau n 5,
le trafic téléphonique est principalement organisé autour de 4 motifs représentant 7 1 %
des communications téléphoniques : les discussions relatives à la vie privée, la gestion
de la vie sociale, l'échange d'informations relatives soit à la vie privée, soit à la vie
active.
TABLEAU S - AGRÉGATION DES MOTIFS DE COMMUNICATION (en %)
\.
But
n.
Vie active
Vie sociale
Vie privée
Total par action
Discussion
-
5
22
27
Information
10
7
18
35
8
21
9
38
18
33
49
100
Action
Gestion
Toul par but
4. 2. LES MYTHES DE LA CONVIVIALITÉ ET DE L'UBIQUITÉ
L'analyse de la communication téléphonique comme expression d'un besoin de
communiquer, identifié par un motif, entre deux individus dont la relation est
clairement spécifiée par la nature du correspondant permet de repérer deux types purs
de communication téléphonique : la communication fonctionnelle et la
communication relationnelle. Cette distinction reprend largement celle qu'établit
A. Moles (1988) entre communication froide et chaude, entre communication
fonctionnelle et charismatique : « la communication fonctionnelle est celle dont la
valeur se mesure à l'efficacité (...), la communication chaude est celle visant à la
spontanéité, au face à face, à recréer la présence humaine dans sa prégnance et sa
chaleur, dans ses errances et ses connotations. » Entre ces deux types purs, on peut
distinguer deux catégories mixtes : les communications plutôt relationnelles mais pour
ISO
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
partie fonctionnelles et les communications plutôt fonctionnelles mais pour partie
relationnelles.
Pour mettre en œuvre ces catégories, le principe retenu a été d'affecter à chaque
type d'action, de correspondant et de but un qualificatif (fonctionnel, relationnel ou
mixte) permettant en agrégeant les qualificatifs obtenus de classer chaque
communication dans l'un des quatres types retenus. Ce traitement assez rustique des
données peut laisser penser qu'il ouvre la porte à n'importe quelle manipulation sous
couvert d'un habillage statistique. Il n'en est rien tant la mise en œuvre de cette
classification s'avère simple, sur la base des principes suivants :
- les communications se rapportant à la gestion d'activité peuvent être classées
systématiquement dans la catégorie « fonctionnelle » indépendamment du
correspondant et du but ;
- les communications dont l'action est la discussion peuvent de la même manière être
rattachées presque systématiquement à la catégorie « relationnelle » ;
- les communications dont l'action est « l'échange d'information » se classent le plus
souvent assez facilement dans l'une ou l'autre des catégories dans la mesure où les
buts et les correspondants qui leur sont associés sont soit simultanément relationnels,
soit simultanément fonctionnels .
La typologie du trafic téléphonique ainsi obtenue est des plus stimulantes car dès
lors l'image du téléphone n'est plus celle de la convivialité mais celle de l'outil
pratique qu'il avait d'ailleurs à ses débuts (cf. Tableau 6). Il ne faut donc pas confondre
les usages, plutôt fonctionnels, avec les correspondants de nature plutôt relationnels
(amis et famille). Ainsi s'évanouit le mythe de la société de communication où
l'échange est gratuit et spontané. Un tiers du trafic seulement est strictement
relationnel. Le téléphone reste avant tout, même dans ses usages domestiques, un outil
de gestion de la vie quotidienne.
TABLEAU 6 - TYPOLOGIE DU TRAFIC TÉLÉPHONIQUE (en %)
Trafic relationnel
33,5
Trafic relationnel/fonctionnel
10,0
Trafic fonctionnel/relationnel
1 1 ,0
Trafic fonctionnel
45,5
En même temps que tombe le mythe du téléphone convivial, tombe celui de
l'ubiquité, du téléphone libérateur des contraintes spatio-temporelles. Avec les
moyens de communication, les distances seraient abolies et les relations
instantanément établies. En fait on s'aperçoit que le téléphone permet essentiellement
7.
Ces principes permettent déjà de classer 80 % des communications téléphoniques enregistrées. Si
arbitraire il y a, il porte donc sur les 20 % de communications dites mixtes qui ne posaient la plupart
du temps pas de problèmes majeurs pour définir leur caractère plutôt relationnel ou plutôt fonctionnel.
1S1
G. CLAISSE, F. ROWE
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
de gérer des contraintes spatio-temporelles plus qu'il n'en libère. La communication
à distance, sensée libérer l'individu des contraintes liées à l'éloignement, est
fondamentalement une communication de proximité : 80 % du trafic téléphonique de
notre échantillon est réalisé à l'intérieur de la circonscription téléphonique de Lyon.
La communication en temps réel, présentée comme permettant à l'homme de
s'affranchir des contraintes temporelles, est principalement une communication
brève : 60 % des communications sont d'une durée inférieure à 5 mn.
Une analyse plus approfondie des relations entre les communications
téléphoniques et la mobilité des individus nous a permis de constater que près des 2/3
de leurs communications téléphoniques avaient une relation étroite avec leur mobilité
quotidienne, qu'elles remplacent, induisent ou organisent leurs déplacements
(Claisse, Rowe, 1992).
L'espace-temps n'est pas gommé par le développement des télécommunications.
Si le téléphone permet parfois une meilleure maîtrise de l'espace et du temps, il permet
le plus souvent de gérer de nouvelles contraintes spatio-temporelles liées à
l'encombrement de l'espace et du temps, à l'éloignement, à l'urgence, ...
S. LES PRATIQUES TÉLÉPHONIQUES
Ayant examiné qui téléphone, pourquoi et avec qui, nous disposons de l'ensemble
des éléments permettant de brosser une image des pratiques téléphoniques. Une
analyse fouillée de ces pratiques a été menée en fonction des appels émis et reçus, des
correspondants contactés, des actions entreprises, des buts poursuivis, des motifs, des
heures, des lieux, des durées d'appel. Nous nous contenterons dans le cadre de cet
article d'en présenter les résultats les plus synthétiques en utilisant la représentation
graphique de l 'analyse factorielle des correspondances entre la typologie des individus
(15 types, cf. Tableau 1) et la typologie des communications téléphoniques que nous
venons de présenter (4 types, cf. Tableau 6). Nous proposons au lecteur de prendre
connaissance du mode d'emploi du graphique 2 et de suivre pas à pas les commentaires
ci-dessous.
S. 1. LES STRUCTURES DE CONSOMMATION TÉLÉPHONIQUE
Organisée autour d'un triangle permettant de distinguer des pratiques plutôt
fonctionnelles, des pratiques plutôt relationnelles ou plutôt mixtes, la Figure 2 fait
remarquablement ressortir les principaux déterminants socio-économiques des
structures de consommation.
Le sexe joue un rôle déterminant dans la structure des communications. Les
pratiques féminines sont toujours plus relationnelles, laissant une plus grande part à
la conversation, l'échange de nouvelles avec la famille ou les amis. Certes leurs
communications fonctionnelles représentent de 50 à 60 % de leur trafic ; mais il
convient de noter que ces communications fonctionnelles sont très souvent orientées
vers des tâches d'intérêt collectif pour le ménage : organisation de loisirs, invitations,
scolarité ou sortie des enfants... La dimension fonctionnelle domine chez les hommes
(60 à 75 % du trafic) ; de plus le trafic fonctionnel des hommes est un trafic personnel,
correspondant principalement à la gestion de leurs activités professionnelles ou
scolaires.
isa
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
FIGURE 2 - UNE CARTOGRAPHIE DES PRATIQUES TÉLÉPHONIQUES
tCEM
•4%
Pratiques téléphoniques
RELA
refo
fore
FONC
-Relationnel
-Relat. fonction.
- Fonction, relat
- Fonctionnel
Célibataires
1 ŒAC - Actif
2CEIN -Inactif
Hommes
3 hass - Actif aisé standardiste
4 has -Actif aisé
s haï -Actif modeste
6HRET -Retraité
7HETU- Étufiant
8 Hsco - Scolaire
Femmes
9 fas - Active aisée
10FAI - Active modeste
и Fis - Inactive aisée
12 Fil -Inactive modeste
13 FRET -Retraitée
и fétu -Étudiante
15 fsco -Scolaire
Mode d'emploi
Afin de découvrir les spécificités des pratiques téléphoniques selon l'âge, ... , procéder de la manière
suivante : Prendre un crayon et relier les points dans l'ordre indiqué ci-dessous. Vous obtiendrez ainsi un
ensemble d'individus. Dès lors que vous aurez représenté, par exemple l'ensemble des hommes en reliant
les numéros 3-7-6-5-3 dans cet ordre, et l'ensemble des femmes en reliant les numéros 9-10-12-14-9,
prendre connaissance des commentaires dans le texte. Vous pourrez alors effacer les traits et continuer
avec la variable suivante et ainsi de suite.
lèie variable
2*n» variable
3*™ variable
4*™ variable
5èn* variable
: Hommes (3-7-6-5-3) - Femmes (9-10-12-14-9)
: Actifs (3-5-10-9-4-3) - Inactifs (6-1 1-2-12-13-6)
: Aisés (3-9-1 1) - Modestes (5-10-12) puis relier 2 à 2 les points 3-5, 9-10 et 1 1-12
: Jeunes (8-7-14-15-8) - Adultes (3-11-2-12-13-5-3)
: Cyde de vie Hommes (8-7-3-6) - Cycle de vie Femmes (15-14-9-13)
Cette représentation graphique est le résultat d'une analyse factorielle des correspondances entre la
typologie des individus et la typologie du trafic téléphonique.
1S3
G. CLAISSE, F. ROWE
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
De même enjoignant entre eux les actifs d'une part et les inactifs d'autre part, on constate
que les structures de communication de ces deux groupes sont nettement séparées ;
fonctionnelles pour les actifs, plus relationnelles pour les inactifs. Les structures de
communication sont nettement différentes tant chez les hommes que chez les femmes entre
actifs et inactifs. La moindre disponibilité au domicile des actifs, les contraintes pesant sur
leur emploi du temps expliquent la faiblesse relative de leurs communications relationnelles.
Troisièmement, les cadres, les professions libérales ont un trafic toujours plus
fonctionnel que les ouvriers ou les employés ; la même remarque est valable pour les
femmes actives et les femmes inactives (rattachées à la CSP d'appartenance de leur
conjoint). On retrouve ici le degré d'implication dans la vie professionnelle, les
contraintes pesant sur les budgets-temps ainsi que les formes de sociabilité des
individus. Si la différence est moins nette entre les femmes actives cadres et
employées, c'est sans doute que leur statut de femme doublement active (activité
professionnelle et ménagère) est plus important que leur seul statut professionnel.
Les effets de l'âge et du cycle de vie sur les comportements sont toujours difficiles à
interpréter à l'aide d'une photographie. Cependant essayons de parcourir l'évolution des
structures de communication de l'adolescence à la retraite. Les plus jeunes, étudiants et
scolaires, se distinguent par des pratiques mixtes tout à la fois relationnelles et
fonctionnelles. Ainsi chez les garçons de 13 à 18 ans, le trafic mixte représente plus des
2/3 de leurs conversations. Chez eux il n 'y a pas en effet de barrière tranchée entre relation
de travail et relation amicale. Dès la vie d'étudiants, les jeunes gens se rapprochent du
comportement fonctionnel des hommes d'âge mûr et les étudiantes des usages plus
relationnels des femmes. Une fois actifs, les cadres masculins utilisent le téléphone pour
gérer leurs activités tandis que les femmes auront des appels plus diversifiés. A la retraite,
leurs pratiques se rapprochent et deviendront plus relationnelles.
Cette analyse tient un peu de la caricature comme si les déterminants
socio-économiques déterminaient à coup sûr des usages. D'autre déterminants
secondaires du niveau de consommation jouent aussi un rôle important comme la
sociabilité. Ainsi les individus caractérisés par une sociabilité externe faible
téléphonent peu, principalement à leur famille pour échanger des informations
relatives à la vie privée. En revanche, ceux qui ont une sociabilité externe forte,
téléphonent beaucoup plus ; leurs communications sont des plus diversifiées et
s'articulent principalement autour de la gestion d'activités communes avec leurs
amis ; leur trafic est alors beaucoup plus fonctionnel que celui des premiers.
On constate ainsi que le téléphone n'échappe pas à un processus de
codification sociale de son usage, de sorte qu'il devient un excellent outil de
lecture de certaines structures socio-économiques.
5. 2. CINQ PRATIQUES CONTRASTÉES
Sur la base de l'analyse des consommations et des structures de communication,
on peut distinguer cinq pratiques contrastées caricaturant chacune le comportement
d'un ou plusieurs types d'individus.
S. â. 1. LE TÉLÉPHONE CONTREPOIDS OU LE TÉLÉPHONE DES CÉLIBATAIRES
Actifs ou inactifs, les célibataires ont des pratiques téléphoniques à la fois proches
et éloignées. L'image du téléphone contrepoids rend assez bien compte de ces
1*4
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TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
similitudes et différences car contrepoids signifie, à la fois, compensation à leur relatif
isolement et recherche d'un équilibre. L'importance de leur consommation
téléphonique et le poids prépondérant des conversations avec les amis rapprochent les
célibataires actifs et inactifs. En revanche ce contrepoids ne joue pas dans le même
sens. Pour les célibataires actifs, le téléphone est un moyen de gérer leur temps libre,
leur vie sociale, de préparer des loisirs ; le téléphone est un contrepoids générateur de
relations face à face. Pour les seconds, le téléphone est avant tout un moyen de
consommer du temps libre, de discuter, de passer un moment, sur des problèmes
relatifs à la vie privée ; le téléphone est alors un contrepoids à l'isolement, substitut
de relation face à face.
S. a. 2. LE TÉLÉPHONE OUTIL OU LE TÉLÉPHONE DES HOMMES ACTIFS
Les hommes actifs ont une consommation téléphonique assez faible et un usage
essentiellement fonctionnel du combiné. Ils passent peu de temps au téléphone,
celui-ci étant en général utilisé pour gagner du temps ou gérer des contraintes de temps
liées à leur activité professionnelle. Ils ont un trafic très personnalisé, ne participant
que rarement à des communications d'intérêt collectif. Comme tout outil, le téléphone
des hommes actifs peut servir plus ou moins. Les cadres s'en servent plus souvent que
les employés ou les ouvriers. Les premiers gèrent principalement leur vie active, les
seconds gèrent plutôt leur vie privée.
S. a. 3. LE TÉLÉPHONE MIXTE OU LE TÉLÉPHONE DES JEUNES
Les jeunes ont des pratiques téléphoniques à certains égards surprenantes : ils
téléphonent peu, parlent tout autant de loisirs que de problèmes scolaires et bavardent
plutôt moins que leurs aînés. Les biais induits par le carnet de bord soumis au contrôle
familial ne sont sans doute pas neutres. Cependant leurs communications ressemblent
au moins sur deux points à la représentation intuitive que l'on peut en avoir : leurs
conversations sont plus longues que la moyenne, elles ont lieu principalement avec
leurs copains. Ce qui caractérise le mieux le contenu du trafic téléphonique des plus
jeunes c'est la mixité : des communications garçons-filles beaucoup plus fréquentes
que chez leurs aînés, peu de discussions, mais des communications longues, des
conversations portant tout aussi bien sur la vie active que sur la vie sociale, des
communications au double contenu fonctionnel et relationnel, des copains tout à la
fois amis et relations « professionnelles ». Derrière le téléphone mixte se cache
souvent le téléphone évasion qui permet d'échapper provisoirement à la sphère
familiale ou de préparer, de discuter de loisirs, de sorties qui sont autant d'évasions
passées et à venir.
S. 2. 4. LE TÉLÉPHONE «CORDON OMBILICAL» OU LE TÉLÉPHONE DES FEMMES INACTIVES
Les pratiques des femmes inactives sont caractérisées par un usage assez
intense et relationnel du combiné ; elles téléphonent surtout à leur famille ; leurs
conversations portent le plus souvent sur l'échange de nouvelles et d'informations
relatives à la vie privée. L'image du cordon ombilical correspond assez bien à leur
usage dominant du téléphone. Le combiné est un lien qui les unit à leurs enfants
ou à leurs parents selon leur âge ; il leur permet de maintenir une certaine proximité
affective. Leur usage du téléphone tourne souvent autour de leur vie privée ; d'où
its
G. CLAISSE, F. ROWE
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une pratique assez nombriliste mais pas pour autant narcissique car elles prennent en
charge assez souvent des communications d'intérêt collectif comme standardiste et
secrétaire de la cellule familiale.
5. 2. S. LE TÉLÉPHONE POLYVALENT OU LE TÉLÉPHONE DES FEMMES ACTIVES
Les femmes actives ont les pratiques téléphoniques les plus diversifiées : les
téléphones outil, contrepoids, mixte, cordon ombilical coexistent dans leur usage. On
retrouve fondamentalement le comportement de personnes doublement actives
(activités ménagères, activités professionnelles). La double activité des femmes
actives se traduit par une double activité téléphonique (vie active-vie privée,
gestion-discussion, relationnelle-fonctionnelle) qui produit les pratiques les plus
diversifiées. Indépendamment de leur consommation beaucoup plus faible, les
hommes retraités ont des pratiques assez proches des femmes actives. L'explication
est pour eux diamétralement opposée. C'est leur double inactivité professionnelle et
ménagère qui est la cause de leur pratique en apparence diversifiée.
Outil polyvalent comme la parole, le téléphone n'est donc ni consommé, ni utilisé
de la même manière par les individus. Les pratiques téléphoniques sont souvent un
miroir, certes déformant, mais tout à fait symbolique de certaines structures sociales.
Dès lors que l'on passe de la taxe de base à la communication comme unité de mesure
et du ménage à l'individu comme unité d'observation, des recettes par ligne aux
pratiques téléphoniques comme objet d'analyse, le mythe de l'indifférenciation
sociale ne résiste pas à l'épreuve des faits.
6. TÉLÉPHONE, COMMUNICATION ET SOCIÉTÉ
Au terme de cette promenade au cœur des pratiques téléphoniques domestiques,
un bilan rapide des limites et intérêts d'une telle étude peut être présenté.
Les limites sont pour la plupart liées à la méthode d'enquête et à la population
étudiée. Premièrement, l'échantillon est de taille relativement modeste. Dès lors que
l'on souhaite étudier l'incidence de variables socio-économiques relativement fines
sur l'activité téléphonique des individus, on se heurte assez rapidement à des
difficultés de décorrélations des variables. Deuxièmement, cette enquête ne permet
pas de tester l'effet de la localisation résidentielle (urbain, péri-urbain, rural) sur les
pratiques téléphoniques, effet dont on sait par ailleurs qu'il est très important. Enfin,
le recensement des communications téléphoniques fait l'impasse sur les
communications privées émises et reçues au travail.
Au-delà de la production de données et de catégories permettant de mesurer et de
conceptualiser l'activité téléphonique des individus, l'intérêt principal de cette étude
pour les scientifiques de la communication mais aussi vraisemblablement pour
quiconque doit penser aux fonctions et aux évolutions des fonctions de la
télécommunication dans la société réside dans la formulation d'une nouvelle
problématique ou représentation du téléphone.
L'analyse quantitative des pratiques téléphoniques domestiques des citadins
révèle en effet une autre image du téléphone :
- un outil de gestion de la vie quotidienne plutôt que l'outil de la convivialité ;
- un outil de gestion de nouvelles contraintes spatio-temporelles plutôt que l'outil de
l'ubiquité ;
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TÉLÉPHONE ET SOCIABILITÉ
- un outil de gestion socialement différencié plutôt que l'outil de l'indifférenciation
ou de l'ouverture sociale.
Dès lors que l'on glisse d'une problématique du téléphone comme moyen de
communication socialement neutre à une problématique du téléphone comme outil de
gestion socialement différencié, l'avenir de la communication interpersonnelle dans
une société où se multiplient les technologies de communication est posé en de
nouveaux termes.
Le système de communication de nos sociétés développées est d'ores et déjà
marqué par la place croissante des communications à distance (Caisse, 1983). La
communication écrite (courrier) est devenue obsolète et tombe en désuétude. Selon
nos estimations, 28 % des communications téléphoniques urbaines remplacent des
rencontres face à face et 3 % seulement induisent des rencontres imprévues (Claisse,
Rowe, 1993). Ainsi le téléphone bouleverse, c'est-à-dire mutile et enrichit la
communication interpersonnelle.
Avec le développement des nouveaux systèmes de communication grand public
d'autres changements sont en cours. La communication électronique se développe de
plus en plus sur l'échange d'informations. Les acteurs du schéma classique de la
communication, l'émetteur et le récepteur, se transforment progressivement en
producteurs et consommateurs d'informations. L'information devient ainsi une
marchandise. « Le temps de l'information bon marché est paradoxalement en train de
s'achever au moment (ou peut-être à cause de cela) où elle se démultiplie et devient
plus accessible » (Wolton, 1980). À force de diffuser de l'information dans tous les
sens ne risque-t-on pas de perdre le sens de la communication ?
De telles enquêtes permettent d'alimenter une prospective sur les consommations
et pratiques téléphoniques des individus. Il suffit pour cela de relier les comportements
téléphoniques observés à un moment donné aux grandes évolutions des indicateurs
socio-démographiques et aux transformations des modes et styles de vie qui modulent
les ressources et contraintes de communication des individus. L'augmentation du
nombre de personnes vivant seules et des familles mono-parentales, le vieillissement
démographique de la population et les changements de mode de vie des personnes
âgées, l'évolution de la répartition des rôles à l'intérieur des ménages entre les
hommes et les femmes, le développement des contraintes liées à l'éloignement et à
Г urgence, . . . , seront autant de facteurs qui pèseront sur les consommations et pratiques
téléphoniques.
On peut sans trop prendre de risque affirmer que, dans les dix ans qui viennent, la
consommation téléphonique des français augmentera sous l'effet de ces tendances
socio-démographiques. On peut aussi raisonnablement penser que les pratiques
téléphoniques des individus seront de plus en plus imprégnées par la gestion de leur
vie quotidienne, c'est-à-dire par des communications fonctionnelles ; cela signifie
vraisemblablement une diminution de la durée moyenne des communications
téléphoniques domestiques. Le développement des services téléphoniques (transfert
d'appel, appel en instance, répondeur, ...), de la téléphonie mobile et du téléphone
personnel vont d'ailleurs dans ce sens. De sorte que va resurgir très vite un des
déterminants majeurs de l'économie de la consommation, relativement peu présent
dans le champ de la socio-économie de la téléphonie traditionnelle depuis le milieu
des années 1970 : celui de la solvabilité des ménages ou des individus.
1*7
G. CLAISSE, F. ROWE
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Dans le processus de globalisation des opérateurs caractérisé à la fois par
Г internationalisation des services et la concentration du secteur, la connaissance des
facteurs économiques, sociologiques et culturels de contingence se révélera
stratégique. D'où l'intérêt d'analyses comparatives internationales permettant de
repérer ces facteurs. Il n'est donc guère étonnant de constater que le téléphone, ce
grand absent de la socio-économie des télécommunications qui représente toujours
l'essentiel des recettes des opérateurs, suscite depuis la fin des années 1980 l'intérêt
tant des opérateurs que des scientifiques.
En témoignent les sessions spécialisées sur la sociologie du téléphone montées
lors des symposiums organisés par l'International Telecommunications Society à
Cannes (juin 92) et par l'International Institute of Communications à Montréal
(septembre 92). Ces colloques reflétant les préoccupations stratégiques actuelles des
opérateurs s'inscrivent dans la continuité du symposium sur la sociologie du téléphone
organisé à Stuttgart en 1989 par la Freie Universitât de Berlin (Lange, 1989), des
sessions consacrées à ce même thème dans le cadre de la 40e conférence de
l'International Communication Association à Dublin en 1990, et du séminaire
international organisé par Telecom Australia et le CIRCIT (Center for International
Research on Communication and Information Technologies) en 1991 intitulé
« Research on Domestic Telephone Use » (Moyal, 1992). Cet intérêt se manifeste
également par la réalisation au cours des deux dernières années de trois enquêtes
lourdes sur les pratiques téléphoniques, réalisées sur la base de protocoles et de
méthodologies relativement proches, par Temple University (Dordick) pour le compte
de Bell Atlantic, par la Freie Universitât de Berlin (Lange) pour le compte de la
Bundespost et par la Direction de la Stratégie de France Télécom.
GÉRARD CLAISSE
Laboratoire d'Économie des Transports - ENTPE/Lyon П/CNRS
Rue M. Audin - 69518 VAUXEN VELIN CEDEX
FRANTZROWE
ENST - Dépt Économie et Management - Télécom Pans
46 rue Banault - 75634 PARIS CEDEX 13
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