Revue française de pédagogie
Recherches en éducation
163 | avril-juin 2008
La culture des élèves : enjeux et questions
Cultures juvéniles et enseignement musical au
collège
Youth culture and music teaching in middle school
Culturas juveniles y enseñanza musical en el colegio
Jugendkulturen und Musikunterricht am Collège
Florence Eloy et Ugo Palheta
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/rfp/957
DOI : 10.4000/rfp.957
ISSN : 2105-2913
Éditeur
ENS Éditions
Édition imprimée
Date de publication : 1 juin 2008
Pagination : 39-50
ISBN : 978-2-7342-1123-5
ISSN : 0556-7807
Référence électronique
Florence Eloy et Ugo Palheta, « Cultures juvéniles et enseignement musical au collège », Revue
française de pédagogie [En ligne], 163 | avril-juin 2008, mis en ligne le 01 juin 2012, consulté le 19 avril
2019. URL : http://journals.openedition.org/rfp/957 ; DOI : 10.4000/rfp.957
© tous droits réservés
Cultures juvéniles et enseignement
musical au collège
Florence Eloy et Ugo Palheta
Cet article vise à mettre en relation la question des rapports juvéniles à la musique et celle de la transmission
des savoirs musicaux dans le cadre de l’« école de masse ». On montre ainsi que, pour faire face à la dispersion
sociale des attitudes adolescentes à l’égard de la culture musicale, les enseignants mettent en œuvre un certain
nombre de stratégies de transmission, constituées au croisement d’ethos pédagogiques variés et de publics
– scolairement et socialement – différenciés.
Descripteurs (TEE) : jeunesse, musique, classe sociale, rapport au savoir, objectifs pédagogiques.
INTRODUCTION
Comment enseigne-t-on la musique dans le cadre
scolaire ? Sous quelles conditions peuvent être transmis des savoirs musicaux ? Quelles questions sociologiques, et dans une certaine mesure pédagogiques,
soulève cette transmission ?
Ces interrogations nécessitent d’adopter à la fois
le point de vue des enseignés, en décrivant le rapport à la musique qu’ils « importent » au sein de l’institution scolaire, et celui des enseignants, confrontés
à la variété de ces rapports à la musique. En outre,
pour conquérir et construire cet objet de recherche,
on ne peut se satisfaire du morcellement de la sociologie et de la division du travail entre spécialistes
de l’éducation, des classes sociales, de la culture
et de la jeunesse (Lahire, 2005). C’est donc au croisement de ces « spécialités », en investissant notre
objet de problématiques et de concepts empruntés à
divers champs de recherche, que l’on voudrait penser
ensemble la diversité des attitudes adolescentes à
l’égard de la musique, et les stratégies pédagogiques
mises en œuvre par les enseignants pour transmettre les savoirs musicaux dans le cadre de l’« école de
masse ».
Il est vrai que la musique est enseignée de façon
marginale dans l’ensemble du cursus scolaire standard ; elle n’est véritablement présente, à raison d’une
heure par semaine, qu’au collège. Cette matière n’est
par ailleurs sanctionnée que par le contrôle continu
Revue française de pédagogie | 163 | avril-mai-juin 2008
39-50
et ne constitue en aucun cas un critère de sanction
ni de sélection des élèves au moment des décisions
d’orientation. Une telle structure d’incitations, qui ne
contraint pas formellement l’élève à prendre ce cours
au sérieux et en fait une sorte de « savoir gratuit »,
rend d’autant plus sensible la question du rapport
au savoir qu’engagent les élèves dans les activités
d’apprentissage. Ainsi, parce qu’il touche l’ensemble des individus d’une génération, cet enseignement
nous semble constituer un terrain d’observation privilégié pour poser à nouveaux frais empiriques (1) la
question des relations entre cultures adolescentes et
« légitimité culturelle » (Bourdieu & Passeron, 1970).
Il s’agira donc dans un premier temps de rendre
compte des goûts musicaux et du rapport à la musique de jeunes appartenant à des milieux sociaux différenciés et scolarisés dans des contextes variés. Puis
nous décrirons la diversité des stratégies pédagogiques mises en œuvre par les professeurs de musique,
voués à transmettre des savoirs éloignés de la pratique quotidienne à des élèves inégalement préparés à
cette transmission (Lahire, 1993 ; Terrail, 2002). C’est
là une manière de contribuer à une sociologie des
« ordres de légitimité » (Passeron, 2006), attentive
aux relations – de concurrence mais aussi parfois de
coexistence pacifique – entre ces institutions sociales
que sont la famille, l’école et les groupes de pairs.
DU MYTHE DE LA « CLASSE ADOLESCENTE » À
LA SOCIOLOGIE DES RAPPORTS À LA MUSIQUE
Au début des années soixante, Edgar Morin proclamait dans un article fameux et souvent cité, l’avènement d’une nouvelle classe : la « classe adolescente »
(Morin, 1963). Cristallisée autour d’un certain nombre
de traits communs (panoplie, biens de consommation,
langage, cérémonies, héros), celle-ci devait entraîner l’effacement des antagonismes sociaux au profit d’un conflit entre générations : « n’y a-t-il pas une
différence plus grande, dans le langage et l’attitude
devant la vie, entre le jeune et le vieil ouvrier qu’entre
ce jeune ouvrier et l’étudiant ? Ces deux derniers ne
participent-ils pas aux mêmes valeurs fondamentales
de la culture de masse, aux mêmes aspirations de la
jeunesse par rapport à l’ensemble des anciens ? »
(Morin, 1962, p. 207-208 ; Yonnet, 1983). Il est sans
doute au moins deux manières de contester cette
thèse, qui hante nombre des jugements formulés à
propos de la « jeunesse » : la première consiste à nier
ou nuancer l’effet d’homogénéisation prêtée à la dif40
Revue française de pédagogie | 163 | avril-mai-juin 2008
fusion de la culture de masse (Hoggart, 1970) et la
seconde à insister sur la persistance des inégalités
sociales devant la culture (Donnat, 1999). Nourris de
ces deux perspectives, nous nous proposons – à partir de la question des rapports à la musique – d’interroger l’existence même d’une « classe adolescente »
en donnant à voir la stratification interne et la segmentation de la jeunesse.
Formes juvéniles de classification musicale
et variété des rapports à la musique consacrée
Pour commencer, sans doute un détour est-il
nécessaire par ce qu’il faut bien appeler les formes
juvéniles de classification musicale. Il est en effet
essentiel de traiter des différents modes de catégorisation musicale si l’on veut appréhender la variété
des rapports à la musique, et notamment à la musique consacrée. Ce qui apparaît au premier abord,
c’est la radicale hétérogénéité des principes de vision
et de division du monde musical propres à des jeunes
issus de milieux sociaux différenciés. Certains professeurs interrogés remarquent ce qui leur apparaît
comme une « difficulté » lorsqu’ils font état de la faible propension de leurs élèves issus de milieux populaires à établir des distinctions formelles non seulement au sein de la musique « classique », mais aussi
entre musique « classique » et musique « populaire » :
« souvent dans la musique classique, ils mettent tout,
c’est-à-dire, quand y a un violon qui joue, ça y est,
c’est de la musique classique ».
Ce flou classificatoire s’exprime également dans
l’utilisation fréquente par ces jeunes d’une indistincte
catégorie de « chanson », dans laquelle ils peuvent
« ranger » aussi bien les œuvres consacrées de la
musique « savante » que la célèbre chanson Santiano :
« Je faisais de la flûte avec de la musique classique
en primaire. Mais même maintenant, je regarde des
partitions sur Internet, et j’en fais. […] Sans cours,
toute seule. Quand je m’ennuie [rires].
Et tu télécharges quoi comme partition ?
Y en a beaucoup. Y a Beethoven, je le connais par
cœur, celui-là, et… Santiano aussi. Beaucoup de trucs
comme ça, en fait. » (14 ans, 4e, ZEP)
« Y a des compositeurs en classique que tu préfères ?
Beethoven. C’est le meilleur. Ses chansons elles
m’ont plus fait réfléchir que Mozart. Les autres je les
connais pas. C’est les deux seuls que je connais. »
(16 ans, 3e, ZEP)
Au contraire, les élèves issus de milieux favorisés
insistent généralement sur ces différenciations internes qui font de la « musique classique » un ensemble
hétérogène, se conformant ainsi à la définition scolaire
de la musique « classique » (« Y a musique classique,
musique baroque et musique contemporaine »). Ces
distinctions qui les rapprochent du pôle savant ou
mélomane, accompagnées d’une mise à distance des
formes de vulgarisation du répertoire classique (« Je
crie pas haro sur André Rieux, mais c’est de la bonne
musique classique populaire »), coïncident avec une
démarcation nette entre « musique » et « chanson ».
Une élève d’un grand lycée parisien, issue d’un
milieu très cultivé, préfèrera dans cette perspective
rabaisser son goût prononcé pour un célèbre chanteur « à texte » plutôt que de placer sur un même plan
« chanson » et « musique », instaurant ainsi une coupure stricte entre deux règnes jugés incomparables et
auxquels il faudrait appliquer des codes rigoureusement distincts (ce qui peut aboutir en certains cas à
la négation de la musicalité des genres musicaux non
« savants ») :
« On n’écoute pas Léo Ferré pour ses mélodies, on
écoute parce que c’est de la chanson. C’est très particulier la chanson. On écoute la chanson pour écouter les
paroles, parce que si on enlève les paroles ça n’a aucun
sens. […] Personne a dit que c’était de la musique, c’est
de la chanson. […] Y a musique le terme générique,
c’est-à-dire qui est autant du rock que Bach ou que du
jazz ou reggae, et puis y a la musique dans le sens de
l’art musical. Et pour moi la musique classique est un art,
parce qu’elle a une vraie complexité, parce que c’est un
vrai langage. Y a un langage musical, y a une sublimation musicale dans la musique classique. C’est pour ça
que d’ailleurs j’aime pas beaucoup le terme de musique
classique, parce que pour moi c’est la seule musique
qui soit vraiment une musique. » (17 ans, terminale L).
Ainsi se signale à l’observateur la variété des modes
de réception de la musique « savante ». Appréhendée
en milieu populaire à travers les mêmes schèmes
de perception et d’appréciation que les musiques
« actuelles », elle sera le plus souvent jugée sur sa
capacité à satisfaire les besoins dont s’acquitte la
musique « populaire ». L’importance accordée au
rythme, tel qu’il est marqué ostensiblement par la batterie ou les boîtes à rythme dans toutes les musiques
dites « actuelles » constitue un obstacle central à la
réception de ce genre musical par les jeunes, comme
le souligne cet enseignant :
« En général, bon, souvent c’est trop lent pour eux,
quoi, quand y a pas de batterie, c’est pas de la musi-
que. Donc forcément la musique classique y a pas de
batterie, même jamais presque, donc… » (professeur de
musique, collège ZEP).
L’absence de rythme battu est problématique à plusieurs égards. En premier lieu, il représente un repère
très important des modes d’écoute des adolescents.
C’est notamment les variations de la fréquence des
pulsations qui va indiquer la transition d’un passage à
un autre d’un morceau (par exemple entre le couplet
et le refrain), ce qu’on ne retrouve pas en musique
classique. En outre, la faible présence des percussions donne le sentiment aux élèves qu’il s’agit d’une
musique lente et calme (« c’est lent », « ça endort »,
« c’est trop calme », « y a pas de rythme »), même
dans le cas où le tempo du morceau est très soutenu, comme le soulignent les propos de l’enseignant
ci-dessus. Enfin, cette configuration rythmique rend
difficile l’usage physique de la musique que constitue la danse sous ses formes actuelles, et l’ambiance
festive à laquelle elle est souvent reliée. Or les musiques actuelles sont pour la plupart partie liée avec la
danse (certains genres musicaux sont même nés de
cet usage corporel de la musique, ainsi la techno).
Ce caractère rythmique propre à la musique dite
« classique » limite donc la dimension « polysensorielle » (Darras, 2003) que revêt habituellement la
musique pour les jeunes : ils se sentent contraints à
une réception purement auditive, privée de toute qualité corporelle. On trouve un bon exemple de la désaffectation que peut provoquer cet aspect de la musique classique dans les propos de cette interviewée :
« Bah je me vois pas trop sortir sur de la musique classique, tout de suite ça change d’ambiance, c’est genre
on prend le thé. » (15 ans, collège socialement mixte,
très bonne élève).
La musique « classique », ainsi désavouée au nom
de son incapacité à mobiliser l’énergie individuelle et
surtout collective, est reléguée à une fonction d’accompagnement (musique de fond) ou aux moments
de profonde tristesse (« pour moi on écoute ça quand
on est triste »). À l’inverse, c’est à un usage contemplatif que disent s’astreindre les élèves du grand lycée
parisien, insistant lors des entretiens sur le nécessaire
recueillement, le retrait délibéré et la coupure avec les
activités utilitaires – les devoirs – qu’impose la musique « classique » :
« Je considère très très rarement le classique comme
une musique de fond, mais ça peut passer, quand c’est
des petites polkas, des trucs comme ça, ça peut n’être
pas très fort. Mais par exemple, quand je vais écouter
une symphonie de Beethoven, je veux un bon son dans
Cultures juvéniles et enseignement musical au collège
41
ma chaîne, alors là si y a une personne qui arrive, je la
fous dehors [rires]. » (17 ans, terminale ES).
« Le reste du temps j’mets de la musique classique
en fond, j’aime beaucoup, quand j’lis. J’essaye de faire
ça le moins possible, parce que c’est pas très sérieux,
parce que j’aime beaucoup écouter de la musique classique pour ce qu’elle est, c’est-à-dire que j’aime beaucoup mettre de la musique classique et juste l’écouter.
[…] Mais donc parfois j’fais un peu la dilettante et j’fais
les deux en même temps. » (17 ans, terminale L).
On aperçoit ici la nécessité de saisir les propos des
enquêtés comme autant de « stratégies de présentation de soi » (Goffman, 1973), car les deux extraits
précédents ne disent pas seulement l’usage contemplatif de la musique consacrée ; ils désignent également ces usages illégitimes, le plus souvent euphémisés ou passés sous silence, que le sociologue doit
aussi recenser. Ainsi cette autre élève du grand lycée
parisien qui, après nous avoir raconté les circonstances de sa « rencontre » avec Debussy, affirme écouter
du rap – mais en passant (2) :
« J’écoutais du rap quand j’étais petite. J’écoutais
Skyrock, quoi. Ensuite, j’ai dû faire un petit passage par
NRJ, et ensuite, en 4e, j’écoutais du rock. Mais alors
du rock un peu naze, des trucs qui se faisaient à ce
moment-là, quoi. Du genre les groupes complètement
éphémères dont on ne parle plus au bout d’un an. Et là,
depuis deux ans, j’écoute beaucoup plus du rock des
années 50, 60, 70, et ça me plaît énormément. » (17 ans,
terminale L).
Comme l’ont noté aussi bien Claude Grignon (1989)
que Bernard Lahire (1998), il faut se garder de prêter aux individus fortement dotés en capital culturel
des comportements scrupuleusement et nécessairement conformes aux normes de la culture légitime (3). Si, face à l’enquêteur, les élèves des « bons
établissements » s’appesantissent généralement sur
le versant le plus légitime de leurs goûts musicaux,
ils passent rapidement sur leur possible familiarité
avec d’autres genres musicaux plus proches de ce
qui constitue à l’évidence le « mainstream » dans les
collèges populaires (rap, R’n’B, musique de variétés).
Cette tendance cohabite chez eux avec une revendication abstraite d’éclectisme et d’ouverture musicale
(« moi j’écoute de tout », « c’est pas du tout un style
de musique [le rap] qui me rebute, loin de là, ça a
vraiment son intérêt »), constat qui rejoint l’idée selon
laquelle la « disposition cultivée » consisterait essentiellement aujourd’hui en un « éclectisme éclairé »
(Peterson, 1992).
42
Revue française de pédagogie | 163 | avril-mai-juin 2008
Effets de contexte, réseaux de sociabilité
juvénile et socialisation musicale
On chercherait donc en vain dans notre « échantillon » d’adolescents non seulement un univers
homogène de goûts musicaux, mais surtout une communauté d’attitudes à l’égard de la musique savante.
Si certains genres musicaux apparaissent multi-classistes (notamment le rock et la musique de variétés),
c’est qu’ils sont eux-mêmes segmentés et autorisent
des modes d’écoute et d’appropriation hautement
hétérogènes (4).
On ne trouve par ailleurs que très peu d’ « amateurs » de musique « classique » ou jazz parmi les
élèves fréquentant des collèges classés en ZEP (et
jamais parmi ceux du lycée professionnel étudié),
alors qu’elle est un passage obligé pour nos interviewés du grand lycée parisien. En se donnant les
moyens de saisir la variété des conditions de scolarisation qui caractérisent la jeunesse, on recueille
des jugements sinon contradictoires, du moins fort
contrastés, sur « what counts as music », pour reprendre les termes de Graham Vulliamy (1997). En haut de
la hiérarchie scolaire (et en bonne partie sociale), la
musique classique est présentée, sinon comme « la
seule musique qui soit vraiment une musique », du
moins comme une référence incontournable (5), alors
qu’en bas transparaît la difficulté à appréhender et à
donner sens au répertoire musical consacré, ce qui
peut entraîner aussi bien l’indifférence que des formes de « consommation nonchalante » (Hoggart,
1970) ou des refus parfois radicaux – dont tel professeur donne un exemple assez frappant : « y en a
aussi qui se bouchent les oreilles, parce qu’ils ont pas
envie d’entendre une autre musique que celle qu’ils
ont l’habitude d’écouter ».
Mais on ne peut s’en tenir à une lecture uniquement « classiste » de cette diversité : pour comprendre dans leur complexité les pratiques musicales des
jeunes et saisir ces « différences dans la différence »
dont parlent J.-C. Passeron et F. de Singly (1984), il
faut non seulement convoquer les variables de genre
et d’âge – ce dernier étant à la fois l’indice de la position dans le cycle de vie et de l’appartenance générationnelle –, mais aussi des variables contextuelles telles que les « effets-établissement », la fréquentation
d’un conservatoire ou l’appartenance à des réseaux
de sociabilité (Patureau, 1992 ; Bidart, 1997). Ainsi,
certains artistes s’avèrent largement et uniquement
appréciés des onze-treize ans (Lorie, Jenifer), devenant des artistes « inécoutables » au sortir de cette
classe d’âge. D’autres – appartenant au R’n’B fran-
çais par exemple (Amel Bent, Vitaa, Mélissa, Kenza
Farah) – sont souvent dénigrés par les garçons (qui
les considèrent comme des artistes emblématiques
de la « musique de fille »), en particulier dans les
milieux populaires où la dimension genrée des pratiques culturelles paraît particulièrement marquée
(Pasquier, 2005).
En outre, on a pu observer des logiques d’affichage
des goûts musicaux très hétérogènes d’un établissement scolaire à un autre (Establet, 1987, p. 215-232),
ce qui donne à penser que les normes de la consommation culturelle, et les formes de régulation symbolique exercée par les pairs, tendent à varier selon
le type de structure scolaire (collège, lycée général,
lycée professionnel) et les caractéristiques socioculturelles du public qu’il accueille. Ainsi, l’appartenance
à un réseau juvénile dense (configuration souvent
proche du modèle de la « bande » dans les jeunesses
populaires), de même qu’elle peut renforcer les difficultés face aux apprentissages scolaires (Thin, 2002),
aura tendance à conforter les jeunes dans un refus,
souvent ostentatoire (Lepoutre, 1997), des formes
savantes de musique (6). La préférence pour la musique classique, qui reste cantonné à une pratique « de
coulisse » dans la plupart des contextes scolaires,
peut donc être davantage vécue comme une pratique
« de scène » (Goffman, 1973) dans les établissements
à recrutement supérieur voire élitaire :
« On le sait au collège que j’écoute ça [de la musique
classique], enfin… Je vais pas le crier dans les couloirs,
sinon je crois que je me ferais taper, tout le monde me
sauterait dessus pour me casser la gueule, c’est tout !
Bon, pas à ce point-là, mais enfin bon… » (14 ans, 3e,
collège de ZEP).
« En arrivant à X j’ai rencontré beaucoup de gens qui
écoutent de la musique classique, d’ailleurs ça m’a fait
extrêmement plaisir. Y a pas mal de gens qui écoutent,
qui aiment, et qui d’ailleurs écoutent plus que moi, qui
aiment certainement mieux que moi. Mais enfin y a
Thibaut, qui écoute de l’opéra, j’trouve ça vraiment
extraordinaire, qui aime vraiment ça, qui est très au
courant. J’aime quand il m’en parle. Moi j’lui en parle
pas, mais j’aime beaucoup l’écouter. Enfin j’lui pose des
questions, et j’aime beaucoup l’écouter. » (terminale L,
grand lycée parisien).
Certains parcours de jeunes rencontrés dans le
cadre de cette enquête ont pu ainsi jouer un rôle de
« loupe » quant à cette prégnance du contexte sur les
rapports à la musique. Ainsi, les jeunes étant passés
de collèges populaires à des établissements au recrutement diversifié voire élitaire, décrivent généralement
leur accession au « bon » établissement comme l’origine d’un tournant dans leur attitude à l’égard de la
musique (7) :
« Mais c’est vrai que j’ai aussi pas mal les mêmes
goûts que mes parents, en fait. […] Enfin quand j’étais
petite, ça m’ennuyait qu’ils n’écoutent que ça [de la
musique classique], évidemment, mais quand j’étais
petite, de toute façon, j’étais pas très très maligne, on va
dire, et je considérais que c’était nul, enfin, tout ça, mais
je leur disais pas. […] Je dois dire que quand même le
fait d’être arrivée à X m’a vraiment beaucoup aidé en
tout cas à élargir mes horizons, quoi. » (17 ans, terminale L, grand lycée parisien).
L’apprentissage de la musique dans le cadre du
conservatoire semble également avoir un « effet propre » sur la formation du sens musical des jeunes
(Coulangeon, 2003) – y compris, et même d’autant
plus, s’ils sont d’origine populaire (bien que ces derniers soient fort rares). Le conservatoire constitue en
effet un dispositif de socialisation horizontale et verticale : d’une part, il offre des réseaux de sociabilité
fondés sur des pratiques culturelles bien différentes
de celles qui ont majoritairement cours dans les collèges populaires, et au sein desquels le répertoire
classique peut ainsi constituer un support d’interaction avec les pairs :
« Tes copains du conservatoire, qu’est-ce qu’ils t’ont
apporté, concrètement, dans la découverte du classique ?
Bah justement, à découvrir. À connaître d’autres
artistes. Bah je pense que s’ils étaient pas là, moi
j’écouterais pas. J’aurais écouté un petit moment, et
puis ça se serait arrêté là, parce que là, j’ai continué à
en écouter, depuis quatre ans. Parce qu’ils sont toujours
là à écouter à côté de moi, avec leur IPod, etc., donc je
vais écouter avec eux, quoi. Et qu’après, quand je rentre
chez moi, je mets les CD. […] Un CD de Beethoven, je
crois, on m’a filé celui-là, parce que je l’avais pas, en fait,
et puis je cherchais à la graver, et puis celui de Schubert,
celui que j’ai pas aimé. […] Après, pour les autres
musiques, je fais avec mes potes du collège, quoi, pour
qu’ils me passent des CD. Parce que j’ai les mêmes
goûts musicaux qu’eux, rock-pop, tout ça. Mais sinon
pour le classique, ils sont au conservatoire. Ici [dans
mon collège], y a personne qu’en écoute. » (15 ans, bon
élève, collège « ambition-réussite », percussionniste au
conservatoire).
D’autre part, le conservatoire exerce bien entendu
une fonction de socialisation verticale via un discours
d’institution tenu par les dépositaires de l’autorité
spécifique – professeurs de solfège et d’instrument
Cultures juvéniles et enseignement musical au collège
43
– véhiculant une conception savante de la musique,
mais aussi par la sélection d’un répertoire restreint et
consacré.
Les effets d’un tel dispositif sont toutefois ambivalents puisque, fondé sur une écoute partiellement
contrainte (les élèves disent souvent être « obligés
d’en écouter »), il transmet aux uns un rapport de
révérence à l’égard de la musique savante proche
de la « bonne volonté culturelle » (Bourdieu, 1979), et
renforce chez d’autres un rapport utilitaire à la transmission de savoirs musicaux (« ça pourra me servir
pour la suite », « c’est toujours un plus pour l’avenir ») (8). Le passage par un conservatoire, et la familiarité qu’elle procure avec les formes savantes de
musique, semble ainsi n’engendrer que rarement un
engagement affectif, les discours de délectation ou
de jouissance esthétique restant l’apanage des élèves
du grand lycée parisien, proches en cela du modèle
des « héritiers » (Bourdieu & Passeron, 1964).
Au-delà des genres musicaux écoutés et des variables stratifiant leurs publics, on voit donc s’opposer
deux rapports idéal-typiques à la musique : un rapport contemplatif, prérogative de la jeunesse aisée et
scolarisée dans des établissements caractérisés par
l’« entre-soi », et un rapport ludique/physique essentiellement propre aux jeunesses populaires (9).
ENSEIGNER LA MUSIQUE AU COLLÈGE
Pour des raisons qui tiennent non seulement à
cette dispersion des rapports juvéniles à la musique, mais aussi aux faibles incitations institutionnelles qui caractérisent leur discipline, les professeurs
de musique sont amenés à se poser, sans doute de
manière plus sensible et plus urgente que les autres
enseignants, la question pédagogique des modes
appropriés de transmission des savoirs. Bien loin
d’apparaître « naturelle » du fait du rôle essentiel joué
par la musique dans l’existence ordinaire des jeunes
(Octobre, 2003), cette transmission est le produit
d’un travail d’autant plus impérieux que la condition
de tout enseignement, à savoir la croyance de l’enseigné dans la valeur des savoirs transmis et l’autorité de celui qui les transmet, doit le plus souvent être
conquise au prix de stratégies pédagogiques. Parce
que les difficultés propres à cet enseignement ne procèdent pas de sa fonction de sélection et de la mise
en concurrence des élèves, elles permettent de saisir
– en quelque sorte à l’état pur – quelques-unes des
44
Revue française de pédagogie | 163 | avril-mai-juin 2008
solutions pratiques mises en œuvre par les enseignants pour faire face à la diversification socioculturelle des publics scolaires (10).
Du rapport à la musique au rapport
aux savoirs musicaux : les publics du collège
face à l’enseignement musical
Comme on l’a noté précédemment, la spécificité de
l’enseignement musical – tenant à sa position médiane
entre « culture libre » et « culture scolaire » – rend très
sensible la question du rapport au savoir que les élèves engagent dans leurs activités d’apprentissage, ou
pour le dire plus précisément le problème de la capacité différentielle des élèves à transmuer les contenus
d’une discipline obligatoire en objets d’une connaissance désirable en soi. Un tel cas limite permet ainsi
de tester la pertinence de l’hypothèse formulée par
les sociologues du « rapport au savoir » : ce ne sont
pas de simples différences de « ressources cognitives » ou de « capital culturel » qui séparent les élèves
en difficulté des « bons élèves », mais une opposition
entre des élèves vivant leur scolarité sur le mode de la
course d’obstacles et tendant à « réduire l’institution
scolaire à sa fonction certifiante », et d’autres pour
qui « les tâches et exercices scolaires sont l’occasion
d’une réelle activité cognitive » voire un moyen d’épanouissement personnel, seule la seconde attitude
favorisant à terme la réussite scolaire en permettant
de se prendre au jeu des apprentissages (Bautier et
al., 2000).
Qu’il s’agisse des élèves des collèges de ZEP ou du
lycée professionnel, le répertoire des attitudes devant
l’enseignement musical oscille généralement de l’incompréhension au défoulement : incompréhension
devant des formes musicales « bizarres », moments
de défoulement durant lesquels on peut « bien s’amuser » voire « foutre le bordel ». Les comportements
d’indiscipline en cours de musique, souvent valorisés
par ces élèves sur le mode de la surenchère, apparaissent ainsi comme le corollaire d’une difficulté à
appréhender les objectifs cognitifs de l’enseignement
musical. Ils semblent en effet « importer » en cours le
rapport qu’ils entretiennent à la musique en dehors de
l’institution scolaire, et qui ne les incline que modérément à adopter une posture d’apprentissage. S’ils
mentionnent très souvent telle ou telle chanson leur
ayant plu, telle ou telle sortie dont ils disent garder
« un bon souvenir », ils ne parviennent que rarement
à situer ces éléments épars dans le cadre d’une progression cognitive ou d’un apprentissage méthodi-
que, et moins encore à les constituer comme objet
d’un savoir spécifique (11).
À l’inverse, les élèves du grand lycée parisien décrivent l’enseignement musical au collège comme l’occasion d’une « découverte », souvent dans les termes
de la « passion musicale » ou d’un « goût mélomane »
que les amitiés lycéennes sont venues renforcer. Ils
s’attardent ainsi lors des entretiens sur les « grandes œuvres » auxquelles ils ont eu accès grâce à
cet enseignement et sur les étapes de formation de
leur sens musical, pour déplorer finalement que cette
discipline ne soit plus obligatoire au lycée ou qu’on
ne lui accorde pas davantage de place au collège.
Alors que l’enseignement musical exige de la part des
enfants des classes populaires une rupture avec leur
rapport spontané à la musique, il apparaît ainsi que
l’attitude adoptée dans ce domaine par les jeunes
issus de milieux favorisés est davantage en adéquation avec le rapport à la musique que suppose l’enseignement musical. La scolarisation des apprentissages musicaux, loin de bénéficier de l’attrait général
de la jeunesse pour la musique, se heurte ainsi très
frontalement à la variété des définitions sociales de la
musique selon les milieux sociaux d’origine.
Les différences entre élèves quant au degré de familiarité avec la musique savante s’incarnent donc dans
des rapports distincts aux savoirs musicaux, impliquant des postures d’apprentissage divergentes (12).
Ces attitudes variées des élèves devant l’école et la
culture scolaire apparaissent aux enseignants comme
un décalage « difficile à gérer » entre le « client idéal »
de l’enseignement et le « client réel » (Becker, 1952) :
« Au début quand j’ai commencé à travailler j’ai fait
mes stages à X [ville ouvrière]. Donc j’me suis trouvée
confrontée à une population que je ne connaissais
absolument pas, qu’était pas mon milieu du tout, que
moi c’que j’savais, et le milieu d’où je venais, ça n’avait
rien à voir avec eux. Là tout de suite il a fallu que j’me
pose des questions, et que c’que j’aimais il fallait que j’le
fasse aimer à des gens qui n’en avaient jamais entendu
parler. Parce qu’y avait une grosse communauté arabe,
alors eux Bach, Mozart, Beethoven, ils savaient même
pas que ça existait. » (professeur dans un collège rural).
Cette expérience du décalage varie toutefois – dans
son intensité, ses formes et ses effets – selon la trajectoire sociale et scolaire des enseignants. S’il faut
s’éviter les impasses d’un déterminisme mécanique
faisant des professeurs issus de milieux aisés des
êtres inaptes à enseigner en ZEP (ou le contraire),
il faut tout de même noter ces « affinités électives »
entre publics et enseignants, qui amènent souvent les
professeurs les plus disposés à transmettre un « goût
mélomane » à enseigner la musique aux élèves les
mieux disposés à faire leur cette forme aristocratique
du sens musical (13). Ainsi cette enseignante dans un
collège du centre parisien :
« Moi j’étais dans un milieu culturellement très favorisé, dans la mesure où j’ai plongé dans la culture musicale dès ma plus tendre enfance, donc voilà, ça a été
quelque chose de très naturel. Je suis née dedans,
culturellement, j’étais d’une famille de mélomanes, avec
des parents musiciens. […] Ici, ce sont quand même
des enfants tous d’intellectuels, beaucoup de parents
qui sont professeurs, professeurs de faculté, des cadres
supérieurs, qui voyagent beaucoup. Donc qui mettent
l’accent sur l’éducation et la culture. […] Alors pour moi,
c’est beaucoup plus facile, parce que c’est un milieu
dans lequel je suis assez en osmose, donc ça va. […] À
partir du moment où les enfants ont les mêmes codes,
même s’ils le transgressent, ils savent qu’il y a des limites, je trouve que ça correspond mieux à ma formation,
ma culture. ».
Les enseignants ne sont donc pas les médiateurs
invariants d’un savoir désincarné : non seulement
ils sont le produit d’une histoire personnelle qui les
dispose inégalement à faire face à la diversité des
publics, mais ils sont également façonnés par leurs
expériences professionnelles et le milieu socioculturel dans lequel ils pratiquent leur métier : les élèves contribuent en quelque sorte à la production des
enseignants.
Les enseignants sont ainsi contraints d’adapter
leurs exigences aux caractéristiques supposées de
leur élèves et à leurs « capacités » – réelles ou présumées. Cela n’est bien entendu pas sans évoquer ces
« effets Pygmalion » (Rosenthal & Jackobson, 1968 ;
Rist, 1977), par lesquels les attentes négatives du
maître contribuent à produire l’échec – ou la moindre
réussite – qu’elles prédisent, en abaissant le niveau
des exigences proprement scolaires. Cela peut amener certains enseignants, souvent avec force bonnes
intentions, à courir « le risque d’enfermer les élèves
dans des rapports au savoir et à l’école préjudiciables
aux apprentissages » (Bautier et al., 2000), et ainsi à
donner moins à ceux qui ont moins :
« Disons qu’il fallait moins creuser, il fallait passer plus
vite, c’était plus simple. L’approche était plus simple, on
va à l’essentiel. C’est sûr que quand j’suis arrivé ici [dans
un collège plus favorisé], si j’faisais la même chose que
mes cours de ZEP, en 10 minutes c’était fini. C’est ça la
différence quand même, essentielle, c’est que les élèves
de X sont capables d’aller plus loin dans l’effort, plus
Cultures juvéniles et enseignement musical au collège
45
loin dans l’apprentissage. Le milieu familial est différent,
ça change tout. Mais bon : il faut faire de la musique
dans les collèges de ZEP. Il faut s’adapter. » (professeur
dans un collège en zone semi-rurale, anciennement en
ZEP).
Ce sont d’ailleurs moins, on le sait, les professeurs
qui sont responsables de ces effets d’assignation et
de ces « prédictions créatrices », que les processus
micro-sociaux et les décisions multiples fabriquant
des publics scolairement – et souvent socialement
– homogènes aux deux extrêmes de la hiérarchie
socio-scolaire (van Zanten, 2006 ; Oberti, 2007). Les
structures d’interaction produites par ces mécanismes de différenciation des publics, mais également le
vague des objectifs institutionnels – il est dit dans les
programmes que « l’enseignement de la musique au
collège est essentiellement fondé sur le plaisir musical partagé » –, conduisent les enseignants à concevoir et définir très différemment leur discipline, en lui
assignant des visées souvent opposées.
Ethos pédagogiques
et stratégies de transmission
Les entretiens réalisés auprès des professeurs permettent en effet de dégager quatre fonctions principales attribuées à l’enseignement musical au collège,
correspondant peu ou prou aux quatre « types pédagogiques » mis en évidence par M.-F. Grospiron et
V. Isambert-Jamati dans un article classique (1984) :
« moderniste », « libertaire », « classique » et « critique ».
Le type « moderniste » insiste essentiellement sur la
transmission de savoirs musicaux favorisant l’adaptation au monde par l’acceptation des différences et
l’ouverture aux autres. La musique est ainsi conçue
comme la pierre de touche d’un apprentissage de
la tolérance nécessaire dans une société plurielle :
« J’crois que c’est ça la mission : une ouverture,
apprendre à écouter l’autre, à l’accepter dans sa différence. […] À travers la voix. Y a rien de plus différent
qu’une voix de l’un à l’autre. Il faut accepter l’autre, il
faut accepter ceux qui sont moins bons, qui chantent
comme ceci, qui chantent comme ça » (professeur en
ZEP, ville moyenne de province).
Le type « libertaire » assigne à l’enseignement musical la mission de libérer des facultés créatrices que
les disciplines « traditionnelles » répriment ou mettent
en sourdine du fait des fonctions de sélection qu’elles exercent au sein de l’institution scolaire, l’heure
46
Revue française de pédagogie | 163 | avril-mai-juin 2008
d’éducation musicale étant parfois conçue explicitement comme un moment de défoulement et d’expression d’une spontanéité étouffée : « Les moments
d’expression, à l’école, je trouve qu’ils en ont pas
les enfants ici. On leur dit toujours ce qu’il faut qu’ils
fassent : « ouvre ton livre, fais ton exercice, t’as mal
fait, t’as bien fait ». Moi j’essaie de leur donner plus
la parole » (professeur en ZEP, à Paris). Une variante
de ce type doit mériter notre attention car elle semble assez spécifique aux enseignements artistiques.
On leur assigne parfois une fonction de rattrapage,
c’est-à-dire de suspension voire de renversement des
hiérarchies scolaires établies :
« Moi c’que j’trouve très valorisant dans ma discipline,
c’est que des élèves qui vont être en difficulté au niveau
des apprentissages en maths, en français, parce que
depuis le début ça va pas, parce qu’ils ont des lacunes,
et au cours de musique, ils chantent, ils vont se faire
plaisir, ils vont être en situation de réussite. » (professeur
dans un collège en milieu semi-rural).
« L’intérêt de l’art plastique, du sport et de l’éducation
musicale, c’est des endroits où ils peuvent réussir parce
qu’ils n’ont pas de passé derrière eux. Particulièrement
en musique. Par exemple y a des gamins qui savent pas
lire ou très mal, et il suffit de leur apprendre une chanson
par cœur et ils peuvent chanter. Ils peuvent chanter
avec un groupe de copains et ils sont en réussite. Ils
peuvent apprendre la flûte à bec même s’ils savent pas
lire et écrire. Parce qu’ils apprennent à lire leurs notes,
parce que c’est une nouvelle façon d’écrire. Ils prennent
du plaisir. C’est un truc nouveau : pour 80 % ils en
ont jamais fait. Ils sont en terrain neuf, ils sont tous à
égalité. » (professeur dans un collège en milieu rural).
Le type « classique » fait de la transmission aux
élèves d’un « goût mélomane » la fonction première
de l’enseignement musical. Il s’agit non seulement
de faire éprouver l’« amour de l’art » et la jouissance
esthétique, mais aussi que les élèves intériorisent
un sens des hiérarchies culturelles passant par la
rencontre des « grands compositeurs » et l’accoutumance aux « grandes œuvres » : « Je suis là pour leur
faire connaître d’abord les chefs-d’œuvre de la musique. […] Ces chefs-d’œuvre leur sont indispensables
dans leur vie d’adulte, quelles que soient leurs origines, quel que soit leur avenir, ils en ont besoin. Il faut
faire fi des discours des élèves. […] Moi je m’intéresse aux œuvres, aux grandes œuvres, et à ce qu’on
peut dire sur l’apport des grandes œuvres, mais ce
que eux en disent, j’en prends pas note, ils sont en
train d’apprendre, en train de se construire » (professeur en ZEP, à Paris).
Enfin, le type « critique » repose sur l’idéal de
démocratisation de la culture savante. Pour ces
enseignants, le cours de musique, par l’accès qu’il
peut procurer à des formes culturelles traditionnellement réservées aux classes supérieures, constitue pour les jeunes issus de milieux défavorisés un
moyen essentiel de « sortie » du style de vie associé
à leur appartenance sociale, une ouverture culturelle
indispensable :
« Y avait un groupe de rap américain qui s’appelait
Sweet Box, et qu’avait choisi comme instru, comme ils
disent, l’Aria de Bach, et donc voilà, bon, quand j’ai ce
genre d’exemple, moi je saute sur l’occasion. On écoute
Sweet Box, avec l’Aria de Bach, qui est un peu stylisé,
et après on écoute une autre version. Enfin c’est un peu
toujours la même chose : je leur demande de réfléchir
sur le fait que Jean-Sébastien Bach, il a été utilisé par
un groupe de rap actuel. » (professeur en ZEP à Paris).
« Moi je me rappelle avoir fait un concert dans le
grand amphithéâtre de la Sorbonne. Ils venaient d’endroits très défavorisés, bah ça je suis content, pour moi
c’est le plus important. Parce qu’on les a sortis un petit
peu de leur milieu de vie, on leur a fait découvrir autre
chose. On les a fait sortir, découvrir des lieux magnifiques. » (professeur en ZEP, à Paris).
Ces pratiques relèvent moins d’une « démagogie »
dont les enseignants se défendent spontanément,
que de « stratégies de survie » (Woods, 1977) permettant de capter l’attention de publics parfois rétifs.
Reste qu’il est difficile d’évaluer l’efficacité de telles
stratégies pédagogiques et que les conditions d’efficience de ces dernières constituent un chantier de
recherche encore peu exploré. On remarquera tout de
même que les élèves issus de milieux populaires ont
le plus grand mal à saisir le lien cognitif entre ces passages par la culture juvénile et les savoirs musicaux.
Comme on l’a énoncé auparavant, ils conçoivent souvent ces moments ou comme une parenthèse plus ou
moins agréable entre des apprentissages obligatoires, ou comme un prétexte à défoulement. Le succès de ces stratégies dépend donc essentiellement
de la capacité de l’enseignant à agir sur le rapport au
savoir des élèves, notamment en explicitant le cheminement menant de la réalisation d’exercices scolaires
(empruntant parfois certains de leurs matériaux à la
culture adolescente) à l’acquisition d’outils intellectuels mobilisables dans des contextes multiples.
Bien évidemment il s’agit ici de types-idéaux au
sens wébérien, qui ne se laissent pas saisir à l’état
pur dans la réalité. Ils se combinent au contraire les
uns aux autres pour constituer des profils pédagogiques, ou plutôt des ethos pédagogiques, mêlant
diverses influences, et dont le principe syncrétique
tient à la fois dans la trajectoire sociale de l’enseignant, les expériences de socialisation professionnelle et les conditions sociales et scolaires dans lesquelles il est amené à exercer son métier. Par ailleurs,
il s’agit moins ici – comme chez Isambert-Jamati et
Grospiron – d’idéologies pédagogiques réfléchies
et systématiques, mais de postures constituées par
tâtonnement, face aux difficultés très concrètes liées
au métier d’enseignant.
Au croisement de ces « ethos pédagogiques » et
des publics divers auxquels les enseignants sont
confrontés, s’engendrent ainsi des stratégies de
transmission, passant le plus souvent par la recherche d’un lien entre la culture musicale juvénile et
les savoirs qui font l’objet de l’enseignement musical (14). Il s’agit pour les professeurs d’inciter leurs
élèves à s’approprier un répertoire qui leur est souvent étranger, ou, pour emprunter un langage plus
imagé, à « chasser hors de leurs terres » en passant
par leurs propres codes culturels. Cet appel au « braconnage » (Certeau, 1980) s’appuie le plus souvent
sur des éléments de la culture de masse empruntés
à la culture « classique », qu’il s’agisse de musique
de films, d’extraits de musique classique « samplés »
pour les besoins d’un instrumental de rap, d’un spot
publicitaire, voire d’une sonnerie de téléphone. Une
telle quête de « prises » (Hennion et al., 2000), vise
essentiellement à réduire le « fossé » entre des jeunes
peu familiers des formes savantes de la musique et la
culture musicale légitime :
CONCLUSION
Les questions posées par l’enseignement musical
au collège cristallisent donc, comme on a pu le voir,
les difficultés de la transmission des savoirs scolaires.
Liées à la diversification sociale des publics scolaires
et à l’inertie de la structure des inégalités sociales
devant la culture (Donnat, 1999), elles s’avèrent très
sensibles dans tous les domaines où l’environnement
culturel de l’élève continue d’influer, souvent très
directement, sur la réception des contenus enseignés
et l’acquisition des connaissances (français, arts
plastiques, musique, et sans doute dans une moindre
mesure l’histoire).
Si l’ouverture du système d’enseignement – ou plus
précisément le report de la sélection – a contribué
à brouiller les oppositions entre des jeunesses de
classe autrefois clairement séparées (Chamboredon,
Cultures juvéniles et enseignement musical au collège
47
1966), inclinant certains observateurs à proclamer
l’effacement progressif – sinon la fin – des clivages
culturels au sein de la « classe adolescente », on ne
peut que mettre en doute la fausse évidence d’une
homogénéité des comportements adolescents à
l’égard de la culture. Nos observations et les témoignages recueillis ont en effet mis en évidence que, du
point de vue des rapports à la musique et à l’enseignement musical, la « classe adolescente » demeure,
sinon une vaine prophétie, du moins une abstraction
sociologiquement indécise.
« ethos pédagogiques » dont on a essayé de distinguer les traits idéal-typiques – mettent en œuvre des
stratégies de transmission. Parce que ses formes et
ses objectifs oscillent au gré des volontés enseignantes et des publics, et parce que l’institution scolaire
peine à définir une culture par-delà « prosélytisme »
et « démagogie », on ne saurait discerner une signification sociale univoque de l’enseignement musical
au collège ; c’est sans doute ce régime d’incertitude
culturelle et cognitive qui le caractérise le plus profondément.
Bien qu’omniprésente dans la vie quotidienne des
jeunes, la musique n’est donc pas ce « trésor commun » dans lequel il suffirait de puiser pour en transmettre les joies, les techniques et les savoirs propres.
C’est pour faire face à la diversité socioculturelle des
publics du collège que les professeurs – selon des
Ugo Palheta
[email protected]
OSC, FNSP-CNRS
Florence Eloy
[email protected]
CEMS, EHESS-CNRS
NOTES
(1) Cet article se fonde sur une étude de terrain effectuée en deux
temps. Une première enquête a porté sur un arrondissement
parisien socialement et scolairement hétérogène, plus précisément sur quatre collèges (dont deux établissements classés
en ZEP, et un en « ambition/réussite »). Ce pan de l’enquête a
consisté en un travail d’observation de cours de musique, et
a donné lieu à une vingtaine d’entretiens auprès d’élèves présentant des profils socio-scolaires variés ; cinq professeurs de
musique exerçant dans ces collèges ont également été interrogés lors d’entretiens semi-directifs. Une enquête complémentaire, en élargissant le champ d’étude aux élèves de lycée dans
des cadres scolaires fortement contrastés, visait à construire
un dispositif quasi expérimental permettant de mettre au jour
des oppositions idéal-typiques. Nous avons donc sélectionné
un lycée professionnel spécialisé dans les filières de l’administration et des services, un lycée général de province et un grand
lycée parisien ; une vingtaine de jeunes ont ainsi fait l’objet
d’entretiens approfondis centrés sur leurs pratiques culturelles
et, rétrospectivement, sur leur expérience de l’enseignement
musical au collège. Le choix d’un grand lycée parisien nous a
semblé heuristique car nous faisons l’hypothèse que l’on peut y
observer sous une forme quasi pure, non pas la survivance d’un
modèle de scolarisation dépassé, mais la forme la plus achevée
du mode de scolarisation des classes supérieures en France
(qui s’exprime notamment, dans des formes quelque peu altérées et diffuses, dans n’importe quel lycée de centre-ville de
province). Enfin, nous avons réalisé six entretiens biographiques
supplémentaires avec des professeurs de musique, enseignant
aussi bien en milieu urbain que rural, dans des contextes socialement différenciés.
(2) Cette adoption sélective de la culture de masse, qui tient davantage de l’emprunt lexical que du « code-switching », s’avère
assez commun au sein de la jeunesse des classes supérieures. Reste qu’un tel « braconnage », comme le note avec force
Jean-Claude Passeron, est un des privilèges liés à la domination symbolique : « L’asymétrie des échanges symboliques ne
se voit jamais autant que dans le privilège de symétrie dont
disposent les dominants, qui peuvent à la fois puiser dans l’indignité culturelle des pratiques dominées le sentiment de leur
propre dignité et dignifier en daignant les emprunter les pratiques indignes, redoublant ainsi, par l’exercice de ce pouvoir de
réhabilitation, la certitude de leur légitimité. Pour dire les choses
plus crûment, il n’y a pas lieu de décrire comme regard fasciné
48
Revue française de pédagogie | 163 | avril-mai-juin 2008
par la valeur ou la beauté de la culture populaire ce qui n’est
jamais chez les dominants que l’exercice d’un droit de cuissage
symbolique » (Grignon & Passeron, 1989).
(3) Les enfants des classes supérieures ne sont pas les seuls à
mettre en œuvre des stratégies de présentation de soi ou de
distinction : il faut noter la distance, voire la répugnance, que
marquent de nombreux jeunes de milieux populaires envers les
artistes réputés les plus « commerciaux » (Diam’s, M. Pokora, les
chanteurs/euses de la Star Ac’, etc.), ou leur réticence devant
ceux – Booba, 50 Cent – qu’ils peuvent juger « prétentieux » (« Il
se la pète trop maintenant 50 Cent »). En bas de la hiérarchie
sociale, on aime aussi montrer à l’enquêteur que l’on sait « en
prendre et en laisser » (Hoggart, 1970), preuve une fois encore
que les produits les plus communs de la culture de masse n’engendrent pas ces comportements standardisés et hypnotiques
qu’imaginaient les contempteurs des mass media.
(4) Notamment du fait de ce processus de « classicisation » du
rock dont parle Olivier Donnat (1994), on comprend l’attraction exercée par cette catégorie fourre-tout, pouvant désigner
aussi bien ces « groupes complètement éphémères dont on ne
parle plus au bout d’un an », évoqués par l’élève citée plus haut
(Tokio Hotel, Evanescence, Kyo, etc.), que le rock’n’roll originel
auquel il est fait retour périodiquement sous des formes subversives ou underground au nom d’une recherche de l’authenticité
(garage rock, psychobilly, punk, etc.), le rock intellectualisé des
années 60-70 (Beatles, Rolling Stones, Bob Dylan, Pink Floyd,
Velvet Underground, etc.), ou encore le rock « indépendant »
plus contemporain (The Strokes, The Libertines, Babyshambles,
etc.), ces derniers sous-genres étant davantage cités par les
jeunes issus des classes moyennes ou aisées. Le même constat
doit être formulé concernant la « chanson française », qui – dans
sa version intellectuelle et ancienne (Brassens, Brel, Ferré, Barbara, Gainsbourg) – peut à l’occasion attirer les jeunes de milieu
aisé, quand les jeunesses populaires et moyennes se tournent
le plus souvent vers des chanteurs davantage ancrés dans
l’ « actualité musicale » (Olivia Ruiz, Chimène Badi, M, Bénabar,
Raphaël, Corneille, Calogéro, etc.).
(5) Cette posture mélomane n’implique pas chez ces jeunes une
connaissance encyclopédique, ni même approfondie, du répertoire consacrée, et ne se traduit pas forcément par les pratiques
traditionnellement associées à la figure de l’« amateur éclairé »
(ne serait-ce que la fréquentation assidue des concerts).
(6) Ce contrôle social ne s’exerce pas uniquement en bas de la hiérarchie sociale et scolaire. S’il prend dans les établissements
d’élite une forme davantage impersonnelle et tacite, il n’en
engendre pas moins des formes de conformisme culturel, une
polarisation symbolique des goûts musicaux et une partition
rigoureuse scène/coulisse.
(7) Cette évolution n’est pas réductible à un effet d’âge, ce que
donnent à voir les témoignages d’élèves passés d’un collège
populaire ou mixte à un lycée professionnel, ou ceux ayant réalisé l’ensemble de leur cursus secondaire dans ce grand établissement parisien. Pour ces derniers, le passage au lycée n’est
pas associé – du moins dans leurs propos – à une rupture quant
à leurs goûts musicaux et à leur rapport à la musique.
(8) À partir de nos entretiens, on pourrait avancer l’hypothèse que
ce rapport utilitaire à la musique consacrée – associé ou non à
une certaine « bonne volonté culturelle » – constitue l’attitude
idéale-typique des enfants issus de la fraction supérieure des
classes populaires (voire des classes moyennes) passés par
un conservatoire ou une école de musique. C’est en effet chez
ces derniers que l’on retrouve le plus haut degré d’adhésion
à la conception « technicienne » de l’enseignement musical,
celle qui – d’après une étude déjà ancienne de Hennion (1983)
– est véhiculée dans les conservatoires. À l’inverse, et d’après
le même auteur, les élèves issus de milieux sociaux favorisés
verraient davantage dans la formation musicale « une discipline
personnelle affinant la culture générale d’un individu ».
(9) Il s’agit là d’idéaux-types, constructions abstraites permettant
de décrire le réel dans ses traits les plus saillants. Ainsi, la réalité
sociale donne rarement à voir ces deux rapports à la musique
dans une telle pureté, et des variables telles que l’âge, le type
d’établissement fréquenté (position dans la hiérarchie scolaire,
caractéristiques socioculturelles du public) ou le passage par un
conservatoire, interviennent pour produire une myriade d’attitudes mixtes – notamment au sein des classes intermédiaires.
(10) Rappelons que jusqu’au milieu des années 80, 15 à 20% des
élèves quittaient encore précocement le collège puisque subsistait un palier d’orientation en fin de 5e. C’est donc seulement
depuis une vingtaine d’années que le collège accueille effectivement la quasi-totalité des élèves.
(11) Les rares élèves de ZEP qui fréquentent un conservatoire font
toutefois exception à ce constat.
(12) « Quand un enfant est sensibilisé à un code élaboré, son expérience scolaire est une expérience de développement symbolique et social ; pour un enfant qui ne connaît qu’un code restreint, l’expérience scolaire est une expérience de changement
symbolique et social » (Bernstein, 1975, p. 142).
(13) Le décalage entre, d’un côté, une diversification sociale du
public du secondaire depuis les phénomènes d’ « explosion
scolaire » et, de l’autre, la relative persistance de la surreprésentation des classes moyennes et supérieures au sein du corps
professoral, est d’ailleurs présenté par Philippe Coulangeon
(2007, p. 663) comme un élément modifiant considérablement
les conditions de la transmission des savoirs scolaires.
(14) Cette pratique est d’ailleurs encouragée par les instructions officielles de l’Éducation nationale, qui par exemple conseillent aux
professeurs de consacrer un chapitre à la musique de film en
classe de troisième.
BIBLIOGRAPHIE
BAUTIER E., CHARLOT B. & ROCHEX J.-Y. (2000). « Entre
apprentissage et métier d’élèves : le rapport au savoir ».
In A. van Zanten, L’École, l’état des savoirs. Paris : La
Découverte, p. 179-188.
BECKER H. (1952). « Social-Class Variations in the TeacherPupil Relationship ». Journal of Educational Sociology,
vol. XXV, n° 8, p. 451-465.
BERNSTEIN B. (1975). Langage et classes sociales. Paris :
Minuit.
BIDART C. (1997). L’amitié, un lien social. Paris : La Documentation française.
BOURDIEU P. (1979). La distinction. Paris : Minuit.
BOURDIEU P. & PASSERON J.-C. (1964). Les héritiers. Paris :
Minuit.
BOURDIEU P. & PASSERON J.-C. (1970). La reproduction.
Paris : Minuit.
CHAMBOREDON J.-C. (1966). « La société française et sa
jeunesse ». In Darras, Le partage des bénéfices. Paris :
Minuit, p. 155-175.
COULANGEON P. (2003). « La stratification sociale des
goûts musicaux. La légitimité culturelle en question ».
Revue française de sociologie, vol. XLIV, n° 1, p. 3-33.
COULANGEON P. (2007). « Lecture et télévision. Les transformations du rôle culturel de l’école à l’épreuve de la
massification scolaire ». Revue française de sociologie,
vol. XLVIII, n° 4, p. 657-691.
DARRAS E. (2003). « Les limites de la distance. Réflexions
sur les modes d’appropriation des produits culturels ».
In O. Donnat (dir), Regards croisés sur les pratiques culturelles. Paris : La Documentation française.
DE CERTEAU M. (1980). L’invention du quotidien. Tome 1 :
Arts de faire. Paris : UGE.
DONNAT O. (1994). Les Français face à la culture. De l’exclusion à l’éclectisme. Paris : La Découverte.
DONNAT O. (1999). « La stratification sociale des pratiques
culturelles et son évolution 1973-1997 ». Revue française de sociologie, vol. XL, n° 1, p. 111-119.
ESTABLET R. (1987). L’école est-elle rentable ? Paris : PUF.
GOFFMAN E. (1973). La mise en scène de la vie quotidienne.
La présentation de soi. Paris : Minuit.
GRIGNON C. & PASSERON J.-C. (1989). Le savant et le
populaire. Paris : Gallimard/Seuil.
GROSPIRON M.-F. & ISAMBERT-JAMATI V. (1984). « Types
de pédagogie du français et différenciation sociale des
résultats ». Études de linguistique appliquée, p. 69-97.
HENNION A., MARTINAT F. & VIGNOLLE J.-P. (1983). Les
conservatoires et leurs élèves. Rapport sur les élèves et
anciens élèves des écoles de musique agréées par l’État.
Paris : La Documentation française.
HENNION A., MAISONNEUVE S. & GOMART É. (2000). Figures de l’amateur. Formes, objets, pratiques de l’amour de
la musique aujourd’hui. Paris : La Documentation française.
HOGGART R. (1970). La culture du pauvre. Paris : Minuit.
LAHIRE B. (1993). Culture écrite et inégalités scolaires. Sociologie de l’« échec scolaire » à l’école primaire. Lyon :
PUL.
LAHIRE B. (1998). L’homme pluriel : les ressorts de l’action.
Paris : Nathan.
Cultures juvéniles et enseignement musical au collège
49
LAHIRE B. (2005). « Misères de la division du travail sociologique : le cas des pratiques culturelles adolescentes ».
Éducation et sociétés, vol. II, n° 16, p. 129-136.
LEPOUTRE D. (1997). Cœur de banlieue. Paris : Odile Jacob.
MORIN E. (1963). « Salut les copains ». Le Monde, 6 juillet.
MORIN E. (1975). L’esprit du temps. Paris : Grasset.
OBERTI M. (2007). L’école dans la ville. Ségrégation – mixité
– carte scolaire. Paris : Presses de Sciences Po.
OCTOBRE S. (2003). « Les 6-14 ans et les médias audiovisuels. Environnement médiatique et interactions familiales ». Réseaux, vol. III, n° 119, p. 95-120.
PASQUIER D. (2005). Culture lycéennes. La tyrannie de la
majorité. Paris : Autrement.
PASSERON J.-C. (2006). Le raisonnement sociologique.
Paris : Albin Michel.
PASSERON J.-C. & DE SINGLY F. (1984). « Différences
dans la différence : socialisation de classe et socialisation sexuelle ». Revue française de sciences politiques,
vol. LXXXIV, n°1, p. 48-78.
PATUREAU F. (1992). Les Pratiques culturelles des jeunes :
les 15-24 ans à partir des enquêtes sur « Les Pratiques
culturelles des Français ». Paris : La Documentation française.
50
Revue française de pédagogie | 163 | avril-mai-juin 2008
PETERSON R. (1992). « Understanding audience segmentation: from elite and mass to omnivore and univore ».
Poetics, n° 32, p. 169-194.
RIST R. (1977). « On Understanding The Process of Schooling: The Contributions of Labelling Theory ». In J. Karabel & A. H. Halsey, Power and Ideology in Education.
New York : Oxford University Press, p. 292-305.
ROSENTHAL R. & JACOBSON L. (1968). Pygmalion in the
Classroom. New-York : Holt, Rinehart and Winston.
TERRAIL J.-P. (2002). De l’inégalité scolaire. Paris : La Dispute.
THIN D. (2002). « L’autorité pédagogique en question ».
Revue française de pédagogie, n° 139.
VAN ZANTEN A. (2006). « Les choix scolaires dans la banlieue parisienne : défection, prise de parole et évitement
de la mixité ». In H. Lagrange, L’épreuve des inégalités.
Paris : PUF, p. 315-350.
VULLIAMY G. (1977). « Music as a Case Study in the ‘New
Sociology of Éducation’ ». In J. Shepherd, Whose
Music? A Sociology of Musical Languages. New Brunswick : Transaction.
WOODS P. (1977). « Teaching for survival ». In P. Woods &
M. Hammersley, School Experience. Explorations in the
Sociology. London : Croom Helm, p. 271-293.
YONNET P. (1983). « Rock, pop, punk. Masques et vertiges
du peuple adolescent ». Le Débat, n° 25.