Musurgia XXVII/3 (2020)
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Dans la lignée du numéro XXVI/3-4 (2019) de Musurgia, qui publiait les articles primés
lors du concours organisé pour les 25 ans de la revue, le présent numéro rassemble les
trois articles lauréats du concours 2020 de la Société Française d’Analyse Musicale et
de Musurgia. Pour cette deuxième édition, deux prix distincts étaient mis au concours,
chacun assorti d’une récompense financière de 1 000 euros. Le Prix Jean-Jacques
Nattiez, parrainé par le musicologue et attribué sous sa responsabilité, récompensait
un article rédigé en langue française ; le Prix SFAM, attribué par un comité constitué
de membres de la société, souhaitait promouvoir un article – en français ou en anglais
– développant tout particulièrement une méthodologie innovante. Ce concours visait
autant à susciter la production d’articles en lien avec les champs thématiques couverts
par la revue qu’à dynamiser les équipes de la SFAM et de Musurgia. Plus que d’établir
un classement général entre les articles, il s’agissait surtout de considérer la pertinence
et l’actualité de certaines approches analytiques et théoriques, et de prendre le parti
d’en encourager certaines. En sus des articles primés, d’autres articles reçus ont été
acceptés ou sont en cours d’examen pour une future publication dans Musurgia, selon
la procédure habituelle d’évaluation par les pairs.
Lancé à l’été 2020 via les réseaux nationaux et internationaux, ce concours
2020 a suscité 16 propositions, dont 9 en français (56 %) et 7 en anglais (44 %).
Ces soumissions émanaient de huit pays différents : 38 % sont le fruit de travaux
réalisés en France, 37 % de travaux menés dans d’autres pays européens – Belgique,
Irlande, Roumanie, Royaume-Uni –, et 25 % nous sont parvenus d’Afrique du Sud,
d’Australie et des États-Unis. Cette forte dimension internationale s’avère un peu plus
marquée que pour le concours 2019. Comme pour la précédente édition, les articles
ont été écrits à hauteur de 44 % par des femmes et 56 % par des hommes.
Les démarches analytiques et théoriques, mises en lumière au travers de la
finesse des développements méthodologiques, se sont révélées tout aussi riches et
variées. Aux côtés de méthodes revisitant des approches traditionnelles en lien avec
l’analyse harmonique, l’analyse formelle et les théories de la tonalité, il a été question
d’analyses rythmique-poétique, timbrique et plus généralement multi-paramétrique,
de théories post-tonales, d’analyse des topiques, d’intertextualité et d’intermédialité,
d’épistémologie, d’approches psychologiques, de nouvelles technologies et de
créativité distribuée, ainsi que de recherche-création. Comme l’année précédente, c’est
l’intérêt pour les musiques du XXe siècle qui a dominé avec six articles en lien avec
cette période. Les musiques populaires et de jeux vidéo étaient également abordées
pour cinq articles. En revanche, les répertoires antérieurs à 1900, essentiellement
limités à Ockeghem et Haydn se sont fait rares. Enfin, trois articles abordaient la
musique tonale de façon transversale et théorique.
À l’issue d’une présélection anonyme effectuée par un jury constitué des membres
du comité de rédaction de Musurgia, du président de la SFAM et de la rédaction en
chef de la revue, quatre articles ont été présentés à Jean-Jacques Nattiez et cinq – dont
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Éditorial
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MusurgIa
deux en communs – à un comité constitué de sept membres de la SFAM. Les noms
des lauréats ont été dévoilés lors de la cérémonie de remise des prix qui a eu lieu en
ligne le 5 mars 2021, à l’issue de la Deuxième rencontre franco-québécoise d’analyse
musicale1. Benjamin Lassauzet, professeur agrégé à l’université Clermont-Auvergne
et docteur depuis 2017, remporte ainsi le Prix Jean-Jacques Nattiez pour son article
intitulé « À propos d’identité : analyse de la pop music islandaise moderne de Björk ».
Thierry Dubau, agrégé et doctorant à l’université Toulouse II Jean-Jaurès, et Maurice
Windleburn, doctorant à l’université de Melbourne (Australie), se partagent quant
à eux le Prix SFAM pour leurs articles intitulés respectivement « Vers un Tonnetz
polyvalent : prospections autour d’un nouveau modèle graphique » et « Interpreting
John Zorn’s Spillane (1986) as a Sonic Detective Novel or Film Noir ».
L’équipe de Musurgia est particulièrement heureuse d’encourager la production et
la publication de travaux de jeunes chercheurs et de les accompagner tout au long du
processus éditorial. Elle renouvelle ses félicitations aux trois lauréats et les remercie
chaleureusement de s’être attelés avec enthousiasme aux différentes phases de la
procédure éditoriale. Elle tient également à adresser ses plus vifs remerciements à
Jean-Jacques Nattiez et à la SFAM pour leur soutien à ce concours.
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L’article de Benjamin Lassauzet vient alimenter le champ de l’analyse des musiques
populaires, « au sens anglo-saxon de popular music2 », qui constitue un domaine
en devenir, mais encore largement sous-représenté dans le monde analytique actuel.
Consacré à la pop music islandaise moderne de Björk au travers d’une approche
centrée sur la notion d’identité, l’article se démarque par le fait de « situer l’analyse
proposée par rapport à une question à caractère anthropologique » et constitue en ce
sens un « modèle quant à l’“utilité” de l’analyse par rapport à d’autres secteurs et
questionnements de la musicologie, notamment dans l’étude de la musique pop et
dans l’ethnomusicologie », comme le rappelle très justement Jean-Jacques Nattiez3.
S’appuyant sur de nombreux propos de Björk, cette étude fait appel à une large boîte
à outils analytique pour examiner des éléments d’ordre tant harmonique, modal,
mélodique, que rythmique et métrique. La référence aux travaux concernant le
langage musical menés au début du XXe siècle par Jón Leifs sur la base d’un recueil de
musiques populaires islandaises collectées et transcrites par Bjarni Þorsteinsson est
à cet égard particulièrement instructive. L’examen transversal de différents albums
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La vidéo de la remise des prix, « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 », est accessible en ligne
sur la chaîne YouTube de la SFAM à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=ifj5rd1Te0c,
consultée le 15 mai 2021.
Olivier JulIen, « “Musiques populaires” : de l’exception culturelle à l’anglicisme », Musurgia,
XVII/1 (2010), p. 50-51. L’auteur fait ici référence à la terminologie employée dans le cadre de
la Branche francophone d’Europe de l’International Association for the Study of Popular Music
(IASMP-bfE).
Voir « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 ».
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de Björk se prolonge par la considération de procédés musicaux relatifs aux paroles
et à la langue, ainsi qu’au timbre et à l’espace sonore, dans une démarche mêlant
habilement analyse et interprétation. Les représentations visuelles de trajectoires
sonores se révèlent ici particulièrement originales et parlantes s’agissant de l’analyse
de musiques enregistrées.
L’article de Thierry Dubau s’inscrit dans le domaine des études néo-riemanniennes,
particulièrement visible dans la théorie de l’harmonie aujourd’hui. L’auteur, qui
poursuit actuellement ses travaux théoriques et analytiques dans le cadre d’une thèse
de doctorat, met ici en lumière certains aspects en cours de développement. S’inspirant
de sources historiques comme de publications récentes, cette étude, à la fois technique
et spéculative, présente une approche moderne et personnelle du Tonnetz. Jean-Pierre
Bartoli souligne que l’article « a le mérite de soumettre au lecteur avec une grande
clarté une proposition théorique originale de représentation du Tonnetz accompagnée
d’une application à un passage de la Cinquième Symphonie de Bruckner4 ». La
réflexion théorique porte notamment sur les différentes étapes d’élaboration d’un
Tonnetz fondé non pas sur des hauteurs mais sur des accords de tous types à trois
et quatre sons. L’analyse d’un extrait de Bruckner permet de visualiser le parcours
harmonique au sein de ce Tonnetz « polyvalent ».
Enfin, Maurice Windleburn nous livre une réflexion fine d’une composition
singulière de John Zorn. Intitulée Spillane en référence à l’auteur de romans
policiers Mickey Spillane, dont plusieurs ouvrages ont fait l’objet d’adaptations
cinématographiques dans le genre du film noir, cette œuvre mêlant composition
et improvisation est fondée sur une méthode de composition par fiches (file-card
composition), en étroite relation avec le concept de Momentform5. L’approche
analytique qui en découle se fonde sur un type de technicité analytique
particulièrement originale, sur la base d’une segmentation de la musique en une série
de soixante blocs sonores contrastés, suivie d’une réflexion d’ordre sémiologique
sur la perception des signes sonores et musicaux permettant de considérer l’œuvre
comme une sorte de musique de film imaginaire, comme l’explique Jean-Pierre
Bartoli lors de la remise des prix6. Dans cet article, la dimension interprétative
comme la mise en relation intertextuelle d’éléments et de stratégies de nature
musicale et littéraire se révèlent particulièrement convaincantes.
Nathalie Hérold
Co-rédactrice en chef
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Voir « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 ».
À ce sujet, voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=c7jyzXY1JAo, consulté le 18
mai 2021, où Zorn parle lui-même de Spillane et de son processus de création.
Voir « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 ».
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ÉdItorIal