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Éditorial - Musurgia XXVII/3 (2020)

2021, Musurgia : analyse et pratique musicales, Eska, Paris

Musurgia XXVII/3 (2020) 3 © ESKA | Téléchargé le 03/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 88.164.16.140) Dans la lignée du numéro XXVI/3-4 (2019) de Musurgia, qui publiait les articles primés lors du concours organisé pour les 25 ans de la revue, le présent numéro rassemble les trois articles lauréats du concours 2020 de la Société Française d’Analyse Musicale et de Musurgia. Pour cette deuxième édition, deux prix distincts étaient mis au concours, chacun assorti d’une récompense financière de 1 000 euros. Le Prix Jean-Jacques Nattiez, parrainé par le musicologue et attribué sous sa responsabilité, récompensait un article rédigé en langue française ; le Prix SFAM, attribué par un comité constitué de membres de la société, souhaitait promouvoir un article – en français ou en anglais – développant tout particulièrement une méthodologie innovante. Ce concours visait autant à susciter la production d’articles en lien avec les champs thématiques couverts par la revue qu’à dynamiser les équipes de la SFAM et de Musurgia. Plus que d’établir un classement général entre les articles, il s’agissait surtout de considérer la pertinence et l’actualité de certaines approches analytiques et théoriques, et de prendre le parti d’en encourager certaines. En sus des articles primés, d’autres articles reçus ont été acceptés ou sont en cours d’examen pour une future publication dans Musurgia, selon la procédure habituelle d’évaluation par les pairs. Lancé à l’été 2020 via les réseaux nationaux et internationaux, ce concours 2020 a suscité 16 propositions, dont 9 en français (56 %) et 7 en anglais (44 %). Ces soumissions émanaient de huit pays différents : 38 % sont le fruit de travaux réalisés en France, 37 % de travaux menés dans d’autres pays européens – Belgique, Irlande, Roumanie, Royaume-Uni –, et 25 % nous sont parvenus d’Afrique du Sud, d’Australie et des États-Unis. Cette forte dimension internationale s’avère un peu plus marquée que pour le concours 2019. Comme pour la précédente édition, les articles ont été écrits à hauteur de 44 % par des femmes et 56 % par des hommes. Les démarches analytiques et théoriques, mises en lumière au travers de la finesse des développements méthodologiques, se sont révélées tout aussi riches et variées. Aux côtés de méthodes revisitant des approches traditionnelles en lien avec l’analyse harmonique, l’analyse formelle et les théories de la tonalité, il a été question d’analyses rythmique-poétique, timbrique et plus généralement multi-paramétrique, de théories post-tonales, d’analyse des topiques, d’intertextualité et d’intermédialité, d’épistémologie, d’approches psychologiques, de nouvelles technologies et de créativité distribuée, ainsi que de recherche-création. Comme l’année précédente, c’est l’intérêt pour les musiques du XXe siècle qui a dominé avec six articles en lien avec cette période. Les musiques populaires et de jeux vidéo étaient également abordées pour cinq articles. En revanche, les répertoires antérieurs à 1900, essentiellement limités à Ockeghem et Haydn se sont fait rares. Enfin, trois articles abordaient la musique tonale de façon transversale et théorique. À l’issue d’une présélection anonyme effectuée par un jury constitué des membres du comité de rédaction de Musurgia, du président de la SFAM et de la rédaction en chef de la revue, quatre articles ont été présentés à Jean-Jacques Nattiez et cinq – dont © ESKA | Téléchargé le 03/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 88.164.16.140) Éditorial 4 MusurgIa deux en communs – à un comité constitué de sept membres de la SFAM. Les noms des lauréats ont été dévoilés lors de la cérémonie de remise des prix qui a eu lieu en ligne le 5 mars 2021, à l’issue de la Deuxième rencontre franco-québécoise d’analyse musicale1. Benjamin Lassauzet, professeur agrégé à l’université Clermont-Auvergne et docteur depuis 2017, remporte ainsi le Prix Jean-Jacques Nattiez pour son article intitulé « À propos d’identité : analyse de la pop music islandaise moderne de Björk ». Thierry Dubau, agrégé et doctorant à l’université Toulouse II Jean-Jaurès, et Maurice Windleburn, doctorant à l’université de Melbourne (Australie), se partagent quant à eux le Prix SFAM pour leurs articles intitulés respectivement « Vers un Tonnetz polyvalent : prospections autour d’un nouveau modèle graphique » et « Interpreting John Zorn’s Spillane (1986) as a Sonic Detective Novel or Film Noir ». L’équipe de Musurgia est particulièrement heureuse d’encourager la production et la publication de travaux de jeunes chercheurs et de les accompagner tout au long du processus éditorial. Elle renouvelle ses félicitations aux trois lauréats et les remercie chaleureusement de s’être attelés avec enthousiasme aux différentes phases de la procédure éditoriale. Elle tient également à adresser ses plus vifs remerciements à Jean-Jacques Nattiez et à la SFAM pour leur soutien à ce concours. * * © ESKA | Téléchargé le 03/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 88.164.16.140) L’article de Benjamin Lassauzet vient alimenter le champ de l’analyse des musiques populaires, « au sens anglo-saxon de popular music2 », qui constitue un domaine en devenir, mais encore largement sous-représenté dans le monde analytique actuel. Consacré à la pop music islandaise moderne de Björk au travers d’une approche centrée sur la notion d’identité, l’article se démarque par le fait de « situer l’analyse proposée par rapport à une question à caractère anthropologique » et constitue en ce sens un « modèle quant à l’“utilité” de l’analyse par rapport à d’autres secteurs et questionnements de la musicologie, notamment dans l’étude de la musique pop et dans l’ethnomusicologie », comme le rappelle très justement Jean-Jacques Nattiez3. S’appuyant sur de nombreux propos de Björk, cette étude fait appel à une large boîte à outils analytique pour examiner des éléments d’ordre tant harmonique, modal, mélodique, que rythmique et métrique. La référence aux travaux concernant le langage musical menés au début du XXe siècle par Jón Leifs sur la base d’un recueil de musiques populaires islandaises collectées et transcrites par Bjarni Þorsteinsson est à cet égard particulièrement instructive. L’examen transversal de différents albums 1 2 3 La vidéo de la remise des prix, « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 », est accessible en ligne sur la chaîne YouTube de la SFAM à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=ifj5rd1Te0c, consultée le 15 mai 2021. Olivier JulIen, « “Musiques populaires” : de l’exception culturelle à l’anglicisme », Musurgia, XVII/1 (2010), p. 50-51. L’auteur fait ici référence à la terminologie employée dans le cadre de la Branche francophone d’Europe de l’International Association for the Study of Popular Music (IASMP-bfE). Voir « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 ». © ESKA | Téléchargé le 03/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 88.164.16.140) * 5 © ESKA | Téléchargé le 03/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 88.164.16.140) de Björk se prolonge par la considération de procédés musicaux relatifs aux paroles et à la langue, ainsi qu’au timbre et à l’espace sonore, dans une démarche mêlant habilement analyse et interprétation. Les représentations visuelles de trajectoires sonores se révèlent ici particulièrement originales et parlantes s’agissant de l’analyse de musiques enregistrées. L’article de Thierry Dubau s’inscrit dans le domaine des études néo-riemanniennes, particulièrement visible dans la théorie de l’harmonie aujourd’hui. L’auteur, qui poursuit actuellement ses travaux théoriques et analytiques dans le cadre d’une thèse de doctorat, met ici en lumière certains aspects en cours de développement. S’inspirant de sources historiques comme de publications récentes, cette étude, à la fois technique et spéculative, présente une approche moderne et personnelle du Tonnetz. Jean-Pierre Bartoli souligne que l’article « a le mérite de soumettre au lecteur avec une grande clarté une proposition théorique originale de représentation du Tonnetz accompagnée d’une application à un passage de la Cinquième Symphonie de Bruckner4 ». La réflexion théorique porte notamment sur les différentes étapes d’élaboration d’un Tonnetz fondé non pas sur des hauteurs mais sur des accords de tous types à trois et quatre sons. L’analyse d’un extrait de Bruckner permet de visualiser le parcours harmonique au sein de ce Tonnetz « polyvalent ». Enfin, Maurice Windleburn nous livre une réflexion fine d’une composition singulière de John Zorn. Intitulée Spillane en référence à l’auteur de romans policiers Mickey Spillane, dont plusieurs ouvrages ont fait l’objet d’adaptations cinématographiques dans le genre du film noir, cette œuvre mêlant composition et improvisation est fondée sur une méthode de composition par fiches (file-card composition), en étroite relation avec le concept de Momentform5. L’approche analytique qui en découle se fonde sur un type de technicité analytique particulièrement originale, sur la base d’une segmentation de la musique en une série de soixante blocs sonores contrastés, suivie d’une réflexion d’ordre sémiologique sur la perception des signes sonores et musicaux permettant de considérer l’œuvre comme une sorte de musique de film imaginaire, comme l’explique Jean-Pierre Bartoli lors de la remise des prix6. Dans cet article, la dimension interprétative comme la mise en relation intertextuelle d’éléments et de stratégies de nature musicale et littéraire se révèlent particulièrement convaincantes. Nathalie Hérold Co-rédactrice en chef 4 5 6 Voir « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 ». À ce sujet, voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=c7jyzXY1JAo, consulté le 18 mai 2021, où Zorn parle lui-même de Spillane et de son processus de création. Voir « Remise Prix Musurgia 2020 – 5 mars 2021 ». © ESKA | Téléchargé le 03/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 88.164.16.140) ÉdItorIal