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Dialogue between Rahel Jaeggi and Estelle Ferrarese

La crise du Coronavirus est la crise d'une forme de vie (la nôtre, notre forme de vie nettement capitaliste), ou du moins il pourrait en être ainsi. Comme il arrive d'habitude avec les crises, elles peuvent venir directement de l'extérieur et être déclenchées par quelque chose qui échappe à notre pouvoir d'agir en tant que société. Elles peuvent nous être inaccessibles, inattendues et nous venir de l'extérieur, comme l'apparition d'une nouvelle souche de virus. Mais il faut se demander si l'émergence accentuée de ce genre de virus a un rapport quelconque avec la modification des équilibres écologiques. De tels événements naturels (naturels à première vue) peuvent aussi se transformer en crises de toute une forme de vie social, dans la mesure où ils rendent visibles les problèmes latents de ce dernier. Ce sont donc des crises de second ordre, des crises associées à des crises. Et cellesci sont endogènes, en ce sens qu'elles n'affectent pas seulement notre ordre social, mais elles sont produites par ce même ordre social. La question de savoir comment nous vivons, comment nos structures sociales sont conçues, est ici décisive. De quelles ressources disposons-nous pour réagir à un tel événement ? Comment les pratiques et les institutions sont-elles conçues, par quel genre d'interprétations et de principes notre forme de vie est-il conduit ? Ceux-ci-et avec eux, la manière dont une société résout le problème-sont mis à l'épreuve dans une telle crise. Ainsi, la crise du Coronavirus n'est peut-être pas directement un test décisif pour d'autres crises, mais dans cette crise les lacunes structurelles (et, bien sûr, également potentielles) de notre société peuvent devenir évidentes. De nombreux experts soulignent ceci à maintes reprises : un système de santé néolibéral, axé sur le profit et épargné jusqu'à la rupture par conversion à un taux fixe et efficacité économique, ne

DIALOGUE 1 Une forme de vie à l’épreuve ? Rahel Jaeggi La crise du Coronavirus est la crise d’une forme de vie (la nôtre, notre forme de vie nettement capitaliste), ou du moins il pourrait en être ainsi. Comme il arrive d’habitude avec les crises, elles peuvent venir directement de l’extérieur et être déclenchées par quelque chose qui échappe à notre pouvoir d’agir en tant que société. Elles peuvent nous être inaccessibles, inattendues et nous venir de l’extérieur, comme l’apparition d’une nouvelle souche de virus. Mais il faut se demander si l’émergence accentuée de ce genre de virus a un rapport quelconque avec la modification des équilibres écologiques. De tels événements naturels (naturels à première vue) peuvent aussi se transformer en crises de toute une forme de vie social, dans la mesure où ils rendent visibles les problèmes latents de ce dernier. Ce sont donc des crises de second ordre, des crises associées à des crises. Et cellesci sont endogènes, en ce sens qu’elles n’affectent pas seulement notre ordre social, mais elles sont produites par ce même ordre social. La question de savoir comment nous vivons, comment nos structures sociales sont conçues, est ici décisive. De quelles ressources disposons-nous pour réagir à un tel événement ? Comment les pratiques et les institutions sont-elles conçues, par quel genre d’interprétations et de principes notre forme de vie est-il conduit ? Ceux-ci - et avec eux, la manière dont une société résout le problème - sont mis à l’épreuve dans une telle crise. Ainsi, la crise du Coronavirus n’est peut-être pas directement un test décisif pour d’autres crises, mais dans cette crise les lacunes structurelles (et, bien sûr, également potentielles) de notre société peuvent devenir évidentes. De nombreux experts soulignent ceci à maintes reprises : un système de santé néolibéral, axé sur le profit et épargné jusqu’à la rupture par conversion à un taux fixe et efficacité économique, ne 22 Crise Pandémique : qui suis-je dans ce nouveau monde ? peut pas faire face à une telle crise. Cela vaut même dans un pays privilégié comme l’Allemagne, dans la mesure où l’on pourrait s’y attendre, compte tenu de la richesse et le niveau de développement du pays. Cependant, il existe ici une opportunité de repenser et de thématiser radicalement le problème. La santé ne doit pas être abandonnée au marché – c’est ce que Macron a indiqué. Comme dans le cas de la formation, de la culture, de la vie, ce sont des biens que le marché, guidé par l’efficacité et la croissance économique, ne peut pas satisfaire. Cela pourrait être l’une des instructions à extraire de Corona - quelque chose qui pourrait et devrait nous donner l’occasion d’entamer une discussion sociale de grande envergure sur la relation entre le marché, l’État et les formes de socialisation de la propriété. Est-ce la déclaration de faillite du néolibéralisme, qui, en cas de doute, doit changer son orientation vers des interventions étatiques jusqu’à une économie de guerre, et vers des mesures autoritaires ? En tout cas, cela montre clairement que l’idéologie d’un marché autoréglé et l’individualisme du genre « il n’y a pas de société, seulement des individus » sont précisément cela : une idéologie qui doit maintenant être remise en question au vu de son caractère dramatique et des conséquences actuelles. Par ailleurs, le discours de solidarité menace aussi de devenir idéologique, aussi beau soit-il de revoir ce mot et cette pratique à nouveau en usage. Certes, les nombreux témoignages de sollicitude, les manières en partie imaginatives dont la cohésion sociale émerge face à une catastrophe considérée comme conjointe, font partie des effets optimistes de la situation. Mais il faut aussi faire attention ici : nous ne sommes pas tous assis dans le même bateau. Ce qui est pour certains du temps pour la nature, pour la vie intérieure et pour la famille, est pour d’autres une pure horreur : le bateau, même lorsqu’il navigue dans des eaux difficiles pour tous, a (au moins) un pont supérieur et un pont inférieur. Les différences de situations de vie sociale se multiplient face à la crise - et nous n’en sommes, nous ne pouvons en être sûrs, qu’au début. Au bout du compte, des situations d’urgence et des conflits sociaux dramatiques peuvent survenir en raison de la raréfaction croissante des res- Une forme de vie à l’épreuve 23 sources de toutes sortes. L’évocation de la « communauté » entraîne, ici et là, un dangereux déséquilibre. Ce serait une erreur d’interpréter la solidarité comme « aider les faibles » dans un sens unilatéral. Ou de le comprendre comme une obligation de compensation là où les structures sociales ne fournissent plus de services sociaux communs. Dans une société moderne qui fonctionne, la solidarité concerne surtout les systèmes de sécurité sociale. La solidarité est une manière d’organiser la coopération sociale. Par conséquent, dans un marché du travail précaire et dans les services privés d’urgence, il y a aussi une carence très généralisée et structurelle de solidarité, une carence qui ne peut être compensée par une sollicitude individuelle ou par des initiatives de quartier – aussi importantes soient-elles. Si, au final, des mesures rapides et plus larges ne devaient pas être mises en place, comme l’introduction d’un salaire de base inconditionnel (comme l’exigent actuellement de nombreux groupes d’action), ou une réévaluation complète des travaux de soin : ce serait une proposition, une mesure pragmatique spontanée, pour laquelle le moment est peut-être venu. D’autre part, avec Corona, la question de la solidarité dans un monde globalisé, en relation avec la tendance de la société du comptage à s’enfermer dans des frontières illusoires, a atteint un point où certaines décisions pouvaient être prises. Ici aussi, on comprend que la défense d’une cause commune, de la solidarité, se fonde toujours sur la compréhension d’une situation commune. Un virus ne connaît pas de frontières. La leçon que beaucoup n’ont jamais comprise au vu de la situation dramatique des mouvements de réfugiés et de la réalité sociale de la migration, à savoir que nous vivons inexorablement dans un seul et même monde, prend une dimension complètement différente à cet égard. Les crises sont le moment où une situation critique est décidée - un point de transition. Les opportunités pour une vie post-Corona consistent à thématiser ces carences de manière plus large et plus radicale, à les contextualiser et à exiger la liberté d’action politico-émancipatrice. Pour les consé- 24 Crise Pandémique : qui suis-je dans ce nouveau monde ? quences politiques à long terme, les conséquences pour la démocratie, la question décisive sera que, face à un état d’urgence médicalement induit – celui de la nécessité d’une action rapide – , nous ne nous habituerons pas à un état d’urgence politiquement autoritaire. Ainsi, si la « rupture avec la normalité est aussi une occasion de changer la vie pour le mieux », alors il sera décidé si, dans un état d’urgence indéniable, il existe encore une possibilité politique de thématiser ces problèmes de longue date, et donc si cette expérience étonnante, qui dans une telle situation écrase les convictions, les pratiques, les règles et les institutions de fer aux côtés des habitudes de notre quotidien, se laisse conquérir comme espace d’action, ou conduit à niveler une dynamique de conflit social productif, émancipateur. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, face à la crise induite par le Corona-virus, c’est avec le principe TINA (there is no alternative) qu’il faut rompre, et peut-être pouvons-nous ce faire. Crise de notre forme de vie, crise de notre forme de vie. La pandémie, l’individu et l’espèce Estelle Ferrarese On peut définir une forme de vie comme l’articulation du « social » et du « vital » sur laquelle reposent les institutions du monde humain, ce qui implique que la vie n’apparaît jamais que par le prisme infini de formes de vie qui sont historiquement produites. Parler de « forme de vie », c’est donc aussi admettre que les constitutions physiologiques, les processus vitaux, la reproduction de la vie, sont indémêlables de notre forme de vie en commun. Et il se trouve que la crise sanitaire actuelle malaxe, maltraite cette forme de vie. En particulier, elle place en contact immédiat l’espèce et l’individu, défini de la manière la plus libérale possible – comme un substrat auquel s’attache des propriétés telles que la puissance d’agir, la volonté, la possession de sa personne et de ses attributs, qui composent un être humain qui ne doit rien aux autres ni à ses relations à eux. Rien ne s’interpose plus entre l’espèce et cet individu. Ce qui s’efface alors, c’est la société, en tant qu’elle est le lieu, et la justification de la solidarité, mais aussi la communauté politique, sommée de se convertir en corps passif et obéissant – en France, le parlement est neutralisé par un état d’urgence sanitaire qui n’en finit plus, tout comme l’est le gouvernement (c’est un « conseil de défense » qui prend l’essentiel des décisions), de nombreux droits sont suspendus, et rendus conditionnels par la menace continue d’un nouveau confinement, d’un couvre-feu plus étroit, de mesures plus restrictives. Evidemment, aucune émanation de la société civile, aucune association, aucun syndicat, n’est associée à la décision poli- 26 Crise Pandémique : qui suis-je dans ce nouveau monde ? tique. D’une part, la politique actuelle est centrée sur « le corps-espèce, sur le corps traversé par la mécanique du vivant et servant de support aux processus biologiques »1. Elle se saisit du continuum de la vie, ou plutôt le reproduit en le transformant. Ce qu’elle vise, c’est ce qui se situe entre les corps. Elle opère un assemblage, ou réassemblage du vivant, à l’image de ces cartes de gouttelettes chargées de virus que sont devenues nos villes. Ou encore le sondage permanent des eaux usées afin de déterminer la densité de la contamination, transforme la population en un organisme unique à ausculter. Mais en même temps, ce qui tient lieu de politique passe par le corps singulier, par l’individu. La politique sanitaire répartit les corps, les quadrille, les dresse – de l’assignation à résidence que sont les confinements successifs à la structuration de l’espace entre les corps, et à l’organisation en profondeur des surveillances et des contrôles, par des drones ou des attestations. Une nouvelle scansion du temps – avec la durée de la promenade autorisée, la polarisation de la journée induite par les couvre-feux, la durée (mouvante) des quarantaines, etc. – contribue également à arrimer les corps. Dans le continuum entre le vivant et le vécu que constitue une « forme de vie » collective, ce n’est pas que le premier pôle qui est violemment reconfiguré par cette étreinte de l’individu et de l’espèce. Le second l’est tout autant, en particulier en raison de l’usage qui est fait de l’idée de responsabilité, dans les discours politiques, médicaux, et quotidiens. On fait entrer à coups de marteau la responsabilité dans la sphère du chiffre et des probabilités, dans la politique d’aplatissement des courbes statistiques, dans la logique des permutabilités. Etre responsable signifie dans le contexte actuel prendre sa part dans un plan global de gestion des risques, à rebours de toute idée relationnelle de la responsabilité, qui fait de celle-ci une réponse attentive à des attentes 1 Michel Foucault, Histoire de la sexualité I, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 183. Crise de notre forme de vie, crise de notre forme de vie 27 particulières. En tant qu’elle se distingue de l’obligation morale, la responsabilité naît de ce que nous sommes des êtres qui sont nécessairement exposés aux autres, dépendant les uns des autres, et notre condition d’agent moral consiste à apprendre comment régir et honorer cette constante exposition. Mais ce n’est pas tout ; de par sa nature relationnelle, elle se dessine autour de la question « que lui arrivera-t-il, si moi je ne m’occupe pas de lui ? » (Hans Jonas), et se comprend d’abord dans des liens plus ou moins forts, des relations et des affects. La responsabilité à laquelle nous sommes actuellement enjoints est, elle, une responsabilité vis-à-vis de la vie biologique, du simple fait de vivre. Nous rendant interchangeables, elle met en acte non pas le souci d’autrui, mais un souci de la vie en tant qu’elle est présente de manière strictement identique en chacun d’entre nous. La seule variation observable entre un individu et un autre est celle de sa vigueur. Je suis également responsable de tous, et ma responsabilité-même, modelée par une logique statistique, produit des êtres humains interchangeables. Pour le dire autrement, le covid découpe une responsabilité vis-à-vis de l’espèce. Ne pas sortir, appliquer un masque sur sa bouche c’est agir de manière responsable vis-à-vis de l’ensemble de ceux qui sont susceptibles d’être contaminés, donc y compris et d’abord vis-à-vis d’inconnus. En miroir, les contraintes sanitaires ont mis au jour la subsidiarité de nos responsabilités vis-à-vis de ceux qui comptent pour nous. Ils nous ont de manière persistante rendu impossible de les assumer. Pendant le premier confinement il n’était pas possible de les enterrer, pas possible d’en prendre soin. Aujourd’hui il n’est pas important de les protéger, puisque la contamination ne semble pas faire problème au sein d’un même foyer, ne compte pas comme telle – c’est en son sein que nous nous mettons en quarantaine - ou en tant cas ne compte pas parmi ce qui importe. De manière congruente être responsable c’est d’abord éviter la répansion de nos gouttelettes publiques. Comme on le voit avec l’usage de la catégorie de responsabilité lorsqu’il s’agit du port du masque, elle parvient à démanteler le principe même 28 Crise Pandémique : qui suis-je dans ce nouveau monde ? du consentement. Toute responsabilité nous échoit toujours en se passant de notre consentement – elle nous saisit autant qu’elle nous accable, à l’image de l’appel du visage levinassien – , mais ici le démantèlement procède de l’extérieur : le choix raisonné et instrumental de deux personnes qui acceptent le tort réciproque qu’ils pourraient se faire en retirant leur bâillon, ne peut échapper au blâme pour irresponsabilité. Car alors ils contribuent, au-delà de leur interaction, à la circulation du virus. Le tort à soi-même pas davantage que le tort à autrui ne sont le cœur du geste éthique qui consiste à lacer son masque ; seul importe le tort à l’espèce. La forme du monde, et jusqu’à sa persistance, en tout cas pour ce qui est du monde humain, échoit de cette manière à ma responsabilité individuelle, segmentée. C’est une résistance individuelle, ordinaire, qui tient lieu de réponse à la pandémie. Cette responsabilité, qui est d’abord exercice d’une abstention, sinon d’une abstinence – je bride ma respiration, mes mouvements, mes rencontres avec autrui – , opère de telle manière que les conduites individuelles se trouvent instituées en éléments causaux de l’épidémie. Et que le consentement ait été neutralisé comme exemption légitime n’induit pas une dissolution du primat de l’individualisme et du privatisme qui se trouve au cœur de la forme de vie capitaliste. Car ici responsabilité veut aussi et surtout dire imputabilité. Si, comme nous l’a rappelé Paul Ricoeur, le sens du mot responsabilité a évolué d’une obligation de réparer ou de subir la peine, à une obligation d’assumer certaines charges, le premier contenu sémantique survit dans le second : le refus du port du masque ou l’insuffisance de l’évitement d’autrui permet un jeu d’imputation, celui de l’état du monde ou de l’environnement, à des actions singulières et privées. Imputer une action à quelqu’un, c’est lui attribuer comme à son véritable auteur2, et lui demander des comptes quant à celle-ci. La négligence se fait faute, et celui qui est mis en cause est sommé de fournir des raisons à son manquement. Mérite et démérite sont distribués 2 Paul Ricoeur, Le concept de responsabilité. Essai d’analyse sémantique, Esprit, 206, 1994, pp. 28-48. Crise de notre forme de vie, crise de notre forme de vie 29 à l’aune de ces intermittences de la responsabilité qui se traduisent par la migration du masque vers le dessous du menton, ou la recherche du rassemblement, surtout alcoolisé. Tout comme les masques rageusement jetés au sol ou abandonnés là avec lassitude couplent le blâme de l’inconstance à la condamnation pour crime environnemental. Avec la mise au compte d’un sujet de ses défaillances, la faute est déplacée de l’action au sujet, en passant par le motif de la libre volonté, qui transforme en coupable. La volonté agit comme un dispositif dont l’objectif est de transformer un être qui peut en un être qui veut, comme l’écrit Giorgio Agamben : rendre maîtrisable ce que l’homme fait semble nécessairement le rendre imputable. La détermination du ou des véritables auteurs de la propagation de l’épidémie permet la mise en accusation, par l’Etat, de certains de ses sujets, et son propre dédouanement - en matière de gestion des lits, des masques, et des vaccins. Mais surtout la responsabilité est le dispositif par lequel la figure du sujet redouble de vigueur, dans un double et paradoxal mouvement d’individualisation par l’imputabilité, et de conditionnement à l’espèce. Contre la centralité conférée, dans la crise actuelle, à la responsabilité, le retour à la vieille idée de solidarité, comme suggéré, même de manière prudente, par Rahel Jaeggi, constitue alors une voie particulièrement prometteuse, car avec elle le « commun » de notre forme de vive en commun n’est plus l’espèce, mais la société, en tant qu’elle est susceptible d’une certaine organisation politique. Le principe de solidarité s’enracine dans l’expérience de l’interdépendance, mais il ne débouche sur la seule injonction à m’abstenir de certains gestes et conduites, et en conçoit pas une stricte équivalence entre des devoirs et des attentes interchangeables. Dans le courant développé par des socialistes français comme Charles Renouvier et Pierre Leroux, la solidarité renvoie à une sorte de contrat rétroactivement consenti qui engage tout être humain, du fait qu’il vit en so- 30 Crise Pandémique : qui suis-je dans ce nouveau monde ? ciété et jouit du patrimoine commun, à concourir au maintien de cette communauté et à son progrès. En d’autres termes, l’idée engage à concevoir, sur la base de la prémisse d’une interdépendance mutuelle, une dette liée aux bénéfices que nous tenons de la vie sociale. Elle permet donc de réintroduire quelque chose entre l’individu et l’espèce. Elle prend acte non pas simplement du fait que nous sommes des corps liés les aux autres, mais que nous sommes proprement les produits d’une intersubjectivité toujours-déjà mise en forme, moralement, politiquement – d’une forme de vie.