M. Jacques Grimault savant ou plagiaire
Jacques Grimault est connu dans les milieux de la pseudo-archéologie et de la
pseudo-histoire, pour son rôle d’auteur dans le documentaire La Révélation des
Pyramides, sortie en 20101. Dans ce dernier, M. Grimault apparaît comme celui qui
apporte ses connaissances, sous la dénomination d’un informateur secret, identité
officialisée dans le documentaire Gizeh 20052. Nous nous sommes rendu compte que,
dans ses écrits comme dans ces deux documentaires, M. Jacques Grimault clame que
les “connaissances” qu’il apporte sont issues ses propres découvertes et de ses
recherches personnelles3. Nous nous sommes interrogés sur la véracité de ce propos,
car nous savons, en Histoire et en Archéologie, que le savoir n’apparaît pas
spontanément, mais est issu d’une lecture et d’une critique des sources, en s’appuyant
sur les études en cours et sur une sédimentation des connaissances.
Les “découvertes” sur la pyramide de Kheops de M. Grimault sont ainsi résumées
par Patrice Pouillard : « M. Grimault a mis en avant, en partant des mesures des
pyramides, des calculs, qui sont en relations avec les mesures de la Terre et des
constantes mathématiques4». Il ajoute qu’il n’a pas voulu se mettre en avant en
dévoilant ses “savoirs”, mais a préféré rester dans l’ombre, en distillant le fruit de ses
1
https://www.imdb.com/title/tt2124189/fullcredits?ref_=tt_ov_wr#writers/, consulté le 20 mai 2021.
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 00 :00 :59, consulté le 20 mai 2021.
3
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 01 :36 :15, consulté le 20 mai 2021.
4
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 01 :34 :51, consulté le 20 mai 2021.
2
“recherches” à d’autres chercheurs, comme MM. Guy Mouny, Guy Grudis ou François
Dupuy-Pacherand5.
Jacques Grimault
Patrice Pouillard
Ces connaissances sont “dévoilées” par M. Grimault dans un film, La Révélation
des Pyramides, ainsi que dans des petits opuscules. Ces derniers sont en général assez
courts, soixante pages, et très répétitifs. Par exemple, dans ces deux courts ouvrages,
Comprendre le nombre d’or et Le mystère Kheops, des paragraphes entiers sont
identiques. Ainsi, la page 5 du premier reprend les pages 13 et 14 du second. C’est de
nouveau le cas dans les pages qui donnent les valeurs remarquables de Phi et de Pi,
pages 31 du premier et page 20 du second. Ces ouvrages sont aussi truffés d’erreurs
factuelles : par exemple, M. Grimault indique que Antipater de Sidon a défini les Sept
merveilles du Monde en 218 avant notre ère ; c’est en réalité vers 140 avant notre ère.
Cette erreur n’est pas en soi gigantesque et ne fausse pas le raisonnement, elle montre
en revanche que contrairement à ce que dit son auteur, tout ce qu’il écrit est loin d’être
exact6. Ces ouvrages manquent en outre cruellement de relecture, tant l’enchainement
des idées apparait brouillon et tant les répétitions sont nombreuses. Enfin, l’auteur ne
cite pas réellement ses sources, ou partiellement le titre d’une étude, mais sans la page
ou l’édition.
Monsieur Grimault affirme que les idées qu’il énonce dans les films sont issues
de recherches qu’il aurait effectuées depuis qu’il a l’âge de quinze ans. Elles auraient
5
6
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 00 :22 :46, consulté le 21 mai 2021.
Jacques GRIMAULT, Le Mystère Kheops, le plus étrange édifice du Monde, Éditions La Nouvelle Atlantide, page 8.
débuté à l’occasion d’un exposé et se seraient ensuite poursuivies pendant près de
quarante ans7.
Notre propos n’est pas ici de reprendre une à une les fausses affirmations de M.
Grimault dans ses ouvrages et dans les films auxquels il participe. Cela a déjà été fait,
à la fois dans des articles, des blogs et des vidéos8. En revanche, en parcourant certains
de ses ouvrages, nous avons en effet noté des emprunts et des récupérations, dont il ne
mentionne jamais la source, alors que cela est essentiel dans une démarche de
chercheur. Nous allons donc voir comment Jacques Grimault aurait acquis les “savoirs”
qu’il prétend détenir et s’il s’agit bien d’un parcours d’autodidacte, comme il l’indique.
Nous allons ici tenter de remonter les sources de M. Grimault et montrer en quoi
son travail, loin d’être original, n’est qu’une succession de récupérations et d’emprunts.
Dans un premier temps, nous nous pencherons sur le parcours de M. Grimault,
puis sur l’origine du lien entre les dimensions de la pyramide et les nombres
remarquables ainsi que le mètre, et enfin sur les liens avec la dimension de la Terre.
Ainsi, selon ses propres dires, que ce soit dans le documentaire Gizeh 2005 ou
dans plusieurs interviews, les découvertes extraordinaires qu’il a faites, ont démarré à
l’âge de quinze ans, à l’occasion d’un exposé dont il a choisi le thème, les pyramides
du plateau de Gizeh. Ensuite, pendant quarante années, il aurait accumulé de très
nombreuses notes rassemblées un très grand nombre de classeurs9 et sur 40.000 pages
écrites. Dès le départ, il aurait découvert les erreurs des égyptologues sur ces structures,
et ajoute qu’il a lu tous les ouvrages sur ce sujet dans plusieurs langues : français,
anglais, allemand, italien, espagnol et autres10. Il indique encore qu’il aurait découvert
seul les corrélations entre les mesures de la pyramide de Kheops, certaines unités de
7
https://www.youtube.com/watch?v=OL0E3zpAB_A&t=553s, 00 :10 :20, consulté le 20 mai 2021 ; ;
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk,
00 :15 :10,
consulté
le
20
mai
2021
;
https://www.youtube.com/watch?v=pNaI3J76MTk, 00:15:01, consulté le 19 mai 2021.
8
Damien KARBOVNIK, “De l’alterscience au conspirationnisme : l’exemple de diffusion et de la réception du
“documentaire” La Révélation des pyramides sur l’Internet”, in Quaderni, n°94, 2017/3, pages 63 à 74 ; Alexis
SEYDOUX, “Un équateur penché impossible”, in https://www.academia.edu/39343993/Un_équateur_penché_impossible
; https://sci-entos.com/2017/09/01/la-revelation-des-pyramides-episode-i/ , consulté le 20 mai 2021 ; https://irna.fr/Documentaire-La-Revelation-des-.html,
consulté
le
20
mai
2021 ;
https://www.youtube.com/channel/UCGHez4gV7nwUcS42ihkNnZg/videos, consulté le 21 mai 2021.
9
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 00 :19 :50, consulté le 20 mai 2021.
10
https://www.youtube.com/watch?v=OL0E3zpAB_A&t=553s, 00 :10 :18, consulté le 20 mai 2021.
mesure, certaines constantes mathématiques et certaines données11. Il évoque également
dans d’autres apparitions qu’il aurait reçu un enseignement, notamment de son grandpère12.
Toute cette construction de son savoir ressemble fortement à un story telling. En
effet, l’enseignement personnel dès le jeune âge, la capacité d’en montrer aux savants,
la réception de connaissance, tout cela donne à penser à un enseignement messianique,
dans lequel Jacques Grimault apparaît tour à tour comme un génie, un initié et un
prophète. Il couvre ainsi les figures des hagiographies médiévales et des vies des saints,
à la manière de la Vita Eucherius de Lyon : il n’est pas seulement un découvreur, il est
un véritable beatus13.
Dans ce discours, Jacques Grimault met en avant quelques références. La
première, sur laquelle il insiste, c’est l’ouvrage de Jean-Philippe Lauer, Le problème
des Pyramides d’Égypte, publié en 194814. M. Grimault cite également des livres parus
avant la Seconde guerre mondiale. Ainsi, la définition du terme pyramide est emprunté
à Abel Rey (1873-1940), dans un ouvrage de 193015. Il cite également Eugène-Michel
Antoniadi (1870-1944), pour une définition mathématique de la coudée égyptienne,
mais sans précision quant au titre et à l’année16. Enfin, pour les mesures de la pyramide,
M. Grimault s’appuie sur celles effectuées par J.H. Cole (que Monsieur Grimault
prénomme H.G.)17.
11
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 01 :36 :15, consulté le 20 mai 2021.
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 00 :55 :30, consulté le 23 mai 2021.
13
Jamie KREINER, The Social life of Hagiography in the Merovingian World, Cambridge, CUP, 2014.
14
Jean-Philippe
LAUER,
Le
problème
des
pyramides
d’Égypte,
Paris,
Payot,
1948 ;
https://www.youtube.com/watch?v=pNaI3J76MTk, 00:15 :50, consulté le 19 mai 2021.
15
Jacques GRIMAULT, Le Mystère Kheops, le plus étrange édifice du Monde, op. cité, page 8.
16
Jacques GRIMAULT, Le Mystère Kheops, le plus étrange édifice du Monde, op. cité, page 10.
17
Jacques GRIMAULT, Le Mystère Kheops, le plus étrange édifice du Monde, op. cité, page 11 ; J.H. Cole,
“Determinantion of the Exact Size and Orientation of the Great Pyramid of Giza”, in Survey of Egypt, Le Caire, 1925.
12
Mesures de J.H. Cole en 1925
Étonnamment, M. Grimault, qui indique avoir tout lu, ne se sert par des mesures
de John Donner (en 1979) ou celle de Glenn Dash (en 2012), ou des ouvrages sur les
pyramides de Gizeh publiés dans les années 1950 et 1960, comme Alexandre
Lagopoulos, The Symbolism of the Pyramid of Kheops ou encore ou Vito Maragiglio,
L’Archittetura delle pirmaidi menfite. Parte IV, La Grande Piramidi di Kheops18. Ainsi,
cette prétention d’avoir tout lu ne semble pas réelle et relève de la posture.
Beaucoup du vocabulaire de référence ou des prises de positions, voire des
postures prises par monsieur Grimault, sont empruntés aux pseudo-chercheurs des
années 1960, et notamment à ceux présents lors de l’émission de M. Bernard Pivot,
Apostrophe, du 28 novembre 197519. M. Grimault prend à Maurice Châtelain son
accusation de faux calculs dans un livre, sans citer l’ouvrage incriminé20. Ainsi, M.
Grimault fait sienne une accusation qu’il n’a pas portée personnellement. Et, sans doute,
cette accusation a été en réalité pompée par l’auteur de LRDP chez François Dupuy-
18
Glenn DASH, “New Angles on the Great Pyramid”, in Aeragram, 13-2, 2012, pages 10 à 19 ; Alexandre Phaedon
LAGOPOULOS, The Symolism of the Great Pyramid, Athènes, 1966 ; Vita MARAGIOGLIO, L’Archittetura de la
Piramidi Menfiti, tome IV, Rapallo, 1965.
19
https://www.ina.fr/video/I18187242, visionné le 17 mai 2021.
20
https://www.youtube.com/watch?v=OL0E3zpAB_A, 00 :11 :20, consulté le 22 mai 2021 ; https://videostreaming.orange.fr/actu-politique/maurice-chatelain-attaque-jean-pierre-adam-sur-les-erreurs-relevees-dans-son-livreCNT000001e9Ajh.html, consulté le 21 mai 2021.
Pacherand, qui consacre un article à l’ouvrage de Jean-Pierre Adam, L’archéologie
devant l’imposture dans la revue Atlantis21.
Revue Atlantis,
septembre-décembre 1976
Jean-Pierre Adam ; L’Archéologie devant
l’imposture,1975
De même, M. Grimault reprend un argumentaire qui a été celui de nombreux
chercheurs alternatifs plus anciens, comme monsieur Robert Charroux, celui de la
perfection des monuments ou de leur plus grande ancienneté22, ou encore l’incapacité à
refaire de tels monuments23. On voit qu’avec une grande facilité, M. Grimault reprend
à son compte des positions et des postures qui sont celles des chercheurs alternatifs des
années 1960.
D’autant que M. Grimault s’appuie, comme pour certains groupes de chercheurs
des années 1920 à 1960, sur des ouvrages du XIXe siècle. Il débute notamment sa
réflexion sur The Great Pyramid, why was it built & who has it built24, un ouvrage
publié en 1859 par John Taylor, un savant anglais du XIXe siècle.
21
Jean-Pierre ADAM, L’Archéologie devant l’imposture, Paris, Robert-Laffont, 1976 ; François DUPUY-PACHERAND,
“À propos de l’Archéologie devant l’imposture”, in Atlantis, n°290, septembre-décembre 1976, page 119 à 133.
22
Robert CHARROUX, Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans, Paris, J’ai Lu, 1969, page 69, la première
édition date de 1963 ;
23
William FIX, traduction de Dorothée KŒCHLIN DE BIZEMONT, Edgard Cayce : la Grande pyramide et l’Atlantide,
Paris, éditions du Rocher, 1990, publié en anglais sous le titre Pyramid Odissey, en 1978, pages 37 et 38.
24
John TAYLOR, The Great Pyramid, Why was it built ? and who built it ?, Londres, Longman, Greens, Longman and
Roberts, 1859, pour l’édition originale, republié par Cambridge, CUP, 2014. La lagination est celle de l’édition originale.
Plan de la pyramide
Piazzi Smyth, page 51.
John Taylor s’inscrit dans la prime égyptologie, celle qui n’est pas encore celle
de l’archéologie, mais plutôt celle des voyageurs ou des aventuriers dont la rigueur n’est
pas de mise. C’est aussi celle d’une vision orientaliste25. De plus, comme l’explique de
manière claire Bruce Trigger, avant les années 1880, les archéologues n’osent pas
remettre en cause les renseignements chronologiques contenus dans la Bible26. Aussi, à
la manière d’un savant du XVIIIe siècle, John Taylor cherche, une sorte de plan divin
dans la Pyramide de Kheops, plan divin qui, nécessairement, relie cette pyramide aux
tribus d’Israël, et de là, à la Grande-Bretagne. Les travaux de Taylor sont repris et
amplifiés par Charles Piazzi Smyth dans un ouvrage de 1864, Our Inherritance in the
Great Pyramid27. Comme son prédécesseur John Taylor, il veut raccorder ce bâtiment
25
Patrice BRET, “L’Égypte de Jommard : la construction d’un mythe orientaliste de Bonaparte à Mehemet-Ali”, in
Romantisme, n°120, L’Égypte, pages 5 à 14.
26
Bruce TRIGGER, A History of Archeological Thought, Cambridge, CUP, 2e edition, 1996, page 158.
27
Charles PIAZZI SMYTH, Our Inheritance in the Great Pyramid, Londres, Alexander Strahan & co., 1864, réédité par
Cambridge, CUP, 2014.
avec une coudée biblique, elle-même reliée aux mesures britanniques28. Ainsi, Charles
Piazzi Smyth reprend les calculs de John Taylor, y ajoute des schémas, mais ne change
pas réellement les idées du premier29. Jacques Grimault épouse donc cette idée déjà
ancienne d’un plan secret contenu dans la Pyramide de Kheops.
On pourrait en réalité s’arrêter ici. car l’ensemble des “déductions” de M.
Grimault ne sont en réalité aucunement originales puisque reprises directement dans
ces deux ouvrages. Mais, en réalité, Jacques Grimault construit un raisonnement à partir
du système métrique. Il nous faut donc explorer cet axe.
M. Grimault affirme avoir découvert un lien entre la dimension de la pyramide,
Pi et le mètre, formulé ainsi : la coudée “des bâtisseurs” est égale à un cercle d’un mètre
divisé par six (soit Pi divisé par six) ; et le lien avec Phi est mis en avant en indiquant
que Pi moins la coudée est égale à Phi au carré30.
Relations supposées entre le mètre, la coudée, Phi et Pi
Cela semble impressionnant. Mais cette idée est une nouvelle fois sans originalité
car elle est tout simplement pillée au docteur Funck Hellet31. L’article du docteur Funck
Heller datant de 1952, on voit mal comme Jacques Grimault, né en 1954, aurait pu en
être l’initiateur. Et l’hypothèse d’un lien entre la pyramide et le mètre est encore plus
ancienne, puisqu’elle est exprimée dès 1949 par Schwaller de Lubicz, et développée
28
Charles PIAZZI SMYTH, Our Inheritance in the Great Pyramid, op. cité, page 231.
Charles PIAZZI SMYTH, Our Inheritance in the Great Pyramid, op. cité, page 12.
30
Jacques GRIMAULT, Le Mystère Kheops, le plus étrange édifice du Monde, op. cité, page 14.
31
Funck HELLET, “La coudée royale égyptienne : essai de métrologie”, in La Revue du Caire, 1952, page 195.
29
dans son ouvrage Le Temple de l’Homme32. Elle est ensuite transmise à François
Dupuy-Pacherand, dont nous avons déjà parlé. Cette transmission est évoquée ainsi :
“Vers 1956 je rencontre à Clichy un vieux médecin, le docteur Funck-Hellet, chez
lequel je prends connaissance d’une lettre de Schwaller de Lubicz qui déclare
expressément : Les Égyptiens connaissaient le mètre. Je l’ai vérifié dans des milliers de
cas sur des édifices pharaoniques. Sur un mur datant de la IIIe dynastie, il existe encore
deux lignes peintes dont l’écartement est exactement de un mètre”33.
Le Temple de l’Homme, René Schwaller de
Lubicz, édition de 2011
Et cette hypothèse de la coudée de 0,5236 mètre, que M. Grimault emploie de
manière récurrente, est en fait puisée chez René Schwaller de Lubicz, qui explique que
“la coudée royale égyptienne, employée dans la plupart des monuments est
théoriquement équivalente à 0,5236 mètre ce qui correspond à la sixième partie de
3,1416 mètres. Autrement dit, un cercle ayant pour rayon un mètre et un développement
6,2823 mètres, c’est-à-dire douze coudées royales égyptiennes. La coudée pharaonique
mettrait ainsi en constante relation le système décimal (le mètre et sa moitié) avec les
nombres duodécimaux et la mesure du cercle”34. Et ce lien entre le mètre, la coudée, Pi
32
René SCHWALLER DE LUBICZ, Le Temple de l’Homme, Paris, Caractères, 1957, pages 490 à 505 ; mais la première
édition est au Caire en 1949 ; voir Corina ROSI, Architecture and Mathematics in Ancien Egypt, Cambridge, CUP, 2003,
pages 28 à 32 et Giulio MAGLI, Architecture, Astronomy and Sacred Landscape in Ancient Egypt, Cambridge, CUP,
2013, page 198.
33
https://toysondor.blog/2016/10/30/la-revelation-de-karnak-et-le-metre-etalon/, consulté le 19 mai 2021.
34
Jean PHAURE, Le cycle de l’Humanité adamique, Paris, Dervy, 1973, page 311.
et Phi, c’est bien le docteur Funck-Hellet qui le met en avant le premier, comme le
souligne François Dupuy-Pacherand dans un article de la revue Atlantis35.
Travaux du docteur Funck Hellet
Ainsi, ce que M. Grimault affirme comme étant sa découverte, n’est qu’un
emprunt, dont l’idée originale – le lien entre les mesures anciennes et les mesures
contemporaines – date du XIXe siècle. Le rapport entre le mètre, des nombres
remarquables et la “coudée des bâtisseurs” a en fait été inventé par Schwaller de Lubicz
et présenté par le docteur Funck Hellet au début des années 1950. De plus, c’est
François Dupuy-Pacherand qui en tire les conclusions que M. Grimault s’attribue
indûment. Ainsi, M. Dupuy-Pacherand écrit que le nombre PI se retrouve un nombre
extraordinaire de fois dans la grande Pyramide, et démontre que les mesures effectuées
avec la coudée égyptienne (la vraie de 0,5236 m, et non celle inventée par Piazzi Smith
et l’abbé Moreux) montrent “les interactions permanentes du mètre, du système horaire,
des mesures luni-terrestres, de l’acoustique musicale, en conformité avec les formules
les plus modernes de l’astronomie et de la physique”36. Parlant du temple de Karnak, il
conclut que : “tout se passe comme si on y relevait la trace d’une incroyable synthèse
35
François DUPUY-PACHERAND, “Le fabuleux problème du mètre égyptien et les mesures de Karnak”, in Atlantis,
n°203, septembre-octobre 1960, page 22.
36
François DUPUY-PACHERAND, cité par Jean PHAURE, Le cycle de l’Humanité adamique, op. cité, page 309.
du système métrique, du Nombre d’Or et de la mesure astronomique des temps
annuels…”37.
Par ailleurs, ce lien apparait très artificiel aux archéologues, comme l’indique
Jean-Philippe Lauer dans un article publié dans le même numéro que celui où le docteur
Funck Hellet développe son hypothèse.
Dans un article, ce dernier construit artificiellement un lien entre le mètre, Pi et
Phi ; nous avons déjà montré que ce lien est factice38.
On voit donc que, contrairement à ses affirmations, M. Grimault n’est en aucun
cas l’inventeur de la relation entre la coudée égyptienne, Pi et Phi.
Qu’en est-il des relations qu’il estime exister entre les dimensions de la pyramide
de Kheops et le système solaire ?
M. Grimault prétend avoir découvert des relations entre la taille de la pyramide
et la terre39. Là encore, aucune invention, juste des emprunts. Il est probable que M.
Grimault a essentiellement emprunté à l’abbé Théophile Moreux ses hypothèses sur la
place de la pyramide sur le globe, mais également à d’autres auteurs. Ainsi, dès 1924,
l’abbé Théophile Moreux écrit : “Or que toute ces conquêtes de la science moderne
soient dans la Grande pyramide à l’état de grandeurs naturelles mesurées et toujours
mesurables, ayant seulement besoin pour se montrer au grand jour, de la signification
métrique qu’elles portent avec elles, c’est évidemment inexplicable d’après nos
données sur la civilisation antique, mais c’est un fait que l’on essaie vainement de
révoquer en doute et plonge les savants actuels dans la plus grande stupéfaction”40.
Cette hypothèse empruntée à l’abbé Moreux, qu’il a lui-même reprise de Charles Piazzi
Smyth, est encore une fois passée par François Dupuy-Pacherand41. Ainsi, ce dernier
indique “pour les astronomes antiques, le temps et l’espace se répondaient sans fin dans
un éternel engrenage de Nombres dont notre globe fournit lui-même une des clés
37
François DUPUY-PACHERAND, in Atlantis, n°203, octobre-novembre 1960, pages 23 et 27 ; Jean PHAURE, Le cycle
de l’Humanité adamique, op. cité, page 309 ; https://toysondor.blog/2016/10/30/la-revelation-de-karnak-et-le-metreetalon/, consulté le 19 mai 2021.
38
Jean-Philippe LAUER, “À propos du prétendu mètre ésotérique dans la Grande Pyramide”, in La Revue du Caire, 1952,
pages 202 à 209 ; Alexis SEYDOUX, “Le mètre, Pi et Phi selon l’astrogéométrie : un mythe”, in
https://www.academia.edu/41682127/Le_mètre_Pi_et_Phi_selon_lastro_géométrie_un_mythe; consulté le 21 mai 2021.
39
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2h-E7F6mk, 01 :34 :55, consulté le 22 mai 2021.
40
L’abbé Théophile MOREUX, La Science mystérieuses des pharaons, Paris, Doig, 1924, page 66, cité par Georges
BARBARIN, Le Secret de la Grande pyramide, Paris, J’ai Lu, 1966, page 49, la première édition est de 1936.
41
Charles PIAZZI SMYTH, Our Inheritance in the Great Pyramid, edition de 1874, page XXII.
fondamentales”42. Il ajoute dans un autre numéro “la clef de la Grande pyramide est la
dix-millionième partie du quart d’un méridien de la Terre”43. De même, M. DupuyPacherand indique que le double horizon de la pyramide de Kheops “transpose en mètre
le nombre exact des secondes contenues dans un jour de vingt-quatre heures (86.400
secondes)”44.
Néanmoins, l’invention mise en avant comme révolutionnaire par M. Grimault,
c’est de prendre non pas seulement la hauteur visible de la pyramide de Kheops, mais
la hauteur en prenant compte de la chambre souterraine, ce qui est mentionné comme
« la hauteur invisible ». De nouveau, M. Grimault, alors qu’il en revendique la paternité,
emprunte cette hypothèse à François Dupuy-Pacherand45.
Par ailleurs, M. Grimault revendique d’autres relations entre la pyramide et les
mesures de l’espace alors que l’on retrouve aussi ces idées chez William Fix, un auteur
américain qui ne fait pas partie de la liste des informés de M. Grimault. L’ouvrage luimême est paru aux États-Unis en 1978, mais la traduction française, effectuée par
Dorothée Kœchlin de Bizemont, est publiée en 199046. Il faut rappeler que la traductrice
se considère une spécialiste d’Edgar Cayce (1877-1945), le un médium américain des
années 1920 dont l’influence sur certains pseudo-archéologues est importante47. Dans
cet ouvrage, William Fix reprend une partie des hypothèses sur le codage de données
géodésiques dans la pyramide. En prime, cette hypothèse a également été mise en avant
par Peter Tompkins, en 1972. Ainsi, il explique dans Les secrets de la Grande
Pyramide : “il s’agit, en fait, d’une échelle mathématique de notre hémisphère,
incorporant exactement les degrés géographiques de la latitude et de la longitude”48. De
même, William Fix indique dans le même ouvrage que le périmètre de la pyramide est
égal à une demi-minute de latitude au niveau de l’Équateur49. Comme M. Grimault n’a
jamais mentionné avoir été l’informateur de William Fix, nous pouvons donc en déduire
42
François DUPUY-PACHERAND, “Baphomet des Templiers : clé de la Grande Pyramide”, in Atlantis, n°217, mai-juin
1963, page 322.
43
François DUPUY-PACHERAND, “À propos de la Grande Pyramide : les controverses modernes de la Science des
Pharaons”, in Atlantis, n°232, octobre-novembre 1960, page 100.
44
François DUPUY-PACHERAND, “Baphomet des Templiers : clé de la Grande Pyramide”, in Atlantis, n°217, mai-juin
1963, page 321.
45
https://www.youtube.com/watch?v=HFpHDXUgcqw, 00 :57 :08, consulté le 21 mai 2021.
46
William FIX, traduction de Dorothée KŒCHLIN DE BIZEMONT, Edgard Cayce : la Grande pyramide et l’Atlantide,
Paris, éditions du Rocher, 1990, publié en anglais sous le titre Pyramid Odissey, en 1978.
47
Georges CHRYSSIDES, “The New Age”, in Olav HAMMER et Mikael ROTHSTEIN, The Cambridge Companion to
New Religious Mouvement, Cambridge, CUP, page 250.
48
William FIX, Edgard Cayce : la Grande pyramide et l’Atlantide, op. cité, page 33.
49
William FIX, Edgard Cayce : la Grande pyramide et l’Atlantide, op. cité, pages 45, 47 et 51.
que M. Grimault n’est pas l’inventeur qu’il se vante être : il ne fait, sur ce point
également, que prendre à d’autres leurs recherches.
De nouveau, M. Grimault emprunte sans mollir à François Dupuy-Pacherand
d’autres informations. Ainsi, cet auteur auquel M. Grimault doit tout son enseignement
et auquel il ne rend jamais hommage, indique “comment la mesure de l’horizon visible
du sommet théorique primitif de la Pyramide (hauteur 146,60 mètres) correspond à une
distance de 43.200 mètres sur une ligne méridienne nord-sud passant par le centre de
l’édifice. Il y a donc une impressionnante correspondance entre cette distance mesurée
et mètre et les 43.200 secondes qui servent à l’évaluation du jour solaire moyen de
douze heures”50.
Encore, nous trouvons un emprunt à François Dupuy-Pacherand, sur la distance
entre la Terre et le Soleil, qui serait comprise dans la Pyramide de Kheops. Selon cet
auteur, en divisant la hauteur de la pyramide en coudée, par le total hauteur plus base,
on obtient 0,3888 ; François Dupuy-Pacherand le multiplie par 1000 et constate qu’il
est proche de la distance moyenne entre la Terre et le Soleil, “si l’on prend pour unité
de mesure la distance moyenne de la Terre à la Lune. Celle-ci est presque équivalente
à 384.400 kilomètres (valeur plus précise que les 384.000 kilomètres souvent indiqués
par simplification) ; en partant de l’hypothèse indiquée précédemment on obtient alors :
388,8888 * 384.400 = 149.488.888,88 kilomètres”51.
50
Jean PHAURE, Le cycle de l’Humanité adamique, op. cité, page 311.
Jean PHAURE, Le cycle de l’Humanité adamique, op. cité, page 312 ; François DUPUY-PACHERAND, “Baphomet
des Templiers : clé de la Grande Pyramide”, in Atlantis, n°217, mai-juin 1963.
51
Enfin, les idées d’une prophétie dans le temps qui serait codées dans la pyramide
ne sont pas non plus une nouveauté. L’idée que la pyramide nous avertit des problèmes
de notre temps est exprimée par plusieurs auteurs, dont Haberman, Davidson ou
Georges Barbarin52. M. Grimault déplace uniquement l’idée d’une prophétie qu’il
adapte aux questionnements ou aux angoisses de ce début de XXIe siècle.
Conclusion
Dès le départ, M. Jacques Grimault se présente comme étant un auteur
authentique et original dont les “découvertes” ont été faites par lui-même. Mais, comme
nous venons de le voir, son parcours est en réalité marqué d’une part, par des références
à des auteurs du XIXe siècle, et d’autre part à la récupération des recherches d’auteurs
des années 1920 à 1960. Il pille ainsi sans vergogne le lien entre la coudée des
bâtisseurs, Pi, Phi et le mètre, qu’il prend à Schwaller de Lubicz, au docteur Funck
Hellet et François Dupuy-Pacherand.
C’est encore le cas des rapports aux mesures de la terre, reprise de l’abbé Moreux,
à Tompkins ou à William Fix.
Nous verrons dans une prochaine étude que c’est aussi le cas d’autres idées
comme celle de l’Équateur penché, emprunté à Francis Mazières et Jim Allison, sur
52
Georges BARBARIN, Le Secret de la Grande pyramide, op. cité, pages 91 et 93.
lequel nous reviendrons, ou encore l’étude de sites andins repris notamment à Robert
Charroux.
Il semblerait en réalité que Jacques Grimault a pillé des hypothèses énoncées
précédemment par d’autres avant lui et qu’il les recycle à son profit en s’en faisant
l’inventeur. Jacques Grimault parle de son savoir comme issu de ses recherches et hérité
d’un parent. Nous pensons ici qu’il s’agit plutôt d’un enseignement qu’il a pillé et dont
il s’est arrogé l’origine, notamment celui de François Dupuy-Pacherand, dont on voit
ici un résumé des travaux53. De plus, si, comme l’affirme Monsieur Grimault, il a reçu
cet enseignement autour de ses quinze ans, il semblerait qu’il n’a pas beaucoup appris
depuis.
Nous rejoignons ainsi les idées avancées par Damien Karbovnik, dans sa thèse54.
Ce dernier indique en effet que les idées défendues par M. Grimault sont déjà en vogue
dès les années 196055. Nous montrons ici qu’elles sont parfois plus anciennes, et que
M. Grimault les a tout bonnement pillées et s’en est attribué la paternité.
En effet, la relation entre le mètre, la coudée, Pi et Phi, a déjà été proposée par
Schwaller de Lubicz et Funck Hellet dès 1952, puis reprise par François DupuyPacherand ; l’idée d’un message encodé dans les pyramides pour le futur a été
précédemment mis en avant par Georges Barbarin dès 1936. Quant au lien entre ces
données entre ces grands monuments, ils sont une partie des recherches effectués au
sein du groupe Atlantis ou dans les ouvrages attribués à Fulcanelli. M. Grimault pourrait
toujours indiquer qu’il n’a pas eu connaissance de ces travaux ; mais, dans ce cas, soit
il n’a pas lu tous les ouvrages sur les pyramides, comme il le prétend, soit il ignore ce
qui s’écrivait au sein de l’association dont il a été président.
Jacques Grimault, qui veut se faire passer pour un chercheur cartésien, est en
réalité un plagiaire. En science, le plagiaire est l’avant-dernier degré du pseudoscientifique, avant celui de faussaire. Ces plagiats, Jacques Grimault les a
essentiellement pris à l’association Atlantis dont il a été le président et dont nous
pensons qu’il a allègrement siphonné les ressources.
53
https://www.youtube.com/watch?v=wnnrdwHnyuk&t=3s, consulté le 21 mai 2021.
Damien KARBOVNIK, L’ésotérisme grand public : le réalisme fantastique et sa réception. Contribution à une histoire
socio-culturelle, thèse sous la direction de Jean-Bruno RENARD, soutenu le 28 septembre 2017, page 425.
55
Damien KARBOVNIK, “De l’alterscience au conspirationnisme : l’exemple de diffusion et de la réception du
“documentaire” La Révélation des pyramides sur l’Internet”, op. cité, page 67 ; Damien KARBOVINK, L’ésotérisme
grand public : le réalisme fantastique et sa réception. Contribution à une histoire socio-culturelle, op. cité, page 425.
54
L’ensemble de ces ressources a été employé dans le film La Révélation des
pyramides, sorti en 2010. Son auteur nous promet un second épisode, mais il nous
semble que M. Grimault n’ait plus rien à dire. Il a utilisé tout ce qu’il a plagié pour ce
premier opus et ne semble pas avoir effectué de recherches nouvelles qui puissent
permettre un développement supplémentaire. De plus, au regard de ce que nous venons
de démontrer, nous pensons que M. Grimault ne possède ni les méthodes ni les moyens
de produire quoi que ce soit de nouveau ou solide car il ne dispose ni des ressources, ni
des compétences élémentaires, notamment du point de vue linguistique, pour étudier
les sujets qu’il prétend mettre en avant.