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Dossier de Philosophie : Cours du Pr Bruno PINCHARD (Raison et Foi) Sujet : Pour ou Contre René Guénon ? (A partir de l'oeuvre Orient et Occident (1924). Il nous a été demandé de produire un rapport analytique sur l'ouvrage du philosophe-métaphysicien français René Guénon (1886-1951). L'idée pour nous n'est pas de construire une dissertation autour d'une dialectique dont l'objet serait de discuter de la validité ou de l'invalidité des propos de l'auteur dans cet ouvrage. Nous ne nous savons que trop limité pour engager un tel exercice. Notre démarche va s'articuler autour de la captation successive des différentes remarques ou axes de pensée de l'auteur, en même temps que de sa variation analytique (les morphologies psychologiques de la pensée guénonienne), le tout encadré par une remise en contexte/actualisation de ces analyses, que nous tenterons d'appliquer aux faits courant de la fin du XXe-début XXIe siècle. Nous nous servirons pour cela, de quelques outils, qui nous semblent absolument axiaux dans la réalisation de ce travail. L'on comptera au nombre de ceux-ci, le cours-très édifiant au demeurant-du Pr Bruno Pinchard, l'ouvrage à étudier en question (duquel nous avons pu dégager les grands thèmes de la pensée guénonienne, en même temps qu'il nous donnait à saisir les dispositions spirituelles et mentales de l'auteur), et puis l'actualité, étant donné la volonté manifeste et récurrente de l'auteur de projeter sa pensée vers l'avenir. 1) De quelques remarques sur l'auteur Le Pr Bruno Pinchard nous prévenait déjà, lors de ses leçons, de ceci que l'on avait à faire à un auteur dont les logiques sont parfaitement hétérodoxes. Cet avertissement avait une dimension académique, puisque cet auteur, d'après l'enseignant, a fait l'objet, par sa pensée, d'un rejet du corps académique. Comment cela est-il possible ? Nous avons pour notre part, découvert ici un penseur dont les capacités intellectuelles sont largement au-dessus de la moyenne, du moins assez pour battre en brèche certaines des catégories logiques bergsoniennes,
Boite à Coran avec carré magique Lo-chou-XIXe siècle, Maroc (Musée Quai Branly). Vers la fin du troisième millénaire avant l'ère chrétienne, la Chine était divisée en neuf provinces (1), suivant la disposition géométrique figurée ci-dessous (fig. 16) : une au centre, huit aux quatre points cardinaux et aux quatre points intermédiaires.
Orient et Occident, 1924
Le regretté, René Guénon dans cet ouvrage ne mâchait pas ses mots. C'est un livre tellement limpide et clair qu'on pourrait le classer parmi les livres qui peuvent résoudre nos problèmes modernes en ce qui concerne tout ce qui est "INTELLECTUEL". Son jugement à propos de la perdition de l'occident est son appel, et d'ailleurs l'actualité malheureusement ne fait que confirmer ses prédictions trop en avance par rapport à ses contemporains.
Le règne de la quantité, 1945
ET LES SIGNES DES TEMPS-1945- Avant-propos Depuis que nous avons écrit La Crise du Monde moderne, les événements n'ont confirmé que trop complètement, et surtout trop rapidement, toutes les vues que nous exposions alors sur ce sujet, bien que nous l'ayons d'ailleurs traité en dehors de toute préoccupation d'« actualité » immédiate, aussi bien que de toute intention de « critique » vaine et stérile. Il va de soi, en effet, que des considérations de cet ordre ne valent
Cliopsy, 2020
L’entretien est issu de la restitution d’un dialogue avec Pierre Delion enregistré le 28 juin 2019. Cette rencontre avec lui a eu lieu lors d’une manifestation organisée dans le cadre des actions proposées par l’association Cliopsy. Interrogé par Claudine Blanchard-Laville et Patrick Geffard, Pierre Delion évoque son parcours, de son internat en psychiatrie à sa fonction de « psychanalyste artisanal » – comme il se définit – puis de professeur des universités. Il insiste sur sa conviction que la transmission s’appuie sur le partage d’expériences. Au passage, il explicite de manière très vivante et détaillée plusieurs concepts de la psychothérapie institutionnelle sur lesquels s’appuie son travail. Chemin faisant, il évoque les rencontres importantes qui l’ont nourri et influencé et il souligne l’intérêt de la « fonction Balint » qu’il considère comme un invariant structurel à mettre en œuvre dans toutes les pratiques de la relation.
Sous les Coupoles, le blog de la bibliothèque de l'INHA, 2019
Après le musée du quai Branly-Jacques Chirac avec "Les Arts lointains", le musée de l'Orangerie a célébré Félix Fénéon (1861-1944), personnalité hors du commun aux activités multiples, dans l'exposition "Félix Fénéon. Les temps nouveaux, de Seurat à Matisse" (jusqu'au 27 janvier 2020). Si le personnage a volontairement souhaité effacer ses traces, la bibliothèque de l'INHA conserve malgré tout des documents qui participent à éclairer quelques pans du mystère Fénéon… ou bien à les épaissir, dans un cas qui concerne de près l'histoire de la bibliothèque.
2) Une systématisation de la pensée Guénonienne : lire Guénon dans son oeuvre
Même lorsque l'on s'appelle René Guénon, que l'on est autant réfractaire aux systèmes, et que l'on reproche tant à l'Occident d'avoir versé dans ce qui lui semble être une philosophie creuse, il demeure néanmoins impossible, quand vient le moment d'exposer sa pensée, de ne pas la rationnaliser afin d'en faire un objet suffisamment intelligible pour ceux à qui l'on s'adresse. L'on est régulièrement amené à structurer sa pensée, aussi haute que soit la pureté de son intellectualité. Il le sait très bien ça. Il se retrouve alors, malgré lui, embarqué dans un systémisme (ou une systématisation) rationnel qui induit donc une morphologisation de sa pensée, puisqu'elle doit passer de l'intuition/spéculation intellectuelle (forme sous laquelle elle s'élabore dans son for intérieur) à une forme manifestée. Cela s'apparente en bien de cas à la logique traditionnelle soufis, qui considère qu'il existe toujours, dans le message de Allah, l'unique, une forme montrante ou manifestée (message visible ou intelligible pour tous/sens exotérique), qui donne la réplique à une autre forme, occultante cette fois (message abstrait ou caché/sens ésotérique). René Guénon nous apparaît alors sous diverses formes dans ses analyses des rapports entre l'Orient et l'Occident :
Un Guénon antimoderniste : l'essentiel de la critique Guénonienne est centrée sur l'Occident et la philosophie moderniste de la civilisation qu'elle représente. Evidemment quand on le lit, il faut tenir compte de ce qu'il s'agit d'un auteur qui a plusieurs fois manifesté du dégoût non pas précisément envers le matériel, mais plutôt l'absence de spiritualisme véritable dans ce continent. Le fait est que le modernisme, initié par le « la métaphysique biologique/rationnelle cartésienne l'a répugné au plus haut point. Il se trouve qu'il en fait, dans sa diatribe, la base des sciences appliquées et du matérialisme dans lequel baigne l'Occident moderne et tout ce qu'elle peut mener comme action. Il n'oublie pas en cela le sentimentalisme dont il fait de Rousseau le père, et le fameux moralisme qui a incité certains à parler du « fardeau de l'homme blanc » auquel incombait la lourde mission de « civiliser » le monde : c'est l'une des plus graves conséquences ou considérations de l'évolutionnisme. C'est à partir de ces quatre piliers que l'on rentre dans le second aspect de la critique guénonienne contre le modernisme. Ce second moment n'est autre que son combat contre ce qui pourrait prendre l'appellationquelque peu exagérée ici -de « Bergonisme », consistant en l'élan vital qui postule que vivre consiste à se mouvoir constamment (en plus de vouloir faire de la matière l'objet naturel de l'intelligence : ce que Guénon considère comme une vision inférieure de l'intelligence vraie). Cette rationalité du mouvement perpétuel qui fait de l'action, le sens vital de l'existence, motive le mouvement perpétuel, toujours plus accéléré et les transformations/secousses/bifurcations/instabilités incessantes qui en découlent, dans l'Occident moderne. Cette évolution est la plus grande crainte de Guénon, puisqu'il y voit dans le syllogisme qu'il développe lui-même, la base d'une cinétique qui fait de l'Occident une monstruosité qui menace le monde. Et l'origine de cette menace, il faut la trouver en tant que conséquence (et origine) de tous les problèmes précédemment évoqué : c'est l'antitraditionalisme occidental que dénonce Guénon. L'Occident n'a plus de tradition, sinon qu'il n'en reste, au mieux, que des bribes égarées de l'Occident traditionnel, soit entre le XIXe siècle « (…) Malgré les engouements que suscitent à présent le zen, le dalaï-lama ou le tai chi tchuan, nous sommes très loin, aujourd'hui, de cet enthousiasme intellectuel qu'ont suscité, dans toute l'Europe cultivée, les grandes découvertes orientalistes des années 1790-1840. Schelling n'hésitait pas à juger l'Europe « stérile » sans « la greffe orientale », Schopenhauer rêvait d'une « nouvelle renaissance ». La plupart des philosophes et poètes du romantisme s'intéressaient de près aux textes indiens ou chinois ». (…) Par comparaison, nous sommes devenus très ignorants. On devrait même parler de régression culturelle. Un seul indice en donnera l'idée : les manuels de philosophie utilisés en France sous la monarchie de Juillet consacraient plusieurs dizaines de pages aux systèmes de pensée de l'Inde. Aujourd'hui, rien. Pire : on utilise volontiers la prétendue autorité de Heidegger et de quelques autres pour rappeler que « la philosophie n'est que grecque ». pp.9-10 Un Guénon anthropologique : En parcourant cet ouvrage de Guénon, nous avons relevé à plusieurs reprises, certains tropismes chez l'auteur, qui nous font dire qu'il montre, dans la construction de sa pensée, une inclinaison anthropologique qu'il faut déceler dans l'optique de saisir son message. Ainsi, l'on notera par exemple dans sa proposition centrale de avangardisme véritablement « nostradamien » ou chamanique quand il s'agissait d'entrevoir la succession des évènements dans le temps. Aussi a t-il aisément vu venir quelques-uns des grands cataclysmes des XXe-XXIe siècles (il faut noter qu'il avait déjà vécu la première grande guerre de 14-18, ce qui aurait pu grandement nourrir son abjection pour le modernisme occidental), à l'instar de l'élévation de la Chine qu'il entrevoyait implicitement quand il disait que cette dernière se relève toujours, finissant par absorber tous ses conquérants ; ou encore plus tôt, il propose dans le cas de la gestion des rapports avec les peuples musulmans une dynamique d'association, plutôt que d'intégration/assimilation qui serait respectueuse des valeurs et de la législation islamique : on sait tous qu'aujourd'hui la non considération/application de cette suggestion en son temps, a conduit à l'effroyable Guerre d'Algérie (1954)(1955)(1956)(1957)(1958)(1959)(1960)(1961)(1962) ; quant à cet Occident monstrueux qu'il dépeignait après la première grande guerre (et le cas extrémiste nationaliste Allemand qu'il évoquait déjà) et au peuple japonais dont il abhorrait le caractère purement impérial/martial 6 , il a fini par engendrer la seconde grande guerre (1939)(1940)(1941)(1942)(1943)(1944)(1945), comme il a vu très tôt, que la durabilité des rapports entre l'Orient et l'Occident ne trouverait en rien ses fondements dans des rapports économiques et politiques « cordiaux », mais plutôt intellectuels/métaphysique, puisque la matérialité n'est que transitoire et l'objet d'une simple accommodation passagère chez les orientaux. C'est le véritable objet de la plainte guénonienne, le grief le plus grave qu'il porte à l'endroit du modernisme. Mais de quelle initiation parle-t-il ? Cette initiation a un double sens : un sens académique (philosophie/métaphysique/intellectuel) et puis le sens traditionnel (principes universels/vérité absolue). Guénon regrette que l'érudition se soit installée comme méthode d'apprentissage conventionnelle en académie, tout comme il déplore le phénomène de spécialisation occasionné par le saucissonnage scientifique qu'il produit également. C'est une méthode qui ne fait que confirmer la perdition ou ce qu'il appelle « la myopie intellectuelle » dans laquelle il voit l'Occident se vautrer. Il regrette à ce propos le caractère inégalitaire de l'éducation dans le système occidental et exhorte les occidentaux à se fonder sur le système de castes de l'hindouisme traditionnel, puisque tout le monde n'est pas appelé à exercer la même fonction en société. La déliquescence scientifique qu'incarne la philosophie d'après lui, cache la seconde partie du grief guénonien, la plus importante sans doute : l'Occident a perdu 6 Insistons néanmoins sur le fait que le Japon a beaucoup évolué depuis dans la disposition mentale vis-à-vis des autres peuples. Ils semblent rentrés dans une sorte de dynamique d'expiation permanente de leurs fautes historiques. Aujourd'hui, contrairement à ce que dit Guénon, c'est le Japon et la Corée du Sud qui se seraient pacifiés dans un certain sens, alors que la Chine et la Corée du Nord auraient pris le sens inverse. Peu de peuples dans le monde incarnent autant les vertus pacifiques et révérencieuses que le Japon. L'Inde pour sa part est plutôt devenue le siège de guerres intestines entre musulmans et hindous. l'initiation à la métaphysique, l'intellectualité pure. La recherche de rationalité, la matérialité et la centralisation de l'intelligence sur la matière (grief contre le bergsonisme cité plus haut) a terminé d'inhumer le peu d'intuition intellectuelle qui lui restait, contrairement à l'Orient qui a conservé intacte la sienne.
Voyant ce péril inexorable, il dessine donc à travers cet ouvrage une nouvelle sphère initiatique, dans lequel il redéfinit les positions des deux parties : l'Orient se trouve à la cime de cette figure du monde en tant que pôle nord initiatique véritable, alors que l'Occident se trouve dans les tréfonds de cette sphère, où son inconscience la conduit à s'habituer à la noirceur de sa myopie intellectuelle. Au milieu de ce cercle, l'on trouve l'intelligence vraie, la métaphysique, qui seule a le pouvoir de projeter vers les cieux initiatiques où se trouve l'Orient, tandis que son ignorance précipite le fautif dans le gouffre du simulacre intellectuel et antitraditionnel. On aperçoit donc ici un Guénon qui inverse la polarité de lecture du monde. ICI ?
Le Nord c'est l'Orient intellectuel. Il y a un renversement spirituel ou initiatique du monde dans la pensée guénonienne. Le proposition guénonienne est donc simple : l'Occident doit tendre la main à l'Orient pour remédier à cette situation, se saisir de cette intellectualité perdue, puis remonter dans l'échelle de la tradition. Cet exercice de dialogue spirituel ne se fera qu'avec la constitution d'une élite intellectuelle, et non politique ou économique. Pas la peine d'insister.
3) Les grands axes de la pensée Guénonienne face aux temps actuels
Il faudrait rappeler, si besoin est encore de le faire, que les grands axes de la pensée ordre. Elle est tout bonnement spirituelle. C'est le « dô », comme dirait les japonais ou les sudcoréens, la voie de l'âme ou de l'être que l'on recherche maintenant. La crise initiatique est bien là, puisqu'il y a un vrai détournement de valeurs désormais « trop » contraignantes, parfois caduques pour l'Occidental, et plus que jamais mal incarnées par les institutions qui les promeuvent (les scandales de pédophilie, de détournements de fonds au sein des Eglises encouragent de moins en moins à se soumettre à leur autorité), de la part des populations. Alors que l'Orient a gardé la même base traditionnelle, refusant de céder à l'agitation du mouvement perpétuel occidental, l'on est aujourd'hui confronté à une posture multidimensionnelle de la part des gens. Ceux-ci ressentent bien le vide spirituel qui se crée en eux, et leur besoin d'autorité ou de cohésion interne les pousse dans la voie vitale définie par Freud : la recherche d'un maître (initiatique ou symbolique ?) comme quête d'une vie. Ces bifurcations spirituelles nous amènent à déceler une véritable guerre centrée autour de l'offre initiatique. Les tropismes des populations sont divers, pour pallier à ce vide initiatique (pour une sortie de l'être et un dégagement de la matière). Si certains rentrent dans la voie de ce qu'on pourrait qualifier de logique spirituellement auto-déterminante (athéisme), d'autres choisissent intuitivement de se tourner vers l'Orient, pour y trouver de la paix, de la sérénité ou une sorte d'ascèse contemplative en s'inspirant qui du Bouddhisme, qui de l'Hindouisme (Yoga, Méditation), du Reiki, du Tao ou encore des arts martiaux pour apprendre à canaliser ses énergies ou percevoir/puiser les énergies de la nature, soit par conversion totale, soit par adoption de pratiques particulières.
Ce rapprochement est un effort anthropologique/horizontal là où les rapports spirituels verticaux ont échoué, ou n'existent pas (ou alors sous une forme absolument insignifiante). Ces processus se déroulent soit en Occident, soit en Orient ; mais comme Guénon l'avait deviné, ce n'est là qu'une infime partie des véritables traditions que découvrent ainsi les occidentaux. Ils ne peuvent atteindre les profondeurs du message spirituel oriental, soit parce qu'ils systématisent tout (d'ailleurs on parle aujourd'hui d'Orientalisme, de Philosophie Orientale ou encore de Philologie orientale, là où il faut saisir sans catégorie ou catégoriser l'intellectualité orientale selon Guénon : ces entreprises herméneutiques des traditions orientales éloignent encore plus l'Occident de la vérité intellectuelle), soit parce que ces domaines restent encore fermés (l'hindouisme traditionnel et ses castes par exemple, comme le Bouddhisme ou le Taoïsme et ses familles, ne peuvent être transportés en Occident, comme le prévoyait Guénon, à cause de l' « égalitarisme » et du libéralisme occidental). Mais tout le monde sait plus que tout autre chose, que la vraie raison, ça Guénon ne l'avait pas anticipé, c'est le fait que les Orientaux, comme les Occidentaux ont fait de certains aspects de leurs traditions (sous des aspects édulcorés), des objets soumis à la véritable religion du modernisme : le capitalisme.
Cela, l'anthropologue Lionel Obadia a rapidement su l'interpréter quand il a proposé une étude de l'économie des religions sous l'angle d'une marchandisation de Dieu 7 . Cette religion matérialiste est d'ailleurs la seule que l'Occident comprenne aujourd'hui ; les orientaux semblent avoir décidé de préparer un « lot de consolation spirituel » pour ceux des occidentaux qui s'approcheraient un peu trop de leurs traditions. Aperçu actualisé de l'évolution du modernisme de nos jours : Comme chez Leibniz, Guénon voit une continuité indéfinie dans l'histoire 8 . Cela explique ses velléités constantes de projection observées dans son argumentaire. Et c'est la re-contextualisation de ces assauts répétés vers le futur, que nous allons viser ici. Nous avons parlé tout à l'heure du capitalisme. Il n'est rien d'autre que la preuve la plus visible de la nouvelle métamorphose culturelle du modernisme. Guénon a très vite vu que l'Occident sombrerait, se retournant matériellement contre lui-même via les effets du cataclysme technologique, de la barbarie militaire et l'assimilation progressive de l'Occident par les peuples du tiers monde. Si l'on peut encore douter du dernier point, il est évident que les deux premiers sont à ranger dans l'ordre des prophéties réalisées. Ce cataclysme technologique est à l'origine de la grande maladie qui guette la planète entière : c'est la question des changements climatiques producteurs de grandes catastrophes humanitaires à l'échelle globale. Nous en verrons les conséquences tout à l'heure dans une théorie initiatique cyclique que nous exposerons au sortir de notre réflexion. C'est également la même qui est à l'origine des dérapages nucléaires catastrophiques (militaires ou industriels) observés à travers le monde. Le modernisme a continué, contre Guénon et ses recommandations, son éternelle mutation, plongeant encore plus chaque jour dans l'antitraditionalisme. Le matérialisme ne s'est jamais aussi bien porté, et les questions de prédations économiques, même aux dépends de nombreuses vies humaines, ne sont pas remises en cause ou en doute. Au contraire, on construit de faux ennemis (Pierre Conesa), on justifie la guerre, on parle de démocratie, de liberté, on déploie subversivement l'éventail des valeurs universelles pour expliquer que l'on détruise un pays ou un tel autre, que l'on destitue un tel ou un tel, pour s'approprier derrière, les produits telluriques (le monde est une vaste expérience géologique aujourd'hui). La guerre est devenue la monnaie courante, la méfiance une norme, tandis que le Quant à sa fameuse idée de constituer une élite intellectuelle en Occident, celle-là même qui serait capable de dialoguer ou de coaliser au même pied d'égalité avec l'Orient traditionnel et son élite métaphysique, qu'est-elle devenue ? Il ne nous semble pas opportun de rentrer dans les tréfonds de ce débat. On demandera simplement à tout esprit avisé de se rendre compte de certaines choses visibles, pour valider l'impossibilité de l'entreprise guénonienne. Au nombre de celles-ci on compte la réification mercantiliste du monde par l'Occident (et l'Orient aussi), 9 Guénon préfère rester dans la spéculation et l'intuition, quand Bergon, abordant la question du mysticisme, considère que si la phase ascétique est indispensable, le second ressort du mysticisme c'est l'action. Le mystique doit incarner sa spiritualité. 10 Le Raélisme (mouvement Raélien, fondé en 1974 par le français Claude Vorilhon, Rael) aussi reprend la même théorie que celle de l'Agharta, avec la tradition des Elohim (extraterrestres) qui seraient les véritables créateurs et maîtres de la Terre, de l'Humanité et des trois grands monothéismes. Sauf que l'idée est qu'il y a une extraterritorialité qui pose le monde en un vaste marché de ressources qu'il faut exploiter infiniment ; on peut aussi renvoyer les lecteurs à ce qui se nomme diplomatie aujourd'hui : on parle d'économie et de politique ou de politico-économique, en s'appuyant sur la géopolitique, la géostratégie et la science politique (on serait bien curieux de savoir ce qu'en pensait Guénon, qui devait savoir que cette science est née aux Pays de Galles en 1919, à Aberystwyth en son temps), qui ne voit le monde que sous l'angle de la rivalité, de la menace, de la défense et de la guerre. Quant à ceux qui se demande où est l'intellectualité ou l'intelligence dans tout ceci, on leur dira de se rendre compte par eux-mêmes du fait que la plus grande question qui se pose aujourd'hui dans le domaine de la philosophie est celle de son opérationnalisation ou de son opérationnalité. Les facultés de lettres ont du mal à générer des fonds ou en attirer pour leur fonctionnement. On hésite à investir abondamment sur leurs objets d'études. A contrario, faites donc un tour dans les écoles de commerce, celles de marketing, des sciences de technologies numériques, d'arts, pour constater la tangibilité du basculement du monde occidental au travers de la différence d'effectifs entre les deux domaines. Si Guénon en son temps, où ces techniques étaient encore peu développées, se plaignait déjà ainsi, on n'ose pas imaginer ce qu'il dirait aujourd'hui. Il y a une hyper-matérialisation de la société, qui ne conçoit son existence que par le gain, la performance, la réussite, la validité (physique) qui sont les seules réponses plausibles aux besoins et à la vie des humains, comme le relevait pertinemment le philosophe humaniste Jean Vanier 11 . Ces « valeurs cardinales » sont porteuses d'impotences, d'inégalité et d'une certaine violence insensibles mais clairement impactantes/déterminantes dans nos sociétés. Quant à la religion et plus précisément à son côté mystique, le fait que certains se demandent aujourd'hui comment l'on peut devenir moine ou moniale et « bousiller » son existence, relève plus d'un réflexe inconscient qui ne traduit que trop bien une haute instabilité spirituelle, qu'un acte véritablement sensé. L'on peut comprendre que ce n'est pas la vocation de tous, mais les questions de spiritualité, comme le relevait Guénon, lorsqu'elles se manifestent en acte, nous apparaissent parfois incompréhensibles ; et nous avons le réflexe d'en déclarer l'irrationalité après une insuffisante tentative herméneutique, plutôt que d'essayer d'en comprendre le sens profond sinon que d'en apprécier la portée. C'est bien là le seul geste sensé qui soit, puisqu'en déclarant au moins l'irrationalité du geste ou du fait en question, on avoue soi-même son incapacité à saisir la métaphysique dans ce qu'elle a de plus évident : son incommensurable immensité (Bergson et Descartes étaient au moins d'accords pour constater que l'esprit, en ses décriait longuement Guénon dans ses travaux. Tout cela est bien dommage.
Guénon actuel : esquisse d'une théorie du jubilé initiatique
Que dire en guise de conclusion ? L'on peut juste revenir ou renvoyer à ce que nous avons noté précédemment, quand nous indiquions clairement que René Guénon a été capable, comme le Roi du Monde, de lire dans le livre de la destinée quand il décrivait les dérives passées
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Arthropod-Plant Interactions