Toulouse (31) – Caserne Niel
Les restes aviaires
S. Foucras (ARCHEODUNUM, UMR 5138 ARAR)
L’examen ostéologique des restes d’oiseaux n’a pas pu être mené sur l’intégralité des pièces osseuses prélevées,
mais l’ensemble a toutefois été visé. Au total, ce sont 343 restes qui ont été analysés, sur un assemblage de 677
fragments, soit environ 51 %.
À l’instar des restes osseux de mammifères, l’état de conservation de ce mobilier est bon et assez homogène,
présentant des surfaces corticales peu altérées. Ce constat général est à nuancer dans le détail, puisqu’on trouve,
dans certains contextes, des pièces osseuses recouvertes de concrétions minérales. Les processus taphonomiques
ont également pu, par endroit, éroder la surface osseuse mais cela demeure limité. Quoi qu’il en soit et en dépit de
la fragilité naturelle des os d’oiseau, le taux de fragmentation de ces restes est assez faible et la détermination en
a été facilité.
Ce sont ainsi 92 % des restes analysés qui ont pu être déterminés au rang de la famille à laquelle ils sont rattachés
(n = 321) et 75 % au rang de l’espèce (n = 240), ce qui est assez conforme à l’étude ostéologique menée pour les
restes de mammifères.
L’évaluation du nombre minimum d’individus de fréquence (NMI) représenté dans cet échantillon est peu fiable
compte tenu de la dispersion des restes dans des contextes par ailleurs forts variés. Cela étant, il est important de
souligner, dans le cas de certaines espèces, que des ensembles anatomiques partiels ont été reconnus (éléments de
carcasses). Dans ce cas, l’enregistrement a compté l’ensemble anatomique au titre d’un seul reste afin de ne pas
fausser le taux de représentation de l’espèce représentée parmi les autres oiseaux.
famille
espèce
NR
%NR
NMI
phasianidé
phasianidé
Gallus gallus
indét.
Coq
193
7
56,3
2,0
13
3
anatidé
anatidé
Anser anser
Anas sp.
Oie
canard
11
1
3,2
0,3
2
1
corvidé
corvidé
corvidé
corvidé
corvidé
Corvus corax
indét.
Corvus corone (?)
Pica pica (?)
Garrulus sp.(?)
corbeau
47
1
1
4
1
13,7
0,3
0,3
1,2
0,3
1
1
1
2
1
colombidé
Columba sp.
pigeon
1
0,3
1
accipitridé
accipitridé
accipitridé
Aquila sp.
Buteo sp. (?)
indét.
aigle
buse
32
5
1
9,3
1,2
0,3
3
1
1
falconidé
Falco sp.
faucon
1
0,3
1
strigidé
Tyto alba
chouette
effraie
8
2,6
2
29
8,5
343
100,0
indéterminés
Total
corneille (?)
pie (?)
geai (?)
Tab. 1 : Dénombrement général des restes d’oiseaux
34
Les restes d’oiseaux
Le spectre faunique, établi à partir de l’échantillon examiné, témoigne d’un panel large des espèces présentes sur
le site. À défaut d’avoir pu déterminer de façon certaine chacune d’entre elles, il a parfois fallu se limiter au rang
de la famille à laquelle ces oiseaux appartiennent (tab. 1).
Ce sont les phasianidés qui dominent très largement, comptant 58 % des restes aviaires parmi lesquels les
gallinacés (Gallus sp.) sont, de loin les plus nombreux. D’autres galliformes sont présents toutefois mais de façon
toujours marginale et leur identification est incertaine, nous y reviendrons.
Parmi les restes issus d’une éventuelle basse-cour domestique, les anatidés (Anser sp. et Anas sp.) sont assez peu
nombreux (3.5 %) et constituent l’ensemble des autres espèces pouvant être issues d’un élevage. La présence d’un
reste de columbidé (Columba sp.) est à considérer avec prudence, la détermination spécifique étant mal établie.
Les autres fragments prélevés appartiennent ainsi à des espèces sauvages. Ce sont les corvidés qui dominent
(15,5 %) à travers quatre différentes espèces reconnues. Enfin, plusieurs familles de rapaces apparaissent
également, parmi lesquelles les accipitridés sont les plus nombreux (11 %) ; les strigidés (2 %) complètent
l’échantillon avec aussi un reste provenant d’un falconidé.
La part des restes indéterminés est peu élevée (8,5 %). Elle est constituée de menus fragments issus de crânes, de
côtes ou encore de très petits éléments osseux comme les phalanges ; sans nécessairement être fragmentés, ces
éléments n’ont souvent pas pu être attribués à une espèce ni même à une famille d’oiseau particulière.
Les galliformes
Les restes de gallinacés (n = 195) sont très majoritaires sur le site et composent 58 % des restes aviaires étudiés.
Il s’agit essentiellement du coq domestique (Gallus gallus) même si dans deux cas, cette détermination est sujette
à caution. Cinq autres fragments osseux n’ayant pu être déterminés au rang de l’espèce appartiennent également à
des galliformes. Un élément de bassin a été attribué à un phasianidé de petite dimension de type perdrix ou petit
lagopède ([US 6223] PT 6034). Les autres restes appartiennent à des oiseaux de plus grand format que l’on pourrait
assimiler au faisan (Phasianus sp.), mais cela reste à confirmer (PT 6034 [US 6223] ; FS 4504 [US 4916] ; PT
4072 [US 4064]). La confusion avec le coq est d’ailleurs possible d’autant que la présence de cette espèce à la
période gauloise est sujette à caution.
Les restes de coq témoignent d’une distribution des régions anatomiques assez inégale (tab. 2). On remarque que
les parties les plus favorables à la consommation sont les mieux représentées et de façon relativement équitable.
Ainsi les ailes (34 %) dominent légèrement les cuisses (28 %) ainsi que le tronc (25 %). La tête (2 %) et les
extrémités de pattes (12 %) sont en revanche bien moins fréquentes.
NR
%
3
1,6
47
25,0
64
34,0
52
27,7
22
11,7
188
100
Tab. 2 : Distribution anatomique des restes de coq
Coq
Tête
Tronc
Ailes
Cuisse
Pieds/mains
La découverte d’un ensemble anatomique presque complet appuie relativement ce schéma (PT 6390 [US 6394]).
Du squelette de cet animal ne manquent que les extrémités : la tête ainsi que les vertèbres cervicales, les extrémités
de pattes (un tarsométatarse et les phalanges) et des ailes (radio-ulna, carpométacarpes et phalanges). Ce sont ainsi
les parties les mieux fournies en viande qui nous sont parvenues. Pourtant, aucune trace de consommation n’a été
perçue sur ces restes malgré leur bon état de conservation.
Le nombre minimum d’individus recensé et toujours limité. Ce sont les extrémités proximales de coracoïdes
(n = 16) et les extrémités distales de fémurs qui sont les plus nombreuses (n = 14). Sans tenir compte de leur
latéralité, elles nous donnent une estimation de NMI d’une quinzaine d’individus, ce qui semble finalement peu
élevé. Il est toutefois bien évident que la fragilité des restes d’oiseaux doit inciter à la prudence lorsque l’on tient
compte de ce type d’évaluation.
Les sujets sont pour la très grande majorité des adultes (quelques restes non épiphysés ont été identifiés mais cela
reste marginal). La distinction des mâles et des femelles n’a pas été simple et c’est par l’ostéométrie que l’on
propose d’établir un ratio (tab. 3).
Ce sexage s’est appuyé sur les travaux de Lepetz (Lepetz, 1996 ; 72). Des 41 os longs complets et mesurés de
notre échantillon, les mâles apparaissent toujours comme les plus nombreux (n = 22), les poules étant clairement
moins représentées (n = 13). Dans quelques cas (n = 6), les données métriques n’ont pas permis de déterminer avec
certitude le sexe de l’individu, mais les valeurs obtenues semblent renvoyer davantage vers des mâles. Leurs
dimensions, situées bien au-dessus des moyennes établies de leurs congénères présentes sur le site et des poules
de cette période, semblent effectivement plaider en ce sens. Cela reviendrait à considérer que les sujets mâles
soient deux fois plus nombreux que les femelles, ce qui soulève quelques interrogations quant à l’utilisation de ces
animaux de leur vivant et de leur réelle présence sur le site.
Les moyennes des dimensions obtenues pour les coqs sont clairement plus élevées que celles établies pour la
période laténienne (estimation faite à partir d’un rapide examen de la documentation scientifique récente pour les
IIe et Ier s. av. J.-C.). En revanche, elles sont nettement en deçà des données établies pour la Gaule romaine
(Lepetz, 1996). Un examen plus détaillé mériterait d’être réalisé à la lumière de ces premières estimations, en
situant notamment ces valeurs dans un contexte chronologique plus précis.
poule N =
humérus
ulna
CMTC
fémur
tibiotarse
TMTT
coracoïde
1
3
0
6
0
1
6
59,2
/
65,5
/
mini
maxi
43,3
70,2
/
77,9
/
65,6
65,8
/
73,2
/
66,8
46,8
coq N =
3
6
3
6
1
1
8
mini
70
68,2
38,1
78,7
54,8
maxi
74,2
72,7
117
83,1
58,1
moyenne
moyenne
50,5
72,2
69,8
65,1
80,9
116,8
82,6
Tab. 3 : Longueur des os de coq en fonction du sexe des individus
55,7
On remarque que deux tarsométatarses portent un ergot atrophié (PT 6034 [US 6210] ; FS 12028 [US 12038]) qui
suggère la présence de chapons, sauf à considérer qu’il s’agit d’une malformation pathologique, mais cela semble
peu probable compte tenu de l’absence d’autres pathologies de ce type sur d’autres restes osseux de ce taxon. Ce
type de découverte est fréquent sur les sites de la période romaine mais plus rare sur les occupations gauloises, la
pratique du chaponnage étant généralement considérée comme un apport de la romanisation.
Les anatidés
Les autres espèces composant la basse-cour semblent fort peu nombreuses et leur domesticité n’est nullement
avérée. Deux espèces seulement ont été reconnues, il s’agit de l’oie qui n’est représentée que par 11 restes et du
canard, par un seul.
L’oie (Anser anser) n’est présente que dans six structures. On constate qu’il s’agit essentiellement d’os longs (1
humérus, 1 radius, 2 ulnas, 2 tibiotarses, 2 tarsométatarses), auxquels s’ajoutent un carpométacarpe, un coracoïde
et une furcula.
Les traces de découpe apparaissent sur trois de ces vestiges : un des tibiotarses (FS 14575 [US 14576]) semble
avoir été désarticulé au couteau (articulation distale) et le second présente une ébauche de découpe au milieu de la
diaphyse que l’on assimile davantage à une pratique artisanale qu’à de la consommation (PT 6173 [US 6174]).
Enfin, un coracoïde a également été entaillé (FS 12028 [US 12038]).
L’unique reste de canard (Anas sp.) est un tarsométatarse (PT 12052 [US 12048]). Il ne porte aucune trace de
découpe mais apparait dans la même structure que plusieurs restes d’oie et de coq (fig. 5). Cela permet d’y voir
une utilisation analogue, que l’on considère être alimentaire.
Les corvidés
Plusieurs espèces de corvidés ont été identifiées dans cet échantillon. Si le corbeau (Corvus corax) en est le
principal représentant en nombre de restes (n = 47), l’ensemble n’appartient en réalité qu’à un seul individu
représenté par un ensemble anatomique sub-complet (PT 14025 [US 14026]). Les données métriques sont
conformes à celles de ses congénères actuels. Aucune trace n’a été relevée sur ses restes mais l’ensemble livre
parfois des surfaces osseuses mal préservées qui auront pu les faire disparaitre. Quoi qu’il en soit il ne semble pas
que le squelette de cet animal ait fait l’objet de traitements particuliers et sa présence dans cette structuré demeure
énigmatique. Il faut cependant mentionner dans ce même contexte la présence d’un petit rapace que l’on attribue
à un falconidé.
Parmi les autres corvidés du site, la présence de la pie (Pica pica) est probable mais sa détermination reste toutefois
mal assurée. Cette espèce est également représentée par 4 restes osseux appartenant à un de deux individus (PT
12008 [US 12134]). Si deux humérus appartiennent en effet à chacune des ailes d’un même sujet, un troisième
humérus atteste la présence d’un second oiseau. Enfin, un tarsométatarse appartient probablement à l’un de ces
deux individus même si rien ne permet de s’en assurer.
Trois autres structures livrent des restes de corvidés pour lesquels l’attribution à une espèce spécifique reste une
fois encore sujette à caution. Un humérus (US 14298 [PT 14240]) semble appartenir à un geai (Garrulus sp.) et
un coracoïde (PT 12879 [US 12962]) à une corneille (Corvus corone) du fait de sa dimension plus réduite que
celle des corbeaux (Lt = 35.6 mm). Enfin, un humérus n’a pu être déterminé (PT 4938 [US 4624]), son
appartenance à la famille des corvidés n’est d’ailleurs que probable.
Aucun de ces restes osseux ne présente les traces d’une utilisation particulière. La consommation de ces espèces
est toutefois moins vraisemblable que pour les gallinacés, mais rien n’empêche toutefois de confectionner certains
mets à partir de leur chair.
Les rapaces : accipitriformes et strigiformes
La part des restes de rapaces est importante dans cet échantillon (13.5 %) mais comme pour les corvidés ces
éléments constituent, en définitive, des ensembles anatomiques issus de seulement quelques individus.
Les accipitridés
Cette famille de grands rapaces est représentée par 38 restes, parmi lesquels 30 appartiennent à trois individus
découverts dans une même structure (PT 4351 [US 4352 et 4396]) alors que les 8 autres sont isolés dans différents
contextes.
Pour les premiers, la taille des sujets implique la présence de spécimens de très grand format que la morphologie
des os rapproche davantage des aigles (Aquila sp.) que des vautours (Gyps sp.). Les dimensions des restes examinés
(grandes longueurs) pour ces trois individus sont particulièrement élevées pour des oiseaux (fig. 1 ; tab. 4), même
pour cette famille (supérieures à celles d’un aigle royal par exemple).
Fig. 1 : éléments d’accipitridés mesurés
humérus
264,3
fémur
> 139
tibiotarse
198,1
TMTT
> 110
coracoïde
> 107,5
Tab. 4 : dimensions des restes d’accipitridés issus de PT 4351
Face à ces ensembles anatomiques, deux autres occurrences de la même espèce ont été découvertes (BQ 2215 [US
2214]). Il s’agit d’une phalange distale de même dimension que celles des individus déjà évoqués (30 mm environ)
qui semble avoir été découpée sous l’articulation. La finalité de cette découpe reste mal comprise mais pourrait
consister en un prélèvement de la serre, ou plutôt de la griffe. Cette phalange est malheureusement isolée dans sa
structure et les autres, prélevés dans le PT 4351, ne révèlent pas de traces de ce type. Enfin, une extrémité distale
de tibiotarse (FO 4106 [US 4081]) présente des dimensions tout à fait similaires à celles des individus de PT 4351.
Pour autant, il semblerait plutôt s’agir d’un quatrième individu.
Les quatre autres restes de cette famille appartiennent également à un autre rapace dont les dimensions sont
nettement plus réduites (fig. 2) et que l’on rapproche de la buse variable (Buteo buteo). Si cet oiseau est bien attesté
par un fragment distal d’humérus (PT 6417 [US 6415]) la détermination spécifique n’est en revanche que probable
pour un élément proximal de tibiotarse (FS 7364 [US 7365]), ainsi que pour un humérus et un tarsométatarse (FS
3637 [US 3638]).
Un falconidé (?)
Un seul reste de falconidé apparait dans l’échantillon étudié (PT 14025 [US 14026]). S’il est avéré qu’il s’agit
d’un petit rapace diurne représenté par un tarsométatarse, l’attribution à une espèce spécifique n’a toutefois pas
été probante. Une nouvelle fois, rien ne nous indique les raisons de la présence de cet animal sur le site, mais cet
unique vestige côtoie un ensemble anatomique de corbeau ainsi que des restes de gallinacés.
Rapaces indéterminés
Demeurent enfin deux autres restes isolés de rapaces diurnes, dont l’espèce n’a pas été établie. Un fémur complet
(PT 4395 [US 4953]) évoque un sujet de dimension moyenne (inferieure à une buse) et pourrait correspondre à un
faucon ; le second est composé d’un crâne, malheureusement très mal conservé, pour lequel le maxillaire seul
affirme qu’il s’agit bien d’un rapace (PT 4064 [US 4598]).
Les strigidés
Les restes de chouettes (n = 9) appartiennent à deux individus seulement, dont l’un est représenté par un squelette
partiel (PT 4064 [US 4681]) : le tronc (bréchet et bassin), 1 humérus, 1 fémur et les bas de pattes (2 tibiotarses et
2 tarsométatarses). L’identification à une chouette Effraie (Tyto alba) est avérée. Aucune trace n’a été relevée sur
cet ensemble osseux pourtant bien conservé (fig. 3).
Fig. 3 : éléments anatomiques de chouette Effraie (PT 4064 [US 4681])
Le second individu se manifeste par un humérus isolé (PT 3527 [US 3534]). Il s’agit également d’une Effraie mais
ses dimensions sont plus grandes que la précédente.
Le columbidé
Le pigeon (Columba sp.) n’est représenté que par un humérus sur lequel aucune trace n’a été relevée (PT 2196
[US 2274]). La présence de cet oiseau dans la structure n’est pas sans intérêt car il y côtoie l’humérus d’un gallinacé
et le carpométacarpe d’une oie. Sa consommation serait évidemment logique bien que rien ne l’atteste.
Synthèse : l’avifaune de la caserne Niel
La représentation des restes d’oiseaux n’a rien de bien exceptionnel face aux restes de mammifères prélevés sur le
site, mais l’importance du mobilier faunique prélevé permet pourtant de constituer un ensemble osseux assez
conséquent pour cette période. Par ailleurs, la diversité des espèces mérite attention, d’autant que certaines d’entre
elles sont loin d’être habituelles sur les habitats de la fin de l’âge du Fer.
La présence très majoritaire occupée par les gallinacés domestiques est conforme aux habitats de la fin de l’âge du
Fer, sur lesquels les restes de ces oiseaux sont fréquents. Les individus recensés ici accusent toutefois des statures
assez élevées pour la période, ce qui pourrait impliquer un élevage développé et bien maîtrisé dans cette région du
sud-ouest de la Gaule, favorisant le développement de grands spécimens.
Quoi qu’il en soit, il est clair que la majeure partie de ces volailles ont été destinées à la consommation si on en
croit les traces de prélèvement de la viande. Quoi que discrètes, elles apparaissent en divers points du squelette et
affirment le caractère alimentaire de ces rejets. La présence probable de chapons au sein de cet échantillon aviaire
appuie encore davantage l’hypothèse d’une production déjà développée des volailles pour une alimentation de
qualité. Il est par ailleurs intéressant de remarquer la prépondérance des mâles, qui semblent être deux fois plus
nombreux que les femelles. Cela pourrait impliquer d’autres utilisations de cet animal ; peut-être une volonté de
préserver les poules dans le cadre d’une production d’œufs ? La découverte des rares fragments de coquilles (PT
4064 [US 4064] ; FS 6188 [US 6189] ; PT 6034 [US 6225]) alimente cette hypothèse, mais cela demeure trop
anecdotique pour pouvoir estimer l’importance d’une telle consommation. Pour le moins, on peut constater que
ces éléments apparaissent tous dans des structures ou le coq est bien représenté.
Les autres espèces de basse-cour sont peu nombreuses et leur domesticité n’est pas avérée. L’oie et le canard
pourraient effectivement relever de l’élevage, mais en dehors du coq, la représentation des oiseaux domestiques
est tellement faible que cela permet d’en douter. On remarque cependant que ces quelques restes d’anséridés
apparaissent généralement en association avec des restes de coq, ce qui laisserait entrevoir une utilisation
commune.
La présence de ces individus sauvages étonne effectivement et notamment les espèces représentées. La part
qu’occupent les rapaces amène à s’interroger sur l’utilisation faite de ce type d’oiseau dans les pratiques
domestiques. L’absence de traces de découpes ne permet pas d’envisager une consommation de ces animaux, qui
serait par ailleurs surprenante, et on pense plutôt à une récupération des plumes. Bien entendu, leur prélèvement
n’est aucunement visible sur les restes osseux et ne peut être avéré. Seule la découpe d’une phalange distale permet
d’entrevoir d’autres utilisations possibles de ces oiseaux que l’on ne comprend guère davantage.
Fig. 4 : localisation des restes de coq
La localisation et la distribution des espèces sur le site ne témoignent pas d’une réelle organisation. Les éléments
de gallinacés sont effectivement répartis dans les différents secteurs fouillés (fig. 4) et les autres espèces
n’apparaissent que ponctuellement. Toutefois, on constate que les restes d’ansériformes apparaissent
essentiellement dans les secteurs d’habitats de la zone 12 où les gallinacés sont également plus fréquents
qu’ailleurs (fig. 5).
Si ces rapprochements peuvent indiquer des utilisations communes (alimentation ou traitements artisanaux) ils
peuvent tout aussi bien ne pas avoir de signification particulière. En l’état cela relève de la simple conjecture.
On voit par ailleurs que la majorité des restes de rapaces sont issus de la partie Est du site (zones 3 et 4), qui
rassemble notamment les deux occurrences de strigidés (PT4351 [US 4352]) et où des ensembles anatomiques de
trois grands rapaces (des aigles probablement) ont été rejetés. Cette concentration, qui demeure toute relative, n’en
est pas moins surprenante compte tenu de l’espèce en question. Il est possible que ces grands prédateurs puissent
constituer, à l’instar des prédateurs terrestres, l’apanage des élites guerrières. Faut-il y trouver une fonction
symbolique ? Constituaient-ils des dépositions spécifiques ? Ce secteur de l’occupation parait plus favorablement
dévolu au traitement des viandes et la présence de ces oiseaux ne semble pas vraiment s’accorder avec ce type
d’activité. Cela étant, on trouve plusieurs éléments de mammifères sauvages dans ces mêmes secteurs ;
particulièrement des grands prédateurs comme l’ours, le loup ou le renard (infra.). S’il n’est pas question ici de
restes alimentaires, la fonction symbolique ou artisanale peut toutefois être envisagée mais cela resterait à
démontrer.
Fig. 5 : distribution des espèces sauvages
En l’état, on voit que la consommation des oiseaux n’a pas été très importante sur le site et ce sont les gallinacés
(le coq essentiellement) qui en ont constitué l’essentiel. Cela n’est guère surprenant puisque ce constat a déjà été
évoqué sur la plupart des occupations contemporaines de Gaule, comme Acy-Romance (Méniel, 1998), Villeneuve
Saint Germain (Auxiette, 1996), Lezoux (Horard-Herbin, 1997).
Bibliographie
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HORARD-HERBIN (M.-P.), 1997 – Le village celtique des Arènes à Levroux. L'élevage et les productions
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Champenoise, Le site protohistorique d'Acy-Romance (Ardennes), 3, 176 p.