Projet de recherche-action
Ethnographie des ethnobotanistes de
Salagon
MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION
DIRECTION GÉNÉRALE DES PATRIMOINES
Carole BROUSSE
2013/2014
Remerciements
Je tiens à remercier les vingt-six personnes rencontrées dans le cadre de cette recherche.
Toutes m’ont généreusement accordées entre une et trois heures de leur temps. Ce
rapport n’existerait pas sans elles.
2
Sommaire
Remerciements ................................................................................................................................................ 2
Introduction....................................................................................................................................................... 4
I)
Esquisse d’une typologie de l’ethnobotanique ............................................................................ 8
A) L’ETHNOBOTANIQUE : CHAMP D’APPLICATION ET METHODOLOGIE. .................................................. 8
/ Une définition large : l’ethnobotanique comme pratique. ..................................................... 8
/ Une définition plus restrictive : l’ethnobotanique comme discipline ...............................12
/ L’ethnobotanique comme métier ....................................................................................................16
B) EBAUCHE D’UNE CARTOGRAPHIE DE L’ETHNOBOTANIQUE FRANÇAISE ........................................... 21
/ L’« école » de Salagon ...........................................................................................................................21
2/ Salagon et le Muséum ..........................................................................................................................28
/ Salagon et les autres acteurs de l’ethnobotanique ..................................................................36
II) La nébuleuse « Salagon » .................................................................................................................. 44
A) ANALYSE SOCIOGRAPHIQUE DE LA POPULATION DU SEMINAIRE ...................................................... 44
1/ Composition générale...........................................................................................................................44
2/ La composante recherche ...................................................................................................................54
3/ La composante des « fidèles » ...........................................................................................................61
B) ENQUETE ETHNOGRAPHIQUE............................................................................................................... 65
1/ La fonction de formation ....................................................................................................................65
2/ La fonction de socialisation ...............................................................................................................72
3/ La fonction d’adhésion .........................................................................................................................78
Conclusion ....................................................................................................................................................... 86
Bibliographie .................................................................................................................................................. 89
Annexes ............................................................................................................................................................ 96
QUESTIONNAIRE – RENCONTRES ETHNOBOTANIQUES .............................................................................. 96
INVENTAIRE DES ARCHIVES DU SEMINAIRE D’ETHNOBOTANIQUE DE SALAGON...................................... 98
3
Introduction
En 2006, dans le cadre du 131ème congrès national des sociétés historiques et
scientifiques, l’anthropologue Michel Rautenberg, Professeur à l’université Jean Monnet
de Saint-Etienne, proposait de s’intéresser au « surplace de la « professionnalisation »
chez les ethnologues »1. Pour le chercheur, il semblait urgent de réfléchir à l’insertion
professionnelle des étudiants en ethnologie, dont les seuls débouchés résideraient
aujourd’hui dans une carrière universitaire. La question ne se pose pas tout à fait dans
les mêmes termes pour les ethnobotanistes, qui ne peuvent d’ailleurs se former à
l’Université, mais les difficultés rencontrées pour exercer un métier hors cadre existent
également. La précarité dans laquelle exercent certains ethnobotanistes professionnels,
l’extrême hétérogénéité des profils et des recherches conduites, la difficile lisibilité
d’une activité peu connue mais extrêmement dans l’air du temps, l’absence de formation
universitaire, rendent la question de la professionnalisation de l’ethnobotaniste sans
doute encore plus complexe que celle du « simple » ethnologue.
Qu’est-ce au juste qu’un ethnobotaniste ? L’énigmatique ethnologue et le botaniste guère
plus célèbre pourrait-il former une seule et même personne ? Assurément cet hybride,
qui emprunte des compétences aux sciences humaines et aux sciences naturelles,
dispose d’un vaste savoir qu’il met à disposition d’un objectif : la compréhension des
relations qui unissent l’homme à l’environnement végétal. Mais comment fait-on de
« l’ethnobotanie », de « l’ethnologie botanique » encore vue écrite « ethno-botanique » ?
C’est une des nombreuses questions qui interrogent les curieux, toujours plus
nombreux, qui viennent assister au séminaire d’ethnobotanique (en un seul mot),
organisé chaque année depuis
à l’ethnopôle de Salagon, dans les Alpes de Haute
Provence. Déjà, en 1997, Salagon, tout juste labellisé ethnopôle2, organisait sur un weekend de juin une grande manifestation : des spectacles, un marché aux plantes, des
animations étaient organisés dans les jardins. Par ailleurs, une table ronde invitait « les
chercheurs travaillant dans le domaine de l’ethnobotanique » à réfléchir sur le sujet : des
taillis aux balcons, du bois sacré au giratoire : la flore et ses implications sociales. La
lettre de présentation des festivités précisait : « il s’agit d’offrir aux chercheurs travaillant
dans le domaine de l’ethnobotanique et de ses implications sociales, un lieu de rencontre et
d’échange. Partant du constat que les chercheurs qui travaillent actuellement dans le
domaine de l’ethnobotanique le font souvent isolément, la table-ronde sera pour chacun
l’occasion d’exposer ses recherches, de s’informer sur les recherches en cours, de mettre en
place des projets communs ».
1
Cette communication paru da s l’ouv age olle tif pu li aux ditio s du CTHS Nouveaux contextes, nouveaux objets,
nouvelles approches, 2009.
2
« L'appellation ethnopôle s'attache à une institution qui, en matière de recherche, d'information et d'action culturelle,
œuv e à la fois au pla lo al et au iveau atio al. A t ave s ette appellatio , la issio du pat i oi e eth ologi ue
entend, dans le cadre propre à chaque structure, promouvoir une réflexion de haut niveau s'inscrivant tout à la fois dans les
grands axes de développement de la discipline ethnologique et dans une politique de constitution des bases d'une action
culturelle concertée » (DUBOST Françoise, LIZET Bernadette, ZONABEND Françoise, 1999, Mission Ethnopôles, disponible en
ligne sur le site du Ministère de la culture et de la communication, 16 pages).
4
Les « chercheurs travaillant dans le domaine de l’ethnobotanique » (longue périphrase
pour ne pas dire « ethnobotanistes » ?) furent 23 à assister à cette table-ronde. Et ce
rendez-vous pris, le souhait des organisateurs, Danielle Musset et Pierre Lieutaghi, fut
contenté : « on peut espérer, entre autres, que cette table ronde pourra déboucher sur
l’organisation future de rencontres régulières sur la flore et ses implications sociales »,
disait encore la lettre. En effet, en 2001, le nouvellement nommé « séminaire annuel de
l’ethnobotanique du domaine européen » commença un cycle de conférences jusqu’à ce
jour ininterrompu. Initialement, le séminaire annuel se décomposait en deux sessions :
la première était généralement organisée au printemps, la seconde à l’automne. Deux
thèmes pouvaient alors être traités. A partir du colloque sur les jardins de 2007,
manifestation un peu à part, le séminaire ne proposa plus qu’une session annuelle,
organisée sur deux journées un jeudi et un vendredi d’octobre. Un seul thème était
alors traité (cf. tableau ci-dessous).
30 Mars 2001,
22 juin 2001,
28 septembre 2001,
16 novembre 2001.
13 et 14 juin 2002,
10, 11, 12 octobre 2002.
12, 13, 14 juin 2003,
16, 17, 18 octobre 2003.
13, 14, 15 mai 2004,
7, 8, 9 octobre 2004.
19, 20 mai 2005,
6, 7, 8 octobre 2005.
8, 9 juin 2006,
23, 24, 25 novembre 2006.
27, 28 septembre 2007.
9, 10 octobre 2008.
22, 23 octobre 2009.
21, 22 octobre 2010.
13, 14, 15 octobre 2011.
11, 12 octobre 2012.
10, 11 octobre 2013.
Premier séminaire d'ethnobotanique du domaine européen.
La plante, de l'aliment au remède.
Méthodologie de l'enquête orale
appliquée à l'ethnobotanique.
Du symbolique à l'ornemental.
Faire de l'ethnobotanique: de
l'enquête de terrain à
l'interprétation des données.
Les céréales: de Déméter aux OGM.
L'arbre dans l'usage et l'imaginaire du
monde.
Les plantes alimentaires du
ramassage au jardin.
Du géranium au paysage.
La plante et l'animal.
Les plantes des femmes.
Colloque : Jardins et médiation des savoirs en ethnobotanique. Etat des lieux,
bilan des expériences, approches théoriques.
L'imaginaire contemporain du végétal.
Du lis à l'orchidée, d'Aphrodite à Saint Valentin : écologie végétale du
territoire amoureux.
Les plantes et le feu.
Les plantes et l'effroi.
Les fruits, nourritures ambiguës des corps et des pensées.
Temps des plantes, temps des humains.
L’objectif de cette recherche est d’interroger la place occupée par l’ethnopôle de Salagon
dans le paysage de l’ethnobotanique française. Pour cela, la première partie de ce
rapport proposera de réfléchir sur la notion « d’ethnobotanique » et
« d’ethnobotaniste » à partir des données ethnographiques récoltées. )l s’agira
d’analyser les différentes acceptations de l’activité-discipline proposées par les
participants aux séminaires de Salagon. Sur la base de ces réflexions et à partir de la
5
bibliographie existante, une ébauche de cartographie de l’ethnobotanique française
viendra clore ce chapitre. La seconde partie du rapport invitera à analyser plus
précisément « la nébuleuse Salagon » à partir des matériaux sociographiques et
ethnographiques.
Cette recherche repose sur un ensemble de données récoltées dans le cadre de trois
séjours réalisés entre mars et octobre 2013 à l’ethnopôle de Salagon. Dans un premier
temps, j’ai travaillé sur les archives du séminaire. Ces archives, qui n’avaient jamais été
exploitées, se composent de 10 boîtes dont le détail figure en annexe. Travailler sur ces
documents et plus particulièrement sur les fiches d’inscription remplies par les
participants aux séminaires m’a permis de réaliser une base de données comprenant les
nom, prénom, région d’origine, profession, « motivations dans le domaine de
l’ethnobotanique » de l’ensemble des personnes ayant assisté à la table ronde de 1997,
au colloque de 2007 et au séminaire d’ethnobotanique organisé depuis 2001. Sur le total
des quatorze manifestations, l’ethnopôle a attiré 1083 participants, soit 574 personnes
différentes.
En effet, le séminaire est largement fréquenté par un public de fidèles, dont ce rapport
fera une ethnographie détaillée. Les participants les plus assidus, mais aussi ceux dont le
profil-projet dans le domaine de l’ethnobotanique m’a semblé, au vu des éléments
fournis par les fiches d’inscriptions, représentatifs des aspirations de l’ensemble du
public, ont par la suite été contactés ce qui a conduit à la réalisation d’entretiens semidirectifs au cours de l’été
. Enfin, le troisième séjour de recherche m’a donné
l’occasion d’assister au douzième séminaire. Participer à cette conférence, observer les
interactions entre les intervenants et les participants, goûter à l’ambiance générale, mais
également poursuivre les entretiens ethnologiques m’a permis de clore la partie
purement ethnographique de cette recherche. Voici la liste des matériaux archivistiques
et ethnographiques sur lesquels repose cette recherche :
boites d’archives stockées à l’ethnopôle regroupant pêle-mêle les fichiers
d’inscriptions des participants aux séminaires, les programmes des douze
séminaires, des courriers, les publications envoyées par les intervenants etc. Le
détail figure en annexe.
boîtes d’archives (Cotes 19930615/13 et 19930615/24) conservées aux
Archives nationales et consultées sur le site de Pierrefitte. Ces boîtes contiennent
des documents qui émanent de la Mission du Patrimoine Ethnologique et qui
retracent l’histoire du Conservatoire ethnologique de Salagon devenu en
Ethnopôle et en 2000 Musée départemental.
2 carnets de terrain contenant les notes prises lors des trois séjours de recherche
à l’ethnopôle et durant le séminaire d’ethnobotanique des 10 et 11 octobre 2013,
10 questionnaires remplis par les membres du collectif des « rencontres
ethnobotaniques », réseau d’ethnobotanistes constitué à Salagon en
,
26 entretiens enregistrés et retranscrits (cf. tableaux ci-dessous).
6
Liste des personnes rencontrées dans le cadre de l’ethnographie.
Toutes n’ont pas participé à un séminaire de Salagon)
NOM
PRENOM
REGION /
DEPARTEMENT
CATEGORIE
PROF.
METIER
FIDELITE
INTERV.
AMIR
MAGALI
PACA / 04
RECHERCHE
CHI
ASSIDU
OUI
BAIN
ELISE
ALSACE / 68
RECHERCHE
CHI
ASSIDU
OUI
BODOR
CORINE
PACA/ 04
EDUCATION
ANIM
0
NON
BOISVERT
CLOTILDE
ILE DE FRANCE / 75
CULTURE
ECRIVAIN
HABITUE
NON
BRUNEAU
EVA
PACA / 04
CULTURE
JARDIN;SLG
HABITUE
NON
CARRAT
CAROLINE
PACA / 04
EDUCATION
ASSO
HABITUE
NON
CHABER
LAURENCE
PACA / 04
RECHERCHE
CHI
ASSIDU
OUI
CHOLEZ
VANESSA
CHAMP. ARDENNE / 52
RECHERCHE
THESE
FAMILIER
OUI
COLL
DOMINIQUE
PACA / 05
EDUCATION
ASSO
ASSIDU
OUI
COSTE
PIERRE
PACA / 04
CULTURE
CULT
HABITUE
NON
COUPLAN
FRANCOIS
Suisse
EDUCATION
FORM
0
NON
DORE
DOROTHY
PACA / 04
CULTURE
SLG
ASSIDU
OUI
DUQUE
CORINE
BRETAGNE / 29
NATURE
JARDIN
0
NON
DURAND
JEAN-YVES
Portugal
RECHERCHE
CH
ASSIDU
OUI
GALL
LAURENT
BRETAGNE / 22
RECHERCHE
THESE
HABITUE
OUI
GARRETA
RAPHAELLE
MIDI-PYRENEES / 65
NATURE
CB
ASSIDU
OUI
GUARDIOLA
PIERRE
PACA / 04
NATURE
FORET
HABITUE
NON
HELARY
CELINE
PACA / 04
HERBORISTE
HERBO
REGULIER
NON
LIEUTAGHI
PIERRE
PACA / 04
RECHERCHE
CHI
ASSIDU
OUI
LIZET
BERNADETTE
ILE DE FRANCE / 75
RECHERCHE
CH
REGULIER
OUI
LUCCIONI
PASCAL
RHONE ALPES / 69
RECHERCHE
CH
ASSIDU
OUI
MARCO
CLAUDE
PACA / 13
EDUCATION
ASSO
HABITUE
OUI
MICHEL
CECILE
RHONE ALPES / 69
EDUCATION
ANIM
HABITUE
NON
MUSSET
DANIELLE
PACA / 04
RECHERCHE
CH
ASSIDU
OUI
RECKINGER
RACHEL
Luxembourg
RECHERCHE
CH
REGULIER
NON
THEVENIN
THIERRY
LIMOUSIN / 23
HERBORISTE
AGRI; PAM
HABITUE
NON
Quelques statistiques sur la catégorie professionnelle, le sexe et la
fidélité des informateurs :
Participations
0
2
3
Entre 4 et 8
Entre 9 et 14
Total
Catégorie Prof.
NB
4
1
2
9
10
26
NB
%
Herboriste
2
7,70%
Nature
3
11,50%
Culture
4
15,40%
Education
6
23,10%
Recherche
11
42,30%
Total
26
100,00%
%
15,4%
3,8%
7,7%
34,6%
38,5%
100,0%
Sexe
NB
%
Homme
9
34,60%
Femme
17
65,40%
26
100,00%
Total
Légende :
CH : chercheur
CHI : chercheur indépendant
ANIM : animateur
JARDIN : jardinier
SLG : Salagon
ASSO : métier dans l’associatif
FORM : formateur
AGRI : agriculteur
PAM : plantes médicinales
THESE : doctorant
CB : conservatoire botanique
FORET : forestier
CULT : travail dans la culture (conservateur,
éditeur)
7
I)
Esquisse d’une typologie de l’ethnobotanique
La liste des thèmes abordés au cours des quatorze manifestations organisées par
Salagon le prouve : les sujets de l’ethnobotanique sont divers et variés. Mais avant même
de réfléchir aux thématiques privilégiées de l’ethnobotaniste, il faut savoir de quoi on
parle exactement. L’ethnobotanique constitue-t-elle une activité vouée à la restitution
d’usages et de savoirs, invitant à renouer avec le végétal dans la tradition orale, une
science particulière, pratiquée dans les laboratoires de recherche, ou bien encore un
mode de vie, une philosophie du quotidien, qui pourrait dès lors être appliquée par tout
un chacun ?
A) L’ethnobotanique : champ d’application et méthodologie.
« Déjà le mot "ethnobotanique" n’est pas évident mais ce que ça peut recouvrir ça reste un
peu mystérieux. » Caroline Carrat, jardinière et participante au séminaire.
1/ Une définition large : l’ethnobotanique comme pratique.
Faire de l’ethnobotanique ou acheter des tomates
Nombreux sont les interlocuteurs qui distingueront, au cours des entretiens, deux types
d’ethnobotanique : une ethnobotanique du quotidien, faite de recours pratiques aux
plantes, souvent médicinales, et une ethnobotanique plus réflexive, constituée de
discours intellectuels sur les usages et les représentations qui lient les hommes aux
plantes. Ainsi de François Couplan, ethnobotaniste évoluant en dehors de Salagon3:
« pour moi il n’y a pas une ethnobotanique puisqu’il en existe plusieurs façons. A partir du
moment où vous mangez des tomates vous faites de l’ethnobotanique. A partir du moment
où vous portez un tee-shirt en coton vous faites de l’ethnobotanique. Donc c’est difficile de
donner une définition. L’ethnobotanique c’est l’art de vivre avec les plantes. Mais il est bien
évident que ce n’est pas la définition que donnerait un anthropologue ou les gens de
Salagon, qui ont leur vision à eux de l’ethnobotanique, une vision qui est tout à fait
respectable. Moi l’ethnobotanique qui m’intéresse c’est de donner aux gens le maximum de
clés pour trouver un art de vivre avec les plantes qui est à la base de toute vie sur terre ».
Jean-Yves Durand, ethnologue et membre du nouvellement créé comité scientifique du
séminaire de Salagon, arrive à peu près à la même conclusion : « on a tendance, en
général, à penser uniquement que l’ethnobotanique est un ensemble de savoirs, de
classifications, applicables avec une dimension empirique. Mais il me semble que c’est bien
plus que cela. L’ethnobotanique ce n’est pas l’étude des relations réciproques des hommes
avec les plantes, c’est d’abord toutes les relations qui unissent les hommes avec les plantes.
Donc c’est l’étude de ces relations mais ce sont déjà les relations en elles mêmes ».
3
F a çois Coupla
’a ja ais assist à u s
i ai e de Salago .
8
Ces deux définitions ne semblent pas incompatibles pour tous les participants au
séminaire de Salagon, dont beaucoup reconnaissent volontiers l’intérêt des deux
aspects. Pierre Guardiola, ouvrier forestier, « habitué »4 du séminaire de Salagon,
explique ainsi « je ne sais pas si c’est la bonne définition mais je pense que
l’ethnobotanique étudie les usages des plantes, usages magiques, médicinaux, industriels...
Ca peut intéresser les ethnologues, les botanistes et les ethnobotanistes ! En tout cas ça fait
partie des savoirs qui ne sont pas réservés aux scientifiques. Toutes les vieilles personnes
que j’ai pu rencontrer et qui ont des connaissances sur les plantes, ce sont des ethnologues
en herbe ! Ou ils font de l’ethnologie sans le savoir ! ». Ainsi, pour Pierre Guardiola,
l’ethnobotanique comprend bien une dimension réflexive, « scientifique », mais intègre
aussi une dimension plus pratique, mise en application par de nombreuses personnes
qui feraient de l’ethnobotanique sans le savoir. « Moi n’étant pas vraiment scientifique je
viens surtout pour le côté pratique. Mais il en faut pour tout le monde. La qualité de ce
séminaire c’est que chaque année elle est relevée par les personnes qui font des recherches
mais s’il n’y avait pas des gens comme Dominique Coll ça serait dommage quoi ! ».
L’ethnobotanique appliquée
L’ethnobotanique comme pratique, comme expérimentation de la relation hommeplante, n’est pas une définition admise par tous les interlocuteurs. Magali Amir,
chercheuse indépendante en ethnobotanique, rejette cette approche trop large de la
discipline et conteste l’idée de « Jean-Yves Durand pour qui quand on achète des tomates
on fait de l’ethnobotanique. Moi je ne suis pas d’accord, quand on achète des tomates on ne
fait pas de l’ethnobotanique, on achète des tomates ». Toutefois, de nombreux
participants reconnaissent à certains intervenants le don de rendre l’ethnobotanique
plus concrète, plus expérimentale, moins intellectuelle. Dominique Coll est souvent citée
par les participants qui cherchent à distinguer deux types d’approches dans
l’ethnobotanique : l’une purement scientifique, la seconde plus appliquée. Dans
l’ensemble du corpus des entretiens, son nom apparaît 28 fois. Pour Elise Bain,
ethnologue et co-organisatrice du séminaire de Salagon, « Dominique Coll n’est pas du
tout ethnologue, mais elle fait de l’ethnobotanique appliquée ».
Les commentaires sur l’approche de Dominique Coll sont souvent élogieux. Ainsi d’Eva
Bruneau, jardinière à Salagon, « elle fascine tout le monde, tous les gens qui ont des mines
de connaissances car ils ont vachement étudié, ils sont fascinés car elle quand elle parle,
elle vit le truc ». Les jardiniers et les forestiers ne sont pas les seuls à apprécier les
conférences de Dominique Coll. Pour Jean-Yves Durand, « Dominique Coll, qui n’est pas
du tout universitaire, m’apporte des quantités d’informations, un type de regard sur une
réalité que je trouve réellement enrichissant ». Laurent Gall, doctorant en ethnoécologie5,
4
Da s la se o de pa tie de e appo t, o disti gue a l’assiduit des pa ti ipa ts au s i ai e selo le o
e de fois où ils
y ont assistés. La qualité « habitué » est attribuée aux personnes qui sont venues entre 4 et 8 fois au séminaire.
5
Si l’eth o ota i ue s’i t esse aux appo ts ue les ho
es e t etie e t ave les pla tes, l’eth o ologie p e d e
o pte les elatio s ue les so i t s tisse t ave l’e se le de leu ilieu atu el.
9
considère pour sa part que « Dominique Coll a une approche de terrain, avec les gens du
cru, elle essaye de faire revivre les savoirs et je crois qu’elle réussit ».
Dominique Coll et Claude Marco sont sans doute, à Salagon, les deux représentants de
cette forme d’ethnobotanique. Les communications de ces intervenants se démarquent
par un même effort sur la forme et la restitution. Dominique Coll l’admet, « je ne me vois
pas arriver qu’avec mon ordinateur. Des fois je déménage la moitié de ma maison ! Il faut
que ça passe ». En 2010, Claude Marco avait proposé une communication théâtralisée, le
programme mentionnait d’ailleurs à côté de son intervention « conférence-spectacle ».
Pour l’ancien instituteur, l’ethnobotanique « c’est un terme énormément galvaudé … Il y
a des gens que je ne supporte pas qui prennent le titre d’ethnobotaniste. Pour moi ces gens
ils font de l’anecdo-botanique, c’est un terme que j’ai inventé. (...) Mais plutôt que de dire
que c’est de la mauvaise ethnobotanique, peut être que c’est un champ complètement
différent dont le but n’est pas de trouver de la vérité mais de susciter un intérêt pour les
plantes. … On raconte des anecdotes sur les plantes et c’est ce que je fais. En fait mon
domaine d’intervention, sauf deux ou trois trucs, mes spectacles, c’est de l’anecdobotanique : comment raconter des histoires sur les plantes qui font qu’on les voit
autrement ».
Les représentants de cette ethnobotanique appliquée ou « anecdo-botanique » ne
revendiquent pas le titre d’ethnobotanistes. Ils se reconnaissent « non scientifiques » et
marquent d’ailleurs un vif respect pour ceux qu’ils considèrent comme les vrais tenants
de l’ethnobotanique. Claude Marco s’enthousiasme ainsi d’avoir « découvert cette année
toute une nouvelle génération, essentiellement des jeunes femmes. Moi j’ai été épaté, avec
une approche scientifique, de la méthodologie, de la passion, j’ai été complètement bluffé,
vraiment le baume au cœur. … Moi je leur baise les pieds car du coup je ne me sens plus
obligé de faire des petits trucs car il y a ces jeunes qui arrivent et ils le feront 10 fois mieux
que moi ». Quant à Dominique Coll, elle estime que les ethnobotanistes de Salagon « sont
vraiment des gens qui me font grandir ».
L’ethnobotanique
complémentaires
scientifique
et
l’ethnobotanique
appliquée :
deux
approches
Les informateurs proposent l’exemple de Dominique Coll pour distinguer, voire opposer,
l’ethnobotanique « scientifique », « universitaire », de l’ethnobotanique « appliquée »,
« pratique », « vivante ». Si la première est quelque peu dénigrée par certains, et
notamment par François Couplan pour qui « l’ethnobotanique ça doit pas rester dans les
musées », la plupart des participants au séminaire s’accommodent volontiers des deux
dimensions. Ainsi de Pierre Guardiola qui justifie sa participation au séminaire en
expliquant que « moi quand j’y vais je prends des notes et je suis toujours à l’affut de la
plante, de recettes, de méthodes, de choses comme ça. Tout ce que je peux prendre qui peut
me servir après pratiquement dans la nature quand je me retrouve à me balader ou en
10
bossant. Mais je comprends que ça ne peut pas être que cela. Ca ferait baisser, je pense, la
qualité, le niveau du séminaire. Mais c’est vrai qu’il y a des fois où très humblement on
comprend peut être pas tout (rires) ». Dominique Coll apprécie également l’aspect plus
scientifique de certaines communications proposées à Salagon « je trouve que ça
m’oblige à écouter des conférences difficiles et c’est pas mal. Pascal Luccioni au début je me
disais "c’est pas possible, je comprends rien à ce mec, il pense en grec !" […] Jamais je ne
serais allée à une conférence d’un mec comme cela, et je m’aperçois que la sélection nous
impose cela et ça me fait faire un bond ».
L’intérêt des communications de Dominique Coll, qui contrastent avec certaines
conférences, est soulevé par de nombreux participants. Danielle Musset, directrice de
l’ethnopôle et co-organisatrice du séminaire, constate en effet que « tout le monde adore
ses interventions car elle fait cela sans prétention du tout, elle raconte, c’est une
praticienne ». Ainsi, à Salagon, l’ethnobotanique scientifique coexiste volontiers avec
cette ethnobotanique plus appliquée. Pourtant, pour Dominique Coll, il n’a pas été
évident d’intervenir au séminaire « je me souviens que je pensais que je n’avais pas ma
place au séminaire. … Je me disais "ce qu’ils font c’est génial, mais je ne suis pas du
niveau, je ne peux pas y aller". … J’avais l’impression qu’il fallait que je me justifie, j’avais
qu’une envie c’était d’être acceptée à ce séminaire. … Et je me suis aperçue que Salagon
me prenait comme j’étais, sans mon côté scientifique. J’expérimente, je me trompe, faut que
ça passe vraiment par la pratique, beaucoup, beaucoup, beaucoup ». Si les
communications de Dominique Coll sont toujours appréciées, pour certains, la « nonscientificité » de ses travaux nécessite de la classer dans un autre registre. Pour Thierry
Thévenin, producteur de plantes médicinales et herboriste, « Dominique Coll ne fait pas
du tout de l’ethnobotanique mais ça passionne tout le monde, elle incarne, elle est
typiquement dans les gens qui incarnent leur sujet ». Pour Elise Bain, « elle n’est pas du
tout scientifique, elle le dit elle-même, mais elle est intéressante car elle pratique
énormément ».
En définitive se profilent déjà trois visions de l’ethnobotanique. La première,
franchement différente des deux autres, proposée par Jean-Yves Durand et François
Couplan, voit de l’ethnobotanique dans tous rapports unissant l’homme au végétal. Les
deux suivantes estiment que l’ethnobotanique n’est pas le rapport qui unit l’homme à la
plante mais l’étude de ce rapport. Comme l’argumente Magali Amir « pour faire de
l’ethnobotanique il faut savoir qu’on en fait ». Ces deux définitions se rejoignent sur
l’objet de l’activité, qui est vouée à l’étude des relations hommes plantes, mais divergent
dans leurs approches et thématiques privilégiées. Tandis que « l’anedco-botanique »
propose une réflexion théâtralisée et expérimentale de la relation hommes/plantes,
l’ethnobotanique comme discipline, en plein questionnement méthodologique, repose
sur des jalons scientifiques qu’il convient maintenant d’étudier.
11
2/ Une définition plus restrictive : l’ethnobotanique comme discipline
Une discipline à part entière ?
Tandis que certains voient de l’ethnobotanique « partout », d’autres, au contraire, posent
des conditions bien particulières à l’exercice « scientifique » de l’ethnobotanique. Mais
qu’est ce qui distingue réellement l’ethnobotanique « scientifique » de l’ethnobotanique
appliquée ou anecdo-botanique ? N’est-il pas absurde de qualifier la première de
scientifique et la seconde « d’amatrice » compte tenu du fait que l’anecdo-botanique
repose sur l’expérimentation : une méthode à la base du protocole scientifique ? Pour
Pierre Lieutaghi « il y a ethnobotanique comme démarche quand on s’interroge sur une
relation au végétal, ou plus exactement, sur un fait de société déterminé, fût-ce de façon
indirecte, par la présence, ou un signe quelconque, dans le réel ou l’abstrait, d’une ou de
plusieurs plantes. Quant à l’ethnobotanique comme discipline, c’est une ethnologie à
velléités globales qui choisit de considérer les sociétés dans la plus large étendue possible
de leurs relations avec le végétal et les milieux végétaux, dans la prise en compte des
méthodes des sciences humaines aussi bien que des données naturalistes »6.
Historiquement, l’ethnobotanique « comme discipline » s’est développée en France dans
les années 1960, sous l’impulsion d’André-Georges Haudricourt et de Roland Portères
qui initièrent au Muséum National d’(istoire Naturelle un courant de recherche fondé
sur l’interdisciplinarité. Dans son « cours d’ethno-botanique générale » délivré en 1969aux étudiants du laboratoire d’ethno-botanique et d’ethno-zoologie du Muséum,
Roland Portères expliquait que l’ethno-botanique « n'est inféodée ni à la botanique ni à
l'ethnologie, … elle représente une explication nouvelle de l'une et de l'autre, en ce sens
qu'elle explique l'une par l'autre, tout en gardant son unité, son autonomie et son
originalité, pour rester créatrice ». A Salagon, cette définition a été largement débattue
lors du premier séminaire d’ethnobotanique de
. Pour Pierre Lieutaghi, « cette
position théorique à la croisée des voies dont on sait à quel point elles se sont longtemps
ignorées l’une l’autre et se suspectent encore ne s’accorde pas bien à la réalité des faits ».
En effet il y a un « maniement de l’ethnobotanique qui diffère selon la perspective initiale
où l’on se situe ». Pour l’ethnobotaniste, « l’ethnobotanique "naturaliste", pour autant
qu’on ne s’en tienne pas aux simples inventaires, va plutôt privilégier la prise en compte des
incidences de la flore et du milieu végétal sur les faits de société. Avec le risque de voir
l’attention trop exclusive à la plante faire négliger certaines contingences sociales qui soustendent, en arrière plan, ce qui se manifeste à travers cette plante. A l’inverse,
l’ethnobotanique comme simple thème de recherche dans un propos ethnologique plus
large tendra à se servir des rapports au végétal comme illustration, parmi d’autres, de
l’interrogation ethnologique ou anthropologique sur une société donnée. Elle oubliera les
6
LIEUTAGHI Pierre, 2003, E t e atu alis e et s ie es de l’ho
approche globale des relations plantes/sociétés, A tes du s
volume.
e, uel o jet pou l’eth o ota i ue ? Eléments pour une
i ai e d’ethnobotanique de Salagon, page 42, Premier
12
spécificités qui s’attachent au couple plantes/sociétés. Elle négligera habituellement ce
qu’on peut déjà apprendre d’important en considérant pour lui-même le milieu végétal qui
participe à la construction de l’espace du regard, des activités sociales, et plus
profondément des représentations du monde »7.
L’approche naturaliste et l’approche anthropologique
Dès lors, force est de privilégier l’une ou l’autre des deux entrées possibles. Tandis que
pour Pierre Lieutaghi « c’est sur l’arrière-plan naturaliste que l’ethnobotanique comme
discipline semble susceptible de produire le plus d’interrogations spécifiques, car elle peut
alors faire la part de ce qui relève en propre du végétal »8, pour de nombreux
informateurs, l’ethnobotanique est un champ de l’ethnologie. Elise Bain par exemple se
place « dans l’école de ceux qui pensent qu’on est plus dans le répertoire des discours. Et
pour répertorier des discours il faut être ethnologue, sans forcément avoir suivi une
formation universitaire de cinq ans mais il faut savoir ce que c’est l’ethnologie et en
maitriser la méthodologie, savoir faire des entretiens, savoir repérer les discours, savoir
poser les bonnes questions, mener des entretiens semi directifs pour faire parler au
maximum les personnes pour comprendre ce qu’ils ont à dire sur les représentations ». Il en
va de même pour Vanessa Cholez, doctorante en anthropologie au Muséum, pour qui « le
rapport hommes/plantes constitue une des portes d’entrées pour comprendre les sociétés
et le fonctionnement d’un groupe d’individus. J’aborde le végétal comme un révélateur,
comme une grille de lecture ». Rachel Reckinger, ethnologue et ancienne organisatrice du
séminaire, considère également que l’ethnobotanique est « une sous discipline de
l’ethnologie : on s’intéresse d’abord à ce que fait l’homme avec les plantes plutôt que ce que
font les plantes avec l’homme, j’ai toujours compris cela comme ça. On a cette interaction
mais qui va plutôt de l’homme vers la plante plutôt que de la plante vers l’homme. »
Ainsi, deux « écoles » semblent coexister au sein même de Salagon. Les partisans d’une
ethnobotanique « naturaliste », telle que définie par Pierre Lieutaghi, et ceux qui se
reconnaissent dans l’approche de Danielle Musset, pour qui « l’ethnobotanique est un
champ de l’ethnologie ». Pour Pierre Coste, éditeur des Actes du séminaire de Salagon,
« la façon dont les séminaires abordent l’ethnobotanique la place dans le champ de
l’ethnologie ». Il est vrai que la plupart des personnes rencontrées font de
l’ethnobotanique un courant ou un champ de l’anthropologie. Si les membres du
« collectif des rencontres ethnobotaniques » sont partagés sur la question : 30%
définissent l’ethnobotanique comme une composante de l’ethnologie, % comme une
discipline à part entière, 20% comme une discipline au carrefour des deux sciences et
20% ne se sont pas prononcés ; il est notable de remarquer qu’aucun des interrogés n’a
choisi de positionner l’ethnobotanique comme champ de la botanique. Et le constat est
7
LIEUTAGHI Pierre, 2003, E t e atu alis e et s ie es de l’ho
e, uel o jet pou l’eth o ota i ue ? Eléments pour une
approche globale des relations plantes/sociétés, A tes du s i ai e d’eth o ota i ue de Salago , pages 41-47, Premier
volume.
8
Ibid.
13
similaire lorsque l’on regarde la discipline d’origine des participants au séminaire. Si
tous n’ont pas renseigné sur leur fiche d’inscription leur « discipline de rattachement »,
sur les 359 mentions identifiées, 156 soit
, % témoignent d’un rattachement à
l’anthropologie, seulement
, % font part d’une affiliation à l’ethnobotanique et à
peine , % d’un rattachement à la botanique cf. tableau /a .
Tableau 1/a : Disciplines de rattachement des participants au séminaire de Salagon
DISCIPLINES
NOMBRE
PART
ETHNOECOLOGIE
6
1,70%
ANTHROPOLOGIE
156
43,50%
BIOLOGIE
5
1,40%
ETHNOBOTANIQUE
78
21,70%
GEOGRAPHIE
3
0,80%
BOTANIQUE
40
11,10%
PHARMACIE
2
0,60%
LITTERATURE
32
8,90%
ARCHITECTURE
2
0,60%
ECOLOGIE
HISTOIRE
9
9
2,50%
2,50%
ECOANTHRO
ARCHEOLOGIE
1
1
0,30%
0,30%
ARCHEOBOTANIQUE
8
2,20%
TOTAL
359
100,00%
SOCIOLOGIE
7
1,90%
Les modalités de l’ethnobotanique
Si la plupart des participants rencontrés s’accordent à dire que l’ethnobotanique est un
champ de l’ethnologie, tous ne sont pas d’accord en revanche sur l’importance attribuée
à la compétence naturaliste. Pour Eva Bruneau, l’ethnobotanique « ça fait partie de
l’ethnologie. La base naturaliste est moins importante, à un moment donné ce n’est pas une
base, c’est un élément qu’il faut avoir dans son sac ». En revanche, pour Thierry Thévenin,
« il faut avoir les qualités d’un ethnologue, pas forcément être diplômé, je pense qu’on peut
très bien faire de l’ethnobotanique sans avoir eu aucune formation en étant complètement
autodidacte, mais il faut avoir ces qualités : un peu de recul, de temps aussi, pour écrire,
rédiger, voir les choses. Et une compétence en botanique, ça j’en suis certain, et je trouve
que le mot ethnobotanique est un peu dévoyé à cause de cela, il y a beaucoup
d’ethnobotanistes qui ne sont pas du tout botanistes et c’est vraiment source d’erreur ».
Danielle Musset arrive encore plutôt au constat inverse puisqu’elle considère que « bien
sûr il faut connaitre la botanique mais on ne peut pas faire d’ethnobotanique si on n’a pas
de formation d’anthropologue ». Pour l’ethnologue, disposer d’une compétence en
ethnologie est primordiale car « il y a beaucoup de gens qui font de l’ethnobotanique mais
pour moi ça manque complètement de dimension anthropologique. L’ethnobotanique ça
doit permettre d’avoir une compréhension globale de la société et de son rapport au
monde ». S’il est si difficile de définir la place de l’ethnobotanique, « au carrefour des
sciences naturelles et des sciences humaines »9, cela tient aussi au fait qu’il est rare de
posséder une égale compétence en ethnologie et en botanique. Comme le constate JeanYves Durand « dans cette histoire d’ethnobotanique je me sens compétent en ethno mais
pas en botanique et il y a à Salagon des gens qui sont compétents de l’autre côté et
9
BARRAU Jacques, 1971, « L'ethnobotanique au carrefour des sciences naturelles et des sciences humaines », Bulletin de la
Société Botanique de France, Vol. 118, pp. 237-248.
14
quelques un qui arrivent à faire le pont de manière pleine et entière. Mais ils sont une
minorité dans l’ensemble, c’est sûr ». Dans un rapport rédigé en 2000 et proposant un
Etat des lieux des Formations et de la Recherche en Ethnobotanique du Domaine
Européen10, Rachel Reckinger décrivait les différents cursus existant pour se former en
ethnobotanique en Europe. Comme le notait l’ethnologue, « l’ethnobotanique en tant que
matière alimentant la totalité d’un cursus n’est enseignée qu’à l’Université de Lille. Elle fait
par ailleurs l’objet d’un séminaire intensif, alliant l’ethnobotanique à
l’ethnopharmacologie, co-organisé par la Société Française d’Ethnopharmacologie SFE
et l’Université de Metz ». Mais ces cursus, étudiés plus en détail dans la partie suivante,
privilégient très largement l’ethnopharmacologie.
Les structures proposant une formation qualifiante en ethnobotanique étant rares, la
plupart des ethnobotanistes disposent soit d’une formation d’ethnologue, soit d’une
formation de naturaliste. Ainsi, sur les 10 membres du « collectif des rencontres
d’ethnobotaniques »,
% ont une formation d’anthropologue ou de sociologue,
%
disposent d’une formation d’écologue et % ont réalisé des études dans des domaines
tout à fait différents. Bernadette Lizet, chercheuse au Muséum, le constate aussi : « ce
n’est pas facile de recruter des ethnobotanistes ! )l y a un problème de fonds de
compétences qui n’est pas facile à trouver ». Pourtant, si une formation en
ethnobotanique existait, elle remporterait sans conteste un vif succès. Pierre Lieutaghi
en fait foi « je reçois toutes les deux semaines des coups de fil de gens qui voudraient faire
de l’ethnobotanique. Je ne peux pas leur répondre ! Ils vont aller à Lille ou à Metz faire de
l’ethnopharmacologie, ce n’est pas inutile en soi, mais les problématiques débattues à
Salagon ne sont débattues nulle part ailleurs ».
Dès lors, s’il est difficile de définir la place exacte de l’ethnobotanique comme discipline
et qu’il est a fortiori ardu d’attribuer les compétences requises pour l’exercer, et ce
d’autant plus qu’il n’existe pas de formation qualifiante en ethnobotanique, qui peut
légitimement se qualifier d’ethnobotaniste ? Comme le constate Pierre Lieutaghi,
Salagon « réunit des gens qui ne sont pas, la plupart d’entre eux, au sens strict, des
ethnobotanistes. Ce sont des personnes d’autres disciplines qui un moment donné, dans leur
travail, rencontrent des problématiques qui ont à voir avec l’ethnobotanique. A ce moment
là ils parlent de quelque chose qui rentrent dans le champ de l’ethnobotanique sans être
ethnobotanistes, ça fait rebondir les choses, ça interroge ». Ainsi d’Elise Bain qui ne se
qualifie pas d’ethnobotaniste étant donné « [qu’au] au niveau de ma formation
universitaire, j’ai fait des études d’anthropologie, donc je ne peux pas dire que je suis
botaniste, je suis anthropologue. Comme il n’y a pas de chaire d’ethnobotanique en France,
qu’il n’y a pas de formation universitaire en ethnobotanique, c’est logique qu’on ne puisse
pas se dire ethnobotaniste ».
10
RECKINGER Rachel, Etat des lieux des Formations et de la Recherche en Ethnobotanique du Domaine Européen,
www.culture.gouv.fr/mpe/ethnopoles/Salagon/documents/rapportethnobota.rtf
15
3/ L’ethnobotanique comme métier
L’ethnobotanique ne fait pas l’ethnobotaniste
« J’évoque souvent l’exemple du mémoire il reste, semble-t-il, à écrire) sur les nombreux
rituels qui accompagnent le semis du persil : est-ce qu’on est ethnobotaniste pour avoir
conduit ce type d’étude ? Ne peut-on s’en tenir à la qualité d’ethnologue ou d’ethnographe ?
Sans doute s’agit-il de distinguo de peu d’importance, puisque ces divers travaux prennent
bien place parmi les thèmes de l’ethnobotanique générale, et enrichissent celle-ci d’autant
mieux qu’ils répondent à une ethnologie bien construite. Pour autant, l’ethnobotanique
comme champ de l’ethnologie, si elle s’alimente de toutes les productions de l’ethnologie
qui la concernent, ne se fait discipline en droit de s’affirmer autonome que lorsqu’elle
devient l’essentiel non seulement d’un travail, mais d’une pensée à visées synthétisantes :
" faire de l’ethnobotanique" est une chose, que beaucoup partagent, se dire ethnobotaniste
une autre »11.
A en croire Pierre Lieutaghi, de nombreux ethnologues revendiqueraient le titre
d’ethnobotaniste pour avoir simplement travaillé, à un moment donné de leur carrière,
sur un sujet en prise avec le végétal. C’est plutôt la tendance inverse que révèle cette
ethnographie. Pour commencer, sur l’ensemble des participants aux séminaires
,
seulement 3,2% ont inscrit sur leur fiche d’inscription qu’ils étaient ethnobotanistes. Sur
l’ensemble des personnes (574) ayant assisté aux séminaires, ils sont encore moins
nombreux : tout juste 2,6% « osent » se définir comme ethnobotanistes. Il semblerait dès
lors que pour avoir été galvaudée, dévoyée, « l’étiquette » d’ethnobotaniste est rarement
revendiquée par les chercheurs travaillant dans le domaine de l’ethnobotanique.
Pour proposer d’étendre la réflexion ethnobotanique, le collectif des rencontres
ethnobotaniques devrait totaliser une large part d’ethnobotanistes. Mais ici aussi, le
qualificatif n’est jamais revendiqué. A la question, « vous considérez-vous comme
un(e) ethnobotaniste » ? » aucun interrogé n’a répondu oui, , % ont refusé le titre et
pour 33, %, c’est un casse-tête. Ainsi de Laurent Gall : « qu'est-ce qu'être ethnobotaniste?
Suis-je ethnobotaniste? Sans doute! Mais je ne le revendiquerai pas » ; ou de Grégory
Nombret « s’il fallait me coller une étiquette sur le front, pourquoi pas doit-on avoir un
minimum d’années d’expérience pour ça ? . Même si je suis un peu plus ethnobotaniste que
le reste, je ne me considère pas spécialiste. Ce serait prétendre tout savoir, et l’exhaustivité
n’existe pas ». En raison de la double démarche naturaliste et anthropologique requise et
compte tenu de l’abondance des relations qui unissent l’homme à la plante, être
ethnobotaniste nécessite pour Grégory Nombret de disposer d’un savoir quasi exhaustif.
Sur ce même motif, Raphaëlle Garreta refuse le « titre » d’ethnobotaniste : « je n’ai pas les
connaissances botaniques donc moi je n’oserai pas me dire ethnobotaniste. )l n’y a pas
11
LIEUTAGHI Pierre, 2003, E t e atu alis e et s ie es de l’ho
e, uel o jet pou l’eth o ota i ue ? Eléments pour une
er
approche globale des relations plantes/sociétés, Actes du sémi ai e d’eth o ota i ue de Salagon, 1 volume, p. 45.
16
moins ethnobotaniste que moi ! ». Il y a là un déni quasi-systématique de légitimité : face
à l’étendue des savoirs en jeu, on ne se sent jamais à la hauteur, compétent, pour oser
revendiquer une expertise sur le sujet. Et ce d’autant plus qu’il n’existe pas de formation
pleine et entière consacrée à l’ethnobotanique générale.
Ethnobotaniste, un métier difficile à exercer
Pour être ethnobotaniste il faudrait dès lors être un spécialiste de l’ethnobotanique et
faire de ce domaine d’intervention l’activité principale de sa vie active. Laurence Chaber
considère ainsi qu’elle est devenue ethnobotaniste lorsqu’elle a commencé à exercer à
plein temps cette activité : « je ne peux pas me dire ethnobotaniste car je n’ai pas de
diplôme universitaire ; mais il n’y en a pas ! (rires). Mais à force de travailler à l’EP), de
faire ce travail d’enquêtes sur le terrain, il faut bien mettre une étiquette. Tant que j’étais
productrice j’étais à cheval sur les deux, ça ne gênait pas beaucoup, mais quand j’ai cessé
de l’être il me fallait une étiquette. Comme je faisais de l’ethnobotanique je suis devenue
ethnobotaniste. … En travaillant dans le domaine où je travaillais, je suis devenue
ethnobotaniste sans trop savoir comment ça s’est fait ! (rires). Un moment il faut
formaliser les choses ». Etre ethnobotaniste constituerait donc un métier. Mais pour Julie
Le Bigot, membre du collectif des rencontres ethnobotaniques, « même si c'est cela que
l'on souhaite faire il est difficile d'en vivre. Tu trouveras jamais (ou que très
exceptionnellement) une offre d'emploi pour un/une ethnobotaniste ».
Magali Amir, ethnobotaniste dans les Alpes de Haute-Provence, en a conscience : « c’est
un métier à part entière » mais « niveau économique c’est vraiment un boulot difficile ». La
précarité du métier d’ethnobotaniste est débattue au sein du collectif des rencontres
ethnobotaniques. Comme le constate Emilie Hennot « comme beaucoup d’entre nous je
parle du groupe), nous [le centre aquascope de Virelles en Belgique] n’avons pas non plus
de financement pour la recherche proprement dite ». C’est également le cas de Laurent
Gall, membre du collectif, qui se définit comme « un intermittent de l’ethnobotanique ».
Magali Amir, qui avoue « avoir du mal à bosser en tant qu’ethnobotaniste », considère que
l’ethnobotanique « c’est extensible à l’infini mais les commanditaires n’ont pas de l’argent
à l’infini à mettre dessus ! ». Dès lors, vivre de l’ethnobotanique, condition nécessaire
pour se revendiquer ethnobotaniste, constituerait un souhait largement partagé mais
difficilement réalisable compte tenu de la situation économique actuelle. C’est également
le constat auquel arrivait Laetitia Nicola qui réalisa en 2007 un rapport intitulé Création
d’une base de données sur les savoirs de la nature ; 1- inventaire ethnobotanique : « peu de
personnes rencontrées se définissent (ou ont été définies) comme ethnobotaniste (5/33).
Ce terme est très connoté et impressionne ( ça fait pompeux ) ? Cela est en partie lié à la
professionnalisation : peu d’enquêteurs vivent de l’ethnobotanique, ceux qui le font mettent
en œuvre un réel choix de vie et en vivent souvent difficilement. … L’ethnobotanique est
souvent alors le fait de recherches personnelles et bénévoles faites sur du temps libre (en
17
parallèle à une profession, la plupart sont dans la fonction publique), ce qui induit
notamment une difficulté à se reconnaître comme compétent en ethnobotanique »12.
Par ailleurs, différentes possibilités existent pour exercer professionnellement le métier
d’ethnobotaniste. Magali Amir et Laurence Chaber appartiennent à la catégorie des
chercheuses indépendantes13, Laurent Gall et Vanessa Cholez réalisent une thèse de
doctorat, )sabelle Cavallo et Dominique Bonnet sont salariées d’association, MarieClaude Paume et Pierre Lieutaghi sont écrivains, Alain Renaux et Michel Chauvet sont
chercheurs. Si peu de participants inscrivent sur leur fiche d’inscription qu’ils sont
ethnobotanistes, un certain nombre travaillent toutefois « dans le domaine de
l’ethnobotanique ». Une analyse fine des fiches d’inscription a permis d’identifier
personnes dans la base de données des personnes et 93 participants dans la base de
données comprenant l’ensemble du public du séminaire. Le tableau 1/b détaille les
catégories professionnelles des personnes identifiées comme travaillant dans le
domaine de l’ethnobotanique dans la base de données des personnes
/
soit
9,2%). Le tableau 1/c recense les catégories professionnelles des participants identifiés
comme travaillant dans le domaine de l’ethnobotanique dans la base de données des
participants (93/1083 soit 8,6%).
Tableau 1/b : Catégories professionnelles des personnes identifiées comme travaillant dans le
domaine de l’ethnobotanique dans la base de données des personnes
Catégorie professionnelle
NB
PART
RECHERCHE
EDUCATION A L'ENVIRONNEMENT
NATURE
DIVERS
MEDICAL
CULTURE
22
13
6
5
4
3
41,50%
24,50%
11,30%
9,40%
7,50%
5,70%
Total
53
100,00%
Tableau 1/c : Catégories professionnelles des personnes identifiées comme travaillant dans le
domaine de l’ethnobotanique dans la base de données des participants
Catégorie professionnelle
NB
PART
RECHERCHE
EDUCATION A L'ENVIRONNEMENT
DIVERS
NATURE
MEDICAL
CULTURE
AGRICULTURE
54
15
6
6
5
4
3
58,10%
16,10%
6,50%
6,50%
5,40%
4,30%
3,20%
Total
93
100,00%
12
NICOLA Laetitia, 2007, C éatio d’u e ase de do ées su les savoi s de la atu e, - inventaire ethnobotanique, rapport
final, Missio à l’Eth ologie, non publié.
13
Cette composante sera étudiée dans la seconde partie du rapport.
18
Un expert compétent et passionné
Le métier d’ethnobotaniste se situe donc à l’interface entre plusieurs domaines
d’activités : il comprend nécessairement une partie ethnographique consacrée à la
récolte d’information, une compétence rédactionnelle pour la mise en forme des
données, enfin du temps doit aussi être consacré à la restitution et à l’organisation
d’ateliers/animations de sensibilisation. Par ailleurs, comme le constate Magali Amir,
« entre le professionnel et le personnel il n’y a pas vraiment d’écart. Mon intérêt pour
l’ethnobotanique et pour les plantes ne s’arrêtent pas quand j’ai fini mon boulot, c’est tout
le temps que je suis mon fil d’ethnobotaniste, d’amoureuse des plantes, d’amoureuse des
gens, de ce lien là ».
Comme en témoigne Magali Amir, la pratique de l’ethnobotanique se caractérise aussi
par un investissement émotionnel de toute la personne et déborde largement du strict
cadre professionnel. Les termes employés par l’ethnobotaniste, qui se décrit comme
« amoureuse » de son sujet de recherche, invitent à s’interroger sur l’engouement bien
particulier dont les ethnobotanistes font preuve lorsqu’ils parlent de leur travail. Ainsi
de Vanessa Cholez qui évoque sa « sensibilité particulière avec le monde végétal. J’avais
envie de travailler sur quelque chose qui m’anime dans le cadre de ma thèse ». Ou de
Laurence Chaber : « le fil conducteur de ma vie c’est le végétal ». Mais aussi de Pierre
Lieutaghi qui juge son parcours « plutôt dirigé par des engouements, des coups de cœur,
sinon des passions, que par des raisons de construction de carrière ». Enfin, pour François
Couplan, « ethnobotaniste ça veut dire vivre des plantes, vivre avec les plantes ».
Par ailleurs, la rencontre avec le végétal remonte souvent à l’enfance et fait à ce titre
partie de l’histoire personnelle des informateurs. Vanessa Cholez explique ainsi que
« depuis la petite enfance j’ai une attirance, une fascination pour le monde végétal qui
m’interpelle beaucoup. … En fait, petite, c’était vraiment les petites plantes qui
m’interpellaient, la diversité des formes, des couleurs, leurs propriétés, parce que mon père
va extrêmement rarement chez le médecin, il se soigne par lui-même et par les plantes,
c’est comme ça que ça a commencé ». Les grands-mères tiennent un rôle privilégié dans
ces rencontres avec le végétal. Dans l’ensemble du corpus, le terme « grand-mère » est
cité 29 fois. Notamment par Dominique Coll « quand je réfléchis j’ai des souvenirs très
petite de cette grand-mère qui me racontait comment elle allait au génépi, que la
montagne était glissante, elle me racontait que son arrière grand oncle était colporteur de
l’Oisans. … Donc j’ai des souches, j’ai vraiment ça dans les gênes ». Et par Corinne Bodor
et Corinne Duque, qui réalisaient toutes les deux un stage à Salagon cet été. Quand elles
racontent leur rencontre avec le végétal, elles se remémorent des souvenirs de vacances,
passées auprès de leur grand-mère. La première raconte ainsi « on avait notre grandmère qui utilisait pas mal les plantes, elle avait un potager, elle avait plein de recettes.
Donc il y a un retour aux sources ». Et la seconde « avec ma grand-mère on ramassait des
petites plantes sauvages, des tussilages, pas grand-chose, de la matricaire. Et puis j’aimais
bien les tisanes de ma grand-mère ».
19
Plusieurs participants décrivent également dans des termes exaltés leur rencontre avec
l’ethnobotanique. Eva Bruneau se souvient très bien du jour où « le mot ethnobotanique
a fait son apparition … . C’était vraiment un coup de cœur. … Je n’ai pas de
spécialisation tout ce que j’ai c’est cet amour. … Tout m’intéresse dans la plante. …
J’aime autant faire sécher une plante, la cuisiner, la jardiner, concevoir un jardin, y’a tout
qui me plait dans la plante. La plante elle me parle, c’est un monde qui me parle, dans
lequel je suis bien ». Déjà discipline et métier, l’ethnobotanique constitue également une
passion. Dans l’ensemble du corpus constitué par les
entretiens, 80 mots sont
composés autour du radical « passion » (cf. tableau 1/d)
Tableau 1/d : Liste des mots composés autour du radical « passion »
passionnant
passionner
passion
passionné
passionnel
27
21
17
14
1
adjectif
verbe
nom
adjectif
adjectif
Telle qu’elle se pratique à Salagon, l’ethnobotanique requiert un amour des plantes, une
passion pour le monde végétal. Comme le constate Bernadette Lizet, « le public est
vraiment très spécial, par cette passion, l’investissement de toute la personne, le plaisir d’y
être, ça remplit l’existence l’ethnobotanique, c’est une vision du monde, une vocation ».
Mais cette caractéristique est-elle commune à tous les acteurs français de
l’ethnobotanique ou fait-elle justement la spécificité de « l’école de Salagon »?
20
B) Ebauche d’une cartographie de l’ethnobotanique française
« En fait je ne sais pas où sont les ethnobotanistes aujourd’hui. J’en connais dans des
endroits très diversifiés. … Pour moi il n’y a pas grand monde qui fait de l’ethnobotanique
en France. » Magali Amir, ethnobotaniste dans les Alpes de Haute Provence.
1/ L’ « école » de Salagon
Salagon et la Mission du Patrimoine Ethnologique
Créée en 1978, la Mission du Patrimoine Ethnologique (MPE) devenue par la suite
Mission à l’ethnologie et récemment fondue dans le département du pilotage de la
recherche et de la politique scientifique de la Direction générale des patrimoines, a
partie liée avec l’histoire de Salagon. Le 9 août 1978 est instituée au sein du Ministère de
la culture une direction du Patrimoine. Le 28 décembre 1978, le ministre de la Culture,
Jean-Philippe Lecat, confie à Redjem Benzaïd, inspecteur général des Finances, la
présidence d’un groupe d’experts chargé « d’étudier le contenu d’une politique nationale
du patrimoine ethnologique dans les domaines de la recherche et de la formation, de
l’action culturelle, de la conservation et de la diffusion »14. Coordonné par Isac Chiva,
directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et sous-directeur du
Laboratoire d’anthropologie sociale, le groupe de travail rend en octobre
son
15
rapport intitulé L’Ethnologie de la France, besoins et projets . Quelques mois plus tard, le
15 avril 1980, naissaient le Conseil du Patrimoine Ethnologique et la Mission du
Patrimoine Ethnologique.
Ces deux outils institutionnels ont pour but de contrôler les différents mouvements de
patrimonialisation qui émergent au même moment dans la société civile. Comme le
relate Pierre Nora « les autorités centrales découvrent avec un mélange de stupeur et
d’effarement que, depuis trois ou cinq ans, un immense tissu local s’était spontanément
constitué sur le terrain, sans rien demander à personne : pas moins de six mille associations
de défense du patrimoine et quatre mille associations rurales de culture et de loisirs ! Une
régionalisation de fait s’était installée avant la loi. )l ne restait plus aux politiques qu’à
enfourcher le courant porteur et à lui donner, si possible, l’armature d’une véritable
politique de l’ethnologie, dont une mission venait, précisément, d’être instituée au
ministère »16.
Mais il s’agit également d’installer une discipline : l’ethnologie. Un double intérêt
scientifique et politique sied donc à l’installation de cette mission. Ainsi, « l’ethnologie
de la France est conçue à la fois comme besoin , comme devant poursuivre l’entreprise
14
BENZAID Redjem, (présenté par), 1979, Rapport sur l'ethnologie de la France, Paris : la Documentation française.
Ibid.
16
NORA Pierre, 1996, « La ruée vers le passé », Magazine Littéraire, hors série, La passion des idées : 68-70.
15
21
déjà ancienne d’édification de la nation française, mais alors confrontée aux mutations et
aux effets perceptibles de la mondialisation, et comme projet visant conjointement la
connaissance et la mise en valeur d’objets culturels plus souvent immatériels,
l’encadrement de pratiques sociales de l’ethnologie et du patrimoine et, partant, la
professionnalisation nécessaire de la couverture savante du territoire national ».17
La MPE dispose de plusieurs leviers d’action. Tout d’abord, elle participe au pilotage de
la recherche en ethnologie de la France. Depuis 1980, différents programmes de
recherche ont été financés par la Mission. En 1981, elle lançait ainsi deux appels à
projet : le premier portant sur « l’ethnologie en milieu urbain », le second sur « les
savoirs naturalistes populaires ». Les 12 et 13 décembre 1983, le Centre de rencontre de
Sommières (dans le Gard) accueillait une trentaine de chercheurs représentant une
partie des équipes ayant reçu un financement de la MPE pour ce second appel d’offres
qui invitait notamment à analyser les « savoirs botaniques et zoologiques locaux
classifications et nomenclatures des plantes et animaux ; conceptions locales de leur
physiologie et de leur comportement ; usages traditionnels des plantes et des animaux ;
leur rôle dans l'alimentation ; leurs significations symboliques ; leurs vertus et
propriétés »18. Parmi les participants figuraient Dorothy Dore et Danielle Musset qui
avaient toutes deux bénéficiées d’un financement, la première pour un rapport rédigé
avec Pierre Lieutaghi sur « Les plantes dépuratives de la pharmacopée populaire hautprovençale : essai d'ethnopharmacologie préventive », la seconde pour un rapport sur
« Les plantes alimentaires dans la vallée de la Roya ». Jacques Barrau, président de
séance, présenta en introduction le concept d’ethnoscience. Un concept qu’il invitait
d’ailleurs à abandonner « je n’aime guère cette préfixation en ethno » pour se tourner
vers l’histoire naturelle : « ethnoscience ou folkscience ? Si je pouvais remettre en question
ces termes et ceux d’ethnobotanique, d’ethnozoologie, d’ethnobiologie, d’ethnominéralogie,
d’ethnoécologie, etc., j’avoue que je leur préfèrerais bien volontiers celui d’histoire
naturelle populaire »19.
La politique de la MPE a permis à toute une génération de chercheurs de bénéficier de
financements (24 rapports ont été rédigés entre 1980 et 1985 suite à la publication de
l’appel d’offre sur les savoirs naturalistes populaires mais surtout elle a ouvert sur des
possibilités de rencontres, d’échanges, d’émulations. Pierre Lieutaghi se souvient de ce
contexte fortuit qui lui a permis de faire « un peu comme les bons ouvriers de l’industrie
automobile qui commencent chaudronniers et finissent patrons d’usine ». Ces différentes
opportunités ont en effet abouti à la même époque à l’émergence de Salagon qui « est
donc né de la rencontre d’un ethnobotaniste et d’une ethnologue, dans un monument
historique ce qui a généré quelque chose qui avait à voir avec la nature ».
17
TORNATORE, Jean-Louis, 2004 « La difficile politisation du patrimoine ethnologique », Terrain, 42.
Texte de l’appel d’off e de la MPE su les Savoi s Natu alistes Populai es.
19
BARRAU Jacques, 1985, « A p opos du o ept d’eth os ie e », Les Savoirs naturalistes populaires : actes du séminaire
de Sommières, 12 et 13 décembre 1983, Paris : Éd. de la Maison des sciences de l'homme, page 6.
18
22
En 1981, le prieuré de Salagon, mis en vente par ses propriétaires paysans, est racheté
par la commune de Mane qui en confie la gestion à l’association Alpes de Lumière pour
vingt-cinq années. L’association, qui doit y installer un « Conservatoire du patrimoine
ethnologique de la Haute-Provence », embauche Danielle Musset en 1985 : « j’ai été
embauchée comme ethnologue départementale. C’est un poste qui avait été créé par
l’association Alpes de Lumière sur un financement du Conseil général mais c’était un poste
associatif. J’ai occupé ce poste jusqu’au moment où Alpes de Lumière a laissé la place au
Conseil Général pour la gestion de Salagon [en 1999]. Quand Alpes de Lumière est partie,
le Conseil Général a souhaité que je prenne la direction de Salagon. Donc je n’étais plus
ethnologue départementale mais directrice de Salagon, ce que je suis toujours ».
Rapidement émerge l’idée d’aménager des jardins. C’est à ce moment là que Pierre
Lieutaghi met un pied dans l’institution : « il y a eu la restauration du monument, de
l’Eglise, et à ce moment là, la demande a été de faire autour de l’Eglise romane un jardin
qui aurait évoqué la relation avec la flore au Moyen Age. Donc on a fait le jardin médiéval,
dont je me suis occupé spécialement car je travaillais sur la botanique médiévale à cette
époque. Il y a eu un bon concours de circonstances. Le jardin s’est presque fait tout seul.
Cette amorce là a désigné Salagon comme un lieu où on s’intéressait aux relations floresociété, ce qui n’était pas prévu au départ du tout ».
Par ailleurs, la MPE dispose d’autres outils : elle « soutient la création audiovisuelle en
ethnologie de la France », encourage la « publication et la valorisation des recherches » et
assure « l’action culturelle et les recherches en région ». A ce titre, « la direction générale
des patrimoines anime également le réseau des ethnopôles, centres dédiés à la culture
ethnologique, qui sont aussi des pôles de ressources documentaires et de recherche
scientifique sur différentes thématiques »20. En 1996, le conservatoire ethnologique de
Salagon est labellisé ethnopôle. Trois années plus tard, en 1999, le Conseil du Patrimoine
Ethnologique confiait à Bernadette Lizet, Françoise Dubost et Françoise Zonabend une
mission d’information et de réflexion visant à produire un état des lieux des trois
ethnopôles existant. Bernadette Lizet se souvient qu’elle était alors « particulièrement en
charge de l’expertise de Salagon, pour faire remonter au siège d’éventuels problèmes et
pour éclairer la politique d’ethnopôle développée par la MPE ».
Dans le cadre de cette mission, Bernadette Lizet a activement participé à la création du
séminaire de Salagon : « dès le premier séminaire pour lequel j’étais vraiment coorganisatrice, j’étais très intéressée par cet évènement en train de se produire, décodable,
décryptable, la nébuleuse d’une ethnobotanique nouvelle, incarnée par des trajectoires de
personnes très diverses, et qui était là, rendu palpable, par la présence de tous ces gens et
de leurs discours, que ce soit sous la forme d’exposés canoniques ou autres et par les
personnes inscrites au séminaire et qui étaient manifestement passionnées, qui
intervenaient beaucoup ».
20
Du patrimoine ethnologique au pilotage de la recherche, texte en ligne sur le site du Ministère de la culture :
www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Patrimoine-ethnologique/Patrimoine-ethnologique
23
Dans son rapport remis en novembre 1999 à la MPE, la chercheuse relevait que parmi
« les perspectives qui se sont dégagées, on soulignera la place assignée aux stages et
séminaires de formation et d’échange scientifique. Et tout particulièrement, celui, annuel,
qui devrait être consacré à l’ethnobotanique, ses objets, ses méthodes. Organisé en
collaboration avec Pierre Lieutaghi, responsable scientifique des Jardins, il permettrait
d’évaluer et de valoriser le corpus d’informations recueilli en
lors de l’appel
d’offre « Savoirs naturalistes populaires ». Il permettrait également de fédérer, à partir de
Salagon, des compétences relativement marginales ou marginalisées, depuis les universités
régionales (Aix-Marseille et Nice jusqu’au Muséum National d’(istoire Naturelle »21. Deux
ans plus tard le séminaire annuel d’ethnobotanique allait avoir le jour. Avec en
introduction une présentation effectuée par Bernadette Lizet et Serge Bahuchet
présentant l’histoire de l’ethnobotanique au Muséum.
Les membres actifs
L’organisation du séminaire annuel d’ethnobotanique, ininterrompue depuis 14 ans, a
contribué à faire de Salagon un des hauts lieux de l’ethnobotanique française. Ce
séminaire a formé 1083 participants, ce qui représente 574 personnes différentes.
Parmi ces participants, certains ont cherché à se professionnaliser dans le domaine et
revendiquent de ce fait une appartenance à « l’école de Salagon ». Ainsi d’Elise Bain qui
explique « je me suis formée à Salagon, donc je suis vraiment de l’école de Salagon. … .
Quand je dis l’école de Salagon, le terme n’existe pas mais je pense que c’est évident que ça
existe en soit. Parce qu’il y a des tas de gens qui se sont formés à l’ethnobotanique à travers
Salagon : Laurence Chaber, Magali Amir, moi-même, des tonnes de gens, c’est évident ! Des
gens qui font de l’ethnobotanique mais qui n’en auraient jamais fait s’ils n’avaient pas été
proches de Salagon. Ou qui n’en font pas de la même manière qu’un ethnologue qui au
cours de son terrain est amené à faire tout un coup de l’ethnobotanique. Et qui n’en font
pas non plus comme les ethnopharmacologues ».
Dans la base de données constituée à partir des fiches d’inscriptions, 93 participants (ce
qui représente 53 personnes différentes) ont été identifiés comme exerçant une activité
dans le domaine de l’ethnobotanique22. Mais ces participants ne sont pas les individus
qui assistent le plus fréquemment au séminaire. En effet, trois seulement (Pierre
Lieutaghi, Laurence Chaber et Magali Amir) sont « assidus »23 et près de la moitié font
partie de la population des « nouveaux » (cf. tableau 1/e). Par ailleurs, ces personnes
21
DUBOST Françoise, LIZET Bernadette, ZONABEND Françoise, 1999, Mission Ethnopôles, disponible en ligne sur le site du
Ministère de la culture et de la communication, 16 pages.
22
Les pe so es ide tifi es o
e « t availla t da s le do ai e de l’eth o ota i ue » so t elles ui o t sig al su leu
fi he d’i s iptio pou suiv e des e he hes e eth o ota i ue.
23
L’assiduit des pa ti ipa ts aux s i ai es a été évaluée sur la base du nombre de participations recensées. Le qualificatif
« assidu » s’appli ue aux pe so es ui o t assist e
et 1 fois au s i ai e. Le ualifi atif « nouveau » est attribué à
eux ui e so t ve us u’u e seule fois à Salagon.
24
participent assez rarement en tant qu’intervenants. A peine 30% ont proposé une
conférence à Salagon (cf. tableau 1/f).
Tableau 1/e : Fidélité des personnes identifiées comme Tableau 1/f : Interventions des personnes identifiées
travaillant dans le domaine de l’ethnobotanique dans la comme travaillant dans le domaine de l’ethnobotanique
dans la base de données des personnes
base de données des personnes
FIDELITE
NOUVEAU
FAMILIER
HABITUE
ASSIDU
REGULIER
Total
NB
25
14
10
3
1
53
%
47,20%
26,40%
18,90%
5,70%
1,90%
100,00%
INTERVENTION
NON
OUI
Total
NB
%
66
71,0%
27
29,0%
93 100,0%
Dès lors, il semblerait que « l’école » de Salagon soit principalement fréquentée et
animée par des acteurs qui ne sont pas des professionnels de l’ethnobotanique tels que
définis dans la partie précédente).
Les « assidus » représentent 2,3% de l’ensemble des participants au séminaire. Dans
cette population, il est notable de constater que les chercheurs sont largement
majoritaires. Plus de 60% des « assidus » font partie de la composante recherche24 (cf.
tableau 1/g). Par ailleurs, dans la composante recherche, les participants « assidus » et
« habitués » sont également majoritaires vu qu’ils représentent 43, % de l’ensemble de
cette population (cf. tableau 1/h).
Tableau 1/g: Part des assidus dans les
différentes catégories professionnelles
CATEGORIE PROFESSIONNELLE
RECHERCHE
NATURE
CULTURE
EDUCATION A L'ENVIRONNEMENT
DIVERS
HERBORISTE
AGRICULTURE
MEDICAL
Total
PART DES ASSIDUS
ASSIDUS
87
30
11
8
4
3
0
0
143
PART
60,80%
21,00%
7,70%
5,60%
2,80%
2,10%
0%
0,00%
100,00%
13,20%
Tableau 1/h : Fidélité des chercheurs
RECHERCHE
NOUVEAU
NOMBRE
134
PART
34,10%
ASSIDU
87
22,10%
HABITUE
83
21,10%
FAMILIER
77
19,60%
REGULIER
12
3,10%
393
100,00%
Total
24
Cette composante qui comptabilise 393 participants (soit 205 personnes) sera étudiée dans la seconde partie du rapport.
25
Enfin, sur les 1083 participants venus à Salagon en quatorze années de séminaires, 438
étaient originaires de la région Provence Alpes Côte d’Azur PACA , soit 40,4%. Ces
régionaux sont par ailleurs en grande partie domiciliés dans le département des Alpes
de Haute Provence (cf. croquis 1/a).
Croquis 1/a : Participants originaires de la région PACA.25
Le comité scientifique
Depuis 2012, un comité scientifique apprécie la valeur des communications soumises
par les intervenants qui souhaitent proposer une conférence à Salagon. Ce comité
scientifique est composé de Pierre Lieutaghi, Danielle Musset, Pascal Luccioni, Jean-Yves
Durand et d’Elise Bain qui sélectionnent ensemble les interventions retenues pour le
séminaire d’ethnobotanique. Elise Bain explique que « le comité existait informellement
depuis l’année dernière puisqu’en fait j’ai voulu, depuis un ou deux ans, compte tenu du fait
qu’il y a de plus en plus de monde, qu’on fasse vivre un peu le séminaire en dehors du petit
milieu de Salagon et de Pierre Lieutaghi. Je n’étais pas la seule à penser cela, on s’était dit
que ça serait bien de diffuser l’appel à communication pour inviter des ethnologues, et
autres, sur des sites d’anthropologie, la société française d’ethnologie SFE et puis
Calenda. Or pour s’inscrire à Calenda et à la SFE, en tant que séminaires, il fallait dire quel
était le comité scientifique ».
25
1 pa ti ipa ts o t i di u su leu fi he d’i s iptio ve i de la
d’o igi e.
gio PACA mais sans signaler leur département
26
La création du comité scientifique témoigne de la volonté émise par Salagon de s’ouvrir
plus largement sur le monde de la recherche. En effet, le séminaire est largement
fréquenté par un public de fidèles et pour certains, telle que Bernadette Lizet, « il y a un
vrai problème de vivier … c’est un peu trop dans l’entre-soi ». Sortir du « petit milieu de
Salagon », pépinière d’ethnobotanistes retranchés dans les Alpes de (aute Provence est
un souhait partagé par les organisateurs mais également par les participants. Ainsi de
Cécile Michel, en recherche d’emploi et anciennement animatrice nature, qui semble
constater « une petite routine qui s’installe, il y a toujours les mêmes qui reviennent et c’est
bien quand il y a des nouveaux car quand on est dans l’auditoire c’est intéressant de voir
des nouvelles choses » et d’Elise Bain, qui estime également qu’il fallait « pour ne pas
tourner en rond, pour ne pas avoir toujours les mêmes têtes, même s’il y a toujours des
nouvelles personnes, … renouveler un peu le truc, donner un nouveau souffle ».
Mais la volonté d’ouvrir le séminaire sur un plus large public ne signifie pas pour autant
ouverture sur le « grand public ». Depuis 2001, le programme du séminaire mentionne
que « le séminaire est ouvert à toute personne disposant déjà de bases en ethnologie et/ou
botanique, ou motivée par un projet de recherche personnel, dans tous les cas impliquée
par un investissement prioritaire dans les thématiques abordées au cours des journées ».
D’ailleurs, Danielle Musset ne considère pas « que le séminaire soit grand public, on a de
plus en plus de monde c’est vrai, donc c’est un public qui est peut être plus diversifié, moins
confidentiel, mais ce n’est pas forcément du grand public, ce sont des gens qui ont quand
même, pour la plupart, fait des enquêtes, en font, et s’intéressent à titre professionnel ou
personnel à l’ethnobotanique ». Pour d’autres, le séminaire serait même de moins en
moins « grand public ». Ainsi de Dorothy Dore qui en se remémorant la dernière édition
du séminaire avoue trouver « que c’était moins grand public … c’est plus institutionnel
qu’auparavant ».
Ainsi, la récente création du comité scientifique semble constituer le marqueur d’un
processus en cours visant à positionner Salagon dans le paysage de la recherche
universitaire et plus spécialement dans le monde de l’anthropologie sociale et culturelle.
En effet, il est notable de constater que parmi ces cinq personnalités, une seule (Pierre
Lieutaghi) est ethnobotaniste. Danielle Musset, Jean-Yves Durand et Elise Bain sont
ethnologues et Pascal Luccioni est maitre de conférences en langues anciennes. Ce
dernier assume d’ailleurs de pratiquer « une sorte d’ethnobotanique de tricheur, [car] je
fais de l’ethnobotanique de gens qui ne sont pas là pour en répondre, ou avec qui je n’ai pas
de relations ». Ainsi, à la manière de Pascal Luccioni qui se définit lui-même comme un
« serviteur de l’ethnobotanique », « l’école » de Salagon serait principalement constituée
de chercheurs en sciences sociales ayant développé à Salagon une compétence en
ethnobotanique.
27
2/ Salagon et le Muséum
Ethnobotanique et Ethnozoologie
L’histoire de l’ethnobotanique au Muséum National d’(istoire Naturelle a été
profondément marquée par la patte des différents chercheurs qui se sont succédés à la
tête du laboratoire d’ethnobotanique qui n’aura de cesse de changer de nom, cf.
illustration 1/a). Le laboratoire d’ethnobotanique du Muséum a été créé en
par
Roland Portères, qui rebaptisait ainsi le laboratoire d’agronomie coloniale qu’il dirigeait
depuis seize ans. Portères publia de nombreux articles en ethnobotanique, récolta des
échantillons de plantes lors de ses missions en Afrique et contribua à définir la place et
le champ de l’ethnobotanique. Agronome de formation, il entendait faire de
l’ethnobotanique une discipline à part entière et proposait dans son « Cours d’ethnobotanique générale » une réflexion sur l’histoire, le statut, la pensée de l’ethnobotanique.
Il forgea ainsi différents concepts, dont « l’ethnobotanicité » qu’il définissait comme
« l'état ou le fait de mise en relation fonctionnelle entre le Monde Végétal et les Sociétés
humaines. … Les hommes en société ne connaissent qu'une partie du domaine floristique
de leur environnement. … Dans tous les cas : usage sans nom, nom sans usage, nom et
usage, il y a ethnobotanicité. … Il existe un taux d'ethnobotanicité qui se définit comme
étant le rapport quantitatif entre les unités végétales taxinomiques connues par le groupe
(usages et évocations, appellations) et celles présentes dans l’espace ethno-floristique ».26
Illustration 1/a : Evolution du laboratoire d’ethnobotanique du Muséum National d’Histoire
Naturelle (1897…)
26
PORTERE Roland, 1969-1970, Cou s d’eth o-botanique générale, Pa is, La o atoi e d’eth o- ota i ue et d’eth ozoologie, MNHN, 151 pages.
28
Ce concept a été repris par Pierre Lieutaghi qui constatait toutefois que « la comparaison
entre un ensemble de taxons sélectionnés par une société, ainsi des médicinales ou des
alimentaires, et la flore globale de son territoire estimée selon les critères savants, pèche
par une différence importante de nature : la flore "en relation" correspond à un tri, tandis
que la flore globale est un ensemble brut où tous les taxons ne sont pas détenteurs de sens
ou d’emplois potentiels. … C’est donc plutôt à l’intérieur d’une collecte ethnobotanique,
qui ne considère que la part socialisée de la flore, qu’on peut tenter des bilans chiffrés
comparatifs suffisamment fiables, le TEB restant une approximation très généraliste. …
Le nombre d’espèces "socialisées" est à considérer parallèlement à la diversité de leurs
fonctions. )l est probable que le TEB chute lorsqu’on peut avoir recours à des plantes
polyvalente »27. Appliquée sur différents résultats d’enquêtes, l’expérience révélait
que « le taux d’ethnobotanicité dans notre pays atteste que la connaissance populaire des
plantes, exprimée en nombre d’espèces aujourd’hui perçues et mises en œuvre, se situe
vraisemblablement entre 15% et 20% ».
En 2001, Serge Bahuchet et Bernadette Lizet proposèrent une conférence à deux voix
sur l’ethnobotanique au Muséum. Pour les deux chercheurs, la transformation du
laboratoire d’agronomie coloniale en laboratoire d’ethnobotanique « repose
implicitement sur l’œuvre d’André-Georges Haudricourt »28. En effet, à la même époque,
Haudricourt publiait l’un de ses plus fameux articles « Domestication des animaux,
culture des plantes et traitement d’autrui ». Haudricourt y expliquait qu’en
Occident, la mentalité paternaliste se retrouve aussi bien dans l’esclavage pratiqué
sous l’Antiquité que dans les pratiques des bergers qui commandent et protègent
leur troupeau dans une dialectique de maître à esclave. Cette relation à la nature
traduit un rapport direct positif : l’homme intervient en permanence auprès de
l’animal surdomestiqué. Face à cette civilisation paternaliste, la culture de l’igname
en Nouvelle Calédonie témoigne d’un autre rapport à la nature : une relation
indirecte négative. La culture du tubercule ne nécessitant en effet que peu
d’interventions de l’homme.
Comme le constatent Bernadette Lizet et Serge Bahuchet, « la méthode
ethnobotanique et ethnozoologique d’(audricourt est à la fois profondément
originale et résolument interdisciplinaire ». Celui que beaucoup décriront comme un
« passe-muraille »29 résume ici efficacement sa démarche « ce qui caractérise une
science, c’est avant tout le point de vue plutôt que l’objet. Prenons une table : elle peut
être étudiée du point de vue mathématique, c’est un parallélépipède aplati ; du point
de vue physique, c’est un objet solide qui résiste à l’écrasement ; du point de vue
chimique, c’est un composé de carbone, susceptible de combustion ; du point de vue
27
LIEUTAGHI Pierre, Badasson & Cie : tradition médicinale et autres usages des plantes en Haute-Provence, Actes Sud, Arles,
2009, pages 579-580.
28
BAHUCHET Serge, LIZET Bernadette, 2003, « L’eth o ota i ue au Mus u
atio al d’histoi e atu elle. Les ho
es, les
idées, les structures », A tes du sé i ai e d’eth o ota i ue de Salago , Premier volume, page 23.
29
ARLAUD Jean, DIBIE Pascal, 1987, Haudricourt, le passe-muraille, 1990, 50 mn, Films de La Lauze.
29
biologique, c’est un tissu dit de bois, formé par les anciens vaisseaux conducteurs de la
sève des grands végétaux ; et du point de vue des sciences humaines, c’est un objet
autour duquel l’homme s’assied pour manger ou travailler. Si l’on peut étudier le
même objet de différents points de vue, il est sûr par contre qu’il y a pour moi un point
de vue essentiel, celui qui peut donner les lois d’apparition et de transformation de
l’objet : la table, c’est l’évolution historique de la façon de s’asseoir, de manger, et de
travailler qui l’explique »30. Ainsi, pour comprendre les relations que les hommes
entretiennent entre eux, il est utile de partir du végétal mais l’ethnobotaniste peut
tout aussi bien se faire ethnozoologiste : « une question reste pour moi sans réponse :
si c’était les autres êtres vivants qui avaient éduqué les hommes, si les chevaux leur
avaient appris à courir, les grenouilles à nager, les plantes à patienter »31.
Haudricourt va donc chercher à associer les deux démarches : en 1965, il fonde la
Société d’Ethnozoologie et d’Ethnobotanique (SEZEB). Un an plus tard, le laboratoire de
Portères devient « laboratoire d’ethnobotanique et d’ethnozoologie ».
Mais si au Muséum l’interdisciplinarité au sein des ethnosciences continue de guider les
pratiques des chercheurs, à Salagon, peu de participants étudient les relations que les
hommes entretiennent avec les animaux. Pour Bernadette Lizet, qui travaille autant sur
l’animal que sur le végétal, « l’ethnozoologie n’a absolument pas la visibilité sociale que
peut avoir l’ethnobotanique ». Pascal Luccioni considère que ce phénomène est
extrêmement paradoxal car « quand Greenpeace réussi à sauver des baleines ils soulèvent
beaucoup plus d’enthousiasme que lorsqu’ils vont réussir à sauver une orchidée ».
Différentes raisons ont été avancées par les participants pour expliquer cet intérêt
exclusif pour les plantes.
Pour beaucoup, le monde végétal est plus facilement accessible que le monde animal.
Ainsi de Vanessa Cholez qui considère « qu’on va plus facilement avoir accès aux plantes
qu’aux animaux. Les animaux il faut se poster, il faut attendre, les plantes elles sont là, elles
sont plus accessibles » et de Pascal Luccioni pour qui « le monde végétal représente une
variété immédiate plus perceptible que le monde animal ». Par ailleurs, compte tenu du
volet pratique associé à l’ethnobotanique, de nombreux informateurs cherchent en
assistant au séminaire à recueillir des recettes. Ainsi de Céline Hélary, qui vient de
terminer sa formation d’herboriste à l’Association pour le Renouveau de l’(erboristerie
et qui envoie parfois aux autres étudiants de l’école les recettes et les conseils
thérapeutiques qu’elle relève au cours des conférences. D’ailleurs, Céline (élary l’admet,
elle « n’arrive pas encore très bien à faire une différence claire entre l’ethnobotanique et
l’herboristerie ».
Par ailleurs, plusieurs informateurs ont émis l’hypothèse que le monde végétal serait
plus vaste que le monde animal : « dans notre vie quotidienne les animaux ça se résument
30
DIBIE Pascal, HAUDRICOURT André-George, 1987, Les pieds sur terre, Editions Métailié, Paris.
Ibid.
31
30
beaucoup aux animaux domestiques » constate Vanessa Cholez. Enfin, la plupart des
informateurs considèrent qu’ils se sont tournés vers l’ethnobotanique du fait d’une
sensibilité exacerbée pour le monde végétal. Ainsi de Raphaëlle Garreta, ethnologue au
conservatoire botanique de Midi-Pyrénées, qui confie s’être naturellement intéressée
aux plantes car « c’était peut être plus évident que les animaux, j’étais beaucoup moins
branchée par les animaux » ou de Vanessa Cholez qui a voulu mettre sa sensibilité pour
le monde végétal au service d’une « prise de conscience de ce qu’est le végétal, qui est
souvent perçu comme inerte, à peine vivant. C’est ça qui me motive dans mes travaux, de
participer à cette prise de conscience là, que ce n’est pas inerte, qu’il y a des interactions
incroyables, un langage ». Mais le fait que le séminaire d’ethnobotanique ne se consacre
pas davantage aux animaux ne signifie pas pour autant que les participants sont hostiles
au monde animal. On constate par exemple que de nombreux participants sont
végétariens (en 2008, 13,2% des participants signalèrent sur leur fiche d’inscription
vouloir manger un repas végétarien).
Ethnobotanique et ethnobiologie
Si les chercheurs du Muséum étendent en 1966 leur sujet de recherche à l’animal, à la
même période, aux Etats-Unis, l’ethnobotanique et l’ethnozoologie sont fondues dans
« l’ethnoscience », objet d’étude investi par les anthropologues de l’école de la « new
ethnography ». L’ethnoscience32 « peut être interprétée comme impliquant une analyse
ethnobotanique, ethnogéographique, etc. Mais il est important de souligner que l'approche
est une ethnographie générale, en aucune manière limitée à ces branches de
l'ethnographie … . Ce préfixe doit être compris ici dans un sens particulier: il se réfère
aux systèmes de savoir et de connaissance d’une culture donnée »33. Ainsi, tandis qu’aux
Etats-Unis l’ethnobotanique constitue une catégorie de cette « ethnoscience », qui
recouvre « les systèmes d'idées, de notions, de représentations et d'attitudes que les
diverses sociétés humaines ont développés au cours de leur histoire et qu'elles
entretiennent et développent à l'égard de leurs environnements »34, en France, « les
ethnosciences » sont des disciplines scientifiques se préoccupant des rapports entre
l’homme et la nature « dans un rapport de réciprocité, [qui doit] recourir à l’étude d’un
objet considéré comme un ensemble d’activités humaine dont toutes les composantes sont
solidaires »35.
Haudricourt critiquait volontiers l’ethnoscience américaine « ce qu’on appelle
l’ethnoscience, c’est la science des gens qui n’ont pas de science. )l n’y a pas très longtemps,
il y avait les universitaires et les ingénieurs qui savaient, le "peuple" qui en savait un peu
32
Le terme apparaît pour la première fois dans la troisième édition du livre de MURDOCK Georges P., 1950, Outline of
cultural materials, New Haven : Behavior science outlines.
33
STURTEVANT Willia C., 1
.,”Studies i Eth os ie e”, American Anthropologist 66:99-131
34
BARRAU Jacques, 1984, Ethnologie : ethnoscience, Encyclopædia Universalis, Paris : 482-484.
35
HAUDRICOURT André-George, 1991, « Les pla tes ultiv es d’Eu ope », Le grand livre des fruits et des légumes, Histoire,
culture et usage par Daniel Meiller et Paul Vannier, La Manufacture, Besançon.
31
moins et les "sauvages" qui ne savaient rien du tout. Aujourd’hui, nous pensons que les
fameux "sauvages" savent des tas de choses que nous ne savons pas et nous nous
intéressons aux humains, aux végétaux qui apportent des réponses enrichissantes aux
problèmes que nous nous posons »36. Mais celui que les journalistes surnommaient le
« zappeur transsciences »37 n’était pas moins critique avec les ethnosciences françaises.
Lassé des préfixations en « ethno », il appelait comme son collègue Jacques Barrau à
l’abolition des frontières entre les disciplines. Pour Jacques Barrau, « il eût été infiniment
préférable que l'on s'en tînt chez nous au vieux terme d'Eugène Rolland, "histoire naturelle
populaire", au lieu de ce foisonnement d'ethno-disciplines naturalistes ! »38. Mais comme le
constate Serge Bahuchet « la réconciliation des deux écoles viendra plus tard, par la
reprise du concept d’ethnobiologie proposé par Castetter (1944) et qui, en réunissant à la
fois ethnobotanique, ethnozoologie et ethnoécologie (on disait aussi, en souriant, les ethnoX , permet cette approche globale, à l’échelle d’une société »39.
Jacques Barrau est engagé au laboratoire d’ethnobotanique et d’ethnozoologie en 1966.
Ingénieur agricole de formation, il a soutenu une thèse au laboratoire d’agronomie
tropicale en 1957 sur les plantes alimentaires de l’Océanie et a commencé sa carrière en
Nouvelle Calédonie. Là bas il fait la rencontre de l’ethnobotaniste américain Harold
Conklin qui l’initiera à une vision de l’ethnobotanique fortement influencée par
l’anthropologie cognitive et par l’écologie. Après avoir été un an professeur
d’ethnobiologie à l’Université de Yale, Barrau arrive au Muséum chargé de ses nouvelles
influences qu’il imprimera à son tour sur les chercheurs du laboratoire
d’ethnobotanique. Ainsi de Serge Bahuchet qui explique que ce nouveau tournant
ethnoécologique consiste à « remettre les savoirs biologiques populaires dans leur
contexte écologique ». Dès lors, « l’ethnoécologie dépasse l’association des savoirs et des
savoir-faire des ethnosciences françaises, pour rechercher les relations entre eux »40.
Ces différentes influences ont marqué l’histoire du laboratoire d’ethnobotanique et a
fortiori, la méthodologie de la discipline elle-même. Dans les années 1970-1980, une
véritable émulation se produit autour du séminaire « Ecologie et sciences humaines »
animé à l’Ecole des (autes Etudes en Sciences Sociales par Jacques Barrau. Clotilde
Boivsert, fondatrice de l’Ecole des plantes de Paris, y fait la rencontre de Pierre
Lieutaghi, qui le fréquente également. L’ethnobotaniste nouera à cette époque des
relations amicales avec Jacques Barrau. En 1986, lorsque Pierre Lieutaghi publie L’herbe
qui renouvelle, il commence son ouvrage par une dédicace « à Jacques Barrau…. ». En
2002, dans l’avant propos à la seconde édition du Livre des arbres, l’ethnobotaniste
raconte qu’« au moment de la rédaction du présent ouvrage [en 1969] (où le mot
ethnobotanique ne figure même pas , je n’avais qu’une très vague idée de la constitution en
discipline du domaine des relations sociétés/monde végétal. C’est la rencontre avec le
36
Ibid.
« Le zappeur transsciences », Libération, 26 septembre 1990.
38
BARRAU Jacques, 1984, Ethnologie : ethnoscience, Encyclopædia Universalis, Paris : 482-484.
39
BAHUCHET Serge, 2012, « Du Jatba-Revue d’eth o iologie à la Revue d’eth oé ologie », Revue d’eth oé ologie, 1.
40
Ibid.
37
32
regretté Jacques Barrau et le Laboratoire d’ethnobotanique et d’ethnozoologie du Muséum
devenu Laboratoire d’ethnobiologie , dès le début des années
, qui allait orienter mes
recherches vers un mode plus soucieux de compréhension que d’accumulation de faits et
d’anecdotes ».
Jacques Barrau mènera par ailleurs plusieurs recherches en Haute Provence. Ainsi, en
1970, il publie dans le Journal d’Agriculture Tropicale et de Botanique Appliquée un
article sur « une exposition ethnobotanique en Haute Provence ». Dans cet article, le
chercheur avoue que « la recherche ethnobotanique n’est pas nécessairement une
entreprise exotique et on oublie trop souvent que la France offre à ses travaux un champ
encore riche »41. On y apprend également que différents chercheurs du laboratoire
d’ethnobotanique dont André-Georges (audricourt récoltèrent durant l’été
quelques simples et plantes utiles dans la région de Brantes (84), ce qui donna lieu à une
exposition sur la flore du pays dans l’ancienne chapelle du village. Bernadette Lizet, qui
a fréquenté les deux hommes, témoigne que « dans les activités de recherche de l’équipe à
l’époque dirigée par Jacques Barrau et ensuite par Claudine Friedberg, il y avait des
échanges réguliers avec Pierre via Barrau. Parce que Pierre était très proche de Jacques
Barrau. Barrau associait Pierre très régulièrement à la recherche ».
Dès lors, si à Salagon l’ethnobiologie continue de s’exercer à travers un intérêt
prioritaire pour le monde végétal, cela n’implique ni un désintérêt pour le reste du
champ de recherche, ni un rejet des traditions et influences imprimées par les grands
fondateurs que ce sont Haudricourt, Portères et Barrau. Pour certains intervenants, il
s’agit plutôt de limiter son sujet de recherche. Ainsi de Magali Amir, qui avoue que « ça
pourrait être les animaux car c’est passionnant aussi, ça pourrait être les pierres aussi, il y
a plein de choses, mais faut bien un peu se limiter et moi dès le début de ma vie ça a été les
plantes et les hommes ». Pour d’autres, tout en étant centrés sur le végétal, la perspective
de Salagon est bien ethnoécologique puisque comme le constate Pascal Luccioni
« l’ethnobotanique est particulièrement bien placée pour réfléchir aux questions
d’ethnoécologie car le végétal du fait qu’il est lié au sol, qu’il est immobile enfin il peut
bouger, mais il est immobile à un moment T contrairement aux animaux, il nous renseigne
donc plus sur le milieu que ne le fait l’animal qui peut être là un peu par hasard ».
41
BARRAU Jacques, 1970, « A tivit s du la o atoi e d’eth o ota i ue - Une exposition ethnobotanique en HauteProvence », Jou al d’Ag i ultu e T opi ale et de Bota i ue Appli uée, 17 : 342-345, Paris.
33
Ethnobotanique et éco-anthropologie
En 1985, Claudine Friedberg, qui a pris la tête du nouvellement nommé laboratoire
d’ethnobiologie et de bio-géographie, intègre l’équipe à une Unité de Recherche Associée
(URA) baptisée « appropriation et socialisation de la nature » (APSONAT). Entrée au
Laboratoire d'Agronomie Tropicale en 1956 comme assistante, Claudine Friedberg y
réalise par la suite sa thèse sur « les Bunaq de Timor et les plantes » sous la direction
d’André-Georges Haudricourt. Pour Serge Bahuchet et Bernadette Lizet, ce
changement de direction créé « une véritable rupture avec l’ethnobotanique, la
perspective est délibérément anthropologique »42.
Pour Claudine Friedberg, « en anthropologie, l’intérêt pour les relations que les sociétés
entretiennent avec les éléments naturels de leur environnement s’est manifesté de plusieurs
façons à travers
l’étude de "la culture matérielle",
l’analyse des modes de
connaissance des objets et phénomènes naturels en liaison avec leur utilisation aussi bien
technique que symbolique ». Cette interdisciplinarité se serait développée grâce à
l’apport majeur de trois chercheurs : André Leroi-Gourhan, André-Georges Haudricourt
et Claude Lévi-Strauss. Toujours selon Claudrine Friedberg, « c’est pour comprendre les
"positions" des plantes et des animaux figurant dans les mythes que Levi-Strauss porta tant
d’attention à leurs caractéristiques biologiques, écologiques et comportementales
susceptibles de justifier la place qu’ils occupent dans les couples d’opposition les associant,
par exemple, les uns à la sécheresse et les autres à l’humidité ou les uns au monde
aquatique, les autres à l’air ou encore le mouvement migratoire de certains animaux au
cycle des saisons. L’enseignement de Lévi-Strauss sensibilisa donc ceux qui venaient
l’écouter à la nécessité de connaître le milieu dans lequel vit une société pour comprendre
le langage mythique par lequel elle exprime sa conception du fonctionnement du
monde »43.
Dans le rapport scientifique qu’elle rédige sur les activités d’APSONAT, Claudine
Friedberg explique que « les activités de l’URA se définissent comme une approche
anthropologique dans le champ interdisciplinaire des rapports entre écosystèmes et
systèmes sociaux ». Elle précise que « les méthodes que nous appliquons sont celles de
l’ethnoscience, c’est-à-dire la combinaison de deux types d’analyse. Dans l’une nous
examinons les faits en mettant en évidence les catégories et les représentations indigènes,
dans l’autre nous utilisons les outils scientifiques propres à la biologie et aux sciences de
l’homme. Nos objets d’études ne sont jamais considérés comme des phénomènes isolés mais
ils sont replacés dans les écosystèmes et les systèmes sociaux »44. Elle reprend ainsi
explicitement la démarche proposée par Lévi-Strauss qui expliquait que « l’un [la
nature] impose à la pensée mythique des contraintes résultant du rapport à un milieu
42
BAHUCHET Serge, LIZET Bernadette, 2003, « L’eth o ota i ue au Mus u
atio al d’histoi e atu elle. Les ho
es, les
idées, les structures », A tes du sé i ai e d’eth o ota i ue de Salago , Premier volume, pages 29-30.
43
FRIEDBERG Claudine, 1992, sous la direction de Marcel Jollivet, « Ethnologie, anthropologie : les sociétés dans leurs
”natures” », Sciences de la nature, sciences de la société : les passeurs de frontières, Paris : CNRS éd, p. 155-166
44
Rapport scientifique 1985-1989, Apsonat, URA 882, Muséum national d'histoire naturelle, CNRS.
34
particulier ; l’autre [la culture] traduit des exigences mentales qui se manifestent avec
constance, indépendamment des différences entre les milieux »45.
Cette emprise de l’anthropologie sur les ethnosciences se renforce aujourd’hui à travers
l’étude des Traditional Ecological Knowledges. La Convention sur la Diversité
Biologique, signée lors du sommet de Rio de 1992, préconisait la prise en compte des
« savoirs, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales »46. Depuis,
l’étude des savoirs naturalistes des peuples locaux est devenue un véritable champ de
recherche en anthropologie. En
, une chaire d’anthropologie de la nature est
créée au Collège de France sous la direction de Philippe Descola. Dans sa leçon
inaugurale, l’anthropologue définissait ainsi la nouvelle vocation de l’anthropologie
« elle est de contribuer avec d’autres sciences, et selon ses méthodes propres, à rendre
intelligible la façon dont des organismes d’un genre particulier s’insèrent dans le monde, en
sélectionnent telles ou telles propriétés pour leur usage et concourent à le modifier en
tissant, avec lui et entre eux, des liens constants ou occasionnels d’une diversité
remarquable mais non infinie. » )l s’agit donc d’étudier « comment, sur une chaîne de
discontinuités accessibles à tous, des ensembles d’hommes ont su tisser une trame
singulière en nouant des points selon un arrangement et des motifs qui leur sont propres,
mais grâce à une technique qu’ils partagent avec d’autres, au moins sous forme de
variante ».
Cette démarche structuraliste s’applique bien à la question des relations
hommes/plantes. Comme le constate Pierre Lieutaghi « que des lignes structurantes
traversent la relation des hommes et des plantes par delà cultures et climats n’expose pas
pour autant ce dialogue à l’uniformité. Bien au contraire, les contingences naturelles et
sociales induisent, dans les mailles de ce réseau à tendances déterministes, une immense
diversité de modulations qui répondent à celle de la flore comme à l’inventivité des
sociétés »47. Elle présente également l’avantage, comme le remarque Claudine Friedberg,
de proposer une démarche holiste « sans qu’il soit nécessaire de la saucissonner en
différentes ethno "quelque chose", ce qui embrouille plus que cela ne simplifie la
démarche »48. En 2009, la revue Anthropobotanica a été créée par le Muséum
National d’(istoire Naturelle pour permettre à des chercheurs issus de disciplines
différentes mais travaillant tous sur l'histoire des relations entre l'homme et le
monde végétal, de proposer différentes études ethnobotaniques. La même année,
Serge Bahuchet prenait la tête du laboratoire qui devenait Laboratoire d’ecoanthropologie et d’ethnobiologie.
45
LEVI-STRAUSS Claude, 1983, « Structuralisme et écologie », in le Regard éloigné, Paris, Plon, 398 pages.
Convention sur la Diversité Biologique, 1992, Nations Unis, 32 pages.
47
LIEUTAGHI Pierre, 2008, « L’eth o ota i ue, s ie e hu ai e au i oi des pla tes », sous la direction de Francis Hallé et
Pierre Lieutaghi, Aux origines des plantes, tome 2, des plantes et des hommes, Paris, Fayard.
48
FRIEDBERG Claudine, 2005, « Eth os ie e et aut es eth o « a hi s » aujou d’hui », Le Journal de la Société des
Océanistes, 120-121.
46
35
3/ Salagon et les autres acteurs de l’ethnobotanique
Ethnobotanique et ethnopharmacologie
Quand on leur demande de définir l’ethnobotanique, de nombreux informateurs
choisiront de décrire la discipline en l’opposant à sa « sœur rivale »,
l’ethnopharmacologie. L’ethnopharmacologie est « l’étude scientifique interdisciplinaire
de l'ensemble des matières d'origine végétale, animale ou minérale, et des savoirs ou des
pratiques s'y rattachant, que les cultures vernaculaires mettent en œuvre pour modifier les
états des organismes vivants, à des fins thérapeutiques, curatives, préventives, ou
diagnostiques »49. Partant d’un même intérêt pour la relation homme/plante, la
démarche et la finalité des deux ethnosciences prennent des chemins différents : tandis
que l’ethnobotanique s’intéresse aux relations réciproques qui unissent l’homme et la
plante médicinale mais pas seulement , l’ethnopharmacologie privilégie « la recherche
extractive et chimique appliquée aux plantes connues pour leur activité thérapeutique
mais aussi toxicologique »50.
Intimement liées, les deux disciplines pourraient, selon Claudine Friedberg, bénéficier
de la même approche méthodologique. En effet, pour la chercheuse, « les méthodologies
d'enquête mises au point depuis plusieurs décennies dans le cadre de l'ethnoscience
s'appliquent à l’ethnopharmacologie ». Ainsi, l’ethnobotaniste et l’ethnopharmacologue
doivent respecter différentes étapes dans le travail d’enquête. Tout d’abord « il faut
souligner l'importance du recueil des termes vernaculaires non seulement pour les noms de
plantes mais aussi pour les maladies, les préparations médicamenteuses et toutes les
notions qui y sont liées. … Ceci implique une pratique suffisante de cette dernière ou à
défaut une connaissance approfondie de la culture locale ». Ensuite, « pour déterminer ce
que les informateurs attendent de l'action d'une plante il faut savoir comment ils
imaginent son impact sur le fonctionnement du corps. Pour comprendre ce que signifient
leurs concepts dans ce domaine, on doit inévitablement en venir à les interroger sur ce
qu'ils pensent de l'organisation du monde et de la société ». Enfin, « il faut tenir compte des
niveaux de savoir : faire la différence entre la médecine de spécialistes et la médecine
domestique, entre ce qui est écrit et ce qui est oral, entre ce que l’on dit et ce que l'on fait.
C'est au prix de telles précautions dans les enquêtes de terrain que l'on peut espérer cerner
le type d'efficacité d'une plante médicinale et donc orienter efficacement les analyses
permettant de mettre en évidence ses principes actifs et ses possibles applications »51.
49
FLEURENTIN Jacques, DOS SANTOS José, 1991, « L’eth opha a ologie, u e app o he plu idis ipli ai e »,
Ethnopharmacologie. Sources, méthodes, objectifs, A tes du P e ie ollo ue eu opée d’eth opha a ologie, Metz, -25
mars 1990, Paris : Éd. de l'ORSTOM, Metz : Société française d'ethnopharmacologie, page 26.
50
VERAIN, A. « Les plantes médicaments : évolution de leur utilisation et de leur législation », Ethnopharmacologie. Sources,
méthodes, objectifs, A tes du P e ie ollo ue eu opée d’eth opha a ologie, Metz, -25 mars 1990, Paris : Éd. de
l'ORSTOM, Metz : Société française d'ethnopharmacologie, page 51.
51
FRIEDBERG Claudine, 1991, « Méthodologie d'enquête sur les plantes médicinales dans le cadre de l'ethnoscience:
exemples indonésiens », Ethnopharmacologie. Sources, méthodes, objectifs, Actes du Premier colloque européen
36
C’est au cours du premier colloque européen d’ethnopharmacologie, organisé en
par la Société française d’ethnopharmacologie (SFE), que ces précisions
méthodologiques ont pu être apportées. La SFE est une association créée en 1986 « qui
vise à recenser les savoirs thérapeutiques traditionnels et promouvoir le développement
des médicaments à base de plantes dans les pays du Nord et du Sud »52. Les activités de
l’association basée à Metz comprennent la publication d’une revue biannuelle
(Ethnopharmacologia), plusieurs sessions de formation en ethnopharmacologie
appliquée, l’organisation de colloques, la mise à disposition d’un fond documentaire et la
programmation de visites guidées du jardin de plantes médicinales de l’établissement.
L’association est présidée par le pharmacien Jacques Fleurentin et dirigée par un conseil
d’administration composé essentiellement de pharmaciens et d’ethnopharmacologues.
Pierre Lieutaghi est « membre correspondant » de la société.
Malgré ces connexions, pour beaucoup d’informateurs, il n’y a que peu de points
communs entre l’ethnobotanique et l’ethnopharmacologie. Certains, comme Pierre
Coste, accusent même « l’ethnopharmacologie pilotée par la recherche du meilleur
rendement dans le meilleur délai » de laisser de côté « tout le processus qui a permis
d’identifier telle plante à tel mal ». L’ethnopharmacologie constituerait alors un
« appauvrissement » de l’entreprise ethnologique. D’autres, comme Pascal Luccioni,
considèrent tout de même que l’ethnopharmacologie a du « contribuer à l’écho qu’a pu
avoir l’ethnobotanique ». Vanessa Cholez explique qu’elle a « découvert
l’ethnopharmacologie avec la SFE et puis, de lecture en lecture, j’ai découvert
l’ethnobotanique ». Aujourd’hui doctorante en anthropologie, la jeune chercheuse
considère s’être « vraiment éloignée de l’ethnopharmacologie et du simple usage des
plantes médicinales … pour construire peu à peu un regard plus holistique sur le rapport
hommes/plantes ». Pour beaucoup, les plantes médicinales constituent une porte
d’entrée vers l’étude plus globale de l’ensemble de la relation homme-plante. Ainsi
également de Pierre Lieutaghi, qui a commencé son travail d’ethnobotaniste en
s’intéressant prioritairement aux plantes médicinales et plus particulièrement à la
pharmacopée haute provençale. En 1984, avec la collaboration de Dorothy Dore, il
rédigeait un rapport sur Les plantes dépuratives de la pharmacopée populaire hautprovençale, Essai d’ethnopharmacologie comparative. Dans ce rapport, l’ethnobotaniste
expliquait qu’après avoir été « quelque peu entraînés par l’attente implicite des autres
partenaires du projet, nous avons accordé une place prioritaire au recueil des informations
d’ordre ethnopharmacologique. … En quelques sortes il nous appartenait de proposer des
pistes de recherche tant aux caryosystématiciens qu’aux biochimistes et aux
pharmacologues ». Plus loin il reconnaissait toutefois que « sans doute [ce rapport]
s’écarte-t-il quelque peu de l’objet premier de l’enquête, car parler de la pharmacopée
populaire conduit nécessairement à l’ethnomédecine. »
d’eth opha a ologie, Metz, -25 mars 1990, Paris : Éd. de l'ORSTOM, Metz : Société française d'ethnopharmacologie,
pages 85-86.
52
Texte de p se tatio de l’asso iatio , e lig e su le site : www.ethnopharmacologia.org
37
Ethnobotanique et ethnomédecine
Bernadette Lizet se souvient qu’à son arrivée au Muséum « il y avait un séminaire
d’ethnomédecine avec une petite feuille de chou qui publiait. Et l’ethnomédecine était
totalement partie prenante de la recherche avec peu de soucis d’articulation avec
l’ethnobotanique sensu stricto d’ailleurs ». Clotilde Boivsert fréquentait également le
séminaire « il y avait Haudricourt, Claudine Friedberg » se rappelle-t-elle. En effet, de
à
était organisé au sein du laboratoire d’ethnobotanique du Muséum un
séminaire d’ethnomédecine dirigé pendant près de vingt-cinq ans par Alain Epelboin,
médecin et ethnologue. La première séance du séminaire, alors intitulé séminaire
d’anthropologie médicale, eu lieu le
novembre
. Parmi les participants figuraient
Claudine Friedberg et Pierre Lieutaghi.
Pistée par les ethnobotanistes, l’ethnomédecine fait néanmoins partie du champ de
l’anthropologie médicale. « Au début des années
, l’ethnomédecine occupait une large
part du champ de l’anthropologie médicale en décrivant les pratiques diverses observées
lors des travaux de terrain des ethnologues. Cette approche se penchait sur de grands
systèmes médicaux (par exemple les médecines indiennes ou chinoises), identifiant les
corpus de connaissance, les logiques culturelles, les pratiques médicales et leurs effets ». A
côté de l’ethnomédecine, l’anthropologie de la maladie « se penche sur les logiques
symboliques et les logiques sociales des représentations dans les systèmes cognitifs de la
maladie. Fondamentalement sociologique et non plus naturaliste, ni médicale, elle présente
les rouages de l’efficacité symbolique et thérapeutique de processus sociaux tels que la
sorcellerie. Abandonnant les substances et la pharmacopée, elle traite des symboles qui
rendent malade ou tuent, aussi bien que des logiques thérapeutiques qui transforment des
pratiques exotiques en rites de guérison »53.
En 1986, dans le numéro 37 du Bulletin d’ethnomédecine, Pierre Lieutaghi proposait un
article sur la réédition toute récente du Livre des Simples Médecines, manuscrit français
de la fin du XVe siècle, à laquelle il avait participé. L’ethnobotaniste y expliquait que
« tels les historiens de la médecine, les ethnologues n’ont guère pris en compte la
pharmacopée, perçue comme domaine mineur et sans grande signification propre à côté
du monde riche de symboles des oraisons, fontaines miraculeuses, saints thérapeutes,
guérisseurs et sorciers. … S’il n’est pas utile de séparer par un nouvel usage abusif du
préfixe le plus docile des sciences humaines) une "ethnopharmacologie" de
l’ethnomédecine, il faut souhaiter une plus grande attention à l’histoire, aux modes de
connaissance, de sélection, d’emploi des simples dans leur acception présente ou
ancienne »54.
53
HOURS Bernard, 1999, « Vi gt a s de d veloppe e t de l’a th opologie
di ale e F a e », Socio-anthropologie, 5.
LIEUTAGHI Pierre, 1986, « Le livre des simples médecines, un printemps de la pensée médiévale du corps et de la
nature », Bulleti d’eth o éde i e, numéro 37.
54
38
Illustration 1/b : Bulletin d’ethnomédecine, dessin de couverture : Chez les fulbe bandé : « Un gars qui
cherche des remèdes », Dessin de Doudou Ba, Ibel, Sénégal Oriental
Ainsi, des allers-retours existent entre l’ethnomédecine et l’ethnobotanique qui
partagent toutes deux ce même double ancrage côté sciences biologiques et côté
sciences humaines. Tandis que l’ethnobotaniste se frotte au domaine naturaliste,
l’ethnomédecin doit maîtriser les concepts des sciences biomédicales. Mais
l’ethnobotanique ne se résume pas à l’étude des plantes médicinales et l’ethnomédecine
à l’étude des pharmacopées populaires.
Pour l’ethnobotaniste/ethnopharmacologue Pierre Cabalion, « les richesses que l'on peut
tirer de cette dualité se présentent à tous les interfaces entre les sciences qui visent à
comprendre et décrire le fonctionnement du système vu de l'intérieur (ethnomédecine,
ethnopharmacologie, ethnobiologie) et celles qui veulent en déduire des généralités (les
mêmes, sans le préfixe). Ces difficultés sont celles de chacune des sciences (bonnes
pratiques à respecter) et de plus celles que génère la confrontation des points de vue, des
habitudes, des méthodes et des techniques »55. Le chercheur a tenté de schématiser les
liens et les interfaces qui existent entre les différentes ethnosciences.
55
CABALION
Pierre, « Ethnopharmacologie et difficultés de terrain », Actes du Premier colloque européen
d’eth opha a ologie, Metz, -25 mars 1990, Paris : Éd. de l'ORSTOM, Metz : Société française d'ethnopharmacologie,
pages 155-157.
39
Illustration 1/c : Interfaces entre les sciences et les ethnosciences, schéma présenté par Pierre
Cabalion au cours du Premier colloque européen d’ethnopharmacologie, Metz, -25 mars 1990
Sciences étudiant des objets cohérents localement:
(1) ETHNOBIOLOGIE
Conception locale de la nature, Ethnobotanique, Ethnozoologie.
(2) ETHNOMEDECINE
Conception locale de la maladie et du corps, Ethnologie, Anthropologie.
(3) ETHNOPHARMACOLOGIE
Conception locale du médicament et de son activité.
Sciences à vocation universelle:
(4) SYSTEMATIQUE
Classification de tous les organismes vivants, végétaux ou animaux.
(5) MEDECINE
Symptomatologie et thérapeutique généralisables à tous les humains.
(6)PHARMACOLOGIE
Conception « moderne » du médicament.
40
Ethnobotanique et herboristerie
Si la frontière peut sembler floue entre l’ethnobotanique et l’ethnomédecine, elle
est également poreuse entre l’ethnobotanique et l’herboristerie. Ainsi, pour Eva
Bruneau, « l’herboristerie c’est l’ethnobotanique », car « l’herboristerie c’est un tiroir de la
grande armoire des pratiques des hommes avec les plantes ». Cette réponse reste toutefois
isolée. La plupart des informateurs n’incluent pas l’herboristerie dans l’ethnobotanique
mais constate un lien « simple », « évident », « logique » entre les deux activités. Ainsi de
Dominique Coll, pour qui « l’ethnobotanique et l’herboristerie sont liées, c’est évident !
C’est vraiment une suite totalement logique, complètement évidente, ça coule de source ».
De la même façon, pour Clotilde Boivsert, « c’est très simple, l’ethnobotanique c’est l’étude
des plantes, l’herboristerie c’est la vente ! ». De nombreux informateurs feront de
l’herboristerie la partie pratique de l’ethnobotanique. Ainsi, pour Rachel Reckinger,
« l’herboristerie c’est plus pragmatique, plus performatif. On essaye vraiment de faire
quelque chose avec les plantes sur les plans concrets, surtout médicinal ou culinaire. Alors
que l’ethnobotanique est l’étude de ces usages ». De la même façon, pour Laurent Gall,
« l’herboristerie serait comme la partie pratique, ou la branche armée de l’ethnobotanique.
Il y a une connexion claire ». Thierry Thévenin considère pour sa part que
« l’herboristerie ça va être une expression concrète de ce que l’on met en œuvre avec les
plantes, un des aspects de l’ethnobotanique ».
Inextricablement liées, les deux activités s’influencent. Pour Pierre Guardiola, « si
l’ethnobotanique étudie les usages des plantes, l’herboristerie c’est un usage à part entière,
comment se soigner avec les plantes, c’est un lien direct ». Pour Pascal Luccioni « ça paraît
évident que les ethnobotanistes vont s’intéresser à l’herboristerie, pratique artisanale voire
commerciale ». Danielle Musset se souvient ainsi que « lorsqu’on avait travaillé avec
Dorothy [Dore] en Italie, en Valle Stura, il y avait une herboriste qui était très célèbre dans
la vallée ». L’herboriste intéressera alors l’ethnologue pour des questions de « circulation
des savoirs, de transmission des savoir-faire, du rôle social des plantes dans tel ou tel type
de société ». L’influence s’exerce aussi dans l’autre sens. Comme le relève Pascal Luccioni,
les herboristes, « c’est peut être plus surprenant, s’intéressent parfois voire souvent à
l’ethnobotanique pour essayer de mieux comprendre leurs propres pratiques et pour
essayer de produire du savoir en lien avec leurs pratiques ». Pour Danielle Musset c’est
aussi « l’aspect inventaire de l’ethnobotanique [qui] peut intéresser l’herboristerie ».
Par ailleurs, l’imprécision qui caractérise les deux activités confine parfois à la confusion
des mots. Ainsi d’une épicerie-tisanerie à Paris qui devient « magasin ethnobotanique »56
au détour d’une phrase, ou de ces manuels d’ethnobotanique utilisés comme des précis
de phytothérapie. De nombreux informateurs m’expliqueront ainsi qu’ils utilisent le
Livre des bonnes herbes de Pierre Lieutaghi comme un livre de remèdes. Par exemple,
56
ème
Article publié sur le site de la Mairie du 20 arrondissement de Paris :
www.mairie20.paris.fr/mairie20/jsp/site/Portal.jsp?document_id=19414&portlet_id=3000&comment=1¤t_page_id=
761
41
dans la bibliothèque de Cécile Michel, « le Livre des bonnes herbes et La plante
compagne je les utilise comme des manuels. A la maison j’ai plein de manuels et je vais
regarder dans tous les livres quand j’ai un problème, pour comparer. J’ai donc
L’herboristerie de Patrice de Bonneval, les livres de Pierre Lieutaghi, et d’autres petits
livres, Les plantes médicaments de Delachaux/Niestlé, un bouquin sur l’aromathérapie ».
Si, pour la plupart des informateurs ces deux démarches sont extrêmement
complémentaires, pour certains toutefois, telle Laurence Chaber, « l’ethnobotanique et
l’herboristerie sont deux choses bien différentes qui se nourrissent l’une l’autre, mais qui
sont dans des préoccupations très différentes ». De même pour François Couplan « si je
prends le domaine de l’ethnobotanique scientifique qui est l’étude des rapports entre les
hommes et les plantes, l’herboristerie c’est un petit fragment de l’ethnobotanique ». Dès
lors, bien qu’au cœur des deux activités, le végétal ne suffit pas à créer une communauté
d’intérêt entre les deux professions. D’ailleurs, pour Dorothy Dore, « ce n’est pas tout à
fait les mêmes plantes ; j’ai jamais vu un herboriste utiliser la pariétaire alors que c’était
une plante très utilisée dans la société d’ici, une plante très très importante ».
42
Illustration 1/d : Cartographie des principaux acteurs de l’ethnobotanique française
43
II)
La nébuleuse « Salagon »
Salagon c’est un séminaire, deux jours de conférences, une publication. C’est aussi Pierre
Lieutaghi, que beaucoup assimilent volontiers à l’institution. Mais pour nombre
d’informateurs Salagon c’est avant tout une école de pensée, voire une famille. Alors on
ne parle presque plus du séminaire, de l’ethnopôle : Salagon c’est un site, un paysage,
une histoire, une culture, un imaginaire, des amis : des choses qui jouent également dans
l’attachement particulier qui unit certains participants à ce rendez-vous annuel.
A) Analyse sociographique de la population du séminaire
« Salagon c’est le fin du fin ! On est sûr de ce que l’on trouve à Salagon ! »,
Clotilde Boisvert, écrivain et fondatrice de l’école des plantes de Paris.
1/ Composition générale
Un public fidélisé
L’étude sociographique du public du séminaire de Salagon repose sur les bases de
données établies à partir des fiches d’inscription remplies chaque année par les
participants. Deux bases de données ont été construites. La première prend en compte la
totalité des participants venus depuis 1997 écouter les conférences données à Salagon ;
elle comprend 1083 participants. Après un pic de participation obtenu en 2007 (112
participants), la fréquentation du séminaire a diminué pour atteindre 67 participants en
2009. Mais depuis elle ne cesse de croître. Ainsi, entre 2001 et 2013, la participation a
augmenté de plus de 94%.
Graphique 2/a : Evolution du nombre de participants
44
Par ailleurs, en 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, les séminaires étaient organisés sur
plusieurs sessions (généralement une au printemps et une à l’automne . Toutefois, sur
chaque séminaire annuel, le public est calculé en personnes et non en participants. Cela
signifie que si une personne a assisté aux deux sessions du séminaire, elle ne sera pas
comptée deux fois. A l’inverse, si une personne a assisté à une seule des sessions
annuelles, elle comptera autant qu’une personne ayant assisté aux deux sessions.
Pareillement, chaque session annuelle comprend plusieurs journées de conférence, mais
qu’une personne ait assisté à une seule intervention ou aux deux journées de
conférence, sa participation a été comptabilisée de la même façon. Enfin il faut noter
qu’un problème de contingent limite l’accès au séminaire. Par ailleurs le manque de
salle adéquate à Salagon oblige à une certaine itinérance autour de Forcalquier. Ainsi, en
, le contingent ayant été rempli, certaines personnes n’ont pu s’inscrire au
séminaire faute de place.
Si Salagon doit refuser des inscriptions, c’est bien que le séminaire connaît une
croissance exponentielle. Mais en réalité le séminaire attire souvent les mêmes
personnes, le renouvellement du public est limité. Ainsi, une seconde base de données a
été établie en ne comptant plus qu’une fois chaque personne venue au séminaire ; cette
seconde base de données comptabilise 574 personnes.
Pour construire cette seconde base de données, la règle a été de retenir la région, la
profession et la catégorie professionnelle mentionnées le plus grand nombre de fois sur
les fiches d’inscription. Par exemple, une personne venue assister six fois au séminaire,
quatre fois en indiquant venir de Rhône Alpes et deux fois en inscrivant une adresse en
PACA se verra attribuer la région Rhône Alpes. Par ailleurs, les rubriques renseignées
sont prioritaires sur les rubriques non renseignées. A titre d’exemple, une personne
venue deux fois au séminaire mais n’ayant renseigné qu’une fois les informations sur sa
région d’origine et sur sa profession se verra attribuer les éléments renseignés sur la
fiche d’inscription la plus complète.
Enfin, lorsque la règle du plus grand nombre n’a pu permettre de dégager une région et
une profession uniques, j’ai choisi de conserver les renseignements les plus récents. Par
exemple, une personne venue assister une première fois au séminaire en tant
qu’étudiante puis une seconde fois étant salariée se verra attribuer les renseignements
liés à sa profession. De même, une personne ayant changé plusieurs fois de profession
ou de région sans qu’une règle majoritaire se dégage se verra attribuer les
renseignements inscrits en dernier lieu. Un certain nombre de personnes ont fait l’objet
d’un traitement au cas par cas.
Ainsi le public du séminaire est largement constitué de « fidèles », c’est-à-dire de
personnes venues assister entre 2 et 14 fois au séminaire. A partir de ce constat, une
qualité a été attribuée aux personnes de la seconde base de données en fonction de
l’assiduité de leur participation (cf. tableau 2/a).
45
Tableau 2/a : Fidélité des participants au séminaire de Salagon
PARTICIPATION
1
QUANTITE
380
POURCENTAGE
66,2%
QUALITE
Nouveaux
2
106
18,5%
Familiers
3
entre 4 et 8 inclus
28
47
4,9%
8,2%
Réguliers
Habitués
entre 9 et 14 inclus
13
2,3%
Assidus
Un séminaire genré ?
A Salagon, un participant sur deux est une participante. Voire deux participants sur trois
(cf. graphique 2/b.). L’effet reste identique quand on analyse les statistiques de la base
de données des personnes : les femmes représentent 65,7% de cette population.
Graphique 2/b : Répartition hommes/femmes chez les participants au séminaire de Salagon
Comment expliquer cette « sur-féminisation » du public ? En
, la session d’automne
du séminaire de Salagon fut consacrée aux « Plantes des femmes ». 86 personnes
assistèrent à cette session : 74 femmes et 12 hommes. Dans le programme du séminaire,
Pierre Lieutaghi rappelait quelques unes des tâches prioritairement attribuées aux
femmes et qui ont contribué à faire naître cette « culture féminine du végétal » : « piler
l’ortie pour la volaille, ramasser l’herbe des lapins, les glands des porcs, échardonner l’orge
ou le blé, tamiser la cendre des lessives, rouler le tampon de prêle dont on frotte la poêle,
rechercher en fin d’hiver les premières pousses qui permettront de pallier un peu la disette,
cueillir l’herbe qui calme la dysménorrhée, fait tomber la fièvre, arrête le sang ».
Elise Bain le constate également « c’est sur qu’il y a un attrait féminin pour la plante. )l l’a
été anciennement de par le lien avec la sphère médicale, la sphère domestique, le jardin
proche de la maison. Mais je pense aussi moderne parce qu’il y a une mode de la nature
tout simplement et beaucoup de gens surfent là-dessus. Et du coup je pense qu’il y a plein
de gens qui ont envie de se reconvertir, de se tourner vers la nature, et je pense que les
femmes se retrouvent vachement là dedans ».
46
Dans sa note préliminaire, qui fait également office d’appel à communication, Pierre
Lieutaghi invitait les intervenants à ne pas s’en tenir « au "traditionnel" dans ses relations
quasi-obligées avec le passé ». Reste que l’appel de l’ethnobotaniste n’a apparemment pas
été entendu. Le séminaire traita prioritairement des questions de médecine humaine et
d’économie domestique : sur 11 interventions, 5 avaient trait à un de ces deux sujets. Ce
traitement de la question laissa pantois certains habitués du séminaire, telle que
Caroline Carat, qui avoue ne pas être venue à cette session : « j’avais une telle saturation
sur le sujet que j’avais juste pas envie ! ».
Plus curieux encore est de comprendre pourquoi la sur-représentation des femmes est
moins marquée dans la population des intervenants. En étudiant la base de données des
personnes, on constate que les femmes occupent 65,7% de l’amphithéâtre et seulement
59,3% de l’estrade. Comme le constate Dominique Coll « c’est vrai que ce sont souvent des
hommes qui écrivent les livres ». En 2011, Thierry Thévenin, porte parole du syndicat
SIMPLES57, expliquait que la fête du syndicat serait cette année consacrée aux femmes
qui « ont entretenu et entretiennent des liens privilégiés avec les plantes. Liens de travail
au jardin, à la cuisine, lien de fête, pour la parure, le plaisir ou la séduction, liens de vie
pour aider à mettre au monde, pour repousser la maladie, pour nourrir la famille et les
animaux, liens des secrets que l’on transmet, et même liens de mort, pour les rites du deuil
ou sur les anciens bûchers. Tous ces liens mêlés ont construit la partie la plus intime et la
plus profonde de notre culture, le plus souvent en dehors de nos livres, de nos codes, de nos
édiles et de nos lois ». Et pour l’herboriste « c’est un fait : si les diplômes et les prix vont
peut-être aux hommes, l’essentiel de la pratique, nous la devons aux femmes. Par exemple,
lorsque nous organisons une sortie botanique, nous avons globalement 90% de femmes
parmi les participants. )l s’agit donc de leur rendre hommage »58.
Le même (relatif) déséquilibre transparaît à Salagon. Et se ressent notamment dans les
entretiens, lorsque de nombreuses participantes font part du sentiment d’infériorité
qu’elles ressentent face à leur « mentor ». Ainsi d’Eva Bruneau, qui explique qu’ « au tout
début, quand je suis venue, j’étais une petite étudiante, en tant que personne, en tant que
femme, en tant que tout, j’étais toute discrète, toute petite dans mon fauteuil. … Mais ça
m’a permis de côtoyer, même si j’étais transparente, des gens qui me faisaient rêver ». Ou
de Cécile Michel « j’avais besoin que ces mentors tombent, j’avais besoin de les voir
physiquement. Pendant longtemps Pierre Lieutaghi je l’ai mis sur un piédestal et je
n’arrivais pas à le faire descendre. … Avant j’étais dans une position d’élève et
maintenant je ne le suis plus du tout, du coup je me sens plus d’égal à égal. J’étais comme
écrasée par les gens qui savent ».
57
Le syndicat SIMPLES (syndicat inter- assifs pou la p odu tio et l’ o o ie des si ples) est né dans les Cévennes en
1982. Il rassemble une centaine de producteurs-cueilleurs de plantes médicinales, aromatiques, alimentaires, cosmétiques
et tinctoriales, installés en zone de montagne ou dans des zones préservées. Le syndicat promeut un cahier des charges
strict qui invite à prendre en compte les questions environnementales et à veiller au respect de la ressource.
58
L’âge de fai e, « Une science pour apprendre à faire simple », novembre 2011, Numéro 58.
47
Des profils hétérogènes
Si le public de Salagon est fidèle et féminin, il est aussi fortement hétérogène. Tout
d’abord, l’origine professionnelle des participants est la première source de diversité.
Différentes catégories professionnelles ont été constituées à partir des éléments
recensés sur les fiches d’inscription. Chaque année, les participants sont invités à
renseigner leur « organisme de rattachement » et leur « motivation dans le domaine de
l’ethnobotanique ». Voici le détail des catégories professionnelles et des professions
constituées à partir de ces informations. Les chiffres donnés sont extraits de la base de
données des participants.
Tableaux 2/b : Huit tableaux détaillant les professions et catégories professionnelles des participants
au séminaire de Salagon.
EDUCATION A L’ENVIRONNEMENT
Association
Animation
Formation
Conseil / Consultant
Total
NOMBRE
52
51
23
6
132
DIVERS
Non renseigné
Administratif
Hôtelier
Biologiste
Architecte
Informaticien
Journaliste
Ingénieur
Artisan
Cuisinier
Total
NOMBRE
172
6
3
2
1
1
1
1
1
1
189
NATURE
Conservatoire botanique
Jardinier
Accompagnateur montagne
Forestier
Salarié d’un Parc Naturel Régional
Paysagiste
Total
NOMBRE
38
37
28
12
11
9
135
48
CULTURE
Salarié par Salagon
Emploi dans la culture non déterminé
Artiste
Ecrivain
Artiste et animateur
Bibliothécaire
Total
NOMBRE
43
27
21
19
1
1
112
AGRICULTURE
Agriculteur
Bergère
Total
NOMBRE
14
2
16
MEDICAL / PARAMEDICAL
Infirmière
Pharmacien
Médecin
Paramédical
Psychothérapeute
Vétérinaire
Sage femme
Total
NOMBRE
9
7
7
5
4
1
1
34
HERBORISTE
Producteur de plantes médicinales
Ecole de plantes
Herboriste
Phytothérapeute
Accompagnateur montagne,
phytothérapeute et jardinier
Thérapeute
Herboriste et jardinier
Total
NOMBRE
28
19
10
8
RECHERCHE
Chercheur
Etudiant
Chercheur indépendant
Doctorant
Enseignant
Universitaire
Chercheur indépendant et écrivain
Agronome
Total
NOMBRE
180
68
52
33
24
13
13
10
393
2
2
1
72
49
Le public du séminaire est majoritairement constitué de personnes évoluant dans le
milieu de la recherche (cf. graphique 2/c). Mais à la différence des autres colloques,
Salagon accueille aussi des agriculteurs, des jardiniers, des accompagnateurs et des
vétérinaires. Pour certains participants, c’est cette ouverture qui fait la force du
séminaire. Ainsi de Vanessa Cholez : elle remarque qu’à Salagon « on n’est pas dans un
colloque avec que des chercheurs. C’est une des raisons pour lesquelles j’y retourne cette
année. Ca se ressent beaucoup sur place. La démarche de vulgarisation elle me semble très
importante. … En participant à ce genre de colloque je me sens plus à l’aise et plus à ma
place que dans les colloques où il n’y a que des chercheurs, où on est dans un milieu très
élitiste, ça ne m’attire pas trop ».
Graphique 2/c : Catégories professionnelles des participants au séminaire de Salagon.
C’est aussi, pour Elise Bain, ce qui distingue Salagon des autres séminaires car « ce
séminaire il est vraiment ouvert à tout le monde en fait, c’est-à-dire aux universitaires
comme aux non-universitaires, aux praticiens, aux producteurs, aux étudiants, à plein de
gens. Pas mal de gens qui viennent des écoles de plantes aussi. Je n’ai jamais vu un
séminaire avec autant de non universitaires ou de non chercheurs, c’est énorme ». Pour
Raphaëlle Garreta, ce qui fait la différence du séminaire de Salagon c’est que « c’est pas
un colloque ».
Il est intéressant de noter que plusieurs informateurs opposeront le « séminaire », vécu
comme accessible et convivial, au « colloque », qui est « générateur de stress »,
confidentiel, inaccessible. Pourtant, la session de 2007 du séminaire annuel, justement
intitulée « colloque », se démarquait des autres éditions prioritairement adressées aux
50
« chercheurs évoluant dans le domaine de l’ethnobotanique » car comme le mentionnait
son programme « ce colloque est ouvert à tous : jardiniers amateurs ou professionnels,
étudiants, chercheurs, passionnés de jardins, guides, médiateurs, etc. ». D’ailleurs, le
colloque de 2007 sur les jardins ethnobotaniques a attiré beaucoup plus de nonchercheurs que les autres éditions (cf. graphique 2/f). A contrario, c’est en
, pour le
séminaire consacré à « L'imaginaire contemporain du végétal », que les chercheurs
furent, proportionnellement, les plus nombreux. En revanche peu d’herboristes se
déplacèrent pour cette session (cf. graphique 2/d).
Graphique 2/d : Participation des herboristes au séminaire de Salagon.
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
1997
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Enfin les participants ne sont pas invités à renseigner leur âge mais des statistiques sur
leur statut professionnel (actif, étudiant, retraité ou chômeur) peuvent dans une
certaine mesure compléter cette sociographie de la composition générale du public (cf.
graphique 2/e).
Graphique 2/e : Statuts professionnels des participants au séminaire de Salagon
ACTIVITE
16%
CHOMAGE
5%
9%
ETUDE
69%
1%
RETRAITE
NON RENSEIGNE
51
Graphique 2/f : Evolution de la participation au séminaire des différentes catégories professionnelles
52
Pour finir, l’attractivité du séminaire est essentiellement régionale. A elle seule la région
Provence Alpes Côte d’Azur héberge ,4% des participants et 42% des personnes. Mais
des Bretons, des Suisses, des Portugais, assistent également au séminaire de Salagon.
Sur les 574 personnes venues assister à une session du séminaire depuis 1997, 495 soit
plus de 85% étaient originaires de France métropolitaine.
Croquis 2/a : Origine régionale des personnes ayant assisté au séminaire de Salagon
Les 15% restant étaient originaires des pays suivant :
Tableau 2/c : Pays d’origine des personnes ayant assisté au séminaire de Salagon
PAYS
France
Suisse
Non renseigné
Italie
Belgique
Portugal
La Réunion
Sénégal
Total
NOMBRE
495
33
24
7
7
5
2
1
574
53
2/ La composante recherche
Une composante hétérogène
)nitialement, le séminaire d’ethnobotanique a été pensé par ses organisateurs comme un
lieu de réflexion pour « les chercheurs travaillant dans le domaine de l’ethnobotanique ».
Compte tenu de la relative souplesse avec laquelle le terme « ethnobotanique » est
entendu, plusieurs profils de participants se sont reconnus dans la mission du séminaire.
Reste que les chercheurs continuent d’en constituer la cible prioritaire. Danielle Musset
le concède : « personnellement c’est ce public là que je veux toucher ». Leur participation
au séminaire est d’ailleurs relativement stable : il y a toujours entre 20 et 40 chercheurs
dans l’assistance exception faite de la table ronde de
où ils étaient 12) avec une
moyenne de 28,1, une médiane de 28,5, un minimum de 21 pour les séminaires de 2002
et 2009 et un maximum de 40 en 2013 (cf. graphique 2/g.).
Graphique 2/g : Participation des RECHERCHE
chercheurs au séminaire de Salagon
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
1997
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Proportionnellement au reste du public, c’est en
et en
qu’ils furent le plus
nombreux : ils occupaient alors respectivement % et % des sièges. Et c’est en
,
pour le colloque sur les jardins, qu’ils furent le moins représentés dans l’assistance : ils
ne représentaient que 21% du public.
La surreprésentation des femmes au sein du public
% contre % d’hommes est
autant marquée chez les chercheurs : 67,3% des chercheurs sont des chercheuses. Mais
au sein de cette composante différents profils de chercheurs se côtoient. Il y a finalement
peu de points communs entre un agronome et un étudiant en sociologie, peu de
ressemblances entre un maître de conférences de latin-grec et un chercheur
indépendant en ethnobotanique. Si ce n’est qu’ils sont tous, à différents niveaux,
producteurs et transmetteurs de savoirs. Pour réaliser cette sociographie de la
composante recherche nous travaillerons à partir des informations de la base de
données des personnes. Ainsi, s’ils étaient
dans la base de données des participants,
ils ne sont plus que 205 dans la base de données des personnes (cf. tableaux 2/d et 2/e).
54
Tableau 2/d : Profession des participants
identifiés comme membres de la composante
recherche
RECHERCHE
NOMBRE
Chercheur
Etudiant
Chercheur indépendant
Doctorant
Enseignant
180
68
52
33
24
Universitaire
Chercheur indépendant et
écrivain
Agronome
Total
13
13
10
393
Tableau 2/e : Profession des personnes
identifiées comme membres de la composante
recherche
RECHERCHE
Chercheur
Etudiant
Doctorant
Chercheur indépendant
Enseignant
Universitaire
Agronome
Chercheur indépendant et
écrivain
Total
NOMBRE
96
40
25
18
12
7
5
2
205
Les chercheurs (maitres de conférences et professeurs à la faculté, chercheurs CNRS)
constituent presque la moitié de cette composante : ils représentent 46,8% des
personnes évoluant dans la recherche. Les étudiants et doctorants constituent le second
groupe le mieux représenté : 19,5% pour les étudiants, 12, 2% pour les doctorants, soit
31,7% de la composante. Les enseignants (5,8%) sont les professeurs du secondaire, les
universitaires , % constituent les personnes travaillant à l’Université mais n’ayant
pas précisé sur leur fiche d’inscription le poste précis qu’elles y occupent (cf. graphique
2/h).
Graphique 2/h : Professions des membres de la composante recherche (base de données des
personnes)
AGRONOME
CHERCHEUR INDEPENDANT
ENSEIGNANT
9%
1%
CHERCHEUR
CHI; ECRIVAIN
ETUDIANT
6%
20%
35%
12%
47%
3%
2%
55
Les chercheurs sont-ils les intervenants ?
Laurence Chaber, qui est intervenue trois fois au séminaire de Salagon, l’a constaté
« Danielle [Musset] préfère choisir les étudiants, c’est son choix ». La directrice de
l’ethnopôle l’admet volontiers « c’est vrai qu’on souhaite leur donner leur chance, car c’est
facile d’intervenir au séminaire de Salagon. Parce que justement ce ne sont pas des gens
méchants, ce ne sont pas des chercheurs qui vous attendent au coin du bois pour vous dire
"ahaha vous avez dit cela et c’est pas vrai". C’est très ouvert, les gens sont ouverts ». Par
ailleurs « en faisant intervenir des chercheurs ça attire le monde étudiant, universitaire ».
Sur les 205 « chercheurs » ayant participé au séminaire de Salagon, 113 ont eu l’occasion
de donner une conférence, soit un peu plus de 55% de l’effectif. Ces 113 chercheurs
représentent 75,3% de l’ensemble des orateurs de Salagon. La composante recherche
est donc surreprésentée dans la population des intervenants.
Tableau 2/f : Catégories professionnelles des intervenants
Catégories professionnelles
Recherche
Culture
Education à l'environnement
Nature
Agriculture
Divers
Médical
Herboriste
Total général
%
Nombre d’intervenants
113 75,30%
13
8,70%
8
5,30%
8
5,30%
3
2%
2
1,30%
2
1,30%
1
0,70%
150
100,00%
Les membres de la composante recherche ayant donné une intervention sont
essentiellement des chercheurs : ils représentent 64% de cette population. Les
doctorants constituent ensuite le groupe le mieux représenté (cf. tableau 2/g).
Tableau 2/g : Professions des intervenants membres de la composante recherche
Composante recherche
Chercheur
Doctorant
Chercheur indépendant
Etudiant
Universitaire
Agronome
Chercheur indépendant écrivain
Enseignant
Total
Nombre d’intervenants
75
16
10
4
4
2
2
%
66%
14%
9%
4%
3%
2%
2%
0
113
0%
100%
56
Ainsi, tandis que dans l’assistance du séminaire % du public ne fait pas partie de la
composante recherche, parmi les intervenants, les chercheurs sont largement
majoritaires (75,3%). Le rapport s’inverse donc complètement selon que l’on regarde la
population qui parle ou la population qui écoute. Laurent Gall l’a constaté « j’ai quand
même l’impression qu’il y a énormément de passionnés de plantes et de savoirs humains
avant les chercheurs. Les gens qui interviennent sont plus des chercheurs, ça c’est clair.
Mais dans la salle j’ai l’impression que le rapport s’inverse complètement ». Pour Danielle
Musset, c’est important de laisser l’estrade aux chercheurs, du moins « il faut au moins
les deux, le mélange des deux. Sinon moi je l’ai vu parfois il y a eu des séminaires où la
discussion après l’intervention ça tourne à "et toi tu l’utilises à quoi cette plante ? Ma
grand-mère elle l’utilisait à ça". Et bon c’est peut être intéressant mais c’est un peu limité
quand même ». Pierre Guardiola le constate également « la qualité de ce séminaire c’est
que chaque année elle est relevée par les personnes qui font des recherches ».
Mais pour d’autres, telle que Caroline Carrat, « le choix des intervenants ne doit pas être
une ventilation des différentes catégories professionnelles. Pour moi le plus important c’est
que ce soit des gens qui savent parler en public et qui savent structurer une conférence, qui
savent gérer leur temps. C’est bien qu’il y ait de la diversité mais le plus important c’est que
ce soit des gens qui puissent communiquer et restituer ». Or tous les intervenants ne
disposent pas de cette capacité de communication et plusieurs informateurs m’ont
avoué s’être endormis à certaines conférences, surtout à celles qui ont la malchance
d’être programmées après la pause déjeuner. Par ailleurs, plusieurs informateurs
reprochent également à Salagon de confier chaque année le micro aux mêmes
intervenants. Et il est vrai que si les participants sont « fidèles » au séminaire, les
orateurs sont également des serviteurs zélés ! 23,4% des intervenants, soit près d’un
quart, est intervenu plus d’une fois à Salagon. Et quatre sont intervenus entre et 2
fois !
Tableau 2/h : Fidélité des intervenants au séminaire de Salagon
Nombre d’intervention
1
2
3
entre 4 et 8
entre 9 et 12
Qualité
Nouveaux
Familiers
Réguliers
Habitués
Assidus
Nombre d’intervenants
115
23
4
4
4
%
76,7%
15,3%
2,7%
2,7%
2,7%
Néanmoins la grande majorité des intervenants est renouvelée chaque année puisque
, % des orateurs ne sont intervenus qu’une fois au séminaire.
57
Les chercheurs indépendants
Sur la base de données des personnes, 9,7% des chercheurs sont des chercheurs
indépendants. Sur la base de données des participants, ils sont un peu plus nombreux :
ils représentent
, % de l’effectif de la composante recherche. Ces participants
travaillent essentiellement en ethnobotanique (40% de l’effectif et bien que témoignant
de parcours différents, la plupart travaillent sur des courtes missions, souvent dans le
cadre d’appels à projet portés par des structures associatives, et souvent de façon isolée.
Comme le constate Magali Amir, chercheuse indépendante en ethnobotanique « j’aime
bien travailler seule, j’en ai marre de travailler seule mais j’ai l’habitude, j’ai beaucoup à
faire dans ma vie donc c’est souvent que par obligation je suis toute seule dans mon boulot.
Mais je trouve que des partages, un réseau, ça serait super bien ».
Ces chercheurs travaillent donc indépendamment des centres de recherches et bien que
pour certains telle qu’Elise Bain il peut s’agir d’un choix « j’avais décidé de sortir un peu
de l’université, j’avais pas envie d’aller au CNRS », beaucoup se plaignent de la précarité
de cette situation professionnelle et des difficultés liées à l’isolement. C’est précisément
pour répondre à ce problème qu’à l’occasion du séminaire d’octobre
un réseau de
chercheurs professionnels et débutants en ethnobotanique s’est constitué. Après s’être
rencontrées à Salagon, ils ont formé un collectif afin d’échanger sur leurs pratiques de
l’ethnobotanique. )l s’agit de gens qui font des enquêtes ethnobotaniques ou qui ont
pour projet immédiat d’en faire. La première rencontre du collectif a eu lieu les , et
février 2013 en bord de Loire, à Sancerre dans le Berry. Une seconde fut hébergée par
Salagon le 12 octobre 2013, à la suite du douzième séminaire d’ethnobotanique. Elise
Bain a participé aux deux rencontres pour « représenter Salagon, car Danielle [Musset]
me l’avait demandé, mais aussi car je suis en train de monter une grosse enquête
ethnobotanique dans les Vosges du sud et j’avais envie de me nourrir d’autres choses,
d’autres projets. Les projets anciens on les connait mais discuter avec des gens qui sont en
train de faire de l’ethnobotanique c’est toujours super enrichissant ».
Destiné à fonctionner comme un véritable groupe de travail, le collectif ne dispose pas
encore d’un statut, d’un nom ou d’une ligne directrice claire. )l s’agit pour l’heure d’un
réseau qui fonctionne essentiellement par envois d’emails et par ces quelques temps de
rencontre. Un projet commun pourrait réunir les énergies mais il s’agit avant tout de
proposer un espace de réflexion sur la méthodologie de l’ethnobotanique. Les difficultés
du terrain, les possibilités de financement, les outils bibliographiques et
méthodologiques sont autant de sujets qui peuvent être abordés au sein du collectif. Le
programme de la première rencontre rappelait ainsi que l’objectif du collectif est de
rassembler « différents acteurs de terrains et coordinateurs de projets d’enquêtes
ethnobotaniques locaux [qui] ont souhaité échanger autour de leurs pratiques pour
nourrir les différents projets en cours. Une des idées était que cet espace puisse permettre
la rencontre et les échanges entre des personnes expérimentées et des moins
58
expérimentées en la matière. Un des traits principaux de ces rencontres est l’échange et la
réflexion collective plutôt qu’une formation proprement dite ».
Pour Elise Bain « c’est quelque chose qui aurait dû exister depuis très longtemps car quand
j’y suis allée j’ai vraiment senti que c’était une bouffée d’oxygène autant pour moi que pour
tous les gens qui font des enquêtes et qui rament un peu dans leur coin. Car au séminaire
on vient parler d’ethnobotanique sur un thème précis, mais finalement on ne parle pas
d’enquêtes … . Moi quand je suis allée à ce truc là je me suis vraiment dit que c’était fou
que ça n’ait pas eu lieu plus tôt ». Ainsi, le collectif représenterait en quelques sortes les
forces vives de l’ethnobotanique. )l est en effet notable de constater que la plupart des
membres du collectif sont assez jeunes, la moyenne d’âge des participants ayant
répondu au questionnaire est de
ans, l’âge médian est
ans et l’écart type entre les
différents âges relevés est de 4,7.
Par ailleurs, parallèlement à la création du collectif, un rajeunissement du vivier
d’intervenants a eu lieu. Cela n’a pas échappé à Claude Marco qui raconte avoir
« découvert cette année toute une nouvelle génération, essentiellement des jeunes
femmes ». Ces deux générations d’ethnobotanistes se distinguent par leur accès à la
discipline. Les membres du collectif d’ethnobotanique font de la recherche sans
forcément réussir à en vivre. Comme l’explique Laurent Gall : « je suis un intermittent de
l’ethnobotanique, je travaille à côté pour gagner de l’argent ». La plupart travaillent ainsi
dans l’éducation à l’environnement (cf. graphique 2/i). En revanche, les jeunes
ethnobotanistes dont parlent Claude Marco sont étudiantes.
Graphique 2/i : Catégories professionnelles des membres du collectif des rencontres ethnobotaniques
En effet, en
, Vanessa Cholez, doctorante au laboratoire d’éco-anthropologie et
d’ethnobiologie du Muséum, Mélanie Congretel, agronome, ancienne étudiante au
Muséum et actuellement en première année de doctorat à l’AgroParisTech, Pauline
Mayer, étudiante en Master II au Muséum et Emilie Letouzey, doctorante au Centre
d’Anthropologie Sociale de Toulouse, proposèrent toutes les quatre des interventions.
Mais aucune de ces jeunes chercheuses n’a été intégrée au collectif des rencontres
ethnobotaniques.
59
Au-delà de leur statut professionnel, ces deux générations d’ethnobotanistes se
distinguent par leur sujet d’enquêtes. Tandis que le collectif travaille exclusivement sur
l’Europe francophone, les étudiantes en ethnobotanique travaillent en Himalaya, au
Brésil et au Japon. Seule Pauline Mayer travaille actuellement sur un terrain français.
Toutefois, la même méthodologie semble appliquée par les deux groupes dans leur
recherche de compréhension des relations hommes/plantes. En effet, pour 40% des
membres du collectif interrogés, l’ethnobotanique est un champ de l’ethnologie. Par
ailleurs, questionnés sur les pratiques de l’ethnobotanique, la plupart des membres du
collectif ont identifié les outils de l’ethnographe (cf. tableau 2/i).
Tableau 2/i : Les pratiques de l’ethnobotaniste identifiées par les membres du collectif des
rencontres ethnobotaniques
Quelles pratiques pour l’ethnobotaniste ?
Enquête
Transmission
Bibliographie
Jardin
Listes d’usages de plantes
Herborisation/cueillette
Observation participante
Nombre
9
5
4
3
3
2
1
%
33,3%
18,5%
14,8%
11,1%
11,1%
7,4%
3,7%
Ainsi, bien qu’évoluant séparément, ces deux réseaux de chercheurs en ethnobotanique
semblent mobiliser des outils ethnographiques similaires et proposer, sur des terrains
différents, le même type d’interprétations ethnobotaniques.
60
3/ La composante des « fidèles »
Qui sont les fidèles ?
Au-delà des chercheurs, qui fréquentent assidument le séminaire, de nombreux
participants gravitent autour de Salagon sans forcément chercher à monter sur l’estrade.
Identifiés comme les « fidèles », ils sont venus entre 3 et 14 fois au séminaire. 88
personnes (soit 1 , % de l’ensemble des 574 personnes) sont concernées. Il s’agit
essentiellement de femmes : elles représentent % de l’effectif de cette composante cf.
graphique 2/j).
Graphique 2/j : Répartition hommes/femmes chez les fidèles
HOMMES
28%
FEMMES
72%
Si la catégorie professionnelle « recherche » est majoritaire dans cette population, les
catégories « nature » et « éducation à l’environnement » constituent à elles deux 42% de
l’effectif total cf. graphique /k).
Graphique 2/k : Catégories professionnelles des fidèles
61
A qui est-on fidèle ?
Céline Hélary fait partie de cette population des fidèles. Elle est venue trois fois au
séminaire et le reconnaît volontiers « moi je suis très fan de Salagon ! ». Comme d’autres,
elle manifeste un attachement très fort pour l’institution. Mais plus que le Musée de
« Salagon », si souvent cité pour résumer l’ensemble de choses qui attirent les
participants, c’est aussi pour le lieu — et pour Lieutaghi — que les fidèles font le
déplacement.
Illustration 2/a : Photographie du Prieuré de Salagon
Installé dans un prieuré médiéval monumental, paré de jardins splendides, le Musée de
Salagon cumule de nombreux atouts. Des détails susceptibles de forger des
représentations et des attaches qui résonnent dans l’esprit des participants, et d’autant
plus dans celui des fidèles. Ainsi d’Eva Bruneau pour qui « Salagon c’est un lieu très fort,
qui a un esprit, une force ». Lorsqu’elle a découvert le site il y a douze ans ce fut comme
un « coup de foudre, j’ai adoré cet endroit, donc c’est toujours resté un endroit important
pour moi, parce qu’il me parle, c’est un endroit avec des jardins, où j’ai aimé venir me
ressourcer, presque un lieu de ressource ». De la même façon, pour Raphaëlle Garreta,
« c’est un peu le pèlerinage, je viens faire ma cure à Salagon ». De nombreux participants
m’avoueront aussi ne pas regretter la suppression des sorties botaniques, qui
clôturaient habituellement le séminaire. Ainsi de Céline Hélary qui explique « être
contente d’être enfermée pendant deux jours ». De même pour Magali Amir qui constate
toutefois qu’à la fin des deux journées « je suis saturée, j’ai ma dose pour un an ».
62
Enfin, de nombreux fidèles expriment leur investissement dans ce séminaire comme une
fidélité à Pierre Lieutaghi, le « mentor », l’esprit « tutélaire ». Comme le constate Clotilde
Boisvert, le midi, « c’est un peu la guerre pour être assis à côté de Pierre ». La « caution »
Pierre Lieutaghi participe indéniablement du succès remporté depuis 2001 par ce
séminaire. Danielle Musset en a conscience « la place de Pierre Lieutaghi est majeure
dans le succès du séminaire. )l est évident qu’il y a beaucoup de gens qui viennent car c’est
le séminaire de Pierre Lieutaghi, moi je ne me fais pas d’illusion là-dessus ». La fonction
légitimatrice exercée par l’ethnobotaniste sera étudiée en détail dans la suite de ce
rapport. Mais incontestablement, Pierre Lieutaghi a contribué à la réorientation
professionnelle de nombreux participants. D’ailleurs, pour Claude Marco, « la façon de
lui être fidèle à Pierre c’est de creuser des endroits où il n’est pas allé trop voir, ce n’est pas
d’être en adoration devant lui ». C’est ce qu’a fait Magali Amir, qui a commencé à faire des
enquêtes ethnobotaniques dans le Parc du Luberon sur les conseils de Pierre Lieutaghi :
« j’avais contacté Pierre Lieutaghi pour savoir comment je pouvais travailler avec les
plantes, c’était ma référence ». Et c’est sans doute le cas d’autres personnes identifiées
dans la composante des « transfuges ».
Les transfuges
Certaines personnes ont, au cours de leurs successives participations au séminaire,
changé de profession. Les transfuges sont donc les personnes pour qui il a été constaté
qu’à plusieurs années d’intervalles, l’organisme de rattachement mentionné sur les
fiches d’inscription avait changé. C’est le cas de
personnes, soit presque
% de
l’effectif total. Bien entendu la réorientation professionnelle concerne tout le monde,
qu’on ait suivi ou non un séminaire de Salagon. )l ne s’agit donc pas de dire que chaque
changement de carrière identifié sur les fiches d’inscription est à mettre sur le compte
de Salagon. Mais si la réorientation professionnelle touche en moyenne 15% des
personnes ayant suivi un séminaire d’ethnobotanique, elle concerne à plus de % les
fidèles de Salagon (cf. tableau 2/j).
Tableau 2/j : Reconversions professionnelles des personnes venues assister au séminaire de Salagon
Ne change pas de CP
2 CP renseignées
3 CP renseignées
4 CP renseignées
Total
ASSIDU HABITUE REGULIER FIDELES FAMILIER NOUVEAU
8
13
17
38
72
378
3
20
8
31
34
2
2
13
3
18
0
0
0
1
0
1
13
47
28
88
106
380
Total
488
67
18
1
574
63
Caroline Carrat fait partie de cette population des « fidèles » « transfuges ». Et elle en
témoigne volontiers, sa rencontre avec Salagon y est pour quelque chose. Lorsqu’elle
décide d’abandonner son poste de cadre à Paris, elle part vivre dans la région de
Montpellier et participe dès 2001 au séminaire d’ethnobotanique. Elle raconte alors que
dès son arrivée « j’ai été complètement prise, j’ai tout de suite cherché à habiter ici, je me
suis très rapidement installée en troc, jardinage contre logement. Et pendant des années
j’ai fonctionné comme cela. Donc j’avais ça au fond de moi mais lors de ma rencontre avec
Salagon je me suis dit "enfin je suis à la maison !"». Le collectif des rencontres
ethnobotaniques témoigne également de l’influence que peut avoir Salagon sur les
changements de carrière de ses participants. Nul doute que les membres de ce réseau
auraient, avec ou sans le collectif, poursuivi d’entreprendre des projets en
ethnobotanique. Mais participer au séminaire et a fortiori construire ce réseau a
incontestablement permis d’accélérer le processus.
Par ailleurs, plusieurs membres du collectif ont découvert l’ethnobotanique grâce à
Pierre Lieutaghi. Ainsi d’Elise Bain « ma re-rencontre avec Pierre Lieutaghi qui, au début
des années 2000 m'a "incité" à faire de l'ethnobotanique, proposition à laquelle je n'ai pas
réagi tout de suite, a pu (et c'est avec le recul que je pense cela aujourd'hui), m'amener sur
cette voie ». Et de Julie Le Bigot qui se rappelle qu’« en lisant la quatrième de couverture
[de la Plante Compagne] et en feuilletant le livre dans la librairie je me se souviens m'être
dit "mais c'est tout à fait ça qui m'intéresse !". Je me suis sentie vraiment heureuse ».
64
B) Enquête ethnographique
« Salagon ce sont des belles rencontres. C’est un peu comme une famille, il y a une espèce de
fraternité au niveau de l’approche, de l’amour des plantes et au niveau du comportement
avec les autres ». Thierry Thévenin, producteurs de plantes médicinales et herboriste.
1/ La fonction de formation
Arguments avancés par les participants
De nombreux participants prévoient longtemps à l’avance leur venue au séminaire
d’ethnobotanique, c’est devenu pour beaucoup un rendez-vous annuel, un temps de
formation privilégié. Mais qu’est ce qui fait la spécificité du séminaire dans le processus
de transmission des savoirs ? De nombreux arguments sont avancés par les participants
pour justifier leur venue régulière à Salagon.
Tout d’abord, c’est assurément le seul séminaire d’ethnobotanique proposé en France.
Seul le Master Environnement, Dynamique, Territoires, Sociétés (EDTS) co-habilité par
le Muséum et AgroParisTech propose un module d’ethnobotanique, dispensé
uniquement aux étudiants qui suivent cette formation.
Par ailleurs, comme le relève Corinne Duque, « c’est toujours une histoire de coût et de
temps ». Ainsi il faut bien faire un choix et si le séminaire de Salagon est le seul à traiter à
proprement parler d’ethnobotanique, de nombreux congrès/colloques/séminaires
abordent la relation homme/plante sous d’autres aspects ethnopharmacologiques
notamment). Chacun est alors amené à faire sa sélection et tandis que certains comme
Céline Hélary suivent plusieurs séminaires : « j’ai Salagon et il y a un autre congrès qui se
fait à Digne au mois de septembre, qui est beaucoup plus scientifique, beaucoup plus sur les
huiles essentielles et ça tourne aussi autour des parfums. Et là j’arrivais à compléter entre
Salagon qui me plaisait beaucoup, Digne moins mais qui m’apportait ce côté beaucoup plus
scientifique. Donc je me réserve toujours quinze jours de vacances entre fin septembre et
début octobre pour faire le séminaire de Salagon et le congrès de Digne » ; beaucoup
comme Magali Amir se consacrent exclusivement aux journées de Salagon « je me
souviens de séminaires, de congrès, il y a des choses qui me sont passées mais ça coûte cher,
ça prend du temps, et quand on est en free lance comme ça ce n’est pas évident ».
Par ailleurs, nous l’avons vu plus haut, c’est assurément les régionaux qui se déplacent le
plus volontiers. Habitant la Bretagne, Corinne Duque ne fera pas le voyage cette année
« si j’habitais la région je serai sans doute déjà venue, au séminaire également, mais
habitant la Bretagne ça va être difficile ». Pierre Guardiola en revanche se félicite
d’habiter si près « moi ça m’intéresse tellement que dès que j’ai les dates je bloque deux
jours de congés auprès de mon employeur ! Mais bon j’habite à côté, j’ai cette chance de
pouvoir venir régulièrement ! ».
65
Enfin la notion d’argent rentre en ligne de compte puisque la participation au séminaire
de Salagon est payante bien que peu coûteuse. La participation demandée est en
moyenne de
€ par personne sans compter les repas pour les deux journées de
formation. Ce qui fait de Salagon, comparativement aux autres offres de formation, un
séminaire très attractif. A titre d’exemple, pour participer au congrès international des
plantes aromatiques et médicinales organisé en septembre 2011 à Digne, il fallait
débourser en moyenne
€ pour trois jours de formation. Céline Hélary, qui participe
aux deux évènements, l’a constaté : « ceux qui habitent plus loin ne viendront pas [au
congrès de Digne], ça fait trop loin et trop cher. Par contre le séminaire de Salagon c’est le
moins cher des séminaires donc chaque année ils réservent celui de Salagon car le rapport
qualité/prix leur convient tout à fait ».
Ainsi, le bilan coût/avantage du séminaire de Salagon étant relativement intéressant, de
nombreux participants se laissent tenter et viennent à Salagon pour se former à
l’ethnobotanique. Beaucoup le noteront : l’attitude est studieuse dans les rangs du
séminaire. La majeure partie des participants prend des notes pendant les conférences.
Ainsi de Magali Amir qui pendant plusieurs années a même retranscrit ses notes sur
l’ordinateur « du coup je pouvais retrouver plus facilement les infos, maintenant c’est plus
des notes comme cela, par écrit ». Certains comme Laurence Chaber font un tri « si ce sont
des personnes que je connais ou qui ont une thématique qui m’intéresse particulièrement
j’enregistre et je prends toujours des notes. )l y a en a certains qui ne m’intéressent pas
spécialement alors je suis là mais je ne prends pas de notes ». D’autres comme Dominique
Coll range et classe leur prise de notes « je classe bien à la maison et je reprends mes notes
et je sais que je vais m’en resservir, car je retourne dans les notes quand je prépare mes
animations ou conférences. Mais je sais toujours où retrouver ce que j’ai écrit ». Mais si
certains sont très appliqués, beaucoup m’avoueront ne jamais revenir sur leurs notes.
Ainsi d’Eva Bruneau « je prends bien mes notes même si je ne les ai jamais relues », de
Raphaëlle Garreta « je prends des notes mais je les relis jamais, rarement, enfin ça
dépend » et de Magali Amir « j’ai des cahiers entiers des séminaires de Salagon. Je ne les
relis pas forcément, ou si, des fois, je veux retrouver telle ou telle chose que j’ai entendue ».
Par ailleurs, plusieurs participants choisissent de venir au séminaire parce qu’ils aiment
la région, parce qu’ils souhaitent visiter les jardins ou dans l’espoir de rencontrer Pierre
Lieutaghi. Enfin c’est aussi pour rencontrer des ethnobotanistes (professionnels et
amateurs) et pour revoir les personnes rencontrées aux précédentes éditions que les
gens viennent et reviennent à Salagon. Ces éléments seront traités dans les parties
suivantes. Reste qu’interrogés sur leurs attentes vis-à-vis du séminaire de Salagon,
66,7% des membres du collectif des rencontres ethnobotaniques estiment avant tout
venir à Salagon pour se former à l’ethnobotanique. C’est donc bien pour entendre parler
de la relation homme/plante que la majeure partie des participants fait le déplacement.
Il est temps de voir ce qui fait la spécificité de Salagon dans le traitement de cette
question.
66
Analyse des thématiques
Dans la première partie de ce rapport nous l’avons constaté, la notion d’ethnobotanique
est floue et sujette à interprétations. Nous avons toutefois délimité plusieurs formes
d’ethnobotanique et admis que celle pratiquée par Salagon relève d’une ethnobotanique
scientifique laissant une large place aux approches plus appliquées. Mais cette démarche
ne dit rien des sujets de prédilection de l’institution. Or Salagon forme ces participants à
un champ thématique relativement circonscrit : il s’agit prioritairement d’inviter le
public à réfléchir sur la relation qui unit et (surtout unissait) les hommes et les plantes
dans les espaces ruraux, en privilégiant l’étude des savoirs immatériels.
En effet, malgré de nombreuses tentatives, les organisateurs n’ont pas réussi à changer
cette patte, cette marque, que beaucoup attribuent à Pierre Lieutaghi. Ainsi de Magali
Amir : « je pense que la couleur de Pierre apparaît très nettement dans le séminaire
d’ethnobotanique, parce qu’effectivement lui son grand truc c’est les savoirs populaires et
ruraux et anciens, traditionnels ». Bien que comme le constate Bernadette Lizet « Danielle
[Musset] est très liée aux savoirs naturalistes populaires, à l’appel d’offre, à l’entrée en
scène de l’ethnobotanique ». Les savoirs naturalistes populaires seraient donc la
préoccupation principale des intervenants de Salagon. Depuis 2001, 205 interventions
ont été programmées à Salagon. Voici la classification retenue pour identifier les
thématiques traitées lors de ces conférences.
Tableaux 2/k : Classification des thématiques abordées au cours des séminaires de Salagon
IMMATERIEL
Place du végétal dans le domaine privé
Médecine humaine
Emplois vétérinaires
Emplois alimentaires
Economie domestique
Culture/Cueillette
Usages psychotrope et cosmétique
Emplois artisanaux
Place du végétal dans les pratiques
Place du végétal dans le domaine public
Domestication des plantes
Appropriation de la nature
Place du végétal dans les représentations
Dans les fêtes et pratiques religieuses
Dans les symboles et discours
Dans les pratiques magiques
Dans les mythes et légendes
Dans les fêtes et pratiques profanes
Transmission des savoirs
Traitement des savoirs
Tension entre savoirs vernaculaires/savoirs savants Questions épistémologiques
Classification des savoirs
Questions méthodologiques
Transmission des savoirs
67
Monographies
MATERIEL
Production des savoirs
Voici la classification générale obtenue lorsque l’on considère le champ thématique
prioritaire des 205 interventions :
Tableau 2/l : Thématiques traitées lors des séminaires de Salagon
Savoirs immatériels
Savoirs matériels
Monographie
Traitements des savoirs
Production et circulation des savoirs
Total
67
61
31
30
16
205
32,70%
29,80%
15,10%
14,60%
7,80%
100,00%
Les savoirs immatériels et plus spécialement les représentations et légendes sur le
végétal constituent donc la thématique la plus développée par les intervenants de
Salagon.
Tableau 2/m : Thématiques traitées à Salagon et ayant trait aux savoirs immatériels
Place du végétal dans les pratiques
%
Place du végétal dans les représentations
%
Dans les pratiques profanes
13 7% Dans les symboles et discours
28 14,70%
Dans les pratiques magiques
8 4% Dans les mythes et légendes
Dans les fêtes et pratiques religieuses
4 2%
14
Elise Bain considère en effet qu’à « l’école » de Salagon « on n’est pas que sur les usages et
les propriétés des plantes, le petit usage médicinal transmis par la grand-mère, on est
vraiment axé autour des représentations et de la linguistique aussi puisqu’on répertorie ».
Par ailleurs, sur 205 interventions, si 152 ne relèvent pas précisément d’une
ethnobotanique rurale ou urbaine, 21,5% traitent spécifiquement des relations qui
unissent les hommes à la nature à la campagne et à peine , % s’intéressent à celles qui
se nouent en ville. 23 interventions questionnent directement les savoirs anciens,
traditionnels, populaires, vernaculaires. Enfin voici les aires temporelles traitées par les
intervenants :
Tableau 2/n : Aires temporelles considérées dans les interventions proposées à Salagon
Temps Présent
Temps Long
Antiquité
Epoque Contemporaine
Non Renseigné
Moyen Age
Période Contemporaine
Préhistoire
Néolithique à l'Antiquité
Néolithique au Moyen Age
De l'Antiquité à la Renaissance
Total Général
104
52
19
12
5
4
4
2
1
1
1
205
68
7,30%
Iramuteq
Iramuteq est un logiciel libre qui propose de décrire un corpus de texte grâce à une
analyse détaillée de son vocabulaire. Le logiciel va tout d’abord constituer le dictionnaire
des mots utilisés et repérer leur fréquence d’utilisation. Le logiciel découpe ensuite le
texte en classes de mots (ou formes) et procède à une classification de ces segments en
fonction des oppositions repérés. Iramuteq permet donc de décrire un corpus en
extrayant des classes de sens qui ne sont pas forcément repérées par l’informateur ou
par l’ethnographe. Prioritairement utilisé par les chercheurs en psychologie sociale, ce
type de logiciel est aujourd’hui utilisé par l’ensemble des sciences humaines et sociales.
Nous avons passé dans le logiciel l’ensemble des
entretiens effectués au cours de
cette ethnographie, ce qui représente un total de 150 396 mots. Trois algorithmes ont
été lancés sur ce corpus : une Classification Descendante Hiérarchique (CDH), une
Analyse Factorielle de Correspondances (AFC) et une Analyse Des Similitudes (ADS). La
CDH et l'AFC proposent une approche globale du corpus. Après partitionnement de
celui-ci, la CDH identifie des classes statistiquement indépendantes de mots. Ces classes
correspondent à des profils, qui sont caractérisés par des mots spécifiques corrélés
entre eux. Sur les 89% de segments de textes classés, trois classes ont été identifiées.
Illustration 2/b : Classification Descendante Hiérarchique du corpus par Iramuteq
La CDH (illustration 2/b) distingue 3 classes de mots. Les classes 2 et 3 sont les plus
grandes avec 23,2% et 37,6% des mots. Leur regroupement constitue l'une des 2
branches du dendrogramme. La classe 1 représente 39,1% des formes actives.
69
Le champ lexical de la classe 1 renvoie à la discipline de l’ethnobotanique avec les mots
« ethnobotanique », « usage », « société », « végétal », « pratique », « ethnologie ». La
classe 2 représente les multiples évocations de Salagon avec les mots « séminaire »,
« Pierre », « année », « intervenant », « communication ». La classe 3 avec des mots
comme « stage », « cuisine », « marché », « grand-mère », « enfant », « cueillir », « bio »
évoque le champ lexical de l’ethnobotanique pratique ou encore de l’herboristerie. L’AFC
illustre cette classification (cf. illustration 2/c).
Illustration 2/c : Analyse Factorielle des Correspondances du corpus par Iramuteq
Le premier facteur (56,38% de la masse du corpus), sépare nettement la classe 1
(abscisses négatives) des classes 2 et 3 (abscisses positives). Le deuxième facteur
(43,62%) sépare nettement la classe 2 (ordonnée positive) de la classe 3 (ordonnées
négatives), tandis que la classe 1 est relativement centrée. La place centrale de la classe
souligne sa position d’intermédiaire entre les deux domaines que sont
l’ethnobotanique scientifique, institutionnelle, représentée par Salagon classe
et
l’ethnobotanique pratique classe .
70
L'ADS envisage le corpus d'une façon complètement différente. L’approche repose sur
des propriétés de connexité du corpus. Elle aboutit à une représentation graphique en
arbre où les nœuds sont les mots. Cet algorithme a tendance à renforcer les relations de
voisinage entre les formes. Pour faire cette analyse, seuls les mots référencés plus de 50
fois dans le corpus ont été retenus. Par ailleurs, certaines formes jugées « inactives »
n’ont pas été gardées. )l s’agit des mots : aller, chose, venir, vraiment, petit, prendre,
mettre, coup, passer, fois, donner, premier, coté, truc, grand, rapport, ça, plein, façon,
exemple, rester, dernier, partir, forcément, compte, niveau, rendre, aspect, jour, part,
poser, continuer, plutôt, complètement, vendre, acheter, etc., cas, jean, général.
Illustration 2/d : Analyse Des Similitudes du corpus par Iramuteq
À première vue, l'arbre se compose d'une branche principale dont le squelette est une
suite de trois formes : « séminaire », « gens », « plante ». Le séminaire de Salagon est
donc un lieu où l’on vient parler de plantes plus que d’ethnobotanique et où l’on vient
pour « rencontrer » et « retrouver », des « gens ».
71
2/ La fonction de socialisation
Rencontrer de nouvelles personnes
Chaque participant au séminaire d’ethnobotanique de Salagon récupère lors de la
matinée qui ouvre sur les deux journées de conférence un petit badge mentionnant ses
nom et prénom ainsi qu’un dossier contenant le programme des interventions et un
tableau indiquant les coordonnées des participants et intervenants. Pour Elise Bain, les
participants tiennent à ce dossier car « le séminaire est un lieu de sociabilité énorme
autour de cette discipline. Je pense que c’est vraiment important. Donc les gens sont
vraiment très friands d’avoir le contact des autres, de savoir ce qu’ils font. )l n’y a jamais
personne qui nous a demandé de ne pas être dans la liste. Une personne seulement est
venue nous dire qu’elle n’était pas d’accord qu’on publie son contact. Mais je pense qu’au
contraire les gens sont contents car on vient là pour entendre parler d’ethnobotanique
mais aussi énormément pour rencontrer des gens qui gravitent autour de
l’ethnobotanique ».
Interrogés sur les motivations qui les encouragent à renouveler chaque année leur
participation au séminaire, les membres du collectif des rencontres ethnobotaniques ont
fait la part belle à cet aspect du séminaire. La moitié des raisons invoquées avaient en
effet trait à la perspective de rencontrer de nouvelles personnes (cf. tableau 2/o).
Tableau 2/o : Raisons invoquées par les membres du collectif des rencontres ethnobotaniques
concernant leur participation au séminaire de Salagon
Rencontrer des ethnobotanistes amateurs
Rencontrer des ethnobotanistes professionnels
La thématique du séminaire
L’ethnobotanique
La méthodologie de l’ethnobotanique
La présence de Pierre Lieutaghi
Rencontrer des gens passionnés
Autres
Total
26,60%
24,10%
13,40%
12,20%
11,00%
8,20%
2,20%
2,20%
100%
Ce sentiment est largement partagé par l’ensemble des participants au séminaire. Qu’on
veuille ou non se professionnaliser dans l’ethnobotanique et a fortiori se constituer un
réseau, les moments de sociabilité sont importants. Comme le note Pascal Luccioni, on
vient à Salagon pour les « aspects intellectuels et amicaux. C’est aussi pour rencontrer des
gens que j’estime. Ca me permet de rentrer en contact avec les travaux de mes
contemporains en ethnobotanique. J’ai lu la thèse de Raphaële Garreta et je n’aurai jamais
su qu’elle faisait cette thèse si je n’étais pas passé au séminaire ».
72
Mais l’ambiance est studieuse dans les rangs du séminaire. Crayon à la main, la plupart
des participants prennent des notes et peu se permettent, comme Laurent Gall, de
faire « l'ethnobota buissonnière ». C’est durant les temps de pause que les langues se
délient. Pour Cécile Michel, « tout se passe lors des pauses, le petit café du matin, très
important, très apprécié, ce petit temps c’est super ». Les participants sont également
invités à déjeuner ensemble, dans un restaurant situé à proximité de la salle de
conférence. Et si tous n’y participent pas, beaucoup comme Eva Bruneau reconnaissent
quand même que « c’est là où il y a plein de choses qui se jouent. C’est là que tu peux
rencontrer les gens. La pause c’est trop court, c’est plus furtif. Souvent ils sont obligés de
nous appeler pour qu’on revienne. Mais les repas sont des moments d’échanges précieux ».
D’ailleurs Dorothy Dore le concède « c’est vrai qu’avant j’assistais systématiquement aux
repas, après je l’ai plus fait mais je vais recommencer à le faire car c’est là que ça se passe
en fait ! (rires) ». Un constat partagé par Dominique Coll pour qui « tout ce qui se passe à
côté, c’est au moins aussi important que le séminaire ».
Laurent Gall résume bien le sentiment général « j'apprécie vraiment les moments du resto
du midi (et du soir, quand c'est possible) : c'est là que se rencontrent les gens, là que les
échanges se font moins « standard », moins feutrés. On peut palper la densité de la passion
qui anime les participant-e-s, dans la vraie vie ! Pas celle d'un format officiel, d'une salle
avec une estrade ».
Ainsi, Salagon est indéniablement un lieu fort de sociabilité. Mais pour les participants
de la première heure, cet aspect était encore plus présent dans les premières années du
séminaire. Comme le constate Caroline Carrat « au départ il y avait une familiarité. On
s’est retrouvé les / premiers séminaires où vraiment on ne savait pas trop pourquoi on
était là les uns les autres mais on avait ce truc en commun et la facilité de discuter. Et pour
moi qui suis un peu timide de nature ça m’était beaucoup plus difficile d’entrer en contact.
Ensuite quand le groupe s’est un peu élargi, quand on a commencé à bouger, j’ai un peu
décroché, je ne suis pas revenue toutes les années ». Et « aujourd’hui il y a des groupes sur
place, des gens qui vont se retrouver car ils se connaissent par ailleurs, ils communiquent
entre eux, du coup c’est peut-être pas évident pour les nouveaux de s’intégrer ».
73
Retrouver des personnes
En effet, si l’on vient à Salagon pour rencontrer des ethnobotanistes amateurs et
professionnels, on espère également y retrouver les amis que l’on s’y est fait les années
précédentes. Ainsi de Céline Hélary, qui avoue que « même si le sujet m’intéresse pas plus
que ça, je vais y aller pour pouvoir retrouver les amis ». Céline fait partie « d’un groupe
d’amis qui s’est formé en
, on s’est rencontré car on n’allait pas manger au restaurant,
on avait un pique-nique. Et après on se retrouvait aux pauses, on déjeunait ensemble. …
Donc on a été une petite dizaine à se rencontrer à ce moment là et à se revoir ensuite ».
Le groupe rassemble une dizaine de personnes. )l s’agit de jeunes participants arrivés au
séminaire en 2011 et qui travaillent essentiellement dans la catégorie professionnelle
« herboristerie ». Prioritairement tournés vers cette activité, ils partagent, comme le
constate Céline, « cette passion commune pour les plantes médicinales, c’est bien car on
peut parler
h/
de plantes médicinales, on sait qu’on ne dérangera personne ! ».
Contents de se retrouver au séminaire, ils ne se verront pas forcément le reste de
l’année mais engagent sur ces deux journées des réflexions qu’ils poursuivent le soir,
autour d’un repas partagé chez l’un ou chez l’autre. Et comme le constate Céline, « ça
peut faire des liens professionnels. Je sais qu’on va se revoir un peu plus à la Fête des
Simples qui se fait à côté. … )l n’y a pas de concurrence, c’est plus ce qu’on va pouvoir
s’apporter, sur des conférences ou des discussions ».
De nombreux informateurs ont fait part de cette dimension amicale, qui encore une fois,
est des plus manifeste durant les moments de repas. Si les participants côtoient les
intervenants lors du déjeuner, le repas du soir réunit en comité plus restreint les
organisateurs, les intervenants et éventuellement les participants qui le demandent.
Thierry Thévenin a participé à plusieurs de ces diners et constate que « le soir c’est un
peu rituel, ça fait un peu messe, mais c’est quand même propice aux discussions, ça se
mélange assez bien. Pour moi ces temps de pause sont presque les plus importants. …
C’est un espace où l’on sait qu’on est deux trois jours ensemble, après j’imagine qu’il y a
plusieurs cercles mais je suis allé plusieurs fois chez Pierre ou chez Laurence pendant une
semaine, tout le monde est logé dans des maisons et ça discute, c’est un peu non stop quoi ».
Raphaëlle Garreta partage cette grande affection pour Salagon. Pour l’ethnologue « c’est
un peu une famille, une famille sans l’être car ce sont des gens que je ne vois pas du tout en
dehors du séminaire ». Une expression utilisée également par Thierry Thevenin, pour
qui « Salagon ce sont ces belles rencontres, il y a quelque chose d’assez familial c’est un peu
comme une famille ».
Mais la famille Salagon ne se réunit pas en dehors de Salagon. Beaucoup comme Thierry
Thévenin le reconnaissent : « on se voit pas très souvent, on est tous très loin les uns des
autres et là il y a un moment de disponibilité, on est là, pour les plantes, et donc ça
débouche sur des choses concrètes ». Très contents de se retrouver au séminaire, les
amitiés s’entretiennent autour de ce rendez-vous comme « un relai social, on revoit des
74
gens qu’on a connus ici, on revoit des gens qui habitent dans d’autres régions » constate
Cécile Michel. « Ils nous ont vu sans enfants, avec notre première fille, notre deuxième fille,
notre garçon, ils m’ont vu enceinte, on pique-niquait ensemble avec les enfants, c’est un
réseau, quelque chose qui s’est fait au niveau de l’amitié, sans qu’on le cultive ailleurs dans
l’année, c’est là. On ne va pas se revoir à d’autres moments dans l’année mais ça suffit, on
est contents de se voir. Le séminaire c’est l’occasion ». Pour Jean-Yves Durand « c’est
l’occasion de mettre les informations à l’heure ».
L’aspect amical et la dimension plus professionnelle sont ici très liés. Car on rencontre à
Salagon des personnes avec qui on partage un même amour des plantes, qui peuvent
très vite devenir des amis, mais qui sont aussi des professionnels de la relation
homme/plante. Ainsi de cette émulation peuvent naître des projets. Thierry Thévenin en
a fait l’expérience « c’est aussi un des points communs avec la fête des simples, ça donne
envie de faire des choses, des petits projets se bâtissent, soit éditoriaux, soit des actions,
comme Populus. Les continuations du projet Populus ont été faites pendant le séminaire
avec Aline et Claire, l’AFC (association française des cueilleurs), est née à Salagon suite à
des discussions avec Raphaëlle, on parlait des problématiques de cueillette, savoir si le
conservatoire pouvait faire quelque chose, ça a participé de cela. Le courrier qu’on avait
fait à tous les cueilleurs avec Claire, qui a débouché sur l’AFC, on l’a écrit à Salagon. C’est
un lieu où peuvent naitre des projets, des idées ».
Former des réseaux
Relai social, Salagon met en relation des passionnés qui pourront devenir amis mais
aussi partenaires. De nombreux participants à Salagon demandent une facture lorsqu’ils
règlent leur frais de participation, sans doute pour obtenir un remboursement de leur
employeur. En effet, on vient aussi à Salagon pour se former, pour développer son
réseau professionnel, pour dénicher des idées, découvrir des auteurs : autant
d’information qui enrichiront par la suite le travail du quotidien. D’où l’intérêt de
prendre des notes mais également d’acheter les actes qui constituent pour beaucoup un
véritable outil de travail. Ainsi de Grégory Nombret qui explique « prendre des notes
dans le but de les utiliser. J’en fais une synthèse à mon retour et j’essaie d’isoler des
paragraphes qui peuvent s’inscrire dans d’autres thématiques, ou les retranscrire ailleurs,
sur des sujets sur lesquels je travaille. Et j’achète les Actes ! ».
Certains participants contacteront directement les intervenants, ainsi de Vanessa Cholez
qui se souvient avoir échangé après le séminaire de 2012 avec une anthropologue qui
travaille sur la Corse. Ou de Claude Marco qui sollicite souvent Pascal Luccioni. A n’en
pas douter, de nombreuses cartes de visite s’échangent lors du séminaire et les listes de
coordonnées diffusées à chacun sont aussi là pour entretenir cette mise en réseau.
Pierre Coste le constate, Salagon permet de « parler avec des collègues, échanger,
75
raconter où tout le monde en est, envisager des projets en commun. C’est très net ça dans
les intercessions, dans les repas, dans les soirées. Il y a des réseaux qui se sont constitués et
de façon très chaleureuse par rapport à d’autres colloques où je peux assister où les gens
sont un peu dans leur coin et s’ennuient. Le séminaire de Salagon c’est très chaleureux ».
Mais si les temps de pause et les repas permettent de prolonger les réflexions qui
émergent pendant les conférences, certaines discussions se poursuivent en dehors.
D’ailleurs, pour plusieurs membres du collectif, ces temps d’échanges sont insuffisants.
Certains considèrent en effet que « le choix de ne faire que des conférences rend le
séminaire un peu statique, sans réelle effusion d’idées. Ça serait super si, à côté des
interventions, il y avait des moments de discussions et d’échanges selon différentes
formules (en sous-groupes, etc. . Qu’on sente quelque chose notre savoir qui se construit
ensemble ». D’autres s’estiment « frustrés du peu d'approfondissement que suscite chaque
intervention. Malgré une thématique annuelle, l'ensemble me paraît bien disparate. Un
séminaire sur le mode "tables rondes" avec des sujets préétablis comme base de travail et
de réflexion me paraîtrait être une idée à creuser ». Cette idée est d’ailleurs proposée par
plusieurs membres : « pourquoi ne pas mettre en place des petits ateliers, pour un temps
d’échange, de travail et de réflexion en petits groupes, lors de la dernière demi-journée ?
Afin que nous puissions échanger sur ce que nous avons appris durant ces deux jours,
permettre à chacun de s’exprimer ».
Le collectif des rencontres ethnobotaniques a ainsi pour but de prolonger les réflexions
méthodologiques et bibliographiques afin d’ouvrir sur un temps d’échanges que ne
permet pas d’avoir le séminaire. Né à Salagon et grâce à Salagon, le collectif évolue de
façon autonome mais la question se pose de savoir quels liens le groupe naissant doit
entretenir avec l’ethnopôle. Les membres du collectif sont partagés sur ce point. A la
question « souhaitez-vous que les "rencontres ethnobotaniques" et le collectif qui en est
issu restent associés à l’ethnopôle ? », un informateur a répondu « oui », un autre a
répondu « non », deux ne se sont pas prononcés et les 6 restants pensent que le collectif
peut rester associé à Salagon s’il réussit à rester autonome.
Par ailleurs, à la question « avez-vous le sentiment que participer au séminaire de Salagon
peut vous donner une crédibilité ou une lisibilité particulière sur la scène de
l’ethnobotanique européenne ? », 33,3% des informateurs ont répondu non. Pour Grégory
Nombret, « tout dépend de ce que l’on recherche. Je ne cherche pas à m’afficher
"ethnobotaniste-qui-travaille-en-partenariat-avec-Salagon", mais je dois avouer que ma
situation actuelle me permet d’en jouer. Pour rappel, je suis actuellement la formation
dispensée par François Couplan "Collège Pratique d’Ethnobotanique", et c’est une manière
pour moi de dire à Couplan : "regarde ce que je fais en parallèle à ta formation. Tu vois,
une vie existe en dehors de François Couplan". Ce qui me permet aussi de faire découvrir
cette "facette" de l’ethnobotanique aux autres personnes qui suivent la formation avec
moi ».
76
D’autres réseaux d’échanges plus originaux se sont également mis en place à Salagon.
Notamment des systèmes de trocs entre universitaires et praticiens de la relation
homme/plante. Jean-Yves Durand en témoigne : « je pense vraiment que des échanges se
font. Je ne pense pas que les gens soient simplement assis côte à côte. Dans les moments de
socialisation, dans les repas, on discute, toute sorte d’échanges se font. Toutes les années
j’apporte des graines à une participante qui me donne en échange des fruits confits ».
Pascal Luccioni constate également que durant le séminaire « s’échangent des tonnes de
recettes, des pâtes de coing, des idées pour comment se soigner contre un truc, quel bois
utiliser pour faire tel truc. )l y a des graines qui s’échangent. Pendant des années j’ai eu
dans mon jardin les graines d’une femme extraordinaire qui avait fait une communication
sur les salades sauvages. J’avais relu son texte et elle m’avait payé en graines ! ».
Enfin on rencontre au séminaire des producteurs de plantes chez qui l’on va faire des
stages. C’est le cas de Céline Hélary, qui a réalisé un stage chez une productrice de
plantes médicinales rencontrée à Salagon, et qui admet beaucoup « utiliser le panel de
gens que j’ai rencontré à Salagon ».
77
3/ La fonction d’adhésion
Salagon, pépinière d’idées politiques ?
A demi-mot, plusieurs informateurs me feront part d’une dimension qui participe selon
eux de l’enthousiasme bien particulier que suscite Salagon. Ainsi de Thierry Thévenin,
qui « trouve que c’est un milieu super fréquentable, il y a une espèce de bienveillance ».
Pour Elise Bain, cette bienveillance révèle en réalité un engagement politique, impulsé
par Pierre Lieutaghi « j’ai l’impression qu’il y a un aspect, un peu, allez, je vais oser
employer le mot, politique. Alors je vais peut être un peu loin en disant cela mais au moins
éthique. Dans le sens où il est clair et net que les écrits de Lieutaghi sont évidement
naturalistes, ethnobotanistes, mais l’écriture politique de Lieutaghi elle est en fil rouge,
c’est évident ».
Illustration 2/e : Illustration publiée dans le
numéro 14 de Survivre et Vivre, octobre-novembre
1972
Dans les années 1970, Pierre Lieutaghi
fut membre du groupe « Survivre... et
Vivre » de Marseille. « Survivre… et
Vivre » est le nom d’une revue et d’un
mouvement de critique des sciences.
Céline Pessis, qui vient de coordonner la
rédaction du livre Survivre…. Et Vivre,
Critique de la science, naissance de
l’écologie59 s’est intéressée à l’émergence
du mouvement dans son mémoire de
Master II réalisé sous la direction de
Christophe Bonneuil.
Elle y explique que « le groupe Survivre
de Marseille organise aussi des débats de
subversion culturelle, un film sur Fos ainsi
qu’une exposition itinérante sur les enjeux
écologiques de la région. La mobilisation
contre le complexe de Fos comprend
également une lutte contre les forages de
grandes
compagnies
pétrolières
américaines
qui
enfouissent
des
hydrocarbures dans des zones de sel du Lubéron dont Pierre Lieutaghi, du groupe de
Survivre...et Vivre Méditerranée, se fait l’écho dans Survivre...et Vivre n° 12 »60.
59
PESSIS Céline (sous la direction), 2014, Su viv e et viv e. C iti ue de la s ie e, aissa e de l’é ologie, Paris, L'Échappée,
coll. « Frankenstein », 480 pages.
60
PESSIS Céline, 2008-2009, sous la direction de Christophe Bonneuil, Les a ées 6 et la s ie e, Su viv e … et Viv e, des
mathémati ie s iti ues à l’o igi e de l’é ologis e, Mémoire de Master II, Mention Histoire des sciences, technologies et
sociétés, EHESS-Centre A. Koyré, non publié.
78
En 1972, Pierre Lieutaghi rédige également L’environnement végétal. Dans une interview
donnée à la revue écologiste Le Sauvage, l’ethnobotaniste explique que « ce livre a été
pour moi l’occasion d’une crise très salutaire. J’étais alors un naturaliste assez imbu de son
petit savoir, jouant au spécialiste, et surtout profondément pessimiste. Je condamnais
l’humanité entière pour son aveuglement sans me remettre en cause moi-même. Je suivais
la voie de tous ces gens qui prétendent lutter pour la vie et qui, au fond, ne font pas
confiance à la vie dont ils n’ont qu’une approche rationnelle, qui oublient leur propre désir
de vie. Au moment de la correction des épreuves, j’ai eu la chance de rencontrer des
scientifiques qui ébauchaient une critique de fond du pouvoir absolu des experts, qui
avaient un langage politique très nouveau pour moi. )ls n’ont pas eu beaucoup de mal à
démonter mes mécanismes rétrogrades. Je n’ai pas pu récrire tout mon bouquin, mais j’ai
du moins cessé de faire passer les plantes avant l’homme et de proférer, à bonne distance,
des invectives contre la société. J’ai compris que le refus, ça devait commencer au niveau
individuel, que la liberté ne se trouvait pas plus au contact des plantes qu’ailleurs, qu’elle
tient d’abord à notre désir d’exister pleinement »61.
Par ailleurs, en
, l’ethnobotaniste se présente
aux élections législatives dans la deuxième
circonscription des Alpes de Haute Provence. Le
« Collectif Ecologie 78 », ancêtre du parti vert,
remporte 5,2% des suffrages dans la
circonscription de Forcalquier62.
Illustration 2/f : Affiche du « Collectif Ecologie
78 » présentée en Dordogne
Ainsi, il n’est pas invraisemblable de considérer
que, dans une certaine mesure, le séminaire de
Salagon porte un regard engagé sur la relation
homme/plante. En invitant à respecter le cycle des
saisons, en rappelant qu’il est utile de s’intéresser
prioritairement aux richesses de la flore locale, le
séminaire pose des repères qui permettent aux
hommes
de
mieux
appréhender
leur environnement végétal. En invitant le public à
réinvestir les savoirs naturalistes populaires, en
proposant parfois des présentations critiques sur
la médecine allopathique, Salagon injecte des
questionnements qui peuvent susciter de
véritables remises en question.
61
Le sauvage, « Conversation avec un botaniste », interview publiée en avril 1975 et mise en ligne sur le site de la revue le
14 janvier 2011.
62
Nice Matin, 13 mars 1978 n°11025, page 1. Archives électorales du CEVIPOF, Boite EL 102 et EL 118.
79
D’ailleurs, n’est-ce pas le propre de l’ethnobotanique que de renouveler la confiance qui
lie les hommes à leur environnement ? Pour Dorothy Dore, l’ethnobotanique « doit
d’abord être porteur d’une réflexion, sur ce qu’on vit, comment on vit, parce que les plantes
c’est un domaine particulier, c’est lié vraiment, ça ne peut pas être de la consommation ».
Partageant ce constat, Jacques Barrau estimait que « l’ethnobotanique est la seule voie
conduisant à la sagesse et au renouveau social ! ».
Illustration 2/g : Dessin publié dans Un terrien des îles, À propos de Jacques Barrau, Revue
d’ethnobiologie 42, 2000-2004
80
Un lieu chargé d’histoire
La dimension symbolique du séminaire recouvre cet aspect politique, incarné par le
parcours de Pierre Lieutaghi, mais comprend également un ancrage affectif, lié à
l’histoire particulière de Salagon. De nombreux informateurs m’expliquent en effet qu’ils
sont fiers de marcher dans les pas des pionniers, ainsi de Pascal Luccioni qui suit les
traces de « Pierre [Lieutaghi] le franc tireur entre les francs tireurs ». Pour Raphaëlle
Garreta, le lieu repose sur « un vrai fondement. Peut-être que c’est l’histoire de Pierre
[Lieutaghi], de Dorothy [Dore], de Danielle [Musset], de Laurence [Chaber], moi j’imagine
que c’est un peu eux le groupe fondateur ».
Quand Salagon émerge, au début des années 1980, le contexte, explicité plus en avant,
encourage la mise en patrimoine des savoirs naturalistes populaires. Pierre Coste,
aujourd’hui éditeur des Actes, assure à l’époque la direction du lieu. L’historien se
souvient qu’en «
quand je n’avais plus la responsabilité de Salagon mais des éditions
Alpes de Lumières, on avait imaginé un séminaire d’histoire et d’ethnologie, annuel, où des
gens faisant des recherches en amateur viendraient exposer leur résultat et pourraient à
cette occasion rencontrer d’autres chercheurs et pourraient être entourés de l’avis de
chercheurs professionnels. On a fait trois séminaires sur ce canevas là, deux sur les
souvenirs de la guerre et un sur les ruchers muraux. Donc sur les différentes façons
traditionnelles en Provence de loger des abeilles dans des murs ou dans des maisons. Et
puis ce n’est pas allé plus loin. Mais ça nous a sensibilisé à cette idée de proposer des
moments de rassemblement pour la recherche ».
A la même époque, Danielle Musset participait aux premières rencontres nationales des
Ecomusées à L'Isle d'Abeau en Isère. Cette manifestation faisait suite à différentes
tentatives, impulsées en partie par le nouveau ministre de la culture Jean-Philippe Lecat,
de définition et d’organisation des écomusées. Dans une lettre adressée aux Musées de
France, le ministre expliquait ainsi que cette « idée lancée par Georges Henri Rivière au
début des années 1950, expérimentée à partir des années 1968 dans les parcs naturels
régionaux, en 1971 au Creusot, est devenue depuis lors un phénomène culturel d’ampleur
nationale. L’écomusée répond sans aucun doute au désir de plus en plus vif des Français de
s’approprier pleinement leur patrimoine ethnographique et de rechercher ainsi le sens
profond du territoire sur lequel ils vivent, dans toutes ses dimensions spatiales et
temporelles. Laboratoire, école, conservatoire, l’écomusée englobe et dépasse le concept
classique de musée : la diversité de ses missions donne à cette institution une vocation
pluridisciplinaire et suppose une organisation interne particulière pour assurer la
participation de tous les intervenants, scientifiques, gestionnaires, population »63.
La définition officielle de l’écomusée, adoptée en 1971 lors de la Neuvième conférence
du Conseil International des Musées, explique qu’il s’agit d’un « musée éclaté,
63
Lettre datée du 4 avril 1981, signée du Ministre de la culture Jean-Philippe Lecat et adressée aux Musées de France,
Archives nationales, 19930615-13.
81
interdisciplinaire, montrant l’homme dans le temps et dans l’espace, dans son
environnement naturel et culturel, invitant la totalité d’une population à participer à son
propre développement par divers moyens d’expression basés essentiellement sur la réalité
des sites, des édifices, des objets, choses réelles plus parlantes que les mots ou les images qui
envahissent notre vie ». Identifié comme tel et partie prenante du réseau des 1986,
Salagon fait donc partie des « membres fondateurs » de cette organisation. Aujourd’hui,
la Fédération des Ecomusées et des Musées de Société compte 180 structures muséales,
parmi lesquelles Salagon.
Illustration 2/h : Carte des Musées, écomusées, conservatoires, participant à l’étude, la protection, la
diffusion de savoir-faire techniques menacés, Archives nationales, Cote 19930615-13
Cette histoire longue participe donc de l’aura du lieu. Nul doute que de nombreux
participants sont fiers de participer à l’aventure, de pouvoir dire « j’y étais ». D’ailleurs,
beaucoup se remémorent avec nostalgie les premiers séminaires. Ainsi de Pascal
Luccioni « quand je suis arrivé ici les premières années il y avait plein de gens qui
dormaient dehors, et c’était extra, on parlait à bâtons rompus, il y a eu des grands
moments ». Fondateur, défricheur, cet aspect de Salagon doit encore une fois beaucoup à
la personnalité et au parcours de Pierre Lieutaghi. « Pour moi c’est un pionnier » explique
Claude Marco. Un avis partagé par Thierry Thévenin puisqu’« il avait 25- ans d’avance
par rapport à la véritable vague. Donc du coup ça fait un peu comme un guide, comme
quelqu’un que tu suis, il a commencé à baliser le chemin et toi tu cours derrière ».
82
Pierre Lieutaghi, le mentor
Bien sûr de nombreux participants viennent pour Pierre Lieutaghi. Pourtant,
l’ethnobotaniste prend de plus en plus ses distances avec Salagon : il ne vient plus que
l’après-midi et ne donne pas systématiquement de conférence. Malgré tout, la
fréquentation du séminaire reste exponentielle. Dès lors, il semblerait que les
participants ne viennent pas dans l’espoir de parler à Pierre Lieutaghi ou pour pouvoir
le rencontrer, mais apprécient de le savoir associé au lieu64. Le fait que son nom soit
attaché à Salagon rehausse l’image du séminaire, en légitime le contenu. Comme le
constate Thierry Thévenin « c’est une crédibilité, une caution, il donne du vent dans les
voiles ». Et en effet, la notoriété de l’ethnobotaniste ne se dément pas dans les rangs du
séminaire. Beaucoup comme Céline (élary l’ont noté : « il y a le fan club de Pierre
Lieutaghi ».
Plusieurs arguments expliquent ce succès, à commencer par la touche de militantisme et
la faveur de la longévité décrites plus haut. Mais de nombreux participants apprécient
aussi, comme Raphaëlle Garreta, « cette patte, cette poésie qu’il y a dans les écrits de
Pierre Lieutaghi ». Pour Pierre Guardiola, ses livres « c’est la cerise sur le gâteau ! Je les lis
comme je dévorerai un roman ! ». Tous s’accordent ainsi pour reconnaître à l’écrivain
« une belle écriture », « un vocabulaire hyper choisi ». D’entre tous ses livres, La plante
compagne recueille le plus de suffrage. Voici le classement obtenu auprès des membres
du collectif des rencontres ethnobotaniques.
Tableau 2/p : Ouvrages de Pierre Lieutaghi les plus appréciés par les membres du collectif des
rencontres ethnobotaniques
La Plante Compagne
L'herbe qui renouvelle
Ne se prononce pas
Le libre des Bonnes Herbes
Simples Mercis
Badasson & co
Le jardin du Chêne Blanc
Total
33,30%
18,50%
18,50%
11,10%
7,40%
7,40%
3,70%
100,00%
Plusieurs informateurs ont découvert l’écriture de Pierre Lieutaghi avec Les Simples
entre nature et société : histoire naturelle et thérapeutique, traditionnelle et actuelle, des
plantes médicinales françaises publié en 1983. Ainsi de Cécile Michel qui se souvient que
« le livre de Pierre Lieutaghi édité par l’EP), il était dans la bibliothèque du bureau de ma
mère, sans qu’elle ne me l’ait jamais montré, elle l’avait dans sa bibliothèque. Et quand j’ai
commencé mes études à la fac en
je l’ai trouvé dans la bibliothèque et ça a été le
64
C’est pa ti uli e e t flag a t hez les e
es du olle tif des e o t es eth o ota i ues ui à
cherché, au cours du séminaire, à entrer en contact avec Pierre Lieutaghi.
, %
’o t pas
83
premier livre de Pierre Lieutaghi que j’ai eu en main. C’était comme un trésor, je l’ouvrais
de temps en temps, je regardais les illustrations, les photos, c’était mon grimoire. Et c’est
tout ce que j’ai construit autour, Pierre Lieutaghi, Salagon, le monde des plantes et je m’en
suis fait mon univers ». Raphaëlle Garreta aussi se souvient avoir « acheté Les plantes
entre nature et sociétés à l’Ecole des plantes, c’était le moins cher, le plus petit. Et de là à
La plante compagne que j’ai adoré, vraiment adoré. Et puis L’herbe qui renouvelle. Et je
suis passée après aux Livres des bonnes herbes. … Je me disais que j’aurai aimé écrire
cela, car je sentais que tout était sincère et beau, et que ce que lui traduisait de son savoir
et de son expérience, moi j’avais aucunement ce savoir, aucunement cette expérience, mais
c’est comme si j’avais l’intuition toute de toute cette beauté, c’était cela, j’avais envie de
cela. Le monde des plantes pour moi c’était cela ». Clotilde Boivsert est également tombée
sous le charme de l’écriture de Pierre Lieutaghi « ses livres sont superbes, son dernier est
délicieux. C’est ravissant. )l a une façon tout à fait original d’exprimer des idées ».
Des idées qui font aussi la force de l’écrivain. Présents dans presque toutes les
bibliothèques universitaires parisiennes, ses livres sont des outils de travail précieux
pour de nombreux chercheurs. Ainsi de Vanessa Cholez pour qui l’ethnobotaniste est
devenu une référence « parce qu’il pose des choses auxquelles j’avais pensé mais que je ne
parvenais pas à exprimer clairement. Je me reconnais dans son approche actuelle de
l’ethnobota … . Pour moi ce qui le différencie des autres c’est qu’il a une approche
biogéographique qui m’intéresse beaucoup et puis surtout il prend en considération
l’incidence de la flore sur les individus, ce qui est peut-être pas aussi présent avec les
travaux de Serge Bahuchet ou de Claudine Friedberg à l’époque. )l fait un vrai aller retour
entre les hommes et le végétal ». Pour Dorothy Dore « c’est quelqu’un qui a un vaste savoir
et puis au niveau analyse il est très profond » ; pour Céline Hélary, « même au cours d’une
petite conversation il a toujours beaucoup de choses à nous apprendre ». Jean-Yves
Durand l’a constaté également « il est évident que son savoir — qu’on ne sait même plus
comment qualifier — est très utile dans les discussions, stimulant. )l n’est pas le seul parmi
les participants, à avoir un savoir de ce type, mais il est surement celui qui sait le mieux le
communiquer d’une façon efficace, agréable, souvent drôle ». Ainsi, autant dans le fond
que dans la forme, les interventions de Pierre Lieutaghi font l’unanimité. Poétiques et
précises, drôles et pertinentes, originales et audacieuses, elles charment les spectateurs.
Toutefois, autant les uns adorent le style poétique de l’écrivain, autant les autres
avouent être un peu « perdus dans la brume ». Ainsi de Corinne, stagiaire à Salagon, qui
reconnaît trouver que « c’est toujours très compliqué, ça demande énormément de temps
pour arriver à l’information qu’on cherche. )l faut lire beaucoup, beaucoup, beaucoup et
peut-être que ce sont des bouquins, pas romancés, mais la manière dont s’est écrit c’est pas
toujours très direct, faut se poser hein pour lire ses livres ! C’est pas facile ! Je ne suis pas
une grande littéraire non plus ! C’est pas un manuel ! ». Si le style romancé décourage
certains lecteurs, d’autres renoncent à lire des livres qu’ils conservent néanmoins
précieusement dans leur bibliothèque. Plusieurs informateurs m’ont avoué en effet
n’avoir jamais lu un seul livre de Pierre Lieutaghi en entier.
84
Ainsi d’Eva Bruneau qui avoue « ne lire jamais les préfaces, c’est plus un manuel pour
apprendre. Je les ai toujours pas lu d’ailleurs les introductions, c’est là dedans peut être
qu’il explique la démarche ethnobotanique. Je ne sais plus comment je les ai trouvé mais
c’est vite devenue une bible. Moi ses livres je les utilise comme un manuel ». Les livres
qu’on ne lit pas en entier font alors office de glossaires, de dictionnaires, qu’on feuillette
pour relever une recette. Une recette que l’on confrontera ensuite à celle trouvée dans
d’autres livres ou bien sur internet. Si ces livres trouvent leur place dans l’armoire à
pharmacie, plutôt que sur la table de nuit, il n’en reste pas moins des grimoires que l’on
conserve précieusement. Cécile Michel se souvient ainsi comment après un séjour aux
Etats-Unis elle a acheté son deuxième livre de l’écrivain : « dans la librairie "clac", je vois
le livre de Pierre Lieutaghi qui venait de sortir : La plante compagne. Et là, je m’en
rappellerai toujours, pour moi c’était un signe, je revenais en France, La plante compagne,
ça en remettait une couche. Je revenais dans un pays que je connaissais, c’était un repère,
ça m’a servi de balise, tous ses livres. Tous les autres je les ai achetés bien après, à cette
époque là j’avais le livre édité par l’EP) et donc ensuite La plante compagne. Je l’ai acheté
mais je ne l’ai pas lu entièrement. C’était un deuxième trésor, je mettais cela dans une
bibliothèque, un peu comme un trésor caché, ça m’accompagne sans que j’aille le lire ».
Ainsi, si des arguments « rationnels » permettent de comprendre pourquoi les
participants tiennent en grand respect l’œuvre de Pierre Lieutaghi, certains
comportements sont plus difficiles à expliquer. D’ailleurs, beaucoup l’ont constaté,
l’adulation se substitue parfois à la considération. Elise Bain ne se l’explique pas mais
reconnaît avoir « toujours vu ce truc là autour de Lieutaghi ». Rachel Reckinger, qui l’a
précédé au poste d’organisatrice du séminaire, se souvient « qu’il y avait une espèce de
fascination charismatique autour de Pierre, de la part des dames surtout, qui fréquentaient
ce séminaire et qui étaient un peu dans une relation d’élève à maître ». Toutefois, comme
le constate Claude Marco « ça a baissé mais il y a une dizaine d’années c’était désagréable,
ils voulaient lui donner le statut de gourou quoi. J’exagère mais il y avait ce risque là. Des
gens étaient trop dans l’admiration ». Mais beaucoup de participants parlent toujours de
l’ethnobotaniste en des termes très élogieux : « quand je suis venue au séminaire et que
j’ai vu Pierre Lieutaghi j’étais en transe » ; « Pierre Lieutaghi je l’ai mis sur un piédestal » ;
« qu’est ce qu’on peut dire à un mec comme cela qui est un ponte absolu » ; « quand elle l’a
rencontré elle était tétanisée car pour elle c’était un Dieu vivant » ; « je suis une
admiratrice de Pierre » ; « Pierre, que je démystifie un peu maintenant » ; « je suis un fana
de Pierre Lieutaghi » ; « Pierre c’est quelqu’un d’extraordinaire » ; « pour moi c’était la
référence, la figure du commandeur, du père ».
Pour François Couplan, qui n’est jamais venu au séminaire de Salagon, « c’est un type qui
aurait du être porté au pinacle, être élu au Collège de France. Le problème c’est que
souvent ces gens qui sont un peu des génies, surtout quand ils sont en dehors du système,
sont un peu sur la défensive et jaloux de leur travaux, ça complique un peu les choses. On
aurait du lui faire un pont d’or à ce gars, publier tous ces bouquins, lui offrir une chaire au
Collège de France, il a cette carrure là ».
85
Conclusion
Lieu incontournable de la recherche française en ethnosciences, l’ethnopôle, qui affirme
travailler sur « l’ethnobotanique du domaine européen », reste encore profondément
ancré sur la scène régionale et s’exporte difficilement à l’étranger. Les Suisses sont les
Européens les plus friands de Salagon. 7 Belges, 5 Portugais, 2 Réunionnais et 1
Sénégalais ont assisté au séminaire. On recense aussi 7 Italiens. Par ailleurs, la session
d’été du séminaire de 2003 avait été organisée en Italie du nord, dans la Vallée Stura.
Cela faisait suite à un partenariat conclu entre le Conseil général des Alpes de Haute
Provence et la Communità montana della Valle Stura (Italie) dans le cadre du
programme européen Interreg III A. Alcotra. Le partenariat prévoyait autour d’un projet
baptisé « Les voix de l’homme et le silence de la nature » de créer un pôle
ethnobotanique transfrontalier qui aurait permis d’étendre sur le versant italien des
Alpes les recherches conduites au Musée de Salagon.
Si des Italiens, des Portugais, des Belges sont parfois venus assister au séminaire, aucun
Espagnol, Allemand ou Anglais n’a fait le déplacement jusqu’à Mane. De même, jusqu’à
maintenant, personne n’a traversé l’Atlantique pour assister au séminaire
d’ethnobotanique annuel. Pourtant, nul doute que les Américains travaillent beaucoup
en ethnobotanique. Le terme apparaît d’ailleurs pour la première fois sous la plume du
botaniste Américain J.W. Harshberger qui en 1896 définissait la discipline comme
l’étude de « l’usage des plantes par les peuples aborigènes ». Alors inféodée à la botanique
économique et cantonnée à une vision taxinomique des usages des plantes,
l’ethnobotanique a ensuite été intégrée par les anthropologues de la « new
ethnography » à l’ethnoscience, champ de réflexion comprenant pèle mêle l’ensemble
des savoirs indigènes sur la nature.
C’est le développement de l’anthropologie cognitive qui permit à la fin des années 1970
de définir en France et Outre Atlantique le périmètre et la méthodologie de recherche de
l’ethnobotanique devenue ethnobiologie puis ethnoécologie. Investie prioritairement
par les anthropologues, l’ethnobotanique américaine fait encore l’objet d’approches plus
utilitaristes, résolument tournées vers la botanique économique. En 1995, le botaniste
américain Richard Evans Schultes publiait ainsi un état des lieux de 100 ans
« d’ethnobotany ». Dans le livre Ethnobotany : Evolution of a discipline, le chercheur
d’(arvard rangeait définitivement l’ethnobotanique du côté des sciences naturelles
« bien que les plantes ont toujours été importantes pour les hommes et que l'étude de la
connaissance et de l'utilisation des plantes doit revenir aux débuts de l'existence humaine,
c’est seulement dans notre siècle que l’ethnobotanique est devenue une branche distincte
des sciences naturelles »65.
65
EVANS SCHULTES Richard, VON REIS Siri, 1995, Ethnobotany : evolution of a discipline, Portland, Or. : Dioscorides Press.
86
Travailler sur les multiples prolongements de l’ethnobotanique française, européenne et
extra-européenne mais également approfondir l’histoire de l’ethnographie botanique
pourraient permettre de poursuivre cette ébauche de cartographie. En 1818, en
rédigeant les Instructions pour les voyageurs et les employés dans les colonies sur la
manière de recueillir, de conserver et d’envoyer les objets d’histoire naturelle,
l’administration du Muséum National d’(istoire Naturelle allait en effet permettre aux
premiers voyageurs naturalistes de récolter les matériaux de recherche des
ethnobotanistes. Analyser le regard scientifique porté sur le matériel végétal rapporté
par ces premiers collecteurs pourrait permettre de mieux comprendre l’histoire de
l’ethnobotanique.
Illustration 2/i : Serres de voyages, inventées en Angleterre par M. N. Ward 66
Comment les naturalistes puis les ethnologues ont-ils travaillé à partir de l’objet plante ?
Quels travaux ont pris appui sur ces collectes ? Quels prolongements ces recherches ontelles permises ? Aujourd’hui encore, les ethnologues ramènent des échantillons de
plantes, dressent des planches d’herbier. Si le laboratoire d’ethnobotanique du Muséum
stocke indéniablement une grande partie de ce matériel végétal, l’établissement d’une
base de données ethnobotaniques pourrait permettre de mieux identifier les acteurs de
l’ethnobotanique française. Mettre en relation ces chercheurs pourrait également
permettre de réaliser l’ambitieux projet de Pierre Lieutaghi : dresser les bases d’une
écologie des savoirs. Or « l’étude écologique du remède végétal populaire – qui n’a jamais
été tentée à ma connaissance, dans nos contrées – pourrait initier une nouvelle approche
de la perception et de l’usage traditionnels de la flore médicale, sinon du rapport global
entre les sociétés et le milieu naturel »67.
66
Instructions pour les voyageurs et les employés dans les colonies sur la manière de recueillir, de conserver et
d'envoyer les objets d'histoire naturelle : rédigées sur l'invitation de M. le Ministre de la marine et des colonies
par l'administration du Muséum impérial d'histoire naturelle. - 5e éditions .Paris : impr. de L. Martinet, 1860.
67
LIEUTAGHI Pierre, 1986, L'Herbe qui renouvelle : un aspect de la médecine traditionnelle en Haute-Provence,
o
Maison des sciences de l'homme, coll. « Ethnologie de la France » n 6, Paris, 374 pages.
87
D’ailleurs, une autre dimension nécessite sans doute d’être poursuivie : il conviendrait
de dégager plus nettement les relations qui unissent médecine végétale et
ethnobotanique. Dans quelle mesure le renouveau de l’herboristerie française
encourage-t-il le développement du processus de production et de diffusion de savoirs
sur les plantes médicinales ? Inversement, en renouvelant le regard porté sur le végétal,
l’ethnobotanique participe-t-elle de la relance de l’automédication par les plantes ? Si
pour Jacques Barrau « la seule règle pour une bonne recherche dans un tel champ
interscience paraît être d'avoir un esprit assez subversif pour mettre en cause et
transgresser les interdits et préjugés disciplinaires, seul moyen de se dégager des attitudes
scientistes et d'accepter, tel qu'il est, le savoir des autres »68, l’ethnologie des
ethnobotanistes interrogera l’histoire de la discipline dans une dynamique de
recherche-action destinée à accompagner les transformations de l’ethnobotanique.
68
BARRAU Jacques, 1984, « Ethnologie : ethnoscience », Encyclopædia Universalis, Paris : pages 482-484.
88
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Annexes
QUESTIONNAIRE – Rencontres ethnobotaniques
Présentation
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Femme
Homme
Sexe :
Âge :
Origine régionale :
Domicilié(e) en milieu :
Rural
Périurbain
Urbain
Formation initiale :
Formation(s) secondaire(s) :
Poste occupé actuellement :
Poste s occupé s anciennement dans le domaine de l’ethnobotanique :
Ethnobotanique
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Qu’est ce qui personnellement vous a fait venir à l’ethnobotanique ?
Quelle définition en donneriez-vous ?
Quelles pratiques y associez-vous ?
Avec quels champs d’études prioritaires ?
Est-ce pour vous une discipline à part entière ou une composante de l’ethnologie ?
Quels acteurs y associez-vous ?
Vous considérez-vous comme un(e) « ethnobotaniste » ? (Justifiez)
Séminaire de Salagon
1. Comment avez-vous eu connaissance du séminaire de Salagon ?
2. Qu’est ce qui a fait que vous êtes venu(e) ? (Attribuez un pourcentage aux propositions
et ajoutez-en éventuellement de nouvelles).
o La thématique annuelle?
o La rencontre avec des ethnobotanistes professionnels ?
o La rencontre avec des ethnobotanistes amateurs ou semi-professionnels ?
o Des questionnements méthodologiques ?
o Pierre Lieutaghi ?
o ……………………………………………………………………………………………………………………….
o ……………………………………………………………………………………………………………………….
3. Quelles sont vos attentes par rapport au séminaire ?
4. Quel est votre ressenti sur le choix des intervenants ? Sur le choix des thématiques ?
5. Comment vous comportez-vous pendant le séminaire ? Prenez-vous des notes, posezvous des questions ?
6. Utilisez-vous vos notes (ou les Actes) après le séminaire et à quelle occasion ?
7. Souhaitez-vous que les « rencontres ethnobotaniques » et le collectif qui en est issu
restent associés à l’ethnopôle ?
8. Avez-vous le sentiment que participer au séminaire de Salagon peut vous donner une
crédibilité ou une lisibilité particulière sur la scène de l’ethnobotanique européenne ?
96
Pierre Lieutaghi
1. Connaissiez-vous l’œuvre de Pierre Lieutaghi avant de venir au séminaire ? Si oui,
comment l’avez vous connu ?
2. Etes-vous allez aborder Pierre Lieutaghi dans le cadre du séminaire ?
3. Quelles sont, par ordre de préférence, les trois livres de Pierre Lieutaghi que vous
affectionnez le plus ?
97
INVENTAIRE DES ARCHIVES DU SEMINAIRE D’ETHNOBOTANIQUE DE SALAGON
BOITE 1 : JARDINS / 200-2001-2002 / Table ronde 1997, Projet PHLOMIS, Colloque Angers
CODE
B1.R1
TYPE
Rapport
NOM
AUTEUR
Mise en place d’une politique d’insertion et de développement local par la gestion Pierre Lieutaghi
du patrimoine environnemental, Un terrain d’application : les jardins
ethnobotaniques de Salagon, février 1997
DATE
Février
1997
B1.P1
B1.P2
B1.C1
B1.P3
B1.P4
B1.P5
B1.P6
B1.P7
B1.P8
Pochette
Pochette
Cahier
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Juin 1997
Juin 1997
Juin 1997
2000
2001
2001
2002
2002
2002
B1.P9
Pochette
Table ronde ethnobotanique – Inscriptions
Table ronde ethnobotanique – 21 juin 1997
Table ronde ethnobotanique – Prise de notes
Année 2000 (essentiellement demande de subventions)
2001 (demande de subventions et courriers divers)
Jardins : demande de subvention 2001
2002 dont guide du chêne blanc (demande de subvention)
Jardin écologique : guide de découverte, demande de subvention 2002
Jardins – demande de subvention
amélioration de l’ensemble des jardins et
création du jardin de la noria.)
Projet FLOMIS (Rapport de présentation du projet et demande de subventions)
Pierre Lieutaghi et autres
20032004
2004
2004
19992004
B1.P20 Pochette
B1.P21 Pochette
B1.P21 Pochette
Colloque « Végétal et médiations culturelles » 25-26 octobre 2004 Angers
Non signalé
Actes sud
Non signalé
Pierre Lieutaghi Projet Flomis, projet d’outil informatique pour une base de Non signalé
données ethnobotaniques méditerranéennes)
98
BOITE 2 : ETHNOBOTA (Séminaire/publication/formation) 2001
CODE
B2.P1
B2.P2
B2.P3
B2.P4
B2.P5
B2.P6
B2.P7
TYPE
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
B2.P8
B2.P9
B2.P10
Pochette
Pochette
Pochette
B2.P11
Pochette
NOM
ETHNOBOTANIQUE – Interventions DM 1998-1999
ETHNOBOTANIQUE – Fiche d’inscription
Programme 2001 + idées et contact
Séminaire 2001 – organisation/inscriptions – administration – bilan
Courrier aux membres du CS et réponses
Pré-programme corrigé par PL (Pierre Lieutaghi) + pistes pour séminaire
Ethnobotanique – projet séminaire 2000 et table rond cueillettes – Aspects financiers et
administratif
Documents séminaire 2002 publication
Interventions DM (Danielle Musset)
Projet de convention + Alpes de Lumières (AL) convention générale – volume /
ethnobotanique (conventions de co-édition pour la publication des actes de salagon)
ETHNOBOTANIQUE FORMATION
AUTEUR
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
Non signalé
DATE
1998-1999
2001
2001
2001
2001
2001
Non signalé
Non signalé
Non signalé
2002
2002
2002
Non signalé
2002
BOITE 3 : ETHNOBOTA (Séminaire – publication) 2001 - 2002
CODE
B3.P1
B3.P2
TYPE
Pochette
Pochette
B3.P3
Pochette
NOM
PUBLICATION – Séminaire 2001 (contribution des auteurs : manuscrits et disquettes)
SEMINAIRE 2002
-pochette B3.P2A1 : Séminaire juin 2002 (organisation, inscriptions, lettres de commande,
adresses)
-pochette B3.P2A2 : Séminaire ethnobotanique octobre 2002- L’ARBRE
-pochette B3.P2A3 : Séminaire 2002 + publication – demande de subvention
-pochette B3.P2A4 : Séminaire ethnobotanique – réflexion / contenu 2001 – Projet 2002
PUBLICATION – Séminaire 2002 (contribution des auteurs)
AUTEUR
Divers
Divers
DATE
2001
2002
Divers
2002
99
BOITE 4 : ETHNOBOTA (Séminaire – publication) 2003 - 2004
CODE
TYPE
NOM
AUTEUR
DATE
B4.P1
B4.P2
B4.P3
Pochette
Pochette
Pochette
Séminaire ethnobotanique – 2003
Séminaire ethnobotanique – 2004
Actes du séminaire d’ethnobotanique de Salagon – 2004
Divers
Divers
Divers
2003
2004
2004-2005
AUTEUR
Divers
Divers
Divers
DATE
2003-2004
2003
2004-2005
Inconnu
Inconnue
AUTEUR
Divers
Divers
Divers
Divers
Divers
DATE
2005-2006
2005
2006
2006
2006
BOITE 5 : ETHNOBOTA (Publication Actes) 2003 - 2004
CODE
B5.P1
B5.P2
B5.P3
TYPE
Pochette
Pochette
Pochette
B5.C1
CD-ROM
NOM
Séminaire 2003-2004 - Textes/Publication - Programmes
2003 (Contribution des auteurs pour le séminaire de 2003 en vue de la publication des Actes)
2004 (Contribution des auteurs pour le séminaire de 2004 en vue de la publication des Actes :
manuscrits, illustrations et CDROM)
Séminaire ethnobotanique - 2 dossiers : séminaires ethnobotanique et séminaire ethnobo-textes
+ 1 avec toute la sauvegarde de mes mails
BOITE 6 : ETHNOBOTA (Séminaire-Publication) 2005 - 2006
CODE
B6.P1
B6.P2
B6.P3
B6.P4
B6.P5
TYPE
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
Pochette
NOM
Séminaire 2005 (Programme et demande de subvention)
Inscriptions séminaire mai 2005
Inscriptions 2006
Séminaire 2006 (Programme et demande de subvention)
Actes du séminaire 2005-2006 (manuscrits (papier + 1 disquette) du séminaire de 2006)
100
BOITE 7 : ETHNOBOTA (Colloque) 2007
CODE
TYPE
NOM
AUTEUR
DATE
B7.P1
B7.P2
Pochette
Pochette
Inscriptions colloque
Actes du colloque Jardins 27-28 septembre 2007 (manuscrits)
Divers
Divers
2007
2007
B7.P3
Pochette
2007 Colloque
Divers
2007
AUTEUR
Divers
Divers
Divers
DATE
2008
2008
20032008
AUTEUR
Divers
DATE
2002
Divers
Divers
Divers
2009
2009
2009
BOITE 8 : ETHNOBOTA (Séminaire+divers) 2008
CODE
B8.P1
B8.P2
B8.P3
TYPE
Pochette
Pochette
Pochette
NOM
Séminaire 2008 (inscriptions, demande de subvention, rapport intermédiaire)
Séminaire 2008 – Communications
Devis imprimeurs et éditeurs
BOITE 9 : ETHNOBOTA (Séminaire+divers) 2009
CODE
B9.P1
TYPE
Pochette
B9.P2
B9.P3
B9.R1
Pochette
Pochette
Rapport
NOM
Documents divers séminaire ethnobota (documentations, lettres, fichiers contacts pour
organisation des séminaires ethnobota)
Séminaire
fiche d’inscriptions
Séminaire
programme, actes…
Du lis à l’orchidée, du nénuphar au ginseng, d’Aphrodite à Saint Valentin : écologie végétale du
territoire amoureux
101
BOITE 10 : ETHNOBOTA (Séminaire) 2010 - …
CODE
TYPE
NOM
AUTEUR
DATE
B10.P1
B10.P2
Pochette
Pochette
Séminaire
Fiches d’inscription
Séminaire 2010 – Les plantes et le feu (rapport final mission ethnologie, programme,
demande de subvention)
Divers
Divers
2010
2010
B10.P3
B10.P4
Pochette
Pochette
Séminaire 2011 (Fiches d’inscription
Séminaire
Fiches d’inscriptions
Divers
Divers
2011
2012
ABBREVIATIONS :
RAPPORT : R
POCHETTE : P
CAHIER : C
102
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................................... 2
INTRODUCTION ............................................................................................................................................... 4
I)
ESQUISSE D’UNE TYPOLOGIE DE L’ETHNOBOTANIQUE .............................................. 8
A) L’ETHNOBOTANIQUE : CHAMP D’APPLICATION ET METHODOLOGIE. .................................................. 8
/ Une définition large : l’ethnobotanique comme pratique....................................................... 8
Faire de l’ethnobotanique ou acheter des tomates ...................................................................... 8
L’ethnobotanique appliquée ...................................................................................................................... 9
L’ethnobotanique scientifique et l’ethnobotanique appliquée : des approches
comlémentaires ............................................................................................................................................... 10
/ Une définition plus restrictive : l’ethnobotanique comme discipline ...............................12
Une discipline à part entière ? ................................................................................................................ 12
L’approche naturaliste et l’approche anthropologique ........................................................... 13
Les modalités de l’ethnobotanique ...................................................................................................... 14
/ L’ethnobotanique comme métier ....................................................................................................16
L’ethnobotanique ne fait pas l’ethnobotaniste ............................................................................. 16
Ethnobotaniste, un métier difficile à exercer................................................................................. 17
Un expert compétent et passionné ...................................................................................................... 19
B) EBAUCHE D’UNE CARTOGRAPHIE DE L’ETHNOBOTANIQUE FRANÇAISE ........................................... 21
/ L’ « école » de Salagon..........................................................................................................................21
Salagon et la Mission du Patrimoine Ethnologique .................................................................... 21
Les membres actifs ........................................................................................................................................ 24
Le comité scientifique .................................................................................................................................. 26
2/ Salagon et le Muséum...........................................................................................................................28
Ethnobotanique et Ethnozoologie ........................................................................................................ 28
Ethnobotanique et ethnobiologie ......................................................................................................... 31
Ethnobotanique et éco-anthropologie ............................................................................................... 34
/ Salagon et les autres acteurs de l’ethnobotanique ..................................................................36
Ethnobotanique et ethnopharmacologie .......................................................................................... 36
Ethnobotanique et ethnomédecine ..................................................................................................... 38
Ethnobotanique et herboristerie .......................................................................................................... 41
103
II) LA NEBULEUSE « SALAGON » ............................................................................................. 44
A) ANALYSE SOCIOGRAPHIQUE DE LA POPULATION DU SEMINAIRE ...................................................... 44
1/ Composition générale...........................................................................................................................44
Un public fidélisé ............................................................................................................................................ 44
Un séminaire genré ?.................................................................................................................................... 46
Des profils hétérogènes .............................................................................................................................. 48
2/ La composante recherche ...................................................................................................................54
Une composante hétérogène ................................................................................................................... 54
Les chercheurs sont-ils les intervenants ?....................................................................................... 56
Les chercheurs indépendants ................................................................................................................. 58
3/ La composante des « fidèles » ...........................................................................................................61
Qui sont les fidèles ? ..................................................................................................................................... 61
A qui est-on fidèle ? ....................................................................................................................................... 62
Les transfuges................................................................................................................................................... 63
B) ENQUETE ETHNOGRAPHIQUE ............................................................................................................... 65
1/ La fonction de formation ....................................................................................................................65
Arguments avancés par les participants .......................................................................................... 65
Analyse des thématiques ........................................................................................................................... 67
Iramuteq .............................................................................................................................................................. 68
2/ La fonction de socialisation ...............................................................................................................72
Rencontrer de nouvelles personnes .................................................................................................. 72
Retrouver des personnes........................................................................................................................... 74
Former des réseaux ...................................................................................................................................... 75
3/ La fonction d’adhésion .........................................................................................................................78
Salagon, pépinière d’idées politiques ?.............................................................................................. 78
Un lieu chargé d’histoire ............................................................................................................................ 81
Pierre Lieutaghi, le mentor ....................................................................................................................... 83
Conclusion ....................................................................................................................................................... 86
Bibliographie .................................................................................................................................................. 89
Annexes ............................................................................................................................................................ 96
QUESTIONNAIRE – RENCONTRES ETHNOBOTANIQUES ....................................................................... 96
INVENTAIRE DES ARCHIVES DU SEMINAIRE D’ET(NOBOTAN)QUE DE SALAGON ...... 98
104
TABLE DES TABLEAUX, CROQUIS ET GRAPHIQUES
Tableau 1/a : Disciplines de rattachement des participants au séminaire de Salagon...................... 14
Tableau 1/b : Catégories professionnelles des personnes identifiées comme travaillant dans le
domaine de l’ethnobotanique dans la base de données des personnes ................................................... 18
Tableau 1/c : Catégories professionnelles des personnes identifiées comme travaillant dans le
domaine de l’ethnobotanique dans la base de données des participants ............................................... 18
Tableau 1/d : Liste des mots composés autour du radical « passion »..................................................... 20
Tableau 1/e : Fidélité des personnes identifiées comme travaillant dans le domaine de
l’ethnobotanique dans la base de données des personnes ............................................................................ 25
Tableau 1/f : Interventions des personnes identifiées comme travaillant dans le domaine de
l’ethnobotanique dans la base de données des personnes ............................................................................ 25
Tableau 1/g: Part des assidus dans les différentes catégories professionnelles.................................. 25
Tableau 1/h : Fidélité des chercheurs .................................................................................................................... 25
Tableau 2/a : Fidélité des participants au séminaire de Salagon ............................................................... 46
Tableaux 2/b : Huit tableaux détaillant les professions et catégories professionnelles des
participants au séminaire de Salagon..................................................................................................................... 48
Tableau 2/c : Pays d’origine des personnes ayant assisté au séminaire de Salagon .......................... 53
Tableau 2/d : Profession des participants identifiés comme membres de la composante
recherche ............................................................................................................................................................................ 55
Tableau 2/e : Profession des personnes identifiées comme membres de la composante recherche
................................................................................................................................................................................................ 55
Tableau 2/f : Catégories professionnelles des intervenants ......................................................................... 56
Tableau 2/g : Professions des intervenants membres de la composante recherche ......................... 56
Tableau 2/h : Fidélité des intervenants au séminaire de Salagon .............................................................. 57
Tableau 2/i : Les pratiques de l’ethnobotaniste identifiées par les membres du collectif des
rencontres ethnobotaniques ...................................................................................................................................... 60
Tableau 2/j : Reconversions professionnelles des personnes venues assister au séminaire de
Salagon ................................................................................................................................................................................ 63
105
Tableaux 2/k : Classification des thématiques abordées au cours des séminaires de Salagon ...... 67
Tableau 2/l : Thématiques traitées lors des séminaires de Salagon ......................................................... 68
Tableau 2/m : Thématiques traitées à Salagon et ayant trait aux savoirs immatériels .................... 68
Tableau 2/n : Aires temporelles considérées dans les interventions proposées à Salagon ............ 68
Tableau 2/o : Raisons invoquées par les membres du collectif des rencontres ethnobotaniques
concernant leur participation au séminaire de Salagon ................................................................................. 72
Tableau 2/p : Ouvrages de Pierre Lieutaghi les plus appréciés par les membres du collectif des
rencontres ethnobotaniques ...................................................................................................................................... 83
Croquis 1/a : Participants originaires de la région PACA. ............................................................................. 26
Croquis 2/a : Origine régionale des personnes ayant assisté au séminaire de Salagon .................... 53
Graphique 2/a : Evolution du nombre de participants ................................................................................... 44
Graphique 2/b : Répartition hommes/femmes chez les participants au séminaire de Salagon.... 46
Graphique 2/c : Catégories professionnelles des participants au séminaire de Salagon.................. 50
Graphique 2/d : Participation des herboristes au séminaire de Salagon. ............................................... 51
Graphique 2/e : Statuts professionnels des participants au séminaire de Salagon ............................ 51
Graphique 2/f : Evolution de la participation au séminaire des différentes catégories
professionnelles............................................................................................................................................................... 52
Graphique 2/g : Participation des chercheurs au séminaire de Salagon ................................................. 54
Graphique 2/h : Professions des membres de la composante recherche (base de données des
personnes) ......................................................................................................................................................................... 55
Graphique 2/i : Catégories professionnelles des membres du collectif des rencontres
ethnobotaniques.............................................................................................................................................................. 59
Graphique 2/j : Répartition hommes/femmes chez les fidèles ................................................................... 61
Graphique 2/k : Catégories professionnelles des fidèles ............................................................................... 61
106
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Illustration 1/a : Evolution du laboratoire d’ethnobotanique du Muséum National d’(istoire
Naturelle (1897… ................................................................................................................................................. 28
Illustration 1/b : Bulletin d’ethnomédecine, dessin de couverture : Chez les fulbe bandé : « Un
gars qui cherche des remèdes », Dessin de Doudou Ba, Ibel, Sénégal Oriental ..................................... 39
Illustration 1/c : Interfaces entre les sciences et les ethnosciences, schéma présenté par Pierre
Cabalion au cours du Premier colloque européen d’ethnopharmacologie, Metz, 23-25 mars 1990
................................................................................................................................................................................................ 40
Illustration 1/d : Cartographie des principaux acteurs de l’ethnobotanique française © Carole
Brousse ................................................................................................................................................................................ 43
Illustration 2/a : Photographie du Prieuré de Salagon © Carole Brousse .............................................. 62
Illustration 2/b : Classification Descendante Hiérarchique du corpus par Iramuteq © Carole
Brousse ................................................................................................................................................................................ 69
Illustration 2/c : Analyse Factorielle des Correspondances du corpus par Iramuteq © Carole
Brousse ................................................................................................................................................................................ 70
Illustration 2/d : Analyse Des Similitudes du corpus par Iramuteq © Carole Brousse ..................... 71
Illustration 2/e : Illustration publiée dans le numéro 14 de Survivre et Vivre, octobre-novembre
1972 ...................................................................................................................................................................................... 78
Illustration 2/f : Affiche du « Collectif Ecologie 78 » présentée en Dordogne ....................................... 79
Illustration 2/g : Dessin publié dans Un terrien des îles, À propos de Jacques Barrau, Revue
d’ethnobiologie 42, 2000-2004 ................................................................................................................................. 80
Illustration 2/h : Carte des Musées, écomusées, conservatoires, participant à l’étude, la
protection, la diffusion de savoir-faire techniques menacés, Archives nationales, Cote 1993061513 ........................................................................................................................................................................................... 82
Illustration 2/i : Serres de voyages, inventées en Angleterre par M. N. Ward, illustration publiée
dans les Instructions pour les voyageurs et les employés dans les colonies sur la manière de
recueillir, de conserver et d'envoyer les objets d'histoire naturelle : rédigées sur l'invitation de M. le
Ministre de la marine et des colonies par l'administration du Muséum impérial d'histoire
naturelle. - e éditions .Paris : impr. de L. Martinet,
………………………………………………….........87
107