Journée d’étude « la linguistique comparative en France aujourd’hui », 4 mars 2006, EHESS
La morphologie du sino-tibétain 1
Guillaume Jacques, Paris V - CRLAO
La famille sino-tibétaine est la deuxième famille la plus importante du monde en termes de
nombre de locuteurs après l’indo-européen. Elle comprend plus de 300 langues, parlées en Chine,
en Birmanie, en Thailande, au Bhoutan, au Népal, dans les états du nord-est de l’Inde (Arunachal
pradesh, Nagaland, Manipour, Mizoram, Meghalaya, Tripura, Assam) ainsi que du nord-ouest
(Himachal pradesh, Ladakh), au Bangladesh et enfin au Pakistan (Baltistan).
Elles présentent une importante diversité typologique, comprenant à la fois des langues
isolantes telles que la plupart des dialectes actuels du chinois et des langues à la morphologie
verbale foisonnante telles que le limbu. Etant donné les connaissances actuelles en phonologie
historique sino-tibétaine, il est impossible d’établir un Stammbaum de ces langues basé sur des
innovations communes. Il est plus prudent et plus informatif de ne placer dans un même
sous-groupe que les langues dont on est certain qu’elles ont un ancêtre commun. Ainsi, on doit
pour le moment distinguer plus d’une trentaine de groupes dans la famille sino-tibétaine (Driem
2005 : 87).
Carte 1 : Répartition actuelle des langues sino-tibétaines
En comparaison avec les travaux sur l’indo-européen ou l’austronésien, l’étude historique du
1
Je remercie Anton Antonov, Alexis Michaud et Laurent Sagart pour leurs commentaires sur des versions
antérieures de ce texte.
1
sino-tibétain en est encore à ses balbutiements : les lois phonétiques sont toujours mal comprises,
et la plupart des langues de cette famille, gravement en danger, n’ont pas fait l’objet de
descriptions approfondies.
De nombreuses langues sino-tibétaines, en particulier les dialectes chinois actuels, mais aussi
le birman, l’angami naga, le karen ou le tujia sont des langues isolantes et tonales, dont la
quasi-totalité des racines sont monosyllabiques et dont la structure syllabique interdit les groupes
de consonnes initiaux et finaux et parfois même toute consonne finale. Ces traits typologiques ont
longtemps été considérés comme remontant aux époques les plus reculées de l’histoire de la
famille, et ont considérablement influé sur la classification des langues. Ils ont en particulier servi
de justification à l’inclusion d’autres langues d’Asie typologiquement similaires (en particulier, les
langues thai, miao-yao ainsi que le vietnamien) dans la famille sino-tibétaine, mais ont aussi été
vus par de nombreux linguistes comme un obstacle à l’étude de la parenté des langues en Asie 2 .
La profonde différence typologique du chinois moderne avec d’autres langues sino-tibétaines,
en particulier avec le tibétain ancien, langue sans ton qui possédait des groupes de consonnes au
début et à la fin des mots et présentant une morphologie verbale d’une certaine complexité, avait
conduit la plupart des spécialistes à donner au chinois une place à part dans la classification du
sino-tibétain, et à regrouper toutes les autres langues dans une sous-famille « tibéto-birmane 3 ».
Toutefois, des opinions divergentes ont été exprimées dès le début du XIXème siècle. Ainsi,
Klaproth (1820) proposait de classer chinois, tibétain et birman dans une famille
« tibéto-birmane » à l’exclusion des langues thaïes, et sans donner au chinois un statut particulier
dans la famille, Lepsius (1861) suggérait que le chinois pouvait avoir connu des procédés
morphologiques et que ses tons pourraient venir d’anciennes consonnes, et Edkins (1876) a le
premier supposé l’existence de groupes de consonnes en chinois archaïque.
Les progrès effectués en phonologie historique du chinois ont profondément remis en cause
l’idée de l’ancienneté de la typologie actuelle des dialectes chinois. Il est généralement admis
désormais que le chinois archaïque était une langue sans tons, à groupes de consonnes, et
connaissant une morphologie dérivationnelle simple. Le chinois archaïque tel qu’il est
actuellement reconstruit est remarquablement similaire aux langues phonologiquement et
morphologiquement conservatrices de la famille telles que le rgyalrong ou le trong, et il ne semble
plus justifié de traiter le chinois comme le premier embranchement primaire de la famille
sino-tibétaine : les travaux de comparatisme n’ont jamais pu mettre en évidence l’existence
d’innovations communes à toutes les langues « tibéto-birmanes » (les langues sino-tibétaines à
l’exclusion du chinois).
La majorité des spécialistes actuels de ce domaine s’accordent donc sur la possibilité
théorique de reconstruire de la morphologie en proto-sino-tibétain. Les travaux sur la morphologie
comparée de ces langues ont porté pour l’essentiel sur la morphologie dérivationnelle, mais
certains chercheurs ont même proposé de reconstruire un système de morphologie flexionnelle, en
2 Meillet ([1914] 1982 : 97) : « [...] si l’on est en présence de langues qui n’ont presque pas de grammaire, si
presque toute la grammaire proprement dite tient en quelques règles de position relative des mots, comme dans
certaines langues d’Extrême-Orient ou du Soudan, [...] alors la question des parentés de langues est pratiquement
insoluble, aussi longtemps qu’on n’aura pas prouvé de critères qui permettent d’affirmer que les langues de ce type
sont issues les unes des autres et que les ressemblances de vocabulaire qu’elles offrent ne sont pas dues à des
emprunts. »
3
Certains auteurs, tel que G. van Driem, emploient « tibéto-birman » comme synonyme de notre « sino-tibétain »,
mais l’usage le plus courant est d’en faire un groupe où sont inclues les langues sino-tibétaines à l’exclusion du
chinois.
2
particulier un système d’accord. Nous proposerons ici un point de vue critique sur ces questions.
1. Morphologie dérivationnelle
La majorité des spécialistes s’accorde pour admettre la possibilité de reconstruire des affixes
dérivationnels en proto-sino-tibétain. La morphologie reconstructible, majoritairement préfixante,
se retrouve sous la forme de traces indirectes dans les langues sino-tibétaines isolantes ayant
simplifié les groupes de consonnes initiaux, telles que le chinois ou le birman, mais maintient une
certaine productivité dans certaines langues conservatrices. Il est notable que de nombreuses
langues sans tradition écrite, telles les langues rgyalronguiques, ont mieux préservé la
morphologie ancienne que les langues littéraires de la famille.
Il peut sembler prématuré de s’avancer à reconstruire la morphologie d’une famille aussi
immense alors que les lois de correspondances entre les langues sont si mal comprises, mais en
fait ces deux problèmes sont intimement liés. En effet, même dans les langues ayant complètement
ou partiellement perdu leur morphologie préfixale ancienne, les formes que nous comparons ne
sont pas toujours des racines nues, mais des formes morphologiquement complexes. Sans un
modèle de reconstruction morphologique, il est impossible d’analyser les affixes fossilisés dans
ces mots, et à plus forte raison d’établir rigoureusement des correspondances phonétiques entre
langues éloignées. C’est une des raisons pour laquelle, malgré des travaux de comparatisme
sino-tibétain de grande rigueur tels que Gong (1995), on ne dispose pas encore de l’équivalent
d’une loi de Grimm pour cette famille.
Les traces de morphologie ancienne doivent donc être identifiées et séparées des racines
communes. Pour illustrer notre propos, nous prendrons ici comme exemple les étymons
« épaule » et « dessiner, faire une marque ».
chinois archaïque
膊 bó < *pak
tibétain
phrag < *prak
rgyalrong
tɯ-rpaʁ < *rpaq
jingpo
monba (Metog)
kă̆ -phaʔ < *phàk
31
31
phaŋma
Tableau 1 :L’étymon « épaule » en sino-tibétain
En tibétain et en rgyalrong, on observe un élément -r- préfixé ou infixé qui n’apparaît pas
dans les autres langues. Or, dans ces trois autres langues, les groupes de consonnes tels que pr- ou
phr- existent, et il est donc impossible de dériver les cinq formes d’une même proto-forme *prak
ou *rpak en supposant que ces groupes de consonnes s’y seraient simplifiés en occlusives simples :
une solution purement phonologique ne peut résoudre ce problème. On doit admettre que
l’élément -r- était à l’origine un morphème distinct, peut-être le marqueur de pluriel pour les
parties du corps doubles (Sagart 1993). On notera au passage que les présyllabes tɯ- et kə- en
rgyalrong et en jingpo et le suffixe –ma en monba qui nasalise le –k final sont des innovations de
ces langues.
tibétain
Nbri
jingpo
mă31
̆ -ri33ʔ
birman
re3
Tableau 2 :L’étymon « dessiner, écrire, faire une marque » en sino-tibétain
Sur la base des formes du Tableau 2, il est tentant de faire remonter l’élément labial du
tibétain et du jingpo à la langue ancestrale, comme le propose Matisoff (2003 : 132) en
3
reconstruisant une forme proto-tibéto-birmane *b-rey. En fait, comme l’a montré Hill (2005), la
forme de présent du tibétain Nbri « écrire » est formée analogiquement sur le passé b-ri-s, où best le préfixe du passé.
paradigme ancien
forme analogique
présent
Ndri < *N-ri
Nbri
passé
bris
bris
racine
/ri/
/bri/
Tableau 3 : Analogie dans le paradigme du verbe “écrire” en tibétain
La forme du présent Ndri attestée dans certains monuments du VIIIème siècle est originale,
venant de *N-ri en vertu de la loi de Li Fang-Kuei (1959) avec le préfixe de présent habituel N-.
̆ du verbe jingpo, quelle que soit sont origine, ne peut être rapprochée du Nb- de
La présyllabe mă31
la forme tibétaine Nbri.
Ces deux exemples suffisent à montrer l’importance capitale d’un modèle morphologique
pour établir des reconstructions solides en sino-tibétain ou même dans les sous-branches de cette
famille.
1.1 Présyllabes
La morphologie ancienne des langues sino-tibétaines était essentiellement préfixante, et afin
de pouvoir l’analyser rigoureusement, il est nécessaire de préciser le statut phonologique des
préfixes dans les langues sino-tibétaines archaïques.
A côté de nombreuses langues monosyllabiques (dans le sens où la base du vocabulaire est
formé de monosyllabes), on trouve parmi les langues d’Asie un type de structure très courant,
appelé selon les auteurs sesquisyllabe (Matisoff), quasi-dissyllabe (Ferlus) ou iambisyllabe
(Sagart). Ces structures existent dans certains dialectes chinois, le rgyalrong, le trong, le birman
moderne mais aussi de nombreuses langues austroasiatiques et même certaines langues kra-dai
comme le buyang.
Les iambisyllabiques sont composées d’une présyllabe et d’une syllabe principale. La syllabe
principale, qui porte toujours l’accent 4 , présente autant d’oppositions phonologiques possibles que
les monosyllabes de ces langues, tandis que les présyllabes ont un système phonologique très
réduit, limité à une consonne (jamais de groupes) et une voyelle centralisée 5 . Les consonnes
possibles dans la présyllabe elle-même sont limitées dans leurs possibilités : l’opposition de
voisement ou d’aspiration y est rarement distinctive et certains lieux d’articulation ou certains
modes (en particulier les affriquées) n’y apparaissent pas.
Le passage des iambisyllabes aux monosyllabes est une tendance générale dans les langues
d’Asie (Haudricourt 1956, Ferlus 1971). Toutefois, la situation inverse est aussi attestée, et
s’observe notamment en birman où d’anciens mots composés de deux syllabes se transforment en
iambisyllabes – la première syllabe du composé devient alors une présyllabe. Par exemple, le
composé sa3-mak (fils-gendre) « genre » qui devient [ðəmɛʔ] dans le dialecte de Rangoune : la
première syllabe du mot, non accentuée, voit sa voyelle devenir ə, son ton se neutraliser et sa
4
Les exceptions à ce principe sont rarissimes, les seuls cas à ma connaissance sont les langues rgyalronguiques
ayant un recul d’accent, comme les formes du type tə-lɟə « arc » en rgyalrong zbu.
5
Certaines langues permettent une opposition entre deux voyelles dans les présyllabes, mais jamais l’ensemble du
système vocalique.
4
consonne se sonoriser. De même, dans des langues qui préservent par ailleurs certaines présyllabes
anciennes, on peut observer la création de présyllabes innovantes par le même mécanisme. Ainsi,
en japhug, le préfixe tɯ- qui apparaît avec les classificateurs (tɯ-rdoʁ « un morceau » tɯ-xpa
« une année », tɯ-sŋi « un jour » etc) provient du numéral « un » tɤɣ.
Dans la plupart des langues sino-tibétaines et austroasiatiques, seuls sont permis les groupes
de type obstruentes + sonantes, les suites de deux obstruentes ne pouvant se réaliser que sous
forme iambisyllabique. On observe tout au plus une variation libre entre formes iambisyllabiques
et formes à présyllabes fusionnées sur la syllabe principale.
Dans d’autres langues, telles que les langues rgyalronguiques ou l’état reconstruit pour le
chinois archaïque (Sagart 1999 : 16-8), on trouve à la fois des groupes d’obstruentes fusionnels
(tels que st-, pk-) et leur équivalents iambisyllabiques (tels que sə-t- ou pə-k-) qui s’opposent. En
japhug, langue rgyalronguique, il est aisé de trouver des paires minimales entre les deux types :
spa « matériau » contre sɯpa « bois de chauffage ».
Le passage des iambisyllabes aux monosyllabes dans les langues sino-tibétaines suit plusieurs
étapes. Les formes des étymons « mou » dans diverses langues peut nous en offrir l’illustration
dans le cas des présyllabes nasales, qui peuvent voiser la consonne initiale de la syllabe principale
(Sagart 1999 : 74-75) :
stade
stade 1 : iambisyllabe
stade 2 : perte de la voyelle réduite
formes
nəpu (rgyalrong de l’est)
mpɯ (rgyalrong japhug)
nbəʔ (rgyalrong zbu)
stade 3’ : perte de toute trace de la wəə1 袈 (tangoute)
stade 3 : influence sur l’initiale
commentaire
stade intermédiaire *npu
entre 1 et 2
voisement de l’occlusive 6
présyllabe
Tableau 4 : Stades d’évolution de groupes à présyllabe nasale
De même, l’étymon « lune » dans différentes langues présente un groupe à présyllabe
obstruente à différents stades d’évolution :
stade
1
2
3
3’
formes
31
55
sɯ la (trong), tsəlá (rgyalrong de l’est) 7
sla (rgyalrong japhug), zla (tibétain ancien)
ɬi55 (pumi), lhjị2 嚠 (tangoute), hdza (tibétain de l’Amdo)
la1 (birman)
Tableau 5 : Stades d’évolution de groupes à présyllabe obstruente
Les stade 3 et 3’ sont mutuellement exclusifs : dans un cas la présyllabe a fusionné avec la
syllabe principale, tandis que dans l’autre la présyllabe est tombée sans laisser de traces.
La fusion des présyllabes avec la syllabe principale ne s’effectue pas toujours de façon
6
La forme zbu maintient le lieu d’articulation dental de l’ancienne présyllabe, et est donc sur ce point plus
conservateur que le japhug.
7
La forme tsəlá vient d’un *tə-səlá où la présyllabe *tə- est originellement le numéral « un ». Ce mot a pour sens
originel « une lune, un mois » et a remplacé la forme simple de « lune ».
5
régulière. Divers facteurs non phonologiques influent sur ce phénomène, en particulier la
motivation et la fréquence de la présyllabe. Il arrive parfois que dans un état synchronique donné,
on observe un doublet de formes à différents stades. Par exemple, en rgyalrong japhug, la
présyllabe qa- (associée aux noms d’animaux) se trouve parfois agglomérée à la syllabe principale
sous la forme ʁ- ou χ-, et ceci avec la même syllabe principale :
forme au stade 1
qa-mɯrwa
qa-pri
sens
chauve souris
forme au stade 2
ʁ-mɯrcɯ
sens
Garullax sp.
serpent
tɕʰɯ χ-pri
salamandre
Tableau 6 : Paires de mots dont les présyllabes se trouvent à différents stades d’évolution en
rgyalrong japhug
L’évolution irrégulière des présyllabes est donc la difficulté majeure aussi bien dans
l’appréhension des correspondances phonétiques entre langues sino-tibétaines que dans la
reconstruction de la morphologie.
1.2 Typologie des langues sino-tibétaines
La doctrine de reconstruction morphologique du sino-tibétain, née des travaux de Conrady
(1896) et de Wolfenden (1929), est basée en grande partie sur les données du tibétain ancien. La
tentation est toujours forte parmi les chercheurs d’analyser les autres langues sino-tibétaines avec
l’idée préconçue que le tibétain représente nécessairement le type le plus archaïque. Ainsi, Dai
Qingxia (1990 : 64), sur la base des données du Tableau 7, interprète les formes du trong et du
jingpo comme innovations, leurs présyllabes résultant de l’insertion d’une voyelle :
tibétain
mnam
trong
pɯ̆31nam55
jingpo
mă31
̆ nam55
sentir
sram
sɯ̆31ɹɑm55
ʃă31
̆ am33
loutre
tʃă̆ khu
neuf
dgu
31
53
dɯ̆ gɯ
31
31
sens
Tableau 7 : Groupes de consonnes du tibétain comparés aux présyllabes du trong et du jingpo
Or, les évolutions attestées de présyllabes dans les langues sino-tibétaines ou austroasiatiques
suggèrent que cette interprétation est peu vraisemblable. Le schéma d’évolution illustré dans le
Tableau 4 semble préférable pour analyser leur évolution. Dans les cas connus d’apparition de
présyllabes, celles-ci proviennent de premières syllabes de mots composés et non de la
décomposition d’un groupe 8 . Une fois constitué en groupes avec les syllabes principales, les
anciennes présyllabes ne peuvent plus redevenir indépendantes.
Ainsi, nous proposons que les formes tibétaines du Tableau 7 sont d’anciennes iambisyllabes,
et que le tibétain est une langue qui a subi un passage massif du stade 1 du Tableau 4 au stade 2.
Sur les 211 groupes consonantiques du tibétain, une majorité provient des formes iambisyllabiques,
8
Dans les cas d’infixation, les présyllabes peuvent être secondairement séparées de la syllabe principale, comme
l’infixe nominalisateur -rn- en khamou (Ferlus 1977) :
pɔʔ « balayer » > pərnɔʔ « balai »
C’est le seul cas où l’on peut observer des présyllabes secondaires. Matisoff (2003 : 154-5) propose que certaines
iambisyllabes du jingpo pourraient provenir de monosyllabes à groupe de consonnes initial, mais reconnait que
l’interprétation inverse est possible.
6
et il n’y a aucune raison de les faire remonter au proto-sino-tibétain.
Cette idée est confirmée lorsque l’on constate que certains groupes de consonnes directement
issus du proto-sino-tibétain apparaissent en tibétain sous la forme d’une consonne unique, comme
le groupe *sr- qui devient sh- (fricative alvéolo-palatale sourde) en tibétain 9 :
tibétain
chinois
shig
虱 *srik
gshags « se repentir »
色 *srɨk
jingpo
birman
tsi̱ʔ
55
hrak
rgyalrong japhug
zrɯɣ < *srək
sens
pou
tɯ-zraʁ < *sraq
honte
Tableau 8 : Correspondances du proto-sino-tibétain sr-
Un changement en chaîne s’est produit : après la simplification du groupe *sr- en fricative
simple, le groupe iambisyllabique *sə-r- a pris la place de l’ancien *sr-. C’est là une confirmation
de plus que le tibétain sram « loutre » du Tableau 7 doit être reconstruit comme iambisyllabe
*sə-ram.
Le tibétain est donc beaucoup plus éloigné typologiquement du proto-sino-tibétain qu’il
n’apparaît au premier abord, et des langues telles que le trong, le rgyalrong ou le jingpo préservent
mieux les caractéristiques anciennes. D’autres langues dont toutes les présyllabes anciennes ont ou
bien disparu, ou bien fusionné avec la syllabe principale sont par exemple le rgyalrong de rTau
(Daofu) ou le lavrong.
Paradoxalement, certaines langues sino-tibétaines à la phonologie par ailleurs très innovante
sur certains points (perte des groupes initiaux, perte des consonnes finales) préservent parfois des
présyllabes probablement très anciennes. C’est le cas du Karen (Kayah Li, Solnit 1997) ou de
nombreux dialectes chinois (Sagart 1999 : 85, 89, 106-7), qui sont donc de ce point de vue plus
conservateurs que le tibétain.
1.3 Reconstruction des préfixes
Dans la tradition de recherche issue du travail de Wolfenden, la distinction n’est pas toujours
claire entre les présyllabes à valeur morphologique et les présyllabes immotivées (que l’on peut
considérer comme faisant partie de la racine). Les présyllabes et les éléments consonantiques
préfixés sont tous appelés « préfixes », que l’on puisse ou non leur trouver une fonction claire. Il
nous apparaît préférable de réserver le terme de préfixes aux présyllabes ou aux consonnes dont la
fonction morphologique est évidente (même dans les cas où le préfixe en question n’est plus
productif dans la langue étudiée).
Comme nous l’avons suggéré plus haut, les oppositions phonologiques présentes dans les
présyllabes sont plus réduites que dans les syllabes principales. Lors du passage de syllabe pleine
à présyllabe, une partie des oppositions se trouvent neutralisées. Ainsi, la possibilité que deux
présyllabes d’origines différentes deviennent homonymes par ce procédé n’est pas négligeable, et
le risque est grand dans le travail de comparatisme de rapprocher des formes dont la ressemblance
est due au hasard.
Ainsi, Matisoff (2003 : 135) propose d’analyser les présyllabes kə- des formes du rgyalrong
de l’est ci-dessous comme relevant d’un préfixe de noms d’animaux *k- :
9
Benedict (1972 : 107-8) propose une reconstruction *śr- pour cette correspondance, comme *sr- pour le mot
« loutre ».
7
rgyalrong de l’est
kə-byam
kə-wɐs
kə-thuî
kə-tsu
kə-ʃtʃək
rgyalrong japhug
sens
-
oiseau
βɣaza < *kpɐs-a
qa-chɣa < *thwa
ɣzɯ < *ksu
kɯ-rtsɤɣ < *rtsek
mouche
renard
singe 10
léopard
Tableau 9 : Exemples de préfixe kə- de noms d’animaux en rgyalrong de l’est selon Matisoff
(les équivalents en japhug sont rajoutés par l’auteur)
L’existence d’un préfixe *k- de noms d’animaux a été proposée en lolo-birman (Matisoff
1972) et dans de nombreuses autres langues sino-tibétaines, y compris peut-être le chinois (Sagart
1999 : 106). Toutefois, dans les formes du Tableau 9, il apparaît que la présyllabe kə- des formes
du rgyalrong de l’est y a au moins trois origines distinctes. Tout d’abord, dans le mot kə-byam
« oiseau », le préfixe kə- est simplement le marqueur de nom d’agent. Ce mot dérive du verbe
byam « voler » et son sens originel est simplement « celui qui vole ». Ensuite, dans le mot
« renard », la vélaire de la présyllabe kə- vient en réalité d’une uvulaire, comme le montre la
correspondance avec qa- en japhug (le rgyalrong de l’est a perdu la distinction entre les deux lieux
d’articulation). En japhug, la présyllabe qa- apparaît dans une classe fermée d’une quinzaine de
noms d’animaux (Jacques 2004 : 307-8). Enfin, dans les trois autres mots, le kə- du rgyalrong de
l’est correspond à une forme iambisyllabique ou fusionnée kə- ou *k-, qui se retrouve aussi dans
certains noms d’animaux (une classe toutefois encore plus restreinte que celle de qa-).
Sur la base de ces données, la reconstruction d’un préfixe de noms d’animaux *k- en
sino-tibétain doit être abordée avec circonspection. Le préfixe *k- observé en lolo-birman est-il
apparenté à la présyllabe à vélaire du rgyalrong, à celle en uvulaire, ou la présence récurrente
d’une présyllabe k- dans les noms d’animaux de ces langues est-elle un pur hasard ? Ces
possibilités doivent être toutes prises en compte avant de proposer une reconstruction.
On distingue par ailleurs deux types de préfixes. Certains préfixes, les préfixes lexicaux, sont
reconstruits sur la base de la présence récurrente d’une présyllabe ou d’une consonne préfixée
dans un ensemble de mot partageant un trait sémantique commun, tel que le ou les préfixes de
noms d’animaux abordés ci-dessus. D’autres préfixes permettent de créer un mot à partir d’un
autre. Ces préfixes dérivationnels peuvent maintenir une certaine productivité dans des langues
conservatrices, ou ne subsister que sous la forme de paires de mots préfixés / non-préfixés.
Les préfixes lexicaux ont vraisemblablement pour origine dans de nombreux cas un nom
indépendant. Shafer (1938) considérait ainsi que le préfixe m- de parties du corps viendrait du
nom mi « homme », et Benedict (1972 : 106) proposait que son préfixe *s- de noms d’animaux
remonterait à une racine correspondant au tibétain sha « viande ». Ces étymologies sont toutefois
difficiles à prouver, et resteront probablement toujours spéculatives.
Les préfixes dérivationnels, quant à eux, ont une origine assez ancienne qui rend encore plus
improbable toute tentative d’étymologie par des lexèmes.
1.4 Un exemple de reconstruction : le préfixe causatif
Pour illustrer la reconstruction de morphologie dérivationnelle sino-tibétaine par un exemple
10
Contrairement à la reconstruction proposée dans Jacques (2004 : 318), il est préférable de considérer *ks- > ɣzen japhug et non *ks- > xs-. Pour le groupe xs- du japhug, nous proposons la reconstruction *kə-s-.
8
concret, nous aborderons le cas du préfixe causatif reconstruit comme *s- 11 . C’est l’affixe le
mieux attesté dans les différentes langues sino-tibétaines, et c’est l’un des premiers a avoir été mis
en évidence, dès l’ouvrage de Condary (1896). Ce préfixe n’existe que sous formes de traces
isolées (stade 3) en chinois dans des paires de verbes telles que 登 dēng < *ttɨŋ « monter », 增
zēng < *s-ttɨŋ « ajouter » (Sagart 1999 : 70), ou en birman dans des paires telles que lwat « libre »
lhwat < *s-lwat « libérer ».
En tibétain, ces exemples sont plus nombreux et le suffixe n’a pas fusionné avec la consonne
initiale de la racine (stade 2), comme le montrent des paires du type ‘khor « tourner » et skor
« faire tourner ». Ce préfixe a conservé une grande productivité en jingpo et en rgyalrong, où reste
sous la forme d’une présyllabe (stade 1) mais il est nécessaire de noter que même dans ces langues,
il a subi des changements phonétiques et des réfections.
En rgyalrong (dialecte japhug), le préfixe causatif a trois allomorphes réguliers et productifs
conditionnés par la phonologie et la morphologie :
allomorphe
sɯsɯɣz-
contexte d’apparition
exemples
verbes intransitifs à initiale complexe
ou verbes transitifs
kɯ-roʁ « graver », kɤ-sɯ-roʁ « faire
graver »
kɯ-rom « sec », kɤ-sɯɣ-rom « sécher »
devant les préfixes commençant par kɤ-nɤ-scɤr « être saisi de frayeur »,
kɤ-z-nɤ-scɤr « faire peur »
une sonante :
verbes intransitifs à initiale simple
Tableau 10 : Les allomorphes du préfixe causatif en rgyalrong (japhug).
Toutefois, certains verbes causatifs irréguliers présentent des formes ɕɯ- / ɕɯɣ- / ɕ- / - de
cet affixe :
allomorphe
ɕɯ-
verbe de base
sens
verbe causatif
sens
être rassasié
kɤ-ɕɯ-fka
permettre à qqun de manger à sa
faim
avoir peur
fuir
kɤ-ɕɯɣ-mu
kɤ-ɕpʰɣo
faire peur
ɕ-
kɤ-mu
kɤ-pʰɣo
-
kɤ-ŋga
s’habiller
kɤ- ŋga
aider qqn à s’habiller
ɕɯɣ-
kɤ-fka
fuir après avoir volé qqch,
s’enfuir d’une prison avec qqun
Tableau 11 : Formes irrégulières du préfixe causatif.
Comme ces formes à fricatives alvéolo-palatales se retrouvent avec des verbes à initiales
labiales, vélaires ou uvulaires : il semble qu’il s’agisse des traces d’une ancienne allomorphie liée
au lieu d’articulation de l’initiale de la racine verbale (alvéolo-palatale devant les initiales graves –
labiales, vélaires et uvulaires, et dentale devant les coronales). Lorsque cette allomorphie a cessé
d’être productive, l’analogie a régularisé l’ensemble des formes causatives avec des dentales, et
seuls quelques rares exemples en alvéolo-palatales ont été préservés.
Ainsi, les formes sɯ- en dentale du rgyalrong japhug ne descendent pas en ligne droite d’un
*sə- sino-tibétain ; elles ont subi diverses évolutions phonétiques et des réfections. Aucune langue
11
Une reconstruction de ce préfixe comme une présyllabe *sə- est préférable, comme nous avons proposé plus
haut.
9
sino-tibétaine ne maintient tel quel le préfixe de la proto-langue. Il est probable que des évolutions
similaires ont du se produire dans les langues où ce préfixe n’existe plus que sous forme de traces
indirectes comme le chinois ou le birman, mais les données à notre disposition ne nous permettent
plus de nous en rendre compte.
2.
Morphologie flexionnelle
Outre la morphologie dérivationnelle succintement présentée dans la section précédente, on
trouve dans un grand nombre de langues sino-tibétaines une riche morphologie flexionnelle. A part
le TAM (temps-aspect-mode), la personne est l’une des catégories les plus souvent présentes dans
le verbe des langues sino-tibétaines. Nous traiterons tout d’abord des systèmes d’accords des
langues sino-tibétaines, puis nous aborderons le problème de l’utilisation des irrégularités
communes pour reconstruire les systèmes grammaticaux, et enfin nous proposerons l’hypothèse
d’un système de déclinaison en proto-sino-tibétain.
2.1 Accord de personne dans le verbe sino-tibétain
Les systèmes d’accord dans les langues sino-tibétaines sont relativement courants, ils se
retrouvent en particulier dans de nombreuses langues de l’Himalaya : qianguique, kiranti, newar,
sal, trong, kham, chepang, kuki-chin, gongduk et lhokpu. L’origine de cette morphologie fait
l’objet d’une controverse depuis le milieu du XIXème siècle.
Du fait de la similarité entre la plupart des marques de personnes sur le verbes et les pronoms
dans ces langues, Hodgson (1856) plaçait les langues de l’Himalaya à système d’accord parmi les
« langues pronominalisées ». Ce marquage de la personne sur le verbe justifiait selon lui de classer
les langues sino-tibétaines de l’Himalaya, les langues munda, dravidiennes et turques dans une
immense famille « touranienne ». Plus tard, Sten Konow, dans la partie du Linguistics Survey of
India consacrée aux langues de l’Himalaya (Grierson 1909 : 179), s’opposait au point de vue de
Hodgson en les classant dans la famille tibéto-birmane, et proposait que cette morphologie était
due à un substrat munda. Maspéro (1946), dans son dernier article, argumentait contre l’idée de
Konow et préférait expliquer la présence d’accord dans ces langues comme provenant de
l’influence des langues indo-aryennes.
Ensuite, Eugénie Henderson (1957, 1976) émet l’idée selon laquelle ces systèmes pourraient
provenir d’une origine commune plus ancienne, idée reprise et détaillée dans la thèse de Bauman
(1975) et les articles de Scott DeLancey (1989) et Georges van Driem (1993) qui proposent la
reconstruction d’un système d’accord en proto-tibéto-birman.
En effet, lorsque l’on compare les systèmes d’accord de langues de trois groupes très
distincts par ailleurs : rgyalrong de l’est (qianguique, Lin 1993 : 198), limbu (kiranti,
Michailovsky 2002) et trong (Sun 1982 : 84-96), on ne peut manquer d’être frappé par les
ressemblances de nombreux suffixes aussi bien du point de vue de la fonction que de la forme,
comme le montre le Tableau 12.
Ce type de données a convaincu de nombreux linguistes de l’antiquité d’un tel système
d’accord, tel Kortland (1996 : 31), qui déclare « it is probable that Proto-Sino-Tibetan looked
somewhat like present-day Limbu ». Dans cette perspective, les langues sans systèmes d’accord
telles que le chinois, le birman et le tibétain, seraient en fait des langues innovantes en ayant perdu
toute trace.
10
1sg
rgyalrong de l’est
-ŋ
limbu
-Na / -aŋ
trong
2sg
-n
-n
1pl
-i
-nɛ (1sg > 2sg)
-i-gɛ
3sg (objet)
-u
-u
a > ɔ 12
-ŋ
-i
Tableau 12 : Suffixes d’accord similaires dans différentes langues sino-tibétaines
Toutefois, un fait important doit tempérer l’enthousiasme du reconstructeur : comme
Hodgson l’avait bien remarqué il y a près de 150 ans, les suffixes d’accord sont très similaires aux
pronoms. Par exemple, en rgyalrong de l’est :
1sg
marque de la personne sur le verbe
(verbes intransitifs / transitifs)
-ŋ
1du
-tʃh
1pl
-i
2sg
tə- -n
tə- -u
2du
tə- -ntʃh
2pl
tə- -ɲ
3sg
0
-u
3du
wə- -ntʃh
kə- -ntʃh
3pl
wə- -ɲ
kə- -ɲ
pronom
préfixe possessif
ŋa
ŋə-
ŋənd e
nd ə-
jo
jə-
no
nə-
nd o
nd ə-
ɲo
ɲə-
wəjo
wə-
wəjond əs
nd ə-
wəjoɲe
ɲə-
Tableau 13 : Marques de personnes en rgyalrong de l’est (Lin 1993 : 198)
Du tableau ci-dessus, il apparaît que les suffixes d’accord sont formés de la même consonne
que les pronoms et les préfixes possessifs correspondants (au duel, l’affriquée sonore est assourdie
en position finale). Seuls les préfixes tə- et kə- semblent sans rapport avec les pronoms. Il pourrait
donc bien s’agir d’une grammaticalisation récente, qui se serait produite indépendamment dans
plusieurs branches de la famille (LaPolla 1992). Etant donné que les pronoms des différents
membres de la famille sino-tibétaine ont une origine commune et se ressemblent toujours
fortement, il est naturel que les systèmes d’accords basés sur ces pronoms aient quelque similarité.
Il est admis par tous que les systèmes d’accord de certaines langues sont très récents. C’est le
cas du Tiwa, langue bodo-garo, où selon Jacquesson (2001), le système de marquage de la
personne est dû à l’influence du bengali, ou du sangkong, langue lolo-birmane.
Sun (1982 : 91-92) fait part d’une alternance ɑ / ɔ dans les verbes transitifs ɔ53 « faire » et gɔ55 « porter un
vêtement » et tɔ55 « entendre ». La forme en ɔ apparaît à la troisième personne et à la seconde personne singulier,
tandis que celle en ɑ se retrouve dans toutes les autres formes, qui ont un suffixe, par exemple wɑ-ŋ55 « je fais »,
gwɑ-ŋ55« je porte », tɑ-ŋ55 « j’entends ». Sun considère les formes en ɔ comme primaires, mais il semble préférable
de les expliquer en reconstruisant ici un préfixe de troisième personne *-u qui en fusionnant avec les racines en ɑ
donne la voyelle ɔ, de la même façon que fonctionnent certains verbes limbu transitifs en –a (voir la discussion
page 2). Les données comparatives montrent que le vocalisme -ɑ est plus ancien (japhug kɤ-pa « fermer » (le
sens originel de « faire » est attesté dans d’autres dialecte rgyalrong), kɤ-ŋga « porter un vêtement »). C’est la
seule trace connue de ce suffixe en trong.
La présence du suffixe de troisième personne objet *-u à la seconde personne du singulier est remarquablement
similaire à ce que l’on observe avec les verbes transitifs en rgyalrong de l’est (voir Tableau 13) mais également
dans les langues kiranties.
12
11
Néanmoins, la possibilité d’une explication par une grammaticalisation récente n’est pas une
preuve définitive de la fausseté de l’hypothèse d’un système d’accord ancien en sino-tibétain. En
effet, il est tout à fait possible d’imaginer que le système d’accord originel ait subi des réfections
multiples, ce qui expliquerait sa quasi-transparence dans les langues actuelles. Par ailleurs, les
préfixes d’accord à la seconde personne en rgyalrong, en kiranti et en trong ne peuvent s’expliquer
par une grammaticalisation récente. Le préfixe tə- de second personne du rgyalrong est semblable
formellement au préfixes tə- de seconde personne du chamling et du bantawa (kiranti sud), comme
l’a suggéré Ebert (1990), et il est envisageable que ces formes sont les traces d’un système
d’accord préfixal plus complexe. Toutefois, il est dangereux de tirer des conclusions définitives de
ce préfixe tə-, et ceci pour trois raisons.
Premièrement, comme nous l’avons vu en 1.3, du fait des oppositions phonologiques
neutralisées dans les présyllabes, la probabilité est grande d’avoir des formes similaires d’origines
différentes. Deuxièmement, selon les lois phonétiques de Michailovsky (1994), le *t du
proto-kiranti se voise en d en chamling et en bantawa, et si le préfixe tə- du kiranti et celui du
rgyalrong sont réellement apparentés, il ne suivent pas les correspondances phonétiques normales
(conséquence de la neutralisation des oppositions dans les présyllabes).Troisièmement, on ne
trouve pas de trace de ce préfixe dans les autres langues kiranties (le limbu a un préfixe kɛ- de
seconde personne, d’autres langues n’ont pas de préfixe du tout à la seconde personne) ni dans les
autres langues qianguiques. Il faudrait donc admettre une conservation de ces préfixes dans ces
sous-branches, à l’exclusion de toutes les autres langues.
La question de l’antiquité du système d’accord en sino-tibétain semble donc extrêmement
difficile. Quel type de données pourrait permettre de décider définitivement si oui ou non le
sino-tibétain ou tout au moins un sous-groupe important de celui-ci aurait eu un système de
morphologie flexionnelle ?
2.2 Irrégularités communes
Un principe bien connu de la linguistique comparative est l’usage des irrégularités communes
pour reconstruire les procédés morphologiques ayant perdu leur productivité. C’est également la
plus forte preuve possible d’une parenté génétique entre langues, car la morphologie irrégulière
s’emprunte très difficilement. Nous pensons que seules des formes irrégulières communes à
plusieurs groupes de langues sino-tibétaines seraient en mesure de prouver formellement l’origine
ancienne de leur morphologie.
Dans les sous-familles du sino-tibétain, la morphologie irrégulière commune a rarement été
utilisée dans le travail de reconstruction, à l’exception des articles de Sun (2000a, b) sur les
alternances de thèmes irrégulières dans les langues rgyalronguiques (qui marquent le TAM et le
nombre, mais pas la personne). Toutefois, on sait que les systèmes morphologiques verbaux et
nominaux des langues sino-tibétaines connaissent de nombreuses irrégularités. Outre les
alternances de thèmes dans les langues rgyalronguiques, on trouve des irrégularités inexplicables
par une analyse phonologique synchronique dans des langues telles que le tangoute (Gong 2001),
le tibétain, le kiranti, ou le kuki-chin.
Le tibétain est bien connu pour sa morphologie très irrégulière. Si un grand nombre
d’irrégularités ont une explication diachronique transparente (Coblin 1976), il reste néanmoins un
résidu de formes difficiles à interpréter (le préfixe s- du présent dans sbyin, passé byin « donner »,
l’ablaut au passé dans za, passé zos « manger » etc).
12
Pour les verbes des langues kiranties, même si une analyse morphonologique appropriée
permet de réduire considérablement la complexité des classes de conjugaisons telles que les
décrivent van Driem (1987) ou Rutgers (1998), on trouve de nombreux verbes à alternances non
expliquées.Par exemple en limbu pima « donner » a trois thèmes /pi/, /pit/ et /pur/ selon le temps
et les personnes. On ignore si ces alternances peuvent remonter plus haut qu’au proto-kiranti.
La seule tentative à ma connaissance de comparer des formes irrégulières dans des familles
différentes est celle de Weidert et Subba (1985 : 72), où l’alternance irrégulière a ~ o du verbe
limbu « manger » (caŋ « j’ai mangé », co « il mange, il a mangé ») est comparée à celle du
tibétain évoquée ci-dessus (za, zo-s « manger », où –s est le suffixe de passé). Cette comparaison,
bien que prometteuse en apparence, présente deux difficultés. Premièrement, l’alternance a ~ o du
tibétain marque le TAM, alors que celle du limbu et des autres langues kiranties marque avant tout
la personne : le rapprochement entre les deux alternances n’est que formel. Deuxièmement,
Michailovsky (2002 : xiv) explique les formes en –o telles que co comme dues à la fusion du –a
de la racine avec le suffixe –u de troisième personne13 . Ces verbes sont bien irréguliers (la forme
régulière attendue serait *cayu), mais cette alternance ne saurait être beaucoup plus ancienne que
le proto-kiranti, et la faire remonter à l’ancêtre commun du kiranti et du tibétain semble
difficilement acceptable.
2.3 L’hypothèse d’un supplétisme ancien dans les pronoms personnels
La morphologie verbale n’est pas le seul domaine où s’observent des irrégularités. Certaines
langues ont des systèmes de pronoms qui présentent des alternances surprenantes. Les données du
chang naga (Hutton 1987 [1929] : 20), langue naga du nord (groupe sal) parlée au Nagaland, au
nord-est de l’Inde, pourront nous en convaincre :
1sg.
1du.incl.
1du.excl.
1pl.incl.
1pl.excl.
2sg.
2du.
2pl.
Nominatif
ngo
saji
kasi
sann
kann
nô
kāsi
kānn
Agentif
ngē
sajihame
kase
sane
kane
nyi
kāsihame
kāne
Génitif
ngebu
sajibu
kasibu
sanebu
kanebu
kābu
kasibu
kānebu
/ kabu
Ablatif
kaka
sajika
kasika
saneka
kaneka
kāka
kāsika
kānka
Datif
kala
sajila
kasila
sanela
kanela
kāla
kāsila
kānla
Accusatif
kato
sajito
kasito
suneto
kaneto
kāto
kāsito
kānto
Tableau 14 : Déclinaisons des pronoms en Chang (Naga du nord), Hutton 1987
Dans ce système, on peut distinguer trois séries distinctes pour les pronoms de première et de
deuxième personne :
série 1
1ère personne
ngo
2ème personne
série 2
ka
nô
kā
série 3
ngē
nyi
toi et moi
sa-
Tableau 15 : Les trois séries de pronoms en chang
13
Comme en trong, voir note 12.
13
La série 1 s’emploie pour le nominatif singulier, la série 3 pour l’agentif singulier, et la série
2 pour les autres cas ainsi que le duel et le pluriel. La série 3 est évidemment une fusion de la série
1 avec un suffixe –e d’agentif (qui est se < *si+e au duel et ne < *nn+e au pluriel). On peut donc
réduire ce système à deux séries :
série 1 (nominatif + agentif)
1ère personne
ngo
série 2 (oblique, duel, pluriel)
ka
2ème personne
nô
kā
Tableau 16 : Analyse des pronoms du chang en deux séries
Outre son emploi dans la formation des pronoms, la série 2 est aussi utilisée pour former
préfixes possessifs de cette langue, qui peuvent apparaître à la place du génitif, par exemple ka-kei
= ngebu kei = « mon chien ».
Le système présenté dans le Tableau 16 ressemble fortement à celui qu’on observe en qiang
du sud (taoping) (Liu 1998 : 247) :
1ère personne
2ème personne
nominatif / ergatif
ŋɑ55
no55
génitif
qo55
ko55
accusatif
qɑ55
kuə55
Tableau 17 : Déclinaison des pronoms en qiang du sud
La série du génitif est formée en changeant en –o la voyelle de la racine. Il n’existe ici aussi
que deux séries :
1ère personne
2ème personne
série 1 (nominatif, ergatif)
ŋɑ55 < *ŋa- #499
no55 < *no- < *naŋ #987 14
série 2 (oblique)
qɑ55 < *qa- #498
kuə55 < *kuə- #989
Tableau 18 : Les deux séries de pronoms en qiang (avec les reconstructions en proto-qiang du
sud d’ Evans 2001)
La ressemblance des pronoms de première personne du qiang du sud et du chang avait déjà
été notée par Sagart (1996), qui interprétait l’opposition ngo / ka du chang et ŋɑ55 / qɑ55 du chang
comme une opposition entre forme libre (free form, apparaissant dans les cas non-suffixés) et
forme liée (bound form, liées à des suffixes ou préfixées au nom). L. Sagart proposait que la
ressemblance des pronoms dans ces deux langues, éloignées géographiquement et
phylogénétiquement, ne pouvait s’interpréter comme une innovation commune, et devait résulter
d’une conservation.
Les données présentées ci-dessus montrent que le qiang et le chang ne partagent pas un
14
D’après Evans (2001 : 161-2), le mot no55 fait partie des exemples où la rime –o en qiang de Taoping
vient de *-aŋ en proto-qiang.
14
supplétisme commun uniquement à la première personne, mais aussi à la seconde personne. Par
ailleurs, étant donné qu’en chang, les pronoms de série 1 peuvent apparaître suffixés (formant la
série 3 du génitif, voir Tableau 15), il n’est pas entièrement exact de les considérer comme ‘formes
libres’ des pronoms. Nous interprétons plutôt le supplétisme entre la série 1 et la série 2 comme la
trace d’une opposition casuelle.
En qiang, la série 1 s’emploie pour le nominatif (absolutif ?) et l’ergatif, tandis que la série 2
s’emploie pour tous les cas obliques. En chang comme en qiang, ces deux séries de pronoms
marquent une opposition de cas, même si leur valeur ne se recouvre pas parfaitement. Leur point
commun est que la forme de série 1 correspond toujours à celle du nominatif ou de l’absolutif, le
cas non-marqué. La différence majeure entre les deux systèmes est qu’en chang, le nombre
intervient aussi, puisque la série 2 doit être employée au duel et au pluriel quel que soit le cas.
La similitude aussi bien formelle que fonctionnelle du supplétisme observé en qiang et en
chang laisse suggérer fortement qu’il pourrait être hérité de l’ancêtre commun à ces deux langues.
Cette hypothèse ne pourra être confirmée que lorsqu’une étude complète de la phonologie
historique de ces langues aura été établie. Si c’est le cas, cela constituerait la preuve authentique
de l’existence d’un système de cas dans l’ancêtre commun du chang et du qiang 15 .
En partant de l’hypothèse que le type « qiang / chang » à deux séries de pronoms est ancien,
il devient possible d’expliquer les systèmes pronominaux dans la plupart des autres langues
sino-tibétaines.
Ainsi, le système de type « birman » (première personne ŋa, secconde naŋ), le plus répandu
dans la famille sino-tibétaine (lolo-birman, rgyalrong, bai, tani, trong, jingpo, kham ; le système
du chinois en est dérivé également) correspond simplement à la série 1 du système qiang / chang :
ces langues auraient perdu la série 2 sans laisser de traces.
Par ailleurs les langues langues kuki-chin ont un système qui combine les deux séries, tel que
le hakha lai (Peterson : 2003) :
indépendent
1
ère
2
ème
personne
personne
possessif
singulier
key-maʔ
pluriel
kan-maʔ
singulier
pluriel
ka-
ka-n-
naŋ-maʔ
nan-maʔ
na-
na-n-
Tableau 19 : Système de pronoms du hakha lai.
Dans ces langues, la première personne viendrait de la série 1, tandis que le second viendrait de la
série 2. Il serait aisé de multiplier les exemples avec les systèmes pronominaux d’autres groupes
de langues, même s’il convient d’aborder ces comparaisons avec prudence car seule la
compréhension détaillée des lois phonétiques permettra d’évaluer clairement ces hypothèses de
travail.
Le supplétisme commun des pronoms en qiang et en chang, s’il s’avère confirmé lorsque les
correspondances phonétiques entre qianguique et naga du nord seront bien comprises, sera la
preuve de l’antiquité d’un système casuel en proto-sino-tibétain, et il est probable que d’autres
irrégularités communes dans les systèmes verbaux et nominaux de ces langues attendent d’être
découvertes.
15
Il n’est pas certain que l’ancêtre commun de ces langues soit le proto-sino-tibétain.
15
3.
Conclusion
Contrairement à une idée ancienne et toujours répandue, la typologie tonale, monosyllabique
et isolante des dialectes chinois n’est pas un trait archaïque de la famille sino-tibétaine. Ces
langues, originellement à morphologie dérivationnelle agglutinante, semblent même conserver les
traces d’une morphologie flexionnelle, bien qu’il soit difficile de le prouver rigoureusement tant
que les correspondances phonétiques ne sont pas mieux comprises, ce qui demandera de décrire en
profondeur de nombreuses langues en danger, en particulier les langues du nord-est de l’Inde et
celles du Sichuan en Chine.
Une grande partie des langues de cette famille ont subi une évolution radicale vers le type
monosyllabique et isolant, preuve que la typologie des langues est peu informative sur leur parenté.
Dans d’autres familles de langues, une évolution inverse du type isolant vers un type agglutinant
peut être mise en évidence (voir la présentation de Viacheslav Chirikba sur le caucasique du
nord-ouest).
4.
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Sun, J. T-S. 2000b. ‘Stem Alternations in Puxi Verb Inflection: Toward Validating the rGyalrongic
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Weidert, A. and B.Subba 1985. Concise Limbu grammar and dictionary, Amsterdam : Lobster
Publications.
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Sino-Tibétain
qianguique
qiang
rgyalrong
trong
sal
lolo-birman
kuki-chin
kiranti
bodique
chinois
tibétain
tamang
tangoute
naga
du nord
jingpo
bodo-garo
birman
sangkong
hakha
japhug
rgyalrong
de l’est
zbu
limbu
chang
konyak
garo
yamphu
tiwa
Stammbaum simplifié des langues sino-tibétaines présentées dans le texte.
La famille sino-tibétaine comporte plus de trois cent langues, que l’on peut diviser en une trentaine ou une quarantaine de sous-familles, dont seules huit sont
abordées dans le texte :
1. qianguique (partie tibétaine du Sichuan, Chine. Le tangoute est une langue morte autrefois parlée dans la région du Ningxia et du Gansu)
2. trong (ouest du Yunnan en Chine, nord-est de la Birmanie)
3. sal (nord du Nagaland / sud de l’Arunachal Pradesh en Inde, état Kachin en Birmanie, nord-ouest du Yunnan en Chine)
4. lolo-birman (Yunnan et Guizhou en Chine, nord de la Thailande et du Laos, Birmanie)
5. kuki-chin (sud du Manipur, Mizoram en Inde, état Chin de Birmanie, collines de Chittagong au Bangladesh)
6. kiranti (est du Népal)
7. bodique (Tibet, Qinghai, Gansu, Sichuan et Yunnan en Chine, Népal, Bhoutan, Inde, Pakistan)
8. chinois