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Arsenic et vieilles parcelles
États et bilans géochimiques dans l’horizon de surface d’un NÉOLUVISOL
de lœss nu, avec ou sans apports de matières fertilisantes depuis 1928
F. van Oort(1*), R. Paradelo(2), N. Proix(3), S. Breuil(1), G. Delarue(1), A. Trouvé(1), D. Baize(4),
F. Monna(5) et A. Richard(3)
1)
INRA-AgroParisTech, UMR 1402 ECOSYS, pôle Ecotoxicologie, RD-10, F-78026 Versailles Cedex, France
2)
Universidade de Santiago de Compostela. Departamento de Edafoloxía e Química Agrícola, Facultade de Farmacia,
E-15782 Santiago de Compostela, Espagne
3)
INRA, US 0010 Laboratoire d’Analyse des Sols, 273 Route de Cambrai, F-62000 Arras, France
4)
INRA, UR 0272 Science du Sol, F-45075 Orléans Cedex 2, France
5)
Université de Bourgogne - Franche Comté, UMR 6298, ArTéHis, CNRS-Culture, 6 bd Gabriel, Bat. Gabriel, F-21000 Dijon, France
*:
Auteur correspondant :
[email protected]
RÉSUMÉ
Dans la continuation de l’étude des évolutions pédologiques dans un NEOLUVISOL de lœss
dans le dispositif expérimental des 42 parcelles de Versailles (van Oort et al., 2016), le présent
travail précise les impacts des applications d’engrais et d’amendements depuis 1928 sur la
composition géochimique de l’horizon de surface. Les concentrations totales en 7 éléments
majeurs (Ca, Mg, K, Na, Al, Fe, P) et 13 éléments en trace (As, Cd, Co, Cr, Cu, Mn, Mo, Ni, Pb,
Sc, Tl, U et Zn) ont été analysées sur des échantillons prélevés en 2014 dans l’ensemble des
42 parcelles. Elles sont comparées avec celles mesurées sur des échantillons d’archives des
parcelles « témoins » de 1929, considérés comme représentatifs de l’état initial. La comparaison
simple entre les teneurs de 1929 et de 2014 permet un aperçu rapide de la variabilité des changements géochimiques, de leurs amplitudes et fournit des indications sur des apports d’éléments
majeurs et en trace avec les matières fertilisantes ou par retombées atmosphériques, et des
pertes qui varient selon les conditions physicochimiques induites. Toutefois, les concentrations
ne prennent pas en compte les modifications intervenues dans les premiers 25 cm du sol en 85
ans, comme le changement de masse volumique ou encore l’effet de l’exportation de terre suite
aux prélèvements d’échantillons effectués depuis 1929. Nous avons donc calculé les stocks
pour chaque élément, et pour des groupes de traitements de masse volumique comparable, en
tenant compte ainsi de l’effet d’approfondissement ou de surélévation de l’horizon de surface
Reçu : juillet 2017 ; Accepté : octobre 2017
Comment citer cet article:
van Oort F., Paradelo R., Proix N., Breuil S.,
Delarue G., Trouvé A., Baize D., Monna F. et
Richard A. - 2017 - Arsenic et vieilles parcelles
Etude et Gestion des Sols, 24, 99-126
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Étude et Gestion des Sols, Volume 24, 2017 - pages 99 à 126
100
F. van Oort et al.
au cours du temps. Notre approche de calcul des bilans a été validée par une approche d’équivalence de pertes en scandium (Sc) et
en argile par lessivage dans les parcelles sodiques.
Dans les parcelles « témoins », les bilans sont positifs et significatifs pour le Na, de 1 000 kg/ha, et pour 6 éléments en trace, Pb, Zn, Cr,
Co, Mo et Cd, de +95, +50, +50, +4,5, +0,15 et +0,15 kg/ha, respectivement. Ces valeurs sont souvent plus importantes que les apports
par dépôt atmosphérique reportés pour la région d’étude. Dans les parcelles fertilisées, les bilans ont été établis par rapport aux parcelles
« témoins ». Les plus importants concernent les éléments majeurs ciblés par les engrais (P, K, Ca) et les amendements basiques (Ca,
Mg) ou encore du fer dans les scories, mais aussi de nombreux éléments en trace Mn, Zn, Cd, Cr, Ni, Mo, U, Tl, As. Par ailleurs, le rôle
des différents processus pédologiques développés sous les contraintes expérimentales (acidification, lixiviation, dissolution minérale,
lessivage d’argile, alcalinisation) dans le devenir des éléments majeurs (Ca, Mg, Al, Fe, P) et en trace (Mn, Cd, Co, Zn, Sc, As, Tl, Mo)
a pu être précisé : l’acidification des sols affecte particulièrement Ca, Mg, Mn, Cd, Co et Ni, alors que le lessivage d’argile impacte Fe,
Al, Mg, Sc, Ni, Tl et As. Enfin, pour un grand nombre d’éléments, les bilans sont le résultat à la fois d’apports et de pertes, comme le
montre l’exemple du cadmium dans le traitement phosphate d’ammoniaque avec un bilan net proche de zéro. Malgré un cahier des
charges très strict et en absence de végétation, pour ce dispositif expérimental des 42 parcelles, l’interprétation des évolutions dans la
composition géochimique de l’horizon de surface, sur un pas de temps décennal, reste délicate.
Mots clés
Bilan géochimique, éléments majeurs, éléments en trace, expérimentation de longue durée, Néoluvisol de lœss, fertilisation, amendements basiques, retombées atmosphériques, acidification, lixiviation, lessivage.
SUMMARY
ARSENIC AND OLD PLOTS : Geochemical composition and budgets in the surface horizon of bare Luvisol, with or without
continuous fertilization since 1928
Recently, we discussed the modifications of major physicochemical soil characteristics in a Luvisol developed in loess due to continuous
application of different chemical fertilizers and amendments in INRA’s long-term bare fallow (« 42 plots ») experiment (van Oort et al., 2016),
started in 1928 (Versailles, France). Here, we present the impacts of 85 years of fertilization practices on the geochemical composition
in the 0-25-cm layer. We determined the total concentrations of 7 major (Ca, Mg, K, Na, Al, Fe, P2O5) and 13 trace elements (As, Cd,
Co, Cr, Cu, Mn, Mo, Ni, Pb, Sc, Tl, U, Zn) on surface samples collected in 2014 for all 42 plots and compared them with concentrations
of samples from the reference plots in 1929 ; the latter were considered to be representative of the initial geochemical soil conditions.
A straightforward comparison of concentrations in 1929 and in 2014 provided insight into the variability and amplitudes of changes for
each element, emphasized the inputs elements via fertilizers and amendments or atmospheric deposition, and highlighted their loss
under contrasting physicochemical soil conditions induced during the 85 years. But such direct comparisons do not consider physical
changes in the first 25 cm of the soil due to changing bulk densities or repeated soil sampling. Then, we established budgets of element
stocks for groups of treatments with comparable bulk densities, by taking account for the effects or deepening or heightening of the
surface horizon. The relevance of our approach was validated by demonstrating the equivalence of Sc and clay stocks in the sodic plots,
under a hypothesis of Sc being predominantly located in phyllosilicates crystal structures.
In the reference plots, the budgets are positive and significant for 1 major (Na, +1 000 kg/ha) and 6 trace elements Pb, Zn, Cr, Co, Mo and
Cd : +95, +50, +50, +4.5, +0.15 and +0.15 kg/ha, respectively. Such somewhat surprising findings most often exceed other atmospheric
deposition data reported for the study area. In the fertilized plots, element gains and losses were calculated with respect to the 95 %
significance level of element budgets of the reference plots. The largest budgets were logically observed for target major elements in
fertilizers (P, K, Ca) or amendments (Ca, Mg) but also Fe in the fly ash and a large number of trace elements : Mn, Zn, Cd, Cr, Ni, Mo, U,
Tl, As. The role of different soil processes that developed or were amplified by the experiment (acidification, chemical leaching, mineral
dissolution, clay leaching, alkalization) on the fate of major and trace elements (Ca, Mg, Al, Fe, P, Mn, Cd, Co, Zn, Sc, As, Tl, Mo) have
been outlined : soil acidification particularly affects Ca, Mg, Mn, Cd, Co and Ni, whereas Fe, Al, Mg, Sc, Ni, Tl and As are more impacted
by clay leaching. Yet, the budgets often are the result of element gains and losses, such as clearly demonstrated for the case of cadmium
in the ammonium phosphate treatment : the net budget is close to zero. Even for an experimental site, managed under strict controlled
conditions, interpreting the modifications in the soil’s surface geochemical composition at a decennial time-span, remains delicate.
Key-words
Geochemical budget, major elements, trace elements, long-term experiment, loess Luvisol, bare soil, fertilization, basic amendments,
atmospheric deposition, acidification, leaching.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
101
RESUMEN
ARSÉNICO Y VIEJAS PARCELAS. Estado y balance geoquímico de elementos en el horizonte superficial de un Luvisol sobre
loess sin vegetación, con y sin aporte de fertilizantes desde 1928
Como continuación al estudio de la evolución edáfica de un Neoluvisol sobre loess en el experimento de las 42 parcelas de Versalles,
sometidas a aplicaciones prolongadas de fertilizantes y enmiendas (van Oort et al., 2016), en este trabajo se presenta el impacto de estos
tratamientos sobre la composición geoquímica de los suelos. Se analizaron las concentraciones totales de siete elementos mayoritarios
(Ca, Mg, K, Na, Al, Fe y P) y 13 elementos traza (As, Cd, Co, Cr, Cu, Mn, Mo, Ni, Pb, Sc, Tl, U y Zn) en muestras de los horizontes superficiales del conjunto de las 42 parcelas y se compararon con las medidas en las parcelas control en 1929, consideradas representativas
del estado inicial. Una simple comparación entre las concentraciones de 2014 y 1929 proporciona una visión rápida de la variabilidad y
la amplitud de los cambios producidos así como de los aportes de elementos debidos a las enmiendas o a la deposición atmosférica,
y de las pérdidas ligadas a las condiciones fisicoquímicas modificadas. Sin embargo, la concentración de un elemento no tiene en
cuenta las modificaciones físicas de los primeros 25 cm en 85 años, los cambios de densidad debidos a los aportes, o el efecto de la
exportación de material durante los repetidos muestreos desde 1929. Por esta razón se han calculado los balances de masa para cada
elemento y para grupos de tratamientos con una densidad aparente similar, teniendo en cuenta el efecto del aumento de profundización
o de sobreelevación del horizonte de labor. La validez de esta aproximación fue validada por la puesta en evidencia de una equivalencia
entre las pérdidas de Sc y las de arcilla en las parcelas sódicas.
En las parcelas control, los balances son positivos y significativos para uno elemento mayoritario, Na (+1 000 kg/ha), y para seis elementos traza : Pb, Zn, Cr, Co, Mo y Cd, con ganancias netas de +95, +50, +50, +4,5, +0,15 y +0,15 kg/ha, respectivamente. Estos valores
sorprendentes son a menudo mayores que los datos de deposición atmosférica descritos para la región de estudio. En las parcelas
fertilizadas, los balances han sido establecidos con referencia a las parcelas control. Los stocks más altos correspondieron a los elementos mayoritarios en los fertilizantes (P, K, Ca) y enmiendas calizas (Ca, Mg) y Fe en el caso de las escorias, con aparición de numerosos elementos traza (Mn, Zn, Cd, Cr, Ni, Mo, U, Tl, As). Por otra parte, se ha establecido el papel de los diferentes procesos edáficos
desarrollados bajo las condiciones experimentales (acidificación, lixiviación, disolución mineral, iluviación de arcilla, alcalinización) en
el devenir de un gran número de elementos mayoritarios (Ca, Mg, Al, Fe, P) y traza (Mn, Cd, Co, Zn, Sc, As, Tl, Mo) : la acidificación de
los suelos afecta particularmente a Ca, Mg, Mn, Cd, Co y Ni, mientras que la iluviación de arcilla afecta a Fe, Al, Mg, Sc, Ni, Tl y As.
Finalmente, para algunos elementos, el balance de masa representa el resultado neto de pérdidas y ganancias, como por ejemplo en
el caso del Cd en el tratamiento con fosfato de amoniaco con un balance neto próximo a cero. Incluso en un dispositivo experimental
como el de las 42 parcelas, conducido con un control absoluto de las operaciones y en ausencia de vegetación, la interpretación de la
evolución geoquímica del horizonte superficial a escala de décadas resulta delicada.
Palabras clave
Balance geoquímico, elementos mayoritarios, elementos traza, experimentos agronómicos de larga duración, Luvisol sobre loess,
fertilización, enmiendas básicas, aportes atmosféricos, acidificación, lixiviación, iluviació.
C
e travail présente un inventaire géochimique de l’horizon
de bêchage d’un NEOLUVISOL de lœss dans le dispositif des 42 parcelles de l’Inra de Versailles, à l’issu de 85
années d’expérimentation menée en sol nu. L’inventaire est réalisé sur l’ensemble des 42 parcelles, et a pour objectif principal
d’identifier, de quantifier et d’expliquer les changements de concentrations et de stocks de 20 éléments chimiques en réponse à
l’apport de 16 types d’engrais et d’amendements, ou à l’absence
d’apport. Les résultats sont donc nombreux et surprennent parfois par l’ampleur et la variabilité des évolutions géochimiques
constatées, et nous n’avons pas forcément une explication pertinente pour tous les changements. Mais le but de ce travail est
aussi de susciter l’intérêt de la communauté scientifique pour ce
dispositif, unique au monde par sa longévité, et d’inviter d’autres
équipes de recherche à bénéficier de l’extraordinaire richesse de
cet essai patrimonial et d’échantillons de la collection historique
(« à consommer avec modération »…).
INTRODUCTION
Evolution temporelle des sols. Evaluer les services
écosystémiques des sols nécessite de disposer d’indicateurs
pertinents de leur état et des évolutions contraintes par les
activités anthropiques et/ou le changement climatique. Pour
une gestion durable des ressources en sol, il est indispensable
d’améliorer notre compréhension des processus d’évolution, en
termes de vitesse et d’amplitude, à des pas de temps courts et
longs. De tels indicateurs sont souvent difficiles à élaborer in situ
à cause de l’hétérogénéité des milieux. Ainsi, la capacité des
sols à stocker des micropolluants, en limitant leurs transferts
vers d’autres compartiments de l’environnement, dépend de
nombreux facteurs: nature des sols, leurs propriétés physiques,
chimiques et biologiques, mais aussi la quantité, nature et
gestion des matières organiques des sols (MOS), ou encore les
diverses pressions anthropiques qui menacent les sols (Gis Sol,
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
102
2011). Cette variabilité rend difficile l’interprétation des teneurs
en micropolluants d’un échantillon de sol, prélevé en un lieu et à
un moment donné (Chassin et al., 1996). Les MOS jouent un rôle
essentiel dans de nombreuses fonctions à l’origine des services
écosystémiques rendus par les sols. Mais quand les sols
s’appauvrissent en MO, ces services dépendent davantage de la
nature et des propriétés des constituants minéraux, notamment
la composition, la réactivité et l’organisation de la fraction fine.
Or, l’impact de contraintes anthropiques sur la matrice solide
minérale, un compartiment du sol dont l’évolution est souvent
considérée comme lente, est en général peu renseigné.
Intérêt d’essais agronomiques de longue durée. De
nombreux essais agronomiques au champ ont été initiés dans
le monde, dès la fin de XIXe siècle, assortis de collections
historiques d’échantillons. De tels dispositifs offrent des
opportunités exceptionnelles pour évaluer, sur des périodes
décennales à centennales, les menaces qui pèsent sur les
sols (acidification, dégradation de la structure, pollution…) et
leurs effets. Contrairement aux conditions in situ, la dimension
réduite des essais et une couverture pédologique homogène
(du moins initialement) favorisent la pertinence des résultats.
Les collections d’échantillons de sols associés à ces essais (i.e.
Christensen et al., 2006; Rothamsted Research, 2006), prélevés
régulièrement et au même endroit, leur confèrent une valeur
patrimoniale inestimable.
Le dispositif expérimental des 42 parcelles de l’Inra de
Versailles. Cet essai mené en jachère nue a été créé en 1928 sur
des sols limoneux, représentatifs des grands espaces céréaliers
du nord de la France. La collection d’échantillons de sols,
maintenus sans végétation depuis près de 90 ans (figure 1) est
aujourd’hui unique au monde. Le but de l’essai était de « tester
les impacts d’apports continus des principaux types d’engrais
Figure 1 - La collection historique des échantillons
de sol (0-25 cm) du dispositif expérimental de longue
durée, les « 42 parcelles » de l’Inra de Versailles. Au
premier plan, les prélèvements de mars, mai, juillet,
septembre et novembre 1929.
Figure 1 - The historical soil archive of INRA’s
« 42-plots » long-term bare fallow experiment
(Versailles, France). Samples were annually collected
in the 0-25-cm layer. The first collections are from
March, Mai, July, September, and November 1929.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
F. van Oort et al.
et d’amendements sur la composition et les propriétés des sols
en comparaison avec des sols « témoins » sans apport aucun »
(Burgevin et Hénin, 1939). Le sol initial, un NEOLUVISOL de lœss
contenait 16,2 g/kg de C organique, entre 180 et 197 g/kg d’argile,
un CEC (méthode Cobaltihexammine) de 14,9 cmol/kg, occupé
à 98 % de Ca échangeable (van Oort et al., 2016), d’après les
analyses d’échantillons de mars 1929 de la collection historique.
La fraction argileuse contient des minéraux interstratifiés illitesmectite et illite-mica, et de la kaolinite (Pernes-Debuyser et al.,
2003).
Un travail analytique approfondie sur des prélèvements
en 2014 d’échantillons de l’horizon de surface (van Oort et
al., 2016) a révélé l’ampleur des changements de propriétés
physicochimiques sous la contrainte des apports fertilisants
intervenus depuis 1928: hors amendement de fumier, les écarts
observés sont: de 134 à 204 g/kg d’argile, de 5,3 unités de pH (3,58,8), et de 5,3 à 14,4 cmol/kg pour la CEC dont l’occupation varie
d’une saturation quasi-exclusive par Ca (parcelles « basiques ») à
celle par Al (parcelles « acides »), en passant par la présence de
fortes proportions de cations monovalents (Na, K). L’ensemble
des résultats de ce travail suggèrent que plusieurs processus
d’évolution se sont développés ou amplifiés: l’acidification, la
dissolution minérale, l’aluminisation, la lixiviation, le lessivage, la
transformation minéralogique, des engorgements temporaires…
La perte en carbone organique entre 1928 et 2005 dans
l’horizon de surface atteint environ 60 % du stock initial
(Barré et al., 2010). Ces auteurs ont modélisé la cinétique de
décomposition des MOS, quantifié le pool de carbone stable et
précisé ses nature, localisation et stabilité (i.e. Barré et al., 2016,
2010). Dès les années 1980, l’essai des 42 parcelles a servi à
étudier les apports d’éléments traces métalliques (ETM), issus
de la fertilisation ou de retombées atmosphériques diffuses
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
(Juste et Tauzin, 1986). L’apport de plomb atmosphérique depuis
1929 a été quantifié en combinant les concentrations et les
compositions isotopiques (Semlali et al., 2004). En 2009, Monna
et al. montrent l’accumulation rapide, dès le début des années
1950, du césium radioactif (137Cs) dans l’horizon de surface,
puis la lente décroissance des teneurs depuis les années 1970,
interrompue brièvement en 1986 par l’accident nucléaire de
Tchernobyl.
En absence de végétation et avec une topographie quasiplane, la migration en profondeur constitue le vecteur principal
pour le transfert des éléments solubilisés. Ce dispositif offre
donc des conditions uniques pour quantifier l’évolution de
la composition géochimique des sols depuis 1929, dans un
contexte physicochimique diversifié, mais contrôlé par l’homme.
Une approche comparable, menée sur quelques parcelles du
dispositif Dehérain à Grignon, a révélé plusieurs obstacles à une
évaluation précise des apports d’éléments (Baize et Bourgeois,
2005): l’approfondissement de la couche de labour au cours
du temps, l’absence d’échantillons de certaines années pour
certaines parcelles, ou encore l’exportation non-quantifiée
d’éléments par les cultures. En outre, ces auteurs soulignent « les
différences de concentrations, parfois importantes, entre deux
répétitions d’un même traitement ».
Les contraintes expérimentales. L’essai est mené suivant
un protocole strict, immuable depuis 1928: sur des parcelles de
2 × 2,5 m, des engrais azotés sont apportés au printemps, des
engrais potassiques et phosphatés ainsi que des amendements
basiques et de fumier sont apportés à l’automne, suivis à chaque
fois par un bêchage manuel de l’ensemble des 42 parcelles,
sur 25 cm de profondeur. Cette épaisseur de 25 cm correspond
à l’horizon de surface considéré dans ce travail. Au total, 16
traitements doublés sont testés et 10 parcelles ne reçoivent
aucun apport. L’essai est conduit en jachère nu, le désherbage
a été pendant longtemps effectué à la main, aujourd’hui à l’aide
103
d’herbicides. Les campagnes d’échantillonnage ont lieu au
printemps ou à l’automne, juste avant les apports de fertilisants.
Objectifs. Les objectifs du présent travail sont i) de préciser
les changements d’état géochimique dans l’horizon de bêchage
des 42 parcelles par rapport à l’état initial, en comparant les
concentrations totales en 2014 avec celles déterminées sur
les échantillons des parcelles « témoins » prélevés en 1929. La
présentation graphique des résultats pour l’ensemble des 42
parcelles permet d‘apprécier, à un moment donné, la variabilité
des concentrations en éléments majeurs et trace entre les
différents traitements, mais aussi pour deux parcelles recevant
le même type de fertilisation (cf. numéros de parcelles dans le
tableau 1). Des corrélations avec des paramètres pédologiques
majeurs des sols (pH, teneur en argile) serviront à établir des liens
entre des évolutions géochimiques et les différents processus
pédologiques induits par 85 années d’expérimentation, mis en
évidence précédemment (van Oort et al., 2016); ii) de calculer
les bilans d’éléments, c’est-à-dire leurs enrichissements et/ou
appauvrissements selon les traitements appliqués, en comparant
les stocks d’éléments dans l’horizon de surface en 2014 avec le
stock initial, calculé avec les données des parcelles « témoins » de
1929. Ces données permettent d’estimer les apports d’éléments
via les matières fertilisantes, par retombées atmosphériques
dans les parcelles « témoins », mais aussi leurs pertes sous la
contrainte des changements de propriétés physicochimiques
dans les parcelles.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Analyse des concentrations totales. L’analyse des
concentrations totales de 20 éléments chimiques dans les
échantillons des horizons de surface des 42 parcelles a été
réalisée au Laboratoire d’Analyse des Sols (LAS) de l’Inra d’Arras.
Tableau 1 - Appellation, code couleur, traitements, identification et nombre des groupes de parcelles expérimentales.
Table 1 - Designation, colour-code, treatments, identification and number of main groups of experimental plots.
Groupe / Code couleur
Apport fertilisant / amendement
N° parcelles
n
Témoins
sans traitements
1, 9, 11, 13, 21, 22, 30, 32, 34, 42
10
Acides
(NH4)2SO4, (NH4)2HPO4, NH4NO3, NH4Cl, sang desséché
2, 19, 3, 14, 6, 20, 7, 15, 8, 18
10
Nitrate de calcium
Ca(NO3)2
5, 16
2
Monovalents
NaNO3, (Na,K)Cl (sylvinite)
4, 17, 29, 36,
4
KCl, K2SO4
23, 37, 25, 41
4
Fumier
fumier de cheval
10, 12
2
Phosphates
superphosphate, phosphate naturel
27, 38, 28, 33
4
Scories
scories de déphosphoration
24, 35
2
Basiques
CaO, CaCO3
26, 40, 31, 39
4
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
104
Après la dissolution totale des échantillons de sol avec un
mélange d’acide fluorhydrique et perchlorique (ISO NF X31-147;
Afnor, 2004), les concentrations en éléments majeurs (Al, Ca, Fe,
K, Mg, Na, P2O5) et en trace (As, Cd, Co, Cr, Cu, Mn, Mo, Ni, Pb,
Sc, Tl, Zn et U) ont été déterminées par spectrométrie ICP-AES
ou ICP-MS (NF ISO 22036 et NF EN ISO 17294-2, respectivement).
Nous comparons les résultats de 2014 avec ceux des échantillons
des parcelles « témoins » de 1929, analysés simultanément. Les
évolutions de teneurs en carbone organique et en azote ont été
largement discutées ailleurs (Barré et al., 2016; 2010 ; Menichetti
et al., 2015).
Lecture des graphiques. Afin de faciliter la lecture des
graphiques des concentrations des 42 échantillons de surface et
des 17 modalités de traitements, un code couleur est donné aux
parcelles présentant des ambiances physicochimiques proches
(pH, garniture cationique, type d’amendement), aboutissant à
8 grands groupes de traitements (tableau 1, figure 2). Dans un
souci de clarté, certains traitements sont précisés par leur nom
ou leur formule chimique. Les concentrations totales initiales
ont été estimées à partir de l’analyse des échantillons provenant
des parcelles « témoins » de 1929; dans les graphes, la médiane
des valeurs est présentée par un trait discontinu, tandis que
les valeurs minimales et maximales de l’intervalle de confiance
à 95 % y sont présentées par des lignes continues. Dans les
graphiques de bilans, certains traitements au sein des 8 groupes
ont été davantage détaillés, contraints par des différences de
masse volumique, mais les codes couleurs restent inchangés (cf.
tableau 6).
La présentation des concentrations par numéros croissants
des parcelles facilite un aperçu global et rapide des amplitudes
entre traitements, mais aussi de la variabilité pour un même
traitement. Les écarts entre les concentrations de 2014 par
rapport à celles de 1929 indiquent des enrichissements ou
appauvrissements d’éléments. Des corrélations entre les
concentrations totales des éléments et certains paramètres
physicochimiques clés des sols (pH, CEC, taux d’argile)
permettent d’identifier des sources d’intrants, matières
fertilisantes ou retombées atmosphériques diffuses, mais aussi
leur devenir.
Corrections apportées. Dans les parcelles fumier,
l’accumulation des matières organiques dans l’horizon de
surface atteint aujourd’hui environ 7-8 % (49,8 et 41,9 g/kg de
C organique) (van Oort et al., 2016). Ceci entraîne une dilution
des éléments par rapport aux autres parcelles dont les teneurs
en carbone organique sont bien plus faibles (0,5 - 0,8 g/kg). Les
teneurs mesurées dans les parcelles « fumier » (signalées par des
croix de couleur marron foncé) ont donc été corrigées afin de
faciliter la comparaison de l’ensemble des parcelles.
NB. Plusieurs travaux de réfection et entretien sur des bâtiments,
installations et routes à proximité du dispositif ont eu lieu depuis 1928.
Par conséquent, des répercussions (apports localisés de poussières)
sur la composition et les propriétés des parcelles ne peuvent être
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
F. van Oort et al.
totalement exclues. Ces désordres semblent avoir affecté plus
particulièrement la dernière rangée de parcelles bordant la route (cf.
figure 2) représentant la topographie la plus basse (parcelles 19-21,
40-42).
Calcul de stocks et de bilans. Suite à la minéralisation des
MO et aux changements physicochimiques intervenus au cours
du temps, la masse volumique de l’horizon de surface a évolué
suivant les traitements fertilisants. Entre 1928 et aujourd’hui, un
kilogramme de sol ne représente pas le même pourcentage de
la masse totale de l’horizon travaillé par unité de surface. Pour
comparer les changements de quantités d’éléments entre ces
2 périodes, les concentrations élémentaires (masse d’élément/
masse d’échantillon) doivent être transformées en stocks (masse
d’élément/unité de surface) pour une épaisseur de sol donnée:
Sél = Cél × ρh × Eh
(1)
où Sél = stock de l’élément dans l’horizon (g/m² ou mg/m²),
Cél = concentration totale de l’élément (g/kg ou mg/kg),
ρh = la masse volumique de l’horizon (kg/m3),
Eh = épaisseur de l’horizon (m).
Les masses volumiques des horizons de surface ont été
déterminées en 2008 (Paradelo et al., 2013) et en 2014 (van Oort
et al., 2016), toujours au printemps, précédant les prélèvements
de sol. Le stock initial d’éléments est calculé en multipliant les
concentrations des sols témoins de 1929, par l’épaisseur de
l’horizon de bêchage (toujours à 25 cm) et la masse volumique
initiale. Celle-ci est estimée à 1300 kg/m3, en accord avec des
mesures de porosité, rapportées par Burgevin et Hénin (1939).
La masse de l’horizon labouré en 1929 par unité de surface
était donc de 325 kg/m² (1300 × 0,25). Les stocks d’éléments
dans l’horizon de surface (25 cm) en 2014 (S2014) sont obtenus
en multipliant les concentrations par les masses volumiques,
propres à chaque traitement: 960 kg/m3 pour le fumier, 1460 kg/
m3 pour les parcelles « témoins » et 1580 kg/m3 pour le traitement
sylvinite. Les masses de l’horizon de surface correspondantes
sont de 240, 365 et 395 kg/m², respectivement.
a) Facteurs constitutifs du stock d’éléments actuel
Le bêchage bisannuel à profondeur constante (25 cm)
de l’horizon de surface, dont les propriétés physicochimique
et physiques ont considérablement changés au cours des
85 ans d’expérimentation, a entraîné des modifications
dans la composition de la couche de surface concernée
par les prélèvements d’échantillons (figure 3). Les effets
sont particulièrement perceptibles dans les traitements
« monovalents » où, du fait d’une forte densification de l’horizon
de surface, le bêchage a progressivement empiété sur l’horizon
E sous-jacent. L’épaisseur de cet approfondissement dans
l’horizon E (Δep) est calculée à partir de la différence du poids
de la couche L entre 2014 et 1928, et la masse volumique de
l’horizon E, estimée à 1580 kg/m3 d’après des travaux d’Isambert
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
(1979) et Monni (2008). Dans le cas des parcelles « témoins » avec
ρL = 1460 kg/m3, la différence de poids de l’horizon de bêchage
est de 0,25 × (1460-1300) = 40 kg/m². Un centimètre de l’horizon
E sous-jacent représente 15,8 kg/m². L’approfondissement Δep
du labour représente donc 40/15,8 = -2,5 cm. Pour le traitement
Figure 2 - Localisation du dispositif des 42 parcelles, intégré
dans l’infrastructure bâtie de l’Inra de Versailles.
Figure 2 - Schematic location of the 42-plot trial at Versailles
within the agronomic research institute.
105
sylvinite, Δep est de -4,4 cm. A contrario, les traitements
produisant un effet décompactant de la structure du sol, comme
le fumier, favorisent le développement d’un nouvel horizon de
type L5 (AFES, 2008): la base non-reprise de l’ancien horizon de
bêchage, s’épaississant au cours du temps (figure 3). Dans ce
cas, la masse volumique et la concentration des éléments sont
estimées comme la moyenne des valeurs en 1929 et en 2014. La
correction dans le calcul des stocks en cas d’une diminution de
la densité est négative. Pour le fumier, l’élévation de la surface
Δep engendrée par la diminution d la masse volumique atteint
+5,5 cm.
En outre, les multiples campagnes d'échantillonnage depuis
1929 dans des parcelles de 5 m² ont produit elles aussi un effet
Figure3 - Effets d’approfondissement ou de surélévation
(Δept) de la couche 0-25 cm provoqués par des changements
de la masse volumique en fonction de nature des traitements
fertilisants (Δep) et des prélèvements d’échantillons (Δ’ep)
depuis 1929.
Figure3 - Effects of deepening or heightening (Δept) of the
0-25-cm layer due to changing bulk densities according to
the type of fertilizing treatments (Δep) and the repetitive soil
sampling campaigns (Δ’ep) since 1929.
Tableau 2 - Description des termes du calcul des bilans de stocks d’éléments entre 1929 et 2014.
Table 2 - Terms of the 1929 - 2014 elemental stock budget.
Stocks (S)
Termes
S initial L
S1929
0,25 × ρL 1929 × Cél 1929
S final L
S2014
0,25 × ρL 2014 × Cél 2014
S apport Δep
S archives
SΔept (*)
Sar
Formulation
(Δep + Δ’ep)/100 × ρE × Cél 1929, avec Δep = (ρL 2014 - ρL 1929)×0,25/ρE /100
75/5 × │(Cél 2014 + Cél 1929)│/2
(*) en cas d’allègement de la densité Δep = (ρL 2014 - ρL 1929) × 0,25/(ρL 2014 + ρL 1929)/2 × 0,25/25
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
106
F. van Oort et al.
de « grignotage » de l’horizon E sous-jacent. En considérant les
archives d’échantillons, le cumul des terres collectées dans
les parcelles de 5 m² est estimé à 75 kg, soit 15 kg/m². Ces
prélèvements opèrent un approfondissement supplémentaire
de l’horizon de bêchage, Δ’ep = -1 cm. Dans les sols densifiés
depuis 1928, les effets cumulent (Δept = Δep + Δ’ep), alors que dans
les sols à densité allégée, les effets s’opposent dans le calcul
du stock d’éléments de l’horizon E intégrés par bêchage dans
l’horizon L (SΔept). Enfin, il faut également tenir compte du stock
d’élément correspondant à la collection historique d’échantillons.
Pour 1 m², ce stock (Sar) est 15 kg × (Cél 1929 + Cél 2014)/2.
Enfin, en considérant la solubilité des engrais et
amendements, et leur redistribution dans les sols, les apports
de matières par la fertilisation ne peuvent être pris en compte
dans les calculs de stocks à partir des données analytiques de
l’horizon de surface.
b) Termes du calcul des bilans 1929-2014
Les différents éléments intervenant dans le calcul du bilan
de stock 1929 - 2014 (B1929 - 2014) sont résumés dans le tableau 2.
Pour chaque élément, le bilan s’écrit:
B1929-2014 = (S1929 - SΔept + Sar) - S2014
(2)
Dans l’exemple de la figure 3, la valeur moyenne de Δept s’élève
à -3,5 cm pour les sols des parcelles « témoins »: la densification
par augmentation de ρL de 1300 à 1460 kg/m3 est de -2,5 cm, et
l’effet attribué à l’échantillonnage est de -1 cm. Elle est de -5,4 cm
pour le traitement sylvinite (-4,4; -1), mais représente +4,5 cm
pour les parcelles fumier (+5,5; -1). Ces valeurs peuvent varient
peu d’une parcelle à l’autre pour un même type de traitement.
Evaluation statistique des changements dans
la composition géochimique
L’analyse de significativité des changements entre 1929
et 2014 dans l’horizon de surface, de la composition et des
propriétés est contrainte par le plan expérimental initial qui limite
à 2 le nombre de répétitions de l’apport de chaque type d’engrais
ou d’amendement. Le traitement statistique de données n’est
donc pertinent que dans le cas des parcelles « témoins » (n
= 8). Nous avons vérifié la significativité des différences des
valeurs médianes des concentrations et des stocks par le test
de Wilcoxon apparié. Dans les parcelles fertilisées, les bilans
d’éléments ont été analysés en composantes principales (ACP).
Les gains ou pertes de chaque élément ont été comparés aux
bilans dans les parcelles témoins.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
RÉSULTATS ET DISCUSSION
L’état géochimique
a) Concentrations totales en éléments majeurs dans
l’horizon de surface
Calcium. En 2014, les plus fortes teneurs en Ca sont
observées pour les amendements basiques (chaux, carbonate)
et de fumier (figure 4a). Avec l’apport de scories et, dans une
moindre mesure, de phosphates naturels, les concentrations en
Ca sont supérieures aux valeurs initiales de 1929. Dans les autres
parcelles, les concentrations ont fortement diminué par rapport à
1929: moins de 0,45 g/100 g, contre 0,64 g/100 g initialement, ce
qui indique des pertes considérables en calcium dans les horizons
de surface, y compris pour les parcelles témoins. Les valeurs les
plus faibles correspondent aux parcelles « acides » (figure 4b), qui
atteignent 0,18 g/100 g sous fertilisation avec NH4Cl. L’ampleur
de ces pertes en Ca interroge sur l’origine du Ca exporté. Ainsi,
en 1929 la teneur en Ca échangeable était d’environ 15 cmol+/kg,
équivalent à 0,28 g de Ca pour 100 g de sol. Par conséquent, des
teneurs totales en Ca < 0,36 g/100 g (0,64-0,28), suggèrent une
exportation de Ca à partir du réseau cristallin des minéraux, libéré
par hydrolyse partielle. Ces données corroborent l’hypothèse
du processus de dissolution minérale dans les sols acidifiés et
l’apparition d’Al échangeable à des proportions > 95 % (van Oort
et al., 2016). Les concentrations totales en Ca sont également
basses dans les parcelles « témoins », « monovalents », « CaNO3 »
et « superphosphate »: elles sont donc également régies par
l’échange avec d’autres cations: Na et K, apportés par les engrais
ou Al, libéré par acidification dans les parcelles « témoins ».
Magnésium. Les teneurs totales en Mg montrent une assez
grande dispersion (figure 4c) depuis des valeurs légèrement
au-dessus de celles de 1929, sous amendements de fumier
et de scories, vers des valeurs plus faibles dans les parcelles
« monovalents » et « acides », notamment sous fertilisation avec
du phosphate d’ammonium. La lixiviation de Mg en conditions
acides semble donc évidente (figure 4d). Le Mg est également un
élément constitutif de nombreux minéraux phyllosilicatés, et les
faibles valeurs observées dans les traitements « monovalents »
suggèrent un effet de migration par lessivage d’argile.
Potassium et sodium. Les concentrations totales en K les
plus élevées correspondent aux apports d’engrais potassiques
(KCl, K2SO4, sylvinite), mais aussi au traitement « fumier »
(figure 4e). Dans les autres parcelles, les concentrations diffèrent
peu par rapport à 1929. Les valeurs les plus faibles (< 1,3 g/100 g)
sont notées sous fertilisation avec du nitrate de soude ou avec
du superphosphate. Celles-ci se situent à la limite inférieure de
l’intervalle des valeurs de 1929. Les teneurs en Na montrent
une tendance générale en augmentation par rapport à 1929
(figure 4f). Il peut s’agir d’apports lointains d’origine marine,
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
107
Figure 4 - Concentrations totales en éléments majeurs dans l’horizon de surface des 42 parcelles en 2014. a) calcium ; b) corrélation entre
la teneur en Ca et le pH ; c) magnésium ; d) corrélation entre la teneur en Mg et le pH ; e) potassium ; f) sodium ; g) phosphore ;
h) fer ; i) aluminium ; j) corrélation entre Fe et al. Le trait discontinu représente la valeur médiane de l’élément en 1929, les lignes continues
l’intervalle de confiance à 95 % ; les croix représentent la valeur de l’élément dans les parcelles « fumier », corrigées de la teneur en
matières organiques ; les détails des regroupements de parcelles sont précisées dans le tableau 1, les codes couleurs correspondent à :
témoins acides nitrate de chaux monovalent-Na monovalent-K fumier phosphates scories basiques .
Figure 4 - Total concentrations of major elements in the surface horizon in the 42 plots in 2014. a) Ca ; b) correlation between Ca and pH ;
c) Mg ; d) correlation between Mg and pH ; e) K ; f) Na ; g) P2O5 ; h) Fe ; i) Al ; j) correlation between Fe and Al. The dotted line represents
the median, the full lines the interval of minimum and maximum element concentrations measured on samples form the reference plots in
1929 ; the color codes are according Table 1 ; the crosses represent the element concentrations for the horse manure treatment, corrected
for their organic matter contents.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
108
comme couramment observés en Europe (van Leeuwen et al.,
1996). Les plus fortes valeurs sont observées dans les parcelles
sous apports d’engrais sodiques (NaNO3, sylvinite), les plus
faibles dans les parcelles « fumier ».
Phosphore. L’enrichissement en P2O5 est notable dans les
parcelles sous apports de phosphate d’ammonium, phosphate
naturel, superphosphate, scories de déphosphoration, mais
aussi de fumier (figure 4g). Dans les autres parcelles, la variabilité
des concentrations en P est faible et les valeurs ne diffèrent guère
de celles mesurées dans les échantillons de 1929. Ces résultats
suggèrent qu’en absence de végétation, le phosphore libéré par
la décomposition des MO depuis le début de l’expérimentation a
été majoritairement rétrogradé dans le sol. D’autre part, même si
les retombées atmosphériques de P sont généralement faibles,
de l’ordre de 3 à 4 g/m² sur une période de 85 ans (Tipping et al.,
2014), un tel dépôt a pu compenser une éventuelle perte de P.
Fer et aluminium. Les concentrations en Fe et Al montrent
une grande dispersion de valeurs (de l’ordre de 25 à 40 %),
avec des écarts notables entre les traitements « acides » et
« monovalents » (figures 4h, 4i). Les valeurs les plus faibles,
qui correspondent aux traitements « monovalents », laissent
supposer la migration de Fe et Al par lessivage d’argile. L’apport
de scories entraîne une augmentation substantielle de la teneur
en fer (figure 4h), mais pas en aluminium. Les concentrations
totales en Al et en fraction < 2 µm (traitement « fumier » excepté),
montrent une forte corrélation linéaire: R² = 0,66, (figure 4j)
légèrement plus faible que celle observée entre l’argile et Fe
(R² = 0,81, van Oort et al., 2016). Les faibles teneurs en Al (figure
4j) des parcelles « fumier », pourtant les plus riches en argile,
suggèrent que l’amendement de fumier est source d’apports de
matières fines, non-phyllosilicatées.
b) Concentrations totales en éléments en trace dans
l’horizon de surface
Cadmium. Les concentrations en Cd dans les sols prélevés
en 2014 varient fortement depuis des valeurs inférieures au seuil de
quantification (< 0,02 mg/kg), jusqu’à 0,456 mg/kg (figure 5a). Les
concentrations maximales correspondent aux fertilisations par le
phosphate naturel et le superphosphate. Celles-ci sont 3 à 4 fois
plus élevées que les valeurs initiales de 1929. Sous amendement
de fumier, les teneurs en Cd sont également élevées, environ 3
fois plus qu’en 1929. Dans les parcelles « acides », exceptées
celles traitées au phosphate d’ammoniaque, les teneurs en Cd
sont très faibles (entre ≈0 et 0,05 mg/kg), 3 à 10 fois plus faibles
qu’en 1929. Elles évoquent la perte en Cd par lixiviation dans
des conditions acides (Römkens et Salomons, 1998). Dans
le traitement « phosphate d’ammonium », les concentrations
en Cd atteignent aujourd’hui environ 0,13 mg/kg (figure 5a).
De telles valeurs sont proches à la fois de celles de 1929 et
de celles mesurées aujourd’hui dans les parcelles « témoins »,
« monovalents » et « nitrate de chaux ». Malgré les conditions très
acides (pH 3,6-3,7), la concentration en Cd y est distinctement
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
F. van Oort et al.
plus élevée que dans les autres traitements « acides », du fait
de l’apport d’engrais phosphatés. Les concentrations en Cd
résultent de deux processus antagonistes: apport de Cd, présent
à l’état d’impureté dans les engrais phosphatés et sa lixiviation
sous pH acide (figure 5b).
Uranium. Les concentrations en U sont clairement
plus élevées (40 à 70 %) dans les parcelles sous fertilisation
phosphatée (figure 5c). De tels enrichissements en U par
applications prolongées d’engrais phosphatés sont également
rapportés pour d’autres essais agronomiques de longue durée,
comme en Angleterre (Rothamsted) et en Nouvelle-Zélande
(Alloway, 2013; Pulford, 2010). Les teneurs en U des autres
parcelles sont proches de celles de 1929 et illustrent sa faible
mobilité dans les sols.
Chrome et manganèse. Outre les majeurs tels que P, Ca
et Fe (cf. figure 4), les scories de déphosphoration apportent
certains éléments en trace, notamment du Cr et du Mn (figures
5d, 5e). En 2014, les teneurs en Cr ont doublé et celles de Mn
triplé, par rapport à 1929. Pour les autres parcelles, le Cr a
augmenté de 35 à 40 %, ce qui suggère un apport notable par
retombées atmosphériques, fréquemment rapporté (Alloway,
2013). Dans la plupart des parcelles, les concentrations en Mn ne
diffèrent que peu par rapport aux valeurs de 1929. Cependant,
dans les parcelles « acides », elles ont diminué de plus de 50 %,
témoignant de la mobilité de Mn à des pH acides.
Cuivre. Les concentrations en Cu dans les 42 parcelles
montrent une assez grande dispersion, entre environ 15 et
30 mg/kg (figure 5f). En 2014, les teneurs en Cu dans le bloc
gauche (parcelles 1 à 21) apparaissent globalement plus élevées
que celles du bloc droit (parcelles 22 à 42, cf. figure 7). En
absence d’apport notable de Cu par les traitements, l’hypothèse
d’une contamination récurrente, liée à l’utilisation d’un produit
d’occultation des serres (cf. figure 2) contenant du cuivre est
probable.
Zinc. Dans les échantillons de 2014, les concentrations en
Zn varient du simple au double (figure 5g) depuis des valeurs
proches de 1929: environ 50-80 mg/kg jusqu’à 105-120 mg/kg
pour les parcelles amendées avec du fumier. L’essentiel des
teneurs en Zn se situant au-dessus des valeurs initiales, un
apport diffus de Zn par retombées atmosphériques peut être
supposé. Toutefois, compte tenu du caractère très mobile du Zn,
une lixiviation partielle de Zn est attendue, en particulier dans les
sols acides. Cet effet peut néanmoins être masqué par l’impact
de contaminations locales (travaux historiques, poussières de
route), surtout localisées en bordure du dispositif; une zone
où les teneurs en Zn sont précisément plus élevées (figure 5h,
flèches noires, figure 7).
Plomb. En 2014, la variabilité des concentrations en Pb
est grande, entre 30 et 130 mg/kg (figure 5i). Cependant, la
dispersion des valeurs de Pb mesurées sur les 10 sols témoins
de 1929 est également importante (coefficient de variation de
21 %). Nous n’avons aujourd’hui pas d’explication étayée pour
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
109
Figure 5 - Concentrations totales en éléments en trace dans l’horizon de surface des 42 parcelles en 2014. a) cadmium ; b) corrélation
entre la teneur en Cd et P2O5 ; c) uranium ; d) chrome ; e) manganèse ; f) cuivre ; g) zinc ; h) corrélation entre Zn et le pH ; i) plomb ;
j) molybdène. Plus de détails de présentation dans la légende de la figure 4.
Figure 5 - Total concentrations of minor elements in the surface horizon in the 42 plots in 2014. a) Cd ; b) correlation between Ca and
pH ; c) U ; d) Cr ; e) Mn ; f) Cu ; g) Zn ; h) correlation between Zn and pH ; i) Pb ; j) Mo. More details of presentation are given in the legend
of figure 4.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
110
une telle variabilité, et la question nécessite davantage d’étude.
Les teneurs actuelles en plomb sont majoritairement plus
élevées qu’en 1929, attribuées aux dépôts atmosphériques. Ceci
est confirmé par des études isotopiques menées précédemment
dans les 42 parcelles (Semlali et al., 2004; 2001).
Molybdène. Les concentrations en Mo en 2014 (figure 5j) se
situent dans la partie supérieure ou légèrement au-dessus des
valeurs de 1929, ce qui laisse supposer un apport par retombées
atmosphériques, comme fréquemment rapporté pour des zones
périurbaines (Evans et Barabash, 2010). Les teneurs maximales
sont observées dans les parcelles « fumier ». Dans les parcelles
chaulées, les concentrations ont distinctement diminué, de 10 à
20 % par rapport aux valeurs de 1929, et traduisent la mobilité
accrue de Mo en milieu basique.
Arsenic. En 2014, les concentrations en As se situent
globalement dans l’intervalle des valeurs de 1929 (figure 6a).
Dans le traitement « super phosphate », les teneurs sont plus
élevées, indiquant un apport d’As. Des valeurs élevées sont aussi
relevées dans les parcelles acides. Ceci peut s’expliquer par la
présence notable d’aluminium libre qui favorise la rétention d’As
(Alloway, 2013), ainsi que la présence de charges négatives des
arséniates (CEA) qui favorise leur rétention par des oxydes de Fe,
Al et ou de Mn. D’autre part, les formes anioniques d’As, comme
pour P, interagissent avec les charges positives d’oxydes de Fe,
d’Al ou de Mn. Les valeurs les plus faibles en As correspondent
aux traitements « monovalents » et « phosphate naturel ». Ceci
suggère qu’une partie du transfert de l’arsenic vers les horizons
sous-jacents pourrait être liée à la migration d’argile (figure 6b).
Thallium. Les concentrations actuelles en Tl varient de 0,34
à 0,44 mg/kg et ne différent guère des valeurs de 1929 (figure
6c). Les plus faibles valeurs en Tl sont enregistrées dans les
traitements « monovalent », notamment sodiques. La relation
des concentrations en Tl avec les teneurs en argile (sans le
traitement « fumier ») montre un coefficient de détermination R²
= 0,605 (figure 6d). Ces résultats indiquent des transferts de Tl
par lessivage d’argile. La localisation privilégiée de Tl dans les
argiles réside dans des similitudes chimiques entre le thallium et
le potassium. La substitution de K par Tl est fréquente dans des
minéraux potassiques, comme certains minéraux phyllosilicatés
(Evans et Barabash, 2010).
Cobalt et nickel. En 2014, les concentrations en Co varient
entre 4,5 et 8,5 mg/kg. Elles sont majoritairement supérieures
aux valeurs de 1929 (figure 6e), sauf dans les parcelles « acides »,
où les teneurs sont environ 25 à 35 % plus faibles. Cette
distribution suggère à la fois un apport de cobalt par retombées
atmosphériques (Alloway, 2013; Ma et Hooda, 2010), mais
aussi sa lixiviation. La mobilité du cobalt sous forme Co2+ est
couramment observée dans des sols pour des valeurs de pH
< 5,5. Les concentrations en Ni varient de 9 à 19 mg/kg (figure 6f),
proches de celles de 1929. Cependant, dans les sols « acides »,
elles sont jusqu’à 50 % plus faibles qu’en 1929. Toutefois, les
parcelles acides situées le long de la route (19, 20) montrent
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
F. van Oort et al.
des teneurs en Ni plus élevées que dans les autres parcelles
« acides » (cf. figure 7), attribuées à une contamination par des
poussières de la route. La relation linéaire des concentrations
en Ni avec la teneur en argile (figure 6f) montre un coefficient
de détermination R² de 0,63 (calcul effectué sans les traitements
« acides » (appauvris en Ni par lixiviation) et « fumier »). Le rapport
« Ni/argile » faible pour les traitements « monovalent », notamment
les parcelles « sodiques évoque un possible transfert de Ni
par lessivage d’argile. Ceci est en accord avec la localisation
privilégiée de Ni dans la structure des minéraux aluminosilicatés
(Ma et Hooda, 2010). Le comportement de Ni est comparable à
celui de Co (figure 6h), mais dans le traitement (NH4)2HPO4, Ni
est moins bien retenu que Co.
Scandium. La dispersion des concentrations en Sc en
2014 est très faible, avec des valeurs comparables à celles
de 1929 (figure 6i). Les valeurs les plus faibles correspondent
aux traitements « monovalents », notamment pour les engrais
sodiques (NaNO3, sylvinite). La bonne relation (R² = 0,827)
entre la teneur en Sc et celle en l’argile (figure 6j) corrobore
l’hypothèse de leur migration conjointe par lessivage d’argiles
phyllosilicatées, comme pour Al (figure 4j) et pour Fe (van Oort et
al., 2016). Le Sc apparaît donc comme un indicateur pertinent de
mouvement d’argile dans les sols limoneux de lœss.
c) Significativité des évolutions de concentration
entre 1929 et 2014 dans les parcelles « témoins »
Du fait des possibles contaminations localisées en bordure
du dispositif (figures 2, 7), les parcelles « témoins » 21 et 42, ont été
écartées de l’analyse statistique. L’évolution des concentrations
entre 1929 et 2014 a été évaluée par le test de Wilcoxon apparié
sur 8 parcelles « témoins » (tableau 3).
Parmi les éléments majeurs, les changements significatifs
concernent 5 éléments, avec des diminutions des concentrations
en Ca et Mg, et des augmentations pour K, Na et Fe. Parmi
les éléments en trace, les changements concernent des
augmentations de Cd, Co, Cr, Zn, Pb et Mo. En absence de
traitements de fertilisation ou d’amendements dans les parcelles
« témoins », de telles augmentations de concentrations entre 1929
et 2014 indiquent des apports par des retombées atmosphériques
diffuses. Cependant, pour confirmer et quantifier de tels apports,
il est nécessaire de raisonner en stocks d’éléments et de
comparer des masses identiques de l’horizon travaillé.
STOCKS ET BILANS
Essai de validation du calcul de bilan
La pertinence des estimations est basée sur un postulat
de migration concomitante du scandium (Sc) et de la fraction
< 2 µm, en considérant: i) leur bonne corrélation dans les
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
111
Figure 6 - Concentrations totales en éléments en trace dans l’horizon de surface des 42 parcelles en 2014. a) arsenic ; b) corrélation
entre As et la teneur en argile ; c) thallium ; d) corrélation entre Tl et la teneur en argile ; e) cobalt ; f) nickel ; g) corrélation entre Ni et la
teneur en argile ; h) corrélation entre Ni et Co ; i) scandium ; j) corrélation entre Sc et la teneur en argile. Plus de détails de présentation
dans la légende de la figure 4.
Figure 6 - Total concentrations of minor elements in the surface horizon in the 42 plots in 2014. a) As ; b) correlation between As and
the clay content ; c) ; Tl ; d) correlation between Tl and the clay content ; e) Co ; f) Ni ; g) correlation between Ni and the clay content ;
h) correlation between Ni and Co ; i) Sc ; j) correlation between Sc and the clay content. More details of presentation are given in the
legend of figure 4.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
112
F. van Oort et al.
Tableau 3 - Concentrations médianes, valeurs minimales et maximales de l’intervalle de confiance à 95 % des éléments dans les sols
de parcelles « témoins » de 1929 et 2014 (n = 8). Significativité (p) par le test Wilcoxon apparié. ** significatif à 99 %, * significatif à 95 %,
ns: non-significatif.
Table 3 - Median, minimum and maximum concentrations of major and trace elements in soil samples of the reference plots from 1929
and 2014 (n = 8). Significance (p-value) assessed by the paired Wilcoxon test. ** significant at 99 %, * significant at 95 %, ns: not significant.
1929
2014
Significativité
Éléments majeurs (g/100 g)
médiane
min
max
médiane
min
max
p-«value »
Ca
0,637
0,598
0,721
0,318
0,296
0,340
0,00781
**
Mg
0,282
0,266
0,300
0,270
0,263
0,284
0,01414
*
K
1,29
1,26
1,34
1,34
1,31
1,37
0,02071
*
Na
0,550
0,540
0,566
0,579
0,566
0,588
0,01356
*
P2O5
0,110
0,097
0,118
0,112
0,099
0,131
0,49819
ns
Al
3,64
3,54
3,75
3,70
3,46
3,84
0,18289
ns
Fe
1,82
1,71
1,90
1,88
1,82
1,95
0,03906
*
Éléments en trace (mg/kg)
Mn
351
292
411
393
361
459
0,31250
ns
Cd
0,121
0,107
0,136
0,156
0,137
0,214
0,00781
**
Co
6,35
5,51
7,15
7,52
7,07
7,92
0,00781
**
Cr
40,9
40,1
41,7
54,8
48,8
60,6
0,00781
**
Cu
20,1
18,7
23,5
21,2
16,2
25,7
0,31250
ns
Ni
16,4
15,6
17,2
16,4
15,5
17,4
0,84375
ns
Zn
47,3
43,8
49,8
61,5
54,6
69,6
0,00781
**
Pb
51,5
39,5
70,6
76,9
59,0
104,9
0,00781
**
Mo
0,497
0,453
0,558
0,541
0,497
0,594
0,00781
**
Tl
0,398
0,389
0,406
0,397
0,389
0,407
1
ns
As
7,94
7,41
8,53
7,88
7,45
8,31
0,38281
ns
U
1,89
1,80
1,94
1,85
1,71
2,05
0,52811
ns
Sc
5,47
5,24
5,71
5,42
5,19
5,71
0,26203
ns
horizons de surface des 42 parcelles (figure 6j); ii) le constat de
la translocation du Sc liée au processus pédogénétique dans
les sols lessivés développés dans des lœss (Horovitz et al.,
1975); iii) la quasi-absence de contamination en scandium par
les activités anthropiques (Shotyk et al., 2001). En effet, dans
les sols sédimentaires de texture limoneuse ou argileuse, le
Sc est prioritairement localisé dans la structure des minéraux
aluminosilicatés (Mitchell, 1964; Horovitz et al., 1975): Sc3+ se
substitue aisément à Al3+ ou Fe3+, notamment dans certains
inosilicates (pyroxènes et amphiboles) et phyllosilicates (micas
noirs, chlorites, smectites ferrifères) (Aide et al., 2009). La validité
de nos calculs a été testée en comparant les stocks de Sc et
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
d’argile pour les parcelles sodiques, qui offrent les conditions les
plus propices à la dispersion et au lessivage d’argile (figure 6j).
Pour évaluer l’équivalence des stocks d’argile et de scandium,
la concentration en Sc a été analysée sur la fraction < 2 µm de
16 échantillons d’horizons de surface et de profondeur: la valeur
moyenne est de 18,4 mg/kg, variant entre 17,3 et 19,1 mg/kg.
Elles concordent avec des données géochimiques rapportées
par Kabata Pendias (2011) pour des matériaux argileux (1015 mg/kg) et des sols limoneux (5-20 mg/kg). Les différentes
étapes de cette validation sont présentées dans le tableau 4.
L’équivalence calculée de la perte en scandium provoqué
par la migration d’argile (rapport des bilans de SSc et SA) par
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
113
Tableau 4 - Paramètres et calculs de stocks d’argile (A) et de scandium (Sc) en 1929 et 2014 pour des horizons de surface de 3 parcelles
sous fertilisation sodique. L’équivalence entre le stock d’argile (SA) et le stock de scandium (SSc) est calculée avec Sc = 18,4 mg/kg pour
l’argile (n = 16, écart type = 0,37).
Table 4 - Parameters and calculated scandium (Sc) and clay (< 2 µm fractions) stocks in 1929 and 2014 in surface horizons of 3 plots
receiving sodium-based fertilizers. Equivalent clay- and scandium stocks were calculated with Sc = 18.4 mg/kg for pure clay samples
(n = 16, sd = 0.37).
1929
Parcelles fertilisées 2014
unité
témoin
Nitrate de soude (4)
Sylvinite (29)
Sylvinite (36)
ρ(L)
kg/m
1 300
1540
1590
1570
A
g/kg
189
134
152
146
Sc
mg/kg
5,481
4,602
4,911
4,906
Δept
m
-
0,048
0,057
0,053
ρ(E)
kg/m3
1580
3
-
-
-
SA
SSc
SA
SSc
SA
SSc
kg/m²
mg/m²
kg/m²
mg/m²
kg/m²
mg/m²
S1929
61,3
1781
61,3
1781
61,3
1781
S2014
51,6
1772
60,4
1952
57,3
1926
SΔept
14,3
416
16,7
486
15,8
459
Sar
2,4
76
2,5
78
2,5
78
-21,6
-349
-15,1
-237
-17,3
-236
Bilan : (S2014- SΔept+ Sar)- S1929
Équivalence A - Sc
16,2
rapport à la valeur mesuré de Sc dans l’argile (18,4 mg/kg)
montre un écart maximal d’environ 25 % pour le traitement
sylvinite. Pour le traitement NaNO3, où la perte en argile
en 2014 est la plus importante (134 g/kg en 2014), l’écart
est seulement de 12 %. Compte tenu des estimations de
certains paramètres, en début et durant les 85 années de
l’expérimentation, ces résultats apparaissent satisfaisants
pour valider notre approche de calcul des bilans. NB. Si
l’extrapolation des teneurs en Sc pour 100 % d’argile indique
environ 30 mg/kg, ce résultat traduit la présence d’une quantité
notable de Sc dans les limons, inclus dans les phyllosilicates
primaires (chlorites et micas).
Evolution des stocks dans les parcelles
témoins et significativité des bilans 1929-2014
Le tableau 5 présente les stocks moyens d’éléments, les
valeurs minimales et maximales dans l’horizon de surface
(25 cm) en 1929 et 2014. Les résultats montrent l’ampleur des
évolutions géochimiques intervenues depuis 1928 dans les sols
nus, sous le seul effet de la minéralisation d’une partie des MO
et des conditions climatiques. La significativité des différences
15,7
13,6
de stocks entre 1929 et 2014 est évaluée par le test Wilcoxon
apparié.
Parmi les éléments majeurs, les changements les plus
significatifs dans les stocks concernent les pertes en Ca et Mg
et l’enrichissement en Na. Après 85 ans d’exposition aux agents
climatiques, la perte en calcium (tableau 5) s’élève à environ 12
tonnes à l’hectare, contre environ 500 kg/ha pour Mg. En 1929,
le calcium occupait 88,8 % de la CEC et le magnésium environ
10 % (Burgevin et Hénin, 1939), contre 60-70 % et 8-9 % pour
Ca et Mg, respectivement en 2014. La CEC dans les parcelles
« témoins » a aujourd’hui diminué de près de 50 % par rapport à
1929 et l’aluminium échangeable occupe jusqu’à 25 % de la CEC
(van Oort et al., 2016). En exprimant le Caéch (cmol+/kg) en g de
Ca (x 0,02005), la perte entre 1929 et 2014 représente environ 60
à 80 % de la perte totale de Ca. Ces données indiquent qu’en
plus de la désaturation de la CEC, l’altération de constituants
minéraux, comme les feldspaths calciques, entraine une perte
significative de Ca, de plusieurs tonnes par ha.
Quant aux éléments en trace, le tableau 5 montre des
enrichissements notables et très significatifs (p < 0,01) entre 1929
et 2014 pour six d’entre eux (Cd, Co, Cr, Zn, Pb, Mo) dans les
parcelles « témoins ». En absence d’intrants fertilisants, ces
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
114
F. van Oort et al.
Tableau 5 - Valeurs médianes, minimales et maximales de l’intervalle à 95 % des stocks d’éléments majeurs et en trace dans l’horizon
de surface (0-25 cm) calculés dans les parcelles « témoins » en 1929 et 2014. Calculs réalisées avec une masse volumique de
1 300 kg/m3 pour 1929, et une valeur moyenne de 1 460 kg/m3 (± 33, n=8) pour 2014. La significativité des différences est évaluée par
le test de Wilcoxon apparié. Le bilan présente l’ordre de grandeur des évolutions géochimiques significatives, exprimés en tonne, kg
ou g par hectare. ** significatif à 99 %, ns : non-significatif.
Table 5 - Stocks and budget of major- and trace elements in the 0-25-cm surface layer of reference plots in 1929 and 2014, and
significance (Sign.) of their differences assessed by the paired Wilcoxon test. Estimations using a bulk density of 1 300 kg/m3 for 1929,
et a mean value of 1 460 kg/m3 (± 33, n=8) for 2014. The right-hand column presents orders of magnitude of significant geochemical
changes expressed as mass per hectare. ** significant at 99 %, ns : not significant.
1929
2014
Wilcoxon apparié
éléments majeur (g/m²)
médiane
min
max
médiane
Pvalue
min
Sign.
Bilan
(masse/ha)
max
Ca
2069
1944
2344
876
774
938
0,00781
**
-12 t/ha
Mg
918
863
974
862
843
915
0,00781
**
-0,5 t/ha
K
4250
4156
4410
4331
4248
4452
0,14844
ns
-
Na
1766
1731
1814
1877
1836
1913
0,00781
**
+1 t/ha
358
314
383
361*
314
428
0,64063
ns
-
Al
11823
11504
12186
12006
11012
12481
0,25
ns
-
Fe
5913
5441
6160
6091
5898
6334
0,05468
ns
-
ns
-
P2O5
éléments en trace (mg/m²)
Mn
113923
94830
133626
128719
116025
155485 0,3125
Cd
39,5
34,8
44,2
52,0
44,8
74,8 0,00781
**
+125 g/ha
Co
2062
1790
2324
2492
2307
2682 0,00781
**
+4 kg/ha
Cr
13312
13020
13547
18374
16227
20309 0,00781
**
+50 kg/ha
Cu
6530
6065
7649
6895
5100
8402 0,3125
ns
-
Ni
5328
5075
5590
5285
4987
5614 0,54688
ns
-
Zn
15380
14247
16186
20437
18026
23673 0,00781
**
+50 kg/ha
Pb
16753
12829
954
25856
19597
36583 0,00781
**
+90 kg/ha
Mo
161
147
181
178
162
194 0,00781
**
+170 g/ha
Tl
129
127
132
128
125
132 0,54688
ns
-
As
2583
2411
2775
2539
2398
2673 0,3125
ns
-
U
615
5586
631
593
543
669 0,3125
ns
-
Sc
1781
1705
1857
1743
1668
1845 0,10938
ns
-
* Le P en surface étant majoritairement d’origine extérieure, la correction de stock de P2O5 apporté par le sous-sol a été effectuée sur la base d’une
concentration de 0,06g/100 g, en accord avec des travaux précédents dans les champs expérimentaux de l’Inra (Isambert, 1979) et des travaux en
cours sur horizons profonds des sols des 42 parcelles (données non publiées).
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
enrichissements témoignent d’apports substantiels d’éléments
métalliques en 85 ans par retombées atmosphériques diffuses:
environ 90, 50, 50 et 4,5 kg/ha de Pb, Zn, Cr et Co, respectivement,
et environ 125 et 170 g/ha de Cd et Mo, respectivement. Des
apports en ces éléments par dépôt atmosphérique sont
largement rapportés dans le monde (Alloway, 2013; Ma et Hooda,
2010). En France, un inventaire de dix éléments en trace entrant
dans les sols agricoles distingue la part attribuée aux dépôts
atmosphériques (Belon et al., 2012). Si les apports de Zn, Pb et
Cd sont bien identifiés dans cet inventaire, des enrichissements
de Cu, Ni et As, qui y figurent également, ne sont pas significatifs
dans les parcelles « témoins ». Ceci peut s’expliquer par des
« contaminations » localisées (cf. figure 7), masquant ainsi un effet
général d’enrichissement. Enfin, dans un travail récent mené en
Ile de France sur la composition en éléments métalliques de sols
de forêts et de gazons en région Parisienne (Foti et al., 2017),
seuls les dépôts atmosphériques de Zn, Cu, Pb et Cd ont été
identifiés, mais pas de Cr.
L’ampleur des apports diffus atmosphériques peut
surprendre: la somme des micropolluants métalliques
[Pb+Zn+Cr+Co] incorporés en 85 ans dans l’horizon de surface
115
dans la région de Versailles s’élève à près de 200 kg/ha, c'està-dire plus de 2 kg/ha/an. De telles retombées atmosphériques
sont largement supérieures aux valeurs moyennes de retombées
atmosphériques mentionnées pour les sols français (Belon et al.,
2012). Mais en région péri-urbaine, les dépôts atmosphériques
peuvent être très largement supérieurs aux valeurs nationales:
pour le plomb, Saby et al. (2006) estiment le stock d’origine
anthropique dans la région de Versailles à 15-20 g/m², c’est-àdire 150 à 200 kg/ha. Notons que le site de l’Inra de Versailles se
situe à ≈200 m de la RN 10, une route à fort trafic. Cependant,
des études précédentes (Semlali et al., 2004) ont montré, sur
la base des compositions isotopiques du Pb, que plus de la
moitié du stock actuel de Pb d’origine exogène correspondrait
à une activité anthropique historique d’avant le XXe siècle et
probablement d’avant l’ère industrielle (Shotyk et al., 1988).
Un apport moyen de plomb dans les sols de Versailles
de près de 1 kg/ha/an peut être comparé à des estimations
de flux rapportées par d’autres études menées en région
parisienne: par exemple 0,36 kg/ha/an mesuré en 1988 (Granier
et al., 1991), 0,1 kg/ha/an mesuré dans la période 1994-1995,
puis diminuant d’un facteur de 5 de 0,1 à 0,02 kg/ha/an dans les
Figure 7 - Cartographie des
concentrations totales en
Zn, Cu et Ni dans la couche
0-25 cm des 42 parcelles,
révélant des contaminations
localisées (traits pointillés) le
long de la route et de la serre
à gauche (cf. figure 2).
a) rappel de la disposition
des 42 parcelles ;
b) carte de Zn ;
c) carte de Cu ; d) carte de Ni.
Figure 7 - Mapping of total
concentrations of Zn, Cu and
Ni in the 0-25 surface layer
of the 42 plots, revealing
localized contamination
effects (dotted lines) along
the road and the greenhouse
(cf. figure 2). a) reminder of
plot display ; b) Zn-map ;
c) Cu-map ; d) Ni-map.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
116
F. van Oort et al.
années 2000 (Azimi et al., 2003). Cette forte diminution des flux
atmosphériques de plomb est en grande partie attribuée aux
réductions drastiques des émissions de Pb par l’installation de
filtres dans les cheminées d’usines et d’incinérateurs, et surtout
de l’interdiction progressive du Pb comme agent antidétonant
dans les carburants. L’essentiel des apports de Pb par retombées
atmosphériques se situe donc dans une période antérieure aux
années 1990, notamment vers 1965-1975 (Semlali et al., 2004).
Durant cette période, les flux étaient de 8 à 10 fois supérieurs à
ceux mesurés dans la période 1990-2000, et pouvaient atteindre
plusieurs kg/ha/an. Des réductions de flux atmosphériques d’un
facteur 2 entre 1994-1995 et 1999-2000 ont été rapportées pour
d’autres éléments métalliques, comme Cu et Cd (Azimi et al.,
2003). Dans cette perspective, l’apport de 95 kg/ha de Pb par
dépôts atmosphériques depuis 1929 paraît donc raisonnable, et
si on y ajoute une partie équivalente apportée avant cette date,
on est proche de l’ordre de grandeur de l’estimation de 150 à
200 kg/ha de plomb d’origine anthropique mentionnée par Saby
et al. (2006).
Les apports annuels par retombées atmosphériques en Cd,
Zn et Pb, enregistrés dans les 42 parcelles de Versailles sur la
période 1928-2014 (≈ 0,150, 60, et 110 mg/m²/an, respectivement)
ont été comparés avec ceux rapportés pour le dispositif
Dehérain de Grignon (Baize et Bourgeois, 2005) sur la période
1938-1999 (0,67 - 20 - 65 mg/m²/an, respectivement). Pour ces
auteurs, les valeurs inférieures mesurées en Zn et Pb à Grignon
s’expliquent par la situation péri-urbaine de Versailles, d’où des
retombées atmosphériques plus grandes, alors que Grignon est
en zone plus rurale. En revanche, les estimations de retombées
atmosphériques de Cd sont environ 4 fois inférieures à Versailles.
Ceci peut s’expliquer par une lixiviation accrue de Cd dans des
conditions nettement plus acides des sols à Versailles (pH de
4,5-5, contre 8,2 à Grignon, Baize et Bourgeois, 2005). L’absence
de différence significative dans le bilan des stocks entre deux
périodes ne signifie donc pas toujours l’absence d’apport ou
de perte d’éléments dans l’horizon de surface. Comme évoqué
pour le cadmium dans le traitement phosphate d’ammoniaque
(figure 6a), les apports et les pertes peuvent éventuellement se
compenser.
Bilan des apports et des pertes d’éléments
dans les parcelles fertilisées
En raison du plan expérimental, limitant à deux le nombre
de répétitions des traitements fertilisants, l’évaluation statistique
des bilans d’éléments n’est pas pertinente. Compte tenu de
la différence de densité apparente des sols en fonction des
traitements, parfois même au sein des groupes définis dans
le tableau 1, nous avons calculé les stocks en regroupant les
mêmes types de traitements avec des densités apparentes
comparables (tableau 6). De plus, les parcelles situées le long de
la route ont été éliminées du fait de possibles contaminations
évoquées ci-dessus. Les bilans des apports ou des pertes,
attribués à l’action des traitements fertilisants, sont comparés à
l’intervalle de confiance à 95 % du bilan d’évolution des stocks
dans les parcelles « témoins » (figures 8-10): pour les éléments
Tableau 6 - Intitulé, code couleur, nature des traitements, identification et nombre de parcelles pour le calcul des bilans d’éléments
majeurs et en trace.
Table 6 - Designation, colour-code, nature of treatments ; identification and number of plots for budgeting major and trace elements.
Mv (kg/m3)
n
2, 6, 7, 15
1390
4
(NH4)2HPO4
3, 14,
1350
2
sang
sang désseché
8, 18
1270
2
Na
NaNO3
4, 17
1520
2
Na+K
(Na,K)Cl (sylvinite)
29, 36
1580
2
K
KCl, K2SO4,
23, 25, 37
1480
3
CaNO3
Ca(NO3)2 (nitrate de chaux
5, 16
1490
2
fumier
fumier de cheval
10, 12
960
2
scories
scories de déphosphoration
24, 35
1360
2
P-naturel
phosphate naturel
28, 33
1530
2
super-P
superphosphate
27, 38
1470
2
basiques
CaO, CaCO3
26, 31, 39
1270
3
Intitulé / Code couleur
fertilisant / amendement
N° parcelles
acides
(NH4)2SO4, NH4NO3, NH4Cl
NH4-P
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
117
Figure 8 - Bilans d’évolution des stocks d’éléments majeurs entre 1929 et 2014 dans l’horizon 0-25 cm des sols de parcelles fertilisées.
Pour comparer facilement l’ampleur des évolutions géochimiques, les bilans sont exprimés en kg/ha pour les éléments. Le code
couleur suit le regroupement des traitements du tableau 6. Les traits pointillés représentent les valeurs maximales (T+) et minimales (T-)
de l’intervalle de confiance à 95 % (en grisé) des bilans de l’élément calculés dans les parcelles « témoins ». a) calcium ; b) magnésium ;
c) potassium ; d) sodium ; e) phosphore ; f) fer.
Figure 8 - Net budgets for stocks of major elements between 1929 and 2014 in the 0-25 layer of fertilized plots. The colour code is
according table 6 ; Dotted lines represent the maximum (T+) and minimum values (T-) of the 95 % confidence interval (grey tones) of the
element budget calculated in the reference plots. a) Ca ; b) Mg ; c) K ; d) Na ; e) P2O5 ; f) Fe.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
118
F. van Oort et al.
Tableau 7 - Bilans nets de stocks d’éléments dans les parcelles fertilisées, calculés par rapport à l’intervalle de confiance à 95 % des
bilans dans les parcelles « témoins ». Les éléments notés * indiquent des évolutions significatives de leurs stocks dans les parcelles
« témoins » entre 1929 et 2014 (cf. tableau 5).
Table 7 - Element budgets in soils under different fertilizers and amendments, calculated as the gain or loss with respect to the 95 %
significance level of element budgets in the reference plots. The elements noted with * signify that their stock changed significantly
between 1929 and 2014 (table 5).
Ca*
Mg*
K
Na*
P2O5
Al
Fe
Mn
Zn*
Pb*
t/ha
t/ha
t/ha
t/ha
t/ha
kg/ha
kg/ha
kg/ha
-20
Traitement
n
t/ha
t/ha
acides
4
-3,3
-0,3
+0,7
+1,3
-600
P-NH3
2
-2,7
-1,7
+14,5
+0,3
-575
sang
2
-2
+0,6
+3,2
-550
Na
2
Na/K
2
K
3
CaNO3
2
fumier
2
+30
+0,3
scories
2
+20
+1,5
P-naturel
2
+15,5
+11,5
super-P
2
+4
+6
basiques
3
+36
+1
Cd*
Co*
Cr*
Cu
Ni
Mo*
Tl
As
U*
Sc
kg/ha
kg/ha
kg/ha
g/ha
g/ha
kg/ha
kg/ha
kg/ha
-1,2
-0,7
+1,1
-13
-8
-0,7
-0,7
+4
+0,9
-6
-5,5
-2
-0,5
+5
-2
-2,4
+2,5
-2,6
+2
-2,1
-10
-5,5
+6
+9
-2,8
+5
+12
+100
+1950
-4,2
-30
-20
Traitement
n
g/ha
kg/ha
acides
4
-450
-8
-13
P-NH3
2
-35
-7
-21,5
+120
+1,3
sang
2
-350
-6
-9
+50
+3,2
+0,7
Na
2
-9,3
-6,5
-150
-1,9
-2,2
Na/K
2
-5,5
-5,5
-60
-2,8
-2,3
K
3
-50
CaNO3
2
-120
fumier
2
+310
scories
2
+50
P-naturel
2
+1 050
-9,5
super-P
2
+650
-9
basiques
3
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
-10
-5
+1,7
+0,4
+4,2
-100
-1
+1,5
-2
-0,7
-16
+15
+2,5
+105
-9
+4
+140
+0,9
-85
-0,7
-3
+2
+4
+0,9
+65
-300
+70
-3,6
+1,9
+7,5
+3,1
-1
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
dont les stocks ont significativement évolué entre 1929 et 2014
dans les parcelles « témoins » (tableau 7), les apports ou pertes
correspondent à la différence par rapport aux valeurs maximales
(T+) ou minimales (T-) de l’intervalle de confiance à 95 % de la
valeur médiane, calculés par les test « wilcox.test » dans R. En
revanche, pour les éléments dont le bilan est non-significatif
dans les parcelles « témoins », les bilans calculés de gain ou de
perte sont attribués à l’action propre des traitements fertilisants.
La variabilité des résultats de bilan au sein d’un même groupe
de traitement reste assez limitée, en partie à cause des
différences simultanées de masse volumique, la profondeur
d’approfondissement/surélévation de l’horizon de surface et la
concentration de l’élément entre deux répétitions. Ainsi, pour Ca,
la variabilité maximale au sein de chaque groupe est de moins de
10 % et est majoritairement comprise entre 1 et 5 % Pour Zn, la
variabilité s’étale entre environ 5 à 20 %.
Les éléments majeurs
Les forts enrichissements en éléments majeurs, comme
K, P et Ca (figure 8) répondent logiquement aux fertilisations et
amendements associés, mais pas toujours. Les bilans négatifs
coïncident généralement avec des conditions physicochimiques
particulières, induites par les traitements. Pour un même
élément, les écarts de bilan dans l’ensemble des traitements
peuvent atteindre des tonnes, voire plusieurs dizaines de tonnes
à l’hectare. Ainsi, d’une parcelle à l’autre, et selon le traitement,
la composition géochimique dans l’horizon de surface peut
varier de 4 kg/m² pour Ca, 2 kg/m² pour Fe, 1,5 kg/m² pour P2O5,
et de 0,3 à 0,5 kg/m² pour Mg, Na et K. Notons enfin que les
différences significatives à 95 % notées pour les concentrations
de Mg, K et Na (tableau 3) sont significatives à 99 % en stocks
(tableau 5), mais dans le cas du fer, la différence de stock n’est
pas significative (tableau 3, 5).
Calcium. Les apports les plus importants de Ca sont
observés pour les amendements basiques (25 t/ha), et de fumier
(près de 20 t/ha). Théoriquement, les amendements basiques,
à raison de 1000 kg de CaO/ha/an ont introduit près de +60 t/ha
en 85 ans. Par rapport aux valeurs des parcelles « témoins »,
appauvris en calcium, les différences de bilan atteignent plus
de 30 t/ha (figure 8a). Les scories et le phosphate naturel
apportent également des quantités notables de Ca, 8 et 4 t/ha
respectivement. Par contre, des pertes importantes sont notées
dans les traitements « monovalents » et, plus surprenant,
sous fertilisation de nitrate de calcium. Pour ce dernier, le
sol de limon sans végétation, pauvre en MOS et avec une
faible CEC, semble favoriser une lixiviation rapide du calcium
et des nitrates, produisant ainsi des conditions finalement
assez proches de celles des parcelles « témoins ». Dans les
traitements « acides », les bilans atteignent -16 t/ha, c’est-à-dire
une perte supérieure de près de -4 t/ha par rapport à celles
calculées dans les parcelles « témoins ». Enfin, sous fertilisation
avec du superphosphate, le bilan négatif de Ca, -8 t/ha, est
119
moins important que celui des parcelles « témoins ». Ceci
indique que l’apport de Ca par l’engrais compense en partie la
perte par lixiviation.
Magnésium. Pour Mg, un élément non-ciblé dans les
traitements fertilisants, deux sources d’apports se distinguent
nettement par rapport aux valeurs T+ et T- des parcelles
« témoins » (figure 8b): les scories de déphosphoration (+ 1,5 t/ha)
et les amendements de chaulage (+ 1 t/ha). Sous amendement
de « fumier », le bilan est également positif (+0,3 t/ha) par rapport
aux parcelles témoins (tableau 7). Dans le traitement phosphate
d’ammoniaque, la perte atteint -1,7 t/ha par rapport à T-. Enfin,
dans les traitements monovalents, les bilans sont de -1,2, -0,7
et -0,5 t/ha pour les engrais -Na, -(Na+K) et -K, respectivement.
Cet ordre décroissant en fonction de la proportion de Na sur le
complexe d’échange (van Oort et al., 2016) corrobore la perte de
Mg en lien avec le lessivage d’argile.
Potassium et sodium. Après 85 ans d’expérimentation,
la fertilisation potassique, à raison de 250 kg de K2O/an/ha
représente un apport théorique de +8,8 t/ha de K. Pour la
fertilisation potassique (figure 8c), des enrichissements distincts
s’observent logiquement: +5 t/ha pour les engrais à base de K
seul et +3,5 t/ha pour l’engrais mixte Na+K. Le fumier apporte
environ 2 t/ha et le traitement CaNO3 près de 2,5 t/ha. Par contre,
le bilan est négatif pour le traitement NaNO3 (- 500 kg/ha). Pour Na
(figure 8d), des apports notablement supérieurs à l’augmentation
dans les parcelles « témoins » +1,5 et +1 t/ha s’observent sous
NaNO3 et sylvinite, respectivement, et des pertes de -2,6 et -2,1 t/
ha sous CaNO3 et fumier, respectivement.
Phosphore. La fertilisation phosphatée à raison de 200 kg
de P2O5/an/ha représente un apport théorique de +17 t/ha en 85
ans. Les bilans en P2O5 en 2014 montrent des enrichissements
de +11,5 t/ha pour le phosphate naturel, +9 t/ha pour les scories,
et +6 t/ha pour le superphosphate (figure 8e). Ces bilans indiquent
que des quantités considérables de phosphore, de 15 à 65 %,
ont migré en profondeur à partir de l’horizon de surface. Dans les
parcelles acides, fertilisées avec le phosphate d’ammoniaque,
à raison d’un apport d’azote équivalent à 150 kg N/ha/an,
l’apport de P2O5 en 85 ans atteint près de 28 t/ha. Le bilan de
+14,5 t/ha indique une perte de près de la moitié du P, malgré
l’omniprésence d’aluminium et/ou fer favorisant la formation
phosphates d’Al ou de Fe, très peu mobiles (Bolt et Bruggenwert,
1978; Sposito, 1989) et malgré les charges anioniques favorables
à des interactions entre le phosphate et des oxydes. Les effets
de l’aluminisation et de la CEA peuvent également être invoqués
dans les autres parcelles « acides » où les bilans de P2O5 sont
positifs, de +600 à +700 kg/ha (tableau 7).
Fer et aluminium. L‘amendement avec des scories de
déphosphoration a apporté environ +12 t/ha de Fe par rapport
à la valeur de T+ des parcelles témoins. L’explication d’un
enrichissement relatif en fer dans les traitements acides (figure 8f)
doit être recherchée dans sa libération par dissolution partielle
des argiles, mais aussi de phyllosilicates primaires présents
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
120
dans les limons. L’hypothèse d’une telle altération des limons
fins qui alimenterait la fraction argileuse dans les sols acides a
été proposée par van Oort et al. (2016) pour expliquer le maintien
des teneurs en argiles dans les parcelles « acides » malgré les
pH faibles (< 3,5). Des pertes importantes en Fe s’observent
pour les engrais monovalents: près de -8, -5,5 et -2,5 t/ha pour
les engrais -Na, -(Na+K) et -K, respectivement, indiquant un lien
avec le lessivage d’argile. D’autres pertes importantes en Fe sont
notées en cas d’apport de fumier et de phosphate naturel. Pour
Al, l’apport de scories montre un bilan positif de +5 t/ha (tableau 7)
dépassant légèrement les valeurs des parcelles témoins. Les
parcelles « monovalents » présentent des bilans négatifs, avec un
ordre décroissant de pertes pour les traitements: Na > (Na+K) > K,
comme déjà observé pour le fer. Le traitement « fumier » conduit
également à une perte d’Al (tableau 7).
Les éléments en trace
Cadmium. En 85 ans, les engrais phosphatés ont apporté
des quantités considérables de Cd, en plus des apports diffus
par retombées atmosphériques: environ +1 kg/ha avec le
phosphate naturel, +0,6 kg/ha avec le superphosphate mais
seulement +50 g/ha avec les scories (figure 9a). Ces valeurs
représentent environ le double des apports de Cd attribués
aux engrais phosphatés: de +3 à +7 g/ha/an (Chassin et al.,
1996), soit +250 à +600 g/ha en 85 ans. Ceci peut s’expliquer,
entre autres, par le schéma expérimental du dispositif des 42
parcelles, fixant les apports d’engrais à des doses « de l’ordre
du double de celles qui sont employées en culture intensive »
(Burgevin et Henin, 1939). Le fumier représente une autre
source non négligeable de cadmium: +300 g/ha. Les bilans
sont négatifs dans les traitements acides, atteignant -450 g/ha
pour les traitements ammoniacaux (sulfate, chlorure, nitrate) et 350 g/ha pour le sang séché (tableau 7). Le traitement « CaNO3 »
montre également une perte en Cd, de -120 g/ha. Enfin, dans le
traitement phosphate d’ammonium, le bilan des stocks de Cd
est en apparence faiblement positif (+30 g/ha) mais inférieur aux
valeurs minimales du dépôt atmosphérique calculé dans les
parcelles « témoins » (T- = -65 g/ha); d’où un bilan net des apports
et pertes de Cd de -35 g/ha (tableau 7).
Uranium. L‘apport d’uranium est distinctement lié à la
fertilisation phosphatée (figure 9b), totalisant environ +4, +3
et +2 kg/ha en 85 ans (tableau 7) pour les engrais phosphate
d’ammoniaque, super phosphate et phosphate naturel,
respectivement. Dans les autres traitements, les bilans se situent
dans l’intervalle de confiance des parcelles témoins ou très
proches de celui-ci.
Manganèse. Les scories de déphosphoration apportent
environ +2 t/ha de Mn (tableau 7). En condition acide, le manganèse
est mobile: la forme oxyde MnO2 évolue par réduction vers la
forme ionique Mn2+, notamment en absence de MO (Alloway,
2013). La perte en Mn dans la couche de surface des sols des
parcelles « acides » s’élève à environ -500 à -600 kg/ha (figure 9c).
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
F. van Oort et al.
Chrome. Dans le bilan du Cr, l’apport par les scories
représente près de 100 kg/ha, le double de l’apport de chrome
par retombées atmosphériques, estimé à +50 kg/ha (tableau 5).
En revanche, contrairement à Mn, les bilans de Cr dans les
parcelles « acides » ne montrent pas de pertes (figure 9d).
La prédominance de Cr(III) dans les sols bien drainés (Ma et
Hooda, 2010) rend le chrome peu mobile dans la plupart des
sols, et explique l’absence de lixiviation. Dans les parcelles
« monovalents » sodiques, on observe des pertes en Cr par
rapport aux valeurs calculées pour les parcelles « témoins »:
environ -9 kg/ha pour l’engrais NaNO3, et -5,5 kg/ha pour la
sylvinite (tableau 7). Cela indique une migration de Cr en lien avec
le lessivage d’argile. Enfin, dans les parcelles « fumier » le bilan
de Cr montre une perte de -16 kg/ha qui suggère une migration
associée à des colloïdes organiques.
Cobalt. Les bilans de Co montrent une perte importante
dans les parcelles « acides » qui, en tenant compte des
retombées atmosphériques en Co, atteint -6 à -8 kg/ha
(figure 9e). La lixiviation sous forme Co2+ pour des valeurs de pH
< 5,5 est fréquemment mentionnée (Ma et Hooda, 2010). Dans
les parcelles « fumier », les calculs du bilan indiquent une perte
de -2 kg/ha par rapport à T- des parcelles « témoins ». Dans
les autres parcelles, les valeurs sont semblables à celles des
parcelles « témoins ».
Nickel. Les bilans de Ni sont très variables selon les
traitements: positifs pour les scories, le chaulage, le fumier
et super phosphate, négatifs pour les parcelles « acides » et
« monovalents » (figure 9f). Dans les sols acides, la perte est
la plus importante pour le traitement phosphate d’ammonium,
sans doute du fait d’une affinité plus grande des phosphates
pour le Co2+ (figure 9e) par rapport à Ni2+. Dans les parcelles
« monovalents », des pertes en Ni varient de -6,5 à -5 kg/ha selon
l’ordre des traitements suivant: Na > (Na+K) > K. Ceci indique
le lien avec le lessivage d’argile, en accord avec la localisation
privilégiée du Ni dans la structure des minéraux aluminosilicatés
(Ma et Hooda, 2010).
Zinc et cuivre. L’amendement des sols par le fumier constitue
une source importante d’apport de Zn (figure 10a), environ 100 kg/
ha de plus que la valeur maximale de l’intervalle de confiance des
retombées atmosphériques pour les parcelles « témoins » (T+ =
70 kg/ha). Dans les parcelles ammoniacales acides, la perte de
Zn par rapport aux retombées atmosphériques est de -20 kg/ha.
On note l’absence de perte de Zn dans les traitements acides
« phosphate d’ammoniaque » (fixation de Zn par le phosphate) et
« sang séché » (présence de Zn comme oligoélément). De faibles
pertes de Zn sont observées dans les parcelles « monovalents »
potassiques (tableau 7). Le bilan positif de Cu dans les parcelles
« fumier » dépasse les valeurs de l’intervalle de confiance des
parcelles « témoins » (tableau 4) et illustre la forte affinité de Cu
pour les MOS (Sebastia et al., 2008; Flores-Velez et al., 1996).
Rappelons que l’interprétation des bilans pour le cuivre est
délicate à cause d’une contamination locale suspectée (figure 7),
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
121
Figure 9 - Bilans d’évolution des stocks d’éléments en trace entre 1929 et 2014 dans l’horizon 0-25 cm des sols de parcelles
fertilisées. Les détails de présentation sont précisés dans la légende de la figure 8. a) cadmium ; b) uranium ; c) manganèse ;
d) chrome ; e) cobalt ; f) nickel.
Figure 9 - Net budgets for stocks of trace elements between 1929 and 2014 in the 0-25 layer of fertilized plots. More details of
presentation are given in the legend of figure 8. a) Cd ; b) U ; c) Mn ; d) Cr ; e) Co ; f) Ni.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
122
F. van Oort et al.
Figure 10 - Bilans nets des stocks d’éléments en trace entre 1929 et 2014 dans l’horizon 0-25 cm des sols de parcelles fertilisées.
Les détails de présentation sont précisés dans la légende de la figure 8. a) zinc ; b) plomb ; c) molybdène ; d) thallium ; e) arsenic ;
f) scandium.
Figure 10 - Net budgets for stocks of trace elements between 1929 and 2014 in the 0-25 layer of fertilized plots. More details of
presentation are given in the legend of figure 8. a) Zn ; b) Pb ; c) Mo ; d) Tl ; e) As ; f) Sc.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
attribuée aux travaux d’ombrage des serres, qui affecte surtout
la partie gauche du dispositif (traitements azotés).
Plomb. Malgré une grande variabilité des bilans de Pb
pour les différents traitements (figure 10b), ils se situent
presque tous dans l’intervalle de confiance des retombées
atmosphériques des parcelles « témoins » (+50 à +136 kg/ha).
Des pertes en Pb de -30 et -20 kg/ha sont notées pour les
traitements « phosphate naturel » et « super phosphate »,
respectivement. Elles témoignent de la forte affinité du plomb
pour les phosphates dans les sols (Fendorf et al., 2004 ;
Cotter-Howells, 1996) et son entraînement vers la profondeur,
associé à des phosphates, sous forme colloïdale (Rodier et
Robert, 1995) ou particulaire (lessivage de poussières de
taille limoneuse et formation de revêtements de poussières).
Ce dernier type de transfert de matières fines est typique
dans des sols à faible stabilité structurale (Stoops et al.,
2010), comme c’est le cas dans les sols limoneux travaillé du
dispositif des 42 parcelles, pauvres en MOS.
Molybdène. L’apport de fumier constitue une source de
Mo (figure 10c), un oligoélément pour les végétaux: +140 g/ha
s’ajoutant aux retombées atmosphériques (tableaux 5, 7). Une
perte de -100 g/ha est notée dans les parcelles potassiques.
Dans les parcelles chaulées, le bilan de Mo est négatif,
-400 g/ha, malgré les apports diffus, et s’explique par la forme
d’anion molybdate (MoO4)2- dont la mobilité augmente en milieu
alcalin (Evans et Barabash, 2010).
Thallium. Des enrichissements distincts en Tl sont observés
pour le phosphate d’ammoniaque, le super phosphate, les
amendements basiques et le sang séché (figure 10d). Des
pertes notées pour les engrais sodiques évoquent un lien avec le
lessivage d’argile. Sur une population de 244 horizons de surface
de sols en France, Baize (1997) note également une tendance
positive pour la relation Tl/argile. En 85 ans d’expérimentation
dans le dispositif des 42 parcelles, le lessivage accru dans les
parcelles sodiques aurait donc pour résultat une diminution
notable du stock de Tl dans l’horizon de surface. Enfin, la perte
en Tl dans les parcelles « fumier » peut s’expliquer par son affinité
pour les matières organiques (Kabata-Pendias, 2011) et suggère
sa migration sous forme colloïdale.
Arsenic. Les bilans de stocks d’As sont positifs pour
les traitements superphosphate et CaNO3, ainsi que dans
les parcelles « acides », mais négatifs dans les traitements
phosphate naturel, scories et dans les parcelles « monovalents »
sodiques (figure 10e). L’engrais superphosphate semble être
une source notable d’As et produit un enrichissement atteignant
près de +7,5 kg/ha (tableau 4). Par contre, les pertes d’environ
-3,5 kg pour le traitement phosphate naturel, et de -2 à -3 kg/ha
dans les parcelles sodiques suggèrent un lien avec le lessivage
d’argile. Ceci concorde avec la présence importante d’As dans
la fraction < 2 µm des sols (Kabata-Pendias, 2011). En outre,
l’As a également une forte affinité pour les phosphates et peut
donc migrer en profondeur avec ces derniers. Dans les parcelles
123
« acides », la présence d’aluminium « libre » favorise la rétention
d’As (Alloway, 2013).
Scandium. Les bilans de Sc montrent des enrichissements
dans les parcelles « acides » et celles fertilisées avec CaNO3
(figure 10f), tandis que des pertes sont constatées dans les
parcelles « monovalents », notamment dans les traitements
sodiques et phosphate naturel. Compte tenu de la localisation
privilégiée de Sc dans les phyllosilicates (Aide et al., 2009; Horovitz
et al., 1975), les pertes en Sc dans ces parcelles corroborent le
processus de lessivage d’argile; elles devraient se traduire par
des enrichissements en Sc dans l’horizon d’illuviation. Les bilans
positifs de Sc dans la plupart des parcelles « acides » corroborent
également l’hypothèse d’un processus de dissolution minérale
(van Oort et al., 2016), affectant prioritairement des phyllosilicates,
porteurs de scandium. L’altération des phyllosilicates explique
d’une part l’omniprésence de l’aluminium qui sature le complexe
d’échange, et d’autre part l’accumulation relative de scandium,
élément peu mobile dans les sols. Ces résultats confortent les
observations déjà notées ci-dessus pour le fer. Enfin, pour les
éléments Sc, Tl et As, les tendances d’enrichissement dans
les traitements « acides » et de pertes dans les traitements
« monovalents » sont comparables (figures 10d-f) et suggèrent
un lien étroit avec le processus de migration d’argile à partir de
l’horizon de surface.
Sources d’apport et processus régissant
le devenir des éléments
La présentation en ACP des valeurs médianes des bilan
d’éléments (figure 11), ensemble avec les paramètres « argile » et
« pH » comme indicateurs des processus de lessivage d’argile et
de lixiviation en conditions acide (van Oort et al., 2016), permet
de visualiser, sur l’axe 1, l’opposition du taux d’argile et les bilans
des éléments monovalents, notamment Na. Les projections
de bilans de Fe, Al, Sc, Tl et As, étroitement corrélés avec la
diminution de la teneur en argile, sont également en opposition
avec le bilan de Na. Proche de l’axe 2, les bilans de Co, Ni, Mn
et Cd sont corrélés à la diminution de pH. Certains éléments se
situent entre ces deux groupes d’éléments, comme Mg (et dans
une moindre mesure Ni), car leurs pertes dépendent à la fois
du lessivage d’argile et de la lixiviation. Pour d’autres éléments,
les bilans sont influencés par les retombées atmosphériques et
par l’un ou l’autre des processus pédologiques, comme le Zn
par l’acidification et le Cr par le lessivage. Enfin, dans le cas
de Cu et de Pb, aucun lien avec les processus pédologiques
ne se dessine, absence en partie attribuée à la contamination
locale du cuivre (cf. figure 7) ou à l’importance des retombées
atmosphériques en plomb (figure 10b).
Malgré l’objectif initial de l’application continue d’engrais et
d’amendements dans les sols maintenus sans végétation, afin
d’exacerber leur impact sur la composition et les propriétés de
l’horizon de surface (Burgevin et Hénin, 1939), l’évaluation de
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
124
Figure 11 - Projection en ACP des bilans de stocks d’éléments
entre 1929 et 2014 en comparaison avec le pH et le taux
d’argile dans l’horizon 0-25 cm des sols de parcelles fertilisées.
Figure 11 - Projection of budgets of element stocks between
1929 and 2014 by PCA in the 0-25-cm layer of fertilized plots,
combined with the soil pH and the clay content.
F. van Oort et al.
Tableau 8 - Sources d’apport et processus impliqués dans
le devenir d’éléments majeurs et en trace.
Table 8 - Input and loss of major and trace elements : sources
and soil driving processes.
Sources d’apport
Eléments majeurs
Eléments en trace
phosphates
P, Ca
U, Cd, Tl*, As*
phosphate d’ammoniaque
P, N
sang desséché
Fe
Tl, As
scories
Ca, Mg, Fe
Mn, Cr, Ni, Cd
fumier
Ca, P, K, Mg, (C)
Zn, Cd, Mo, Ni*
monovalents
K, Na
chaulage
Ca
Tl, Ni
dépôts atmosphériques
(témoins)
Na
Pb, Zn, Cr, Co,
Mo, Cd
Processus régissant le devenir
acidification et lixiviation
Ca
Mn, Cd, Co, Zn
lessivage d’argile
Fe, Al, Ca*, K*
Sc, As, Tl, Cr*
lixiviation et lessivage
Mg
Ni
alcalinisation
accumulation relative
(traitements acides)
bilans géochimiques sur la période 1929-2014 reste une opération
délicate. Nous avons dressé un inventaire des différents intrants
comme source d’apports d’éléments majeurs et en trace, ainsi
que des principaux processus pédologiques qui contraignent le
devenir des éléments (tableau 8). Hormis l’apport des éléments
majeurs généralement ciblés par les engrais et amendements,
neuf éléments en trace, présents comme impuretés dans ces
intrants, sont également incorporés dans les sols. Certains
éléments sont apportés par plusieurs matières fertilisantes,
comme le Cd et le Tl, présents dans trois types d’intrants
différents. De plus, six éléments en traces sont apportés
en quantités notables par des retombées atmosphériques.
Par ailleurs, sous la contrainte des différents processus
pédologiques qui accompagnent l’action des traitements de
fertilisation, dix éléments en trace migrent en profondeur, en
grande partie par lixiviation, ou associés au lessivage d’argile.
Il est important de souligner les changements de composition
géochimique intervenu dans les parcelles « témoins », l’absence
de d’apport de fertilisants étant initialement retenue comme
traitement de référence. Aujourd’hui, ces parcelles sont témoins
des évolutions pédologiques et géochimiques que les sols ont
subies depuis 1928 sous la seule action des agents climatiques.
Enfin, rappelons que dans les bilans élémentaires, les apports
et les pertes d’éléments peuvent plus ou moins se compenser.
Etude et Gestion des Sols, 24, 2017
Mo
Fe, P*
Sc, As
* source d’apport et/ou processus incertains.
QUELQUES MOTS POUR CONCLURE
Après 85 ans d’expérimentation dans le dispositif des 42
parcelles, afin d’étudier les impacts de l’apport continu d’engrais
et d’amendements sur la composition de l’horizon de surface
d’un Néoluvisol de lœss nu, de forts contrastes géochimiques
sont révélés. La comparaison des concentrations en 2014 avec
celles mesurées sur les parcelles « témoins » de 1929 permet
de dresser un aperçu rapide des apports par les engrais et les
amendements, mais aussi par les retombées atmosphériques,
d’un grand nombre d’éléments majeurs et en trace. Dans
les conditions physicochimiques contrastées induites par
l’expérimentation, les concentrations de nombreux éléments
sont inférieures en 2014 à celles de l’état initial de 1928. En
absence d’exportation par la végétation, ces résultats suggèrent
une migration d’un grand nombre d’éléments en profondeur
depuis l’horizon de surface.
Afin de quantifier les changements de composition
géochimique, des bilans ont été établis pour chaque élément à
partir de leurs stocks calculés pour le début de l’expérience et
pour 2014. Ces bilans tiennent compte à la fois des changements
Évolutions géochimiques en sol nu sous apports de fertilisants
de masse volumique produits par les traitements, des masses
de terre exportées lors des campagnes d’échantillonnage, et par
conséquent d’un effet d’approfondissement ou d’élévation de
l’horizon de surface, où ont lieu depuis 85 ans les prélèvements
d’échantillons à une profondeur constante: 0-25 cm. La similitude
des bilans de scandium et d’argile, testée dans les traitements
sodiques, sous l’hypothèse de la localisation prépondérante de
Sc dans les phyllosilicates a permis de valider notre approche de
calcul des bilans.
Dans les parcelles fertilisées, des bilans nets positifs
d’éléments majeurs par rapport aux parcelles « témoins » ont
été mis en évidence, logiquement pour les éléments ciblés P et
K, mais aussi pour Ca, Mg et Fe, et dans le cas des éléments
en trace pour: Mn, Zn, Cd, Cr, Ni, Mo, U, Tl et As. Le dépôt
atmosphérique d’éléments constitue une deuxième source
d’apport d’éléments, indépendante de l’expérimentation mais
perceptible dans les parcelles « témoins ». Il est à l’origine de
variations significatives des stocks de Na, Pb, Zn, Cr, Co, Mo
et Cd entre 1929 et 2014. La variation de la somme des stocks
des éléments en trace sur une période de 85 ans atteint près de
200 kg/ha. Enfin, comme précisé dans un travail précédent (van
Oort et al., 2016), les changements physicochimiques engendrés
par les traitements fertilisants ont conduit à activer plusieurs
processus pédologiques: acidification, lixiviation, dissolution
minérale, alcalinisation, et à amplifier le processus d’argilluviation.
Ces processus influencent clairement le devenir de plusieurs
éléments majeurs (Ca, Mg, Al, Fe, P, et peut être K) et en trace
(Mn, Cd, Co, Zn, Sc, As, Tl, Mo, et peut-être Cr). Le devenir de
certains éléments est régi par plusieurs processus à la fois. Ainsi,
Mg et Ni semblent migrer par lixiviation en conditions acides, mais
aussi par lessivage d’argile. D’autre part, les pertes de Sc et As
sont liées au lessivage d’argile, mais ces deux éléments semblent
s’accumuler relativement dans les sols très acides, ce que l’on
peut attribuer à la dissolution de minéraux (phyllo)-silicatés. Ainsi
entre des parcelles voisines, des écarts considérables dans les
bilans élémentaires sont observés, résultant des apports massifs
et des pertes importantes. Ces écarts peuvent atteindre jusqu’à
des dizaines de t/ha, par exemple pour Ca entre les parcelles
chaulées et les parcelles « acides », ou pour Fe entre le traitement
« scories » et les parcelles sodiques. Plus surprenant, les écarts
peuvent atteindre plusieurs kg/ha pour les éléments en trace
(comme pour Co entre les traitements « phosphate » et « acides »)
voire une centaine de kg/ha (comme pour Cr entre le traitement
« scories » et l’amendement fumier).
Interpréter l’évolution de la composition géochimique dans
l’horizon de surface des sols sur un pas de temps décennal reste
délicat, même dans le dispositif expérimental des 42 parcelles,
pourtant conduit avec un cahier des charges strict: l’estimation
de certains paramètres initiaux non-mesurés, des apports et
pertes d’éléments qui peuvent partiellement se compenser, voire
s’annuler, et des contaminations locales révélées pour certaines
parcelles. Des études complémentaires sur la chronologie des
125
évolutions pédogéochimiques par l’analyse d’échantillons de
la collection historique, combinée à une étude des horizons
profonds permettront de confirmer, ou d’infirmer, nos résultats
de la campagne de 2014.
REMERCIEMENTS
Nous exprimons notre reconnaissance aux « anciens », toutes
les personnes de la Station Centrale d’Agronomie à l’origine
de l’essai des 42 parcelles, puis successivement des Unités
Agronomie, Science du Sol, et Pessac, pour avoir assuré, depuis
de si nombreuses années, l’entretien du dispositif, les apports
d’engrais et d’amendements, le bêchage, le désherbage, les
prélèvements d’échantillons, leurs préparation, conditionnement
et archivage. Aujourd’hui, à l’Unité EcoSys, ces activités sont
principalement assurées par Sébastien Breuil. Le présent travail
est le fruit de leurs efforts durant toutes ces années depuis
1928. Nous remercions Guy Richard, chef de département
Environnement & Agronomie de l’Inra pour le soutien financier,
permettant de rénover le dispositif en 2013 et d’entreprendre une
vaste campagne analytique des sols des 42 parcelles en 2014.
Ce travail a abouti à la rédaction de deux articles: le présent sur
la composition géochimique et le précédent sur les évolutions
pédologiques. Nous remercions Gilles Collinet pour la relecture de
ce manuscrit et pour ses commentaires pertinents et constructifs.
Enfin, nous remercions Olivier Crouzet et Mickael Hedde pour
leurs contributions à l’analyse statistique des données.
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